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1 Le lundi 7 août 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire].
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 59.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour à tous. Pendant que nous
6 attendons l'arrivée du témoin, j'aimerais vous inviter à nous présenter de
7 nouvelles personnes. Je pense qu'il y a au moins une nouvelle personne dans
8 la salle.
9 Maître Bakrac.
10 M. BAKRAC : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je m'excuse, je ne pense pas qu'il y
12 ait d'interprétation.
13 M. BAKRAC : [interprétation] La Défense du général Lazarevic est assurée
14 par Me Djuro Cepic et il sera maintenant assis dans le prétoire à partir
15 d'aujourd'hui avec moi.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître Bakrac.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Abrahams. Vous
19 savez, bien entendu, que la déclaration solennelle que vous avez prononcée,
20 il y a maintenant plus de trois semaines est toujours valable dans le cadre
21 de votre déposition.
22 LE TÉMOIN: FRED ABRAHAMS [Reprise]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en suis tout à fait conscient.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, veuillez
26 poursuivre votre contre-interrogatoire.
27 M. BAKRAC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
28 Contre-interrogatoire par M. Bakrac : [Suite]
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Abrahams. Je vais reprendre là où
2 nous nous étions interrompus le 15 juillet 2006. A savoir, avant les
3 vacances judiciaires nous avions abordé certaines des conclusions que vous
4 aviez tirées à la suite d'enquêtes dont les conclusions étaient
5 appropriées. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, c'est cela d'après ce dont je me souviens.
7 Q. Monsieur Abrahams, voilà ce qui m'intéresse particulièrement. Est-ce
8 que vous savez combien de personnes chargées de la vérification faisaient
9 partie de la mission de vérification et est-ce que vous savez quand est-ce
10 que ces personnes sont arrivées sur le territoire du Kosovo ?
11 R. Je pense que cela a commencé en octobre 1998; c'est en tout cas à ce
12 moment-là que l'accord fut signé. Je ne sais pas quand est-ce que les
13 premiers observateurs sont arrivés sur le terrain. Bien entendu, il y avait
14 une équipe au Kosovo, il y avait cette équipe appelée le KDOM, la Mission
15 d'observation diplomatique du Kosovo. Et si je ne m'abuse, la mission du
16 MVK était composée de 2 000 observateurs, mais je ne me souviens pas très
17 franchement du chiffre exact.
18 Q. Avant la Mission de vérification du Kosovo, il y avait sur place le
19 KDOM, la Mission des observateurs diplomatiques. Il y avait un certain
20 nombre de personnes, un peu plus d'ailleurs ?
21 R. Qu'entendez-vous par "plus de personnes" ?
22 Q. C'est la question que je vais vous poser. Combien de personnes
23 faisaient partie de la mission du KDOM au Kosovo, est-ce que vous le
24 savez ?
25 R. Non, je ne le sais pas.
26 Q. Monsieur Abrahams, savez-vous que parmi ces 2 000 personnes qui
27 faisaient partie de la mission de vérification, il y avait un grand nombre
28 d'observateurs allemands ?
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1 R. Je ne peux pas vous donner la ventilation suivant les différentes
2 nationalités, mais je pense que les Allemands faisaient partie de cette
3 délégation ou plutôt de cette mission.
4 Q. Conviendrez-vous avec moi, si au vu du nombre d'agents chargés de la
5 vérification que certains ministères des Affaires étrangères de certains
6 pays notamment les pays de l'OTAN, disposaient d'informations pertinentes
7 sur ce qui se passait sur le terrain ?
8 R. Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas ce que savaient les
9 gouvernements à propos de ce qui se passait au Kosovo ou ce que ce qu'ils
10 ne savaient pas.
11 Q. Ce n'est pas vraiment la question que je vous ai posée, je ne vous ai
12 pas demandé ce qu'ils savaient. Je voulais juste savoir si vous conviendrez
13 avec moi que, par l'entremise de ces personnes chargées de faire la
14 vérification, ils pouvaient disposer d'informations pertinentes à propos de
15 ce qui se passait au Kosovo même avant le mois d'octobre 1998, notamment à
16 partir du mois d'octobre 1998 ?
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Abrahams, connaissez-vous les
18 liens entre les personnes chargées de la vérification et les gouvernements
19 des pays d'où étaient originaires les personnes chargées de la
20 vérification ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas véritablement quelle était la
22 nature de ces liens.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin n'est pas en mesure de
24 répondre à votre question, Maître Bakrac.
25 M. BAKRAC : [interprétation]
26 Q. Monsieur Abrahams, en fait --
27 M. BAKRAC : [interprétation] Je souhaiterais que la pièce à conviction PD1
28 soit affichée à l'écran.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela signifie 6D1 ?
2 M. BAKRAC : [interprétation] Non, non, 5D1.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois ce qui est affiché à l'écran,
4 mais où est-ce que cela nous amène, Maître Bakrac ? Qu'essayez-vous de
5 demander au témoin ? Je ne sais pas s'il s'agit d'un témoin qui peut
6 véritablement répondre aux questions auxquelles vous voulez en venir ?
7 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais présenter
8 ces rapports secrets au témoin, il s'agit de rapports des Services secrets
9 pour certains pays et ce contrairement à ce qu'il a indiqué. Ce que
10 j'entends c'est les rapports à partir desquels ont été dressés certains
11 rapports de "Human Rights Watch". Sur la base de ces trois ou quatre
12 missions de 15 jours dans la région, je voulais savoir s'il avait mené à
13 bien ses enquêtes en faisant cavalier seul ou avec d'autres personnes.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends. Poursuivez.
15 M. BAKRAC : [interprétation]
16 Q. Monsieur Abrahams, vous avez un extrait d'un document officiel qui a
17 été obtenu de la part de l'Association internationale des juristes contre
18 l'armement et les armes nucléaires, je vais vous donner lecture de trois
19 décisions brèves. II, il s'agit de rapports, de renseignements secrets
20 émanant du ministère des Affaires étrangères en 1999. Vous voyez qu'il est
21 indiqué que : "Même au Kosovo, une persécution politique précise afférente
22 ou qui vise les personnes d'appartenance ethnique albanaise ne peut pas
23 être reportée dans le cadre du conflit armé. La vie publique dans des
24 villes telles que Pristina, Urosevac, Gnjilani, et cetera, pendant toute la
25 durée du conflit, continue de façon tout à fait normale, les mesures prises
26 par les forces de sécurité ne sont pas dirigées contre les Albanais du
27 Kosovo en tant que groupe d'appartenance ethnique bien défini, mais plutôt
28 contre l'ennemi militaire et les personnes qui les supportent ou qui sont
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1 censées les soutenir."
2 Il s'agit d'une décision du tribunal administratif --
3 L'INTERPRÈTE : Tribunal administratif dont le numéro n'a pas été saisi par
4 l'interprète, car la lecture se fait beaucoup trop rapidement.
5 M. BAKRAC : [interprétation] Vous avez également : "L'avis IV du tribunal
6 administratif de la Bavière en 1998. Il s'agit d'un : "Rapport de l'état
7 d'avancement du ministère de l'Intérieur en date du 6 mai, du 8 juin et du
8 13 juillet 1998, présenté à la personne présentant l'appel et ne permettant
9 pas la possibilité de persécution collective menée contre les Albanais --
10 même s'il s'agit de persécution collective régionale, cela ne peut pas être
11 établi avec certitude."
12 M. STAMP : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une objection mais plutôt
13 d'une demande de précision, Monsieur le Président. Je pense que le conseil
14 de la Défense fait référence à différents extraits de différents documents.
15 Il fait référence à différentes dates et nous avons le document
16 électronique qui ne va pas aussi vite que Me Bakrac. Il pourrait peut-être
17 procéder par étapes, nous donner lecture d'un extrait et voir à quoi il
18 fait référence. C'est tout ce que je demande.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous aurez compris, Me
20 Bakrac. Cela a été bien expliqué.
21 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je suis
22 entièrement d'accord avec l'intervention de mon confrère et je m'excuse,
23 car au début de mon intervention, j'avais dit qu'il s'agissait du
24 paragraphe IV du document pertinent, à savoir l'avis rendu par le tribunal
25 administratif de la Bavière, avis du mois d'octobre 1998. Az : 22 BA
26 94.34252.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons maintenant ledit extrait
28 affiché à l'écran.
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1 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ne pas trop perdre
2 de temps, est-ce que je peux poursuivre ou est-ce que vous voulez que je
3 reprenne ma lecture dès le début ?
4 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
5 M. BAKRAC : [interprétation] "Des actes violents menés par la police et
6 l'armée yougoslave depuis le mois de février 1998 visaient les activités
7 séparatistes et ne sont pas une preuve de la persécution visant tout le
8 groupe d'appartenance ethnique albanaise. Alors ce qui s'est passé depuis
9 le mois de février 1998 représente des mesures triées sur le volet, menées
10 à bien contre les mouvements clandestins militaires, notamment l'UCK et les
11 gens ayant des contacts immédiats avec ce groupe dans les zones
12 d'opération, un programme de persécution visant l'ensemble du groupe
13 ethnique des Albanais n'existe pas maintenant et n'existait pas auparavant.
14 VI, avis du tribunal administratif supérieur de Munster en date du 24
15 février 1999, je cite :
16 "Il n'y a pas de preuve véritable de l'existence d'un programme secret ou
17 d'un consensus tacite mais non exprimé de la part des Serbes visant la
18 liquidation du peuple albanais ou leur expulsion ou de leur persécution, et
19 ce, de façon extrême… Si le pouvoir étatique serbe respecte sa législation,
20 et ce faisant, exerce des pressions sur le groupe d'appartenance ethnique
21 albanaise qui rejette l'Etat et demande un boycott, alors l'orientation
22 objective de ces mesures ne fait pas ou ne s'inscrit pas dans le cadre
23 d'une persécution programmée de ce groupe de la population… Même si l'Etat
24 serbe venait à accepter de façon innocente ou avait même l'intention de
25 viser une partie de cette population qui se trouve dans une situation
26 désespérée ou qui s'oppose à des mesures obligatoires d'émigration, cela ne
27 représente pas un programme de persécution visant l'ensemble de la majorité
28 albanaise " --
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1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent que le document n'est pas affiché
2 sur l'écran.
3 M. BAKRAC : [interprétation] "…et si quelqu'un franchit la frontière, cela
4 ne signifie pas qu'il fait l'objet de persécution. Au contraire" --
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, je pense que le moment
6 est venu de poser une question, maintenant.
7 M. BAKRAC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président, mais
8 accordez-moi juste une minute supplémentaire. Il y a juste une autre
9 décision très brève et je ne vais plus citer.
10 Il s'agit : "Des mois de février et mars 1998 qui ne présentent pas la
11 preuve d'un programme de persécution contre le groupe d'appartenance
12 ethnique. Les mesures prises par les forces serbes armées sont dans un
13 premier temps ou visent dans un premier temps l'UCK ainsi que les personnes
14 qui se rallient à leur cause."
15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer que le texte devrait être lu
16 beaucoup plus lentement.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, les interprètes vous
18 demandent de lire ces passages beaucoup plus lentement parce qu'il ne
19 s'agit pas seulement du compte rendu d'audience en anglais, il y a d'autres
20 langues qui doivent être prises en considération.
21 M. BAKRAC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Il n'y a
22 aucune justification et tout ce que j'essayais de faire, c'est de ne pas
23 perdre trop de temps. Je m'excuse auprès des interprètes. Dois-je répéter
24 ce que j'ai lu jusqu'à présent ou puis-je poursuivre ?
25 La dernière décision, il s'agit du paragraphe VII, qui suit le paragraphe
26 VI, l'opinion du tribunal administratif supérieur de Munster, mars 1999.
27 "Les Albanais d'appartenance ethnique au Kosovo n'ont jamais fait l'objet
28 et ne font pas l'objet maintenant de persécution au sein de la République
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1 fédérale de la Yougoslavie."
2 Il s'agit d'une décision qui porte la date du 11 mars 1999, dix jours avant
3 le début des bombardements de l'OTAN.
4 Q. Monsieur Abrahams, est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous
5 expliquer comment se fait-il que vos rapports sont si différents des
6 rapports des Services secrets du ministère des Affaires étrangères d'un
7 pays aussi sérieux que l'Allemagne ?
8 R. Dans un premier temps, je souhaiterais corriger ce qui d'après moi
9 correspond à une erreur. Vous avez dit que j'avais voyagé ou je m'étais
10 rendu au Kosovo deux ou trois fois pour compiler ces renseignements de
11 notre rapport, ce qui n'est pas exact. Personnellement, je m'y suis rendu
12 cinq fois, au Kosovo, entre le mois de février 1998 et le mois de mars
13 1999. Qui plus est, nous avons mené à bien des recherches intensives au
14 Kosovo et à l'extérieur du Kosovo après le mois de mars 1999. Je voulais
15 que cela soit dit de façon très claire.
16 A propos de ce document, je dirais qu'il m'est extrêmement difficile de
17 présenter un avis sans pour autant prendre connaissance de l'intégralité du
18 texte, sans pour autant connaître le contexte de ce texte et sans pour
19 autant connaître les événements qui étaient présentés dans les instances
20 judiciaires auxquelles vous avez fait référence. Je ne vais pas faire de
21 remarques précises mais je dirais de façon générale que je ne suis pas
22 absolument pas d'accord avec les conclusions présentées dans ces documents.
23 Je crois que comme je l'ai déjà dit à maintes reprises qu'il y avait une
24 campagne systématique menée contre la population albanaise où il n'y avait
25 pas de différence qui était établie entre les combattants et la population
26 civile. Il y a des crimes qui ont été commis contre les combattants tels
27 que des exécutions.
28 Il y a un détail précis qui me revient mais vous avez tellement lu
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1 d'extraits qu'il faudrait que je reprenne tout cela calmement. Mais je suis
2 d'accord lorsqu'il est indiqué qu'il n'y avait pas de conflits dans les
3 grandes villes à partir du mois de janvier 1999, parce qu'à partir de cette
4 période les conflits ont eu lieu dans les zones rurales. Ce n'est que par
5 la suite que les villes et les centres urbains ont été gagnés par le
6 conflit. Cela s'est fait en mars 1999. Mais si vous souhaitez que je
7 réponde à certains détails précis, il faudra que vous alliez moins vite en
8 besogne.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dois vous dire qu'il m'est un tant
10 soit peu difficile de voir qu'il s'agit de décisions que vous avez citées.
11 La dernière décision est un bon exemple car nous avons entre parenthèses
12 les mots "thèse numéro 1." Est-ce que vous avez des exemplaires de ces
13 décisions des tribunaux allemands, exemplaires que vous pourriez donner aux
14 Juges de la Chambre ?
15 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je n'ai pas
16 d'exemplaires pour le moment parce qu'il s'agit de documents que j'ai
17 obtenus récemment, il y a trois ou quatre jours seulement mais ce sont des
18 documents que j'ai obtenus dans le cadre de la procédure. J'ai toutes les
19 cotes et la Défense va essayer d'obtenir toutes ces décisions.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez
21 également nous dire de quel type de document il s'agit ?
22 M. BAKRAC : [interprétation] Il s'agit d'un extrait. Un extrait que
23 l'organisation internationale des juristes contre l'arme nucléaire a
24 compilé, ce à partir d'un certain nombre de décisions judiciaires, de
25 décisions prises par des tribunaux allemands.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela a été compilé par un
27 organisme qui a une orientation bien définie, un programme antinucléaire.
28 Il s'agit en fait d'extraits que vous avez sélectionnés dans des documents
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1 de ces tribunaux, c'est bien de cela dont il s'agit ?
2 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit
3 effectivement d'extraits de décisions judiciaires.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voyez, au vu du contexte, vous
5 avez donc choisi certains passages, je pense qu'il serait extrêmement
6 important que nous puissions prendre connaissance de l'intégralité de ces
7 documents ou dudit document, parce que vous avancez qu'un tribunal allemand
8 a conclu qu'il n'y avait pas de persécution visant la population albanaise.
9 C'est un élément très important dans cette affaire, mais pour le moment
10 donc il s'agit de document dont vous nous présentez des extraits ici et là,
11 cela ne nous amène pas à grand-chose en fait.
12 M. BAKRAC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président, mais
13 ce qui m'intéressait c'est la réponse de ce témoin, parce qu'il va partir
14 et nous n'aurons plus la possibilité de lui poser des questions. La Défense
15 va présenter ses éléments à décharge et j'espère que nous aurons
16 suffisamment le temps pour obtenir ces décisions. Mon objectif en quelque
17 sorte était de comprendre le point de vue de M. Abrahams au vu de ces
18 points de vue tout à fait divergents, de ces points de vue exprimés par des
19 Etats qui avaient sur le terrain des personnes chargées de vérification, et
20 cetera.
21 Q. Monsieur Abrahams, vous nous avez dit que vous ne connaissez pas ces
22 sources. Je vais répéter ce que j'ai déjà dit, à savoir ces décisions font
23 état de rapports du Renseignement, de rapports des Services secrets du
24 ministère des Affaires étrangères de l'Allemagne. Est-ce que cela change
25 votre point de vue ?
26 R. Sans comprendre le contexte dans lequel oeuvraient ces tribunaux et
27 sans connaître le document, je dirais tout simplement que je ne suis pas
28 d'accord avec le texte qui se trouve affiché maintenant à l'écran.
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1 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Puisque vous venez de nous dire que vous
2 n'êtes absolument pas d'accord avec ce point de vue, voilà ce qui
3 m'intéresse maintenant. J'aimerais vous poser une question. Au paragraphe 4
4 de votre première déclaration, déclaration que vous avez faite entre le 8
5 et le 11 mars 1999, à la page 4 de la version anglaise ou page 5 de la
6 version en B/C/S, il s'agit de la pièce à conviction de l'Accusation P228.
7 Vous dites que vous avez mené à bien une analyse de l'acte d'accusation
8 dressé contre Slobodan Milosevic et consorts. Lorsque vous dites "et
9 consorts," est-ce que cela vise les personnes accusées dans ce prétoire ?
10 R. Dans un premier temps, je n'ai jamais dit que je n'étais pas du tout
11 d'accord avec tout le document. Je vous ai d'ailleurs indiqué les
12 observations avec lesquelles j'étais d'accord. J'ai dit en règle générale.
13 Mais si vous voulez que nous fassions un examen minutieux, paragraphe par
14 paragraphe, je peux le faire.
15 Pour répondre à votre question, l'acte d'accusation faisait état de
16 certains des défenseurs mais pas de tous.
17 Q. Il est exact que vous avez mené à bien une analyse de cet acte
18 d'accusation ?
19 R. Oui, il s'agissait de l'acte d'accusation dressé contre Slobodan
20 Milosevic et consorts, c'est exact.
21 Q. Cet acte d'accusation, très bien. Est-ce que vous êtes d'accord avec
22 moi pour dire que vous avez été quasiment l'un des auteurs de l'acte
23 d'accusation dressé contre Slobodan Milosevic et consorts ?
24 R. Non. Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation.
25 Q. Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que cela signifie lorsqu'il est
26 indiqué que vous avez mené à bien une analyse pour l'acte d'accusation ?
27 R. Oui. Dans le cadre de ma mission, on m'avait demandé d'examiner tous
28 les paragraphes présentant le contexte, le contexte du conflit, les
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1 antécédents du conflit. Il m'avait également été demandé d'obtenir de façon
2 très concrète les documents permettant d'étayer l'argumentation historique
3 présentée dans l'acte d'accusation. Voilà. Ce fut l'une des tâches qui me
4 fut confiée. Ce fut d'ailleurs la tâche principale qui m'a été confiée dans
5 le cadre de cet acte d'accusation.
6 Q. Est-ce que certains des antécédents historiques ont été repris dans
7 l'acte d'accusation ?
8 R. J'ai indiqué à l'Accusation où ils pourraient ou comment ils pourraient
9 obtenir les dossiers et archives historiques qui leur permettaient d'étayer
10 les paragraphes afférents au contexte du conflit ?
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, vous avez fait
12 référence à la déclaration du 8 au 11 mars et vous avez dit que dans la
13 version anglaise, il s'agissait de la page --
14 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse. J'ai fait
15 une erreur et je m'en excuse une fois de plus. Il s'agit de la déclaration
16 du 24 janvier 2002, et la page de la version anglaise est bien la page 4.
17 Il s'agit de la page 12 pour la version électronique. Document P228.
18 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète 2228.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous dites que cela se trouve à
20 la page 4 ?
21 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, oui, à la page 4. Premier paragraphe,
22 premier paragraphe de la page 12 du document électronique, cela se trouve
23 juste avant le titre "Histoire du Kosovo."
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. BAKRAC : [interprétation]
26 Q. Monsieur Abrahams, [aucune interprétation]
27 Mais vous avez juste dit à l'Accusation où elle pourrait obtenir des
28 preuves.
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1 R. Je n'ai pas entendu une partie de l'interprétation.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Toute votre question n'a pas été
3 interprétée; est-ce que vous pourriez reposer la question, je vous prie ?
4 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges, Madame, Messieurs
5 les Juges.
6 Q. Vous dites que vous avez clairement indiqué à l'Accusation quelle était
7 de la preuve concernant le contexte historique. Est-ce que cela signifie
8 que vous n'avez pas parlé du contexte historique, mais que vous avez
9 simplement indiqué au bureau du Procureur à quel endroit ils pouvaient
10 trouver ces éléments ?
11 R. Oui, c'est exact. Je ne me souviens pas de détails particuliers de nos
12 travaux quotidiens, donc c'est tout à fait possible que nous ayons eu des
13 discussions sur la manière dont nous pouvions au mieux formuler l'évolution
14 historique ou les événements importants. Par exemple, la révocation de
15 l'autonomie du Kosovo était un processus complexe qui s'est déroulé sur un
16 certain nombre d'années, et nous aurions parlé des moments-clés que nous
17 souhaitions mettre en exergue dans l'acte d'accusation par rapport à
18 d'autres.
19 Q. Monsieur Abrahams, est-ce qu'en somme, vous êtes en train de nous dire
20 que vous avez fourni des indications oralement et que vous n'avez pas remis
21 une analyse par écrit des éléments historiques à l'Accusation ?
22 R. Non, ceci aurait été consigné par écrit.
23 Q. Je vous remercie beaucoup, Monsieur Abrahams.
24 Je souhaite maintenant évoquer d'autres questions ayant trait à ce qui a
25 été appelé l'Armée de libération du Kosovo.
26 Monsieur Abrahams, j'aimerais savoir, si vous le savez, étant donné que
27 vous étiez sur le terrain, que des membres de l'Armée de libération du
28 Kosovo portaient souvent des vêtements civils ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Savez-vous que des membres de l'Armée de libération du Kosovo ont
3 persécuté leurs concitoyens albanais qui étaient loyaux envers les
4 autorités yougoslaves, qu'ils ont brûlé leurs maisons et qu'ils les ont
5 persécutés de différentes façons ? Savez-vous cela ?
6 R. Pendant le conflit, nous avons fourni des documentations sur un certain
7 nombre de sévices commis par l'Armée de libération du Kosovo contre les
8 personnes d'appartenance ethnique serbe ainsi que contre les Albanais, des
9 personnes d'appartenance ethnique albanaise.
10 Q. Est-ce que nous pouvons supposer par là que vous n'avez pas réussi à
11 enquêter sur un nombre important de cas ?
12 R. Je crois que les rapports qui ont été fournis étaient très complets.
13 Ils contiennent un certain nombre d'incidents majeurs et d'événements qui
14 se sont déroulés.
15 Q. Savez-vous que certaines organisations humanitaires au Kosovo ont prêté
16 main-forte à l'UCK ?
17 R. Est-ce que vous pourriez être plus précis, s'il vous plaît ?
18 Q. Disposiez-vous d'éléments sur des organisations humanitaires qui ont
19 fourni de l'aide sous forme d'argent ou d'armes, et cetera, à l'UCK ?
20 R. Personnellement, je n'ai pas d'éléments là-dessus, par exemple qui a
21 agi d'une certaine façon et comment certaines personnes ont agi. J'ai
22 certainement entendu des allégations dans ce sens, à savoir que certains
23 individus qui travaillaient pour des organisations d'aide humanitaire
24 étaient des sympathisants de l'UCK et les ont aidés. Si je dois fournir un
25 avis au plan professionnel, je peux vous dire que c'est tout à fait une
26 éventualité. Mais je n'ai pas de preuve concrète à l'appui de cela.
27 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Y avait-il des étrangers parmi les membres de
28 l'UCK ? Quand je parle "d'étrangers", j'entends des personnes qui n'étaient
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1 pas originaires de la région du Kosovo ou d'Albanie, mais qui venaient
2 d'autres parties du monde. Etiez-vous au courant de cela ou êtes-vous au
3 courant de cela ou de quelque chose de cette nature ?
4 R. Oui, il y en avait quelques-uns.
5 Q. Pourriez-vous me dire s'il vous plaît ce que vous entendez par "il y en
6 avait quelques-uns" ?
7 R. Je n'ai pas de chiffre exact à vous donner. Je n'ai pas la moindre
8 idée. Si nous parlons de chiffre, je ne peux pas vous citer de chiffre
9 exact. Mais le chiffre est en tout cas petit.
10 Il y avait beaucoup d'allégations sur des combattants musulmans qui
11 combattaient aux côtés des membres de l'UCK. C'est un fait qu'il y avait
12 certains membres de l'UCK, il y avait des factions à l'intérieur de l'UCK
13 qui acceptaient la présence de ces combattants que l'on appelait
14 Moudjahiddines, car ils avançaient qu'ils devaient être aidés par toute
15 personne disposée à les aider, suite à ce qu'ils avaient vécu en Bosnie. Il
16 y avait également un très grand nombre de personnes et d'autres factions au
17 sein de l'UCK qui étaient contre la participation de groupes militants
18 islamiques et d'individus. Pour finir, c'est ce groupe qui a eu le dessus.
19 L'UCK, après des débats internes, a décidé de ne pas accepter de
20 combattants étrangers venant de pays musulmans, de pays islamiques. A ma
21 connaissance, cette décision a été respectée.
22 Il y avait de surcroît deux ou quelques - je ne peux pas être plus
23 précis, car j'ai entendu des anecdotes là-dessus - il y avait quelques
24 individus venant de pays européens qui étaient venus se battre au Kosovo.
25 Encore une fois, il s'agit de mercenaires en tout petit nombre qui venaient
26 de façon très occasionnelle.
27 Q. Monsieur Abrahams, pourriez-vous nous expliquer comment il se fait que
28 vous savez que l'UCK n'a pas accepté les Moudjahiddines dans ses rangs ?
Page 954
1 R. Ces quatre ou cinq dernières années, j'ai travaillé à la préparation
2 d'un livre sur l'histoire de l'Albanie, dans le cadre de "Human Rights
3 Watch". Il s'agit de la transition du communisme. Il y a un chapitre qui
4 est consacré au rôle joué par l'Albanie dans la guerre au Kosovo. Il s'agit
5 d'un récit historique. Au cours de la préparation de cet ouvrage, j'ai
6 interviewé un très grand nombre de représentants officiels et de personnes
7 venant d'Albanie et du Kosovo. C'est au cours de mes recherches que j'ai
8 été mis au courant de cette information.
9 Q. Monsieur Abrahams, vous avez parlé des membres de l'UCK qui étaient
10 habillés en civil. Saviez-vous qu'en 1998, il y avait quelque 80 tonnes
11 d'armes qui ont été confisquées aux membres de l'UCK ?
12 R. Non, je ne connaissais pas ce chiffre.
13 Q. Mais dans votre déclaration, vous avez dit qu'après la chute du régime
14 communiste en Albanie, il y avait une quantité très importante d'armes qui
15 ont été envoyées au Kosovo ou qui ont atterri au Kosovo, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Monsieur Abrahams, savez-vous que pendant les négociations de
18 Rambouillet, les négociateurs albanais qui souhaitaient asseoir la position
19 des commandants locaux souhaitaient avoir l'accord des commandants locaux
20 avant de signer l'accord ? Saviez-vous cela ?
21 R. C'est exact. Oui, je sais cela.
22 Q. Monsieur Abrahams, saviez-vous qu'un nombre important de civils qui
23 étaient membres de l'UCK et qu'une quantité importante d'armes sont
24 arrivées au Kosovo depuis l'Albanie ? Etant donné que vous savez déjà que
25 les négociateurs ne pouvaient pas signer l'accord sans l'approbation des
26 commandants locaux, je souhaite savoir si vous êtes d'accord avec moi pour
27 dire que ceci contredit votre affirmation qui se trouve à la page - je vais
28 vous donner le numéro de la page de votre déclaration - P2228. C'est la
Page 955
1 page 11 du texte en B/C/S et la page 12 du texte anglais où vous dites -- à
2 la page 19 sur le système électronique, vous dites que l'UCK avait, en
3 février 1999, en vous basant sur des enquêtes déjà menées en 1998, vous
4 aviez la preuve que l'UCK était une force de combat bien organisée en
5 termes du droit international et militaire, et que vous avez été le témoin
6 de plus en plus d'homogénéisation au sein des rangs de l'UCK. Est-ce le
7 cas ? Est-ce que ceci contredit le fait qu'en février 1999, les
8 négociateurs albanais ne pouvaient pas signer un accord avant d'avoir
9 l'aval des commandants locaux, des commandants locaux différents ?
10 R. Non. Je ne pense pas que ceci soit une contradiction. L'UCK, à ce
11 moment-là, en février 1999, était devenue une force combattante davantage
12 organisée. J'hésiterais à dire qu'il s'agissait d'une force combattante
13 très organisée, car l'UCK avait un système très décentralisé et les
14 commandants régionaux avaient beaucoup d'autonomie, et il y avait assez peu
15 de commandement et de contrôle au niveau central. Ce qui fait que les
16 négociateurs à Rambouillet devaient avoir l'approbation ou l'aval des
17 commandants régionaux avant de prendre une décision, à savoir s'il fallait
18 signer ou non, signer les accords de Rambouillet.
19 Je souhaite ajouter quelque chose ici. Vous avez parlé du fait qu'un
20 nombre important de civils étaient membres de l'UCK. Je ne suis pas
21 d'accord avec cela et je ne suis pas d'accord avec cette affirmation, car
22 il y avait un bon nombre de civils qui étaient des sympathisants de l'UCK
23 ou qui ont peut-être apporté de l'aide à l'UCK. Mais pour moi, il y a une
24 différence entre un civil et un combattant. Lorsque quelqu'un prend les
25 armes, cette personne n'est plus un civil et perd son immunité en tant que
26 civil.
27 Q. Oui, parfait, Monsieur Abrahams. Savez-vous combien de foyers albanais
28 étaient armés au Kosovo à l'époque où vous avez fait vos recherches ?
Page 956
1 R. Je n'en ai aucune idée. Mais dans cette région, bien évidemment,
2 beaucoup de gens détiennent des armes. Beaucoup de familles disposent
3 d'armes.
4 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Donc, si ces personnes sont habillées en
5 civil et que ces familles disposent d'armes, il ne s'agit pas de civils.
6 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
7 R. Non, je ne suis pas d'accord avec vous.
8 Q. Monsieur Abrahams, vous venez de nous dire que la possession d'armes
9 est l'élément qui permet d'établir la distinction entre un civil et un
10 combattant, et maintenant vous nous dites que vous saviez qu'un bon nombre
11 de familles ou de foyers disposaient d'armes. Pourquoi ne seriez-vous pas
12 d'accord avec moi pour dire qu'il ne s'agit pas de civils, dans ce cas-là ?
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de répondre à
14 cette question. Vous nous avez déjà dit que lorsque quelqu'un prend une
15 arme, cette personne perd son immunité en tant que civil, ce qui est tout à
16 fait différent que d'être en possession d'armes.
17 M. BAKRAC : [interprétation] Bien.
18 Q. Monsieur Abrahams, avant la pause ou les vacances judiciaires, vous
19 avez dit dans votre déclaration, en réponse à une question qui avait été
20 posée par un de nos confrères, vous avez dit que la police et l'armée
21 étaient une cible tout à fait légitime. Est-ce que cela signifie qu'un
22 officier de police ou un policer à New York ou un soldat aux Etats-Unis
23 pourrait être une cible militaire tout à fait légitime pour un terroriste ?
24 R. Cela dépendrait du contexte -- tout dépend si les hostilités sont en
25 cours ou non, mais une telle attaque contre un policier ou un soldat aux
26 Etats-Unis constituerait un crime. Si cela devait avoir lieu aujourd'hui,
27 ceci constituerait un crime qui pourrait être poursuivi en vertu de la loi
28 américaine.
Page 957
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac, pourriez-vous nous
2 aider avec la référence qui est citée au compte rendu d'audience, ici ?
3 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'ai pas la référence qui
4 est citée au compte rendu. Je peux vous la fournir un peu plus tard. Je
5 crois que le témoin sera d'accord avec moi pour dire qu'effectivement, il a
6 dit que l'armée et la police constituaient des cibles militaires tout à
7 fait légitimes et il vient de nous l'expliquer. Mais je souhaite maintenant
8 poser cette question-ci : est-ce que cela signifie qu'un policier au Kosovo
9 constitue une cible militaire tout à fait légitime par opposition à son
10 homologue aux Etats-Unis, policier ou soldat ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois tout d'abord qu'il nous faut préciser
12 de quel cadre temporel il s'agit. Lorsqu'il y a un conflit armé, un
13 policier peut constituer une cible militaire légitime, et cela dépend du
14 rôle joué par le policier en question. Une personne, par exemple, qui gère
15 la circulation à Pec ne pourrait pas constituer une cible militaire
16 légitime. En revanche, un policier qui est engagé dans les hostilités
17 pourrait être considéré comme une cible militaire légitime. Donc, la police
18 est une zone considérée un petit peu comme floue aux yeux de la loi.
19 M. BAKRAC : [interprétation]
20 Q. Vous dites que ceci s'applique au conflit armé. Pourriez-vous nous
21 dire, s'il vous plaît, ce qui signifie un conflit armé, les attaques
22 sporadiques de l'UCK qui, à l'époque, avaient été décrites comme une
23 organisation terroriste par M. Gelbard. D'après vous, est-ce qu'il
24 s'agissait d'attaques contre des organes légitimes d'un Etat ? Pourriez-
25 vous expliquer votre position, s'il vous plaît ?
