Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 7 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, est-ce que vous

7 souhaitez poursuivre votre contre-interrogatoire ?

8 M. ACKERMAN : [interprétation] J'ai une proposition à vous faire qui peut

9 vous sembler intéressante qui nous permettrait de gagner du temps. Je ne

10 veux pas poursuivre mon contre-interrogatoire maintenant mais passer la

11 parole à mes confrères. S'il y a un point qui n'est pas couvert, ce que je

12 doute, à ce moment-là, je vous demanderais de bien vouloir poser des

13 questions à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Ceci nous permettrait de

14 gagner du temps.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 Bonjour, Monsieur Shaqiri.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre votre

19 déposition et nous allons passer à un autre conseil qui va maintenant vous

20 poser des questions. Je souhaite simplement vous rappeler que la

21 déclaration solennelle que vous avez faite mardi s'applique encore à votre

22 déposition aujourd'hui.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est très clair.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

25 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 J'ai quelques questions à vous poser. Il y a bon nombre de questions que

27 j'ai éliminées sur ma liste car Me Ackerman les a déjà posées.

28 LE TÉMOIN: ABDYLHAKIM SHAQIRI [Reprise]

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1 [Le témoin répond par l'interprète]

2 Contre-interrogatoire par M. Bakrac : [Suite]

3 Q. [interprétation] Monsieur Shaqiri, je m'appelle Mihajlo Bakrac. Je suis

4 avocat et un des conseils de la Défense. Je représente le général

5 Lazarevic. J'ai quelques questions à vous poser. J'espère que nous allons

6 pouvoir rapidement terminer ce contre-interrogatoire, si vous répondez

7 rapidement à mes questions.

8 Hier, nous avons constaté combien de déclarations vous avez faites au

9 bureau du Procureur. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ceci : dans votre

10 première déclaration, vous avez dit, la première déclaration que vous avez

11 donnée au bureau du Procureur j'entends, à savoir le 28 avril 1999, que

12 dans le village de Prilepnica, il y avait 4 500 Musulmans et trois familles

13 serbes seulement. Après quoi, dans votre deuxième déclaration, celle du 19

14 et 20 juin 2001, également faite au bureau du Procureur, vous avez dit que

15 dans votre village, il y avait 3 000 Albanais, 40 familles de Rom, et ceci

16 comprend 300 personnes environ, et quatre familles serbes maintenant, non

17 plus trois mais quatre.

18 Au cours de l'interrogatoire principal dans ce prétoire, vous avez

19 cité un nouveau chiffre. Vous avez parlé de 30 familles de Rom dans votre

20 village et cinq familles serbes. Lorsque vous avez été contre-interrogé par

21 Me Ackerman, vous avez dit qu'il y avait cinq ou six familles serbes.

22 Donc, il s'agit de cinq éléments différents, éléments d'information.

23 Je souhaite savoir quel chiffre est exact ?

24 R. Pour autant que je m'en souvienne, le chiffre de "4 500" a été avancé

25 lorsque j'ai parlé du nombre de personnes qui étaient rassemblées à la

26 frontière, les personnes qui ont été expulsées du Kosovo et qui sont allées

27 en Macédoine. Je ne parlais pas simplement de la population de Prilepnica.

28 Pour ce qui est des autres questions, il m'est facile d'y répondre si vous

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1 me posez une question après l'autre.

2 Q. Combien y avait-il de familles de Rom dans votre village ?

3 R. Ils étaient plus de 30. C'est une estimation que je fais.

4 Q. Et pour ce qui est des familles serbes ?

5 R. Il n'y a que la famille Denici. Chaque branche de la famille a sa

6 propre maison, cinq ou six. Mais il n'y a qu'une famille serbe répondant à

7 ce nom-là. Vous me posez la question - vous voulez parler de la famille ou

8 de la famille au sens élargi ? Je ne sais pas quelle question vous m'avez

9 posée.

10 Q. Ecoutez, la question que je vous ai posée est très claire. Vous avez

11 parlé du nombre de familles de Rom dans votre village. Je ne vous ai rien

12 demandé de plus, ni plus ni moins. Je vous ai demandé le chiffre total. La

13 première fois, vous n'en avez pas parlé; la deuxième fois, vous avez dit

14 qu'ils étaient au nombre de 40, lors de l'interrogatoire principal, vous

15 avez répondu qu'ils étaient au nombre de 30. Ce qui m'intéresse, c'est de

16 savoir au bout du compte combien il y avait de Rom, de familles Rom dans

17 votre village ?

18 R. Je ne connais pas le chiffre exact. Cela peut aller de 30 à 40.

19 Q. Merci. C'est parfait. Et les Serbes --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie, vous allez poser la

21 même question à propos des familles serbes.

22 M. BAKRAC : [interprétation]

23 Q. Qu'en est-il des familles serbes ? Pour finir, combien de familles

24 serbes y avait-il au total, trois, cinq ou six ? Savez-vous cela ou est-ce

25 que vous êtes simplement en train de deviner ?

26 R. Ecoutez, je vais vous expliquer ceci. Si je parle de famille élargie,

27 une famille élargie, c'est lorsqu'un père à trois, quatre ou cinq enfants.

28 Pour ce qui est de la famille en tant que telle, il n'y a que les Denici.

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1 Ils ont cinq ou six maisons. Cinq ou six maisons appartiennent à cette

2 famille. Telle est ma réponse : quatre ou cinq maisons appartiennent à la

3 famille Denici.

4 Q. Cette famille comportait combien de personnes ?

5 R. Vingt à 30 environ. C'est un chiffre approximatif. Ils étaient au

6 nombre de 30 environ.

7 Q. Monsieur Shaqiri, je regarde le compte rendu. Il y a quelques instants,

8 vous avez parlé de cinq ou six, maintenant, vous dites quatre ou cinq.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il ne s'agit pas d'une différence

10 substantielle.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être pas, mais peut-être qu'il

12 vaut mieux entendre la réponse du témoin.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je connais les gens, mais je dois me souvenir.

14 Accordez-moi le temps nécessaire. J'ai peut-être oublié le nombre de

15 familles. Je sais que dans la famille Toza, ils sont au nombre de trois.

16 M. BAKRAC : [interprétation]

17 Q. Bien, Monsieur Shaqiri --

18 R. Je dois réfléchir. C'est à peu près le chiffre.

19 Q. Si vous ne vous en souvenez pas, soit, si vous vous en souvenez plus

20 tard, fort bien.

21 Monsieur Shaqiri, vous souvenez-vous que dans votre première déclaration

22 datée du 28 avril 1999, vous avez dit que parmi les soldats qui sont venus

23 dans votre village le 6 avril, parmi ces soldats il y avait des Rom, des

24 gitans qui portaient le même uniforme; c'est exact ?

25 R. Nombreux, je ne me souviens pas d'avoir utilisé le terme de "nombreux."

26 Il y avait peut-être quelque -- il y a eu quelques Rom, il en a eu

27 quelques-uns.

28 Q. C'étaient les Rom de votre village ?

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1 R. Non, je ne les connaissais pas. Si je les avais connus, j'aurais cité

2 leurs noms, comme je l'ai fait avec les autres personnes que je

3 connaissais.

4 Q. Monsieur Shaqiri, hier, pendant le contre-interrogatoire --

5 l'interrogatoire principal, vous avez dit que ces familles Rom de votre

6 village sont parties avec vous dans le même convoi. Mais d'après les notes

7 qui nous ont été remises par le bureau du Procureur, c'est vous qui les

8 aviez invitées à vous suivre mais qui n'ont pas rejoint le même convoi que

9 vous; c'est exact ?

10 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une date, s'il

11 vous plaît, le convoi du 6 --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, s'il vous plaît, vous

13 voulez parler de quelle date ?

14 M. BAKRAC : [interprétation] Le convoi du 13, Monsieur le Président.

15 Pardonnez-moi, je n'ai pas été très précis sur ce point.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le convoi du 14, en réalité.

17 M. BAKRAC : [interprétation]

18 Q. Oui, le 14, en réalité, oui.

19 R. Laissez-moi vous expliquer ceci. Le 6, nous avons tous les deux quitté

20 le village pour repartir là où nous pouvions partir. Le 13, j'ai informé

21 les Rom. C'est quelque chose que j'ai fait personnellement. J'ai retransmis

22 le message qui m'avait été donné.

23 Pendant la nuit, ils sont allés quelque part. Ils ne se trouvaient

24 pas dans le village le lendemain matin. Donc, ils ne sont pas partis en

25 même temps que nous le deuxième jour. En revanche, ils sont partis en même

26 temps que nous le premier jour.

27 Q. Monsieur Shaqiri, lorsque vous êtes rentré dans votre village, y avez-

28 vous trouvé des familles Rom ou des familles serbes lorsque vous êtes

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1 rentré au mois de juin ?

2 R. Vous voulez parler de la première ou de la deuxième fois ?

3 Q. La deuxième fois, c'est-à-dire après avoir été en Macédoine.

4 R. Je vous remercie de votre explication. La deuxième fois lorsque nous

5 sommes revenus au Kosovo de la Macédoine, c'était le

6 25 juin, si je me souviens bien. J'ai traversé le village et je suis allé

7 vivre à Gilac, car, à l'époque, il n'y avait aucun endroit où je pouvais

8 habiter. Je n'ai vu aucun Rom ou Serbe à ce moment-là dans le village.

9 Q. Merci, Monsieur Shaqiri. Je vais maintenant passer à un autre sujet. Ce

10 qui m'intéresse, c'est ce qui suit : hier, nous avons parlé de ce qui se

11 passait à cet endroit-là. Est-ce que vous savez si la caserne de Gnjilane

12 de l'armée régulière a été détruite pendant les bombardements de l'OTAN le

13 26 mars 1999, la caserne et les bâtiments voisins ?

14 R. J'en ai entendu parler.

15 Q. Vous savez sans doute aussi que l'armée régulière, après ce

16 bombardement ou même avant la destruction de la caserne, a été transposée

17 ailleurs ?

18 R. Oui. Effectivement, ils sont partis.

19 Q. Merci, Monsieur Shaqiri.

20 M. BAKRAC : [interprétation] Ma question portait sur Gnjilane, mais je ne

21 vois pas ce terme-là dans le compte rendu, à la page 6, ligne 18.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. En réalité, je vois le terme

23 Gnjilane.

24 M. BAKRAC : [interprétation] Ils sont partis de Gnjilane.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, on y fait référence plus tôt, à

26 la ligne 13. Donc, cela ne pose pas de problème. Poursuivez.

27 M. BAKRAC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

28 Q. Monsieur Shaqiri, dans vos déclarations précédentes et dans votre

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1 déposition ici, vous avez dit que vous avez fait votre service militaire.

2 Vous saviez que l'armée ne portait pas des bandanas noirs ni des couvre-

3 chefs noirs, avec un insigne avec quatre demi-cercles.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'avez-vous répondu à cela,

5 Monsieur Shaqiri ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je n'ai jamais dit que j'acquiesais

7 ou que j'étais d'accord avec ces descriptions de l'armée régulière.

8 M. BAKRAC : [interprétation]

9 Q. Merci, Monsieur Shaqiri. Vous nous avez également dit que le 6 avril,

10 les soldats qui ont regardé de ce côté-là, vous ont dit qu'ils faisaient

11 partie de l'armée régulière, et plus tard, il y a eu des gens de la région,

12 Djilas, Palamarevic, qui vous ont confirmé que c'étaient des

13 paramilitaires. Est-il également exact de dire que dans vos notes, pour ce

14 qui est de la date du 6, vous n'aviez de cesse d'appeler ces gens-là des

15 paramilitaires, n'est-ce pas ?

16 R. Je faisais confiance à Djilas, et c'est la raison pour laquelle je les

17 ai appelés plus tard.

18 Q. Merci. Monsieur Shaqiri, le 13 avril, il n'y avait que trois personnes

19 de la région qui sont venues dans votre village et qui portaient un

20 uniforme et ils ne portaient pas d'insigne. Ils ont dit appartenir à

21 l'armée régulière; est-ce exact ?

22 R. Oui, c'est vrai.

23 Q. Ils vous ont dit qu'ils transmettaient l'ordre qui avait été donné par

24 le quartier général de l'armée à Gnjilane; c'est exact ?

25 R. Oui, c'est exact.

26 Q. Bien. Monsieur Shaqiri, étant donné que nous savons que l'armée

27 régulière avait été évacuée de Gnjilane, et comme nous connaissons tous ces

28 faits que je viens de vous soumettre, hormis les propos tenus par ces

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1 personnes-là, vous n'avez pas d'autres preuves tangibles de la présence de

2 l'armée régulière ou de la participation de l'armée régulière à ces

3 événements, n'est-ce pas ?

4 R. Ce n'est pas seulement ce qu'ils m'ont dit, mais également parce que

5 l'armée a encerclé le village par la suite et ne nous a pas permis de

6 partir.

7 Q. Merci, Monsieur Shaqiri. Est-il exact également que dans votre deuxième

8 déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur le 25 février 2001 -

9 dans les versions serbe et anglaise, cela se trouve à la page 5 - et pour

10 ce qui est du 13 -- ou plutôt du 14, lorsque vous étiez à 10 kilomètres de

11 la frontière et vous avez passé un poste de contrôle de l'armée, n'avez-

12 vous pas déclaré comme suit :

13 "Nous avons parcouru quelque 6 à 7 kilomètres jusqu'à un torrent. Il

14 y avait un poste de contrôle de l'armée. Un officier est sorti et nous a

15 demandé d'où nous venions et pourquoi nous nous enfuyions. J'ai répondu que

16 nous ne nous enfuyions pas, mais que le quartier général de Gnjilane nous

17 avait donné l'ordre de quitter notre village."

18 Est-ce bien vos propres mots, donc vos propres termes dans cette

19 déclaration du mois de juin 2001 -- pardonnez-moi, non pas février mais

20 juin 2001 ?

21 R. Oui, ce sont mes propres termes.

22 Q. Monsieur Shaqiri, lorsque vous avez décrit cet événement-là au poste de

23 contrôle, vous n'avez pas répété ceci, car il vous semblait tout à fait

24 clair qu'un officier de l'armée régulière aurait dû être mis au courant de

25 la présence d'un convoi aussi important, si l'armée régulière avait donné

26 un ordre de ce genre ?

27 R. Ecoutez, cela, je ne le sais pas.

28 Q. Si je vous ai bien compris - c'est quelque chose que vous venez de

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1 confirmer à l'instant - on vous avait donné l'ordre de quitter le village,

2 n'est-ce pas, et de ne pas aller au-delà des frontières de votre pays,

3 n'est-ce pas ? C'est ce que vous venez de confirmer il y a quelques

4 instants.

5 R. Le 6 avril, oui, mais le 14 avril, nous avons été escortés. Nous

6 n'avions nulle part où aller.

7 Q. Vos paroles, celles que vous avez prononcées sont celles que vous avez

8 prononcées le 14 avril. C'est ce que vous avez dit à l'officier au poste de

9 contrôle de l'armée. Vous avez reçu des ordres comme quoi il fallait

10 quitter le village et c'est tout; c'est exact ?

11 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

12 Q. Merci. Monsieur Shaqiri, nous allons maintenant passer à un autre

13 sujet, et ainsi, j'aurai très rapidement terminé mon contre-interrogatoire.

14 Je souhaite vous poser cette question : savez-vous si au mois d'avril

15 1999 l'armée régulière avait arrêté un certain nombre de civils de la

16 région qui portaient des uniformes militaires, qui portaient des armes et

17 qui se présentaient comme étant des membres de l'armée régulière ?

18 L'exemple que je vous cite est celui du village de Kllokot. Est-ce que vous

19 savez quelque chose à ce propos ?

20 R. Non, je ne sais rien.

21 Q. Merci bien, Monsieur Shaqiri. Si vous ne savez pas, nous allons traiter

22 de ce sujet pendant la présentation des moyens à décharge.

23 Hier -- ou plutôt, je vais vous poser une autre question : dans votre

24 déclaration, la première déclaration que vous avez donnée au bureau du

25 Procureur -- ou plutôt la deuxième déclaration que vous avez donnée, celle

26 du 22 juin 2001, en réponse à la question qui vous a été posée, y avait-il

27 eu une présence de l'UCK dans la région ? Vous avez répondu en disant : Il

28 n'y avait pas de présence de l'UCK dans mon village ni dans les villages

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1 voisins, ni dans la région de Gnjilane. A Gnjilane, de façon générale, il

2 n'y avait pas de présence importante de l'UCK.

3 Je sais que vous avez apporté une correction en disant que la

4 présence n'était pas très importante. Je sais simplement que vous n'avez

5 pas dit qu'il y avait aucun membre de l'UCK à ce moment-là dans votre

6 région. Savez-vous si certains membres de l'UCK étaient présents dans votre

7 région à ce moment-là ?

8 R. Je n'ai jamais remarqué la présence de membres de l'UCK après

9 Perlepnica ou Gjilane.

10 Q. Saviez-vous que dans la municipalité de Gnjilane, les 161e et 172e

11 Brigades de l'UCK qui étaient composées de 1 500 hommes en arme, étaient

12 sur le terrain ? Saviez-vous cela ?

13 R. Bien sûr que non.

14 Q. Saviez-vous que dans le voisinage de Gavran à Gnjilane, il y avait un

15 quartier général de l'UCK ?

16 R. Non.

17 Q. Vous ne savez pas que le 11 avril 1999, des membres de l'UCK, Nazim

18 Maloku et Asim Sofi de Gnjilane, ont été arrêtés ? Cela, vous ne le savez

19 pas ? Sofi a reconnu avoir participé à 12 attaques terroristes.

20 R. Je n'ai jamais entendu parler de cela, Monsieur. Je n'ai pas d'éléments

21 là-dessus.

22 M. HANNIS : [interprétation] Cette question est posée à partir d'un

23 document dont je ne dispose pas.

24 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, ceci se fonde sur

25 certains éléments d'information. Je ne vais pas insister là-dessus, car je

26 pense que je vais avoir la même réponse eu égard aux différents incidents

27 sur ce point. Je souhaitais simplement poser au témoin cette question-ci.

28 Q. Ma dernière question est celle-ci --

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Hannis vous a demandé sur quel

2 document vous vous reposiez pour poser cette question au témoin. Si un tel

3 document existe, il souhaite être averti de ce dernier.

4 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai dit que sur la

5 base d'informations que j'ai reçues, je pense que je vais recevoir un

6 document, mais je ne vais pas insister là-dessus, car visiblement, le

7 témoin ne sait rien sur le sujet. Et nous aurons suffisamment de temps pour

8 présenter ceci lorsque nous allons présenter notre propre thèse.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que vous n'êtes pas en

10 possession d'un document, document sur lequel se fondent les questions que

11 vous posez ? Par là, j'entends qu'il ne s'agit pas d'un document que vous

12 allez verser au dossier pour lequel vous allez demander un numéro de cote

13 par la suite.

14 M. BAKRAC : [interprétation] Non, je ne l'ai pas pour l'instant, mais j'ai

15 demandé à les avoir. Il s'agit de rapports sur différents incidents ayant

16 trait à des questions de sécurité. Je pense recevoir ces documents

17 incessamment sous peu.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Poursuivez. C'est votre

19 contre-interrogatoire.

20 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Très brièvement. Hier, nous avons parlé des sorties des avions de

22 l'OTAN dans votre municipalité. Monsieur Shaqiri, savez-vous que l'aviation

23 de l'OTAN, dans les premiers jours de la guerre, a frappé Gnjilane et les

24 régions voisines 113 fois ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cette question,

26 Monsieur Shaqiri.

27 Un civil n'est absolument pas en mesure de répondre à cette question et de

28 disposer de ce genre d'éléments d'information, Maître Bakrac. Ces questions

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1 semblent avoir trait à la propagande, et vous ne devriez pas poser les

2 questions de cette façon pendant votre contre-interrogatoire au témoin

3 lorsque lui vient déposer ici.

4 M. BAKRAC : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Je ne vais pas

5 poser de questions à propos des chiffres exacts, mais avec votre

6 permission, je vais simplement demander au témoin s'il est au courant du

7 bombardement du village de Silovo le 24 mars 1999.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais rien à ce sujet, mais je suis passé

9 devant la caserne et j'ai vu que la caserne avait été bombardée.

10 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

11 questions. Merci beaucoup.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

13 Maître Fila.

14 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de questions

15 pour M. Shaqiri.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Monsieur O'Sullivan.

17 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

19 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que c'est d'abord la Défense de M.

20 Ojdanic qui doit poser des questions avant moi.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas l'information qu'on m'a

22 donnée, mais si c'est ainsi, pas de problème.

