Page 10095
1 Le lundi 19 février 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
6 Avant d'entendre les témoins de ce jour, j'aimerais que nous passions
7 rapidement à huis clos partiel pour évoquer une question précise.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
9 [Audience à huis clos partiel]
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 [Audience publique]
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin que nous devons entendre ce
27 matin, le Dr Baccard, est un témoin dont l'annonce de l'audition a entraîné
28 le dépôt par le conseil de Me Lukic d'une requête aux fins d'exclusion des
Page 10096
1 éléments de preuve fournis par ce témoin de son rapport et de sa
2 déposition, parce que cela sort du cadre couvert par l'acte d'accusation.
3 Il y a quatre éléments qui sont évoqués dans cette requête. L'Accusation a
4 eu la possibilité de répondre avant ce matin et elle a décidé de ne pas
5 répondre.
6 Ceci ne met pas forcément un terme à cette question, Monsieur Stamp. Est-ce
7 que vous souhaiteriez répondre à cette requête selon laquelle quatre des
8 domaines abordés par le Dr Baccard ne correspondent pas à l'acte
9 d'accusation ?
10 M. STAMP : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à la requête.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On arrive bien à déterminer de quel
12 document il s'agit. C'est un peu plus difficile pour ce qui est du
13 témoignage même du témoin. Ce que je propose que nous fassions dans les
14 jours à venir, c'est de déterminer les passages concernés.
15 Ceci peut se faire à l'amiable. Vous pourriez trouver ces passages et
16 nous indiquer à quel document cela fait référence, mais cela nous semble
17 assez facile finalement, la question des documents, n'est-ce pas ?
18 Maître Ivetic.
19 M. IVETIC : [interprétation] Oui, effectivement. Mais j'ai malheureusement
20 autre chose à dire. En examinant les documents joints, j'ai remarqué que la
21 pièce P206 évoquait quatre sites supplémentaires qui ont fait l'objet d'un
22 examen médico-légal. Il s'agit de Brusnik, Nevoljane, Skenderaj et
23 Mitrovica Sovido. Cela ne figurait pas dans ma requête mais ce sont
24 également des sites qui ne sont pas mentionnés dans l'acte d'accusation et
25 qui ne font l'objet d'aucune déclaration de témoin.
26 Je voudrais simplement signaler à l'Accusation que j'estime qu'il faut
27 également exclure ces sites-là. Pour l'instant, j'ai réussi à déterminer de
28 quels documents précis il s'agissait. Je pense que M. Stamp et moi-même,
Page 10097
1 nous pouvons en arriver à nous mettre d'accord sur les parties du
2 témoignage qui porte sur cette question. Cela permettrait même d'éviter
3 d'aborder ces points-là pendant l'interrogatoire principal et pendant le
4 contre-interrogatoire. Je pense que c'est tout à fait faisable. Je vais
5 m'interrompre ici parce qu'il y a encore deux autres éléments que je
6 souhaite évoquer.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que votre requête écrite
8 délimite la totalité de votre objection.
9 M. IVETIC : [interprétation] Oui, avant que je ne consulte mes collègues et
10 que j'examine les documents qui ont été utilisés pour préparer le rapport.
11 J'ai un certain nombre d'objections techniques. Je pourrais les évoquer
12 maintenant.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On va d'abord évoquer ce que vous avez
14 mentionné en premier lieu.
15 Il semble, Monsieur Stamp, que l'on vous signale qu'il y a une partie
16 du document P206 qui traite de quatre autres sites qui ne figurent pas dans
17 l'acte d'accusation.
18 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre tout
20 de suite à cette question, Monsieur Stamp ?
21 M. STAMP : [interprétation] Nous n'allons pas nous appuyer sur ces éléments
22 de preuve parce que certaines équipes médico-légales se sont rendues sur de
23 nombreux sites et ont préparé des rapports pour chacun de ces sites. Nous
24 n'allons pas les évoquer nous-mêmes pendant l'audition du témoin.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 Maître Ivetic, autre chose.
27 M. IVETIC : [interprétation] Premièrement, il y a certaines parties des
28 pièces P206, P207 et P208, je pourrais même vous dire précisément de quoi
Page 10098
1 il s'agit. Cela a trait au début de chacun des documents consacrés à ces
2 sites. Une partie du texte qui s'intitule "Faits", et c'est une version des
3 événements tels qu'ils sont présentés par les enquêteurs du bureau du
4 Procureur aux équipes médico-légales qui ont travaillé sur place. Selon moi
5 et selon au moins un de mes confrères avec qui j'ai évoqué la chose d'une
6 manière détaillée, nous estimons qu'il n'est pas correct d'utiliser
7 l'article 94 bis du Règlement de la sorte en faisant paraître les
8 déclarations d'un enquêteur du bureau du Procureur de manière écrite, en
9 expliquant pourquoi ce sont les raisons pour lesquelles on a dû mener à
10 bien des examens médico-légaux sur place. Nous estimons qu'il n'est pas
11 souhaitable que ceci soit représenté par écrit de cette manière. On ne sait
12 pas sur quoi s'appuient les enquêteurs du bureau du Procureur pour faire
13 ces affirmations. Nous pouvons partir du principe que cela repose sur des
14 déclarations de témoin que nous avons entendues, mais peut-être aussi des
15 témoins que nous n'avons pas entendus.
16 Si bien que tout ce qui est dans les rapports médico-légaux et qui
17 fait référence à des faits devrait être exclus. Ce sont des faits que les
18 enquêteurs du bureau du Procureur présentent aux équipes médico-légales
19 sans qu'il y ait eu vérification auparavant.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un exemple, s'il vous plaît.
21 M. IVETIC : [interprétation] Oui, par exemple, dans la pièce 206 avec le
22 site Izbica, à la page 5. Dans le premier paragraphe on peut lire :
23 "D'après les informations qui ont été fournies par les enquêteurs du TPIY,
24 le 27 mars 1999, les forces de la Republika Srpska et de la République
25 fédérale de la Yougoslavie ont attaqué le village d'Izbica. Ils ont
26 rassemblé environ 150 personnes qu'elles ont abattues sur trois sites
27 autour du village. Les forces serbes ont exhumé les corps qu'elles avaient
28 préalablement enterrés pour les amener dans un autre endroit."
Page 10099
1 C'est la première partie de la pièce P206, il s'agit d'une affirmation
2 faite par un enquêteur du bureau du Procureur. Quand on lit le rapport, il
3 y a des parties de ce rapport qui ne confirment pas le nombre de personnes
4 concernées parce que cette première partie du rapport ne repose sur aucun
5 examen médico-légal. On se contente simplement de répéter ce qu'a dit
6 l'enquêteur du bureau du Procureur.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
8 Monsieur Stamp, on nous dit que nous avons eu au début de certains rapports
9 médico-légaux un paragraphe qui reprend des informations fournies par les
10 enquêteurs du TPIY. C'est une sorte d'information de contexte qui est
11 présentée par voie d'introduction au reste du document. Est-ce qu'on peut
12 considérer qu'il s'agit de quelque chose qui n'est pas souhaitable ?
13 M. STAMP : [interprétation] Il est habituel que les légistes, les
14 pathologistes, et cetera reçoivent des informations sur le contexte dans
15 lequel ils vont intervenir.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense, Maître Ivetic, que vous
17 pouvez partir du principe que la Chambre de première instance est capable
18 de faire la différence entre ces passages-là et de ce qu'aurait encore
19 avoir entendu dire le légiste, et qui aurait pu l'amener à identifier tel
20 ou tel corps en examinant certains documents, et cetera. Lorsqu'il s'agit
21 manifestement d'informations fournies par l'enquêteur pour donner le
22 contexte, on va traiter ce passage en tant que tel. Cela ne sera pas
23 considéré comme des éléments de preuve à proprement parler.
24 Pour éviter toute incertitude, nous allons ordonner à l'Accusation et
25 l'équipe Lukic, ce jusqu'à mercredi soir au plus tard, de nous fournir un
26 document dans lequel ils se seront mis d'accord sur les passages du compte
27 rendu d'audience de la déposition du Dr Baccard dans une affaire précédente
28 et qui sont concernés par l'objection que nous évoquons ainsi que tous
Page 10100
1 documents et extraits du compte rendu d'audience dans la Chambre ne devrait
2 obtenir aucun compte.
3 Est-ce qu'on a ainsi résolu la question ?
4 M. IVETIC : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir au sujet de
5 la pièce P210, c'est un petit peu différent.
6 Il s'agit d'un rapport de balistique où il est question d'une grande
7 diversité d'armes. On nous fournit des informations techniques au sujet des
8 armes concernées. Tout au long de ce rapport, on voit des implications
9 surgir, nous indiquant par exemple, "qu'il s'agit d'une arme qui n'est pas
10 utilisée par des unités régulières; cependant, vu le nombre important
11 d'armes de ce type en circulation, il est possible de les utiliser pour
12 armer des unités paramilitaires, et ceci dans un laps de temps très court.
13 Il est très probable que cette arme a été utilisée sur le théâtre des
14 opérations."
15 Premièrement, le Dr Baccard intervient ici en tant qu'expert, mais dans un
16 domaine très précis. Or, ce rapport balistique dépasse son domaine
17 d'expertise. De plus, il n'y a aucune indication médico-légale que ces
18 armes aient été utilisées. Pourtant, on nous parle ici dans ce rapport de
19 toutes sortes d'armes et on part du principe qu'elles ont été utilisées par
20 des forces paramilitaires ou par d'autres Serbes. Manifestement, ceci n'est
21 pas mentionné par le Dr Baccard dans son rapport de synthèse. Mais c'est
22 cependant une pièce à conviction assez volumineuse qui nous est soumise par
23 le bureau du Procureur, qui n'a pas été établi, ce rapport, par le Dr
24 Baccard. C'est un certain Franck Pages qui en est l'auteur. Si bien que
25 moi-même ainsi que certains autres membres des équipes de la Défense
26 estimons que cette pièce ne devrait pas être versée par le truchement du Dr
27 Baccard, parce que je ne pense pas que le Dr Baccard soit en mesure de
28 répondre ou d'évoquer les informations qui figurent dans ce rapport et les
Page 10101
1 sources des affirmations qui sont présentées dans ce rapport.
2 Je ne sais pas si l'Accusation a l'intention de s'appuyer véritablement sur
3 ce document, mais en tout cas il figure dans la liste 65 ter des pièces
4 qu'ils ont l'intention de présenter par l'intermédiaire de ce témoin. Voilà
5 la dernière question préliminaire que je souhaitais évoquer.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Ivetic.
7 Monsieur Stamp, quelle est votre position sur ce document ?
8 M. STAMP : [interprétation] L'Accusation a l'intention de s'appuyer sur
9 cette pièce à conviction. Certaines des conclusions du Dr Baccard et sa
10 confirmation des conclusions des experts français s'appuient sur des
11 éléments qui figurent dans cette pièce. Il n'est pas inhabituel; il n'est
12 même pas approprié ou justifié qu'un médecin légiste obtienne des
13 informations de la part d'autres spécialistes, par exemple des spécialistes
14 de la balistique, pour évaluer les éléments de preuve ou les éléments qui
15 lui sont soumis.
16 Si vous examinez le curriculum vitae du Dr Baccard, vous verrez qu'un de
17 ses domaines de spécialité c'est la balistique lésionnelle, c'est-à-dire
18 qu'il s'agit de l'examen d'une blessure pour déterminer par quel type de
19 projectile elle a été causée. Il est tout à fait justifié que ce médecin
20 légiste examine un rapport de balistique pour voir si cela peut permettre
21 de confirmer ou non les rapports médico-légaux qu'il a été amené à évaluer.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agira peut-être d'une question
23 qu'il faudra aborder le moment venu. Il est possible que le Dr Baccard y
24 fasse référence dans ses propres conclusions, mais il faudra faire voir si
25 le rapport initial a été préparé et présenté de la manière appropriée. Nous
26 verrons ce qu'il en est le moment venu, Me Ivetic nous le signalera et nous
27 réserverons notre position sans doute jusqu'à la fin du contre-
28 interrogatoire pour voir dans quelle mesure ce document peut nous permettre
Page 10102
1 d'évaluer la déposition du Dr Baccard.
2 Je crois que nous en avons terminé. Maintenant, faisons entrer le témoin.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En quelle langue avez-vous l'intention
7 de parler dans votre déposition ?
8 LE TÉMOIN : J'ai demandé à parler ma langue maternelle, c'est-à-dire le
9 français.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez, je vous prie, prononcer la
11 déclaration solennelle par laquelle vous vous engagez à dire la vérité.
12 Veuillez lire le petit carton qui vous est présenté.
13 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la
14 vérité et rien que la vérité.
15 LE TÉMOIN: ERIC BACCARD [Assermenté]
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
17 LE TÉMOIN : Merci, Votre Honneur.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.
19 Interrogatoire principal par M. Stamp :
20 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Pouvez-vous premièrement
21 nous indiquer votre nom et votre profession actuelle ?
22 R. Je m'appelle Eric Baccard. J'exerce actuellement les fonctions de
23 coordinateur des activités médico-légales et criminalistiques au bureau du
24 Procureur de la Cour pénale internationale.
25 Q. De profession, pouvez-vous nous dire quelle est votre profession ?
26 R. Ma profession initiale est médecin légiste, "Forensic
27 pathologist."
28 Q. Le 31 janvier 2002, où étiez-vous employé et à quel titre ?
Page 10103
1 R. Le 31 janvier 2002, je ne saurais le dire avec certitude, mais il me
2 semble que je devais être sous contrat en tant que médecin légiste chef du
3 bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
4 Q. A ce titre, est-ce que vous avez préparé un rapport ?
5 R. Oui, c'est exact. J'ai préparé un rapport. Oui, c'est exact. J'ai
6 préparé un rapport, mais cette préparation s'est déroulée sur plusieurs
7 mois. Je pense entre six et sept mois depuis 2001 jusqu'au dépôt du rapport
8 en 2002.