26 R. Ma position et celle de "Human Rights Watch" est celle-ci. Le conflit
27 armé a éclaté à la fin du mois de février, début du mois de mars 1998.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que la question est un peu
Page 958
1 plus compliquée que cela, Monsieur Abrahams. Peut-être qu'il y a un
2 problème de traduction, mais le terme que vous avez utilisé dans votre
3 réponse précédente n'était pas le terme de conflit armé, mais d'hostilité,
4 lorsque vous avez dit que lorsqu'un policier prend part à des hostilités, à
5 ce moment-là on peut considérer qu'il s'agit d'une cible militaire
6 légitime. Maintenant, nous sommes passés au conflit armé. Est-ce que vous
7 pouvez préciser ce point ? Est-ce que vous admettez que cette situation
8 peut se présenter ? On ne peut pas décréter qu'il existe un état de conflit
9 armé, mais que les hostilités sont telles qu'un officier de police pourrait
10 être pris pour cible, pour une cible militaire de façon tout à fait
11 légitime. Est-ce que vous envisagez cette éventualité ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout. Je vais préciser ce point. A
13 la manière dont cette question m'a été posée, moi j'entendrais qu'un
14 conflit armé existait à partir des mois de février et mars 1998. A ce
15 moment-là, un policier pourrait être et constituer une cible militaire
16 légitime si cette personne prenait part aux hostilités. Bien sûr, ceci ne
17 s'applique pas à la période qui précède le mois de février 1998. Un
18 policier ne peut pas être considéré comme une cible militaire légitime.
19 Est-ce que mon éclaircissement vous convient ?
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui, en tout cas, ceci m'a
21 apporté une précision.
22 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. C'est un
23 peu plus clair, mais cela n'est pas complètement clair.
24 Q. Après le mois de février 1998, les attaques lancées dans le cadre d'une
25 embuscade ou d'un véhicule de police mobile, est-ce que ceci fait partie
26 d'un conflit armé ou d'hostilités, pour ce qui est de la position prise eu
27 égard aux organes étatiques officiels ?
28 R. Après le mois de février, le mois de mars 1998, d'après moi il y avait
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1 un état de conflit armé au Kosovo. Toutes les actions menées par l'Etat et
2 l'UCK à cette époque doivent être considérées dans le cadre du droit
3 international humanitaire.
4 Q. Monsieur Abrahams, je vous ai posé une question et ma question portait
5 sur la période qui suivait le mois de février. Vous dites qu'il y avait
6 effectivement un conflit armé, d'après votre organisation. Vous avez parlé
7 d'une patrouille de police ou d'un véhicule mobile de police pris dans une
8 embuscade. Est-ce que ces officiers de police constituent une cible
9 militaire légitime ou non, ou est-ce que ces officiers de police prennent
10 part au combat ?
11 R. Cela dépendrait beaucoup --
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, la réponse à cette question
13 ne nous aidera pas beaucoup, car je crois que ce qui a été dit précédemment
14 requiert une réponse. Le véhicule pourrait transporter un agent de la
15 circulation. Cela dépend des circonstances. Il y a des hostilités qui
16 requièrent certaines mesures.
17 Votre question a été posée en tenant compte du fait que ces officiers de
18 police, quand bien même ils prenaient part à ces combats, est-ce qu'ils
19 constituaient une cible militaire légitime ? Est-ce que cette réponse
20 présente une quelconque utilité pour nous ?
21 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Madame, Messieurs les Juges. Ma question
22 était celle-ci. Les policiers qui ne prenaient pas part au combat et qui
23 ont été pris dans une embuscade, je voulais savoir si ces policiers-là
24 constituaient une cible militaire légitime.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre à
26 cette question ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Si ce véhicule en question transportait des
28 policiers qui ne prenaient pas une part active au combat, à ce moment-là,
Page 960
1 ces policiers-là ne constitueraient pas une cible militaire légitime.
2 M. BAKRAC : [interprétation]
3 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Saviez-vous, étant donné que vous avez fait
4 des recherches très approfondies, combien d'attaques il y a eu contre la
5 police ou l'armée en 1998 ?
6 R. Je ne connais pas le chiffre exact. Nous avons essayé d'obtenir ces
7 renseignements-là par le biais de lettres que nous avons envoyées aux
8 autorités. Nous étions également en contact avec un centre, un bureau des
9 médias à Pristina qui nous a remis tous éléments dont il disposait du côté
10 du gouvernement, mais je ne connais pas le chiffre exact. Je ne connais pas
11 le nombre exact d'attaques qui ont eu lieu.
12 Q. Que diriez-vous, Monsieur Abrahams, si je devais vous dire qu'en 1998,
13 il y avait 2 768 attaques contre l'armée, contre la police et contre les
14 civils, 1 774 étaient des attaques contre la police, 243 contre l'armée et
15 751 contre la population civile ? Si nous devions calculer tout cela, ceci
16 correspondrait à six à huit attaques par jour.
17 R. Comme tout bon chercheur, je souhaiterais avoir le détail ici. Encore
18 une fois, cela dépend pour beaucoup de la nature de ces incidents, s'il
19 s'agit de cibles militaires légitimes ou non. Mais l'élément essentiel ici,
20 pour moi, il s'agit de fournir des éléments, des documents sur la violation
21 du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Bien sûr, il
22 est important dans le conflit de comprendre qui est l'attaquant et qui est
23 celui qui est attaqué. Mais au-delà de ce contexte-là, mon rôle ne consiste
24 pas à documenter les attaques, qu'elles soient légitimes ou non, et si
25 elles impliquent des cibles militaires ou non. De surcroît, nous avons,
26 dans nos rapports, toujours indiqué qu'il y a eu des violations faites par
27 l'Armée de libération du Kosovo, dans bon nombre de nos rapports. Mais je
28 ne pense pas que ces agissements de l'UCK, qu'ils soient légitimes ou non,
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1 expliquent les violations extrêmes et systématiques faites par les forces
2 serbes et yougoslaves.
3 Q. Monsieur Abrahams, saviez-vous qu'il y avait très souvent des
4 violations de frontière - j'entends la frontière de l'Albanie au Kosovo -
5 et des armes ont été transportées au-delà de la frontière, et que ceci
6 était illégal ?
7 R. Oui. Comme je l'ai indiqué dans nos rapports, l'UCK a reçu la plupart
8 des ses armes de l'Albanie, et ceci a transité par la frontière albano-
9 kosovare.
10 Q. Est-ce qu'il ne serait pas logique alors que l'armée yougoslave lance
11 des actions à la frontière pour empêcher le passage illégal de ces armes ?
12 R. Qu'est-ce que vous entendez par "actions" ?
13 Q. Je pense à toutes les mesures qui permettraient d'empêcher que ces
14 armes ne transitent d'un pays à l'autre au niveau de la frontière de façon
15 illégale. Parfois, il y avait des échauffourées et on tirait sur ces
16 personnes qui faisaient passer ces armes illégalement à la frontière.
17 R. Je dois établir une distinction. C'est ce que je fais. C'est mon
18 métier. Je dois établir une distinction entre ce qui est les actions qui
19 sont légales et celles qui sont illégales. Bien sûr, il y avait les forces
20 yougoslaves et il y avait les forces serbes et ces forces avaient
21 l'obligation et un droit tout à fait légitime de protéger les frontières.
22 Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. La question que je vous pose moi,
23 c'est de savoir comment ceci est fait, ceci doit avoir le moins d'incidence
24 possible sur les civils. Encore une fois, nous avons documenté les actions
25 menées, comme vous l'avez dit, par ces forces armées et qui ont pris part
26 au nettoyage des villages, la séparation des hommes et des femmes dans ces
27 villages, l'exécution des hommes dans ces villages, et toute une série de
28 violations que j'ai documentées dans ces rapports. La question de savoir
Page 962
1 s'ils peuvent le faire ne se pose pas, c'est la manière dont ils agissent
2 qui m'intéresse.
3 Q. Monsieur Abrahams, vous dites que vous constatiez les actions menées
4 par telles ou telles forces. Page 6 de votre déclaration 2228, au dernier
5 paragraphe de la page 6 ainsi qu'au premier de la page 7, vous dites que le
6 26 septembre dans le voisinage de Mlecani vous avez vu un convoi de
7 véhicules militaires. Le déplacement de tels véhicules sur une route
8 principale constitue-t-il à votre avis une action militaire illégale ?
9 R. Un déplacement sur une route en soi ne constitue pas, à mon avis, une
10 action illégale.
11 Q. Pourquoi quelle raison ce détail figure-t-il dans votre rapport dans
12 ces conditions ? On comprend mal en quoi consiste l'infraction s'agissant
13 de ce déplacement du 26 septembre.
14 R. Nous ne qualifions pas ce déplacement d'infraction ou de violation,
15 mais nous présentons des renseignements susceptibles de dépeindre le
16 contexte dans lequel se sont situés les combats qui ont eu lieu dans ce
17 secteur et dans le voisinage de ce secteur.
18 Q. Puisque nous parlons de déplacements, savez-vous - et il existe des
19 images de la télévision qui le montre - que les unités de l'armée
20 yougoslave, alors qu'elles se déplaçaient au voisinage de la frontière,
21 lançaient des appels aux civils et à l'UCK pour leur demander de ne pas
22 attaquer l'armée, et que malgré ces mises en garde de l'armée cette
23 dernière était régulièrement attaquée lorsqu'elle se déplaçait en direction
24 de la frontière pour assurer la sécurité de cette même frontière.
25 R. De quelle période parlez-vous exactement ?
26 Q. Je parle de la période qui couvre 1998, ou plus précisément, je parle
27 du mois de mai 1998.
28 R. Je n'ai pas vu les images télévisées montrant ce dont vous parlez, mais
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1 il est possible que de tels appels aient été lancés à l'aide de porte-voix.
2 Cela étant, je répète qu'il s'agit d'un conflit armé. Je ne nie pas le fait
3 que l'UCK ait attaqué les forces serbes et yougoslaves. Je ne le nie en
4 aucune façon. Je ne nie même pas que certaines de ces attaques aient pu
5 être des attaques illégales. C'était une guerre.
6 Q. Monsieur Abrahams, êtes-vous au courant du fait que les unités de l'UCK
7 se servaient fréquemment des civils comme boucliers humains, lorsqu'elles
8 souhaitaient franchir la frontière ou mener diverses actions ?
9 R. Je ne suis pas au courant de cela. Tout au long des études que j'ai
10 menées je ne me suis jamais trouvé en présence de quelconque accusation
11 selon laquelle l'UCK aurait utilisé des civils en tant que bouclier humain.
12 Ce que l'UCK faisait de temps en temps c'était mettre en danger la
13 population civile en lançant des opérations militaires dans des secteurs où
14 vivaient des civils, ce qui est également critiqué dans mon rapport. Mais
15 je n'ai jamais trouvé la moindre trace écrite d'une quelconque accusation
16 d'utilisation de civils en tant que boucliers humains par l'UCK.
17 Q. Monsieur Abrahams, vous avez parlé d'incidents survenus à Gornje
18 Obrinje et d'autres lieux. Je vous demande si vous conviendrez que ces
19 actions étaient toutes très manifestement des actions menées par l'UCK, des
20 actions intenses ?
21 R. Il faudrait que vous soyez plus précis dans la spécification des
22 villages et des villes dont vous parlez. S'agissant des secteurs que vous
23 venez d'évoquer de façon générale, dans ces secteurs il y a eu
24 effectivement des opérations de l'UCK.
25 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Etes-vous au courant du fait et disposez-vous
26 de renseignements indiquant que s'agissant des incidents survenus à Gornje
27 Obrinje, le commandant du Corps de Pristina a ordonné une enquête et que
28 cette enquête a eu pour résultat d'indiquer que, lors de cette opération,
Page 964
1 de cette action menée à Gornje Obrinje, l'armée n'a pas participé à cette
2 opération ?
3 R. Je ne suis pas au courant de cette enquête, non. Nous n'avons jamais
4 prétendu que l'armée aurait participé aux tueries de Gornje Obrinje.
5 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Pouvons-nous faire la même constatation eu
6 égard à l'incident survenu à Orahovac ?
7 R. Que voulez-vous dire par la "même constatation," pensez-vous au fait
8 que l'armée n'aurait pas été présente ?
9 Q. Oui, que l'armée n'y a pas participé.
10 R. De quel incident parlez-vous eu égard à Orahovac ?
11 Q. Je parle de l'incident survenu le 19 juillet ou plutôt dans la période
12 allant du 17 au 21 juillet.
13 M. BAKRAC : [interprétation]
14 Q. 1998.
15 R. Je n'ai aucune information indiquant la présence de l'armée à Orahovac
16 dans cette période.
17 Q. Merci, Monsieur Abrahams. J'en arrive lentement à la fin de mes
18 questions.
19 Il y a un autre point qui m'intéresse dans votre déclaration 2228, page 12
20 de la version anglaise paragraphe 2, vous affirmez qu'il existait 11
21 centres humanitaires au Kosovo --
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La déclaration 2228 est composée de
23 plusieurs parties si je ne m'abuse. Elle comporte en fait deux déclarations
24 assez longues dont l'une compte 14 pages et l'autre 19. Donc il serait bon
25 que vous précisiez de laquelle des deux vous parlez.
26 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, excusez-moi. Je parle
27 de la deuxième déclaration, celle qui comporte 18 pages. Et je parle de la
28 page 12 et du paragraphe 2 de cette deuxième déclaration dans la version
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1 anglaise, bien entendu.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai trouvé le passage. Je vous
3 remercie.
4 M. BAKRAC : [interprétation]
5 Q. Monsieur, vous affirmez que le gouvernement yougoslave a ouvert 11
6 centres humanitaires au Kosovo au mois d'août et qu'un nombre très limité
7 d'Albanais ont accepté l'aide qui leur était proposée, en raison, selon
8 vous, du fait que la population craignait la violence qu'elle avait déjà
9 vécue. Monsieur Abrahams, êtes-vous d'avis que les violences dues à l'UCK
10 étaient la cause de cette crainte, autrement dit, que la population
11 craignait des violences de l'UCK au cas où elle accepterait l'aide du
12 gouvernement yougoslave ? Je vous rappelle que nous avons déjà parlé de
13 violence due à l'UCK contre les civils d'appartenance ethnique albanaise.
14 R. Oui. En effet, je n'exclus pas cette possibilité.
15 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Dans le même contexte, êtes-vous au courant
16 du fait que les villages albanais du secteur de Djakovica, plus précisément
17 le village de Korenica, dans le secteur de la frontière, ont demandé l'aide
18 de la Yougoslavie et du MUP pour obtenir une protection contre les membres
19 de l'UCK ?
20 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.
21 Q. Etes-vous au courant du fait que les généraux Pavkovic et Lazarevic ont
22 discuté d'homme à homme avec les habitants des villages de Bratusa, Rovina,
23 Molic, en proposant à ces villageois une aide humanitaire ? Etes-vous au
24 courant de ce fait ?
25 R. Je n'ai aucun renseignement à ce sujet.
26 Q. Monsieur Abrahams, à la fin des questions que je vous pose,
27 j'aimerais que nous tirions au clair un détail dont vous faites état dans
28 votre rapport. Je parle plus précisément de la première partie de la pièce
Page 967
1 à conviction P2228, page 15 de la version anglaise.
2 Monsieur le Président, je vous demande un instant. Il faut que je
3 vérifie. Il pourrait s'agir de la deuxième partie du document. Oui, en
4 effet, il s'agit bien de la deuxième partie du document, page 15 de la
5 version anglaise.
6 Il est dit que le 25 février, l'armée yougoslave a annoncé le début
7 des manśuvres hivernales à Vucitrn, où l'UCK tenait des positions à
8 Cicavica, sur le Mont Cicavica, sur la route allant de Mitrovica à
9 Pristina. Monsieur Abrahams, êtes-vous au courant du fait qu'il n'était en
10 aucun cas question de manśuvres de la part de l'armée yougoslave, mais
11 d'entraînements tactiques de la part de la 125e Brigade mécanisée en
12 présence du capitaine Ferdinand de l'OSCE ? Est-ce que c'est bien de cela
13 que vous parlez dans ce passage du texte ?
14 M. STAMP : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, j'indique que
15 j'ai quelque mal à trouver ce passage.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne le vois pas non plus à la page
17 15.
18 M. STAMP : [interprétation] Bien que j'aie toute confiance dans les
19 capacités du témoin, peut-être serait-il bon qu'il puisse relire ce passage
20 de son rapport qui semble un peu difficile à trouver.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que cela soit nécessaire ou pas, il
22 faut de toute façon que nous voyions où figure ce passage.
23 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la
24 deuxième partie de la déclaration dans ce document du 24 janvier 2002, en
25 page 14 de la version B/C/S et en page 15 de la version anglaise. En tout
26 cas, dans mes notes personnelles, j'ai indiqué page 15 de la version
27 anglaise, et excusez-moi, en effet, j'ai fait une erreur.
28 [Le conseil de la Défense se concerte]
Page 968
1 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le
2 permettez, je dispose de la version en B/C/S. J'ai quelques difficultés à
3 trouver ce passage dans la version anglaise, le passage correspondant. Page
4 21 de la version e-court en anglais, page 13 sur 19, c'est-à-dire page 21
5 de la version e-court, paragraphe 4.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Il s'agit de la page
7 13, version papier, page 13 sur 19, quatrième paragraphe.
8 Pourriez-vous peut-être reposer votre question, Maître Bakrac ?
9 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 Q. Ce passage dans votre déclaration a-t-il en rapport avec les exercices
11 tactiques menés par une compagnie de la 125e Brigade mécanisée en présence
12 du capitaine Ferdinand de l'OSCE ?
13 R. Je ne sais pas quelle est la brigade exacte qui a participé à ces
14 exercices ou à ces manśuvres.
15 Q. Vous avez fait une étude approfondie, vous parlez de manśuvres dans
16 votre déclaration, eu égard à un déplacement de l'armée; vous ne savez
17 absolument pas de quelle brigade ou de quelle unité il était question ?
18 Est-ce que c'est bien là l'exemple du caractère approfondi des recherches
19 que vous avez menées ?
20 R. Nous ne menons pas des enquêtes détaillées quant à l'identité exacte de
21 la brigade ou des unités ayant participé à des événements de ce genre. Nous
22 nous efforçons de le faire lorsque nous sommes en présence d'un crime qui
23 exige de nous que nous identifiions l'unité qui est en cause, mais dans le
24 cas dont nous parlons, nous ne disposons pas de l'identité exacte de
25 l'unité qui a participé à ces exercices.
26 Q. Ce qui impliquerait que ces exercices étaient une action légitime de la
27 part de l'armée. Est-ce la conclusion qui s'impose ?
28 R. Il n'y a pas eu violation de la loi dans le fait qu'un exercice
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1 militaire soit mené à bien.
2 Q. Merci, Monsieur Abrahams.
3 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
4 questions pour ce témoin.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Bakrac.
6 Maître Lukic -- excusez-moi, Maître Ivetic.
7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Abrahams. Je m'appelle Dragan
10 Ivetic, et avec mes confrères Branko Lukic et notre assistant d'audience,
11 je représente l'accusé Sreten Lukic. J'aimerais tirer au clair un certain
12 nombre de questions avant de passer à des questions plus détaillées.
13 D'abord, pendant votre interrogatoire principal, vous avez évoqué plusieurs
14 lettres envoyées par "Human Rights Watch" à diverses personnes faisant
15 partie du gouvernement yougoslave et de la hiérarchie serbe. J'aimerais
16 d'abord vous poser une question générale à cet égard. Pouvez-vous me dire
17 si "Human Rights Watch" a envoyé de telles lettres à mon client, M. Sreten
18 Lukic ?
19 R. Nous avons envoyé ces lettres à toute personne ou institution dont les
20 noms ont été soumis au Tribunal.
21 Q. Si cette série de lettres n'a pas été envoyée à mon client, est-il
22 permis de dire que "Human Rights Watch" n'a établi aucun contact individuel
23 avec mon client dans ce cadre ?
24 R. C'est exact.
25 Q. D'accord. En fait, si cette série de lettres que nous avons passée en
26 revue dans votre déposition n'a été envoyée à aucune instance policière ou
27 à aucune structure sur le territoire de Kosovo-Metohija, est-il permis de
28 dire que "Human Rights Watch" n'a établi aucun contact avec ces individus
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1 ou ces institutions ?
2 R. Selon mon souvenir, une lettre a été envoyée au ministre de l'Intérieur
3 serbe, à mon avis, ceci couvre la police serbe.
4 Q. Ma question portait sur les instances policières et les structures
5 présentes sur le territoire de Kosovo-Metohija.
6 R. Si j'ai bien compris, le ministère serbe était responsable du Kosovo,
7 qui faisait partie de la Serbie.
8 Q. D'accord. Donc il est permis de penser que vous connaissiez la présence
9 de structures policières sur le territoire du Kosovo-Metohija et qu'il y
10 avait au moins deux ou trois missions internationales menées au Kosovo-
11 Metohija avec contact quotidien avec ces instances policières sur le
12 territoire du Kosovo-Metohija ?
13 R. Oui. J'étais au courant de la présence de structures policières au
14 Kosovo, si c'est ce que vous voulez dire.
15 Q. En dépit de cela, vous n'avez fait aucun effort pour contacter ces
16 institutions qui étaient sans doute plus proches de vous sur le terrain et
17 qui auraient peut-être mieux répondu à vos questions ?
18 R. Lorsque nous avons pris contact avec la police de Pristina, car nous
19 n'avons cessé de recevoir des réponses nous indiquant de nous adresser au
20 bureau local du secrétariat à l'Information de Pristina, ou à des autorités
21 supérieures à Belgrade.
22 Q. D'accord. J'aimerais maintenant que nous consacrions notre attention à
23 la publication intitulée "Violations du droit humanitaire au Kosovo."
24 M. IVETIC : [interprétation] J'indique qu'il s'agit de la pièce de
25 l'Accusation P437 que nous pouvons trouver dans le système e-court, page 16
26 du document fourni par l'Accusation, page 16 dans le système e-court.
27 Q. Monsieur, j'aimerais que vous vous penchiez sur la note en bas de page
28 numéro 1 que l'on voit au bas de cette page, qui arrive peu à peu sur nos
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1 écrans. Il est dit dans ce passage que votre organisation a identifié 12
2 organisations dans les structures gouvernementales et hiérarchiques
3 yougoslaves qui, selon vous, étaient responsables de la mise en śuvre de la
4 politique yougoslave et serbe au Kosovo-Metohija dans le cadre de ce qu'il
5 est convenu d'appeler l'insurrection au Kosovo; ceci est-il exact ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Monsieur, je parcours cette liste et je vous inviterais à en faire de
8 même si vous avez le moindre doute. Mais n'est-il pas exact que pas un seul
9 des six accusés présents dans cette salle aujourd'hui ne figure dans cette
10 liste comme étant l'un des responsables de la mise en śuvre de la politique
11 yougoslave au Kosovo-Metohija selon votre organisation ?
12 R. Selon la liste que nous voyons ici, ma réponse est affirmative, mais
13 j'indique que cette liste a ensuite été révisée.
14 Q. D'accord. Une autre fois au cours de votre déposition devant cette
15 Chambre, vous semblez avoir nié le fait que la publication de l'OSCE, "As
16 Seen, As Told," a été prise en considération par vous dans votre travail.
17 R. Je ne me souviens pas quelle a été ma réponse précise à cette question,
18 mais je puis vous dire que nous nous sommes parfois référés et nous avons
19 d'ailleurs parfois cité le rapport de l'OSCE dans notre documentation.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, je vous demande une
21 référence précise si vous vous préparez à émettre la moindre accusation eu
22 égard à votre dernière question.
23 M. IVETIC : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur Abrahams, je crois que ceci figure aux pages 910 et 911
25 du compte rendu d'audience, où lorsqu'un conseil vous demande si vous vous
26 êtes appuyé sur le rapport de l'OSCE intitulé "As Seen, As Told," vous
27 répondez "non".
28 R. [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, tout cela peut être vrai,
2 Maître Ivetic, mais ceci n'est pas un fondement pour permettre de penser
3 que le témoin évite de répondre.
4 M. IVETIC : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez
6 poursuivre.
7 M. IVETIC : [interprétation]
8 Q. Mais Monsieur, j'ai eu l'occasion de lire votre documentation et j'ai
9 trouvé 55 références à des publications de l'OSCE provenant du document
10 intitulé "Aux ordres," "Under Orders". Est-ce que ceci vous rafraîchit la
11 mémoire et vous permettrait de modifier la dernière réponse que vous avez
12 faite ?
13 R. Non, pas du tout. D'abord, comme ceci est dit très clairement dans les
14 passages que vous rappelez, j'ai dit "principalement." Nous nous sommes
15 principalement appuyés dans nos recherches sur le terrain sur 600
16 interviews menées avec des personnes présentes sur place. Le rapport
17 intitulé "Aux ordres," "Under Orders," cite des documents de l'OSCE ainsi
18 que d'autres sources secondaires. Je n'ai pas fait le calcul exact, mais je
19 pense qu'il est possible de le faire, et à aucun moment nous n'avons
20 utilisé la moindre information ou la moindre accusation ou le moindre
21 document de l'OSCE comme seule base de nos conclusions. Nous avons cité ces
22 documents lorsqu'ils corroboraient ou contredisaient des renseignements
23 obtenus directement par nous. Donc, il s'agit de sources secondaires pour
24 nous dans l'utilisation de notre propre rapport.
25 M. LE JUGE BONOMY : [hors micro]
26 J'aimerais que vous trouviez un moment, car l'heure de la pause approche.
27 M. IVETIC : [interprétation] Encore quelques instants, Monsieur le
28 Président.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.
2 M. IVETIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur Abrahams, est-ce que vous pourriez citer précisément certaines
4 de ces sources secondaires qui sont citées 55 fois, sinon plus, dans votre
5 rapport ?
6 R. Il faudrait que je consulte les documents pour répondre à votre
7 question.
8 Q. D'accord. Pas de problème.
9 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire la pause
10 maintenant ? Ceci permettrait au témoin de consulter la documentation.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, Monsieur Abrahams, faites-
12 le pendant la pause.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai ce rapport en ma possession.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il serait bon que nous en disposions
15 également. Nous suspendons jusqu'à 11 heures.
16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
17 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.
19 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Monsieur Abrahams, je ne sais pas si vous avez eu la possibilité de
21 vérifier votre ouvrage intitulé "Under Orders" pendant la pause. Avez-vous
22 pu le faire ?
23 R. Oui, j'ai procédé à un examen rapide, certes.
24 Q. Est-ce que vous pouvez dans un premier temps affirmer qu'à la suite de
25 cet examen rapide, le rapport de l'OSCE "As Seen, As Told" a été cité à
26 maintes reprises ? Je ne sais pas si vous avez pu vérifier les 55 citations
27 que j'ai pu compter ?
28 R. Je n'ai pas été en mesure de compter tout cela, mais il est vrai que ce
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1 rapport est cité.
2 Q. Je pense aux sources secondaires; est-ce qu'elles sont citées dans cet
3 ouvrage "Under Orders" aussi fréquemment que dans votre rapport comme dans
4 le rapport de l'OSCE "As Seen, As Told" ?
5 R. Oui.
6 Q. De quoi s'agit-il ?
7 R. Il y a toute une série de documents yougoslaves, notamment le magazine
8 Policajac, qui est la publication officielle du MUP, de la police serbe. Il
9 y a également la revue Vojska, qui est la publication officielle de l'armée
10 yougoslave. Vous avez le site web du MUP, auquel nous faisons référence à
11 un certain nombre d'endroits dans l'ouvrage, et puis il y a le journal
12 Politika, qui était le journal du Parti serbe au pouvoir.
13 Q. Puis-je avancer que les autres sources que vous avez citées sont des
14 types de publications où vous avez peut-être cité de nombreux -- des
15 articles multiples; est-ce que cela est exact ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Alors que dans le rapport de l'OSCE, les citations font toutes
18 référence au même rapport. Pour ce qui est d'un article, le rapport de
19 l'OSCE est le document qui est le plus souvent cité dans votre rapport.
20 R. Oui, mais cela tient compte de l'importance de ce rapport.
21 Q. Puisque nous parlons du rapport de l'OSCE et du KDOM, est-ce que vous
22 connaissez la méthodologie utilisée par cette organisation pour mener à
23 bien des entretiens, pour choisir les personnes qui répondent aux
24 entretiens ?
25 R. Non, je ne le sais pas.
26 Q. Corrigez-moi si je ne m'abuse, je pense que lors de l'interrogatoire
27 principal mené par M. Stamp, vous avez dit que vos constatations dans
28 l'ouvrage "Under Orders" avaient une valeur statistique limitée et que les
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1 résultats ne pouvaient pas être extrapolés à l'ensemble de la population.
2 R. Vous m'avez posé une question scindée en deux volets.
3 Q. Tout à fait.
4 R. Deuxièmement, vous m'avez posé une question à propos de l'extrapolation
5 à mener. C'est exact, parce que nous n'avons pas procédé à un
6 échantillonnage aléatoire, ce qui fait que nous n'avons pas pu, compte tenu
7 de ces données, savoir ce qui se passait dans l'ensemble du Kosovo.
8 Toutefois, vous m'avez demandé si notre rapport avait une valeur
9 statistique limitée. Moi, je pense qu'il a une valeur extrêmement
10 importante parce que cela nous a permis de déterminer et de mieux
11 comprendre les caractéristiques des sévices.
12 Q. Alors peut-être que je ne me suis pas bien exprimé. Je mettais l'accent
13 sur l'ensemble de la population. Est-ce que l'on peut dire qu'au vu de vos
14 explications ou compte tenu de vos explications, ce rapport n'a aucune
15 valeur si l'on veut l'extrapoler à l'ensemble de la situation ?
16 R. Je vais préciser. Lorsque je parle d'extrapolation, voilà ce que
17 j'entends. Nous avons des documents, des statistiques, 3 433 [comme
18 interprété] exécutions menées à bien par les forces gouvernementales contre
19 les Albanais de souche. A partir de ce chiffre, je ne peux pas dégager un
20 chiffre plus important, je ne peux pas extrapoler, je ne peux pas en
21 déduire un chiffre plus global. Toutefois, je peux analyser le chiffre de
22 ces 3 433 exécutions, et je peux tirer des conclusions qui sont assez
23 percutantes, par exemple, sur la manière dont ces exécutions se sont
24 produites et sur le contexte dans lequel cela s'est passé.
25 Q. [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour préciser la situation, pour le
27 compte rendu d'audience, le chiffre est un chiffre de 3 453, n'est-ce pas ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
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1 M. IVETIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur, fondamentalement, les sources viennent des entretiens qui ont
3 été menés à bien avec quelque 600 personnes et de ce qu'elles vous ont dit;
4 est-ce exact ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Toutes ces conclusions, cette analyse menée à bien se fonde sur ces 600
7 entretiens seulement ?
8 R. Je n'utiliserais pas l'adverbe "seulement" pour parler de 600
9 personnes, mais c'est exact.
10 Q. Il s'agissait de 600 personnes qui ont été interrogées ?
11 R. C'est exact.
12 Q. Vous avez indiqué que vous n'avez pas procédé à un échantillonnage
13 aléatoire statistique, et je suppose que puisque vous aviez les conseils de
14 statisticiens professionnels pour ce rapport, vous étiez conscient de la
15 limite de votre rapport parce que vous n'avez pas utilisé des
16 échantillonnages aléatoires ?
17 R. Tout à fait, c'est pour cela que dans le rapport, il y a un chapitre
18 intitulé "limites des données."
19 Q. C'est justement ce à quoi je voulais en venir. Vous avez ces 600
20 personnes qui ont été interrogées par votre organisation. Elles
21 représentent une fraction limitée de l'ensemble de la population. J'ai
22 calculé que cela représentait 0,03 % de la population albanaise du Kosovo.
23 R. Il faudrait que j'aie le temps de faire les calculs pour marquer mon
24 accord avec le chiffre que vous avancez, mais cela est le résultat -- le
25 résultat de nos constatations statistiques se fonde sur 600 personnes.
26 Q. Si une autre organisation telle que l'OSCE, par exemple, suivait la
27 même méthodologie, en d'autres termes, s'ils n'avaient pas utilisé des
28 groupes d'échantillonnage aléatoires, est-ce que leurs rapports ou leurs
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1 constatations ou leurs conclusions partiraient des mêmes limites que vous
2 avez avancées pour votre rapport, à savoir limite dans le cas
3 d'extrapolation à l'ensemble de la population ?
4 M. STAMP : [interprétation] C'est une objection que je soulève, puisque la
5 question demande au témoin de spéculer à propos de la méthodologie utilisée
6 par certaines organisations alors qu'il a déjà dit qu'il n'en savait rien.
7 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que je lui ai juste demandé si les
8 limites dont il parlait étaient seulement valables pour son rapport ou que
9 cela était des limites que l'on pouvait retrouver si on utilise ce genre de
10 méthode.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, je ne pense pas que cette
12 objection soit valable. La question a été formulée à bon escient. La seule
13 chose, c'est que je ne sais pas si le témoin est en mesure de répondre à
14 cette question.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer d'y répondre. Je n'ai pas
16 étudié le rapport de l'OSCE depuis de nombreuses années, mais pour autant
17 que je m'en souvienne, ce rapport n'a pas pour but de mener à bien une
18 analyse statistique telle que nous l'avons fait. L'extrapolation, c'est un
19 terme technique qui suggère que des données acquises à partir de certaines
20 entités limitées ne peuvent pas être appliquées à l'ensemble de la province
21 dans ce cas d'espèce. Ce qui ne signifie pas que l'on ne peut pas dégager
22 des conclusions à partir de certains témoignages. Moi, je pense que le
23 rapport de l'OSCE présente des preuves statistiques pures et dures à partir
24 de leurs constatations, à moins que je n'aie oublié un chapitre dans le
25 rapport.
26 M. IVETIC : [interprétation]
27 Q. Vous nous dites que cela fait un certain temps que vous n'avez pas
28 étudié ce rapport ?
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1 R. C'est exact.
2 Q. Alors je vais vous poser une question plus générale.
3 Pourrait-on dire que si l'on pose des questions à un groupe beaucoup
4 plus petit que l'ensemble et si l'on extrapole les résultats obtenus par le
5 groupe à l'ensemble du groupe, est-ce que l'on peut dire que cette étude
6 partira des mêmes limites, pour ce qui est des données, comme votre
7 rapport ?
8 R. Si le but est d'obtenir ou de présenter des conclusions statistiques,
9 alors je pense que c'est un fait que si on a un groupe qui est limité et
10 qui ne correspond pas à un échantillonnage aléatoire, c'est un groupe qui
11 ne représente pas l'ensemble de la population. Alors là, oui. Mais, cela
12 n'est pas vrai si l'on se fonde sur des témoignages descriptifs qui
13 expliquent ce qui s'est passé.
14 Q. Fort bien. Est-ce que pour formuler vos propres conclusions dans cet
15 ouvrage "Under Orders", est-ce que vous avez utilisé d'autres
16 constatations, d'autres conclusions, si ces rapports avaient utilisé une
17 méthodologie qui a les mêmes limites ? Je suppose que s'il y a les mêmes
18 limites, en utilisant ces rapports, vous reprenez en quelque sorte ces
19 déficiences.
20 R. Je ne dirais pas que nous nous sommes fondés sur certains rapports.
21 Nous avons véritablement déployé des efforts pour mener à bien nos propres
22 enquêtes, pour poser des questions aux témoins et pour obtenir des
23 informations de première main sur le terrain. Nous avons utilisé le travail
24 d'autres organisations pour nous permettre de mettre la dernière touche à
25 ce que nous avions compris lorsque nous pensions que ces organisations
26 opéraient de façon crédible.