23 M. IVETIC : [interprétation] C'était --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parfait.

25 Monsieur Sepenuk.

26 M. SEPENUK : [interprétation] Nous pensons qu'il valait mieux passer dans

27 cet ordre-là. D'abord, les deux généraux de l'armée de terre, le général

28 Pavkovic, le général Lazarevic, ensuite le général Ojdanic.

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1 Contre-interrogatoire par M. Sepenuk :

2 Q. [interprétation] Monsieur Shaqiri, je m'appelle Norman Sepenuk, et avec

3 mon collègue, Tomislav Visnjic, nous représentons les intérêts du général

4 Ojdanic.

5 R. Bonjour.

6 Q. Je ne vais me concentrer que sur un seul domaine. J'aimerais savoir,

7 d'après vous, qui a donné l'ordre de quitter le village le 13 avril 1999 ?

8 Je ne vais parler que de cela principalement.

9 Il y a quelques jours, le 5 septembre, en répondant à une question de M.

10 Hannis, donc de l'Accusation, vous avez dit que deux soldats serbes,

11 Palamarevic et Djilas - vous avait dit, et je cite : "Nous venons d'avoir

12 un ordre de l'état-major à Belgrade. Prilepnica doit être évacué."

13 Vous vous rappelez avoir dit cela, n'est-ce pas, Monsieur ?

14 R. Oui.

15 Q. Hier, en réponse à une question lors du contre-interrogatoire de M.

16 Ackerman, vous avez fait référence à votre déclaration du 25 avril 1999 -

17 qui est la pièce 4D4 - pour donner les raisons qui vous avaient poussé à

18 quitter le village le 13 avril 1999. Voici votre réponse et je cite :

19 "Djilas est celui qui a parlé. Il m'a dit qu'il avait eu des ordres venant

20 de l'armée serbe régulière visant à faire évacuer le village."

21 Vous vous rappelez de cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Ensuite, le Président vous a posé une question sur la déclaration

24 précédente que vous aviez faite -- enfin, une question sur cette armée

25 serbe régulière qui vous avait donné l'ordre d'évacuer le village. Vous

26 avez dit : "Oui, c'est correct. Oui, c'est correct. Cette version est

27 correcte." Le Président a ensuite dit : "Parfait."

28 Vous vous souvenez de tout cela, n'est-ce pas ?

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1 R. Ce n'est pas vraiment très clair. Pourriez-vous répéter, s'il vous

2 plaît ?

3 Q. Le Président a fait remarquer que dans votre déposition vous avez donné

4 la raison pour laquelle vous aviez quitté le village. La raison était qu'on

5 vous en avait donné l'ordre. Avez-vous des problèmes avec votre casque ? On

6 dirait que vous n'entendez pas bien.

7 M. HANNIS : [interprétation] Il nous faudrait une référence, en ce qui

8 concerne la page.

9 M. SEPENUK : [interprétation] C'est la page 49, le 6 septembre, lignes 8 et

10 9.

11 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

12 M. SEPENUK : [interprétation]

13 Q. Vous entendez bien, Monsieur le Témoin ? Est-ce que vous entendez

14 correctement ?

15 R. [aucune interprétation]

16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer qu'il faudrait que le témoin

17 parle dans le micro. On entend mal.

18 M. SEPENUK : [interprétation]

19 Q. Le Juge Bonomy a remarqué que dans votre déclaration vous avez dit que

20 c'était Djilas qui avait dit que l'armée régulière de Serbie avait donné

21 l'ordre que l'on quitte le village. Vous avez dit au Juge Bonomy : "En

22 effet, c'est correct, c'est cette version qui est correcte."

23 Vous vous souvenez de cela, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est correct, je m'en souviens.

25 Q. Un peu après au cours de votre déposition, le Président a pris note de

26 cette réponse selon laquelle les ordres avaient été donnés par l'armée

27 serbe régulière de quitter le village, et il voulait ensuite savoir comment

28 vous arriviez à réconcilier cela avec votre témoignage précédent qui était

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1 que c'était l'état-major à Belgrade qui avait donné l'ordre de quitter le

2 village. Vous avez dit, et je vous cite : "Il l'a dit en ma présence."

3 J'imagine que ce "il" était Djilas. "Il l'a dit en ma présence, cet ordre

4 venait de Belgrade, de l'état-major, il fallait que Prilepnica soit

5 évacué."

6 Vous vous en souvenez ?

7 R. Oui.

8 Q. Maintenant, depuis votre déposition d'hier, nous avons reçu d'autres

9 déclarations. La déclaration que vous avez faite à M. Morina, un avocat

10 albanais, il me semble que cela a été d'ailleurs donné en juillet ou août

11 1999, c'est une déclaration assez longue qui fait environ 30 pages en

12 albanais. Ensuite, hier soir, de la part du bureau du Procureur de M.

13 Hannis, nous avons reçu un questionnaire de la commission d'enquête sur les

14 crimes de guerre au Kosovo en date du 28 octobre 1999. Je pense que vous

15 savez exactement à quoi je fais allusion ici, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Je pourrais étudier tout cela en détail, on pourrait donc avoir un

18 contre-interrogatoire fastidieux, mais je vais essayer d'être concis pour

19 une fois.

20 Pour gagner du temps, avec la permission des Juges de la Chambre et

21 de M. Hannis, je vais vous dire, et il faut que vous me croyiez sur parole,

22 qu'au moins trois fois dans cette déclaration, vous avez dit que les ordres

23 d'évacuer le village venaient du QG militaire à Gnjilane. Donc, voilà ce

24 que je vous affirme, vous l'avez dit trois fois.

25 Pour gagner du temps du temps encore, je vous dis aussi que dans le

26 questionnaire que vous avez présenté à la commission d'enquête sur les

27 crimes de guerre au Kosovo en octobre 1999, au moins à deux reprises vous

28 avez dit que c'était le QG militaire de Gnjilane qui avait donné l'ordre

Page 2929

1 que vous évacuiez le village.

2 Avant de rentrer dans les détails, peut-être qu'on ne va même pas

3 avoir à entrer les détails, voilà ce que je vous demande aujourd'hui. Etant

4 donné toutes les déclarations que vous avez faites précédemment, pourriez-

5 vous nous dire une bonne fois pour toutes, à votre connaissance, quelle est

6 la véritable raison pour laquelle vous avez quitté votre village le 13

7 avril 1999 ?

8 R. Nous ne sommes pas tout d'abord partis le 13, nous sommes partis le 14

9 avril, parce que c'était la seule alternative. Cela n'est pas arrivé une

10 seule fois uniquement à moi, mais de nombreuses fois à de nombreuses

11 personnes. On savait qu'il y avait un ordre qui était venu et qui demandait

12 que Prilepnica soit évacué. La population voulait s'enfuir, mais nous

13 étions encerclés. La deuxième fois, sous escorte, nous avons réussi à

14 quitter le village. Là, nous avons été escortés jusqu'en Macédoine, parce

15 que c'est une route nouvelle. Je ne la connaissais pas.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais là, vous vous écartez, Monsieur

17 Shaqiri. Ce n'est pas la question à laquelle on vous demande de répondre.

18 La question, c'est de savoir la raison pour laquelle vous avez quitté le

19 village le 14 avril. On voudrait savoir exactement ce dont vous vous

20 souvenez à propos de ce qui s'est passé le 13, qui a fait que le 14, vous

21 avez dû partir. C'est exactement cela que l'on veut savoir. C'est cette

22 question, cette question uniquement. Parce que vous avez donné au moins

23 trois différentes raisons pour lesquelles vous avez dû quitter le village

24 le 14. On voudrait donc que vous nous disiez une bonne fois pour toutes ce

25 qui s'est passé le 13 pour que vous quittiez le village le 14, pour autant

26 que vous vous en souveniez.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'ordre qui nous

28 a été donné par Palamarevic et Djilas provenait de l'armée, et nous avons

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1 obéi à cet ordre. Le village a quitté suite à cet ordre-là et sous escorte

2 de l'armée.

3 M. SEPENUK : [interprétation]

4 Q. C'est donc bien votre témoignage aujourd'hui ? C'est l'armée qui a

5 donné cet ordre ?

6 R. Ces deux-là, Djilas et Palamarevic, étaient militaires, ils étaient en

7 tenue militaire.

8 Q. Mais ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous demande, pour autant

9 que vous vous en souveniez, ce qu'ils vous ont dit à propos de l'origine

10 des ordres qu'ils avaient de quitter le village. Qui a donné l'ordre ?

11 R. L'ordre m'a été transmis par ces deux personnes, a été transmis au

12 village par ces deux personnes que j'ai citées. Voici ce qu'ils ont dit.

13 Ils ont dit : nous avons reçu cet ordre. Je vais répéter ce que j'ai déjà

14 dit. Ils se sont excusés et ils ont dit, en serbe : "Désolés, Hoxha, on a

15 eu un ordre de Belgrade. Prilepnica doit être évacué."

16 C'est ce qui a été aussi dit à d'autres villageois, et je voulais que

17 d'autres personnes aussi entendent cet ordre, parce qu'il est très

18 difficile de dire à un village entier, un village de 3 000 personnes, qu'il

19 faut partir. Cela, c'est vraiment ce dont je me souviens.

20 Q. Soyons clair. Aujourd'hui, vous nous dites que l'ordre ne venait pas du

21 QG militaire à Gnjilane, mais plutôt que cet ordre venait de Belgrade.

22 C'est un ordre qui émanait de Belgrade; c'est bien ce que vous nous avez

23 dit ?

24 R. Monsieur, je crois que l'on ne se comprend pas, ou peut-être y a-t-il

25 des problèmes d'interprétation. Je ne sais pas si cela venait de Gnjilane

26 ou de Belgrade. Ils parlaient au nom de l'armée, au nom de l'état-major, au

27 nom de Belgrade. Ils disaient : "On est une armée, il faut donc que l'on

28 obéisse aux ordres."

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1 Q. Mais ils vous ont bel et bien dit qu'ils parlaient au nom de Belgrade

2 ou ils disaient : "On parle au nom de l'armée, et c'est le QG militaire de

3 Gnjilane qui a donné l'ordre d'évacuer le village" ?

4 R. Je ne sais absolument pas au nom de qui ils parlaient. Ce sont ces

5 personnes qui ont transmis l'ordre, ce sont eux qui ont parlé, mais ils

6 m'ont dit que l'ordre venait de Belgrade. Ils ont dit qu'il fallait

7 absolument exécuter l'ordre.

8 Q. Mais qui donc pouvait donner cet ordre à Belgrade ? De qui provenait

9 cet ordre ?

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cela.

11 Monsieur Ackerman.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Un collègue serbophone vient de me dire que

13 le témoin a dit en serbe, en serbo-croate, le 18 et le 2 : "Un ordre vient

14 de Belgrade. Prilepnica doit être évacué --" Mais en serbe, il a été dit :

15 "Prilepnica doit être réinstallé." Peut-être que ceci est important.

16 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas à moi de savoir si c'est

18 important la différence entre ces deux termes, c'est le témoin qui peut

19 nous le dire.

20 J'ai besoin d'une petite minute, Monsieur Shaqiri, s'il vous plaît. Ici,

21 vous nous dites -- voici les personnes qui ont donné l'instruction, qui ont

22 dit la chose suivante : "Excuse-nous Hoxha. On a eu un ordre de Belgrade.

23 Prilepnica doit être évacué."

24 Il semblerait que ce qui était dit en serbo-croate est : "Prilepnica doit

25 être réinstallé ailleurs." Pourriez-vous, s'il vous plaît, clarifier cela

26 et nous dire exactement ce qui vous a été dit ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment cela a été traduit.

28 Cela doit être évacué, cela doit être nettoyé des gens. Je ne sais pas quel

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1 est l'équivalent en anglais, donc à partir de ce moment-là, on était sous

2 leur contrôle et on est partis.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous avons traité de ce

4 problème.

5 Monsieur Sepenuk, vous pouvez poursuivre.

6 M. SEPENUK : [interprétation]

7 Q. Bien, maintenant, cette personne, c'était Ljubo ou Djilas, qui vous a

8 dit cela ?

9 R. C'était Djilas, c'était Djilas qui était toujours en train de parler.

10 Q. Parce que dans votre déclaration - et je ne veux pas entrer là-dedans à

11 moins qu'on ait des désaccords - mais dans votre dernière déclaration, vous

12 avez dit que c'était Ljubo. Enfin, dans la déclaration manuscrite, vous

13 avez dit que c'était Ljubo. Bon, ce n'est pas grave, que ce soit Ljubo ou

14 Djilas.

15 Ils ont dit quelque chose du style : Belgrade veut que vous partiez;

16 c'est cela ?

17 R. Il n'a pas dit Belgrade veut que vous partiez. Ce n'est pas comme cela

18 que ça marche. Il y a eu une longue conversation avec des arguments

19 contradictoires, palabre, mais eux, ils s'appuyaient sur le fait que

20 l'ordre venait de l'état-major à Belgrade. C'est une des versions, mais ils

21 ont dit d'autre chose aussi, d'autres versions, mais tout cela, de toute

22 manière, venait de Belgrade.

23 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par "c'est une version et une autre

24 version" ? Qu'est-ce que vous voulez dire ? Il y avait plusieurs versions ?

25 R. Ils ont dit en passant que l'ordre venait de Belgrade, premièrement.

26 Ensuite, deuxièmement, ils ont dit que l'ordre venait de l'état-major à

27 Belgrade. Troisièmement, ils ont dit que Belgrade voulait que Prilepnica

28 soit évacué. La conversation était longue, mais pour moi, ce qui était

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1 important, c'est que ces deux personnes dont je parle, et je vous donne

2 leur nom de famille et leur prénom, ont donné cet ordre, et que le jour

3 suivant, on a dû quitter le village sous leur escorte. On n'est pas partis

4 délibérément du tout. On est partis parce qu'on nous a donné l'ordre de

5 partir. On a été évacués vers la Macédoine.

6 Q. Parfait. Mais quand on vous a posé la question à propos de cela en

7 avril, le 17 avril 1999, vous dites - et je regarde la pièce 49 [comme

8 interprété], vous dites : "Le 13 avril 1999, trois commandants identifiés

9 de la VJ ont donné l'ordre de quitter le village de Gnjilane." C'est la

10 déclaration que vous avez faite à l'enquêteur de l'OSCE, et on vous a relu

11 ensuite votre déclaration et vous l'avez signée. Vous vous en souvenez,

12 quand même ?

13 R. Je m'en souviens, mais cela fait référence au 6 avril. Là, ce jour-là,

14 le 6 avril, je n'ai pas reconnu les chefs.

15 Q. Oui. Mais --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, là c'est très compliqué. Vous

17 êtes en train de tout mélanger parce que je crois quand même que ce que M.

18 Sepenuk vous a lu fait référence au 13 avril.

19 M. SEPENUK : [interprétation] En effet.

20 Q. Le 13 avril, donc il s'agit de la pièce 4D9 qui au départ était une

21 pièce de l'Accusation 2288, et maintenant qui est la pièce de la Défense

22 4D9, donc une déclaration qui parle des circonstances de votre départ, il

23 est écrit : "Décrivez les circonstances dans lesquelles vous êtes parti du

24 Kosovo."

25 La réponse est la suivante : "Le 13 avril 1999, à midi, trois commandants

26 de la VJ, bien identifiés, leur ont donné l'ordre de quitter le village de

27 Gnjilane."

28 Vous vous souvenez avoir dit cela, quand même ?

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1 R. Vous dites identifiés ou pas identifiés ? Il faudrait être très clair,

2 là.

3 Q. Il est écrit : "Trois chefs de la VJ identifiés," et j'imagine que cela

4 doit être Ljubo Palamarevic, Djilas Mladenovic et Locki Naskovic ?

5 R. Bien. C'est cela.

6 Q. Dans cette déclaration, il n'est absolument pas fait mention de l'état-

7 major à Belgrade ? Vous avez bien regardé cette déclaration ?

8 R. Oui, à ce moment-là, je n'avais pas vu l'utilité de mentionner l'état-

9 major.

10 Q. Bien. Or, dans votre déclaration ensuite du 25 avril 1999, à Catherine

11 Driguet, vous dites que c'est Djilas qui vous avait dit qu'ils avaient reçu

12 l'ordre de l'armée serbe régulière de vous faire quitter le village. Il

13 faudrait que vous répondiez, s'il vous plaît.

14 R. Je vais citer : "Djilas, nous sommes l'armée régulière." C'est ce qu'il

15 a dit.

16 Q. Dans sa déclaration, il n'y a rien non plus à propos de Belgrade ou à

17 propos de l'état-major de Belgrade. Vous êtes d'accord avec moi ?

18 R. Bien sûr, je suis d'accord avec vous. C'est ce qu'il a dit. Ce n'est

19 pas moi qui l'ai dit.

20 Q. Maintenant, dans la déclaration que vous avez présentée récemment,

21 j'aimerais vous poser quelques questions parce que je ne la connais pas

22 très bien. En fait, il semblerait que vous avez fait une déclaration à un

23 avocat albanais, M. Morina, en juillet ou en août 1999. Vous vous en

24 souvenez, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Il me semble que c'était plutôt en octobre, d'ailleurs.

26 Q. En octobre 1999 ?

27 R. Oui.

28 Q. C'est une déclaration qui est assez longue, 30 pages en albanais,

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1 environ 18 ou 19 pages en anglais. Quel était votre but en rédigeant cette

2 déclaration ? Vous vous en souvenez ?

3 R. Oui.

4 Q. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez voulu faire cette

5 déclaration à M. Morina ? Dites-nous qui est M. Morina et pourquoi vous

6 avez rédigé cette déclaration.

7 R. M. Morina rassemblait des notes à propos de ce qui s'était passé dans

8 la municipalité de Gnjilane, et il avait demandé à ceux qui avaient

9 souffert pendant la guerre de faire des déclarations écrites. Il

10 rassemblait des photos, toutes sortes d'éléments de preuve, des noms, des

11 photographies, comme je l'ai déjà dit, des clichés. M. Morina nous a dit

12 qu'il travaillait au nom du Tribunal et qu'il devait rassembler toutes les

13 preuves. C'est pour cela que j'ai écrit cette déclaration où j'ai décrit

14 tout ce qui nous était arrivé.

15 Q. Vous avez bel et bien écrit cette déclaration. Quelle est la dernière

16 fois que vous l'avez vue ? L'avez-vous vue récemment ?

17 R. Non, je ne l'ai jamais vue.

18 Q. Non, mais je ne parle pas de la personne, je parle de la déclaration,

19 la déclaration que vous avez écrite en octobre 1999. Vous l'avez revue

20 depuis ?

21 R. Non, je ne l'ai jamais revue.

22 Q. Vous l'avez juste rédigée à la main et vous l'avez donnée; c'est ça ?

23 R. Oui.

24 Q. J'imagine que vous avez fait de votre mieux pour être extrêmement

25 précis dans votre déclaration ?

26 R. Oui, tout à fait.

27 Q. Dans cette déclaration, vous dites : "Ljubo Palamarevic -- le 13 avril

28 1999, Ljubo Palamarevic nous a dit, et je cite : 'Désolés, Hoxha, mais nous

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1 sommes arrivés. C'est le quartier général de Gnjilane qui nous envoie pour

2 vous dire que le village doit être complètement évacué.'"

3 Vous vous souvenez avoir écrit cela dans cette déclaration ?

4 R. Non, je ne me souviens pas de cette version-là. La version correcte,

5 c'est ce que je vous ai dit en serbe. Djilas n'a pas parlé de Gjilane; il a

6 parlé de Belgrade.

7 Q. Bien. Pourtant, dans cette déclaration, il est bien écrit "QG militaire

8 de Gjilane" J'ai une copie de la déclaration en albanais.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Messieurs les Juges, pourrais-je la faire

10 parvenir au témoin ? C'est d'ailleurs dans le système électronique. C'est

11 le 4D10. Malheureusement, on n'a pas beaucoup de temps. Je ne sais pas si

12 on aura le temps de l'afficher.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, on va plutôt utiliser la version

14 papier, la version papier du 4D10.

15 M. SEPENUK : [interprétation]

16 Q. Il y a certains passages qui sont surlignés dans cette

17 déclaration.

18 Voyez-vous cela ? Vous reconnaissez quand même que c'est bel et bien

19 la déclaration en albanais que vous avez écrite ?

