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1 Le mercredi 9 août 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Haxhibeqiri. Comme
7 je l'ai déjà fait hier, je vous rappelle encore une fois que votre
8 déclaration solennelle consistant à dire que vous allez dire la vérité dans
9 toute votre déposition est toujours valable et ce, jusqu'à la fin de cette
10 déposition.
11 LE TÉMOIN: FUAT HAXHIBEQIRI [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic ?
14 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Contre-interrogatoire par M. Cepic : [Suite]
16 Q. [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, vous en avez déjà parlé, vous
17 avez dit que vous vous occupiez des droits de l'homme, je vous demande donc
18 si vous savez où se trouve le village de Jablanica sur le territoire de la
19 municipalité de Djakovica ?
20 R. Oui.
21 Q. Savez-vous que 16 civils ont trouvé la mort dans ce village ?
22 R. Oui.
23 Q. Savez-vous que tous ces civils étaient d'une autre appartenance
24 ethnique qu'Albanais de souche ?
25 R. Non.
26 Q. Savez-vous qu'il se trouvait là un camp d'internement temporaire dans
27 ce village de Jablanica ?
28 R. Non.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, pourrions-
2 nous avoir une date liée à l'événement dont il est question ?
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic ?
4 M. CEPIC : [interprétation] Je pense que la réponse à cette question se
5 trouvera dans ma question suivante.
6 Q. Monsieur, savez-vous que Ramus Haradinaj, Idriz Balaj, et Lahi Brahimi
7 ont été accusés de crimes de guerre par le Tribunal devant lequel vous
8 comparaissez ?
9 R. Je ne suis pas au courant de cela. Je sais que ces personnes ont été
10 invitées à venir devant le Tribunal mais je ne suis pas au courant de ce
11 qu'on leur reproche. Vous avez évoqué une liste de 16 civils. En fait, je
12 dispose pour ma part d'une liste de 40 civils tués par les forces serbes et
13 qui étaient tous Albanais de souche dans ce village.
14 Q. Monsieur Haxhibeqiri, pourquoi êtes-vous si partial ? Vous ne cessez de
15 parler des forces serbes mais dès qu'il est question des Albanais de
16 souche, vous semblez ne rien savoir ?
17 R. Le Conseil des droits de humains n'a jamais eu la moindre occasion
18 d'aller sur place pour constater les détails dont vous venez de parler.
19 Nous parlons ici d'une époque qui était une époque de guerre, n'est-ce pas
20 ?
21 Q. Savez-vous où se trouve le lac de Radonjicko ?
22 R. Je sais.
23 Q. Est-ce que vous êtes au courant de crimes commis dans cette région du
24 lac de Radonjicko Jezero ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, il
26 serait utile que nous disposions d'une date liée à ces événements.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que les questions que
2 vous posez puissent être utiles à la présentation de votre thèse si vous
3 n'êtes pas plus précis dans vos questions, Maître Cepic.
4 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous parlons, si je ne
5 m'abuse, en ce moment, de l'année 1998.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que dans vos questions, il
7 faut que vous précisiez la période dont vous parlez de façon à permettre au
8 témoin de centrer ses réponses sur la période qui vous intéresse.
9 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous parlons
10 d'accusations qui ont très souvent été reprises par les médias aussi bien
11 au Kosmet qu'en Serbie. Les médias ont consacré leur attention --
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas votre travail de
13 témoigner devant cette Chambre. Si vous souhaitez établir que c'est bien de
14 cela que vous parlez, alors vous ne pouvez le faire qu'en posant des
15 questions au témoin ou en présentant des documents sur lesquels vous tenez
16 à vous appuyer pour indiquer l'existence de tel ou tel élément. Mais vous
17 ne pouvez vous contenter de témoigner devant la Chambre, et ne perdez pas
18 de vue que nous sommes arrivés ici en ayant très peu de renseignements
19 quant au contexte qui entoure les événements dont il est question. Quant à
20 nous, nous avons pour devoir de supprimer de nos esprits ce que nous avons
21 pu entendre dans d'autres affaires. Donc, essayez de construire la
22 présentation de vos éléments de preuve en ayant cela à l'esprit.
23 M. CEPIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur Haxhibeqiri, avez-vous compris que pendant tout ce temps de
25 mon interrogatoire, nous parlons de la période 1998-1999 ?
26 R. Oui.
27 Q. Merci. Dans vote déposition le 7 août de cette année, vous avez évoqué
28 le bombardement d'une colonne de réfugiés albanais non loin du pont de
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1 Terzija par les avions de l'OTAN. Savez-vous combien de personnes ont été
2 tuées lors de cet événement survenu le 14 avril 1999 ?
3 R. Non.
4 Q. De quoi vous occupiez-vous à cette époque-là, Monsieur Haxhibeqiri ?
5 R. A cette époque-là, je n'avais pas accès au secteur dans lequel les
6 combats faisaient rage, car ces villages se trouvent à une quinzaine de
7 kilomètres de l'endroit où je réside et la guerre faisait rage.
8 Q. Nous parlons du pont de Terzija, Monsieur Haxhibeqiri, et d'un
9 événement qui est survenu le 14 avril 1999.
10 R. C'est bien à cela que j'ai apporté la réponse que j'ai faite. Je
11 parlais du pont de Terzija.
12 Q. A quelle distance se trouve le pont de Terzija de votre domicile ?
13 R. A huit kilomètres.
14 Q. Merci. Monsieur Haxhibeqiri, vous ne vous êtes occupé que des victimes
15 albanaises de souche dans vos recherches, n'est-ce pas ?
16 R. Bien entendu, car nous n'avions aucune possibilité d'identifier des
17 victimes faisant partie d'autres groupes ethniques.
18 M. CEPIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le
19 Président. Je vous remercie.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Cepic.
21 Maître Aleksic à présent.
22 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Contre-interrogatoire par M. Aleksic :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Haxhibeqiri. Je m'appelle Aleksandar
25 Aleksic. Je suis le conseil de Défense du général Pavkovic. Je vais vous
26 poser une série de questions aussi courtes que possible en m'efforçant
27 d'être le plus précis possible de façon à vous permette de répondre le plus
28 brièvement possible et éventuellement, par oui ou par non. Quand vous avez
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1 fourni votre déclaration aux enquêteurs de ce Tribunal, vous avez apporté
2 des éléments d'information vous concernant, et hier vous êtes revenu sur
3 certains de ces éléments relatifs à votre profession.
4 Je prie la Chambre de m'excuser, mais nous n'avons pas reçu de compte
5 rendu corrigé, donc je ne dispose que d'un projet de texte ou en tout cas
6 d'une version de travail, et en page 68, lignes 3 à 5 du compte rendu
7 d'audience d'hier, je note que vous avez affirmé avoir travaillé dans un
8 magasin dont le propriétaire était la famille Agimi, l'entreprise Agimi, et
9 qu'après la guerre, vous avez poursuivi votre travail pour cette même
10 entreprise, mais en étant payé, contrairement à ce qui se passait
11 auparavant. C'est ce qui figure au compte rendu d'audience. Pourriez-vous
12 nous donner quelques détails complémentaires quant au travail que vous
13 accomplissiez avant la guerre ?
14 R. L'entreprise Agimi n'est pas une entreprise privée. C'est une
15 entreprise qui était propriété de l'Etat. Après la guerre, le magasin avait
16 brûlé et j'ai continué à travailler pour le Conseil des droits de l'homme
17 où je percevais un salaire. Jusqu'à ce moment-là, notre travail était un
18 travail bénévole pour cette organisation.
19 Q. Merci. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire ce que vous faites en ce
20 moment ? Est-ce que vous êtes simplement militant des droits de l'homme ou
21 est-ce que vous avez un autre travail ?
22 R. Non. En ce moment, je suis directeur de projet au sein d'une
23 organisation non gouvernementale qui porte le nom de Forum pour
24 l'initiative démocratique.
25 Q. Merci. Pourriez-vous me dire quelques mots de votre formation, de vos
26 études ?
27 R. J'ai fait des études secondaires.
28 Q. Et jusqu'en 1995, vous avez travaillé dans le magasin dont vous avez
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1 parlé, en tout cas jusqu'à la guerre si j'ai bien compris vos propos, en
2 tant que vendeur, n'est-ce pas ?
3 R. Non. Jusqu'au soir du début du bombardement, jusqu'au soir du 24 mars,
4 j'y ai travaillé, date à laquelle le magasin était bombardé.
5 Q. Merci. Je vais maintenant passer rapidement à un autre sujet. Dans
6 votre déclaration préalable, vous avez déclaré qu'en votre qualité de
7 président de cette organisation non gouvernementale, vous vous êtes
8 entretenu avec plus de 1 000 personnes. Dans le compte rendu d'audience
9 d'hier, répondant aux questions de l'Accusation représentée par M. Hannis,
10 en page 11, lignes 6 et 7 de ce compte rendu d'audience, vous avez déclaré
11 avoir personnellement parlé à une centaine de personnes, et que pour les
12 autres vous avez consulté leurs déclarations, vous les avez lues; c'est
13 bien cela ?
14 R. Oui. C'est exact.
15 Q. Répondant aux questions de mon confrère Branko Lukic en page 68 du
16 compte rendu d'audience d'hier, lignes 10 à 12, vous avez -- ou plutôt,
17 lignes 9 à 12, vous avez déclaré avoir poursuivi votre travail
18 d'investigation après la guerre, et avoir travaillé pendant quelque temps
19 pour le Groupe de crise international, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous avez déclaré que cette organisation vous remettait des
22 formulaires ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce que c'est vous qui remplissiez ces formulaires en personne ?
25 R. Oui.
26 Q. J'aimerais maintenant vous poser une autre question ou plutôt, combien
27 avez-vous rempli de tels formulaires si vous pouvez nous le dire ?
28 R. Plus de 100, plus de 100. Oui, oui, plus que 100.
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1 Q. Vous ai-je bien compris ? Les 100 dépositions que vous avez recueillies
2 sont-elles incluses dans le chiffre des 100 formulaires que vous venez de
3 citer ou est-ce que j'aurais mal compris ?
4 R. En serbe, c'est la même chose.
5 Q. C'est la même chose.
6 R. Oui.
7 Q. Merci. Les personnes que vous interviewées -- ou plutôt, je reformule.
8 Excusez-moi, Monsieur le Président. Concrètement, votre travail pour le
9 Tribunal devant lequel vous vous trouvez aujourd'hui a consisté uniquement
10 à travailler pour ce Groupe de crise international et à remplir ces
11 formulaires que vous avez soumis par la suite au Tribunal, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Il y avait des représentants du Groupe de crise international
13 présents à toutes les interviews.
14 Q. Je vous remercie. Ce n'est pas ce que je vous demandais. Je vais
15 maintenant passer à autre chose. Au cours de l'interrogatoire principal
16 mené par M. Hannis et en répondant aux questions de
17 Me Lukic, un des mes confrères de la Défense, vous avez évoqué les
18 événements survenus entre le 7 et le 11 mai à Djakovica, à savoir, les
19 combats opposant l'UCK et ce que vous ne cessez d'appeler les forces
20 serbes.
21 R. Oui.
22 Q. Vous avez dit qu'au cours de ces combats, 106 personnes avaient été
23 tuées, 300 personnes interpellées, dont après examen de leur situation,
24 certaines ont été relâchées et d'autres transférées et emprisonnées en un
25 autre lieu; c'est bien cela, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 M. ALEKSIC : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la
28 pièce à conviction P2235 de l'Accusation qui est la déclaration préalable
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1 du témoin. C'est la dernière page qui m'intéresse et ce sera la dernière
2 page dans toutes les langues.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur mon écran, Monsieur le Président, vient
4 d'apparaître la page 1.
5 M. ALEKSIC : [interprétation] Est-ce que sur l'écran du témoin c'est la
6 dernière page qui est affichée ?
7 Q. Peut-être. Avant-dernier paragraphe dans lequel vous parlez des combats
8 survenus entre le 7 et le 11 mai 1999. Est-ce que dans ce paragraphe il
9 s'agit bien des mêmes événements que ceux dont vous avez parlé ici,
10 oralement, ces derniers jours ?
11 R. Excusez-moi. A quelle page se trouve ce paragraphe dans le document que
12 j'ai sous les yeux ? Je crains que nous n'ayons pas le même document devant
13 nous.
14 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le
15 Président. Il semble que le compte rendu d'audience ne se déroule plus sur
16 les écrans. Je ne sais pas si c'est bien le cas sur vos écrans également du
17 côté des Juges ?
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. En effet, en ce moment, rien
19 n'apparaît.
20 M. HANNIS : [interprétation] Il s'est arrêté à la page 13, semble-t-il.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. L'affichage semble se faire
22 difficilement. S'agissant de l'endroit où je trouve le passage dans le
23 texte, c'est bien l'avant-dernier paragraphe complet du texte, n'est-ce pas
24 ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que nous souhaitons voir, ce n'est
27 pas la page qui est affichée sur les écrans par le système "e-court" en ce
28 moment, mais la page dans laquelle on trouve le paragraphe commençant par
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1 les mots suivants, je cite : "Entre le 7 et le 11 mai 1999, dans la rue
2 Asim Vokshi." C'est l'avant-dernier paragraphe du texte.
3 Entre-temps, voyons un peu si le compte rendu d'audience a recommencé
4 à se dérouler en temps réel. Enfin, il y aura rattrapage plus tard. Vous
5 pouvez poursuivre, Maître. Dommage qu'il y a un problème technique. Les
6 sténotypistes vont devoir rattraper plus tard en écoutant les
7 enregistrements des débats. Nous n'allons pas perdre de temps en raison de
8 ce problème technique maintenant. Veuillez poursuivre, Maître.
9 M. ALEKSIC : [interprétation]
10 Q. [interprétation] La question que je vous posais consiste à vous
11 demander si dans ce paragraphe il est question du même événement que celui
12 dont vous avez parlé ici ?
13 R. Oui.
14 Q. Lorsque vous avez donné votre déclaration préalable, vous n'avez fait
15 aucune mention de l'UCK, n'est-ce pas ? Je parle de la déclaration que vous
16 avez faite devant les représentants du bureau du Procureur de ce Tribunal.
17 R. Si, j'en ai parlé. J'ai dit que les combats opposaient l'UCK et les
18 forces serbes.
19 Q. Lorsque vous avez fait cette déclaration - excusez-moi, je cherche la
20 date - c'était le 28 août 2001, vous avez dit cela ?
21 R. Oui, je parlais du même événement. D'ailleurs, j'en ai parlé dans de
22 nombreuses interviews et entretiens. Par écrit et oralement, j'ai dit la
23 même chose. Cela étant, la déclaration préalable écrite n'est pas complète,
24 car il y a eu aussi 87 cadavres enterrés sans cérémonie par les troupes
25 serbes.
26 Q. Ce n'est pas ce que je vous demandais. Excusez-moi. Ne répondez pas à
27 côté sans aucun rapport avec ma question. Je vous ai dit au début de mon
28 interrogatoire de répondre si possible le plus brièvement que vous pouviez
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1 et éventuellement par oui ou par non.
2 Veuillez lire ce qui figure à la fin de la déclaration. Il est dit que le
3 contenu de ce texte vous avait été lu en langue albanaise et que vous en
4 avez admis l'exactitude. C'est en toute dernière page.
5 R. Oui, j'ai dit que cette déclaration préalable était très peu détaillée.
6 Cela, je l'ai dit, qu'il y manquait de nombreux détails.
7 Q. Monsieur Haxhibeqiri, ce n'est pas cela que je vous demandais à
8 l'instant.
9 R. J'ai répondu à votre question.
10 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus de
11 questions pour ce témoin.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de vous rasseoir, je rappelle
13 que dans votre question vous affirmiez que la déclaration préalable du
14 témoin comporte un endroit dans le texte où il est dit qu'elle reprend tout
15 ce qu'a dit le témoin. Où est-ce que se trouve ce passage ?
16 M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une phrase
17 signée par le témoin à la fin de la déclaration préalable où il est stipulé
18 que la déclaration lui a été lue en langue albanaise et qu'elle contient
19 tout ce qu'il a dit.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non, ce n'est pas ce que je
21 lis dans la version anglaise du texte. En anglais, je lis que la
22 déclaration est conforme à la réalité pour autant que je m'en souvienne. Il
23 n'est pas dit qu'elle comporte tout ce que le témoin a déclaré. Est-ce que
24 cela figure quelque part dans une langue ? Est-ce que j'ai une mauvaise
25 traduction anglaise ?
26 M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, les traducteurs ont
27 sans doute cette phrase conservée quelque part, en tout cas, pour ce qui
28 est des traducteurs de langue B/C/S. En tout cas, dans toutes les
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1 déclarations préalables on trouve ce même passage, cette même phrase à la
2 fin. C'est pour cela que j'ai posé ma question au témoin.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre question consistait à demander
4 au témoin s'il était exact que cette phrase affirmait que la déclaration
5 préalable reprenait l'intégralité de ce qu'avait dit le témoin au cours de
6 l'entretien. Or, ce n'est pas ce qui est écrit dans cette phrase que j'ai
7 sous les yeux ici en anglais. Je crains qu'il n'y ait peut-être confusion
8 d'une langue à l'autre.
9 M. ALEKSIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président. Peut-être
10 n'ai-je pas été suffisamment précis. J'ai dit que toutes les déclarations
11 préalables que nous avons reçues de l'Accusation comportent, après le texte
12 de la déclaration, cette même phrase qui est une phrase standard. Et dans
13 le cas qui nous intéresse, cette phrase se lit comme suit : "La déclaration
14 préalable m'a été lue en langue albanaise et comporte tout ce que j'ai dit
15 pour autant que je le sache ou que je m'en souvienne. J'ai fait cette
16 déclaration volontairement et je sais qu'elle peut être utilisée," et
17 cetera, et cetera.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir cette
19 phrase à l'écran ? Nous l'avons ici en langue albanaise. Vous la voyez,
20 Monsieur Haxhibeqiri ? Pouvez-vous lire lentement cette phrase, je vous
21 prie.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai lue.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lisez-là à haute voix, si vous le
24 pouvez.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] "La présente déclaration m'a été lue en langue
26 albanaise et elle correspond à la réalité pour autant que je m'en souvienne
27 ou que je le sache."
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Interrompez-vous là. Ces mots ne
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1 signifient pas ce que vous venez de dire, Maître Aleksic. Il y a une
2 différence entre déclarer que j'ai effectivement dit telle et telle chose
3 et que tout ce que j'ai dit est repris dans un texte. Il y a une grande
4 différence entre les deux. C'est ce que vous dit le témoin depuis quelques
5 temps déjà, à savoir que cette déclaration ne contient pas l'intégralité de
6 tout ce qu'il a dit, mais que tout ce qui y figure correspond à ce qu'il a
7 dit, c'est-à-dire, correspond à la réalité et véridique. Alors, j'aimerais
8 qu'il n'y ait pas de malentendu à ce sujet.
9 M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis tout à fait
10 d'accord avec vous, mais ceci n'est pas ma faute. Peut-être le témoin
11 pourrait-il lire la dernière page de sa déclaration préalable en B/C/S. Je
12 pense que M. Haxhibeqiri comprend et peut lire le serbe. Il pourrait lire
13 cette partie du texte en serbe pour voir si j'ai commis une erreur. Il
14 s'agit d'une traduction officielle du Tribunal mais pas d'une traduction
15 faite par nos soins.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends que vous ayez soumis au
17 témoin la version en langue albanaise, et c'est la raison pour laquelle
18 nous en disposons également. Je n'ai pas choisi de la lire en albanais pour
19 ma part. Puisque vous me parlez de la version en B/C/S, examinons-là.
20 Prenons la déclaration en langue B/C/S, affichons-là à l'écran. Monsieur
21 Haxhibeqiri, pourriez-vous la lire, je vous prie, en tout cas, la première
22 phrase.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] "La présente déclaration m'a été lue en langue
24 albanaise et contient l'intégralité de ce que j'ai dit pour autant que je
25 le sache et que je m'en souvienne. J'ai fait cette déclaration
26 volontairement."
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà, ce sera suffisant. Très bien.
28 Je remarque effectivement la différence de formulation d'une version à une
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1 autre. Je vous remercie.
2 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas
3 d'autre questions pour ce témoin.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan ?
5 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais reprendre le fil à partir des
6 dernières questions si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
7 Contre-interrogatoire par M. O'Sullivan :
8 Q. [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, la déclaration que vous avez
9 sous les yeux est rédigée en langue albanaise, n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact.
11 Q. Lorsque vous avez été interviewé le 28 août 2001, on vous a simplement
12 demandé de signer la déclaration en langue anglaise. En d'autres termes, la
13 traduction en albanais de votre déclaration n'existait pas à ce moment-là ?
14 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas pu entendre les propos du témoin.
15 M. O'SULLIVAN : [interprétation]
16 Q. Pourriez-vous répéter votre réponse, s'il vous plaît ?
17 R. J'ai vu cette déclaration ici.
18 Q. Vous avez la déclaration en langue albanaise.
19 R. Je l'ai vue en albanais.
20 Q. Cette déclaration en albanais n'existait pas le
21 28 août 2001, n'est-ce pas, lorsque vous avez eu votre entretien ?
22 R. Je ne m'en souviens pas.
23 Q. La seule déclaration que vous ayez signée est la déclaration en langue
24 anglaise P2235 ?
25 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pardonnez-moi si j'interromps. Le
26 témoin ici a prêté serment. Il reste à savoir quelle est la déclaration
27 qu'il accepte. Qu'il ait signé d'autres déclarations auparavant n'a pas
28 d'importance. Je crois que vous devriez prendre ceci en compte pour que
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1 nous ne perdions pas de temps. Pourriez-vous dire simplement quelle est la
2 déclaration qu'il accepte, ceci mettrait un terme à cette polémique.
3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bien --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que ce que fait valoir Me
5 O'Sullivan est un peu différent. Je crois que la question reste à savoir si
6 la déclaration est exacte ou non. Ce n'est pas ce qui l'intéresse pour
7 l'instant. Il souhaite savoir quelle forme ou quel est le document qu'il a
8 signé au moment où il a reconnu la déclaration, il s'agit de savoir s'il y
9 a des différences au niveau de la langue. Puisque nous venons d'en parler,
10 c'est important. Je crois qu'il ne faut pas l'interrompre ici.
11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'y viens, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
13 M. O'SULLIVAN : [interprétation]
14 Q. La question que je souhaite vous poser est celle-ci : lorsque vous avez
15 été interviewé par le représentant du bureau du Procureur, il vous a parlé
16 en anglais, il y avait un interprète albanais. Vous avez répondu et
17 l'interprète a repris vos propos et les a traduits en anglais; c'est
18 exact ?
19 R. Oui.
20 Q. C'est à ce moment-là qu'ils vous ont remis une copie papier de cette
21 déclaration en langue anglaise; c'est exact ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Vous et l'autre personne, l'enquêteur et l'interprète, vous avez signé
24 chaque page; c'est exact ?
25 R. Oui, c'est exact.
26 Q. Avant de signer, bien sûr, on vous a relu le document en albanais par
27 l'interprète qui était là à ce moment-là; c'est exact ?
28 R. Oui.
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1 Q. Effectivement, à la fin du texte en langue anglaise --
2 R. Là où je dis combats, je voulais parler de parties belligérantes. Je
3 pense que l'interprète a omis de dire cela. Bien évidemment, il est vrai
4 que j'étais un petit nerveux à cause de cela, et je ne l'ai pas remarqué
5 mais maintenant, je le remarque. Ceci n'est pas dit de façon explicite dans
6 ma déclaration, donc nous allons en parler
7 Q. Ce n'est pas ce dont il s'agit ici.
8 R. Je crois que c'est cela que vous voulez dire, ce qui ne figure pas dans
9 ce texte que les forces sont entrées dans la rue Asim Vokshi et contre qui
10 ont-ils combattu ? Donc, l'autre partie doit être évoquée et c'est de cela
11 dont je vous parle, de ce combat.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, ce serait utile
13 si vous traitez une question après l'une. Laissez le conseil vous poser des
14 questions à sa manière et répondez simplement à chaque question, l'une
15 après l'autre, s'il vous plaît. Monsieur O'Sullivan ?
16 M. O'SULLIVAN : [interprétation]
17 Q. Je vais vous demander de vous concentrer sur mes questions. Pour
18 l'instant, vous avez dit que cette déclaration en langue anglaise, cela a
19 été relu en albanais par l'interprète, et à ce moment-là, vous avez accepté
20 la déclaration et toutes les personnes présentes, vous, l'interprète et
21 l'enquêteur ont signé chaque page de ce document et vous-même, vous avez
22 signé la dernière page de cette déclaration; est-ce exact ? Pardonnez-moi,
23 nous n'avons pas entendu votre réponse.
24 R. Oui. Je l'ai répétée trois fois. J'ai dit trois fois, oui.
25 Q. Et à aucun moment, après que la réelle relecture vous en a été faite,
26 vous ne vous êtes plaint auprès de l'enquêteur pour dire que votre
27 déclaration était incomplète, n'est-ce pas ?
28 R. Je me suis plaint du fait que la traduction était mauvaise. Je n'aimais
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1 pas la traduction.
2 Q. A qui avez-vous dit cela ? Avez-vous dit cela à l'enquêteur du bureau
3 du Procureur alors que vous étiez assis à côté de lui le 28 août 2001 ?
4 R. Non. Je me le suis dit à moi-même. L'albanais utilisé semblait peu
5 nuancé.
6 Q. La traduction en langue albanaise que vous regardez maintenant
7 n'existait pas le 28 août 2001. La question que je vous pose est celle-ci :
8 vous êtes-vous plaint auprès des personnes qui vous interviewaient,
9 autrement dit, que votre déclaration était inexacte, incomplète et
10 insuffisante ?
11 R. Non, non.
12 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci, Monsieur
13 le Président.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Maître Fila.
15 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite tout d'abord
16 faire la clarté sur un certain point qui a été soulevé sans cesse. M.
17 Hannis, lorsqu'il lit les déclarations albanaises, la Chambre de première
18 instance en veut à l'équipe de la Défense parce qu'elle n'utilise pas la
19 même nomenclature. Je dois vous dire que nous n'avons reçu aucune
20 déclaration en albanais du témoin avec les numéros correspondants, car tous
21 les originaux se trouvent en réalité en anglais, comme Me O'Sullivan vient
22 de vous le dire. Tous les autres textes sont des traductions vers
23 l'albanais, vers le serbe. C'est important, il faut le savoir, la
24 déclaration originale est en réalité, la déclaration anglaise. C'est ce que
25 je voulais dire.
26 Contre-interrogatoire par M. Fila :
27 Q. [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, je m'appelle Toma Fila.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, je ne
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1 sais pas si vous êtes en train de vous -- c'est une plainte déposée par Me
2 Fila. Je souhaite un éclaircissement ici, s'il vous plaît. Ces documents
3 auxquels a fait référence le témoin sont des documents en albanais et
4 comportent une numérotation qui est différente des numérotations dans les
5 autres versions. Cela semble indiquer que l'équipe de la Défense n'a jamais
6 reçu ces documents.
7 M. HANNIS : [interprétation] Ce document qui comporte des paragraphes
8 numérotés, ce document-là --
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais Me Fila vient de dire qu'il n'a
10 jamais reçu le document en albanais.
11 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il a dit qu'il n'a jamais reçu le
12 document en albanais avec la numérotation des paragraphes.
13 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne parlons pas
14 l'albanais.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dois dire que nous n'avons jamais
16 reçu la version albanaise des déclarations de témoins. Je relis le compte
17 rendu comportant les numéros correspondants. C'est cela qui vous
18 intéresse ? Vous vous plaignez de cela.
19 M. FILA : [interprétation] Oui, c'est cela que je voulais dire. Les
20 chiffres, bon cela, c'est notre problème si nous ne parlons pas l'albanais.
21 Je voulais simplement venir en aide à la Chambre de première instance. Je
22 ne voulais pas me plaindre.
