Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 25 octobre 2006.

2 [Audience à huis clos]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

17 Monsieur Stamp.

18 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Les deux témoins

19 qui vont venir sont des témoins par le truchement desquels l'Accusation

20 souhaiterait présenter des lots énormes, mais vraiment énormes, de

21 documents. Essentiellement, il s'agit de rapports d'autopsie, d'examens

22 d'autopsie. Dans le plan général de ce qui est prévu, il se pourrait que

23 ces documents soient acceptés, mais il va falloir que nous agissions

24 rapidement, et nous n'avons pas été en position de pouvoir en discuter en

25 détail avec la Défense.

26 L'Accusation, toutefois, je crois, a l'obligation à certains stades

27 de présenter cette documentation massive, ces documents qui fait en sorte

28 que ce soit intelligible pour la Chambre. C'est notre intention en temps

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1 utile de présenter à la Chambre un document explicatif qui lui démontre

2 qu'on peut relier les différentes parties et pièces d'éléments de preuve

3 qui ont trait aux personnes identifiées dans ces tableaux qui sont dans des

4 lots différents de ces documents, ensuite établir la liaison entre eux. En

5 d'autres termes, les éléments de preuve présentés pourront devenir plus

6 intelligible s'il y a un système d'appliquer. J'ai l'intention de présenter

7 à la Chambre un système dans lequel les victimes individuelles, pour ce qui

8 est des plans, pourront être reliées à ces documents. Les sites de crimes

9 individuels qui sont pertinents pour cette affaire pourraient être reliés à

10 ces documents. Les documents qui ont trait à différentes municipalités, on

11 présenterait dans la mesure où on peut établir un lien. Nous entendons le

12 faire lorsque -- et nous présenterons le reste des éléments de preuve,

13 parce qu'il va y en avoir davantage, en particulier des éléments d'ADN en

14 ce qui concerne ces corps.

15 C'est quelque chose qui a été ordonnée je crois dans l'affaire

16 Milosevic, et je pense que c'était la façon appropriée de traiter de la

17 question. Nous proposons de le faire ainsi, parce que je crois qu'il y

18 aurait des difficultés à pouvoir exploiter une documentation tellement

19 volumineuse.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'avais pas eu l'impression en

21 lisant ces déclarations qu'il y avait des enquêtes d'ADN qui étaient en

22 cours.

23 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Les enquêtes

24 relatives à l'ADN ont été achevées en juillet de cette année.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, pourquoi dites-vous que nous

26 allons présenter le reste comme élément de preuve, il y aurait davantage,

27 en particulier des éléments de preuve d'ADN, en ce qui les concerne ?

28 M. STAMP : [interprétation] Ces témoins, bien qu'ils aient utilisé les

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1 résultats des éléments de preuve ADN, n'ont pas participé aux examens de

2 l'ADN. Nous avons besoin de présenter ces éléments d'ADN, à moins qu'il ne

3 soit convenu que nous devons présenter les éléments de preuve ADN par le

4 truchement d'un autre témoin.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il est difficile de comprendre

6 pourquoi ceci n'a pas été fait lors de la phase préalable au procès en

7 l'espèce.

8 M. STAMP : [interprétation] Une grande partie des éléments de preuve en ce

9 qui concerne l'ADN fait l'objet d'un processus en cours depuis un certain

10 temps. Il y a également eu des problèmes, la Chambre pourra s'en rendre

11 compte au fur et à mesure lorsque nous faisons déposer ces témoins, s'il

12 est nécessaire de faire déposer ces témoins pour faire en sorte que

13 matériellement, ils puissent venir pour ces questions qui ont trait à ce

14 travail. Toutefois, je dois reconnaître qu'en ce qui concerne le point de

15 savoir si oui ou non des discussions auraient pu avoir lieu pour ces

16 documents, peut-être tout au moins en ce qui concerne les examens

17 d'autopsie, ceci aurait pu être envisagé aux fins de discussion.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais pour le moment, est-ce qu'il y a

19 une utilité quelconque à faire venir et interroger ces témoins à la

20 Chambre ?

21 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Leurs déclarations

22 et les rapports qu'ils présentent tendent à expliquer les procédures qu'ils

23 ont appliquées, les méthodes qu'ils ont suivies, et le lot de documents

24 d'examen d'autopsie contient les résultats des procédures et des méthodes

25 suivies qu'ils ont appliquées.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Nous pourrons sans doute faire

27 cela. Je peux les lire ici, mais quel but utile rechercherait-on en

28 écoutant ces témoins qui viendraient se présenter en ce qui concernent ce

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1 que vous proposez de présenter ce que vous décrivez comme étant une

2 documentation très volumineuse ?

3 M. STAMP : [interprétation] Les témoins, comme vous pouvez lire, nous

4 fournissent un lien entre -- enfin, éventuellement la prise, la remise de

5 MINUK pour le rapatriement.

6 Ces questions auraient pu être entendues en l'absence d'ordre et

7 d'ordonnance. A mon avis, il serait nécessaire qu'il y ait quelque élément

8 de preuve qui permette d'identifier ce qui explique ces documents, tout au

9 moins, dans une certaine mesure, il pourrait faire l'objet d'un contre-

10 interrogatoire, sans que le témoin ne soit présent ou à moins qu'il y ait

11 un accord pour voir un peu dans quel sens on veut aller.

12 Il est vrai, Monsieur le Président, que même en parlant avec ces

13 témoins, si on leur demande quoi que ce soit, de nous expliquer quelque

14 chose de véritablement en détail en ce qui concerne la documentation, à ce

15 moment-là, ils vont ouvrir les documents et les regarder, parce

16 qu'évidemment la mémoire humaine ne permettrait pas de faire autrement. En

17 fait, ces documents se passent de commentaires, nous avions besoin de

18 donner une base, une fondation pour pouvoir les présenter.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur Stamp.

20 Monsieur O'Sullivan, est-ce que vous seriez en mesure de nous aider

21 sur le degré auquel vous anticipez que ces témoins seront contre-examinés ?

22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je suppose qu'il y aura un très bref

23 contre-interrogatoire, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si je suis idéal et je pense refléter

25 s'il y avait eu un rapport résumant en ce qui concerne le travail fait qui

26 reliait les cadavres examinés à l'acte d'accusation, une fois que ceci aura

27 été disponible, qu'on aurait des témoins ici qui pouvaient faire l'objet

28 d'un contre-interrogatoire dans la mesure où il y avait cette possibilité.

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1 Nous notons ce que vous dites, que vous avez un plan, Monsieur Stamp,

2 malheureusement si cela n'a pas été des plans faits à un stade bien

3 antérieur en l'espèce, à ce moment-là, une mise à jour peut-être, parce

4 qu'il y a d'autres travaux qui sont en cours. Enfin on le sait, semble-t-

5 il, depuis 2001, que ces sites seraient potentiellement le dernier séjour

6 de victimes des événements au Kosovo.

7 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci ne fait pas

8 une grande différence quant à la gravité de ce que vous venez de dire, ces

9 exhumations se sont poursuivies en 2002 et 2003, et l'identification s'est

10 poursuivie sur une base constante jusqu'à maintenant, au début de cette

11 année. Mais ceci --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, je serai intéressé à entendre

13 quelles sont les questions que vous pouvez poser à l'un ou l'autre de ces

14 témoins qui pourront développer d'une façon significative ce qui est énoncé

15 dans les déclarations.

16 M. STAMP : [interprétation] Je vais effectivement poser certaines questions

17 pour permettre d'authentifier les documents. Il n'y a pas un grand nombre

18 de questions que j'ai à poser à leur sujet.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ceci n'a pas été fait dans

20 les déclarations ?

21 M. STAMP : [interprétation] Dans une certaine mesure, Monsieur le

22 Président, j'espérais qu'on pourrait poser des questions qui rendraient

23 plus facile à comprendre ce lot de documents.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Alors nous allons entendre

25 parler du premier. Qui est-ce là ?

26 M. STAMP : [interprétation] C'est le Professeur Dusan Dunjic.

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 [La Chambre de première instance se concerte]

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Dunjic.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire

4 la déclaration solennelle de dire la vérité, concernant en lisant à haute

5 voix le document qui est maintenant placé devant vous.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certainement. Je déclare solennellement

7 que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 LE TÉMOIN: DUSAN DUNJIC [Assermenté]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

11 asseoir.

12 Peut-être, vaudrait-il mieux que vous fermiez le livre pour le moment

13 jusqu'à ce que nous voyons s'il y a une référence quelconque qui serait

14 nécessaire à votre documentation. Nous sommes déjà en possession d'une

15 déclaration qui a trait à une quantité énorme de documentation située ici

16 sous une forme ou sous une autre. Il n'est pas clair pour moi exactement

17 qu'on vous posera des questions sur tout cela. Par conséquent, je ne peux

18 pas vous donner beaucoup de directives puisqu'en fait c'est aux parties

19 qu'il appartient de savoir quelles questions ils vont vous poser.

20 Maintenant, la première personne à vous poser des questions en l'espèce va

21 être l'Accusation, et c'est M. Stamp.

22 Monsieur Stamp.

23 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Interrogatoire principal par M. Stamp :

25 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur. Premièrement, je voudrais vous

26 demander si vous pouvez énoncer votre nom et nous dire votre profession, ce

27 qui est actuellement votre occupation professionnelle.

28 R. Je suis le Professeur Dusan Dunjic, professeur à la faculté de médecine

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1 de l'Université de Belgrade. Je travaille à l'Institut médico-légal. Je

2 suis un professeur à temps plein et j'enseigne la médecine médico-légale.

3 Q. En 2001, quel était votre poste ?

4 R. En 2001, c'est cela votre question ? En 2001, à la fin du mois de mai

5 et au début de juin, j'ai été invité par le président du tribunal de

6 district de Belgrade, Mme Vida Petrovic-Kero, pour venir avec le procureur

7 du district à Belgrade, M. Terzic, pour parvenir à un accord pour ce qui

8 était de se rendre sur le site de Batajnica, qui était censé contenir un

9 charnier avec un très grand nombre de cadavres qui s'y trouvaient.

10 En tant que professeur de métier médico-légal, à l'époque chef de

11 l'institut, je devais selon l'ordonnance rendue par la Chambre, organiser

12 l'exhumation de ces cadavres et m'assurer que toutes les mesures seraient

13 prises pour les identifier.

14 Q. Merci. Vous vous trouviez à l'époque à la tête de cet institut.

15 S'agissant du travail que vous avez eu à effectuer à Batajnica, auriez-vous

16 fait des déclarations auprès du bureau du Procureur entre le 9 et le 11

17 mai ?

18 R. Vous voulez dire 2001 ?

19 Q. Non, non. Au sujet des autopsies, du travail que vous avez effectué à

20 Batajnica, auriez-vous fait une déclaration auprès d'un enquêteur, auprès

21 du bureau du Procureur à la date du 11 mai 2006, de cette année-ci ?

22 R. Oui, j'ai fait une déclaration, parce que quand vous avez dit bureau du

23 Procureur, j'avais entendu le tribunal de Belgrade, pas ce Tribunal-ci. En

24 effet, j'ai fait une déclaration.

25 Q. Merci.

26 M. STAMP : [interprétation] Cette déclaration constitue la pièce P2389,

27 Mesdames et Messieurs les Juges. J'ai présenté la pièce et j'ai demandé à

28 ce que cela soit versé au dossier.

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1 Q. Au paragraphe 3 de cette déclaration, vous venez de faire référence à

2 une ordonnance ou un ordre donné par le juge. J'aimerais présenter ce

3 document. Il s'agit de la pièce P2396.

4 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on présente cette pièce à

5 l'écran.

6 Q. J'aimerais vous demander de regarder vers le bas.

7 R. Fort bien.

8 Q. Comme vous pouvez le constater, on a le tampon et la signature du juge

9 d'instruction, M. Cavlina.

10 R. Oui, c'est bien ce document. C'est le document que nous avons reçu en

11 qualité d'institut chargé de la médecine légale. Il est là donné

12 instruction de mettre sur pied une équipe pour conduire ou pour mener à bon

13 terme la totalité de ces activités.

14 Q. Merci.

15 M. STAMP : [interprétation] A l'intercalaire 12 ou plutôt au paragraphe 12

16 de la déclaration, on a une liste de documents y compris les documents que

17 l'on vient de montrer au témoin. Ces documents se trouvent dans le système

18 e-court aux références P2395 jusqu'aux références P2406. Je n'ai pas passé

19 en revue l'ensemble de ces documents, mais je voudrais quand même demander

20 leur versement au dossier.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de vous laisser poursuivre, tout

22 ceci a lieu à Batajnica 1, après à Batajnica 1 ?

23 M. STAMP : [interprétation] Oui, un.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agissant de Batajnica 2, il y a un

25 résumé, n'est-ce pas ?

26 M. STAMP : [interprétation] Oui. Il y a un résumé pour l'ensemble des

27 sites, pour les deux sites.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour Batajnica 2, c'est un rapport, un

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1 résumé ? Pour Batajnica 1, quelle est la pièce ?

2 M. STAMP : [interprétation] P68 [comme interprété]. J'allais y venir.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous venez de nous dire qu'il y a 12

4 documents. Est-ce que cela veut dire qu'il y a 12 corps ?

5 M. STAMP : [interprétation] Non. Il s'agit des 12 documents qui sont

6 mentionnés au paragraphe 12 du rapport.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Est-ce que cela correspond à 12

8 corps ou est-ce que c'est autre chose ?

9 M. STAMP : [interprétation] C'est autre chose. Il s'agit de documents

10 individuels qui ont trait à des aspects particuliers, des exhumations. La

11 série de rapports médico-légaux, c'est la pièce P2407, l'ensemble des

12 rapports médico-légaux.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Stamp, c'est ma

14 faute. C'est ma faute parce qu'il y a deux paragraphes 12 dans votre

15 rapport, ou plutôt dans cette déclaration. Je me rends compte que je

16 devrais me référer au premier paragraphe 12 de la déclaration et pas le

17 deuxième. Il serait bon que l'on veille à une numérotation appropriée des

18 paragraphes.

19 M. STAMP : [interprétation] Oui, cela m'avait échappé. Je parlais du

20 premier paragraphe 12.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela y est, je vous suis.

22 M. STAMP : [interprétation]

23 Q. Professeur, nous allons passer en revue rapidement certains des

24 documents qui sont mentionnés dans votre rapport.

25 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on examine la pièce P159. Il

26 s'agit de photographies.

27 Q. Qu'est-ce qu'on voit sur cette photographie ?

28 R. Cette photographie veut nous dire deux choses. D'un, cela, c'est le

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1 site de Batajnica 1 où l'on voit deux tentes; une tente au coin droit de la

2 photo surplombant une surface excavée, l'autre tente du côté gauche de

3 l'image est une tente où nous avons procédé à l'examen des cadavres exhumés

4 de cette fosse. Sur la droite, nous voyons un camion rouge. C'est un

5 camion-citerne qui a été utilisé pour avoir de l'eau courante. Ce camion

6 blanc, c'est en réalité un camion frigorifique où nous avons gardé les

7 cadavres après l'autopsie et l'examen. Ce camion frigorifique est resté là

8 tout le temps de nos activités à Batajnica. C'est l'explication de la photo

9 que j'ai à vous donner.

10 Un deuxième élément à noter ici, c'est cette eau que vous voyez ici.

11 Cela a été une période de grande pluie en début juin, raison pour laquelle

12 nous avons dû interrompre pendant un bref laps de temps nos activités

13 d'exhumation.

14 Q. Merci.

15 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la dernière

16 série de photographies, à savoir P158 [comme interprété]. Il s'agit de la

17 pièce P158. C'est l'index des photos. La pièce, elle-même, c'est P159. Nous

18 avons ici une vue de sites d'exhumation après le déblaiement du terrain

19 initial.

20 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire brièvement ce qu'on voit

21 sur cette photo ?

22 R. Sur cette photo qui a été prise du côté nord-est, à savoir à partir du

23 pan d'accès aux tentes, c'est là l'espace où nous avons trouvé les

24 cadavres. En fait, cette photo nous montre quelle a été l'importance de la

25 pluie qui est tombée et qui est venu recouvrir les toutes premières

26 excavations que nous avons effectuées dans le secteur. Une fois que nous

27 avons éliminée cette eau de là, dans la partie centrale de cette surface

28 excavée, il nous a été possible de retrouver les cadavres que vous verrez

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1 sur les autres photos.

2 Q. Merci.

3 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche la pièce P168.

4 Mesdames, Messieurs les Juges, au paragraphe 4 de la déclaration, le témoin

5 fait référence à son rapport au sujet des exhumations, c'est le document

6 que nous allons maintenant voir à l'écran.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ceci est la page 9 du rapport qui décrit,

8 je précise que c'est un journal de travail, cela où l'on décrit les parties

9 des corps qu'on a retrouvées ainsi que les emplacements où ces parties de

10 corps ont été retrouvées.

11 M. STAMP : [interprétation]

12 Q. J'aimerais que nous examinions ensemble rapidement deux ou trois

13 passages du rapport.

14 M. STAMP : [interprétation] D'abord, pour qu'on identifie, veuillez vous

15 rapporter à la dernière page du rapport. On vient de m'indiquer qu'il y a

16 une erreur dans la numérotation ERN. En fait, il s'agit de la troisième

17 page avec le système de prétoire électronique. La troisième page correspond

18 à la dernière page.

19 Q. Est-ce que c'est votre signature ?

20 R. Tout à fait. C'est bien ma signature datée du 5 juillet 2001.

21 Q. Dans votre rapport, vous indiquez en détail quelle est la procédure que

22 vous avez utilisée lors de l'exhumation de ces corps, ainsi que lors des

23 autopsies.