20 R. Oui, je reconnais mon écriture. Je reconnais bien ma déclaration.

21 Q. Donc, le passage surligné fait-il référence à quelque chose qu'a dit

22 Ljubo Palamarevic ?

23 R. Si vous voulez, je peux tout simplement le lire.

24 "Ljuba m'a regardé et il a dit : 'Nous sommes désolés, Hoxha, nous

25 sommes venus -- on nous a envoyés ici, c'est le QG militaire de Gjilane qui

26 nous a envoyés pour vous dire que ce village doit être complètement évacué

27 d'ici demain, et personne ne doit rester dans le village.'"

28 Q. C'est exactement la question que je vous avais posée, et c'est

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1 exactement la réponse que vous avez donnée d'ailleurs. Donc, quand vous

2 avez écrit cette déclaration, vous n'avez pas du tout parlé de l'état-major

3 ou de Belgrade. Vous avez dit que c'est le QG militaire à Gnjilane qui

4 avait donné l'ordre d'évacuer le village; c'est bien cela, n'est-ce pas ?

5 R. Au cours de la conversation, Djilas a mentionné, pas uniquement à moi,

6 aux autres villageois aussi, que l'ordre venait de Belgrade. Je n'ai pas

7 tout écrit. Je n'ai pas relayé toute la conversation que j'ai eue avec

8 Djilas, c'était long. C'est un palabre. Il m'a parlé pendant au moins une

9 heure. J'ai ici cité Ljube et Djilas, mais je peux vous dire en pleine

10 responsabilité qu'on a aussi parlé de Belgrade.

11 Q. Mais je peux vous dire, Monsieur, à moins que la traduction en anglais

12 soit épouvantable de votre déclaration manuscrite en albanais, qu'il n'y a

13 pas le moindre mot dans la traduction anglaise parlant de Belgrade, alors

14 qu'il y a énormément de références au quartier général de Gnjilane, comme

15 quoi ce serait eux qui auraient ordonné l'expulsion.

16 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne vais pas continuer.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Néanmoins, je crois qu'il faudrait

18 poser une question importante pour éclaircir un peu ce point. Je recherche

19 exactement le passage idoine dans la déposition du témoin. Je ne retrouve

20 pas cela, mais le témoin avait dit : "Je ne me souviens pas que Djilas ait

21 mentionné Gnjilane, il avait parlé de Belgrade." Peut-être que j'ai noté

22 cela, mais que c'était erroné de ma part.

23 M. SEPENUK : [interprétation] Non, je pense que c'est ce qu'il a dit, parce

24 que Djilas, c'est la personne qui l'a dit. Nous avons une déclaration sur

25 laquelle l'armée serbe --

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez m'aider à

27 trouver cela dans le compte rendu d'audience ?

28 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, c'est la page 25, ligne 9.

Page 2939

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'étais assez loin de cette page. Je

2 vous remercie. Non, ce n'était pas cela que je recherchais.

3 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est la

4 page 24, ligne 4 : "Djilas n'a pas mentionné Gjilane, il a mentionné

5 Belgrade."

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Shaqiri, vous nous avez dit

7 que Djilas n'avait pas mentionné Gnjilane. Nous avons pourtant la première

8 déclaration, votre première déclaration où il est dit : "J'ai cité Ljube,

9 j'ai cité Djilas, mais je peux vous dire que Belgrade a été mentionné. Je

10 suis conscient de ma responsabilité." Alors, en fait, dans la déclaration,

11 vous vous étiez concentré sur Gnjilane, et maintenant vous nous dites que

12 Gnjilane n'a pas été mentionné. Est-ce que vous pourriez peut-être nous

13 expliquer d'où vient cette contradiction ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la conversation avec

15 les deux officiers ne s'est pas déroulée seulement avec moi, mais avec

16 d'autres personnes qui avaient soulevé des objections à cette évacuation.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Manifestement, ma question était trop

18 complexe. Est-ce que l'un de ces officiers a mentionné Gnjilane ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils ont mentionné Gjilane et Belgrade.

20 Ils ont mentionné les deux villes, et à plusieurs reprises.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi est-ce qu'un peu plus tôt

22 lors de votre déposition vous avez dit que Gjilane n'était pas mentionné ?

23 Ou en tout cas, vous avez dit : "Je ne me souviens pas avoir dit que Djilas

24 avait mentionné Gjilane."

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ljuba a dit que les ordres venaient de

26 Gjilane, alors que Djilas, lui, a dit que les ordres émanaient de Belgrade.

27 Voilà les deux versions mentionnées par ces deux personnes.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk.

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1 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Je voudrais maintenant que nous parlions de la déclaration suivante, la

3 déclaration que vous avez présentée en octobre, le 28 octobre 1999. Cela

4 fait partie d'un questionnaire portant sur les crimes de guerre commis au

5 Kosovo. Il y a un certain nombre de pages.

6 M. SEPENUK : [interprétation] J'ai une traduction anglaise, et j'aimerais

7 demander à M. Hannis s'il y a une version albanaise ?

8 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que tout ce que nous avons, c'est la

9 version anglaise.

10 M. SEPENUK : [interprétation] Très bien. D'ailleurs, c'est le 4D11.

11 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais demander que l'on indique quel est

12 le fondement des questions qui vont être posées, parce que je n'ai que

13 cette déclaration en anglais. Je ne pense pas que cela a été signé. Je ne

14 sais pas dans quelles circonstances est-ce que ces dépositions, ces

15 déclarations ont été faites.

16 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, tout à fait, avec plaisir.

17 Q. Est-ce que vous connaissez un homme qui répond au nom de Vjollca

18 Musliu, M-u-s-l-i-u, puisque j'ai épelé son nom, maintenant ? Est-ce que ce

19 nom évoque quelque chose pour vous ?

20 R. Non. Pour le moment, non.

21 Q. C'était un membre de la commission centrale chargée de compiler des

22 éléments de preuve relatifs aux crimes de guerre. D'après ce document que

23 j'ai reçu hier soir vers 18 heures, il vous a donc interviewé à propos de

24 Prilepnica le 28 octobre 1999. Vous avez dit que votre profession était

25 enseignant et imam du village. Il vous a posé un certain nombre de

26 questions à propos de crimes de guerre allégués. Est-ce que cela évoque

27 quelque chose ? Est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire ? Cela évoque

28 quelque chose dans votre esprit ?

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1 R. Non.

2 Q. Vous ne vous souvenez pas avoir été interviewé par cet homme ?

3 R. Non, je ne m'en souviens pas.

4 Q. Est-ce que vous connaissez une autre personne répondant au nom

5 d'Abdylhaqim Shaqiri - je m'excuse, je prononce très mal ce nom de famille.

6 C'est un homme qui est "originaire de Prilepnica au nord du Kosovo, qui est

7 enseignant et qui est iman également." Est-ce que vous connaissez un autre

8 homme, à part vous, bien entendu, qui correspond à cette description ?

9 R. Il n'y a pas d'autre iman à Prilepnica et dans les autres villages. Je

10 suis le seul iman.

11 Q. Le document que j'ai aborde tous les aspects qui ont été entendus

12 pendant votre déposition. Il y a des noms tels que Ljubo Palamarevic,

13 Naskovic, Djilas Mladenovic. Par ailleurs, si vous réfutez le fait que vous

14 étiez la personne qui a répondu à ces questions, je ne sais pas si je dois

15 poursuivre. Est-ce que vous ne reconnaissez pas avoir été interrogé par une

16 personne représentant la commission centrale relative aux crimes de

17 guerre ?

18 M. SEPENUK : [aucune interprétation]

19 Q. [aucune interprétation]

20 R. Vous avez mentionné Vjollca Musliu et Abdylhaqim Shaqiri; je ne les

21 connais absolument pas.

22 Q. Oui, mais dans ce questionnaire, on retrouve tout ce qui est avancé

23 dans les autres déclarations, à savoir "le 13 avril 1999, l'état-major de

24 Gjilane nous a demandé d'évacuer le village." Donc, cela correspond

25 exactement à ce que vous avez dit dans les autres déclarations.

26 Vous ne souhaitez donc pas assumer la responsabilité de cette

27 déclaration, vous n'en avez absolument aucun souvenir ou est-ce qu'il se

28 pourrait qu'il y ait des inexactitudes dans cette déclaration ? Il vous

Page 2942

1 appartient de répondre, Monsieur.

2 R. Etant donné que je ne m'en souviens pas, je n'assume aucune

3 responsabilité pour ce document. Si je m'en souvenais, il est évident que

4 j'assumerais cette responsabilité.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-il possible que vous auriez

6 répondu à des questions posées par une personne vers en octobre 1999 ? Est-

7 il possible que vous auriez dit à cette personne que le 13 avril on vous

8 avait donné l'ordre reçu du QG militaire de Gnjilane d'évacuer ou de partir

9 du village ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, chaque fois que nous

11 avons parlé, à plusieurs reprises, nous avons répété et parlé des

12 événements qui s'étaient déroulés. Peut-être que cette personne se trouvait

13 à un endroit lorsque nous en avons parlé et qu'elle a consigné des notes.

14 Mais je n'en ai aucun souvenir.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était une question plus générale que

16 je vous posais. Je voulais savoir s'il s'agissait là d'une déclaration que

17 vous auriez pu faire ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ecoutez, je n'ai pas de réponse à cette

19 question. Je ne m'en souviens pas.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Je vais vous poser la question

21 de façon différente. Lors de la conversation que vous avez eue avec les

22 personnes qui vous ont donné cet ordre, est-ce qu'il y a une référence qui

23 a été faite au QG militaire de Gnjilane ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela a été mentionné. Avec Djilas, cela a

25 été mentionné.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk.

27 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

28 Q. Je vais passer à la déclaration, et là je pense qu'il n'y a aucun doute

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1 à propos de cette déclaration. Il s'agit de votre déclaration du mois de

2 juin 2001, à Ann Murtagh, et il s'agit de la pièce à conviction 4D6. A la

3 page 4, vous avez dit qu'il y avait ces officiers de réserve, que vous en

4 connaissiez deux. Je suis sûr que vous parliez de Ljubo et de Djilas et

5 qu'il y avait une autre personne, et les officiers de l'armée ont dit :

6 "Ils se sont contentés de transmettre les ordres du QG militaire de

7 Gnjilane," lorsqu'ils nous ont demandé de quitter le village. Est-ce que

8 vous vous souvenez de cette déclaration ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous vous souvenez de cette déclaration qui a été faite à propos de

11 l'état-major suprême de Belgrade ? Est-ce que vous vous en souvenez, de

12 cela ? Oui ou non ?

13 R. En fait, je n'ai pensé qu'il était judicieux de le mentionner à ce

14 moment-là.

15 Q. Très bien. Lors de votre interview du 5 février 2001, il s'agit de la

16 pièce à conviction 4D5, vous vouliez apporter des corrections à certaines

17 erreurs faites dans la déclaration précédente. Je dirais que là, à nouveau,

18 il n'est pas question d'ordres qui émanent de Belgrade; est-ce que cela est

19 exact ?

20 R. Oui, c'est vrai, je ne l'ai pas mentionné.

21 Q. Puis en dernier lieu, dans votre déclaration du 28 août 2006, il s'agit

22 de la pièce à conviction 4D8. Là, je dois dire qu'il y a 27 corrections

23 apportées. Pour ce qui est d'une partie de cette déclaration, vous parlez à

24 nouveau de Ljuba Palamarevic, une fois de plus, l'un des officiers serbes,

25 et vous avez dit que dans la déclaration de 2001, il avait été décrit comme

26 un juge. Il est dit : "M. Shaqiri indique qu'il s'agit d'un juriste qui

27 était devenu juge avant le mois d'avril 1999." Mais une fois de plus, il

28 n'est absolument pas de question d'ordre émanant de Belgrade, n'est-ce

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1 pas ? La réponse de votre part est affirmative, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. En d'autres termes, dans aucune de vos déclarations préalables il n'est

4 jamais mentionné que Djilas, Ljubo ait indiqué que les ordres venaient de

5 Belgrade. Cela ne se trouve ni dans votre première déclaration ni dans

6 aucune autre déclaration préalable ?

7 R. Je sais que je l'ai mentionné quelque part, mais je me répète. C'est ce

8 que Djilas a dit, c'est la raison qu'il a invoquée auprès de nous pour nous

9 demander de partir, à savoir les ordres ou l'ordre où il avait reçu l'ordre

10 - et je le dis en étant pleinement conscient de ma responsabilité, c'est ce

11 que Djilas nous a dit : "Nous sommes une armée de métier. Nous avons reçu

12 des ordres de Belgrade, ordres suivant lesquels Perlepnica doit être

13 évacué." Qu'il l'ait dit pour en quelque sorte couvrir ce qu'il faisait ou

14 pour une autre raison, je n'en sais rien. Vous pouvez lui poser la question

15 vous-même. Il pourra vous dire ce qu'il en est.

16 Q. Merci. Vous avez préparé des notes en prévision de votre déposition

17 ici, Monsieur, n'est-ce pas ?

18 R. Non. Non.

19 Q. Non ?

20 R. Non, rien.

21 Q. Il n'y avait pas de notes ? Alors, peut-être que je n'avais pas

22 compris, mais il me semblait --

23 M. HANNIS : [interprétation] Vous avez posé la question pour aujourd'hui.

24 Peut-être qu'il n'a pas compris.

25 M. SEPENUK : [interprétation] Alors, je vais préciser. Pardon. Je m'excuse.

26 Q. Avant de commencer votre déposition, est-il exact et vrai de dire que

27 vous aviez préparé des notes pour vous aider lors de votre déposition ?

28 R. Je ne les ai pas ici, mais je vous dis que j'ai écrit les noms, les

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1 noms des personnes que j'ai mentionnées au cas où je ne m'en souviendrais

2 pas pour une raison ou pour une autre.

3 Q. Ce n'est pas cela qui m'intéresse. Ce que je voulais savoir tout

4 simplement, c'est si vous avez préparé des notes en prévision de votre

5 déposition.

6 R. Non, non.

7 Q. Vous n'avez pas préparé de notes ? Vous n'aviez pas des notes lorsque

8 vous avez commencé votre déposition ? Vous vous souvenez, M. Hannis a

9 commencé à vous poser des questions --

10 R. Je m'excuse, Maître. Je ne vous avais pas bien compris, me semble-t-il.

11 Q. Donc --

12 R. Je n'avais pas la déclaration avec moi. Il s'agissait tout simplement

13 de statistiques de la municipalité. Je pensais qu'elles me seraient utiles.

14 D'ailleurs, je les ai laissées à l'hôtel, puisque je me suis rendu compte

15 qu'elles ne servaient à rien ici. Donc, il s'agissait de statistiques à

16 propos des événements de la municipalité de Gjilane. Je les ai, ces notes,

17 à l'hôtel.

18 Q. Très bien, très bien. Je vous avais posé une question générale. Je

19 voulais savoir si vous aviez préparé des notes en prévision de votre

20 déposition ici. Vous l'avez fait, cela. Vous répondez par l'affirmative,

21 Monsieur ?

22 R. Oui.

23 Q. M. Hannis vous a dit : "Mettez-les de côté." Le Procureur vous l'a dit,

24 il vous a dit, mettez-les de côté et n'utilisez ces notes que si vous avez

25 besoin de rafraîchir votre mémoire. Vous les avez effectivement mises de

26 côté. D'ailleurs, vous ne les avez jamais regardées une seule fois. C'est

27 bien ainsi que les choses se sont passées, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Donc, vous vous êtes préparé pour déposer dans cette affaire, comme

2 tout témoin d'ailleurs ?

3 R. C'est la première fois que je comparais en tant que témoin dans un

4 tribunal.

5 Q. Que saviez-vous de ce procès ? J'aimerais savoir, qu'avez-vous lu dans

6 la presse écrite ? Qu'avez-vous entendu à la télévision ? Qu'avez-vous

7 peut-être entendu sur internet ? Que saviez-vous de cette affaire avant

8 votre arrivée ici ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma vie est trop courte pour entendre

10 cette question, Maître Sepenuk.

11 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, mais elle a sa pertinence.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais alors, posez une question

13 plus précise.

14 M. SEPENUK : [interprétation] Très bien.

15 Q. Etiez-vous --

16 M. SEPENUK : [interprétation] Je vais être beaucoup plus précis, parce que

17 ma vie est encore plus courte que la vôtre.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est fort encourageant d'entendre

19 cela de votre part.

20 M. SEPENUK : [interprétation] C'est avec une grande tristesse que je le

21 dis, avec beaucoup de respect également, bien entendu.

22 Q. Saviez-vous qui étaient les accusés, les Défenseurs dans cette

23 affaire ? Avant que vous n'arriviez ici, est-ce que vous saviez qui sont

24 les accusés dans le cadre de ce procès ?

25 R. Lorsque nous pouvons, nous lisons très souvent ce qui se passe au

26 Tribunal de La Haye. Vous savez, la presse albanaise a ses limites. Elle ne

27 fait pas beaucoup d'articles sur ce qui se passe à La Haye, ici au

28 Tribunal. Lorsque le procès de M. Milosevic avait lieu, il y avait beaucoup

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1 plus de couverture médiatique, mais plus maintenant. C'est très, très rare

2 que l'on puisse trouver des articles écrits à propos des procès ici.

3 Q. Est-ce que vous connaissez ces six hommes qui se trouvent ici derrière

4 moi ? Ce sont les six accusés dans cette affaire. Les six Défenseurs, est-

5 ce que vous les connaissez ? Est-ce que vous savez de qui il s'agit ? Est-

6 ce qu'il s'agit de sergents, de colonels, de soldats, de commandants, de

7 capitaines ? Qui sont-ils, ces accusés ?

8 R. J'en connais certains.

9 Q. Qui connaissez-vous ?

10 R. M. Sainovic, - je ne leur ai jamais parlé, bien sûr, mais j'ai vu leurs

11 visages à la télévision, dans la presse. Je connais de vue le général. Bien

12 sûr, je l'ai vu à la télévision.

13 Q. Quel général ?

14 R. Je parle du général Ojdanic.

15 Q. Très bien.

16 R. Pour ce qui est des autres, non. Je ne peux pas vous le dire.

17 Q. Avez-vous jamais entendu parler de M. Milutinovic, par exemple ?

18 R. C'est un nom que j'ai entendu, mais vous m'empêcher de le voir. Oui,

19 maintenant, je le vois.

20 Q. Donc, vous connaissez les noms du général Pavkovic, du général

21 Lazarevic, du général Lukic ? Ce sont des noms qui vous sont connus, n'est-

22 ce pas ?

23 R. Oui, j'en ai entendu parler. Je ne sais pas. Je pense que oui, j'ai

24 entendu parler du général Lukic.

25 Q. Donc, vous saviez que les six accusés dans ce procès sont des

26 personnalités politiques, militaires, des chefs de la police. Vous le

27 savez, cela, n'est-ce pas ?

28 R. Je sais que c'étaient des personnalités extrêmement importantes, mais

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1 je ne pense pas qu'ils se trouvent maintenant à la même situation.

2 Q. Est-ce que je peux dire en tout équité que vous les considérez comme

3 faisant partie de l'état-major suprême du Kosovo, et que vous êtes en train

4 de témoigner aujourd'hui à propos de ces membres de l'état-major suprême ?

5 Cela, vous le savez ? Vous en êtes conscient, Monsieur ?

6 R. Je n'en sais rien.

7 Q. Cela n'a pas de pertinence pour vous, n'est-ce pas, le fait que ce sont

8 des personnalités politiques, militaires, des chefs de police ? Cela n'a

9 rien à voir avec votre déposition, lorsque vous avancez que l'ordre

10 d'évacuation de votre village émanait de l'état-major suprême de Belgrade ?

11 Cela n'a rien à voir avec votre déposition; c'est ce que vous nous dites

12 maintenant ?

13 R. Non. Non, Maître. Ce n'est pas ce qu'il faut dire. Je n'ai pas dit que

14 les ordres émanaient de Belgrade, mais j'ai dit que c'était Djilas qui nous

15 avait dit que les ordres émanaient de Belgrade. Moi et mon peuple avons

16 souffert. Je ne veux pas que des personnes innocentes soient traduites en

17 justice. Seules les personnes responsables des crimes doivent être tenues

18 responsables des crimes qui ont été commis. Que ceux qui sont innocents

19 puissent jouir de leur liberté, et que ceux qui sont coupables assument

20 leur culpabilité et leur responsabilité.

21 Je ne suis ici pour traduire en justice un général; je suis ici pour

22 vous narrer ce qui s'est passé. La mosquée, ma mosquée a brûlé. La

23 bibliothèque qui existait depuis plus de 150 ans a également été incendiée.