27 Q. Bien. Je ne pense pas que vous avez répondu à ma question toutefois. Je
28 vous avais demandé s'il y a un rapport qui ne faisait pas appel à la
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1 méthodologie de l'échantillonnage aléatoire ? Je vous avais demandé si les
2 insuffisances, les limites de ce rapport allaient être en quelque sorte
3 héritées par vous lorsque vous rédigiez et utilisiez ces rapports ?
4 R. Une fois de plus, cela dépend si nous parlons de résultats
5 statistiques.
6 Q. Bien.
7 R. Est-ce que vous pouvez être un peu plus précis ? Peut-être que je
8 pourrais essayer de répondre.
9 Q. Voilà ce dont je parle. Il s'agit de dégager des conclusions et de
10 présenter des conclusions à propos de l'ensemble de la population sur la
11 base de questions posées à une petite fraction de la population sans pour
12 autant utiliser la méthode analytique de l'échantillonnage aléatoire ?
13 R. Tout dépend des conclusions qui sont obtenues.
14 Q. Fort bien.
15 R. Je vais préciser. Pour en revenir à nos 3 453 exécutions, nous n'avons
16 pas essayé d'utiliser ou d'appliquer ce chiffre à l'ensemble du Kosovo en
17 disant, par exemple, X nombre de personnes ont été tués. Mais nous avons
18 pris ce chiffre limité de 3 453 et nous l'avons analysé, puisqu'il
19 s'agissait d'une unité de personnes et cela nous a permis d'obtenir des
20 renseignements extrêmement importants à propos du sexe des victimes, de
21 l'âge des victimes, des lieux où se sont déroulés les crimes. Pour répondre
22 à votre question, cela dépend des intentions des organisations auxquelles
23 vous avez fait référence.
24 Q. Bien. Vous conviendrez avec moi, n'est-ce pas, que dans l'ensemble de
25 votre rapport, vous citez de nombreux articles de presse qui faisaient
26 référence à des événements qui se sont déroulés au Kosovo ?
27 R. Oui, de temps à autre, nous avons fait des citations d'articles de
28 presse. C'est exact.
Page 980
1 Q. Alors vous conviendrez avec moi que ces articles de presse ne sont pas
2 toujours des sources d'information crédibles ?
3 R. A quelles sources de média faites-vous référence ?
4 Q. J'en parle de façon générale.
5 R. Dans le cadre de notre rapport, nous avons fait des efforts concertés
6 pour - je ne veux pas utiliser le mot "dépendre" de données - mais je
7 dirais que nous avons utilisé certaines sources utilisées par la presse
8 pour corroborer les informations en question. Nous avons utilisé des
9 sources que nous considérions comme ayant une bonne réputation.
10 Q. Oui. Mais même lorsqu'il s'agit de presse, de média ayant une bonne
11 réputation et je pense, par exemple, au New York Times qui avait indiqué en
12 1999 qu'Ibrahim Rugova avait été assassiné par les Serbes. Vous vous en
13 souvenez ?
14 R. Non.
15 Q. Alors que M. Rugova a survécu à la guerre, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, tout à fait.
17 Q. Même des sources médiatiques crédibles, pour utiliser l'adjectif que
18 vous avez utilisé, peuvent avoir leurs problèmes, parce que les
19 journalistes ne sont pas forcément des enquêteurs dans certaines régions.
20 R. Mais quelle est votre question ?
21 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour ce qui est de la valeur à
22 accorder aux sources émanant de la presse, elle n'est pas aussi importante
23 de ce qu'on appelle des sources primaires pour l'information, n'est-ce pas
24 ?
25 R. Nous avons toujours essayé d'utiliser des sources primaires pour avoir
26 des informations crédibles et fiables.
27 Q. Je vous demande de m'aider. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, ou
28 est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi ?
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1 R. Est-ce que je suis d'accord avec vous pour dire que les sources,
2 lorsqu'il s'agit de journaux ne sont pas aussi crédibles que les sources
3 primaires, certes, je suis d'accord avec vous.
4 Q. Merci. --
5 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'ai une question à vous poser.
6 Est-ce que vous avez ajouté toute la bibliographie ? Je pense, par exemple,
7 à certaines informations. Est-ce que vous avez toujours indiqué où vous
8 aviez obtenu ces renseignements et ce dans la partie bibliographique ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
10 M. IVETIC : [interprétation]
11 Q. J'aimerais maintenant revenir à certaines questions qui vous ont été
12 posées par M. Stamp. Il y a des lettres qui ont été envoyées par certains
13 responsables serbes.
14 Corrigez-moi, si je ne m'abuse, c'est vous ou le Procureur qui a indiqué
15 que ces documents ont été envoyés pour informer les autorités yougoslaves
16 de la nature des crimes qui avaient été commis par ces forces. Est-ce que
17 c'est quelque chose que vous avez déclaré ou que le Procureur a déclaré ?
18 R. Je m'excuse, je ne m'en souviens pas.
19 Q. Très bien. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, pour dire, que ces
20 documents, ces lettres de 1998, elles ne font pas du tout référence à des
21 crimes qui ont été commis. Il s'agit tout simplement d'informations portant
22 sur des faits très généraux, n'est-ce pas ? C'est bien de cela dont il
23 s'agit.
24 R. Je ne peux pas véritablement savoir si elles ont été reçues ces lettres
25 comme sources d'information. Le but de ces lettres était d'obtenir des
26 renseignements à propos de certaines infractions alléguées et ce pour les
27 inclure dans notre rapport. Nous voulions inclure dans notre rapport le
28 point de vue gouvernemental.
Page 982
1 Q. Bien. Nous allons, dans un premier temps maintenant -- ou plutôt, je
2 pense qu'il y a cinq ou six lettres. Elles sont quasiment identiques ces
3 lettres, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, elles sont assez semblables, certes.
5 Q. Elles sont identiques à 90 % en l'occurrence étant le destinataire,
6 l'armée ou la police.
7 R. Il faudrait que je les renvoie pour accepter votre conclusion
8 statistique, parce que je ne veux surtout pas extrapoler, mais j'accepte ce
9 que vous indiquez --
10 Q. [aucune interprétation]
11 R. La différence dépendait du destinataire.
12 Q. Bien.
13 M. IVETIC : [interprétation] Nous allons demander que soit afficher à
14 l'écran le document P543 avec le e-court.
15 Q. Je pense qu'il s'agit d'une lettre qui, d'après votre organisation, a
16 été envoyée à M. Matic, le 20 juillet 1998. Vous voyez que le document
17 défile sur l'écran. Est-ce que vous pourriez me dire s'il y a une
18 information portant sur des infractions alléguées, je pense à des
19 infractions telles que violations du droit humanitaire international, est-
20 ce que cela est précisé dans cette lettre ?
21 R. Est-ce que vous pourriez m'accorder une petite minute pour que j'en
22 prenne connaissance ?
23 Q. [aucune interprétation]
24 R. Voilà comment je peux parler de cette lettre. Nous informons le
25 gouvernement de l'enquête que nous menons à bien à propos de violations
26 alléguées du droit humanitaire international, et nous leur demandons des
27 renseignements et ce afin de préciser certaines interrogations que nous
28 avons.
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1 Q. Pourtant vous ne précisez pas de quelles infractions ou violations du
2 droit humanitaire international il s'agit; vous ne les informez pas, n'est-
3 ce pas ?
4 R. Cette lettre a été envoyée lors de la phase de recherche, nous n'avions
5 pas encore abouti à la conclusion à laquelle nous avons fini par aboutir à
6 propos des violations du droit humanitaire international au Kosovo.
7 Q. Voilà la question que j'aimerais vous poser, maintenant : après l'envoi
8 de ces lettres en 1998 et avant la publication de votre rapport, vous
9 n'avez pas envoyé d'autres lettres pour essayer d'obtenir de la part des
10 autorités yougoslaves de plus amples renseignements à propos des
11 accusations précises de violations du droit humanitaire international, ce
12 qui ensuite a été publié par la suite dans votre rapport ?
13 R. Nous n'avons pas envoyé d'autres lettres à la suite de ces lettres.
14 Q. Donc vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Peut-on avancer en toute équité que vos rapport ont été préparés sans
17 pour autant qu'il y ait contributions ou informations de la part des
18 autorités serbes ou yougoslaves ?
19 R. Je ne dirais pas que l'on puisse avancer cela en toute équité, car nous
20 avons utilisé des documents de source ouverte lorsque cela a été possible
21 pour présenter le point de vue du gouvernement. J'aurais souhaité très
22 sincèrement obtenir des réponses à ces lettres de la part d'une ou
23 plusieurs agences gouvernementales auxquelles elles ont été envoyées, ces
24 lettres, parce que le rapport aurait eu beaucoup plus de valeur et tout
25 notre travail s'en serait trouvé renforcé.
26 Q. Vous admettez toutefois que c'est une limite de votre rapport puisqu'il
27 y a des documents officiels ou des renseignements officiels qui font défaut
28 et qui n'ont pas été présentés par l'une des parties au conflit ?
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1 R. Nous avons utilisé tous les renseignements dont nous disposions et nous
2 avons donné la possibilité au gouvernement yougoslave de nous donner des
3 renseignements, et ils n'ont pas retenu cela.
4 Q. Très bien. Au sein de votre organisation, vous n'aviez pas de mandat
5 officiel de la part des Nations Unies, de l'OSCE, de l'Union européenne,
6 pour ce qui est de vos tractations avec les autorités yougoslaves ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Ce sont des ONG privées, n'est-ce pas, qui ont posé ces questions aux
9 autorités yougoslaves ?
10 R. Oui, c'est une organisation non gouvernementale, c'est exact.
11 Q. Vous acceptez j'espère le fait qu'il y avait plusieurs organisations
12 internationales qui avaient un mandat, qui se trouvaient sur le terrain au
13 Kosovo, qui avaient des contacts quotidiens avec les représentants des
14 organes serbes et yougoslaves, qui avaient obtenu un mandat de la part de
15 l'OSCE, de l'Union européenne et des Nations Unies ?
16 R. C'est exact.
17 Q. Si les autorités yougoslaves, puisqu'elles avaient des contacts
18 quotidiens avec ces entités, peut-être que les renseignements que ces
19 entités recevaient auraient complété votre rapport ?
20 R. Peut-être.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Abrahams, à quelles entités
22 pensez-vous ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense à la Mission de vérification du
24 Kosovo, et puis auparavant, à la Mission d'observation diplomatique du
25 Kosovo.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je ne pense pas que la question
27 du conseil porte là-dessus, parce qu'il avait déjà posé des questions qui
28 suggéraient que vous ne devriez pas dépendre d'eux ou être tributaires de
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1 ces informations, des informations de ces organisations.
2 M. IVETIC : [interprétation] En fait, je posais des questions à propos de
3 ces organisations parce qu'il y a des informations qui ont été obtenues et
4 qui n'ont pas été reprises.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il y a d'autres -- ce sont plutôt
6 les seules organisations auxquelles vous pensez --
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- alors que le conseil a parlé de
9 plusieurs organisations ayant reçu un mandat de la part des Nations Unies,
10 de l'OSCE et de l'Union européenne. Nous, nous parlons -- c'est de cela
11 dont il s'agit, ce dont nous parlons, des missions des observateurs et de
12 rien d'autre.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pensais que le conseil faisait
14 référence à cela.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
16 M. IVETIC : [interprétation]
17 Q. Le KDOM, c'était une mission conjointe pour les Nations Unies et
18 l'Union européenne; est-ce exact ?
19 R. Je ne pense pas --
20 Q. Je pense qu'il s'agissait d'une mission conjointe ou mixte. Les entités
21 en question étaient le KDOM et peut-être la Croix-Rouge ?
22 R. Pour autant que je m'en souvienne, le KDOM avait toute une série
23 d'unités. Il y avait le KDOM des Nations Unies, le KDOM de l'Union
24 européenne, et il y avait également un KDOM russe.
25 Q. Bien. Dans ce contexte, vous nous avez donc parlé de la nature des
26 hostilités ou des escarmouches entre l'UCK et les forces yougoslaves et
27 serbes sur le terrain au Kosovo-Metohija. Est-ce que nous pouvons avancer
28 que les autorités yougoslaves avaient d'autres chats à fouetter et que,
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1 pour ce qui est des rapports quotidiens, elles n'avaient peut-être pas le
2 temps de répondre aux questions telles que les questions qui ont été posées
3 par votre organisation ?
4 R. Je ne peux pas spéculer et parler de la charge de travail des
5 autorités.
6 Q. Cela ne vous semble pas illogique, ce que j'avance.
7 R. Qu'est-ce qui ne me semble pas illogique ?
8 Q. Ce que j'avance, à savoir qu'elles n'ont pas été en mesure de répondre
9 à toutes les questions privées ou toutes les questions posées par des
10 entités privées puisqu'elles avaient beaucoup de choses à faire. Il y avait
11 toute une gamme d'organisations internationales qui étaient reconnues et
12 qui faisaient la même chose.
13 R. Que les autorités répondent ou non, ce fut leur décision, de toute
14 façon. Nous n'avions pas le mandat qui nous aurait permis de leur forcer la
15 main à ce sujet.
16 Q. Très bien. Alors pour préciser quelque chose que vous avez dit
17 d'ailleurs un peu plus tôt ce matin, est-ce que vous connaissez les
18 conditions générales de l'accord de l'OSCE en vertu duquel la Mission de
19 vérification du Kosovo s'est rendue au Kosovo et connaissez-vous
20 l'interaction qui régissait, par exemple, ou qui existait entre la police
21 serbe et la MVK ?
22 R. Je connais les grandes lignes de cet accord.
23 Q. Très bien, alors je vais vous demander si vous savez que l'accord
24 précisait certaines activités policières, par exemple, les contrôles au
25 niveau des points de contrôle qui se trouvaient sur le territoire du
26 Kosovo-Metohija ?
27 R. Non, je ne connais pas ce sujet.
28 Q. Pendant un moment, j'aimerais vous demander de me croire sur parole.
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1 Cela va être hypothétique pour vous puisque vous ne connaissez pas ce
2 renseignement, mais si l'accord demandait à la police de se livrer à
3 certaines activités telles que les contrôles, est-ce que les attaques de
4 l'UCK menées contre ces postes de contrôle seraient considérées par vous
5 comme des actes légitimes ou illégitimes ? Je fais référence à ce que vous
6 avez dit tout à l'heure à propos d'attaques menées contre des officiers de
7 police.
8 R. Tout dépend de ce que vous entendez par "légitime".
9 Q. Et bien qu'entendez-vous, vous, par "légitime" ? Est-ce qu'il s'agit
10 d'un acte terroriste ?
11 R. Non, il ne s'agit pas d'un acte terroriste. Il s'agit d'hostilité.
12 Alors est-ce qu'en fonction du droit humanitaire international, est-ce que
13 le poste de contrôle de police est une cible légitime ?
14 Q. C'est ce que je vous pose comme question.
15 R. Cela dépend de la fonction du poste de contrôle en question.
16 Q. Puisque vous ne connaissez pas l'accord de l'OSCE, nous ne pouvons pas
17 véritablement poursuivre cette discussion.
18 R. Je ne peux vous dire que ce que je disais avant la pause. S'il s'agit
19 d'un poste de contrôle à des fins de circulation routière, par exemple,
20 cela n'est pas considéré comme une cible militaire légitime, mais s'il
21 s'agit d'un poste de contrôle qui contribuait en quelque sorte aux
22 hostilités en cours, cela peut être considéré comme une cible, d'une
23 certaine mesure, d'une certaine façon.
24 Q. Je vais essayer de préciser cela. Lorsqu'il y a des cibles légitimes,
25 cela ne se limite pas aux postes de contrôle ou aux contrôles faits dans le
26 cadre de la circulation routière, parce qu'il y a toute une gamme de
27 fonctions policières qui peuvent être considérées comme des cibles
28 légitimes dans le cadre du droit humanitaire international. Donc vous, vous
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1 avez utilisé l'exemple de la circulation routière comme exemple très, très
2 clair.
3 R. Ecoutez, je ne suis pas juriste, mais d'après ce que je crois
4 comprendre de la loi, il y a donc la participation aux hostilités qui
5 permet de déterminer si une cible est légitime ou non.
6 Q. Donc, vous n'êtes pas un juriste, mais est-ce que cette précision que
7 vous venez d'apporter, est-ce qu'elle est valable pour toutes les autres
8 conclusions juridiques que vous avez dégagées, par exemple lorsque vous
9 avez dit qu'il y avait un conflit armé, par exemple ?
10 R. Cela, c'est le point de vue de l'organisation, point de vue auquel nous
11 sommes parvenus après des consultations avec "Human Rights Watch", et cela,
12 dans le cadre de ces consultations, il y avait notre équipe de juristes.
13 Q. Très bien. Vous avez témoigné à propos d'un incident tragique à Gornje
14 Obrinje qui s'est déroulé en 1998. Dans un premier temps, je pense que ce
15 lieu était un bastion de l'UCK en 1998.
16 R. L'UCK avait une base, si je peux m'exprimer de la sorte, dans le
17 village qui se trouvait à proximité qui était Likovac.
18 Q. C'est de cela dont je parle. Est-il vrai également que cette région a
19 été la scène de combats intenses entre l'UCK et les forces serbes avant la
20 découverte des corps et des victimes ?
21 R. Oui, il y a eu des combats entre les deux côtés, c'est exact.
22 Q. Est-il exact de dire également qu'il y avait des combats violents et
23 des hostilités après la découverte des corps ?
24 R. A la manière dont je le comprends, les hostilités existaient déjà deux
25 jours avant la découverte des corps.
26 Q. Ma question portait sur ce qui est arrivé après la découverte.
27 R. Oui, après.
28 Q. Bien. La découverte des corps.
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1 R. C'est à cela que je faisais référence.
2 Q. Très bien. A ce moment-là, vous étiez dans la région, c'était le 30
3 septembre 1998. Est-il exact de dire qu'un véhicule de la Croix-Rouge qui
4 se dirigeait vers Gornje Obrinje a été attaqué et neutralisé par l'UCK, et
5 encerclé ?
6 R. Je ne me souviens pas de la date exacte de cet incident, mais je me
7 souviens de l'incident, car j'ai observé le véhicule du CICR. Ce qui s'est
8 produit, c'est ceci, très précisément. C'est un Land Rover qui, si je ne me
9 trompe pas, a touché une mine sur la route entre Gornje Obrinje et Likovac,
10 et je crois que c'était un médecin albanais qui a été tué au cours de la
11 déflagration. Un autre véhicule du KDOM, si je ne me trompe pas, c'était un
12 véhicule canadien, qui a également touché une mine.
13 Q. Ils ont été neutralisés par le feu de l'UCK, et par conséquent, ont dû
14 être évacués par un hélicoptère du MUP serbe et un détachement du MUP serbe
15 des forces serbes.
16 R. Je ne suis pas au courant de cela.
17 Q. Mais vous disposez de rapport de la Croix-Rouge et des pertes en hommes
18 qui ont suivi, n'est-ce pas, et ceci est contenu dans ce rapport ?
19 R. C'est exact, puisque j'ai observé cela et ce véhicule.
20 Q. Mais la description que vous faites, vous dites que ce véhicule de la
21 Croix-Rouge a été touché par une mine et vous parlez des pertes qui ont été
22 dues à cette action menée par l'UCK, mais dans ce que vous avez publié,
23 rien n'est évoqué au sujet de la vallée de la Drenica, de cette semaine de
24 terreur à Drenica.
25 R. Je devrais vérifier, mais ce rapport a été très précis sur l'intensité
26 des combats qui se sont déroulés dans la région et autour de Gornje
27 Obrinje.
28 Q. Ecoutez, la question que je vous pose, Monsieur, est très claire. Vous
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1 avez été le témoin oculaire de cette tragédie qui a été celle de la Croix-
2 Rouge aux mains de l'UCK, mais vous n'avez pas publié cela avant l'an 2001.
3 R. Encore une fois, je devrais vérifier cela et voir ce que j'ai écrit à
4 propos de cette semaine de terreur à Drenica, mais nous avons dans notre
5 rapport précisé qu'il y avait 12 policiers serbes qui sont morts au combat
6 à Gornje Obrinje. Je devrais vérifier cela et préciser le chiffre, mais
7 c'est ce dont je me souviens. Nous savions que les hostilités étaient assez
8 intenses.
9 Deuxièmement, je dois vous dire que les éléments dont je disposais
10 indiquaient que le véhicule du CICR a touché une mine antipersonnel. Je ne
11 sais pas, je n'ai pas d'autre information pour savoir si le feu a
12 effectivement neutralisé le véhicule. Je ne sais pas.
13 Q. Bien. Serait-il exact de dire que dans de telles circonstances, dans la
14 région autour de Gornje Obrinje, c'était une région contestée qui était
15 sous le contrôle de l'UCK, mais qui n'était pas sous le contrôle des
16 autorités légitimes des forces serbes et des forces yougoslaves ?
17 R. L'UCK s'était établi dans la région de Likovac et dans toute la région
18 autour de Gornje Obrinje, à l'époque.
19 Q. Sans le contrôle effectif de Gornje Obrinje et en présence de l'UCK à
20 cet endroit-là, cela signifie qu'il serait très difficile pour les
21 autorités serbes de mener à bien une enquête sur le site d'Obrinje, n'est-
22 ce pas, Gornje Obrinje ?
23 R. Des tentatives ont été faites par une équipe internationale pour que
24 soit faite une exhumation du site de Obrinje. C'était une équipe médico-
25 légale finlandaise à la tête de laquelle il y avait le Dr Helena Ranta.
26 Q. Bien. Ce convoi comprenait également certains médecins du côté serbe,
27 n'est-ce pas ? Je crois que c'est exact ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. N'est-il pas exact de dire qu'en raison de la menace posée par la
2 présence de l'UCK dans la région, ce convoi ne pouvait pas mener à bien ces
3 exhumations et ces enquêtes ?
4 R. Ceci n'est pas exact.
5 Q. Nous ne savons pas si d'autres témoins diront de même.
6 Quoiqu'il en soit, savez-vous que les autorités serbes en particulier
7 et le pouvoir judiciaire ont demandé officiellement à ce qu'une enquête
8 soit menée, a autorisé l'exhumation et a demandé à la police de procéder à
9 cette exhumation ?
10 R. Je ne savais pas cela.
11 Q. Très bien. Encore une fois, nous allons revenir à ce que vous avez
12 publié. Il y a des insuffisances au niveau de ce que vous avez publié, car
13 vous n'avez pas parlé de tout lorsque vous avez décrit ces événements dans
14 ce rapport.
15 R. Je peux vous parler de l'exhumation de Gornje Obrinje.
16 Q. Est-ce que vous pouvez répondre à la question, Monsieur ?
17 R. Permettez-moi de relire cela.
18 Q. Certainement.
19 R. Nous avons fourni aux gouvernements serbe et yougoslave ainsi qu'aux
20 représentants officiels pertinents, nous leur avons demandé de nous fournir
21 les éléments d'information pertinents. Ils ont refusé de le faire. Nous
22 nous sommes donc reposés sur les sources publiques de l'époque qui étaient
23 disponibles et qui donnaient le point de vue du gouvernement à l'époque.
24 J'aurais souhaité, à l'époque, recevoir davantage d'informations que nous
25 aurions pu à ce moment-là inclure dans nos rapports.
26 Q. Si vous disposez d'information des autorités serbes qui indiquaient
27 qu'ils avaient mené des enquêtes avant même la publication de votre rapport
28 en février 1999, lorsque vous avez parlé de la semaine de terreur à
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1 Drenica, ceci modifierait pour beaucoup les conclusions auxquelles vous
2 êtes parvenu ?
3 R. Non.
4 Q. Pour ce qui est du manque de réaction des autorités serbes dans leurs
5 tentatives de mener à bien les enquêtes ?
6 R. Je ne me souviens pas avoir parlé de ceci dans nos rapports et de dire
7 qu'ils avaient omis de mener une enquête à propos de cet incident en
8 particulier. Notre rapport a porté sur la semaine de terreur à Drenica.
9 Nous avons inclus cela et nous avons parlé du fait que l'équipe médico-
10 légale finlandaise n'a pas pu parvenir ou avoir accès à la région.
11 Q. Encore une fois, vous ne disposiez pas des éléments qui vous
12 permettaient de modifier vos conclusions ?
13 R. Nous disposions des éléments de certains individus et du convoi
14 finlandais. Les forces de police serbe les ont empêchés d'arriver à la
15 région de Gornje Obrinje.
16 Q. Vous n'étiez pas présent physiquement, vous n'avez pas été le témoin
17 oculaire de tout ceci ?
18 R. Non, je me suis reposé sur les interviews que j'ai eues avec l'équipe
19 finlandaise ainsi que des habitants du village de la région.
20 Q. Très bien. Par exemple, est-il exact de dire que vous ne disposiez pas
21 d'éléments sur le nombre d'enquêtes ou de charges pénales ou d'actes
22 d'accusation à l'encontre des autorités -- ou d'actes d'accusation rédigés
23 par les autorités serbes, à savoir d'enquêtes menées par le MUP serbe et de
24 charges pénales qui auraient été déposées par le bureau du Procureur, et
25 cetera, de la période allant du 1er juillet 1998 au 1er juin 1999 portant sur
26 les crimes commis par différents individus contre les victimes
27 d'appartenance ethnique kosovare albanaise ?
28 R. Nous avons demandé à avoir ces éléments d'information. C'est la raison
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1 pour laquelle nous avions envoyé ces lettres mais ces éléments ne nous ont
2 pas été fournis.
3 Q. Très bien. Donc, vous n'avez pas d'informations concernant le fait
4 qu'il y a eu environ 1 000 charges pénales qui ont été rédigées par les
5 autorités serbes contre les auteurs de tout ceci.
6 R. Je n'ai pas eu connaissance de cela. Je n'ai pas de chiffre exact en
7 tête, mais ceci n'enfreint en rien le droit du gouvernement serbe et
8 yougoslave et même leur obligation de poursuivre les crimes commis sur le
9 territoire placé sous leur autorité.
10 Q. Vous serez d'accord pour dire, n'est-ce pas, que quelles que soient les
11 connaissances des faits dont vous disposez, ceci aurait pu avoir une
12 incidence sur les conclusions que vous avez tirées dans vos rapports
13 concernant la culpabilité de différents organes étatiques et des crimes qui
14 ont commis semble-t-il, ou d'après certaines allégations ?
15 R. Je ne suis pas d'accord avec cela, non. Je crois que vous avez compilé
16 un certain nombre de moyens de preuve, que ces documents parlent des crimes
17 graves commis par la police serbe, en tout cas en ce qui concerne votre
18 client, je crois que les preuves sont suffisamment parlantes.
19 Q. Encore une fois, il y a des éléments qui manquent, un élément clé, à
20 savoir ce qui a été fait après par les autorités.
21 R. Je ne pense pas. Je crois que ceci a été documenté tout à fait avec
22 beaucoup de précision, les actions ont été évoquées ainsi que le manquement
23 à certaines réactions par la suite qui ont entouré ces incidents que l'on a
24 essayé de cacher par la suite.
25 Q. Très bien. Vous avez un peu plus tôt témoigné en parlant d'une source
26 d'information à propos de Gornje Obrinje. Je crois que des personnes qui
27 ont essayé de passer ont découvert des corps, n'est-ce pas ?
28 R. Notre recherche a porté sur Gornje Obrinje, principalement sur les
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1 personnes qui ont été trouvées des corps dans la forêt, c'est exact.
2 Q. Ces personnes n'ont pas été des témoins oculaires des meurtres eux-
3 mêmes ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Je crois que dans votre rapport, vous avez même dit que ces personnes
6 ont fui la région et n'ont trouvé les corps que lorsqu'elles sont
7 revenues ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Lorsqu'il s'agit des corps trouvés dans la forêt, n'est-il pas plus
10 exact de dire que le récit portant sur leur décès se fonde davantage sur la
11 spéculation, plutôt que de dire que ces personnes n'étaient pas les témoins
12 oculaires des meurtres en réalité et qu'il y a ici un certain degré de
13 conjectures qui entre en compte ?
14 R. Pardonnez-moi. Mais vos conclusions se fondent sur une période de deux
15 semaines. En réalité, il y a trois semaines qui sont très importantes sur
16 lesquelles nous avons fait une étude détaillée. Lorsqu'un ensemble
17 d'éléments de preuve est analysé dans son intégralité, ceci signifie qu'il
18 y a la déposition d'un certain nombre de témoins qui est prise en compte
19 lorsque l'on étudie les lieux du crime, plus le fait que les hostilités
20 étaient en cours à l'époque. Nous essayons de parvenir à la conclusion sur
21 cette base-là. Il y avait certaines personnes qui ont été exécutées à cet
22 endroit-là.
23 Q. Monsieur, il n'y avait pas de témoins oculaires de ces meurtres dans la
24 forêt, n'est-ce pas ?
25 R. Personne n'a vu effectivement précisément ces meurtres.
26 Q. Et personne n'a vu les auteurs commettre ces actes qui ont été
27 allégués ?
28 R. Personne n'a vu les auteurs à cet endroit-là et dans la région. Aucun
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1 témoin n'a vu les auteurs tirer sur la gâchette.
2 Q. Monsieur, corrigez-moi si je me trompe mais vous avez parlé de ceci un
3 peu plus tôt, vous avez dit que vous n'avez pas de formation juridique et
4 je crois pouvoir dire également que vous n'avez pas de formation ou un
5 niveau d'étude en tant qu'enquêteur de la police ou officier de police ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Vous n'avez pas de formation à proprement parler ou vous n'avez pas
8 suivi d'études dans le domaine médico-légal ?
9 R. Ecoutez. J'ai reçu une formation dans le domaine médico-légal dans le
10 sens où j'ai une bonne connaissance du domaine médico-légal, mais je n'ai
11 suivi des études à proprement parler en criminalistique.
12 Q. Vous n'avez aucune formation ou éducation dans ce domaine ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Donc vos points de vue et vos conclusions sont ceux, lorsque vous
15 parlez de ces individus qui ont été tués et puis qui sont décédés, cela
16 signifie qu'ils sont décédés mais bon, on peut considérer que ceci a une
17 valeur un peu limitée à cet égard. Il s'agit tout simplement de conclusions
18 faites par un individu qui n'a pas de formation particulière et qui n'est
19 pas particulièrement qualifié.
20 R. Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous utilisez le terme de
21 "non formé", mais je dirais ceci. Nous avons fait beaucoup d'efforts dans
22 tout le rapport pour essayer de déclarer ce que nous savions. Tout ceci est
23 indiqué dans les notes en bas de page. Tout a été cité. Nous avons parlé
24 des limites que représentaient les données que nous avons recueillies, et
25 je crois que les rapports sont suffisamment explicites à cet égard. Nous
26 permettrons aux lecteurs de parvenir à leurs propres conclusions basées sur
27 les faits que nous leur avons fournis.
28 Q. Bien, Monsieur Abrahams, quoi qu'il en soit vous savez qu'il y avait
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1 certains cas où l'UCK a tué des civils albanais, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, je suis au courant.
3 Q. Vous savez également que les efforts déployés par l'UCK pour essayer
4 d'obtenir l'intervention du monde extérieur contre les forces yougoslaves
5 et serbes ont existé particulièrement en 1998 et 1999.
6 R. Est-ce que vous pourriez préciser ce que vous entendez par "obtenir
7 l'intervention" ?
8 Q. Intervention militaire.
9 R. Je savais que l'UCK voulait que l'OTAN prenne part au conflit.
10 Q. N'est-il pas un fait établi que votre organisation est parvenue à une
11 conclusion en vertu de quoi, pour des raisons de propagande, l'UCK a
12 provoqué de façon tout à fait intentionnelle contre les civils albanais
13 pour essayer de recueillir l'appui de l'OTAN ou l'intervention de l'OTAN ?
14 R. La conclusion à laquelle vous faites référence peut être qualifiée
15 comme telle. Je crois que l'UCK savait qu'elle avait besoin d'avoir
16 l'opinion publique de son côté et que les crimes malheureux commis et les
17 sévices commis contre des Albanais de souche étaient des crimes qu'ils
18 souhaitaient rendre publics et ils souhaitaient que le restant du monde
19 soit tenu au courant de cela.
20 Q. Je souhaite vous en parler davantage.
21 Votre organisation a déclaré, je souhaite que vous vous reportiez à votre
22 chapitre "Under Orders" P438, page 80 dans le système électronique, ceci
23 est redit à la page 130 également. Je crois citer votre organisation
24 lorsque je dis : "L'UCK comprenait certainement quel était l'avantage
25 politique qu'elle pouvait tirer de ces pertes en hommes -- de ces pertes de
26 civils."
27 R. C'est exactement ce que je viens de dire.
28 Q. Très bien. Je crois que c'est un fait, n'est-ce pas, que nous ne
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1 pouvons pas exclure la possibilité que la tragédie de Gornje Obrinje était
2 due à l'UCK, étant donné qu'il n'y avait pas de témoins oculaires ?
3 R. Oui, j'ai rassemblé de tels éléments d'information et ceci m'a permis
4 de parvenir à ma conclusion.
5 Q. Avez-vous interviewé Imer Delilaj ?
6 R. Oui.
7 Q. C'était un membre de la famille des victimes de Gornje Obrinje, n'est-
8 ce pas ?
9 R. Oui, effectivement.
10 Q. Vous l'avez interviewé le 10 novembre 1998 ?
11 R. Je l'ai interviewé à plus d'une reprise.
12 Q. Très bien. Cela étant dit, Imer était un combattant déclaré de l'UCK,
13 n'est-ce pas ?
14 R. Oui, effectivement.
15 Q. Lorsqu'il déplorait la mort de son frère, il vous a dit --
16 M. IVETIC : [interprétation] Ceci est à la pièce 441 dans le système
17 électronique, page 36.
18 Attendons que ceci soit affiché à l'écran, s'il vous plaît.
19 A la page 36 du système électronique. Si vous pouvez faire dérouler le
20 texte vers le bas. Page 36. La première page. Il ne s'agit pas de la page
21 en question. Peut-être que je peux obtenir un numéro ERN. Le numéro ERN
22 K0364957. Oui, effectivement, ceci apparaît bien sur la page. Il y a une
23 marge décalée. C'est cela qui nous intéresse; les deux dernières phrases au
24 niveau de ces paragraphes décalés.
25 Q. Ici, vous décrivez votre interview avec M. Imer Delilaj, n'est-ce pas ?
26 R. Est-ce que vous pouvez faire remonter le texte un petit peu, s'il vous
27 plaît ?
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous souhaitez voir le bas de la page,
Page 999
1 n'est-ce pas ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je crois, Monsieur le Président, je vois
3 bien. Je crois que c'est une citation de mon entretien avec Imer Delilaj.
4 M. IVETIC : [interprétation]
5 Q. Veuillez vous reporter aux deux dernières phrases de ce document. Je
6 crois que vous dites : "Adem avait 33 ans. Il n'avait jamais été armé, il
7 n'a jamais eu aucun souci avec le gouvernement ni avec l'UCK."