24 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous examinions ensemble un ou

25 deux passages dudit rapport, page 2 en anglais. A cause des difficultés

26 rencontrées avec la version en B/C/S dans le système de prétoire

27 électronique, j'aimerais qu'on remette une copie papier au témoin.

28 Q. Au milieu de la page 2, vous indiquez la manière dont on a étiqueté les

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1 corps, ainsi que les parties de corps qui ont été trouvées lors des

2 exhumations. Vous avez expliqué que les parties de corps et les corps

3 recevaient un numéro, une numérotation BA, ensuite, avec un chiffre. Pour

4 ce qui est des vêtements, le numéro de référence commençait par la mention

5 "BASG", avec le numéro de pièce. Toutes les autres pièces recevaient un

6 numéro de référence qui commençait par "BAP", suivi d'un chiffre.

7 Une question au sujet de cette numérotation. Qu'est-ce qu'on faisait des

8 objets qu'on trouvait, des objets en tant que tel, même ceux qu'on trouvait

9 sur les corps, eux-mêmes ?

10 R. Nous avons convenu la chose suivante : Tous les objets qui seraient

11 trouvés au niveau du corps, ainsi que les vêtements sur le corps étaient

12 censés être décrits ensemble avec le PV d'autopsie avec le numéro

13 correspondant. Il y a eu des objets qui se trouvaient à l'extérieur du

14 corps, sur le même site. Là, on mettait "PAP" pour désigner "objet." Alors,

15 les objets qui ont été trouvés sur les corps ou dans les vêtements de la

16 victime, ces objets-là ont porté une désignation qui était la même que

17 celle que celle attribuée à la victime.

18 Q. Merci.

19 R. Tous les objets de valeur, par exemple, les bijoux, l'argent qu'on a

20 retrouvés, toutes les choses similaires, tous ces objets ont été remis au

21 juge d'instruction pour être mis en dépôt dans les coffres du tribunal.

22 Cela a été utilisé par la suite à des fins d'identification.

23 Q. Merci. Les effets personnels et les objets qu'on trouvait sur un corps

24 recevaient le même numéro que le corps; c'est cela ?

25 R. J'aimerais encore ajouter une chose. C'est qu'en sus du descriptif qui

26 figure aux côtés du PV, il y a eu des photos de prises qui ont porté le

27 même numéro.

28 Q. Fort bien.

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1 M. STAMP : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit précédemment, la pièce

2 P2407, c'est une série très importante de rapports d'exhumations. C'est

3 toute une liasse de rapports d'exhumations. A cause des difficultés

4 rencontrées pour donner des numéros de référence aux différents documents

5 qui figurent dans ce jeu de documents, nous en avons recopié certains et

6 nous leur avons donné des cotes différentes pour qu'on puisse s'y référer

7 de manière plus aisée. Il s'agira des pièces P169 à P188, rapports

8 individuels pour certaines des victimes qui ont plus tard été identifiées

9 grâce à une analyse d'ADN. J'aimerais sans passer en revue tous ces

10 documents qu'on en examine un.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une question : est-ce qu'il s'agit de

12 pièces qui viennent en sus des pièces qui sont mentionnées dans la

13 déclaration écrite ?

14 M. STAMP : [interprétation] Non.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La pièce 2407 --

16 M. STAMP : [interprétation] Désolé.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où est-ce que je la trouve mentionner

18 dans la déclaration écrite ?

19 M. STAMP : [interprétation] Désolé vraiment, Monsieur le Président, il

20 s'agit d'un document qui est mentionné au deuxième paragraphe 12.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela c'est la pièce P2407 ?

22 M. STAMP : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les photographies P159, cela se trouve

24 où dans la déclaration, c'est mentionné où ?

25 M. STAMP : [interprétation] P159, je crois qu'on n'y fait pas référence

26 expressément dans la déclaration écrite.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Même chose pour l'index, c'est-à-dire

28 la pièce P158 ?

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1 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

3 Professeur, peut-on dire combien il y a de personnes dont on a trouvé

4 des parties de corps sur le site de Batajnica 1 ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le rapport que nous avons rédigé et qui a

6 été publié de façon officielle, qui a été signé par le président du

7 tribunal de district à Belgrade, nous avons indiqué qu'au site de Batajnica

8 1, il a été découvert les restes humains de 36 personnes de sexes

9 différents et d'âges variés.

10 Nous avons également précisé que sur les 36, il a été déterminé la présence

11 de neuf enfants de moins de sept ans. Nous avons trouvé les restes d'un

12 bébé dans l'utérus qui avait huit mois. Les autres restes ont été également

13 examinés. On leur a attribué des codages "BA", mais ces os-là nous n'avons

14 pas pu, anthropologiquement parlant, les attribuer à telle ou telle autre

15 personne.

16 C'est pourquoi nous avons indiqué qu'il s'agissait de restes de 36

17 personnes et on peut supposer que parmi les autres restes, il devait y

18 avoir des restes d'une autre personne ou de plusieurs autres personnes.

19 S'agissant de ce que l'on a pu désigner comme ayant appartenu à une seule

20 personne, nous avons pris des échantillons d'ossements pour des analyses

21 d'ADN. Nous avons pris des échantillonnages d'ossements là aussi où ces

22 ossements n'ont pas pu être attribués à des cadavres entiers. Ce qui fait

23 que nous avons de la sorte pu déterminer l'identité des différentes

24 personnes. Cela nous a permis de parler d'au moins 36 cadavres à Batajnica

25 1.

26 Lorsque nous avons reçu les résultats ADN pour Batajnica 1, il s'est avéré

27 que trois échantillons différents d'ossements, un bras, une jambe, une

28 autre jambe, d'après les analyses d'ADN, appartenaient à une seule et même

Page 5254

1 personne. C'est ainsi que nous avons pu associer les ossements d'un cadavre

2 pour dire cela appartenait à une seule et même personne pour réunir cela

3 avec les différents ossements qui se trouvaient sur le même site mais qui

4 avait porté des numérotations différentes.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Monsieur Stamp, ce rapport du président du tribunal de district, est-ce

7 qu'il est déjà au dossier ?

8 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce document nous allons le

10 recevoir ou est-ce que c'est quelque chose qui ne doit pas nous concerner

11 et sur lequel nous ne devons pas nous pencher ?

12 M. STAMP : [interprétation] Je ne pense pas que cela présente un intérêt

13 pour nous.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Merci.

15 M. STAMP : [interprétation] S'agissant des corps et des analyses ADN, nous

16 aborderons le sujet avec les personnes qui ont prélevé les échantillons en

17 question.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 M. STAMP : [interprétation] Sans passer en revue tous ces documents, sur le

20 jeu de 12 documents qui sont mentionnés au paragraphe 12 de la déclaration,

21 au premier paragraphe 12, on trouve la pièce P2402, qui est un tableau qui

22 concerne l'examen des pièces ou des parties de corps; et P2403, qui

23 concerne les 36 corps qu'on a mentionnés. J'allais lui poser la question,

24 mais étant donné qu'il a déjà évoqué la question lui-même, je ne pense pas

25 qu'il soit nécessaire de passer en revue ces pièces et de voir tout ce qui

26 est expliqué.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

28 M. STAMP : [interprétation] J'ai indiqué cependant que nous avions prélevé

Page 5255

1 un certain nombre de pièces dans le jeu des pièces P2407. Cela concerne les

2 personnes qui ont ainsi été identifiées grâce à leur analyse d'ADN.

3 J'aimerais qu'on examine certaines d'entre elles, plutôt l'une d'entre

4 elles, un de ces rapports. J'ai trois questions à poser.

5 Il s'agit de la pièce P182. C'est une sorte d'échantillon

6 représentatif de l'ensemble de ces rapports. J'aimerais qu'on aille page

7 par page jusqu'à la page suivante. Il n'y a que quatre pages. C'est bien.

8 Q. Premièrement, est-ce qu'il s'agit du format usuel utilisé pour les

9 rapports d'exhumation sur les corps ou les parties de corps retrouvés ?

10 Est-ce qu'à la fin, on voit bien votre signature ainsi que celle de votre

11 collègue ?

12 R. Oui. Il s'agit ici d'un rapport d'autopsie qui comporte tous les

13 renseignements pertinents déterminés sur les lieux lors de l'exhumation par

14 autopsie ainsi que par examen anthropologique des différents ossements.

15 Alors, suite à cette autopsie, il a été fourni une conclusion sous laquelle

16 viennent apposer leurs signatures tous les membres de l'équipe qui a

17 travaillé dessus. La toute première signature sous l'intitulé "Commission

18 de médecins experts," c'est la mienne. Ensuite, ce sont les signatures de

19 mes collaborateurs, experts également.

20 Q. Toujours à la même page, j'aimerais que vous examiniez la conclusion

21 numéro 3, Professeur. J'aimerais vous poser une question sur ce point,

22 parce que cela figure sur beaucoup de rapports. Conclusion numéro 3, tout

23 d'abord.

24 L'autopsie révèle que certains corps ont été exposés à des

25 températures élevées comparables à un feu. Est-ce que c'est ce qui apparaît

26 dans la plupart des autopsies, qu'on a essayé de brûler les corps ?

27 R. J'ai compris --

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

Page 5256

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant. Il y a une objection.

2 Maître Ackerman.

3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois que la dernière partie de cette

4 question, "Est-ce qu'on a pu constater sur la plupart des corps qu'on avait

5 tenté de les brûler ?" Je pense que cela va bien au-delà de ce qui figure

6 dans la déclaration. On guide les réponses du témoin et c'est très

7 polémique comme question.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

9 M. STAMP : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec mon confrère, mais

10 je vais reformuler.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas ce qui figure dans la

12 conclusion du rapport. Vous allez bien au-delà. Je pense qu'il faut

13 reformuler cette question.

14 M. STAMP : [interprétation]

15 Q. Professeur, vous dites que l'autopsie montre que certaines parties des

16 corps ont été exposées à une température très élevées, un feu. Qu'est-ce

17 que cela vous indique cela ?

18 R. Est-ce que je dois répondre en ma qualité de témoin ou en ma qualité

19 d'expert ? En ma qualité de témoin, cela signifie que l'autopsie a

20 déterminé la présence au niveau des ossements des traces de haute

21 température, à savoir de feu. Pour ce qui est de la forme et de l'origine

22 et des circonstances, quand et cetera, là, il me faut répondre en ma

23 qualité d'expert. Or ici, je suis en qualité de témoin.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répondre à la question

25 en qualité d'expert ?

26 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Objection.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] On en a parlé en mai dernier lors d'une

Page 5257

1 réunion 65 ter. On a demandé si ce témoin venait déposer en tant que témoin

2 sur les faits ou en tant qu'expert. Il a été indiqué que tous les témoins

3 qui entrent dans cette catégorie seraient des témoins sur les faits. Il ne

4 s'agit pas d'un rapport d'expert. On ne nous a pas présenté comme un

5 expert.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, le témoin n'a pas fait

7 de rapport, n'est-ce pas ?

8 M. STAMP : [interprétation] Non, pas au titre de l'article 94 du Règlement.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pas de rapport dans lequel les

10 conclusions nous indiqueraient ce qui a pu entraîner les dégâts, les traces

11 que l'on a pu constater ?

12 M. STAMP : [interprétation] Non, ce rapport n'existe pas.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ces circonstances, nous allons

14 délibérer. Un instant.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etant donné que cette question a

17 été débattue lors de la mise en état, nous estimons que la question qui

18 vient d'être posée n'est pas admissible. Cependant, il peut y avoir des

19 zones un petit peu moins certaines. Lorsque des témoins qui sont

20 manifestement des experts nous parlent de faits au sujet desquels

21 inévitablement leur connaissance, leur expérience viennent jouer un rôle,

22 cela ne signifie pas que toutes les questions de ce type soient interdites

23 pour des témoins tel que celui-ci, un témoin qui ne vient pas expressément

24 en tant qu'expert. Etant donné que ceci a été débattu expressément lors de

25 la mise en état, l'objection nous semble être recevable. C'est la raison

26 pour laquelle cette question ne doit pas être posée.

27 Monsieur Stamp, vous avez commencé en demandant au témoin s'il y avait eu

28 beaucoup de tentatives pour brûler les corps ? Cela manifestement, le

Page 5258

1 témoin peut y répondre, mais il y a certaines limites.

2 M. STAMP : [interprétation]

3 Q. Sur la base des observations que vous avez faites sur les restes

4 humains, pouvez-vous nous dire si pour beaucoup d'entre eux ou seulement

5 quelques-uns d'entre eux, on a pu constater que ces corps avaient été

6 brûlés ? Pouvez-vous nous répondre sur la base de ce que vous avez pu

7 constater vous-même ?

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître fila.

9 M. FILA: [interprétation] Monsieur le Président, c'est la même question qui

10 vient d'être reformulée.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Non, la manière dont la question

12 a été formulée n'est peut-être pas idéale, toute la question est de savoir

13 s'il y a eu des indications des dégâts occasionnés par le feu, pas sur la

14 manière dont ce feu a pu être causé. C'est cela qui est interdit d'aborder

15 ici.

16 M. FILA : [interprétation] Ce n'est pas ce qu'on nous a traduit.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais poser la question directement

18 au témoin.

19 M. FILA : [interprétation] C'est le meilleur des experts que nous ayons à

20 Belgrade. Il faut dire les choses comme elles sont.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, la question qu'on vous

22 pose c'est de savoir sur la base des corps que vous avez examinés à

23 Batajnica 1, quel était le nombre de restes humains qui avaient été

24 affectés par le feu ? Est-ce que c'était important ou pas ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour répondre de façon précise à cette

26 question formulée de cette façon-là, je puis apporter une réponse qui me

27 ferait pencher sur chacun des rapports individuels d'autopsie à Batajnica

28 1. En l'occurrence, ici à Batajnica je ne sais plus quel numéro c'était, 20

Page 5259

1 et quelques. Est-ce qu'on peut ramener, nous remontrer la toute première

2 page de celle qu'on a vu tout à l'heure ? Alors, on voit que c'est le

3 numéro 22 dans ce rapport-ci, ce rapport d'autopsie. Il a été fourni une

4 description détaillée "des parties des ossements du squelette qui ont été

5 exposés à des températures élevées." Il en a été fait de même pour chacun

6 des cas où rapport d'autopsie il y a. Cela était indiqué.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, tous les éléments sont

8 ici.

9 M. STAMP : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il ne semble pas qu'expliciter la

11 chose dans le prétoire, ce soit la manière la plus efficace de procéder.

12 M. STAMP : [interprétation] Non. Justement, j'essaie d'éviter d'avoir à

13 passer en revue la totalité de ces documents. Nous en sommes maintenant à

14 la pièce P182. C'est bien le rapport, je crois, qui a été présenté ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est effectivement le document

16 qui est actuellement affiché à l'écran.

17 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on revienne à la dernière page du

18 document.

19 Avec votre permission, je souhaiterais passer maintenant à un autre

20 document, parce qu'il ne nous montre pas ce qui est indiqué dans ces notes.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, Monsieur Stamp.

22 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que maintenant on affiche la pièce

23 P139. Les pièces P139 à 156 sont des extraits des rapports d'exhumation ou

24 des exemples de rapports d'exhumation avec des photographies et les index

25 de ces photographies sur lesquelles on peut voir les restes humains

26 concernées, ainsi que les effets personnels qui ont été récupérés sur le

27 site. J'aimerais qu'on se reporte maintenant à la page numéro 9 de ce

28 document.

Page 5260

1 Q. Est-ce qu'il s'agit d'un exemple de documents, de papiers d'identité

2 qui ont été trouvés à côté des corps ou sur les corps, et qui figurent

3 ensuite ou qui ont été mentionnés dans vos rapports d'autopsie ?

4 R. En effet. C'est là une pièce d'identité ou plutôt, une photographie de

5 pièce d'identité de la personne que l'on voit ici, qui a été retrouvé sur

6 le lieu.

7 Q. Merci.

8 M. STAMP : [interprétation] Je signale que c'est un document qui concerne

9 Afrim Berisha.

10 Q. S'agissant du site de Batajnica 1, pour terminer, j'aimerais qu'on

11 examine la pièce P167.

12 M. STAMP : [interprétation] La pièce P167, c'est une série de photographies

13 du site de la fosse après l'exhumation, ou plutôt après excavation, la

14 pièce P166 est un index de l'ensemble desdites photographies.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a un problème, Riaz ?

16 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on regarde l'avant-dernière

17 photographie.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela m'a l'air d'être plutôt l'index

19 que la photographie.

20 M. STAMP : [interprétation] Oui, les photographies figurent sous la cote

21 P167.

22 J'aimerais qu'on examine la photographie précédente.

23 Q. Est-ce que l'on voie ici l'état dans lequel se trouvait la fosse après

24 exhumation ?

25 R. Oui, c'est une photo que nous avons prise une fois que nous avons

26 enlevé tous les cadavres et les objets qui ont été retrouvés là. Ici, sur

27 cette photo-ci, ce que l'on peut voir ce sont quatre traverses de chemins

28 de fer. C'est ce qu'on utilise pour stabiliser les rails des trains ou des

Page 5261

1 tramways et il y en a une qui est plus petite que les autres, une autre qui

2 a été placée de travers au-dessus de ces traverses. Toutes ces traverses

3 étaient pratiquement calcinées.

4 Q. On les a trouvées au fond de la fosse ?

5 R. Oui.

6 Q. Parmi les membres de votre équipe d'exhumation, est-ce qu'il y avait un

7 archéologue du nom d'Andrej Starovic, est-ce qu'il a préparé un rapport ?

8 M. STAMP : [interprétation] Il s'agit, je le signale à l'intention des

9 Juges, du point 11 mentionné au premier paragraphe 12 de la déclaration du

10 témoin, P2405.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En premier lieu, est-ce que nous avons

12 eu une réponse à la question, y avait-il dans l'équipe un archéologue du

13 nom d'Andrej Starovic ?