24 Les dégâts représentent plus de 20 millions de marks allemands. Ce sont des

25 dégâts dont quelqu'un est responsable. Si ce sont ces personnes qui sont

26 responsables, qu'elles soient considérées comme responsables parce que

27 quelqu'un est responsable. Il appartient, bien entendu, à ce Tribunal de

28 découvrir qui sont les coupables. Je ne suis pas ici pas pour pointer un

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1 doigt accusateur sur quiconque.

2 Q. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que cela est la

3 prérogative du Tribunal.

4 M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai plus de questions à vous poser.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Maître Ivetic.

7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

9 Q. [interprétation] Bonjour. Monsieur Shaqiri, je m'appelle Dan Ivetic, et

10 avec mes collègues, Me Lukic et Ozren Ogrizovic, je représente le chef de

11 la police, Sreten Lukic. J'aimerais vous poser quelques questions à propos

12 de votre déposition, et je vais essayer de vous poser des questions aussi

13 concises que possible pour que tout puisse bien se passer. Je vais vous

14 demander de répondre en nous disant la vérité. Si vous ne connaissez pas la

15 réponse, dites-moi tout simplement que vous ne la connaissez pas.

16 Premièrement, j'aimerais préciser quelques choses qui ont été dites lors de

17 votre déposition un peu plus tôt. Mardi, vous avez mentionné à plusieurs

18 reprises, "la police locale." Par exemple, vous avez dit que la police

19 locale de Kamenica vous avait communiqué les informations reçues du SUP

20 selon lesquelles vous deviez rentrer dans votre village. Lorsque vous

21 parlez de la "police locale," est-ce que vous parlez des salariés du

22 ministère de l'Intérieur, à savoir le MUP de la République de Serbie ?

23 C'est à cette structure que vous faites référence ?

24 R. Non. Pour moi, la police de Kamenica -- je ne sais pas comment répondre

25 à votre question, c'était la police, la police d'active de Kamenica.

26 Q. Lorsque vous dites la "police d'active de Kamenica," est-ce que vous

27 parlez de gens qui travaillent pour le MUP ? Vous savez ce que cela

28 signifie le MUP ? Vous connaissez ce sigle ?

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1 R. Oui. Oui, je le connais.

2 Q. Lorsque vous dites la "police locale," la "police du cru," est-ce que

3 vous parlez du MUP ? Est-ce que vous parlez de policiers du MUP ?

4 R. Oui, oui.

5 Q. Très bien. Alors, nous allons parler de la police de Kamenica pendant

6 quelques minutes. Ces forces de police du MUP, elles avaient une autorité

7 sur toute la République de la Serbie, n'est-ce pas ?

8 R. Cela, je n'en sais rien.

9 Q. Très bien. Très bien. Eu égard à la police de Kamenica, lorsque vous

10 avez décrit comment la police de Kamenica vous a dit de rentrer dans votre

11 village, est-ce que pour vous cela signifiait que la police essayait de

12 vous aider ainsi que les gens de votre village ? Est-ce que vous avez perçu

13 cela comme un geste positif ?

14 R. Oui, oui. Pour nous, c'était une très bonne chose, si je peux

15 m'exprimer de la sorte.

16 Q. Très bien. A propos du trajet que vous avez parcouru ce jour-là, est-ce

17 qu'il est vrai de dire que vous êtes passés par plusieurs postes de

18 contrôle, et que dans certains postes de contrôle il y avait la police

19 serbe du MUP qui était présente et qui s'en occupait ? Est-ce que cela est

20 exact ?

21 R. Le poste de contrôle, c'est quelque chose de différent. Il y avait des

22 policiers chargés de la circulation routière à Kmetofc, puis il y avait des

23 soldats à quelques mètres de là. Il s'agissait de soldats d'active. Je l'ai

24 mentionné un peu plus tôt.

25 Q. Oui. Ce que je voulais savoir, c'était la chose suivante : est-ce qu'il

26 y a eu à un moment donné des membres du MUP serbe qui vous ont fait subir

27 des sévices, vous, les gens qui faisaient partie de votre convoi ? Je vous

28 parle du premier convoi, du convoi du

Page 2951

1 6 avril 1999.

2 R. Non, personne ne nous a fait subir de mauvais traitements.

3 Q. Merci. Vous vous dirigez vers la municipalité qui est connue en Serbie

4 sous le nom de Bujanovac. Ai-je le droit d'affirmer que dans cette

5 municipalité il y a une majorité d'Albanais pour ce qui est de

6 l'appartenance ethnique de la population civile de la municipalité ?

7 R. Oui.

8 Q. Hier, vous avez précisé en disant qu'il n'y avait pas de frontière

9 entre le Kosovo et le reste de la Serbie. Puis-je ainsi avancer que le

10 poste de police à Konculj se trouve au niveau de la frontière

11 administrative, en quelque sorte, entre la municipalité de Bujanovac et les

12 municipalités du Kosovo ?

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que --

14 R. Konculj, c'est loin. Nous ne sommes pas allés jusqu'à Konculj.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà, je vois que cela a été corrigé

16 maintenant.

17 M. IVETIC : [interprétation]

18 Q. C'était la question suivante. Donc, votre convoi n'est pas arrivé

19 jusqu'à Konculj, n'est-ce pas ?

20 R. C'est exact. Nous sommes passés près de Konculj. En fait, nous étions à

21 une centaine de mètres ou à 200 mètres de la limite administrative. J'ai

22 peur de mentionner des chiffres parce que des chiffres me posent des

23 problèmes ici.

24 Q. Très bien. Je vais essayer de vous le demander lorsque cela est

25 superflu.

26 Mardi, vous avez décrit comment vous êtes rentrés dans votre village

27 le 7 avril, et qu'après, le 9 et le 10 avril, -- en fait, vous avez dit :

28 "Nous avons monté la garde avec la police de la ville." Je présume que

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1 lorsque vous dites "nous" vous entendez les villageois. Lorsque vous parlez

2 de "la police de la ville," vous entendez par cela des membres du MUP de la

3 République de Serbie ?

4 R. Non, je parlais du MUP de Gjilane.

5 Q. Très bien. Monsieur, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, lorsque

6 vous êtes rentrés le 6 ou 7 avril, je ne sais pas - je sais que les gens

7 sont revenus à différentes époques - est-ce que quelqu'un a eu des

8 problèmes avec la police, j'entends le MUP qui, en réalité, était là dans

9 la région ?

10 R. Je n'ai jamais dit à aucun moment qu'il y a eu des problèmes avec la

11 police. J'ai toujours déclaré au contraire qu'ils nous avaient aidés.

12 Q. Merci. Simplement pour faire la clarté sur un point --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est l'heure de faire la

14 pause. Je crois que cette réponse ne vous suffit pas et vous allez encore

15 poser des questions dans le cadre de votre contre-interrogatoire.

16 M. IVETIC : [interprétation] Oui, j'espère pouvoir terminer mon contre-

17 interrogatoire d'ici une demi-heure. Je vais essayer de le raccourcir, et

18 je vais tenter de réduire mes questions.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

20 Maître Ackerman.

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Pour ceux qui vont relire le compte rendu et

22 qui chercheront certaines choses, je crois que la municipalité de Gjilan

23 s'écrit avec un "N" à la fois en albanais et en serbe avec un "N" et non

24 pas avec "Gj", cela pourrait prêter à confusion pour quelqu'un qui fait des

25 recherches. Je ne sais pas si ceci est utile ou non.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autrement dit, vous dites qu'il y a

27 quelque chose qui est inexact dans l'acte d'accusation ? Si vous regardez

28 le paragraphe 7(i) en albanais, ceci est épelé sans "N".

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1 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'en albanais c'est exact. Cela

2 s'écrit avec un "G" et un "j" en albanais.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les interprètes viennent de me dire

4 qu'en albanais cela s'écrit avec un "G" et "j".

5 M. ACKERMAN : [interprétation] Vous avez critiqué mes collègues hier parce

6 que mes collègues ne m'ont pas aidé. Aujourd'hui, ils m'aident, mais je ne

7 suis pas certain du résultat.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quoi qu'il en soit il semblerait que

9 toute personne entamant des recherches devra vérifier l'une et l'autre

10 orthographe, et nous allons reprendre à

11 16 heures 10.

12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

13 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

15 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur Shaqiri, lorsque nous nous sommes arrêtés, nous avons parlé du

17 comportement de la police vis-à-vis de la population civile. Je souhaite

18 pendant quelques instants nous concentrer sur cette époque-ci, 1998 : au

19 cours de l'année 1998, -- supprimer cela.

20 Quelle était l'ambiance de façon générale dans la municipalité de Gnjilane,

21 quelle était l'attitude vis-à-vis de la police serbe et du MUP ? Comment

22 ces groupes interagissaient-ils ?

23 R. Je ne peux parler que de mon propre village, je ne peux pas parler de

24 l'ensemble de la municipalité.

25 Q. Bien. Alors, parlez de votre village. Est-il exact de dire que vous

26 pourriez parler des deux autres villages dont vous étiez l'imam ?

27 R. Je ne peux pas. Il aurait pu se passer quelque chose dans ces deux

28 villages. Je peux parler de mon village, mais pas des deux autres. C'est

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1 une trop lourde responsabilité.

2 Q. Pour ce qui est de votre village, il n'y avait pas de problème de ce

3 genre avec la police serbe en 1998 ?

4 R. Non, mon village n'a jamais eu de problème.

5 Q. Au cours de l'année 1998, avez-vous été informé ou avez-vous été le

6 témoin de conflit ou de combat entre la police serbe ou tout autre groupe

7 armé dans la région, tel que l'UCK ?

8 R. Non.

9 Q. Bien. Maintenant j'aimerais repartir en arrière -- repartir en avant et

10 parler du 1999. Hier, vous avez parlé du service des douanes. En 1999, la

11 République de Serbie qui comprenait le Kosovo-Metohija, faisait partie d'un

12 état fédéral qui s'appelait la Yougoslavie -- non, supprimez cela.

13 Est-il exact de dire qu'en 1999 les policiers du service des douanes

14 qui se trouvaient aux frontières internationales de la Yougoslavie étaient

15 des représentants de la fédération, autrement dit, du personnel yougoslave

16 et non pas du personnel de la République de Serbie ? Est-ce que vous savez

17 quelque chose à ce propos ?

18 R. Je ne les connais qu'en tant que douaniers. A savoir si c'étaient des

19 personnels yougoslaves ou serbes, je ne sais pas. Pour moi, c'étaient des

20 gens de Serbie ou du Kosovo.

21 Q. Vous avez décrit le chef des douanes qui avait un uniforme de couleur

22 unie. Est-ce que vous savez s'il portait des écussons ou les insignes ? Si

23 oui, pourriez-vous nous les décrire ?

24 R. Non, j'ai oublié quel était l'insigne. Il avait à peu près 60 ans.

25 Quelqu'un a dit qu'il venait de Kllokot, mais peut-être qu'il ne vient pas

26 de Kllokot.

27 Q. Bien. Je souhaite maintenant que nous nous concentrions là-dessus. J'ai

28 une question encore à propos de l'uniforme. J'aimerais que vous confirmiez

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1 ceci pour moi. Vous dites bien dans votre déposition que cet uniforme était

2 de couleur unie par opposition à un uniforme de camouflage ?

3 R. De couleur unie, uniforme de police, propre.

4 Q. La dernière question que je souhaite vous poser, Monsieur, par rapport

5 à la question des uniformes, c'est celle-ci : n'est-il pas exact de dire

6 que la police des MUP portait des uniformes de camouflage bleus et des

7 écussons ?

8 R. Non, pas à cet endroit-là. Pour ce qui est de l'ensemble du territoire

9 de Kosovo, je ne sais pas.

10 Q. Vous dites, "pas à cet endroit," vous dites que la police des

11 frontières ne portait pas des uniformes de camouflage bleus; c'est exact ?

12 R. Oui. A la frontière, c'est exact.

13 Q. Merci. Vous avez dans votre déposition parlé des véhicules qui sont

14 restés à la frontière. Je souhaite vous poser cette question : avez-vous eu

15 l'occasion de voyager à l'extérieur de la Yougoslavie avant ce moment-là ?

16 R. Vous voulez dire si j'ai eu l'occasion de voyager moi-même ?

17 Q. C'est exact.

18 R. Oui, à plusieurs reprises.

19 Q. Bien. Monsieur, savez-vous que pour emmener un véhicule au-delà des

20 frontières, il y a certains formulaires et des certificats d'assurance qui

21 doivent être obtenus, qui doivent présentés pour que le véhicule puisse

22 passer une frontière internationale ?

23 R. Oui.

24 Q. Bien. Est-ce un fait établi qu'étant donné que votre convoi n'a pas eu

25 beaucoup de temps pour se préparer, ces documents étaient inexistants ?

26 R. Non, Monsieur. Avec tout le respect que je vous dois, je peux vous dire

27 qu'il y avait des véhicules qui avaient tous les documents en règle. Nous

28 avons calculé par la suite, que 518 véhicules, tracteurs, motoculteurs,

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1 camions et remorques qui tiraient les tracteurs et des motoculteurs sont

2 restés sur place. J'avais moi-même mon propre véhicule et tous les papiers

3 étaient en règle. Mais on m'a donné l'ordre de laisser les clés ainsi que

4 les documents à bord et de poursuivre mon chemin à pied si je voulais

5 passer la frontière.

6 Q. Bien. Ceci permet de faire la clarté là-dessus. Je souhaite maintenant

7 vous poser une question à propos de ceci. Savez-vous s'il y a des groupes

8 qui ont passé la frontière à bord de leurs véhicules ? Est-ce que vous

9 savez cela, vous ?

10 R. Non, je ne sais rien à ce sujet. Je ne sais pas si un groupe est parti

11 en voitures. Les véhicules sont restés à Gllobocica.

12 Q. Bien. Au cours des derniers jours, vous avez mentionné la "police

13 militaire". Je souhaite préciser un certain nombre de choses, car ceci a

14 semé la confusion dans mon esprit quand j'ai entendu votre déposition.

15 Donc, la police militaire dont vous avez parlé, cette police militaire

16 fait-elle partie du MUP serbe, le ministère des Affaires intérieures,

17 d'après vous ?

18 R. Je ne sais pas.

19 Q. Bien. Vous nous avez dit que votre frère était un réserviste, c'était

20 un réserviste rattaché au ministère des Affaires intérieurs ou un

21 réserviste de l'armée ?

22 R. C'était il y a très longtemps. Jusqu'en 1985-1986.

23 Q. Savez-vous s'il était réserviste rattaché au -- pardonnez-moi -- au

24 ministère serbe des Affaires intérieures, la police ou l'armée ? Je suppose

25 qu'à l'époque, c'était encore la JNA, la Jugoslovenska Narodna Armija ?

26 R. C'était un chauffeur au sein de la JNA.

27 Q. Bien. Merci. Je souhaite passer à un autre sujet. Hier - je ne sais pas

28 si c'est hier ou mardi - nous avons parlé de trois personnes qui ont tenté

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1 de contacter la police. C'est le

2 13 avril 1999, la veille du second départ de votre village. Je souhaite

3 savoir de vous ceci : vous nous avez dit que vous ne connaissiez pas le nom

4 du policier avec lequel ils se sont entretenus, mais savez-vous si le

5 policier avec lequel ils se sont entretenus était un policier ordinaire ou

6 un "sarresina", un policier d'un rang supérieur ?

7 R. Ils se sont rendus au MUP de Gjilane. Ils savent à qui ils ont parlé,

8 parce qu'ils connaissaient la personne avec laquelle ils étaient censés

9 parler. Je ne connais pas cette personne et je ne connais pas son nom car

10 je n'étais pas là.

11 Q. Est-ce que par hasard vous connaissez son grade ou est-ce que c'est

12 quelque chose que vous ne savez pas non plus ?

13 R. Non.

14 Q. Bien. Quoi qu'il en soit, dans votre déclaration rédigée à la main,

15 déclaration détaillée que nous avons reçue hier, je crois que ce document a

16 reçu une cote. C'est le 4D10. C'est un document de 30 pages rédigé à la

17 main. A aucun moment vous ne parlez du fait que les trois personnes ont

18 contacté quelqu'un qui se trouvait à Gnjilane au poste de police au SUP.

19 Pourquoi avez-vous omis de dire ceci dans votre déclaration manuscrite ?

20 R. Monsieur, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec la police de

21 Gjilan à plusieurs reprises, pas seulement ce jour-là. J'estimais que ce

22 n'était pas nécessaire d'en parler car nous n'avions pas de difficultés

23 particulières. Maintenant, je ne parle que de ceux avec lesquels mon

24 village avait des problèmes, et pour ceux avec lesquels nous n'avions pas

25 de problème, je n'ai rien écrit.

26 Q. Bien. Si nous pouvions nous concentrer sur les trois officiers, les

27 personnes, Palamarevic, Djilas et le troisième dont le nom m'échappe pour

28 l'heure, Locki quelque chose, vous avez dit que c'étaient des officiers.

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1 Lorsque ces personnes vous ont informés du fait que vous deviez quitter

2 votre village, est-ce qu'ils vous ont proposé une alternative ? Est-ce

3 qu'ils vous ont dit où vous deviez vous rendre ou quelle était votre

4 destination finale ?

5 R. Non, je vous ai déjà dit que je ne savais pas.

6 Q. Est-ce qu'ils vous dirigeaient à ce moment-là vers la frontière

7 macédonienne parce qu'ils savaient que vous alliez arriver là pour finir ?

8 R. A ce moment-là, nous sommes partis en direction de la frontière

9 macédonienne. Nous suivions la police qui dirigeait le convoi. Là où ils

10 allaient, nous les suivions. Tel était l'ordre que nous avions reçu.

11 Q. Très bien. Je souhaite que vous portiez votre attention sur quelque

12 chose qui a été dit hier. Nous avons entendu comment Goran Denic, un Serbe

13 de votre village, a également été arrêté. Negovan Denic est un nom que vous

14 avez cité également. C'est également quelqu'un dont vous parlez dans vos

15 notes manuscrites. Est-ce que vous savez que Negovan Denic, un autre Serbe

16 de votre village, a été arrêté et détenu par la police serbe, le MUP serbe,

17 le 20 avril pour avoir commis des crimes, plus particulièrement pour le

18 pillage de maisons ?

19 R. Non. Je connais les personnes en question.

20 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui répond au nom d'Ademi

21 Sebastijan [phon] venant du village de Kmetovce ?

22 R. Non. Il n'y a personne répondant à ce nom-là à Kmetofc. Il y a deux

23 familles à Kmetofc, des familles assez importantes, une dont le nom de

24 famille est Azizi et l'autre dont le nom est Latifi.

25 Q. Bien. Est-ce que vous savez qu'entre avril et mai 1999, le MUP serbe,

26 la police serbe a, dans la municipalité de Gnjilane arrêté et détenu

27 environ 100 personnes, y compris les trois personnes que je viens de citer

28 - ces personnes étaient d'appartenance ethnique différente - ils ont été

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1 arrêtés pour avoir participé à des actes de pillage, pour avoir mis le feu

2 à des maisons, à des vols et avoir commis des meurtres ? Est-ce que vous

3 savez quelque chose à ce propos ?

4 R. Non. Cela, c'est quelque chose qui doit être traité par la police. Je

5 ne sais rien à ce sujet.

6 Q. Très bien.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous posez cette question

8 par rapport à Prilepnica ?

9 M. IVETIC : [interprétation] Oui, cela comprend Prilepnica, Monsieur le

10 Président. Les trois individus que j'ai cités ont, en réalité, été arrêtés

11 par rapport à Prilepnica.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Depuis Prelepnica, les habitants de -- non,

14 aucun habitant de mon village n'a été arrêté.

15 M. IVETIC : [interprétation]

16 Q. Je parle des deux Serbes que nous avons reconnus un peu plus tôt. Il

17 s'agit des hommes répondant au nom de famille de Denic. J'ai encore

18 quelques questions à vous poser. J'aimerais tout d'abord me tourner vers

19 quelque chose que nous avons évoqué sous le sigle "Rapport de l'OSCE",

20 quelque chose qui est une pièce de l'Accusation, comportant le numéro 2288.

21 Je pense qu'il a également un numéro de cote, un numéro de la Défense. Je

22 vais vous le citer et citer le numéro de la Défense, nous allons le mettre

23 à l'écran. Nous avons une copie en anglais.