23 Q. Monsieur Haxhibeqiri, je m'appelle Toma Fila. Je suis avocat à Belgrade
24 et je défends M. Sainovic.
25 Je souhaite simplement clarifier un point, s'il vous plaît,
26 rapidement. Ce dont nous avons traité ici, c'est la question des soins
27 médicaux à Djakovica. Si je ne me trompe pas, votre déclaration indique que
28 le personnel médical était à la fois, Serbe et Albanais. Les patients
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1 étaient également Serbes et Albanais. Est-ce que vous êtes d'accord avec
2 moi sur ce point ?
3 R. Oui.
4 Q. Pour autant que j'ai compris ce que vous avez dit, c'est pour autant
5 que j'ai compris ce que vous avez dit, la seule objection qui était la
6 vôtre, alors que les directeurs de l'hôpital étaient Serbes, ils n'étaient
7 pas Albanais. A la page 1 de votre déclaration. Hormis cela, avez-vous
8 d'autres réclamations à faire pour ce qui est des soins médicaux pour la
9 période qui va jusqu'à l'année 1998 ? Simplement, vous vous êtes plaint du
10 fait que tous les directeurs de l'hôpital étaient des Serbes ?
11 R. A partir de 1990, toutes les organisations --
12 Q. Je parle de l'hôpital.
13 R. Vous me demandez s'il y avait un directeur albanais avant cette date-
14 là ?
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question, Monsieur Haxhibeqiri, est
16 celle-ci : à savoir si les soins médicaux prodigués à la population, en
17 général, à Gjakova jusqu'en 1998, si ces soins médicaux étaient
18 appropriés ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. FILA : [interprétation]
21 Q. En réalité, la seule chose qui vous préoccupe, c'est que les directeurs
22 de l'hôpital étaient Serbes ou est-ce que les soins médicaux vous
23 préoccupaient ? Tout le reste est clair. Ce point-là n'est pas très clair.
24 R. Ils ont tout changé et tous les postes de responsabilité ont été
25 occupés par les Serbes. Ce sont eux qui orchestraient tout.
26 Q. Je ne parle que du secteur médical. La seule chose qui m'intéresse,
27 c'est le secteur médical. Est-ce que tout le monde recevait des soins
28 normalement ?
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1 R. Je ne suis pas suffisamment compétent pour vous expliquer quelle était
2 la situation dans les hôpitaux. Je pense que oui.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que vous n'allez pas obtenir
4 grand-chose de plus.
5 M. FILA : [interprétation]
6 Q. Bien, bien. Merci. Je crois qu'il est inutile d'en parler davantage.
7 Pensez-vous qu'avec vos types de qualifications, étant donné le poste que
8 vous avez occupé, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quel médecin
9 est mieux à même de remplir la fonction de directeur d'hôpital ? Est-ce
10 qu'honnêtement, c'est quelque chose pour lequel vous êtes qualifié ?
11 R. J'ai voulu simplement donner mon point de vue sur la situation à ce
12 moment-là, comment les rôles avaient changé, comment les Albanais avaient
13 été remplacés par des Serbes. Je ne peux pas parler d'autres sujets. Je
14 sais simplement qu'ils ont été remplacés par des Serbes.
15 Q. Passons à un autre sujet.
16 Savez-vous, si vous le savez à ce moment-là, nous pourrons
17 poursuivre. Savez-vous que Mme Sadako Agata, la commissaire des Nations
18 Unies pour les réfugiés, le CICR, est venue à Djakovica en 1998 ? Si vous
19 le savez, nous pouvons poursuivre.
20 R. Non. Honnêtement, non. Je ne le sais pas. Peut-être qu'elle est venue
21 mais je ne le sais pas. Il s'est écoulé beaucoup de temps depuis.
22 Q. Nous avons parlé de cette sûreté locale, vous savez ce que je veux
23 dire ? Il s'agissait d'Albanais. Bien, vous savez. Donc, est-il exact de
24 dire que cette sécurité locale existait dans plus de 30 villages dans la
25 municipalité de Djakovica et ce n'était pas la police, et il y avait 100
26 membres qui faisaient partie de cette sécurité locale, des Albanais; est-ce
27 exact ?
28 R. J'ai avancé le chiffre de 53. Nous avons trouvé une liste de leurs noms
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1 dans le bâtiment du MUP. Je ne cite pas leurs noms, mais j'ai remis leurs
2 noms à M. Hannis et à ce Tribunal. Je ne connais pas le chiffre exact.
3 Q. Vous n'êtes pas censé connaître le chiffre exact. Savez-vous ce qu'il
4 est advenu de ces gens-là lorsque l'UCK est arrivée ?
5 R. Non.
6 Q. Les avez-vous rencontrés ? Est-ce qu'ils étaient en bonne santé, bien
7 portants ou est-ce que vous les avez évoqués au cours de cette interview ?
8 R. Je ne les connais ni l'un ni l'autre. Ils viennent de ces villages.
9 Aucun d'entre eux --
10 Q. Vous ne savez pas s'ils sont en vie ?
11 R. Non.
12 Q. Nous allons maintenant rapidement parler de certaines questions pour
13 pouvoir faire la clarté dessus. Vous avez dit que vous avez rassemblé une
14 centaine de déclarations, que les autres ont été recueillies par les
15 avocats, si je vous ai bien compris, des avocats qui travaillaient pour
16 votre organisation. Peut-être que ce ne sont pas des avocats rattachés à
17 votre organisation, quoi qu'il en soit. Je parle de ces 1 000 déclarations.
18 Est-ce que nous nous comprenons bien ? Ce qui m'intéresse est ce qui suit :
19 vous n'avez jamais dit sur quelle période portait ces déclarations, et à
20 quel moment ces dernières ont été recueillies. C'est très important. De
21 quelle époque s'agit-il ?
22 R. Vous n'avez pas posé de questions à ce sujet.
23 Q. C'est moi qui pose les questions maintenant.
24 R. Juin ou juillet de l'année 1999, pendant cinq mois consécutifs.
25 L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on peut demander au témoin de bien vouloir
26 attendre la fin de la question, s'il vous plaît, avant de répondre ?
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons un problème ici qui se pose
28 à nous. Parfois vous répondez trop rapidement et les interprètes ne peuvent
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1 pas faire leur travail. Est-ce que vous pouvez marquer une pause à la fin
2 de chaque question pour permettre aux interprètes de faire leur travail.
3 Attendez simplement d'avoir entendu la phrase en albanais avant de
4 répondre.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. C'est parce que je connais la
6 langue serbe, c'est la raison pour laquelle j'ai tendance à répondre.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'êtes pas responsable de cela.
8 C'est simplement une difficulté technique que nous avons ici. Je vous
9 demande de bien vouloir simplement attendre la fin de la traduction.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je souhaite avoir une confirmation
11 du cadre temporel de ces déclarations. Est-ce que vous entendez les 1 000
12 déclarations ou est-ce que vous voulez parler des 100 déclarations ?
13 M. FILA : [interprétation] Madame le Juge, lui-même a recueilli 100
14 déclarations et le total correspond à 1 000 environ.
15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] S'il vous plaît --
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nombre total d'interviews correspondait à
17 peu près à 1 000, et non pas à 100. C'est ce --
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] C'est par rapport à ces 1 000 ou
19 par rapport à ces 100. Je voulais savoir de quoi il s'agissait.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne sais pas si on a répondu ?
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pas encore.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, au total il y
23 avait 1 000 déclarations. Lorsque vous dites que ces déclarations ont été
24 recueillies sur une période de quatre à cinq mois entre juillet et août
25 1999, est-ce que vous voulez parler des
26 1 000 déclarations ici ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Oui. J'entends toutes les
28 déclarations. Du mois de juillet et août 1999 jusqu'au mois de décembre, je
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1 crois, ou novembre peut-être. Novembre, décembre. Cela a duré cinq mois. Je
2 sais parce que nous avons versé des salaires à ces gens. Quatre, cinq, six.
3 Q. Quatre, cinq, six. Vous avez cité le chiffre de quatre, cinq, six
4 avocats. C'est ce que nous pouvons lire au compte rendu d'audience.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il me semble que vous avez évoqué le
6 chiffre de dix. Combien de personnes vous aidaient dans votre travail ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait dix personnes qui menaient les
8 entretiens.
9 M. FILA : [interprétation]
10 Q. Je crois que vous avez dit qu'il y avait six avocats.
11 R. Il y avait quelques avocats, mais ils n'étaient pas tous avocats. Il y
12 en avait deux ou trois qui étaient avocats que je connais.
13 Q. Ils appartiennent à votre organisation ?
14 R. Non, non. Non. Ils ont postulé par l'intermédiaire du Groupe de crise
15 international mais cette organisation avait son propre personnel qui menait
16 des entretiens également.
17 Q. Bon. Je dois dire que ceci sème la confusion dans mon esprit, mais nous
18 allons tenter d'éclaircir les choses. Pour ce qui est de ces 1 000
19 déclarations, ceci comporte les déclarations qui ont été recueillies par
20 vous-même et par votre groupe, ainsi que les déclarations qui ont été
21 recueillies par le "International Crisis Group," le Groupe de crise
22 international, n'est-ce pas; c'est exact ? Et les avocats, et cetera ?
23 R. Oui. Je ne dispose pas des interviews qui ont été menées par le Groupe
24 de crise international, mais je ne dispose que des déclarations qui avaient
25 été recueillies par mes propres hommes.
26 Q. Donc, les avocats ne travaillaient pas pour vous; c'est exact ?
27 R. Ils travaillaient pour la GCI, pas pour moi.
28 Q. Vous connaissez leurs noms peut-être ?
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1 R. L'un d'entre eux s'appelle Ahmet Ahmeti, si je ne me trompe pas. Peut-
2 être que cela me reviendra un peu plus tard. Je les connais
3 personnellement, car nous avons travaillé en deux groupes. Moi, avec mon
4 équipe, d'ailleurs je travaillais dans les zones rurales, et eux
5 travaillaient en ville. Ensuite, nous avons changé nos positions. Je suis
6 venu travailler en ville et eux sont allés travailler dans les villages.
7 Q. Pardonnez-moi si j'insiste autant, mais bon.
8 R. Poursuivez, s'il vous plaît.
9 Q. Vous dites ici que vous avez vous-même mené à bien une centaine
10 d'interviews. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes étendus sur la
11 question. Bien. Vous avez envoyé un rapport au Groupe de crise
12 international.
13 R. Oui. C'est moi-même qui les ai tous envoyés. Je répète ceci pour la
14 énième fois. Chacun d'entre nous a mené une centaine d'entretiens.
15 Q. J'entends bien. Tous ces rapports ont été envoyés au Groupe de crise
16 international; c'est exact ?
17 R. Oui.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de poursuivre, Maître Fila, si
19 vous en avez terminé sur ce point, je souhaite avoir un éclaircissement sur
20 un point, s'il vous plaît. Vous avez mené une centaine d'interviews. Cela,
21 je l'ai bien compris. Combien en avez-vous lu ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci correspond à quel chiffre ?
24 Grosso modo.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mille, environ.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et toutes ces déclarations ont été
27 recueillies par des personnes qui étaient placées sous votre
28 responsabilité ? Il ne s'agissait pas de personnes qui avaient été
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1 recrutées de façon indépendante par le Groupe de crise international; c'est
2 exact ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Les déclarations recueillies ou les entretiens
4 qui ont été menées par une équipe de dix personnes ont été déposés dans les
5 bureaux du Conseil de la défense des droits de l'homme et de la liberté.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces dix personnes faisaient partie de
7 ce Conseil pour la défense des droits de l'homme et des libertés; c'est
8 exact ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il y avait deux équipes de cinq à six
10 personnes.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque vous dites que vous
12 répartissiez le travail entre le village et les villes, vous voulez parler
13 de ces deux équipes; une qui travaillait dans le village alors que l'autre
14 travaillait en ville; c'est exact ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Nous travaillions de façon simultanée.
16 Lorsqu'une partie d'équipe travaillait en ville, l'autre partie de l'équipe
17 travaillait dans le village.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.
19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pardonnez-moi, mais j'ai une question
20 à poser. Ce n'est pas une question, c'est plutôt la clarté que j'aimerais
21 faire sur un point. L'authenticité de ces déclarations qui est un élément
22 important. Ces déclarations ont-elles été prises littéralement sur la base
23 de ce qu'a dit la personne interviewée ? Qui s'est assuré du fait que les
24 propos de l'auteur ont bien été consignés par écrit ? Une autre question
25 liée à cette dernière : y avait-il un processus de certification, autrement
26 dit, est-ce que l'on vérifiait qu'il s'agissait bien d'une déclaration
27 littérale de son auteur ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Au cours de l'entretien, il y avait
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1 toujours des représentants du Groupe de crise international qui assistait à
2 ces entretiens pour s'assurer que tout ceci était mené à bien correctement.
3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Encore une fois, je vais reprendre ma
4 question. Qu'est-ce que vous entendez par correctement, convenablement ?
5 Car une déclaration peut être prise mot pour mot ou elle pourrait être
6 influencée.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Comme je vous l'ai dit, nous avions des
8 questionnaires pré-imprimés. Les personnes interviewées devaient répondre à
9 toutes les questions qui figuraient dans ce formulaire. Comme je vous l'ai
10 dit, ce formulaire était pré-imprimé et il devait répondre aux questions
11 qui figuraient dans ce formulaire.
12 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Disposez-vous d'un exemplaire de ce
13 formulaire pour que vous puissiez nous le montrer --
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
15 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Avec votre permission, est-ce que
16 nous pourrions voir ce document ?
17 M. HANNIS : [interprétation] La seule chose qui me préoccupe, c'est que
18 dans nos échanges avec le Groupe de crise international, eu égard aux
19 déclarations qu'ils nous ont remises, ces déclarations nous ont été remises
20 en application de l'article 70. Cela ne nous pose aucun problème si les
21 Juges de la Chambre regardent un formulaire pré-imprimé. Mais l'accord
22 entre la personne interviewée et les personnes qui menaient l'interview,
23 les termes de cet accord ne doivent pas être communiqués.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un élément important, car on ne
25 parle pas de la manière dont la question a été posée, mais la question
26 posée par le Juge Chowhan porte sur la manière dont les réponses ont été
27 consignées, autrement dit, comment les réponses ont été comprises.
28 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que le témoin est tout à fait en
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1 mesure de nous dire comment il a mené à bien ces interviews et comment il a
2 traité les éléments d'information recueillis au cours de cet entretien,
3 sans pour autant avoir à regarder un de ces formulaires.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas une version abrégée.
5 M. HANNIS : [interprétation] Je peux peut-être mettre la main dessus,
6 Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, ce que vous avez
8 ici, c'est un formulaire qui a été complété en albanais ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que personne ne sera en
11 mesure de comprendre quoi que ce soit et ne pourra pas comprendre ce qui a
12 été consigné dans ce formulaire. J'en suis certain.
13 M. HANNIS : [interprétation] C'est très bien.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends bien que ce soit une
15 question sensible et que nous ne puissions pas en dire davantage.
16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Peut-être que le témoin pourrait
17 simplement nous lire à haute voix une ou deux des questions qui se trouvent
18 dans ce formulaire. C'est important.
19 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Etant donné que c'est en albanais, il
20 faudrait que le témoin le lise. Mais j'entends bien. Je pense que votre
21 suggestion est bonne.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je peux peut-être vous venir en aide sur
23 ce point.
24 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Une ou deux questions concernant --
25 une ou deux questions, par exemple, qui ont été posées. Vous savez, un
26 questionnaire, lorsque vous passez l'examen du barreau à New York, il y a
27 énormément de questions qui sont posées et parfois c'est juste une partie.
28 M. HANNIS : [interprétation] Le témoin dispose d'un autre formulaire sous
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1 les yeux. Peut-être qu'il pourrait nous lire quelques-unes des questions
2 qui sont normalement posées.
3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Il pourra nous le montrer plus tard,
4 si vous voulez.
5 M. FILA : [interprétation] Avec votre permission, combien de formulaires
6 dispose-t-il ? Cela pourrait être utile d'en voir plusieurs.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, ne répondez pas à
8 cette question, Monsieur Haxhibeqiri. Je crois que cela a été très clair.
9 Me Fila, ces informations ont été recueillies en application de l'article
10 70. Quel que soit votre point de vue et quelle que soit votre position eu
11 égard à l'article 70, je crois que ceci est important et il faut tenir
12 compte de la situation. Je crois que cela porte véritablement sur la
13 communication des pièces. On pourra faire une recherche là-dessus et savoir
14 si cet article doit être appliqué de façon rigide ou pas. Pour l'instant,
15 la situation est telle que nous l'a expliquée Me Hannis, et ces éléments
16 nous ont été communiqués de façon confidentielle. La seule raison pour
17 laquelle nous posons la question, c'est sur la question de la communication
18 qui conduit à une autre question et qui nous mène sur un territoire assez
19 difficile. Attendez quelques instants, s'il vous plaît, et vous allez
20 pouvoir reprendre la parole.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que nous proposons de faire, c'est
23 ceci : nous allons reprendre cette question de la façon suivante. Je vais
24 redonner ce document au témoin. Le témoin pourra à ce moment-là répondre à
25 certaines questions quant à la manière dont il a rempli ce document comme
26 l'a proposé M. Hannis quand c'était lui, bien sûr, qui cueillait la
27 déposition de quelqu'un, et ensuite, le conseil pourra reprendre s'il le
28 souhaite. Je peux vous garantir que la Chambre de première instance ne
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1 s'occupera, s'agissant de ce document, que de sa forme, de sa présentation,
2 donc de son aspect extérieur. Je vois ici un certain nombre de réponses
3 dont certaines se composent d'un seul mot. Je ne suis pas capable de
4 comprendre le sens de ces mots, mais nous devons en finir sur des
5 questions.
6 Maître O'Sullivan ?
7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il y a un autre point que j'aimerais
8 évoquer, qui a un rapport avec l'article 70 du Règlement. Je crois qu'il
9 faut distinguer par rapport à l'identité de celui qui est en possession du
10 document, qu'il s'agisse de l'Accusation auquel cas l'article 70 du
11 Règlement s'applique ou du témoin et de l'organisation qu'il représente,
12 auquel cas, l'article 70 ne s'applique pas, et s'il convient ou s'il ne
13 convient pas que le document soit transmis à la Défense par le témoin. Nous
14 ne demandons pas à l'Accusation de faire ce travail, puisque apparemment,
15 elle n'y est pas autorisée. Je suppose que M. Hannis a demandé cette
16 autorisation qui lui a été refusée. Enfin, il pourra nous le confirmer. Ce
17 que je dis, c'est que l'article 70 ne s'applique pas au témoin s'il est en
18 possession de la déclaration en question.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui m'inquiète un peu, c'est que ce
20 n'est pas l'interprétation du Règlement par le Tribunal. Ce que je veux
21 dire, c'est que personnellement, je suis assez d'accord avec ce que Me
22 O'Sullivan vient de dire. Comme vous le savez, avant communication d'un
23 document, au titre de l'article 70 du Règlement à la Défense, il faut que
24 la Défense puisse présenter ses arguments au Tribunal et voir de quelle
25 façon le document est formulé. Si l'article du Règlement est appliqué dans
26 ces conditions, alors, il est possible que cet article s'applique au témoin
27 également. Je ne pense pas que je sois favorable à une décision bâclée sur
28 ce point. J'aimerais que nous discutions plus en détail de cette question.
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1 Voyons si nous pouvons aller plus loin, après quoi, nous verrons. Veuillez,
2 Monsieur l'Huissier, remettre ce document au témoin, le lui restituer.
3 Monsieur Haxhibeqiri, nous aimerions savoir, quand c'était vous qui meniez
4 les entretiens, ce que vous faisiez du formulaire ? Pourriez-vous nous
5 l'expliquer en quelques mots, je vous prie ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Les questions préliminaires étaient
7 posées au début de l'entretien. Comme, par exemple, au paragraphe 1, ou à
8 la fenêtre 1, est-ce que vous êtes prêt à témoigner devant le Tribunal de
9 La Haye ? Oui ou non ? Et là, sur le document que j'ai entre les mains, il
10 y a une réponse. Deuxième question, est-ce que vous avez été interrogé par
11 une autre organisation internationale ici ou ailleurs ? Ensuite, on dit à
12 la personne, par exemple, lorsque vous étiez réfugié ? Donc, il s'agit
13 d'éléments d'information généraux et tout à fait élémentaires. Le prénom,
14 le nom de famille, le lieu de naissance, la nationalité, l'adresse
15 permanente, l'adresse temporaire, le prénom du père, la date de naissance,
16 mois, année, sexe, profession, date de l'entretien, mois, année, lieu de
17 l'entretien, municipalité, nom de la personne qui recueille l'entretien.
18 Ensuite, on en arrive à des éléments relatifs aux crimes. On demande à la
19 personne d'être claire dans ses explications. On lui demande s'il elle
20 était victime ou témoin d'un crime, par exemple, assassinat, torture,
21 violence sexuelle, enlèvement, destruction de propriété, pillage,
22 persécution, déplacement sous la contrainte de personne, et on demande
23 ensuite à la personne de décrire, ce qu'il ou elle a vu, sous forme de
24 texte libre sur une page vierge. On lui dit que si elle a besoin davantage
25 d'espace, elle peut utiliser une deuxième page. Et ce dont nous discutons
26 ici, c'est ce qui figure en général sur ces pages vierges.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le cas du formulaire précis que
28 nous avons actuellement entre les mains, vous demandez à quelqu'un de
Page 1241
1 relater un événement particulier. Qui est-ce qui met le récit de cet
2 événement sur papier ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est nous. C'est la personne qui interroge.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas particulier, est-ce qu'il
5 y a réellement nécessité de fournir à la personne une page vierge ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Parce que sur les autres pages, il y a
7 déjà du texte pré-imprimé. Vous voyez, il s'agit de la page vierge que je
8 vous montre ici.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le cas qui nous intéresse ici, la
10 page vierge est restée vierge, n'est-ce pas ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, ce qu'on trouve dans le
13 document, c'est un récit ou une description très cursive de l'événement.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, dans le cas qui nous intéresse, il est
15 fait mention de la nature du crime, puisque c'est la première question
16 posée, la nature du crime, en l'espèce enlèvement. Ensuite, de la date,
17 c'est-à-dire, du jour où le crime a été commis, de l'endroit où il a été
18 commis et de l'heure. On demande à la personne de décrire l'événement. Dans
19 le formulaire, je lis les mots suivants. J'écoute ce qu'ils disent, ce
20 qu'ils ont à dire et je décris l'événement comme ils me l'ont relaté.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que l'événement est décrit dans
22 le formulaire dont nous parlons ici ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ensuite, il y a d'autres questions qui
25 sont posées.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On en arrive ensuite à la nature du
27 crime. Il y a un autre crime évoqué dans ce formulaire que j'ai sous les
28 yeux, à savoir, déplacement de personnes sous la contrainte. Puis ensuite,
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1 figure une date, date et heure du crime, puis il y a description de ce
2 qu'il est advenu aux personnes déplacées.
3 Le formulaire stipule, veuillez décrire les auteurs du crime. Par
4 exemple, armée yougoslave, police, paramilitaires ou civils. Comment ces
5 hommes étaient-ils vêtus ? Quelles étaient leurs armes, leurs véhicules ou
6 d'autres équipements utilisés par eux ?
7 Puis, vient la mention des noms, adresses, âges, rapports de famille avec
8 les autres victimes du même crime. Puis, un peu plus bas, on demande si la
9 personne a d'autres éléments d'information à fournir.
10 Point 3, nature du crime. Dans ce formulaire, c'est une troisième catégorie
11 de crimes, destruction de propriété. Là encore, date, lieu, heure à
12 laquelle le crime a été commis.
13 On demande si la personne est victime ou témoin du crime. Dans le
14 formulaire que je lis, je vois qu'un cercle a été tracé autour d'une des
15 réponses. Il est clair que la personne qui parle a été victime du crime.
16 Ensuite, il est demandé à la personne de décrire ce qui s'est passé.
17 A la fin, on demande quels sont les auteurs du crime, par exemple, armée
18 yougoslave, police, paramilitaires ou civils. Comment ces hommes étaient
19 habillés ? Quelles armes, véhicules ou autres matériels ils ont utilisés ?
20 Puis, on lui demande quels sont les noms, adresses, âges et rapports
21 de famille entre lui et les autres victimes du crime, et enfin, divers
22 autres éléments d'information dont il pouvait disposer.
23 Chapitre 4, la nature du crime. Dans ce cas, il s'agit d'assassinats. S'il
24 s'agit de pillages, il est écrit, pillage. S'il s'agit de viols, il est
25 écrit, viol. Puis ensuite, comme d'habitude, la date, le lieu, l'heure du
26 crime.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout le reste se poursuit selon le
28 même modèle que celui que vous avez déjà lu à plusieurs reprises ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. En fin de chapitre, il est demandé à
2 la personne qui parle de décrire le déplacement forcé de population. Est-ce
3 que l'on vous a contraint à quitter votre domicile ? Oui ou non. Qui vous a
4 contraint à quitter votre domicile ? Par exemple, armée yougoslave, police,
5 paramilitaires ou civils. Où est-ce qu'on vous a emmené ? On demande à la
6 personne de noter les noms des villages ou des villes traversés pendant le
7 voyage. On lui demande si, il ou elle, peut donner des détails quant à
8 l'identité de celui ou celle qui a ordonné que le crime soit commis. Quant
9 à l'identité de l'auteur du crime, est-ce que c'étaient la police, les
10 militaires, les forces paramilitaires pendant le déplacement forcé de
11 population ? A la fin, un espace est réservé à la liste des documents
12 existant éventuellement.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez déjà parlé un peu plus tôt
14 de déplacement de population au chapitre 2. Maintenant, vous y revenez. Au
15 chapitre 4 ou 5, est-ce que dans le formulaire que vous avez sous les yeux,
16 le déplacement forcé de population est mentionné plusieurs fois ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Chaque fois qu'un événement est décrit,
18 nous demandons quelle est la catégorie de crime qui est concernée et il y a
19 une partie du formulaire qui est réservé à cela.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai bien compris mais est-ce que le
21 fait qu'il soit fait mention à plusieurs reprises du déplacement de la
22 population est dû au fait qu'il s'agit de déplacements de population forcés
23 qui ont eu lieu à des dates différentes ou à quoi est-ce dû ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, parce que c'est arrivé souvent.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Finalement, le formulaire est-il signé
26 par quelqu'un ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ces formulaires étaient envoyés au bureau
28 du Groupe de crise international, traduits en anglais, photocopiés.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le formulaire que vous avez
2 actuellement sous les yeux, est-il un formulaire qui a été rempli par vos
3 soins ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, par un membre de mon équipe.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans quelle condition en êtes-vous
6 arrivé à entrer en possession de ce document ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai simplement apporter avec moi pour
8 l'utiliser comme exemple des crimes dont la personne en question a été
9 victime, puisqu'il s'agit d'un survivant, 30 autres, même 37 autres
10 personnes ont été tuées à l'occasion de l'événement mentionné ici dans le
11 texte.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Combien de formulaires avez-vous
13 apportés avec vous ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Un.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce formulaire, c'est l'un des 1 000
16 dont vous avez déjà parlé ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a un doute suite à votre question
20 il y a quelques instants. Est-ce que ce document est signé, oui ou non, par
21 quelqu'un ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Sur celui que j'ai sous les yeux, il n'y
23 a pas de signature. Ils étaient présents pendant l'entretien et il y avait
24 un interprète pendant toute la durée de l'entretien.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, bien. D'accord.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] De temps en temps, les représentants du Groupe
27 de crise international intervenaient pour demander qu'un point soit
28 éclairci.
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1 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je ne suis pas totalement satisfait.