14 M. STAMP : [interprétation]

15 Q. Est-ce que vous pouvez répondre ?

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que c'est le point 11 du --

18 M. STAMP : [interprétation] Du premier paragraphe 12, c'est la pièce P2405.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que cette pièce soit affichée à

21 l'écran.

22 Q. Je vais vous demander, Monsieur, si vous vous souvenez ce qu'il a dit

23 au sujet de ces traverses de chemins de fer. Page 13 de la version en

24 anglais du document P2405, cela se trouve au milieu de la page K052207

25 [comme interprété] en B/C/S.

26 R. Oui, c'est bel et bien ce rapport qui parle d'excavation archéologique

27 effectuée au site de Batajnica 1.

28 M. STAMP : [interprétation] Je ne vais pas donner lecture de ce rapport

Page 5262

1 parce que ce rapport en fait se passe de commentaires. On y décrit la

2 condition de la fosse, l'état de la fosse, ainsi que des traverses de

3 chemins de fer qu'on a découvertes au cours de l'exhumation.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document décrit dans le détail toutes les

5 positions par rapport aux différents repères archéologiques utilisés pour

6 la définition des choses.

7 M. STAMP : [interprétation]

8 Q. Merci.

9 M. STAMP : [interprétation] J'en ai pratiquement terminé, Monsieur le

10 Président, de mes questions au témoin.

11 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

12 M. STAMP : [interprétation] Je souhaiterais vous signaler que s'agissant de

13 Batajnica 2, qui est mentionné au paragraphe 13 de la déclaration,

14 paragraphe 13 et suivant, il faut tenir compte de la pièce P2410. P2410,

15 c'est le rapport d'exhumation du site de Batajnica 2, auquel il est fait

16 référence au paragraphe 13 de la déclaration. La pièce P942, c'est une

17 pièce très volumineuse qui renferme tout un jeu de rapports et les

18 exhumations réalisées à Batajnica 2.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est l'équivalent de la

20 pièce 2407 pour Batajnica 1 ?

21 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

22 Q. La procédure utilisée pour les exhumations, l'établissement des

23 rapports post-mortem pour Batajnica 2, en 2001, à partir de juillet 2001,

24 est-ce que cela correspond à ce qui s'est fait pour Batajnica 1 ?

25 R. La procédure suivie a été la même, a été identique. Les conditions dans

26 lesquelles nous sommes intervenues étaient différentes. Ce que j'entends

27 par là c'est qu'il y a eu un grand nombre de cas et il a fait très chaud,

28 ce qui n'a fait que nous rendre le travail plus difficile. La tâche

Page 5263

1 relative aux exhumations d'autopsies aux expertises anthropologiques, voire

2 analyse anthropologique, a été identique. Nous avons complété le tout

3 moyennant un rayon x de certains ossements pour procéder à une

4 identification plus aisée, pour faciliter celle-ci.

5 Q. Précédemment au cours de votre déposition, vous avez précisé que vous

6 aviez ramassé ou prélevé des échantillons d'os sur les parties de corps qui

7 avaient été exhumés. Est-ce que vous avez également procédé à ce

8 prélèvement d'échantillon d'os pour le site de Batajnica 2 ?

9 R. Oui. Tous les échantillons d'os qui pouvaient être rassemblés pour être

10 attribués à une personne déterminée ont été désignés de la même façon, avec

11 une numérotation. Tandis que les os que nous n'avons pas pu attribuer à

12 d'autres cadavres ont été examinés anthropologiquement, et ces os-là ont

13 également été rassemblés et entreposés, suivant la méthodologie qui se

14 trouve être décrite ici.

15 Q. Si je ne me trompe, au paragraphe 9 de votre déclaration, vous dites

16 que les échantillons osseux de Batajnica 1, vous les avez remis au Dr

17 Antonio Alonso de l'Institut de toxicologie de Madrid. Est-ce que vous avez

18 également remis les autres échantillons d'os ou ces échantillons d'os à des

19 représentants de la Commission internationale chargée d'enquêter sur les

20 personnes disparues ?

21 R. Oui.

22 Q. Pouvez-vous nous dire en quelques mots si vous avez participé au

23 processus d'identification des restes humains après avoir reçu les

24 résultats des analyses ADN réalisées par l'Institut de toxicologie de

25 Madrid, ainsi que par la Commission chargée des personnes disparues ?

26 R. En effet, à la fin, lorsque tout ceci s'est terminé, j'ai participé à

27 l'identification. Cette procédure d'identification ne se réduit pas

28 seulement à l'utilisation des analyses d'ADN ou des profils d'ADN au niveau

Page 5264

1 des os, cela englobait aussi l'analyse du rapport d'autopsie et

2 d'anthropologie, et le type de rapport que vous avez déjà pu voir. Puis, il

3 y a le rapport ADN et c'est qu'on appelle un profil ADN pour les déterminer

4 et les renseignements ante mortem que certains services au Kosovo ont

5 recueilli auprès de la famille des personnes disparues. Nous avons donc

6 comparé tous ces renseignements-là pour déterminer si le cadavre découvert

7 au numéro un tel appartenait bel et bien à telle personne répondant à ce

8 tel nom et prénom. J'ai participé à ce processus aux côtés de mes collègues

9 qui ont travaillé sur ces exhumations et autopsies.

10 Q. Quand les corps ont été identifiés, ils ont été rapatriés au Kosovo;

11 c'est bien le cas ?

12 R. Une fois que l'identification a été effectuée - et je précise que ce

13 processus est très complexe - nous avons procédé à l'élaboration d'une

14 liste pour tel et tel nombre de personnes identifiées, suite à quoi, en

15 passant par un centre de coordination créé au sein de notre pays avec la

16 coopération de la MINUK, il a et convenu de procéder aux transferts de ces

17 cadavres suivant la liste de ces personnes identifiées, les faire

18 transférer vers le Kosovo pour que ce soit remis aux membres de la famille

19 des personnes identifiées. Or, ce rapatriement a duré tout ce temps-ci,

20 jusqu'à il n'y a pas très longtemps.

21 Q. Vous voulez dire "jusqu'à ces derniers mois" ?

22 R. Oui.

23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

24 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,

25 Messieurs les Juges. Je n'ai plus de questions.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

27 Précisons ce qu'il en est des pièces. Toutes les pièces qui ont été

28 mentionnées sont versées au dossier pour éviter toute confusion, puisqu'il

Page 5265

1 y a des pièces auxquelles on a simplement fait référence en utilisant leurs

2 cotes sans donner de détail. Il s'agit des pièces P2395 à P2406, P168, P169

3 à P188, P139 à P156, P2410 et P942. Une ou deux des pièces que je viens de

4 mentionner ont été mentionnées beaucoup plus en détail. Les autres

5 auxquelles on a fait référence sont également versées au dossier.

6 Professeur, nous avons besoin de faire une pause pour que les interprètes

7 puissent se remettre avant d'entamer le volet suivant de l'audience, pause

8 qui généralement dure 20 minutes. Nous reprendrons à 16 heures cinq, et

9 l'huissier va vous conduire où vous pouvez attendre la suite des débats.

10 [Le témoin se retire]

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 53.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur O'Sullivan.

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, il y aura tout

16 d'abord le conseil du général Lukic, ensuite, nous suivrons dans l'ordre de

17 l'acte d'accusation.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

19 Maître Lukic.

20 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

22 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur Dunjic. Je m'appelle Branko Lukic

23 et, avec mes collègues, je suis ici pour la défense du général Lukic devant

24 ce Tribunal.

25 Alors, je me propose tout d'abord de vous poser plusieurs questions

26 au sujet de ce qui vous a été demandé par mon éminent confrère, M. Stamp,

27 ensuite, nous allons passer à un autre sujet dont vous n'avez peut-être pas

28 parlé aujourd'hui, mais nous pouvons retrouver cela dans les déclarations

Page 5266

1 que vous avez faites à différentes dates à l'attention du Tribunal.

2 R. Oui, bonjour.

3 Q. Pouvez-vous nous dire, je vous prie, quand est-ce que pour la première

4 fois il vous a été communiqué le rapport de Madrid au sujet des résultats

5 communiqués ou constatés pour Batajnica ? Je parle des résultats ADN.

6 R. Je ne sais pas, je ne peux pas vous donner la date exacte, mais il me

7 semble que cela s'est passé au bout d'un mois et demi, voire deux. Je n'en

8 suis pas très certain. Mais il y a un document où l'on peut voir exactement

9 la date à laquelle cela nous a été communiqué par leurs soins.

10 Q. Puisque le bureau du Procureur de ce Tribunal l'a reçu le 15 février

11 2002, est-ce que ce serait à peu près la période de temps à laquelle vous

12 avez obtenu cela ou cela s'est passé après ?

13 R. Je crois que nous avons obtenu cela plus ou moins en même temps.

14 Q. Merci. Les échantillons ont été emportées en 2001, en novembre 2001

15 vers Madrid, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Savez-vous nous dire quand est-ce que l'on a terminé les activités

18 liées à l'identification de ces cadavres ? Vous avez toute latitude de

19 consulter vos notes si cela est à même de vous aider.

20 R. J'ai parlé tout à l'heure du processus d'identification, et j'ai dit

21 que c'était un processus complexe. L'identification n'a pas été centrée sur

22 le site numéro 1; elle a englobé également les autres sites, tout comme les

23 comptes rendus de la commission me sont parvenus. Cela s'est donc fait au

24 fur et à mesure. Donnez-moi un instant, je vous prie. Alors, le 7 mai 2003,

25 le 22 juillet 2003, puis le 15 octobre 2003, et le 3 décembre 2003. C'est

26 pratiquement là que nous avons procédé au premier rapatriement après les

27 rapports. Dans les rapports, il y avait ces personnes identifiées à

28 Batajnica 1, aussi bien qu'à Batajnica 2.

Page 5267

1 Q. Est-ce que vous pouvez voir dans vos notes, quand est-ce qu'il a eu

2 pour la première fois des personnes identifiées appartenant à la famille

3 Berisha ?

4 R. Berisha Granit, nom du père Besim, il figure dans le premier

5 rapatriement daté du 7 mai. Cela c'est l'un Berisha --

6 Q. Vous parlez de 2003 ?

7 R. Oui, oui. Je suis toujours en 2003. Puis, il y a Berisha Genz, nom du

8 père Besim, à la même occasion.

9 Q. C'est à peu près vers cette période-là ?

10 R. Oui, oui. Voilà, c'est de cela qu'il s'agit.

11 Q. Merci. Le bureau du Procureur vous a montré un document à eux, le P167,

12 et en page 5, on peut voir ces traverses de chemin de fer qui ont brûlé.

13 Alors, est-ce que vous avez pu constater que ces traverses ont été ramenées

14 du Kosovo, ou est-ce que ces traverses ont été placées non calcifiés là

15 avec les cadavres, pour qu'on y mette le feu avec ?

16 R. Ce type d'analyse et ce type d'enquête n'ont pas été effectués par nos

17 soins.

18 Q. Merci. Le 5 juin 2001, vous avez fait une déclaration auprès du bureau

19 du Procureur au sujet du lac de Radonjic. Vous n'avez pas été interrogé du

20 tout à ce sujet-là aujourd'hui, mais avec votre autorisation, j'aimerais

21 vous demander de nous aider de tirer au clair quelques points que les

22 conseils de la Défense jugent cruciaux.

23 En sus du fait d'être un expert éminent en votre matière, vous êtes

24 depuis longtemps un médecin légiste, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous avez dit qu'en septembre 1998, le juge d'instruction, Radovan

27 Gojkovic, originaire de Pec, a demandé à votre institut à Belgrade de leur

28 prêter un expert au sujet de cadavres retrouvés et de parties de corps

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1 retrouvées à Donji Ratiste autour, puis à Glodjane, dans la municipalité de

2 Decani. Vous souvenez-vous de cela ?

3 R. Oui, oui. Cela s'est passé en 1998, à la demande du Tribunal --

4 département de Pec, et du juge d'instruction, Rade Gojkovic. Notre institut

5 a été saisi d'une demande d'exhumation de plusieurs cadavres ou parties de

6 cadavres qui ont été découvertes non loin du canal, à proximité du lac

7 Radonjic.

8 Q. Est-ce que c'est la façon officielle et ordinaire de recourir à vos

9 services ?

10 R. Oui, cela se fait toujours sur demande du tribunal.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic.

12 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, où cela se trouve-t-il

14 dans le rapport ou dans la déclaration ?

15 M. LUKIC : [interprétation] Nous nous servons de la déclaration du témoin

16 du 5 juin 2001, et cela se trouve au 6D96.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela peut être dans la déclaration du

18 témoin suivant, mais ce n'est pas la déclaration que nous avons de la part

19 de ce témoin-ci, à moins que je me trompe, avant que vous ne sachiez nous

20 identifier le paragraphe. En tout cas, continuez. Je voulais juste savoir à

21 quoi vous vous référiez.

22 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais vous aider. Je vais demander donc à

23 la greffière de placer cela sur les écrans.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Je n'ai pas besoin de le

25 voir, Maître Lukic. J'ai eu l'impression que je manquais quelque chose au

26 sujet du rapport que j'ai sous les yeux, mais je vois que ce n'est pas le

27 cas. Alors, je vous demande de continuer.

28 M. LUKIC : [interprétation] Merci.

Page 5269

1 Q. Alors, à la date du 11 septembre 1998, vous avez été transporté jusqu'à

2 Glodjane en jeep, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. D'où êtes-vous partis ? De Belgrade ou d'ailleurs au Kosovo ?

5 R. Je pense que nous sommes partis de Belgrade. Oui, de Belgrade.

6 Q. Merci. Partant de votre expérience à vous, sauriez-vous nous dire s'il

7 est vrai que le juge d'instruction dans ses ordres a défini les obligations

8 de toutes les instances en présence pendant l'autopsie et les exhumations ?

9 Par exemple, on définit exactement quelles sont les instances chargées des

10 autopsies, qui est-ce qui est chargé de sécuriser les lieux, qui est-ce qui

11 est chargé de la logistique pour permettre le déroulement des travaux, et

12 cetera ?

13 R. L'ordre en question dit le plus souvent qu'il est mis sur pied une

14 équipe d'experts appartenant à des institutions déterminées. En

15 concertation avec ces différents membres de l'équipe, il est prévu

16 d'accomplir une mission concernant le nombre des cadavres, des exhumations,

17 autopsies et ainsi de suite. L'ordre en question, en général, prévoit la

18 présence d'un juge qui est censé organiser les lieux afin que toutes les

19 personnes qui se trouveraient là soient placées sous la juridiction du

20 tribunal, à savoir qu'il soit défini qui est-ce qui fournirait une

21 assistance logistique, technique, qui est censé assurer de tout le

22 transport et tout le reste.

23 Q. Merci. Sauriez-vous dire que le MUP est surtout chargé des activités

24 annexes, de la documentation photo, le transport des dépouilles, la

25 présence du représentant du bureau du procureur jusqu'au repas froid ?

26 R. Oui. C'est le MUP qui s'en charge. Je vais vous dire qu'en ma qualité

27 de chef d'équipe qui est intervenu au niveau de la partie professionnelle,

28 j'étais responsable de la partie médico-légale, mais toute l'assistance a

Page 5270

1 été fournie par le MUP. C'est ainsi que les choses se passent chez nous. La

2 police judiciaire avec ses moyens matériels est là pour nous aider au

3 niveau des photos à prendre, à la sécurité des lieux, ou si c'est par

4 exemple, à ciel ouvert que cela se passe et ainsi de suite --

5 Q. Merci. Merci.

6 R. C'est ainsi que l'on procède de nos jours encore.

7 Q. Aurais-je raison de dire que si je dis que le juge d'instruction, c'est

8 l'alpha et l'oméga de toute la procédure, tant de jure que de facto ?

9 R. Oui. C'est lui la personne qui assume la plus haute des

10 responsabilités.

11 Q. Merci. C'est à lui que vous avez présenté votre rapport, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, les rapports au quotidien. A la fin, une fois la procédure entière

13 effectuée, exhumations, autopsies, et cetera, on lui présente un rapport

14 d'autopsie. Vous avez déjà eu l'occasion de voir ce type de rapport avec

15 toute la documentation ou les documents qui ont été retrouvés. Ce procès-

16 verbal est signé par tous les membres de cette équipe d'experts. Les objets

17 retrouvés font l'objet d'une liste qui est confiée au juge. Les objets eux-

18 mêmes sont placés en dépôt.

19 Q. Pour le procès-verbal, on dit "le juge" mais on parle du juge

20 d'instruction, n'est-ce pas ?

21 R. Oui. Nous sommes toujours en train de parler du juge d'instruction.

22 Q. Merci. Nous venons d'entendre les interprètes, ils disent que nous

23 allons un peu trop vite. Je vais essayer de faire une petite pause entre la

24 question et la réponse. Ce qui ne voudra certainement pas dire que je suis

25 mécontent de votre réponse ou que je ne l'ai pas comprise.

26 Vous vous êtes adressés au juge d'instruction quand vous avez besoin

27 d'une assistance technique ou d'une assistance en matière des cadres

28 nécessaires, n'est-ce pas ?

Page 5271

1 R. Oui, en effet.

2 Q. J'aimerais vous demander de vous concentrer sur le moment où vous avez

3 été conduit jusqu'à Glodjane. On vous a montré là-bas une maison qui a été

4 utilisée comme QG de l'UCK ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous avez pu vous rendre compte personnellement des

7 différents indices qui permettaient de constater que c'était une maison

8 utilisée par l'UCK ?