24 C'est un rapport de l'OSCE qui m'a été remis et il y a des cases ici

25 qu'il faut cocher. L'interrogateur a cité les forces en présence au cours

26 des événements que vous avez décrit à l'interrogateur. La pièce dont je

27 dispose, Monsieur, énumère la liste suivante : le 6 avril 1999 lorsque les

28 gens de votre village sont partis. Il parle également de l'incident du 14

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1 avril que nous avons évoqué aujourd'hui. Pour ces deux incidents, le

2 rapport de l'OSCE a une case qui indique que la police était en partie

3 responsable des actes commis à votre encontre. Avez-vous, en réalité, dit à

4 l'OSCE que la police de Serbie était responsable de ces deux événements ?

5 R. De mon village ?

6 Q. Oui.

7 R. Non.

8 Q. Ceci me permet de mieux comprendre et de savoir si ce rapport de l'OSCE

9 illustre bien la situation.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir ce

11 document ? De quel document s'agit-il et de quels passages, s'il vous

12 plaît.

13 M. IVETIC : [interprétation] Oui, est-ce que nous pouvons mettre à l'écran

14 le P2288 ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ça y est, il est à l'écran. Je crois

16 que c'est le document auquel vous faites référence.

17 M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire défiler le

18 document vers le bas ? Je crois que cela se trouve à la deuxième page. Est-

19 ce que l'on peut agrandir ? C'est l'événement du 6 avril. Vous avez ici une

20 carte qui a été cochée où il est indiqué "Auteurs : Police." Il y a une

21 case pour VJ, JNA et une case vierge une case vierge pour l'UCK.

22 M. IVETIC : [interprétation] Les arguments présentés par Me Hannis l'autre

23 jour indiquaient qu'il avait signé ce rapport, mais que ce n'était pas

24 cette version-ci qu'il avait signée, je crois.

25 M. HANNIS : [interprétation] Ce n'est pas moi qui ai présenté cet argument,

26 c'est lui qui a répondu cela.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

28 M. IVETIC : [interprétation] J'ai encore deux questions à vous poser,

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1 Monsieur le Témoin.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. IVETIC : [interprétation] Pardonnez-moi.

4 Q. Monsieur Shaqiri, vous pouvez mettre de côté ces documents. J'ai encore

5 deux questions à vous poser.

6 R. Je n'ai pas compris ce qui s'est passé.

7 Q. Pardonnez-moi, Monsieur. J'essayais simplement de faire la clarté sur

8 un point. Il m'a semblé que le rapport de l'OSCE n'a pas permis

9 d'identifier les responsables à la manière dont vous l'avez fait dans votre

10 déposition. Maintenant vous avez fait la clarté là-dessus pour moi.

11 Pardonnez-moi, nous en parlions entre nous.

12 R. Je vous remercie de m'avoir apporté cette précision.

13 Q. Ma dernière série de questions porte sur la déclaration manuscrite qui

14 nous a été remise hier. Ce sont des éléments que j'ai obtenus à partir de

15 ce document-là. Ai-je raison de dire que votre village, en 1999 plus

16 particulièrement, en tout cas entre le mois d'avril et pendant quelques

17 mois avant le mois d'avril, hébergeait des personnes de la région de

18 Drenica et qui n'habitaient pas normalement à Prilepnica ?

19 R. C'est exact.

20 Q. C'est un fait qui n'a jamais encore été évoqué dans vos autres

21 déclarations, ni dans votre déposition au cours des deux derniers jours,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que je n'ai plus de questions à poser

25 à ce témoin, Monsieur le Président.

26 Q. Je vous remercie, Monsieur Shaqiri, d'avoir répondu.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Hier, nous avons eu un certain

28 nombre de questions à propos de traduction. J'ai, des services de

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1 traduction, quelque chose qui m'a été communiqué verbalement. Premièrement,

2 à savoir si le témoin avait dit que pendant son service militaire, il avait

3 servi sur le front, il y a une erreur de traduction. La traduction exacte

4 est comme suit : Il faisait partie du premier niveau, premier échelon. Je

5 crois qu'il a confirmé cela lui-même hier.

6 L'autre question portait sur l'utilisation de l'expression son

7 village a été rasé jusqu'au sol. On n'a pas toujours une traduction mot

8 pour mot lorsqu'on s'adresse à des personnes différentes, mais cette phrase

9 a été traduite et on l'a vérifié par la suite et on a pu lire "complètement

10 brûlé", ce qui pour un traducteur est exactement la même chose.

11 Monsieur Hannis -- pardonnez-moi, Maître Ackerman.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] J'ai demandé si je pouvais intervenir.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

14 M. ACKERMAN : [interprétation] J'ai encore une ou deux questions qui n'ont

15 pas été abordées par mes confrères.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie, allez-y.

17 Contre-interrogatoire par M. Ackerman : [Suite]

18 Q. [interprétation] Encore une fois, bonjour, Monsieur Shaqiri.

19 R. Bonjour.

20 Q. J'ai quelques questions à vous poser à propos de votre déclaration.

21 C'est une déclaration que vous avez rédigée vous-même, de votre main.

22 Personne ne vous a posé de questions à ce moment-là. Vous avez simplement

23 eu l'occasion de vous asseoir à une table et de relater votre histoire au

24 mieux de votre souvenir et de la rédiger vous-même ?

25 R. C'est exact.

26 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la pièce

27 4D10. Peut-être que nous pourrions l'avoir à l'écran, s'il vous plaît, de

28 façon à ce que si la Chambre souhaite suivre et voir ce dossier, elle

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1 puisse le faire.

2 Q. A la première page, vous avez dit que le 1er avril - vous avez parlé

3 d'un enterrement qui s'était déroulé - et vous avez dit, je crois, en

4 faisant allusion aux personnes de votre village, vous avez dit : "Nous

5 avons regardé les avions de l'OTAN en espérant que l'événement que nous

6 attendions allait se produire bientôt, à savoir la capitulation de l'armée

7 serbo-slave."

8 La seule question que j'ai à vous poser à cet égard, c'est celle-ci :

9 c'est dans cette déclaration que vous avez rédigé vous-même lorsque vous

10 dites avoir regardé les avions de l'OTAN, combien de fois avez-vous vu des

11 avions de l'OTAN au début de l'année 1999 ? Beaucoup ? Un petit peu ?

12 Combien d'avions avez-vous vu ?

13 R. Le 24 mars, si je ne me trompe pas, nous avons entendu, car nous

14 n'avons pas vu, nous avons entendu le vrombissement des avions et le fait

15 est que nous nous en sommes réjouis, car nous pensions que ceci mettrait un

16 terme à la folie au Kosovo quels que soient les éléments fautifs de part et

17 d'autre. La population se réjouissait, et moi aussi je me suis réjoui, car

18 nous pensions que la guerre se terminerait un jour ou l'autre et la guerre

19 ne peut être que néfaste.

20 Q. Pendant la première partie d'avril jusqu'au 14 lorsque vous êtes parti,

21 est-ce que vous avez entendu les avions de l'OTAN à ce moment-là ?

22 R. Je viens de vous dire que j'ai entendu deux explosions, quand cela

23 s'est produit je ne savais pas d'où cela venait, mais plus tard j'ai appris

24 que c'était à la caserne de Gjilan. Lorsque je suis passé devant, je l'ai

25 vue de mes propres yeux, le bruit des avions nous l'entendions de temps en

26 temps mais nous n'avons pas pu voir cela de nos propres yeux.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que vous avez dit m'intéresse que :

28 "La folie au Kosovo se terminerait un jour." Qu'est-ce que vous entendiez

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1 par là ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

3 Juges, même si dans mon village personne n'était mort, dans d'autres

4 villages des gens sont morts et des gens mouraient tous les jours.

5 J'essayais de garder mon calme les journées du 6, 13 et 14 avril.

6 Malheureusement, je n'ai pas apporté le compte rendu avec moi, mais j'ai dû

7 enterrer deux femmes innocentes de Zabel, leur famille avait été touchée

8 par les bombes et j'ai dû me rendre à la cérémonie le 29 mars et le 1er

9 avril. Ils ne sont pas morts suite aux bombardements de l'OTAN, c'étaient

10 les personnes qui portaient des uniformes qui, par mesure de représailles

11 contre l'OTAN, ont tiré de façon arbitraire et nous ont insultés. C'est

12 pour cela que je dis que quelqu'un doit être tenu pour responsable des

13 crimes qui ont été commis au Kosovo, dans d'autres villages, à Zhegra,

14 Lashtice. Je suis allé rendre visite aux villages de Bodrik et Mlladov.

15 Nous avons fait sortir les corps des cours des maisons et nous les avons

16 enterrés. Comme je suis imam, j'ai dû assister à l'enterrement d'un bon

17 nombre de personnes innocentes, et je sais que quelqu'un doit porter la

18 faute pour cela et en être responsable.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

20 M. ACKERMAN : [interprétation]

21 Q. Je passe maintenant à la page 8 de la traduction anglaise de votre

22 déclaration manuscrite. Vous avez parlé du départ de votre village le 6

23 avril et vous avez parlé d'un homme qui venait de Drenica. Qui était cet

24 homme de Drenica ?

25 R. En tant que hoxha de la mosquée, j'ai recueilli 80 réfugiés de Drenica

26 dans mon village. C'étaient des malades; l'un était Shefqet Buqiqi, un

27 handicapé qui avait été maltraité et battu. Il y avait des personnes âgées.

28 Toute personne humaine de toute façon aiderait des gens qui sont comme cela

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1 dans le malheur. C'est ce que j'ai fait, nous les avons aidés. Je ne

2 voulais pas que ce soit la police qui le fasse.

3 S'il y a une raison quelque part dans le monde -- on a fait cela

4 uniquement par humanité, c'est tout. Toute la communauté de Gjilan a été la

5 première à ouvrir ses portes aux réfugiés de Drenica. Bien sûr, ce que je

6 viens de vous dire n'est pas entièrement dans ma déclaration, je rajoute un

7 peu quelque chose.

8 Q. Vous vous souvenez de ma question, Monsieur, la question que je vous

9 aie posée ?

10 R. Bien sûr, ce que je suis en train de vous dire n'est pas entièrement

11 dans ma déclaration, je rajoute encore quelque chose.

12 Q. Mais vous vous souvenez de ma question, la question que je vous ai

13 posée ?

14 R. Oui, qui était cette personne qui était avec moi. Shefqet Buqiqi, je

15 l'ai recueilli, je l'ai recueilli avec cinq membres de sa famille. Ils ont

16 été recueillis par moi-même dans ma propre maison.

17 Q. Voilà ce que vous dites à propos de cet homme de Drenica et de sa

18 famille. Quand vous vous apprêtiez à partir, vous avez dit : "J'ai séparé

19 la famille de l'homme de Drenica en deux groupes. J'ai pris trois personnes

20 avec moi dans ma voiture et les autres étaient avec Ramadan, mon frère."

21 Ensuite, voici ce que vous dites : "J'avais peur qu'on les retrouve, qu'on

22 les repère, et là, le pire pourrait nous arriver, à moi, à ma famille et

23 aux personnes que j'avais recueillies."

24 Vous aviez peur que l'on repère cet homme de Drenica ?

25 R. Quand ils étaient à Prelepnica, abrités dans notre maison, là je

26 n'avais pas peur. Mais quand on a eu l'ordre de quitter le village - là je

27 parle du 6 avril - quand on est parti le 6 avril à cause des pillages, des

28 sévices, là j'avais peur évidemment. J'avais peur que quelque chose arrive

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1 à mon ami. Je respecte tous les amis et je respecte toutes les personnes à

2 qui j'ai offert l'hospitalité. Si quelque chose lui arrivait, bien sûr, en

3 tant que hôte nous nous sentirions responsables.

4 Q. Oui, mais cet homme de Drenica, était-il recherché, était-il de l'UCK ?

5 Quand ils sont venus rechercher quelqu'un dans votre village, est-ce que

6 c'était cet homme-là qu'ils recherchaient ?

7 R. Non, absolument pas. Il était malade. C'était un malade qui devait se

8 rendre chez le médecin régulièrement. Il avait des enfants jeunes qui

9 allaient à notre école et il y avait aussi sa femme. D'abord son père est

10 décédé, il a été enterré dans un autre village près de Pristina.

11 Q. A la page 11, vous parlez à nouveau de lui. Vous dites que vous essayez

12 de trouver un véhicule à bord duquel il pourrait voyager et que finalement

13 il a décidé de partir en camion plutôt qu'en voiture. Il s'agit juste d'un

14 homme âgé que vous essayez d'aider, c'est tout ?

15 R. Il n'était pas si vieux que cela, à peu près 60 ans, mais il était

16 malade.

17 Q. En bas de la page 8 et au début de la page 9, vous relatez le moment où

18 vous étiez rentré en Serbie, sur le territoire de la Serbie, la police est

19 arrivée et vous avez dit qu'elle avait reçu l'ordre de vous dire de

20 rebrousser chemin, de rentrer chez vous et que rien ne vous arriverait, que

21 vous deviez en être sûr et bien certain. Nous en avons parlé hier fort

22 longtemps. Or, hier, vous nous avez dit que vous avez entendu cela avec

23 satisfaction, vous étiez heureux d'entendre cette nouvelle; n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est vrai.

25 Q. Dans la déclaration manuscrite, vous nous dites que vous avez dit à ce

26 policier : "Monsieur, ne nous renvoyez pas. Ne causez pas notre ruine, ni

27 la ruine de toutes les personnes qui sont là."

28 C'est assez étrange, vous recevez de bonnes nouvelles et vous dites : "Non,

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1 ne nous faites pas rebrousser chemin, je ne veux pas rentrer dans mon

2 village."

3 R. C'est une erreur de traduction, nous n'avons rien contre la police.

4 L'ordre a été donné par l'armée.

5 Q. Si vous dites que c'est une erreur de traduction, il faut que nous

6 regardions votre déclaration manuscrite en albanais. C'est au moment où

7 vous êtes arrivé à la frontière serbe, la police vous a dit de rebrousser

8 chemin. Il y a ce que vous avez dit au policier, et ensuite ce qu'il vous a

9 répondu, et ce que vous lui avez répliqué. Vous pouvez nous le lire pour

10 que ce soit traduit ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à la page 9, c'est cela ?

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Pages 8 et 9 en anglais.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

14 M. ACKERMAN : [interprétation] Cela dit en albanais c'est à peu près au

15 milieu de la déclaration, je ne lis pas cette langue, donc je n'ai aucune

16 idée où ce passage peut bien se trouver.

17 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que c'est au début de la page 15 de

18 la version albanaise.

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai trouvée. J'ai raison; il y a une

21 erreur de traduction.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous le lire en

23 albanais, s'il vous plaît.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] "Monsieur," j'ai dit au policier : "Ne nous

25 dites pas de revenir si ce n'est que vous qui le dites. Ne me mettez pas

26 dans une situation délicate avec ces personnes." Je voulais être sûr qu'il

27 avait bien reçu des ordres de quelqu'un quand il nous disait de rebrousser

28 chemin.

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1 M. ACKERMAN : [interprétation]

2 Q. Vous dites que vous ne l'avez pas dit, ensuite, vous me dites qu'il y

3 avait une erreur de traduction, puis ensuite, vous me lisez quelque chose

4 qui est à peu près identique à ce que je vous avais lu en anglais, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Non, non.

7 Q. Oui, on peut lire la traduction de ce que vous avez lu, pas besoin de

8 rentrer dans les détails. Je vais vous poser une question à propos d'autre

9 chose.

10 Après que vous ayez rebroussé chemin, vous nous avez dit hier que vous avez

11 passé la nuit du 6 à Dobercan, et ensuite, le 7 vous êtes rentrés dans

12 votre village; c'est bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. On a eu une longue discussion hier à propos de ce qui s'est passé une

15 fois que vous êtes rentrés dans votre village. On a longuement parlé du

16 fait que dans la déclaration vous aviez dit que tous les villageois

17 essayaient d'entrer en contact avec des Serbes qui ont eu une influence

18 quelconque pour essayer d'échapper à une nouvelle évacuation. Quand je vous

19 ai posé une question à ce propos, vous avez dit : "Non, je ne parlais pas

20 de tous villageois, mais de presque tous les villageois." Cela dit,

21 l'impression que nous avons eue, c'est que tous les villageois

22 travaillaient ensemble à essayer de rester en place et de ne pas être

23 évacués.

24 Ensuite, j'ai pu lire ce que vous avez écrit de façon manuscrite, et entre

25 ce que vous nous dites et ce que vous avez écrit, voilà, c'est ce que vous

26 avez écrit : vous êtes rentré au village le 7, et le 7, on vous a informé

27 qu'il y aurait une réunion, une réunion dans la oda, donc dans la pièce, le

28 salon d'Abdyrrahim Osmani à 19 heures ce jour-là. Vous étiez invité à la

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1 réunion, vous étiez ravi qu'il y ait eu cette réunion d'ailleurs. Mais

2 malheureusement, vous avez été assez déçu, parce que la réunion ne s'est

3 pas passée exactement comme vous le vouliez.

4 Quelqu'un a dit : "On m'a accusé de revenir chez moi et de ne pas avoir

5 réescorté tout le monde jusqu'au village."

6 Donc, on vous a accusé d'avoir abandonné vos villageois quand vous êtes

7 resté à Dobercan, puisque vous n'avez pas escorté le jour même jusqu'au

8 village. C'est bien cela ? Ils étaient en train de dire à cette réunion que

9 vous les aviez abandonnés.

10 R. Il y a toujours des gens imprudents partout. Et c'est exactement ce que

11 disent ces personnes, des paroles imprudentes. Il y aussi des gens qui sont

12 ironiques. Ce n'est pas une déclaration officielle.

13 Q. Oui, mais enfin, ce qu'ils ont dit ici n'est pas de l'ironie, cela

14 empire d'ailleurs. Vous leur avez dit qu'ils devraient former un QG en vue

15 de se protéger, qu'il fallait se consulter, obtenir un consensus, puis

16 quelqu'un vous a arrêté et quelqu'un a

17 dit : "Pas besoin de faire cela, Hoxha. Chacun doit faire ce qu'il peut

18 séparément selon ses possibilités. N'importe qui pourrait parler au nom du

19 village. Donc, il n'y a pas besoin finalement d'un QG." Vous avez été assez

20 embarrassé là. Vous avez dit : "Dans ce cas-là, on n'a qu'à nommer une

21 personne plus âgée." Quelqu'un vous a

22 répondu : "Hoxha, cela ne sert à rien, ils ne reviendront pas. Il n'y aura

23 plus d'évacuations." Et vous avez commencé à dire que cela ne servait plus

24 de discuter avec eux. Et visiblement, vous étiez assez en colère. A la fin,

25 vous avez dit : "Faites ce que vous voulez. "inshallah," ce qui s'est passé

26 n'arrivera plus, et si cela recommence, ne comptez plus sur le Hoxha."

27 Donc, vous vous êtes plus ou moins disputés avec les villageois qui vous

28 entouraient ?

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1 R. Oui, c'est vrai. On s'est disputés, la conversation était plus

2 qu'animée.

3 M. HANNIS : [interprétation] Il faudrait quand même continuer à lire la

4 dernière phrase. Parce qu'il s'est arrêté juste au milieu de la phrase.

5 M. ACKERMAN : [interprétation] "… parce que je ne veux pas avoir à les

6 affronter tout seul sans personne à mes côtés."

7 Je n'ai plus de questions maintenant. Merci.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, c'est à vous.

9 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

10 Nouvel interrogatoire par M. Hannis :

11 Q. [interprétation] Monsieur Shaqiri, M. Ackerman vous a posé quelques

12 questions, et la page 2 874 du compte rendu, ligne 4, il vous demande,

13 pourquoi les villageois étaient en train d'essayer d'entrer en contact avec

14 des Serbes pour éviter d'être à nouveau évacués.

15 Entre le 6 et le 14 avril, avez-vous eu des informations sur ce qui se

16 passait dans le reste du Kosovo, ce qui était en train d'arriver aux civils

17 albanais kosovars à ce moment-là ?

18 R. Oui. Souvent, j'avais des informations, et j'avais des informations sur

19 ce qui se passait dans les autres villages de l'Anamorava, de la haute

20 Morava à Gjilan, par exemple. Le 28 mars --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Shaqiri, la question est très

22 précise. On vous demande ce qui s'est passé entre le 6 et le 14 avril.

23 Concentrez-vous sur le 6 et le 14 avril, l'intervalle entre le 6 et le 14

24 avril. C'est tout ce qu'on vous demande.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je n'avais pas compris la question.

26 Désolé. Pendant cette période de temps, je m'occupais principalement de mon

27 village. Bien sûr, j'ai entendu des choses sur ce qui se passait ailleurs,

28 mais je ne m'en rappelle pas de toute façon à l'heure actuelle.

