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1 Le mercredi 31 janvier 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos pour
6 permettre au témoin d'entrer dans le prétoire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
8 [Audience à huis clos]
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin K90.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre votre
17 déposition. Je vous rappelle que la déclaration solennelle que vous avez
18 prononcée au début de votre déposition par laquelle vous vous êtes engagé à
19 dire la vérité s'applique toujours aujourd'hui.
20 Maître Ivetic, allez-y.
21 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 LE TÉMOIN: TÉMOIN K90 [Reprise]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 Contre-interrogatoire par M. Ivetic : [Suite]
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vais reprendre là où nous nous
26 étions arrêtés hier, lorsque nous avons évoqué le carrefour où se trouvait
27 le poste de contrôle à Meja Orize-Djakovica. Au paragraphe 54 de votre
28 déclaration, vous dites que les policiers vérifiaient les papiers
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1 d'identité des personnes et leur prenaient de l'argent.
2 Vous n'avez pas été témoin oculaire de cela. C'est ce que vous nous
3 avez dit, n'est-ce pas ?
4 R. Hier, je vous avais dit qu'il y avait eu un malentendu sur ce point.
5 Nous nous sommes mal compris. Ce poste de contrôle au niveau du pont
6 Djakovica existait. Il y avait ce poste de contrôle que j'ai indiqué sur le
7 croquis, au niveau du carrefour, sur le sentier qui va vers les hauteurs,
8 vers l'autre partie du village.
9 C'est là que se trouvait le nouveau poste de contrôle, l'autre poste
10 de contrôle, pas celui Djakovica où se trouvait l'ancien poste de contrôle
11 régulier habituel, mais je les ai vus qui prenaient de l'argent.
12 Q. Je pense que nous parlons du même poste de contrôle, celui qui se
13 trouvait entre votre poste de commandement de la VJ et le reste de l'unité.
14 C'est bien de ce poste de contrôle-là que vous parlez, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est bien celui-là. Oui, c'est celui-là.
16 Q. Lorsque vous vous trouviez au poste de commandement de la VJ avec votre
17 commandant, personnellement vous n'avez pas été témoin de meurtres à ce
18 poste de contrôle, n'est-ce pas ?
19 R. Je ne les ai vus tuer personne, mais je les ai vus tirer à côté des
20 gens; en fait, ils les jetaient à terre et ils tiraient à côté. J'ai vu
21 cela plusieurs fois, car je me suis rendu là-bas à plusieurs reprises,
22 j'allais et venais.
23 Q. Vous avez observé cela depuis le poste de commandement de la VJ, et
24 alors que vous observiez cela, votre commandant se trouvait juste à côté de
25 vous puisque vous étiez son garde du corps, n'est-ce pas ?
26 R. Nous étions dans la cour tous les deux. Je ne peux pas vous expliquer
27 cela maintenant. Cette cour n'est pas très grande, peut-être un peu plus
28 grande que cette salle, 10 mètres carrés peut-être. Il y avait ce poste
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1 d'observation où les soldats de la section du commandement se trouvaient,
2 et l'herbe était haute.
3 Le commandant ne voulait pas se mouiller. J'étais sur la route entre
4 le carrefour et le poste de commandement dans la cour, par là.
5 Q. Je crois que vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. Je vous ai
6 demandé la chose suivante : alors que vous observiez cela depuis le poste
7 de commandement de la VJ, est-ce que votre supérieur, le commandant, était
8 à côté de vous au poste de commandement ? Je ne sais pas pourquoi vous avez
9 parlé de l'herbe qui était haute au mois d'avril.
10 R. L'herbe haute au mois d'avril; il y avait de la rosée dans la cour. Les
11 soldats étaient mouillés. Vous parlez de cette herbe haute au mois d'avril.
12 J'étais au poste de commandement. Voilà, c'est sûr.
13 Q. Tandis que vous étiez au poste de commandement, est-ce que votre
14 commandant était avec vous, à côté de vous, pendant toute la période que
15 vous avez passée au poste de commandement de la VJ ? Est-ce qu'il était
16 toujours là ?
17 R. Parfois, il était à côté de moi, parfois j'étais un petit peu plus
18 loin. Cela dépendait. Lorsque j'étais là, j'étais à côté de lui, mais si je
19 n'étais pas là, je n'étais pas à côté de lui. Parfois, nous parlions, il
20 avait des choses à faire, moi aussi j'avais des choses à faire. Enfin,
21 voilà.
22 Q. Est-ce que vous avez eu l'impression qu'il avait observé la même chose
23 que vous au poste de commandement ?
24 R. Je pense que oui.
25 Q. Bien. L'autre jour, vous avez évoqué différents groupes d'hommes qui
26 avaient été séparés du reste du groupe. Il y avait des groupes plus ou
27 moins importants, le dernier groupe comptait huit à 10 personnes. Est-ce
28 que vous pouvez préciser un point, je vous prie, s'agissant des tirs
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1 nourris dont vous avez dit qu'ils provenaient de la propriété ? Est-ce que
2 ces tirs visaient ce dernier groupe composé de huit à 10 personnes dont
3 vous avez dit qu'elles avaient été séparées du reste du groupe et conduites
4 à cet endroit ?
5 R. Tout à l'heure, vous m'avez posé une question. Je suis sûr qu'il a vu
6 ce que j'ai vu, car il m'a envoyé sur place pour voir ce qui se passait
7 avec ces gens. Il y avait des petits groupes qu'ils amenaient. Parfois, il
8 y avait trois à cinq personnes, mais dans le dernier groupe, il y avait
9 huit à 10 personnes. Il a vu ce que j'ai vu et j'ai vu ce qu'il a vu.
10 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps à notre disposition. J'essaie de
11 terminer mon contre-interrogatoire. Il me reste quelques questions
12 seulement à vous poser. J'apprécierais que vous répondiez précisément à mes
13 questions. Lorsque vous avez déclaré que vous aviez entendu des tirs
14 nourris provenant de la propriété, est-ce que vous aviez à l'esprit ce
15 dernier groupe composé de huit à 10 personnes qui avaient été séparées du
16 reste de la foule et amenées à cet endroit ?
17 R. Non, cela concernait également le groupe précédent.
18 Q. Vous nous dites qu'il y avait des tirs nourris qui provenaient de la
19 propriété; ces tirs ont commencé à 8 heures du matin et se sont poursuivis
20 jusqu'à quelle heure, grosso modo ?
21 R. Non. Il y avait des tirs de temps à autre. Ils amenaient des gens là-
22 bas, ensuite on entendait des tirs, mais dans l'intervalle on n'entendait
23 rien.
24 Q. Qu'avez-vous à nous dire au sujet du fait qu'un autre témoin, M.
25 Pnishi, pages 1 480 et 1 481 du compte rendu d'audience, a déclaré sous
26 serment qu'il avait observé ce même carrefour, ce même poste de contrôle
27 depuis le deuxième étage de la maison où il se trouvait ? Il a observé la
28 situation à cet endroit jusqu'à 10 heures 30 du matin ce jour-là. En fait,
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1 il n'a pas entendu ces tirs nourris, il a vu que les hommes qui avaient été
2 amenés à cet endroit, que l'on avait fait sortir de l'école, étaient
3 vivants.
4 M. HANNIS : [interprétation] J'ai une objection à soulever, car je ne suis
5 pas sûr que l'on parle du même endroit. Me Ivetic parle de l'école. Je ne
6 suis pas sûr que ce soit la même chose que la propriété évoquée par le
7 témoin.
8 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous allez pouvoir présenter des
11 arguments à ce sujet. Que le témoin réponde ou non à votre question, cela
12 ne changera rien à vos arguments.
13 M. IVETIC : [interprétation] Bien.
14 Q. Monsieur le Témoin, s'agissant du policier que vous dites avoir vu à la
15 propriété "deremo Siptare", pouvez-nous me dire si cet homme avait un
16 accent kosovar ?
17 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne sais plus. Il n'a pas dit qu'ils avaient
18 pris un couteau pour dépecer les Siptar. Il a dit : "On détruit les
19 Siptar."
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Répondez à la question. Inutile de
21 revenir sur ce que vous nous avez déjà dit à plusieurs reprises.
22 Maître Ivetic, poursuivez.
23 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
24 Q. Lorsque vous êtes entré dans la propriété, combien de cadavres y avez-
25 vous vus ?
26 R. Pas dans la propriété. C'était une annexe dans la cour. Je suis passé
27 par le portail comme si j'avais franchi cette porte. Le portail était de
28 l'autre côté; l'annexe était au niveau de l'endroit où sont assis les Juges
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1 de la Chambre.
2 Je suis entré dans ce secteur. Je ne suis pas entré dans le bâtiment. Je
3 n'ai pas vu plus de trois ou quatre cadavres qui gisaient là, par terre. Je
4 ne suis pas entré dans le bâtiment. J'ai vu certaines choses en entrant,
5 j'ai vu ces corps qui gisaient là.
6 Q. Ai-je raison de dire, Monsieur, que vous avez regardé par le portail
7 qui mène à la propriété; vous n'êtes pas entré dans le bâtiment lui-même ?
8 R. Non, non. Je suis entré dans la cour.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, le témoin vous a dit
10 que ce n'était pas une propriété. Vous enchaînez en posant une autre
11 question où il est question d'une propriété. Il va vous fournir la même
12 explication que précédemment. Il va vous expliquer pourquoi ce n'est pas
13 une propriété, donc essayons de nous concentrer sur la question et essayez
14 d'obtenir une réponse.
15 M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi, mais hier cela a été traduit par
16 propriété tout le temps.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez obtenu une explication à ce
18 sujet. Bon, si vous voulez poursuivre cette question, cela vous regarde,
19 mais je pense que cela ne vous avancera guère.
20 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord.
21 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes entré véritablement dans la cour ou est-
22 ce que vous avez regardé ce qu'il y avait dans la cour depuis le portail ?
23 R. Non, je suis entré dans la cour. A gauche --
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez répondre à la question.
25 Merci.
26 M. IVETIC : [interprétation]
27 Q. Combien de temps avez-vous passé à cet endroit ? Etiez-vous seul ?
28 R. Non. Il y avait des policiers à cet endroit. Pour ce qui est des
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1 membres de l'armée, j'étais le seul soldat et j'y suis resté quatre ou cinq
2 minutes, pas plus.
3 Q. Après cela, lorsque vous avez quitté cet endroit, est-ce que vous avez
4 signalé cela à des supérieurs du MUP ? Hier, vous nous avez dit qu'il n'y
5 avait pas d'officiers supérieurs du MUP à cet endroit.
6 R. Non, mais j'ai fait rapport à mon commandant, celui qui m'avait envoyé
7 sur place pour que j'aille voir ce qui s'y passait.
8 Q. Bien.
9 M. IVETIC : [interprétation] Il ne me reste que quelques questions à poser
10 au témoin, et je pense que pour ce faire il faudra passer à huis clos
11 partiel. Ainsi, nous pourrons protéger l'identité du témoin.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
13 Nous allons passer à huis clos partiel.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous
23 avez un exemplaire de votre déclaration préalable sous les yeux ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais dire que nous
26 avons maintenant un exemplaire du document que nous avons préparé.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons y venir.
28 Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez examiner le paragraphe
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1 60 de votre déclaration préalable, s'il vous plaît ? Au paragraphe 60, il
2 est question de ce que vous avez évoqué il y a quelques instants, à savoir
3 du fait que votre commandant vous a envoyé sur place afin de voir ce qui
4 s'y passait. Vous poursuivez en disant que le policier était très
5 indifférent. Il vous a ensuite dit quelque chose. Veuillez me regarder,
6 s'il vous plaît. Que vous a-t-il dit ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit : "Deremo Siptare."
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que les interprètes pourraient
9 m'expliquer en anglais ce que cela signifie ?
10 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise précisent que cette
11 expression peut être interprétée de différentes manières. Elle peut
12 signifie "nous détruisons les Siptar" ou "nous dépeçons les Siptar". Mais
13 il est plus vraisemblable que cela signifie "nous détruisons les Siptar".
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.
15 Monsieur Hannis, vous avez préparé une nouvelle mouture de la déclaration
16 préalable. Malheureusement, vous n'avez pas supprimé les paragraphes dont
17 nous ne tiendrons plus compte; il faudra donc préparer une nouvelle version
18 après celle-ci.
19 M. HANNIS : [interprétation] Oui, et nous allons préparer également une
20 version expurgée de ce document.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends. Mais les
22 paragraphes 2 à 23 devront être supprimés. C'est ce que nous avons décidé.
23 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais j'ai maintenu la numérotation, car
24 j'ai pensé que c'était important.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Absolument, car sinon le compte rendu
26 d'audience sera incompréhensible. Même si les paragraphes 2 à 23 sont
27 supprimés, le paragraphe 24 ne peut pas devenir tout à coup le deuxième
28 paragraphe. Vous allez remettre une nouvelle version de cette déclaration
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1 au témoin, n'est-ce pas ?
2 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais l'intention de
3 faire. J'avais quelques commentaires à faire concernant la manière dont la
4 déclaration a été recueillie.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.
6 M. HANNIS : [interprétation] J'ai essayé d'entrer en contact avec les
7 personnes concernées, et d'après les renseignements que j'ai obtenus
8 jusqu'à présent, apparemment il est vrai qu'il y avait un deuxième
9 interprète dont le nom ne figure pas dans cette déclaration.
10 Cet interprète était présent le premier jour également, en compagnie de
11 Bretton Randall dont le nom est indiqué sur cette déclaration. Cet
12 interprète a participé au recueil de la déclaration concernant la Croatie
13 et la Bosnie.
14 Je vois que le témoin hoche la tête. Peut-être qu'il souhaitera ajouter
15 quelque chose lorsque j'en aurai terminé.
16 D'après ce que j'ai compris, John Zdrilic a terminé l'audition en compagnie
17 du deuxième interprète dont le nom est mentionné sur le document. Nous
18 n'avons pas pu contacter M. Zdrilic.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Inutile d'en dire davantage. Vous
20 pouvez poser des questions supplémentaires au témoin à ce sujet; peut-être
21 que c'est la meilleure manière de procéder, d'ailleurs. Ensuite, vous
22 déciderez de ce qu'il convient de faire. Si les choses sont trop confuses,
23 vous aurez peut-être besoin d'interroger un autre témoin sur certaines
24 questions.
25 Mais ce qui est important, c'est ce que le témoin déclare dans le
26 prétoire, si ses propos correspondent à ce qu'il a dit dans sa déclaration
27 préalable, peu importe comment celle-ci a été recueillie, même si l'on peut
28 avoir des doutes sur la fiabilité du témoignage. Mais c'est à vous qu'il
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1 appartient de prendre cette décision.
2 Peut-être que ce qui s'est passé pendant ces deux jours n'était pas
3 très clair. Le témoin a également dit que quelqu'un était présent le
4 deuxième jour, alors une personne qui n'était pas présente le premier jour
5 qui a fait son apparition le deuxième jour, mais il n'est pas dit dans la
6 déclaration qu'il y avait une autre personne le deuxième jour.
7 Nous savons qui était présent le premier jour, c'est ce qui est
8 indiqué sur la page de garde de la déclaration, mais nous ne savons pas qui
9 était présent le deuxième jour, donc il y a certaines choses qu'il peut
10 être nécessaire de tirer au clair.
11 Quelle cote va-t-on attribuer à ce document ? P2391A, peut-être ?
12 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'il s'agira de P2646. Il devrait
13 s'agir d'une nouvelle cote.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous allez pouvoir
15 maintenant interroger le témoin au sujet des ajouts qui ont été faits dans
16 sa déclaration et vous pourrez vérifier l'exactitude de ces informations.
17 M. HANNIS : [interprétation] Effectivement, il me semble que cette pièce a
18 une cote, mais qu'elle ne figure pas encore dans le système électronique,
19 parce que nous essayons simplement de faire porter les numéros ERN sur les
20 pages et ce n'est qu'après que nous les ferons figurer dans le système
21 électronique et que nous retirerons peut-être les paragraphes 2 à 23, comme
22 vous l'avez suggéré.
23 Nouvel interrogatoire par M. Hannis :
24 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous ai remis un exemplaire de
25 votre déclaration. Je vous demande un instant de patience. J'aimerais
26 passer en revue les différents changements que nous avons apportés à ce
27 document. Nous allons voir si ces changements répondent bien aux
28 préoccupations que vous avez exprimées par rapport à votre déclaration.
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1 Première modification, elle porte sur le paragraphe 28. Il s'agit
2 maintenant de la "549e Brigade motorisée", n'est-ce pas ?
3 R. [aucune interprétation]
4 Q. Au paragraphe 36, il est question de l'usage d'un spray comme une
5 espèce de lance-flammes. Nous avons ajouté les termes "dans cette
6 situation, nous avons utilisé" pour expliquer que ceci ne s'est produit
7 qu'à une seule reprise, n'est-ce pas ?
8 R. J'ai dit "iskoristili", ce qui veut dire "nous l'avons utilisé une
9 fois". Vous avez dit "koristili", alors que cela veut dire "nous
10 l'utilisions constamment" ou en tout cas "à plus d'une reprise". Mais
11 enfin, bon, je ne vais pas m'opposer à cela.
12 Q. [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.
14 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il y a une
15 différence très importante, ici. Le témoin a dit "iskoristili", "une seule
16 fois", alors qu'ici il est dit "koristili", "dans de telles situations,
17 nous utilisions". C'est une forme grammaticale qui donne à penser que
18 c'était là assez fréquent ou régulier, en tout cas, alors que la forme
19 verbale utilisée par le témoin tend à indiquer que cet objet n'a été
20 utilisé qu'à une seule reprise. Je vois que le témoin acquiesce, confirmant
21 ma version.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est précisément ce que j'ai dit.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Nous allons modifier le
24 document, supprimer les termes, à ce moment-là, "dans cette situation", et
25 nous utiliserons un autre mot; nous parlerons d'"un" conteneur ou d'"un"
26 spray, un spray aérosol au singulier. Le témoin nous a bien expliqué quelle
27 était la situation, et nous en tiendrons compte dans la déclaration.
28 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
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1 Q. Au paragraphe 39, nous avions omis une référence à l'homme de la
2 Défense territoriale. Vous aviez dit qu'il travaillait dans le bâtiment de
3 la Défense territoriale, ou plutôt le bâtiment de la municipalité. Nous
4 l'avons omis.
5 Ensuite, au paragraphe 41, nous avons ajouté une phrase après la première
6 phrase pour dire : "Ce n'était pas la tâche primordiale de mon unité."
7 Puis, la quatrième phrase, nous l'avons également ajoutée : "Mon commandant
8 n'a jamais ordonné l'expulsion des villageois, à savoir leur expulsion vers
9 l'Albanie."
10 R. Il aurait été plus approprié de dire : "Mon commandant n'a jamais
11 ordonné la réinstallation des villageois." Vous dites "expulsion". Je crois
12 qu'il y a là une connotation distincte liée à ce terme par rapport à
13 réinstallation. Le terme que j'ai utilisé, c'est celui de "réinstallation",
14 et non pas "expulsion". Nous nous sommes mis d'accord pour reconnaître
15 qu'il n'y avait pas eu d'"expulsion", mais simplement des
16 "réinstallations".