9 Q. Ceci, c'était le 31 janvier 2002, la date du dépôt ?
10 R. C'est exact.
11 Q. De quoi traitait ce rapport ? Sur quoi porte-t-il ?
12 R. Ce rapport portait sur les opérations d'expertise incluant les examens
13 de levée de corps, les autopsies et des examens de scènes de crime
14 effectués par plusieurs équipes médico-légales qui ont travaillé au Kosovo
15 en 1999.
16 M. STAMP : [interprétation] Le rapport en question est la pièce P1809.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce document sera versé au dossier,
18 Monsieur Stamp, sous réserve de l'exclusion de ce rapport de certains
19 passages sur lesquels vous-même et Me Ivetic allez vous mettre d'accord
20 d'ici mercredi soir puisque ce sont des passages qui ne concernaient pas
21 l'affaire ici présente.
22 M. STAMP : [interprétation] Merci.
23 Passons immédiatement à la page 81 ou 82 -- 81 du rapport.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que le rapport se voit
25 attribuer une cote aux fins d'identification avant son dépôt définitif, une
26 fois qu'on aura décidé quels passages doivent être exclus.
27 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait.
28 Q. Pages 80 à 81 du rapport. Il s'agit là, Monsieur, de votre curriculum
Page 10104
1 vitae.
2 Je vois ici que vous avez plusieurs spécialisations en médecine médico-
3 légale, psychiatrique, toxicologie, et cetera. Je vois également que vous
4 avez au moins deux diplômes en balistique lésionnelle.
5 R. Un seul diplôme de balistique lésionnelle, ce sont des études que j'ai
6 suivies à la faculté de Marseille. J'ai également un diplôme de
7 criminalistique ou de police scientifique que j'ai suivi à la faculté de
8 Paris.
9 Q. Oui, je m'excuse. Effectivement, vous avez un diplôme en
10 balistique lésionnelle, et vous êtes également expert auprès de la cour
11 d'appel. Il y a également un diplôme que vous avez en anthropologie médico-
12 légale, n'est-ce pas ?
13 R. Je suis expert auprès la cour d'appel de Grenoble, oui. Je suis surtout
14 expert national agréé par la cour de cassation, qui est la cour suprême
15 française. En ce qui concerne l'anthropologie médico-légale, j'ai subi une
16 formation mais je n'ai pas de diplôme d'anthropologie médico-légale.
17 Q. Vous êtes également président de la Société française de
18 balistique lésionnelle ?
19 R. J'étais président, puisque ce rapport date de quelques années.
20 Q. Est-ce que vous avez déposé sur ce qui figure dans votre rapport dans
21 l'affaire Slobodan Milosevic le 21 mai 2002 ? Est-ce qu'au cours de cette
22 déposition vous avez précisé un certain nombre de points qui figurent dans
23 le rapport ?
24 R. Monsieur le Procureur, j'ai déposé deux jours en mai 2002. J'ai
25 également déposé une journée ultérieurement. Je ne me souviens plus si
26 c'était en juin ou juillet 2002, sur un autre site.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, un instant.
28 Docteur Baccard, on nous a remis le rapport que vous avez préparé qui
Page 10105
1 portait sur les expertises réalisées en 1999. Or, on vient de faire
2 référence à ce curriculum vitae qui figure dans le rapport. Il y a beaucoup
3 de choses qui ont changé depuis. Nous savons que vous occupez le même poste
4 maintenant, mais à la Cour pénale internationale. Nous aimerions avoir une
5 nouvelle version, une version mise à jour de votre CV. Nous allons avoir
6 une pause un peu plus tard, une pause d'environ une demi-heure, et au lieu
7 d'essayer de vous demander de vous souvenir de tout ce qui s'est passé
8 d'important depuis votre déposition dans l'affaire Milosevic, il serait
9 utile que pendant cette pause vous preniez cinq minutes pour pouvoir, après
10 la pause, nous donner une mise à jour quant à ce qui s'est passé depuis
11 l'établissement de ce rapport.
12 M. STAMP : [interprétation] En fait, ce nouveau CV existe. Je ne pensais
13 pas qu'il y avait de différences avec celui qui figure dans le rapport, à
14 l'exception du poste qu'occupe maintenant notre témoin à la CPI. Mais nous
15 avons un exemplaire de ce CV.
16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
17 M. STAMP : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait le télécharger.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je peux voir votre
19 exemplaire, s'il vous plaît ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Votre Honneur. Le seul événement
21 depuis la rédaction du CV antérieur est représenté par ma prise de fonction
22 à la Cour pénale internationale en octobre 2004.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En 2002, lorsque vous avez terminé ce
24 rapport et que vous avez déposé, étiez-vous employé à plein temps dans le
25 bureau du Procureur ici ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais employé, Votre Honneur, à temps plein.
27 J'ai travaillé sous forme de contrat à durée déterminée. A de très
28 nombreuses reprises et après 2002, j'ai continué à travailler comme
Page 10106
1 consultant médico-légal pour le bureau du Procureur, toujours sous forme de
2 contrat, pour superviser des autopsies faites en Macédoine ou en Croatie.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un peu plus tôt ce matin, on vous a
4 demandé quelle était la fonction que vous occupiez. Vous avez dit que vous
5 étiez pathologiste en chef -- ou pardonnez-moi, plutôt le coordonnateur
6 auprès de la CPI pour toutes les activités médico-légales et criminelles.
7 Ma question est celle-ci : est-ce que le rôle que vous jouez à la CPI est
8 le même que celui que vous avez joué ici ? Autrement dit, est-ce que vous
9 étiez un consultant ? Est-ce que vous travaillez à plein temps pour la
10 CPI ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Votre Honneur, je travaille actuellement à
12 temps plein depuis octobre 2004 au sein du bureau du Procureur de la Cour
13 pénale internationale. Mon activité déborde le cadre purement médico-légal
14 et criminalistique puisque je m'occupe également de superviser les
15 activités des systèmes géographiques et d'imageries satellites.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Entre le 31 janvier 2002 et le mois
17 d'octobre 2004, y a-t-il eu d'autres évolutions de taille dans votre
18 carrière qui devraient être portées à notre connaissance ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Hormis le fait d'avoir travaillé pour le
20 bureau du Procureur du TPIY à plusieurs reprises, j'ai repris des activités
21 d'expert en France et travaillé pour différentes juridictions françaises
22 qu'il s'agisse de juridictions civiles ou de juridictions pénales.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je constate que vous avez été
24 consultant pour l'Institut médico-légal pour la période qui vient d'être
25 évoquée; c'est exact ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, oui.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, je crois que ceci
28 pourrait être téléchargé dans notre système.
Page 10107
1 Veuillez, s'il vous plaît, nous donner la cote. Ceci nous permet
2 évidemment d'avoir une connaissance un peu plus approfondie de l'expérience
3 du Dr Baccard. Veuillez poursuivre.
4 M. STAMP : [interprétation]
5 Q. Vous avez indiqué que vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic à
6 deux reprises - puis-je vous rappeler les dates, s'il vous plaît - la
7 première fois c'était le 21 mai 2002, et la fois d'après, c'était le 15
8 juillet 2002.
9 R. En ce qui concerne le premier témoignage, si mes souvenirs sont exacts,
10 il s'est déroulé sur deux jours. Cela doit être le 21 et le 22 mai 2002.
11 Q. A la première date de votre déposition, vous avez témoigné à propos de
12 ce que contient votre rapport du 31 janvier 2002; c'est exact ?
13 R. C'est exact, Monsieur le Procureur.
14 Q. Avez-vous préparé un autre rapport ?
15 R. C'est exact, Monsieur le Procureur. Le bureau du Procureur-- je pense
16 qu'il s'agit de M. Dirk Ryneveld - m'a soumis le 22 mai 2002 des documents
17 qui consistaient en un rapport effectué par les médecins légistes français
18 concernant un autre site qui n'avait pas été porté à ma connaissance pour
19 la préparation du premier rapport. Cet autre site a fait l'objet d'un
20 addendum à mon rapport.
21 Il s'agissait d'un rapport d'autopsie effectué par le Pr Lecomte et le Dr
22 Vorhauer, ainsi qu'un rapport d'examens de scène de crimes. Il s'agissait
23 du site de Cirez qui avait été investigué les 2 et 3 juillet 1999 par
24 l'équipe française.
25 Q. Votre rapport est daté du 22 mai ?
26 R. Le 23 mai. D'après la copie que j'ai, il s'agit du 23 mai 2002.
27 M. STAMP : [interprétation] Messieurs les Juges, le rapport en annexe a
28 déjà une cote qui est le numéro P384.
Page 10108
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 10109
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le compte rendu ?
2 M. STAMP : [interprétation] Le compte rendu pour le 21 et le 22 mai, c'est
3 la pièce P2747. Je crois que ceci va être téléchargé dans le système
4 électronique du prétoire dans quelques instants, pour les 21 et 22 mai
5 ainsi que le 15 juillet. C'est la pièce P2747.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. STAMP : [interprétation] Je suppose que l'ordre ici ne porte pas sur la
8 déposition du témoin aujourd'hui.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le compte rendu aura une cote
10 provisoire de même que le rapport d'origine. Le rapport complémentaire peut
11 néanmoins être admis.
12 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 Q. Est-ce que nous pourrions maintenant nous reporter à votre premier
14 rapport. On constate d'après ce rapport que celui-ci analyse un certain
15 nombre de rapports préparés par d'autres médecins légistes au Kosovo en
16 1999. C'est simplement pour précision. Avez-vous participé à ces enquêtes
17 sur le terrain au Kosovo en 1999 ?
18 R. Ma réponse est négative, Monsieur le Procureur. En 1999, j'ai travaillé
19 pour le TPIY, mais en Bosnie et en Croatie.
20 Q. On constate d'après votre rapport que ces enquêtes sur le terrain ont
21 été effectuées par un certain nombre d'équipes internationales. La
22 méthodologie utilisée par ces équipes étaient-elles les mêmes et
23 incohérentes ou est-ce qu'elles étaient différentes par moment ?
24 R. C'était le but de la mission qui m'avait été confiée par M. Dirk
25 Ryneveld. Il s'agissait d'analyser les protocoles, les procédures, les
26 méthodologies observées par ces différentes équipes sur le terrain, et
27 effectivement certaines d'entre elles pouvaient différer les unes des
28 autres. La conclusion générale était que ces différences ne remettaient pas
Page 10110
1 en cause les conclusions qui figuraient à l'issue de ces rapports.
2 Q. Avant d'évoquer ceci, avez-vous également examiner et vérifier les
3 qualifications professionnelles des experts en question, ceux qui ont
4 préparé ces rapports sur le terrain au Kosovo ?
5 R. Monsieur le Procureur, systématiquement, les qualifications de ces
6 collègues ont été vérifiées. Si vous souhaitez me voir développer ce point,
7 je peux dire que ces équipes étaient composées de confrères médecins
8 légistes qui avaient dans leurs pays la direction d'un institut médico-
9 légal, qui avaient une notoriété nationale et internationale, qui étaient
10 des auteurs de publications scientifiques, qui étaient parfaitement
11 renommés et dont le professionnalisme correspondait à ce que l'on était en
12 droit d'attendre pour ce type de mission.
13 Q. Je vais maintenant parler d'autre chose. Pour ce qui est des différents
14 éléments que vous avez utilisés pour votre rapport, les critères en matière
15 de médecine légale s'appliquaient. Est-ce que ces critères correspondent
16 aux normes utilisées dans un contexte international ?
17 R. Effectivement, ces critères correspondaient à ce qui était utilisé en
18 matière internationale. Il y avait, comme je l'ai mentionné antérieurement,
19 certaines différences tenant notamment à l'utilisation ou non d'examens
20 radiographiques. Dans un cas, le cas de l'équipe anglaise où il avait été
21 procédé non pas à une autopsie avec un examen des organes internes mais à
22 une combinaison d'un examen externe et d'un examen radiographique.
23 Q. Est-ce que vous avez constaté eu égard à certains des rapports préparés
24 pour les différents sites qu'il y avait des discordances ou des erreurs qui
25 auraient pu avoir une incidence sur les conclusions générales de ces
26 rapports ?
27 R. Je crois qu'il faut situer ces rapports et les opérations d'expertise
28 qui ont été menés en 1999 dans le contexte qui était alors le leur, c'est-
Page 10111
1 à-dire celui d'une opération menée dans l'urgence, avec les moyens du bord,
2 avec des installations souvent très sommaires, en dehors de toute salle
3 d'autopsie équipée, parfois avec des autopsies pratiquées sur une porte
4 supportée par des tréteaux à la place d'une table d'autopsie et parfois
5 sans eau, et cetera.
6 Ceci pour dire qu'effectivement, compte tenu d'une part du nombre de
7 victimes examinées, des erreurs ont été retrouvées dans ces rapports. J'en
8 ai retrouvées à la lecture de ces rapports ou en comparant par exemple, les
9 albums photographiques et des descriptions figurant dans les rapports. Tout
10 ceci a été noté dans des annexes pour chacun des rapports, ces annexes
11 figurant à la suite de mon rapport de synthèse. Je dois dire qu'il
12 s'agissait de discordances que je qualifierais de mineures et qui ne
13 remettaient pas en cause le diagnostic portant sur les blessures ou sur les
14 causes et circonstances de la mort. C'était des erreurs minimes, des péchés
15 véniels qui ne remettaient pas du tout en cause les conclusions générales
16 que mes confrères ont retenues.