9 Dans votre rapport, vous indiquez - et je précise qu'il s'agit du

10 paragraphe 6 de la page 4 de la version anglaise; et paragraphe 4 de la

11 page 4 en version B/C/S - que pour vous, il était évident du fait de la

12 présence des couleurs rouges et noires sur certaines parties de la maison

13 et des insignes de l'UCK que vous avez vus au niveau du mât pour le

14 drapeau ?

15 R. Oui. Il était évident qu'il s'agissait de cela. Une confirmation

16 indirecte disant qu'il se trouvait là une sorte de QG. C'est ce qui nous a

17 été fourni par un employé de l'ambassade allemande qui se trouvait à

18 l'époque à Pristina et qui est venu nous rendre visite à Djakovica, où nous

19 avons procédé à l'élaboration d'une expertise s'agissant des victimes

20 retrouvées. Il a dit qu'il avait été enfermé là jusqu'à ce qu'il détermine

21 son identité. Je n'ai pas le nom de ce diplomate.

22 M. STAMP : [interprétation] Je me suis levé juste pour demander si ceci est

23 là une référence faite à la déclaration 6D99 datée du 10 février 2006 ou

24 pas ?

25 M. LUKIC : [interprétation] La référence à utiliser est celle du 6D96. Il

26 se peut que dans le système il y ait eu une erreur et que l'on y ait dit

27 6D97. Ce n'est pas le 6D97 des photos, c'est l'autre 97.

28 M. STAMP : [interprétation] Oui. Merci.

Page 5272

1 M. LUKIC : [interprétation] Je crois que l'erreur peut être rectifiée.

2 Je demanderais à présent qu'on nous montre 6D97, à savoir ces photos-là sur

3 nos moniteurs, je vous prie.

4 Q. Professeur Dunjic, nous devrions voir maintenant sur nos écrans des

5 photographies que nous nous sommes procurées nous-mêmes dans un livre. Cela

6 devrait se rapporter à l'époque où vous vous êtes trouvé sur les lieux.

7 Est-ce que c'est bien le canal que l'on voie ?

8 R. Oui, c'est le canal. Ces deux photographies, la photo d'en haut montre

9 l'origine de l'eau depuis le lac Radonjic et cela se rétrécit vers Donji

10 Ratiste et vers Glodjane. C'est la partie bétonnée du canal. La deuxième

11 photo, c'est une photo que j'ai vue, c'est ce que j'ai vu parce que

12 j'étais sur les lieux. Sur cette photo-ci, on voit deux cadavres du côté de

13 la paroi droite. Ce sont deux cadavres qui ont flotté jusque-là et que l'on

14 a retrouvés ultérieurement dans la partie en terre du canal parce que

15 celle-ci est la partie bétonnée. Suite à quoi il y a cette chute d'eau que

16 l'on voit en haut. Ensuite, il y a une partie naturelle du canal faite en

17 terre qui mène jusqu'au lac Radonjic. Etant donné qu'il y a eu des

18 inondations avec beaucoup de pluies, ces deux cadavres ont été retrouvés

19 dans le canal naturellement créé.

20 Q. Merci.

21 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais que l'on nous montre maintenant la

22 photo suivante faisant partie du jeu. Pour ne pas perdre de temps,

23 j'aimerais qu'on nous montre la page numéro 6, s'il vous plaît.

24 Q. La plupart des cadavres que vous avez retrouvés cette fois-là ont été

25 retrouvés au niveau de la fin de la partie bétonnée et le début de la

26 partie faite en terre dans ce canal, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. C'est là que vous aviez retrouvé la majeure partie des parties de

Page 5273

1 corps, également ?

2 R. Oui.

3 Q. A proximité de ce site où vous avez retrouvé ces cadavres, il y avait

4 une étable à bétail, à 500 ou 600 mètres de là, n'est-ce pas ?

5 R. Un peu moins, disons 300 mètres.

6 Q. Bien. Merci. Est-ce que la partie du bas montre l'intérieur de cette

7 étable ?

8 R. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, nous avons inspecté la

9 localité. Ces photos-là ont été prises au tout début. En attendant de nous

10 organiser pour ce qui était du début de nos travaux, nous sommes allés

11 jusqu'à ce domaine agricole et cette étable. Dans l'une des étables

12 destinées au bétail, nous avons retrouvé des bouts de fil électrique de

13 l'épaisseur d'un doigt et cela a été enroulé autour de ces tubes en métal.

14 Il y avait une espèce de petits nœuds coulissants. Alors je ne sais pas

15 vous dire combien de nœuds coulissants il y avait. Cinq ou six en tout état

16 de cause.

17 Lorsque nous avons procédé à l'examen des cadavres retrouvés au

18 niveau du canal en béton et au niveau du canal en terre, il s'agissait d'un

19 certain nombre de cadavres, mais sachant qu'un grand nombre de personnes

20 était porté disparu à l'époque, en 1998, l'apparence de ces nœuds

21 coulissants et tout ce que nous avons pu voir au niveau de ce domaine

22 agricole, nous indiquait que certaines des victimes avaient peut-être été

23 attachées à cet endroit précis. Cela s'est, hélas, avéré vrai

24 ultérieurement. Je vous dis que nous l'avions constaté là-bas en notre

25 qualité d'experts. Nous étions là-bas en en qualité d'experts.

26 Deux ou trois semaines après, à proximité de ce bien agricole mais

27 cette fois-ci de l'autre côté de celui-ci, non pas en direction du canal

28 mais du côté opposé, on a retrouvé les cadavres de quatre ou cinq personnes

Page 5274

1 encore.

2 Q. Est-ce qu'au niveau de certains corps, vous avez retrouvé des bouts de

3 fil autour des mains ou des poignets qui correspondraient à ceux que vous

4 avez vus ?

5 R. S'agissant de ceux qu'on a retrouvés au niveau du canal en béton, je

6 dirais qu'il a été retrouvé des bouts de ce fil et il a été retrouvé aussi

7 un grand fil qui était en fait du fil barbelé qui s'y trouvait.

8 Q. Juste une seconde.

9 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre la photo suivante.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien cela. C'est ce fil dont je

11 parlais.

12 M. LUKIC : [interprétation]

13 Q. Alors dites-nous de quoi il s'agit ?

14 R. C'est un fil de fer barbelé pour clôturer des endroits. Il y a eu un

15 nœud coulissant à l'un des bouts, on le voit. Dessus il y avait des mèches

16 de cheveux noirs, de cheveux longs. On a retrouvé les mêmes cheveux sur une

17 personne du sexe féminin.

18 Q. Merci. Est-ce que pendant les exhumations il y a eu des échanges de

19 tirs non loin de là où vous étiez ?

20 R. Oui.

21 Q. Saviez-vous qui est-ce qui tirait ?

22 R. Nous ne savions pas qui est-ce qui tirait, mais nous ne pouvions

23 travailler que le matin jusqu'au tout début de l'après-midi afin de pouvoir

24 retourner de là jusqu'à Djakovica escortés par des forces de sécurité.

25 Q. A Djakovica, il y avait des centaines de civils intéressés par l'issue

26 et l'aboutissement de vos exhumations ?

27 R. Oui.

28 Q. Les civils qui étaient là étaient venus du Kosovo entier, et même de

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1 l'extérieur du Kosovo, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Ces gens-là sont venus pour retrouver des membres de leurs familles qui

4 avaient été enlevés auparavant, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Parmi ces civils qui sont venus chercher des membres de leurs familles,

7 il y avait des Serbes et des Albanais, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Il n'était pas sûr pour les civils de les garder, de les laisser à

10 Djakovica après 17 heures. C'est la raison pour laquelle ils ont dû s'en

11 aller pour revenir le jour d'après, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Il y avait beaucoup de civils qui étaient venus pour identifier des

14 membres de leurs familles respectives, mais vous avez constaté que parmi

15 ces cadavres, il n'y avait pas de membres de leurs familles dans bon nombre

16 de cas ?

17 R. En effet. Nous n'avons pas pu retrouver, ne serait-ce à peu près des

18 personnes qui correspondraient à ce que nous avons trouvé comme victimes et

19 à ce que nous avons décrit et photographié dans le détail avec les

20 vêtements et tous les constats anthropologiques de faits.

21 Q. Est-ce que l'on peut en déduire que le nombre des personnes disparues

22 était supérieur au nombre des personnes retrouvées ?

23 R. Oui. En tout état de cause, d'après le nombre des membres des familles

24 qui étaient venus, on peut en déduire qu'ils étaient beaucoup, beaucoup

25 plus nombreux que ceux que nous avons pu retrouver à côté du canal.

26 Q. Merci. Sur les 39 personnes que vous avez trouvées, que vous avez

27 identifiées, vous avez indiqué que c'était le plus petit nombre, vous en

28 avez identifié que 12. C'est exact ?

Page 5276

1 R. Oui.

2 Q. A-t-on entendu parler ou y a-t-il eu des rumeurs ou des choses

3 mentionnées parmi les membres de familles ou les parents qui étaient venus

4 là disant que les Albanais avaient peur peut-être d'identifier certains de

5 leurs parents, craignant des représailles de l'UCK ?

6 R. Bien, maintenant je parlerai d'un expert qui a travaillé sur cet

7 aspect. Si nous pensions qu'une personne donnée pouvait reconnaître des

8 vêtements, disons par exemple, de son frère, cette personne ne pouvait pas

9 confirmer qu'effectivement il s'agissait bien de son frère, c'est pour cela

10 que d'autres de la famille venaient qui niaient alors qu'il s'agissait de

11 cette personne. Notre impression était qu'ils avaient effectivement reconnu

12 certaines pièces de vêtements.

13 Q. Je vous remercie. Comment était l'atmosphère, le sentiment des

14 personnes qui étaient là à attendre pour reconnaître certains des corps qui

15 avaient été trouvés ?

16 R. Il y avait différentes émotions qui se faisaient jour. Quand je dis

17 cela, je veux dire que certaines de ces personnes étaient très déprimées,

18 d'autres apeurées d'être la personne qui peut-être allait trouver le corps

19 de leurs parents. D'autres, en plus de tout le désespoir qui pesait sur

20 eux, restaient quand même heureux d'être capable de reconnaître certaines

21 des personnes manquantes de leur famille.

22 Q. Vous vouliez procéder aux autopsies sur place, mais vous avez conclu

23 que c'était beaucoup trop dangereux et vous l'avez fait à Djakovica.

24 R. Oui. A l'origine, notre intention avait été de faire les choses sur

25 place. Comme on pouvait entendre des coups de feu sporadiques dans les

26 environs provenant d'une direction inconnue, nous ne pouvions pas pratiquer

27 l'ensemble des procédures d'autopsies sur place. Par conséquent, nous avons

28 décidé de nous déplacer à Djakovica où nous avons établi un centre

Page 5277

1 temporaire nous permettant d'effectuer des autopsies. Nous avons noté dans

2 notre rapport et informé le juge; je crois même qu'il était présent lors du

3 moment précis où nous sommes descendus dans ce ravin naturel, ce canyon

4 dont nous avons extrait les corps. Il y a un obus qui nous a passé par-

5 dessus la tête à ce moment-là.

6 Q. Je vous remercie. Dans ce secteur, de 15 à 20 jours avant votre

7 arrivée, y avait-il des membres de l'UCK ? Est-ce qu'ils contrôlaient le

8 secteur ?

9 R. Je ne peux pas confirmer cela. Je peux simplement vous dire ce qui m'a

10 été dit. Nous étions les premiers officiels à rentrer dans le secteur.

11 Q. Je vous remercie. Parmi les personnes tuées, tout au moins parmi celles

12 que vous avez identifiées, est-ce que vous avez trouvé à la fois des Serbes

13 et des Albanais, ainsi que des Rom ? C'est exact ?

14 R. Oui.

15 Q. Les travaux de votre équipe étaient de temps à autre suivis par les

16 observateurs de l'OSCE ainsi que des représentants des Etats-Unis, de la

17 Russie, du Royaume-Uni, de la Grèce, de l'Allemagne, y compris deux

18 représentants du gouvernement des Etats-Unis ainsi qu'un autre représentant

19 du gouvernement du Royaume-Uni; est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous connaissez leurs noms ?

22 R. Je ne peux pas vous dire de noms comme cela de mémoire, mais je pense

23 que le juge Gojkovic a été officiellement avisé de leur présence parce que

24 tous devaient passer par l'intermédiaire du juge chargé de l'enquête,

25 Gojkovic, et demander la permission d'être présent au cours des travaux qui

26 s'y faisaient sur place.

27 Q. Je vous remercie. Ces gouvernements étrangers, ces représentants de

28 l'OSCE, est-ce qu'on leur a dit quel était le nombre de corps qui avaient

Page 5278

1 été trouvés ?

2 R. Oui, on leur a dit. Ils sont venus au moment où nous avions déjà

3 commencé à procéder aux identifications. Puisque vous avez là cette image à

4 l'écran, je voulais essayer d'utiliser cela pour me rafraîchir la mémoire.

5 Je pense qu'il y avait un représentant du département d'Etat qui a pris

6 cette photographie ou une autre photographie dans laquelle il m'a demandé

7 de tenir du fil de fer barbelé dans les mains.

8 Q. Je vous remercie. A ce moment-là, pouviez-vous le mettre au courant des

9 résultats préliminaires quant à la cause du décès et à l'identité des

10 victimes ?

11 R. D'une façon tout à fait générale, le nombre de victimes dans notre

12 estimation, nous pouvions dire s'il s'agissait d'hommes ou de femmes, quels

13 étaient les âges pour lesquels nous avions des données, la cause des

14 blessures pour lesquelles nous pouvions déterminer quelle avait été la

15 cause du décès. Dans la plupart des cas, il s'agissait de coups de feu, et

16 dans certains cas c'était une arme blanche, une lame, une blessure faite

17 avec une arme blanche.

18 Q. Ce sont là des questions qui sont plus générales. Je souhaiterais

19 accélérer un peu les choses puisque notre temps est limité. Je vais

20 utiliser quelques exemples et mentionner quelques cadavres qui se

21 trouvaient dans le secteur. Est-ce que vous avez la déclaration 2001 ?

22 R. Non.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la pertinence pour ce qui

24 est de poser des questions concernant la façon dont ces personnes avaient

25 été tuées, Maître Lukic ?

26 M. LUKIC : [interprétation] Nous pensons que ceci pourrait permettre

27 d'établir que toutes les victimes ont été torturées avant d'être tuées.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la pertinence de cela dans

Page 5279

1 cet acte d'accusation ?

2 M. LUKIC : [interprétation] La pertinence de cela, c'est que la population

3 civile était au courant de ces tortures, tout particulièrement la

4 population civile dans le secteur alentour. Il pouvait y avoir là des

5 conséquences qui ne seraient pas souhaitées plus tard, lorsque cette

6 population serait en mesure de faire des représailles.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne suis pas très au clair sur la

8 deuxième chose que vous avez dite.

9 M. LUKIC : [interprétation] C'était en 1998, et --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends. C'est la pertinence par

11 rapport à l'acte d'accusation que je suis en train d'essayer d'établir.

12 Supposons que vous établissiez qu'il y a eu torture. Où est-ce que ceci

13 nous conduit par rapport à cet acte d'accusation-ci ?

14 M. LUKIC : [interprétation] Cet incident a été très exploité par les médias

15 et a créé certains modes de pensée dans la population civile du secteur. De

16 nombreux civils étaient portés disparus à ce moment-là, et plus tard il a

17 été établi qu'ils avaient été tués ou qu'ils demeuraient disparus. Nous

18 pensons que la population civile pourrait agir de son propre mouvement,

19 sans avoir été guidée par qui que ce soit.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On peut supposer que vous pensez bien

21 à la population civile albanaise.

22 M. LUKIC : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non ?

24 M. LUKIC : [interprétation] Non, parce qu'il s'agissait de la population

25 civile serbe.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A cause des tortures de l'UCK ?

27 M. LUKIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Poursuivez vos questions

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1 dans ce sens.

2 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 Q. Professeur Dunjic, l'huissier vous a remis votre déclaration de 2001

4 que vous avez faite le 5 juin et à quelques dates ultérieures. Si vous

5 souhaitez, vous pouvez vous y référer, si vous l'estimez nécessaire.

6 M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais qu'on commence avec la page 8,

7 paragraphe 8 dans le texte en B/C/S, et pour l'anglais à la page 10,

8 paragraphe 2.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il nous faut un numéro pour cela,

10 Maître Lukic.

11 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit du 6D96,

12 qui par erreur avait été marqué 6D97. Est-ce que ceci vous suffit, Monsieur

13 le Président ?

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, j'attends simplement que ceci

15 apparaisse à l'écran, mais vous pouvez poursuivre avec vos questions, s'il

16 vous plaît. Le témoin a eu son exemplaire.

17 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

18 Q. En commençant à partir de cette page, Professeur Dunjic, vous avez,

19 pour la plus grande partie, analysé les cadavres, les blessures et les

20 conclusions suivantes des autopsies. Par exemple, pour le R1, ce corps

21 précis, vous déclarez qu'il s'agissait là d'une femme qui avait entre 20 et

22 30 ans d'âge. Je peux évidemment suivre la liste cadavre par cadavre, mais

23 je ne pense pas que la Chambre de première instance souhaite recevoir un

24 trop grand nombre de détails. Si vous le souhaitez, nous pouvons essayer de

25 résumer tout cela. Est-il exact que parmi les 39 personnes tuées, il y

26 avait dix femmes ? C'était ce que j'avais compté en ce qui concerne le

27 nombre de corps de femmes qui avaient été trouvés.

28 R. C'est ce que nous avons réussi à établir avec certitude en ce qui

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1 concerne le genre, le fait qu'il s'agissait de femmes et il y avait au

2 moins dix femmes.