Page 2972

1 M. HANNIS : [interprétation]

2 Q. Avant le 14 avril, avez-vous eu connaissance de ce qui était arrivé aux

3 kosovars albanais dans d'autres villages du Kosovo, donc à partir du moment

4 où les bombardements de l'OTAN ont commencé le 24 mars 1999 ?

5 R. Oui, plus ou moins.

6 Q. Sans rentrer dans les détails, pouvez-vous nous dire un peu la teneur

7 de ce que vous aviez entendu ?

8 R. J'ai entendu parler de meurtres à Vllashtica, Mlladov, Zhegra. Et à la

9 télévision, j'ai un petit vu ce qui se passait dans tout le Kosovo.

10 Q. Vous avez entendu parler d'ordre donné à d'autres villageois d'évacuer

11 leur village, similaire à l'ordre qu'on vous a donné le 6 avril ?

12 R. Avant le 14 avril, non, je n'avais rien entendu de la sorte.

13 Q. A la page 9 du transcript d'aujourd'hui, donc ligne 8,

14 M. Bakrac vous demandait, ou vous posait des questions à propos de votre

15 déclaration de juin 2001, où vous avez décrit comment on vous avait donné

16 l'ordre de quitter le village le 13 et 14 avril, enfin, on vous a dit qu'il

17 fallait partir. Vous a-t-on dit où aller ? Quelqu'un vous aurait-il dit où

18 il fallait que vous vous rendiez ou on vous a juste dit qu'il fallait que

19 vous quittiez le village ?

20 R. Les 13 et 14 avril, on nous a dit d'aller vers Ferizaj mais sous

21 escorte, parce que j'avais exigé l'escorte.

22 Q. A part d'aller dans la direction de Ferizaj, on vous a dit autre chose

23 sur votre destination ?

24 R. Non, la destination, c'était Ferizaj.

25 Q. J'ai encore quelques petites questions à poser sur la conversation que

26 vous avez eue avec les trois hommes qui sont arrivés le 13 avril, puisque

27 vous avez, je crois, dit que vous avez aussi parlé avec eux le 14. Il

28 s'agit de Djilas, Ljuba Palamarevic et un troisième individu. Est-ce bien

Page 2973

1 Djilas qui aurait mentionné Belgrade ?

2 R. Oui.

3 Q. Palamarevic, c'est celui qui, lui, a parlé du QG militaire à Gjilan ?

4 R. Oui.

5 Q. A la page 2 281 du compte rendu d'hier, ligne 22, quand il y avait

6 discussion à ce propos, je crois que vous avez dit que vous pouviez aussi

7 le dire en serbe, que vous pouviez nous répéter en serbe ce que Djilas

8 avait dit. Pourriez-vous nous répéter exactement en serbe les termes qui

9 ont été employés par ce Djilas ?

10 R. Avant d'arriver à ces mots-là, d'abord, on s'est un petit peu disputés.

11 Enfin, on a eu une conversation assez animée. Il y avait un conducteur,

12 Reshat Rrahmani et Djilas. La dispute était entre les deux. Quand Rrahmani

13 l'a vu dans ma cour, il a vu son directeur. Là, je peux le citer. Je l'ai

14 déjà cité une fois en serbe, mais je peux le refaire si vous voulez. Après

15 cette conversation très animée entre les deux, en présence de tout le monde

16 qui était là, il a dit : "Un ordre est arrivé de Belgrade, de l'état major

17 suprême." Il a mentionné Belgrade. Il a dit qu'on devait partir par tous

18 les moyens. Donc, je l'ai déjà dit en serbe.

19 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Juge --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La référence de la page n'est pas

21 correcte, je pense.

22 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est plutôt le 2 821. Enfin, je croise

23 les doigts.

24 Q. Cela dit, vous avez répondu en partie à ma question suivante. Quand

25 Djilas a dit ces propos, ces mots, qui était présent ? Vous, Djilas. Qui

26 d'autre ?

27 R. Oui. Il y avait Reshat Rrahmani, Demush Bajrami, Rexhep Mehmeti,

28 Ramadan Mehmeti. Enfin, je crois qu'ils y sont tous, à moins que j'en aie

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1 oublié un. Bien sûr, moi-même.

2 Q. Le jour suivant, le 14 avril, avez-vous à nouveau parlé avec l'une de

3 ces trois personnes à propos de la raison qui vous poussait à partir ?

4 R. Non. Nous étions encerclés. Pendant la nuit, on nous a encerclés. Je le

5 répète, à 7 heures 30, je suis parti avec ma voiture, avec ma famille à

6 bord, en tête de convoi. Tout le monde était dans la rue, tout le monde

7 était prêt à partir. On s'était rassemblés au bout du village, à peu près à

8 100 mètres. Il y a un virage juste après les dernières maisons. C'est là

9 que la route tourne vers Gjilan. Il y avait un véhicule blindé, il y en

10 avait un autre un peu plus loin. Je me suis arrêté devant ces deux blindés,

11 et voici ce qu'ils m'ont demandé : "Est-ce qu'ils sont tous là ? Est-ce que

12 vous avez besoin d'un autocar ? Est-ce que vous avez besoin d'essence ?"

13 J'ai répondu que je n'avais besoin ni d'autocar ni de carburant, qu'on

14 était prêts et que tout ce qu'on voulait, c'était qu'ils nous escortent

15 comme promis. Puisque je leur avais demandé une escorte et ils avaient

16 promis une escorte. Parce que la première fois, j'ai eu beaucoup de mal à

17 diriger les villageois. Et la deuxième fois, cette deuxième évacuation, je

18 ne voulais plus prendre de risque. La réponse a été : "Allez-y. Au puits,

19 l'escorte vous attend."

20 Q. Merci.

21 M. HANNIS : [interprétation] La référence correcte du commentaire précédent

22 devrait être la page 2 881, lignes 22 et 23.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 M. HANNIS : [interprétation]

25 Q. Monsieur Shaqiri, je n'ai plus de questions à vous poser. Merci.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 Questions de la Cour :

28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Avec la permission de M. le

Page 2975

1 Président, j'aimerais vous poser quelques questions.

2 Ma première question porte sur la situation qui prévalait dans le village

3 dont vous étiez l'imam. Je voudrais savoir quelles étaient les relations

4 entre les personnes de confessions religieuses différentes et ce, avant le

5 mois de mars 1999 ? Quels étaient les liens qui étaient forgés entre ces

6 personnes de différentes confessions religieuses avant le mois de mars

7 1999 ? C'est ma première question.

8 R. Je vous remercie. C'est avec fierté que je dis que depuis des

9 générations ma famille a été imam et nous n'avons jamais eu de problèmes

10 avec les autres personnes de confessions religieuses, même si notre village

11 est entouré de sept villages habités par les Serbes. Nous avons eu des

12 relations des plus cordiales, des relations les plus normales. Ils

13 passaient toujours par notre village, il s'agissait de personnes tout à

14 fait civilisées, de personnes tout à fait polies, de personnes qui aimaient

15 Dieu et la mosquée.

16 Nous avons une bibliothèque où il y avait des manuscrits en persan, en

17 arabe, en bosniaque, en albanais, il s'agissait d'un véritable trésor. Mais

18 le 14 avril, cette bibliothèque fut détruite, et Djilas Palamarevic a été

19 responsable de cela parce que la bibliothèque, la mosquée et la maison du

20 hoxha ont été incendiées, cette maison au service de laquelle nous avions

21 été depuis 100 ans ou même 150 ans.

22 Comme je l'ai dit, je suis fier, je suis fier de ce comportement civilisé

23 de la population et de mon peuple à Perlepnice, de sa tolérance qui

24 d'ailleurs était illimitée.

25 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pourquoi alors est-ce que tout cela

26 s'est passé ? Est-ce que vous avez une opinion sur la question ?

27 [La Chambre de première instance se concerte]

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi cela s'est passé, mais

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1 je sais que la justice prévaudra. Je crois en Dieu.

2 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous remercie.

3 R. Je vous remercie.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Shaqiri, vous êtes arrivé au

6 terme de votre déposition. Je vous remercie d'être venu au Tribunal pour

7 faire cette déposition. Vous pouvez maintenant disposer.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je ajouter une phrase, Monsieur le

9 Président ? Mesdames et Messieurs les Juges, je vous remercie de votre

10 patience. Il se peut que je n'aie pas toujours été très précis dans mes

11 propos, mais c'est la première fois que je suis témoin, je n'avais aucune

12 expérience. Je vous souhaite bonne chance, une excellente santé et j'espère

13 que la justice triomphera. Je vous remercie.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Shaqiri.

15 [Le témoin se retire]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, ne faites pas entrer

17 le témoin suivant dans le prétoire pour le moment.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, très rapidement, je

19 souhaite intervenir.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Ackerman.

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Le compte rendu d'audience -- non, je vois

22 que cela a été déjà corrigé.

23 Je voulais verser au dossier les pièces 4D10 et 4D11.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que cela soit

25 suffisant parce qu'elles sont intégrées puisqu'elles ont été utilisées lors

26 de l'audience.

27 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais je voulais juste m'assurer du fait

28 que la liste des pièces à conviction les montre comme ayant été admis.

Page 2977

1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, qui est le témoin

3 suivant ?

4 M. HANNIS : [interprétation] Bajram Bucaliu.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est un témoin dont nous

6 avons parlé, il s'agit de changer la nature de sa déposition.

7 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est cela. Oui, c'est un témoin 92 bis

8 (D), compte tenu de son compte rendu d'audience dans l'affaire Milosevic.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela est autorisé après une brève

10 discussion ici, n'est-ce pas ?

11 M. HANNIS : [interprétation] Oui, oui, nous en avons parlé la semaine

12 dernière. Nous pensons qu'il allait peut-être arriver --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il serait peut-être plus

14 opportun d'avoir la pause maintenant, ensuite nous pourrons entendre le

15 témoin. Nous faisons la pause maintenant et nous reprenons à 17 heures 45.

16 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

17 --- L'audience est suspendue à 17 heures 17.

18 --- L'audience est reprise à 17 heures 48.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Bucaliu. Je vous

21 demanderais de prononcer la déclaration solennelle en lisant le document

22 qui vous être placé devant vous.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 LE TÉMOIN: BAJRAM BUCALIU [Assermenté]

26 [Le témoin répond par l'interprète]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez prendre place.

28 Monsieur Bucaliu, nous avons un exemplaire de la déposition que vous avez

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1 faite lorsque vous êtes venu ici. Nous disposons déjà de nombreux

2 renseignements eu égard aux événements afférents à cette affaire. Vous êtes

3 maintenant ici pour répondre à des questions bien précises que les conseils

4 veulent vous poser. Il s'agit de questions dont le but sera soit de

5 préciser certaines choses, soit de compléter certains éléments ou soit de

6 les contester. Il nous serait extrêmement utile que vous écoutiez très

7 attentivement les questions et que vous essayiez, lorsque vous répondrez,

8 de vous en tenir à la question bien précise qui vous a été posée. La

9 première personne qui vous posera des questions vous posera des questions

10 au nom du Procureur.

11 Je suppose qu'il s'agit de M. Hannis ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

14 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin va témoigner

15 conformément à l'article 92 bis [comme interprété]. Sa déposition a trait

16 aux paragraphes 72(j), 73, 75 de l'acte d'accusation. Il s'agit des

17 événements d'Urosevac, dans la municipalité de Ferizaj.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

19 Interrogatoire principal par M. Hannis :

20 Q. [interprétation] Monsieur, est-ce que vous pourriez nous déclarer votre

21 nom et l'épeler, je vous prie.

22 R. Je m'appelle Bajram Bucaliu.

23 Q. Comment est-ce que vous épelez votre nom de famille ?

24 R. B-u-c-a-l-i-u.

25 Q. Vous avez déjà témoigné dans ce Tribunal dans l'affaire contre

26 Milosevic le 12 et le 13 mars 2002.

27 M. HANNIS : [interprétation] Je vous dirais, Monsieur le Président, qu'il

28 s'agit de la pièce à conviction P2287, que nous voulons verser au dossier.

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1 Q. Cette déposition que vous avez faite il y a quatre ans maintenant va

2 faire partie des éléments de preuve dans cette affaire. Nous n'allons pas

3 reprendre cette déposition par le menu, mais je souhaiterais vous poser

4 quelques questions avant que ne commence le contre-interrogatoire de la

5 part des conseils de la Défense. Pour ce faire, je vais dans un premier

6 temps vous poser quelques questions de base.

7 Donc, vous êtes un Albanais du Kosovo et vous êtes né à Gjilan au Kosovo;

8 est-ce que cela est exact ?

9 R. Oui. Je suis Albanais, et je suis né dans la municipalité de Gjilan au

10 Kosovo. J'ai trois enfants. Mon épouse est décédée il y a cinq mois.

11 Q. Mes condoléances. Entre l'année 1964 et l'année 1999, vous viviez dans

12 le village de Fshati i Vjeter, dont le nom serbe est Staro Selo, dans la

13 municipalité d'Urosevac ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Monsieur Bucaliu, à la page 2 059 de votre déposition ou du compte

16 rendu d'audience dans l'affaire Milosevic, vous avez expliqué comment le 2

17 avril 1999, des soldats serbes et des blindés sont arrivés dans votre

18 village. De quelle direction venaient-ils lorsqu'ils sont arrivés dans

19 votre municipalité ?

20 R. Ils venaient de la route principale qui relie Ferizaj à Gjilan. Cette

21 route principale se trouve à environ 600 mètres de mon domicile. Il y avait

22 également de nombreux blindés qui se trouvaient dans un champ également.

23 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire où se trouve votre village ? Quel est

24 son emplacement géographique par rapport à Urosevac et Ferizaj ?

25 R. Par rapport à Ferizaj, mon village se trouve en direction ou -- au sud-

26 est de Ferizaj.

27 Q. A quelle distance environ ?

28 R. A 3 kilomètres de Ferizaj.

Page 2981

1 Q. Quel était l'importance de votre village en 1999 ? Combien de foyers y

2 avait-il ? Combien d'âmes y avait-il dans ce village ?

3 R. En 1999, il y avait environ 100 foyers et il y avait quelque 800

4 habitants.

5 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des villageois ?

6 R. C'était un village à appartenance ethnique mixte. Il y avait

7 essentiellement des Albanais et 13 familles qui étaient d'appartenance

8 ethnique serbe. Nous avions également deux familles de Rom.

9 Q. Le 2 avril, lorsque les soldats et les blindés sont arrivés, combien de

10 soldats sont arrivés, si vous l'avez remarqué ou si vous les avez vus ?

11 R. Je les ai vus. Je ne peux pas vous dire combien de soldats il y avait,

12 mais je dirais qu'ils étaient environ une quarantaine ou une cinquantaine.

13 Je ne le sais pas exactement. Ils sont arrivés avec des blindés, certains

14 marchaient. Il y avait peut-être également des soldats sur les blindés. Je

15 n'en sais rien, je ne les ai pas vus. Mais ils étaient environ une

16 quarantaine.

17 Q. Combien de blindés y avait-il ?

18 R. Il y avait environ quatre ou cinq blindés.

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez du type d'uniforme qu'ils portaient ?

20 R. Oui, oui, je m'en souviens.

21 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner une description de ces uniformes,

22 je vous prie ?

23 R. Il s'agissait des couleurs que portait l'armée serbe à l'époque.

24 C'était la couleur verte qui dominait. Donc, il y avait un mélange de vert

25 et de marron.

26 Q. Est-ce qu'il s'agissait de tenues de camouflage ?

27 R. Oui. Oui, c'était des tenues de camouflage.

28 Q. Est-ce que vous avez fait votre service militaire lorsque vous étiez

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1 jeune ?

2 R. Oui. J'ai terminé mon service militaire, ou je l'ai fait en 1976-1977.

3 Q. Qu'avez-vous fait lorsque vous faisiez votre service militaire ? Quelle

4 était votre activité ?

5 R. J'étais dans l'aviation. Je m'occupais de maintenance du matériel et de

6 l'équipement pour les avions.

7 Q. Est-ce que vous parlez et comprenez le serbe ?

8 R. Oui. Oui, je le comprends et je le parle.

9 Q. Quand avez-vous appris le serbe et où l'avez-vous appris ?

10 R. Nous avions des voisins serbes et nous avions l'habitude de jouer avec

11 eux. Nous avons appris avec eux. Nous avons passé un certain temps avec

12 eux. Puis, bien entendu, on m'a enseigné le serbe à l'école également.

13 Puis, pendant mon service militaire, c'est une langue que j'ai utilisée. Je

14 travaillais avec des collègues serbes --

15 Q. Vous dites dans votre déclaration préalable à la page 2 061, que l'un

16 des soldats ce jour-là est venu vous trouver, présenter, en fait, en tant

17 que commandant; est-ce que cela est exact ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Les soldats vous ont dit qu'ils faisaient partie de l'armée régulière.

20 Cela, vous l'avez dit à la page 2 062; est-ce que cela est exact ?

21 R. Oui, c'est exact, effectivement.

22 Q. Qu'est-ce que cela signifie pour vous que "cette armée régulière" ou

23 cette "armée de métier" ?

24 R. Pour moi, une armée régulière est l'armée où j'ai fait mon service

25 militaire également. C'est une armée régulière.

26 Q. A cette époque-là, en Serbie et au Kosovo, l'armée régulière, c'était

27 la VJ; n'est-ce pas ?

28 R. Oui, oui, c'est ainsi qu'on l'appelait.

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1 Q. Monsieur Bucaliu, avant le 2 avril 1999, est-ce qu'il y avait eu une

2 présence militaire ou policière importante dans votre village ou est-ce

3 qu'il y avait eu des activités de la part des militaires ou des policiers ?

4 R. Non, non, pas avant le 2 avril 1999. Il n'y avait eu ni présence de la

5 police ni présence militaire.

6 Q. Est-ce que vous saviez que quelque neuf jours avant le

7 2 avril, l'OTAN avait commencé ses attaques aériennes au Kosovo ?

8 R. Oui, nous le savions. Parce que nous l'avons vu de mes propres yeux,

9 puis nous en avions fait l'expérience également.

10 Q. Est-ce qu'il y a eu des bombardements dans votre village ?

11 R. Pas lorsque nous étions dans le village, il n'y en a pas eu.

12 Q. Dans votre déposition à la page 2 062, vous avez indiqué que ces

13 soldats vous ont demandé vos armes et que vous avez donné des fusils de

14 chasse, qu'il y a eu des perquisitions qui ont été faites et qu'ils ont

15 pris votre camion; est-ce que cela est exact ?

16 R. Oui, tout est exact.

17 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit pourquoi ils prenaient ces armes ?

18 R. Non, ils ne nous l'ont pas dit. Ils nous ont tout simplement dit que la

19 population n'avait pas besoin de fusils. Ils nous ont dit, nous sommes

20 l'armée régulière. Nous allons nous occuper de vous." C'est ce qu'ils ont

21 dit.

22 Q. Le 5 avril, toujours dans votre déposition et toujours à la même page,

23 vous avez dit que ces forces de l'armée régulière ont quitté votre village.

24 Quelle direction ont-ils empruntée lorsqu'ils sont partis de votre

25 village ?

26 R. Le 5 avril, vers 8 heures du matin, ces forces militaires ont quitté le

27 village. Elles sont parties vers la route principale qui relie Ferizaj à

28 Gjilan, et elles sont parties en direction de Gjilan.

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1 Q. Avant de partir, est-ce qu'elles ont fait quelque chose ? Est-ce

2 qu'elles ont provoqué ou occasionné des dégâts dans votre village ?

3 R. Comme je l'ai dit, ils ont pris mon camion. Et ce jour-là, avant de

4 partir du village, ils ont incendié deux maisons. Ces maisons se trouvaient

5 près de la route principale. C'est là où ils étaient cantonnés. Ils ont

6 brûlé ces deux maisons.

7 Q. Savez-vous à qui appartenaient ces maisons ?

8 R. Je ne me souviens pas du nom de leurs propriétaires maintenant.

9 Q. Est-ce que vous connaissez l'appartenance ethnique des propriétaires ?

10 R. Oui, ils sont Albanais.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez environ de l'heure à laquelle ils sont

12 partis ?

13 R. Vers 8 heures du matin, 8 heures, 8 heures 30. Je ne sais pas l'heure

14 exacte, mais c'était le matin.

15 Q. Nous savons, d'après le compte rendu d'audience, à la

16 page 2 063, que plus tard, toujours au cours de la même journée, vers 16

17 heures, vous avez décrit comment des Chetniks ou des forces paramilitaires

18 chetniks étaient arrivées dans votre village. D'où venaient ces personnes ?