17 Q. Merci, Docteur. Avant de passer aux différents sites en particulier,
18 puis-je vous poser quelques questions d'ordre général. Ces autopsies
19 avaient été faites deux à trois mois après la mort de ces personnes et bon
20 nombre de corps ont été exhumés. Pourriez-vous vous étendre un petit peu
21 là-dessus, la partie de votre rapport qui parle de l'état des corps, et le
22 fait que pour certain de ces corps il ne restait plus que des squelettes,
23 certains étaient plus ou moins décomposés. Quels étaient les défis pour les
24 personnes qui devaient faire ces analyses médico-légales ?
25 M. IVETIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je dois m'opposer
26 à la première partie de cette question : "Ces autopsies qui ont été faites
27 deux à trois mois après que ces personnes ont été tuées et les corps ont
28 été exhumés." Je crois que de poser la question de cette manière ne permet
Page 10112
1 pas de poser le fondement pour savoir comment ces personnes sont décédées,
2 comment ces corps ont été retrouvés. Je pense que le médecin ne pourra pas
3 car on parle toujours d'un temps donné. Compte tenu des circonstances, on
4 ne peut pas toujours donner les détails de façon aussi précise. La manière
5 dont le Procureur pose sa question, je crois que c'est difficile de
6 répondre de façon trop précise. Si la question est posée dans ce sens-là,
7 c'est une affirmation. A mon avis, cela manque de fondement.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous vouliez être très
9 précis, Monsieur Stamp, ou est-ce que c'était simplement une question ?
10 M. STAMP : [interprétation] C'est une question générale.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'êtes pas en train de laisser
12 entendre qu'il s'agit de deux à trois mois en particulier, n'est-ce pas ?
13 M. STAMP : [interprétation] Non, pas du tout.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout ce que vous dites c'est qu'étant
15 donné le temps passé, qu'il y a eu de la terre sur les corps et quelquefois
16 les corps ont été brûlés, l'examen médico-légal présentait peut-être plus
17 de défis qu'à l'ordinaire. Vous demandez simplement que le docteur puisse
18 faire des commentaires à cet égard.
19 M. STAMP : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez en parler, s'il
21 vous plaît, Dr Baccard.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez bien résumé le problème. Le médecin
23 légiste, l'expert en général, est confronté à des difficultés croissantes
24 au fur et à mesure que le temps passe après le décès de la victime. On a à
25 notre disposition des renseignements qui diminuent au fur et à mesure que
26 l'état de conservation du corps d'une personne s'altère. Il est facile de
27 faire des constatations très productives lorsqu'on est en présence d'un
28 corps frais. L'autopsie va être plus difficile lorsque le corps est
Page 10113
1 putréfié avec tous les stades de putréfaction que l'on peut rencontrer.
2 Ensuite, avec une difficulté croissante, on va avoir à traiter de corps
3 momifiés, c'est-à-dire dont la peau va subir une déshydratation mais il
4 restera au moins la peau. Un stade de difficulté supplémentaire est
5 rencontré lorsqu'on a des corps "squelettonisés", où il ne restera plus de
6 tissus mous et où on n'a plus que du squelette. Enfin, on a des difficultés
7 qui sont très importantes lorsqu'on est en présence de ce que l'on appelle
8 des restes humains, de "body parts" ou de corps qui sont détruits
9 partiellement par le feu, par exemple.
10 On comprendra très facilement que si on a une blessure par exemple au
11 niveau abdominal, que cette blessure altère la peau, les masses musculaires
12 et les organes sans aucune atteinte du squelette. Lorsqu'on aura en face de
13 soi un corps "squelettonisé", c'est-à-dire un squelette, on aura aucune
14 trace sur la victime. A ce moment-là, on est obligé de s'aider d'un
15 faisceau d'arguments qui sont les constatations faites au niveau de
16 l'environnement immédiat; c'est-à-dire des vêtements. On va pouvoir trouver
17 sur des vêtements des "defects", c'est-à-dire des trous qui pourront être
18 plus ou moins évocateurs de traversée par des projectiles. Ces trous
19 pourront être entourés d'une tâche de sang qui confirme, outre l'aspect qui
20 est plus ou moins caractéristique, qu'il y a bien eu une blessure et que
21 cette blessure a saigné. On peut retrouver également à proximité immédiate
22 du squelette des projectiles déformés qui peuvent être plus ou moins
23 rapportés à une affaire en espèce.
24 M. STAMP : [interprétation]
25 Q. Est-ce que nous pouvons maintenant nous rapporter à votre rapport qui
26 traite de la région de Bela Crkva, s'il vous plaît.
27 M. STAMP : [interprétation] Cela se trouve à la page 27, au paragraphe
28 75(B), ceci porte sur certaines régions citées dans l'acte d'accusation.
Page 10114
1 Q. Il s'agit de l'exhumation, d'une autopsie, qui a été faite par une
2 équipe britannique. Vous avez indiqué qu'ils utilisaient plutôt des examens
3 externes et radiologiques. Au point 2.2.2.2., la méthodologie utilisée,
4 lorsque vous parlez de dépistage fluoroscopique, c'est bien cela que vous
5 entendiez ? C'est ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est cela ?
6 R. C'est exact, Monsieur le Procureur.
7 Q. Vous avez également examiné les rapports d'autopsie. Vous avez constaté
8 que les causes du décès des 54 victimes qui ont été exhumées étaient
9 surtout dues à des blessures par balles. Il s'agit à la page 29, au
10 2.2.4.1.
11 R. --
12 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher à
13 l'écran la pièce P0097, s'il vous plaît ?
14 Madame, Messieurs les Juges, compte tenu des consignes qui m'ont été
15 données par la Chambre, je ne propose pas de passer en revue tous les
16 rapports d'autopsies. Il y a juste une ou deux questions que je souhaite
17 poser, des questions assez longues du reste, à propos de certains points
18 des rapports.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est un bon exemple,
20 Monsieur Stamp. Je crois qu'il serait approprié que vous traitiez de ceci
21 rapidement. Regardez un petit peu sur quoi se concentre le contre-
22 interrogatoire, à ce moment-là vous pourrez traiter de ces questions-là au
23 cours des questions supplémentaires.
24 M. STAMP : [interprétation] Oui, effectivement.
25 Si nous pouvons passer à la page 4 de ce document, s'il vous plaît.
26 Q. Ici, nous avons un tableau qui concerne les victimes qui ont été
27 identifiés et un résumé des causes du décès. Par exemple, la quatrième
28 personne à partir du bas c'est Nesim Popaj, la cause du décès sont des
Page 10115
1 blessures par balles multiples. Au-dessus, vous avez Shendet Popaj, cause
2 du décès, blessure par balle à la tête.
3 R. Les blessures par armes à feu étaient prédominantes dans cet
4 échantillon de victimes puisque cela concernait 98 % des cas.
5 Q. Le document que nous avons ici concerne les "documents utilisés à
6 l'appui" de votre rapport, c'est comme cela que c'est intitulé au point
7 2.2.1 à la page 27.
8 R. Si c'est une question, la réponse est oui.
9 Q. En général, comment procédiez-vous aux identifications lorsque vous
10 faisiez les autopsies ?
11 R. Je vous rappelle, Monsieur le Procureur, que je n'ai pas participé à
12 ces autopsies. Je n'ai pas fait ces autopsies. D'après ce qui figure dans
13 le rapport du Pr Vanezis, l'identification a été faite par les proches des
14 victimes. Au moment où le Pr Vanezis a procédé à ces opérations d'autopsie,
15 il y avait 42 victimes qui avaient été identifiées par des parents, par de
16 la famille, par des proches, sur 54; 12 restaient non identifiées.
17 Q. Est-ce que nous pourrions passer à la page --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce document, compte tenu de son titre
19 que vous nous avez révélé lorsque vous nous avez montré la première page,
20 est-ce que ceci ne pourrait pas indiquer que des officiers de police aient
21 participé à l'identification des corps ?
22 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 49 du
23 même document, s'il vous plaît.
24 M. IVETIC : [interprétation] De quel document s'agit-il ? Parce que deux
25 documents ont été évoqués.
26 M. STAMP : [interprétation] Le P97.
27 Est-ce que nous pourrions repartir à la page 47, rapidement s'il vous
28 plaît, page 48.
Page 10116
1 Q. Nous constatons ici qu'une partie des documents est une
2 déclaration d'un membre de l'équipe britannique, le détective et policier
3 Clive Donner. Si vous voulez bien vous reporter à la page suivante, est-ce
4 que vous voyez au milieu de la page : "A la date du 30 juin 1999, j'étais
5 là avec Sabri Popaj. J'étais à la morgue, et par l'intermédiaire de
6 l'interprète Arben Abdullahu, nous avons identifié les corps
7 susmentionnés," et il y a une liste des corps. A titre d'exemple, les
8 cinquième et sixième à partir du bas de la page, Nesim Popaj et Shendet
9 Popaj. Est-ce que vous voyez cela ?
10 De façon générale, est-ce que ceci est la méthode d'identification
11 utilisée lors de ces autopsies ?
12 R. Oui, c'est ce que je résumais précédemment en disant que
13 l'identification avait été faite par les proches.
14 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, avant de passer à un
15 autre document, je voudrais simplement indiquer qu'il existe des rapports
16 relatifs à Mala Krusa - à savoir notamment la pièce P110 - je pense que
17 l'on peut suivre ces rapports qui concernent divers sites. Je n'ai pas
18 l'intention de les passer en revue l'un après l'autre, bien que je pense
19 que nous pourrions parler de Djakovica, donc il est question dans la pièce
20 P249. On en trouve mention dans le rapport en question à la page 33 -- ou
21 plutôt, je vous prie de m'excuser, à la page 35. Je m'excuse encore, il
22 s'agit de la page 37.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela commence en page 33 -- non, non,
24 c'est un autre secteur. La rue Milosh Giliq.
25 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais signaler au préalable que ce
26 rapport, comme l'indique le Dr Baccard dans son rapport d'expert, constitue
27 la pièce P249, et a été établi par William Rodriguez, le médecin chef des
28 forces terrestres américaines; mais on y trouve mention du site qui nous
Page 10117
1 intéresse aux côtés d'autres sites qui sont traités également. Je pense que
2 c'est encore un exemple de la situation déjà évoquée par mon collègue, Me
3 Ivetic.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devrions intervenir en cours de
5 description de la situation.
6 Vous dites que la pièce P249 a été décrite par le Dr Baccard dans son
7 rapport. Où est-ce que cela figure dans le rapport ?
8 M. STAMP : [interprétation] Le document n'est pas identifié en tant que
9 pièce 249, mais on en trouve mention à la page 37, 2.5.1, "Des documents à
10 l'appui." Il est fait mention du rapport établi par William C. Rodriguez,
11 médecin chef chargé des enquêtes spéciales pour les forces armées
12 terrestres américaines en date du 13 octobre 1999." Pièce P249 est
13 mentionnée dans ce document. Nous nous contenterons d'en examiner quelques
14 parties. Je pense que la tâche ne sera pas trop compliquée.
15 Q. Il y a une ou deux questions que je voudrais poser au sujet de ce
16 rapport, Docteur Baccard, rapidement.
17 D'abord, vous avez dit que toutes les victimes sauf une étaient des
18 femmes à moins que le sexe n'ait pas pu être déterminé. Si nous consultons
19 ce rapport en divers endroits, nous voyons que le médecin chef décrit des
20 cadavres partiellement "squelettonisés" ou des parties de corps, par
21 exemple en page 2, nous lisons que la structure du menton correspond à
22 celle d'une femme adulte. "Quant aux parties de corps décrites en section
23 4, il parle de fragments qui permettent d'identifier une femme."
24 En l'espèce, il s'agit de parties de corps calcinés, et je vous demande si
25 la récupération de ces parties de corps permet de déterminer le sexe ?
26 R. Oui. Ma réponse sera générale. Effectivement, il est possible en
27 fonction du type des parties de squelettes récupérées de déterminer le
28 sexe. Sur le plan anthropologique, anthropologie médico-légale bien sûr,
Page 10118
1 certaines pièces anatomiques sont très significatives quant à la
2 détermination du sexe. Il s'agit notamment du crâne, avec notamment la base
3 du crâne au niveau des apophyses mastoïdes et des condyles occipitaux. Mais
4 également, comme vous l'avez dit plus tôt, du menton, soit les angles de la
5 mandibule, soit la symphyse mentonnière. Il y a aussi ce qui a une valeur
6 extrêmement discriminante sur le plan sexuel, les ossements du bassin et
7 notamment la symphyse pubienne, qui est un très bon indicateur au niveau du
8 sexe.
9 A côté de ces deux grands groupes d'ossements qui permettent une
10 détermination du sexe avec une valeur significative réelle, il y a d'autres
11 critères qui ont une valeur probante moins importante qui tiennent à
12 l'aspect de robustesse globale des ossements, notamment des os longs, du
13 fémur, et cetera.
14 On peut avoir aussi des indications avec des dents qui peuvent être
15 plus ou moins évocatrices. Mais les deux grands groupes d'ossements qui
16 permettent de porter un diagnostic de sexe se situent au niveau du crâne
17 d'une part, et au niveau du bassin d'autre part.
18 Q. Encore une question rapide. Le médecin chef a retrouvé des parties de
19 corps d'au moins 12 enfants. Sans passer en revue les divers exemples cités
20 dans le rapport, je vous demande de quelle façon générale la détermination
21 de leur qualité d'enfant a été faite. Je sais bien que la taille des os
22 peut intervenir, mais pourriez-vous dire quelque chose de plus au sujet de
23 la façon dont la différence entre un adulte et un enfant s'établit ? Que
24 pouvez-vous dire de la détermination de l'âge lorsqu'on est en présence de
25 parties de cadavres ?