3 Q. Je vous remercie. Est-il exact que les blessures que portaient ces

4 cadavres, c'était des bras cassés dans nombreux cas ? Pourriez-vous nous

5 dire ce que cela veut dire, ce que cela atteste ?

6 R. Je n'ai pas moi-même procédé à une analyse sommaire de ce genre de

7 façon à pouvoir confirmer cela. Il y avait de telles blessures parmi les

8 victimes. Il y avait un certain type de blessures dans certaines parties.

9 Par exemple, il y avait une blessure par arme à feu qui avait été subie au

10 bassin ou au crâne. Une fois que nous pouvions établir qu'il y avait eu une

11 telle blessure, en plus d'un bras cassé, ou d'une côte cassée, ceci

12 indiquait que cette victime précise avait subi également d'autres types de

13 blessures. Il fallait qu'il y ait eu un coup porté avec une telle violence

14 pour que ceci ait eu pour résultat une fracture, une blessure due à ce

15 coup.

16 Q. Dans plusieurs cas, y a-t-il eu des blessures au bassin provenant d'une

17 arme à feu ? Qu'est-ce que cela indique ?

18 R. Bien, il faudrait que je puisse utiliser un cas, un exemple précis de

19 façon à pouvoir vous expliquer si le coup de feu est venu de front, de dos

20 ou de côté. C'est important pour un expert médico-légal. Toutefois,

21 quelqu'un peut avoir reçu un coup frontal ou de côté. La direction du canal

22 qui se forme peut aussi nous renseigner sur le point de savoir si une

23 victime était debout ou accroupie. Dans quelle position la personne se

24 trouvait.

25 Q. Si nous supposons qu'on leur avait tiré dessus à bout portant et qu'ils

26 avaient subi des blessures au bassin, de quel type de mort s'agirait-il

27 là ? Ne serait-ce pas là une mort très longue, très dure, avec de longues

28 souffrances ?

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, ne répondez pas à

2 cette question. C'est une question hypothétique qui ne pourrait être

3 appropriée que pour quelqu'un qui serait ici en tant que témoin expert et

4 qui pourrait répondre. Ce point a déjà été contesté. Nous traitons pour le

5 moment ici des faits qu'il faut demander au témoin concernant les

6 conclusions mais pas sur la base d'une question hypothétique.

7 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

8 retire la question.

9 Q. Je voulais regarder une partie de votre déclaration dans laquelle vos

10 conclusions sont énoncées et précisées. Est-il exact que tous ces corps

11 portaient des vêtements civils ?

12 R. Oui.

13 Q. Parmi ceux qui étaient tués, y avait-il aussi des enfants ?

14 R. Oui, il y avait des personnes qui avaient moins de 15 ans, si c'est

15 cela que vous voulez dire.

16 Q. Oui, c'est cela que je veux dire.

17 R. Oui, il y en avait.

18 Q. Sur certains des cadavres, y avait-il des traces montrant que ces gens

19 avaient été attachés ?

20 R. Oui.

21 Q. Des longueurs de fil de fer ont été trouvés dans l'étable qui était

22 proche ?

23 R. Oui. J'ai aussi décrit que ceci nous avait conduit à la conclusion

24 qu'il y avait davantage de personnes qui se trouvaient là.

25 Q. Par leurs parents, vous pouviez dire si des membres d'une famille

26 avaient été enlevés par l'UCK. Nous avons cela dans votre déclaration. Est-

27 ce que vous avez entendu d'autres personnes, également de leurs familles,

28 que certains avaient été enlevés par l'UCK ?

Page 5283

1 R. Je ne me souviens pas de cela précisément, mais c'était le genre de

2 filon de la pensée parmi tous les cas d'Albanais reconnaissant leurs

3 parents, de sorte que les personnes qui étaient suffisamment braves pour

4 venir là et identifier les membres de leurs familles --

5 Q. Au paragraphe 29 --

6 M. LUKIC : [interprétation] Page 10 dans la version en B/C/S. Page 35,

7 paragraphe 3 de l'anglais.

8 Q. La femme de M. Harjrushi, vous a décrit comment son mari avait été

9 enlevé par l'UCK. Elle a également dit qu'elle-même avait été enlevée avec

10 Jusuf Hoxha. Vous rappelez-vous cela ?

11 R. Oui, je me souviens de cela. Maintenant que vous le dites, c'était

12 l'homme qui se trouvait dans le car.

13 Q. Oui. Ceci est dans votre déclaration. Je voulais simplement vous

14 rappeler les choses.

15 R. Oui. Je vous remercie. Est-ce que vous pourriez à ce moment-là rappeler

16 que presque toute la population qui avait des blessures identifiables

17 souffrait de fractures multiples avant la mort ou de factures causées

18 pendant qu'ils étaient encore en vie; par conséquent, vous pouvez exclure

19 que les fractures se soient produites lorsqu'ils étaient tombés dans le

20 canal.

21 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question ?

22 R. Puisque nous traitons maintenant de nos conclusions dans la

23 déclaration, pourrions-nous conclure que presque tout le monde, en tout

24 état de cause, une grande majorité des personnes qui ont été trouvées avait

25 subi de multiples fractures osseuses qui s'étaient produites pendant tout

26 au long de leur vie ? Je veux dire qu'il s'agissait de différents os, bien

27 entendu.

28 R. Bien, il semble que j'ai pu là voir les fruits de mes connaissances

Page 5284

1 d'expert. Ceci veut dire que les conclusions ont été notées de façon

2 détaillée --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois qu'il y a là malentendu.

4 Malheureusement, nous n'avons pas ce rapport ici. Ce n'est pas dans

5 le système. Nous allons avoir besoin de régler cette question plus tard. Il

6 ne semble pas que ce soit pour 6D96 ou 97, pour le moment nous sommes dans

7 l'obscurité. Est-ce que votre question n'est pas basée sur quelque chose

8 qui a fait que l'on trouve dans les conclusions du rapport ?

9 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai examiné toute la

10 question des blessures.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

12 M. LUKIC : [interprétation] Et j'ai trouvé ceci.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Il n'est pas très précisément

14 indiqué dans les termes employés dans les conclusions.

15 M. LUKIC : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois.

17 M. LUKIC : [interprétation] J'ai suivi toute la question des différentes

18 blessures. Je demande au professeur s'il peut répondre. S'il ne peut pas le

19 faire, nous avons cela dans la déclaration. Nous pouvons aller au cas par

20 cas.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est quelque chose qui ne

22 peut pas être fait dans le prétoire en temps utile ?

23 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie. Je retire ma question.

24 Q. J'ai déjà dit quelque chose à la Chambre quand j'ai essayé d'expliquer

25 pourquoi je posais ces questions concernant Radonjic Lake. Puisque je ne

26 peux pas témoigner, je dois vous le demander à vous.

27 Les renseignements concernant les tueries, les informations relatives

28 aux circonstances de ces meurtres étaient-ils à l'époque disponibles pour

Page 5285

1 le public en général ?

2 R. Vous voulez dire des renseignements concernant les souffrances ou

3 concernant l'autopsie ?

4 Q. En ce qui concerne les souffrances.

5 R. Oui. C'était même dans les journaux pour chaque personne, chaque

6 individu, je recevais des appels de personnes qui me demandaient si j'avais

7 des renseignements pour savoir si leurs parents avaient été trouvés ou

8 quelque chose de ce genre.

9 Q. Je voudrais maintenant que nous passions à votre déclaration, celle que

10 vous avez commencé à faire le 9 mars 2003.

11 M. LUKIC : [interprétation] C'est dans le système le 6D99, pour les phases

12 administratives.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un peu plus que des phases

14 administratives, Maître Lukic.

15 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Il y a

16 juste une correction, le compte rendu parle du "9 mars 2003"; c'est en

17 fait, 2006 ?

18 Q. Est-ce que vous avez besoin de cette déclaration ? Souhaitez-vous

19 l'avoir devant vous ?

20 R. Je vous en serais reconnaissant.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est à l'écran.

22 M. LUKIC : [interprétation] Je pense qu'à l'écran, il est en anglais.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, c'est en B/C/S.

24 M. LUKIC : [interprétation] C'est en B/C/S, néanmoins, je pense que nous

25 devrions pouvoir progresser rapidement si le témoin a --

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

27 M. LUKIC : [interprétation] -- un exemplaire papier. Je vous remercie.

28 Q. Cette déclaration qui a un certain nombre de paragraphes qui sont

Page 5286

1 numérotés, il sera facile de le parcourir. En ce qui concerne le paragraphe

2 19, je souhaiterais vous demander, lorsque vous êtes sur un site, sur

3 place-là, vous vous occupez de réunir les éléments de preuve et vous donnez

4 des ordres aux techniciens médico-légaux du MUP ?

5 R. Oui.

6 Q. Au paragraphe 20, la scène du crime semble -- il y a les photographies,

7 les corps et les objets que vous avez indiqués aux officiers du MUP ?

8 R. Oui.

9 Q. Toutefois, une partie des éléments de preuve à Dusinovac, par exemple,

10 des agents du MUP ont trouvé les éléments de preuve, eux-mêmes. Ils les ont

11 mis dans des sacs, et ceci a été remis au juge Gojkovic qui était chargé de

12 l'enquête --

13 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la réponse du témoin parce que

14 le conseil parlait trop rapidement. Les interprètes s'excusent.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Le village, c'est le village de Dasinovci. Il

16 faut que ce soit un "a" au lieu d'un "u". Bon, ça va maintenant.

17 M. LUKIC : [interprétation]

18 Q. Pas un seul cadavre ou pas un seul membre d'un cadavre n'a été enlevé

19 de cet endroit sans que vous le sachiez, pas même après votre arrivée,

20 n'est-ce pas ?

21 R. C'est exact.

22 Q. A ce moment-là, vous ne saviez pas quelle était l'origine ethnique des

23 victimes ?

24 R. Non, nous ne le savions pas.

25 Q. Pouvons-nous conclure que les membres du MUP n'ont nullement fait

26 obstacle à vos travaux; au contraire, ils y ont contribué sans rien

27 empêcher, à la fois en agissant conformément à vos instructions et en

28 prenant les mesures qu'ils ont prises de leurs propres initiatives ?

Page 5287

1 R. C'est tout à fait exact. Tout ceci a été étayé par ce qu'a dit le juge

2 chargé de l'enquête, Rade Gojkovic.

3 Q. Les examens auxquels vous avez procédé dans la ferme étaient

4 strictement limités par le temps en raison du grand danger dans le

5 secteur ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous étiez également limité du point de vue de l'espace et du secteur

8 parce que vous n'avez été en mesure d'examiner la ferme et son voisinage

9 immédiat, mais pas l'ensemble de ces lieux ?

10 R. Oui. Nous avons été avertis dès le début que ne nous pourrions pas

11 aller plus loin, nous enfoncer plus loin dans le pays parce qu'il pourrait

12 y avoir des mines ou des tirs. Nous avions une forte escorte de police pour

13 la sécurité, mais nous devions inspecter le site en qualité d'experts.

14 Q. Vous avez accompli votre travail conformément aux règles de la

15 profession, indépendamment de savoir à qui pouvaient appartenir les restes,

16 que ce soit des Serbes, des Albanais ou autres groupes ethniques ?

17 R. C'est exact. Mais je dois dire, je suis un professionnel, un médecin,

18 un docteur et l'appartenance nationale n'a jamais eu la moindre influence

19 sur mon travail.

20 Q. Pendant que les agents du MUP nettoyaient le secteur derrière la ferme,

21 ils ont trouvé cinq nouveaux corps, est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Que vouliez-vous vous dire lorsque vous avez dit que le MUP était en

24 train de nettoyer le terrain ?

25 R. C'est d'eux que je l'ai entendu. D'après ce que je me rappelle, ceci

26 voulait dire sécuriser le secteur, alors que M. Milutinovic était censé

27 arriver sur ce site, ce qu'il a fait une fois notre tâche terminée. Ce site

28 a dû être sécurisé de façon à ce qu'il n'y ait aucun danger ou risque.

Page 5288

1 C'est la raison pour laquelle le MUP a passé au peigne fin cette vaste

2 étendue de terrain, au cours de ces recherches, c'est ainsi que ces corps

3 ont été retrouvés, nous avions supposé que ces corps existaient à partir de

4 ce que nous avions vu à la grange.

5 Q. Les fonctionnaires du MUP ont emporté tous ces corps dans la localité

6 au garage de l'hôtel Pastrik sur les ordres de M. Kemal Cindric; c'est

7 cela ? Pourriez-vous répéter votre réponse ?

8 R. Oui, tout à fait. Je dois ajouter que c'est un juge à qui on avait

9 donné mandat. C'était le juge supérieur hiérarchique, Rade Gojkovic qui lui

10 avait donné mandat. Rade Gojkovic, lui, avait déjà étudié différentes

11 affaires dans le même endroit.

12 Q. Quelle est l'ethnicité de M. Kemal Cindric ?

13 R. Je ne sais pas. Je sais juste que c'était un Albanais.

14 Q. En tout cas, ce n'est pas un Serbe ?

15 R. Non.

16 Q. Savez-vous qu'à ce moment-là, il se pouvait parfois que ni le MUP ni

17 les autorités judiciaires n'étaient en mesure d'effectuer une enquête sur

18 site selon la procédure normale. Parfois, ils devaient être tellement

19 empêchés de le faire à cause des dangers que posaient les attaques

20 éventuelles de l'UCK ?

21 R. Oui, je le sais.

22 Q. Vous avez pris aussi des notes personnelles lors de votre entretien

23 avec Mme Zoja Seferaj à propos de son mari et de son fils qui étaient

24 portés disparus. Souvenez-vous de ce qu'elle vous a dit à propos de son

25 mari, Misin et de son fils Axhia, à propos des circonstances de leurs

26 meurtres ?

27 R. Il faudrait que je recherche.

28 Q. C'est au paragraphe 94.

Page 5289

1 M. STAMP : [interprétation] J'hésite un peu à soulever une objection. Il

2 est en train de poser une question à propos de quelqu'un sur lequel il

3 aurait fait une autopsie. Nous avons certes un peu de marge et le contre-

4 interrogatoire doit être basé sur certaines instructions, certes. Je pense

5 que cela va au-delà de ce qui est permis, car je ne vois pas trop la valeur

6 probante que nous pouvons en sortir.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, qu'avez-vous à dire ?

8 M. LUKIC : Nous n'avons pas d'autres moyens de vérifier ce que cette Mme

9 Zoja Seferaj revendique et dit. On ne peut pas aller au Kosovo. On ne peut

10 pas faire d'enquête. On ne peut pas obtenir d'informations sur le Kosovo.

11 Nous essayons de savoir ce que ce témoin aurait entendu lui-même. Quant à

12 savoir si ce que nous arriverons à obtenir comme réponse aura une valeur

13 probante, c'est aux juges de trancher. Mais avec votre autorisation, nous

14 aimerions quand même poser cette question.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Soyons clairs. Je n'accepte pas le

16 fait que vous n'ayez pas le droit d'aller au Kosovo. Je n'accepte pas le

17 fait que vous ne puissiez pas faire d'enquête. Je ne suis pas d'accord avec

18 vous quand vous le dites. Mais c'est d'autre chose.

19 De toute manière, ce n'est pas de cela dont on parle aujourd'hui.

20 Quelle est la pertinence de la réponse que vous voulez obtenir du témoin ?

21 M. LUKIC : [interprétation] Si le témoin répond, je ne peux pas répondre à

22 sa place, mais je pense qu'il va sans doute nous donner des informations à

23 propos des personnes qui auraient tué les deux personnes dont on a parlé.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la pertinence pour ce qui

25 est de l'acte d'accusation ?

26 M. LUKIC : [interprétation] C'est parce que de nombreux témoins du bureau

27 du Procureur n'arrête pas de dire que l'UCK n'a jamais kidnappé qui que ce

28 soit, n'a jamais tué qui que ce soit, n'était absolument pas dans les

Page 5290

1 parages. La déclaration du témoin ici est extrêmement cruciale pour montrer

2 quelle était la véritable nature de l'UCK à l'époque.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais les personnes qui ont été

4 nommées ici ne sont pas des témoins en l'espèce, n'est-ce pas ?

5 M. LUKIC : [interprétation] Non.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. La réponse à la question

7 n'apparaît pas au paragraphe 94. Je ne le pense pas. Vous espérez que le

8 témoin va peut-être vous en dire un peu plus et se souvenir de quelque

9 chose ?

10 M. LUKIC : [interprétation] Oui. Je ne sais pas de ce dont il va se

11 souvenir, mais j'ai bon espoir.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous verrons si la réponse sera

14 pertinente. Nous rejetons l'objection, car nous ne considérons pas que

15 l'objection selon laquelle ce qui vient d'être dit ne vient que de ouï-dire

16 soit valable.

17 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 Q. Professeur Dunjic, pour ce qui est de ce paragraphe 94 de votre

19 déclaration du 9 mars 2006, est-ce que vous vous souvenez ce que vous a dit

20 cette Mme Zoja Seferaj à propos de la mort de son mari et de son fils ?

21 R. Je ne peux pas me souvenir exactement de ce qu'elle m'a dit à l'époque

22 en 1998. Je ne me souviens pas des termes exacts qu'elle a employés, mais

23 je sais qu'entre autres choses, elle m'a dit qu'ils étaient portés disparus

24 parce qu'ils avaient été enlevés par des membres de l'UCK et qu'ils avaient

25 été emmenés. Je ne me souviens pas précisément si cette personne était un

26 fonctionnaire à l'époque. Je ne me souviens plus s'il travaillait pour

27 l'administration d'Etat de la République de Serbie, et si c'était une des

28 raisons pour laquelle les deux ont été enlevés. D'ailleurs, malheureusement

Page 5291

1 nous avons ultérieurement identifié cette personne, ces restes en tout cas.