2 Donc, avec l'autorisation du Président, je vais encore une fois poser
3 quelques questions avant que vous ne parliez du Groupe de crise
4 international. Donc, vous avez recueilli un certain nombre de ces
5 dépositions, de ces déclarations, mais ces formulaires, ils n'étaient
6 jamais signés par personne, n'est-ce pas ? Ils n'étaient pas signés par la
7 personne interrogée, en aucun cas ? Cela, c'est important. Il faut que cela
8 soit tiré au clair. Est-ce que quelqu'un signait ou personne ne signait ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.
10 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Bien. Merci.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, veuillez poursuivre
13 votre contre-interrogatoire.
14 M. FILA : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Mais M.
15 Hannis ne sera pas en mesure de respecter sa promesse.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle était sa promesse ?
17 M. FILA : [interprétation] Vous nous avez demandé hier de nous entendre sur
18 la durée du contre-interrogatoire. Nous avons fait de notre mieux pour
19 respecter le temps que nous avions annoncé, mais vous, vous nous avez pris
20 du temps avec vos questions.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je suis désolé. Je suis
22 sûr que c'est tout à fait dans votre intérêt, Maître Fila.
23 M. FILA : [interprétation] Je vous remercie.
24 Q. Monsieur Haxhibeqiri, il y a maintenant encore une chose que je vais
25 vous expliquer. Ce formulaire quand il vous a été remis par le Groupe de
26 crise international, est-ce qu'il était rédigé en langue albanaise ou en
27 langue anglaise pour être ensuite traduit en langue albanaise, si vous vous
28 en souvenez ?
Page 1246
1 R. En langue albanaise, en langue albanaise.
2 Q. Est-ce que vous savez qui a établi ce formulaire ?
3 R. Non, je ne le sais pas.
4 Q. Ne pensez-vous pas que l'original était, peut-être, en anglais et que
5 quelqu'un a traduit cet original en albanais pour que vous puissiez
6 l'utiliser ? Enfin, dans cette question, je vous demande peut-être de
7 spéculer. Si vous ne le savez pas, dites-le.
8 R. Je n'ai rien vu. Je n'ai rien vu. J'ai l'impression que ce sont des
9 questions très secondaires qui n'ont guère d'importance.
10 Q. Monsieur Haxhibeqiri, cela n'a pas d'importance, on y arrivera, on y
11 arrivera. Pour autant que je le vois, dans ce formulaire, on ne fait
12 mention ni de l'UCK, ni de l'OTAN, le formulaire que vous avez maintenant
13 sous les yeux, n'est-ce pas ?
14 R. Elles sont mentionnées dans les réponses aux questions.
15 Q. Mais dans les questions, il n'en est pas fait mention ?
16 R. En serbe, non. Dans les questions, il n'en est pas fait mention.
17 Q. Une question figure dans le formulaire qui consiste à demander à la
18 personne si elle est prête à témoigner devant le Tribunal de La Haye,
19 n'est-ce pas ?
20 R. En Serbe, c'est la première question. Oui, oui, elle existe.
21 Q. Je vais essayer très rapidement d'en terminer.
22 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas au
23 compte rendu d'audience la réponse du témoin, la dernière, à savoir qu'il
24 s'agissait de la première question posée à la personne interrogée, à savoir
25 est-ce qu'elle était, oui ou non, prête à témoigner devant le Tribunal de
26 La Haye ? M. Haxhibeqiri vient de dire qu'il s'agissait de la première
27 question posée aux personnes interrogées.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De toute façon, c'était déjà noté et
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1 consigné au compte rendu d'audience lorsque le témoin a lu le contenu du
2 formulaire.
3 M. FILA : [interprétation]
4 Q. Monsieur Haxhibeqiri, vous avez dit avoir été président du Conseil pour
5 les droits de l'homme, et cetera, et sur la base de tout ce que vous avez
6 dit ces deux derniers jours, suis-je en droit de conclure que vous vous
7 êtes exclusivement occupé de la défense des droits de l'homme des Albanais
8 de souche ? Vous ne vous êtes pas occupé des violations de droits de
9 l'homme subies par les Serbes, les Tiganes - enfin les Rom, les Rom, cela
10 n'a pas d'importance.
11 R. Nous avons enregistré les cas au fur et à mesure de leur arrivée. Toute
12 personne qui venait dans nos bureaux pour nous rapporter une affaire, nous
13 enregistrions sa déposition, si des gens ne venaient pas nous voir, nous
14 n'étions pas au courant, bien sûr.
15 Q. Cela j'ai compris. Mais pendant toute la période assez longue que vous
16 avez passée au sein de cette organisation, est-ce que vous avez été en
17 présence de quelqu'un qui venait se plaindre d'une violation des droits de
18 l'homme qui n'aurait pas été Albanais de souche quelle que soit d'ailleurs
19 son appartenance ethnique ?
20 R. Non. Aucun Turc ou autre n'est venu. Je suis allé dans les bureaux du
21 CICR pour comparer notre situation et celle du CICR, et j'ai retrouvé chez
22 eux un certain nombre de victimes dont il est fait mention dans le livre.
23 Quand j'ai lu le livre, j'ai appris l'existence d'un grand nombre d'autres
24 victimes. C'est dans ce livre que j'ai appris l'existence d'un grand nombre
25 de victimes et le nombre total des personnes portées disparues. Leurs noms
26 figurent dans le livre du Comité international de la Croix-Rouge.
27 Q. Mais je vous demande ce qu'il en est de vous personnellement ?
28 R. J'ai déjà dit que nous n'avions pas accès aux victimes. Nous
Page 1248
1 n'enregistrions les propos que des personnes qui venaient nous voir dans
2 nos bureaux. Je ne sais pas pourquoi certaines ne sont pas venues nous
3 voir.
4 Q. Oui, cela je l'ai bien compris mais ma question consistait à vous
5 demander : est-ce que vous êtes allé les voir là où elles se trouvaient,
6 oui ou non ?
7 R. Nous n'avions pas l'autorisation de la police de nous approcher des
8 lieux où se trouvaient ces victimes.
9 Q. Après 1999, quand vous avez fait votre travail de recherche, quelle
10 police aurait pu vous empêcher d'aller les voir là où elles se trouvaient
11 pour vérifier, par exemple, qu'il n'y avait plus un seul Serbe à
12 Djakovica ?
13 R. Personne ne nous a empêché d'y aller.
14 Q. Je vous demande dans ces conditions pourquoi vous n'avez pas mené
15 enquête sur ce point, si vous vous occupiez effectivement de la défense des
16 droits de l'homme de tout un chacun ? Est-ce que vous avez consigné par
17 écrit le fait qu'il y avait des Serbes à Djakovica auparavant et qu'il n'y
18 en a plus un seul ? Est-ce que vous avez consigné par écrit le fait que des
19 églises serbes ont été incendiées, et que même s'ils n'étaient que 3 %
20 avant, il n'y en a plus un seul. Si je ne m'abuse, il n'y a plus que
21 quelques femmes âgées qui sont restées. Est-ce que vous l'avez mis par
22 écrit, tout cela ?
23 R. Les églises étaient peu nombreuses, elles se trouvaient au centre-ville
24 et l'une d'entre elles a été détruite, après la guerre. Il y a eu des
25 manœuvres politiques. Elle avait été construite à des fins bien précises et
26 elle a été détruite, démolie.
27 Q. Bon, écoutez, moi ce que je voulais, je voulais faire vite. Je suis
28 allé sur votre site internet et j'ai vu sur ce site, le site de votre
Page 1249
1 centre de défense des droits de l'homme, je n'ai pas vu une seule annonce,
2 une seule rubrique autre que violation des droits de l'homme des Albanais
3 de souche. Je n'ai absolument rien trouvé d'autre. Pas une seule fois, et
4 j'ai cherché. Alors, c'est cela qui fait l'objet de ma question, pourquoi
5 cela ?
6 R. J'ai dit que je n'avais consigné que les cas des personnes qui étaient
7 venues dans nos bureaux, quant aux personnes qui ne sont pas venues, nous
8 n'avons rien fait.
9 Q. Est-ce que les droits de l'homme sont une catégorie universelle ou est-
10 ce qu'elle n'existe que pour les Albanais de souche ?
11 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est polémique.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est polémique. C'est une
13 question qui a été posée par de nombreuses personnes, la réponse étant
14 toujours la même, à savoir, nous nous sommes occupés des cas qui nous
15 étaient soumis. Si vous avez l'exemple d'un Serbe qui aurait tenté de
16 rapporter ce qui lui était arrivé à cette organisation et dont l'affaire
17 n'aurait pas été traitée, faites-nous-le savoir.
18 M. FILA : [interprétation] Encore une question, Monsieur le Président.
19 L'heure de la pause arrive, cela c'est évident.
20 Q. Savez-vous, Monsieur, que M. Abrahams et Sandra Mitchell ont témoigné
21 devant ce Tribunal et qu'ils ont fait état de violation des droits humains
22 par l'UCK sur le territoire précisément de Djakovica ? Est-ce que vous êtes
23 au courant de cela, oui ou non ?
24 R. Je ne sais pas ce que ces personnes ont dit dans leurs dépositions mais
25 pour ma part, j'ai accompagné M. Abrahams seul sur le terrain quand il a
26 fait sa tournée. Ce qu'il a dit dans sa déposition, je ne sais pas.
27 Q. Si vous étiez avec lui, est-ce que vous n'avez pas vu de vos yeux des
28 infractions, des violations des droits de l'homme commises par l'UCK, si M.
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1 Abrahams les a vues et il a témoigné ici en disant qu'à Djakovica, les
2 droits humains avaient été violés par l'UCK, sous forme de pillages,
3 assassinats, enlèvements, et cetera ? Si vous M. Abrahams a dit cela, est-
4 ce que vous allez éventuellement dire autre chose ?
5 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est vraiment un
6 commentaire très vague, très multiple, je ne vois pas comment le témoin
7 peut répondre à cette question.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis d'accord. Essayez de
9 reformuler votre question, Maître, pour que le témoin puisse y répondre.
10 M. FILA : [interprétation]
11 Q. Dans la mesure où M. Abrahams a fait de telles constatations, est-ce
12 qu'à vos yeux ces constations sont acceptables ?
13 M. HANNIS : [interprétation] Des constatations telles que quoi ? Telle que
14 quelque chose qui a été dit avant ?
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, veuillez poser une
16 question précise au témoin. Qu'est-ce qu'exactement que M. Abrahams aurait
17 dit avoir vu selon vous et que le témoin présent ici devrait avoir vu
18 également ?
19 M. FILA : [interprétation] Peut-être l'heure de la pause est-elle arrivée
20 finalement, Monsieur le Président, cela ne ferait pas de mal d'interrompre
21 un petit peu et nous terminerons après la pause.
22 M. HANNIS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons nos débats
24 à 11 heures 05.
25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
26 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
28 M. FILA : [interprétation] Pour revenir là où nous nous étions arrêtés, je
Page 1251
1 souhaite que la Chambre de première instance regarde la page 1 038, lignes
2 13 à 27. Il s'agit là de la déposition de M. Abrahams. J'aimerais
3 simplement présenter la raison pour laquelle j'ai posé cette question au
4 témoin, M. Haxhibeqiri.
5 Q. Monsieur Haxhibeqiri --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur le système électronique ou est-ce
7 que nous devons le trouver nous-mêmes ?
8 M. FILA : [interprétation] Je l'ai.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devons le retrouver nous-mêmes
10 sur le compte rendu. Vous voulez parler de quelle date, s'il vous plaît ?
11 M. FILA : [interprétation] Le 7 août.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à quelle page ?
13 M. FILA : [interprétation] A la page 1 038, lignes 13 à 24.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, vous voulez parler d'une période
15 bien précise; c'est exact ?
16 M. FILA : [interprétation] Oui. C'est l'année 1998, Monsieur le Président.
17 Vous pouvez le constater en haut de la page.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qu'il faut établir, c'est de savoir
19 que lorsqu'il a eu cette visite, à quelle date ceci a eu lieu lorsque le
20 témoin accompagnait M. Abrahams.
21 M. FILA : [interprétation] Non, ce n'était pas la question que je
22 souhaitais poser. J'ai besoin d'un petit de temps pour en terminer.
23 Q. M. Abrahams a dit dans sa déposition, et là, il s'agit de la période en
24 question, 198 Serbes et Albanais ont disparu, que l'UCK était responsable
25 de cela. Est-ce que vous savez quelque chose à ce propos ? Est-ce que vous
26 avez un commentaire à faire ?
27 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que ceci ne reprend pas ce que dit le
28 compte rendu pour ce qui est de l'UCK, qui était responsable de la
Page 1252
1 disparition de ces 198 Serbes et Albanais. Il a dit que c'est le chiffre
2 qui a été rapporté par la Croix-Rouge à propos de ces disparitions. Je ne
3 sais pas si le lien établi a été fait ici, par rapport au compte rendu que
4 j'ai sous les yeux.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que vous avez raison,
6 Monsieur Hannis. La déclaration n'est pas en mesure de répondre à cette
7 question, à savoir, combien d'incidents ont eu lieu en particulier. Si je
8 ne me trompe pas, je crois qu'il faudrait que nous consultions les rapports
9 en question. Je crois que le chiffre de 198 a été avancé, comportant à la
10 fois les Albanais et les Serbes qui sont portés disparu en 1998, ce chiffre
11 est celui du CICR. Donc, M. Hannis vient de nous dire, Maître Fila, qu'on
12 pourrait considérer que le nombre total de personnes portées disparues n'a
13 rien à voir avec la question de savoir qui est responsable de leur
14 disparition. Mais dans la première partie --
15 M. FILA : [interprétation] Oui, j'entends bien. Donc, je vais poser les
16 questions de cette manière. Est-ce qu'il sait qu'à cette époque-là, sur le
17 territoire de Djakovica, 198 personnes ont disparu et que l'UCK était
18 responsable de tout ou une partie de ces disparitions ? Est-ce qu'il est au
19 courant de cela ?
20 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas si ceci est exact car il n'y a
21 aucun lien qui a été établi avec l'UCK. Si mon confrère souhaite parler du
22 fait que M. Abrahams était au courant des violations des droits de l'homme
23 commises par l'UCK dans la région de Djakovica en 1998, au cours du
24 printemps et de l'été 1998, soit.
25 M. IVETIC : [interprétation] Si je peux vous aider, on peut remonter à ma
26 question. En fait, ce qui a provoqué ma réponse, on peut voir que M.
27 Abrahams a parlé des activités de l'UCK contre la population civile. Je
28 vois que c'est très clair dans sa déposition. Si vous regardez les
Page 1253
1 activités de l'UCK contre la population civile et la page 1 038, lignes 3 à
2 12, qui correspondent à la question originale, je lui ai demandé de se
3 concentrer sur les activités de l'UCK contre les civils dans la région de
4 Djakovica et la réponse de M. Abrahams était de dire que la plupart des
5 incidents qu'il connaît sont au cours de cette période, lignes 13 à 16.
6 Est-ce que vous pouvez nous dire de combien d'incidents il s'agit en
7 particulier ? Et ensuite, il parle des personnes portées disparues, et sur
8 la base de ce qu'il sait. Je crois qu'il y a un lien qui peut être établi
9 entre ces incidents de l'UCK contre la population civile, que ce lien peut
10 être établi au niveau du compte rendu et qu'il s'agit d'activités de l'UCK
11 contre la population civile.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais permettre au témoin de
13 répondre à la question. Monsieur Haxhibeqiri, la question qui vous a été
14 posée est celle-ci : saviez-vous que 198 personnes ont disparu sur le
15 territoire de Djakovica au cours de l'année 1998 ? Il s'agit là de la
16 première partie de la question.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mes archives, j'ai quelque 160 cas de
18 victimes civiles sur le territoire de notre municipalité au cours de cette
19 période.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et savez-vous --
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Surtout dans les villages.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Savez-vous si l'une ou l'autre de ces
23 personnes ont été les victimes des activités de l'UCK ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, vous pouvez reprendre ce
26 point si vous le souhaitez.
27 M. FILA : [interprétation]
28 Q. Savez-vous si aucune de ces victimes n'étaient des Serbes, aucune des
Page 1254
1 victimes sur le territoire de l'UCK ? J'entends, victime de l'UCK.
2 R. Non.
3 Q. Vous vous occupiez de la protection des droits de l'homme dans cette
4 région, je crois, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, c'est ce que j'ai lui dans le livre publié par la Croix-Rouge et
6 Natasa Kandic et c'est là, dans ce livre, que j'ai appris cela.
7 Q. Et voici ma dernière question. Ma dernière question : à la première
8 page de votre déclaration, vous évoquez un fait que je n'ai retrouvé nulle
9 part ailleurs. Je vais maintenant vous la lire, cette phrase. Vous dites
10 qu'entre 500 et 800 Albanais du Kosovo ont quitté le Kosovo avant 1998.
11 C'est à ce moment-là que Milosevic est arrivé au pouvoir. Comment avez-vous
12 obtenu ce chiffre ? Nous ne l'avons trouvé nulle part ailleurs, que ce soit
13 par la Croix-Rouge ou ailleurs.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que ceci a été mal consigné
15 dans le compte rendu d'audience. Pourriez-vous répéter le chiffre, s'il
16 vous plaît, Maître Fila ? Un instant, Monsieur Haxhibeqiri.
17 M. FILA : [interprétation] 500 000 à 800 000, et non pas 500 à 800.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] 700 000.
19 M. FILA : [interprétation]
20 Q. Avez-vous retrouvé ce chiffre dans votre déclaration ?
21 R. Oui. Vous m'avez demandé comment j'ai obtenu ces chiffres. Il y avait
22 des articles dans les journaux tous les jours, et vous pouvez retrouver ces
23 chiffres auprès des Etats qui ont accueilli ces Albanais. Ils ont des
24 dossiers très détaillés sur leurs immigrants et doivent avoir des chiffres
25 exacts. Vous pouvez demander à ces Etats de vous fournir l'information. Ces
26 chiffres me viennent des journaux, et encore aujourd'hui, il y a un grand
27 nombre d'entre eux qui sont à l'étranger.
28 Q. Tout d'abord, de quel journal avez-vous extrait ces chiffres ?
Page 1255
1 R. Les vôtres.
2 Q. Le journal dont vous avez parlé qui n'était pas publié; c'est cela ?
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 1999, je crois.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai parlé de deux journaux qui étaient
5 publiés à l'époque.
6 M. FILA : [interprétation]
7 Q. A ce moment-là, comment avez-vous établi un lien entre
8 500 000 et 800 000, non, pardonnez-moi, mais c'est 700 000.
9 R. J'ai dit 700 000.
10 Q. Comment avez-vous établi un lien entre cela et Milosevic, alors que
11 l'Allemagne et d'autres pays parlaient d'immigration, et qu'il s'agissait
12 d'une migration économique, puisqu'il y avait certains Macédoniens et
13 certains Serbes qui sont partis aussi. Ils sont partis pour travailler.
14 R. Il s'agissait d'une immigration politique. Il y avait des gens d'autres
15 appartenances ethniques qui ont quitté la Serbie. C'est exact. Mais nous
16 devions quitter notre pays à cause de la violence déployée à notre
17 encontre, parce que les écoles étaient fermées, parce qu'on manquait de
18 travail et parce qu'on n'avait aucune perspective d'avenir, et nos jeunes
19 en particulier ont dû quitter le pays.
20 Q. Je ne vous ai pas compris.
21 R. C'était surtout les jeunes qui devaient partir à cause de la terreur et
22 de la violence qui régnait.
23 Q. Et les jeunes, sur l'ensemble du territoire de la Yougoslavie, n'ont-
24 ils pas quitté le pays à ce moment-là ? N'ont-ils pas tenté de se rendre à
25 l'étranger à cause de la situation qui n'était pas bonne dans le pays ?
26 J'en ai terminé, je n'ai plus de questions, Mesdames, Messieurs les Juges.
27 R. Je parle de mon pays.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
Page 1256
1 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :
2 Q. [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Monsieur Haxhibeqiri, je m'appelle Tomislav Visnjic et accompagné de mes
4 collègues, Norman Sepenuk et Marko Sladojevic, je défends le général
5 Ojdanic. Monsieur Haxhibeqiri, je vais vous poser un certain nombre de
6 questions concernant les chiffres qui reprennent certaines questions qui
7 vous ont été posées par Me Fila. Devant ce Tribunal, dans votre déposition,
8 vous avez dit que dans la municipalité de Djakovica avant 1989, il y avait
9 129 000 habitants en total; est-ce exact ?
10 R. Non, j'ai dit qu'il y en avait 120 000.
11 Q. 120 000, d'accord. Je suis d'accord avec vous.
12 R. Etant donné qu'il n'y a pas eu de recensement, on peut manipuler les
13 chiffres. Récemment, ils disent que la population actuelle est de 150 000
14 ou 158 000, ce qui clairement démontre que les chiffres ne sont pas exacts,
15 puisqu'il n'y a pas eu de recensement. Mais je ne pense pas que cela soit
16 important.
17 Q. Monsieur Haxhibeqiri, vous avez également dit que le pourcentage de
18 personnes qui n'étaient pas albanaises ne correspondait pas à plus de 2 %;
19 c'est exact ?
20 R. On parle toujours de la dernière décennie. Je n'ai pas entendu parler
21 d'autres chiffres. Peut-être qu'il s'agit de 2 à 3 % environ. En fait, je
22 m'en tiens toujours aux chiffres officiels.
23 Q. Vous avez parlé de chiffres officiels. Maintenant, je vais vous poser
24 cette question : ce chiffre que vous avez avancé, ce chiffre de 2 % et ce
25 chiffre de 120 000 habitants que vous avez avancé, est-ce qu'il s'agit de
26 vos propres estimations ou est-ce que ce sont les chiffres avancés par
27 votre organisation, l'organisation dont vous avez été le président pendant
28 un certain temps ?
Page 1257
1 R. Je vous ai dit que j'ai avancé ici les données et statistiques
2 officiels. Mon organisation n'a jamais procédé à un recensement de la
3 population. Nous avons lu cela. Nous en avons entendu parler.
4 Q. Très bien.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin la
6 pièce 3D6, s'il vous plaît, page 3 de ce document, s'il vous plaît ?
7 Q. Monsieur Haxhibeqiri, il s'agit là d'un document qui est langue
8 anglaise. Je vais vous lire deux phrases à partir de ce document. C'est
9 quelque chose que j'aimerais vous soumettre. Merci. A la page 3, le premier
10 paragraphe, la troisième phrase lit comme suit en anglais, on peut lire :
11 "Avant le conflit, 93 % de la population était albanaise du Kosovo et 7 %
12 représentait une communauté qui n'était pas minoritaire. Quelque 3 000
13 Serbes du Kosovo vivaient surtout dans la ville principale."
14 Monsieur Haxhibeqiri, il s'agit d'une publication intitulée, "Profil
15 municipal de Djakovica," datée de l'an 2003. Ceci a été publié par la
16 mission de l'OSCE au Kosovo. Y a-t-il une raison pour laquelle vous ne
17 pouvez pas accepter ce chiffre, ce chiffre de 7 %, la population non-
18 albanaise de cette municipalité de Gjakova ?
19 R. Je vous ai dit que je n'ai jamais vu ces chiffres quelque part. Quelles
20 sont vos sources ? C'est la MINUK. Je pense qu'il s'agit ici de chiffres
21 approximatifs. La MINUK ne peut pas savoir cela de façon précise sans
22 recensement.
23 Q. Très bien. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre de 2 % alors pour
24 représenter la population serbe ou en tout cas la population non-albanaise,
25 si le recensement n'a pas eu lieu ? Comment en êtes-vous arrivé à ce
26 chiffre de 2 % qui représentait la population non-albanaise ?
27 R. Je m'en tiens toujours aux données officielles. J'ai toujours vu ces
28 chiffres publiés.
Page 1258
1 Q. Pourriez-vous me citer un journal dans lequel ces chiffres ont été
2 publiés ?
3 R. Dans tous les journaux officiels, dans tout ceci ou les bulletins
4 d'actualités.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois que vous êtes debout.
6 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaite simplement qu'une précision soit
7 apportée, s'ils inscrivent ceci, est-ce qu'on parle du document lui-même,
8 puisque ce chiffre de 7 % a été avancé, si je regarde ce tableau je vois
9 que le chiffre avancé pour le mois de janvier 1999 est différent de ce
10 qu'on peut lire dans le texte.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne sais pas si le chiffre diffère -
12 -
13 M. HANNIS : [interprétation] Le pourcentage représente la population
14 albanaise.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit différent
16 parce que le chiffre de 2 % est logique puisque cela correspond à la
17 population serbe du Kosovo. Est-ce que cela que vous voulez m'indiquer, ce
18 chiffre de 2 %?
19 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, 3 000 cela correspond à peu
21 près à 2 %. Je crois que ceci n'est pas à contester. La question qui se
22 pose, c'est le pourcentage de la population non-albanaise. Ici on avance un
23 chiffre plus élevé.
24 M. HANNIS : [interprétation] On considère que la population albanaise
25 représente 98 %, et plus 2 cela correspond à 100.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement. Maître Visnjic.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'en arrive à
28 cette conclusion. Je vais poser cette question-ci au témoin.
Page 1259
1 Q. En dehors des Serbes dans la municipalité de Djakovica, y avait-il
2 d'autres habitants qui n'étaient pas Albanais ?
3 R. Oui, effectivement, il y avait des Monténégrins, des Rom, et des
4 Bosniaques.
5 Q. Est-ce qu'il y avait une communauté de personnes appelées Ashkali ?
6 R. Non. On les appelle les Egyptiens albanais, mais sur le plateau du
7 Kosovo on les appelle Ashkali, c'est le plateau de Dukagjini.
8 Q. Vous les reprenez dans la catégorie des autres, vous ne les présentez
9 pas comme étant des Albanais ? Je vous demande une réponse. Je vais
10 procéder étape par étape. Etes-vous d'accord pour dire avec moi qu'il y
11 avait en janvier 1998 dans la municipalité de Djakovica
12 3 000 Serbes ?
13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'entendent pas la réponse du témoin.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez répéter votre réponse,
15 Monsieur.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne travaille pas au service ou à l'office
17 des statistiques.
18 M. VISNJIC : [interprétation]
19 Q. Est-ce que vous pourriez me dire, Monsieur Haxhibeqiri, combien il y a
20 de Serbes qui vivent aujourd'hui dans la municipalité de Djakovica ?
21 R. Je ne sais pas.
22 Q. Monsieur Haxhibeqiri, êtes-vous en mesure de me dire combien d'autres
23 groupes ethniques il y a aujourd'hui qui vivent dans cette municipalité de
24 Djakovica en dehors des Albanais ? Je n'ai pas besoin de chiffre exact.
25 Donnez-moi des estimations, un chiffre approximatif.
26 R. Non, je ne peux pas vous donnez de réponse.
27 M. VISNJIC : [interprétation]
28 Q. Monsieur Haxhibeqiri, j'aimerais simplement qu'on vous montre la page 7
Page 1260
1 de ce même document. Avant de poser ma question, je vais vous dire ceci.
2 Dans ce document, on trouve une liste d'organisations non gouvernementales
3 qui étaient présentes dans la municipalité de Djakovica. Page 7, ligne 4,
4 on fait référence à votre organisation, qui s'appelle le Conseil des droits
5 de l'homme et des libertés. On précise les objectifs poursuivis par votre
6 organisation. Puisque vous étiez président de cette organisation, vous
7 n'aurez aucune peine à vous souvenir de ceci. Les objectifs poursuivis par
8 votre organisation sont de rassembler les données concernant des violations
9 des droits de l'homme et de publier des publications, de procéder à
10 l'organisation de séminaires de formation, à promouvoir les médias
11 indépendants ou l'indépendance des médias, le suivi des élections. Je
12 suppose que vous parlez de suivi ou du bon respect des élections et enfin,
13 non des moindres, la protection des droits des minorités. Voici ma question
14 : votre organisation s'occupe-t-elle des droits des minorités ou est-ce que
15 cet objectif qui est mentionné ici n'est pas exact ?