8 Monsieur Abrahams, voici ma question. Est-ce que cette déclaration qui est
9 faite par M. Delilaj, lui-même membre de l'UCK, qui connaît bien les
10 activités de l'UCK, semble indiquer que des Albanais de souche pouvaient
11 être menacés par l'UCK ?
12 R. Nous avons fait état de cela dans nos rapports. Certains Albanais de
13 souche avaient des problèmes avec l'UCK. Cette déclaration peut être
14 interprétée de différentes façons. Mais on pourrait effectivement le lire
15 de la façon dont vous venez de le faire et parvenir à cette conclusion-là.
16 Q. Avec cette interprétation là -- biffez cela, s'il vous plaît.
17 Les personnes à Gornje Obrinje qui étaient au courant des attaques ou des
18 meurtres commis par l'UCK contre des Albanais de souche, est-ce que ces
19 personnes pouvaient considérer qu'il s'agissait de coupables éventuels de
20 ces meurtres, les forces de l'UCK ou l'UCK ?
21 R. Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?
22 Q. Si quelqu'un est au courant de meurtres commis par l'UCK à Gornje
23 Obrinje contre les Albanais de souche, on pourrait en conclure qu'il y a
24 deux coupables éventuels dans ce cas-là, n'est-ce pas ?
25 R. Je n'ai jamais entendu d'éléments relatant que des Albanais de souche
26 auraient été tués par l'UCK à Gornje Obrinje. Je n'ai aucun élément
27 d'information là-dessus.
28 Q. Nous allons revenir sur le même point. Vos rapports manquent
Page 1000
1 véritablement d'éléments essentiels sur ces événements.
2 R. Ce n'est pas un manque d'information. Ce sont des informations qui
3 existaient à ce moment-là.
4 M. IVETIC : [interprétation] Pièce 72, s'il vous plaît. Est-ce que nous
5 pouvons la voir affichée à l'écran ? Je crois qu'il y a une erreur, ici;
6 c'est le 6D12, le numéro du document.
7 Q. Monsieur, il s'agit ici d'une traduction anglaise d'un document.
8 L'original se trouve en B/C/S dans le système électronique. Il s'agit d'un
9 rapport sur une enquête sur site datée du 13 février 1998, dans le village
10 de Gornje Obrinje, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, effectivement.
12 Q. Ceci concerne le meurtre du facteur Mustafa Kurtaj?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. D'après ce que vous savez de ce village, des gens qui vivent à cet
15 endroit-là et des langues qui y sont parlées, pouvez-vous tirer des
16 conclusions quant à l'appartenance ethnique de cette victime ?
17 R. Oui, Kurtaj est un nom albanais, effectivement.
18 Q. Si vous lisez un peu plus loin dans le texte, le document dit que M.
19 Kurtaj a été tué dans la région, la même région que vous avez indiquée,
20 n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est cela.
22 Q. Encore une fois, il s'agit d'éléments dont vous ne disposiez pas à
23 l'époque où vous avez rédigé votre rapport ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Bien. C'était un facteur. Savez-vous que l'UCK a attaqué des facteurs
26 qui faisaient leur métier dans le cadre tout à fait légitime des organes
27 gouvernementaux en place, serbes et yougoslaves ?
28 R. Contre des facteurs, je ne sais pas, non.
Page 1001
1 Q. Ecoutez, l'attaque contre un facteur --
2 M. STAMP : [interprétation] Simplement un point d'éclaircissement, s'il
3 vous plaît. Les termes de la question ne sont pas appropriés. La question
4 qui a été posée à propos du document qui est à l'écran est de savoir si
5 cela a un rapport ou non. La question est à propos des meurtres commis par
6 l'UCK contre un facteur. Est-ce que la question figure quelque part dans le
7 document ? Est-ce que c'est la raison pour laquelle ce document est
8 affiché ?
9 M. IVETIC : [interprétation] Nous avons ce document qui parle du meurtre
10 d'un Albanais de souche à Gornje Obrinje, à propos duquel le témoin a dit
11 n'avoir aucune connaissance. Il ne savait pas que de telles choses se
12 produisaient. Je souhaite maintenant évoquer une question qui est une
13 question distincte, je souhaite parler de la légitimité des attaques contre
14 des organes gouvernementaux.
15 M. STAMP : [interprétation] Si le conseil peut nous aider ici et nous dire
16 s'il savait ou non que ces Albanais de souche étaient tués à Gornje
17 Obrinje. Je pense qu'il dit ne pas avoir connaissance de cela. Il ne sait
18 pas qu'un Albanais de souche a été tué par l'UCK.
19 M. IVETIC : [interprétation] Oui, c'est exact.
20 M. STAMP : [interprétation] Je ne sais pas s'il avait connaissance de cela,
21 s'il savait que des Albanais de souche étaient tués. Maintenant, la
22 question porte sur le meurtre d'un facteur albanais de souche par l'UCK.
23 C'est pour cela que la question a un lien avec ce document. C'est la seule
24 question que je pose.
25 M. IVETIC : [interprétation] En partie, puisque nous allons passer à la
26 connaissance qu'il avait. J'allais lui poser la question maintenant. Je
27 demande de façon générale s'il savait que le facteur a été tué par un
28 membre de l'UCK, par l'UCK. Je pense qu'il a répondu. De toute façon, nous
Page 1002
1 pouvons passer à --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de faire cela, je souhaite
3 simplement faire la clarté là-dessus. La traduction est exacte par rapport
4 à ce facteur. C'est la personne qui distribue les lettres.
5 M. IVETIC : [interprétation] C'est exact.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il ne s'agit pas simplement d'un
7 officier du SUP qui s'occupe de la poste; c'est quelqu'un qui remet les
8 lettres, n'est-ce pas ?
9 M. IVETIC : [interprétation] D'après ce que je comprends, oui, c'est
10 quelqu'un qui remet les lettres étant donné que --
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne savais pas que le SUP parlait ou
12 traitait de la question de la distribution des lettres, mais en tout cas,
13 c'est quelque chose que je viens d'apprendre.
14 M. IVETIC : [interprétation] Le SUP ne s'occupait pas des services postaux.
15 C'est également un organe du gouvernement serbe. C'est une organisation
16 publique.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sans nul doute, ceci permet de
18 clarifier les choses. Nous allons voir un peu plus loin. Maître Ivetic,
19 posez votre question.
20 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.
21 Q. Tout d'abord, Monsieur, savez-vous que les services postaux au Kosovo-
22 Metohija étaient considérés par l'UCK comme faisant partie des autorités
23 serbes du gouvernement, dans vos entretiens avec l'UCK ?
24 R. Non. Les services postaux, pas particulièrement, non.
25 Q. Bien. Je crois qu'on peut considérer que les attaques contre un employé
26 des services postaux seraient légitimes ou illégitimes, d'après vous,
27 d'après "Human Rights Watch" ?
28 R. Pardonnez-moi si j'interromps, Monsieur le Juge, mais j'entends un
Page 1003
1 drôle de bruit dans mon casque.
2 M. IVETIC : [interprétation] Nous l'entendons tous. Je crois que cela vient
3 de dehors.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Cela me dérange un petit peu. Je pensais
5 que c'était simplement dans mon casque.
6 Non, je ne considère pas qu'une attaque contre des travailleurs de la poste
7 soit légitime au titre du droit international humanitaire à moins que ce
8 travailleur de la poste n'ait une participation active aux hostilités. Mais
9 par définition, les travailleurs de la poste ne constituent pas une telle
10 cible.
11 M. IVETIC : [interprétation]
12 Q. D'accord. Cela me suffit. Consacrons maintenant quelques instants à la
13 reprise dans votre rapport d'un certain nombre d'événements historiques. Je
14 crois vous avoir entendu indiquer que pendant la période où vous avez
15 travaillé pour le bureau du Procureur, vous avez surtout travaillé sur les
16 aspects historiques de l'acte d'accusation, le contexte historique de cet
17 acte d'accusation, n'est-ce pas ?
18 R. S'agissant de l'acte d'accusation en particulier ?
19 Q. Oui.
20 R. C'est exact.
21 Q. D'accord. S'agissant de la présentation du contexte historique qui est
22 faite dans votre rapport eu égard à l'acte d'accusation, je vous demande si
23 vous avez fait des études centrées principalement sur l'histoire des
24 Balkans; oui ou non ?
25 R. J'ai un diplôme d'études internationales, une maîtrise d'études
26 internationales qui étaient concentrées sur l'Europe de l'Est.
27 Q. D'accord. Combien de professeurs en histoire balkanique ont été
28 employés par "Human Rights Watch" pour la rédaction de ces rapports ?
Page 1004
1 R. Employés ? Aucun.
2 Q. Aucun. Pendant le processus de relecture dont vous avez parlé, est-ce
3 que des professeurs d'histoire balkanique ont consulté les projets de texte
4 et présenté des commentaires quant à la partie historique de votre
5 rapport ?
6 R. Je ne crois pas, non.
7 Q. S'agissant du processus de relecture dont vous avez parlé, est-ce que
8 des experts de la police ont consulté le projet de rapport pour proposer
9 éventuellement des critiques sur tel ou tel point ?
10 R. Quelle est votre définition d'un expert de la police ?
11 Q. Et bien, classons les policiers en plusieurs catégories. Est-ce que
12 vous avez fait appel à des instructeurs de la police, des gens qui
13 travaillent dans des académies de police ou des écoles de police, dans le
14 cadre du processus de relecture ?
15 R. Non.
16 Q. Est-ce que vous avez fait appel à des responsables plus haut placés de
17 la police au niveau national, par exemple, à des gens qui ne viendraient
18 pas d'un pays des Balkans et qui auraient pu participer au processus de
19 relecture ?
20 R. Non.
21 Q. Est-ce que vous avez fait appel à des auteurs bien connus qui auraient
22 écrit des ouvrages sur l'action policière ou les structures policières dans
23 le cadre du processus de relecture de votre rapport ?
24 R. Non, à ma connaissance, non.
25 Q. Très bien. Revenons maintenant à la période où vous avez travaillé pour
26 le bureau du Procureur de ce Tribunal. Est-il permis de dire que votre
27 travail pour le bureau du Procureur a aidé ce dernier à établir l'acte
28 d'accusation, en tout cas dans sa partie historique, l'acte d'accusation
Page 1005
1 dressé contre M. Milosevic, et que finalement, c'est l'essentiel du travail
2 qui vous a été demandé ?
3 R. J'aimerais définir très clairement le rôle que j'ai joué. Quand je suis
4 arrivé ici, l'acte d'accusation avait déjà été établi et le bureau du
5 Procureur était en train d'y mettre une dernière touche, c'est-à-dire de le
6 modifier. On m'a demandé d'apporter mon aide en indiquant aux membres du
7 bureau du Procureur quelle était la meilleure direction à prendre pour
8 obtenir des documents corroborant les éléments historiques évoqués dans
9 l'acte d'accusation. Je tiens à dire également que cette mission m'a été
10 confiée effectivement, mais que c'était une mission parmi d'autres me
11 concernant.
12 Q. A l'époque, l'acte d'accusation contre les accusés présents ici n'avait
13 pas encore été émis, n'est-ce pas ?
14 R. Dans mon souvenir, il y avait un certain nombre des accusés présents
15 ici qui étaient mentionnés dans l'acte d'accusation dressé contre M.
16 Milosevic, mais pas tous.
17 Q. Pas tous, d'accord. Est-il permis de dire, Monsieur -- puisque dans la
18 préparation de votre rapport, vous avez déclaré qu'un objectif très
19 important consistait à aider aux enquêtes menées contre les responsables
20 yougoslaves et serbes eu égard aux événements du Kosovo-Metohija ?
21 R. L'un des objectifs principaux des documents établis par nous consiste à
22 promouvoir la justice internationale, et dans le cadre de cet objectif,
23 nous avons espéré que les documents établis par nous pourraient aider le
24 Tribunal, le Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, dans ses
25 enquêtes et dans ses poursuites contre les auteurs présumés d'infractions
26 et de violations du droit, indépendamment de leur appartenance ethnique.
27 Q. D'accord. Cet objectif, consistant pour l'essentiel à enquêter sur des
28 événements pouvant conduire à la mise en accusation de responsables serbes,
Page 1006
1 était l'objectif principal qui a justifié les interviews que vous avez pu
2 avoir avec un certain nombre de personnes, quel que soit l'endroit où ces
3 interviews ont été menées ?
4 R. C'était l'un de nos objectifs, qui était nombreux.
5 Q. Mais c'était un objectif ?
6 R. Oui, c'était un objectif.
7 Q. D'accord. N'est-il pas exact, Monsieur, que ces interviews, dont une
8 partie est reproduite dans diverses publications telles que le document
9 intitulé "Under Orders", n'ont pas été prises sous serment ?
10 R. Sous serment, non, non. Elles n'ont pas été recueillies sous serment.
11 Q. Il n'y avait aucun responsable judiciaire, aucun responsable du Tribunal
12 pouvant demander une déclaration solennelle aux personnes interviewées ?
13 R. Non.
14 Q. Ces personnes ne pouvaient pas faire l'objet de poursuite en cas de
15 faux témoignage ?
16 R. C'est exact.
17 Q. D'accord. Par ailleurs, vos rapports ne disent pas grand-chose des
18 sources utilisées, et notamment, ils ne disent pas grand-chose de
19 l'identité d'un grand nombre des personnes interviewées, n'est-ce pas ?
20 R. Lorsque nous citons des interviews dans nos rapports, nous faisons tout
21 pour défendre l'identité des témoins qui ont demandé des mesures de
22 protection par peur de représailles. Nous utilisons des initiales ou
23 d'autres méthodes destinées à protéger leur identité. Mais je peux, si vous
24 me donnez le temps de consulter les notes en bas de page, vous donner le
25 pourcentage exact de témoins qui ont demandé de telles mesures de
26 protection.
27 Q. D'accord. Quoi qu'il en soit, votre organisation n'a effectué aucune
28 vérification de fond quant à l'identité des personnes interviewées en vue
Page 1007
1 de vérifier si ces personnes pouvaient avoir le moindre rapport avec l'UCK
2 ou pourraient, de ce fait, éventuellement ne pas être suffisamment
3 objectives ?
4 R. Notre travail s'est appuyé sur des interviews aussi nombreuses que
5 possible, de façon à obtenir une idée aussi précise que possible de la
6 réalité de la situation. Nous avons interviewé de très nombreux témoins, de
7 très nombreuses victimes également, en leur posant des questions très
8 précises en vue de corroborer leur récit des événements dans la mesure du
9 possible. Mais si vous me demandez si nous avons recherché des documents
10 juridiques susceptibles d'écrire l'histoire personnelle de chacun de ces
11 témoins, je vous réponds non. Nous ne l'avons pas fait. Mais nous avons
12 mené ces interviews dans les meilleures conditions possibles pour vérifier
13 dans la mesure du possible et contre-vérifier les informations fournies par
14 ces divers témoins.
15 Q. D'accord. Monsieur, n'est-il pas exact que l'UCK, lorsqu'elle avait une
16 base dans un village, était principalement présente dans des unités
17 familiales ?
18 R. Il faudrait que vous m'expliquiez la nature exacte de votre question
19 pour que je la comprenne mieux.
20 Q. Bien entendu. Est-il permis de dire que dans les villages de la région,
21 il y avait des prisonniers de guerre qui étaient membres de l'UCK et
22 d'autres qui ne l'étaient pas ?
23 R. De façon générale, je conviendrais avec vous que tel était bien le cas.
24 Q. Mais nous parlons de façon générale.
25 R. De façon générale, les familles participaient ou ne participaient aux
26 actions de l'UCK, mais il y a certainement eu des cas où on pouvait trouver
27 dans une même famille un homme qui était membre de l'UCK et son frère qui
28 ne l'était pas, par exemple.
Page 1008
1 Q. Exact. Mais encore une fois, de façon générale, n'est-il pas exact que
2 le patriarche dans une famille était effectivement un patriarche et qu'il
3 exerçait un pouvoir important sur les autres membres de cette famille ?
4 R. Je suis d'accord avec cette déclaration.
5 Q. Conviendriez-vous également que si dans une famille il y avait un
6 patriarche qui était membre de l'UCK ou en tout cas sympathisant de l'UCK,
7 il exerçait très souvent des pressions sur l'ensemble de la famille,
8 s'agissant de ce que les membres de cette famille pouvaient dire ou ne pas
9 dire par rapport à l'UCK ?
10 R. Je suis d'accord avec cette déclaration.
11 Q. D'accord. Je crois que vous-même, ou votre organisation avait des
12 éléments d'information, en tout cas, que vous avez bien compris que l'UCK
13 était reconnue pour exercer des pressions sur la population locale,
14 s'agissant de ce que celle-ci disait aux médias ou à des personnes venues
15 de l'extérieur, n'est-ce pas ?
16 R. Il y a des cas où l'UCK a exercé son influence sur certaines personnes
17 du Kosovo. Oui, ceci est arrivé.
18 Q. D'accord. En réalité, c'est une source de préoccupations dont vous
19 faites état, je crois, dans le document "Under Orders", si je ne m'abuse.
20 Je ne pourrais pas vous donner le numéro de page exact, mais je crois me
21 rappeler que vous parlez du fait que vous saviez, que vous aviez compris
22 que l'UCK avait donné instruction aux gens de ne pas parler de certains
23 événements aux journaux, à la presse ou à d'autres personnes venues de
24 l'extérieur et susceptibles de les interroger. Vous vous rappelez avoir dit
25 cela, ou bien est-ce que je dois citer le numéro de pièce exact ?
26 R. Il serait préférable de citer la pièce, si cela ne vous dérange pas.
27 Q. Pas de problème.
28 M. IVETIC : [interprétation] "Under Orders", je crois qu'il s'agit de la
Page 1009
1 pièce P438 et je crois que ceci figure en page 22 du système e-court. La
2 page à l'écran n'est pas la page 22, il me semble. Je vais chercher le
3 numéro ERN.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si, si, je vois le passage sur la page
5 qui est affichée à l'écran. "Dans certains cas, des consignes avaient été
6 données à la population de ne pas parler de l'UCK en rapport avec certains
7 événements."
8 M. IVETIC : [interprétation] Je ne l'avais pas vu à l'écran. D'accord.
9 C'est au milieu de la page.
10 Q. Monsieur, ceci va sans doute vous aider à répondre à ma question
11 précédente qui, si je me souviens bien, était la suivante : est-il exact
12 que votre organisation a compris que l'UCK avait donné consigne aux gens de
13 ne pas parler de certains événements ?
14 R. Dans certains cas, c'est exact.
15 Q. D'accord. N'est-il pas logique d'en déduire, si l'on part du principe
16 que l'UCK avait dit aux gens de ne pas parler de certains événements à des
17 personnes extérieures, qu'elle pouvait également avoir donné à ces mêmes
18 personnes des consignes quant à ce qu'il convenait de dire au sujet
19 d'autres événements ?
20 R. Ma réponse sera peut-être un peu longue. Je vous demande quelques
21 instants de patience. Elle est un peu complexe, parce que c'est exactement
22 la raison pour laquelle nous procédions à ces interviews de façon très
23 détaillée. En effet, il n'y avait aucun moyen de mener enquête en cas
24 d'incidents tels que ceux de Gornje Obrinje qui ont duré plus de trois
25 semaines et impliqué un grand nombre de personnes. Il était impossible
26 d'interroger toutes ces personnes une par une pour ensuite obtenir une
27 corroboration globale. Nous pouvions, bien sûr, demander à toutes ces
28 personnes quel temps il faisait ce jour-là ou quels étaient les vêtements
Page 1010
1 que la personne portait tel ou tel jour. Mais il y a eu parfois des
2 contradictions entre les réponses fournies par tous ces témoins, des
3 contradictions qui pouvaient mettre en cause la crédibilité de certains, et
4 c'est la raison pour laquelle notre travail a duré le temps qu'il a duré.
5 Dans le cas de Gornje Obrinje, nous avons procédé à ce travail détaillé.
6 Nous avons suivi la méthode que je viens d'indiquer et nous avons abouti
7 aux conclusions que je présente dans mon rapport.
8 Q. Je pense que nous sommes déjà arrivés à la conclusion qu'il n'y a pas
9 eu de témoins oculaires des événements de Gornje Obrinje. Personne ne
10 pouvait vous dire qui était responsable de ce massacre. C'est une question
11 que nous pouvons laisser de côté. Mais pour l'instant, je parle de "Under
12 Orders", où les résultats des interviews menées à Kukes sont évoqués, Kukes
13 dont j'ai parlé précédemment. Je crois qu'à Kukes, il y avait des réfugiés
14 dans un certain nombre de centres de réfugiés et que ce qui a fait l'objet
15 de vos questions était les causes qui ont poussé ces gens à quitter leurs
16 domiciles. N'est-il pas logique de déduire des conclusions de "Human Rights
17 Watch" que l'UCK avait donné consigne à la population quant à ce qu'il
18 importait de ne pas dire, et que, par conséquent, elle pouvait également
19 avoir donné consigne à cette population quant à ce qu'il convenait de
20 dire ?
21 R. Il peut y avoir eu des incidents sporadiques où certaines personnes ont
22 reçu des consignes, mais je suis fermement convaincu que cela n'a pas eu
23 lieu systématiquement ou de façon coordonnée, parce que l'exode plus de 850
24 000 personnes se réalise dans le plus grands chaos et avec beaucoup de
25 violence, les gens cherchent tous à franchir la frontière, ils ne peuvent
26 rien emporter de ce qu'ils possèdent et ils essaient d'atteindre le plus
27 rapidement possible les camps de réfugiés en Macédoine ou au nord de
28 l'Albanie. Il n'y avait aucun moyen pour l'UCK ou quelque force que ce soit
Page 1011
1 d'ailleurs de donner consigne à ces personnes de façon systématique quant à
2 ce qu'il fallait dire ou ne pas dire pour aboutir à un rapport fiable.
3 Q. Vos interviews, vous les avez faites à Kukes ce qui n'était pas loin
4 d'une base de l'UCK, n'est-ce pas ?
5 R. Nos interviews ont été menées à Kukes où il y avait des bases de l'UCK
6 comme dans tout le reste du nord de l'Albanie.
7 Q. D'accord. Je crois que dans le texte "Under Orders" vous dites que tout
8 élément d'information que vous obteniez directement ou indirectement de
9 l'UCK faisait l'objet d'une grande suspicion quant à sa précision de votre
10 part. Ceci est-il une conclusion qu'il est permis de tirer par rapport aux
11 sentiments que vous aviez eu égard à ces interviews ?
12 R. Nous considérions que toutes informations provenant d'une source
13 officielle ou de quelque partie que ce soit à un conflit armée devait être
14 pris avec pas mal de suspicion au départ.
15 Q. D'accord. Est-il permis de dire que vous n'avez interviewé que 600
16 personnes dans tous ces centres de réfugiés, n'est-ce pas ?
17 R. Que voulez-vous dire en parlant de "centres" ?
18 Q. A Kukes. A Kukes, par exemple.
19 R. Bien, je ne suis pas sûr que votre façon de décrire les choses soit la
20 plus juste possible.
21 Q. Bien. Enlevons le mot "seulement." Vous avez interviewé 600 personnes
22 lorsque vous avez préparé votre rapport, n'est-ce pas ?
23 R. En Albanie et en Macédoine.
24 Q. D'accord. Vous n'avez pas interviewé les 800 000 personnes dont vous
25 avez parlé comme ayant fui leurs domiciles.
26 R. C'est exact. Nous avons interviewé 600 personnes.
27 Q. Vous avez interviewé un groupe limité, dans un secteur limité où il y a
28 eu des opérations de l'UCK, en tout cas dans une partie de ce secteur, plus
Page 1012
1 précisément à Kukes, n'est-ce pas ?
2 R. Les 600 personnes que nous avons interviewées ne venaient pas de Kukes,
3 il y en avait qui venait d'autres secteurs, en particulier, du nord de
4 l'Albanie, ainsi que d'autres régions de l'Albanie, comme Tirana, la
5 capitale, ou de Macédoine également. Par ailleurs, nous sommes retournés au
6 Kosovo en juin 1999 pour poursuivre notre travail dans le but d'obtenir des
7 éléments d'information complémentaires de la bouche de nouveaux réfugiés
8 qui ont été réduits à l'état de réfugiés par la guerre. Donc nous sommes
9 retournés dans les villages où on nous a dit que certains événements
10 s'étaient produits, pour interroger d'autres témoins qui font partie de ces
11 600 personnes interrogées.
12 Il y a un point sur lequel j'aimerais mettre l'accent c'est que nous
13 n'avons cessé d'être ébahis par la grande cohérence que nous avons constaté
14 dans les témoignages de toutes ces personnes et notamment au niveau de la
15 précision des noms. Les réfugiés, par exemple, nous disaient que dans tel
16 ou tel village 11 personnes albanaises de souche avaient été tuées par les
17 forces serbes, et ils nous donnaient les noms de ces personnes. Lorsque
18 nous sommes retournés dans ce village, nous avons établi précisément que le
19 nombre de personnes tuées correspondait au nombre cité par eux et que les
20 noms étaient exacts. J'ai été ébahi par le degré de cohérence que nous
21 avons constaté entre les récits des réfugiés et le résultat de nos propres
22 enquêtes.
23 Q. Revenons à l'UCK pendant un instant, puisque c'est elle qui vous
24 faisait l'objet de ma question. Retournons à 1998 et 1999. Je crois que
25 vous avez confirmé à de nombreuses reprises, en tout cas vous avez admis
26 qu'il y avait eu de la part de l'UCK de nombreuses attaques contre des
27 civils de toutes appartenances ethniques ainsi que contre des forces
28 gouvernementales légitimes et des forces armées, n'est-ce pas ?
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1 R. Tout dépend de la période dont vous parlez, parce que --
2 Q. De 1998, 1999, j'ai précisé la période.
3 R. Encore une fois, il faut être très précis car nous avons établi dans
4 nos documents que des crimes ont été dus à l'UCK contre des Serbes et
5 Albanais de souche en 1998. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Tout cela
6 figure dans nos rapports.
7 Q. D'accord.
8 R. Quant à 1999, à savoir plus précisément la période des bombardements de
9 l'OTAN, nous n'avons rien dans nos documents qui évoquent des exactions de
10 l'UCK dans cette période. L'explication bien sûr c'est que les
11 bombardements de l'OTAN étaient en cours et que l'UCK avait d'autres
12 activités à ce moment-là. Elle se cachait et ne participait pas au combat.
13 Nous n'avons pas d'éléments d'information indiquant qu'il y ait eu des
14 exactions contre les civils dans cette période particulière, à savoir mars
15 à juin 1999.
16 Q. D'accord. Mais n'est-il pas exact tout d'abord de -- non, non, écoutez.
17 Nous parlons de 1998, ensuite nous parlerons de 1999. N'est-il pas exact
18 qu'en 1998, l'UCK sur les 44 % du territoire qu'elle contrôlait à l'époque
19 a participé de façon active à une campagne de violence contre les civils de
20 toutes appartenances ethniques ?
21 R. Je préfèrerais être très précis. Il est vrai que dans un certain nombre
22 d'incidents graves l'UCK a enlevé et tué des citoyens d'appartenance
23 ethnique serbe ainsi que des citoyens d'appartenance ethnique albanaise
24 dans des lieux comme Orahovac, par exemple, ou la mine de Belacevac ainsi
25 que dans les environs de Djakovica. Oui, ceci a eu lieu effectivement.
26 Q. Puisque vous voulez être précis, n'est-il pas vrai également que le 9
27 septembre 1998, non loin de la ville de Glodane au Kosovo, les corps de 34
28 civils victimes de l'UCK ont été découverts au fond d'un lac ? Est-ce que
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1 vous vous rappelez cet événement ?
2 R. En effet, ceci est exact, oui.
3 Q. D'accord. N'est-il pas également vrai que -- d'ailleurs, je vais
4 d'abord commencer par vous demander si vous connaissez ce qu'il est convenu
5 d'appeler les accords d'octobre qui ont été conclus en octobre 1998 qui ont
6 entraîné un cessez-le-feu ?
7 R. Je connais l'existence de cet accord, mais je ne connais pas les
8 détails de ses termes.
9 Q. D'accord. Etes-vous au courant du fait ou est-ce que vous avez des
10 informations quant au fait que l'UCK, à de nombreuses reprises, violait
11 l'accord de cessez-le-feu après octobre 1998 ?
12 R. Encore une fois, je ne connais pas le détail des termes de cet accord.
13 Donc je ne saurais dire s'ils ont été violés ou pas. Mais si vous me
14 demandez si l'UCK a participé à des hostilités après le mois d'octobre
15 1998, je vous réponds oui.
16 Q. D'accord. Penchons-nous maintenant sur la période antérieure. Est-ce
17 que vous conviendriez que, dès 1996, l'UCK a commencé à s'organiser, à
18 participer à des violences pré organisées contre à la fois les autorités
19 civiles et des habitants membres de la population civile, n'est-ce pas ?
20 R. L'UCK a entamé des opérations militaires ou des hostilités au Kosovo en
21 1996, c'est exact.
22 Q. D'accord. En fait, vous évoquez certaines de ces opérations dans le
23 document "Under Orders", n'est-ce pas ?
24 R. C'est exact.
25 Q. D'accord. Est-ce que vous avez des éléments comme je le suppose qui
26 viennent à l'appui de ce vous dites dans "Under Orders", à savoir qu'à
27 partir d'un secteur, d'un territoire que l'UCK considérait comme son
28 secteur de base, elle a lancé des attaques contre des Albanais de la
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1 diaspora ?
2 R. Je ne suis pas au courant de l'organisation dont vous parlez mais
3 d'après ce que je sais, il y a eu des événements que je ne qualifierais pas
4 d'attaques mais en tout cas les membres de l'UCK ont cherché à obtenir de
5 l'argent auprès de la diaspora, ils ont demandé des dons volontaires ?
6 Q. Est-ce que vous êtes au courant de pressions ou de violences exercées
7 contre des personnes qui auraient refusé de faire de tels dons, si vous
8 tenez à utiliser ce terme ?
9 R. Non, je ne suis pas au courant de cela.
10 Q. D'accord. Outre les dons recherchés par l'UCK et l'appui que celle-ci
11 recherchait auprès de trafiquants de drogue ou de trafiquants d'êtres
12 humains, est-ce que vous savez qu'elle a également eu recours au
13 blanchiment d'argent et à d'autres activités du même genre ?
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas tout de suite.
15 Maître Ivetic, est-ce que vous pouvez nous aider en nous disant quel est
16 l'objectif de ces questions ? Où est-ce qu'elles vous mènent ?
17 M. IVETIC : [interprétation] Ce que je m'efforce de montrer, Monsieur le
18 Président, c'est que puisque le témoin a évoqué l'UCK dans sa déposition
19 sans parler de terroristes - il tenait beaucoup à les appeler des insurgés
20 - je tiens à vérifier sa définition de l'UCK pour voir si le terme utilisé
21 dans son rapport correspond à la réalité. Je ne voudrais pas lui mettre
22 d'autres mots dans la bouche que ceux qu'il allait prononcer lui-même.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demande un instant.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Après consultation des Juges, nous
26 comprenons l'objectif que vous poursuivez, mais Maître Ivetic, je pense
27 qu'il est également légitime de notre part de vous demander d'aller plus
28 rapidement à votre objectif, sans entrer dans le détail des actions de
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1 l'UCK dont les Juges sont relativement bien informés.
2 M. IVETIC : [interprétation] D'accord, je vais essayer d'abréger cette
3 partie de mon interrogatoire.
4 Je regarde la montre. Est-ce que la pause doit se faire maintenant ou
5 est-ce que nous pouvons poursuivre ?
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, puisque l'heure de la
8 pause approche, j'aimerais poser une question aux Juges ainsi qu'à la
9 Défense afin d'obtenir une estimation de la durée de l'interrogatoire, car
10 cela semble durer vraiment très longtemps.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous aider, Maître
12 Ivetic ?
13 M. IVETIC : [interprétation] Oui. Je pense qu'il me faudra encore 45 à 50
14 questions, donc une heure à peu près.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.
16 M. IVETIC : [interprétation] Je vais essayer d'être plus rapide que cela.
17 Je profiterai de la pause pour réduire au minimum mes questions.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Nous faisons la pause
19 maintenant et nous reprenons à 14 heures.
20 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
21 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 28.
22 --- L'audience est reprise à 14 heures 01.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.
24 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Abrahams, j'aimerais que nous revenions brièvement sur Gornje
26 Obrinje, parce que j'ai eu la possibilité de consulter le compte rendu
27 d'audience et je vois que j'ai raté un élément essentiel. Est-ce que vous
28 savez qu'après que les autorités judiciaires serbes aient demandé qu'une
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1 enquête soit diligentée et qu'il y ait exhumation, alors que les médecins
2 légistes et que les agents techniques se trouvaient en chemin pour ce
3 faire, est-ce que vous savez que dans la région de Likovic, on a tiré sur
4 le convoi, il s'agit d'une zone que vous avez identifiée comme étant une
5 base de l'UCK ?
6 R. Ce n'est pas une information que j'ai connue.
7 Q. Est-ce que vous serez d'accord avec moi pour dire que cette information
8 aurait une incidence importante sur les conclusions relatives à Gornje
9 Obrinje, pour ce qui est de savoir si les autorités ont réagi face aux
10 griefs après cet incident ?
11 R. Je ne sais pas, je ne dirais pas que cela ait eu une incidence
12 importante.
13 Q. Est-ce que vous pourriez dire que cela a eu un impact sur les
14 conclusions ?
15 R. Si le gouvernement a bona fide fait un effort pour mener une enquête à
16 propos de ce crime justement pour poursuivre les personnes responsables,
17 alors --
18 Q. Cela aurait changé les choses --
19 R. Non, non, non. Cela aurait été pertinent.
20 Q. Cela aurait été pertinent, mais c'est une information que vous ne
21 détenez pas.
22 R. A savoir que les autorités ont envoyé une délégation ou une équipe de
23 médecins légistes ?
24 Q. C'est exact, c'est exact qu'on a tiré sur le convoi et que les tirs
25 venaient de la direction de Likovic.
26 R. Non, je ne le sais pas.
27 Q. Nous allons maintenant parler de l'UCK et des activités de l'UCK. Vous
28 avez étudié la région, vous la connaissez très bien. Est-ce que vous êtes
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1 au courant qu'il y avait une organisation qui aidait au recrutement de
2 combattants pour l'UCK et qui s'appelait les Combattants islamiques
3 albanais ?
4 R. Non, je ne la connais pas.
5 Q. Est-ce que vous savez qu'il y a une déclaration qui a été faite par M.
6 Fatos Klosi ? Il a indiqué dans cette déclaration que des cellules
7 terroristes envoyaient des combattants pour se rallier à l'UCK ?
8 R. Non, je ne le savais pas.
9 Q. Je suppose que cela ne faisait pas partie de votre recherche, puisque
10 dans votre ouvrage sur le contexte historique, vous avez indiqué que l'UCK
11 avait pris ses distances par rapport aux terroristes.