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas votre remarque,
18 Monsieur le Témoin. Je croyais que vous aviez convenu que l'on avait dit à
19 des gens de partir dans leur propre intérêt, et vous, vous aviez qualifié
20 cela de réinstallation.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qu'a fait M. Hannis, tout
23 simplement, c'est d'éclaircir les choses, à savoir qu'aucune expulsion
24 n'avait été ordonnée.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Parfait. Dans ce cas, c'est parfait. Si c'est
26 bien cela que vous dites, c'est très bien.
27 M. HANNIS : [interprétation]
28 Q. Aux paragraphes 43 et 44, nous avons modifié le terme "expulsion" ou
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1 "expulser" et nous l'avons remplacé par "réinstallation" ou "réinstaller."
2 R. C'est bien.
3 Q. Au paragraphe 43, il ne s'agit plus de "la plupart des villages", mais
4 de "quelques-uns des villages".
5 R. Oui, c'est bien.
6 Q. Merci.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est bien, continuez.
8 M. HANNIS : [interprétation]
9 Q. Au paragraphe 45, il y a eu une discussions sur le pillage, et nous
10 avons ajouté une phrase, je cite : "Tous les soldats ne se rendaient pas
11 coupables de cela; certains individus seulement."
12 R. [aucune interprétation]
13 Q. Au paragraphe 46, à la fin du paragraphe, nous avons ajouté : "Ce que
14 je dis dans ce paragraphe ne reflète pas des informations que j'ai obtenues
15 directement, mais de la bouche d'autres individus."
16 R. Oui, c'est cela.
17 Q. Au paragraphe 47, nous avons modifié l'avant-dernière phrase par
18 rapport aux hommes de Frenki, et ce que nous avons ajouté, c'est ce qui
19 suit : "Il y avait deux unités PJP ou Frenki, Frenkijevci dans une
20 voiture."
21 R. J'ai dit que j'avais vu deux hommes avec des petits chapeaux, le genre
22 de petits chapeaux que portaient les membres des unités lors d'opérations
23 spéciales, et c'est comme cela qu'il faut que ce soit dit.
24 Q. Le paragraphe se poursuit. Vous lisez vous-même le reste du paragraphe
25 : "J'ai reconnu les hommes de Frenki dans leurs uniformes. J'ai échangé un
26 cigare contre de l'eau et des cigarettes. Ils portaient le couvre-chef
27 habituel des Frenki"; c'est cela ?
28 R. Oui, oui, c'est cela. Des masques.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pas besoin d'ajouter cela parce que
2 vous avez témoigné à cet égard et tout ceci figure dans le compte rendu.
3 M. HANNIS : [interprétation]
4 Q. Le paragraphe 52 --
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à cela --
6 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas très bien ce que
8 dit le témoin. Il les a reconnus comme étant des hommes de Frenki. Il dit
9 qu'ils faisaient partie d'une unité d'opérations spéciales. Maintenant,
10 vous dites que cette unité d'opérations spéciales était connue sous le nom
11 des hommes de Frenki ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, pas du tout.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors pourquoi --
14 LE TÉMOIN : [interprétation] PJP, c'est PJP, alors qu'une unité chargée des
15 opérations spéciales, c'est une SAJ --
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est SAJ ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] JSO.
18 M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur de traduction,
19 Monsieur le Président. Votre question a été traduite de la manière suivante
20 : "Dites-vous que le PJP était en réalité les hommes de Frenki plutôt
21 qu'une unité d'opérations spéciales ?"
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que je parlais d'une SAJ.
23 Ce n'est pas cela ?
24 M. IVETIC : [interprétation] Il en a parlé hier, Monsieur le Président. Je
25 ne sais pas.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas de cela dont
27 il s'agit lorsque l'on parle d'une unité chargée d'opérations spéciales ?
28 M. IVETIC : [interprétation] Non, une SAJ, c'est une unité spéciale
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1 antiterroriste.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, c'est moi qui me suis
3 trompé.
4 Tout ce que je voulais savoir, Témoin K90, c'est ce que vous voulez dire
5 lorsque vous faites référence à ces deux hommes de Frenki dans un véhicule.
6 A quelle unité appartenaient-ils ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] A en juger par l'uniforme qu'ils portaient,
8 ils auraient dû être JSO; mais d'où venaient-ils, je n'en sais rien. Nous
9 les avons aperçus sur la route au carrefour. Nous avons échangé des
10 cigarettes, de l'eau, et ensuite ils sont partis en direction du village de
11 Korenica. Voilà le seul contact que j'ai eu avec ces hommes.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi les avez-vous appelés "deux
13 hommes de Frenki" ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que j'ai vu leurs chapeaux et leurs
15 uniformes.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
17 Poursuivons.
18 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
19 Q. Paragraphe 52, première phrase, nous avons modifié le nombre de civils
20 albanais et nous avons ajouté "environ 500".
21 R. Oui.
22 Q. Paragraphe 55, à la deuxième phrase, nous avons ajouté : "Ils n'ont
23 forcé que le dernier groupe à chanter, pas tous."
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Et --
26 R. Au 52, vous avez également changé la partie où il est question de cette
27 partie de mon unité qui a été déployée. La première fois, vous avez parlé
28 des "hommes", mais maintenant ce qui figure dans le document est plus
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1 exact.
2 Q. Oui, c'est exact. Effectivement, nous avons remplacé "hommes" par
3 "UCK". Excusez-moi, j'avais omis cette modification apportée au paragraphe
4 52. La phrase débutait ainsi : "Il y avait un petit ruisseau et ils
5 devaient s'assurer que les UCK ne s'enfuient pas."
6 R. C'est exact, oui.
7 Q. Au paragraphe 60, nous avons modifié l'anglais où l'on disait
8 "massacrer les Siptar", et on a remplacé cela par "dépecer les Siptar", ce
9 qui vient d'être traduit, si j'ai bien compris, par "détruire les Siptar".
10 Nous avons ajouté une phrase : "J'ai compris que ceci voulait dire qu'ils
11 les tuaient." C'est bien exact ?
12 R. Oui, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, mais ici vous
13 avez dit "dépecer". Je n'ai pas dit dépecer vraiment, enlever leur peau. Je
14 vais vous donner un exemple. Par exemple, vous pourriez dire ou prendre un
15 exemple de football, une équipe de football et dire que Manchester a
16 débarrassé la peau. C'est ce que je voulais dire.
17 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas très bien quoi faire de cela,
18 Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est de la déclaration,
20 nous allons modifier en anglais "skinning Siptars" "dépecer ou faire la
21 peau", par "massacrer", puis nous bifferons la partie suivante de manière à
22 ce que nous exprimions bien ce que le témoin vient de dire par rapport à ce
23 qu'a dit le policier plutôt que les termes exacts.
24 M. HANNIS : [interprétation] Très bien.
25 Q. Ensuite, Témoin, au paragraphe 61, nous avons ajouté à la fin : "Seul
26 le dernier groupe comptait huit à 10 hommes."
27 R. Oui, c'est exact.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez bien lu la
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1 phrase précédente. Si vous regardez la phrase précédente, on lit : "J'ai vu
2 de mes yeux au moins quatre groupes d'hommes qui étaient amenés vers la
3 propriété, et ils étaient composés de cinq à plus de 10 hommes." Est-ce
4 précis ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai écrit dans ma déclaration et j'ai dit à
6 la Défense et je vous l'ai dit à vous en réponse à des questions du
7 Procureur qu'il y avait deux, trois ou quatre hommes, qu'il n'y en avait
8 pas 10 ou huit à chaque fois. Ils étaient là, mais en nombre limité. Ce
9 n'est que le dernier groupe qui était constitué de huit à 10 hommes, et
10 c'est ce que j'ai dit au Procureur au cours de la séance de récolement.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors nous allons supprimer la mention
12 "et ils comptaient entre cinq et parfois plus de 10 hommes". Nous n'allons
13 pas ajouter cela puisqu'il a expliqué tout cela dans sa déposition orale.
14 M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord.
15 Monsieur le Président, dois-je laisser de côté la dernière modification que
16 nous avions apportée à la référence faite au dernier groupe ?
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, conservez-la.
18 M. HANNIS : [interprétation] Très bien. Merci.
19 Q. Témoin, je n'ai pas apporté d'autres modifications. Y a-t-il quoi que
20 ce soit que vous souhaitiez changer ?
21 R. Est-ce que l'on va expurger ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord
22 dans la dernière déclaration, les noms, et cetera ?
23 Q. Oui, bien sûr. La version que nous nous proposons de déposer
24 publiquement sera expurgée comme la première.
25 R. Dans ce cas-là, cela me convient.
26 Q. Etes-vous satisfait et êtes-vous prêt à confirmer et à jurer devant la
27 Cour que la déclaration telle que modifiée est bien la vôtre et qu'elle
28 reprend bien les éléments que vous seriez prêts à évoquer si cela vous
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1 était demandé dans la présente affaire ?
2 R. Oui, oui.
3 Q. Merci.
4 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, une fois que nous
5 aurons apporté toutes les modifications nécessaires, nous demanderons le
6 versement de ce document.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant.
8 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.
11 M. ACKERMAN : [interprétation] Il s'agit plus d'une observation sans doute
12 que d'une objection, mais il me semble que ce processus de révision de la
13 déclaration ressemble un peu à une longue visite chez le dentiste. Il me
14 semble que nous en sommes rendus à un stade où cette déclaration dans sa
15 nouvelle forme n'est plus qu'un résumé médiocre de la déposition que le
16 témoin a faite dans cette affaire et qu'il ne s'agit plus du tout d'un
17 élément de preuve indépendant.
18 Il me semble donc que nous avons essayé de dépasser le cadre de
19 l'article 92 ter, la disposition en l'espèce, et peut-être que la
20 déclaration a perdu tout son sens. Mais ce n'est pas une objection
21 particulière que je fais ici. Je dis simplement que le cadre établi par
22 l'article 92 ter, nous l'avons dépassé de manière tout à fait exagérée.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il d'autres observations quant à
24 la Défense ?
25 Je crois que c'est une leçon à tirer de cet exercice, Maître
26 Ackerman. J'ai prononcé quelques mots à ce sujet hier moi-même. Lorsqu'une
27 partie de la déposition d'un témoin doit être versée par écrit, il y a
28 obligation de prudence et de minutie dans la préparation de ce document.
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1 Avant le début du procès, dans un autre contexte, j'ai passé beaucoup de
2 temps à inviter prestement l'Accusation à préparer ces déclarations à un
3 stade tout à fait préalable au cours de la phase préliminaire. J'ai répété
4 cela au cours du procès et au cours de la phase préliminaire.
5 Malheureusement, pour des raisons qui me semblent relever directement de
6 l'Accusation, cela ne s'est pas fait.
7 Je dois dire que cet exercice s'est révélé très peu satisfaisant
8 s'agissant de ce témoin-ci; toutefois, nous comprenons également la
9 situation dans laquelle s'est trouvée M. Hannis et nous allons réfléchir au
10 traitement que nous devrons réserver à cette déclaration. Toutefois, les
11 choses sont tout à fait claires : à l'avenir, il est peu probable que nous
12 fassions preuve de la même patience. Il se peut que l'Accusation se
13 retrouve confrontée à la même situation. Si tel est le cas, il se peut que
14 l'Accusation soit amenée à abandonner la déclaration et à faire en sorte
15 que le témoin dépose sur l'intégralité des éléments compris dans sa
16 déclaration pour éviter ce qui vient de se passer ici.
17 Prenez-en bonne note, Monsieur Hannis, pour l'avenir. Je le répète, nous
18 comprenons la situation dans laquelle vous vous êtes trouvé dans ce cas-ci
19 et nous en tiendrons compte au moment de décider si oui ou non nous allons
20 accepter la déclaration au dossier.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, nous allons accepter
23 la pièce P2646, mais pour l'instant elle a été enregistrée aux fins
24 d'identification en attendant que sa version définitive soit présentée.
25 Nous vous demandons de bien vouloir remettre cette dernière version avant
26 la fin de notre journée de travail, et nous donnerons à la Défense la
27 journée de demain afin que celle-ci fasse toute observation qui lui semble
28 appropriée. Cette observation ne devra porter que sur des modifications que
Page 9489
1 vous aurez apportées. Je crois que nous avons déjà entendu toutes les
2 observations sur le reste de la déclaration, mais s'il y a quelque chose de
3 nouveau sur lequel la Défense souhaite s'exprimer, elle aura 24 heures pour
4 le faire. En l'absence de toute observation, nous recevrons la pièce, mais
5 à ce stade elle n'est enregistrée qu'aux fins d'identification.
6 Nous aimerions également indiquer qu'à ce stade, il nous paraît que nous
7 allons rencontrer de grandes difficultés vis-à-vis de la déposition et de
8 la déclaration de ce témoin du fait de l'existence à la fois d'éléments de
9 preuve oraux et de cette déclaration écrite, du fait de la confusion qui
10 s'est installée tout au long de l'exercice. C'est sans doute également
11 peut-être une question de personnalité du témoin. Ce n'est pas une critique
12 que je lui adresse, mais il faudra aussi que nous évaluions ce facteur en
13 temps opportun.
14 Ceci toutefois met l'accent sur l'importance d'une décision
15 concernant les cas dans lesquels nous allons utiliser des déclarations
16 écrites et dans lesquels les témoignages seront entendus directement, de
17 vive voix. Toutefois, pour tenir compte de la situation en l'occurrence, ce
18 que nous devons dire, et nous nous limiterons à cela, c'est que nous allons
19 rencontrer de nombreuses difficultés dans le traitement que nous allons
20 accorder à cette déclaration. N'oubliez pas cela. Nous demandons
21 l'assistance des deux parties afin que celles-ci parviennent à la bonne
22 conclusion au moment de décider quelles déclarations du témoin orales et
23 écrites nous devrions accepter et lesquelles nous devrions rejeter.
24 Bien. Monsieur Hannis, nous allons nous tourner vers le conseil de la
25 Défense si l'admission, l'acceptation de cette déclaration dans sa forme
26 révisée amène à certains besoins en matière de contre-interrogatoire.
27 Personne ne souhaite procéder à un contre-interrogatoire; par conséquent,
28 Monsieur Hannis, si vous avez des questions supplémentaires, poursuivez.
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1 Sommes-nous en audience publique ?
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parfait, continuez, Monsieur Hannis.
4 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Avant de poursuivre, je voudrais vous
5 remercier du fait des circonstances tout à fait particulières de cette
6 situation. J'apprécie que vous en ayez tenu compte.
7 Je dois dire que ceci nous aurait compliqué la tâche si vous aviez
8 décidé d'exclure la déclaration, parce qu'il y a certaines portions de
9 celle-ci qui n'ont pas fait l'objet d'une déposition de vive voix.
10 Q. Témoin, Me Ackerman, le premier avocat de la Défense à vous avoir posé
11 des questions de l'autre côté de la salle hier, vous interrogé sur votre
12 déclaration et la session de récolement avec l'Accusation, avec moi-même et
13 Mme Neema. Votre déclaration vous a été remise dans votre chambre d'hôtel
14 jeudi dernier. Elle a été glissée sous votre porte, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Jeudi dernier, vous avez refusé de vous rendre au bureau pour une
17 session de récolement parce que vous n'aviez pas mangé ou vous n'aviez pas
18 dormi pendant deux jours. C'est ce qu'on m'a dit, en tout cas; c'est
19 exact ?
20 R. Je n'ai pas refusé, j'étais malade. J'ai donné cette déclaration en
21 2002, comme on le voit ici, et je n'ai plus eu de contact avec le bureau du
22 Procureur. Le 12 septembre --
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, la question est simple. Vous
24 n'avez pas souhaité vous rendre au bureau pour passer en revue la
25 déclaration parce que vous ne vous en sentiez pas capable, parce que vous
26 n'aviez pas mangé ni dormi pendant deux jours; c'est exact ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. J'étais malade, je me
28 sentais indisposé, c'est la raison pour laquelle je n'y suis pas allé.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Vous et moi sommes sans doute
2 d'accord pour reconnaître que l'Accusation aurait dû vous faire venir plus
3 tôt afin de régler toutes les choses. Pas besoin de nous le préciser.
4 Concentrez-vous simplement sur les questions qui vous sont posées et
5 répondez-y dans la mesure du possible.
6 Maître Hannis.
7 M. HANNIS : [interprétation]
8 Q. Témoin K90, vous ne vouliez pas être ici, n'est-ce pas ?
9 R. C'est faux, c'est faux. J'ai fait cette déclaration de mon plein gré,
10 et mon premier contact avec vous remonte au 12 septembre. J'étais en
11 voyage, et vous avez envoyé la police afin de me signifier cette injonction
12 à comparaître.
13 Il n'y a eu aucun contact entre nous entre 2002 et la date en
14 question. Ensuite, je vous ai demandé de me donner le temps d'obtenir le
15 passeport nécessaire, de me préparer. Vous vivez dans un pays organisé, et
16 il faut préparer ce dont votre famille aura besoin; dans notre pays, par
17 exemple, du bois pour qu'elle puisse se chauffer, de la nourriture pour
18 l'hiver, il faut obtenir de l'argent, et cetera, et cetera.
19 Si vous m'aviez prévenu à temps, mais vous ne m'avez prévenu que le 16
20 janvier. L'un de mes amis est décédé, je suis allé à l'enterrement. Vous
21 avez dit : "Pas de problème, nous dirons aux représentants de vos autorités
22 de vous arrêter." J'ai répondu : "Pas de problème." Deux heures plus tard,
23 quelqu'un de votre bureau a téléphoné et a dit : "Pouvez-vous venir le
24 23 ?" J'ai répondu : "Pas de problème, lorsque je reviens." Parce que le
25 20, nous avons souhaité le saint de ma famille. Je ne pouvais donc pas me
26 déplacer à ce moment-là parce qu'il y avait des visites rendues à ma
27 famille.
28 Je ne sais pas si vous avez déjà participé à ce genre de chose, mais
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1 cela aurait été après le 25; puis vous avez dit le 23; puis le 26, c'était
2 décembre; après, novembre, le 25, donc finalement le 23. Chaque fois que
3 vous appeliez, vous changiez la date à laquelle j'étais censé témoigner, et
4 tout ceci sous la pression et sous des mesures coercitives.
5 Jusqu'à ce que je vous rencontre, aucune des conversations qui a eu
6 lieu n'a été honnête et correcte. J'ai dit à la dame qui est assise à votre
7 droite que le premier contact acceptable que j'ai eu avec le bureau du
8 Procureur, c'était avec vous, depuis les premiers contacts que j'ai eus
9 avec les Procureurs et les enquêteurs.
10 Q. Mais vous dites tous ces contacts avec "vous" et le bureau du
11 Procureur à partir du mois de septembre et jusqu'avant votre venue ici;
12 vous ne parlez pas de moi personnellement, vous parlez d'un enquêteur du
13 bureau du Procureur, n'est-ce pas ?