16 R. Non. Votre question n'a aucun intérêt. Je l'ai déjà dit plusieurs fois,
17 nous n'avons pas pu consulter des documents concernant les Serbes, ce
18 qu'ils leur étaient arrivés à eux et aux Monténégrins. Mais en ce qui
19 concerne les autres groupes, nous avons essayé de faire preuve d'équité,
20 bien sûr dans la mesure du possible, vu les circonstances qui prévalaient.
21 Q. Est-ce que ceci concerne la période qui a suivi 1999 jusqu'en
22 2002 alors que vous étiez donc au cours de la période où vous étiez
23 président de l'organisation ? C'est la période qui a suivi le mois de juin,
24 n'est-ce pas, juin 1999 et qui s'est terminée en 2002 ?
25 R. Est-ce que vous pourriez répéter la question ? Je ne sais pas la
26 réponse que vous attendez de moi.
27 Q. Voici ce que je vous ai demandé. Votre organisation, est-ce qu'elle
28 s'occupait de la protection des droits de l'homme des minorités après juin
Page 1261
1 1999 jusqu'en 2002 ?
2 R. Oui, oui, oui. C'est exactement comme c'est dit, là dans le document.
3 Q. Est-ce que vous pourriez me décrire certaines, tout du moins, des
4 activités de votre organisation pour ce qui est de la protection des
5 minorités à Djakovica ?
6 R. Nous avons organisé des séminaires. Nous avons organisé des cours de
7 rattrapage pour la minorité que constituait les Egyptiens albanais, c'est
8 ce qu'on appelle des cours accélérés. Tous ceux qui sont venus chercher de
9 l'aide chez nous l'ont obtenu.
10 Q. Vous, est-ce que vous avez fourni, offert de l'aide ? Est-ce que vous
11 avez offert d'aider la communauté des Serbes ou des Monténégrins ?
12 R. Oui, oui, gratuitement. Par exemple, pour ce qui est de l'aide
13 additionnelle, elle a été offerte à tous ceux qui sont venus la demander
14 dans notre service. Après la guerre, aucun Serbe, aucun Monténégrin n'est
15 venu chez nous demander de l'aide. Tous les autres, oui, sont venus.
16 Q. Fort bien. Merci. Nous reviendrons à ce sujet plus tard. J'ai une autre
17 question à vous poser. La série de questions que je vais vous soumettre
18 concerne vos activités avec le Groupe international de crise. Vous avez
19 donné beaucoup de détails sur la façon dont vous avez utilisé ces
20 formulaires. Dites-nous, tout d'abord, qui a mené les entretiens ? Combien
21 de personnes étaient présentes ? Commençons par cela. Qui a amené les
22 témoins ? Il y avait votre organisation. Etait-ce elle ? Votre personnel
23 qui a amené les témoins afin que des représentants de ce Groupe
24 international de crise les interrogent ?
25 R. Nous nous sommes adressés à eux. Nous sommes allés. Nous étions cinq en
26 voiture dans les villages, et ceci, avec le représentant du Groupe
27 international de crise, représentant qui était là au moment des entretiens.
28 En général, c'était une personne anglophone ou anglaise. Je ne me souviens
Page 1262
1 pas du nom, mais il y en avait d'autres.
2 Q. Bon. Il y avait combien de représentants de ce groupe international ?
3 Est-ce que c'était une seule personne en règle générale ?
4 R. Parfois, il y en avait deux ou trois. En règle générale, il n'y avait
5 qu'un représentant. Nous nous sommes répartis en deux groupes. Du coup, il
6 y avait un représentant dans chaque groupe.
7 Q. S'il avait plusieurs représentants de ce groupe international de crise,
8 en général, ils se répartissaient, et il y avait plusieurs personnes qui
9 menaient ou il y avait plusieurs personnes qui étaient interrogées, à qui
10 on posait des questions à un moment donné ? Est-ce que j'ai bien compris ?
11 R. Ils sont venus pour superviser des activités que nous menions.
12 Q. Maintenant, nous parlons de la période qui a suivi la guerre. Si vous
13 alliez dans des villages, où meniez-vous ces entretiens ? Est-ce qu'ils se
14 tenaient dans une maison donnée ou dans un lieu public donné, par exemple,
15 un centre communal ?
16 R. Cela se passait chez des particuliers, dans la cour de leur propriété
17 ou dans une pièce, à l'intérieur s'il ne faisait pas beau.
18 Q. Je suppose que vous avez toujours essayé de mener ces entretiens dans
19 des conditions correctes, d'avoir la possibilité d'avoir de l'électricité
20 pour votre ordinateur ?
21 R. A l'époque, il n'y avait pas d'ordinateur dans les villages.
22 Q. Mais vous vouliez que les conditions soient correctes ?
23 R. A l'époque, les conditions n'étaient pas importantes. Si la maison
24 n'avait pas été incendiée, on entrait dans les lieux pour mener cet
25 entretien à l'intérieur, s'il pleuvait. La plupart du temps, nous avons
26 mené ces entretiens dans les cours des maisons où nous sommes allés. A
27 l'époque, on n'avait pas d'ordinateur. Il n'y avait pas d'électricité dans
28 les maisons, car pratiquement, il y avait beaucoup de maisons qui avaient
Page 1263
1 été incendiées.
2 Q. Bien. Vous dites que vous ne parvenez pas à vous souvenir du nom des
3 représentants du Groupe international de crise; est-ce exact ?
4 R. J'ai leurs noms quelque part. Vous savez, sept ans se sont écoulés,
5 donc j'ai oublié. Je ne me souviens pas à brûle-pourpoint de ces noms, mais
6 je pourrais vous les envoyer par télécopie si vous le souhaitez.
7 Q. Bien. Monsieur Haxhibeqiri, avez-vous eu un entretien avec une personne
8 répondant au nom de Bajram Bucaliu ?
9 R. Je ne me souviens pas. Peut-être son nom se trouve-t-il dans mes
10 dossiers, mais je ne me souviens pas.
11 Q. Bien. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez eu un entretien avec
12 Muharem Dashi ?
13 L'INTERPRÈTE : La réponse du témoin n'a pas été entendue par les
14 interprètes.
15 Q. Avez-vous eu un entretien avec une personne répondant au nom de Merita
16 Deda ?
17 R. Oui.
18 Q. Avez-vous mené un entretien avec une personne s'appelant Shukri
19 Gjegalui ?
20 R. Non.
21 Q. Vous souvenez-vous si vous avez eu un entretien avec Behar
22 Haxhiavdija ?
23 R. Non, je n'ai pas eu d'entretien avec Behar ?
24 Q. Est-ce que vous avez parlé avec Hani Hoxha ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous avez mené un entretien avec lui au nom du Groupe
27 international de crise ?
28 R. J'ai parlé avec d'autres mais pas avec Hani.
Page 1264
1 Q. Bien. Avez-vous parlé avec Bedri Hiseni ?
2 R. Non.
3 Q. Avec Osman Kuci ou Kuqi ?
4 R. Je pourrais vous parler d'une ou deux personnes, parce que vous savez,
5 j'ai eu des entretiens avec des centaines de personnes mais je ne me
6 souviens pas de tous les noms.
7 Q. J'essaie simplement de vous demander si vous vous souvenez, tout du
8 moins, d'une personne, pas de toutes. Je vous ai donné le nom d'Osman Kuci
9 ou Kuqi. Ici, nous n'avons pas votre réponse au compte rendu d'audience.
10 C'est la raison pour laquelle je répète ma question.
11 R. Je ne me souviens pas.
12 Q. Bien. Dout Imeraj ?
13 R. Non.
14 Q. Mehmet Avdili ?
15 R. Non.
16 Q. Vous souvenez-vous - je vois qu'on n'a pas enregistré votre réponse à
17 ma dernière question. Veuillez répéter cette réponse en ce qui concerne
18 Mehmet Avdili, car votre réponse n'a pas été reprise au compte rendu
19 d'audience.
20 R. Non.
21 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit où vous avez parlé avec Merita Deda ?
22 Je sais que cela s'est passé il y a longtemps, mais je vous pose quand même
23 la question.
24 R. Chez elle ou dans la cour de chez elle.
25 Q. Elle est de Guske ou si elle est de Guskeou de Korenica ?
26 R. Je pense qu'elle est de Guske.
27 Q. Au cours de cet entretien, il y avait un ou plusieurs
28 représentants de ce Groupe international de crise, n'est-ce pas ?
Page 1265
1 R. Je ne me souviens pas. J'ai rencontré Merita à l'hôtel, parce que
2 j'avais oublié qui elle était. Je ne pense pas que j'ai mené un entretien
3 avec elle.
4 Q. Est-ce que vous avez parlé avec elle ou pas ? Vous en souvenez-vous ?
5 R. Il faut voir qui a déposé son formulaire. C'est de cette façon-là que
6 je saurai si je me suis entretenu avec elle ou pas.
7 Q. Fort bien. Lorsque vous avez rempli les questionnaires, il y avait une
8 partie réservée à ce questionnaire qui mentionnait la personne ayant rempli
9 le formulaire, le questionnaire. Est-ce que vous indiquiez votre nom ou le
10 nom de quelqu'un d'autre ? Attendez que je vous pose la question avant de
11 répondre. Vous savez qu'il y a une partie dans le formulaire indiquant le
12 nom de la personne qui mène l'entretien; est-ce exact ? Si vous lisez ce
13 genre de questionnaire, celui que vous aviez pour les entretiens, vous
14 aviez bien une partie qui était réservée à cela, n'est-ce pas ?
15 R. Oui. On donne le nom et prénom de celui qui a mené l'entretien.
16 Q. J'attends justement pour que vous ayez terminé votre réponse. Est-ce
17 que dans cette partie-là du questionnaire vous avez inscrit votre nom à
18 vous, si c'est vous qui avez mené l'entretien ? Est-ce que vous avez
19 indiqué votre nom uniquement ou plusieurs noms ?
20 R. Je vous l'ai déjà dit, je ne suis plus sûr. Je ne sais pas si c'est moi
21 qui ai mené l'entretien ou -- qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
22 Q. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas Merita Deda.
23 R. Merita est ici, demandez-lui.
24 Q. Je vais lui demander. Je voulais simplement savoir quel était le nom
25 que vous inscriviez dans cette partie-là du questionnaire, là où on
26 mentionnait la personne qui avait mené l'entretien.
27 R. Votre question n'est pas claire.
28 Q. Je vous demande ceci : si c'était vous qui meniez l'entretien, la
Page 1266
1 personne qui posait les questions, qu'est-ce qu'on verrait dans ce
2 formulaire s'agissant de la partie où on indique la personne ayant mené
3 l'entretien ? Est-ce qu'on trouverait votre nom ?
4 R. Je vous l'ai dit, on inscrirait le nom d'un des membres de l'équipe.
5 Vous pouvez poser la question à Merita. Vous pouvez lui demander qui lui a
6 posé les questions, qui a mené l'entretien avec elle. Pourquoi est-ce que
7 vous insistez là-dessus avec moi ?
8 Q. Je ne vous pose plus de questions à propos de Merita.
9 R. Je n'ai pas le dossier de Merita sur moi. Si je l'avais, je vous le
10 montrerais.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, pour le moment,
12 cette question qui vous est posée est générale, elle ne concerne pas
13 simplement Merita. Cette question générale se pose à partir du document que
14 vous avez apporté. Vous nous avez auparavant montré un document. Là où on
15 devrait faire mention du nom de la personne ayant mené l'entretien, ici
16 dans le formulaire que vous avez entre les mains, quel est le nom qui a été
17 inscrit à cet endroit-là ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je recherche ici. S'il le sait,
19 qu'il me le dise.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais on vous demande de nous dire
21 à nous quel est le nom inscrit, nom de la personne ayant mené l'entretien.
22 Regardez le formulaire et répondez-nous.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous posez cette question à propos de cet
24 entretien, ce n'est pas le questionnaire de Merita, c'est un autre
25 questionnaire.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous le savons. La question ne
27 concerne pas Merita Deda. La question est générale. Elle concerne les
28 modalités d'entretien. Est-ce que vous comprenez ? On vous demande, comment
Page 1267
1 en général se menaient ces entretiens en partant de ce document que vous
2 avez apporté. Regardez ce document et donnez-nous le nom mentionné à
3 l'endroit où l'on indique le nom de la personne ayant mené l'entretien.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nom de la personne ayant mené l'entretien
5 est Beca Morina.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette personne est membre du Conseil de
8 défense des droits de l'homme et des libertés.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
10 Poursuivez, Maître Visnjic.
11 M. VISNJIC : [interprétation]
12 Q. Merci. Monsieur Haxhibeqiri, il y avait peut-être là un certain
13 malentendu mais tout ceci maintenant est tiré au clair. Je pense que vous
14 avez répondu à ma question. J'ajoute ceci : vous n'avez pas indiqué le nom
15 du représentant du Groupe international de crise qui était à vos côtés ou
16 présent au moment où cet entretien a été mené; c'est bien cela ?
17 R. Oui.
18 Q. Merci.
19 R. J'ai tous les noms, je peux vous les envoyer.
20 Q. Monsieur Haxhibeqiri --
21 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, une fois de plus, je
22 vois qu'il manque quelque chose au compte rendu d'audience. Le témoin a dit
23 "Non." Cela veut dire qu'on ne donnait pas le nom, ou on n'indiquait pas le
24 nom du représentant du Groupe international de crise qui était présent et
25 qui était aux côtés de la personne menant l'entretien.
26 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'il y a plusieurs personnes qui
27 parlent en même temps, ce qui fait que les interprètes ne sont pas en
28 mesure de suivre. Il y a un chevauchement.
Page 1268
1 M. VISNJIC : [interprétation] Est-ce que je dois répéter la question ?
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire. Nous
3 avons maintenant pris note de la réponse. Merci.
4 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie.
5 Q. Monsieur Haxhibeqiri, vous est-il arrivé de travailler pour l'OSCE ? Je
6 parle de vous ou de votre organisation. Est-ce que vous avez travaillé pour
7 l'Organisation chargée de la sécurité et de la coopération en Europe ?
8 R. Non, jamais.
9 Q. Merci.
10 M. VISNJIC : [interprétation] De nouveau on ne trouve pas la réponse. Oui,
11 la voici. Merci.
12 Q. Je voudrais revenir à ce formulaire. J'espère que vous n'aurez pas trop
13 de difficulté à revenir à ce questionnaire que vous avez montré aux Juges
14 il y a un instant. J'aimerais aussi que soit affichée à l'écran la pièce
15 3D02, une pièce déjà versée au dossier auparavant.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais pas poser
17 de questions au témoin concernant le document que vous avez maintenant à
18 l'écran, mais j'avais demandé qu'on le montre car je voudrais faire une
19 comparaison. Je voudrais poser une question au témoin à propos de ce qui se
20 trouve dans ce formulaire.
21 Vous l'avez expliqué aujourd'hui, pages 22 et 23 du compte rendu
22 d'audience, le témoin a donné lecture du formulaire que vous avez désormais
23 sous les yeux. On parlait ici de la description de l'auteur d'une
24 infraction, et là on voit si c'est la police, les paramilitaires ou les
25 civils, ou si c'est l'armée de Yougoslavie.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est le formulaire concernant
27 Merita Deda ?
28 M. VISNJIC : [interprétation] Effectivement. Ici, le formulaire dit quelque
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1 chose d'autre. Je viens de vous rapporter ce qui a été présenté par le
2 témoin comme étant le contenu de ce formulaire.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas un des
4 formulaires utilisés par son organisation.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
6 Président. Mais si, je pense que c'est bien un formulaire utilisé par son
7 organisation, c'est un questionnaire électronique du Groupe international
8 de crise.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons déjà rencontré ce problème
10 s'agissant de la source du document. Je pense que ceci a été communiqué
11 dans le cadre de la comparution du témoin Mitchell, je pense. Sans doute
12 que oui. Je pense qu'à ce stade, on n'a pas dit que ce questionnaire venait
13 de la ligue de l'organisation de ce témoin. Apparemment à l'époque, il a
14 été dit que c'était des documents qui avaient été obtenus par l'OSCE.
15 L'explication était plutôt vague. Apparemment, ceci avait été intégré dans
16 d'autres documents qui maintenant font partie de la base de données du
17 groupe international de crise ou en tout cas on leur a demandé de faire ce
18 travail. Cela ne veut pas dire nécessairement que c'est ici un document
19 préparé par l'organisation de M. Haxhibeqiri.
20 M. VISNJIC : [interprétation] Est-ce que je peux vous expliquer ?
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
22 M. VISNJIC : [interprétation]
23 Q. Monsieur Haxhibeqiri, je discute maintenant d'un point avec M. le
24 Président qui n'a rien à voir avec la question que je veux vous poser.
25 Donc, soyez rassuré, ceci n'a rien à voir avec le sujet de ma question.
26 Maintenant, nous parlons de quelque chose de carrément différent.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, en vertu de l'article
28 66(A)(ii) du Règlement, en application de cette disposition, le bureau du
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1 Procureur nous a communiqué en tout neuf déclarations qui nous ont été
2 présentées comme émanant ou étant des documents du Groupe international de
3 crise.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Parmi ces documents que nous avons reçus, ces
6 neufs déclarations, il y a celle-ci, celle que vous avez maintenant sous
7 les yeux. C'est la déclaration de Merita Deda qui nous a été communiquée
8 comme étant un document du Groupe international de crise. Ce n'est pas moi
9 qui le dis. Apparemment, c'est l'Accusation qui nous dit que c'est un
10 document du Groupe international de crise. C'est la raison pour laquelle je
11 soumets maintenant ce document au témoin. Il y a un autre document qui nous
12 a été communiqué et qui nous a été communiqué plus tard comme étant un
13 document de l'OSCE. Mais il se fait qu'on y trouve le même texte. Je ne
14 reviens pas à ce formulaire-là maintenant. Je parle du formulaire du Groupe
15 international de crise qui nous a été communiqué en tant que tel. Si
16 maintenant l'Accusation nous dit que ce n'est pas un document du Groupe
17 international de crise, je peux retirer ma question. Mais pour l'heure,
18 c'est ce que nous avons reçu. C'est un document qui nous a été présenté
19 comme étant un document du Groupe international de crise et qui relève du
20 66(A)(ii). Soit dit en passant, aujourd'hui nous avons déposé une requête
21 concernant cette question-ci. Je suis sûr que nous allons en discuter plus
22 tard.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Admettez-vous, Monsieur Hannis, que
24 ceci a été communiqué comme étant un document émanant du Groupe
25 international de contact ?
26 M. HANNIS : [interprétation] Je dirais en guise d'introduction par rapport
27 à mes remarques, M. Stamp, qu'il est mieux familier avec cette question-là.
28 Il va regarder ce formulaire qui se trouve à l'écran. Mais pour l'instant,
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1 je regarde la pièce 150213892 [comme interprété], et tout en haut, on peut
2 dire que cela émane de la base de données du Groupe de crise international.
3 Il y également un autre groupe auquel a fait référence M. Visnjic, qui est,
4 en fait, un document de l'OSCE. D'après ce que j'ai compris, nous avons
5 reçu des documents provenant de ces deux agences. D'après ce que j'ai
6 compris, ceci a été géré en interne et nous avons créé notre propre base de
7 données, et nous avons saisi les données, non pas sous la forme brute dans
8 laquelle nous l'avons reçu, mais nous avons traité ces données, nous les
9 avons incluses dans notre base de données. Mais pour ce qui est du
10 formulaire du témoin, d'après ce que j'ai compris, les formulaires que le
11 témoin utilisait au sein du Conseil de la défense et droits de l'homme et
12 des libertés étaient en albanais.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Laissons ceci de côté pour l'instant.
14 Je crois que c'est l'origine qui nous intéresse, et Me Visnjic vient de
15 nous dire que ce document lui a été remis comme étant un document provenant
16 du Groupe de crise international, et c'est ce que vous contestez.
17 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas si cela lui a été présenté
18 comme un document de Groupe de crise international ou s'il s'agit
19 d'éléments d'information extraits de documents du Groupe de crise
20 international.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Ceci n'est pas très clair,
22 en tout cas, du côté de l'Accusation. Vous pouvez poursuivre, Maître
23 Visnjic.
24 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pour ce qui est de ce qui a été dit à
25 propos du Groupe de crise international et de la protection en vertu de
26 l'article 70 avant la pause, maintenant ce document nous a été communiqué.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, je vais revenir plus tard.
28 Terminons-en d'abord avec cette question.
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1 Maître Visnjic, poursuivez. Vous avez la parole.
2 M. VISNJIC : [interprétation]
3 Q. Très bien. Donc, je me rapporte aux pages 22 et 23. Monsieur
4 Haxhibeqiri, nous allons maintenant vous poser des questions.
5 Dans votre propre formulaire, vous avez dit que les différentes
6 possibilités qui s'offraient au témoin étaient celles-ci : c'est soit le
7 crime a été commis par l'armée, soit par la police, soit par des
8 paramilitaires, soit par des civils. C'était le type de rubrique qui
9 existait; c'est cela ?
10 R. [aucune interprétation]
11 Q. Toujours, y a-t-il d'autres possibilités ou d'autres rubriques dans
12 votre formulaire ?
13 R. Encore une fois, je n'ai pas de réponse à vous donner. Je vais --
14 Q. Encore une fois, la réponse n'a pas été retranscrite. Je peux vous
15 reposer la question.
16 R. Je ne sais pas, mais si vous savez quelque chose, faites-le-moi savoir.
17 Pour l'instant, je ne sais pas.
18 Q. Un instant, s'il vous plaît. Je dois vous reposer la question encore
19 une fois, parce que votre réponse n'a pas été consignée au compte rendu.
20 Est-il exact de dire que dans votre formulaire il n'y a que les cases
21 suivantes :Pour les auteurs des crimes, l'armée, la police, les
22 paramilitaires et les civils ?
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. Merci.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'avez-vous répondu ? Qu'avez-vous
26 répondu à cette question ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] On m'a demandé de lire le document ? On m'a
28 demandé de dire si j'étais d'accord avec la façon dont le document du
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1 Groupe de crise international a rédigé le document.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas la question qui vous
3 a été posée. La question qui vous a été posée est : "Dans ces formulaires
4 utilisées par votre organisation, il n'existe que ces rubriques suivantes :
5 Pour les auteurs de crimes, l'armée, la police, les paramilitaires et des
6 civils"; est-ce exact ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Visnjic.
9 M. VISNJIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur Haxhibeqiri, ces différentes rubriques s'appliquaient à tous
11 les crimes, que ce soit des meurtres, des enlèvements, réinstallation,
12 expulsion forcée ?
13 R. Oui, oui.
14 Q. Bien. Monsieur Haxhibeqiri, je vais maintenant vous poser cette
15 question. En tant qu'enquêteur chevronné, puisque vous avez mené à bien un
16 grand nombre d'interviews, est-ce que ces recherches ont été faites auprès
17 de la communauté rome ? Est-ce qu'on leur a remis ce type de formulaire ?
18 Si les Rom étaient partis parce que leurs maisons avaient été bombardées
19 par l'OTAN, est-ce que c'est quelque chose qu'ils auraient pu inscrire dans
20 un de vos formulaires ? Est-ce qu'il y a de la place pour cela ?
21 R. Dans certain cas, oui. Ils venaient au bureau du Groupe de crise
22 international et faisaient état de leur cas.
23 Q. Est-ce que vous me dites qu'il existe des formulaires sur lesquels on
24 indique que le bombardement de l'OTAN était la raison pour laquelle
25 certaines personnes étaient réinstallées ou que certaines personnes étaient
26 chassées ou que certaines personnes s'en allaient ?
27 R. L'expulsion était une expulsion forcée, elle n'était pas due au
28 bombardement de l'OTAN. Des Albanais n'ont pas fui parce qu'ils avaient
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1 peur.
2 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, --
3 R. Laissez-moi terminer.
4 Q. Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît.
5 R. L'OTAN n'a pas semé la crainte parmi les Albanais comme vous le laissez
6 entendre.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez écouter la question qui vous
8 est posée. Cela n'est pas à vous de décider de ce que vous voulez dire.
9 Vous avez des obligations eu égard à cette Chambre que cela vous plaise ou
10 non. On vous demande de répondre aux questions qui vous sont posées. Cela
11 fait maintenant presque trois jours que vous êtes ici, en tout cas plus de
12 deux jours, c'est certain, et vous devez maintenant comprendre ce que l'on
13 attend de vous. Vous êtes une personne intelligente. Je ne vais pas être
14 distrait et ne pas essayer de comprendre quelle est la vérité ici parce que
15 vous ne répondez pas aux questions qui vous sont posées.
16 La question qui vous est posée ici, on parle du formulaire utilisé.
17 La question qui vous est posée est celle-ci : existe-t-il une rubrique pour
18 toute personne qui se présente dans vos bureaux, qu'il soit Rom, Albanais
19 ou autres, est-ce que quelqu'un peu venir et dire : "J'ai quitté ma maison
20 parce que je craignais le bombardement de l'OTAN." Est-ce que vous pouvez
21 répondre à cette question, s'il vous plaît ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, personne n'a fait cela.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous répondez à une question
24 différente. La question que je vous pose : existe-t-il une rubrique dans
25 votre formulaire ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Dans le formulaire il n'y avait pas de
27 rubrique à cet effet. Je vous l'ai expliqué à plusieurs reprises. Vous avez
28 le formulaire. Vous pouvez regarder vous-même.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyez-vous, Maître Visnjic, je crois
2 qu'il y a également quelque chose qu'il faut signaler. Bon nombre de ces
3 questions sont formulées de telle façon que les réponses semblent évidentes
4 et pourraient être débattues par la suite. Etant donné que la réponse
5 semble évidente peut-être que le témoin se pose la question et se dit que
6 tout ceci semble tout à fait évident. Il doit y avoir quelque chose de plus
7 subtil ici. Il doit y avoir une nuance qui nous échappe et le témoin ne
8 comprend pas pourquoi il doit répondre à cette question. Je crois qu'il
9 faut poursuivre.
10 Je crois que vous êtes tous les deux fautifs ici par rapport à la
11 manière dont les choses sont présentées. Il suffit simplement de regarder
12 le formulaire et de constater qu'à aucun moment il y a une rubrique qui
13 permet de dire à quelqu'un qu'elle est partie parce qu'elle craignait les
14 bombardements de l'OTAN.
15 M. VISNJIC : [interprétation] Bien. Monsieur le Président, je ne dispose
16 pas de son formulaire donc ce qui me limitait un petit peu. Autre chose. Si
17 vous regardez son formulaire -- puis-je poursuivre ou plutôt en terminer ?
18 Si vous regardez son formulaire, si vous regardez le formulaire que vous
19 avez sous les yeux, et si c'est exact que ces deux formulaires émanent de
20 la même organisation, à ce moment-là évidemment cela paraît tout à fait
21 évident que quelqu'un a traduit le formulaire de façon différente. En tout
22 cas, le formulaire électronique dont nous disposons ou en tout cas, pour ce
23 qui est de son formulaire, on ne peut pas répondre différemment. C'est, en
24 tout cas, la question que je lui pose.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est beaucoup trop
26 compliqué pour ce témoin. On ne sait même pas qui était l'interrogateur, et
27 pour ce qui est du formulaire de Deda, on ne sait pas quel est le lien ici.
28 Ceci a été tapé à la machine un peu plus tard par rapport à la déclaration
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1 initiale, et je crois qu'on tourne en rond très honnêtement.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu
3 d'audience, je souhaiterais déclarer qu'à la page 54, ligne 19, qu'une
4 partie de la réponse du témoin a été attribuée au Juge Bonomy.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez poursuivre, ceci a été noté.
6 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète. Concernant la version tapée à la
7 machine il semblerait que celle-ci ait été préparée plus tard à une date
8 ultérieure et à partir de documents qui ont été écrits à la main.