12 R. Dans le cadre de ma recherche, j'ai posé des questions à M. Fatos
13 Klosi. Vous y avez fait référence. Je lui ai posé des questions à propos de
14 ces combattants islamiques, mais je n'ai pas trouvé de déclarations à
15 propos de cette banque.
16 Q. Est-ce qu'il a mentionné al-Qaeda ?
17 R. Non.
18 Q. Des terroristes ?
19 R. Non.
20 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de Claude Kader qui a été arrêté en
21 France en 1998 ? Claude Kader a dit que lui-même personnellement avait
22 formé et recruté des combattants pour l'UCK ?
23 R. Oui, je connais cela.
24 Q. Est-ce que vous connaissez son témoignage ?
25 R. Je crois savoir qu'il a été arrêté à Tirana parce qu'il avait assassiné
26 un Albanais, et je pense, si je ne m'abuse, qu'il s'agissait de son
27 traducteur. Dans le cadre de sa déposition, il a indiqué qu'il avait été
28 recruté pour justement recruter des combattants islamiques pour l'UCK.
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1 Q. Vous avez indiqué un peu plus tôt que vous avez tendance à essayer
2 d'éviter de cataloguer l'UCK comme groupe terroriste et que vous les
3 appelez des insurgés. Le fait est que quelle que soit l'appellation qu'on
4 leur donne - terroristes, insurgés, ou insurgés avec certains éléments
5 criminels - le fait est que lorsqu'il s'agit d'activités telles que des
6 attaques contre les civils, notamment des civils de toute nationalité, des
7 Rom, des Turcs, des Egyptiens, et cetera, et cetera, est-ce que vous pensez
8 que cela constitue des actes criminels, n'est-ce pas ?
9 R. Je dirais que les attaques de l'UCK menées contre des cibles militaires
10 légitimes pendant la période de conflit armé ne représentaient pas une
11 violation du droit humanitaire international, mais elles pourraient être
12 considérées, poursuivies et considérées comme des infractions du droit
13 yougoslave ou serbe.
14 Lorsqu'il s'agit d'attaques menées contre des cibles tout à fait légitimes
15 telles que des civils, cela constitue non seulement des infractions du
16 droit interne, mais également des infractions du droit humanitaire
17 international.
18 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que l'élimination de ces
19 activités, qu'on les appelle activités terroristes ou autres, et que le
20 fait d'essayer de mettre un terme à l'enlèvement et à l'assassinat de
21 personnes civiles est une fonction légitime de tout Etat, et non pas
22 seulement de la Serbie ou de la Yougoslavie fédérale à l'époque ?
23 R. Mon travail consiste à ne pas indiquer si un Etat le fait ou non, mais
24 comment l'Etat le fait.
25 Q. Vous avez dit avant la pause que vous pourriez marquer votre accord
26 avec cette déclaration. En règle générale, il y a eu certains actes
27 d'intimidation menés contre la population de souche albanaise de la part de
28 l'UCK.
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1 Je vais vous poser une question différente. Est-ce que vous savez que
2 l'UCK s'est lancée également dans un conflit avec d'autres groupes albanais
3 du Kosovo organisés, armés ou autres, d'ailleurs ?
4 R. Oui, je le sais.
5 Q. Quels sont les groupes que vous connaissez ?
6 R. Il y a un groupe qui s'appelle la FARK.
7 Q. Très bien. Nous sommes sur la même longueur d'ondes.
8 Ce groupe FARK, dont la traduction anglaise du sigle est les forces armées
9 de la République du Kosovo, ils étaient dirigés par Bujar Bukoshi, n'est-ce
10 pas ?
11 R. M. Bukoshi avait un rôle au niveau de la FARK, mais je ne sais pas s'il
12 s'agissait du dirigeant, comme vous l'avez dit.
13 Q. Je vais préciser.
14 M. Bukoshi était le premier ministre du gouvernement en exil des
15 Albanais du Kosovo; est-ce que cela est exact ?
16 R. Je ne dirais pas que c'est lui qui s'était érigé à cette fonction. Je
17 pense qu'il avait été choisi premier ministre au sein de ce gouvernement.
18 Que l'on considère ce gouvernement légal ou non, c'est une autre question.
19 Q. Ce gouvernement n'a pas été reconnu par d'autres Etats; est-ce que cela
20 est exact ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Est-il vrai également de dire que le groupe FARK avait des unités
23 armées au sein ou sur le territoire du Kosovo-Metohija ?
24 R. Il y a eu des périodes pendant lesquelles la FARK avait des unités
25 armées au Kosovo, certes.
26 Q. A un moment donné, il y a eu des fois où il y a eu des affrontements
27 entre l'UCK et la FARK.
28 R. Oui. Il y a eu des incidents d'affrontement, mais je ne connais pas
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1 quelle fut l'ampleur de cela. Puis à un moment donné, il y a une cessation
2 des hostilités entre les deux.
3 Q. A un moment donné, il y a eu une fusion. Certains éléments ont
4 fusionné, n'est-ce pas ?
5 R. C'est exact.
6 Q. En fait, il a été dit qu'Ahmet Krasniqi, qui a été assassiné à Tirana
7 en septembre 1998, avait été assassiné par des sympathisants de l'UCK.
8 R. Il y a de nombreuses allégations qui expliquent ou qui souhaitent
9 expliquer les raisons de l'assassinat de M. Krasniqi à Tirana, et je pense
10 qu'en dépit de mes enquêtes et de mes recherches avec les droits de
11 l'homme, nous n'avons pas été en mesure de déterminer qui était l'auteur de
12 cela.
13 Q. Mais c'est l'une des théories, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, que l'UCK a tué M. Krasniqi ? C'est effectivement l'une des
15 théories qui a été présentée.
16 Q. Merci. En sus, il faut dire que l'UCK avait également des problèmes
17 avec la LDK, n'est-ce pas, qui était le parti politique dirigé par M.
18 Rugova ?
19 R. Le parti politique LDK et l'UCK avaient des points de vue différents,
20 divergents sur la façon de solutionner le problème au Kosovo et ces points
21 de vue étaient très souvent divergents pour ces deux groupes, oui.
22 Q. De surcroît, ils n'étaient pas d'accord mais est-il vrai également de
23 dire qu'il y a eu des incidents qui ont fait l'objet de rapports suivant
24 lesquels l'UCK a harcelé ou fait subir des sévices à des représentants de
25 la LDK qui préconisaient une solution pacifique plutôt qu'une solution
26 militaire ?
27 R. Il y a eu en effet certain cas de ce style.
28 Q. Donc, vous le savez. Vous en êtes conscient de cela ?
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1 R. Oui.
2 Q. Puis-je avancer également le fait suivant, la population albanaise
3 civile du Kosovo était divisée, elle aussi, en fonction de ces différents
4 groupes, de ces différentes factions ?
5 R. Mais tout dépend de la période dont vous parlez. Parce que le soutien
6 populaire pour la LDK, pour Rugova et pour ce parti politique était
7 particulièrement important, et ce jusqu'en 1998. Il y a eu une certaine
8 érosion au fil du temps avec la poursuite des sévices et l'organisation
9 militante, le bras armé de l'UCK a commencé à se présenter comme un autre
10 choix. Avec la poursuite des sévices, les politiciens modérés ou les
11 politiciens qui prônaient l'approche non violente au sein de la LDK et
12 notamment, Ibrahim Rugova, étaient en train de perdre du terrain, vis-à-vis
13 des militants qui disaient : Cette politique ne donne pas de résultat,
14 nous devons nous confronter à l'Etat serbe avec force.
15 Notamment, j'aimerais parler des événements de Drenica à la fin du
16 mois de février, début du mois de mars 1998. Il y a eu toute une série
17 d'incidents. Les forces serbes ont tué 85 personnes dont plus de 20 femmes
18 et enfants. Je pense que cela a été en quelque sorte le grand virage, le
19 grand tournant pour l'opinion publique qui s'est détachée de la LDK pour se
20 rapprocher de l'UCK et qui a commencé à envisager l'insurrection armée
21 comme un moyen de défense et comme la seule option viable afin de faire
22 face à l'agression de l'Etat serbe.
23 Q. Ceci étant dit, je suis sûr que vous ne pouvez pas nier le fait qu'il y
24 avait certaines tensions pour ne pas parler d'hostilités franches et de
25 conflits entre ces différents groupes albanais du Kosovo qui avaient
26 différents plans et différentes intentions, et qui envisageaient de façon
27 différente la façon d'obtenir les résultats. Est-ce que cela est exact ?
28 R. Oui. Il y avait de nombreux points de vue et une tension constante
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1 entre ces groupes, certes.
2 Q. Nous allons maintenant revenir aux zones où il y a eu des violations du
3 droit humanitaire international. Vous nous avez parlé de ces zones d'où
4 étaient originaires les personnes qui ont été interviewées. Pouvons-nous
5 dire que ces zones que vous avez mentionnées, que ces différentes
6 municipalités étaient des endroits où il y avait un nombre important
7 d'échanges armés entre ce qu'on appelait l'UCK, terroristes ou pas, et la
8 police légitime et les forces armées de la Serbie et de la Yougoslavie ?
9 R. Dans certains cas, certes. Dans d'autres cas, non parce qu'en règle
10 générale, il y a eu des violations dans la région où l'UCK a été active;
11 cela est tout à fait vrai. Mais nous avons également fait état de cas où
12 l'UCK n'avait pas été active, par exemple, la ville de Pec ou la ville de
13 Pristina, ou encore dans des districts tels qu'Istok et Lipljan où les
14 activités de l'UCK étaient beaucoup moins importantes.
15 Q. Nous allons nous concentrer sur les régions où il y a eu activités de
16 l'UCK vis-à-vis des forces légitimes de la police et de l'armée. Je pense
17 que nous avons déjà parlé du fait que l'UCK n'avait pas de problème à
18 lancer des attaques à partir de villages tout en sachant que la population
19 civile serait prise entre deux feux. Au vu de ces circonstances, peut-on
20 dire que l'homme de la rue, l'Albanais du Kosovo avait toutes les raisons
21 de craindre pour sa sécurité au vu de ces conflits entre les différents
22 partis, entre la police légitime et les forces de l'armée d'un côté, et
23 puis l'UCK, je ne sais pas comment vous les appeler mais par ailleurs ?
24 R. Je dirais dans un premier temps que de temps à autre l'UCK a fait
25 courir des risques à la population civile en lançant des attaques à partir
26 de zones habitées. Je ne dirais pas qu'elle l'ait fait avec cette
27 intention. Je ne dirais pas qu'elle l'ait fait en voulant exposer cette
28 population à ces attaques. Mais il y a eu des cas où, certes, leurs
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1 attaques se sont soldées par ce genre de résultat, du fait de la réaction
2 exagérée de la part des forces de police serbe.
3 Q. Mais dans cette situation alors -- non, ou plutôt je souhaite biffer
4 cela.
5 Vous ne pouvez pas exclure le fait que certaines personnes ont quitté
6 ces municipalités à cause du conflit en cours entre ce que l'on appelait
7 l'UCK et les forces serbes légitimes ?
8 R. Mais à quel cadre temporel faites-vous référence ?
9 Q. En 1998 et 1999 ?
10 R. Il s'agit de deux périodes tout à fait différentes. Là, c'était un
11 conflit en pleine mutation, les conditions changeaient.
12 Q. Qu'en est-il des régions où l'UCK se battait contre la FARK ou d'autres
13 organisations armées du Kosovo ? Est-ce qu'il ne serait pas logique et
14 possible d'envisager que des personnes ont fui pour éviter ce genre de
15 conflit également ?
16 R. Les tensions et les conflits entre l'UCK et la FARK se sont trouvés
17 confiner dans la partie occidentale de la région, le long de la frontière
18 avec l'Albanie. A ma connaissance, personne n'a quitté cette région à la
19 suite de ces combats. C'est un tant soit peu exagéré que de parler
20 d'hostilités entre les deux. Ils étaient hostiles les uns avec les autres,
21 mais il n'y a pas eu de conflit armé ouvert. Je pense à une action
22 coordonnée, concertée et militaire.
23 Q. A votre connaissance ?
24 R. A ma connaissance.
25 Q. Vous avez dit à votre connaissance personne n'a jamais fui la région de
26 ce fait. Cette connaissance se fonde sur les interviews de 600 personnes
27 qui représentent 0,3 % de la population globale ?
28 R. Le départ du Kosovo de quelque 850 000 personnes, compte tenu des
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1 entretiens que j'ai eus, a été le résultat d'une campagne concertée pour
2 les expulser. Je parle du mois de mars au mois de juin 1999. A ce moment-
3 là, la FARK et l'UCK avaient fait la paix et avaient décidé de coopérer
4 l'un avec l'autre. Donc il n'y avait pas de tensions -- les tensions ont
5 toujours existé mais il n'y pas eu de conflits ou d'hostilités entre ces
6 deux groupes pendant la période du bombardement de l'OTAN.
7 Q. Cela toujours en fonction de vos connaissances. Si l'UCK a fait
8 pression sur les gens pour qu'ils ne parlent pas des raisons de leur
9 départ, vous n'en auriez pas entendu parler ? Est-ce que cela est exact ?
10 R. Non, cela n'est pas exact.
11 Q. Est-ce que vous êtes en train de me dire que si l'UCK avait fait
12 pression pour que les gens ne parlent pas, vous vous en serez rendu
13 compte ? Vous l'auriez appris ?
14 R. Oui, je le pense.
15 Q. Mais c'est votre déposition.
16 Nous allons maintenant passer aux attaques de l'OTAN et là, je pense
17 que vous avez certains renseignements à ce sujet d'après ce que j'ai lu. Je
18 pense que dans l'un des rapports de "Human Rights Watch" il a été indiqué
19 qu'il y a eu quelque 250 000 personnes qui n'étaient pas d'appartenance
20 ethnique albanaise, qui étaient essentiellement des Serbes qui ont fui
21 leurs foyers au Kosovo-Metohija pendant la période en question, à savoir
22 pendant le bombardement de l'OTAN. Il s'agit de la période allant de 1998
23 jusqu'à la fin des bombardements de l'OTAN, donc il y a quelque 250 000
24 Serbes qui sont partis du Kosovo-Metohija, ou des non-Albanais, et certains
25 n'étaient pas des Serbes, n'étaient pas d'appartenance ethnique serbe.
26 R. Est-ce que vous pourriez me dire quelle est la référence dans mon
27 document ?
28 Q. Je n'ai pas la référence de la page, mais j'ai une référence de page --
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1 numéro de page pour plus tard, lorsque vous parlez des attaques aériennes
2 de l'OTAN.
3 Mais est-ce que vous savez que des Serbes et d'autres non-Albanais du
4 Kosovo-Metohija ont fui leur foyer et sont devenus des personnes déplacées
5 à l'intérieur du pays parce qu'ils avaient peur pour leur sécurité
6 personnelle à la suite des bombardements et des attaques de l'OTAN ? Je ne
7 sais pas si vous avez connaissance de chiffres et de statistiques précis.
8 R. Pour préciser, vous parlez d'Albanais qui ne sont pas des Albanais de
9 souche et qui sont partis de leurs foyers pendant la période des
10 bombardements de l'OTAN ?
11 Q. C'est exact.
12 R. Je n'ai pas de chiffre, mais je pense que les gens ont effectivement
13 quitté leurs foyers pendant les attaques aériennes et pendant la guerre,
14 puis il y a encore plus de personnes qui ont quitté leurs foyers lorsqu'il
15 y a eu une discrimination des Serbes après le 12 juin 1999. Cela, nous en
16 parlons dans notre rapport.
17 Q. Nous allons nous concentrer sur la période des bombardements de l'OTAN
18 pendant un petit moment, si vous le voulez bien. Je crois que votre
19 organisation a compilé des informations, eu égard à l'ampleur de la
20 tragédie humaine à la suite du bombardement de l'OTAN en Yougoslavie en
21 règle générale, et plus précisément pour ce qui est de la région du Kosovo.
22 Est-ce que c'est une description exacte de ce que vous avez fait ?
23 R. Nous avons publié des rapports sur la base de recherches sur le terrain
24 et nous avons fait état des victimes civiles à la suite des bombardements
25 de l'OTAN, ainsi que des conditions des droits de l'homme au Kosovo après
26 le 12 juin 1999.
27 Q. Très bien. Je pense que lors de votre interrogatoire principal l'autre
28 semaine, vous avez dit qu'il y avait un nombre important des attaques
Page 1028
1 aériennes de l'OTAN qui se sont déroulées sur le territoire du Kosovo-
2 Metohija; est-ce exact ?
3 R. Dans notre rapport, nous faisons état de quelque 90 incidents de
4 victimes civiles dans toute la Yougoslavie. Un tiers de ces incidents se
5 sont produits au Kosovo.
6 Q. Justement, c'est à ce sujet que je ne suis pas d'accord, parce que
7 l'Accusation vous a posé des questions dans le cadre de l'interrogatoire
8 principal, et je veux dire que je suis un tant soit peu perplexe parce que
9 lorsque je lis votre rapport, et plus précisément "Under Orders" à la page
10 40 de l'affichage électronique, P438, il est évident que vous indiquez que
11 votre organisation déclare qu'entre 56 % et 60 % des victimes civiles des
12 bombardements de l'OTAN se trouvaient sur le territoire du Kosovo-Metohija,
13 ce qui est beaucoup plus qu'un tiers.
14 R. Moi, je parlais d'un tiers des cas.
15 Q. Des incidents. On peut dire que deux tiers des victimes civiles, à la
16 suite des bombardements de l'OTAN, j'entends, ont connu ce sort sur le
17 territoire du Kosovo-Metohija ?
18 R. Oui, entre 56 % et 60 %.
19 Q. Très bien. Il y a eu de nombreux cas où -- en fait, l'OTAN parle de
20 dégâts collatéraux, mais il s'agit de pertes de vies humaines. Cela s'est
21 produit dans les municipalités dont nous avons parlé pendant les derniers
22 jours de votre déposition.
23 R. Il faudrait que je consulte le rapport de façon détaillée pour vous
24 dire exactement où se sont déroulés ces incidents au Kosovo.
25 Q. A titre d'illustration, je vais vous donner un exemple. Je pense que
26 l'annexe B de votre rapport fait état des morts de civils lors de la
27 campagne aérienne de l'OTAN. Vous vous souvenez d'un incident qui s'est
28 produit à Djakovica le 14 avril 1999 ? Il a été indiqué que 37 Albanais
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1 dont on avait le nom, donc il s'agit d'Albanais du Kosovo, et 36 autres
2 personnes non identifiées ont été les victimes et ont été tuées par les
3 bombardements de l'OTAN. Il s'agit de civils en l'occurrence. Est-ce que
4 vous vous souvenez de cet incident ?
5 R. Je m'en souviens vaguement, mais je ne me souviens pas des détails de
6 cela. Je dois vous dire que je suis assez surpris d'entendre parler d'un
7 incident où il y a eu plus de 60 victimes.
8 Q. Cela s'est passé pendant une journée à Djakovica. C'est là que les
9 décès ont été enregistrés. Vous pourrez peut-être expliquer, il s'agit de
10 la pièce P703 sur le e-court. Il s'agit de l'annexe B. Je vais vous donner
11 la référence de la page dans un petit moment. C'est la page 74, pour ce qui
12 est de l'e-court. Il s'agit de la page 76.
13 La date, c'est le 14 avril, vous voyez, cela commence : "La zone entre
14 Djakovica et Decani," il y a les personnes dont les noms sont connus et
15 puis 36 personnes non identifiées. Corrigez-moi si je me trompe, mais est-
16 ce qu'il s'agit du résumé qui porte sur le nombre de personnes tuées à la
17 suite des bombardements de l'OTAN pour une journée ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Il ne s'agit pas d'un incident, mais d'une journée ?
20 Q. En fait nous savons qu'il y a eu plusieurs cas où, de façon directe ou
21 indirecte, les bombardements de l'OTAN ont provoqué la mort de civils ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Ce jour-là, il y a eu un peu plus d'une soixantaine de personnes qui
24 ont perdu la vie. Cela peut être considéré comme une journée importante et
25 particulièrement désastreuse pendant la campagne de l'OTAN, avec le nombre
26 de décès ?
27 R. Je suis d'accord.
28 Q. Une fois de plus, vous avez dit que, dans cette région, les gens sont
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1 partis pendant la même période, après le début du bombardement de l'OTAN,
2 les gens sont partis de cette région. Certains sont partis du Kosovo-
3 Metohija complètement. Voilà ce que j'aimerais savoir. Vous conviendrez
4 avec moi, n'est-ce pas, que les bombardements de l'OTAN ne peuvent pas être
5 exclus si l'on pense à la cause qui a provoqué le départ de ces gens, s'ils
6 craignaient pour leur sécurité personnelle, s'il y avait des bombes qui
7 tombaient et puis il y avait des cas de nombreux civils qui avaient péri
8 sous ces bombes ?
9 R. Je peux exclure cette possibilité. Je peux dire pourquoi. Il se peut
10 qu'il y ait eu des personnes qui ont quitté le Kosovo parce qu'elles
11 avaient peur des bombardements de l'OTAN. Mais lors de tous les entretiens
12 que j'ai menés à bien, et je pense également à tous les entretiens menés à
13 bien par mes collègues, je vous dirais qu'il n'y a pas une seule personne
14 qui a avancé cette raison. Inversement, ces personnes ont donné force
15 détails et force explications pour nous indiquer pourquoi ils étaient
16 partis et comment notamment ils avaient été expulsés par la contrainte et
17 la force de leur village, de leur ville et de leur foyer.
18 De surcroît, ils nous ont parlé d'un processus que nous avons appelé
19 nettoyage de l'identité. En fait, il s'agissait de la frontière avec
20 l'Albanie ou la Macédoine, et les officiers, les représentants serbes ou
21 les forces yougoslaves ont pris leurs documents d'identité, leurs
22 certificats de naissance et leurs autres documents, ce qui a été interprété
23 comme une façon de les empêcher de revenir dans la province. Moultes fois
24 ces personnes nous ont expliqué comment la région était encerclée, comment
25 les hommes étaient séparés des femmes, comment parfois les hommes exécutés
26 et comment le reste des familles était chassé sur les routes où on les
27 encourageait de prendre le chemin de la frontière. En général, il y avait
28 des forces armées qui se trouvaient sur la route, et ils ont été expulsés
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1 par la force. Nous n'avons pas pu établir de corrélation entre les régions
2 où il y avait des bombardements de l'OTAN et les régions où il y a eu
3 expulsion par la force. Absolument aucune corrélation.
4 Q. Une fois de plus, cela se fonde sur votre connaissance et auprès des
5 600 personnes que vous avez interrogées ?
6 R. Cela se base sur -- enfin je ne sais plus combien de mois, il faut que
7 je les compte pour être précis.
8 Q. Je vais vous poser une autre question : S'il y a d'autres personnes
9 interrogées par d'autres agences qui ont indiqué qu'elles étaient parties
10 du fait des bombardements de l'OTAN, c'est quelque chose que l'on ne
11 retrouve pas dans votre enquête cette information; est-ce que cela est
12 exact ?
13 R. Il faudrait que je consulte ce document pour vous dire si je considère
14 cette information comme crédible ou non.
15 Q. Très bien. Si Mme Mitchell de l'OSCE nous a dit qu'il y a eu des cas où
16 ces personnes ont témoigné pour dire qu'elles sont parties à cause des
17 bombardements de l'OTAN, est-ce que vous estimez qu'il s'agit d'une source
18 fiable dans ce cas ?
19 R. Oui.
20 Q. Bien. Par le passé vous avez témoigné pour dire que vous n'étiez pas au
21 courant -- que vous ne saviez pas que l'UCK s'est livrée à des actes de
22 violence ou à des attaques contre les civils d'appartenance ethnique
23 albanaise au cours de l'année 1999 ?
24 R. Entre les mois de mars et jusqu'au mois de juin 1999.
25 Q. Entre les mois de mars et juin 1999. D'accord. Nous sommes clairs là-
26 dessus. Je suppose que vous n'aviez pas aucun accès aux informations ni aux
27 rapports remis par la police serbe sur le terrain concernant les éléments
28 d'information qu'ils ont recueillis sur place dans les villages comme quoi
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1 ils avaient été attaqués par l'UCK et comme quoi les Albanais de souche
2 avaient été attaqués et déplacés.
3 R. Dans la période allant du mois de mars au mois de juin.
4 Q. Oui, dans la période allant du mois de mars au mois de juin 1999.
5 R. Est-ce que vous pourriez répéter la question, s'il vous plaît ?
6 Q. Oui. Vous n'aviez accès à aucun élément d'information sur les rapports
7 rédigés par la police serbe sur le terrain concernant des éléments dont ils
8 disposaient ou rapports sur les villages qui avaient été attaqués par l'UCK
9 dont les habitants, y compris les Albanais de souche, avaient été déplacés
10 par l'UCK et avaient dû quitter ces villages dans la période allant du mois
11 de mars au mois de juin 1999 ?
12 R. Non, je n'avais pas accès à ces rapports de police.
13 Q. Dans votre déposition, vous dites que les seules enquêtes écrites
14 datent de 1998 et il n'y a pas eu d'enquêtes menées par la suite, et vous
15 n'avez pas demandé à voir cela ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Est-il exact de dire, Monsieur, qu'encore une fois c'est un domaine sur
18 lequel n'a pas porté votre rapport si complet soit-il, que vos rapports
19 n'ont pas porté sur les éléments pertinents concernant l'ensemble de la
20 région qui est débattue ici ?
21 R. Les rapports de police sur les activités de l'UCK pendant la période de
22 bombardement de l'OTAN nous auraient permis d'étendre le champ de nos
23 recherches. J'aurais volontiers inclus cela.
24 Q. Un instant, s'il vous plaît.
25 [Le conseil de la Défense se concerte]
26 M. IVETIC : [interprétation] Pardonnez-moi, J'essaie de voir
27 simplement s'il y a des questions que je peux raccourcir.
28 Q. Vous seriez d'accord avec moi pour dire que pour avoir une image
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1 d'ensemble de la situation quelles que soient les circonstances il est
2 toujours préférable, voire même essentiel d'entendre les deux parties à un
3 conflit, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. En réalité, parce que vous ne disposiez pas des éléments que j'ai
6 évoqués à plusieurs reprises ici, dont nous avons cité quelques exemples,
7 votre rapport ne présente pas une image d'ensemble parce qu'il ne
8 représente pas les deux côtés.
9 M. STAMP : [interprétation] Permettez-moi, je n'aime pas intervenir. C'est
10 la dixième fois que l'on pose cette question. Le témoin a déjà indiqué
11 qu'il n'était pas au courant de l'existence de ces rapports. C'est un
12 domaine où il est obligé de se livrer à des conjectures, si cela avait
13 existé qu'aurait-il fait ? La question a été posée tellement souvent que
14 j'ai dû intervenir, et je dois soulever une objection, ce que je ne fais
15 pas d'habitude, car nous avons des contraintes de temps et il nous faut
16 tenir compte des autres témoins également.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Je vous remercie, Monsieur
18 Stamp.
19 Maître Ivetic.
20 M. IVETIC : [interprétation] Si le temps pose problème, j'en ai presque
21 terminé, il y a eu plusieurs cas où le témoin a indiqué qu'il n'avait pas
22 connaissance de certains éléments, et nous venons de voir une pièce qui est
23 assez détaillée et qui parle d'éléments dont il n'a pas eu connaissance. Je
24 pense que c'est pertinent eu égard à certains éléments sur lesquels il a
25 témoigné, est-ce qu'il reconnaît que son rapport comporte certaines
26 insuffisances étant donné qu'il manquait de certains éléments
27 d'information, je ne vais pas parcourir tous ces documents avec lui. Mais
28 je peux m'y prendre autrement --
Page 1034
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est quelque chose qui sera plaidé en
2 temps utile. Je ne pense pas qu'une réponse à la question ajouterait
3 quelque chose à ce que nous savons déjà.
4 M. IVETIC : [interprétation] Bien.
5 Q. Pour ce qui est des bombardements de l'OTAN, je pense que vous avez
6 indiqué au cours des questions qui vous ont été posées dans le cadre de
7 l'interrogatoire principal, vous avez dit que votre organisation a estimé
8 que les actes de l'OTAN ont provoqué des pertes de vies humaines du côté
9 des civils et qu'il s'agissait de violation du droit international
10 humanitaire; est-ce exact ?
11 R. C'est exact.
12 Q. Je souhaite passer maintenant, si vous me le permettez à ce qui a été
13 appelé "Operation Horseshoe," opération Fer à cheval, qui a été promue par
14 l'OTAN comme étant l'élément lui permettant de justifier les frappes
15 aériennes contre la Yougoslavie. Si je me souviens bien, il s'agissait d'un
16 plan offensif lancé par les forces yougoslaves qui étaient censés encercler
17 le Kosovo-Metohija et chasser la population civile. Si je me souviens bien
18 l'OTAN a décrit ou a assuré la promotion de cela et l'a appelé l'opération
19 Fer à cheval.
20 R. Avant de répondre, je souhaite faire référence à votre question
21 précédente.
22 Q. Question précédente qui parle du droit international humanitaire de
23 l'OTAN ?
24 R. Non, ce qui concerne l'information concernant les autorités serbes.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, nous avons déjà dépassé cela. Je
26 souhaite que vous répondiez à la question qui vous a été posée.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Bien.
28 Les gens se sont beaucoup livrés à des conjectures concernant cette
Page 1035
1 opération "Horseshoe," Fer à cheval, qui était sensiblement le plan qui
2 visait à chasser la population albanaise de souche. Je n'ai jamais trouvé
3 d'éléments de preuve permettant d'indiquer que cette "opération Fer à
4 cheval" a véritablement existé en tant que telle.
5 M. IVETIC : [interprétation]
6 Q. Vous êtes tombé sur des insinuations ou des éléments de preuve qui
7 indiquaient qu'en réalité cette opération Fer à cheval était un coup monté
8 par le gouvernement allemand pour détourner l'attention du reste du monde
9 puisqu'on avait tendance à critiquer la campagne menée par l'OTAN, n'est-ce
10 pas ?
11 R. Est-ce que vous pouvez me préciser de quelles déclarations il s'agit ?
12 Q. Oui. Il s'agit toujours de "Under Orders," P438, page 86 dans le
13 système électronique.
14 En attendant, est-ce que vous vous souvenez de quelque chose qui ressemble
15 à cela sans entrer dans le détail ?
16 R. Pardonnez-moi, j'ai besoin de voir le texte avant de répondre.
17 Q. Pas de problème. Nous y viendrons.
18 Q. Je pense que c'est à la page 86. Ça y est, nous l'avons à l'écran, au
19 milieu. Je vais commencer par la phrase où on peut lire : "Un général de
20 brigade à la retraite de l'armée allemande a plus tard indiqué que ce plan
21 était fou, un coup monté et un rapport venant des services de
22 Renseignements assez vague qui souhaitait ainsi détourner les critiques qui
23 devenaient de plus en plus importantes en Allemagne, critiques contre le
24 bombardement."
25 R. Oui. Je me souviens de cela dans la presse.
26 Q. Très bien. Est-ce que ceci vous permet de vous rafraîchir la mémoire, à
27 savoir si vous avez découvert qu'il y avait des éléments à cet effet, qu'en
28 réalité l'opération "Horseshoe", Fer à cheval, était un outil de propagande
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1 qui était utilisé par les pays de l'OTAN pour apporter leur soutien à la
2 campagne aérienne ?
3 R. Dans ma déclaration, j'en ai parlé. J'en ai parlé dans le rapport parce
4 que j'estimais que ces allégations étaient suffisamment fiables pour
5 qu'elles soient incluses dans mon rapport, qu'il y avait des éléments qui
6 tendaient à faire croire que certains gouvernements, dans ce cas, le
7 gouvernement allemand, utilisait l'opération "Horseshoe" pour mobiliser
8 l'opinion publique à l'intérieur de l'Allemagne en faveur de cette
9 opération. Quoi qu'il en soit, au jour d'aujourd'hui, je ne suis pas
10 convaincu que l'opération "Horseshoe" ou Fer à cheval a existé en tant que
11 telle. Je reste d'avis qu'il y a eu une campagne systématique et coordonnée
12 pour chasser une grande partie de la population albanaise de souche.
13 R. Monsieur, si vous le savez -- je suis sûr, parce que vous avez indiqué
14 que vous avez inclus ceci dans votre rapport parce que vous estimez que
15 c'était une source fiable. Ceci est arrivé au grand jour en avril de l'an
16 2000, lorsqu'un général de brigade, Heinz Loquai, allemand à la retraite, a
17 publié un ouvrage où il a indiqué que les services de Renseignements ont
18 indiqué que les Allemands -- des sources de renseignements, en déclarant
19 que l'opération qui avait été préparée avait pour intention de chasser
20 l'UCK et non pas les civils.
21 R. Je ne suis pas au courant de la publication de cet ouvrage.
22 Q. Vous n'avez pas poursuivi vos recherches dans ce domaine ?
23 R. Quand ce livre a-t-il été publié ?
24 Q. En avril de l'an 2000.
25 R. [aucune interprétation]
26 Q. [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pardonnez-moi, mais j'ai une question
28 à poser à M. Abrahams. Tout d'abord, quels étaient les critères que vous
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1 aviez à l'esprit lorsque vous acceptiez certaines déclarations, que vous
2 jugiez qu'elles étaient fiables alors que d'autres ne l'étaient pas ?
3 J'entends par là, vous deviez appliquer un certain nombre de critères, je
4 suppose, parce que sinon, ce serait un petit peu se livrer à des caprices
5 et vous prendriez une déclaration et non pas une autre. Est-ce que vous
6 pourriez parler davantage de cela, s'il vous plaît ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
8 Je ne peux pas vous dire que l'on appliquait une formule stricto
9 sensu. On ne peut pas dire, lorsqu'on lit un journal, si c'est fiable ou
10 non. Ce que nous faisions, nous nous reposions pour beaucoup sur des
11 sources journalistiques. Comment puis-je vous l'exprimer ? Ceci peut
12 sembler assez vague, mais en général, c'est quelque chose qu'on acceptait
13 lorsqu'il y avait un lectorat assez important et qu'il fallait protéger la
14 réputation de la presse, et il était important que les sources soient
15 fiables.
16 Cela étant dit, la plupart d'entre nous fournissaient des citations
17 en bas de page, de façon à ce que le lecteur puisse en juger lui-même et
18 considérer si, oui ou non, cette source était fiable au nom du lecteur en
19 question.