19 De quelle direction venaient-elles ?

20 R. C'est exact. Ce même jour, en dépit du fait que nous étions contents

21 d'avoir vu ces forces partir - nous pensions, en fait, que tout était

22 terminé, tout était réglé. Toutefois, deux bus qui sont venus de l'autre

23 côté de la route principale qui relie Gjilan à Ferizaj, ont débarqué

24 quelque 80 paramilitaires, Chetniks. Ils sont entrés par l'autre côté, puis

25 ils ont commencé tout doucement ou lentement à se rapprocher de notre

26 village et des maisons qui se trouvaient dans le quartier où j'habitais.

27 Q. Vous nous dites que ces hommes étaient des paramilitaires ou des

28 Chetniks, comment est-ce que vous avez pu faire la part des choses ?

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1 Comment est-ce que vous avez vu qu'ils étaient différents et en quoi est-ce

2 qu'ils étaient différents de l'armée régulière qui était partie un peu plus

3 tôt, ce jour-là ?

4 R. Il y a une grande différence entre ces deux-là. Il y avait des gens

5 d'âges différents. Leur âge allait de 18 ans à 60 ans pour commencer. Ils

6 avaient des cheveux longs, ils étaient barbus, ils avaient des couvre-

7 chefs. Ils étaient différents de l'armée régulière.

8 Q. Quelle était à peu près la fourchette d'âge des soldats qui se

9 trouvaient là plus tôt et que vous avez décrits comme faisant partie de

10 l'armée régulière ?

11 R. Le premier jour, lorsque je les ai vus ou rencontrés pour la première

12 fois, il s'agissait de trois soldats qui avaient environ 40 ans. Plus tard,

13 nous avons rencontré d'autres soldats. Certains étaient plus jeunes,

14 d'autres étaient plus âgés.

15 Q. Est-ce que le commandant dont vous avez parlé faisait partie du groupe

16 des trois hommes qui avaient la quarantaine ?

17 R. Est-ce que vous parlez du commandant de l'armée régulière dont nous

18 avons parlé un peu plus tôt ou est-ce que vous parlez de ces forces

19 chetniks ?

20 Q. Non, je faisais référence au commandant de l'armée régulière.

21 R. Il avait entre 40 et 50 ans, je pense.

22 Q. Ce deuxième groupe que vous avez décrit, vous avez dit qu'ils avaient

23 des cheveux longs, qu'ils étaient barbus, mais qu'en est-il des forces que

24 vous avez décrites comme faisant partie de l'armée régulière ? Est-ce que

25 ces personnes portaient la barbe également ? Est-ce qu'elles avaient des

26 cheveux longs également ?

27 R. Non. Ils n'avaient pas de cheveux longs, ils ne portaient pas de barbe.

28 Certains avaient le crâne rasé, d'autres avaient des cheveux courts, mais

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1 les soldats de l'armée n'avaient pas des cheveux longs. Il y avait certains

2 qui avaient une moustache mais sans plus.

3 Q. Qu'en est-il des uniformes qui étaient portés par les paramilitaires ?

4 Est-ce qu'ils ressemblaient aux uniformes de l'armée régulière ?

5 R. La couleur était plus ou moins la même que celle de l'armée régulière.

6 Mais comme je l'ai déjà dit, il y avait d'autres insignes. Ils avaient des

7 écussons, ils avaient ce couvre-chef, c'est pour cela que leur uniforme

8 était différent de celui de l'armée régulière.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez, peut-être, de ces insignes qu'ils

10 avaient et qui étaient différents de ceux de l'armée régulière ?

11 R. Je me souviens de ce sigle "SCP", qui est le Mouvement chetnik-serbe.

12 C'est comme cela qu'ils l'appelaient.

13 Q. Où avez-vous vu ce sigle ?

14 R. Au niveau du bras.

15 Q. A la page 2066 du compte rendu d'audience de votre déposition, vous

16 dites : "Ils nous ont indiqué qui ils étaient."

17 Ce groupe de Chetnik qui est arrivé vers 16 heures cet après-midi là,

18 que vous ont-ils dit ? Est-ce que vous vous souvenez de ce qu'ils vous ont

19 dit ?

20 R. Oui, oui, je m'en souviens. Nous avons passé un certain temps

21 avec eux, environ neuf jours. Nous avons eu des contacts avec eux

22 quotidiennement. Quotidiennement également, nous recevions des informations

23 de leur part. Ils nous ont dit qu'ils étaient les hommes de Seselj, les

24 volontaires de Seselj, qui avaient fait la même chose en Bosnie et qui

25 étaient venus au Kosovo pour défendre le Kosovo et pour se battre au

26 Kosovo.

27 Nous avons eu de nombreuses conversations avec eux. Je ne sais pas ce

28 qui est essentiel pour vous, ce qui serait plus important que je mentionne.

Page 2987

1 Ils avaient pris de jeunes hommes pour leur faire creuser des tranchées et

2 ils leur avaient dit : "A la fin, nous serons obligés de vous tuer. C'est

3 ce que nous avons fait en Bosnie." Ils leur avaient dit également que

4 personne n'était censé partir du village sans qu'ils le sachent. Ils

5 disaient : "Vous devez être ici avec nous et si Clinton s'en mêle avec son

6 infanterie, vous serez nos boucliers."

7 Q. Dans votre déposition, je pense que cela commence au début de la

8 page 2 095, vous avez fini par connaître le prénom de deux de ces

9 personnes. Est-ce que vous vous souvenez de Mile et de Musa ?

10 R. Oui. Ces deux semblaient être les dirigeants, les chefs de ce

11 groupe. Ils avaient plus de contacts parce qu'eux, ils se déplaçaient

12 constamment dans le village, de long en large du village. C'est pour cela

13 que je pensais qu'ils étaient les chefs de ces soldats ou de ces Chetniks.

14 Je ne sais pas très bien comment les appeler.

15 Q. Vous dites que vous avez passé neuf jours avec eux. Est-ce que

16 vous les avez vu partir ou est-ce que vous êtes parti avant eux ?

17 R. Non. Nous, nous sommes partis le 14 avril et eux, ils sont restés dans

18 le village.

19 Q. Lorsque vous dites "nous", à qui faites vous référence ?

20 R. Je fais référence aux habitants de Fshati i Vjeter et je fais référence

21 aux habitants de ce village d'origine albanaise.

22 Q. Bien. Avant votre départ, le 14 avril, est-ce qu'un événement s'est

23 passé qui aurait précipité votre départ ce jour-là ? Cela faisait à peu

24 près neuf jours que vous étiez avec ces personnes, qu'est-ce qui a provoqué

25 votre départ, le 14 ?

26 R. Lorsque nous étions dans le village, pendant toute cette période, entre

27 le 5 et le 14 avril, ces Chetniks paramilitaires ont pillé le village, nous

28 ont fait subir différents sévices, différents mauvais traitements. Nous

Page 2988

1 étions assiégés, nous n'avions pas le droit de quitter le village.

2 Le 13 avril, ils ont tué Emin Zeka et ses deux fils. Ils les ont tués

3 le soir, et le lendemain, donc le 14 avril, le hoxha du village, c'était

4 une personne âgée du village qui était un prêtre musulman, le hoxha donc

5 est venu chez-moi et m'a dit : "Emin et ses deux fils ont été tués." Il m'a

6 relaté qu'ils avaient été tués la veille au soir. Pour vous dire la vérité,

7 je ne l'ai pas cru. Je n'en croyais pas mes oreilles, parce qu'il m'était

8 particulièrement difficile de croire que cela s'était passé ou d'imaginer

9 que cela s'était véritablement passé après tous les sévices, tous les

10 mauvais traitements et tous les pillages dont nous avions déjà fait les

11 frais.

12 Je voulais juste mentionner que le hoxha avait informé les autres

13 personnes de cet assassinat également. Instinctivement, les gens ont

14 commencé à se rassembler chez moi, parce que ma maison se trouve au centre

15 du village. J'ai vu cette foule de personnes qui se demandaient : "Mais

16 qu'attendons nous maintenant ? Ils ont commencé à nous tuer." Je dois dire

17 que ce fut un moment particulièrement pénible et difficile, parce que nous

18 ne savions pas que faire, nous ne savions pas vers quelle direction envoyer

19 les gens. Comme nous pensions qu'ils allaient nous tuer, nous avons pensé

20 qu'il serait sage d'essayer de nous échapper du village.

21 Il y a une vallée derrière ma maison, ainsi qu'une prairie. Tout le

22 monde, les femmes, les enfants, nous avons tous commencé à fuir et j'ai dit

23 à ma famille, à mon épouse et à mes enfants, de se rallier à eux. Je devais

24 rester un peu plus dans le village parce que ma mère est paralysée et elle

25 ne peut pas se déplacer. A cause de ma mère, j'ai dû rester dans le village

26 pendant un certain temps.

27 En un mot, c'est ainsi que les villageois se sont enfuis de mon

28 village.

Page 2989

1 Q. Nous constatons que, dans votre déclaration précédente, vous dites

2 qu'il y avait 500 à 600 personnes qui ont quitté le village ce jour-là.

3 Vous êtes resté avec votre mère pendant un certain temps, ensuite vous avez

4 rejoint le groupe, et votre père est allé rejoindre votre mère, c'est comme

5 cela que je l'ai compris; c'est exact ?

6 R. Oui, c'est exact. On m'a contraint à partir parce que ma mère était

7 malade et mon père n'était pas là à ce moment-là. Il est revenu plus tard.

8 Après deux heures et demie, je suis également parti. Je devais le faire, ma

9 mère m'a supplié de partir. Elle m'a dit : "Je suis âgée, et même s'ils me

10 tuent, je ne peux rien faire, je ne peux aller nulle part, mais toi, tu

11 dois partir." Donc ma mère et mon père sont restés dans le village, mais

12 ils se sont enfuis par la suite également.

13 Q. Dans votre déposition, vous parlez d'un groupe de 500 à 600 personnes

14 qui ont fui le village et qui sont allées en direction de Ferizaj. Ils y

15 ont passé la nuit et le lendemain, ils sont allés à la gare et sont montés

16 à bord d'un train qui les a emmené vers la Macédoine; c'est exact ?

17 R. Oui, c'est exact. Le 14, cette foule de gens composée de 500 à 600

18 personnes environ est allée à Ferizaj. Le 15 avril, nous nous sommes

19 trouvés à la gare de Ferizaj, car nous allions monter dans le train.

20 Q. Dans votre déposition, vous dites bien que c'était le train qui

21 comportait 10 wagons, où les gens étaient entassés et 2 500 personnes sont

22 montées à bord de ce train avant qu'il ne démarre en direction de Hani i

23 Elezit ou Djeneral Jankovic qui se trouve près de la frontière

24 macédonienne. Est-ce que vous avez fait partie de ces gens qui sont montés

25 à bord du train qui allait en direction de la Macédoine ?

26 R. Oui. Ma famille et moi-même nous faisions partie de ces gens qui sont

27 montés à bord de ce train le 15 avril.

28 Q. Lorsque nous lisons votre déclaration, vous dites que lorsque vous êtes

Page 2990

1 arrivé ce jour-là vous n'êtes pas monté à bord du train qui allait en

2 Macédoine. Vous avez attendu un certain temps et ensuite le train est

3 reparti à Ferizaj, Urosevac; c'est exact ?

4 R. Oui, c'est exact. A Hani et Elezit, la gare, nous sommes arrivés vers 9

5 heures. Nous sommes restés dans le train jusqu'à midi environ, nous tous

6 que nous étions. Il y avait beaucoup de monde dans le train, il était

7 bondé. Etant donné que je connaissais le chef de gare, je lui ai demandé -

8 c'était un de mes collègues - je lui ai demandé ce qui allait advenir de

9 nous ? Il m'a répondu qu'il avait contacté les autorités macédoniennes et

10 que si ces dernières étaient d'accord nous pourrions partir. Il a répondu

11 en disant que les autorités macédoniennes pour l'instant n'étaient pas

12 disposées à nous accepter. Pour finir, c'est ce qui est arrivé. Les

13 autorités macédoniennes ne leur ont pas permis de passer, donc le train est

14 reparti dans la même direction d'où il était venu.

15 Q. Vous êtes reparti à Ferizaj. Vous avez passé encore une nuit à cet

16 endroit-là et le lendemain, vous êtes monté à bord du train et vous avez

17 fait le même voyage en direction de la Macédoine; c'est exact ?

18 R. C'est exact. Le lendemain, à la même heure le matin, nous sommes montés

19 dans le train, moi-même et ma famille et d'autres personnes et nous sommes

20 repartis dans la même direction, en direction de la Macédoine.

21 Q. Y avait-il des policiers ou des soldats à la gare ou à bord du train

22 les 15 et 16 avril ?

23 R. Oui. Il y avait des policiers dans le train.

24 Q. Que faisaient-ils pour autant que vous le sachiez ? Est-ce que

25 simplement, ils souhaitaient profiter du voyage ?

26 R. Non. Ils n'étaient pas là simplement pour profiter du voyage. Je ne

27 sais pas quelle était leur mission, s'ils étaient chargés d'assurer la

28 sécurité, mais quoi qu'il en soit ils étaient dans le train, ils portaient

Page 2991

1 leurs uniformes et ils portaient des armes. Ce n'était pas de simples

2 policiers; ils étaient visiblement en service.

3 Q. Quel type d'uniforme avaient-ils ?

4 R. Un uniforme bleu.

5 Q. C'était un uniforme de couleur bleue unie ou un uniforme de

6 camouflage ?

7 R. Si je me souviens bien c'était une couleur unie, ces policiers qui

8 étaient dans le train.

9 Q. Nous allons maintenant parler du moment où vous êtes retourné à

10 Djeneral Jankovic ou Hani i Elezit le 16. Que s'est-il passé à ce moment-

11 là ?

12 R. Encore une fois, j'ai posé la question à mon collègue qui était le chef

13 de gare comment les choses allaient se dérouler ce jour-là. Il m'a dit

14 qu'il disposait d'éléments d'information comme quoi les choses allaient

15 bouger rapidement. Nous sommes tous restés dans le train pendant une

16 quinzaine de minutes, ensuite Vule, qui est le chef de gare, est sorti et

17 il nous a dit : "Maintenant, vous quittez Bajram. Bon voyage."

18 Le train s'est mis en mouvement dans la direction de la Macédoine et

19 le train s'est arrêté à un kilomètre et demi avant la frontière

20 macédonienne. Là, nous avons vu des soldats et des policiers sur une route

21 qui longe la voie ferrée. Ils montaient sur un tracteur et ils nous

22 faisaient signe de descendre du train. Nous avions peur. Nous n'osions pas

23 descendre. J'étais moi-même dans le premier wagon et j'ai dit aux autres

24 qu'ils nous faisaient signe de descendre, donc nous sommes descendus du

25 train, nous tous que nous étions.

26 Nous sommes restés à cet endroit-là pendant une quinzaine de minutes;

27 ensuite un soldat, étant donné que j'étais la personne qui se trouvait le

28 plus près de la locomotive, il m'a dit que nous devions tous descendre du

Page 2992

1 train et que nous devions poursuivre notre chemin à pied le long de la voie

2 ferrée et qu'il ne fallait pas sortir de la voie ferrée car cette région

3 était minée. C'est ce que nous avons fait. Nous sommes descendus du train

4 et nous sommes allés à pied en suivant la voie ferrée jusqu'à la Macédoine.

5 Q. Combien de temps êtes-vous resté en Macédoine ?

6 R. Je suis resté jusqu'au 10 mai en Macédoine.

7 Q. Quand avez-vous réussi à rentrer chez vous au Kosovo ?

8 R. J'ai finalement réussi à rentrer le 6 juillet.

9 Q. En 1999 ?

10 R. Oui, 1999.

11 Q. Monsieur Bucaliu, c'est quelque chose qui vous avez déjà évoqué lors

12 d'une précédente déposition, mais je souhaite en reparler avec vous car

13 vous êtes la personne le mieux à même de nous aider ici, moi-même et les

14 Juges de la Chambre. Que faisiez-vous avant que la guerre n'éclate en

15 1999 ? Quelle était votre profession ?

16 R. Je travaillais à la gare de Ferizaj.

17 M. HANNIS : [interprétation] La pièce suivante que je souhaite vous

18 montrer, Madame et Messieurs les Juges, c'est la pièce P1331.

19 Q. Que faisiez-vous à la gare, que faisiez-vous ?

20 R. Pendant un certain temps, je devais surveiller les trains. Je ne sais

21 pas comment cela se dit. Ensuite, j'ai travaillé au guichet. J'ai eu divers

22 emplois.

23 Q. Combien de temps avez-vous travaillé pour les chemins de fer à cette

24 gare ?

25 R. J'ai travaillé entre 1982 et 1999 à la gare de Ferizaj. Avant cela, je

26 travaillais en Slovénie.

27 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite remettre au

28 témoin l'original du document P1331. Ici, c'est une copie que j'ai faite

Page 2993

1 que je distribue. Ce sont des copies papier parce qu'il y a un extrait de

2 l'original ici. J'ai essayé d'économiser le papier parce que les originaux

3 sont imprimés des deux côtés, on voit les deux pages en entier, donc nous

4 avons imprimé ceci sur un papier qui est un peu plus grand. Cela couvre la

5 période qui va du 28 février au 30 mai, je crois, 1999.

6 Nous avons une traduction en anglais des différentes colonnes que l'on voie

7 ici. J'allais poser la question à M. Bucaliu :

8 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce registre que vous avez sous les yeux ?

9 R. Oui. Cela, c'est effectivement c'est la copie originale du registre qui

10 consignait les allées et venues des trains.

11 Q. D'où venait ce document ?

12 R. J'ai trouvé ce registre à la gare Ferizaj lorsque nous sommes rentrés.

13 Q. Vous avez apporté ce document original lorsque vous avez déposé dans

14 l'affaire Milosevic, en 2002; est-ce exact ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Lorsque vous travailliez à la gare, avez-vous jamais inscrit quelque

17 chose dans le registre, vous-même ?

18 R. Non. A ce moment-là, cela ne relevait pas de mes responsabilités. Je ne

19 devais rien inscrire dans le registre.

20 Q. Compte tenu de votre travail là-bas, vous saviez quelle était

21 l'utilisation de ce registre et comment répertorier les différents éléments

22 dans le registre en question ?

23 R. Oui, bien sûr. Je sais comment cela se fait, parce que j'ai terminé mes

24 études à l'école en Slovénie. Justement, j'ai fait des études spéciales

25 pour cela. Donc, quelqu'un qui travaille à la gare, cela représente une

26 partie essentielle de son travail.

27 Q. Veuillez passer à la page suivante du livre, s'il vous plaît. Tout en

28 haut, on peut lire la date du 22 mars 1999.

Page 2994

1 M. HANNIS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ceci est un

2 document dont le numéro ERN est K0218501, 8502 dans les exemplaires que

3 vous avez.

4 Q. Avez-vous retrouvé cette page, Monsieur Bucaliu ? Il y a quelque chose

5 qui est inscrit en regard des dates du 22 et

6 23 mars 1999. Cela semblait être le cas.

7 R. Tout à fait.

8 Q. La première colonne, c'est bien la date, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, la première colonne indique la date.

10 Q. Ensuite, à la colonne 2, on voit une série de nombres à quatre

11 chiffres. Que représentent exactement ces nombres à quatre chiffres ?

12 R. Ils représentent le numéro des trains habituels qui sont utilisés pour

13 le transport des passagers.

14 Q. Uniquement en regardant les numéros, pouvez-vous nous dire quoi que ce

15 soit sur ces trains ? Par exemple, ce numéro "7893" qu'on voit tout en haut

16 de la colonne, cela veut dire visiblement que c'était un train de

17 passagers ? Est-ce que cela peut aussi nous donner des indications sur la

18 direction qu'avait empruntée ce train ?

19 R. Oui. Quand on lit le numéro, on peut trouver la direction. Là, le

20 "7893," c'est un train qui allait de Fushe Kosovo à Hani i Elezit.

21 Q. Quel est le nom serbe de Fushe Kosovo ?

22 R. C'est Kosovo Polje.

23 Q. Le "7892", quelle serait la direction de ce train-là ?

24 R. Celui-là irait dans la direction inverse, donc de Hani i Elezit à Fushe

25 Kosovo.

26 Q. Comment est-ce que vous pouvez savoir cela ? Comment est-ce que vous

27 savez ? Pouvez-vous nous expliquer comment ces chiffres marchent pour nous

28 donner ces informations ?

Page 2995

1 R. C'est une règle selon qu'on utilise des numéros pairs ou des numéros

2 impairs. Le numéro, par exemple, impair, va dans la direction de Hani i

3 Elezit, le numéro pair, lui, va dans l'autre sens.

4 Q. Donc, les numéros pairs vont au nord vers Fushe Kosovo. C'est comme

5 cela que ça marche ?