9 M. VISNJIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur Haxhibeqiri, vous nous avez dit que dans certains cas, si j'ai
11 bien compris votre réponse, les Rom sont effectivement venus dans vos
12 bureaux, soit pour rencontrer les gens du Groupe de crise international et
13 ont fait état de cas de leur départ de chez eux à cause des bombardements
14 de l'OTAN; ceci est exact, n'est-ce
15 pas ?
16 R. Non. Je n'ai aucune connaissance de déclaration à cet effet, pour
17 prouver qu'ils sont partis à cause des bombardements de l'OTAN. Je ne suis
18 pas au courant de tel cas. Peut-être qu'il y avait quelques cas isolés de
19 gens qui déclaraient qu'ils étaient partis parce qu'ils craignaient les
20 bombes.
21 Q. Avez-vous consigné ceci par écrit quelque part ?
22 R. De quel cas voulez-vous parler ? Est-ce que vous pourriez être plus
23 clair, s'il vous plaît ?
24 Q. Je parle de ce que vous venez de nous déclarer. Vous avez dit qu'il y
25 avait peut-être quelques cas isolés de personnes qui ont dit qu'elles sont
26 parties parce qu'elles avaient peur des bombardements. Vous souvenez-vous
27 avoir consigné de tels cas ?
28 R. Oui. C'était le cas d'enfants qui ont été très traumatisés et qui
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1 avaient du mal à supporter dans le bombardement dans le village d'Ivica
2 Brod [phon]. C'est là où se trouvait la base militaire.
3 Q. Avez-vous remis ces éléments d'information sous une forme quelconque au
4 Groupe international ou au bureau du Procureur ?
5 R. De quels éléments d'information voulez-vous parler ?
6 Q. L'information relative à ce que vous avez dit : "La pression exercée
7 sur les enfants très traumatisés qui ne pouvaient pas supporter les
8 bombardements dans le village où se trouvait la base militaire."
9 R. Je réponds à votre question. Vous m'avez demandé s'il y avait des gens
10 qui craignaient les bombardements de l'OTAN et je vous ai dit, oui. Je ne
11 sais pas si quelque chose a été consigné par écrit. J'ai dit simplement que
12 les enfants avaient peur de cela.
13 Q. Mais vous venez de dire --
14 R. Je puis vous assurer que personne ne craignait l'OTAN.
15 Q. Mais en réponse à ma question, je vous ai demandé si vous avez ceci par
16 écrit. Vous avez répondu par l'affirmative, dans le cas d'enfants qui sont
17 soumis à des pressions fortes, et cetera. Vous avez consigné ceci quelque
18 part et vous avez répondu par l'affirmative. Je souhaite maintenant
19 compléter ma question. Avez-vous informé le Groupe de crise international
20 de cela ou le bureau du Procureur de ce Tribunal ?
21 R. Ils avaient leurs propres représentants sur place. Le Groupe de crise
22 international a préparé des rapports. Je ne sais pas si vous avez lu ce
23 rapport et ils ont souvent tirés des conclusions de cette situation.
24 Q. Très bien, Monsieur Haxhibeqiri. Merci. Nous allons poursuivre.
25 Très rapidement, je vous demande de bien vouloir regarder votre
26 déclaration à la page 4, paragraphe 2, dans la version en B/C/S, paragraphe
27 1 du texte anglais et paragraphe 1 de la version albanaise.
28 Monsieur Haxhibeqiri, avant de passer à cette question-là, je vais vous
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1 poser une autre question sur le Groupe de crise international. Avez-vous
2 reçu une quelconque formation avant de travailler pour le Groupe de crise
3 international ? J'entends par là, une formation dans le domaine des
4 techniques d'entretien.
5 R. Oui.
6 Q. Qui vous a formé ?
7 R. Le personnel du Groupe de crise international.
8 Q. Merci.
9 R. Je vous en prie.
10 Q. Nous allons revenir au paragraphe 1 de la version albanaise de votre
11 déclaration. Dans la deuxième partie de ce paragraphe, vous parlez de
12 quelqu'un qui s'appelait Dragutin Prentic et dans votre déclaration, vous
13 dites ce qui suit --
14 R. Cela ne se trouve pas dans le premier paragraphe.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le premier paragraphe qui se
16 trouve à la page 4.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai trouvé.
18 M. VISNJIC : [interprétation]
19 Q. Oui. Vous avez évoqué un incident à propos duquel il a écrit un
20 article.
21 R. Ce n'était pas moi. C'était le témoin.
22 Q. Après la publication de cet article, les employés de la poste ont été
23 licenciés. Voici ma question : en quelle année cet article a-t-il été
24 publié et à quelle période fait référence cette partie de votre
25 déclaration ?
26 R. 1999.
27 Q. Monsieur Haxhibeqiri, vous me dites que Dragutin Prentic a publié un
28 article en 1999 et qu'après la publication dudit article, tous les Albanais
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1 qui avaient des postes au sein des bureaux de poste, tous les employés ont
2 été licenciés ? C'est bien ce que je dois comprendre ?
3 R. Non. L'année n'est pas précisée du tout.
4 Q. C'est moi qui vous pose la question. Je vous demande en quelle année
5 cet article a été publié ?
6 R. Cet article a été publié la veille, après que les mesures de répression
7 très fortes ont été introduites dans les bureaux de poste de la ville.
8 Q. C'était en quelle année ?
9 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous donner l'heure exacte mais je vous
10 ai dit de quelle époque il s'agissait. Cela allait de l'année 1990 à
11 l'année 1993.
12 Q. Bien, Monsieur Haxhibeqiri.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la réponse a été
14 correctement consignée ? A l'origine, vous avez dit que c'était 1999. Quand
15 ceci est-il arrivé ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. J'ai dit du début des années 1990 à
17 1999. C'est à ce moment-là que les rôles ont commencé à s'inverser.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous pose une question très précise
19 à propos d'un article rédigé par Dragutin Prentic. Vous dites que ceci
20 correspond à la veille du jour où les salariés albanais de la poste ont été
21 licenciés. Quand cela s'est-il produit ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que cela devait se situer entre
23 l'année 1990 et l'année 1993, environ. Je pense que c'est à ce moment-là
24 que cela s'est passé.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, vous avez la parole.
26 M. VISNJIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur Haxhibeqiri --
28 R. Oui ?
Page 1280
1 Q. Vous avez conclu que cet homme exerçait une influence politique
2 importante sur la base d'un article publié dans le journal en 1993. Est-ce
3 que je vous ai bien compris ?
4 R. Non, non. Ce n'était pas sur la base d'un seul article. Il a écrit
5 plusieurs articles avant même la fermeture d'une organisation et bien
6 avant que certaines mesures de répression ne soient introduites. Il a
7 publié ces articles dans un journal serbe.
8 Q. Alors, je vais vous poser les questions suivantes : cet homme exerçait-
9 il une quelconque influence politique en 1999 ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous fondez votre allégation sur ces articles de journaux qui ont été
12 publiés entre 1990 et 1993 ?
13 R. Non. Il avait été nommé directeur de Radio Djakovica à l'époque. Il a
14 été nommé directeur. Cela s'appelait Radio Djakovica à l'époque.
15 Q. Fort bien.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel moment -- un instant, s'il vous
17 plaît. Quand dites-vous qu'il a été nommé directeur de Radio Djakovica ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Occupait-il toujours ce poste en
20 1999 ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout le temps.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes occupaient ce poste. Il n'y avait
24 pas d'Albanais. Il s'agit là d'un organe de répression.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 M. VISNJIC : [interprétation]
27 Q. Bien, Monsieur Haxhibeqiri. Vous poursuivez en disant dans ce même
28 paragraphe que des témoins ont vu qu'à Meja, le 27 avril, il a filmé toute
Page 1281
1 la scène avec une caméra. Pourriez-vous me dire quelles sont ces personnes
2 qui l'ont vu à Meja avec sa caméra ?
3 R. Oui. Je dois reprendre mes dossiers pour retrouver les noms des
4 personnes qui l'ont vu et qui le connaissaient personnellement.
5 Q. Bien. J'espère que nous pourrons tirer ceci au clair pendant le procès.
6 Je vous demande maintenant de bien vouloir répondre à la question suivante
7 : vous dites que le matin, il portait un masque et que dans l'après-midi il
8 ne portait pas de masque. Pourriez-vous nous expliquer ceci ?
9 R. Cela dépend évidemment toujours des témoins. Un témoin l'a vu porter un
10 masque noir le matin. Il y avait juste deux trous pour les yeux. Il
11 s'agissait de consigner l'événement, mais l'après-midi il ne portait pas de
12 masque. Oui, c'est bien comme cela que cela s'est passé.
13 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, le moment se prête
14 peut-être bien à la pause déjeuner ? J'aurais encore au maximum besoin de
15 cinq minutes après la pause déjeuner, bien sûr en fonction des réponses
16 qu'il me donnera, mais pas plus de cinq minutes, je pense.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivez. Essayons de terminer votre
18 contre-interrogatoire avant la pause déjeuner.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Fort bien, merci.
20 Q. Dites-moi ceci, Monsieur le Témoin : si je vous soumets l'hypothèse qui
21 est de dire que votre organisation accuse pratiquement tous les Serbes de
22 Djakovica d'avoir commis des crimes de guerre afin d'empêcher ou de limiter
23 le retour de ces Serbes, est-ce que mon hypothèse serait la bonne ?
24 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ? Je n'ai pas vraiment
25 compris.
26 Q. Monsieur Haxhibeqiri, serait-il exact de dire que votre organisation
27 accuse presque tous les Serbes de Djakovica d'avoir commis des crimes de
28 guerre, afin d'empêcher ou de limiter le retour de ces Serbes à Djakovica ?
Page 1282
1 R. Le retour des Serbes à Djakovica est limité par le grand nombre de
2 victimes. Il y a eu 1 254 victimes. Il ne leur est pas possible de revenir,
3 parce qu'il y a 280 cadavres qui n'ont pas été enterrés, qu'on a trouvés en
4 Serbie ou ailleurs. Vous le savez peut-être mieux que moi. C'est pour cela
5 que ces gens ne peuvent pas revenir en Serbie. Ils n'ont pas la conscience
6 tranquille en raison des crimes qu'ils ont commis.
7 Q. Monsieur Haxhibeqiri, ceci concerne tous les Serbes; c'est bien cela ?
8 Tous les Serbes de la municipalité de Djakovica ?
9 R. Je parle de tous ceux qui ont commis des crimes, que ce soit des Serbes
10 ou des Monténégrins.
11 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
12 n'ai pas d'autres questions.
13 M. IVETIC : [interprétation] Je ne sais pas si le témoin l'a dit. Le témoin
14 aurait dit que les Serbes ne pouvaient pas rentrer en Serbie. Est-ce qu'on
15 pourrait préciser ceci ? C'est la ligne 21 de la page 61. On dit, dans la
16 réponse du témoin que : "C'est la raison pour laquelle ces Serbes ne
17 peuvent pas rentrer en Serbie."
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, vous avez donné
19 une explication en disant que c'est en raison du nombre de victimes, de
20 corps qu'on a retrouvés en Serbie, que ces gens n'ont pas la conscience
21 tranquille et que c'est pour cela qu'ils ne peuvent pas, avez-vous dit
22 revenir ou --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné le grand nombre de victimes, nous
24 parlons de 1 254.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais où ces gens ne peuvent-ils
26 plus rentrer pour cette raison-là ? Au compte rendu d'audience, c'est la
27 Serbie qui est indiquée comme l'endroit où ils ne peuvent plus rentrer.
28 Est-ce bien ce que vous avez dit ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. On m'a demandé pourquoi ces gens ne
2 pouvaient pas rentrer à Gjakova et je vous ai montré pourquoi. C'est pour
3 cela qu'ils ne peuvent pas rentrer à Gjakova. C'est en raison des crimes
4 qu'ils ont commis.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien. Les choses sont maintenant
6 au clair.
7 Après la pause déjeuner, Maître O'Sullivan, vous aurez l'occasion, si vous
8 le voulez, de poser des questions à propos de l'existence de ces documents,
9 du lieu où ils peuvent se trouver. Ce sera une question séparée. Si vous
10 estimez qu'il y a nécessité de poser des questions à propos du lieu où se
11 trouvent certains documents et de leur identité, vous pourrez le faire.
12 Les Juges auront alors plusieurs questions à poser au témoin. Il faudra
13 peut-être que nous demandions des éclaircissements à
14 M. Hannis, et en fonction de cela, nous pourrons poser des questions.
15 M. HANNIS : [interprétation] Deux questions supplémentaires uniquement.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien sûr, bien sûr. Mais si nous
17 posons, nous, des questions, ceci va peut-être donner lieu à plusieurs
18 questions de contre-interrogatoire avant que vous vous ne posiez vos
19 questions supplémentaires. Ceci dépendra de l'opportunité de nos questions.
20 Une dernière question avant la pause, Monsieur Haxhibeqiri. Vous avez
21 fait référence à plusieurs documents au cours de votre déposition, dont
22 vous avez dit que vous pourriez nous les remettre. Il y a notamment à
23 l'hôtel un document qui concerne des détails concernant les pouvoirs
24 qu'avait la cellule de Crise. Est-ce que vous avez désormais ce document
25 sur vous ?
26 R. Oui.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Ce n'est pas nécessaire d'en
28 parler maintenant. Si vous l'avez, nous pourrons en parler cette après-
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1 midi.
2 Nous reprendrons à 14 heures 10.
3 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 39.
4 --- L'audience est reprise à 14 heures 11.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, vous avez la
6 parole.
7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous ne voulons pas insister. Nous
8 n'allons pas revenir sur ce point.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
10 Questions de la Cour :
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, juste avant la
12 pause déjeuner, vous nous avez montré un document. Nous aimerions
13 maintenant l'avoir, est-ce possible ?
14 Ce document, qui vient de nous être remis, porte la date du 31 mars
15 1999. Est-ce que ceci a été établi en serbe ou en albanais ?
16 R. En serbe.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A première vue, même pour moi, de
18 prime abord, j'ai l'impression que ceci s'inscrit dans le sens qui était
19 présenté. Manifestement, il faudra en faire la traduction. Voici ce que
20 nous allons faire. Ce document va recevoir une cote provisoire, pièce de la
21 Chambre qui recevra une cote provisoire d'identification en attente de
22 traduction. Les parties auront peut-être des commentaires à faire après
23 traduction et après la pièce peut devenir définitive.
24 Y a-t-il des objections s'agissant de cette façon de procéder ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, pas de notre côté.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre chose, Monsieur Haxhibeqiri.
27 Aujourd'hui, vous avez fait mention d'une liste. J'espère que je ne me
28 trompe pas sur le nombre de personnes repris dans cette liste, je pense
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1 qu'il y avait eu 37 personnes tuées à Jablanica. La question vous avait été
2 posée dans un contexte différent. Est-ce que ce sont 37 personnes qui ont
3 été tuées.
4 R. Vingt-sept, mais cela n'a pas été à Jablanica. C'était à la rue Asim
5 Vokshi, dans la ville Gjakova.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me suis trompé. C'est sans doute le
7 mauvais chiffre que j'ai donné qui vous a induit en erreur. Lorsque Me
8 Cepic a commencé son contre-interrogatoire ce matin, il vous a posé des
9 questions concernant des événements qui sont survenus à Jablanica. Il a
10 parlé de la mort de 16 civils. Vous avez notamment donné cette réponse.
11 Vous avez dit que vous aviez une liste, la liste de 40 Albanais qui
12 auraient été tués dans ce village.
13 R. Oui, oui, c'est la liste de toutes les personnes qui ont été tuées.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais voir ce document; est-ce
15 possible ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce document-ci est un document
18 bien plus long qu'un document qui reprendrait 40 noms. Ici, il y a en tout
19 586 personnes. Quel est ce document ?
20 R. Les deux listes donnent les noms d'une quarantaine de personnes de
21 Jablanica qui ont été tuées à Jablanica, en ordre alphabétique. Et là, où
22 vous voyez la rubrique commençant par la lettre J, Jablanica, vous verrez
23 les personnes qui ont été tuées à Jablanica.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites, en ordre alphabétique.
25 C'est vrai pour les deux listes, mais c'est l'ordre alphabétique du nom des
26 victimes, pas en fonction du lieu.
27 R. Non, ce n'est pas l'ordre alphabétique des lieux. C'est vrai.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne trouve pas le nom de Jablanica
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1 dans cette liste que j'examine pour l'heure. Un instant, s'il vous plaît.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous retrouvez peut-être ceci dans la rubrique
4 du nom en albanais de Shqiponja, qui était le nom qu'on a donné à Jablanica
5 après la guerre.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je constate qu'en fait dans un des
8 documents on fait référence à des personnes de Jablanica. Manifestement,
9 les choses sont bien plus compliquées que la seule question d'une liste
10 reprenant 40 noms de victimes de Jablanica. Par conséquent, voici ce que va
11 faire la Chambre de première instance : elle va remettre les documents au
12 témoin. L'Accusation verra peut-être un certain intérêt à examiner la
13 question de plus près et s'il est utile dans l'intérêt de la justice de
14 présenter ces documents à la Chambre, l'Accusation le fera, mais nous, nous
15 n'avons pas l'intention de le faire. Avez-vous des objections par rapport à
16 cette façon de procéder ?
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit signe négatif de la Défense.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
19 Je suppose qu'il y a un document qui va recevoir la première cote en tant
20 que pièce de la Chambre. Nous ne nous occuperons des zéros qui précèdent
21 les chiffres. Selon nous, ce sera une pièce de la Chambre. C pour Chambre
22 et 1 -- on n'a même pas besoin du I qu'on avait prévu en anglais.
23 M. VISNJIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
25 M. VISNJIC : [interprétation] En ce qui concerne ce document, la première
26 pièce dont vous venez parler, la pièce C1, pourrons-nous recevoir une
27 copie ?
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Ce sera distribué dès que
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1 cela aurait été photocopié.
2 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il ne reste plus qu'un sujet, je
4 pense. Je ne sais pas s'il sera complexe; nous allons voir.
5 Monsieur Hannis, ceci est manifesté très clairement au cours de
6 l'interrogatoire principal du témoin. Il avait le sentiment qu'il avait des
7 connaissances personnelles des événements, bien plus nombreuses, en tout
8 cas des connaissances qui étaient plus proches que ce qui a été présenté,
9 notamment, en ce qui concernent des meurtres. Il estimait n'avoir pas eu la
10 possibilité d'en parler vu les modalités du recueil de sa déclaration.
11 Sachant ceci, vous avez décidé de ne pas aller plus loin. Vous avez peut-
12 être plusieurs raisons pour avoir pris cette décision. Je le comprends.
13 Cependant, la Chambre s'inquiète d'une chose. Si le témoin a des
14 connaissances personnelles de sujets pertinents au regard de l'acte
15 d'accusation, je pense qu'il doit avoir l'occasion et l'opportunité de
16 s'expliquer. Inutile de le faire s'il a des connaissances qui ne sont pas
17 en rapport avec les chefs d'accusation retenus dans l'acte d'accusation.
18 Est-ce pour cela que vous n'avez pas insisté ?
19 M. HANNIS : [interprétation] Pour ce qui est des assassinats, je croyais
20 qu'on avait posé la question et qu'elle avait reçu réponse. Le témoin a
21 peut-être vu des corps, des cadavres, peut-être quelques heures après la
22 commission de ces crimes, mais il n'a pas été témoin oculaire de ces
23 assassinats. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas été plus loin.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
25 Monsieur Haxhibeqiri, vous avez suivi la discussion que je viens d'avoir
26 avec M. Hannis. Nous tenons absolument à ce que vous, vous ayez la
27 possibilité et l'occasion de relater aux Juges tout élément dont vous avez
28 une connaissance personnelle, une expérience immédiate et directe dont vous
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1 pensez qu'elle peut nous aider. Pour autant, bien sûr, qu'elle soit en
2 rapport avec des événements disons qui se sont déroulés en 1998 et jusqu'au
3 mois de juin 1999. Je pense surtout à la connaissance personnelle que vous
4 pouvez avoir d'assassinats, de meurtres dont vous pensez qu'il s'agit d'un
5 acte criminel.
6 Je ne veux pas vous entendre faire des déclarations générales sur ces
7 connaissances que vous avez éventuellement. Je veux savoir s'il y a des
8 événements particuliers qui ne sont pas mentionnés dans votre déclaration
9 préalable mais dont vous auriez une connaissance personnelle immédiate. Au
10 cours de votre audition vous avez parlé de l'assassinat de quatre
11 personnes. Ceci n'a pas été détaillé dans votre déclaration. Vous avez
12 ajouté que ce n'était pas là tout ce que vous saviez. Maître Sepenuk, je ne
13 sais pas si c'est quelque chose important mais je me demande --
14 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, avec tout le respect que je vous dois,
15 je pense qu'effectivement, Monsieur le Président, ce témoin est un témoin
16 cité en application de l'article 92 bis, ceci étant, nous nous attendions à
17 ce que sa déposition se borne à la déclaration, et quand on voit le libellé
18 du 92 bis, il prévoit uniquement une déposition qui cadre avec la
19 déclaration préalable.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous en avons déjà discuté, mais,
21 vraiment, je ne vois pas comment vous pouvez avoir cette interprétation
22 parce qu'on dit clairement que : "la Chambre peut admettre en tout ou en
23 partie les propos du témoin."
24 M. SEPENUK : [interprétation] 92 bis A, on dit : "en tout ou en partie,"
25 c'est vrai, on parle de "la déposition d'un témoin sous forme de
26 déclaration écrite à la place d'une déposition de vive voix," donc nous
27 croyons comprendre que cette déclaration écrite, c'est tout ce qu'il peut
28 y avoir, que si on va au-delà, on ne reste plus dans les termes de
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1 l'article 92 bis. J'ajouterais uniquement ceci sauf le respect que je vous
2 dois, car je sais que vous devez comprendre les faits, et je le dis aussi
3 de façon respectueuse envers le témoin qui a fourni une déclaration très
4 généralisée, très générale, presque en tant qu'argument général, en disant
5 qu'il va attendre de ce témoin qu'il va maintenant être très précis, c'est
6 trop attendre le lui.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous contestez au fond la capacité
8 qu'aurait la Chambre de maîtriser les éléments de preuve qu'elle cherche à
9 obtenir d'un témoin. Vos inquiétudes sont loin d'être fondées. Je rejette
10 cette idée.
11 Vous dites tout d'abord quelque chose que je ne parviens vraiment pas
12 à comprendre. L'article dit que la Chambre peut admettre en tout ou en
13 partie les éléments de preuve présentés par un témoin sous la forme d'une
14 déclaration écrite au lieu et place d'un témoignage oral. Evidemment, ce
15 qui est écrit, c'est à la place de témoignage oral. Cela ne veut pas dire
16 pour autant qu'il ne peut rien y avoir d'oral. De plus, la Chambre a un
17 droit bien précis -- et je cherche cet article. Elle a le droit de poser
18 des questions qu'elle veut poser au témoin. Prenez l'article 85, par
19 exemple, l'article 85(B). On dit que : "C'est la partie qui cite un témoin
20 qui devra, bien sûr, procéder à un interrogatoire principal mais à tout
21 stade de la comparution, les Juges peuvent poser des questions."
22 M. SEPENUK : [interprétation] Au 92 bis, je pense qu'on donne les
23 spécificités qui régissent le caractère général.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je rejette cette interprétation, et je
25 pense que c'est le cas de mes collègues aussi, l'interprétation que vous
26 faites de l'article 92 bis.
27 [La Chambre de première instance se concerte]
28 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président ?
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
2 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi
3 simplement d'effleurer un aspect. C'est à mes yeux très important. C'est en
4 rapport avec quelque chose que vous avez mentionné rapidement hier. Nous
5 nous trouvons ici dans une situation où le témoin n'a pas bien été préparé.
6 L'équipe précédente de l'Accusation qui a préparé la déposition de ce
7 témoin n'a manifestement pas fait de bon travail, et nous avons un témoin
8 qui présente des faits aux Juges de la Chambre, et l'enquête de
9 l'Accusation a duré sept ans, un temps largement suffisant pour examiner et
10 enquêter sur ces faits.
11 Mais cela n'a pas été fait. Maintenant, nous avons un témoin qui
12 présente des faits des plus graves puisqu'il s'agit de meurtres. Nous
13 allons même peut-être l'entendre parler de faits concernant les actes et
14 comportements des accusés. Nous sommes face à des faits tout à fait
15 nouveaux dont nous prenons connaissance pour la première fois alors que la
16 déposition du témoin a déjà commencé. Comment voulez-vous que la Défense
17 conteste valablement la crédibilité de tout ce que risque de dire ce
18 témoin. Toute une série d'articles du Règlement concernant la
19 communication. L'essentiel, c'est que tous ces articles cherchent à
20 permettre à la Défense de bien se préparer aux éléments de preuve. Il se
21 peut qu'aujourd'hui ou demain ce témoin ou un autre présente des éléments.
22 Or, la Chambre ne pourra -- la Défense ne pourra pas bien les contester,
23 parce qu'elle ne disposera pas des outils des éléments dont on aura besoin
24 pour le faire. Les accusés ont le droit de bénéficier d'une procédure
25 équitable et juste, et c'est un droit inaliénable. Bien sûr, tout ceci
26 relève du pouvoir discrétionnaire qu'ont les Juges de la Chambre, mais il
27 se peut que maintenant nous nous rapprochions d'une situation où les droits
28 à un procès équitable sont compris ou pourraient l'être. Merci.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne voulons pas nous
3 prononcer sur la qualité de la préparation de ce témoin. Il n'en demeure
4 pas moins, qu'aux yeux de la Chambre, même si, ou surtout si on n'a pas
5 obtenu du témoin des éléments de preuve importants au cours de la mise en
6 état de l'affaire, ou même auparavant, la Chambre manquerait à son devoir
7 qui est d'administrer la justice si elle n'essayait pas de sonder ce que le
8 témoin a peut-être la possibilité de dire.
9 La Chambre a beaucoup de mécanismes lui permettant de veiller au bon
10 respect des droits des accusés au fil du procès, surtout lorsqu'un procès
11 dure quelques années. Nous avons amplement le temps de résoudre toute
12 difficulté qui surgirait. Un procès est-il équitable ou pas. Cette
13 question, elle serait à la fin du procès, à moins qu'il n'y ait une faute
14 flagrante qui ne pourrait pas être corrigée plus tard. J'entends ce qui a
15 été dit. Mes collègues ont entendu également ce qui a été dit. Nous ne
16 pensons pas que la Chambre n'a pas le droit d'examiner plus loin tel ou tel
17 sujet, et nous respectons les intérêts des accusés, les intérêts supérieurs
18 de la justice, aussi lorsque nous intervenons pour poser des questions au
19 cours du procès.
20 Monsieur Haxhibeqiri --
21 R. Oui.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais que tout soit clair tout
23 d'abord à propos de ceci. Est-ce qu'à un moment donné en 1998 ou en 1999,
24 vous personnellement, vous avez vu quelqu'un qui aurait été tué suite à un
25 acte violent ?
26 R. J'ai vu des personnes qui ont été tuées, mais je ne les ai pas vues au
27 moment où elles étaient tuées.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après ce que vous avez pu en juger,
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1 après qu'une personne a été tuée, à quel moment avez-vous vu ce -- quelle
2 est la situation où vous avez le plus vite possible ou le plus tôt vu ce
3 corps ?
4 R. En l'espace de 12 heures.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est du fait du hasard ou
6 est-ce que c'est parce que quelqu'un vous avait contacté pour vous aviser
7 de la mort de cette personne ?
8 R. Ces gens étaient dans la rue à une cinquantaine de mètres de ma maison.
9 Je les ai vus en passant par là. Il y avait sept cadavres que j'ai vus. Je
10 connaissais trois de ces personnes, mais les quatre autres pas. Par la
11 suite, j'ai appris quels étaient leurs noms.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces sept cadavres que vous avez vus,
13 est-ce que vous les avez vus lors d'un seul incident ou est-ce que ce sont
14 des corps que vous avez vus au cours de plusieurs jours ?