26 R. Sur le plan squelettique, mis à part la taille des ossements qui peut
27 être un critère très trompeur parce qu'il y a des adultes qui sont de
28 petite taille et des enfants qui sont également de grande taille, on se
Page 10119
1 base plutôt sur les cartilages, c'est-à-dire soit les cartilages
2 articulaires, soit les cartilages de conjugaison et on a la possibilité,
3 notamment au niveau de la fusion des différentes parties d'un os, d'établir
4 une chronologie de l'âge, avec là aussi des valeurs qui sont différentes
5 sur le plan statistique et significatif en fonction du type d'ossements
6 considérés. La symphyse pubienne, l'aspect des surfaces articulaires est un
7 très bon indicateur de l'âge, la fusion des sutures du crâne également.
8 L'aspect de l'extrémité interne des clavicules, l'extrémité interne des
9 côtes, notamment de la quatrième côte, certains ossements du bassin, et
10 cetera, et cetera, les ossements du poignet aussi. Tout ceci contribue à
11 donner une estimation de l'âge lorsqu'on est en présence de squelette.
12 Q. Merci, Docteur. Il est noté dans votre rapport ainsi que dans le
13 rapport du Dr Rodriguez, et ce à plusieurs endroits, que des signes
14 d'activités d'animaux ont été remarqués sur ces ossements et sur ces restes
15 humains. Selon le Dr Rodriguez, les ossements en question ainsi que les
16 parties de cadavres ont présentés des signes de morsures à divers endroits.
17 Est-il possible que certaines de ces morsures aient été causées par ces
18 animaux ?
19 R. La présence de ce qu'on appelle le "scavenging" est une des difficultés
20 supplémentaires dont nous parlions tout à l'heure quant au nombre
21 d'informations et de renseignements apportés par des autopsies tardives. Il
22 est vrai que le Dr Rodriguez a été confronté là à beaucoup de difficultés
23 tenant compte d'une part à la squelettonisation des corps; deuxièmement, au
24 fait que ces ossements étaient plus ou moins calcinés; troisièmement, que
25 des animaux avaient rongé une partie de ces ossements.
26 Q. Est-il possible que des animaux aient déplacé les fragments de corps ?
27 R. C'est tout à fait possible.
28 Q. Merci. J'aimerais que nous avancions. Avant de passer à autre chose,
Page 10120
1 j'aurais encore quelques points à évoquer sur le même sujet. Penchons-nous
2 sur la pièce P249 relative à Djakovica, page 2 où nous lisons, je cite :
3 "Examen du lieu de crime et des restes humains associés à ce lieu, cet
4 examen a eu lieu du 25 au 27 mai 1999."
5 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
6 Juges, si nous examinons les dates qui sont citées dans ce document, vous
7 constatez que nous y trouverons la date du 26 juin 1999. Il est manifeste
8 que la date figurant en haut du rapport est erronée. Je voulais simplement
9 signaler ce point.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
11 M. STAMP : [interprétation]
12 Q. Aux pages 5316 à 5317 du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic
13 où l'on trouve la transcription de votre déposition, vous dites que les
14 blessures constatées ont été, dans la plupart des cas, provoquées par des
15 explosions. Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire le compte rendu
16 français de votre déposition dans l'affaire Milosevic ? Ceci correspond-il
17 fidèlement à ce que vous avez dit ou à ce que vous avez voulu dire ? En
18 d'autres termes, êtes-vous effectivement d'avis que les blessures ont été
19 principalement causées par des explosions. Si oui, il y a-t-il un fondement
20 à votre avis ?
21 R. Non, Monsieur le Procureur. Effectivement, mon attention a été attirée
22 par cette discordance lors de mon témoignage dans l'affaire Milosevic. J'ai
23 déposé en français, j'ai le transcript en français et ma réponse à cette
24 question était négative. Je n'ai pas pu dire que ces blessures étaient
25 vraisemblablement causées par des explosions. Je pense qu'il s'agit d'une
26 erreur de traduction du français en anglais.
27 Q. Merci. Passons rapidement au lieu portant le nom d'Izbica. Ce lieu a
28 présenté de nombreuses difficultés en raison de la rareté des éléments
Page 10121
1 pouvant faire l'objet d'un travail d'autopsie. Dans votre rapport, au point
2 2.7.5., page 44, vous indiquez que la cause du décès a été particulièrement
3 difficile à déterminer en raison de cette pauvreté d'éléments à examiner.
4 Vous dites que vous étiez limités dans vos observations de photographies et
5 de séquences vidéo. Je crois que c'est à l'annexe à la page 93 que vous
6 dites que le diagnostic ne pouvait pas être prononcé de façon certaine.
7 La question que j'aimerais vous poser est la suivante : eu égard aux
8 constatations faites, à savoir que certaines personnes ont été tuées à bout
9 portant, ce que semble indiquer les marques de brûlure sur la peau, je vous
10 demande s'il y a effectivement été constaté que ces personnes ont été tuées
11 à une distance faible et si cette constatation a un certain degré de
12 certitude scientifique.
13 R. Oui, le cas Izbica est un cas difficile, Votre Honneur, dans la mesure
14 où les expertises menées par l'équipe médico-légale française se sont
15 heurtées au fait que très peu de restes humains ont été mis en évidence. Il
16 a été retrouvé des vêtements et des restes humains. Sur ces restes humains,
17 il n'était pas possible de mettre en évidence des blessures. Par contre,
18 sur les vêtements certains portaient des "defects" qui étaient compatibles
19 avec des orifices d'entrée de projectiles d'armes à feu. Certains de ces
20 trous avaient des bords brûlés, ce qui a conduit les experts en balistique
21 à dire que les tirs, dans ces cas, avaient été effectués à très courte
22 distance. Cela c'est le premier point.
23 Le deuxième point, à côté de ces rapports d'examen directs de la scène du
24 crime, il m'a été communiqué une bande vidéo. Sur cette bande vidéo, il
25 existait des vues de rangée de victimes sur lesquelles une certaine
26 constatation pouvait être faite. Il ne s'agissait pas de prises de vue
27 faites de façon scientifique. Il s'agissait de prises de vue qui étaient
28 limitées parce que les victimes étaient toutes allongées sur le dos. Les
Page 10122
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 10123
1 victimes étaient habillées. Uniquement certaines régions anatomiques
2 étaient visibles. Les prises de vue étaient parfois floues, faites à
3 distance sans échelle de référence permettant de mesurer ces blessures. En
4 résumé, seules certaines images étaient interprétables sur le plan médico-
5 légal.
6 Le troisième point que je voudrais souligner c'est qu'il ne s'agissait que
7 d'une analyse de documents photographies et vidéos. En aucun cas ceci ne
8 saurait prétendre à remplacer une autopsie ou un examen de victime. C'est
9 une valeur qui est une valeur limitée. Ceci étant posé, j'ai pu dire des
10 choses.
11 Première chose, c'est que c'est bande avait l'air authentique, sincère dans
12 la mesure où on pouvait voir des détails qui sont des détails qui ne
13 peuvent pas être inventés, qui correspondaient soit à des phénomènes de
14 putréfaction ou des phénomènes liés au positionnement des victimes. Tout
15 ceci était parfaitement cohérent et apparaissait sincère parce que j'avais
16 considéré aussi l'hypothèse d'une possible falsification d'une mise en
17 scène.
18 Deuxièmement effectivement, sur certains de ces plans de vue, il y avait
19 des blessures qui étaient compatibles. Je n'ai jamais utilisé le terme
20 "certitude" dans mon rapport. J'ai uniquement dit que telle ou telle image
21 était compatible avec des blessures provoquées par armes à feu. Sur
22 certaines de ces blessures provoquées par des projectiles d'armes à feu, il
23 y avait des signes qui pouvaient être soit des zones de brûlure, soit des
24 zones de dépôt de poudre, soit des empreintes ou du relief du canon de
25 l'arme qui pouvait faire penser à des tirs soit à bout touchant, soit à
26 très courte distance.
27 Q. S'agissant de ces cas dont vous faites état dans votre rapport, ces cas
28 où on a trouvé des traces de brûlure sur les vêtements ou sur la peau, la
Page 10124
1 conclusion selon laquelle ces personnes auraient été tuées à courte
2 distance, est-elle scientifiquement fondée à votre avis ?
3 R. Je n'ai pas la possibilité de répondre directement à cette question. Il
4 s'agissait de constatations qui ont été faites par des experts. Je n'ai pas
5 eu à ma disposition les vêtements pour pouvoir les examiner. D'autre part,
6 les photos n'étaient pas accessibles. Je n'avais pas la possibilité de
7 procéder à un deuxième examen.
8 Ce que j'ai pu noter c'est que ces conclusions ont été portées par
9 des experts qui sont renommés dans leurs pays, qui ont l'habitude de ce
10 type d'examen de façon routinière et que je n'ai aucune raison de mettre en
11 doute leurs conclusions.
12 M. STAMP : [interprétation] J'indiquerais aux Juges que le témoin dans sa
13 dernière réponse a fait référence à une vidéo. La vidéo a été versée au
14 dossier en l'espèce par l'intermédiaire du témoin Liri Loshi, la vidéo
15 ainsi que des clichés tirés de cette vidéo. J'indique également à la
16 Chambre qu'on lit dans le rapport que ces vidéos concernent des situations
17 où les cadavres n'ont pas été récupérés.
18 Q. Docteur, parmi les éléments que vous avez examinés, il y avait n'est-ce
19 pas un rapport balistique ? Vous en trouverez mention dans votre rapport,
20 un rapport balistique établi par l'équipe d'experts français ?
21 R. J'ai eu à ma connaissance le rapport intitulé "Etat des lieux,"
22 "Forensic Examination," rédigé par le commissaire divisionnaire Dominique
23 Gaillardon et ses collègues. Votre Honneur, il y a une erreur de
24 traduction. Ce n'est pas le commissaire divisionnaire Gaillardon et ses
25 collègues qui m'ont donné ce document. Ce document m'a été donné par le
26 bureau du Procureur.
27 Q. Y avait-il un rapport balistique au nombre des documents qui vous ont
28 été soumis, un rapport balistique établi par une équipe française ? Vous
Page 10125
1 avez souvenir de cela ?
2 R. Il me semble que oui.
3 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour être précis, il
4 importe de signaler qu'il y avait deux rapports. L'un qui faisait partie du
5 chapitre autopsie en tant que tel et qui concerne la balistique lésionnelle
6 et un autre qui concerne un autre domaine de la balistique. Il y a une
7 différence entre ces deux éléments.
8 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur la pièce
9 à conviction P00210.
10 Version française, s'il vous plaît, page suivante.
11 Q. Vous rappelez-vous avoir reçu et utilisé ce document, Docteur ?
12 R. Oui, cela semble familier, effectivement.
13 Q. Je vois en pages 47 et 48 de votre rapport que vous faites état des
14 constatations après observation des lésions. Je vous demande si ces
15 observations concordent avec la possibilité que ces blessures aient été
16 dues à des tirs d'armes dont le calibre était de 7,62. En page 46, vous
17 évoquez également le rapport français dans lequel il est signalé que des
18 étuis de projectiles de calibre 7,62 ont été utilisés dans les
19 constatations en question, en haut de la page 46.
20 M. IVETIC : [interprétation] Si cela est une question, je dirais que ce qui
21 figure dans le rapport est rendu de façon un peu déformée. Je lis pour ma
22 part que ces éléments seraient "compatibles avec des projectiles de 7,62 ou
23 de 12 millimètres de calibre", si je ne me trompe.
24 M. STAMP : [interprétation]
25 Q. Pour le moment, ce n'est pas cette partie du rapport qui m'intéresse.
26 Je vous demande, Docteur, si l'équipe de médecins légistes français a
27 procédé à une analyse balistique de certains des projectiles découverts
28 dans les fosses et sur les lieux, pour les aider à tirer les conclusions
Page 10126
1 qu'ils ont tirées ?
2 R. Oui, Monsieur le Procureur, c'est exact. Juste de manière à répondre à
3 la remarque précédente, en page 45 et 46 de mon rapport, 2.7.4.2, "Type
4 d'arme," il est bien mentionné que les diamètres des "defects" figurant sur
5 les vêtements sont compatibles avec du calibre 12, qui ne veut pas dire 12-
6 millimètres, mais du calibre 12 et du calibre 7,62. Ceci est bien
7 mentionné. Il n'y a pas de discordance.
8 Q. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails ?
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une seconde, je vous prie.
10 Maître Ivetic, la différence que vous avez indiqué ne semble pas avoir une
11 grande importance.
12 M. IVETIC : [interprétation] Non, je voulais simplement signaler que dans
13 la phrase écrite il était question de 7,62 et de 12. Je suis d'accord avec
14 ce que vient de dire le témoin.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le rapport que nous examinons stipule
16 qu'il peut y avoir concordance. Vous avez ajouté n'est-ce pas que des
17 douilles de calibre 7,62 ont été découvertes également ?
18 M. IVETIC : [interprétation] Tout à fait.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
20 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La pause a lieu à moins quart
22 aujourd'hui, Monsieur Stamp.
23 M. STAMP : [interprétation] D'accord.
24 Q. Docteur, est-ce que nous pourrions maintenant nous pencher sur la
25 partie de votre rapport où il est question du lieu dont le nom est Kotlina
26 à Kacanik ? Pièce P00361.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à ce nouveau sujet, je
28 vais faire une remarque. Il n'y a pas de problème à ce qu'elle figure au
Page 10127
1 compte rendu d'audience. C'est bien la pièce P210 qui a fait l'objet de
2 votre demande spécifique, Maître Ivetic, c'est celle que nous sommes en
3 train d'examiner ?