2 Q. Maintenant, je vais poser une question à propos du paragraphe 37, pour

3 ce qui est d'Ilira Frrokaj. Qu'avez-vous pu apprendre de sa part à propos

4 de son enlèvement ? Qu'est-ce que sa famille vous a dit ?

5 R. Ilira Frrokaj et Tusho Frrokaj, son mari, ont tous deux été enlevés à

6 l'époque par des membres de l'UCK. L'explication, à l'époque, était qu'ils

7 étaient Catholiques, c'étaient des Albanais catholiques et ils ne

8 contribuaient pas financièrement à l'UCK.

9 Q. Maintenant, je vais parler d'Axhia Seferaj et de son fils Misin. Quelle

10 était leur ethnicité ?

11 R. Des Albanais de souche.

12 Q. Ilira Frrokaj et son mari aussi ?

13 R. Oui, tout à fait albanais aussi.

14 Q. Il y a Seida Ndocaj aussi, dont vous avez parlé au paragraphe 38.

15 Quelle était son ethnicité, cette personne, Seida Ndocaj, qui a été tuée ?

16 R. Il était Albanais.

17 Q. J'ai une dernière question à vous poser à propos du paragraphe 123, à

18 la fin de votre déclaration. Vous parliez des exigences demandées par les

19 pathologistes de Finlande, quand vous leur avez demandé de vous aider pour

20 ce qui est des charniers retrouvés à Glodjane. Vous avez demandé qu'ils

21 vous aident pour ce qui est de la médecine médico-légale et les autorités

22 de la République de Serbie ont autorisé l'exhumation des corps d'Albanais

23 enterrés à Orahovac, Gornje Obrinje et Golubac soient inclus dans cette

24 opération d'exhumation, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Les experts de Finlande, vous ont-il aidé pour ce qui est des

27 exhumations à Glodjane, comme prévu ?

28 R. Non.

Page 5292

1 Q. Merci, Professeur. Merci d'avoir répondu à mes questions. Je n'ai plus

2 de questions à vous poser.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, ce n'est pas toujours

4 extrêmement simple de suivre ce qui se passe sur le compte rendu, mais pour

5 ce qui est de la référence à Glodjane auquelle vous avez fait référence au

6 début de votre contre-interrogatoire, est-ce une référence à une autre

7 enquête que celle de Dasinovac ?

8 M. LUKIC : [interprétation] Je ne peux pas prononcer ce nom aussi bien que

9 vous, mais je peux peut-être poser la question au témoin à ce propos. Ce

10 sera plus facile.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Dans le rapport que nous avons

12 sous les yeux, le 6D99 se réfère à Dasinovci.

13 M. LUKIC : [interprétation] Cela fait référence à deux villages, mais je

14 crois qu'il y a eu enquête sur ces deux villages au même moment en 1998.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous aider, Professeur ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce qui se passait en 1998, c'est assez

17 étrange. Il s'agit de victimes qui ont été trouvées dans un emplacement

18 près du canal. C'est là où on a mis un "R"; et il y avait des victimes du

19 village de Dasinovac, et le troisième emplacement a été marqué "RE". Ce

20 "RE" se réfère aux victimes qui ont été trouvées près de la ferme. Nous

21 avons inclus toutes ces victimes dans un même rapport avec les conclusions

22 des experts, mais elles ont été repérées à l'aide de lettres différentes

23 pour que l'on puisse savoir exactement où ces corps avaient été trouvés.

24 C'était la seule fois que cela s'est produit en 1998. C'était une enquête

25 un peu différente des autres.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais la référence que M. Lukic a

27 faite aux exhumations à Glodjane où l'expert finlandais finalement n'a pas

28 fait ce qui avait été prévu, peut-être quelque chose de différent que ce

Page 5293

1 dont vous nous avez parlé à propos de ce fameux Dasinovci ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaie de clarifier les choses. Pour moi

3 c'est clair en tout cas. Je comprends très bien quelle est la question qui

4 m'a été posée par le conseil.

5 Toutes les affaires qui sont rassemblées dans les trois marques repères que

6 j'ai parlées ont été appelées "Affaire Glodjane," c'est là pour aider dans

7 cette affaire-là que nous avons demandé l'aide des Finlandais.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La référence à Glodjane comprend le

9 canal qui se trouve à côté du lac, n'est-ce

10 pas ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, la pièce 6D99 sera

13 versée bien sûr. C'est notre pratique ainsi que le 6D97, puisque vous avez

14 fait référence à des photographies qui s'y trouvent.

15 M. LUKIC : [interprétation] Oui. Les photographies sont le 6D97.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'avons pas le 6D96.

17 M. LUKIC : [interprétation] C'est dans le système, Ces sous la référence

18 6D97.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai demandé à ce que l'on vérifie

20 cela. Même au 6D97, on ne trouve pas ce document. Si vous avez raison, ne

21 perdons pas de temps là-dessus de toute façon. Si vous ne vous êtes pas

22 trompé, vous n'avez rien à faire puisque le 6D97 est versé avec tout ce

23 qu'il comprend.

24 En revanche, si vous vous êtes trompé, il faudra que vous fassiez une

25 petite écriture pour clarifier les choses.

26 M. LUKIC : [interprétation] Il y a une petite erreur technique mais je suis

27 sûr que les deux documents sont bel et bien dans le système.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, non. D'abord, Monsieur

Page 5294

1 O'Sullivan.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai pas de questions.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila ?

4 M. FILA : [interprétation] Je n'ai pas de questions.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk, quant à vous ?

6 M. SEPENUK : [interprétation] N'a pas de questions.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman ?

8 M. ACKERMAN : [interprétation] N'a pas de questions.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac ?

10 M. BAKRAC : [interprétation] Pas de questions.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, c'est à vous.

12 Nouvel interrogatoire par M. Stamp :

13 Q. [interprétation] Vous avez dit que cette zone, la scène, a reçu la

14 visite du président de Serbie, Milutinovic en 1998 ? C'est bien vrai,

15 n'est-ce pas ? Il s'agissait de la scène de Gladanj.

16 R. Oui.

17 Q. Pouvez-vous nous dire à l'époque quelle était sa relation avec le MUP

18 ou avec les représentants du MUP ?

19 R. C'était le président de l'État. Il est venu rendre visite sur une scène

20 où nous avons trouvé des victimes. Il y a d'ailleurs une photographie qui a

21 été publiée dans les journaux à ce sujet.

22 Q. Très bien.

23 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai rien d'autre à demander.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, dans ce cas, Professeur, vous

25 serez ravi de savoir que cela en termine avec votre déposition. Merci

26 d'être venu ici au Tribunal pour déposer et vous pouvez maintenant rentrer

27 chez vous.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

Page 5295

1 [Le témoin se retire]

2 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé. Il y a

3 un petit problème administratif. Je ne pouvais pas poser la question au

4 témoin, il faut que je demande à l'Accusation ce qu'il en est, parce qu'au

5 paragraphe 4 de sa déclaration du 5 juin 2001, il dit qu'il a donné un

6 album photo et 56 photographies annotées comme étant l'annexe B, l'annexe

7 C, l'album de photographies est marquée comme étant le document B. Il est

8 censé avoir donné tout cela au bureau du Procureur. Nous n'avons jamais

9 reçu les photographies, nous aimerions que notre éminent collègue nous

10 clarifie exactement ce qu'il a reçu. Peut-être nous allons savoir si nous

11 allons bel et bien avoir un jour toutes ces pièces ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'abord traitons de la chose de

13 façon officieuse, ensuite s'il n'y a pas de solutions, vous nous demanderez

14 de vous aider.

15 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Monsieur Stamp,

17 avons-nous un prochain témoin ?

18 M. STAMP : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'y aura pas de complications pour

20 ce qui est de le faire venir dans le prétoire.

21 M. STAMP : [interprétation] Non.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons faire la

23 pause pour une demi-heure et nous reprendrons à 6 heures cinq et nous

24 allons siéger jusqu'à 7 heures dix. C'est vrai que nous avons commencé en

25 retard.

26 --- L'audience est suspendue à 17 heures 34.

27 --- L'audience est reprise à 18 heures 07.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La Juge Nosworthy, malheureusement

Page 5296

1 souffre d'un rhume depuis ce matin et nous lui avons suggéré qu'il serait

2 mieux que nous continuions sans elle au titre du 15 bis. Ainsi, elle pourra

3 se remettre. Je ne sais pas si demain nous serons encore obligés de ne

4 siéger qu'à trois, nous verrons bien, tout dépendra des circonstances.

5 Nous vous demandons de faire entrer le témoin maintenant.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Aleksandric.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Messieurs, Madame les Juges. Bonjour

9 à tous.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous faire la déclaration

11 solennelle en lisant le document qui vous est mis sous les yeux.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: BRANIMIR ALEKSANDRIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comme vous le savez, nous avons sous

19 les yeux un exemplaire de votre déclaration. Nous avons aussi plusieurs

20 documents auxquels vous avez fait référence. Le conseil va vous poser des

21 questions supplémentaires. Nous allons d'abord écouter le conseil de

22 l'Accusation, M. Stamp, qui va poser des questions, ensuite les conseils de

23 la Défense procéderont au contre-interrogatoire.

24 Monsieur Stamp, vous avez la parole.

25 M. STAMP : [interprétation] Merci.

26 Interrogatoire principal par M. Stamp :

27 Q. [interprétation] Bonsoir, Professeur. Pourriez-vous tout d'abord nous

28 déclarer votre nom ?

Page 5297

1 R. Bonsoir.

2 Q. S'il vous plaît, pouvez-vous nous donner votre nom et le poste que vous

3 occupez à l'heure actuelle ?

4 R. Je suis Bradimir Aleksandric, mon grand-père est Vitomir. Je suis

5 professeur à l'école de médecine de l'Université de Belgrade et je suis

6 enseignant en médecine légale. A l'heure actuelle, je suis directeur de

7 l'Institut médico-légal, et ce, depuis janvier 2004.

8 Q. Le 2 juin 2006, avez-vous fait une déclaration devant un enquêteur du

9 bureau du Procureur concernant les exhumations et les autopsies effectuées

10 à Batajnica en 2001 et 2002 ?

11 R. Oui.

12 M. STAMP : [interprétation] Cette déclaration est la pièce 2412.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

14 M. STAMP : [interprétation]

15 Q. Dans cette déclaration, il y a des détails à propos des procédures qui

16 ont été employées. Vous dites aussi au paragraphe 17 de cette déclaration

17 que vous avez très méticuleusement enregistré les détails de toutes les

18 autopsies que vous avez faites en disant que vous avez tout enregistré en

19 détail toutes ces conclusions.

20 M. STAMP : [interprétation] Ces autopsies se retrouvent à la page 16 de la

21 déclaration où il y a référence à ces autopsies, et pour nous il s'agit de

22 la pièce P2413 et c'est ce qui fait référence au charnier Batajnica 3. Le

23 document P2414 fait référence lui au charnier appelé Batajnica 5.

24 Q. Lors de vos travaux à Batajnica, vous avez aussi étudié les sites

25 appelés Batajnica 4, 6 et 7. Avez-vous trouvé quoi que ce soit sur les

26 sites Batajnica 4, 6 et 7 ?

27 R. Il y avait aussi la zone appelée Batajnica 8. Batajnica 3 représente un

28 charnier. Batajnica 5 est aussi un charnier avec de nombreux corps. Il me

Page 5298

1 semble qu'il y en avait un autre, mais je ne me souviens pas très bien quel

2 code lui a été attribué. Les autres, par exemple, le Batajnica 4 était

3 plutôt l'intervalle qu'il y avait entre Batajnica 3 le charnier et l'autre

4 charnier à Batajnica 5. C'était juste l'espace qui était entre ces deux

5 charniers.

6 Quand les anthropologues ont utilisé les niveleuses pour enlever la

7 couche supérieure de sol, il y avait une indication comme quoi il y avait

8 autre chose. On a appelé cette zone Batajnica 4. On pensait qu'on allait

9 trouver un autre charnier, mais finalement on n'a rien trouvé là. C'est

10 juste un espace entre les deux charniers. On lui avait donné quand même un

11 nom de code Batajnica 4 et ce nom est resté.

12 Pour chacun des endroits allant de 3 à 8, j'ai rédigé un rapport qui

13 a été envoyé au juge d'instruction.

14 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, ces rapports individuels

15 dont vient de nous parler le témoin et qui sont proposés pour versement au

16 dossier se trouvent être complexes et détaillés. Je ne sais pas si vous

17 voulez que nous les parcourions dans le détail.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Ils seront versés au dossier,

19 Monsieur Stamp.

20 M. STAMP : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 Monsieur O'Sullivan.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] D'abord ce sera le général Lukic, ensuite

24 nous allons suivre l'acte d'accusation.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

26 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Docteur, je suis Dan Ivetic et je

Page 5299

1 représente ici Sreten Lukic.

2 Tout d'abord, je me propose de parler de la déclaration datée du mois

3 de juin 2006. Je me réfère notamment au paragraphe 2 de la version

4 anglaise. Vous faites état que vous avez été envoyé au Lac Radonjicko en

5 septembre 1998. Il a été déterminé que les victimes dont les restes ont été

6 exhumés là-bas avaient été des civils tués par l'Armée de libération du

7 Kosovo; est-ce bien exact ?

8 R. J'ai été au lac de Radonic pour ce qui est de l'examen de ces victimes.

9 Il ne m'appartient pas à moi de déterminer qui est-ce qui les a tués en ma

10 qualité d'expert, mais c'est au Tribunal qu'il appartient de le déterminer.

11 Q. Je suis d'accord. Aurais-je raison de dire lorsque j'affirme que le Dr

12 Dunjic était celui qui se trouvait à la tête de cette équipe chargée des

13 autopsies; or, vous, vous étiez à la tête de l'équipe qui était sur le

14 terrain et qui a situé les cadavres ainsi que les autres objets qui ont été

15 découverts sur ce site ? Est-ce bien exact ?

16 R. Je ne dirais pas qu'il y en avait qui était à la tête de l'équipe. Nous

17 étions une équipe. C'était un travail d'équipe. Le Dr Dunjic était à

18 l'hôtel, je pense que cela s'appelait Pastrik. C'est là que les autopsies

19 ont été entamées. Pendant les deux ou trois premiers jours, je ne sais plus

20 comment cela a duré, parce qu'il y a eu une interruption en raison du

21 mauvais temps sur le site même. Là où nous avons trouvé les cadavres, où on

22 les a montés à bord de camions et avant la tombée de la nuit, nous les

23 avons transportés en les escortant jusqu'au site de Pastrik à Djakovica.

24 Lorsque j'ai terminé cette partie-là de la tâche au bout de trois ou

25 cinq jours, je ne m'en souviens plus exactement, je me suis joint à ceux

26 qui ont travaillé sur les autopsies. Nous avons réalisé jusqu'à la fin les

27 activités liées aux autopsies ensemble.

28 Q. Bien. Nous avons déjà entendu des éléments de témoignages au sujet des

Page 5300

1 autopsies et des éléments constatés. Je voudrais maintenant me concentrer

2 sur ce qui a été fait sur le terrain. Dans le cadre de votre enquête

3 médico-légale sur le site, à savoir dans les environs du lac de Radonjic au

4 Kosovo, auriez-vous rédigé des rapports écrits ou des résumés sur ce que

5 vous avez trouvé ?

6 R. Avec chaque autopsie, au niveau de chaque cadavre, il y a un rapport

7 d'autopsie de rédigée, ensuite un rapport sur l'identification. Il me

8 semble, si je ne m'abuse, qu'au niveau de 30 ou 40 cadavres on a procédé à

9 l'identification de 12 personnes en appliquant les anciennes méthodes. Tous

10 ces rapports ont été confiés au juge d'instruction de l'époque qui était

11 chargé de la procédure.

12 Q. Je comprends cela, Monsieur. Ce que je voulais en réalité vous

13 demander, cela portait sur l'enquête diligentée sur le site, là où les

14 cadavres ont été trouvés. Aurais-je raison de dire que votre équipe a

15 également rédigé une espèce de PV sur ce qui a été découvert sur le site ?

16 R. C'est exact. Excusez-moi, je n'ai pas très bien saisi votre question

17 dès le départ. J'ai été tous les jours sur le terrain pendant ces trois à

18 cinq jours. Je prenais des notes sur ce qui a été découvert exactement.

19 J'ai indiqué le code qu'on avait attribué. J'ai indiqué également si

20 c'étaient des parties de corps ou quoique ce soit d'autre, ou un objet. Je

21 prenais des notes à la main parce que je n'avais pas de quoi à taper cela à

22 la machine. Chaque fois que je rentrais le soir à Djakovica, j'allais au

23 poste de police de là-bas où ils ont mis à ma disposition un ordinateur et

24 je rédigeais chaque soir un rapport sur la journée qui venait de s'écouler.

25 Ce même PV s'est poursuivi pour la journée d'après. C'est un devenu un PV

26 d'ensemble, en fin de compte.

27 Q. Bien.

28 M. LUKIC : [interprétation] Maintenant j'aimerais demander à ce qu'on

Page 5301

1 montre au témoin la pièce 6D100 par le biais de l'affichage électronique.

2 Sur papier, j'ai la version originale en serbe qui comporte quatre, cinq,

3 six pages. J'aimerais que le témoin nous authentifie le document en

4 question.

5 Q. Docteur, je me propose de vous montrer le document qui porte la cote

6 6D100 à des fins d'identification. J'aimerais que vous vous penchiez sur

7 l'exemplaire en langue serbe et j'aimerais que vous me disiez si vous

8 reconnaissez le document.

9 R. Je reconnais mon écriture.

10 Q. Fort bien. Monsieur -- ?

11 R. Oui. Il y a aussi ma signature. C'est authentique. Tout est authentique

12 dans ce qui est dit dans ce document.