15 R. Cela s'est passé le même jour. Un des corps est resté sur place quatre
16 jours. Les autres, ils ont été enlevés ce jour-là même.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ces éléments ne sont pas du
18 tout mentionnés dans votre déclaration préalable ?
19 R. Non.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez affirmé à un moment donné
21 que vous connaissez suffisamment de choses personnellement, du fait de vos
22 connaissances personnelles pour remplir 100 pages. Vous l'avez dit plus
23 d'une fois. Vu l'expérience personnelle qui vous concerne, pensez-vous
24 qu'il y a d'autres événements dont vous voudriez que nous parlions ? Je
25 parle d'événements pour lesquels vous avez le même degré de connaissance
26 que l'incident dont vous venez de parler.
27 R. [aucune interprétation]
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'entends pas l'interprétation.
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1 L'INTERPRÈTE : "J'ai vu de mes propres yeux un convoi. C'était le matin du
2 24 mars, le 27 mars, lorsque ces forces sont venues dans le quartier de
3 Blloku i Ri, et lorsqu'on a incendié, brûlé ce quartier. Plus de dix
4 maisons ont été brûlées. Huit personnes ont été tuées, ou plutôt sept, et
5 11 personnes ont été arrêtées."
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci est déjà mentionné dans votre
7 déclaration. Inutile d'y revenir. Laissons ceci de côté.
8 Y a-t-il d'autres événements dont vous voulez nous parler ?
9 R. Oui. Il y a notamment le cas de Cabrat. J'ai vu qu'il y avait des
10 combats. Je les ai observés depuis le toit de ma maison. Cela se passait à
11 300 mètres de la maison.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci s'est produit quand ?
13 R. Le 7 mai, et cela a duré jusqu'au 11 mai.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une fois de plus, ceci a déjà été
15 mentionné au cours de votre interrogatoire principal. Vous avez déjà eu
16 l'occasion d'en parler. Y a-t-il d'autres événements ?
17 R. Vous voulez parler de choses qui sont de mon vécu, qui relèvent de mon
18 expérience personnelle ?
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
20 R. Lorsque j'ai travaillé au Conseil de défense des droits de l'homme,
21 j'ai eu des personnes qui sont venues me voir, surtout au début de 1998
22 jusqu'à la veille des bombardements. Il y a eu des cas --
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une fois de plus, je pense que ceci a
24 déjà été examiné. L'Accusation a décidé de la façon dont on allait les
25 présenter, ces éléments. Inutile de revenir là-dessus puisque c'est une
26 décision qui a été prise par le bureau du Procureur.
27 Fort bien. Il n'y a qu'un sujet qu'il faudra étudier davantage. Est-
28 ce qu'il s'agissait de huit personnes dont vous avez parlé ? Oui. Vous avez
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1 vu ces cadavres un jour. Pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances
2 vous avez vu ces cadavres, ces corps dans la rue, et ce que vous savez à
3 propos de l'événement qui a provoqué la mort de ces personnes ?
4 R. Il s'agissait de civils. Ils ont été pris dans la rue alors qu'il y
5 avait des combats sur la colline de Cabrat, combats qui opposaient l'UCK et
6 les forces serbo-monténégrines. Ils sont entrés dans les maisons et ils ont
7 torturé ou tué tous ceux qu'ils ont trouvés dans ces maisons.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment le savez-vous ? Comment avez-
9 vous appris cela ?
10 R. Je l'ai vu des mes propres yeux. Je les ais vu mettre le feu à des
11 maisons pendant la journée et la nuit, tout le temps. Le lendemain, j'ai
12 entendu parler des victimes, ou peut-être le jour d'après. Au fil du temps,
13 j'ai appris combien de personnes étaient mortes.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y en a eu combien ?
15 R. Vous voulez dire en tout ? A peu près 106.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour évacuer tout doute possible,
17 rappelez-nous la date de cet événement.
18 R. A partir du 7 mai jusqu'au 11 mai.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, limitez-vous à parler de
20 ces sept corps. Comment se fait-il que vous les ayez vus ? Quand les avez-
21 vous vus, où et comment ces personnes sont-elles devenues des cadavres. Le
22 savez-vous ?
23 R. L'un d'entre eux s'appelait Ali Beqe Rama. J'ai vu son corps à 50
24 mètres de chez moi, de ma maison. Ce corps était au milieu de la rue. Deux
25 frères, Humaj, c'est comme cela qu'on les appelait, je les ai vus dans un
26 magasin qui se trouve à une cinquantaine de mètres de ma maison. Ils
27 avaient placé les corps à l'intérieur du magasin. Ils étaient recouverts de
28 sang. Je pouvais à peine les reconnaître. L'un d'eux avait ses papiers
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1 d'identité sur lui. C'est comme cela que l'on a pu l'identifier. Lorsque
2 j'ai quitté le magasin, ils m'ont dit que les deux frères avaient été tués.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand vous dites "ils" ont dit que les
4 deux frères avaient été tués, qu'entendez-vous par là ?
5 R. Les gens qui se trouvaient là, les gens de ce quartier. Ils avaient eu
6 connaissance des meurtres.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et les autres ? Vous dites qu'il y en
8 avait quatre autres.
9 R. Dans une autre rue près de la maison de ma tante, alors que j'allais
10 rendre visite à ma tante, j'ai vu les corps dans la rue. Ma tante avait
11 vidé sa maison, et j'ai vu les corps de loin, à une trentaine de mètres
12 environ. Plus tard, j'ai appris quels étaient les noms de ces personnes.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de combien de corps ?
14 R. Sept.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans cette ruelle auprès de la maison
16 de votre tante, vous dites qu'il y en avait combien ?
17 R. Quatre.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
19 R. Quatre.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quels étaient leurs noms ?
21 R. L'un s'appelle Florenc Sulejmani. Je ne connais pas les noms des
22 autres, mais je sais qu'ils sont enregistrés comme victimes, et qu'ils ont
23 été tués ce jour-là.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Savez-vous quelque chose à propos de
25 la manière dont ces quatre personnes ont été tuées ?
26 R. On leur a tiré dessus.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aurais dû vous poser cette question
28 par rapport aux deux frères et Ali Beqe Rama. Comment ont-ils été tués ?
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1 R. De la même façon, avec des balles. J'ai vu les deux frères et j'ai pu
2 les identifier moi-même.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous pose une
6 question un petit peu personnelle. La voici : est-ce bien votre nom ou est-
7 ce que vous y avez ajouté le préfixe Haxhi ? Cela signifie que vous avez
8 fait le pèlerinage ? Autrement dit, est-ce que vous avez fait le hajj ?
9 C'est à cela que je pensais.
10 R. Non.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si les conseils de la Défense
12 souhaitent parler entre eux de leur position, nous sommes disposés à lever
13 l'audience pour ce faire. Si les conseils de la Défense estiment que vous
14 souhaitez contre-interroger le témoin sur les questions qui ont été
15 soulevées, vous devriez le faire maintenant. Maître O'Sullivan ?
16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Une levée d'audience pendant dix minutes ?
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons lever l'audience et
18 reprendre à 15 heures 05.
19 --- L'audience est suspendue à 14 heures 53.
20 --- L'audience est reprise à 15 heures 09.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, est-ce que vous
22 pourriez nous dire quelle est la position de la Défense ? Est-ce que c'est
23 quelqu'un d'autre qui va se lever ? Maître Lukic ?
24 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, en général, je ne
25 m'occupe pas des questions administratives, mais cette fois-ci, parce que
26 c'est moi qui étais le premier à contre-interroger M. Haxhibeqiri, mes
27 collègues m'ont donné le pouvoir de parler au nom de tous. D'après ce que
28 j'ai compris de mes collègues, notre position est comme suit : nous
Page 1297
1 aimerions user de notre droit de rappeler ce témoin ultérieurement, car si
2 nous devons enquêter sur les questions qui ont été soulevées. Et si nous
3 constatons que les choses sont différentes de ce que prétend le témoin ou
4 ce qui est contenu dans sa déclaration, nous demandons, par conséquent, à
5 la Chambre d'avoir le droit de rappeler ce témoin.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il est tout à fait
7 approprié que vous en fassiez la demande dans des circonstances qui s'y
8 prêtent. Je reconnais que ceci peut être le cas. Cela dépend pour beaucoup,
9 évidemment, de ce qui va se présenter par la suite. Pour l'instant, vous
10 laissez les choses en l'état.
11 M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Je vous remercie.
13 Monsieur Hannis ?
14 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Il y a juste un point que je souhaitais
15 aborder peut-être, voire, même deux, et éviter au témoin peut-être de
16 revenir.
17 Nouvel interrogatoire par M. Hannis :
18 Q. [interprétation] Cela porte sur le document relatif à la cellule de
19 Crise, ce document que vous avez remis aux Juges cet après-midi. Est-ce que
20 vous pourriez nous dire comment vous êtes arrivé en possession de ce
21 document ? Quand l'avez-vous obtenu et de qui l'avez-vous obtenu ?
22 R. J'ai trouvé ce document dans le bureau de l'assemblée communale. Les
23 gens qui sont entrés dans les bureaux après la guerre ont emporté ces
24 documents et me les ont apportés dans mon bureau de façon à ce que je
25 puisse les placer dans mes archives.
26 Q. A quel moment ceci s'est-il fait ?
27 R. En l'an 2000.
28 Q. Savez-vous à quel moment en l'an 2000 ?
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1 R. Non.
2 Q. Et --
3 R. Je ne me souviens pas.
4 Q. Est-ce vous qui avez trouvé ce document, vous-même, à l'assemblée
5 communale - ce n'est pas très clair pour moi - ou est-ce que quelqu'un
6 d'autre ?
7 R. Ce n'est pas moi qui l'ai trouvé, mais d'autres me l'ont apporté; le
8 personnel de l'assemblée communale.
9 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom d'une de ces personnes qui vous
10 l'a apporté ?
11 R. Le corps de protection du Kosovo qui, à l'époque, s'appelait l'Armée de
12 libération du Kosovo, l'UCK, qui était en possession de ce document
13 également --
14 Q. Et --
15 R. -- parce que c'est eux qui avaient accès aux documents du MUP et
16 documents qui se trouvaient dans d'autres endroits après la guerre.
17 Q. Cet exemplaire que vous avez présenté à la Chambre, est-ce un document
18 que vous avez gardé dans vos bureaux depuis le moment où vous l'avez reçu
19 en l'an 2000 et le moment où vous l'avez apporté cette semaine ?
20 R. Oui, oui.
21 Q. Merci.
22 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Hannis.
24 Monsieur Haxhibeqiri, ceci met un terme à votre déposition. Je vous
25 remercie d'être venu devant ce Tribunal pour faire votre déposition. Vous
26 pouvez maintenant disposer.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges.
28 [Le témoin se retire]
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, qui est le
2 témoin suivant ?
3 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, notre témoin
4 suivant est Lizane Malaj. Je crois qu'elle est juste à la porte du
5 prétoire. Enfin, j'espère.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
7 L'INTERPRÈTE : Malaj, M-A-L-A-J.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a un léger problème au
9 sujet de l'admissibilité de la déclaration préalable du témoin précédent.
10 Il convient de ne pas l'oublier. Pouvez-vous, conseil de la Défense, me
11 rappeler qui opposait une objection ? Me Ivetic ou un autre conseil ?
12 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que c'était
13 Me O'Sullivan.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était Me O'Sullivan. Je suppose que
15 vous maintenez votre position, Maître O'Sullivan ?
16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous nous
17 opposons à l'admission de certaines parties de la déclaration préalable.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les pages 6 à 9 ?
19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, c'est cela.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce problème sera réglé en même temps
21 que les autres problèmes qui feront l'objet d'une décision de la Chambre,
22 qui sera rendue si tout va bien la semaine prochaine.
23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais également appeler votre
24 attention, Monsieur le Président, sur le paragraphe (A)(ii), sous-
25 paragraphe du paragraphe (b) en application de l'article 92 bis. Nous
26 maintenons notre objection par rapport à ces deux passages du texte,
27 objections qui sont comparables à celles que nous avons déjà exprimées par
28 rapport à la déclaration préalable, le 92 bis du témoin Abrahams. Nous
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1 disons que les conditions entourant le recueil de cette déclaration la
2 rendent peu fiable et impropre à l'admission, et que l'aspect préjudiciable
3 que comportent ces conditions, dépasse la valeur probante que pourraient
4 avoir ces passages du texte.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Faisons entrer le
6 témoin, Monsieur Hannis.
7 Maître Sepenuk, vous voulez la parole ?
8 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous nous
9 joignons à la requête présentée par Me O'Sullivan. Pour que tout soit
10 clair, nous ajoutons que la dernière partie de la déclaration préalable où
11 il est question d'un millier d'entretiens est en cause. Nous nous appuyons
12 sur les mêmes aspects juridiques que ceux qui ont déjà été avancés au sujet
13 du texte "as seen, as told," et du texte "under orders," pour demander que
14 cette partie de la déclaration préalable ne soit pas admise. Encore une
15 fois, Monsieur le Président, nous affirmons, et je sais que vous vous y
16 êtes déjà opposé, mais je présente ici mes arguments oralement. Nous
17 affirmons que cette déclaration ne doit pas être prise en compte par la
18 Chambre de première instance.
19 Enfin, une dernière chose, Monsieur le Président, qui concerne l'une
20 des pièces à conviction, à savoir, un petit livre intitulé : Génocide
21 contre la culture albanaise de Gjakova par les Serbes. Vous vous
22 souviendrez que dans ce livre, on trouve des photographies de la mosquée et
23 d'autres monuments, et nous n'avons pas d'objection à son versement au
24 dossier. Nous vous demandons, cependant, de laisser de côté, de ne pas
25 tenir compte du titre, à savoir, Génocide par les Serbes, car il ne s'agit
26 pas d'un génocide. Personne n'a été mis en accusation pour génocide dans la
27 présente affaire. Le génocide, c'est un mot qui a une signification
28 particulière, comme vous le savez tous, Monsieur le Président, Mesdames et
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1 Messieurs les Juges, et en général, il implique des assassinats commis dans
2 le but de détruire en tout ou partie un groupe national, ethnique, racial
3 ou religieux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Etant donné l'absence
4 d'accusations de génocide, je pense qu'il n'est pas convenable d'utiliser
5 ce terme au compte rendu d'audience.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous --
8 M. HANNIS : [interprétation] Puis-je m'exprimer, Monsieur le Président ?
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, vous voulez la parole ?
10 M. FILA : [interprétation] Un mot, je vous prie. Si nous sommes tous
11 d'accords avec ce qui vient d'être dit par un représentant de la Défense,
12 est-ce que nous devons les uns après les autres nous lever pour prendre la
13 parole et le dire ? Ou est-ce que cela peut être enregistré sans que nous
14 nous exprimions ? Car nous sommes tous d'accords sur ce qui vient d'être
15 dit.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La position était exprimée très
17 clairement dès le début s'agissant de cette objection, et vous vous y êtes
18 joints. Je considère que tous les conseils de la Défense partagent le même
19 point de vue sur cette question.
20 Monsieur Hannis, si j'ai omis un point, vous pouvez faire un commentaire,
21 mais s'agissant de ce que vient de dire Me Sepenuk au sujet du titre du
22 livre dont il a parlé, c'est un sujet qui peut être discuté, et cela sera
23 sans doute le cas en temps utile. Le fait que cet ouvrage, et le titre
24 qu'il a, est néanmoins un fait que nous devrons supporter pour le moment
25 jusqu'à ce que nous traitions de cette question particulière. Quant aux
26 autres arguments, ils seront pris en compte lorsque nous délibérons pour
27 rendre une décision sur cette question.
28 Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter, Monsieur Hannis ?
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1 M. HANNIS : [interprétation] Pas par rapport à cet ouvrage et aux
2 photographies qu'il présente. Il ne s'agit pas d'une pièce à conviction qui
3 a été versée au dossier pendant l'interrogatoire, mais le document était
4 soumis au témoin par le conseil de la Défense.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y est fait référence dans sa
6 déclaration préalable.
7 M. HANNIS : [interprétation] Oui, il y est fait référence dans sa
8 déclaration préalable. A mon avis, l'important c'était les photographies
9 qui sont présentées dans cet ouvrage, et ce qu'a dit le témoin à ce sujet.
10 Ce qui est vrai, c'est que si la Chambre souhaite que ces documents soient
11 présentés intégralement à un autre témoin, cela ne présentera pas de
12 problème.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Mais, en l'état, la
14 déclaration préalable de ce témoin stipule qu'un exemplaire de cet ouvrage
15 a été produit. Il fait partie de la pièce P330.
16 M. HANNIS : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, et je
17 suppose que nous en reviendrons à l'article 92 bis du règlement, qui
18 stipule qu'une déclaration préalable peut être admise intégralement ou en
19 partie.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
21 M. HANNIS : [interprétation] De même qu'un élément de preuve écrit en
22 partie ou intégralement.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le titre n'a absolument aucune
24 importance par rapport à la décision qui sera rendue par les Juges. Cela
25 doit être clair pour tout le monde. Ce titre est tel qu'il est. Il ne peut
26 pas être supprimé du compte rendu d'audience.
27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Quel est le nom ?
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Absolument. Par conséquent, nous
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1 allons maintenant attendre le témoin suivant, Mme Lizane Malaj.
2 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Encore
3 quelques mots au sujet d'une pièce à conviction. Cette pièce à conviction
4 est la déclaration préalable nous a été communiquée par l'Accusation au
5 même temps que tout un autre série de documents, et elle a été ajoutée sur
6 la liste des éléments de preuve de l'Accusation.
7 A l'heure actuelle, et c'est quelque chose que j'aimerais savoir pour
8 l'avenir également, lorsque l'Accusation nous remet un document tel que
9 celui que j'ai entre les mains, à savoir, un résumé des déclarations
10 préalables, au titre de l'article 65 ter, en même temps que tout un
11 ensemble de documents au titre de l'article 92 bis, est-ce que ces résumés
12 de déclarations sont considérés comme faisant partie de l'ensemble des
13 documents communiqués au titre de l'article 92 bis ? Si ce n'est pas le
14 cas, il faut en faire état précisément, car cela implique que le versement
15 au dossier doit se faire par une autre procédure que celle qui permet le
16 versement au dossier de tous les documents 92 bis. Nous avons reçu ce
17 résumé de déclarations séparément de l'ensemble de documents fournis au
18 titre de l'article 92 bis. Nous nous demandons s'il faut une demande de
19 versement au dossier séparée. Si ce document est considéré comme faisant
20 partie de l'ensemble des documents 92 bis, il n'y a aucun problème. Nous
21 pouvons l'utiliser immédiatement pour le contre-interrogatoire. Je ne sais
22 pas comment ce problème pourra être réglé pour l'avenir. Nous aimerions
23 être fixés. S'agissant des documents communiqués par l'Accusation, quels
24 sont les documents qui sont considérés comme faisant du lot communiqué au
25 titre de l'article 92 bis, et quels sont ceux qui éventuellement n'en
26 feront pas partie et doivent avoir un traitement différent ?
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, ce document est
28 mentionné comme faisant partie de la déclaration préalable du témoin. Le
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1 témoin a prononcé une déclaration solennelle selon laquelle il allait dire
2 la vérité. Il n'y a pas de raison de considérer le résumé de sa déclaration
3 comme quelque chose de différent. L'objection, quant à elle, ne portait que
4 sur le titre de l'ouvrage qui a été évoqué. Par conséquent, ce document est
5 considéré comme pertinent dans la mesure où il permet de voir un certain
6 nombre de photographies, et s'accompagne de certains commentaires. C'est de
7 cette façon que la Chambre traitera ce document, c'est-à-dire, comme
8 faisant partie de la déclaration préalable du témoin, dans la mesure où il
9 a une certaine pertinence par rapport à l'acte d'accusation. Ce sera le cas
10 de toutes les pièces qui seront soumises aux Juges en cas d'absence
11 d'objection de la part de la Défense. Vous devez partir du principe que ce
12 document fait partie de la déclaration préalable. Si vous souhaitez
13 discuter avec M. Hannis pour lui présenter une requête particulière, ceci
14 peut se faire informellement entre vous, sans que les Juges aient à
15 l'entendre.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Je regarde les conseils de la
18 Défense. Je vois qu'ils sont tous confortablement installés sur le siège.
19 Nous pouvons peut-être commencer.
20 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais savoir à quelle heure nous allons
21 faire la pause.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous allons commencer
23 l'audition avant la pause. Combien durera votre interrogatoire principal ?
24 M. HANNIS : [interprétation] Une demi-heure, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyons si nous pouvons avancer un peu
26 avant la pause, après quoi nous ferons la pause. Je ne pense pas que cela
27 épuisera quiconque dans le prétoire.
28 M. HANNIS : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Président.
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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Lizane Malaj, je vous
3 demanderais à présent de prononcer la déclaration solennelle dont le texte
4 vous est tendu à l'instant par Mme l'Huissière. Contentez-vous de lire ce
5 qui figure sur ce document, je vous prie.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
8 LE TÉMOIN: Lizane Malaj [Assermentée]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.
11 Madame Malaj, un certain nombre de questions vont à présent vous être posé
12 dans le cadre d'une procédure que vous ne connaissez peut-être pas très
13 bien. Je vous indique que M. Hannis commencera avec un certain nombre de
14 questions, après quoi les conseils des différents accusés auront la
15 possibilité de vous contre-interroger, ce qui implique parfois de mettre en
16 cause ce que vous avez dit dans votre déposition. C'est peut-être un
17 système que vous ne connaissez pas très bien, mais c'est celui qui
18 s'applique dans ce Tribunal, et qui est largement répandu dans de nombreux
19 endroits du monde. Ce que vous avez à faire c'est d'écouter attentivement
20 les questions qui vous sont posées et d'y répondre. Si les Juges de la
21 Chambre estiment qu'une question vous a été posée et qui n'est pas
22 acceptable, ils interviendront. Mais, en l'absence d'interventions des
23 Juges, votre tâche consiste simplement à écouter attentivement les
24 questions qui vous sont posées et à répondre à chacun des points de ces
25 questions. Voilà l'exercice qui va démarrer à présent et c'est M. Hannis
26 qui va commencer.
27 Monsieur Hannis ?
28 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
Page 1306
1 Interrogatoire principal par M. Hannis :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. J'aimerais vous poser quelques
3 questions au sujet de l'année 1999, mais avant tout, je vous demanderais de
4 dire quels sont vos noms et prénoms et d'indiquer votre date de naissance à
5 l'intention des Juges de la Chambre.
6 R. Je m'appelle Lizane Malaj et mon nom de famille s'écrit
7 M-a-l-a-j.
8 Q. Merci. Si je suis bien informé, vous êtes albanaise du Kosovo. En 1999,
9 vous vous êtes mariée et vous avez eu cinq enfants et vous résidiez à
10 Korenica dans la municipalité de Gjakova; c'est bien cela ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que la pièce P2232 soit soumise au
13 témoin en version papier. C'est un exemplaire de ses déclarations
14 préalables.
15 Q. Madame Malaj, j'aimerais que vous jetiez un coup à ces documents et que
16 vous disiez si vous avez souvenir d'avoir fait un certain nombre de
17 déclarations devant des représentants du bureau du Procureur de ce Tribunal
18 au cours des années 2000 et 2001 ?
19 R. Oui.
20 Q. Je ne sais pas si vous avez entendu ma question, Madame Malaj ? Les
21 interprètes vous demandent de vous rapprocher des micros de façon à ce
22 qu'ils puissent mieux vous entendre. Merci.
23 Avez-vous eu la possibilité de revoir ces déclarations avant de venir
24 dans ce prétoire aujourd'hui ?
25 R. Oui.
26 Q. Etes-vous convaincue que le contenu de ces déclarations correspond à la
27 réalité compte tenu de ce que vous avez dit dans votre déposition au sujet
28 des événements de 1999 ?
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1 R. Oui.
2 M. HANNIS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette
3 série de documents, Monsieur le Président.
4 Q. Madame Malaj, pouvez-vous nous dire d'abord quelle était l'importance
5 de la localité appelée Korenica ?
6 R. Korenica n'est ni une grande ni une petite localité. Elle se compose de
7 70 maisons environ. Je ne saurais vous dire combien exactement. C'est un
8 chiffre approximatif.
9 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des habitants de ce hameau ? La
10 population était-elle mixte ou était-elle composée de représentants d'un
11 seul groupe ethnique ?
12 R. Nous sommes tous albanais de souche et en majorité catholiques avec
13 quelques Musulmans parmi nous.
14 Q. Dans vos déclarations préalables, vous décrivez en général la situation
15 qui présidait à l'époque et vous dites que le lundi de Pâques, si je ne
16 m'abuse, en tout cas le 4 avril 1999, certains événements se sont produits.
17 Pouvez-vous dire rapidement aux Juges quels sont les événements qui ont
18 affecté votre famille ce jour-là ?
19 R. Le 4 avril dans l'après-midi, il nous a été dit que nous devions
20 quitter nos maisons. Nous sommes tous sortis, puis nous nous sommes
21 regroupés, et il nous a été dit que nous ne pouvions circuler qu'à bord de
22 nos tracteurs, mais pas à bord de nos véhicules privés. Un certain Aca,
23 c'est son surnom, nous a dit de retourner chez nous. Milutin Prasevic nous
24 avait dit qu'il fallait que nous sortions de nos maisons, donc nous sommes
25 à ce moment-là retournés dans nos maisons.
26 Q. Je me permets de vous interrompre un instant. Vous dites qu'il vous a
27 été dit que vous deviez sortir de vos maisons. Dans quelles conditions cela
28 s'est passé ce jour-là ? Qui vous l'a dit et comment ?
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1 R. Milutin Prasevic nous l'a dit. Il était accompagné de sept autres
2 policiers, à moins qu'il ne s'agisse d'officiers d'une autre institution.
3 Je ne sais pas exactement ce qu'ils étaient.
4 Q. Etes-vous en train de dire que Milutin Prasevic était un officier de
5 police ?
6 R. Oui.
7 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de Milutin Prasevic ?
8 R. Il était serbe. Qu'est-ce que je pourrais dire d'autre ?
9 Q. Dans votre déclaration préalable vous indiquez que ces hommes étaient
10 des policiers portant des uniformes bleus de la couleur des uniformes de la
11 police et armés de mitraillettes; ceci est-il exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Quand il vous a été dit que vous deviez quitter vos domiciles, où vous
14 a-t-on dit que vous deviez aller ?
15 R. Droit vers l'Albanie.
16 Q. Combien de temps vous a été accordé pour regrouper vos effets
17 personnels ?
18 R. Trois heures.
19 Q. Lorsque vous avez quitté vos maisons où êtes-vous allés, dans quelle
20 direction ?
21 R. Nous avons pris le chemin de Gjakova mais à Sufadol, Aca nous a dit de
22 retourner chez nous. Aca Micunovic, c'est le nom que nous connaissons pour
23 le désigner.
24 Q. Qui était-ce ? Quelle était son appartenance ethnique ?
25 R. Lui aussi était serbe mais lui et sa famille était la seule famille
26 serbe qui résidait dans notre village.
27 Q. Aca faisait-il partie d'une institution particulière ou était-ce
28 simplement un civil ?
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1 R. Il était policier.
2 Q. A quelle distance de vos maisons vous trouviez-vous lorsqu'il vous a
3 été dit que vous deviez rentrer chez vous ?
4 R. A un kilomètre.
5 Q. Est-ce que votre famille a été la seule à recevoir l'ordre de partir ce
6 jour-là ?
7 R. Non. Tous les habitants du village ont reçu l'ordre de partir et il ne
8 leur a été accordé que trois heures pour se préparer au départ.
9 Q. A ce moment-là, au début du mois d'avril, saviez-vous que les
10 bombardements de l'OTAN avaient déjà commencé contre le Kosovo ?