4 M. IVETIC : [interprétation] Elle est mentionnée comme étant une des pièces
5 en question. Nous ne savons pas quelles sont les constations qui vont être
6 évoquées dans la déposition orale. Des constatations balistiques ont été
7 faites. Elles sont mentionnées dans ce rapport au sujet d'Izbica. Je crois
8 le --
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la référence au point 2.7.6.2 est
10 une référence à la pièce P210 si je ne m'abuse, n'est-ce pas ?
11 M. IVETIC : [interprétation] Difficile à dire, Monsieur le Président. Il y
12 a trois rapports de médecins légistes français portant sur Izbica qui tous
13 traitent de l'examen des restes humains et des vêtements découverts sur les
14 lieux. Donc, je ne sais pas.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le rapport balistique est bien la
16 pièce P210 ?
17 M. IVETIC : [interprétation] Oui. Celle qui est désignée comme étant un
18 rapport balistique.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Il apparaît clairement à
20 l'écoute de la déposition du témoin qu'une partie de ce rapport balistique,
21 en tout cas, doit être recevable en tant que pièce à conviction.
22 M. IVETIC : [interprétation] Effectivement.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Encore une fois, même si vous vous
24 opposez au versement de l'intégralité du document, il faut que le versement
25 de certaines parties de ce rapport fasse l'objet d'un accord, d'un agrément
26 ou à défaut d'un refus d'agrément. Mais en tout cas, est-ce que c'est bien
27 qui s'est entendu entre vous et M. Stamp que certaines parties du document
28 seront discutées et versées ?
Page 10128
1 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que c'est ce que nous sommes parvenus
2 à décider, effectivement.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
4 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Stamp, au sujet de Kacanik.
5 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Il y a eu quatre lieux d'exhumation à Kacanik. Le premier lieu est le
7 site de Kotlina, qui est évoqué en page 49 -- non, 48 de votre rapport. Là,
8 nous sommes en présence d'une situation où il est indiqué que 84 % des
9 résultats d'autopsie tendent vers la conclusion selon laquelle ces
10 personnes auraient été tuées par les conséquences d'une explosion. Ceci
11 figure au paragraphe 2.9.4.2.
12 J'aimerais maintenant que nous parlions rapidement de deux passages de la
13 pièce à conviction 361, à commencer par la page 6 de cette pièce. Nous
14 voyons, là, Monsieur, une liste de noms et ce sont bien les noms des
15 personnes dont les corps ont été récupérés dans les deux puits et qui ont
16 été identifiés. Ce sont bien leurs noms qu'on trouve dans cette page et la
17 page suivante; n'est-ce pas ?
18 R. Monsieur le Procureur, c'est exact. Vingt et une personnes étaient
19 identifiées, dont les noms apparaissent sur ce document, alors que cinq
20 sont restées, du moins au moment où j'ai écrit mon rapport, sont restées
21 non identifiées.
22 M. STAMP : [interprétation] Passons rapidement si possible à la page 9 de
23 cette même pièce à présent.
24 Q. Ceci est bien un rapport d'autopsie que vous avez examiné. Dans cette
25 partie du rapport il est question des restes humains d'Izijah Loku, n'est-
26 ce pas ?
27 R. C'est exact.
28 M. STAMP : [interprétation] J'indique à la Chambre qu'on trouve ici des
Page 10129
1 constatations résultant d'autopsies pratiquées sur des cadavres et des
2 parties de cadavres d'un certain nombre de personnes, dont les noms
3 figurent dans un tableau. On retrouve ce tableau annexé à l'acte
4 d'accusation.
5 Q. Docteur, je ne vais pas examiner en détail tous ces rapports
6 d'autopsie. J'aimerais que vous vous penchiez sur la page 42 du document
7 que vous avez examiné. En page 42, on trouve la liste des indices retrouvés
8 sur les lieux. Je vous poserai la question suivante à ce sujet : il est
9 courant en médecine légale d'envoyer les indices découverts sur les lieux
10 dans un laboratoire où ils feront l'objet d'examens chimiques et
11 scientifiques complémentaires, n'est-ce pas, Docteur ?
12 R. --
13 Q. Si vous regardez ce qu'on lit au bas de la page, vous verrez que
14 certains des indices récupérés dans le secteur 5 étaient des "débris
15 calcinés de murs de la partie supérieure du puits; et dans le secteur 6,
16 des restes de vêtements qui devaient faire l'objet d'analyses
17 complémentaires pour y rechercher des traces de produits incendiaires ou
18 explosifs." Page suivante, nous voyons qu'il est également fait état de
19 "débris calcinés ou de débris résultant d'une explosion," au point 19. En
20 page 88 de la même pièce, au milieu de la page, nous lisons les mots
21 suivants : "Eléments échantillonnés pour analyse, échantillons 5, 6 et 19",
22 qui correspondent à ce que nous venons de dire.
23 Page 91, maintenant. Les constatations faites par le chimiste en chef de
24 l'équipe des légistes autrichiens, le Dr Hirz, figurent au milieu de la
25 page. Je cite : "La présence de TNT a pu être établie dans certains
26 échantillons, notamment l'échantillon 6 et l'échantillon 19, à l'aide d'une
27 méthode chromatographique plus sensible. Dans l'échantillon 5, il n'est pas
28 exclu qu'il y ait eu présence de traces de TNT."
Page 10130
1 Alors, Docteur, est-ce que cette méthode, cette façon de procéder est une
2 méthode standard, une méthode courante pour examiner des indices récupérés
3 sur les lieux d'un crime, des fragments, des débris, des différents
4 éléments ?
5 R. Monsieur le Procureur, premièrement, je découvre aujourd'hui les
6 résultats de cet examen qui, comme on peut le voir sur mon rapport, ne
7 m'avaient pas été communiqués à l'époque.
8 En ce qui concerne votre question, à savoir s'il est d'usage de
9 soumettre ce type d'échantillon à une analyse auprès d'un laboratoire
10 qualifié en détection de traces d'explosifs, oui cela fait partie dans ce
11 contexte-là de ce qui doit compléter les constatations d'autopsie et
12 d'examen de scène de crime. En ce qui concerne la question plus spécifique
13 concernant les méthodes, je ne suis pas un expert en explosifs ni en
14 chimie. J'ai une connaissance qui est une connaissance généraliste des
15 méthodes utilisées. Effectivement, la spectrométrie de masse ou la
16 chromatographie en phase gazeuse font partie de méthodes standard qui sont
17 utilisées dans ce type d'analyse. N'étant pas expert, je ne peux pas
18 développer davantage ce sujet.
19 Q. Merci. En tout cas, vous avez bien répondu à la question que je vous
20 posais. C'est donc une pratique tout à fait usuelle de soumettre ce genre
21 d'éléments à une analyse chimique en dehors de la scène de crime, n'est-ce
22 pas ?
23 R. C'est affirmatif.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, quel est l'état des
25 éléments récupérés sur place que le témoin n'a pas discuté d'après vous ?
26 M. STAMP : [interprétation] Ceci n'est qu'une partie du rapport des
27 médecins légistes autrichiens, dont je pensais qu'ils avaient été soumis au
28 témoin parce qu'ils faisaient partie du rapport global.
Page 10131
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faudra peut-être que vous
2 réfléchissiez à la question et vous en aurez le temps puisque l'heure de la
3 pause est arrivée.
4 Docteur Baccard, l'huissier va vous montrer l'endroit où vous allez passer
5 la pause. Nous allons suspendre maintenant et vous pouvez quitter le
6 prétoire.
7 [Le témoin se retire]
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 11
9 heures 15.
10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.
11 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.
12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, c'est à vous.
14 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 J'aimerais que l'on présente la pièce P361 à nouveau.
16 Q. Pendant que cette pièce est préparée, Docteur, s'agissant de Kotlina à
17 la page 48 au point 2.8.1, dans les "Documents joints, ceci est basé sur
18 les rapports du Groupe II de l'équipe d'enquête sur les lieux du crime
19 autrichienne."
20 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais qu'on nous présente la première page
21 de la pièce 361. Première page, je vous prie, page 2.
22 Q. En haut dans l'encadré du haut, on voit : "Groupe II, scène de crime
23 Kosovo, 1999." Est-ce que c'est le rapport que vous avez reçu, Docteur ?
24 R. Il me semble que oui.
25 Q. Ce rapport contient les rapports d'autopsie que je vous ai montrés. On
26 y trouve également une liste des éléments qui ont été récupérés sur le site
27 et qui ont été envoyés pour analyse chimique. Vous dites que vous n'avez
28 pas passé en revue cette partie-là du rapport. Est-ce que je peux conclure,
Page 10132
1 à juste titre, que dans ce cas-là vous avez passé en revue comme source
2 d'information les rapports d'autopsie mais pas les documents qui avaient
3 trait à la demande d'analyse chimique des objets trouvés sur les lieux ?
4 R. Je dois dire que durant la pause, j'ai essayé de me souvenir de ce
5 dossier qui date de plus de quatre ans. Je suis moins affirmatif. Il est
6 possible qu'effectivement, ces résultats d'examen chimique m'aient été
7 montrés. Compte tenu de mon profil professionnel, je me suis attaché à ce
8 qui relevait de ma spécialité, c'est-à-dire des rapports d'autopsie. Je ne
9 peux dire avec certitude, si oui ou non, les résultats d'examens chimiques
10 figuraient ou non dans le rapport qui m'a été communiqué.
11 Q. Fort bien.
12 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
13 Juges, je peux simplement vous dire que le rapport sur les analyses
14 chimiques fait partie du document dans son ensemble, un document très
15 volumineux. La demande pour l'analyse des objets trouvés se trouve à la fin
16 du document.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, la demande d'analyse cela c'est
18 une chose, mais il y a également les résultats. En quoi cela affecte-t-il
19 les conclusions qu'on trouve à la page 51 du rapport du Dr Baccard ? Est-ce
20 que ceci a trait à Kacanik ou seulement une partie ?
21 M. STAMP : [interprétation] Kotlina simplement.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En quoi ceci affecte-t-il la
23 conclusion que l'on trouve au point 2.9.5 ?
24 M. STAMP : [interprétation] Ceci confirme la conclusion, à savoir que 84 %
25 des victimes étaient décédées suite à une explosion. Plus encore, ceci
26 confirme Hazbi Loku qui a déposé en l'espèce et qui dit avoir vu les hommes
27 précipités dans les puits dans lesquels on a ensuite lancé des explosifs.
28 Je crois qu'au moment de sa déposition on s'est interrogé sur ce qu'il
Page 10133
1 avait vraiment dit avoir vu sur ces explosifs. Il y avait un certain doute
2 à ce sujet.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce doute, il peut être éliminé si vous
4 parvenez à vous mettre en accord vous-même avec Me Ivetic. Il est possible
5 que vous arriviez à trouver un terrain d'entente et qu'il ne soit pas
6 difficile de vous mettre d'accord, vu les analyses chimiques. Le Dr Baccard
7 n'est pas sûr, il nous l'a dit, d'avoir vu les résultats de ces analyses. A
8 ce moment-là, le mieux ce serait peut-être que vous parveniez à un accord
9 avec votre confrère sur ce point.
10 M. STAMP : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
11 LE TÉMOIN : Votre Honneur, si je peux ajouter quelque chose. Dans mon
12 rapport, il est fait référence à des données diagnostiques qui reposent
13 essentiellement sur l'autopsie et l'examen externe, mais également à la
14 présence de "shrapnel", c'est-à-dire d'éclats métalliques. Je n'ai pas fait
15 référence à une confirmation chimique. Il me semble que c'est un élément
16 nouveau que je découvre maintenant mais qui vient en plus. De toute façon,
17 d'après les rapports de mes confrères, la concordance des lésions
18 anatomiques et la présence de "shrapnel" était suffisante pour affirmer le
19 diagnostic de décès par explosif.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Docteur.
21 Monsieur Stamp.
22 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant au site
23 de Dubrava.
24 Monsieur le Président, s'agissant de Dubrava et du lieu où se sont déroulés
25 ces crimes, nous avons des rapports d'exhumation qui sont compréhensibles
26 et des rapports d'autopsie. Tout ceci me paraît assez clair à moins que
27 vous ne jugiez utile que je revienne sur ces rapports d'autopsie, je
28 pourrais peut-être passer à un autre site.
Page 10134
1 Pour ce qui est de Dubrava, il y a deux rapports d'exhumation, P371
2 et P370, ainsi qu'un rapport d'autopsie sur les personnes identifiées qui
3 figurent en annexe de l'acte d'accusation. De plus, pour ce qui est Vata
4 Slatina, les choses restent en état. Si je continue l'examen du tableau que
5 je vous ai fourni, vous passez ensuite à Stagovo. Pour Stagovo, nous avons
6 un autre rapport qui a été établi par l'équipe d'identification des
7 victimes de catastrophe, une équipe suisse, avec l'autopsie de personnes
8 dont les noms figurent à l'acte d'accusation. Je ne pense pas qu'il soit
9 nécessaire de passer en revue tous ces rapports d'autopsie.
10 Si vous êtes d'accord, ce que je pourrais faire, c'est de présenter à
11 la Chambre une liste des pages qui sont pertinentes pour nous tirer de ces
12 rapports d'autopsie. Beaucoup de ces rapports sont extrêmement volumineux.
13 En ce qui a trait véritablement aux autopsies, cela n'occupe que quelques
14 pages du rapport qui est très long parce qu'il y a de nombreuses autres
15 informations, des photographies, des croquis, et cetera. Ensuite, vous avez
16 la narration des autopsies elle-même.
17 Vu ce qui m'a été indiqué précédemment à la Chambre à ce sujet, je
18 souhaiterais procéder de la sorte, à moins que vous ne souhaitiez que je
19 repasse en revue tous les rapports d'autopsie.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, nous ne le souhaitons pas.