14 R. Non, pas avec vous. La première fois que je vous ai parlé, c'est
15 quand je suis venu ici, pas avant.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la référence du témoin ne vous a
17 donc pas suffi, Monsieur Hannis ?
18 M. HANNIS : [interprétation] Cela dépend de la source, Monsieur le
19 Président.
20 Q. La première fois que vous m'avez rencontré, moi-même ainsi que Mme
21 Neema, c'était vendredi de la semaine dernière, au cours de la séance de
22 récolement ?
23 R. C'est exact.
24 Q. Avez-vous été satisfait du traitement qui vous a été réservé au cours
25 de cet entretien ? On vous a proposé les boissons, de la nourriture ?
26 R. Absolument, absolument.
27 Q. Avez-vous rencontré des problèmes d'interprétation au cours de la
28 séance de récolement ? La jeune femme qui était avec nous vous a-t-elle
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1 semblé professionnelle ?
2 R. Aucun problème, c'était très bien. J'ai dit il y a quelques jours que
3 mon contact avec vous et avec la dame était très bon. C'était le premier
4 bon contact que j'avais avec le bureau du Procureur, le tout premier.
5 Q. Est-il exact de dire que lorsque vous êtes arrivé vendredi et lorsque
6 vous nous avez rencontré pour entamer la séance de récolement, vous étiez
7 un peu agité par rapport à tout ce qui s'était passé depuis le mois de
8 septembre dans vos rapports avec le bureau du Procureur ?
9 R. Oui, oui.
10 Q. Hier, quand M. Ackerman vous a posé quelques questions au sujet de
11 cette séance de récolement, ceci figure à la page 9 372, quand on a parlé
12 de cette question d'expulsion, vous avez dit : "Ecoutez, je ne me souviens
13 pas de tout. Je ne me souviens pas de quoi nous avons parlé exactement."
14 Est-ce que vous avez bien dit cela ?
15 R. Qui a demandé quoi ? Nous ? Nous deux ?
16 Q. Est-ce qu'il est exact que vous ne vous souvenez pas de tout ce dont
17 nous avons parlé vendredi ?
18 R. Je me souviens de ce dont nous avons parlé. Nous avons parlé pas plus
19 d'une heure de la déclaration en soi, mais ensuite vous êtes sorti à
20 plusieurs reprises puisque vous aviez autre chose à faire. Ensuite, vous
21 êtes revenu, nous en avons parlé, puis en ce qui concerne la question des
22 expulsions, je vous ai bien dit qu'il ne s'agissait pas d'expulsion, mais
23 de réinstallation.
24 J'ai apporté la déclaration préalable que j'ai apportée de l'hôtel.
25 Il y a des changements que j'ai apportés au niveau de cette déclaration
26 préalable et ils y figurent à présent. Je me suis dis qu'à partir du moment
27 où vous alliez entendre ces corrections, que ces corrections allaient être
28 apportées véritablement à la déclaration préalable.
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1 Q. Est-ce que qui que ce soit, moi, Mme Neema, est-ce que qui que ce soit
2 n'a jamais refusé d'apporter les changements que vous vouliez ?
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac.
4 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui figure au compte
5 rendu d'audience est l'inverse de ce que le témoin a dit. Le témoin a dit :
6 "On s'était mis d'accord qu'il s'agissait de réinstallation, et pas
7 d'expulsion." C'est exactement le contraire qui figure au compte rendu
8 d'audience. Il s'agit de la ligne 17.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. C'est très utile.
10 M. HANNIS : [interprétation] Bien.
11 Q. Je voudrais passer à quelques questions que M. Ackerman vous a posées
12 au niveau de la page 9 375, ligne 8. C'était une discussion assez longue au
13 sujet des pillages, et cetera, cette portion-là de votre déposition où vous
14 avez dit que ce sont des individus qui se sont livrés à des pillages. Mais
15 ce pillage était finalement un problème à grande échelle pendant tout le
16 conflit et c'était chose commune, finalement ?
17 R. Vous pensez vraiment qu'il n'y avait que les nôtres qui pillaient ? Si
18 vous aviez si peu d'officiers sur terrain, vous non plus vous ne pourriez
19 pas faire mieux que nous. Ils ne pouvaient pas physiquement contrôler ces
20 gens. Vous savez, on n'est pas tous venu là-bas avec les mêmes intentions.
21 Vous avez des voleurs partout, dans chaque pays vous avez des
22 voleurs. Si vous attrapez un voleur, c'est très bien, vous l'arrêtez, mais
23 si vous ne l'attrapez pas, il continue à piller, il continue à voler. Un
24 voleur, c'est un voleur. Chez vous, chez nous, c'est la même chose.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande si vous êtes vraiment
26 juste avec les militaires en général, Monsieur le Témoin. J'accepterais
27 évidemment très volontiers ce que vous avez dit au sujet de la nature
28 humaine, mais est-ce que vous dites que c'est normal, que c'est habituel
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1 que dans l'armée, dans les forces régulières de l'armée, que l'on pille et
2 que l'on vole ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne dis pas que tous
4 les hommes volent, mais vous ne pouvez pas dire non plus que l'armée de
5 Yougoslavie soit faite de voleurs. J'étais dans l'armée et je n'ai pas
6 volé. Ce n'est pas logique. Vous avez des individus qui volent partout. Un
7 voleur, c'est un voleur. C'est simple. Celui qui vole, c'est un voleur.
8 Vous ne pouvez pas caractériser toute une armée en disant qu'ils
9 pillaient tous, qu'ils étaient tous des voleurs. Je n'ai pas volé. Je ne
10 serais pas comme cela aujourd'hui, sans rien, sans rien. J'ai trois
11 enfants. J'avais la possibilité de voler. J'ai été en Bosnie, j'ai été en
12 Croatie, j'ai été au Kosovo. Je pouvais voler et je ne l'ai pas fait. Je
13 n'ai rien.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y, Maître Hannis.
16 M. HANNIS : [interprétation] Bien.
17 Q. Ce que j'essaie de faire valoir, Monsieur le Témoin, c'est qu'à
18 l'époque, l'armée yougoslave, en ce qui concerne les comportements
19 criminels des soldats, je veux dire que les problèmes les plus graves, les
20 plus fréquents communs dans l'armée à l'époque, c'étaient justement les
21 problèmes de pillage. Est-ce que vous conviendrez que c'est exact ?
22 R. Oui. Vous savez, ces gens qui sont venus comme des réservistes,
23 c'étaient sans doute des voleurs même avant de venir en tant que civils. Je
24 doute qu'ils faisaient mieux en tant que civils. S'il est venu voler,
25 piller, il a continué à le faire, mais l'armée ne peut pas le savoir. Il a
26 été convoqué par la Défense territoriale, on l'a envoyé sur le terrain.
27 Comment voulez-vous que le commandant de l'unité sache quelle est la
28 nature de cet homme, quel est son caractère ? On s'en rend compte que trop
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1 tard. Si c'était un voleur en civil, il continue à voler dans l'armée. Un
2 voleur, c'est un voleur. Vous ne changerez pas de caractère. Quelqu'un qui
3 s'est habitué à voler, il va continuer à voler. Il va voler à chaque fois
4 que l'occasion se présente.
5 Il y en avait d'autres. Il y en avait qui sont allés fouiller dans
6 les appartements, mais pour d'autres raisons, avec d'autres objectifs. Ils
7 cherchaient par exemple certaines marchandises. Par exemple, je me souviens
8 d'un toxicomane qui est allé chercher de la drogue dans un appartement.
9 C'est pour cela qu'il est allé fouiller dans les appartements. Je l'ai
10 trouvé et je lui ai sauvé la vie. J'avais du mal; vous savez, c'était très
11 dur. Mais des choses comme cela se produisent partout.
12 Q. Merci.
13 M. HANNIS : [interprétation] Par rapport à cette pièce 962, la pièce
14 du Procureur, je pense qu'au cours du contre-interrogatoire on a fait
15 référence à cette pièce. C'est la liste du général Delic quant aux auteurs
16 des crimes au sein de la 549e Brigade motorisée et valable pour la période
17 allant du mois de mai 1998 au mois de juillet 1999. Vous allez voir cela,
18 on y retrouve 132 actes séparés dont 73 vols.
19 Q. A la page 9 391, Me Ackerman vous a posé une question au sujet du
20 journal de guerre, ceci en date du 27 avril, concernant les deux soldats
21 qui ont été blessés. M. Visnjic vous a aussi posé des questions à la page 9
22 432 à ce sujet. Monsieur le Témoin, vous avez dit que ces soldats ont été
23 blessés un jour et ensuite vous avez aussi parlé d'un autre soldat qui a
24 été blessé et que vous connaissiez personnellement.
25 En dépit de ce que dit le journal de guerre, d'après vous, vous pensez que
26 ces deux soldats, vous considérez que ces deux soldats n'ont pas été
27 blessés le même jour ?
28 (expurgé)
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1 (expurgé)Je sais exactement quand est-ce qu'il a été blessé. En ce
2 qui concerne les deux autres, c'est moi qui les ai mis dans cette
3 ambulance. Je pense que c'est le même jour. Je ne sais pas ce qui est écrit
4 là-bas, mais d'après moi c'était le même jour que cela s'est produit.
5 Vous m'avez dit que c'était le 27 ou le 28, mais cela ne change rien.
6 Q. Est-ce que vous êtes sûr que c'est vous qui étiez ce jour-là au poste
7 de commandement, le jour du bouclage ?
8 R. Oui, je suis sûr que j'étais là au niveau du bouclage et que j'y ai
9 passé juste une journée. J'en suis sûr, et d'ailleurs même pas toute la
10 journée.
11 Q. Dans le journal de guerre, si on dit que différentes parties du
12 bataillon ont participé à ce bouclage et que ceci a duré trois ou quatre
13 jours, personnellement vous avez indiqué ne pas avoir été là-bas pendant
14 toute cette période. Mais est-ce que vous savez si votre bataillon a été
15 présent là-bas, a participé à cela pendant trois ou quatre jours ?
16 R. Je n'en sais rien. J'étais sur la route au moment où l'incident s'est
17 produit et j'en ai parlé, pas avant, pas après. Je suis allé le lendemain,
18 et le lendemain le bouclage était terminé et l'armée n'était plus là.
19 Personne n'y était.
20 Q. M. Visnjic vous a demandé si vous étiez le commandant de ce peloton.
21 Est-ce que vous aviez un grade ? Vous étiez juste un simple soldat ou vous
22 aviez un grade ?
23 R. J'étais un sergent. J'avais un grade de sergent. D'ailleurs, j'ai mon
24 livret militaire. Si vous le voulez, je peux vous le montrer, je peux
25 l'apporter. Ceci figure dans mon livret militaire.
26 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais vous montrer la pièce P1322 [comme
27 interprété]. C'est une pièce qui ne figure pas sur ma liste de pièces, et
28 il s'agit des différents uniformes qui ont été utilisés et différents
Page 9499
1 couvre-chefs.
2 Je me suis demandé si le chapeau dont a parlé le témoin n'est pas
3 dépeint sur cette pièce.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
5 M. HANNIS : [interprétation]
6 Q. Monsieur, vous allez voir plusieurs photos décrivant différents
7 uniformes utilisés. Je vais vous demander d'examiner cela et de me dire si
8 vous y trouvez une ressemblance avec ces chapeaux, les chapeaux dont vous
9 parliez.
10 M. IVETIC : [aucune interprétation]
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Le chapeau est ici. Il est là, je le vois.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez un instant.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Agrandissez-le, je pense que c'est bien cela.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Arrêtez-vous un instant, Monsieur le
15 Témoin.
16 Maître Ivetic, vous avez soulevé une objection ?
17 M. IVETIC : [interprétation] On a demandé au témoin d'examiner la photo et
18 s'il y a quoi que ce soit qui ressemble au chapeau qui se trouve sur la
19 photo. Je pense que la question n'est pas très bien posée. Il demande au
20 témoin de se livrer des conjectures.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, la question n'était pas très bien
22 posée effectivement, Maître Hannis. Je pense que vous auriez tout
23 simplement dû demander au témoin d'examiner toutes les photos qui sont là
24 et de lui demander s'il est en mesure d'identifier le chapeau où que ce
25 soit sur ces photos. De toute façon, il n'y a qu'un seul chapeau qui
26 correspond à la description d'un chapeau, si vous le voulez, sur ce
27 document. J'ai l'impression que vous avez considérablement affaibli
28 l'argument que vous vouliez faire valoir.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je comprends l'objection. Je comprends,
2 mais vous savez, je ne demande pas à quelqu'un d'identifier un voleur,
3 quelqu'un qui a braqué une banque. Nous avons entendu d'autres éléments à
4 ce sujet.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous prenons note de
6 l'objection et nous vous permettons de poser la question.
7 M. HANNIS : [interprétation]
8 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, à regarder cette photo ?
9 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
10 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
11 M. HANNIS : [aucune interprétation]
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce chapeau ressemble beaucoup à ce petit
13 chapeau.
14 Effectivement, la personne avait aussi le même masque et pratiquement
15 le même chapeau, peut-être pas exactement le même, mais très semblable ou
16 peut-être même le même. Je pense que c'est bien cela. On ne voit pas très
17 bien, la photo n'est pas très claire, je pense que c'est bien cela.
18 En ce qui concerne le masque, c'est bien cela, c'est le même.
19 Q. Je vous remercie.
20 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres
21 questions à poser à ce témoin.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin K90, avec ceci se
23 termine votre déposition -- excusez-moi, Maître Visnjic.
24 M. VISNJIC : [interprétation] J'ai une objection quant à plusieurs pièces
25 que le Procureur a souhaité verser. Je ne sais pas s'il convient mieux de
26 le faire en présence du témoin ou une fois le témoin sorti du prétoire.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelles sont ces pièces ?
28 M. VISNJIC : [interprétation] Pièces 1596, 1599 et 1600. Il s'agit des
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1 photos des différentes personnes arborant des uniformes différents. Vu que
2 ce témoin a déposé au sujet de certaines de ces photos, j'ai décidé de
3 demander au Procureur de nous faire connaître ses sources et si l'on
4 obtient ses sources.
5 Si on connaît les sources, peut-être que mon objection perdra de sa
6 pertinence. Là, je fais référence surtout à la partie de la déposition du
7 témoin où le témoin a dit que certaines de ces photos ont été prises en
8 Bosnie.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
10 M. HANNIS : [interprétation] Ces photos ont déjà été versées au dossier. Je
11 pense qu'elles ont été versées le 13 septembre par le biais du Témoin K73.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les photos en soi ne prouvent rien, Me
13 Visnjic. Elles sont là pour dépeindre le contexte par rapport aux
14 commentaires formulés par le témoin. Vous avez tout à fait raison de dire
15 que si le Procureur voulait vraiment prouver que ces personnes ont
16 participé au conflit au Kosovo, il devrait le prouver.
17 Je ne pense pas que c'est ce qu'il voulait faire. Il ne voulait pas faire
18 valoir cela par le biais de ce témoin.
19 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous ne devez pas avoir
21 des soucis par rapport à cela, Maître Visnjic.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin K90, avec ceci se
24 termine votre déposition. Nous savons que vous avez eu du mal pour venir
25 déposer ici. Vous avez éprouvé des difficultés pour venir ici. C'est
26 d'autant plus que nous vous remercions d'être venu pour déposer et pour
27 nous aider à l'espèce. A présent, vous pouvez partir, et pour cela nous
28 allons à nouveau passer en audience à huis clos.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos.
2 [Audience à huis clos]
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le prochain témoin, Monsieur Hannis.
12 M. HANNIS : [interprétation] Le prochain témoin, c'est l'ambassadeur
13 Vollebaek, et c'est M. Marcussen qui va lui poser ses questions. Je vois
14 que nous sommes à peu près à cinq minutes avant la pause. J'ai voulu vous
15 poser quelques questions au sujet de ce témoin qui va venir, le prochain
16 témoin qui est un témoin protégé. Si nous allons le faire déposer
17 aujourd'hui, je pense qu'il convient de poser la question des mesures de
18 protection.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous devrions faire cela
20 immédiatement après avoir entendu le témoin ou au moins un petit peu tard
21 aujourd'hui. Je pense qu'à présent, nous pourrions tout d'abord prendre une
22 pause. Je ne suis pas d'accord sur ce point. Peut-être que nous pourrions
23 revoir le programme. A quel moment souhaitez-vous commencer avec le témoin,
24 Monsieur Marcussen ?
25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Vous savez, j'ai besoin d'une demi-heure
26 avec le témoin, pas plus que cela.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le contre-interrogatoire, Maître
28 O'Sullivan ?
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1 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous ne nous sommes pas encore consultés.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons prendre une pause
3 maintenant et nous allons reprendre à 11 heures et quart. Ensuite, en ce
4 qui concerne la journée de demain, les sessions de travail vont être un
5 petit peu différentes à cause des différents arrangements administratifs au
6 sein de la Chambre. Nous n'allons travailler qu'une heure pour la première
7 session, ensuite nous allons prendre une pause entre 10 heures et 10 heures
8 30. Ensuite, nous allons travailler de 10 heures 30 à 12 heures et prendre
9 la pause à 12 heures 20, pour ensuite continuer de 12 heures 20 à 1 heures
10 45 ou 1 heures 50. Si vous voulez, on va travailler la même quantité de
11 temps, mais avec des horaires un peu modifiés.
12 A présent, nous allons prendre une pause.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.
14 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vollebaek.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration
19 solennelle par laquelle vous vous engagez à dire la vérité, toute la vérité
20 et rien que la vérité.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN: KNUT VOLLEBAEK [Assermenté]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons déjà pris connaissance
28 d'une déclaration que vous avez faite il y a quelque temps aux
Page 9505
1 représentants du bureau du Procureur et nous avons également lu le compte
2 rendu de la déposition que vous avez faite dans le cadre du procès intenté
3 contre Slobodan Milosevic. Etant donné que nous disposons déjà de toutes
4 ces informations, il est vraisemblable que l'interrogatoire principal de
5 l'Accusation ne sera pas long.
6 Peut-être que le contre-interrogatoire durera plus longtemps, mais je
7 ne peux pas vous dire à ce stade combien de temps il durera. Nous allons
8 donc commencer.
9 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La première personne à vous interroger
11 est le représentant de l'Accusation, M. Marcussen.
12 Monsieur Marcussen, allez-y.
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Interrogatoire principal par M. Marcussen :
15 Q. [interprétation] Merci d'avoir pris le temps de venir ici pour
16 témoigner, Monsieur Vollebaek. Je sais que vous avez un emploi du temps
17 chargé. Merci encore une fois d'être venu nous aider ici. Avant de
18 comparaître aujourd'hui, avez-vous eu la possibilité de revoir la
19 déclaration que vous avez faite en janvier 2002 aux représentants du bureau
20 du Procureur ?
21 R. Oui.
22 Q. Lorsque vous avez examiné cette déclaration, avez-vous remarqué une
23 erreur de date qui s'est glissée au paragraphe 71 de votre déclaration
24 préalable ? Je vais vous remettre un exemplaire de cette déclaration.