20 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que vous avez essayer de
21 corroborer vos sources par rapport aux informations qui vous parvenaient,
22 parce qu'une redite est une chose, mais la confirmation signifie qu'il y a
23 deux ou trois sources qui concordent sur un même élément, autrement dit,
24 que c'était fiable ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avons essayé de faire ceci au
26 mieux. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour faire concorder cela. Je
27 dois insister sur le fait que nous ne nous sommes jamais reposés sur les
28 reportages des médias lorsque nous avons avancé des allégations à propos de
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1 certains crimes. Nous utilisions des sources journalistiques que nous
2 estimions fiables pour confirmer quelque chose que d'autres, différents
3 témoins, avaient dit dans leurs déclarations. Dans ce cas, j'estimais que
4 c'était tout à fait légitime lorsqu'on parlait de l'opération "Horseshoe",
5 que je n'ai jamais trouvé de preuves à l'appui de son existence parce que
6 ce plan précisément existait. Mais parce que nous avons évoqué ce plan
7 précisément, cela ne veut pas dire que je ne pense que ce plan n'existait
8 pas.
9 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci beaucoup.
10 M. IVETIC : [interprétation]
11 Q. Très bien, Monsieur. Pour en revenir sur un point que nous avons
12 abordé un peu plus tôt. Avant la pause précédente, vous avez évoqué
13 certaines régions où vous saviez qu'il y avait des attaques ou des
14 activités de l'UCK contre la population civile, qu'elle soit serbe ou
15 autre. Concentrons-nous pendant un bref moment sur les activités de l'UCK
16 contre les civils serbes de souche qui habitaient dans la région qu'elle
17 contrôlait. Vous avez évoqué, je crois, Djakovica comme étant une des
18 régions où l'UCK avait lancé des attaques contre la population civile
19 serbe. Pourriez-vous développer cela, s'il vous plaît, et nous donner votre
20 point de vue sur ces attaques ou les activités menées, ou en tout cas, ce
21 que vous saviez ?
22 R. A Djakovica, dans cette région, la plupart des incidents que je
23 connaissais portent sur la période de 1998, le printemps ou l'été de 1998,
24 lorsque l'UCK a exercé beaucoup de pressions et s'est livrée à des actes de
25 violence contre la population civile dans la région qui était sous son
26 contrôle.
27 Q. A quelle fréquence ces incidents avaient-ils lieu ? Y avait-il juste un
28 incident ou plusieurs dans la municipalité de Djakovica ?
Page 1039
1 R. Je ne suis pas en mesure de vous dire combien d'incidents en
2 particulier il y a eu. Si je ne me trompe pas, si je regarde mes rapports,
3 je crois qu'il y avait 198 personnes, à la fois des Albanais et des Serbes,
4 qui ont été portées disparues pendant l'année 1998. Ce chiffre est un
5 chiffre qui provient de la Croix-Rouge internationale, mais je devrai le
6 vérifier, ce chiffre.
7 Q. Bon. Très bien, qu'il s'agisse d'une centaine ou de 198, ou de 190, ou
8 de 150, est-ce que nous pouvons raisonnablement dire qu'il s'agit de plus
9 d'un incident et nous en tenir à cela ?
10 R. Je crois que cela me paraît exact.
11 Q. Merci, Monsieur Abrahams. Je n'ai plus de questions à vous poser pour
12 aujourd'hui.
13 M. IVETIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, c'est à vous.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Ivetic. Monsieur Stamp,
15 vous avez la parole.
16 M. STAMP : [interprétation]
17 Q. J'ai une ou deux questions à poser.
18 Nouvel interrogatoire par M. Stamp :
19 Q. [interprétation] Vous avez dit, en réponse à des questions qui vous ont
20 été posées par mes confrères de la Défense après les lettres qui ont été
21 présentées comme moyens de preuve ici, vous n'avez pas envoyé d'autres
22 lettres ?
23 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'est exact.
24 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez tenté à plusieurs
25 reprises de vous entretenir avec les autorités yougoslaves pour pouvoir
26 parler des questions de la sécurité, vous vous entreteniez avec la VJ à
27 Belgrade, les représentants de la VJ. Mais vous n'avez pas, malgré tous vos
28 efforts déployés, pu vous entretenir avec eux ?
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1 R. C'est exact.
2 Q. Pour finir, en réponse à une question qui vous a été posée par M.
3 Ivetic, je ne sais pas si c'était M. Ivetic, mais c'était un des conseils
4 de la Défense, pour ce qui est du MUP, vous avez également tenté de parler
5 aux représentants du MUP à Pristina, les autorités du MUP à Pristina au
6 Kosovo. Qu'est-ce que vous avez fait ? Vous n'avez pas réussi. Pourriez-
7 vous développer cela et quel type d'efforts avez-vous déployés ?
8 R. A différents moments, nous sommes entrés dans les postes de police de
9 Pristina. Nous avons essayé d'entrer en contact avec eux ainsi que dans
10 d'autres régions, et on nous disait sans cesse que nous devions poser nos
11 questions aux autorités compétentes en la matière. Je dois ajouter
12 également que nous disposions d'un chercheur qui se trouvait à Belgrade
13 pendant toute la période du bombardement de l'OTAN. C'était un citoyen
14 yougoslave qui suivait la guerre à partir de Belgrade. Si je ne me trompe
15 pas, c'était au mois de mai. Cette personne, c'était un employé de "Human
16 Rights Watch" qui a été convoqué au poste de police, à un poste de police à
17 Belgrade. Je crois que c'était Stari Grad, où il a été interrogé pendant
18 cinq heures par les services de Sûreté. On lui a confisqué son passeport,
19 et l'ordinateur portable de "Human Rights Watch" a été confisqué également.
20 Il a été menacé verbalement et physiquement. Après un certain temps, nous
21 avons estimé que notre collègue ne devait plus s'occuper de recherches
22 étant donné les menaces proférées à son encontre.
23 Q. Merci beaucoup. On vous a montré une note en bas de page extraite de la
24 publication de "Human Rights Watch", pièce 437. Il s'agit de violations des
25 droits de l'homme au Kosovo. On vous a montré ce passage. Je ne vais pas
26 vous relire la note en bas de page. Ce que l'on a précisé ici c'est
27 qu'aucune des personnes citées dans ces notes en bas de page n'occupait des
28 postes de commandement ou ne faisait partie des forces armées de la police
Page 1041
1 yougoslave, ni aucun des accusés présents ici, vous étiez d'accord avec
2 cela. Mais par la suite vous avez dit que ce rapport a été revu et corrigé.
3 Simplement pour les besoins du compte rendu d'audience, vous seriez
4 d'accord avec moi pour dire que ce rapport est daté du mois d'octobre 1998;
5 est-ce exact ?
6 R. Oui.
7 Q. Sans pour autant parcourir tous les rapports, je souhaite simplement
8 parler d'un point et en parler directement. Les noms des personnes qui ont
9 pris part à l'exercice du commandement en RFY et en Serbie et qui ont pris
10 part aux violations des droits de l'homme pendant le bombardement de l'OTAN
11 sont également cités dans le rapport "As Seen, As told", n'est-ce pas -- ou
12 "Under Orders"; est-ce exact ?
13 R. C'est exact.
14 Q. C'est le passage qui parle de la chaîne des commandements où vous citez
15 chaque accusé présent ici ?
16 R. C'est exact.
17 Q. Cela se trouve à la page 10 de cette même pièce "Under Orders".
18 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,
19 Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stamp.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Abrahams.
23 Ceci met un terme à votre déposition, nous vous remercions d'être venu
24 encore une fois déposer devant ce Tribunal. Vous pouvez maintenant
25 disposer.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
27 [Le témoin se retire]
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, vous avez remis un
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1 avis qui présente une objection contre certains passages de la pièce 2228.
2 En réalité, il s'agit d'un des éléments qui fait partie de la pièce P2228
3 auquel vous vous opposez. Votre objection porte sur la recevabilité ou
4 l'admissibilité des pages 4 à 18 de cette déclaration qui fait 19 pages.
5 Maître Sepenuk, n'est-ce pas ? Bien. Ceci est à la suite d'un autre
6 argument présenté par Me Lukic, je crois ?
7 M. IVETIC : [interprétation] Oui, effectivement par l'équipe de la Défense.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, ce qui vous soucie
9 c'est un passage de la déclaration qui décrit la situation historique et
10 politique au Kosovo.
11 M. SEPENUK : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et comme étant une question de fait ou
13 un point de vue énoncé par ce témoin en particulier.
14 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, et j'insiste sur ce témoin en
15 particulier.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je souhaite simplement clarifier ceci.
17 Pourquoi M. Stamp souhaiterait-il se reposer en particulier sur ce passage
18 de la déclaration ?
19 M. STAMP : [interprétation] Cette partie de la déclaration à laquelle vient
20 de faire référence la Défense est la partie de sa déclaration qui parle de
21 l'histoire du Kosovo. Lorsque nous parlons de l'histoire du Kosovo, c'est
22 un résumé historique de ce pays entre 1974 et 1995. Ensuite, nous avons une
23 analyse plus détaillée de la période qui va de l'année 1995 aux années
24 suivantes.
25 En termes historiques, puisqu'il s'agit du passé, cette période en
26 particulier, l'année 1995 fait tout à fait partie de la période dont
27 pourrait parler le témoin. Il pourrait parler des questions de fait
28 puisqu'il a étudié l'Europe de l'Est y compris les Balkans, qu'il y a vécu,
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1 qu'il a fait des recherches dessus, qu'il a étudié pour les besoins de son
2 ouvrage.
3 Deuxièmement, il s'agit ici sur un plan historique d'éléments pertinents
4 puisque cela a trait au contexte dans lequel ces crimes ont été commis par
5 la suite en 1999 sont compris dans l'acte d'accusation dans le chapitre
6 "allégations générales", ce qui semble porter sur des éléments historiques
7 et qui ont été cités également dans les mémoires préalables au procès. Il
8 s'agit ici de camper les écarts et les circonstances qui sont importants
9 pour comprendre les crimes reprochés qui ont été commis. Deuxièmement, il y
10 a certains aspects historiques plus tard en ce qui concerne l'année 1998
11 qui, d'après les arguments présentés par l'Accusation, constituent un
12 fondement et entendaient tous les éléments de preuve que l'on puisse
13 décider ou non si l'accusé est -- puisqu'il s'agit de prendre une décision
14 et de comprendre si, oui ou non, les accusés avaient un rôle à jouer eu
15 égard à ces crimes qui ont été commis avant ceux qui sont cités dans l'acte
16 d'accusation. Je parle ici en particulier de l'année 1998. Il s'agit ici de
17 deux objectifs bien précis en termes historiques.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que l'objection doit avoir
19 davantage de fondements je crois.
20 Un témoin peut présenter un récit historique pour indiquer comment il
21 comprend l'enchaînement historique. Je ne pense pas que l'on puisse
22 s'opposer à cela, si la Défense le veut, ils le peuvent. Ils peuvent
23 démontrer qu'il avait une impression fausse de l'enchaînement historique et
24 peut-être qu'il pourrait être trompé parce qu'il aurait mal compris les
25 faits historiques. Dans ce contexte là, je crois qu'au contraire cela
26 semble être pertinent. Mais la deuxième manière dont on pourrait utiliser
27 ces moyens de preuve, servirait justement à prouver ce qui s'est passé. Il
28 s'agirait à ce moment-là d'un fait historique. C'est ainsi que j'ai compris
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1 l'objection soulevée par la Défense, à savoir que ce n'est pas un expert
2 qui est capable de témoigner sur des questions historiques que pourraient
3 utiliser la Chambre de première instance.
4 Est-ce que vous avez l'intention d'utiliser sa déposition, peut-être en
5 corrélation avec d'autres dépositions, comme étant la preuve de faits
6 historiques à propos desquels le Tribunal pourra peut-être rendre des
7 conclusions, toute une série d'événements. Par exemple, le fait que
8 l'autonomie du Kosovo ait été dissoute, la Chambre de première instance
9 pourra peut-être conclure quelque chose à cet effet ou est-ce que vous
10 voulez simplement l'utiliser pour essayer de comprendre comment le témoin
11 comprenait lui-même les événements historiques ?
12 M. STAMP : [interprétation] Je vous demande quelques instants, Monsieur le
13 Président, pour des consultations au sein de mon équipe sur cette question
14 particulière.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien sûr.
16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
17 M. STAMP : [interprétation] Merci pour ces quelques instants, Monsieur le
18 Président.
19 Comme la Chambre vient de l'indiquer, tout cela est pertinent par rapport à
20 la façon dont le témoin a compris la période en question, mais l'Accusation
21 affirme également que la pertinence existe s'agissant du deuxième argument
22 présenté par la Chambre, par vous-même, Monsieur le Président. Si d'autres
23 témoins qui seront entendus dans cette affaire corroborent ces éléments de
24 preuve relatifs à l'histoire ou au contexte historique de la situation,
25 cette corroboration pourra être admise par la Chambre de première instance
26 en tant qu'élément de preuve démontrant la réalité des faits.
27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Avec votre autorisation, Monsieur le
28 Président.
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1 J'aimerais faire un commentaire sur ce point pour demander un
2 éclaircissement. D'abord, il n'y a pas obligation d'admettre le témoignage
3 d'une personne particulière. Cela c'est une loi universelle. Si un témoin a
4 l'air crédible dans sa déposition, si sa crédibilité est admise, il
5 convient de voir si ce qu'il dit est corroboré ou pas par d'autres.
6 Deuxièmement, une personne est quelqu'un qui enregistre l'histoire, mais
7 sur un plan personnel, individuel. Il établit individuellement et
8 personnellement un rapport de cause à effet par rapport aux événements
9 auxquels il assiste. Sa façon de voir les choses peut différer de celle qui
10 sera perçue par un autre individu. Mais lorsqu'il s'agit d'une personne qui
11 écrit une chronique ou qui met quelque chose par écrit en disant tel et tel
12 événement s'est produit tel et tel jour, à mon avis, il y a une différence.
13 Il y a une différence par rapport à un point de vue, à une position
14 personnelle. Je vous remercie de m'avoir écouté.
15 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Stamp.
17 Mais avant que vous ne le fassiez, je tiens à dire que nous allons entendre
18 d'autres arguments dans cette affaire. Je n'envisage pas de rendre une
19 décision immédiatement. Néanmoins, après consultation des Juges, une
20 décision sera rendue sur cette question assez rapidement. Vous avez
21 maintenant la possibilité de développer votre argumentaire.
22 M. STAMP : [interprétation] Avant que je ne parle de l'objectif une
23 nouvelle fois, car j'en ai déjà dit quelques mots et je ne voudrais pas me
24 répéter exagérément, je tiens à indiquer que le témoin dont nous parlons ne
25 dépose pas sur l'histoire ou sur la séquence historique des événements qui
26 seraient survenus au cours des 100 dernières années ou des 50 dernières
27 années. L'histoire dont il parle porte principalement sur les événements
28 survenus dans les Balkans et dans l'ex-Yougoslavie à partir du début des
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1 années 1990 --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous donner un exemple. En
3 page 9, copie papier du document qui en comporte 19, je cite un paragraphe
4 complet, je cite : "Les violations des droits de l'homme dans la province
5 se sont intensifiées vers la fin de l'année 1996, au moment où le
6 gouvernement s'est efforcé de réduire l'insurrection de plus en plus
7 violente. La police a agi en totale impunité en imposant des exactions et
8 en tuant parfois des Albanais de souche. Les exactions de la police se
9 présentent de façon générale sous trois formes : des passages à tabac
10 aléatoires dans les rues et en d'autres lieux publics, des attaques ciblées
11 contre des Albanais de souche ayant une activité politique ainsi qu'une
12 répression arbitraire contre les attaques de l'UCK visant la police. Cette
13 période fait l'objet d'un certain nombre de documents repris dans le
14 rapport où il est question de la poursuite des persécutions en 1996."
15 Pensez-vous que la Chambre de première instance devrait, sur la base du
16 texte que je viens de lire, être appelée à rendre une décision quant la
17 façon dont la police a agi en 1996 ?
18 M. STAMP : [interprétation] En fait, oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.
20 M. STAMP : [interprétation] Le témoin que nous venons d'entendre est un
21 témoin idéal s'agissant de décrire la situation en Yougoslavie et plus
22 particulièrement au Kosovo du point de vue des droits de l'homme à partir
23 de 1993, puisque c'est bien ce thème qui fait l'objet de son rapport, qui
24 constitue un travail universitaire, une étude menée par lui, un travail de
25 recherche. Il ne parle pas pas de l'histoire de façon générale, il parle de
26 ce qui s'est passé dans ce pays particulier, dans une région particulière
27 de ce pays à un moment où lui-même a participé personnellement à une
28 enquête en tant que personne comparable, par exemple, à un étudiant faisant
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1 un travail de recherche pour une maîtrise. Il a mené ce travail non
2 seulement dans ce secteur précis, mais également dans toute l'Europe de
3 l'Est et dans la région des Balkans de façon plus générale. Il s'agissait
4 d'une étude centrée sur les droits de l'homme. Il a travaillé comme
5 travailleur universitaire, mais il était également sur le terrain, je le
6 souligne encore une fois.
7 Si ce point constitue un problème qui pourrait préoccuper la Chambre, vous
8 avez là un argument qui, à mon avis, permettrait de rendre une décision sur
9 cette question.
10 On me rappelle à l'instant que cette même année, selon la déclaration du
11 témoin, il se trouvait au Kosovo, donc sur le terrain pour effectuer son
12 travail de recherche.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Aimeriez-vous ajouter d'autres
14 arguments au sujet d'autres aspects sur cette même question ?
15 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Très bien. Merci.
17 Monsieur Sepenuk, est-ce que vous souhaitez présenter d'autres arguments
18 que ceux que vous avez déjà présentés par écrit ?
19 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, rapidement.
20 Monsieur le Président, vous avez lu une citation qui se trouve au premier
21 paragraphe de la page 9 de ce rapport qui en compte 19. Il s'agit, je le
22 rappelle, de la déclaration du 24 janvier 2002. D'autres indications
23 existent dans ce rapport qui prouvent que M. Abrahams formule des avis
24 personnels, qu'il présente des conclusions personnelles qu'il conviendrait
25 de rejeter dans la présente affaire.
26 J'aimerais vous en citer d'autres exemples. Par exemple, en page 8 dans
27 cette même déclaration de 19 pages, au milieu de la page, il dit, je cite :
28 "A la mi-1996, j'ai trouvé un certain nombre de documents qui démontrent un
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1 modèle d'actes de représailles arbitraires et non discriminés de la part de
2 la police des forces de sécurité contre les Albanais de souche qui
3 résidaient dans les régions où se menaient les attaques de l'UCK et où
4 certains Albanais de souche ont subi des exactions, ont été faits
5 prisonniers et ont souffert physiquement," et cetera.
6 Un autre exemple. Il parle aussi de l'incident de Racak dans cette même
7 page, qui n'a pas été pris en compte par la Chambre dans la présente
8 affaire.
9 En page 14, sous le titre "Bombardement de l'OTAN" au milieu de la page, il
10 dit, je cite : "Avec le retrait des observateurs de l'Union européenne, les
11 forces serbes et yougoslaves ont lancé une campagne coordonnée destinée à
12 expulser un grand nombre d'Albanais de souche hors du Kosovo."
13 Il poursuit en page 15 de ce document de 19 pages en disant, je cite
14 : "L'expulsion sous la contrainte a été bien organisée. Les réfugiés
15 étaient amenés à fuir ou transportés à l'aide de véhicules organisés par
16 l'Etat jusqu'à la frontière dans le cadre d'un programme concerté
17 d'expulsion et de déplacement de population se caractérisant par une très
18 grande coordination et un grand degré de contrôle."
19 Monsieur le Président, je ne sais plus si c'est M. Hannis ou M. Stamp
20 qui va présenter le réquisitoire dans la présente affaire ou qui des deux a
21 présenté les propos liminaires, mais ce qui est un peu curieux, Monsieur le
22 Président, c'est que M. Stamp ou M. Hannis, en tout cas l'un des deux, dans
23 le rapport "As Seen, As Told", déclare que ce rapport justifie l'admission
24 du rapport du témoin. Or, on y trouve les mots, je cite : "Reprise des
25 récits de témoins ou d'autres reprenant un certain nombre de faits observés
26 par eux, et non des conclusions ou des avis personnels."
27 La réalité, c'est qu'il y a deux rapports qui contiennent toutes
28 sortes d'avis personnels et de conclusions personnelles, et il est inutile
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1 de dire que ceci met en cause l'objectivité quant aux conclusions
2 historiques présentées par le témoin et que ces conclusions ne sont pas
3 admissibles. Monsieur le Président, vous avez lu un passage où il est
4 question de 600 interviews que nous n'avons pas vues à ce jour. Nous
5 n'avons pas vu une seule de ces déclarations qui n'ont pas été faites sous
6 serment et qui ont été faites d'une façon particulièrement peu objective
7 par l'Accusation, et même si le témoin a fait un très bon travail en tant
8 que militant des droits de l'homme, il ne doit pas être considéré comme un
9 analyste en la matière. Vous vous rappelez mon contre-interrogatoire dans
10 l'affaire Milosevic où il a dit, en février sinon en août 1998, que sa
11 première priorité ou en tout cas la première priorité de la politique
12 étrangère américaine ne devait pas être la mise en accusation du président
13 Milosevic.
14 Cet homme est un avocat. Ce n'est pas un témoin objectif. Il donne
15 son récit de l'histoire, mais il ne le fait pas d'une façon dépourvue de
16 passion. Il a indiqué que son récit historique était censé donner aux Juges
17 un contexte historique par rapport à l'acte d'accusation dans la présente
18 affaire. Or, à présent, il se présente simplement comme un militant des
19 droits de l'homme, comme quelqu'un qui ne devrait pas jouer un rôle
20 déterminant sur le plan historique dans la détermination que feront les
21 Juges de cette Chambre.
22 Par conséquent, nous déclarons que l'intégralité de sa déclaration
23 devrait être rejetée en tant que pièce à conviction.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Sepenuk.
25 Maître Ivetic, vous avez quelque chose à ajouter ?
26 M. IVETIC : [interprétation] Oui, rapidement. Je limiterai mes commentaires
27 à cette pièce à conviction particulière et aux objections relatives au
28 texte "Under Orders".
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1 Le problème principal que nous avons par rapport à cette déposition, c'est
2 qu'on y trouve un grand nombre de conclusions personnelles qui reposent sur
3 des informations qui ne sont pas de première main. Compte tenu de l'article
4 89(F) du Règlement de procédure et de preuve, nous voyons qu'un grand
5 nombre de conclusions sont tirées d'autres rapports et nous ne savons pas
6 qui sont les témoins oculaires ou les auteurs des déclarations en question,
7 notamment s'agissant des interviews. Il est très difficile de distinguer
8 entre des récits qui seraient des récits de première main, à savoir
9 quelqu'un qui raconte ce qu'il a vécu personnellement, donc des récits sur
10 lesquels on peut s'appuyer, et des récits qui reprennent des éléments de
11 deuxième main, à savoir qu'ils sont repris par une autre source que celle
12 qui a vécu les événements en question, ce qui remet largement en cause la
13 crédibilité de la personne qui relaye ces éléments. Dans le cas qui nous
14 intéresse, je ne pense pas que l'on puisse dire que le contexte historique
15 soit suffisant pour apporter la moindre preuve pertinente à la Chambre de
16 première instance.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'admets que vous remettiez en cause
18 la pertinence d'un élément de preuve et que vous désiriez que soit établie
19 la façon dont certains avis personnels sont exprimés.
20 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que ceci est exact et que ceci montre
21 les limites de la déposition de ce témoin, en tout cas, à notre avis.
22 Puis, j'ai un autre problème ou une autre question, plutôt. Je crois
23 que M. Stamp a indiqué que ce travail était comparable à un travail
24 universitaire et que cette recherche a été faite sur le terrain dans le
25 cadre d'un travail universitaire. Je ne me souviens pas que le témoin ait
26 présenté son travail de cette façon, donc j'élève une objection à cet
27 égard. Je pense qu'il a été dit très clairement au cours de la déposition
28 qu'il ne s'agissait pas d'un travail universitaire, que nous n'étions pas
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1 en présence d'une analyse universitaire de ces différents éléments
2 historiques. Je pense que cet élément de preuve ne peut être considéré
3 comme pertinent par rapport au deuxième objectif que vous avez cité
4 précédemment.
5 Monsieur le Président, je vous remercie.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre objection initiale reposait sur
7 le fait qu'à votre avis, le rapport "Under Orders" n'était pas admissible ?
8 M. IVETIC : [interprétation] C'est exact.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit que vous aviez les mêmes
10 objections pour les mêmes raisons vis-à-vis du texte "As Seen, As Told."
11 M. IVETIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous quelque chose à ajouter par
13 rapport à cela ?
14 M. IVETIC : [interprétation] Vous avez obtenu le mémoire écrit que nous
15 avons adressé au sujet du texte "As Seen, As Told" où nous développons les
16 mêmes arguments. Je suis convaincu que les éléments d'information obtenus
17 au cours de la recherche du témoin dont nous parlons pouvaient venir en
18 aide à l'Accusation pour démontrer l'existence de crimes de guerre devant
19 cette Chambre. Par conséquent, je crois qu'il serait erroné de faire appel
20 aux décisions rendues dans l'affaire Milosevic et aux résumés de témoins de
21 l'affaire Milosevic qui n'ont aucun intérêt dans la présente affaire, et
22 ceci constituerait une violation de l'article 92 bis du Règlement.
23 Par ailleurs, dans la mesure où le texte "Under Orders" s'efforce de tirer
24 des conclusions juridiques pour prouver le caractère généralisé et
25 systématique de certaines opérations, tous ces éléments, d'après nous,
26 doivent être considérés comme non admissibles et sujets à caution sur le
27 plan des fondements de la présentation de ces éléments au titre d'éléments
28 de preuve. Je pense que "Under Orders" doit être considéré au titre de
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1 l'article 89(F), comme "As Seen, As Told", en tant qu'éléments qui ne
2 peuvent être pris comme éléments de preuve. Notamment au vu de ce qui vient
3 d'être dit et des éléments qui ont été obtenus de la bouche du témoin que
4 nous avons entendu.
5 En bref, je pense que nous laissons le soin à la Chambre de première
6 instance d'examiner l'ensemble de ces éléments et de rendre sa décision sur
7 ce point.
8 Je vous remercie.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Ivetic.
10 Maître O'Sullivan.
11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte
12 rendu d'audience, au nom de M. Milutinovic, nous avons déposé un certain
13 nombre d'écritures pour le général Ojdanic, déjà. Donc je ne reviendrai pas
14 là-dessus. Il s'agit d'écritures déposées le 31 juillet par rapport au
15 texte "As Seen, As Told." Mais nous aimerions présenter oralement les
16 arguments déjà présentés dans l'intérêt du général Ojdanic le 2 août, par
17 rapport aux pièces P2228, à savoir la déclaration de ce témoin. Nous avons
18 déjà présenté nos arguments oraux par rapport à "As Seen, As Told", je le
19 répète.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous parlons maintenant de notre
22 argumentation par rapport à "Under Orders."
23 J'ajouterais que les écritures de l'Accusation du 19 juillet
24 auxquelles il a été fait référence ce matin par rapport au document "As
25 Seen, As Told" et au document "Under Orders", je vous renvoie pour cela en
26 page 4 des écritures de l'Accusation, sont présentées par elle comme des
27 éléments de preuve et non simplement comme la reprise de certains propos
28 entendus par le témoin dans un contexte historique particulier. On y trouve
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1 un certain nombre d'éléments tels que des conclusions sur la chaîne de
2 commandement et, à notre avis, ceux-ci donnent une qualification différente
3 à ces éléments de la déposition du témoin. Vous pouvez également vous
4 référer au site Internet où il est question d'un certain nombre de
5 documents et de publications policières et militaires. Ce témoin n'est pas
6 simplement un universitaire, il présente sa position sur l'histoire pour
7 démontrer la réalité des crimes en tant que faits, et d'autres éléments de
8 l'Accusation le démontrent également.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous faites référence maintenant au
10 texte "Under Orders" ou bien au texte "As Seen, As Told" ?
11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Mon commentaire s'appliquait au texte
12 "Under Orders".
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les écritures de l'Accusation du 19,
14 rappelez-moi de quoi il s'agit.
15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il s'agit des écritures de l'Accusation en
16 réponse à votre directive orale du 13 juillet dans laquelle vous demandiez
17 à l'Accusation de présenter ses arguments sur trois points plus
18 particuliers de façon plus approfondie.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était en rapport avec "As Seen, As
20 Told" ?
21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Mais également en rapport avec "Under
22 Orders", d'après votre ordonnance.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce contexte, vous dites que les
24 résumés de déclarations et d'autres déclarations doivent être rejetées par
25 la Chambre en tant qu'éléments de preuve.
26 Vous avez répondu par écrit ou est-ce que vous vous contentez de répondre
27 oralement ? Est-ce que vous avez l'intention de présenter des écritures
28 ultérieurement ?
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1 M. O'SULLIVAN : [interprétation] La réponse par écrit a été faite par la
2 Défense Ojdanic, nous nous joignons à elle.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cet argument porte sur le même point ?
4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.
6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] C'est l'intégralité de vos arguments ?
7 Bien.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que chacun des accusés
9 pouvaient argumenter sur trois points et je suppose qu'un de ces points, ce
10 sont les objections relatives au texte "As Seen, As Told", avec des
11 objections assez similaires à celles qui sont soulevées par le texte "Under
12 Orders". L'objection par rapport à la pièce à conviction P2228 est un
13 élément différent. Je pense qu'il faut distinguer entre les deux, n'est-ce
14 pas ?
15 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre
16 autorisation, au nom de la Défense de M. Sainovic, le 31 juillet, nous
17 avons soumis des écritures en réponse à la position de l'Accusation sur le
18 texte "As Seen, As Told" et sur le texte "Under Orders" dans lesquelles
19 nous nous opposons à l'admission des deux documents.
20 Si ces documents devaient néanmoins être utilisés, nous nous joignons à la
21 Défense Ojdanic qui s'est déjà exprimée sur cette partie de la déposition
22 du Témoin Abrahams.
23 Quant au premier des deux éléments, nous en avons traité dans nos écritures
24 et aujourd'hui nous joignons notre voix à celles des équipes de Défense qui
25 se sont déjà exprimées sur les trois points.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est la position de toutes
27 les équipes de Défense ? Je ne vois vraiment pas la nécessité de vous
28 entendre individuellement, à moins que vous n'ayez des divergences dans vos
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1 positions.
2 Maître Bakrac, vous souhaitez adopter une position différente ?
3 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. La dernière fois,
4 j'ai cru comprendre que la Chambre considérait comme utile que les diverses
5 équipes de Défense fassent savoir qu'elles présentaient une position
6 commune par rapport à tel ou tel point. Excusez-moi si je vous ai mal
7 compris.
8 Mon confrère, Me Petrovic, a déjà dit que les Défenses Sainovic et
9 Lazarevic étaient d'accord pour contester ensemble l'admission de ces
10 documents, et nous nous joignons à ce qui a été déjà dit par la Défense
11 Ojdanic eu égard à la pièce P2228.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'un autre conseil estime
13 avoir quelque chose à dire de plus ou est-ce que nous devons nous
14 satisfaire de ce qui a été dit jusqu'à présent ? Est-il nécessaire que
15 d'autres arguments soient présentés par écrit ou par oral ?
16 M. STAMP : [interprétation] Je pensais, Monsieur le Président, que vous en
17 aviez terminé avec les conseils de la Défense. Si vous me le permettez,
18 j'aurais quelques réponses à fournir sur ce qui a déjà été dit.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quoi donc ?
20 M. STAMP : [interprétation] J'avais quelque chose à ajouter par rapport à
21 ce qui a été dit au sujet du jugement en appel dans l'affaire Milosevic --
22 de l'arrêt dans l'affaire Milosevic.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la question n'a pas déjà
24 été traitée ? Est-ce que vous avez quelque chose de nouveau à dire ?
25 M. STAMP : [interprétation] Très rapidement, j'aimerais que la Chambre se
26 penche sur un autre argument.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.
28 M. STAMP : [interprétation] La Défense a déclaré que l'arrêt en appel dans
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1 l'affaire Milosevic permettait d'exclure tout travail comparable à celui
2 qui a été réalisé eu égard au texte "As Seen, As Told" et au texte "Under
3 Orders". Mais j'invite la Chambre à revenir sur les paragraphes 22 à 24 de
4 cet arrêt où il est question d'une différence entre les différentes
5 interviews par rapport à l'objectif poursuivi lors du recueil de ces
6 interviews. La Chambre a estimé que s'agissant des interviews réalisées par
7 des enquêteurs du bureau du Procureur pour un procès particulier intenté
8 par le présent Tribunal, certaines étaient conformes aux Règlements du
9 Tribunal et pouvaient être admises au titre de l'article 92 bis, par
10 exemple, mais qu'il fallait distinguer entre diverses situations, et
11 notamment entre des interviews recueillies dans ces conditions et des
12 interviews qui auraient été recueillies par quelqu'un d'autre que par un
13 enquêteur du bureau du Procureur pour une affaire particulière.
14 Puis une autre différence a été établie au paragraphe 23. Si vous me
15 permettez, j'aimerais lire une phrase contenue dans ce paragraphe.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est une déclaration qui n'est
17 pas très utile, à savoir ce que vous venez de dire au sujet d'interviews
18 menées par un enquêteur du bureau du Procureur pour une affaire
19 particulière ou par rapport à d'autres personnes. Parce que qu'en est-il
20 d'interviews menées par quelqu'un qui n'est pas représentant du bureau du
21 Procureur, qui ne travaille pas pour une affaire particulière ? Quelle est
22 la réponse à la question que vous avez posée ?
23 M. STAMP : [interprétation] Dans le cadre d'une interview menée par une
24 autre personne ?
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
26 M. STAMP : [interprétation] Mais pour une affaire de ce Tribunal ?
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
28 M. STAMP : [interprétation] Des déclarations de témoins éventuels --
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à peu près la situation dans
2 laquelle se trouve le texte "As Seen, As Told".
3 M. STAMP : [interprétation] Avec le respect que je vous dois, Monsieur le
4 Président, le témoin a indiqué que l'objectif --
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends cela, mais partons d'une
6 hypothèse. Partons d'une hypothèse selon laquelle Mme Mitchell était en
7 fait une représentante du bureau du Procureur. Peut-être avait-elle
8 d'autres objectifs, mais en tant que représentante du bureau du Procureur,
9 elle procédait à des recherches dans le cadre d'une affaire particulière;
10 en d'autres termes, une affaire intentée aux autorités de Serbie. Quelle
11 est la réponse que vous donneriez par rapport à la question que vous posez
12 en vous référant à l'arrêt Milosevic ? Est-ce que cette catégorie entrerait
13 dans les catégories en question ?
14 M. STAMP : [interprétation] Elle n'entrerait pas dans les catégories des
15 documents à exclure. Je pense que la phrase que je m'apprêtais à lire dans
16 le paragraphe 23, à savoir : "Le fait que le résumé," et ceci concerne le
17 texte "As Seen, As Told" et le texte "Under Orders", "le fait que le résumé
18 ait été préparé dans le but d'être utilisé dans un procès particulier peut
19 avoir une pertinence quant à l'admissibilité, mais l'Accusation estime que
20 ce serait un tort que de considérer du même coup qu'un tel résumé est
21 automatiquement dépourvu de fiabilité."