21 Il est nécessaire que vous nous disiez exactement quelles sont les pièces à
22 conviction auxquelles fait référence le témoin, les pièces dont il s'est
23 servi pour chacune des parties de son rapport.
24 M. STAMP : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vous dis pas qu'il faut le
26 faire tout de suite, mais il aurait été fort utile que cette liste ait déjà
27 été préparée, une liste sur laquelle figurait les pages d'un document que
28 vous nous décrivez, d'un rapport qui est extrêmement volumineux et dont
Page 10135
1 nous n'avons besoin de consulter que quelques pages.
2 C'est ce qui va falloir que vous fassiez notamment avec Me Ivetic
3 d'ici mercredi, nous donner une liste des pièces à conviction auxquelles
4 fait référence ce rapport, et nous indiquer quelles sont les pages précises
5 qui nous intéressent, nous, véritablement.
6 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre chose. Est-ce que vous allez
8 poursuivre l'interrogatoire du témoin ou est-ce que vous en avez terminé ?
9 M. STAMP : [interprétation] Il me reste encore deux sujets de thème à
10 aborder, mais cela ne prendre pas beaucoup de temps. Il s'agit de Vucitrn.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
12 M. STAMP : [interprétation]
13 Q. Vous évoquez le site de Gornja Sudimlja dans la municipalité de
14 Vucitrn, à la page 67 de votre rapport. Dans l'affaire Misolevic, à la page
15 5 263, vous avez dit que de manière générale on est en mesure de déterminer
16 qu'il y a eu erreur dans la détermination de la cause du décès à partir des
17 pièces qui vous sont fournies. Si vous vous reportez à l'annexe 7, page
18 149. Cela commence à la page 147, pas à la page 149, comme je l'ai dit.
19 Quand vous parlez du cas C16, vous dites dans les paragraphes de la
20 conclusion, que "la cause du décès n'est pas une blessure au niveau du
21 thorax parce que le tir est tangentiel et superficiel, ce n'est pas une
22 blessure pénétrante. La cause du décès est une blessure au niveau du crâne
23 et du cerveau."
24 Est-ce que vu votre expérience et l'examen des pièces qui vous ont
25 été présentées, est-ce que c'est un cas où vous pouvez vous-même en arriver
26 à une conclusion quant à la cause du décès sur la base des éléments qui
27 vous été présentés ?
28 R. Tout à fait. Lorsque les deux blessures sont décrites et qu'elles sont
Page 10136
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 10137
1 accompagnées de photos qui sont pertinentes, il est tout à fait possible de
2 dire que la blessure thoracique a priori n'a pas provoqué de lésion
3 d'organe vitale et que la cause du décès doit être rapportée au contraire à
4 la blessure crânienne qui s'accompagnait de lésions irréversibles, comme il
5 a eu une blessure cérébrale.
6 Q. Pour ce qui est toujours de ce site, vous avez fait état de nombreuses
7 erreurs. Est-ce que ces erreurs affectent la conclusion globale pour ce
8 site, notamment la conclusion selon laquelle une partie très importante des
9 victimes avaient reçu une balle dans le dos ?
10 R. Effectivement, les documents que j'avais à ma disposition, notamment
11 les photographies, m'ont permis de mettre en évidence quelques
12 discordances. Une fois ces discordances notées, en tenant compte de ces
13 discordances, les conclusions globales demeuraient valides.
14 Q. J'ai fait référence à l'une des conclusions qui disait que la plupart
15 des personnes avaient reçu une balle dans le dos. Il y en a une autre
16 conclusion importante à 2.12.6.4 où vous dites que :
17 "La majorité des blessures se trouvent au niveau du tronc de la
18 région abdominale et thoracique, et 58 % se trouvent au niveau de la tête
19 et du cou dans la région cervicale céphalique, aussi dans les membres
20 inférieurs, seulement 5 %. Ceci doit être interprété en tenant compte des
21 circonstances dans lesquelles les tirs ont été portés."
22 Cela aussi, ce sont des conclusions qui n'ont pas été affectées par
23 les discordances que vous avez mentionnées.
24 R. Non, parce que les pourcentages dont je fais état sont des pourcentages
25 que j'ai calculés moi-même à partir de l'ensemble de ces éléments en tenant
26 compte des discordances relevées.
27 Q. Merci. S'agissant du site de Suva Reka, il s'agit d'une exhumation
28 d'une fosse commune ou d'un charnier dont on avait déjà exhumé les corps.
Page 10138
1 Ou présenté autrement : il y avait, selon vous, seulement deux corps qui
2 étaient identifiables. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y avait
3 seulement deux corps dont il était possible de les identifier ?
4 R. J'ai été confronté à la lecture des différentes pièces qui étaient en
5 ma possession, c'est-à-dire plusieurs rapports, rapports d'anthropologie du
6 Dr Black, rapport d'autopsie du Dr Milewski, rapport d'anthropologie du Dr
7 Black à une autre date, et cetera, à des discordances qui tenaient compte
8 du fait que des descriptions de groupes de restes humains ne concordaient
9 pas. Compte tenu de ces discordances, j'ai préféré laisser ceux qui étaient
10 douteux et ne garder que ceux qui étaient retrouvés dans chacun des records
11 et qui ne prêtaient donc pas à confusion.
12 Q. Conséquence, vous n'avez pu déterminer la cause du décès que de Faton
13 Berisha et de Fatime Berisha ?
14 R. Tout à fait, puisque les autres groupes de restes humains se trouvaient
15 dans un tel état, ils étaient mélangés entre eux et aucuns de ces restes ne
16 portaient de lésions qui permettaient d'en déduire la cause du décès.
17 M. STAMP : [interprétation] Comme je l'ai dit précédemment, Monsieur le
18 Président, le rapport relatif à Cirez, qui concerne huit femmes, a déjà été
19 versé au dossier. C'est la pièce P383. Je n'ai rien à ajouter. Je n'ai plus
20 de questions à poser au témoin.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, pour le compte rendu
22 d'audience, vous n'avez pas, je vous le rappelle, posé les questions
23 habituelles au témoin qui consistent à lui demander si on lui présentait
24 les mêmes éléments de preuve et si on lui posait les mêmes questions il
25 répondrait de la même façon.
26 M. STAMP : [interprétation] Effectivement. Je ne l'ai pas fait. Je vais le
27 faire. Merci, Monsieur le Président.
28 Q. Quand vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, est-ce que vous avez
Page 10139
1 répondu en disant toute la vérité aux questions qui vous ont été posées et
2 est-ce que vous répondriez aujourd'hui de la même façon si on vous reposait
3 les mêmes questions ?
4 R. Bien sûr, Monsieur le Procureur. Oui.
5 Q. Merci beaucoup.
6 M. STAMP : [interprétation] Avant de me rasseoir, je me permets de vous
7 signaler que le CV du témoin, le CV mis à jour a été maintenant téléchargé
8 dans le système et il porte la cote P2784.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
10 Maître O'Sullivan.
11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons suivre l'ordre de l'acte
12 d'accusation. Je n'ai pas de questions.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
14 M. FILA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai quelques
17 questions à poser.
18 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :
19 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Je m'appelle Tomislav
20 Visnjic. Je suis le conseil de la Défense du général Ojdanic. J'ai un
21 certain nombre de questions à vous poser. Comme tout profane, je vais tout
22 d'abord vous poser des questions d'ordre général. Je vais vous demander de
23 me répondre à des questions qui vont ensuite me permettre de vous poser
24 d'autres questions.
25 Est-il exact que la distance de tir est établie sur la base des traces de
26 poudre provoquées par l'explosion ?
27 R. Oui, c'est exact, mais pas uniquement. C'est un des critères qui permet
28 d'établir la distance, mais ce n'est pas le seul. Il peut y avoir également
Page 10140
1 des traces qui sont en rapport avec des constituants de la munition. Comme
2 des demi-bourres annulaires pour certains projectiles, comme du matériel de
3 remplissage de type bille de polystyrène pour des grains de chevrotines,
4 mais également des lésions qui sont liées au gaz même, par exemple, dans un
5 tir à bout touchant appuyé, on aura des lésions qui ne sont pas connectées
6 à des dépôts de poudre mais qui sont des déchirements des chambres de
7 mines, et cetera.
8 Q. En dehors des traces d'explosions, des traces de poudre qui
9 montreraient qu'il y a des particules de poudre qui n'ont pas brûlé
10 éventuellement, en dehors des traces de métal également, en dehors de tout
11 ce que vous venez d'évoquer dans votre réponse, est-ce qu'il y a des
12 éléments qui permettent d'établir la distance à laquelle la balle a été
13 tirée ? C'est sur la base de ces éléments qu'on se fonde; c'est bien cela ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, est-ce que vous
16 pourriez, je vous prie, répéter ce que vous avez dit au sujet des
17 constituants de munition ?
18 LE TÉMOIN : Oui, tout à fait, Votre Honneur. J'ai dit, en dehors des dépôts
19 de poudre, la poudre est un des éléments constitutifs d'une munition, mais
20 ce n'est pas le seul. Il y a des éléments internes qui peuvent une bourre,
21 c'est-à-dire le constituant qui est situé entre le projectile ou les
22 projectiles multiples et la poudre, et il peut y avoir du matériel de
23 remplissage pour certains types de chevrotines, notamment américaines, qui
24 ne sont pas de la poudre et qui stabilisent ces chevrotines et ces éléments
25 sont projetés également dans l'air au moment du coup de feu.
26 Par exemple, pour les tirs à bout touchant appuyé, on a des lésions
27 caractéristiques qui sont liées à l'expansion brutale des gaz sous la peau
28 qui donnent des plaies déchirées, et ceci sans qu'on retrouve des traces de
Page 10141
1 poudre particulièrement. Donc la poudre, les projections de poudre font
2 partie des éléments qui permettent de déterminer une distance de tir, mais
3 ce ne sont pas les seuls.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
5 Maître Visnjic, à vous.
6 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Est-il exact, Docteur, que lorsqu'on parle de bout touchant cela
8 signifie que le canon de l'arme à feu manuelle, lorsque le projectile a été
9 tiré, que le canon s'appuyait sur la surface du corps ou d'un vêtement, à
10 moins que la distance entre la surface du corps ou du vêtement et le canon
11 de l'arme ne soit que de quelques millimètres; est-ce bien cela ?
12 R. C'est exact, oui.
13 Q. Est-il exact que lorsqu'on parle de bout portant, cela signifie que le
14 canon de l'arme à feu, au moment où le projectile est tiré, était à une
15 distance de 15 à 20 centimètres de la surface du corps ou de la surface du
16 vêtement lorsqu'on parle de revolvers modernes, de 50 à 70 centimètres
17 lorsqu'on parle de revolvers plus anciens, et d'un mètre à un mètre et demi
18 lorsqu'on parle d'un fusil ?
19 R. La réponse est négative. Je ne sais pas si la traduction est exacte,
20 mais bout portant ne correspond pas à ces distances de tirs qui rentrent
21 plutôt dans le cadre des courtes distances.
22 Q. Ma question portait sur une distance courte relative.
23 R. Il faut préciser que ces subdivisions sont tout à fait théoriques.
24 Elles dépendent de plusieurs facteurs; elles dépendent du type d'arme,
25 elles dépendent de la longueur du canon, elles dépendent de la charge de
26 poudre, et elles dépendent effectivement de facteurs dont vous avez parlé,
27 qui sont l'interposition de vêtements pour les dépôts.
28 M. STAMP : [interprétation] Avant de passer à la question suivante -- il y
Page 10142
1 avait un erreur au compte rendu d'audience en anglais. Elle vient d'être
2 corrigée. Excusez-moi, Monsieur le Président.
3 M. VISNJIC : [interprétation]
4 Q. Est-il exact que dans tous les cas où il n'y a pas de traces d'explosif
5 ou de poudre, les scientifiques et les spécialistes de la balistique, ainsi
6 que les experts en médecine légale, sont d'accord pour dire que le
7 projectile a été tiré à une certaine distance ?
8 R. La réponse ne peut pas être totalement affirmative, parce qu'il peut y
9 avoir d'autres facteurs qui rentrent en ligne de compte, qui sont aussi le
10 fait des conditions météorologiques, il y en a plusieurs, les dépôts de
11 fumée par exemple peuvent être lavés, et l'existence d'une cible
12 intermédiaire, comme un écran ou des vêtements, peuvent empêcher qu'il y
13 ait sur le corps des traces qui soient trouvées. Donc, il faut pondérer
14 cette réponse en tenant compte de tous ces facteurs.
15 Q. Docteur, ces facteurs que vous venez d'évoquer ne peuvent qu'amener à
16 une conclusion plus "conservatoire" encore, quant à la détermination de la
17 distance à laquelle la balle a été tirée. Est-ce que je suis en droit de
18 dire ce que je viens de dire ?
19 R. Je ne comprends pas le terme "conservatoire."
20 Q. Je vais reformuler. Selon la méthodologie appliquée par vous, quelle
21 est la distance que l'on pourrait considérer comme une distance moyenne
22 disons, s'agissant de déterminer si un tir a été tiré de près à l'aide d'un
23 fusil ?
24 R. Là également, je regrette, il n'est pas possible de donner de réponse.
25 Ceci dépend des différents facteurs que j'ai énoncés plus tôt, à savoir la
26 longueur du canon, l'existence ou non à l'extrémité du canon d'un appareil
27 spécial, qui peut être un silencieux, un réducteur de bruit, ou alors un
28 cache-éclair, la charge de poudre, si la quantité de poudre est plus ou
Page 10143
1 moins importante, et les conditions météo en ce qui concerne le dépôt des
2 fumées.