6 R. Oui.

7 Q. Combien de lignes de chemin de fer traverse Urosevac ? Il n'y en a

8 qu'une ou il y en a plusieurs ?

9 R. Vous me demandez combien de trains passent par là par jour ?

10 Q. Non. Tout d'abord, j'aimerais savoir combien de lignes de chemin de fer

11 il y a. Combien y a-t-il de lignes de chemin de fer physiques qui

12 traversent Urosevac et Ferizaj, une seule ou plusieurs ?

13 R. A la gare de Ferizaj, il y a quatre lignes de chemin de fer. Mais pour

14 aller de Ferizaj en direction de Fushe Kosovo et Hani i Elezit, là, il n'y

15 a plus qu'une seule voie.

16 Q. Les trains passagers, vont-ils, quand ils partent de Ferizaj, vont-ils

17 aller ailleurs qu'à Fushe Kosovo ou à Hani i Elezit ? Vous comprenez ce que

18 je veux dire ?

19 R. Oui, je vous comprends. La direction est la même, mais ils peuvent

20 aussi aller vers d'autres gares. Le train qui passe par Ferizaj peut très

21 bien, finalement, aller à Belgrade. On peut aller aussi de Ferizaj à

22 Skopje. On peut même aller jusqu'en Grèce, voire encore plus loin.

23 Q. Oui, cela j'ai bien compris. Mais pour aller à Belgrade, le train doit

24 passer de Ferizaj par Fushe Kosovo avant d'atteindre Belgrade; c'est bien

25 cela ?

26 R. Oui, bien sûr.

27 Q. Pour aller de Skopje à Ferizaj, il faut passer par Hani i Elezit ?

28 R. Oui.

Page 2996

1 Q. Les questions suivantes, 3, 4, 5 et 6 ou ces colonnes suivantes, ce

2 sont des horaires. Trois et 4, cela nous donne l'heure d'arrivée du train,

3 l'heure d'entrée en gare du train; c'est bien cela ?

4 R. Oui.

5 Q. Et les colonnes 5 et 6 nous donnent les heures auxquelles le train a

6 quitté la gare ?

7 R. Oui.

8 Q. La colonne 7, que montre-t-elle ?

9 R. La colonne 7 montre les retards, quand le train a du retard par rapport

10 à son horaire habituel. Pour ce premier train, par exemple, on voit qu'il

11 avait 13 minutes de retard. Au lieu d'être là à 7 heures 33, il est arrivé

12 avec 13 minutes de retard.

13 Q. Très bien. Je vois que plus loin dans la colonne, il y a une lettre "R"

14 qui apparaît. A quoi cela correspond-il ?

15 R. "R," cela veut dire à l'heure, régulier, bien régulier, à l'heure.

16 Q. Bien. Dans les premiers mois de 1999, avant le début des bombardements

17 de l'OTAN, y avait-il un nombre programmé de trains qui passaient par

18 Ferizaj et Urosevac ? Il y avait toujours le même nombre de trains, enfin

19 pour ce qui est, bien sûr, des jours de la semaine ? Vous avez bien compris

20 ma question ?

21 R. Oui, j'ai bien compris votre question, et vous voyez bien sur ce

22 registre que les trains de passagers, jusqu'à ce moment-là, étaient des

23 trains tout à fait réguliers, qui passaient aux heures régulières.

24 Q. A quelle fréquence est-ce que les trains passagers passaient par

25 Ferizaj en route vers Kosovo Polje ou Fushe Kosovo ? Pourriez-vous nous

26 dire combien de trains il y avait par jour dans cette direction ?

27 R. Toutes les 24 heures, il y avait à peu près 10 trains, cinq dans un

28 sens et cinq dans l'autre.

Page 2997

1 Q. Il semble qu'il y ait autant de trains numérotés avec un numéro pair

2 que de trains avec un numéro impair chaque jour. Est-ce que cela est

3 quelque chose que vous aviez remarqué lorsque vous travailliez là-bas ?

4 R. Oui, tout à fait. C'est comme cela que cela se faisait.

5 Q. J'ai encore une question à propos de cette numérotation des trains.

6 Comment ces numéros sont-ils attribués ? Est-ce que ce numéro est vraiment

7 peint sur le train ou est-ce que c'est une référence à la façon dont est

8 organisée la circulation des trains ? Enfin, est-ce que vous savez ? Vous

9 pouvez me répondre à cette question ?

10 R. Non, ce n'est pas peint sur le train. Ce n'est pas un numéro qui

11 appartient au train en tant que tel. Mais il y a un horaire de train. Et

12 selon le numéro qui a été attribué au train, on détermine quelle est la

13 catégorie du train. Donc, ces numéros à quatre chiffres, ce sont des trains

14 locaux qui desservent les environs alors que pour les trains

15 internationaux, ils ont trois chiffres. Et les trains qui sont des trains

16 de fret ont d'autres types de numérotation. Donc, sur la base du nombre qui

17 lui est attribué, on sait quelle est la catégorie du train.

18 Q. Maintenant, vous pouvez passer à la page suivante.

19 M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera le K0218503 et

20 8504.

21 Q. La première entrée sur la page, c'est le 24 mars 1999, et nous savons

22 que c'est le début des bombardements de l'OTAN. Il semblerait que certains

23 trains n'ont pas fonctionné ce jour-là. Mais à la cinquième rangée, on voit

24 quand même qu'il y a quelque chose qui a été écrit. Est-ce que vous pouvez

25 lire ce qui a été écrit ? Est-ce que vous pouvez reconnaître au moins ce

26 qui a été noté à la main ?

27 R. Oui, ce qui est écrit en rouge au crayon ? C'est la personne qui est de

28 service, qui a vérifié les voies à la gare et qui a vérifié que les voies

Page 2998

1 sont toujours en bon état.

2 Q. Très bien. A la fin de la page, non, juste en dessous, je crois que

3 c'est en dessous du numéro 7874, on voit que sur toute la page, il y a eu

4 des notes manuscrites qui ont été rajoutées. Est-ce que vous pouvez nous

5 dire exactement à quoi cela correspond, enfin si vous arrivez à le

6 déchiffrer, bien sûr ?

7 R. Oui, j'arrive à le lire. Ici, il est écrit que : "Il y a une coupure

8 d'électricité à 20 heures 10, que l'électricité est revenue à 5 heures 40."

9 Ensuite, une autre personne a pris le service à 19 heures et a dit que

10 l'électricité a été à nouveau coupée à

11 20 heures. Le générateur a pris la main, et ensuite, l'électricité est

12 revenue. Ensuite, lui, il a passé son service à son autre collègue, et

13 cetera, et cetera.

14 Ensuite, il est écrit au jour suivant que l'électricité a été coupée à 19

15 heures 50. C'est ce qui est écrit. Que le générateur n'a plus fonctionné à

16 partir de 21 heures 30. Ensuite, il y a la

17 colonne 48, donc tous les trains qui auraient dû circuler et qui n'ont pas

18 pu circuler. Cela, c'est des trains qui auraient dû circuler, qui n'ont pas

19 pu circuler. Cela, c'est du 24 au 29. Pendant cinq jours, les trains n'ont

20 pas circulé.

21 Q. Très bien. Ensuite, à la page suivante, on voit, ce qui est sur la

22 première ligne donc - il s'agit, bien sûr, de la page 8505 et 8506 - on

23 voit que le 29 mars les trains étaient à nouveau en circulation. Il n'y en

24 eu que deux le 29, deux le 30. Le 31, on dirait que la circulation reprend

25 de façon plus normale.

26 Mais je vois quand même que le 31, on a un train à cinq chiffres. Comment

27 cela se fait ? Vous nous avez dit que les trains de passagers avaient

28 quatre chiffres. Ici, on en a un qui est à cinq chiffres, donc c'est le

Page 2999

1 37893. Pouvez-vous nous dire un peu à quoi cela correspond ?

2 R. Cela montre que c'est un train de passagers, mais que ce n'est pas un

3 train normal; c'est un train spécial.

4 Q. C'est ce chiffre supplémentaire qui indique que c'est un train spécial,

5 affrété spécialement ?

6 R. Oui. Oui, c'est la raison. Nous avons ajouté le chiffre 3 avant 7893,

7 ce qui indique que c'est un train qui n'était pas programmé. En fait, c'est

8 la deuxième partie du train régulier parce que vous voyez le chiffre 7893.

9 Q. Pour ce qui est du 31 mars, je vois un premier train, 37897. Puis

10 ensuite, pour le 37894, pour l'heure d'arrivée, il y a une ligne diagonale

11 qui a été dessinée. Vous le voyez cela ? Qu'est-ce que cela signifie ?

12 R. Il s'agit du train 37890, et non pas 4. La ligne montre que le train

13 est bien parti de la gare de Ferizaj. Voilà.

14 Q. Un peu plus vers le bas, les deux derniers trains qui ont circulé ce

15 jour-là, le 31 donc, je vois que nous avons le 37891 et le 37890. Vous

16 voyez, il y a une flèche diagonale qui se trouve dans la colonne destinée à

17 indiquer l'heure d'arrivée. Qu'est-ce que cela nous dit à propos de ces

18 trains ?

19 R. Dans ce cas, la flèche montre que le train est passé à la gare de

20 Ferizaj, mais ne s'est pas arrêté à la gare de Ferizaj.

21 Q. Le 37891, le train dont le chiffre est impair, se déplaçait dans la

22 direction du nord vers le sud, donc de Fushe Kosovo vers Hani i Elezit, et

23 il est passé par la gare de Ferizaj, mais il ne s'est pas arrêté dans cette

24 garde; c'est cela ?

25 R. Oui, c'est cela. C'est exact.

26 Q. Pour ce qui est de la page suivante, maintenant, vous voyez qu'il est

27 question du 1er avril. C'est la première date. Là, je vois que c'est une

28 autre variante d'un numéro à cinq chiffres. Corrigez-moi si je me trompe,

Page 3000

1 mais j'ai l'impression que ce qui est écrit, c'est 14392. Que pouvez-vous

2 nous indiquer à propos de ce train ?

3 R. Le train 392 a le numéro d'un train international. Car comme je vous

4 l'ai dit, lorsqu'il y avait trois chiffres, ce sont des trains

5 internationaux, des trains qui sortent du pays. Et lorsque ce train circule

6 en dehors de l'horaire normal et qu'il doit passer par cette ligne, nous

7 ajoutons deux chiffres.

8 Q. Très bien. Donc --

9 R. -- le 1 et le 4.

10 Q. Les chiffres "1 et 4" le 14, indiquent que ce train international, le

11 train 392 n'est pas un train régulier, donc qui n'est pas censé se déplacer

12 à ce moment-là ?

13 R. Oui, c'est exact. Il n'était pas prévu que ce train circule à ce

14 moment-là. Donc, il ne suivait pas un horaire normal.

15 Q. Il semblerait que le nombre de trains qui se déplacent ou qui circulent

16 chaque jour augmente pendant la première partie du mois d'avril. J'aimerais

17 vous demander de considérer quelques dates que vous connaissez. Je pense

18 qu'il s'agit de la date du 15 avril.

19 M. HANNIS : [interprétation] Je pense d'ailleurs que le document pour

20 Mesdames et Messieurs les Juges, je dirais qu'il s'agit de la cote K0218517

21 et 8518.

22 Q. Est-ce que vous avez trouvé cette page, Monsieur Bucaliu ?

23 R. Oui, je l'ai trouvée. J'ai trouvé le 15.

24 Q. Vous voyez, en haut de la page, pour le 15 avril, qu'il y a le train

25 7893 - chiffre impair, ce qui signifie qu'il se dirigeait vers la

26 Macédoine. Il est arrivé à 7 heures 43 et il est parti à 8 heures 17. Il

27 s'agit d'un arrêt de 34 minutes à la gare. C'est un temps d'arrêt assez

28 long pour Ferizaj, d'après votre expérience et d'après ce que nous avons vu

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1 dans ce registre.

2 R. Oui, oui, vous avez raison.

3 Q. Quelle en fut la cause; est-ce que vous le savez ?

4 R. J'étais présent à ce moment-là. C'est ainsi que les choses se sont

5 passées. Il y avait un grand nombre de personnes qui voulaient monter dans

6 le train; c'est pour cela que le train a dû attendre pendant si longtemps,

7 parce qu'il y avait un grand nombre de personne qui voulait monter dans le

8 train.

9 Q. Juste en dessous de cette inscription, qu'est-ce qui est écrit, juste

10 en dessous ? Il s'agit du premier train, le 7893.

11 R. Cela montre tout simplement que la personne qui était de service a

12 quitté son service à 7 heures.

13 Q. Très bien. Ensuite, nous voyons que la deuxième et la dernière entrée

14 d'ailleurs pour le 15 avril, c'est le train 7892 qui venait de la frontière

15 de la Macédoine. Le train est arrivé à 12 heures 38 à Ferizaj et il n'est

16 pas parti avant 13 heures 32. Qu'est-ce que vous savez au sujet de ce

17 train ?

18 R. C'est à bord de ce train que je suis reparti de Hani i Elezit jusqu'à

19 la gare de Ferizaj. J'y ai été avec ma famille et avec toutes les autres

20 personnes du premier jour et nous sommes repartis à la gare de Ferizaj.

21 Comme vous pouvez le voir, il a fallu attendre très longtemps pour que les

22 gens puissent descendre du train. Voilà pourquoi, il y a eu cet arrêt.

23 Q. Est-ce que vous avez vu si ce train a poursuivi sa route vers le nord,

24 vers Fushe Kosove lorsque vous en êtes descendu quasiment une heure après

25 son arrivée en gare ?

26 R. Oui, oui. Le train a poursuivi son chemin vers Fushe Kosove, sans

27 passager à bord.

28 Q. Est-ce que tout le monde est descendu à Ferizaj avec vous ?

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1 R. Oui, oui, nous sommes tous descendus à Ferizaj.

2 Q. Encore une autre inscription, une autre entrée. Le 16 avril, nous

3 voyons le 7893, c'est un train qui partait vers le sud. Il est arrivé à 7

4 heures 50 et il en est reparti à 8 heures 10. Est-ce que c'est le train

5 dans lequel vous êtes monté et à bord duquel vous êtes allé à Hani i Elezit

6 le 16 ?

7 R. Oui, oui, c'est bien le train dans lequel je suis monté le 16.

8 M. HANNIS : [interprétation] Je vous demanderais une petite minute, je vous

9 prie, Monsieur le Président.

10 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

11 M. HANNIS : [interprétation]

12 Q. Je vous remercie, Monsieur Bucaliu.

13 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous venons d'entendre moult détails à

15 propos de ces trains. Quels sont les détails sur lesquels doit porter notre

16 attention ? Le train dans lequel se trouvait M. Bucaliu ?

17 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Il a parlé des

18 horaires de train, du nombre de trains. Vous pouvez voir, d'après le

19 registre, qu'il y a eu augmentation du nombre de trains et vous pourrez

20 lire dans votre déposition, comment il y a eu des wagons supplémentaires

21 qui ont été ajoutés, des passagers supplémentaires. Vous avez entendu la

22 déposition des personnes qui venaient de Pristina, qui sont montées dans

23 ces trains et qui se sont rendues à Urosevac et à Ferizaj à ces dates-là.

24 Cela corrobore les renseignements que nous avons eus suivant selon lesquels

25 ont les a entassées dans ces trains et combien de trains partaient, et

26 cetera.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

28 Monsieur Bucaliu, vous nous avez dit, entre autres, comment ce registre

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1 était tenu. Vous nous avez dit que lorsqu'il y avait une flèche là où il y

2 avait l'heure d'arrivée du train, cela indique que le train ne s'est pas

3 arrêté dans ladite gare. Mais j'ai vu, j'ai remarqué que dans ce cas de

4 figure, il y a l'heure de départ qui a été indiquée --

5 M. HANNIS : [interprétation] Je peux lui poser une question à ce sujet.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Faites donc.

7 M. HANNIS : [interprétation]

8 Q. Monsieur Bucaliu, vous avez entendu ce que le Juge a dit ? Vous aviez

9 indiqué que lorsqu'il y a une flèche diagonale là où l'on doit avoir

10 l'heure d'arrivée, cela signifie que le train ne s'est pas arrêté à la gare

11 de Ferizaj. Mais il y a toutefois une heure qui est indiquée pour l'heure

12 de départ. Qu'est-ce que cela signifie ?

13 R. Cela signifie -- la flèche montre que le train est passé par la gare à

14 l'heure qui est indiquée dans les colonnes 5 et 6. La flèche indique que le

15 train est passé par la gare, mais ne s'est pas arrêté dans cette gare,

16 parce que lorsque le train s'arrête, cela doit être indiqué dans les

17 colonnes 3 et 4. La flèche indique tout simplement que le train est passé

18 par la gare sans s'arrêter.

19 Q. L'heure qui est indiquée, c'est l'heure du passage du train dans la

20 gare ?

21 R. Oui, c'est exact. C'est l'heure à laquelle le train est passé. D'après

22 l'horaire, tous les trains de passagers, qu'ils soient prévus ou non,

23 devaient de toute façon s'arrêter à la gare de Ferizaj. Mais il y a de

24 nombreux trains qui ne s'arrêtaient pas à la gare de Ferizaj, même alors

25 qu'il s'agissait de trains de passagers.

26 Q. Cela n'était pas du tout courant, c'était peu usuel, parce qu'ils

27 devaient normalement s'arrêter, qu'un passager demande de sortir du train

28 ou non; est-ce bien exact ?

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1 R. Oui, oui, cela ce n'était pas courant. Comme je l'ai dit, tous les

2 trains de passagers s'arrêtaient normalement à la gare de Ferizaj, parce

3 que c'est une gare qui est considérée comme une gare importante, même les

4 trains internationaux s'arrêtaient à Ferizaj, ceux qui allaient, par

5 exemple jusqu'à Munich ou jusqu'à Athènes, ils s'arrêtaient. De toute

6 façon, coûte que coûte, ces trains devaient s'arrêter parce que soit il y

7 avait quelqu'un qui montait dans le train ou qui descendait du train.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Bucaliu.

9 Nous avons compris.

10 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je

11 souhaiterais verser au dossier la pièce 1331. Je n'ai plus de questions à

12 poser.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est la seule pièce à

14 conviction à laquelle il fait référence dans le compte rendu d'audience ?

15 M. HANNIS : [interprétation] Je n'en suis pas sûr, Monsieur le Président.

16 Il faut que je vérifie cela.

17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

18 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je sais qu'il y a une

19 autre pièce à conviction à laquelle il a été fait référence lors de sa

20 déposition. Il s'agit d'un croquis qu'il avait fait de son village, avec

21 les maisons du village. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de prendre

22 cela en considération pour comprendre cette déposition.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il a une cote P qui lui a

24 été attribuée ?

25 M. HANNIS : [interprétation] Non, mais de toute façon nous pouvons vous le

26 donner. C'est ce que j'avais pensé.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Le problème, c'est que peut-

28 être que cela intéressera la Défense, je n'en sais rien. Je suppose qu'il

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1 serait peut-être plus judicieux d'avoir la pièce à conviction. Là, dans le

2 cas d'espèce, peu importe, mais nous verrons bien.

3 M. HANNIS : [interprétation] Je les consulterai pour voir ce qu'il en est.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 Maître O'Sullivan, quel est l'ordre qui va être suivi ?

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le général Lazarevic, M. Sainovic, M.

7 Milutinovic, le général Pavkovic, le général Ojdanic et le général Lukic.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bucaliu, nous devons

9 maintenant en terminer pour aujourd'hui, nous allons lever l'audience

10 jusqu'à demain, mais cela reprendra et votre déposition se poursuivra

11 demain à 9 heures. Il faudra que vous reveniez à temps pour pouvoir

12 poursuivre votre déposition dès 9 heures du matin.

13 Entre-temps, et vous le saurez puisque vous êtes déjà venu

14 témoigner, mais il est absolument primordial que vous ne parliez de votre

15 déposition avec personne. Lorsque je dis personne, et lorsque je vous parle

16 de votre déposition, j'entends ce que vous avez déjà dit aujourd'hui et

17 tout ce que vous allez certainement nous dire demain. Vous pouvez parler de

18 toute autre chose avec toute autre personne, mais vous ne devez absolument

19 pas parler de votre déposition avec personne.

20 Nous vous retrouverons demain matin à 9 heures.

21 --- L'audience est levée à 17 heures 00 et reprendra le vendredi 8

22 septembre à 9 heures 00.

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