13 Q. Bien. La toute première des questions que je voudrais vous poser, c'est

14 ce qui suit : ce document semble être un PV que vous auriez compilé partant

15 des enquêtes que vous avez diligentées sur le site même, au niveau du lac

16 de Radonjic s'agissant des cadavres dont vous avez parlé tout à l'heure, au

17 sujet desquels vous avez dit que vous les avez retrouvés ?

18 R. Oui. Il est également dit ce qui est fait, à quel moment nous sommes

19 sortis, ce que nous avons trouvé à telle journée ; puis on voit

20 continuation du PV pour la journée du lendemain. Alors, en somme, ce PV

21 nous dit ce qui a été au fur et à mesure trouvé sur le terrain le long du

22 canal et à côté du canal.

23 Q. Merci Docteur. Pourriez-vous nous aider au sujet de ce PV ? Vous

24 souvenez-vous du moment de sa rédaction, à savoir est-ce que cela a été

25 rédigé en parallèle avec l'enquête en 1998 ?

26 R. Oui. Tous les jours, comme je vous l'ai dit, lorsque j'étais sur le

27 terrain, je n'ai fait que compléter le PV existant.

28 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires, la signature qui figure

Page 5302

1 sur chaque page et on en voit deux de ces signatures en langue serbe,

2 datées de 2006, aurais-je raison de dire que c'est vous qui avez remis ce

3 document aux représentants du bureau du Procureur de ce Tribunal-ci et vous

4 y avez apposé la date 2006 et votre signature pour authentifier le

5 document ? Je pose la question afin qu'il n'y ait pas de confusion du tout

6 au niveau des dates.

7 R. Pour dire vrai, je ne me souviens pas des dates au juste, mais je crois

8 que c'est ainsi que cela s'est passé. Vous voyez à gauche ici, vous voyez

9 la signature du juge d'instruction qui a reçu le document. On le lui a

10 remis avec ma signature au-dessus du nom. La date de 2006 se rapporte

11 probablement au moment où je l'ai remis aux enquêteurs du tribunal, où je

12 l'ai signé pour authentifier le document que j'ai rédigé, moi-même.

13 Q. Merci. Etait-ce une façon normale, habituelle, de procéder que de

14 rédiger ce type de rapport à l'époque où vous conduisiez une enquête

15 médico-légale sur le terrain ?

16 R. Personnellement, je n'ai pas coutume de rédiger les choses de mémoire

17 ou en m'appuyant sur des schémas, précisément pour ne pas oublier quoique

18 ce soit, pour ne pas perturber l'ordre des choses ou me tromper. Quel que

19 soit le niveau de fatigue, je faisais cela à la fin de la journée. J'ai

20 gardé le même principe de travail à Batajnica également.

21 Q. Merci, Docteur. Nous avons déjà entendu l'un de vos collègues témoigner

22 sur des points dont il a été question dans ce PV également.

23 M. IVETIC : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Président, que cette

24 pièce 6D100 soit versée au dossier et ceci viva voce de ma place de conseil

25 plutôt que de le parcourir tout entier, viva voce avec le témoin. Cela

26 devrait fournir des informations complémentaires et des éclaircissements à

27 l'intention des Juges de la Chambre pour ce qui est de ce qui a été trouvé

28 sur le site de Radonjic.

Page 5303

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous des problèmes à ce sujet,

2 Monsieur Stamp ?

3 M. STAMP : [interprétation] Je crois qu'il faudrait maintenir une objection

4 concernant la pertinence. Si les Juges de la Chambre, le rejette, je ne

5 vois pas de problème.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous êtes en train de vous référer

7 à ce qui a été mentionné au paragraphe 94, il est question-là de la nature

8 de témoignages par ouï-dire, est-ce que c'est à cela que vous faites

9 objection ?

10 M. STAMP : [interprétation] Oui, c'est combiné. Il y a le ouï-dire et la

11 faible relation qu'il y a entre ce témoignage et les points soulevés dans

12 l'affaire.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci. La même décision

14 sera prise. Nous allons garder cela à l'esprit et nous allons décider

15 ultérieurement du poids qu'il faudra lui attribuer le moment voulu.

16 Maître Ivetic.

17 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

18 Q. Docteur, je voudrais que nous soulevions plusieurs autres points au

19 sujet du travail que vous avez effectué au lac de Radonjic avant de

20 continuer. S'agissant tout d'abord du rapport que vous avez identifié, je

21 voudrais dire qu'il y a en page 6 de la version anglaise, je parle de

22 l'affichage électronique parmi les pages, alors que toute votre équipe

23 était encore dans le canyon, il est dit qu'un obus a été tiré en direction

24 de votre équipe, l'obus aurait explosé contre les parois du canyon.

25 Alors, pendant votre enquête sur le terrain, est-ce que cela a

26 constitué le seul incident de survenu ou est-ce qu'il y a eu d'autres

27 menaces ou d'autres tirs en direction de l'équipe d'enquête ?

28 R. C'est exact. Nous étions peut-être à quelque 30 mètres en bas, vers le

Page 5304

1 canal, les parois étaient hautes. Il y avait la police et les plongeurs de

2 la police, M. Draganic Minica [PHON] et autres, nous avons cherché à

3 trouver des cadavres ou des parties de cadavres. Quelque chose a sifflé, je

4 ne sais pas ce que c'était. Je ne savais pas ce que c'était. Mon collègue

5 et moi sommes restés debout, alors que tous les gens de la police se sont

6 couchés au sol. Cela n'a pas heurté la paroi du canyon. Cela a frappé sur

7 l'autre rive, il était très près, ce sont les policiers qui nous ont dit

8 que c'était un obus de mortier qui avaient explosé. Eux, en reconnaissant

9 le bruit que cela avait fait, s'étaient-ils à titre professionnel couchés à

10 même le sol. Nous, on était resté debout.

11 Il y a eu un autre incident de ce type le lendemain, lorsque nous

12 cherchions à quitter le canyon, lorsque nous allions à travers des buissons

13 touffues. C'est mon collègue Draganjic Minica qui a tombé sur quelque chose

14 de très bizarre au sol. Il a demandé à l'un des policiers, qu'est-ce que

15 c'est ? Le policier était stupéfait, il lui a dit : "Ne bougez pas." Il y

16 avait là trois ou quatre mines antipersonnel couvertes de terre, lorsqu'ils

17 les ont déterrées, on a pu voir que c'était dans des canettes en métal de

18 Coca ou d'autres boissons rafraîchissantes.

19 C'est pourquoi nous avons toujours demandé à un policier d'aller de

20 l'avant. Nous le suivions en colonne jusqu'à notre campement, à savoir

21 jusqu'au camion dans lequel nous avions placé les cadavres que nous avions

22 trouvés, pour les transporter jusqu'à Djakovica.

23 C'était les deux seuls incidents que nous avons vécus.

24 Q. Bien. Merci, Docteur. Alors maintenant, pour ce qui est du travail que

25 vous avez accompli sur le site même, aurais-je raison de dire que dans le

26 cas de toute exhumation médico-légale, la pratique à l'époque et à présent

27 consistait à faire en sorte que le juge d'instruction soit la personne

28 chargée de diriger toute l'opération, c'est lui qui se trouvait être

Page 5305

1 l'autorité absolu vis-à-vis de toute personnel qui participait à l'enquête,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Certainement. En principe, c'est le juge d'instruction qui conduit

4 toute la procédure. Nous, les médico-légistes, nous ne constituons qu'une

5 partie de la procédure.

6 Q. Bien. A cet effet, aurais-je raison de dire que les exhumations de

7 Batajnica se sont déroulées suivant le même modèle ?

8 R. Certainement.

9 Q. Bien. Alors, partant de ce que vous en savez, partant de l'expérience

10 qui est la vôtre, aurais-je raison de dire que lorsque le juge

11 d'instruction prend en charge une enquête, la tâche de la police consiste à

12 assurer la sécurité, à transporter l'équipe, sécuriser le personnel et le

13 reste qui se trouvent sur le site, avec la police scientifique qui est

14 chargée de consigner tout ce qui a été fait ?

15 R. Je crois qu'il y a une petite confusion. Je ne sais pas à quelle partie

16 de la tâche qui est la mienne vous vous référez. Est-ce que vous parlez du

17 lac de Radonjic ou est-ce que vous parlez du polygone de Batajnica ? Parce

18 que si vous parlez du lac de Radonjic, je dirais que nous avons passé nos

19 nuits à l'hôtel Pastrik de Djakovica, c'est en bas dans ces garages au

20 sous-sol que nous procédions aux autopsies. Il est certain que nous ne

21 pouvions pas aller là-bas seul. La police nous emmenait jusqu'au site, tous

22 les jours, c'est elle qui nous ramenait. Il est certain qu'à l'époque où

23 l'on tirait de partout, cette escorte était une escorte armée. C'est la

24 raison pour laquelle nous terminions notre travail pour des raisons de

25 sécurité avant la tombée de la nuit, vous pouvez à chaque fois voir dans

26 les rapports ici que nous finissions vers 16 heures et 17 heures, me

27 semble-t-il.

28 Pour ce qui est de Batajnica, je dirais que nous avons eu des services

Page 5306

1 logistiques de la part de la police, si je peux m'exprimer ainsi, du fait

2 même qu'au polygone de Batajnica, on nous avait attribué un employé des

3 unités antiterroristes spéciales qui nous a aidé pour apporter des vivres,

4 pour faire la vaisselle. C'est peut-être drôle que de dire que c'est le

5 même homme qui a transporté en tracteur les cadavres jusqu'au tunnel une

6 fois que nous avons procédé aux nécessaires pour l'autopsie, l'analyse

7 anthropologique, et cetera. C'est lui qui nous fournissait par exemple de

8 nouveaux tuyaux d'arrosage pour l'eau, ainsi de suite. Alors, jusqu'aux

9 maisons là-bas, nous allions là-bas à bord de nos véhicules. Le Tribunal

10 nous remboursait les frais afférant à l'utilisation de nos véhicules

11 privés.

12 Q. Bien. Nous allons passer sur Batajnica tout à l'heure. Pour que les

13 choses soient tout à fait claires, j'aimerais qu'on en termine d'abord avec

14 les exhumations réalisées non loin du lac de Radonjic, ensuite nous

15 passerons à Batajnica pour parler des questions qui doivent être prises en

16 considération s'agissant de Batajnica.

17 Monsieur, pour ce qui est du travail effectué au lac de Radonjic, les

18 informations médico-légales et tout ce qui a été retrouvé au niveau du

19 site, a permis de constater que les victimes ont péri à ces endroits-là ?

20 R. Ecoutez, lorsque vous avez un cadavre qui est décomposé, il est

21 difficile de déterminer la cause du décès, encore moins de déterminer si la

22 personne en question a péri à cet endroit précis. Vous savez qu'il y a eu

23 ce cas du camion frigorifique dans le Danube, et ces cadavres ont par la

24 suite été enterrés. Les médico-légistes ont ensuite procédé à des autopsies

25 de ces cadavres enfouis dans la terre. Alors, comment voulez-vous qu'un

26 expert en médecine légale puisse vous affirmer comment cet homme a péri, ou

27 cette personne a péri ? Parce que les personnes au niveau de ce camion

28 frigorifique auraient pu tout simplement mourir parce qu'elles étaient

Page 5307

1 nombreuses, et parce que le camion était hermétiquement fermé, du fait du

2 manque d'oxygène. Ils auraient pu être vivants lorsque le camion est tombé

3 dans les eaux.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, la question n'a pas eu

5 trait au camion frigorifique; elle se rapportait au lac de Radonjic. Si la

6 réponse est négative, veuillez nous fournir cette réponse-là plutôt que

7 d'aller dans le détail, parce que si le conseil de la Défense souhaite

8 obtenir davantage d'information, il ne manquera pas de vous poser davantage

9 de questions à ce sujet. Merci.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai bien compris. J'ai voulu expliquer

11 ou illustrer la réponse. Il est difficile, en effet, de dire que tous les

12 corps que nous avons trouvés non loin du lac Radonjic ont été ceux des

13 personnes qui ont péri là, ou qui auraient été jetées dans le canal. Il se

14 peut que l'eau les ait véhiculées pendant un bon moment, nous avons vu des

15 cadavres dans le canal à un endroit. Le troisième jour, il y a une telle

16 pluie que les corps que nous avons vus et que nous avons pas eu le temps de

17 récupérer, la fois d'après où nous sommes allés sur le site lorsque la

18 pluie s'est arrêtée, nous les avons retrouvés à des centaines de mètres

19 plus loin. Je suppose et il est logique de supposer qu'entre le moment où

20 ils sont arrivés-là et le moment où notre équipe est arrivée, il y a eu

21 d'autres intempéries. Parce que ce canal, ce n'est pas un ruisseau, il y a

22 beaucoup d'eau, il y a eu encore plus d'eau suite à ces pluies abondantes.

23 M. IVETIC : [interprétation]

24 Q. Juste une question de plus pour terminer sur ce point et je passerais à

25 autre chose. Est-ce que vous avez trouvé des éléments de preuve ou quelque

26 chose qui présente un intérêt du point de vue médico-légale qui puissent

27 indiquer que certains corps en fait avaient été alignés le long du canal et

28 qu'ils avaient ensuite été tués par balle à côté du lac Radonjic ?

Page 5308

1 R. Dans ce compte rendu que je faisais, que je tenais, en fait, sur place,

2 nous parlons encore du lac Radonjic, si j'ai bien compris ce que vous me

3 dites, tout au moins dans la version serbe, à la page 3, au paragraphe 1,

4 on trouve la description suivante :

5 "Sur le mur de béton qui délimitait le canal du côté externe, là où

6 il y a de l'humus, nous avons trouvé beaucoup de dommages qui

7 correspondaient de façon logique avec les projectiles."

8 Egalement, en dessous, il y avait une quantité de gravier qui était

9 légèrement différente du reste du gravier, à savoir qu'il n'y avait pas

10 d'herbe, même pas un peu d'herbe. Il n'y avait pas de touffe d'herbe

11 fraîche, de sorte que nous avons pensé qu'il pourrait y avoir quelque chose

12 sous ce gravier, nous avons trouvé des cadavres et nous les avons étiquetés

13 et marqués sur place. Vous voyez cela sur le compte rendu, F14, F15 et

14 peut-être il y avait d'autres identifications. Je ne sais pas si nous avons

15 trouvé deux ou trois, ou combien il y en avait en tout, de sorte que sur la

16 base de l'ensemble du tableau sur place, sur la base des circonstances en

17 question et des autopsies qui ont été pratiquées par la suite, nous avons

18 pu conclure que ces deux ou trois personnes étaient mortes à cet endroit-

19 là, du fait de balles, et qu'ensuite elles avaient été ensevelies par la

20 suite et couvertes de gravier. La documentation photographique pertinente a

21 également été fournie au juge d'instruction. Voilà les éléments de preuve

22 qui sont à la base de tout cela.

23 Q. Je vous remercie. Maintenant, en ce qui concerne les autopsies qui ont

24 été pratiquées, nous avons entendu dans les dépositions qu'on avait rendu

25 compte de façon très étendue dans les médias cet événement. Est-ce que,

26 vous-même, vous vous rappelez s'il y a eu un grand nombre de civils qui

27 seraient venus à l'hôtel Pastrik pour essayer d'apprendre ou de savoir ce

28 qui s'y passait, et si l'un quelconque des corps avaient été découverts,

Page 5309

1 pouvait être celui d'amis ou de parents ?

2 R. Voyez-vous, voici la procédure qui était suivie: lorsque nous avions

3 fini depuis le fait d'avoir trouvé les corps jusqu'au moment où les

4 autopsies étaient terminées --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, il serait utile

6 que vous suiviez directement la question et que vous donniez directement

7 une réponse plutôt que de nous parler de la procédure suivie. C'était une

8 question extrêmement précise. Est-ce que vous avez ou non, vous vous êtes

9 trouvé dans une situation où vous avez rencontré les personnes qui venaient

10 pour voir les corps ou reconnaître les corps d'amis ou de parents ? La

11 réponse peut être oui ou non, je pense.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si c'est cela la réponse que vous

13 souhaitez.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, le conseil peut vous

15 demander des renseignements supplémentaires s'il le souhaite.

16 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

17 Q. Maintenant, serait-il exact de dire que l'atmosphère générale à

18 Djakovica à ce moment-là, plus particulièrement avec la population locale

19 qui se trouvait autour de l'hôtel Pastrik, s'est montrée vivement

20 préoccupée de ce qui avait été découvert et que les victimes, les menaces

21 potentielles qui étaient posées par quiconque aurait pu tuer ces personnes

22 à cet endroit ?

23 R. A vrai dire, je n'ai aucune idée de ce qu'était l'atmosphère à

24 l'extérieur de l'hôtel pour la simple raison que nous avions les mains

25 pleines avec notre tâche d'autopsie. Toutefois, lorsque nous avons achevé

26 les autopsies et avons commencé à procéder aux identifications, nous avons

27 à ce moment-là été en contact avec ces malheureuses familles, et avec leur

28 aide, nous avons dû essayer d'identifier les cadavres. Cela, c'est la

Page 5310

1 première fois que nous sommes entrés en contact avec ces personnes qui

2 avaient des membres de leurs familles portées disparu.

3 Q. Bien. Je voudrais maintenant vous poser des questions qui ont trait aux

4 enquêtes d'exhumations de Batanijca.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, nous avons essayé de

6 donner quelques directives quant à l'utilisation du temps allouer, je ne

7 voudrais pas vraiment intervenir dans ce type de discussion, ce contre-

8 interrogatoire ne me semble pas suivre les normes posées.