11 R. Oui, nous le savions.
12 Q. Votre village a-t-il été bombardé ?
13 R. Non.
14 Q. Une fois que vous êtes rentrée chez vous ce jour-là, car je crois que
15 dans votre déclaration préalable vous indiquez que l'événement important
16 suivant qui s'est produit a eu lieu le 27 avril. Vous rappelez-vous ce qui
17 s'est passé le 27 avril ?
18 R. Oui, oui, je m'en souviens. Ce jour a été un jour terrible.
19 Q. Vous décrivez les événements de cette journée assez rapidement dans
20 votre déclaration préalable. Pouvez-vous néanmoins les redire oralement en
21 quelques mots aujourd'hui ?
22 R. Ce matin-là, je ne sais pas très bien comment décrire la situation.
23 J'étais à la maison avec ma famille et mon fils était aux toilettes dans la
24 cour à l'extérieur. Il était 7 heures et demie du matin, quand cela s'est
25 passé. Nous avons entendu des coups de feu et la maison a été encerclée par
26 une trentaine d'hommes. Ils ont donc encerclé la maison et se trouvaient
27 dans notre cour. Mon fils Blerim, lorsqu'il a voulu rentrer dans la maison
28 a été arrêté par eux. Ils l'ont empêché de rentrer à la maison et de
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1 rejoindre son père et sa mère. Ils lui ont ordonné de s'allonger sur le
2 sol. Puis cela a été le tour de mon mari et de mon neveu, Arben, qui avait
3 une petite fille, nouveau-née, d'à peine 11 mois. Mon frère, Nikoll, se
4 trouvait également dans la cour de ma maison. Un policier, à moins qu'il ne
5 s'agisse d'un paramilitaire, je ne sais pas comment le qualifier, a pénétré
6 dans la maison après avoir frappé très fort sur la porte et a demandé à
7 voir les pièces d'identité de toutes les personnes qui se trouvaient dans
8 la maison avant de leur ordonner de sortir. Ils sont sortis de la maison.
9 Mon frère, Nikoll, et mon neveu, Engjelli, ont reçu l'ordre de s'allonger
10 sur le sol et ils les ont emmené après leur avoir pris leurs pièces
11 d'identité et leur avoir donné l'ordre d'aller en Albanie sous une pluie
12 d'insultes.
13 Q. Vous dites que ces hommes qui ont encerclé votre maison sont arrivés
14 jusqu'à votre cour. Pouvez-vous les décrire et dire quels vêtements ils
15 portaient ?
16 R. Ils portaient des uniformes militaires, des uniformes de la police et
17 des uniformes paramilitaires; trois uniformes différents. Ils étaient
18 masqués et avaient des espèces de ruban autour du bras.
19 Q. Vous avez dit que votre fils a reçu l'ordre de s'allonger sur le sol
20 après quoi votre mari et votre neveu ont reçu l'ordre de sortir de la
21 maison. Mais qu'en est-il des autres membres de la famille, vous-même et
22 les enfants ?
23 R. Moi-même et ma fille, Blerina, ainsi que mon fils, Bekim, ainsi que le
24 fils de ma fille Blerina, qui s'appelle Engjelli, nous avons reçu l'ordre
25 de partir pour l'Albanie. Je ne voulais pas partir tant que je n'avais pas
26 récupéré mon fils et ils ont empêché mon fils de me rejoindre.
27 Q. Vos quatre autres enfants étaient-ils avec vous ?
28 R. Oui.
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1 Q. Qu'avez-vous fait à ce moment-là ? Où êtes-vous allée ?
2 R. Quand nous sommes sortis de la maison, nous avons marché sur une
3 cinquantaine de mètres, et à ce moment-là, j'ai entendu la voix de mon fils
4 Blerim qui pleurait, et j'ai vu la maison en flammes. J'ai essayé de
5 rebrousser chemin, mais le policier m'a interdit de le faire. Il m'a dit :
6 "Tu ferais mieux de continuer ton chemin; sinon, tu vas te faire tuer." Les
7 enfants me tiraient la jupe et me disaient : "N'y va pas, n'y va pas. Ne
8 nous laisse pas tout seul."
9 Q. Les hommes qui portaient un uniforme militaire et les policiers qui se
10 trouvaient là, étaient-ils armés ?
11 R. Ils étaient lourdement armés. En chemin, nous en avons vu encore une
12 vingtaine ou une trentaine d'autres. Ils ont tiré sur nous, mais,
13 heureusement, nous n'avons été atteints par aucune de leurs balles.
14 Q. Est-ce que votre famille a été la seule qui a été contrainte de
15 partir ?
16 R. Ils ont fait la même chose avec tous les habitants du village. Tout le
17 village a vécu la même chose que ce que j'ai vécu.
18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Ceci est une répétition. La question
19 a déjà été posée et la réponse déjà fournie.
20 M. HANNIS : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, je
21 pensais avoir posé la question pour l'événement précédent, mais je passerai
22 à autre chose.
23 J'aimerais que l'on soumette au témoin la pièce P35, je vous prie.
24 Q. Madame Malaj, est-ce que vous voyez ce qui apparaît maintenant à
25 l'écran devant vous ? Est-ce que c'est assez grand ? Vous voyez bien ?
26 R. Vous parlez de la carte ?
27 Q. Oui.
28 M. HANNIS : [interprétation] On va peut-être descendre un peu ? Voilà,
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1 c'est bon merci.
2 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce qu'on voit maintenant sur la carte ?
3 Est-ce que vous préférez avoir une carte papier plutôt que la carte que
4 vous voyez à l'écran ?
5 R. Oui, ce serait peut-être plus facile.
6 M. HANNIS : [interprétation] Je vais demander à Madame l'Huissière de
7 remettre la carte à Mme le Témoin.
8 Q. Est-ce que vous reconnaissez la région que montre cette carte ?
9 R. C'est la carte de Gjakova.
10 Q. Est-ce que vous y voyez votre village, le village de Korenica ?
11 R. Je ne me retrouve pas.
12 Q. Je comprends ce ne serait pas très facile de bien voir les choses sur
13 ce document. Je vais vous poser une autre question si vous n'arrivez pas à
14 repérer Korenica.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, c'est sorti de l'écran.
16 Avant, revenez au plan précédent.
17 M. HANNIS : [interprétation]
18 Q. Voulez-vous que nous agrandissions l'image ?
19 R. Oui. Est-ce qu'on peut agrandir ?
20 Q. Je pense que c'est possible. C'est faisable. Cela va mieux ?
21 Poursuivons.
22 Est-ce que vous repérez votre village ?
23 R. Oui, c'est ici que se trouve Korenica.
24 Q. Vous-même et les autres villageois, les autres habitants du village
25 Korenica, lorsque vous avez été contraints de partir ce jour-là, où êtes-
26 vous partis ? Dans quelle direction ? Vous ne devez pas nécessairement
27 l'indiquer sur la carte. Donnez-nous des noms ? Cela suffira.
28 R. Vous parlez de quel jour ? De ce jour-là dont nous parlions ?
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1 Q. Oui, du 27 avril ?
2 R. Du 27.
3 Q. 27 avril 1999.
4 R. Oui. Ce jour-là, nous sommes partis du village, et comme je vous l'ai
5 dit, nous sommes partis vers un village plus petit, Oriz, Sufadol, Brekoz,
6 Ura e Tobakeve, puis nous sommes entrés dans la ville. A proximité de
7 l'hôpital, nous avons passé environ quatre heures.
8 Q. Vous parlez de quelle ville, Madame ?
9 R. Nous parlons de Gjakova.
10 Q. Que s'est-il passé à l'endroit où vous avez passé quatre heures ? Est-
11 ce que vous avez pu manger, boire quelque chose ?
12 R. Non. Nous n'avons pas osé emporter quoi que ce soit de chez nous. Nous
13 n'avons pas osé demander quoi que ce soit. Nous sommes restés là. Nous
14 avons dit à un prêtre ce qui était en train de se passer. Il a essayé de
15 nous emmener à Osekorac [phon], comme nous appelons cet endroit. La police
16 a menacé de nous tuer si nous y allions, et les policiers ne nous ont pas
17 autorisés à partir. Après quatre heures, nous sommes partis en prenant la
18 route qui va de Gjakova à Prizren.
19 Q. Vous êtes allés où ?
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] N'oubliez pas que nous avons tous ces
21 détails. Maintenant, nous avons entendu le récit que nous a fait le témoin,
22 nous avons eu l'occasion de voir comment elle se comporte maintenant.
23 Passez à l'essentiel. A moins qu'il n'y ait un point qui mérite d'être
24 examiné où il faudrait étoffer.
25 M. HANNIS : [interprétation] Non, non. Je voulais simplement permettre au
26 témoin de s'acclimater à la situation du prétoire. J'en aurai terminé en
27 l'espace de quelques questions.
28 Q. Madame Malaj, est-ce que vous avez fini par partir en marchant de
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1 Gjakova vers Prizren, puis vers l'Albanie ?
2 R. Oui.
3 Q. Je comprends à lire votre déclaration, que vous avez dû faire tout ce
4 chemin à pied sans pouvoir boire quoi que ce soit ni manger. Je pense que
5 c'est le lendemain dans l'après-midi que vous êtes arrivés à cette
6 destination; est-ce bien cela ?
7 R. Oui.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant. Oui, vous savez, Madame,
9 vous devez dire oui ou non. Vous ne pouvez pas vous contenter de faire un
10 signe de tête.
11 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Est-ce que vous avez revu en vie votre mari, votre fils et votre neveu
13 après cette journée-là ?
14 R. Non.
15 Q. Au moment où vous avez fourni cette déclaration préalable, vous ne
16 saviez pas encore de façon certaine ce qu'il leur était arrivé. Est-ce que
17 depuis, vous avez appris ce qu'il est arrivé à votre fils, à votre mari et
18 à votre neveu ?
19 R. Nous avons d'abord pensé qu'ils étaient disparus. Nous espérions
20 toujours qu'ils seraient en vie mais nous avons compris qu'ils étaient
21 morts. Nous avons plus tard réceptionné leurs corps.
22 Q. Quand avez-vous appris qu'ils étaient morts, et dans quelles
23 circonstances l'avez-vous appris ?
24 R. Le 17 avril 2004, j'ai appris ce qui était arrivé à mon mari.
25 Q. Qu'en est-il de votre fils, de votre neveu ?
26 R. J'ai appris la mort de mon fils le 27 avril 2005.
27 Q. Et votre neveu ?
28 R. J'ai appris la mort d'Arben, mon neveu, le
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1 17 décembre 2005.
2 Q. Que vous a-t-on dit à propos de l'endroit où leurs corps ont été
3 retrouvés ?
4 R. On les a retrouvés au cimetière de Batajnica.
5 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
6 les Juges, ces noms figurent dans l'annexe H de l'acte d'accusation.
7 Je n'ai pas d'autres questions à poser au témoin, Monsieur le
8 Président.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais une précision. On
10 mentionne votre frère Nikoll dans la déclaration préalable. Savez-vous ce
11 qui lui est advenu ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Son corps a été ramené le jour où on a ramené
13 le corps de mon fils, le 27 avril 2005.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
15 Nous allons maintenant faire une pause. Vous savez, Madame, il nous faut
16 ménager des pauses pour que tout le monde ait l'occasion de se reposer un
17 peu. Nous reprendrons à 4 heures 20 si c'est possible.
18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 55.
19 --- L'audience est reprise à 16 heures 24.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, vous souhaitiez
21 intervenir ?
22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons suivre l'ordre de l'acte
23 d'accusation. Je n'ai pas de questions à poser.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Maître Fila, vous avez des
25 questions ?
26 M. FILA : [interprétation] Non.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk ?
28 M. SEPENUK : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
2 Maître Aleksic ?
3 M. ALEKSIC : [interprétation] Oui, j'ai quelques questions à poser à ce
4 témoin.
5 Contre-interrogatoire par M. Aleksic :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Madame. Je m'appelle Aleksandar Aleksic. Je
7 défends les intérêts du général Nebojsa Pavkovic en compagnie de Me
8 Aleksandar Vujic. C'est au nom du général Pavkovic que je vais vous poser
9 quelques questions en essayant d'être le plus précis possible. Je vais vous
10 demander de répondre, dans la mesure du possible, de la façon la plus brève
11 qui soit, par un oui ou par un non de préférence.
12 R. Oui.
13 M. ALEKSIC : [interprétation] Je pense que le témoin dispose de sa
14 déclaration préalable en albanais. Je pense qu'elle en a un exemplaire sous
15 les yeux.
16 Q. Dans votre déclaration que vous avez fournie le
17 31 août 2000 - nous parlons de la première page en albanais, troisième
18 paragraphe - vous dites ceci : "Cinq chars de l'armée yougoslave étaient
19 toujours disposés sur la route principale Gajkova-Ilok." Est-ce exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Ceci se passait au mois de mai 1998 ? Excusez-moi. Au compte rendu
22 d'audience, on parle de "Gjakova-Ilok", de cette route principale, alors
23 que cela devrait être Djakovica-Junik, pas Ilok.
24 Prenons la deuxième page de la déclaration en albanais que vous avez. Vous
25 dites à la dernière phrase du premier paragraphe : "Après le début des
26 frappes aériennes de l'OTAN sur la Serbie, la situation s'est encore
27 compliquée ou aggravée, plus exactement"; est-ce exact ?
28 R. Oui.
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1 Q. Nous avons votre autre déclaration, la seconde que vous avez fournie
2 sous version électronique, page 12 en albanais. C'est la déclaration que
3 vous avez fournie en 2001. Nous allons maintenant examiner la première page
4 de cette déclaration. Est-ce que vous l'avez trouvée ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous avez dit à cet endroit ceci : "Trois semaines avant le 4 avril
7 1999, le village a été encerclé par des forces qui étaient exclusivement
8 des forces de police."
9 R. Oui.
10 Q. Dans ce même paragraphe, vous ajoutez que vous avez vu cinq gros chars
11 camouflés.
12 R. Oui.
13 Q. Et que vous avez pensé qu'il y avait dans chaque char deux policiers;
14 est-ce exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Excusez-moi. J'aimerais que nous revenions à votre première déclaration
17 préalable, page 2 en albanais, avant-dernier paragraphe, qui concerne les
18 événements survenus le 27 avril 1999. Vous y dites que trois groupes sont
19 arrivés dans votre village, qu'il y avait des unités paramilitaires, des
20 membres du MUP et des membres de l'armée yougoslave.
21 R. Oui.
22 Q. J'aimerais tout d'abord vous demander ceci : pourriez-vous décrire ce
23 que vous appelez les forces paramilitaires serbes ? Ces hommes, que
24 portaient-ils ? Quel uniforme portaient-ils ?
25 R. Il y en avait qui portaient un uniforme brun vert, tirant sur le vert,
26 des policiers en uniforme bleu. Il y en avait qui portaient un uniforme
27 bleu clair et qui avaient des rubans.
28 Q. Madame Malaj, je m'efforce d'être précis. Je vous ai demandé de décrire
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1 les paramilitaires. Vous avez dit que ces paramilitaires portaient un
2 uniforme spécifique. Est-ce qu'il y avait sur ces uniformes des insignes ?
3 R. Oui.
4 Q. Pourriez-vous nous dire de quel genre d'insignes il s'agissait ?
5 R. Est-ce que nous parlons des uniformes ? De quoi parlons-nous ?
6 Q. Je vous ai demandé si les forces paramilitaires serbes présentaient sur
7 l'uniforme des marques particulières, des insignes. Vous avez répondu par
8 l'affirmative. Je vous ai dès lors demandé de quels insignes il s'agissait.
9 R. Je ne sais comment décrire ceci. C'étaient des insignes de couleur
10 bleus ou brunâtres, entre le bleu et le brun. Je ne sais pas vous décrire
11 ceci.
12 Q. Madame Malaj, je m'excuse de devoir répéter ma question. Vous avez déjà
13 répondu à la question de la couleur de l'uniforme. Je vais vous poser une
14 question à propos des insignes. Vous avez dit qu'il y avait sur ces
15 uniformes certains insignes. Je vous ai demandé si vous étiez en mesure de
16 vous souvenir du type d'insignes dont il s'agissait. Ces unités dont vous
17 dites que c'étaient des unités paramilitaires, quel genre d'insignes
18 avaient-elles ?
19 R. Je ne vous comprends pas. Ces emblèmes, ces insignes, je ne comprends
20 pas. Je peux décrire les uniformes, mais je ne comprends pas votre
21 question.
22 Q. J'essaie de ne pas vous souffler de réponse à ma question. Est-ce qu'à
23 l'épaule ou sur la manche, ces hommes portaient des insignes indiquant leur
24 appartenance ?
25 R. Ils avaient au bras des insignes. Cela, c'étaient les hommes de
26 l'armée. Mais d'autres avaient des espèces de rubans noués autour du bras.
27 Q. Excusez-moi, nous allons parler plus tard de l'armée. Si vous ne vous
28 souvenez pas, je vais passer à autre chose. En ce qui concerne ces unités
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1 paramilitaires, pourriez-vous nous dire si elles avaient du matériel ?
2 Pourriez-vous nous dire le genre d'armes qu'avaient ces hommes pour autant
3 que vous vous en souveniez ?
4 R. Ils avaient le corps couvert d'armes. C'est cela qui m'a frappé. Ils se
5 sont servis de ces armes pour tirer sur mon mari. Oui. Cela s'est passé
6 dans la cour de ma maison.
7 Q. Madame Malaj, je suis vraiment navré. Je sais que c'est sans doute
8 pénible pour vous de répondre à ces questions, mais je vous demande de
9 faire un effort. En ce qui concerne ces forces paramilitaires, est-ce que
10 vous avez constaté quelque chose d'inhabituel les concernant ? Par exemple,
11 est-ce que les hommes portaient la barbe ?
12 R. Il y avait des hommes qui étaient barbus. Il y en avait qui portaient
13 un masque. Il y avait toutes sortes d'hommes. Il y en avait qui portaient
14 des rubans ou des brassards. Il y en avait de toutes sortes.
15 Q. Etait-ce là l'aspect que présentaient ces forces paramilitaires ?
16 R. Oui, oui, c'était comme cela qu'on les appelait, les paramilitaires.
17 Q. Une dernière question à propos de ces paramilitaires. Pourriez-vous
18 expliquer ce que signifie pour vous ce terme de paramilitaires, car c'est
19 un peu vague quand vous parlez de soldats paramilitaires.
20 R. Non.
21 Q. Bien. Merci.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyons s'il est possible d'apporter un
23 éclaircissement sur ce point. Auparavant, Madame, vous avez décrit trois
24 types différents d'uniformes. Vous avez parlé de l'armée, de la police et
25 des paramilitaires. Cette expression "paramilitaires", elle figure aussi
26 dans votre déclaration préalable. Le conseil de la Défense vous demandait,
27 comment vous, vous perceviez, vous compreniez ce terme. Parce que pour
28 vous, c'étaient des hommes qui étaient différents de la police ou de
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1 l'armée.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. On les a reconnus en tant que
3 paramilitaires.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais là, vous répétez ce que vous
5 avez déjà dit. Nous essayons de comprendre la différence qu'il y a entre
6 ces hommes-là et la police ou l'armée.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les paramilitaires, ils portaient des
8 brassards. Ce qui m'a frappé, ou ceux qui m'ont frappée, c'est ceux qui
9 portaient ce brassard au bras. Il y en avait qui portaient des foulards,
10 des bandanas à la tête.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi n'avez-vous pas pensé que
12 c'était simplement des soldats ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais que dire. Ce jour-là, ils ne
14 ressemblaient pas à des soldats réguliers de l'armée régulière.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je le sais. Le Conseil l'a déjà dit.
16 Je sais qu'il n'est pas toujours facile de décrire exactement cette
17 différence. Certains diront, bon, pourraient le dire, mais j'ai peine à
18 décrire. Vous nous aideriez beaucoup si vous pourriez traduire en mots
19 cette différence qui vous a fait comprendre que ce n'était pas des soldats
20 ordinaires ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais que dire. Avant ce jour-là, on
22 voyait les soldats de l'armée régulière, ce qui était normal. Mais ce jour-
23 là, il n'y avait rien d'ordinaire, de régulier.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit que vous avez vu des
25 hommes qui portaient un masque. Est-ce que cette description s'applique
26 aussi à des gens qui vous ont donné -- des hommes qui vous ont donné
27 l'impression d'être des policiers ou des soldats ou est-ce que vous ne
28 pensez qu'à des paramilitaires lorsque vous parlez de ces hommes-là ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Les trois types portaient des masques. Il y
2 avait quatre hommes dans ma cour qui portaient un masque.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
4 Maître Aleksic, vous pouvez poursuivre.
5 M. ALEKSIC : [interprétation] Il va me falloir poser le même genre de
6 questions.
7 Q. Madame, pourriez-vous nous décrire l'aspect que présentaient les
8 policiers, les forces de police ? Quels sont vos souvenirs à propos de
9 l'uniforme, des insignes, de caractéristiques particulières, de la couleur
10 de l'uniforme des forces de police ?
11 R. Vous savez, il y a eu ces événements épouvantables ce jour-là. J'ai
12 simplement constaté qu'il y avait différents uniformes, mais je n'ai pas
13 fait attention à ce genre de détails.
14 Q. Je m'excuse vraiment, je vais vous demander de répéter ce que vous avez
15 dit, parce que vous avez dit que ces hommes portaient des uniformes
16 différents.
17 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir pour dire
18 que vous pourrez, peut-être, revenir à cette question plus tard, lorsque
19 Madame va se reprendre car il n'est pas facile de comprendre les
20 différences entre les uniformes. Il faut être spécialiste pour le faire.
21 Vous pourrez, peut-être, revenir à cette question plus tard. Désolé de vous
22 avoir interrompu.
23 M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Juge, sauf le respecte que je
24 vous dois, le témoin vient de le dire et je reconnais que ce furent là des
25 choses épouvantables qui se sont passées. Mais le témoin a bien dit qu'elle
26 a distingué ces hommes à partir de l'uniforme qu'ils portaient. Donc, je
27 voulais en terminer de cette série de questions. Je voulais savoir quel
28 était l'uniforme porté par l'armée régulière, l'uniforme porté par les
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1 forces de police régulière. C'est tout ce je veux demander.
2 Q. Pourriez-vous nous faire cette description, Madame.
3 R. Je vous l'ai déjà dit. Les soldats portaient un uniforme gris brun,
4 alors que les forces de police étaient en uniforme bleu, et les autres, ils
5 portaient ce brassard. Je ne sais pas quoi vous dire d'autre. Je n'ai pas
6 fait attention à d'autres détails.
7 Q. Merci. Je vais maintenant vous demander de revenir à la déclaration que
8 vous avez faite plus tard en 2001, page 4, en albanais, deuxième paragraphe
9 de cette page. Voici ce que vous avez déclaré : "Il y avait des policiers
10 et des militaires au pont Tabakut." Ils ont demandé à voir votre pièce
11 d'identité ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous avez ajouté ceci : "Je n'avais pas mes pièces d'identité et
14 personne n'avait ces documents sur eux, à ma connaissance." Est-ce bien
15 exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Ces documents, est-ce que les gens les avaient oubliés chez eux ? Ils
18 les avaient laissés chez eux ?
19 R. Personne ne les avait oubliés. Les maisons avaient été incendiées,
20 avaient brûlé. Personne n'avait eu la possibilité d'aller chercher ces
21 pièces d'identité, d'aller chercher quoi que ce soit d'ailleurs.
22 Q. Restons à ce paragraphe. Prenons, si vous le voulez bien, la dernière
23 phrase qui dit ceci. Vous dites que vous vouliez aller à Osek Pasa, que
24 vous aviez appelé un prêtre de la localité afin qu'il vous aide. Est-ce
25 bien exact ?
26 R. Oui.
27 Q. "Nous lui avons demandé de nous aider." Puis, vous dites : "Ils ont
28 refusé. Ils ont dit non."
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1 R. C'est exact. Ils ne nous ont pas autorisés.
2 Q. Qui est-ce qui a dit non ? Est-ce que vous avez entendu cela ?
3 R. La police.
4 Q. Puis, vous poursuivez en disant ceci : "Nous avions uniquement
5 l'autorisation d'aller en Albanie, et si nous refusions, nous allions être
6 exécutés." Est-ce exact ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui vous l'a dit personnellement ? Est-ce
9 que vous l'avez entendu dire ?
10 R. Ce sont des policiers qui nous l'ont dits. Je l'ai entendu, moi-même,
11 de mes propres oreilles.
12 Q. Pouvez-vous décrire la personne qui vous a dit cela ?
13 R. Non. Je n'ai pas pu le voir. Je n'ai fait qu'entendre ce qu'il a dit.
14 Q. Je vous demanderais maintenant de passer en page suivante de votre
15 déclaration préalable, avant-dernier paragraphe.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'entends plus l'interprétation.
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète de cabine anglaise demande au Conseil de
18 répéter la question.
19 M. ALEKSIC : [interprétation] Je vais donc répéter la question. Je vous
20 prie de m'excuser.
21 Q. Il s'agit de la page 5 de la version albanaise de votre deuxième
22 déclaration, l'avant-dernier paragraphe dans la version albanaise du texte
23 qui se lit comme suit : "Sur la route entre Prizren et la frontière, ils
24 n'ont blessé personne et n'ont rien volé." Ceci est-il exact ?
25 R. Oui.
26 Q. "Et personne n'a reçu l'ordre de sortir du convoi." Ceci est-il exact
27 également ?
28 R. Jusqu'à Bishtazhin, cela ne s'est pas passé. Mais à Bishtazhin, une
Page 1324
1 quinzaine de personnes ont reçu l'ordre de sortir du convoi.
2 Q. Pouvez-vous maintenant me donner un autre élément d'information ? Y
3 avait-il des femmes jeunes dans le convoi ?
4 R. Oui.
5 Q. Merci. Je vais maintenant passer à un autre sujet. Est-ce qu'à un
6 moment quelconque vous avez vu ou entendu un avion de l'OTAN ?
7 R. J'ai entendu le bruit, mais je n'en ai pas vu.
8 Q. Avez-vous vu de vos yeux un bombardement de l'OTAN ou avez-vous entendu
9 parler des bombardements de l'OTAN ?
10 R. Vous parlez d'un cas particulier, d'un bombardement de civils, peut-
11 être ?
12 Q. Non, non, non, non. Je vous posais cette question de façon générale.
13 Avez-vous entendu dire que l'OTAN a largué des bombes à quelque moment que
14 ce soit, sur quelque objectif que ce soit ?
15 R. Oui. Il y a eu des bombardements. Nous en avons entendu parler.
16 Q. Maintenant, je vous demanderais de vous rendre en dernière page, c'est-
17 à-dire, en page six de la version albanaise de votre déclaration. Dans la
18 dernière phrase du texte, vous dites, je cite : "J'ai quitté le Kosovo
19 parce qu'on nous a chassés et pas en raison des bombardements de l'OTAN."
20 R. Oui.
21 Q. Pourquoi dites-vous cela précisément à la fin de votre déclaration
22 préalable ? Est-ce que vous pourriez le préciser ?
23 R. Je dis cela parce que nous avons été contraints de partir. S'il n'y
24 avait eu que l'OTAN, nous n'aurions jamais été forcés de partir.
25 Q. Est-ce que quelqu'un vous a soufflé peut-être qu'il convenait que vous
26 disiez que les bombardements de l'OTAN n'étaient pas la raison de votre
27 départ ?
28 R. Personne ne m'a glissé cette idée dans la tête, mais ce sont vos forces
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1 qui nous ont contraints à partir et qui nous ont séparés de nos enfants,
2 alors que l'OTAN n'a rien fait de ce genre.
3 Q. Pouvez-vous, dans ces conditions, me dire qui a forcé les Serbes à
4 quitter le Kosovo ?