3 Q. Existait-il dans la littérature spécialisée des normes peut-être, des
4 normes quant à la distance maximale à laquelle ce genre de conclusion peut
5 être déterminé ?
6 R. La réponse est négative. Les experts en armes et munitions pour établir
7 une distance qui soit chiffrée font des tirs, ce qu'on appelle des tirs
8 comparatifs en utilisant la même arme si cela est possible, ou alors un
9 type d'arme tout à fait similaire, et des munitions qui, si possible,
10 appartiennent au même lot de munitions, ou si elles ne sont pas
11 disponibles, des munitions similaires. On a besoin d'avoir pour donner des
12 réponses chiffrées, on a besoin d'avoir plus d'éléments et de procéder à
13 des tirs comparatifs. Sinon, on en reste à des approximations qui sont
14 celles dont on a fait mention plus tôt, à savoir tirs à bout touchant, bout
15 portant, courte distance, intermédiaire, et ceci dépend des armes.
16 Q. Docteur, je vais maintenant vous interroger au sujet du travail
17 accompli par l'équipe de spécialistes français en 1999. Connaissez-vous la
18 méthode qu'ils ont utilisée pour déterminer la distance et quels sont les
19 facteurs qu'ils ont pris en compte pour déterminer la distance d'un tir
20 dans le cadre de leur travail ?
21 R. Vous faites référence à un dossier particulier ou c'est une demande
22 générale, une question générale ?
23 Q. Je parle du rapport de l'équipe des spécialistes français au sujet de
24 Gornja Studimlja, par exemple.
25 R. En ce qui concerne les distances de tir, ce qui apparaît dans le
26 rapport en question, sont basées sur l'existence ou non de brûlures au
27 niveau des trous retrouvés dans les vêtements ou de dépôts de poudre.
28 Q. Docteur, à la lecture de votre déposition dans l'affaire Milosevic,
Page 10144
1 j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas responsable du travail de la
2 mission française en 1999. Vous avez repris la responsabilité de ce travail
3 en 2000 seulement. Est-ce que c'est bien cela ?
4 R. Oui, c'est tout à fait exact. J'ajouterais juste une précision
5 complémentaire en ce qui concerne l'activité exercée en 2000, il ne
6 s'agissait pas d'une responsabilité d'une mission française, mais de la
7 responsabilité des équipes multidisciplinaires et internationales qui ont
8 été mises en place par le bureau du Tribunal pénal international pour l'ex-
9 Yougoslavie. Cela comprenait des experts de nationalités différentes, et
10 non pas uniquement français.
11 Q. Merci. Est-il exact également que lorsqu'on est en présence d'un
12 cadavre putréfié, il est impossible de déterminer exactement la distance à
13 laquelle le projectile a été tiré ?
14 R. En général, c'est très difficile, ceci étant lié au phénomène de
15 transsudation qu'on va avoir sur la peau et desquamation, c'est-à-dire de
16 la partie superficielle de l'épiderme qui va s'enlever par lambeau. Ceci
17 peut être quand même déterminé au niveau des vêtements qu'une victime peut
18 porter.
19 Q. Est-il également exact, Docteur, qu'il est éventuellement possible de
20 déterminer la distance d'un tir très proche au vu des traces que l'on
21 trouve sur les os, dans le crâne par exemple ou sur les os en général,
22 notamment lorsqu'on est en présence de traces de couleur noir, qui démontre
23 la présence d'une substance de couleur noir lorsque le cadavre est déjà en
24 partie putréfié ou totalement putréfié ?
25 R. Alors en ce qui concerne les tirs à bout touchant appuyés, on peut
26 avoir effectivement ce qu'on appelle une zone de tatouage qui n'est pas sur
27 la peau mais qui est sur la surface externe de l'os qui est sous-jacent. A
28 ce moment-là, cette zone de tatouage de poudre va être protégée par la
Page 10145
1 peau, et c'est en profondeur sur la surface externe de l'os qu'on va la
2 retrouver et qu'on va constater la présence de grains de poudre incrustés
3 sur la surface externe de l'os.
4 D'autres signes existent cliniques, qui sont pêle-mêle. L'empreinte de la
5 bouche du canon de l'arme, lacération de l'orifice d'entrée, existence
6 d'une chambre de mine en situation sous-cutanée, et cetera.
7 Q. Merci, Docteur. Suis-je en droit de dire qu'à la lecture du chapitre
8 2.12.3 de votre rapport, il est permis de dire que tous les cadavres
9 découverts à Gornja Sudimlja étaient déjà putréfiés. Paragraphe 2.12.3.2, à
10 l'exception de deux de ces cadavres dont il est fait une mention
11 particulière.
12 R. C'est exact.
13 Q. Suis-je en droit de dire, Docteur, qu'il est également impossible,
14 après examen visuel simplement de l'orifice d'entrée et de l'orifice de
15 sortie, de déterminer l'origine d'une balle ou son calibre ?
16 R. Une prudence extrême doit être conservée sur ce point. On peut avoir
17 une orientation, être orienté vers tel ou tel type de calibre, mais il n'y
18 a pas de parallélisme scientifique entre un diamètre d'orifice d'entrée et
19 un calibre. Des phénomènes multiples sont liés à l'élasticité des tissus
20 traversés, sont liés au mouvement du projectile, il y a des facteurs de
21 résistance, des différents matériaux traversés.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic, vous venez de citer
23 un paragraphe 2.12.3.2, je ne parviens pas à trouver ce paragraphe dans ma
24 version du texte. Je constate que dans ce chapitre la numérotation des
25 paragraphes n'est pas suivie. Est-ce que peut-être ce paragraphe figure
26 sous un autre numéro dans ma version du texte ?
27 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'aurais dû
28 indiquer que la numérotation n'est pas dans un ordre séquentiel. C'est
Page 10146
1 pourquoi que j'ai essayé de citer les numéros de paragraphes et les numéros
2 de pages dans mon interrogatoire. Je pense que ceci se retrouve sous le
3 titre "État des corps" au bas de la page 2.12.5.2 dans votre version.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 2.12.5.1 ? Merci.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, selon ce dont je
6 dispose en traduction, ce passage devrait se trouver en page 76 du document
7 158, mon confrère me dit à l'instant que ce n'est pas un point de référence
8 valable.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Page 76 ?
10 M. VISNJIC : [interprétation] Non, Maître Ivetic vient de me dire que cette
11 référence n'était pas valable. Je vous ai cité une référence qui était
12 d'une version traduite ne correspondant pas au document qui a été introduit
13 dans le système e-court du prétoire électronique. La référence au numéro de
14 paragraphe devrait suffire, je suppose.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans votre exemplaire, vous parlez
16 d'un numéro de paragraphe qui est 2.12.3.2., c'est bien cela ?
17 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, c'est ce paragraphe, effectivement. Ce
18 paragraphe dans la version originale du texte correspond au "2.12.5.2". Je
19 pense que cela devrait régler le problème. Le numéro que j'ai cité étant
20 celui d'une traduction, Monsieur le Président. Il est possible que
21 l'original ait été établi en français, et qu'ensuite ait eu lieu une
22 traduction en anglais et que ce soit cela qui ait causé ces différences de
23 numérotation qui se sont aggravées ensuite avec la traduction en B/C/S.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai l'impression qu'on peut
25 transposer le 3 en 5. Ce n'est pas tout à fait clair, mais nous allons
26 poursuivre. Veuillez poursuivre, je vous prie.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai, dans mon exemplaire, qui a été rédigé en
28 anglais, la même numérotation que Me Visnjic, à savoir cet aspect est dans
Page 10147
1 le paragraphe 2.12.3.2, "Status of Bodies."
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro, je
3 vous prie ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] 2.12.3.2.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
6 Maître Visnjic, à vous.
7 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Docteur, eu égard à la pièce P334, qui est un rapport établi par la
9 mission française, j'aimerais que vous vous penchiez sur ce document qui
10 fera l'objet d'un certain nombre de questions de ma part, après quoi, je
11 vous soumettrai deux rapports d'autopsie. Ma question est la suivante : sur
12 quoi s'appuie-t-on pour affirmer qu'une proximité immédiate correspond à
13 une distance de 50 centimètres, si l'on tient compte du fait qu'il y a un
14 instant nous avons été d'accord pour dire qu'une distance immédiate ou
15 absolue correspondait à une situation dans laquelle l'arme était appuyée
16 sur la peau ou sur un vêtement ou à quelques millimètres de la peau ou du
17 vêtement ?
18 M. VISNJIC : [interprétation] Page 51 de la pièce 334, qui est le rapport
19 de la mission française L11 ou C13.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est possible qu'il y ait un
21 problème d'interprétation. En anglais on lit : "Un tir à très courte
22 distance." Problème d'interprétation ou de traduction. C'était un rapport
23 français, n'est-ce pas ? Maître Visnjic, ce rapport était-il en français ?
24 M. VISNJIC : [interprétation] C'est un rapport français. En effet, Monsieur
25 le Président. Ce qui est en cause, c'est la traduction.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, est-ce que vous
27 disposez de la version originale en français de ce rapport ?
28 LE TÉMOIN : Non, Votre Honneur, c'est une version anglaise qui figure sur
Page 10148
1 mon écran.
2 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, la version française
3 existe également dans le système du prétoire électronique. On pourrait
4 peut-être l'afficher sur les écrans à la place de la version serbe, ce qui
5 nous permettrait de vérifier, car ce même terme sera utilisé à plusieurs
6 reprises.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je crois que ce serait bien,
8 Maître Visnjic, on pourra voir d'abord comment on peut comparer le libellé
9 français et le libellé anglais pour commencer.
10 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande que M. l'Huissier veuille bien
11 afficher la page française du rapport sur les écrans. Je crois que le
12 numéro de la page est le même.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les termes utilisés sont identiques à
14 ce que l'on trouve dans la version anglaise. Pouvez-vous nous dire, Maître
15 Visnjic, quels sont les termes utilisés par ce même fragment de phrase en
16 Serbe ?
17 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, au niveau de la
18 conclusion il est dit "le projectile est du 12 et le tir a été effectué à
19 très courte distance, à savoir 50 centimètres environ."
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Posez votre question maintenant que
21 nous comprenons ce qui est dit dans les différentes langues.
22 M. VISNJIC : [interprétation]
23 Q. Docteur, lorsque vous lisez ce rapport d'autopsie, je vous demande, ce
24 qui a servi de base à la conclusion selon laquelle la balle en question
25 était tirée à très courte distance, c'est-à-dire à 50 centimètres environ ?
26 R. Je ne suis pas l'expert qui a fait l'autopsie. Il m'est difficile de
27 dire quels sont les éléments sur lesquels mon confrère s'est basé pour
28 cette réponse. D'après ce que j'ai vu dans ce rapport, il y avait un expert
Page 10149
1 en armes et en munitions qui était présent au temps et au lieu de
2 l'autopsie. Je pense que ce sont ses constatations qui ont conduit à cette
3 conclusion.
4 Q. Docteur, dans la description de cette autopsie ou dans un document que
5 vous auriez pu avoir sous les yeux, y a-t-il des bases justifiant de telles
6 conclusions ? Est-ce que ces fondements sont décrits ? Regardez par exemple
7 cette partie du rapport, trois pages.
8 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais que le témoin voit la page 2 et la
9 page 3 de ce document, les deux pages suivantes qui ne sont pas forcément
10 la page 2 et la page 3, en français.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En français, de préférence.
12 M. VISNJIC : [interprétation] Le numéro des pages est d'après moi, le
13 numéro 52 et le numéro 53.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crains fort que ce qu'on nous
15 montre soit toujours en anglais, Maître Visnjic.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Je dispose ici d'une version française,
17 Monsieur le Président. Je pourrais la remettre au témoin sur papier.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
19 M. VISNJIC : [interprétation]
20 Q. J'aurais la même question à vous poser au sujet du rapport L2, 34. Je
21 vous fais remettre immédiatement les deux rapports.
22 Docteur, dans ces deux rapports, y a-t-il des éléments qui nous
23 permettraient de conclure aux mêmes conclusions que l'équipe française, à
24 savoir que la balle a été tirée à très courte distance ?
25 R. Il y est indiqué sur l'écran une distance de 50 centimètres. Je crois
26 qu'il aurait été préférable que l'expert indique que ce tir était
27 compatible avec, plutôt que donner un chiffre de distance qui, encore une
28 fois, ne peut être affirmé qu'en possession de l'arme et des munitions en
Page 10150
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 10151
1 cause.
2 Ceci étant, il y a des éléments qui permettent de dire
3 qu'effectivement ce tir a été tiré à très courte distance. Ces éléments
4 font référence notamment à l'existence de brûlures noirâtres au pourtour.
5 Ceci indique qu'effectivement la bouche du canon de l'arme se trouvait à
6 très courte distance de la peau.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on trouve une telle
8 constatation dans les deux rapports ?
9 LE TÉMOIN : Votre Honneur, en ce qui concerne le rapport concernant le
10 dossier L2, C34, dans la région thoracique il est précisé qu'il existe un
11 orifice d'entrée situé dans la région thoracique droite paramédiane haute,
12 de 8 à 9 millimètres de diamètre environ, avec des brûlures noirâtres au
13 pourtour. En ce qui concerne l'autre rapport, le dossier L1, C13, il est
14 mentionné que le tir est à cinquante centimètres environ, courte distance.
15 Mais on ne dispose pas des éléments sur lesquels l'expert s'est appuyé pour
16 cette conclusion.
17 M. VISNJIC : [interprétation]
18 Q. Il est question d'un cadavre qui a été modifié par putréfaction, n'est-
19 ce pas ? Je parle de rapport L2, C34.
20 R. C'est exact.
21 Q. Merci. Je vous demande maintenant de vous pencher sur un autre
22 document que l'on retrouve également dans la pièce P334, il s'agit du
23 rapport L1, C12, page 47 du rapport.