9 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces directives --

11 M. IVETIC : [interprétation] L'Accusation nous a donné une estimation du

12 temps qu'il lui faudrait pour ce témoin en disant qu'elle allait procéder à

13 son interrogatoire principal en une heure et demie. Ce matin, lorsque j'ai

14 parlé au conseil principal, M. Hannis, ils ont dit qu'ils allaient réviser

15 leur estimation et la ramener à 45 minutes. J'ai moi-même, réduit mon

16 contre-interrogatoire pour qu'il corresponde à 35 ou 45 minutes. A

17 l'évidence, ils ont eu cinq minutes de plus pour leur interrogatoire

18 principal. Je peux vous dire maintenant que j'ai encore cinq questions à

19 poser.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, je n'étais pas au courant de

21 cela. Il serait utile pour la Chambre que je sois mise au courant de ce qui

22 se passe lorsque les directives ne sont pas très clairement suivies.

23 J'espère que l'on pourra suivre ce qu'elle demande --

24 M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi. Je suivrai certainement ces

25 directives à l'avenir.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci, d'ailleurs, n'est pas limité à

27 la Défense; ceci concerne les deux parties.

28 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

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1 Q. Monsieur le Témoin, comme vous l'avez entendu, nous avons des

2 contraintes en matière. Je vais vous poser cinq questions qui ont trait à

3 Batajnica. Je crois que vous avez déjà commencé à parler de cela

4 précédemment en ce qui concerne les corps qui se trouvaient dans ce camion

5 réfrigéré, et je voudrais vous demander d'une façon générale, en ce qui

6 concerne tous ces corps qui ont été exhumés, ai-je raison de dire que

7 compte tenu du stade avancé de putréfaction et de décomposition, il était

8 très difficile de trouver la cause exacte du décès, elle ne pouvait pas

9 être déterminée à partir de ces cadavres, pour la plupart des cadavres qui

10 ont été exhumées ?

11 R. Pour commencer, tous ces corps étaient dans un état de décomposition

12 avancée et certains n'étaient plus que de simples squelettes. En principe,

13 lorsque l'on pratique des autopsies sur de tels restes, sur de tels corps,

14 qu'ils aient été exhumés ou qu'ils aient été trouvés dans un état de

15 décomposition, la simple autopsie d'un corps décomposé ne peut pas vous

16 donner une cause certaine du décès. Cela c'est un travail qui nécessite

17 d'autres moyens d'expert qui se serviront de l'autopsie, mais également il

18 y a les éléments de preuve recueillis sur place, des vêtements, des objets

19 qui ont été trouvés sur le corps et d'autres éléments qui pourraient

20 fournir une indication quant à la cause du décès.

21 Q. Bien, je vous remercie. En fait, vous avez répondu à la question que

22 j'allais vous poser plus tard. Je vous pose celle-ci : dans votre

23 déclaration, vous exprimez l'opinion que ces corps avaient été exhumés, en

24 tous les cas en ce qui concerne la fosse Batajnica 3, je crois que c'est

25 cela que vous avez dit, et les corps examinés montraient qu'ils avaient été

26 exposés à du feu. Vous en concluez que pour ces corps, il y avait eu une

27 tentative pour brûler ces cadavres à cet endroit-là. Pourriez-vous, s'il

28 vous plaît, développer un petit peu et nous donner les bases de vos

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1 conclusions selon lesquelles on avait tenté de brûler ces cadavres au site

2 Batajnica 3 ?

3 R. Pour commencer, je pense que c'était également le cas de la deuxième

4 fosse. Je ne me rappelle pas exactement le nombre, le numéro, mais tout est

5 en tous les cas consigné dans nos rapports. En ce qui concerne les raisons

6 pour lesquelles nous sommes parvenus à la conclusion que ces corps avaient

7 été brûlés, c'est tout simplement parce que les pneus qui se trouvaient en

8 dessous et au-dessus des corps étaient brûlés et que les autopsies ont

9 également permis d'établir qu'il y avait des traces de feu essentiellement

10 sur les os mais également sur les tissus mous et sur les vêtements

11 recouvrant les corps, même pour les documents personnels qui ont été

12 trouvés dans certains vêtements, sous des pièces de vêtements, par exemple,

13 protéger par la ceinture, et cetera.

14 Nous avons eu des éléments de preuve très clairs que ces corps avaient été

15 exposés au feu. Puisque ces cadavres eux-mêmes ont été trouvés à côté de

16 pneus qui, incontestablement, avaient été incinérés, il n'y avait pas

17 d'autre conclusion que celle que ces corps avaient été brûlés.

18 Q. Vous avez indiqué qu'il y avait ces pneus brûlés qui se trouvaient là.

19 Y avait-il d'autres indications qui vous faisaient comprendre qu'on avait

20 tenté de les brûler sur place à Batajnica là où le sol -- y avait-il des

21 éléments de preuve sur le sol ou d'autres objets qui auraient pu indiquer,

22 qui auraient pu être un élément de preuve qu'on voulait brûler ces corps et

23 qu'ils avaient été mis matériellement à cet endroit plutôt qu'à un autre

24 endroit ?

25 R. Pour autant que je m'en souvienne, nous avons trouvé également des

26 planches brûlées ou même consumées, mais je dois une fois encore le

27 répéter, tout est consigné dans nos rapports. Je ne parviens pas à me

28 rappeler d'autres détails. Je me rappelle simplement qu'il y avait des

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1 pneus et des planches, les corps brûlés et les vêtements.

2 Q. Je vous remercie, Docteur Aleksandric. Je vous prie de m'excuser de

3 vous avoir obligé à vous dépêcher un peu dans tout cela, mais nous avions

4 des contraintes de temps. Je vous remercie de votre aide pour aujourd'hui.

5 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître Ivetic.

7 Monsieur O'Sullivan.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

10 M. FILA : [interprétation] Pas de questions. Je vous remercie.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk.

12 M. SEPENUK : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Aleksic.

14 M. ALEKSIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, pas

15 de questions.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

17 M. BAKRAC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

19 M. STAMP : [interprétation] Pas de questions supplémentaires, Monsieur le

20 Président.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

22 Monsieur le Professeur, ceci termine votre déposition. Comme je vous

23 l'ai expliqué au début, nous avons vos dépositions écrites et comme le

24 conseil l'a indiqué d'emblée, il dispose d'un très grand nombre de

25 documents soigneusement préparés qui traitent de façon très détaillée de

26 ces événements qui sont tous présentés à la Chambre de première instance

27 pour qu'elle les examine.

28 Nous vous sommes reconnaissants d'être venu jusqu'au Tribunal faire votre

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1 déposition, et vous êtes maintenant libre de vous retirer.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Merci beaucoup et bonsoir à

3 tous.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Témoin suivant, s'il vous plaît,

7 Monsieur Stamp.

8 M. STAMP : [interprétation] Le témoin suivant est le témoin K62, Monsieur

9 le Président.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 760 --

11 M. STAMP : [interprétation] Le 72. Il y a quelques minutes, je m'étais

12 renseigné pour savoir s'il était disponible et on m'a dit qu'on l'avait, à

13 la suite d'une estimation de l'heure, ramené à son hôtel. Par conséquent,

14 je leur ai dit qu'il n'était pas utile d'aller de le rechercher si on

15 pensait que nous allions terminer dans très peu de temps avant 7 heures 10.

16 Effectivement, il ne serait pas utile de retourner à l'hôtel.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis d'accord avec cela. L'erreur

18 c'était de ne pas l'avoir fait rester ici.

19 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, le témoin

21 est là, Monsieur Stamp. Pouvons-nous le faire entrer.

22 M. STAMP : [interprétation] Je suis en train d'essayer de me mettre en

23 contact avec mon collègue pour voir si on pourrait le faire venir. Je me

24 demande si c'est vraiment réalisable à l'heure qu'il est.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, oui, chaque minute compte, je

26 crois bien dans ce procès. Il y a lieu d'aller de l'avant.

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonsoir, Monsieur.

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1 Pour nous, vous êtes le Témoin K72, pour cette Chambre. C'est ainsi que

2 nous nous adresserons à vous et que nous vous nommerons tout au long de

3 votre déposition.

4 Voudriez-vous, s'il vous plaît, faire maintenant la déclaration solennelle

5 de dire la vérité en lisant à haute voix le document qui maintenant va être

6 placé devant vous.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 LE TÉMOIN: TÉMOIN K72 [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

12 asseoir.

13 La Chambre est saisie d'une déclaration que vous avez faite. Nous l'avons

14 lue. C'est une déclaration qui avait été faite en octobre 2005. Quoi qu'il

15 en soit, vous êtes ici pour répondre à des questions supplémentaires qui

16 permettraient de compléter les renseignements qui figurent dans les

17 déclarations ou clarifier certaines choses qui pourraient éventuellement

18 être contestées sur ce que vous avez dit là. Je ne sais pas exactement

19 quels sont les questions qui vous seront posées, mais les questions vont

20 vous être posées de cette manière.

21 Maintenant, la première personne qui va vous interroger sera pour

22 l'Accusation, M. Hannis.

23 M. STAMP : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

24 M. HANNIS : [interprétation] Bonsoir, Monsieur le Président, Madame et

25 Monsieur le Juge.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonsoir, Maître Hannis.

27 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin est le Témoin

28 K72. Nous avons un feuillet pour son pseudonyme, qui est en train d'être

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1 imprimé séance tenante, je l'espère.

2 La déposition qui sera faite par ce témoin, Monsieur le Président, est

3 faite sur la base du paragraphe 75(h) de l'acte d'accusation.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un témoin au titre de l'article

5 92 ter du règlement, d'après ce que j'ai compris ?

6 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, il est inscrit ici sur

7 une liste de témoins qui déposent en personne et au titre de 92 ter. Je

8 crois que c'était la notification qui a été faite concernant les témoins la

9 semaine dernière.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

11 Interrogatoire principal par M. Hannis :

12 Q. [interprétation] Témoin, je voudrais commencer en vous remettant un

13 document, je vais vous demander de le lire pour vous seulement, et de nous

14 dire si les renseignements qu'il contient sont exacts en ce qui concerne

15 vos coordonnées personnelles.

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Je vous remercie.

18 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la pièce

19 à conviction P2392, je crois. Nous demandons qu'elle soit versée au dossier

20 dès maintenant. Je vous remercie.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis. Veuillez

22 poursuivre.

23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

24 M. HANNIS : [interprétation] Si vous voulez bien m'accorder un instant, je

25 voudrais demander que cette pièce soit déposée sous pli scellé, Monsieur le

26 Président.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La pièce est versée au dossier sous

28 pli scellé.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

2 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais maintenant vous montrer la pièce à

3 conviction 2390. Vous rappelez-vous avoir fait une déclaration à

4 l'enquêteur du Tribunal l'an dernier, le 26 octobre ?

5 Excusez-moi, mais est-ce que vous avez compris ma question ? Vous l'avez

6 entendue ?

7 R. Oui, oui. J'ai entendu.

8 Q. Vous rappelez vous avoir fait une déclaration à un enquêteur du

9 Tribunal l'an dernier, le 26 octobre ?

10 R. Oui. Oui, je m'en souviens.

11 M. HANNIS : [interprétation] Si possible, j'ai une copie papier que je

12 souhaiterais que l'on remette au témoin.

13 Q. Avant de venir au Tribunal ce soir, est-ce que vous avez eu l'occasion

14 de relire ou de revoir cette déclaration écrite ?

15 R. Oui.

16 Q. En l'examinant, vous avez noté quelques modifications d'ordre mineur

17 que vous nous avez signalé à nous, le bureau du Procureur, qui avons pu

18 compléter les renseignements que vous aviez fournis à la Défense le

19 lendemain de votre audition ? Est-ce que vous êtes par ailleurs satisfait

20 des renseignements qui sont contenus dans cette déclaration écrite ? Est-ce

21 que vous êtes convaincu que c'est bien vrai et exact pour autant que vous

22 le sachiez ?

23 R. Oui, oui, c'est exact.

24 Q. Pourriez-vous confirmer pour les membres de la Chambre maintenant que

25 les réponses que vous avez faites à l'époque sont les mêmes que celles que

26 vous feriez aujourd'hui si on vous posait les mêmes questions ?

27 R. Oui, les mêmes.

28 Q. Je vous remercie.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous voudrions demander

2 le versement de ce document 2390 dès maintenant, également sous pli scellé.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le document en question est versé sous

4 pli scellé, mais également sous la condition que dès que possible d'une

5 version expurgée.

6 M. HANNIS : [interprétation] Nous allons le faire, bien entendu, Monsieur

7 le Président. Merci.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez l'intention de

9 vous occuper des modifications ?

10 M. HANNIS : [interprétation] J'ai l'intention de le faire dès que j'en

11 aurai terminé avec cette déclaration.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Pour autant que vous puissiez

13 les identifier et vous en occuper, puisqu'il serait utile d'avoir les

14 éclaircissements nécessaires.

15 M. HANNIS : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Il y a

16 encore quelques détails d'ordre mineur.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. HANNIS : [interprétation]

19 Q. Monsieur le Témoin, dans votre déclaration au paragraphe 10, vous

20 parlez de la façon dont, lorsque l'OTAN a commencé à bombarder, vous aviez

21 commencé à travailler en tant que civil pour l'armée yougoslave. Pourriez-

22 vous dire à la Chambre comment il se fait qu'on vous a donné des travaux à

23 faire pour l'armée ?

24 R. Dans un hôtel de Djakovica appelé Pastrik, l'hôtel Pastrik, un officier

25 est venu me trouver. On s'adressait à lui comme étant un lieutenant-

26 colonel. Je ne sais pas son nom, mais il m'a dit que je devais aller me

27 présenter à la caserne le jour suivant de façon à faire quelque chose pour

28 l'armée avec du matériel. C'est bien ce que j'ai fait et c'est comme cela

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1 que cela a commencé.

2 Q. A ce moment-là, ces choses se sont passées à un moment où vous étiez en

3 train de travailler pour une société privée que vous appelez Bokshi,

4 d'après ce que je comprends, vous travailliez comme conducteur

5 d'excavatrice ?

6 R. Oui. Elle était appelée Bokshi pour ce qui est du nom.

7 Q. Est-ce que l'ensemble de la société Bokshi a été sollicité pour aider

8 cette société ou est-ce que c'était vous seulement en tant que personne ?

9 R. Je ne sais pas si une requête a été présentée, une demande a été

10 présentée à Bokshi, mais en tous les cas j'utilisais son engin. Il a

11 conduit cet engin au centre du MUP, c'est là que j'ai commencé à m'en

12 servir.

13 Q. Comment étiez-vous payé pour votre travail ?

14 R. Pendant que je travaillais à la caserne sur la colline de Cabrat pour

15 l'armée, je creusais des routes, des tranchées pour qu'on puisse y mettre

16 du matériel de combat, des épaulements. On me donnait une indemnité

17 quotidienne; je ne me souviens plus très bien combien c'était.

18 Q. Vous étiez payé avec quelle fréquence ? Est-ce qu'on vous payait tous

19 les jours ?

20 R. Je crois que c'était tout les 15 jours.

21 Q. Lorsque vous travailliez pour eux, comment est-ce que vous vous rendiez

22 à votre travail et comment est-ce que vous repartiez de votre travail ?

23 Est-ce que vous preniez un véhicule que vous conduisiez vous-même ou est-ce

24 que quelqu'un vous y conduisait, vous transportait ?

25 R. Non. On me conduisait jusqu'au lieu de travail et on me ramenait chez

26 moi.

27 Q. Dans quel type de véhicule et qui le conduisait ?

28 R. Je pense que c'était une sorte de jeep peinte en vert olive gris. Elle

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1 était conduite par un militaire. Quant à savoir si c'était un soldat ou un

2 officier, je ne le sais pas.

3 Q. Au paragraphe 11, vous --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à cela.

5 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre question était de savoir comment

7 vous étiez payé ? Qui vous payait lorsque vous faisiez ce travail ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelqu'un qui s'occupait de la paye qui avait

9 les fonds et qui s'occupait du service de paye pour tout le monde y compris

10 les officiers. J'ai entendu dire que tout le monde avait la même indemnité

11 journalière, que ce soit les soldats ou nous, je pense que c'était la même

12 personne qui versait cet argent.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

14 Monsieur Hannis, vous pouvez trouver un moment qui convient, quand vous

15 voudrez.

16 M. HANNIS : [interprétation]

17 Q. Une toute dernière question sur ce point. Est-ce que vous deviez signer

18 quelque chose lorsque vous receviez votre paiement ?

19 R. Non. Je ne signais rien.

20 Q. Bien.

21 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Le

22 moment serait bien choisi pour lever la séance.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

24 Témoin K72, nous devons en terminer pour ce soir à ce stade, nous

25 reprendrons votre déposition demain; demain après-midi, en l'occurrence à

26 14 heures 15. Il faudra que vous soyez de retour ici pour reprendre votre

27 déposition à 14 heures 15, demain.

28 Dans l'intervalle - et ceci est très important - maintenant que vous êtes

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1 en train de faire votre déposition, vous ne devez parler de cette

2 déposition à personne. Ceci veut dire qu'il s'agit non seulement de la

3 déposition que vous avez déjà faite ou de la déposition que vous devrez

4 encore faire demain. Ce soir et jusqu'à ce que vous soyez de retour ici

5 demain, vous pouvez parler de ce que vous voulez à qui vous voulez, sauf de

6 la déposition dans cette affaire. C'est absolument interdit dans vos

7 discussions ou conversations.

8 Nous vous reverrons demain à 14 heures 15. L'huissier va maintenant va vous

9 aider à sortir de la salle d'audience.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous levons maintenant la séance

12 jusqu'à 14 heures 15, demain.

13 --- L'audience est levée à 19 heures 11 et reprendra le jeudi 26 octobre

14 2006, à 14 heures 15.

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