25 R. Merci.
26 Q. Au paragraphe 71, vers le milieu du paragraphe, il est fait référence
27 au mois de novembre 1999, à la fin du mois de novembre 1999. Il s'agit de
28 l'année 1998, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui. Je suis devenu président en exercice au début de l'année 1999, et
2 cette réunion s'est tenue à Oslo, fin 1998.
3 Q. Merci. Hormis cette correction, est-ce que cette déclaration reflète
4 les propos que vous tiendriez aujourd'hui si l'on vous interrogeait sur les
5 mêmes points ?
6 R. Oui. Mon anglais aurait pu être plus élégant, mais le contenu est
7 exact.
8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette
9 déclaration.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la cote ?
11 M. MARCUSSEN : [interprétation] P2634.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Trente-quatre, c'est ce que vous avez
13 dit ?
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, 34.
15 Q. Monsieur Vollebaek, avez-vous eu la possibilité de revoir le compte
16 rendu de la déposition que vous avez faite dans l'affaire Milosevic le 8
17 juillet 2002 ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-il exact de dire que vous avez repéré une erreur dans ce compte
20 rendu, page 7 657, ligne 13, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est exact.
22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, le compte rendu
23 auquel je fais référence figure dans le système électronique. Il s'agit du
24 document P2632. La référence que j'ai donnée précédemment dans le compte
25 rendu d'audience de l'affaire Milosevic correspond à la page 23 de la pièce
26 P2632.
27 Q. A la ligne 13 du compte rendu, vous parlez de votre réunion avec
28 Milosevic et de la question de savoir si une force internationale pouvait
Page 9507
1 être mise en place au Kosovo. Il est question à savoir si cette décision a
2 été imposée ou non à Milosevic.
3 Vous dites à ce sujet : "J'ai essayé de lui expliquer que ce n'était
4 pas une invitation." En fait, c'est le contraire. L'idée était que
5 Milosevic invite l'OSCE ou la communauté internationale à mettre en place
6 une force au Kosovo; c'est bien cela ?
7 R. Oui, c'est exact. Si je me souviens bien, c'est ce qui ressort de ce
8 paragraphe un peu plus loin. Il y a eu un malentendu dans la déclaration.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je pense que les choses étaient
10 claires, Monsieur Marcussen.
11 M. MARCUSSEN : [interprétation]
12 Q. Pour ce qui est du reste du compte rendu de cette déposition, est-ce
13 qu'il reflète les propos que vous tiendriez si l'on vous interrogeait au
14 sujet sur le même point ?
15 R. Oui.
16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je demande également le versement au
17 dossier de ce document, la pièce P2632.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
19 M. MARCUSSEN : [interprétation]
20 Q. Monsieur Vollebaek, est-ce que vous pourriez examiner le paragraphe 19
21 de la déclaration que je vous ai remise ?
22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous parlons donc du document qui porte
23 maintenant la cote P2634. Je précise cela pour les besoins du compte rendu
24 d'audience.
25 Q. Vous indiquez dans ce paragraphe que M. Sainovic était la personne
26 chargée du Kosovo au sein du gouvernement fédéral. Pourquoi affirmez-vous
27 cela ? Comment le savez-vous ?
28 R. Je dois reconnaître que tout cela s'est passé il y a huit ans, mais en
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1 relisant ce paragraphe, ces souvenirs me reviennent. Je crois que c'est ce
2 que l'on nous a dit lorsque l'on nous a expliqué les différentes fonctions
3 occupées par les membres du gouvernement. Mais j'ai eu clairement
4 l'impression que c'est lui qui était chargé du Kosovo au sein du
5 gouvernement.
6 Q. Merci. Dans ce même paragraphe, vous dites qu'il y avait un gouverneur
7 pour le Kosovo à Pristina. Est-ce que vous vous souvenez de son nom
8 aujourd'hui ?
9 R. Zoran Andjelkovic.
10 Q. Cette personne est mentionnée un peu plus loin dans la déclaration,
11 donc je voulais tirer cela au clair. Dans ce même paragraphe toujours, vous
12 dites que vous avez eu l'impression que les décisions se prenaient à
13 Belgrade. Qu'est-ce qui vous a donné à penser cela ?
14 R. D'après mes souvenirs, il y a eu trois rencontres à Pristina avec des
15 représentants des autorités locales. Pour autant que je m'en souvienne, une
16 ou deux fois au moins il y avait un représentant de Belgrade présent à ces
17 réunions, et des décisions ont été prises à l'occasion de ces réunions.
18 On faisait généralement référence à Belgrade ou au président
19 Milosevic en disant que l'on ne pouvait pas respecter telle ou telle
20 décision.
21 Q. A diverses reprises dans votre déclaration, vous décrivez vos réunions
22 avec Milosevic. Vous expliquez que M. Milutinovic était également présent
23 lors de ces réunions, Sainovic aussi. Pourriez-vous décrire le rôle joué
24 par M. Milutinovic lors de ces réunions ? Est-ce que vous pourriez nous
25 relater cela en termes généraux ? Est-ce que vous pourriez parler d'abord
26 de la première réunion, quelles ont été vos impressions, et cetera ?
27 R. Lorsque j'ai rencontré pour la première fois le président Milosevic,
28 c'était après avoir été nommé premier ministre. Je crois que c'était en
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1 avril 1998. Pour ce qui est des réunions suivantes, j'étais président en
2 exercice de l'OSCE, et ces réunions se sont tenues au mois de janvier. Je
3 crois qu'il y a eu une réunion le 11 janvier 1999.
4 Il y avait un certain nombre de personnes présentes à ces réunions.
5 Je ne sais pas si M. Milutinovic était toujours là, mais lorsqu'il était
6 là, il était habituellement assis à côté de M. Milosevic et il le
7 soutenait. Il ne me soutenait pas vraiment, moi.
8 Q. Est-ce qu'il s'est adressé à vous lors de ces réunions ?
9 R. D'après mes souvenirs, il faisait parfois des observations, parfois
10 non. Peut-être que j'étais trop sensible, mais il disait clairement ce
11 qu'il pensait. L'impression qu'il avait de moi se lisait clairement sur son
12 visage. Je voyais bien ce qu'il pensait de moi et de ma présence.
13 Q. Au paragraphe 30, page 6 de votre déclaration, vous décrivez le
14 déplacement que vous avez fait au Kosovo en mars 1999. D'autres paragraphes
15 mentionnent ceci également, mais nous allons parler de cette visite en
16 particulier. Qu'avez-vous vu à cette occasion sur le terrain, au Kosovo ?
17 R. Nous avons observé de nombreuses destructions. Je ne me souviens pas de
18 tous les endroits où je me suis rendu, mais je suis allé au village de
19 Podujevo. Ce village avait été considérablement endommagé, d'après mes
20 souvenirs. Beaucoup de toits avaient été endommagés ou détruits, donc il y
21 avait beaucoup de maisons sans toits.
22 Nous avons également rencontré des gens qui étaient sur les routes à
23 bord de tracteurs, ces tracteurs dans lesquels ils transportaient tous
24 leurs effets, et des familles entières se trouvaient là. Il y avait
25 beaucoup de soldats dans les environs, beaucoup plus que ce qui avait été
26 convenu dans l'accord conclu avec Milosevic. Nous avons également vu des
27 incendies à différents endroits.
28 Q. S'agissant de la fumée que vous avez pu observer à différents
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1 endroits, Milosevic vous a dit, et vous l'expliquez dans votre déclaration,
2 qu'il s'agissait de bottes de foin qui brûlaient. Est-ce que vous vous êtes
3 rapproché de ces endroits ? Est-ce que vous avez pu voir qu'il s'agissait
4 en réalité de maisons ?
5 R. Je vous répète que tout cela s'est passé il y a huit ans, mais pour moi
6 il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de maisons qui brûlaient. Nous
7 ne nous sommes pas rapprochés très près des maisons, mais nous avons vu des
8 ensembles de maisons en feu, de la fumée qui s'élevait de ces maisons.
9 Lorsque M. Milosevic m'a dit cela au téléphone, lorsqu'il m'a dit
10 qu'en réalité j'avais vu des bottes de foin en feu, j'ai presque ri. Bon,
11 il n'y avait pas matière à rire, mais j'ai grandi à la campagne et je sais
12 faire la différence entre une botte de foin qui brûle et une maison qui
13 brûle.
14 Q. Certaines de ces maisons détruites, est-ce qu'elles portaient des
15 traces d'incendie ?
16 R. D'après mes souvenirs, les maisons de Podujevo avaient été incendiées à
17 d'autres endroits également. C'était clair.
18 M. ACKERMAN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que l'on
19 pourrait préciser la date de ces visites afin de savoir si tout cela est
20 pertinent par rapport à la période couverte par l'acte d'accusation ?
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'allais vous demander de le faire,
22 mais j'attendais simplement que le témoin finisse cette partie de sa
23 déposition.
24 Monsieur Vollebaek, est-ce que vous pourriez nous préciser, pour ce qui est
25 de ces dommages que vous avez constatés à Podujevo, quand vous vous êtes
26 rendu sur les lieux ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est passé il y a quelques années déjà,
28 je vous le répète. J'ai eu trois rencontres, d'après mes souvenirs, avec M.
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1 Milosevic, et je suis allé au Kosovo trois fois avant le début de la guerre
2 en 1999. La première rencontre que j'ai eue, si mes souvenirs sont exacts,
3 a eu lieu le 11 janvier. La deuxième visite a eu lieu le 21 janvier. Il y a
4 eu une autre réunion le 1er mars.
5 D'après mes souvenirs, cette visite à Podujevo était en rapport avec
6 la visite du 1er mars, donc je pense que c'était juste après le 1er mars, car
7 d'habitude il y avait d'abord une réunion à Belgrade, dans la capitale, et
8 ensuite nous allions au Kosovo.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à cette occasion-là que vous
10 avez vu de la fumée s'élever; c'est bien cela ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, début mars.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au cours de cette visite ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ensuite, vous avez parlé d'une
15 présence militaire supérieure à ce qui avait été convenu dans l'accord.
16 C'était à cette occasion également ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez parlé de vos impressions
19 concernant le rôle joué par Milutinovic lors de ces réunions. Je n'ai as
20 très bien compris votre réponse. A combien de réunions avez-vous assisté
21 auxquelles il était présent lui aussi ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui m'intéressait essentiellement, c'était
23 M. Milosevic, c'était la personne clé. C'est lui avec qui j'étais en
24 contact et c'est avec lui que j'ai eu des conversations, donc je ne
25 m'intéressais pas vraiment aux autres personnes présentes.
26 Je me souviens qu'il était là lors des réunions, mais en toute honnêteté,
27 je ne peux pas vous dire s'il a été présent lors de ces trois réunions ou
28 seulement lors de deux d'entre elles ou une d'entre elles seulement.
Page 9513
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de la période au cours de
2 laquelle vous étiez président de l'OSCE et vous ne parlez pas des réunions
3 que vous avez eues en votre qualité de ministre des Affaires étrangères
4 avant cela ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Je ne me souviens pas s'il était
6 là en avril 1998.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous rencontré Milosevic avant
8 1999 ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je l'ai rencontré lorsque j'étais
10 coprésident adjoint de la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie en
11 1993. On m'a désigné pour mener les négociations entre le gouvernement et
12 Zagreb de juin 1993 jusqu'à la fin de cette année. Je l'ai rencontré à ces
13 occasions et je l'ai rencontré à Belgrade.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
15 Monsieur Marcussen, poursuivez.
16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.
17 Q. Au paragraphe 39 de votre déclaration ainsi que les paragraphes
18 connexes 40 et 46, dans ces trois paragraphes vous parlez de la question de
19 savoir si M. Milosevic et d'autres personnes étaient informés de la
20 situation au Kosovo. Au cours de ces réunions que vous mentionnez ici, est-
21 ce que vous avez exprimé vos préoccupations concernant le traitement des
22 civils albanais au Kosovo ?
23 R. Absolument. J'étais plus que préoccupé par cela. Nous étions préoccupés
24 par la situation, mais nous étions catégoriquement opposés au traitement de
25 ces civils, car il s'agissait d'une violation des droits de l'homme
26 fondamentaux.
27 Q. Au cours de ces réunions, est-ce que vous avez mentionné des exemples
28 particuliers d'incidents survenus au Kosovo dont vous aviez connaissance ?
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1 R. M. Milosevic ne nous a pas fourni d'exemples de cela, mais nous avions
2 les rapports de la MVK. La MVK nous présentait des rapports. Il y a eu
3 d'autres rapports également, mais ce sont également ces rapports de la MVK
4 qui nous ont informés des violations qui avaient lieu et dont nous pensions
5 que les Albanais du Kosovo étaient victimes.
6 Q. Peut-être que ma question n'était pas formulée très clairement, mais
7 ces informations que vous avez obtenues de la MVK, est-ce que vous les avez
8 présentées lors des réunions auxquelles vous avez participé ?
9 R. D'après mes souvenirs, oui. Je ne peux pas vous donner d'exemples, mais
10 je suis sûr que oui.
11 Q. Merci.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette question porte sur le
13 fait de savoir si ces informations ont été transmises à Milosevic lors de
14 ces réunions ?
15 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout à fait. Je pense que le témoin a
16 expliqué qu'à ces occasions, il y avait au moins Sainovic et Milutinovic
17 présents lors de ces réunions.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'ai une objection à soulever par rapport
20 à une remarque faite par mon confrère. Le compte rendu de la déposition
21 faite par le témoin dans l'affaire Milosevic a été versé au dossier. Cela
22 fait partie du témoignage de ce témoin. Si mon confrère souhaite poser des
23 questions au sujet des questions qui ont été évoquées lors de la réunion,
24 il doit formuler sa question sur la base des propos tenus par le témoin.
25 Dans l'affaire Milosevic, vous avez dit ceci ou cela; est-ce exact ?
26 La question doit être ouverte.
27 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit d'une interprétation
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1 exagérément stricte des dispositions de l'article 92 ter. Nous avons élargi
2 la portée de cet article après l'ouverture de ce procès. L'interprétation
3 que vous faites de cet article donne à penser que si l'on se sert d'un
4 compte rendu d'audience, on doit se limiter aux questions abordées dans le
5 compte rendu et aller au-delà.
6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Si l'on pose une question au témoin,
7 question à laquelle il a déjà répondu, je pense que dans un souci d'équité
8 à l'encontre du témoin, il faut lui présenter cela : voilà ce que vous avez
9 dit. Est-ce que vous maintenez ces propos ou est-ce que vous souhaitez vous
10 en écarter ?
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends, il s'agit d'une
12 critique raisonnable de votre part.
13 Tout cela est très vague, Monsieur Marcussen. Nous avons parlé de la
14 présence de M. Sainovic ou de Milutinovic à une réunion particulière, mais
15 cela n'est pas très clair. Il a été fait référence aux atrocités
16 mentionnées dans les rapports de la MVK, mais c'est vague. Si vous voulez
17 vous fonder sur ces éléments pour prouver que deux des accusés avaient
18 connaissance des faits incriminés, vous devez être plus précis.
19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cette question a été abordée précédemment,
20 je ne peux pas obtenir d'éléments plus précis. Vous pourrez décider du
21 poids à accorder à ces éléments plus tard à la lumière d'autres témoignages
22 et des arguments qui seront présentés sur ces points.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, c'est simplement
24 que vous limitiez vos observations à un minimum.
25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Très bien, j'essayais simplement de vous
26 expliquer comment je comprenais la teneur du témoignage. Nous allons faire
27 attention à cela afin de ne pas semer la confusion.
28 Q. Monsieur l'Ambassadeur Vollebaek, une question au sujet du paragraphe
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1 41. Nous revenons à une question évoquée précédemment, à savoir la présence
2 d'une force internationale plus importante au Kosovo. Vous avez discuté de
3 cette question avec M. Milosevic en mars 1999.
4 Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre en quoi
5 consistait la proposition, s'agissant de cette force ?
6 R. Comme vous le savez, l'OSCE avait la responsabilité politique de
7 trouver une solution pacifique au conflit du Kosovo. Nous avons créé la
8 MVK, la mission d'observation pour remplir cette mission. Nous avons
9 compris qu'une mission d'observation dont les membres n'étaient pas armés
10 ne pourrait pas nous aider à remplir cette mission. Il y a ensuite eu les
11 pourparlers de Rambouillet qui visaient à trouver une solution permettant à
12 l'OSCE de poursuivre ses activités.
13 Dans ce cadre ou en raison de la situation il a été proposé de mettre
14 en place une force militaire internationale, je ne me souviens pas
15 exactement de sa composition. Nous ne sommes pas arrivés au stade où nous
16 en avons véritablement parlé. Nous n'avons pas évoqué le nombre de
17 personnel qui la composerait, les effectifs. Il devait s'agir d'une force
18 armée, d'une force militaire dont les membres seraient armés. C'est la
19 seule manière, selon nous, qui nous permettrait de poursuivre nos
20 activités. M. Milosevic était fermement opposé à cela. Il n'acceptait pas
21 la présence d'une force armée sur le territoire serbe. C'est ce qu'il a
22 dit.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit au début de votre
24 réponse : "Comme vous le savez, l'OSCE avait la responsabilité politique de
25 trouver une solution pacifique au conflit du Kosovo."
26 Dans quel document est-ce que cette responsabilité était conférée à
27 l'OSCE ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous posez une question difficile. Il y a eu
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1 différents accords conclus entre le gouvernement de la République fédérale
2 de Yougoslavie et l'OSCE, documents au terme desquels nous avions ce
3 mandat. D'après mes souvenirs, le président Milosevic était d'accord sur ce
4 point également, et ces documents ont été mentionnés précédemment dans le
5 cadre de mes conversations avec M. Milosevic et le gouvernement.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous faites référence à un accord
7 conclu par votre prédécesseur ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Pr Geremek avait effectivement conclu un
9 accord, et ce, pour le compte de l'OSCE. Un accord a donc été signé entre
10 M. Geremek, le ministre des Affaires étrangères polonais. Du côté
11 yougoslave, je crois que c'était M. Milosevic.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cela, il y a eu un accord que
13 vous n'avez jamais vu entre Holbrooke et Milosevic ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, y a-t-il des
16 numéros de pièces qui ont été attribués à ces accords ?
17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui. Je ne les ai plus en tête, cela dit.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous les avez.
19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, ce sont des pièces.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que dans le courant de la
21 journée, vous pourriez nous aider en présentant toutes ces pièces dans leur
22 contexte. Nous aurions ainsi le numéro des accords pertinents ayant défini
23 le mandat de l'OSCE dans le cadre de cette mission simplement pour que nous
24 puissions les lire à la lumière du témoignage de M. Vollebaek.
25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout à fait. Nous y reviendrons dans un
26 instant.
27 J'aimerais que l'on voie la pièce P460, s'il vous plaît.
28 Q. Excellence, vous allez le voir sur votre écran dans un instant.
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1 Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un rapport de la MVK daté du 1er mars.
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais que l'on agrandisse la première
3 partie du deuxième paragraphe. Son titre est la première partie de ce
4 paragraphe.