22 Une distinction très claire est établie entre la situation où c'est un
23 représentant du bureau du Procureur qui se rend sur place pour recueillir
24 certaines déclarations et une autre situation telle que celle dont nous
25 parlons en ce moment, où ce sont des représentants de toutes sortes
26 d'instances diverses qui, pour diverses raisons, y compris dans l'intérêt
27 de la justice de façon générale, recueillent des informations pour les
28 faire connaître à leur organisation.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais avoir sous les yeux le
2 paragraphe que vous venez de citer.
3 M. STAMP : [interprétation] Je parle du paragraphe 22 --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Paragraphes 22 à 24 ?
5 M. STAMP : [interprétation] De 22 à 24. Dans l'arrêt --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai pas le texte sous les yeux.
7 J'aimerais qu'on m'en fournisse un exemplaire. Un instant. Merci.
8 Vous avez autre chose à ajouter ?
9 M. STAMP : [interprétation] C'est dans ce contexte que la Chambre d'appel a
10 admis le commentaire du Juge Kwon qui s'exprimait sur cette même question.
11 Je cite, c'est un passage de la page T5932 du compte rendu d'audience du
12 procès. Je cite.
13 "Personnellement, je dirais la Chambre n'a rien contre le fait d'admettre
14 des éléments de ouï-dire ou des résumés de déclarations de témoins. Prenez
15 l'exemple de Fred Abrahams; c'est un représentant de "Human Rights Watch"
16 qui a mené un certain nombre d'interviews auprès d'un grand nombre de
17 victimes. S'agissant de sa déposition, et je m'exprime personnellement,
18 nous sommes prêts à l'admettre, mais le cas de M. Barney Kelly est tout à
19 fait différent. Il fait partie de l'équipe de l'Accusation."
20 Je pense que là, nous trouvons une distinction quant à l'objectif poursuivi
21 par les personnes qui mènent les interviews.
22 S'agissant de la fiabilité, cette distinction s'applique, mais d'après moi,
23 ce n'est pas un élément à prendre en compte pour l'admissibilité, en tout
24 cas, si l'on prend en compte l'ensemble des interviews recueillies.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 La Chambre de première instance prendra en considération les différents
27 arguments qui ont été présentés aussi bien par écrit qu'oralement par les
28 uns et par les autres, une décision sera rendue des les délais les plus
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1 brefs.
2 Nous allons maintenant lever l'audience et reprendre nos travaux à 16
3 heures 05.
4 --- L'audience est suspendue à 15 heures 32.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 --- L'audience est reprise à 16 heures 05.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que nous ne poursuivions, je
8 saisis cette occasion pour indiquer un changement de calendrier. Nous
9 pouvons maintenant jeudi siéger toute la journée. Je pense que nous
10 devrions véritablement saisir cette occasion cette semaine car nous ne
11 pourrons peut-être pas le faire les semaines suivantes. Donc jeudi, nous
12 allons siéger comme aujourd'hui.
13 Monsieur Hannis, qui est votre témoin suivant ?
14 M. HANNIS : [interprétation] Le témoin suivant est Fuad Haxhibeqiri. Mais
15 avant de commencer j'aimerais attirer votre attention sur deux questions de
16 procédure que nous voulons soulever avant la fin de l'audience. Nous
17 pouvons en parler devant le témoin, je ne sais pas si vous voulez que j'en
18 parle maintenant ou peut-être cinq ou dix minutes avant la fin de
19 l'audience.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Combien de temps cela va prendre.
21 M. HANNIS : [interprétation] Cela va prendre cinq minutes et M. Stamp me
22 dit qu'il aura également besoin d'une minute.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, nous le ferons en fin
24 d'audience.
25 M. HANNIS : [interprétation] Le témoin est arrivé.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, est-ce que
27 vous pouvez vous lever je vous prie et prononcer la déclaration
28 solennelle ?
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1 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai pas entendu
3 l'interprétation de votre déclaration. Est-ce qu'il y a un problème pour ce
4 qui est de l'interprétation anglaise ?
5 M. HANNIS : [interprétation] J'ai entendu une voix qui demandait si
6 elle était entendue. Est-ce que maintenant vous entendez ? Très bien.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: FUAT HAXHIBEQIRI [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, veuillez vous
12 asseoir, je vous prie.
13 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
14 Juges, je souhaiterais commencer par donner au témoin une version papier de
15 sa déclaration et nous pourrons afficher à l'écran la pièce à conviction
16 P2235 qui est la déclaration au titre de l'article 92 bis pour ce témoin.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vous remercie.
18 Interrogatoire principal par M. Hannis :
19 Q. [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, je souhaiterais que vous nous
20 donniez votre nom et que vous l'épeliez parce qu'il y a une certaine
21 confusion qui a régné à propos de la façon dont vous épelez votre nom de
22 famille.
23 R. Je m'appelle Fuad Haxhibeqiri, qui s'épelle comme suit,
24 F-u-a-d pour mon prénom et pour mon nom de famille,
25 H-a-x-h-i-b-e-q-i-r-i.
26 Q. Vous disiez, Monsieur, c'est ainsi que l'on épelle votre prénom ?
27 R. Non, la dernière lettre c'est un T et non pas un D. Donc mon prénom
28 s'écrit, F-u-a-t au lieu de F-u-a-d.
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1 Q. Je vous remercie. Je vous demanderais de consulter le document que vous
2 avez maintenant, il s'agit d'un exemplaire de votre déclaration 92 bis au
3 TPIY. Est-ce que vous avez eu la possibilité de lire ce document avant
4 aujourd'hui ?
5 R. Oui.
6 Q. Hormis le changement de la dernière lettre de votre prénom, qui n'est
7 pas D mais T, êtes-vous en mesure de nous dire que cette déclaration est
8 précise, exacte et correspond à la vérité ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer à l'intention de la Chambre qu'il
11 s'agit de votre déposition dans cette affaire ?
12 R. Oui, tout à fait. Oui, il s'agit bien de ma déclaration.
13 Q. Je souhaiterais maintenant --
14 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit d'une déclaration 92 bis, je
15 souhaiterais verser cette déclaration au dossier, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'un document qui
17 a une cote ? Pour le moment, je vois qu'il y a la cote de l'Accusation.
18 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit du
19 document numéro P2235.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Mais il y a déjà été fait
21 référence.
22 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais poser une question à ce sujet parce
23 que nous avons essayé de déterminer quand est-ce qu'un document avait été
24 versé au dossier ? Je viens d'une juridiction où le mot "admis" est un mot
25 magique et utilisé. Je sais que les choses ne se passent pas toujours de la
26 même façon. Je sais que c'est la pratique dans ce tribunal et je me demande
27 si vous pourriez envisager cela ?
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons procéder de la sorte à
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1 moins qu'il y ait une objection. Le document fait partie du dossier.
2 M. HANNIS : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître O'Sullivan.
4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Objection à ce que le document soit versé
5 au dossier. Nous avons présenté une objection. Je ne sais pas si vous avez
6 reçu un exemplaire. Il s'agit du document P2235 et je ne sais pas si vous
7 souhaitez que je m'exprime devant le témoin ou non mais nous avons des
8 objections, parce que -- c'est surtout le passage qui commence à la page 6
9 et qui va jusqu'à la page 9. Ce témoin indique ou prétend qu'il est le
10 président du Conseil pour la défense des droits de l'homme et des libertés
11 à Djakovica. Il dit qu'il a interviewé quelque 1 000 personnes et il résume
12 les renseignements qui ont été donnés. En fait, nous nous trouvons
13 exactement dans la même situation qu'avec le témoin précédent. C'est pour
14 cela que nous présentons une objection à ce que cette déclaration soit
15 présentée au titre de l'article 92 bis.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il serait tout à fait
17 sensé que nous fassions ce que nous avons fait dans le cas des deux autres
18 témoins précédents lorsque des objections ont été présentées, nous
19 réserverons et nous présenterons notre décision, une fois que nous aurons
20 entendu la déposition.
21 Monsieur Hannis.
22 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.
23 Q. Monsieur Haxhibeqiri, j'aimerais vous poser la question suivante. Dans
24 un premier temps, est-il vrai que vous êtes né dans la ville de Djakovica,
25 dans la municipalité de Djakovica au Kosovo et que vous y avez passé votre
26 vie entière ?
27 R. Oui.
28 Q. Il se peut que vous deviez vous rapprochiez du microphone parce que les
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1 interprètes ne vous entendent pas.
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Au moment où vous avez fait cette déclaration, vous avez indiqué que
4 vous étiez président du Conseil pour la défense des droits de l'homme et
5 des libertés. Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre de quel type de
6 conseil il s'agit ? De quel type d'organisation il s'agit ?
7 R. Il s'agit d'une ONG qui a été créée en 1999 à Pristina.
8 Q. Quel était son objectif, quelle était sa mission lorsqu'elle a été
9 créée ?
10 R. L'objectif de cette organisation était de compiler des éléments de
11 preuve eu égard aux violences perpétrées et commises depuis 1990 et
12 d'ailleurs même plus tôt au Kosovo et ce, jusqu'aux années suivant la
13 guerre.
14 Q. Pensez-vous à une catégorie de violences précises ?
15 R. Les actes de violence commis par le régime au pouvoir, le régime serbe,
16 j'entends.
17 Q. Combien de bureaux y avaient-ils au Kosovo ?
18 R. Nous avons 30 de ces centres sur 29 communes.
19 Q. Quand avez-vous commencé à travailler pour eux ?
20 R. Pour être très précis, en juillet 1995 ou peut-être en août. En fait,
21 il me semble que c'est plutôt le mois d'août que le mois de juillet 1995.
22 Q. Pendant combien de temps avez-vous travaillé avec eux ?
23 R. Pendant sept ans.
24 Q. J'aimerais faire référence à certains passages de votre déclaration et
25 j'aimerais vous poser certaines questions à ce sujet pour vous demander
26 d'étoffer un peu vos propos.
27 Premièrement, il s'agit du paragraphe 11, qui se trouve à la page 3 de la
28 version anglaise. Il s'agit du deuxième paragraphe à partir de la fin de la
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1 page, vous dites que depuis 1981, il y avait eu des sévices, des passages à
2 tabac brutaux, des arrestations de citoyens albanais à Gjakove et que cela
3 a été fait par le MUP, mais que la situation s'est vraiment empirée en
4 1998. Comment est-ce que vous avez été informé de ces arrestations, de ces
5 passages à tabac et du fait que la situation s'était vraiment dégradée en
6 1998 ? Quelles étaient vos sources d'information ? Comment est-ce que vous
7 avez obtenu ces renseignements ?
8 R. Mes sources de renseignement étaient les personnes blessées qui
9 venaient dans notre bureau et qui faisaient état de leurs blessures. Il
10 s'agissait de cas fréquents. Ils étaient invités au secrétariat soi-disant
11 pour des conversations, pour donner des informations, et ils étaient
12 torturés là-bas, et certains d'ailleurs ont même été arrêtés. Parfois, à la
13 suite de ces tortures, certains ont péri dans ces centres.
14 Q. Je pense que dans le paragraphe suivant de votre déclaration, vous
15 mentionnez deux de ces personnes.
16 Lorsque vous dites "le secrétariat", est-ce que vous faites référence
17 au secrétariat de l'Intérieur, à la police locale ?
18 R. Oui. Non, non. Le secrétariat des Affaires intérieures. Voilà ce à quoi
19 je faisais référence. La police locale faisait partie de cet organe. Elle a
20 été créée en 1998.
21 Lorsque j'ai dit "du fait" ou "à la suite des tortures", j'ai fait
22 état de la situation de Halit Izet Alija qui avait 48 ans, qui a été tué ou
23 qui est mort à la suite de ces tortures, tortures qu'il a subies dans le
24 bâtiment du secrétariat du MUP en janvier 1999.
25 Q. J'aimerais que nous prenions le paragraphe 14 de votre
26 déclaration. Je pense que c'est la première fois dans votre déclaration que
27 vous mentionnez le terme de "paramilitaires". Vous le mentionnez, vous
28 parlez des militaires, de la police et des paramilitaires qui participaient
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1 à des opérations conjointes en 1998, en avril et en mai. Est-ce que vous
2 pourriez indiquer à la Chambre comment vous faites la différence entre ces
3 trois forces; les militaires, la police et les paramilitaires ? Comment
4 est-ce que vous pouviez faire la différence entre les uns et les autres ?
5 R. Je pouvais les discerner parce qu'ils avaient des uniformes différents.
6 J'ai moi-même été soldat. On peut reconnaître la police parce qu'elle porte
7 un uniforme bleu, alors que les paramilitaires, eux, utilisaient un autre
8 type d'uniforme de couleur différente. C'était un peu comme un treillis de
9 camouflage. Certains d'entre eux se reconnaissaient parce qu'ils portaient
10 des brassards sur leurs bras. Il était facile pour quiconque d'ailleurs de
11 les reconnaître.
12 Q. Je ne sais pas si vous avez mentionné le type d'uniformes que portaient
13 les militaires, les soldats, l'armée régulière, la VJ ?
14 R. Ils portaient un uniforme de couleur olive.
15 Q. Aux paragraphes 16 à 18 de votre déclaration, Monsieur Haxhibeqiri,
16 vous --
17 M. VISNJIC : [interprétation] Je m'excuse.
18 M. HANNIS : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
20 M. VISNJIC : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre --
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Visnjic.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Je m'excuse, mais j'ai du mal à suivre cette
23 déposition, parce que M. Hannis fait référence à certains paragraphes, et
24 nous, nous n'avons aucune déclaration où les paragraphes sont numérotés.
25 Est-ce qu'il s'agit d'une numérotation interne qu'il a, ou est-ce que nous
26 n'avons pas l'exemplaire idoine ? Si c'est une numérotation interne, qu'à
27 cela ne tienne, mais je cherche ces chiffres qu'il mentionne, alors que
28 peut-être je ne devrais pas le faire.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Oui, j'ai numéroté les paragraphes de ma
2 version anglaise. La version albanaise de M. Haxhibeqiri a des numéros,
3 mais je n'ai pas un exemplaire avec des numéros pour la version B/C/S. Je
4 vais essayer de faire référence à la page et je donnerai ainsi la
5 possibilité au conseil de la Défense de lire, si je donne peut-être la
6 première ligne du paragraphe.
7 Je m'excuse, Maître Visnjic, je n'ai pas pu le faire sur la copie B/C/S.
8 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. HANNIS : [interprétation]
10 Q. Au paragraphe 16, le paragraphe 16 dans ma version commence vers la fin
11 de la page, avant-dernier paragraphe, et commence par la phrase suivante :
12 "La plus grande caserne militaire se trouvait à la périphérie de la ville."
13 M. FILA : [interprétation] Cela fait un certain temps que nous n'entendons
14 plus l'interprétation en B/C/S ou en serbe. D'ailleurs, il serait peut-être
15 judicieux de placer votre exemplaire sur cet instrument -- je ne sais pas
16 comment vous l'appelez, le système électronique.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, il faut que vous attiriez
18 mon attention de suite lorsque vous avez des problèmes d'interprétation, il
19 faut le faire immédiatement. Vous nous dites que vous continuez à ne rien
20 entendre du tout ? C'est un problème qu'il va falloir mettre --
21 M. FILA : [interprétation] Ça y est, maintenant j'entends. Maintenant,
22 j'entends l'interprétation, mais vous regardiez de l'autre côté, je n'ai
23 pas osé vous interrompre. Je ne sais pas comment j'aurais pu faire. C'est
24 ainsi que les choses se sont passées. J'aurais juste voulu demander la
25 chose suivante : est-ce que nous pouvons avoir cet exemplaire en anglais ?
26 Ainsi, nous pourrons suivre les choses beaucoup plus facilement. Je ne
27 connais pas l'albanais, mais nous pouvons, pour ce qui est des numéros de
28 pages, dépendre de l'anglais.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'avec mes connaissances très
2 rudimentaires du B/C/S, je vais pouvoir leur donner la référence dans la
3 version B/C/S, je pense au numéro de page et au numéro de paragraphe.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
5 M. HANNIS : [interprétation] Dans la version B/C/S --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, essayons de réfléchir
7 un peu à l'équité dans tout cela. Le témoin a un exemplaire papier.
8 M. HANNIS : [interprétation] Tout à fait.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez un problème à ce
10 que la version B/C/S soit affichée par le système électronique ?
11 M. HANNIS : [interprétation] Non, nous pouvons le faire.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que c'est d'abord ce qui a
13 été demandé et cela éviterait tout problème de traduction, je pense que
14 c'est ce que nous pourrions faire.
15 M. HANNIS : [interprétation] Oui, tout à fait. Le paragraphe 16, tel que je
16 l'ai numéroté dans ma version anglaise, est un paragraphe qui commence en
17 bas de la page 4 de la version B/C/S, c'est la toute dernière ligne de
18 cette page. J'ai pris la version albanaise pour pouvoir identifier et
19 numéroter mes paragraphes, ce qui fait que les différentes traductions en
20 anglais et en B/C/S n'ont pas toujours les mêmes paragraphes. Il y a
21 parfois des paragraphes qui sont scindés. J'ai essayé d'avoir des
22 paragraphes entiers grâce à cette numérotation. J'ai essayé d'expliquer
23 tout cela à mes collègues B/C/S pendant mon interrogatoire.
24 Q. En B/C/S, en bas de page 4 de la version B/C/S, la première phrase,
25 c'est là où je commence et pour les autres paragraphes jusqu'au deux tiers
26 de la page.
27 Monsieur Haxhibeqiri, vous nous dites qu'à partir du mois d'août de 1998,
28 la VJ bombardait des villages et qu'ensuite le MUP et les paramilitaires
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1 forçaient les villageois à partir en leur disant d'aller en Albanie. Vous
2 avez dit que cela s'est poursuivi pendant toute la durée des bombardements
3 de l'OTAN. Quelle était l'appartenance ethnique des villageois en
4 question ?
5 R. Ils étaient tous d'appartenance ethnique albanaise.
6 Q. Ensuite, toujours à ce sujet, au paragraphe 19, qui est l'avant-dernier
7 paragraphe de la page 5 de la version B/C/S, vous dites, et je cite
8 l'anglais : "La pire des périodes, c'était pendant les bombardements.
9 C'étaient les biens Albanais et les propriétés des Albanais civils qui
10 étaient ciblés délibérément."
11 A qui faites-vous référence lorsque vous dites "qu'ils" ciblaient ?
12 R. Aux Serbes. Aux Serbes et aux Monténégrins.
13 Q. Comment se fait-il que la situation se soit détériorée pendant les
14 bombardements ? Qu'est-ce qui a changé ?
15 R. La violence s'est intensifiée pendant les bombardements en réponse ou
16 en réaction aux bombardements de l'OTAN. La terreur et la violence ont
17 commencé à être institutionnalisées, à s'inscrire dans un plan, et ce pour
18 créer une atmosphère d'intimidation, de crainte, qui fait qu'à côté les
19 films d'Hitchcock ne font absolument pas peur. C'était véritablement
20 l'atmosphère qui régnait. C'était une atmosphère que l'on retrouve dans les
21 films d'Hitchcock.
22 Q. J'aimerais que vous passiez au paragraphe 20, il s'agit dans la version
23 B/C/S des deux dernières lignes de la page 5. Dans la version anglaise, il
24 s'agit de la page 5 également et du quatrième paragraphe avant la fin. Il
25 est dit : "Le 23 mars." Vous parlez des perquisitions effectuées dans vos
26 bureaux et du fait que le personnel a été arrêté. Est-ce que vous étiez
27 présent lorsque cela s'est passé ?
28 R. Non, malheureusement non. Je suis parti une ou deux minutes avant. Je
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1 ne m'en souviens pas très bien. Peut-être que je suis parti cinq minutes
2 avant et je suis rentré chez moi. Mais il y avait d'autres personnes,
3 d'autres membres du personnel qui ont continué à travailler. Ils étaient
4 six, et lorsque je suis parti du bureau, ces forces sont entrées et ont
5 chassé le personnel en les rouant de coups et en les insultant. Ils les ont
6 arrêtés. Ils les ont envoyés au secrétariat des Affaires intérieures.
7 Q. Toujours dans le même paragraphe, vous dites que vous aviez travaillé
8 avec la station de radio la Voix d'Amérique et Deutsche Welle également.
9 Est-ce que vous pourriez nous dire quel type de travail vous faisiez pour
10 ces deux stations de radio ?
11 R. Nous présentions des reportages sur la violence qui était perpétrée à
12 cette époque-là dans notre municipalité, nous faisions état de la terreur
13 quotidienne qui régnait. En tant qu'ONG, nous avions une bonne réputation.
14 Nous étions respectés du public. Nous étions différents des organisations
15 politiques. Nous avions un avis, un point de vue indépendant.
16 Q. Dans le paragraphe suivant, le paragraphe 21, vous mentionnez le fait
17 qu'"aucune bombe de l'OTAN n'a touché des cibles civiles à Gjakove."
18 Comment est-ce que vous le savez ? Est-ce que vous pourriez le dire à la
19 Chambre ?
20 R. Bien, c'est vrai. La ville en est la preuve d'ailleurs. Il n'y a pas eu
21 une seule bombe larguée là, à l'exception du MUP qui, le 21 mai, a été
22 bombardé. A la suite de ce bombardement, il y avait une personne qui se
23 trouvait chez elle et qui d'ailleurs a été tuée dans ses toilettes.
24 Q. Je pense que vous avez indiqué qu'il y avait eu un incident non pas
25 dans la ville, il s'agit d'un incident relatif à un convoi et cela s'est
26 passé à la mi-avril. Vous voyez de quoi je veux parler ?
27 R. De quel paragraphe s'agit-il, Monsieur ?
28 Q. Ce n'est pas une référence à un paragraphe, mais cela a à voir avec les
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1 civils qui ont été blessés par les bombardements de l'OTAN.
2 R. Oui, cela s'est passé le 14 avril. Ce jour-là, ces forces, et j'entends
3 par là les forces de police ainsi que les militaires, donc les forces
4 militaires et les paramilitaires ont chassé les gens de leur foyer en les
5 rouant de coups, en les insultant et en mettant le feu à leur domicile, et
6 ce, afin de les expulser vers l'Albanie. En chemin, certains d'entre eux
7 sont morts à cause des bombes.
8 Q. Mais dans la ville à proprement parler, est-ce que vous avez eu la
9 possibilité de vous déplacer et de voir de visu vous-même tous les dégâts
10 pour parvenir à la conclusion suivant laquelle aucune cible civile n'a été
11 bombardée ?
12 R. Oui, bien sûr. Vous voulez dire pendant la guerre ? Vous parlez de la
13 période des bombardements de l'OTAN ?
14 Q. Quand est-ce que vous l'avez fait, en fait ? Est-ce que vous avez mené
15 cette inspection pendant une journée, pendant un mois ? Quelle est la durée
16 de temps qui vous a permis de tirer cette conclusion ?
17 R. Qu'entendez-vous véritablement ? Est-ce que vous pourriez m'expliquer
18 cela ? De quelle période parlez-vous ?
19 Q. Je parle du paragraphe 21 dans la version anglaise. Il est dit :
20 "Aucune de ces bombes n'a touché des zones civiles dans la ville. Je suis
21 absolument sûr de cela."
22 Je veux savoir comment vous êtes parvenu à cette conclusion.
23 R. Oui. L'OTAN avait des cibles serbes qu'elle bombardait. L'OTAN ne
24 bombardait pas de cibles civiles. C'était très précis, le bombardement
25 était très précis parce que, par exemple, les grandes casernes qui se
26 trouvaient près de l'église catholique - la caserne se trouve juste à côté
27 de l'église catholique, et il faut savoir que l'église n'a absolument pas
28 été endommagée.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, où se trouve la
2 référence au convoi --
3 M. HANNIS : [interprétation] Il n'y a pas de référence au convoi dans sa
4 déclaration, Monsieur le Président. J'enchaînais à la suite de ce qui avait
5 été dit, donc les civils qui avaient été blessés par les bombardements de
6 l'OTAN. Mais je pense qu'il y a une référence qui a été faite plutôt lors
7 des questions qui ont été posées à M. Abrahams à propos des civils --
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais il n'est absolument pas
9 question dans cette déclaration des civils blessés par les bombardements de
10 l'OTAN ?
11 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais le témoin, il vient juste de
13 parler de civils qui ont été tués.
14 M. HANNIS : [interprétation] Oui, le paragraphe 21 dit : "Aucune des bombes
15 n'a frappé des zones civiles." C'est pour cela que je posais la question.
16 Je voulais savoir s'il y avait des bombes qui avaient touché des civils.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais avoir davantage de détails,
18 parce que la réponse n'a pas été très claire.
19 M. HANNIS : [interprétation]
20 Q. Monsieur Haxhibeqiri, le Président souhaiterait avoir de plus amples
21 renseignements à propos du convoi et des civils qui ont été tués lors des
22 bombardements de l'OTAN de ce convoi ?
23 R. Le 14 avril 1999, pendant les bombardements de l'OTAN, ces forces sont
24 entrées dans la région appelée Reka e Keqe et Lugu i Carragojes.
25 Q. Est-ce que ceci fait partie de la ville de Gjakove ? Est-ce que ce sont
26 des quartiers ?
27 R. Dans la partie sud-ouest de la ville, c'est exact.
28 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que nous
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1 pourrions maintenant montrer une pièce, la pièce P10, qui pourrait nous
2 être utile, car la ville y est représentée.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est cette
4 déclaration qui porte sur le fait que les civils n'ont pas été pris pour
5 cible, alors que cette déposition indique clairement que des civils en
6 réalité ont été tués. J'essaie simplement de comprendre comment ceci s'est
7 produit, car d'après le témoin, quand il dit que la déclaration est très
8 claire, il dit que les civils n'étaient pas pris pour cible.
9 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il parle de cible de civils en
10 ville, peut-être -- je crois que c'est mieux qu'il réponde lui-même. Il
11 parle de bâtiments et de biens. Le convoi, je crois, était à l'extérieur,
12 mais il peut vous en parler.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vois. Je crois qu'il
14 s'agissait ici d'une suggestion qui a été faite et qui était un peu une
15 question directrice, qu'il y avait certains endroits où les civils étaient
16 tués, non, ce n'est pas le cas. D'accord.
17 M. HANNIS : [interprétation] D'accord.
18 Q. Poursuivez, s'il vous plaît, Monsieur Haxhibeqiri. Vous nous avez dit
19 que les forces sont entrées dans certaines parties de la ville que vous
20 venez de citer. Ensuite, qu'est-ce qui s'est passé ?
21 R. Ils sont entrés dans le village, ils ont menacé les civils avec leurs
22 fusils. Ils les ont fait sortir de leur maison, ils les ont insultés. Ils
23 les ont passés à tabac de façon brutale pour les faire sortir dans la rue.
24 Q. Nous avons maintenant une carte sur l'un de vos écrans --
25 R. Non, pas encore.
26 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir la pièce P10 à
27 l'écran, s'il vous plaît ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. HANNIS : [interprétation]
2 Q. Est-ce que vous voyez cette carte ? Est-ce que vous pourriez, pour les
3 besoins des Juges de la Chambre, nous dire de quelles parties il s'agit ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous pouvez voir ceci sur la carte à l'écran que vous avez
6 sous les yeux ?
7 R. Est-ce que vous pouvez descendre un petit peu ? Un petit peu.
8 Dans cette zone-ci.
9 Q. Je ne sais pas quelle serait la meilleure façon de procéder.
10 R. En direction de la frontière, Qafa e Morines Ponoshac.
11 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce qu'il y a un stylo ou un marker que le
12 témoin pourrait utiliser ?
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons tout d'abord besoin de
14 savoir quel type d'annotations il va faire. Je crois qu'il nous faut mieux
15 comprendre ce dont il s'agit, ici.
16 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous
17 essayons de comprendre d'où venaient les civils qui faisaient partie d'un
18 convoi.
19 Q. D'après ce que je comprends, Monsieur Haxhibeqiri, pourriez-vous nous
20 dire de quels quartiers, de quelles parties de la ville de Djakovica vous
21 parlez ?
22 R. J'ai dit que cette partie-là de la ville s'appelle Reka e Keqe, cette
23 partie s'appelle Reka e Keqe et comprend 20 villages, Lugu i Carragojes
24 également.
25 Q. Je ne vois pas ces noms sur la carte. Est-ce que vous voyez ces noms
26 sur la carte les quartiers de la ville que vous venez de citer ?
27 R. Non. Ces quartiers ne figurent pas sur la carte.
28 Q. A quel endroit de cette carte, si en haut nous avons le nord ?
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1 R. Au sud-ouest --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. La déclaration de M. Hannis
3 dit que c'est Reka e Keqe qui est au sud-ouest de la ville, et il y a un
4 groupe de villages qui se trouvent au nord-ouest où il y a un autre groupe
5 de villages encore. Il semble que nous parlions de quelque chose qui est
6 bien dans la déclaration.
7 M. HANNIS : [interprétation] Nous parlons de ces villages. Je ne sais pas
8 si nous parlons de l'incident au cours duquel les civils ont été tués par
9 le bombardement de l'OTAN.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
11 M. HANNIS : [interprétation]
12 Q. Vous parlez bien des villages ou des personnes qui ont été chassées de
13 chez elles ? Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qui s'est
14 passé par la suite ? Comment ceci s'est passé et où ceci s'est passé ?
15 R. Lorsque le convoi - c'était un convoi qui était long, qui était composé
16 d'habitants de villages - lorsque ce convoi est arrivé à un endroit appelé
17 Meja, on a pilonné le convoi et plusieurs personnes sont mortes.
18 Q. Hormis cet incident, lorsque vous étiez à Djakovica, vous avez précisé
19 que rien ne semblait indiquer que les bombardements de l'OTAN avaient pris
20 pour cible des civils dans la ville de Gjakove; c'est exact ?
21 R. Non. Il n'y a eu aucun cas de ce genre. Des bâtiments civils ou des
22 objets civils n'ont pas été bombardés.
23 Q. Bien.
24 R. Pardonnez-moi. Il y avait une usine qui fabriquait des boissons non
25 alcoolisées. Une partie de cette usine a été bombardée, et tel n'était pas
26 le mobile, mais il y avait effectivement des forces armées, des forces de
27 police qui étaient cantonnées à cet endroit-là et qui disposaient d'armes
28 lourdes.
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1 Q. Dans l'usine dont vous venez de nous parler ?
2 R. Oui, dans la cour de l'usine.
3 Q. A partir du moment où le bombardement de l'OTAN a commencé le 24 mars,
4 où étiez-vous ? Que faisiez-vous ?
5 R. A partir du 23, lorsque mes collègues ont été arrêtés, je suis parti et
6 je me suis caché dans la région appelée Blloku i Ri.
7 Q. [aucune interprétation]
8 R. Je suis resté ainsi caché pendant une semaine.
9 Q. [aucune interprétation]
10 R. Une semaine plus tard, je suis rentré à la maison dans la vieille
11 partie de la ville, dans ce quartier-là.
12 Q. Est-ce que ce quartier portait un nom ?
13 R. Blloku i Ri.
14 Q. C'est là où vous étiez au départ, et ensuite vous êtes rentré chez
15 vous; c'est cela ?
16 R. Oui, tout à fait.
17 Q. Est-ce qu'il se trouve dans une autre partie de la ville ? Est-ce que
18 ceci porte un nom ? Est-ce que cette banlieue porte un nom ?
19 R. Cela s'appelle Carshia e Madhe, ce qui signifie le grand Carshia.
20 Q. Nous voyions ces régions sur la carte à l'écran que vous avez sous les
21 yeux ?
22 R. Oui, oui.
23 Q. Combien de temps êtes-vous resté à cet endroit-là ?
24 R. A l'exception de dix jours, je suis resté tout le temps à cet endroit-
25 là et pendant dix jours, je suis allé dans un autre quartier qui s'appelle
26 Hank [phon]. Je suis resté à cet endroit-là pendant dix jours.
27 Q. Vous êtes resté là jusqu'à la fin des combats et vous avez parlé, je
28 crois, du 25 mars. Vous dites que vous avez vu -- je lis à partir du
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1 paragraphe 22 qui est le paragraphe suivant. Vous dites avoir vu la police
2 et les paramilitaires travailler main dans la main dans le quartier de
3 Carshia e Madhe. Vous dites qu'en réalité, vous ne pouviez pas le voir
4 vous-même, mais vous avez obtenu ces éléments d'information par
5 l'intermédiaire de voisins qui y vivaient et qui étaient en contact avec
6 vous. Comment saviez-vous qu'ils travaillaient là ?
7 R. Je les ai vus de mes propres yeux pendant toute la durée des 78 jours
8 de bombardements.
9 Q. En rapport avec ceci, au paragraphe 31, qui est le troisième paragraphe
10 à la page 7 du texte anglais que vous retrouverez en page 7 du texte en
11 B/C/S avant la ligne en pointillé qui se trouve au bas de la page, au
12 paragraphe 31, vous dites que depuis votre maison, vous pouviez voir en
13 moyenne tous les jours des maisons en train de brûler; j'ai vu les
14 paramilitaires incendier ces maisons. Tout d'abord, à quelle distance se
15 trouvaient-ils ?
16 R. Il y avait 50 mètres environ entre les maisons, mais il y avait
17 quelques maisons qui étaient à 25 mètres de l'endroit où je me trouvais.
18 C'est là que j'ai vu cela.
19 Q. Vous avez vu cette activité se déployer pendant combien de jours ?
20 R. Pendant les 78 jours du bombardement de l'OTAN.
21 Q. Qu'est-ce qui vous permettait de dire qu'il s'agissait de
22 paramilitaires par opposition à la police ou à la VJ ?
23 R. J'étais en mesure de faire la différence et je savais, car ils
24 portaient des uniformes de camouflage et ils avaient des rayures et des
25 rubans.
26 Q. Vous avez également précisé dans ce paragraphe qu'on emprisonnait
27 régulièrement des gens. De quelle appartenance ethnique étaient ces gens ?
28 R. C'étaient des Albanais, des civils.
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1 Q. Comment saviez-vous que des gens étaient jetés en prison à ce moment-
2 là, étant donné que vous étiez caché dans votre maison ?
3 R. C'était le 7 mai. C'est ce jour-là que les combats ont commencé entre
4 l'UCK et les forces serbes dans la Kodra e Cabratit, qui se trouve à
5 l'extérieur de la ville, au sud-ouest.
6 Au cours de ces combats, plus de 100 personnes ont été tuées, ou plutôt,
7 106 personnes ont été tuées. Plus de 100 maisons ont été incendiées et 300
8 personnes ont été arrêtées. Sur ces 300 personnes, 150 ont été relâchées et
9 les autres ont été arrêtées. Ces personnes ont été détenues dans un
10 entrepôt, un atelier qui se trouvait à l'extérieur de la ville, donc ces
11 150 personnes qui ont été relâchées ont été relâchées une semaine plus
12 tard, ou plutôt, cinq ou six jours plus tard, alors que les autres, ceux
13 qui restaient, ont échoué à Peja. Ils ont été transportés par camions et
14 par autocars. Ils sont arrivés à la prison de Peja, et comme il n'y avait
15 pas de place pour toutes ces personnes, ils ont été envoyés dans l'entrepôt
16 d'une société qui s'appelait Banana. A partir là, ils ont été transférés à
17 la prison de Dubrava.