5 R. Cela, je ne le sais pas.
6 M. ALEKSIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le
7 Président. Je vous remercie.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Aleksic.
9 Maître Bakrac.
10 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
11 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :
12 Q. [interprétation] Madame Malaj, je m'appelle Mihajlo [phon] Bakrac, et
13 je suis l'un des conseils de la Défense qui défend les intérêts du général
14 Lazarevic.
15 Votre village, Korenica, se trouve non loin de la frontière avec
16 l'Albanie, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est la distance en kilomètres qui sépare
19 approximativement votre village de la frontière avec l'Albanie ?
20 R. En kilomètres, je ne sais pas. Mais il faut à peu près deux heures et
21 demie en voiture pour atteindre la frontière. Mais je ne saurais vous
22 donner le nombre de kilomètres.
23 Q. Oui, par la route, sans doute. Mais est-ce que nous pouvons dire pour
24 résumer que la frontière se trouve pratiquement de l'autre côté de la
25 colline, de la montagne ?
26 R. Nous savons que la frontière n'est pas loin, mais nous n'y allions
27 jamais. Nous ne l'avions jamais vue. Nous allions en Albanie en passant par
28 Prizren.
Page 1326
1 Q. Oui, bien sûr, Madame. Je n'avais aucunement l'intention de vous
2 interroger en détail sur votre façon de voyager, de circuler. Mais
3 puisqu'il s'agit d'une frontière nationale, je vous demande si dans ces
4 conditions, compte tenu de la proximité de cette frontière, vous voyiez
5 très souvent des représentants de l'armée régulière dans les abords, dans
6 les parages de votre village; ceci est-il exact ?
7 R. Oui. Des soldats yougoslaves, oui.
8 Q. Oui, oui. Madame Malaj, il y a un instant lorsque vos propos ont été
9 consignés en page 99 du compte rendu d'audience, ligne 12, vous avez dit
10 qu'avant ce jour-là, il vous arrivait de voir des membres de l'armée
11 régulière, et que la situation était normale, mais qu'après cette journée-
12 là, tout est devenu incontrôlable. Conviendrez-vous avec moi, dans ces
13 conditions, que ce jour-là, vous n'avez pas vu les soldats réguliers que
14 vous aviez l'habitude de voir aux abords de la frontière ?
15 R. Je l'ai déjà dit. Jusqu'au 4 avril, tout était normal. Mais après le 4
16 avril, la tension est devenue très importante et tout est devenu terrible.
17 Q. Oui, Madame. J'ai bien compris. Mais ce que j'ai compris aussi, quand
18 vous décriviez l'aspect des uniformes portés par les paramilitaires, c'est
19 que ce jour-là, le 27 avril, vous n'avez vu aucun représentant de l'armée
20 régulière; ceci est-il exact ?
21 R. Ce jour-là, il y avait des soldats de l'armée régulière, des policiers
22 et des paramilitaires. Ce que nous appelions des paramilitaires étaient
23 ceux qui portaient des bandanas ou des brassards. Bien sûr, il y avait des
24 soldats de l'armée régulière aussi.
25 Q. Mais ils ne se trouvaient pas ce matin-là dans votre cour, dans la cour
26 de votre maison; ceci est-il exact ?
27 R. Vous parlez du 27 ?
28 Q. Oui, je parle du 27.
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1 R. Ils y étaient dans la cour de ma maison. Les représentants des trois
2 groupes y étaient. Il y avait aussi un blindé.
3 Q. Madame Malaj, le 27 avril à 7 heures 30 du matin, faisait-il jour ou
4 encore nuit ?
5 R. Quand le jour s'est levé, il y avait pas mal de lumière, mais à 7
6 heures on ne voyait pratiquement rien. Après tout ce qui s'est passé, je ne
7 sais pas comment vous décrire les choses, mais tout était obscur après ce
8 qui s'est passé.
9 Q. Madame Malaj, je vous comprends très bien mais ici, nous avons pour
10 tâche d'établir la réalité des faits. Donc, nous sommes contraints de
11 passer par toutes ces questions. Si je vous ai bien comprise, à 7 heures du
12 matin, il faisait encore nuit ?
13 R. A 7 heures du matin, le jour s'était levé. Un nuage s'est créé dans
14 l'atmosphère à cause de la présence de toutes ces forces et à cause de tout
15 ce qui s'est passé. On avait l'impression qu'il faisait sombre.
16 Q. Puisque tout vous semblait si sombre, comment êtes-vous parvenue à ce
17 moment-là à distinguer entre les trois groupes d'hommes représentant de
18 diverses formations ?
19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi. C'est tenter d'induire
20 le témoin en erreur. Puisqu'il faisait sombre, comment avez-vous pu
21 distinguer ? Le témoin n'a jamais dit cela. Elle a parlé d'obscurité de
22 façon symbolique, une obscurité due à la mélancolie et pas une obscurité
23 réelle de l'atmosphère. Ce n'est pas ce qu'elle a dit. En tout cas, c'est
24 la raison pour laquelle j'interviens.
25 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Juge, si vous m'y autorisez, j'ai
26 cru comprendre qu'au cours du contre-interrogatoire, j'étais en droit de
27 poser des questions de cette nature. Peut-être ai-je compris ? Ma question
28 a tenu compte du stress vécu par le témoin dans la situation qu'elle a
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1 traversée.
2 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi. Nous siégeons ici, et
3 notre tâche consiste à ce que tout soit bien consigné au compte rendu
4 d'audience. Je cite : "Puisqu'il faisait sombre," avez-vous dit. Regardez
5 bien la question et la réponse qui précédaient. Lignes 11 et 12. Je cite :
6 "A 7 heures du matin, le jour s'était levé. Un nuage s'est créé dans
7 l'atmosphère en raison de la présence de ces forces." Là, il est question
8 de quelque chose de tout à fait différent. Le témoin s'exprime plutôt dans
9 le sens philosophique du terme en parlant d'obscurité.
10 Compte tenu de la façon dont vous avez présenté les choses dans votre
11 question suivante, je me suis vu contraint d'interrompre. Je vous prie de
12 m'excuser, je n'aurais peut-être pas dû. Maintenant, vous pouvez
13 poursuivre.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, il conviendrait que
16 vous poursuiviez votre contre-interrogatoire de la façon qui vous convient.
17 Si vous estimez ne pas avoir obtenu une réponse claire à votre question,
18 n'hésitez pas à poursuivre de la façon qui vous conviendra le mieux.
19 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce que je
20 m'efforçais de faire - et il y a peut-être eu une maladresse
21 d'interprétation - je me suis efforcé de répéter cette conception
22 philosophique dont vient de parler M. le Juge Chowhan, en demandant au
23 témoin dans une telle situation comment il lui a été possible de façon très
24 précise, à 7 heures du matin, de distinguer entre des uniformes au sujet
25 desquels nous l'avons entendu dire, il y a quelques instants, qu'il était
26 particulièrement difficile de les distinguer les uns des autres, car ils ne
27 se différenciaient que par quelques petits détails mineurs.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je viens de vous demander de
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1 poursuivre vos questions. Cela n'est absolument pas utile de prononcer des
2 discours.
3 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, oui.
4 Q. Madame Malaj, ayez l'amabilité, compte tenu de la situation au moment
5 des faits, comment vous êtes parvenue à distinguer entre ces trois groupes
6 de participants aux événements ?
7 R. Il nous était possible de les distinguer, car ils se trouvaient tout
8 près de nous, à un mètre à peine.
9 Q. Très peu de temps après, vous avez quitté la cour de votre maison.
10 Combien de temps après ?
11 R. Quinze minutes plus tard. J'aimerais que vous essayiez de bien
12 comprendre. J'étais en train de faire cuire du pain, et ils ne m'ont même
13 pas donné le temps de me laver les mains. J'avais encore les mains sales.
14 Ceci, j'espère, vous permettra de comprendre à quel point ils ne nous ont
15 pas donné le temps qu'il nous fallait. Mais il m'était très facile de
16 distinguer des couleurs différentes.
17 Q. Très bien. Merci, Madame Malaj.Dans votre première déclaration
18 préalable, la pièce P2232, page 2 de la version en B/C/S --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère qu'il ne s'agit pas de la
20 pièce P22232 comme cela figure au compte rendu d'audience actuellement.
21 M. BAKRAC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
22 Président. Si c'est mon erreur, je parlais de la pièce P2232. J'espère que
23 nous n'arriverons pas à 22 000 pièces à conviction.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La situation est déjà assez difficile
25 comme cela.
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous demande un instant,
27 Maître.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Bakrac, je vous ai demandé
2 un instant. J'indique qu'en page 107 du compte rendu d'audience, lignes 7 à
3 10, le témoin me semble avoir dit, je cite : "Ceci, pour vous montrer à
4 quel point ils nous ont laissés trop peu de temps. Mais il m'était très
5 facile de distinguer entre des couleurs différentes." Est-ce que c'est bien
6 ce qu'a dit le témoin ou est-ce une erreur de ma part ou une erreur au
7 compte rendu d'audience ?
8 M. BAKRAC : [interprétation]
9 Q. Est-ce bien ce que vous avez dit, Madame, qu'on ne vous a pas laissé
10 suffisamment de temps, et que c'est en raison de cela que vous pouviez très
11 bien distinguer entres des couleurs différentes ?
12 R. Oui, oui, c'est ce que j'ai dit.
13 Q. Madame Malaj, --
14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.
15 M. BAKRAC : [interprétation] Excusez-moi, Madame le Juge.
16 Q. Madame Malaj, étant donné tout ce que vous avez dit jusqu'à présent, je
17 vous demande s'il est exact, qu'en dehors du très grand malaise que vous
18 ressentiez et du très peu de temps qui vous a été accordé pour partir - en
19 page 3 de votre déclaration préalable du
20 31 août et du 1er septembre, ce qui correspond à la page 3 de la version
21 anglaise et à la page 7 de la version albanaise que l'on peut voir dans le
22 système "e-court" - est-il exact que dans cette déclaration préalable vous
23 dites avoir vu 35 soldats dans la cour de votre maison ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous êtes parvenue à les compter, et ils se trouvaient tous à un mètre
26 à peine de vous, ce qui vous a permis de les compter; c'est cela, n'est-ce
27 pas ? C'est ce qui est exact ? C'est cela que vous êtes en train de dire ?
28 R. Ils étaient comme je l'ai dit, à un mètre à peine de moi et les
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1 uniformes qu'ils portaient étaient de trois catégories différentes. Trois
2 d'entre eux ont exigé de mon fils, de mon neveu de mon mari qu'ils se
3 couchent sur le sol. Quant à moi, j'ai cité le nombre de 30, mais ils
4 étaient peut-être même davantage. Ils étaient prêts les uns des autres,
5 aussi prêts que les doigts de main, collés les uns aux autres.
6 Q. Les représentants des trois groupes étaient près les uns des autres, si
7 prêts les uns des autres que vous pouvez les comparer aux doigts de votre
8 main. C'est cela que vous dites ?
9 R. Ils étaient, juste à côté des murs de ma maison et je les ai vus quand
10 je suis sortie de la maison.
11 Q. Madame Malaj, dans votre deuxième déclaration préalable, celle que j'ai
12 citée tout à l'heure, celle du 31 août et du 1er septembre, en page 3 de la
13 version en B/C/S, page 3 de la version anglaise et page 6 de la version
14 albanaise, consultable grâce au système e-court. Vous dites que le 27 avril
15 1999, des unités paramilitaires serbes ainsi que des membres du MUP et de
16 la JNA sont arrivés dans votre village à 5 heures du matin. Ceci est-il
17 exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-il exact que ces hommes ne sont donc pas arrivés dans la cour de
20 votre maison à 7 heures 30 mais quelques minutes après 5 heures du matin ?
21 R. A 5 heures du matin, ils ont encerclé le village. Ils l'ont d'ailleurs
22 peut-être fait même plus tôt que cela. Je me suis réveillée à 5 heures.
23 C'était une très belle matinée. On voyait tout très distinctement et à 7
24 heures 30, c'est ma maison qui a été encerclée, de même que la moitié des
25 maisons du village, immédiatement.
26 Q. Mais si j'ai bien compris ce que vous avez dit, Madame Malaj, dans vos
27 deux déclarations préalables, vous dites que lorsqu'ils sont arrivés dans
28 la cour de votre maison, vous avez été surprise alors que maintenant, vous
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1 déclarez qu'ils étaient déjà dans le village à 5 heures du matin.
2 R. Nous pensons qu'ils allaient faire la même chose que ce qu'ils avaient
3 l'habitude de faire, qu'ils allaient peut-être s'arrêter quelques heures
4 dans notre village et ensuite, poursuivre leur chemin. Nous ne pouvions pas
5 imaginer que ce qui s'est passé allait se passer, à savoir qu'ils allaient
6 pénétrer dans nos maisons.
7 Q. Madame Malaj, auriez-vous l'amabilité de me dire quel est le passage
8 frontière que vous avez franchi pour arriver en Albanie ?
9 R. Nous sommes passés par Prizren, mais non, je ne me rappelle le nom du
10 passage frontière. Non, aujourd'hui, ce nom ne me revient pas.
11 Q. Si je devais vous dire que dans votre première déclaration préalable
12 vous avez déclaré être arrivée au passage frontière de Kukes, alors que
13 dans votre deuxième déclaration préalable, vous affirmez avoir franchi le
14 passage frontière de Qafa e Morines, que répondriez-vous ? Est-ce qu'il
15 existe effectivement un passage frontière qui s'appelle Qafa e Morines, et
16 par lequel des deux passages frontières vous êtes arrivée en Albanie ?
17 R. Il existe. Il existe. Mais Kukes se trouve en Albanie. Ce n'est pas un
18 passage frontière.
19 Q. Mais existait-il un centre d'accueil des réfugiés, peut-être, à Kukes ?
20 R. Il en existait un à la frontière. Quand nous avons franchi la
21 frontière, des organisations humanitaires sont venues à notre secours parce
22 que nous étions affamés.
23 Q. En dehors du secours qui vous a été fourni par ces organisations
24 humanitaires, est-ce qu'il y a eu d'autres personnes à qui vous avez parlé
25 dans ce centre de Kukes ?
26 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. A qui est-ce
27 que j'aurais pu parler.
28 Q. Est-ce qu'il y a des gens qui ont recueilli des déclarations de votre
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1 part ?
2 R. A ce moment-là, je n'ai fait aucune déclaration. Pour moi, ce qui
3 comptait, c'était d'amener à bon port mes enfants de façon à ce qu'il reste
4 en vie.
5 Q. Donc, vous n'avez relaté cet incident à personne ?
6 C'est exact, lorsque vous avez franchi la frontière ?
7 R. Lorsque nous avons franchi la frontière, nous sommes restés à Kukes. Il
8 y avait, là, des organisations humanitaires qui nous ont offert de l'aide.
9 Mais en ce qui concerne une déclaration, je n'ai fait aucune déclaration à
10 qui ce soit, c'est plus tard que cela s'est passé lorsque je me suis trouvé
11 à Shijak.
12 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai pas reçu l'interprétation, Monsieur le
13 Président. Je n'ai pas entendu ce qu'a dit le témoin.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il doit y avoir un problème au niveau
15 de l'interprétation en B/C/S. Pourriez-vous répéter votre réponse, Madame ?
16 Ou est-ce que l'interprète peut le faire ou faudrait-il que le témoin
17 répète sa réponse.
18 M. BAKRAC : [interprétation] Inutile, inutile. C'est bon. J'ai suivi et
19 c'est inutile de perdre du temps.
20 Q. Madame, vous déclarez que vous avez fourni une déclaration à Shijak. Si
21 je ne m'abuse, vous y êtes restée jusqu'au 3 juin ou plus exactement
22 jusqu'au 3 juillet 1999; est-ce exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Savez-vous à qui vous avez fourni cette déclaration et quand vous
25 l'avez fait ? Cette déclaration que vous avez faite à Shijak.
26 R. Je ne me souviens pas de la date. Je ne sais pas comment s'appelait
27 cette organisation à laquelle j'ai fait une déclaration ?
28 Q. Est-ce que vous avez écrit à la main cette déclaration ? Ou était-ce un
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1 formulaire, un questionnaire que vous avez rempli ou est-ce qu'il y a
2 quelqu'un qui a dactylographié votre déclaration ? Pourriez-vous nous dire
3 dans quelle circonstance vous avez fourni cette déclaration ?
4 R. Vous parlez de celle en Albanie ?
5 Q. Oui.
6 R. C'est quelqu'un qui l'a fait avec un crayon et du papier.
7 Q. Mais vous ne savez pas qui c'était ? Est-ce que vous avez signé cette
8 déclaration ?
9 R. Oui, je l'ai signée, mais je ne connais pas le nom de cette personne.
10 Je ne l'ai jamais demandé, d'ailleurs. Vous savez, j'étais très tendue.
11 J'étais très énervée.
12 Q. Je vous remercie. Vous avez fourni une déclaration aux enquêteurs de La
13 Haye. La première, vous l'avez fournie le 31 août et 1er septembre 2000, 18
14 mois après les événements. Qui vous a contacté à l'époque ?
15 R. C'est quelqu'un du Tribunal. C'est à ces personnes que j'ai fait une
16 déclaration chez moi, dans ma maison.
17 Q. Est-ce que vous connaissez un certain Fuat Haxhibeqiri de Djakovica ?
18 R. Je l'ai vu ici, mais avant je ne le connaissais pas.
19 Q. S'agissant de votre seconde déclaration préalable fournie aux
20 enquêteurs de La Haye, vous l'avez fait le 6 septembre 2001 ainsi que le 9
21 septembre 2001, donc un an plus tard. Pourquoi a-t-il été nécessaire de
22 fournir une deuxième déclaration préalable ?
23 R. Je ne sais pas ce que je dois répondre. Pourquoi demandez-vous pourquoi
24 c'est nécessaire ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Il faudrait peut-être vérifier. Ce
26 n'était peut-être pas nécessaire, ou un besoin que ressentait le témoin de
27 fournir une deuxième déclaration. C'était peut-être une nécessité que
28 ressentait le bureau du Procureur.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Ne pensez pas nécessairement que
2 ceci ait un rapport quelconque avec le témoin, le fait qu'il y a eu une
3 deuxième déclaration.
4 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'en conviens.
5 J'ai peut-être mal formulé ma question. Je voulais simplement savoir si
6 c'était le témoin qui avait tenu à faire cette deuxième déclaration, ou si
7 c'étaient des représentants du Tribunal qui l'avaient contactée.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pourriez peut-être lui demander
9 qui a eu l'idée qu'il fallait fournir une deuxième déclaration.
10 M. BAKRAC : [interprétation]
11 Q. Vous venez d'entendre ce qui vient de se dire, mais je vais bien sûr
12 répéter la question. Qui a eu l'idée de vous demander une deuxième
13 déclaration préalable ?
14 R. D'abord, ce fut mon propre plaisir, et le Tribunal me l'a demandé.
15 Q. Dans votre déclaration préalable du 31 août ainsi que du 1er septembre
16 2000, page 4, paragraphe 5, le même endroit dans la version en anglais,
17 page 5, paragraphe 4 dans la version en albanais, vous déclarez ceci : "En
18 novembre, après être rentrée chez moi, j'ai retrouvé le portefeuille de mon
19 fils, Blerim Kavashi [phon]."
20 Je voudrais savoir où vous avez trouvé son portefeuille.
21 R. Au mois de novembre, lorsque je suis repartie chez moi, j'ai trouvé le
22 portefeuille de mon fils sur le balcon. En effet, c'est là qu'il l'avait
23 jeté ou plutôt en dessous du balcon, dans la cour de ma maison.
24 Q. Maintenant vous dites sur le balcon, en dessous du balcon. Mais vous
25 dites que votre maison, elle a été détruite, qu'elle a été réduite en
26 cendres; est-ce exact ?
27 R. Oui. Oui, mais la partie cimentée autour de la maison, elle n'a pas
28 brûlé. Le premier étage, le deuxième étage, oui, ont brûlé. Mais là où j'ai
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1 trouvé le portefeuille, ce n'avait pas brûlé.
2 Q. Et vous avez trouvé ce portefeuille 18 mois plus tard; est-ce exact ?
3 R. Oui, lorsque j'ai nettoyé la cour. C'est là que je l'ai trouvé.
4 Q. Vous avez déclaré que le 3 juillet 1999, vous étiez repartie à Guske,
5 dans la maison de vos parents, et qu'en novembre, vous étiez repartie dans
6 votre propre maison à Korenica, qui dans l'intervalle avait été
7 reconstruite. Si j'ai bien compris, vous êtes une ménagère. Vous vivez à la
8 maison. Vous travaillez à la maison. Pourriez-vous nous dire qui a
9 reconstruit votre maison ? Est-ce que vous avez bénéficié éventuellement
10 d'une aide de la part de l'UCK ?
11 R. Je suis revenue le 3 juillet et je suis restée avec ma famille jusqu'au
12 mois de novembre. Au mois de novembre, je suis repartie. Mais il n'y avait
13 qu'une pièce qui était restée intacte, et c'est dans cette pièce que j'ai
14 vécue avec mes enfants et ma belle-mère, et c'est là que je vis encore
15 aujourd'hui. Grâce à Dieu, lorsqu'une pièce a pu être réparée, enfin j'ai
16 eu l'impression que ma maison était en ordre, parce qu'après tout, je
17 vivais dans ma propre maison, dans mon propre pays.
18 Q. Ceci signifie que votre maison n'a pas été intégralement détruite par
19 le feu. Dans votre déclaration préalable - je cherche le passage approprié
20 - vous dites que vous êtes revenue dans votre maison de Koranica qui, dans
21 l'intervalle, avait été reconstruite. Qu'est-ce qui est vrai ? Est-ce que
22 la maison a été réduite en cendres, ou est-ce qu'elle a été détruite en
23 partie ? Est-ce que vous vous êtes installée dans une pièce de la maison ?
24 Est-ce que la maison a été reconstruite ?
25 Je vois que M. Hannis voudrait intervenir.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que c'est à cause de la
27 traduction, car en anglais on dit : "Qui, dans l'intervalle, avait été en
28 partie reconstruite."
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1 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est ce que je voulais dire. Aussi, je
2 voulais soulever une objection, parce que je pense qu'une réponse a déjà
3 été donnée, et je pense que ceci n'a qu'un intérêt tout à fait périphérique
4 ou mieux.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'avez-vous à dire à ce propos,
6 Maître Bakrac ? Vous avez obtenu votre réponse. On vous a dit que la maison
7 avait été éventrée pratiquement par le feu, que ce qui restait, c'était les
8 murs en ciment, qu'il y avait une partie où le portefeuille était intact et
9 que la maison a été en partie reconstruite, à savoir qu'on a rendu une
10 pièce de cette maison habitable. Est-ce que ceci ne vous suffit pas ? Vous
11 voulez savoir autre chose ?
12 M. BAKRAC : [interprétation] Non. Rien de plus, Monsieur le Président. Je
13 voulais savoir simplement si la maison avait été reconstruite, quel avait
14 été le financement utilisé pour le faire. Je n'avais pas compris si une
15 seule pièce était restée intacte ou s'il n'y avait qu'une pièce qui avait
16 été reconstruite. C'était cela qui m'intéressait. En effet, le témoin a dit
17 - et là, je vais citer ce qu'elle a dit : "A mon retour, --"
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous permettre de demander
19 avec quel fonds le travail qui a été fait a été effectué ? Je pense que
20 c'est la seule chose qui n'a pas été tirée au clair jusqu'à présent.
21 M. BAKRAC : [interprétation] Je voulais simplement citer la dernière
22 phrase.
23 "A mon retour, j'ai découvert que ma maison avait été incendiée. Il
24 n'y avait plus rien." Le témoin n'a pas dit ce qu'elle a dit la première
25 fois. Peut-être pourrait-elle préciser son propos. Ma question suivante
26 concernera la partie qui a été reconstruite.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la phrase que vous avez
28 citée ?
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1 M. BAKRAC : [interprétation] C'est la dernière phrase avant l'affirmation
2 faite par le témoin le 9 septembre 2001 - 1er septembre 2001,
3 éventuellement. C'est la dernière phrase. Puis, vous avez la partie où le
4 témoin reconnaît l'exactitude de sa déclaration. Je cite ce passage : "Je
5 suis rentrée au Kosovo le 3 juillet 1999."
6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ne sont pas en mesure de trouver ce passage.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous l'avons. Voilà. Maintenant,
8 indiquez ce passage au témoin et posez votre question.
9 M. BAKRAC : [interprétation]
10 Q. Madame Malaj, est-il nécessaire d'afficher cette phrase à l'écran ou
11 est-ce que sans cela vous pourrez nous dire la partie qui est exacte ou la
12 partie qui ne l'est pas ? Est-ce qu'il n'y avait plus rien qui restait de
13 la maison ? Quelle était la situation ?
14 R. Il ne restait plus rien de ma maison. Lorsque je suis revenue de la
15 guerre, j'ai reconstruit une pièce, et peu à peu, petit à petit, j'en ai
16 reconstruit d'autres. Mais à mon retour, il ne restait plus rien de la
17 maison et il ne restait plus rien de la moitié du village. J'ai dit qu'une
18 partie du village avait été incendiée, une autre pas. La moitié du village
19 avait été incendiée, l'autre pas. Ma maison avait été réduite en cendres,
20 et après, petit à petit, nous avons reconstruit ce que nous pouvions,
21 parfois avec un peu d'aide.
22 Q. Fort bien. Madame Malaj, quand vous parlez de l'aide ou d'assistance,
23 êtes-vous d'accord avec moi pour dire s'il s'agit d'une assistance fournie
24 par l'UCK ?
25 R. Non, ce n'est pas l'UCK qui nous a donné quelque chose. Nous n'avons
26 rien reçu de l'UCK. Après la guerre, nous avons bénéficié d'assistance des
27 Nations Unies.
28 Q. Oui, mais par le truchement de l'UCK, en passant par l'UCK.
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1 R. Il n'y avait pas l'UCK. L'UCK ne pouvait aider personne. Je ne les
2 connaissais pas. Je ne connaissais rien. J'étais une ménagère, mère de cinq
3 enfants. Je m'occupais de ma famille, de mon mari, de mes enfants. Lorsque
4 je suis revenue, mon fils a eu un accident. Il est tombé dans un champ de
5 mines, et pendant deux mois, je suis restée à l'hôpital. Je déclare donc
6 que je n'ai bénéficié d'aucune assistance.
7 Q. Très bien. Madame Malaj, vous nous avez dit que vous avez reconstruit
8 votre maison dont il n'était rien resté, que cela s'est passé tout
9 récemment. Quelques instants auparavant, vous nous avez dit que les murs
10 étaient restés debout là où vous avez trouvé le portefeuille. Qu'est-ce qui
11 est vrai dans tout cela ?
12 R. L'incendie, le feu ne peut pas détruire une brique, le ciment, mais
13 l'intérieur avait été totalement réduit en cendres. La maison n'était plus
14 habitable.
15 M. BAKRAC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il se peut
16 que j'aie dépassé le temps qui m'avait été réservé. J'essaierai demain de
17 terminer très rapidement. Il me faudra peut-être dix, 15, voire 20 minutes
18 au maximum.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien.L'audience reprendra demain
20 à 9 heures du matin.
21 Madame Malaj, vous allez devoir poursuivre votre audition demain. Nous
22 n'avons pas pu la terminer aujourd'hui. Il vous faudra revenir ici. Soyez
23 prête à reprendre votre place de témoin demain matin 9 heures. Dans
24 l'intervalle, d'ici à demain, vous n'avez le droit de discuter de votre
25 déposition, de ce dont vous avez déjà parlé ou de ce dont vous allez peut-
26 être parler avec qui que ce soit. Avez-vous compris ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
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1 L'audience est levée. Elle reprendra demain à 9 heures du matin.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
3 --- L'audience est levée à 17 heures 39 et reprendra le jeudi 10 août 2006,
4 à 9 heures 00.
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