5 Q. Excellence, l'apercevez-vous sur votre écran ou devons-nous agrandir
6 encore l'image ?
7 R. Je n'en vois qu'une partie, mais si vous me posez la question, je vais
8 peut-être pouvoir y répondre. Maintenant, c'est bon, je vois.
9 Q. Dans ce paragraphe, on trouve une déclaration faite par vous-même sur
10 la réaction causée par votre proposition d'établissement d'une force
11 militaire internationale au Kosovo. Voici ma question. Vous êtes en mesure
12 de lire ce qui figure dans ce document; ce paragraphe reflète-t-il bien ce
13 que vous avez dit à l'époque ?
14 R. Oui, je pense.
15 Q. Merci.
16 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais demander le versement de cette
17 pièce. Il s'agit de la pièce P460.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le procès de Milosevic, on s'est
19 posé pendant un certain temps la question de savoir si cette force devait
20 être dirigée par l'OTAN, mais ce document tire la question au clair, n'est-
21 ce pas ? Il s'agit bien d'une proposition consistant en une force dirigée
22 par l'OTAN.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Effectivement, je crois que c'était le
24 cas. Il n'était pas proposé que cette force soit placée sous l'égide des
25 Nations Unies, mais qu'il y ait au moins mandat des Nations Unies, comme
26 c'est le cas aujourd'hui en Afghanistan.
27 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on examine la
28 pièce 461.
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1 Q. En attendant qu'elle apparaisse à l'écran, c'est un rapport de la MVK
2 du 2 mars 1999 qui suit de quelques jours le document précédent.
3 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais que l'on voie l'avant-dernier
4 paragraphe de la première page, un paragraphe qui commence par : "Une
5 déclaration du bureau de Milutinovic" --
6 Q. Monsieur Vollebaek --
7 R. Oui, j'aimerais que l'on agrandisse un petit peu le passage en
8 question. Merci.
9 Q. Ce rapport reflète une déclaration émanant du bureau de Milutinovic
10 après une rencontre avec l'ambassadeur Hill. Dans cette déclaration, on lit
11 qu'un accord politique n'avait pas été conclu à Rambouillet. Pensez-vous
12 que cette déclaration est exacte ?
13 R. Non, je ne le crois pas. Pourriez-vous me donner la date de ce rapport,
14 s'il vous plaît ?
15 Q. Le 2 mars.
16 R. Le 2 mars. Si mon souvenir est exact, j'ai reçu un courrier de M.
17 Jovanovic, alors ministre des Affaires étrangères, avec une déclaration
18 placée en annexe de cette lettre, signée ou écrite de la main de M.
19 Milutinovic au moment où les pourparlers de Rambouillet avaient été
20 interrompus. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a eu les
21 pourparlers dans un premier temps et ensuite il y a eu un temps d'arrêt
22 dans ces pourparlers.
23 Q. Oui, entre les pourparlers de Rambouillet et les pourparlers à Paris ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Merci.
26 R. Après les pourparlers de Rambouillet, au moment de ce temps d'arrêt,
27 disons, il me semble qu'il y a eu un accord, ou disons qu'on pourrait
28 l'appeler un accord ou une déclaration qui a été signée par les Serbes,
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1 mais pas les Albanais du Kosovo. Les problèmes à ce moment-là se posaient
2 plutôt du côté des Albanais du Kosovo que du côté des Serbes. C'est la
3 raison pour laquelle je juge qu'il est faux de dire que les Serbes
4 n'avaient pas accepté d'accord, quel qu'il soit, à Rambouillet.
5 Q. Par conséquent, d'après vous, il y a eu un accord politique à
6 Rambouillet, mais les choses ont changé par la suite ?
7 R. Il y a eu une acceptation politique de la part des Serbes, mais cela
8 n'a pas été le cas dans le camp albanais, et les dirigeants présents aux
9 négociations, je ne sais pas s'ils avaient pris la décision eux-mêmes ou,
10 enfin, il leur a été suggéré de prendre un temps d'arrêt.
11 Si je me souviens bien, cela a duré deux semaines à peu près, et là
12 encore, si mon souvenir est bon, lorsque la déclaration serbe s'est rassise
13 à la table des négociations, les choses avaient changé de manière assez
14 radicale. Certaines choses qu'ils avaient acceptées plus tôt soudain
15 n'étaient plus acceptables.
16 Q. Merci beaucoup.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît,
18 Monsieur Marcussen.
19 Ce n'est pas une critique que je vous adresse, Monsieur Vollebaek, mais
20 comprenez que cette réponse est relativement vague. Elle montre un
21 changement dans les attitudes, mais c'est tout. La raison n'en est pas tout
22 à fait claire, bien sûr. Vous dites que certaines choses qui avaient été
23 acceptées préalablement n'étaient soudain plus acceptables.
24 Il doit y avoir quelqu'un qui était neutre, mais si étroitement impliqué
25 dans ces discussions qu'il peut nous donner un récit précis de la situation
26 à la fin des pourparlers de Rambouillet et des raisons pour lesquelles les
27 choses ont changé une fois à Paris, parce que si vous voulez, nous
28 entendons des récits différents. Nous entendons dire par exemple que les
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1 Albanais n'ont pas rejeté l'accord à Rambouillet, mais qu'ils voulaient
2 tout simplement consulter les autorités afin d'accepter certaines choses.
3 Ce n'est pas ce que vous avez dit ici.
4 N'y avait-il pas un administrateur qui conservait les traces de ce
5 qui se faisait, de ce qui se disait, qui pourrait nous dire les choses,
6 auquel nous pourrions faire confiance ? Ce serait alors un observateur tout
7 à fait impartial ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'espère et je le sais, même. Vous le
9 savez, je ne faisais pas partie des négociations en tant que telles. Le
10 président en exercice de l'OSCE était un observateur. Je n'étais pas
11 présent au cours des négociations, mais j'étais invité à intervenir
12 lorsqu'il y avait des réunions avec eux. J'ai participé deux fois ainsi au
13 cours de ce processus.
14 Les négociations étaient organisées par le ministre des Affaires étrangères
15 français Vedrine, et je suppose que les Français ont pris des notes. Cette
16 réunion, ce processus était coprésidé par feu le ministre britannique des
17 Affaires étrangères Robin Cook. Je suppose également que les Britanniques
18 ont dû prendre bonne note de tout ce qui s'est dit et fait. Puis, il y a le
19 Groupe de contact qui était impliqué dans ce processus, ses membres étaient
20 là.
21 Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur le Président, qu'il
22 doit y avoir trace de tout cela. Je n'en ai pas moi-même. Je n'y étais pas
23 autorisé à l'époque.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
25 Monsieur Marcussen.
26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il y aura un témoin, Petric, que nous
27 entendrons par la suite, qui nous parlera également de ce qui s'est fait et
28 dit à Rambouillet. Nous espérons alors pouvoir tirer au clair cette
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1 situation.
2 Q. Je pensais que c'était clair, je m'excuse.
3 Excellence, j'aimerais vous poser une dernière question s'agissant de
4 ce document ou plus précisément s'agissant de votre déclaration. C'est au
5 paragraphe 74. Vous dites que des gens ont quitté le Kosovo. Si j'ai bien
6 compris, vous vous êtes trouvé à un moment donné à la frontière entre le
7 Kosovo et l'Albanie.
8 R. Oui, c'est exact. Lorsque la guerre a éclaté, nous avons envoyé
9 les observateurs du MVK en Macédoine et nous en avons également remplacé
10 certains, ou plutôt nous les avons réinstallés en quelque sorte ou envoyés
11 en Albanie, parce qu'il y avait un certain nombre de réfugiés, un nombre
12 assez important de réfugiés qui affluaient vers la Macédoine et vers
13 l'Albanie.
14 Même si c'est le HCR qui était la principale organisation ou
15 institution des Nations Unies responsable en la matière, nous avions des
16 véhicules et nous avions du personnel susceptible de l'aider. C'est pour
17 cela que des observateurs de la MVK ont été placés aux frontières, à la
18 fois aux frontières avec la Macédoine et l'Albanie. A l'époque, si mon
19 souvenir est bon, il y avait un flux important de réfugiés qui se
20 dirigeaient vers l'Albanie, et un camp de réfugiés avait été établi de
21 l'autre côté de la frontière en Albanie.
22 Je m'y suis rendu pour y rencontrer les gens et voir dans quelles
23 conditions ils se trouvaient, ils vivaient. L'un des problèmes que nous
24 avons rencontré, c'est qu'ils avaient perdu en quelque sorte les preuves de
25 leur identité. Leurs cartes d'identité leur avaient été prises et elles
26 avaient été détruites ainsi que les plaques d'immatriculation des
27 véhicules, donc nous étions très préoccupés, nous souhaitions véritablement
28 rétablir leur identité et noter l'endroit d'où ils venaient de manière à
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1 établir toutes ces informations et les placer dans un système bien
2 organisé.
3 Il me semble que j'ai supervisé cette procédure pendant un certain
4 temps, que j'ai rencontré certains des gens qui avaient traversé la
5 frontière et que je leur ai parlé à l'aide d'interprètes.
6 Q. Où vous trouviez-vous sur la frontière, si vous en avez le souvenir ?
7 Quand vous êtes-vous trouvé à la frontière, si vous vous en souvenez ?
8 R. Non, je ne me souviens pas de la date. Il y a sans doute des documents
9 de l'OSCE qui portent la trace de ces déplacements. J'avais également des
10 réunions à l'époque avec le gouvernement, donc je n'ai plus la date en
11 tête.
12 Q. Peu de temps après le début du bombardement de l'OTAN, par exemple ?
13 Quelques jours ou quelques semaines, je ne sais pas ?
14 R. Non, pas des semaines. Mais bien sûr, il pourrait s'agir d'une semaine.
15 En tout cas, c'était peu de temps après. A cette époque-là, on voyait de
16 nombreuses personnes qui fuyaient le Kosovo.
17 Q. Pourriez-vous nous donner une idée de ce que vous avez vu au moment où
18 vous vous êtes trouvé à la frontière ? Est-ce que vous aperceviez le Kosovo
19 de l'endroit où vous vous trouviez ?
20 R. Oui. Je pense qu'on le voit bien dans le compte rendu. J'ai vu
21 énormément de gens sur des tracteurs. Il y avait des milliers de tracteurs
22 et des gens dans ces tracteurs avec leur famille, des couples, des gens qui
23 marchaient aussi, mais il y en avait moins.
24 La plupart se trouvaient sur les tracteurs et ils venaient de
25 différentes régions, d'après ce que l'on m'a dit. J'avais l'impression que
26 tout était bien organisé, d'après les déclarations. Les gens parlaient de
27 rubans de différentes couleurs qui leur permettaient d'organiser l'exode.
28 Q. Oui, nous y reviendrons dans un instant. Une question connexe. Vous
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1 avez dit dans votre déclaration qu'un grand nombre de personnes avaient été
2 expulsées. Qu'est-ce qui vous a poussé à dire cela ?
3 R. Ils me l'ont dit, ils m'ont dit qu'ils avaient été expulsés. Il y avait
4 plusieurs récits quant à la manière dont cette expulsion avait eu lieu, des
5 histoires assez émouvantes sur des couples ou des familles qui étaient
6 juste en train de se balader dans la rue à Pristina, qui étaient rentrés
7 chez eux et qui avaient trouvé leur appartement occupé.
8 Il y avait aussi d'autres histoires de gens qui se trouvaient chez
9 eux et qui avaient été chassés par la police ou d'autres représentants des
10 autorités, je ne sais pas, représentants qui leur avaient dit de partir.
11 Avec ceux avec qui j'ai parlé, j'ai vraiment eu l'impression qu'on leur
12 avait ordonné de quitter --
13 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.
15 M. IVETIC : [interprétation] J'ai une objection par rapport à cette série
16 de questions. Il y a eu déjà une décision rendue dans cette affaire selon
17 laquelle s'agissant de certains entretiens avec les réfugiés, sans
18 connaître l'identité des personnes entendues, sans donner à la Défense la
19 possibilité de mettre en question ce processus et sans possibilité du
20 moindre contre-interrogatoire, justement que ces éléments de preuve
21 n'étaient pas véritablement recevables.
22 Je vois ici que l'on pose des questions au témoin sur ce point, mais le
23 témoin y répond en faisant référence de manière très générale à des
24 discussions particulières avec des gens inconnus que nous ne pouvons faire
25 venir ici. Il profère des accusations contre différentes entités qui se
26 trouvaient au Kosovo, au Kosovo-Metohija, donc nous entrons ici dans un
27 domaine dans lequel l'Accusation obtient des éléments de preuve qui, il me
28 semble, ont été interdits, sous cette forme-là en tout cas, dans une forme
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1 semblable à la publication de l'OSCE "As Seen, As Told".
2 Je pense qu'il ne faut pas oublier les décisions antérieures prises par la
3 Cour et l'incapacité de la Défense à remettre en question ce type
4 d'éléments de preuve si toutefois il est utilisé. Je crois qu'à la lumière
5 des décisions précédentes, il est difficile d'accepter ce genre d'éléments
6 de preuve.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La différence fondamentale entre cette
9 déposition et les dépositions qui ont été exclues, c'est qu'ici nous avons
10 une personne qui a parlé directement avec les gens qui se prétendent des
11 victimes. Nous comprenons la remarque, à savoir que nous ne disposons pas
12 de l'identité de ces interlocuteurs et que ceci, bien sûr, influence sur le
13 poids, la valeur à accorder à ces propos. Mais nous pensons qu'en contre-
14 interrogeant ce témoin, il sera possible d'aider la Cour à déterminer le
15 degré de fiabilité des récits faits au témoin. Nous ne sommes donc pas dans
16 la même situation que celle qui nous a amenés à rejeter certains éléments
17 de preuve.
18 Nous sommes toutefois tout à fait conscients des risques associés à une
19 utilisation trop accrue, en quelque sorte, des éléments de preuve
20 indirects, de l'ouï-dire, quel qu'il soit. Nous savons que ces éléments de
21 preuve exigent d'être prudents, s'agissant d'éléments de preuve qui
22 revoient directement aux questions qui nous occupent ou s'agissant
23 d'éléments de preuve relatifs à la commission de crimes ou la question de
24 responsabilité pénale. Ces réserves ayant été énoncés, nous allons entendre
25 le reste de la déposition sur ce point.
26 M. IVETIC : [interprétation] Si vous me le permettez, j'ai une autre
27 remarque à faire s'agissant de cette objection. S'agissant de ce qui vient
28 d'être entendu de la bouche du témoin, nous ne savons pas ce que les gens
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1 ont dit véritablement et ce dont il se souvient, et quelle est la
2 différence entre les deux. Il dit : "Oui, je suppose que c'est cela, je
3 suppose que c'est ceci."
4 Je dirais quant à moi que c'est tout à fait vague et qu'il serait
5 différent que le témoin dise par exemple : cette personne X a dit A, B, C
6 et D. Or, ici il ne donne que des récits tout à fait généraux, et il n'est
7 pas en mesure d'établir un rapport entre ces récits-là et leur fiabilité
8 parce qu'il ne renvoie pas à des individus particuliers. Il ne s'agit que
9 de déclarations générales sur un ensemble de choses, et il y a beaucoup de
10 supputations, ici.
11 Je suppose que ce n'est pas véritablement quelque chose qui pourra être
12 réglé par le biais du contre-interrogatoire parce que nous n'avons pas de
13 données nous permettant de nous fonder sur quoi que ce soit. Nous n'avons
14 pas les discussions qui ont eu lieu, les mots exacts qui ont été prononcés,
15 l'identité des personnes à qui il a parlé. Voilà la difficulté à laquelle
16 nous sommes confrontés, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. L'exemple que j'ai vu, et il
18 pourrait y en avoir d'autres, c'est une référence à la police, je suppose,
19 ou des représentants, des autorités. J'espère que vous connaissez
20 suffisamment cette Chambre pour savoir, Monsieur Ivetic, que si quelqu'un
21 dit "la police, je suppose, ou des représentants des autorités", et cetera,
22 nous n'allons pas conclure qu'il s'agissait véritablement de la police.
23 Ce que nous pourrions faire, bien sûr, c'est de voir l'ensemble des
24 éléments de preuve, mais ici la question de savoir qui était-ce ne nous
25 intéresse pas particulièrement, mais nous n'irions pas jusqu'au point de
26 dire : c'est tel ou tel policier qui a participé à cela. De toute façon,
27 tout ceci sera tiré au clair par d'autres questions qui seront posées. Mais
28 ceci renvoie exclusivement à la valeur probante, ceci ne renvoie pas à la
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1 recevabilité fondamentale des éléments de preuve.
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Excellence, vous avez commencé à nous expliquer quelque chose sur un
4 système de rubans, et je vous ai interrompu à ce moment-là. Pourriez-vous
5 nous expliquer ce que l'on vous a dit par rapport à ces rubans ? Vous a-t-
6 on dit dans quelle région ces rubans avaient été distribués, dans quelle
7 partie du Kosovo ?
8 R. Ce qu'on nous a dit --
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.
10 M. BAKRAC : [interprétation] Je pense qu'il était suffisant de lui demander
11 quelles étaient les informations dont il disposait s'agissant de ces
12 rubans. Je crois que c'est une question directrice, la question qui
13 consiste à lui demander où ils ont été distribués et qui l'a fait au
14 Kosovo. Je crois que mon éminent confrère de la partie adverse brûle les
15 étapes. Il suffisait simplement de demander au témoin quelles sont les
16 informations dont il dispose sur les rubans.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est vrai que la question est peut-
18 être partiellement directrice, mais connaissant le sujet qui nous intéresse
19 et le témoin, je ne pense pas que ceci compromette la nature de la
20 question, et là encore c'est quelque chose qui renvoie à la valeur probante
21 à accorder à la réponse du témoin. Mais nous allons autoriser la question
22 et la réponse à cette question.
23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Le témoin a dit qu'il avait été informé par
24 des gens qui quittaient le Kosovo qu'on leur avait remis des rubans. Ma
25 question se fondait sur sa réponse précédente. Il n'est pas directeur
26 d'attirer l'attention du témoin sur un contexte particulier. Ma question,
27 ma question qui n'est pas directrice --
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voulez-vous que nous prononcions une
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1 décision à votre encontre ? N'êtes-vous pas heureux de la décision qui a
2 été rendue qui est en votre faveur d'ailleurs ?
3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Non, elle me satisfait pleinement, Monsieur
4 le Président. Je pense que c'est important parce que c'est une question qui
5 renvoie effectivement à la valeur probante, et il faut que nous tirions les
6 choses au clair. Il faut voir si effectivement il y avait un problème dans
7 ma question.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous posez la question : dans
9 quelle partie, dans quelle région ont été remis ces rubans, cela suggère
10 que ce processus s'était limité à une partie particulière, et c'est une
11 suggestion de votre part. C'est pour cela que je dis qu'il y avait quelque
12 chose de partiellement directeur dans votre question. C'est tout ce que
13 nous avons dit.