18 Là, dans la prison de Dubrava, sur le nombre de personnes que j'ai déjà
19 citées, un grand nombre de personnes ont été tuées soit à cause des
20 bombardements de l'OTAN ou soit parce qu'elles ont été exécutées par le
21 personnel de la prison. Donc, 26 personnes de notre municipalité ont été
22 tuées à cet endroit-là, sur les 180 qui ont été tuées à cet endroit-là.
23 Q. Pardonnez-moi si je crois qu'il y a une question sur la ville de
24 Gjakove -- pardonnez-moi.
25 M. HANNIS : [interprétation] Me Visnjic est debout.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Je souhaite simplement faire un bref
28 commentaire. Un commentaire en deux temps. Le témoin a dépassé le cadre de
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1 sa déclaration précédente -- pardonnez-moi -- excusez-moi.
2 D'une part, le témoin est allé au-delà de sa déclaration précédente,
3 surtout en ce qui concerne le transport de personnes jusqu'à Dubrava et
4 leur détention immédiatement après l'arrestation. C'est quelque chose qui
5 n'a pas été mentionné dans sa déclaration d'aujourd'hui. Toute la partie
6 concernant Dubrava a déjà été exclue de cette affaire par la décision que
7 vous avez rendue. Madame, Messieurs les Juges, c'est la raison pour
8 laquelle je m'oppose à cette partie de sa déposition.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci n'a pas d'importance, Maître
10 Visnjic, car sa déposition a été très claire à cet égard. Il a clairement -
11 - non, sa déposition n'a pas été très claire, lorsqu'il -- il n'y a pas eu
12 d'injustice -- il n'y a pas eu d'injustice commise, car la manière dont ces
13 personnes ont été tuées n'a pas été clairement expliquée.
14 Il n'y a pas de raison pour laquelle un témoin doit s'en tenir
15 uniquement à sa déclaration. Vous avez insisté là-dessus pendant le contre-
16 interrogatoire, on ne présente pas simplement au témoin les éléments de sa
17 déposition ou de sa déclaration présentée par écrit. Si l'Accusation lui
18 demande de parler d'un certain nombre de choses oralement, c'est inévitable
19 que cela aille au-delà de sa déclaration. Il n'y a aucune règle qui nous
20 contraigne à nous en tenir simplement à la déclaration, donc je ne pense
21 pas que votre objection soit tout à fait valable en l'état actuel des
22 choses. Nous allons simplement ne pas tenir compte de la référence faite à
23 Dubrava lorsque nous parlerons de cela.
24 Je vous en prie, Monsieur Hannis, poursuivez.
25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.
27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Ecoutez, il semblerait que M. Hannis soit
28 en train de poser des questions directrices à ce témoin viva voce et à le
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1 guider dans sa déposition. Il ne s'en tient pas simplement à la
2 déclaration. Je ne pense pas que ce soit approprié, je ne pense pas que ce
3 soit bien et je pense que ce sera inconvenant que le témoin ait sa propre
4 déclaration sous les yeux puisqu'il s'agit d'un témoin viva voce et non pas
5 d'un témoin 92 bis et qu'il ne témoigne pas à partir de la déclaration.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous avancer une raison
7 pourquoi est-ce que vous estimez que c'est inconvenant ?
8 M. O'SULLIVAN : [aucune interprétation]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr.
10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bon, j'estime qu'il n'est pas approprié
11 que le témoin dispose d'un exemplaire de la déclaration --
12 LE TÉMOIN : [interprétation] On m'a remis cela --
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous prie de ne pas prendre la
14 parole pendant que nous écoutons l'argument du conseil de la Défense.
15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Si on va poser des questions directrices à
16 un témoin qui est viva voce et qui n'est pas un témoin 92 bis, je ne pense
17 pas qu'il soit approprié que le témoin qui est à la barre dispose de sa
18 propre déclaration. Il s'agit d'un témoin viva voce. On ne parle pas
19 simplement de questions où est-ce qu'on lui dit que c'est une déclaration
20 qu'il accepte et que l'on pose des questions générales. Nous sommes allés
21 bien au-delà de cela --
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, pas vraiment, pas tout à fait. Je
23 trouve qu'il est vrai -- je ne trouve pas que la façon de procéder ici soit
24 particulièrement utile, mais ceci découle des questions qui sont posées.
25 Pour ce qui est de l'efficacité judiciaire, je ne pense pas que ce soit la
26 façon idéale de procéder. Là, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais
27 pour ce qui est de savoir si c'est quelque chose qu'il faut autoriser, là
28 il s'agit d'une question différente.
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1 Vous dites en somme que lorsqu'un témoin 92 bis est contre-interrogé,
2 lorsque le témoin répond dans le cadre de l'interrogatoire principal, il ne
3 doit pas disposer de sa déclaration ? J'ai du mal à vous suivre.
4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Si on cite à la barre un témoin et si on
5 considère que c'est un témoin 92 bis et qu'on lui pose des questions dans
6 ce cadre-là, il peut y avoir des questions préliminaires, à savoir si la
7 déclaration est bien la sienne et s'il l'accepte. Cela ne pose pas de
8 problème. Peut-être qu'il y a des questions d'ordre général ou des
9 questions supplémentaires qui peuvent être posées dans ce cadre-là; cela ne
10 pose pas de problème non plus. Mais dans le cas présent, le témoin a déposé
11 sur ce qui semble être l'ensemble de la déclaration de A à Z, enfin c'est
12 un témoin viva voce. Si M. Hannis veut poser des questions à un témoin viva
13 voce, cela ne pose pas de problème non plus, mais le témoin ne peut pas
14 disposer de sa propre déclaration alors que c'est un témoin viva voce. Si
15 on cite à la barre un témoin 92 bis d'accord, mais là il s'agit d'un témoin
16 viva voce. On dit ici que c'est un témoin 92 bis, cela n'est pas approprié,
17 puisqu'en réalité, il témoigne ici en tant que témoin viva voce.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
20 M. FILA : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je suis d'accord
21 avec la position adoptée par Me O'Sullivan. La question est de savoir s'il
22 y a une différence entre un témoin viva voce et un témoin 92 bis entendu à
23 la barre, car M. Hannis aujourd'hui a voulu estomper cette différence, car
24 maintenant le témoin dépose viva voce et dépose également en tant que
25 témoin 92 bis. Il témoigne et il a la déclaration sous les yeux qu'il peut
26 regarder. On ne peut pas avoir les deux choses en même temps. J'essaie de
27 simplifier les choses. Nous allons au-delà du cadre du 92 bis puisque nous
28 parlons du transport, il y a une carte qui n'y figure pas. Maintenant, nous
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1 avons entendu parler de ce qui s'est passé à Dubrava et il ne s'y trouvait
2 pas lui-même.
3 L'objection soulevée par la Défense en substance porte sur ceci, sur la
4 base de la déclaration. Nous ne savons pas ce que le témoin a vu de ses
5 propres yeux et ce qui a pu être constaté par la suite à l'enquête qui a
6 été menée. S'il était assis dans sa propre maison et si sa maison avait été
7 incendiée, il ne serait pas là aujourd'hui. Nous ne savons pas ce qu'il a
8 vu de ses propres yeux, si c'était un militant de cette organisation. Je
9 crois que tout ceci est maintenant devenu assez confus et va engendrer un
10 certain nombre de problèmes, mais je pense que ce n'est pas une bonne chose
11 si quelqu'un vient témoigner en tant que témoin 92 bis et qu'il continue
12 ensuite et qu'il poursuit sa déposition en tant que témoin viva voce. Si
13 quelqu'un va témoigner et que c'est un témoin 92 bis, inutile de l'entendre
14 viva voce. Ceci est en train de se transformer en déposition de témoin viva
15 voce.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, si vous me le permettez,
17 ceci a rendu les choses encore plus confuses. Vous avez tout d'abord
18 souhaité appuyer la position de Me O'Sullivan, j'ai bien noté ce que vous
19 avez dit à cet égard. Mais le deuxième point, la deuxième question n'a rien
20 à voir, car c'est pertinent eu égard à la déclaration sans qu'on en parle
21 oralement. C'est quelque chose qui a déjà été soulevé par Me O'Sullivan
22 lorsqu'il a présenté son objection. Nous allons aborder cette question,
23 comme vous le savez, lorsque nous aurons entendu toutes les dépositions.
24 C'est un argument que vous avez évoqué, mais qui est distinct de ce que
25 nous faisons à l'heure actuelle.
26 Attendez-moi quelques instants pour que je puisse consulter mes
27 confrères et consoeurs.
28 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
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1 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez la
2 réponse après avoir consulté vos collègues --
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pas pour l'instant, Monsieur Hannis,
4 s'il vous plaît.
5 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
6 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
8 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Tout d'abord, je souhaite parler pour défendre le témoin. Car d'après ce
10 que j'ai pu remarquer il n'a pas répondu en faisant référence ou en lisant
11 sa déclaration.
12 Deuxièmement, la déclaration qu'il a donnée lui a été donnée au début parce
13 que j'estimais que M. Stoparic, notre deuxième témoin si aussi le témoin
14 doit vérifier sa déclaration à partir du e-court, cela est un peu
15 difficile, il faut faire avancer le texte ou le faire remonter ou
16 redescendre. J'ai proposé qu'il l'ait sous les yeux car si je dois faire
17 référence à une partie de sa déclaration, il l'a sous les yeux.
18 Par exemple, si je dois parler des paramilitaires ou entre le mois de
19 mars, avril, mai, par exemple.
20 Si je me souviens, par rapport aux objections de M. Visnjic, sa
21 première objection portait sur le fait qu'il parlait de choses qui ne sont
22 pas contenues dans sa déclaration. Ensuite Me O'Sullivan s'est tourné vers
23 moi pour me dire que je lui posais des questions directrices paragraphe
24 après paragraphe, qu'il était simplement en train de répéter de vive voix
25 ce qui a déjà dans sa déclaration écrite. Il semble qu'il y a une anomalie
26 ici.
27 J'essaie simplement de lui poser des questions qui ne sont pas
28 contenues dans sa déclaration, mais nous devons nous reporter à la
Page 1085
1 déclaration pour voir ce que disent les paramilitaires au paragraphe 14
2 auquel nous faisons référence.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La première question à laquelle
4 il faut répondre c'est celle-ci, est-ce que vous demandez à la Chambre de
5 première instance d'appliquer la règle du 92 bis ?
6 M. HANNIS : [interprétation] Nous vous demandons --
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Écoutez ma question. Est-ce que
8 vous demandez à la Chambre d'appliquer le 92 bis ?
9 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que la réponse à cette
11 question est non. Je suis surpris de votre réponse.
12 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite avoir le
13 meilleur des deux mondes.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Ce que j'ai compris et d'après ce
15 que j'ai compris de ce qui se passait dans ce prétoire, ce qui me semblait
16 tout à fait clair maintenant, après avoir abordé ceci avec un peu plus de
17 détails, étant donné que le contre-interrogatoire a été autorisé pour
18 chaque témoin par vous, l'application a été faite en tenant compte du 92
19 bis, vous avez souhaité apporter un complément à la déposition en lui
20 posant des questions oralement.
21 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il me semble qu'il s'agit plutôt ici
23 de l'application de l'article 89(F). Ce que vous faites en réalité, vous
24 posez des questions au témoin pour confirmer quelque chose qui à l'origine
25 avait un objectif différent, à savoir si c'est vrai ou non. Ensuite, comme
26 il présente sa déposition, cela tombe sous l'article 89(F). A ce moment-là,
27 nous décidons d'admettre l'ensemble qui à l'origine avait été décrit comme
28 faisant d'un témoin 92 bis et s'est présenté de cette manière.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que c'est mon
2 propre défaut si je ne comprends pas bien la différence entre le 89(F) et
3 le 92 bis, lorsque le témoin vient déposer. Quand c'est un témoin 92 bis,
4 on lui demande de parler de sa déposition et qu'il peut être contre-
5 interrogé, que l'Accusation à ce moment-là, peut poser d'autres questions
6 au témoin en tant que témoin viva voce, avant que cela ne commence.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est clair que d'après le 92 bis que
8 la Chambre de première instance, nous pouvons admettre en tout, une partie
9 de la déposition d'un témoin sous la forme d'une déclaration écrite au lieu
10 d'un témoignage oral. Encore une fois, c'est ce que vous êtes en train de
11 faire. Si vous me dites que c'est que c'est ce que vous faites à ce moment-
12 là, nous allons considérer qu'il s'agit d'un 92 bis. Mais je dois dire
13 qu'en ce moment, je ne comprends pas l'objection qui a été faite en ne vous
14 permettant pas d'aborder certains domaines qui relèvent du 92 bis. Je crois
15 que l'article est tout à fait clair à cet égard. On peut admettre en tout
16 ou une partie de la déclaration écrite conformément au 92 bis et au 89(F)
17 dans un processus similaire.
18 Personnellement, je ne souhaite pas du tout être alourdi par un
19 certain nombre de détails et d'arguments techniques, savoir quelle est la
20 pratique du Tribunal par le passé lorsque cette situation se présente.
21 Lorsque vous regardez les différents articles et les Règlements du tribunal
22 dans son ensemble, la pratique du Tribunal a permis que ce genre de choses
23 se produise. A ce moment-là, nous lèverons une objection. Je crois qu'à ce
24 moment-là, il y a une objection et nous nous écartons de ce qu'une Chambre
25 de première instance devrait faire.
26 Le deuxième point, je crois que ceci a été soulevé car le témoin a sa
27 déclaration sous les yeux. Nous devons ici aborder ceci de façon
28 pragmatique et de s'assurer qu'on défend les intérêts de la justice. Nous
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1 devons nous assurer que le témoin n'est pas orienté de façon inappropriée
2 par sa déclaration. Lui-même, il a déjà proposé le remettre à Me O'Sullivan
3 de façon à ce qu'il puisse l'utiliser et qu'il est tout à fait disposé à
4 continuer sans sa déclaration. Vous, d'un autre côté, vous avez utilisé
5 ceci comme quelque chose qui permet de l'orienter si vous avez des
6 difficultés et lorsque vous lui posez des questions sur certains sujets que
7 vous débattez avec lui.
8 M. HANNIS : [interprétation] Seulement s'il en a besoin pour mieux
9 comprendre à ma question.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Je crois que
11 nous allons procéder de la sorte. L'objection, en vertu de quoi cela va au-
12 delà du 92 bis, comme vous le dites, la déclaration est rejetée. Il semble
13 que c'est tout à fait approprié de poser des questions oralement. Cela ne
14 fait pas l'ombre d'un doute si on tient compte du 89(F) qui tient compte de
15 cela. La Chambre de première instance autorise donc que vous présentez les
16 éléments par ce biais.
17 Etant donné qu'il y a une objection, nous pouvons rendre une décision
18 définitive à cet égard sur l'admission de la déclaration comme vous le
19 savez. Ensuite, nous vous permettrons de procéder sur cette base-là.
20 Ensuite, je vais m'adresser au témoin et vous dire, je crois que, de
21 façon à ce que vous vous sentiez complètement à l'aise, pour ce qui est des
22 questions posées, vous devriez y répondre d'après votre souvenir et
23 utiliser la déclaration simplement pour s'assurer que la question soit bien
24 comprise, Monsieur Hannis. C'est en tout cas ce qui est suggéré. S'il vous
25 plaît, n'en tenez pas compte, sauf si vous en avez besoin pour un point de
26 clarification à la question que vous posez vous-même.
27 M. HANNIS : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Par rapport à ce
28 que vous venez de dire, la pratique générale voudrait que pour ce qui est
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1 de ce témoin, vous puissiez lui indiquer, bien qu'il dispose de la
2 déclaration sur la table, qu'il ne devrait pas s'y reporter à moins que la
3 Chambre lui dise qu'il a le droit de s'y reporter pour répondre à la
4 question.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être, juste un dernier point,
6 Monsieur Hannis. Il est décevant que cette déclaration soit ainsi
7 incomplète par rapport à un certain nombre de points et de questions que
8 vous allez lui poser. Le témoin va répondre. Mais ceci n'aurait pas dû être
9 le cas étant donné les décisions qui ont été prises avant, une décision qui
10 a été rendue par la Chambre de première instance. C'est un peu décevant
11 lorsque tellement de choses ont été couchées sur le papier et que nous
12 devons entendre autant d'éléments oralement à ce stade de la procédure.
13 Néanmoins, nous vous demandons simplement d'en tenir compte lorsque vous
14 entendrez le prochain 92 bis.
15 M. HANNIS : [interprétation] J'en tiendrai compte, Monsieur le Président.
16 Pardonnez-moi si j'ai déçu la Chambre.
17 Je regarde l'heure, Monsieur le Président, et compte tenu de
18 l'estimation de temps faite par moi et M. Stamp, nous devons nous arrêter
19 là peut-être aujourd'hui.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne pensez pas pouvoir terminer la
21 déposition, l'interrogatoire principal ce soir ?
22 M. HANNIS : [interprétation] Non. Il ne me reste que dix minutes.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non ?
24 M. HANNIS : [interprétation] Je pourrais terminer, mais le délai expire à
25 la fin de la journée et j'ai besoin de soulever cette question maintenant.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une chose, Monsieur Haxhibequiri. Je
27 souhaite clarifier un point avant de lever l'audience ce soir.
28 Vous avez dit que vous êtes devenu président du Conseil de la défense
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1 des droits de l'homme en 1995.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'étais membre.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Membre à partir de quand ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Après la guerre, immédiatement après la
5 guerre. Je suis devenu président à ce moment-là. J'ai remis la déclaration
6 et j'ai dit que j'étais président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etes-vous toujours président ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand avez-vous cessé d'être
10 président ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] En 2001.
12 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin peut se rapprocher du microphone, s'il
13 vous plaît ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en 2002, très précisément à la fin.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les interprètes vous demandent de vous
16 rapprocher un peu du micro, Monsieur le Témoin. Merci bien.
17 Vous avez rempli ces fonctions de président depuis juin 1999 à peu près
18 jusqu'en 2002; c'est cela ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vient de nous demander
21 d'interrompre votre déposition jusqu'à demain. Votre déposition reprendra,
22 Monsieur, demain à 9 heures du matin. Soyez prêt à cette heure-là pour la
23 poursuite de votre déposition. Entre-temps, il importe au plus haut point
24 que vous ne vous entreteniez avec quiconque du contenu de votre déposition.
25 Cette remarque porte aussi bien sur ce que vous avez déjà dit jusqu'à
26 présent dans le cadre de votre déposition que sur ce que vous vous apprêtez
27 à dire dans la suite de votre déposition. Vous m'avez bien compris ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Vous pouvez maintenant quitter
2 le Tribunal, nous vous reverrons en ce lieu demain, à 9 heures du matin.
3 [Le témoin se retire]
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
5 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ma requête porte
6 sur celle du Procureur qui demandait l'admission d'un certain nombre de
7 documents qu'il est parfois coutume d'appeler documents indépendants.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
9 M. HANNIS : [interprétation] Vous vous souviendrez que nous avons déposé
10 notre première requête le 25 mai, et le 6 juin, une ordonnance a été
11 rendue. Je crois qu'elle provenait des Juges préalables au procès, des
12 Juges de mise en état, ordonnance indiquant que des éléments d'information
13 supplémentaires devaient être produits, ce que nous avons fait en date du
14 12 juin avec un deuxième document détaillé dans lequel nous reprenons
15 certaines questions, et un autre document le 5 juillet. La Défense
16 disposait ensuite d'un délai allant jusqu'au 4 juin pour déposer sa
17 réponse. Nous avons obtenu un certain nombre de réponses de certains
18 accusés; M. Sainovic et le général Lazarevic ont, eux, déposé une réponse
19 commune. Le général Lukic a déposé sa réponse ainsi que le général Ojdanic.
20 Toutes ces réponses étaient assez détaillées. La Défense Pavkovic et la
21 Défense Ojdanic ainsi que la Défense Milutinovic ont fourni une réponse
22 commune.
23 Monsieur le Président, sur la base de la position que nous avons
24 adoptée au vu des réponses déposées vendredi également, il ressort que nous
25 devons traiter d'un certain nombre de questions de faits et d'un certain
26 nombre de questions de droit. Le délai qui nous a été imparti est en train
27 de courir, donc nous devrons nous adresser à la Chambre pour demander un
28 temps supplémentaire. Voilà la requête que je tenais à présenter oralement.
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1 A l'appui de cela, je tiens à souligner, Monsieur le Président, un certain
2 nombre de choses qui sont contenues dans la réponse du général Ojdanic qui
3 s'appuient sur une récente décision datant du 13 juillet dans l'affaire
4 Prlic. Nous n'avions pas connaissance de ces éléments jusqu'au dépôt de
5 notre première requête ainsi que de nos arguments complémentaires. Ceci
6 fait partie maintenant de la jurisprudence; nous devons réagir. Il y a un
7 certain nombre de questions soulevées dans les écritures de M. Sainovic et
8 du général Lazarevic quant au fait que des documents admis dans le procès
9 Milosevic pourraient être admis en l'espèce en raison du fait que M.
10 Milosevic n'était pas représenté par un conseil. C'est une question qui a
11 déjà été traitée.
12 A cet égard, Monsieur le Président, nous présentons simplement une requête
13 orale pour le moment, requête demandant l'autorisation de déposer une
14 réponse. La Défense s'est vu accorder quatre semaines pour fournir sa
15 réponse, ce qui est un délai plus long que le délai normal, et compte tenu
16 de l'importance de cette réponse, nous demandons un délai allant jusqu'au
17 18 août pour déposer la nôtre. J'indique toutefois qu'après examen plus
18 approfondi et en voulant être optimistes, nous avons décidé que nous
19 n'avions pas nécessité de déposer des écritures. Mais comme c'est la
20 dernière possibilité qui m'est donnée pour demander cette autorisation. Je
21 vous la demande.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
23 Maître Visnjic, une objection ?
24 M. VISNJIC : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président, de la
25 part de la Défense du général Ojdanic.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
27 Maître Fila, objection de votre part ?
28 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pas d'objection. Pas
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1 de problème par rapport à la proposition du Procureur.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.
3 M. BAKRAC : [interprétation] La Défense du général Lazarevic n'a pas
4 d'objection.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sont les trois conseils qui ont été
6 cités.
7 Y a-t-il des commentaires de la part des autres conseils ?
8 M. HANNIS : [interprétation] Maître Lukic demande la parole, Monsieur le
9 Président.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi.
11 M. HANNIS : [interprétation] Maître Lukic demande la parole, Monsieur le
12 Président.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. Maître Ivetic.
14 M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous vous accordons jusqu'au 18 août
17 pour soumettre votre réponse si vous en ressentez le besoin.
18 M. HANNIS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Les
19 choses se sont très bien passées, c'est un peu surprenant, et très
20 rapidement par rapport à mon estimation du temps.
21 M. Stamp a une question à vous présenter en une minute.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.
23 M. STAMP : [interprétation] C'est un élément qu'il revenait à mon avis à un
24 conseil d'évoquer, mais je ne voudrais pas ennuyer la Chambre plus
25 longtemps aujourd'hui. Cependant, lors d'une audience précédente, un
26 conseil de la Défense a demandé à la Chambre d'ordonner à l'Accusation de
27 remettre à la Défense des exemplaires des documents à l'appui de l'acte
28 d'accusation, les deux rapports qui ont fait l'objet de longs débats ici
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1 aujourd'hui. J'ai indiqué que nous les avions obtenus d'une organisation et
2 que nous les communiquerions dès que nous aurions l'autorisation de le
3 faire de la part de cette organisation. J'annonce à la Défense quelle est
4 la situation par rapport à ces documents, et notamment au rapport "Under
5 Orders". A cet égard, le représentant juridique de "Human Rights Watch" a
6 indiqué que l'organisation était prête à faire une exception en l'espèce et
7 à autoriser la communication de ce document qui est toutefois
8 extrasensible, puisqu'il protège un certain nombre de personnes en danger,
9 ce qui est une très grande responsabilité. "Human Rights Watch" est prêt à
10 permettre à la Défense de consulter ce document, nous pouvons le
11 communiquer à la Défense dans les délais les plus brefs.
12 Le secrétaire général de l'OSCE a fait savoir qu'il y avait des exigences
13 d'extrême confidentialité par rapport aux documents utilisés dans la
14 déposition précédente, à savoir plus particulièrement le document "As Seen,
15 As Told", et nous avons longuement discuté avec l'OSCE pour obtenir
16 l'autorisation de communiquer ce document. Je pensais qu'il convenait de
17 mettre tout cela au compte rendu d'audience de façon à en avoir une trace
18 pour la Défense, même si l'Accusation affirme que la question qui se pose
19 par rapport à ces documents est une question de pertinence, mais qu'elle ne
20 doit pas être abordée au titre de l'article 68 ou de l'article 66(A), et
21 que si la Défense a l'intention d'utiliser ces documents, elle aurait dû le
22 faire savoir bien longtemps avant l'audition de ce témoin.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.
24 J'espère que la série de bonnes nouvelles va se poursuivre.
25 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Président, encore une chose. Je
26 pense qu'au titre du Règlement, nous sommes en droit d'obtenir les
27 déclarations en question pour la préparation de notre contre-interrogatoire
28 du témoin qui a été entendu, qu'il s'agisse de la déclaration de l'OSCE ou
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1 de celle de "Human Rights Watch" ou de celle d'autres organisations non
2 gouvernementales internationales qui ont pu produire des déclarations. Or,
3 nous n'avons obtenu aucune déclaration de cette nature pour le témoin en
4 question.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel article du Règlement faites-
6 vous référence ?
7 M. SEPENUK : [interprétation] Si j'ai bien compris le Règlement, nous
8 sommes censés obtenir toutes les déclarations qui sont en possession de
9 l'Accusation avant l'audition d'un témoin.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que ce qui vous sera répondu
11 immédiatement sera qu'il ne s'agit pas de témoin. Vous avez reçu la
12 déclaration préalable du témoin --
13 M. HANNIS : [interprétation] Mais Monsieur le Président, il y a un autre
14 argument, à savoir que ces documents ne sont pas en notre possession --
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends bien, c'est une autre
16 question. Mais les personnes évoquées sont des personnes qui ont été
17 interviewées, comme vous le savez, et sur la base de ces interviews, un
18 témoin est venu ici dire à la Chambre de quoi traitaient ces interviews. Il
19 y a une différence entre cette situation et la situation dans laquelle ces
20 personnes interviewées seraient elles-mêmes des témoins.
21 M. SEPENUK : [interprétation] Peut-être ai-je mal compris, Monsieur le
22 Président. Je pensais que l'on parlait d'une déclaration émanant d'un
23 témoin, qu'il s'agisse de l'OSCE ou de "Human Rights Watch" et de leurs
24 représentants, ces déclarations devraient également être produites à la
25 Défense avant la déposition du témoin. Je me trompe peut-être, et dans ce
26 cas, je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président, mais c'était la
27 façon dont j'avais interprété le droit.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il serait bon que vous m'indiquiez
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1 l'article du Règlement sur lequel vous vous appuyez.
2 M. SEPENUK : [interprétation] Je crois que Me O'Sullivan et moi-même nous
3 nous sommes appuyés sur le même article. Je pense qu'il s'agit de l'article
4 66.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'article 66 traite des déclarations
6 préalables de témoins que le Procureur entend citer à la barre pour déposer
7 dans un procès ainsi que des exemplaires des déclarations au titre de
8 l'article 92 bis. Or, la nature des documents dont nous discutons en ce
9 moment ne relève ni de l'une ni de l'autre de ces deux catégories.
10 M. SEPENUK : [interprétation] L'article 66(A)(ii) traite des exemplaires de
11 déclarations préalables de tous les témoins que le Procureur a l'intention
12 de citer à la barre pour témoigner au cours d'un procès.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais les personnes dont nous venons de
14 parler ne sont pas des personnes qui seront citées à la barre par
15 l'Accusation en tant que témoins.
16 Parfois, Maître Sepenuk, il est difficile de tenir compte de toutes les
17 contraintes du système en même temps, car sur le principe, le système
18 accepte l'ouï-dire, et puis ensuite il y a des exceptions dans l'intérêt de
19 la justice, mais l'ensemble fait partie d'un système qui, en principe,
20 exclut l'ouï-dire tout en autorisant certaines exceptions dans l'intérêt de
21 la justice.
22 M. SEPENUK : [interprétation] Ce ne sont pas des déclarations préalables.
23 Je parle d'interviews recueillies par des représentants de l'OSCE qui ont
24 donné lieu à la rédaction d'une déclaration, ou d'interviews recueillies
25 par des représentants de "Human Rights Watch" qui ont résulté en la
26 rédaction d'une déclaration, ou d'un groupe de crise internationale qui a
27 recueilli des interviews elles-mêmes rassemblées dans une déclaration. Mais
28 il ne s'agit pas de déclarations préalables de témoin, Monsieur le
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1 Président, dans le sens qui est donné à ce terme ici.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce ne sont très certainement pas des
3 déclarations préalables de témoin dans le sens qui est donné à ce terme par
4 l'article 66(A)(ii) du Règlement. Peut-être ces textes relèvent-ils de
5 l'article 66(B), mais il y a une contrainte de base, à savoir qu'elles
6 doivent être en la possession de l'Accusation, ce qui n'est pas le cas.
7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que dans
8 certains cas, des témoins que nous avons cités à la barre ont été
9 interrogés par "Human Rights Watch" ou par le groupe de crise
10 internationale, il est possible qu'un rapport ait été établi sur la base de
11 leurs déclarations, mais je n'ai pas connaissance de l'existence de tels
12 rapports personnellement. Je ne suis pas au courant du fait que ces
13 personnes auraient signé un document quelconque ou qu'elles auraient prêté
14 serment ou qu'il existe la moindre indication démontrant que tel ou tel
15 texte a été agréé par un témoin. Par ailleurs, nous n'avons pas ces textes
16 en notre possession.
17 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons déjà reçu
18 un certain nombre de déclarations de l'Accusation relatives à des témoins
19 qui vont témoigner en l'espèce. Nous avons demandé à l'Accusation il y a
20 quelque temps, enfin au cours des dernières semaines, de produire les
21 autres déclarations en sa possession. L'Accusation a déjà fourni un certain
22 nombre de déclarations, mais je pensais que la justice la plus élémentaire
23 exigerait que tout témoin qui sera entendu et qui a fourni une déclaration
24 préalable donne lieu à la communication de cette déclaration préalable à la
25 Défense. Jusqu'à présent, nous n'en avons obtenu que quelques-unes. Quant
26 au premier témoin, nous ne savons pas s'il a été interrogé par l'OSCE, par
27 le groupe de crise internationale ou par "Human Rights Watch" --
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De qui parlez-vous ?
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1 M. SEPENUK : [interprétation] Du témoin qui vient d'être libéré à
2 l'instant, Monsieur le Président --
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.
4 M. SEPENUK : [interprétation] Bien.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous auriez aimé
6 obtenir ?
7 M. SEPENUK : [interprétation] Si ce témoin a fourni une déclaration à
8 "Human Rights Watch", à l'OSCE ou au groupe de crise internationale ou à
9 une quelconque autre organisation non gouvernementale et si un exemplaire
10 de cette déclaration existe, en toute équité, je pense que la Défense est
11 habilitée à en obtenir un exemplaire.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il serait surprenant que l'Accusation
13 n'ait pas communiqué ce document si elle en avait disposé.
14 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai un e-mail d'un de
15 mes confrère qui m'indique que 12 témoins sont dans cette situation, des
16 témoins qui ont été cités à la barre par l'Accusation en l'espèce, qui ont
17 fait des déclarations et pour lesquels nous avons ces déclarations que nous
18 avons déjà communiquées à la Défense.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.
20 M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord que nous devrons faire la
21 même chose pour les autres témoins qui seront entendus.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question n'a pas à être résolue ici
23 puisqu'elle ne dépend pas d'un article précis du Règlement. M. Stamp l'a
24 déjà indiqué, l'Accusation n'a aucun problème à discuter de la question
25 plus avant avec les conseils de la Défense, et si de nouveaux
26 éclaircissements sont nécessaires, les conseils peuvent s'adresser
27 directement à M. Stamp. Si un accord satisfaisant n'est pas trouvé à votre
28 avis, alors vous pouvez renvoyer l'affaire devant la Chambre de première
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1 instance.
2 M. SEPENUK : [interprétation] Merci. La raison principale pour laquelle
3 j'ai évoqué cette question à l'instant, c'est que je croyais comprendre que
4 des exemplaires de ces interviews faites par "Human Rights Watch" étaient
5 disponibles. Je ne sais pas si le témoin entendu ici fait partie du groupe
6 interrogé par "Human Rights Watch", mais s'il en fait partie, il est
7 possible qu'il doive revenir pour contre-interrogatoire, perspective qui
8 n'est pas des plus positives. C'est la principale raison pour laquelle j'ai
9 évoqué la question.
10 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'ai quelques difficultés à
11 comprendre. Une personne peut très bien faire mille et mille déclarations
12 devant le Tribunal pénal. Elles sont enregistrées quelque part et elles ne
13 sont pas nécessairement utilisées dans le prétoire, elles n'ont pas à être
14 classées comme confidentielles ou autres et elles peuvent être utilisées.
15 Je ne vois pas pourquoi elles devraient être produites ici dans tous les
16 cas. Je ne comprends pas.
17 M. STAMP : [interprétation] Puis-je, avec le respect que je vous dois,
18 Monsieur le Juge --
19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] A moins qu'elles ne soient utilisées
20 dans le prétoire, la question de la production et de la communication à la
21 Défense ne se pose pas.
22 M. STAMP : [interprétation] Parce qu'il y a cet article du Règlement, le 66
23 (A()(ii) qui dit que nous devons leur donner les déclaration de toutes --
24 M. LE JUGE CHOWHAN : [hors micro]
25 M. STAMP : [interprétation] -- de toutes les personnes qui vont témoigner.
26 Et c'est ce que nous avons fait.
27 M. IVETIC : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, peut-
28 être que je manque quelque chose, mais --
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne peut plus continuer à
2 s'argumenter ainsi d'un bord à l'autre du prétoire.
3 Monsieur Ivetic, parlez-en avec M. Stamp. Si vous devez soulever un autre
4 point parce que vous ne recevez pas les informations satisfaisantes, vous
5 pourrez alors soulever le point à ce moment-là.
6 M. IVETIC : [interprétation] Mais j'allais juste dire que selon ma
7 compréhension --
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tenez compte uniquement de ce que je
9 viens de dire, s'il vous plaît.
10 M. IVETIC : [interprétation] D'accord.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
12 --- L'audience est levée à 17 heures 35 et reprendra le mardi 8 août 2006,
13 à 9 heures 00.
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