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
15 Q. Excellence, vous a-t-on dit où ces rubans avaient été distribués ?
16 R. Si l'on me l'a dit, je ne m'en souviens plus. J'ai eu l'impression et
17 l'on nous a dit que cet exode, cette expulsion, si vous voulez, était bien
18 organisé, et l'on m'a parlé de ces rubans et on m'a dit que c'était là un
19 signe de l'organisation de tout ce processus. J'ai jugé à l'époque que ceci
20 était un signe que les choses avaient été préparées. Ce n'est pas quelque
21 chose qui était arrivé spontanément. Il y avait eu planification. C'est ce
22 que j'ai compris à l'époque.
23 Q. Que vous a-t-on dit à propos de ces rubans ?
24 R. Il y avait différentes couleurs afin de guider les gens qui se
25 trouvaient sur la route, de les guider afin de suivre les voies qui leur
26 permettraient d'éviter les bouchons, en quelque sorte. C'est quelque chose
27 qui était tout à fait compréhensible. Lorsqu'on se trouvait à la frontière
28 et qu'on se tournait vers le Kosovo, si je me souviens bien, il y avait des
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1 kilomètres et des kilomètres de tracteurs les uns derrière les autres et il
2 y avait véritablement un vrai embouteillage à la frontière.
3 Lorsque toutes ces routes convergeaient à proximité de la frontière, il
4 était assez difficile bien entendu de la traverser. Vous comprendrez
5 aisément que ces gens souhaitaient véritablement la traverser, cette
6 frontière, parce qu'ils avaient peur, et ce, jusqu'à leur arrivée en
7 Albanie.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen -- Maître Bakrac,
9 vous êtes debout ?
10 M. BAKRAC : [interprétation] Excusez-moi de vous avoir interrompu, mais je
11 voulais faire objection. Voulez-vous que je vous laisse parler ?
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En général, les objections sont basées
13 sur des questions. Objectez-vous à une réponse, cette fois-ci ?
14 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. J'objecte à la
15 question et à la réponse. S'agissant de cette partie de l'interrogatoire
16 principal, je dois dire que nous n'avons reçu aucune déclaration. C'est la
17 première fois que nous entendons parler de ces rubans.
18 Il va falloir faire revenir tous les témoins factuels et procéder à un
19 contre-interrogatoire de ces derniers sur cette question. Jusqu'à présent,
20 on ne nous avait communiqué aucune information sur une quelconque
21 organisation ni sur de quelconques rubans, ni dans le cadre des documents
22 soumis au titre de l'article 65 ter ni dans les autres déclarations de
23 témoins ou de celui-ci, en tout cas.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que certains de vos collègues
25 ne vont pas être très contents d'entendre cette proposition. Ils risquent
26 même d'être horrifiés. J'allais demander à M. Marcussen, si vous m'en aviez
27 laissé le temps, si vous n'aviez pas été en mesure de trouver le moindre
28 témoin qui s'était vu remettre un ruban dans le cadre de cet exode.
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1 Je dois dire que c'est la première fois que j'entends parler de cela
2 puisque nous n'avons pas entendu de réfugiés qui aient reçu de tels rubans,
3 même si M. Bakrac propose de les faire revenir pour vérifier.
4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce témoin présente des éléments de preuve
5 indirects faisant état de rubans remis aux gens qui ont quitté le Kosovo.
6 C'est son témoignage. C'est un témoignage fondé sur le ouï-dire. Nous ne
7 disons rien d'autre que cela.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais les réponses font état d'un
9 processus bien organisé permettant de répartir ces flux de réfugiés se
10 dirigeant vers la frontière. Vous ne pensez pas que la Chambre de première
11 instance va confirmer cette procédure bien organisée si vous n'êtes pas en
12 mesure de nous présenter quelqu'un qui a bénéficié d'un tel système, n'est-
13 ce pas ?
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il faudra consulter l'ensemble des
15 témoignages et des éléments de preuve. Une fois que nous les aurons tous,
16 et peut-être que sur la base de votre observation, il faudrait que je tire
17 au clair quelque chose avec le témoin, si vous me le permettez, à savoir
18 d'où --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agissant de la question de la
20 notification de l'information, c'est quelque chose dont la Défense n'a
21 jamais été informée ?
22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Manifestement, les résumés présentés au
23 titre de l'article 65 ter dans la présente affaire sont des résumés de
24 déclarations dans une forme synthétique, déclarations de témoins. Ce témoin
25 se trouvait manifestement à la frontière. Je lui ai posé une question à
26 savoir ce qu'il avait vu au moment où il s'y trouvait, et nous avons
27 entendu sa réponse.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'une des questions fondamentales pour
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1 nous en l'espèce, c'est d'établir un lien entre tout acte criminel dont
2 l'existence a été prouvée et un ou les accusés. Si vous me le permettez, il
3 n'y a guère d'éléments de preuve qui nous permettent d'établir ce lien.
4 Chaque fois que vous en trouvez, ce sont des éléments importants.
5 Ici, on vous suggère un système bien organisé qui consiste à guider les
6 gens quittant le Kosovo. On pourrait interpréter cela comme la réflexion
7 d'un nettoyage ethnique, et j'aurais pensé - et je m'exprime à titre
8 individuel - j'aurais pensé que si vous saviez que c'était là la manière
9 dont cet exode avait été partiellement organisé, que vous en auriez fait
10 part à la partie adverse. Etes-vous en train de nous dire que c'est quelque
11 chose que vous saviez et que vous n'avez pas fait figurer dans votre
12 résumé ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez
14 --
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je m'adresse à M.
16 Marcussen.
17 Excusez-moi.
18 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne me souviens pas si pendant la séance
19 de récolement, on a parlé de cela. Nous avons eu une session d'une heure.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci ne figure pas dans la déclaration
21 préalable. Ceci ne figure pas dans la transcription de l'affaire Milosevic.
22 Peut-être que c'est à cause du temps perdu dans la façon dont le contre-
23 interrogatoire a été mené, mais en tout cas le Procureur, dans l'affaire
24 Milosevic, n'a pas présenté cette information. A quel moment cette
25 information est apparue pour la première fois ?
26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne me souviens pas si cela a été
27 mentionné hier quand j'ai rencontré l'ambassadeur Vollebaek. J'essaie de
28 m'en souvenir.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il propose de nous aider. Je me
2 demande si vous pouvez nous aider, mais si vous avez vraiment quelque chose
3 à nous dire sur ce point précis, nous allons vous écouter.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je suis désolé si j'ai
5 compliqué les choses en vous donnant une mauvaise réponse. C'est vrai que
6 je n'ai pas cela dans la déclaration préalable. Je ne sais pas pourquoi que
7 je ne l'ai pas dit à nouveau, mais c'est quelque chose qu'on nous a dit.
8 Evidemment, il s'agit de preuve indirecte.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne veux pas aborder à nouveau ce
10 sujet.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour l'instant, nous souhaitons savoir
13 de quelle façon le Procureur a appris cela.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je lui ai mentionné cela hier.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est possible, on m'a dit que nous
18 avons peut-être entendu quelques éléments corroborant cette information.
19 Cette information viendrait de ces hommes de foi qui -- mais là on vous
20 parle vraiment de mémoire et il est difficile de se souvenir de tout ce qui
21 a été dit en l'espèce. Cet homme de religion a dit qu'il portait quelque
22 chose de blanc, quelque chose qu'on lui avait donné. Peut-être qu'il y a
23 des éléments allant dans ce sens, mais peut-être c'est quelque chose qui ne
24 s'est jamais présenté.
25 Qu'il s'agisse de quelque chose qui est vrai ou non, on ne pourrait
26 pas ne pas accepter cette information. C'est malheureux qu'au cours de la
27 phase préalable au procès, on ne se soit pas concentré sur les points qui
28 sont vraiment importants pour le procès en l'espèce. C'est malheureux que
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1 des déclarations préparées pour un autre procès soient utilisées sans
2 qu'elles soient revues et corrigées, ou en tout cas, si c'est le cas, cela
3 s'est fait à la dernière minute.
4 Nous avons déjà dit cela, mais nous considérons qu'il est important de le
5 répéter parce que ceci pourrait porter préjudice dans ce système
6 contradictoire par rapport à la présentation de preuves du Procureur. Nous
7 allons tout de même permettre que l'on présente ces éléments. Je sais que
8 cela rend les choses plus difficiles pour la Défense. Ensuite, on va
9 aborder cette nouvelle difficulté à laquelle la Défense doit faire face.
10 Nous allons leur accorder le délai nécessaire pour qu'il n'y ait pas de
11 problème par rapport à l'admission de ces nouveaux éléments.
12 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vais m'arrêter à ce point avec ce
13 témoin. Je n'ai pas d'autres questions à lui poser dans le cadre de
14 l'interrogatoire principal.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Vollebaek, vous étiez à la
16 frontière, et quand vous étiez à la frontière vous avez pu parler avec les
17 gens. Cette période a duré une journée ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pendant combien de temps vous avez pu
20 parler avec les gens, avec ces gens directement ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si mes souvenirs sont exacts, on est arrivé de
22 Tirana et je pense qu'on est arrivé à peu près à midi ou autour de midi, et
23 on est resté jusqu'à peu près dans l'après-midi.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez parlé avec des
25 personnes individuellement ou est-ce que vous vous êtes tout simplement
26 contenté d'observer le processus auquel participait votre personnel quand
27 il s'agissait de connaître les détails des réfugiés qui arrivaient ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais là, en train d'observer. J'ai vu
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1 différentes activités qui se sont passées; il y a eu beaucoup
2 d'organisations qui ont participé à tout cela. Les gens avaient voyagé
3 depuis un moment. Il y avait des organisations qui leur donnaient de l'eau
4 dès qu'ils passaient la frontière, ou une miche de pain. La deuxième fois
5 qu'ils se sont arrêtés ensuite, au niveau du troisième point d'arrêt, je me
6 souviens que l'OSCE était là et qu'ils prenaient leurs informations, ou la
7 Croix-Rouge internationale.
8 J'étais là près de la frontière et, par le biais des interprètes, je me
9 suis entretenu avec les gens au fur et à mesure qu'ils passaient la
10 frontière.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez parlé avec ces
12 gens ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, par le biais des interprètes.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez aussi entendu ce
15 qu'ils racontaient aux personnes qui les interviewaient, aux personnes qui
16 enregistraient les informations les concernant ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, brièvement, mais pas longtemps.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
19 Monsieur O'Sullivan, quel sera l'ordre des contre-interrogatoires ?
20 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons suivre l'acte d'accusation, et
21 je n'ai pas de questions.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
23 Monsieur Fila.
24 M. FILA : [interprétation] J'ai des questions, en revanche.
25 Contre-interrogatoire par M. Fila :
26 Q. [interprétation] Monsieur Vollebaek, je vous souhaite bonjour. Je
27 m'appelle Toma Fila et je suis l'avocat qui représente les intérêts de
28 Nikola Sainovic. Je voudrais commencer par la question de Rambouillet. Vous
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1 en avez parlé.
2 M. FILA : [interprétation] Je voudrais vous rappeler les faits que M.
3 O'Sullivan a versés en tant que pièce de la Défense, un livret contenant
4 des documents de Rambouillet. Dans ce livret se trouve l'accord Milosevic-
5 Holbrooke ainsi que les documents dont a parlé M. Vollebaek. Ces documents
6 parlent pour eux-mêmes, mais M. Vollebaek a décrit la situation d'une façon
7 un peu différente, donc je me vois obligé de lui poser quelques questions.
8 Q. Nous, le conseil de la Défense, nous défendons l'argument qu'à
9 Rambouillet, la délégation serbe était dirigée par le Pr Ratko Markovic qui
10 a signé un document politique. C'était un document politique, il était
11 appelé comme cela. On s'est mis d'accord, on a accepté un principe de
12 réfléchir à la portée, à l'importance de la présence internationale quand
13 il s'agit de mise en œuvre de cet accord. Ce que la délégation serbe n'a
14 pas accepté, c'était la présence militaire de l'OTAN. Est-ce que vous êtes
15 d'accord avec cela ?
16 R. Je ne me souviens pas exactement de la nature de cet accord
17 puisque je n'ai pas participé aux négociations, mais à l'époque,
18 effectivement, j'ai pu avoir accès à cet accord politique, comme vous
19 l'avez appelé. Je pense que vous avez raison, puisque je discutais avec M.
20 Milosevic et nous avons parlé justement de la présence d'une force
21 internationale à la tête de laquelle se retrouverait l'OTAN. Je pense que
22 c'est à peu près cela, que c'est ce qui s'est passé il y a huit ans, même
23 si je n'ai pas pu revoir les papiers.
24 Q. Très bien. Ensuite, à Paris, quand ils se sont à nouveau rencontrés, la
25 délégation serbe n'a pas abandonné cet accord politique qui était déjà fait
26 - ou la délégation yougoslave, puisqu'à l'époque c'était encore la
27 Yougoslavie - n'a pas voulu signer les documents en entier où on parlait de
28 l'entrée des troupes de l'OTAN et de la teneur d'un référendum sur
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1 l'indépendance du Kosovo.
2 C'est le document que la délégation serbe ou yougoslave ne voulait pas à
3 l'époque signer, et en ce qui me concerne personnellement, je peux vous
4 dire qu'aucune personne normalement constituée, saine d'esprit, ne le
5 signerait aujourd'hui. Mais ce n'est pas une question, cette dernière
6 partie, c'est un commentaire que je vous fais.
7 R. Je ne sais pas exactement ce qui a fait l'objet de cet accord et ce qui
8 n'a pas fait l'objet de cet accord. Je me souviens qu'à l'époque, quand on
9 s'était à nouveau rencontré à Paris, il y a toute une série de questions
10 qui ont été acceptées, et ensuite il y a eu une petite pause à nouveau des
11 discussions, et c'est tout simplement mes souvenirs, ce dont je vous parle
12 à présent.
13 Q. Très bien. C'était pour situer tout cela dans le contexte, mais là je
14 vais vous poser mes vraies questions.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, ce n'est pas une question
16 que vous deviez poser, Monsieur Fila. Si les choses étaient aussi simples,
17 à savoir que le terme qui entrait dans l'équation, c'est-à-dire, que
18 faisait partie de ces négociations un point qui devait mener de façon
19 inévitable à un référendum en l'espace de trois ans ou au bout de trois
20 ans, c'est un point très important par rapport à ces négociations et
21 probablement par rapport à la non- réussite de ces négociations, puisque le
22 Procureur s'efforce de prouver que les accusés avaient leur mot à dire là-
23 dedans, c'est-à-dire qu'ils sont la cause de la non-réussite de ces
24 négociations.
25 Monsieur Vollebaek, est-ce que vous dites que vous n'étiez pas au courant
26 d'un changement aussi radical entre Rambouillet et Paris ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci s'est passé il y a huit ans, et je dois
28 faire attention, mais si mes souvenirs sont exacts, pour être un peu
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1 personnel, si vous voulez, je n'étais pas d'accord et à l'époque j'ai été
2 mécontent de voir que ceux qui ont négocié ont permis qu'il y ait une pause
3 puisque j'ai pensé que c'était vraiment quelque chose qu'il ne fallait pas
4 faire parce que ces négociations sont allées assez loin.
5 Comme je n'étais pas un expert, je voyais que c'était contradictoire,
6 que c'était quelque chose qui allait contre l'expérience que j'avais. Quand
7 vous êtes tout près d'un accord et tout d'un coup les gens qui négocient
8 s'en vont, c'est quelque chose qui n'est pas toujours très utile.
9 C'était, si vous voulez, comme cela que je voyais les choses. Je
10 pensais que ceci ne devait pas se passer et qu'il y avait un certain nombre
11 de points que les Serbes ou les Yougoslaves pouvaient tout simplement ne
12 pas accepter. Il y avait toute une série de questions qui étaient de cette
13 nature-là. Il n'y en avait pas une seule.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est encore plus important, je pense.
15 Corrigez-moi si j'ai tort, mais je pense que la position de la Défense ici
16 était qu'ils ne voulaient pas que ces négociations ne soient pas une
17 réussite, mais au contraire qu'ils voulaient que les négociations
18 réussissent. C'est plutôt l'équipe internationale qui a fait en sorte que
19 cela ne marche pas, que ceci ne soit pas couronné de succès puisqu'ils ont
20 ajouté une clause qui n'était pas acceptable.
21 M. FILA : [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a été proposé que les Américains
23 insistaient sur la question de référendum dans cet accord et qu'ils avaient
24 aussi l'intention que l'OTAN bombarde la Serbie. Si vous n'avez pas cette
25 impression-là, est-ce que vous pouvez dire ce que vous pensez de ce qui se
26 passait ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous devriez poser la question aux Américains
28 au sujet de cela, et pas à un Norvégien. J'avais l'impression au moment de
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1 cette pause que le gouvernement yougoslave pensait que les questions
2 concernant les Albanais de Kosovo étaient des questions difficiles et je ne
3 comprenais pas pourquoi.
4 Pour être plus clair, à l'époque j'ai été parfaitement contre
5 l'indépendance du Kosovo et, de mon point de vue en tant que le chef de
6 l'OSCE, je n'avais aucune raison de souhaiter une Kosovo indépendante.
7 C'était une question de principe, mais il y avait quand même toute une
8 série de questions avec lesquelles nous devions faire face, nous, au sein
9 de l'OSCE et qu'il fallait résoudre.
10 Je me suis dit qu'un Kosovo indépendante pourrait ouvrir d'autres
11 problèmes. Personnellement, j'avais un problème là-dessus.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'ai une question, Mon Excellence.
14 Est-ce que vous pensez que ceci devait être comme Aaland en Finlande ? Est-
15 ce que vous avez suggéré cela ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je sais qu'il y avait quelques
17 organisations non gouvernementales qui ont travaillé là-dessus. Ils
18 prenaient la solution du gouvernement local à Aaland, c'est un exemple qui
19 a été cité. Je n'ai jamais cité cela comme un exemple.
20 J'ai dit à M. Milosevic à plusieurs reprises qu'il fallait trouver
21 une espèce d'"autonomie" ou une façon dont les Albanais du Kosovo pouvaient
22 avoir le droit d'utiliser leur langue, leurs écoles, leur religion, avoir
23 quelques droits humains de base. C'était quelque chose qui me préoccupait
24 vraiment.
25 Mais je me souviens qu'on a discuté de différentes façons dont ceci
26 pouvait être organisé, et vous saviez qu'il y a eu différentes
27 constitutions en Yougoslavie. En vertu de ces différentes constitutions, le
28 statut du Kosovo a été différent. Je me souviens que j'avais dit à
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1 Milosevic que je n'allais pas discuter de cela, mais qu'il fallait quand
2 même accepter qu'il y ait différentes façons d'aboutir à la réalisation de
3 ces droits.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila.
5 M. FILA : [interprétation] Tout d'abord, d'après cet accord politique, les
6 Albanais avaient le droit à l'éducation et à la langue. En ce qui concerne
7 la question que vous avez posée, Monsieur le Président, au sujet de Aaland,
8 justement c'est ce que la délégation serbe offre aux Albanais à présent. On
9 l'a à l'époque aussi proposé, mais ce qu'ils voulaient et ce qu'ils
10 souhaitaient, c'est l'indépendance.
11 Q. Monsieur, à quel moment vous avez pris la direction de l'OSCE et de la
12 mission ? C'était en janvier 1999 ?
13 R. Oui, c'était officiellement le 1er janvier 1999.
14 Q. Cette présidence a duré pendant une année ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Vous avez dit que la mission a terminé son travail puisque le 20 mars
17 1999, vous avez demandé le retrait des observateurs, et c'était quatre
18 jours avant les frappes aériennes. C'est un terme que vous utilisez. Pour
19 nous, c'est un autre terme, c'est l'agression de l'OTAN, puisque le Conseil
20 de sécurité n'a pas pris de décision par rapport aux participants à ces
21 frappes.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demande, Monsieur Fila, de
23 vous concentrer aux questions. On vous a déjà laissé beaucoup de marge,
24 beaucoup de liberté pour faire vos commentaires.
25 M. FILA : [interprétation] Merci de m'avoir permis d'avoir dit ce que j'ai
26 déjà dit. Je ne vais pas le répéter.
27 Q. Ensuite, voici ma question. Je me réfère à un témoin. Nous en avons eu
28 un certain nombre - mais là me réfère au témoin Adan Merovci, page 8 524,
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1 qui a dit que déjà à Paris - M. Robin Cook et M. Huber Vedrine - et vous
2 avez dit que vous avez participé à ces négociations - avaient dit que la
3 Serbie et la Yougoslavie allaient être bombardées en l'espace de deux ou
4 trois jours.
5 Ils sont ensuite allés voir M. Clark à Bruxelles, et M. Clark leur a
6 dit de déplacer leurs femmes et leurs enfants, et même eux-mêmes, qu'il ne
7 fallait pas qu'ils soient dans les rues puisqu'il allait y avoir des
8 frappes aériennes de l'OTAN au Kosovo d'ici quelques jours. Est-ce que vous
9 le saviez à l'époque ? Est-ce que vous saviez que si jamais on ne signait
10 pas l'accord à Paris, qu'il y allait y avoir des frappes aériennes ?
11 R. Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Tout d'abord, quand la
12 Défense dit qu'il s'agissait d'une agression menée par l'OTAN, pour moi
13 c'était mené par l'ONU, même si le mandat n'était pas entier.
14 J'aurais voulu qu'il y ait un mandat plus clair, plus complet, mais
15 toujours est-il que l'ONU a accepté d'utiliser le langage du chapitre 7.
16 C'est une question de principe. Pour moi, c'est important de comprendre
17 cela.
18 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre parce que vous ne m'avez pas
19 compris, parce que là on a l'impression que vous avez dit autre chose.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord. Il
21 a peut-être compris plus de choses par rapport à la question que vous avez
22 posée, mais laissez-le répondre.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, j'étais ici il y a cinq ans, et à
24 l'époque on m'a accusé de cela. Mais bon, en ce qui concerne la situation
25 par rapport aux observateurs de la mission au Kosovo, cette situation s'est
26 détériorée. Ils étaient agressés et ils ont été attaqués à plusieurs
27 reprises, et certains de mes collègues, des ministres des Affaires
28 étrangères d'autres pays, ont menacé de retirer les membres de leurs
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1 équipes parce qu'ils disaient que ceci devenait politiquement impossible
2 d'avoir ces gens là-bas, sur place.
3 Je leur ai dit de ne pas le faire parce que ceci mettrait en danger la
4 mission toute entière et ceci montrerait à M. Milosevic qu'il y avait un
5 certain désaccord entre différents membres du groupe. Je leur ai dit :
6 "Tant qu'il y a des négociations, tant qu'ils y a des négociations en
7 cours, nous n'allons pas nous retirer. Soyez d'accord avec moi, tant que
8 Milosevic et le gouvernement yougoslave acceptent de négocier, nous devons
9 avoir les troupes et nos forces sur le terrain -- pas les troupes et les
10 forces, mais les observateurs."
11 La raison pour ceci, c'est que je ne voulais faire rien qui pouvait
12 mettre en danger ces négociations. Au moment où les négociations de
13 Rambouillet ont échoué, j'étais à court d'arguments, j'avais perdu, donc je
14 devais accepter que je n'avais plus aucune raison de garder les
15 observateurs sur le terrain puisqu'il n'y avait plus de négociations. Je
16 savais des médias, d'ailleurs, qu'il allait peut-être y avoir des attaques
17 militaires au Kosovo après cela. Mais je ne savais pas. Je savais que cela
18 allait se produire. Comme vous allez le voir dans la transcription de ma
19 déclaration, j'en ai parlé le 24 mars dans l'affaire Milosevic.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'avais du mal à comprendre à quel
21 moment la décision d'attaquer la Serbie a été prise. Est-ce qu'elle a été
22 prise avant les négociations, elle dépendait de l'échec éventuel de ces
23 négociations, ou est-ce que c'est quelque chose qui a été fait après les
24 négociations ? Est-ce que vous avez une réponse à cela ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi, c'était aussi difficile de
26 comprendre cela. C'est quelque chose que je ne sais pas. Vous devez poser
27 la question à quelqu'un d'autre.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous sommes plus près de celui qui
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1 connaît la vérité, mais je pense que nous n'avons pas vraiment la réponse.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me dites qui détient la réponse,
3 j'aurais aimé l'avoir, la connaître moi aussi.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila.
5 M. FILA : [interprétation]
6 Q. Peut-être que M. Huber Vedrine connaît la réponse. Puisque M. Cook est
7 maintenant avec nous, vous savez qu'il en savait plus. Est-ce que vous
8 savez si l'ambassadeur Mayorski, qui aussi ne voulait pas signer à Paris,
9 est-ce qu'il le savait, le représentant russe ?
10 R. Oui, peut-être qu'ils en savaient plus. C'est l'impression que j'ai moi
11 aussi.
12 Q. Bien. Vous avez parlé de votre rôle par rapport à la Mission de
13 vérification au Kosovo, et nous allons parler de cela. Vous avez dit que
14 vous aviez affaire avec les dirigeants de la mission et que celui qui
15 dirigeait la mission sur le terrain, c'était l'ambassadeur Walker. C'est ce
16 que vous avez dit.
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Il y a quelque chose que je n'ai pas très bien compris. Qu'est-ce que
19 vous entendez par la direction de la mission et la structure de la
20 mission ? Je n'ai pas très bien compris, donc c'est pour cela que je vous
21 pose la question.
22 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris la question. Est-ce que vous parlez
23 des dirigeants à Belgrade ?
24 Q. Non, non. Vous avez dit que vous étiez chargé de diriger la mission et
25 vous étiez aussi responsable de la structure de la mission au Kosovo, et
26 c'est cela qui m'intéresse. Qu'est-ce que cela comprend ? Qu'est-ce que ce
27 travail ? Cette fonction, qu'est-ce qu'elle comprend ?
28 R. Merci. L'OSCE, c'est une organisation basée sur le consensus, elle a
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1 son secrétaire général puis aussi un président en exercice qui est le
2 premier ministre d'un pays membre et qui change tous les ans. Les décisions
3 politiques au niveau de l'OSCE étaient des décisions politiques
4 quotidiennes de l'organisation et sont prises par le président en exercice,
5 parfois en consultation avec deux autres ministres ou les présidents des
6 années d'avant ou les présidents à venir. Il s'agit de trois personnes.
7 Mais il y a pas mal de missions sur le terrain qui dépendent de l'OSCE. La
8 Mission de vérification au Kosovo en était une, et ils ont aussi leurs
9 dirigeants. Ce dirigeant a une autorité au niveau du pouvoir, au niveau
10 local, mais le président en exercice peut aussi être consulté par rapport à
11 toute cette série de questions.
12 Q. Très bien, j'ai compris, mais en ce qui concerne les détails, par
13 exemple le nombre précis d'observateurs, le nombre de localités, et cetera,
14 qui décide de tout cela ?
15 R. A l'époque je le savais, j'étais au courant de tout cela, mais
16 maintenant je pense qu'ils étaient 300. Je ne me souviens pas de tout cela.
17 Q. Je ne vais pas vous forcer à vous rappeler de tous les détails, mais
18 vous comprenez que ce sont des choses importantes, donc je voudrais savoir
19 si l'ambassadeur Walker qui était le chef sur le terrain, est-ce qu'il
20 envoyait ses rapports écrits à l'OSCE ou à vous directement ? Ceci concerne
21 la situation sur le terrain.
22 R. Il existe des règles pour la transmission des rapports. Je ne sais pas
23 quelle était la fréquence de ces rapports, mais un certain nombre de
24 rapports ont été envoyés à l'OSCE concernant la situation sur le terrain.
25 Je ne pense pas avoir lu tous ces rapports. J'aurais pu, certes, mais le
26 secrétaire de l'organisation à Vienne les a tous.
27 Q. Très bien, je comprends. S'agissant des rapports présentés par M.
28 Walker, il faudrait que nous nous adressions au secrétariat de l'OSCE à
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1 Vienne; c'est bien cela ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Merci.
4 [Le conseil de la Défense se concerte]
5 M. FILA : [interprétation]
6 Q. Vous avez déclaré que vous aviez contacté Zivadin Jovanovic, le
7 ministre des Affaires étrangères, à plusieurs reprises. Je dispose de ces
8 rapports. Je ne vous les présenterai pas, car ce n'est pas vous qui les
9 avez rédigés, mais d'autres personnes. Toujours est-il, j'aimerais savoir
10 si vous pouvez nous dire si les réunions auxquelles a participé Nikola
11 Sainovic étaient constructives. Comment est-ce que vous les qualifieriez ?
12 R. Il m'est difficile de vous décrire ces réunions. Parfois, elles étaient
13 un peu constructives, et j'avais l'impression que nous allions de l'avant,
14 que les choses progressaient. Mais très souvent, j'avais le sentiment que
15 nous allions droit dans le mur. Certains cas ont pu être résolus.
16 Il y a eu une affaire d'otage, notamment, que nous avons pu résoudre.
17 La déclaration de l'ambassadeur Walker, qui avait été qualifiée de persona
18 non grata, j'ai réussi à résoudre ce problème-là. Nous avons pu résoudre
19 certaines questions, mais avec le recul, je ne pourrais pas qualifier ces
20 réunions de réunions constructives.
21 Q. Merci. Comment se fait-il que vous n'ayez jamais vu l'accord conclu
22 entre Milosevic et Holbrooke ? Comment se fait-il que personne ne vous
23 l'ait jamais montré ? Nous l'avons dans un jeu de documents concernant
24 Rambouillet.
25 R. C'est une bonne question. A l'époque, tout du moins avant Rambouillet,
26 on considérait cela comme une entente. Il ne s'agissait pas vraiment d'un
27 accord conclu dans le cadre des activités de l'OSCE.
28 C'est l'ambassadeur Walker qui avait pris cette initiative. Il voulait
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1 apporter son concours. Je ne sais pas si c'est Holbrooke qui a préféré que
2 ce document ne soit pas public ou si c'est M. Milosevic; toujours est-il
3 que ce document n'a pas été mis à ma disposition à ce moment-là.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce le moment est bien venu pour
5 faire la pause, Maître Fila ?
6 M. FILA : [interprétation] J'ai encore une question à poser, et ensuite
7 nous pourrons suspendre l'audience.
8 Q. A ce sujet, je souhaiterais vous poser la question suivante. Vous avez
9 dit que vous étiez allé sur une position de l'UCK. Est-ce que les hommes
10 qui s'y trouvaient portaient un uniforme ? Est-ce qu'ils étaient armés ?
11 Quel type d'armes portaient-ils ? Quelle a été votre impression à ce
12 moment-là ? Est-ce que vous pouvez nous décrire cela ?
13 R. Je n'ai pas pu comprendre quelle était la taille de cette armée ni sa
14 structure. On m'a conduit à deux postes, un poste militaire serbe et un
15 poste militaire de l'UCK. On voulait me montrer la proximité entre ces deux
16 postes, quelle était la situation dans la région, les tensions qui
17 existaient. On voulait me montrer également comment la MVK travaillait des
18 deux côtés. C'était la raison de mes visites.
19 M. FILA : [interprétation] Merci beaucoup.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Fila.
21 Monsieur Vollebaek, nous devons suspendre l'audience pendant 30 minutes. Je
22 vous invite de suivre l'huissier, qui va vous raccompagner hors de ce
23 prétoire et vous indiquer l'endroit où vous pourrez attendre pendant la
24 pause.
25 [Le témoin se retire]
26 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, est-ce que vous
28 pourriez m'indiquer de nouveau les références des documents précédant
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1 Rambouillet, ceux qui étaient du mois d'octobre ?
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous avons certains de ces documents. Il y
3 a des doublons, donc je demande aux Juges de la Chambre de faire preuve de
4 patience. Nous allons obtenir les bonnes références et nous vous les
5 communiquerons ensuite.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Nous reprendrons à 1 heure
7 moins 10.
8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.
9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.
10 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.
11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk, c'est à vous ?
13 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, et nous n'avons pas de questions,
14 Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
16 Maître Ackerman.
17 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je serai très bref,
18 très, très bref.
19 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :
20 Q. [interprétation] Excellence, j'aimerais que nous reparlions de ce
21 moment où vous vous trouviez à proximité de la frontière en Albanie. Vous
22 nous avez parlé de ces rubans. Qui vous a accompagné sur place ?
23 R. J'étais accompagné de membres de mon équipe de l'OSCE. Il y avait peut-
24 être quelqu'un du gouvernement albanais. Je ne m'en souviens plus, mais il
25 y avait des gens de l'OSCE.
26 Q. Les gens qui travaillaient sur place savaient-ils que vous alliez venir
27 vous rendre sur place ce jour-là ?
28 R. Je n'en sais rien. Je ne m'en souviens plus. Ce dont je me souviens,
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1 c'est que je n'étais pas très satisfait de la présence et de l'organisation
2 des représentants de l'UNHCR. En tout cas, s'ils avaient été prévenus, ils
3 n'avaient pas pris la nouvelle très sérieusement. Mais il y avait un
4 certain nombre d'autres personnes bien organisées cette fois, des groupes
5 confessionnels locaux, des ONG locales qui étaient là déjà depuis un
6 certain nombre de jours.
7 Q. Etant donné votre statut, la nouvelle de votre présence et de votre
8 arrivée devait s'être répandue comme une traînée de poudre. Je pense que
9 tout le monde probablement avait su très rapidement que l'ambassadeur
10 Vollebaek était présent.
11 R. C'est possible. C'est tout à fait possible, mais comme je l'ai dit,
12 personne n'a fait ce qu'ils auraient dû faire s'ils avaient été au courant.
13 Q. A quelle distance vous trouviez-vous de la frontière au moment où vous
14 avez parlé à ces gens qui l'avaient traversée, cette frontière ?
15 R. C'était à la frontière même.
16 Q. Très bien. Qui avaient-ils rencontré, d'après vos observations, avant
17 que vous-même ayez eu la possibilité de leur poser des questions ?
18 R. Je ne pense pas qu'ils avaient eu la possibilité de voir qui que ce
19 soit parce qu'il y avait une queue très longue de personnes qui
20 attendaient, et je me trouvais littéralement à la frontière même et je les
21 voyais arriver. D'après ce dont je me souviens, ils n'ont parlé à personne
22 à part, bien sûr, les conversations qu'ils ont eues entre eux probablement.
23 Puis, une ONG les accueillait dès qu'ils traversaient la frontière, et on
24 leur donnait de l'eau et du pain.
25 Q. L'interprète qui était avec vous, cet interprète d'où venait-il ou
26 elle ? Comment vous êtes-vous retrouvé aux côtés de cet interprète ?
27 R. J'utilisais toujours les interprètes de l'OSCE.
28 Q. C'était quelqu'un qui travaillait pour l'OSCE, c'était un interprète
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1 officiel de l'OSCE pour l'albanais ?
2 R. Oui, c'est ce dont je me souviens.
3 Q. Très bien. Comment étaient les gens à qui vous avez adressé la parole,
4 les gens avec qui vous avez eu une conversation au travers de cet
5 interprète ? Comment choisissait-on ces gens ?
6 R. J'allais jusqu'à eux. Je leur disais bonjour et je leur parlais au fur
7 et à mesure de leur passage.
8 Q. Très bien.
9 R. Personne ne les a choisis pour moi.
10 Q. Très bien. Merci.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
12 Maître Bakrac.
13 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne serai
14 guère plus long que mon collègue Me Ackerman.
15 J'aimerais me fonder pour ma première question sur une question déjà posée
16 par Me Ackerman, précisément.
17 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :
18 Q. [interprétation] Vous souvenez-vous du poste-frontière où vous vous
19 trouviez ce jour-là, ce poste dont vous venez de parler avec Me Ackerman ?
20 R. Non, je ne me souviens plus de son nom, mais on pourra le savoir.
21 C'était dans la partie nord de l'Albanie. Je me suis rendu dans deux
22 postes-frontières; l'un en Macédoine, l'autre en Albanie. Mais je ne me
23 souviens plus du nom du poste-frontière. Cela doit être quelque part dans
24 les dossiers, dans les archives. Cela ne devrait pas être très difficile à
25 déterminer.
26 M. BAKRAC : [interprétation] Peut-être que ce n'est pas un véritable
27 problème pour moi, mais il me semble qu'il n'y a pas d'interprétation, et
28 je suppose que les accusés n'ont pas entendu l'interprétation de la réponse
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1 fournie par le témoin.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'y a pas d'interprétation ?
3 M. BAKRAC : [interprétation] Cela y est, maintenant nous entendons
4 l'interprétation. La réponse n'a pas été interprétée du tout et les accusés
5 ont réagi, d'ailleurs.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons entendre à nouveau la
7 réponse qui figure à la page 85, ligne 3 du transcript en B/C/S.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez que je réponde ?
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, pas du tout. Les interprètes vont
10 simplement réinterpréter ce qui figure au compte rendu en B/C/S, en tout
11 cas j'espère.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est fait, n'est-ce pas
13 ?
14 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, tout à fait. Maintenant, toute la réponse
15 a été interprétée.
16 Q. Est-ce qu'en ce jour-là, ce même jour, vous vous êtes rendu à deux
17 postes-frontières distincts, l'un en Albanie et l'autre en Macédoine ?
18 R. Non, c'est faux. Au cours de ce processus-là, je me suis rendu dans
19 deux postes-frontières, l'un à Macédoine et l'autre en Albanie, mais pas le
20 même jour, à deux reprises, tout à fait distincts. Si vous me le permettez,
21 j'ajouterais qu'il n'y avait qu'un passage vers l'Albanie. Il n'y en avait
22 qu'un poste-frontière qui avait été emprunté par les réfugiés pour passer
23 en Albanie, mais comme je l'ai dit, on pourrait très facilement retrouver
24 le nom de ce poste.
25 Q. Merci. Excellence, au cours de l'interrogatoire principal à la page 44,
26 les deux dernières lignes 24 et 25 et la page 45, tout en haut, M.
27 Marcussen vous a posé une question s'agissant du début mars, où vous étiez
28 au Kosovo dans la région de Podujevo. Vous avez remarqué la présence de
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1 davantage de soldats que ne le permettait l'accord. De quel accord s'agit-
2 il ? Le compte rendu n'est pas très clair.
3 R. Il y avait un accord, un accord qui avait été signé entre, - et là
4 encore si ma mémoire ne me trompe pas - entre l'OSCE et le gouvernement de
5 la Yougoslavie concernant le nombre de soldats susceptibles d'être postés
6 au Kosovo. L'une des tâches de la caserne consistait à vérifier que les
7 dispositions de l'accord étaient bien respectées conformément à cet accord
8 signé avec l'OSCE.
9 Nous avons entendu, ou en tout cas j'ai reçu des rapports émanant de
10 la caserne faisant état d'un nombre croissant de soldats, ce qui pouvait
11 constituer une violation de l'accord. C'est aussi l'une des questions que
12 j'ai évoquée avec M. Milosevic lorsque je lui ai parlé au téléphone le 24
13 mars parce qu'il y avait une forte présence militaire lorsque j'ai visité
14 le Kosovo au début du mois de mars.
15 Q. Monsieur Vollebaek, vous souvenez-vous du nombre de soldats prévus dans
16 cet accord ?
17 R. Non.
18 Q. Excellence, que répondriez-vous si je vous disais que cet accord ne
19 prévoyait pas un nombre précis de soldats ?
20 R. Je vous dirais qu'à mon avis vous avez tort, mais je n'ai pas l'accord
21 sous les yeux. Mais j'avais l'impression et je continue à avoir
22 l'impression qu'il y avait eu un nombre de soldats qui avaient fait l'objet
23 d'un accord.
24 Q. En avez-vous l'impression ou en êtes-vous certain ?
25 R. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, tout ceci s'est passé il y
26 a huit ans et beaucoup de choses se sont produites dans la vie par la
27 suite. Je dois bien reconnaître, en toute sincérité, en toute honnêteté,
28 que je n'ai pas le souvenir exact de cela, mais en tout cas c'est
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1 l'impression que j'ai eue à l'époque.
2 Q. Vous m'avez répondu que c'était votre impression à l'époque, et cela
3 suffira. Merci. Je vais passer à une autre question.
4 Savez-vous que les représentants de l'OSCE, au moment des pourparlers de
5 Rambouillet avec des membres de l'armée de Yougoslavie, et nous avons
6 entendu des témoignages à cet effet, ont estimé qu'il y avait moins de
7 soldats sur place pour protéger la frontière de l'Etat d'incursions de
8 terroristes de l'Albanie ? Le savez-vous ?
9 R. Excusez-moi, je ne pense pas avoir compris la question. Pourriez-vous
10 la répéter, s'il vous plaît ?
11 Q. Savez-vous que les représentants de l'OSCE avec les membres de l'armée
12 de Yougoslavie ont estimé qu'il y avait une pénurie de soldats, notamment
13 afin d'assurer la protection de la frontière nationale, à l'époque qui nous
14 concerne, c'est-à-dire au moment où ont eu lieu les pourparlers de
15 Rambouillet ?
16 R. Pas à mon souvenir, mais peut-être que nous parlons de deux choses
17 différentes. La protection de la frontière, c'est une chose, puis il y a la
18 présence au sein du Kosovo qui en est une autre.
19 Q. Puisque vous nous avez dit qu'il y avait eu des rapports, vous
20 souvenez-vous du nombre de soldats qui étaient déployés sur le terrain ?
21 Avez-vous vérifié les chiffres ? Est-ce que vos vérificateurs disposaient
22 de chiffres s'agissant des effectifs déployés sur place ?
23 R. Peut-être, et c'est peut-être dans le rapport de Vienne. Je n'ai pas
24 les chiffres ici avec moi.
25 Q. Si je vous disais, Excellence, que des représentants de l'OSCE sont
26 venus déposer ici et que dans leurs dépositions se trouvent certaines
27 affirmations selon lesquelles ils n'avaient pas connaissance de chiffres
28 tels que cela, que diriez-vous ?
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1 R. Je serais surpris.
2 Q. Merci, Excellence. J'aimerais maintenant passer à un autre sujet. Il
3 s'agit du compte rendu, page 45, lignes 14 à 21. Il est question de la
4 visite du secteur de Podujevo au début du mois de mars. Je lis le compte
5 rendu, mais je ne comprends pas très bien.
6 Vous dites que vous étiez né dans le pays et que vous savez faire la
7 différence entre une botte de foin qui brûle et une maison en flammes. J'ai
8 pourtant eu l'impression, d'après ce que vous avez dit dans le cadre de
9 votre déposition, que vous n'avez vu que de la fumée plutôt que ce qui
10 était en train de brûler, n'est-ce pas ?
11 R. Si mon souvenir est bon, nous avons vu de la fumée, mais c'était de la
12 fumée qui provenait de groupes de maisons, et nous avons vu beaucoup de
13 maisons calcinées, des maisons détruites. Si je me souviens bien, à
14 l'époque, j'étais tout à fait convaincu qu'il ne s'agissait pas de bottes
15 de foin en train de brûler. Je l'ai dit à M. Milosevic de manière tout à
16 fait tranchée et claire. Je n'avais aucun doute à ce moment-là.
17 Q. Mais, Excellence, vous ne connaissiez pas les propriétaires de ces
18 maisons, n'est-ce pas ?
19 R. Les propriétaires, non.
20 Q. A la lecture des rapports, et nous avons ici aussi la déposition d'un
21 témoin de la MVK, ce n'était pas un témoin protégé, je peux même vous dire
22 qui c'était, Ciaglinski, page du transcript 6 902, et je peux même vous
23 lire ce qu'il dit, et je m'excuse de mon mauvais anglais. Je vais lire la
24 question et la réponse en anglais.
25 "Savait également du fait des activités de l'UCK et le fait qu'ils aient
26 pris le contrôle de grandes portions de territoires, 36 villages
27 supplémentaires ont fait l'objet d'un nettoyage ciblant les Serbes et
28 d'autres non-Albanais alors que la mission se trouvait au Kosovo."
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1 La réponse de M. Ciaglinski est la suivante : "Je pense que ce type de
2 nettoyage avait lieu de la part de l'UCK, oui."
3 Ce dont il est question ici, ce sont 36 villages, précisément dans le
4 secteur de Podujevo, là où vous vous trouviez. Avez-vous eu vent de ce type
5 de rapport ?
6 R. Oui, effectivement, nous avons reçu plusieurs rapports de la MVK
7 également sur les activités de l'UCK ou en tout cas par des Albanais du
8 Kosovo. Je ne sais pas si nous savions qu'il s'agissait de l'UCK, activités
9 ou actions qui constituaient des violations. Bien entendu, nous avons
10 réservé à ces actions-là le même traitement que nous avons réservé aux
11 autres. Au cours de cette visite, la MVK m'a dit, puisqu'elle le savait
12 sans doute, quel village était quoi et quel village je pouvais visiter.
13 J'ai vu que les villages qui avaient été détruits étaient les villages
14 albanais du Kosovo.
15 Q. Là encore, c'est une hypothèse, n'est-ce pas ?
16 R. Un peu plus qu'une hypothèse, parce que nous avions des rapports
17 d'assez bonne qualité précisant où vivait telle ou telle personne et qui
18 faisait quoi à qui. Au risque de me répéter, nous étions au courant
19 d'actions très graves d'Albanais du Kosovo qui ont fait l'objet d'objection
20 et de protestation de notre part, mais à cette occasion-là, il ne faisait
21 aucun doute que ces actes avaient été commis par des Serbes.
22 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres
23 questions à poser à ce témoin, Merci beaucoup.
24 Q. Merci, Excellence, d'avoir répondu à mes questions.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Bakrac.
26 Maître Ivetic.
27 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser à ce témoin,
28 Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, des questions
2 supplémentaires ?
3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je n'ai
4 pas de questions supplémentaires à poser au témoin.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci met un terme à votre déposition
7 devant le Tribunal, du moins devant cette Chambre de première instance. Je
8 ne sais pas si vous serez rappelé plus tard. Je vous remercie une fois de
9 plus d'être venu témoigner ici. Vous pouvez disposer.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 [Le témoin se retire]
12 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devons maintenant traiter de la
14 question des mesures de protection qui seront octroyées au témoin suivant,
15 le témoin K79.
16 Il vaudra sans doute mieux faire cela à huis clos partiel.
17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce serait sans doute le mieux. Les
18 écritures portant sur cette question ont été déposées à titre confidentiel,
19 et je pense que nous devons continuer sur cette voie.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos
21 partiel.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
23 [Audience à huis clos partiel]
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8 [Audience publique]
9 M. IVETIC : [interprétation] Nous avons dit que nous allons demander que le
10 bureau du Procureur ne soit pas permis de présenter les dépositions du
11 témoin à venir puisque cela va au-delà de l'acte d'accusation. Si vous
12 souhaitez, nous pouvons vous présenter des arguments oralement au sujet de
13 cela.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quoi il s'agit ?
15 M. IVETIC : [interprétation] Tout d'abord, il y a deux types d'informations
16 au moins qui se trouvent dans la déclaration du témoin qui sont
17 complètement en dehors de la période couverte par l'acte d'accusation. Il y
18 a des documents de 1998. Nous les avons répertoriés tous, et aucun des
19 événements de 1999 n'est lié aux actes d'accusation.
20 Il y a un certain nombre d'arguments que nous avons présentés par
21 rapport au Témoin 483, qui a été exclu, qui sont pertinents aussi pour ce
22 témoin, parce que le Procureur prend quelqu'un qui n'est pas pertinent pour
23 l'acte d'accusation et il essaie de le présenter en ayant pour but que les
24 Juges de la Chambre tirent des conclusions au sujet de la conduite alléguée
25 qui est pertinente par rapport à l'acte d'accusation. Pour nous, de telles
26 conclusions ne seront pas appropriées.
27 Le fait que ce témoin n'était pas sur la liste du mémoire préalable
28 au procès et des documents qui sont à l'appui de cette accusation et que
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1 l'acte d'accusation n'a pas été modifié pour inclure toutes les allégations
2 qui sont formulées par ce témoin nous met dans la situation carrément
3 identique à la situation dans laquelle nous étions avec le Témoin K83, où
4 nous avons eu beaucoup d'éléments, mais rien n'était lié de façon
5 spécifique ou générique avec l'acte d'accusation. C'est pour cela que nous
6 souhaitons que ceci soit enlevé de sa déposition.
7 Nous ne savons pas ce qui va rester avec ce témoin, si quoi que ce
8 soit va rester une fois qu'on allait enlever cela, mais nous avons besoin
9 d'avoir une décision claire, puisque ceci qui ne figure pas dans l'acte
10 d'accusation, nous n'avons pas à répondre à de telles allégations, puisque
11 les accusés n'ont pas été prévenus de cela.
12 Si vous souhaitez des détails, je peux faire une requête par écrit,
13 mais c'est la situation dans laquelle nous sommes.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous pourriez ajouter
15 dans cette éventuelle requête écrite ?
16 M. IVETIC : [interprétation] Je pourrais identifier les paragraphes --
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Trouver ce qui n'est pas là ?
18 M. IVETIC : [interprétation] Oui, ce qui n'est pas là. Je n'ai pas trouvé
19 un seul paragraphe qui figure dans l'acte d'accusation, mais je pourrais au
20 moins essayer de les classer par catégorie, les séparer, donc séparer ceux
21 de 1998 par rapport aux autres, et cetera.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vos collègues sont d'accord
23 avec vous ?
24 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas eu la possibilité d'en parler avec
25 eux, donc je ne le sais pas.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Je pense que de toute
27 façon, la position d'un conseil suffit.
28 Monsieur Ackerman.
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1 M. ACKERMAN : [interprétation] Par rapport au dernier commentaire que vous
2 avez fait, ce témoin parle essentiellement des activités de police, et pour
3 nous il n'y a aucun intérêt à soulever une objection.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Mais si cela va au-delà de la portée de
6 l'acte d'accusation, je suis tout à fait d'accord.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
8 Monsieur Marcussen.
9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que je m'adresse
10 à ce sujet aux Juges de la Chambre ou est-ce que j'ai besoin de vous
11 présenter une requête par écrit ?
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez nous dire ce que vous avez
13 à dire à ce sujet.
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce témoin est clairement pertinent en
15 l'espèce même si mon collègue est tout à fait dans son droit pour dire
16 qu'il ne va pas parler de façon précise des événements qui figurent dans
17 l'acte d'accusation. Il a été mentionné qu'on n'a pas mentionné ce témoin
18 dans le mémoire préalable au procès, et cela aussi est exact, mais ce
19 témoin a uniquement donné sa déclaration au bureau du Procureur après que
20 le mémoire préalable au procès a été présenté ou à peu près à ce moment-là.
21 C'est pour cela qu'il n'y a pas de référence à ce témoin dans le mémoire
22 préalable au procès.
23 Le témoin a été ajouté à la liste des témoins juste avant le début du
24 procès. Sa déclaration a été communiquée à la Défense le 31 juillet. Il est
25 clair, depuis un moment, que ce témoin qui est pertinent pour nous allait
26 témoigner. C'est dommage que nous recevions ces objections au moment où le
27 témoin est déjà ici.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, à votre avis, cette objection
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1 aurait dû être formulée quand ?
2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Au moment où le témoin a été ajouté sur la
3 liste des témoins ou avant que nous avons dit que ce témoin allait venir,
4 et c'était il y a un mois. Nous donnons des notifications de façon
5 hebdomadaire par rapport aux témoins que nous souhaitons présenter.
6 Quand des choses comme cela se présentent au dernier moment, cela
7 veut dire que nous faisons venir le témoin, un témoin sensible de plus et
8 qui a été exposé à des dangers, a connu des dangers en venant ici pour
9 déposer, et c'est juste au dernier moment que nous recevons ces objections.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a un autre mécanisme
11 pour traiter de cela ? Je ne suis pas sûr qu'il y en a un.
12 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] En tout cas, en ce qui concerne la
14 pertinence de sa déposition, une des questions qui va être soulevée, c'est
15 la question de savoir de quelle façon les opérations étaient menées au
16 Kosovo pendant la période de l'acte d'accusation. Comme il a été clairement
17 indiqué dans notre mémoire préalable au procès, le Procureur considère
18 qu'il existait un modèle qui a été créé en 1998, des opérations appelées
19 antiterroristes au Kosovo. Mais ceci comprenait une utilisation extensive
20 de la force. Nous avons reçu des dépositions concernant la planification de
21 ces opérations.
22 Ce témoin nous apporte des informations venant du terrain concernant la
23 façon dont ces opérations ont été exécutées. Le témoin a parlé des crimes
24 qui ont été commis au mois de septembre, au cours de la grande opération
25 qui a eu lieu au mois de septembre 1998. Nous avons mentionné cette
26 opération dans notre mémoire préalable au procès. Le témoin aura aussi à
27 déposer au sujet de la police, de la façon dont opéraient les unités
28 spéciales de la police de concert avec les membres de l'armée, à l'armée
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1 yougoslave à laquelle ils étaient attachés et par rapport à la compagnie
2 dont ils faisaient partie.
3 Ils ont reçu des chars et des Pragas qu'ils utilisaient pendant les
4 opérations, donc cette déposition concernant l'année 1998 est cruciale pour
5 évaluer la nature des opérations qui ont eu lieu en 1998, même de façon
6 similaire en 1999, d'après l'avis du Procureur. Le témoin peut aussi nous
7 raconter de quelle façon les troupes spéciales de la police ont été
8 organisées. Il va mentionner le nom d'un certain nombre de gens qui
9 faisaient partie des PJP. Il va aussi parler de leurs chiffres radio, ce
10 qui est des noms de code, ce qui est pertinent surtout quand il s'agit
11 d'évaluer la façon dont les PJP ont participé aux événements qui ont lieu à
12 Suva Reka les 25 et 26 mars 1999. C'est quelque chose qui est couvert par
13 l'acte d'accusation.
14 Puis aussi, il va parler des crimes qui ont été commis à 1999 de façon
15 assez précise, même si cela n'est pas directement lié avec nos sites où les
16 crimes ont été commis. Nous considérons que cette déposition est pertinente
17 pour évaluer la façon dont les opérations étaient menées à bien. Le témoin
18 va dire qu'il a reçu l'ordre d'expulser les Albanais du Kosovo, par
19 exemple, de leurs maisons, puis de leur dire de quitter le pays. Nous
20 considérons que ceci démontre bien qu'il existait un modèle de conduite, et
21 c'est particulièrement pertinent quand il s'agit d'évaluer les éléments
22 présentés en l'espèce et le niveau de préparation pour toutes ces
23 opérations qui ont eu lieu.
24 Le témoin a dit qu'avant les opérations, il a participé au mois de
25 septembre 1998, que son unité a reçu les ordres d'officiers qui étaient
26 avec Lukic à Pristina, il savait que son officier supérieur allait revenir
27 dans l'unité et lancer toutes ces opérations. Tout cela est extrêmement
28 pertinent.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.
2 M. ACKERMAN : [interprétation] Si ce que dit M. Marcussen est correct, nous
3 avons un nouveau problème, et c'est le problème de ne pas avoir été
4 avertis, puisque nous n'avons pas été informés du fait que ce témoin allait
5 dire quoi que ce soit au sujet des opérations conjointes qu'il y a eu lieu
6 avec l'armée yougoslave.
7 Si le Procureur a ce type d'informations, il aurait dû nous les donner et
8 il ne l'a pas fait. Je n'ai pas été au courant de cela, ce n'est absolument
9 pas juste. Peut-être qu'il s'est trompé, peut-être que ce n'est pas cela
10 que le témoin va dire, mais si c'est le cas nous aurions dû en être
11 avertis.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen.
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] La portée de sa déposition a été
14 communiquée entièrement à la Défense, ils ont été prévenus de cela. La
15 Défense avait pris très longtemps cette déclaration, à savoir depuis le 31
16 juillet de l'année dernière. C'est vrai que ce résumé en vertu de l'article
17 65 ter a été très bref, et c'était pour protéger le témoin, mais c'est
18 assez clair à partir du paragraphe 12 de la déclaration que l'unité du
19 témoin a mené des opérations de façon conjointe avec les unités de l'armée.
20 Il n'y a pas de surprise là-dedans. Quand nous avons dit que nous allions
21 présenter ce témoin la semaine dernière, nous avons dit de façon claire que
22 nous allions lui poser des questions par rapport à chaque paragraphe, à
23 chaque information figurant dans la déclaration préalable du témoin.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
25 Nous allons réfléchir à cela et décider de cela cet après-midi si
26 possible. Cette décision peut-être attendra demain matin, mais si possible,
27 dans la mesure du possible, nous allons prendre notre décision cet après-
28 midi et nous allons vous communiquer la décision demain, donc vous devez
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1 être préparés, prêts à toute éventualité demain. Nous levons la séance
2 jusqu'à demain, 9 heures.
3 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 1er février
4 2007, à 9 heures 00.
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