24 M. VISNJIC : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier de bien
25 vouloir remettre le texte en français au témoin.
26 Q. Docteur, dans ce rapport il est dit que la balle a été tirée à une
27 distance relative, c'est-à-dire à une distance inférieure à deux mètres. Y
28 a-t-il un quelconque fondement justifiant une telle constatation, une telle
Page 10152
1 conclusion dans ce rapport ?
2 R. Je n'en ai pas retrouvé.
3 Q. Merci. Puisque nous parlons de cela, Docteur, de ce rapport L1, C12,
4 cette autopsie, il est écrit ici que le calibre de la balle est de 5,45-
5 5,56. Est-ce que vous avez une idée de ce qui a servi à déterminer le
6 calibre du projectile ?
7 R. Je n'en ai pas retrouvé de trace dans le rapport de l'expert. Je pense
8 que c'est quelque chose qui est plus ou moins déduit des dimensions de
9 l'orifice d'entrée, mais c'est une supputation de ma part.
10 Q. Il y a un instant, nous étions d'accord pour dire que le diamètre de
11 l'orifice d'entrée ne permet pas de déterminer le calibre d'une balle,
12 n'est-ce pas ? Scientifiquement, je veux dire.
13 R. En ce qui me concerne, la réponse est positive. J'aurais certainement
14 adopté plus de prudence dans la formulation en parlant de compatibilité
15 avec, plutôt que d'utiliser le présent et d'être affirmatif. Mais encore
16 une fois, je n'étais pas sur les lieux, je n'étais pas présent à
17 l'autopsie.
18 Q. Merci, Docteur. Oui, bien sûr, je suis au courant et c'est ce qui me
19 pousse à vous demander des éclaircissements.
20 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette au
21 témoin une autre partie de la même pièce à conviction, page 4 cette fois-
22 ci. C'est le rapport concernant l'autopsie L1, C3 qui se trouve en fait à
23 la page 11, excusez-moi. J'ai ici la version française du texte qui peut
24 être remise au témoin.
25 Q. Docteur, dans cette autopsie, il n'est pas fait mention d'un orifice de
26 sortie de la balle à la surface de ce cadavre; suis-je en droit de dire ce
27 que je viens de dire ?
28 R. Votre Honneur, si, il est mentionné un orifice de sortie. Puisque je
Page 10153
1 relis le rapport de mon confrère, il est dit : le larynx est perforé avec
2 un orifice d'entrée de 8 millimètres dans l'aile du cartilage thyroïde
3 gauche et une sortie au niveau de l'aile du cartilage thyroïde droit;
4 présence de plaies des vaisseaux du cou, notamment artère carotide droite
5 et gauche est mentionnée. Donc un orifice de sortie.
6 Q. Oui, effectivement, c'est mentionné au niveau de la description de
7 l'autopsie, mais on n'en trouve pas mention dans les conclusions. Cela
8 m'avait échappé. Quoi qu'il en soit, est-il permis de penser qu'il reste
9 des tissus mous au niveau de la lésion, au niveau de la plaie même en dépit
10 de la putréfaction ?
11 R. Il s'agit de supputation. L'état du cou est décrit comme étant déjà
12 très altéré avec des parties molles putréfiées et hémorragiques.
13 Q. Merci, Docteur. Suis-je en droit de dire que les éléments présents ici
14 ne suffisent pas à déterminer le calibre de la balle, les éléments
15 mentionnés dans cette partie du texte ?
16 R. Je ferai la même remarque que précédemment. La logique scientifique
17 voudrait que l'on parle plutôt de compatibilité avec tel type de calibre
18 plutôt que de démontrer une certitude.
19 Q. Merci, Docteur.
20 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais à présent qu'on soumette au témoin
21 le rapport L1, C5, page 19. J'ai ici les pages en question en français.
22 Q. Docteur, je vais vous faire remettre deux rapports en même temps, avec
23 également le rapport L1, C14. Dans ces deux rapports, il est dit qu'en se
24 fondant sur l'examen visuel ou en se fondant sur l'observation de l'orifice
25 d'entrée, il a été possible de déterminer que les munitions utilisées
26 étaient du 12, ce qui sans doute signifie de calibre 12.
27 Voici ma question : si l'on tient compte de la puissance de frappe d'un
28 projectile de calibre 12 et si l'on tient compte du fait que dans ce texte
Page 10154
1 il est affirmé que la balle a été tirée d'une distance relative, suis-je en
2 droit de dire qu'il est très vraisemblable, très probable que dans ces
3 conditions la balle ne serait pas restée à l'intérieur du corps mais
4 qu'elle en serait sortie, même si elle avait heurtée au passage un os ?
5 R. Encore une fois, je n'étais pas présent au moment de l'autopsie, et
6 donc, je me prononce d'après la lecture du rapport. L'interprétation qui
7 est donnée par l'expert à qui ce fait n'a pas échappé, à savoir qu'il n'y
8 avait pas d'identification d'orifice de sortie. L'interprétation de
9 l'expert est une fragmentation du projectile.
10 Q. Docteur, en vous fondant sur votre expérience, est-il permis qu'il est
11 fort vraisemblable ou fort probable qu'une balle de calibre 12 aurait
12 traversé le corps et serait sortie du cadavre si cette balle avait été
13 tirée à la distance qui est mentionnée dans ce rapport ?
14 R. Tout peut se voir, y compris le fait qu'un projectile de calibre 12 ne
15 ressort pas du corps.
16 Q. Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur le rapport
17 d'autopsie L1, C9 qui se trouve en page 33 de la pièce P334.
18 Docteur, si nous lisons ce qui figure au niveau de la conclusion de ce
19 rapport qui tient compte des autres éléments caractérisant cette autopsie,
20 est-ce qu'il vous semble possible que deux personnes, à moins que ce ne
21 soit qu'une seule personne, aient tirées ces deux projectiles en même temps
22 à une distance aussi courte ?
23 R. En ce qui concerne des circonstances de tir ici, également tout peut se
24 voir.
25 Q. Avons-nous un fondement, Docteur, qui permettrait de confirmer la
26 distance de tir et le calibre du projectile dans le cas décrit ici dans ce
27 rapport ?
28 R. Je pense que mon confrère a sans doute voulu opposer deux plaies
Page 10155
1 différentes par leur orifice d'entrée. L'une qui avait un orifice d'entrée
2 de petite dimension de l'ordre de 8 millimètres de diamètre auquel
3 correspondait un orifice de sortie, ceci au niveau du crâne. Deuxièmement,
4 au niveau du cou à un orifice d'entrée qui était beaucoup grand puisqu'il
5 mesurait 1,8 centimètres de diamètre sans orifice de sortie
6 individualisable.
7 Encore une fois, c'est une interprétation de rapport puisque je
8 n'étais pas présent sur place pour examiner le corps, c'étaient deux
9 constatations tout à fait différentes.
10 Q. Merci, Docteur. Docteur, sur la base des descriptifs que l'on
11 trouve dans ces rapports d'autopsie relatifs à Gornja Sudimlja, est-il
12 permis de déterminer le temps de séjour des cadavres dans la terre ou y a-
13 t-il quelque chose qui permette de dire que le décès a eu lieu à peu près
14 au même moment pour tous ces cadavres et à peu près au même endroit ?
15 R. Sur un plan général, il est toujours très difficile de déterminer
16 la durée pendant laquelle un cadavre a été inhumé parce qu'elle dépend de
17 facteurs qui sont extrêmement variables, qui tiennent à la nature du sol,
18 s'il est riche en roche, quelle est la concentration en eau, si le corps
19 est inhumé dans des vêtements ou est dévêtu, s'il y a un linceul, un
20 linceul plastique, s'il y a un cercueil, et cetera. Il y a énormément de
21 facteurs qui vont influer sur les phénomènes de putréfaction et l'on n'a
22 pas actuellement de tables scientifiques qui permettent de faire une
23 corrélation entre l'état d'avancement de la putréfaction et la durée du
24 séjour.
25 Dans le rapport de mes confrères, les seules mentions qui figurent
26 sont relatives à un état de putréfaction prononcé ou plus ou moins
27 prononcé; ce qui ne permet d'avancer quelque hypothèse que ce soit sur une
28 approximation au niveau de la durée de séjour.
Page 10156
1 Q. Si j'ai bien compris, votre réponse est non; n'est-ce pas ?
2 R. En l'état actuel de la science, non, et en l'absence d'éléments plus
3 descriptifs dans le rapport d'autopsie.
4 Q. Merci.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande maintenant le rapport d'autopsie,
6 L2, C22, qui se trouve en page 81 de la pièce P334.
7 Q. Docteur, sur la base d'un examen visuel d'une plaie, est-il possible de
8 déterminer la nature de l'arme qui a tiré, et si oui, quels sont les
9 critères qui existent pour ce faire éventuellement dans la littérature
10 spécialisée ? Je parle bien du rapport d'autopsie, L2, C22, pour poser
11 cette question.
12 R. Est-ce que la question fait référence à l'arme à feu, à sa marque, à
13 son calibre ou au fait qu'il s'agisse d'une arme automatique ou un tir en
14 rafale ?
15 Q. Nous lisons ici dans les conclusions. C'est la phrase qui m'intéresse.
16 Je cite : "Sur la base de l'examen visuel, il est conclu que c'est un fusil
17 automatique Kalashnikov qui a tiré à une distance relative." Ce sont ces
18 deux fragments de phrase qui m'intéressent. Est-il possible de tirer la
19 conclusion qu'on lit ici sur la base du descriptif de l'autopsie qui
20 précède dans ce rapport d'autopsie ?
21 R. Il est certain qu'en l'absence de l'arme ou des munitions, je ne
22 m'hasarderais pas personnellement à évoquer un nombre de marque d'armes à
23 feu. Je note simplement que dans la version française, entre parenthèses,
24 le terme "Kalachnikov" est suivi d'un point d'interrogation, ce qui me
25 laisse supposer que l'expert a considéré cela comme une hypothèse.
26 Q. Suis-je en droit de dire également qu'il n'existe aucun fondement non
27 plus pour déterminer la distance du tir ?
28 R. Je crois qu'il faut bien faire la distinction entre les constatations
Page 10157
1 d'autopsie et les éléments figurant dans le rapport qui permettent de juger
2 du diagnostic qui a été porté, de l'interprétation de ces constatations. Il
3 est certain que ces rapports sont assez concis. Le seul élément que je
4 noterais pour la distance de tir, c'est le fait que je retrouve dans le
5 chapitre "région thoracique," la mention de véritable chambre de mines, qui
6 pourrait faire envisager effectivement un tir pratiquement à bout touchant.
7 Encore une fois, je manque d'éléments pour pouvoir le dire. J'ignore
8 quelles ont été les constatations sur les vêtements, s'il y avait des
9 traces de poudre dedans.
10 Q. Docteur, puisque vous venez d'évoquer ce fait, suis-je en droit de dire
11 par conséquent, dans ce rapport les dégâts subis par les vêtements ne sont
12 pas décrits, les conséquences du contact entre le projectile et les
13 vêtements ? Je ne parle pas d'ailleurs uniquement de ce rapport d'autopsie,
14 mais du travail global de l'équipe française. De façon générale, on n'a pas
15 de description des conséquences sur les vêtements du tir de projectile ?
16 R. Dans ce cas L2, C22, non. Il n'y a pas de constatation au niveau des
17 vêtements, hormis l'existence de trois impacts au niveau de la chemise de
18 la victime, trois impacts qui semblent assez rapprochés puisque les régions
19 dans lesquelles ils se situent sont voisines. Il n'y a pas de constatations
20 négatives ou positives sur l'existence de dépôt de poudre ou de dépôt de
21 fumée.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où se trouve la mention "trois impacts
23 sur la chemise de la victime" ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la version française du rapport L2, C22,
25 il est indiqué au paragraphe vêtement, le cadavre était vêtu d'une chemise
26 bleue à rayons rouges, avec trois impacts tiers moyen, tiers inférieur,
27 paramédian en droit.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui. Merci.
Page 10158
1 Maître Visnjic, ceci conduirait sans doute à penser que votre question
2 assez générale recevra pour réponse une déclaration consistant à dire que
3 ces rapports d'autopsie comportent bien de temps en temps un descriptif des
4 vêtements.
5 M. VISNJIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. De temps
6 en temps, les vêtements sont mentionnés. Ce qu'on ne trouve pas dans ces
7 rapports -- mais bon. Je vais soumettre deux ou trois autres exemples au
8 témoin dans mes questions à venir et les conclusions en ressortiront
9 d'emblée.
10 Le rapport L2, C63, page 57 de la pièce 334.
11 Q. Si un morceau de métal s'est incrusté au niveau de l'orifice d'entrée,
12 alors que le projectile ait resté intact après avoir traversé le cadavre,
13 est-ce que cela signifie que le projectile a traversé au préalable un
14 obstacle métallique ?
15 M. VISNJIC : [interprétation] Cette fois, il s'agit de la pièce P332.
16 Excusez-moi. Page 71 de la version originale du texte.
17 Monsieur le Président, je vois que l'heure de la pause est arrivée. Peut-
18 être pourrait-on suspendre ?
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais vous avez posé une question
20 au témoin. Vous l'avez interrogé au sujet de la présence d'une toute petite
21 particule de métal, alors que le projectile est intact à la sortir du corps
22 ce qui pourrait signifier que le projectile a traversé un obstacle
23 métallique. Le Dr Baccard va, nous l'espérons, faire la lumière sur ce
24 point.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui s'affiche sur
26 mon écran ce sont des photos assez difficilement identifiables. Aucune
27 référence à ce que vient de dire Me Visnjic.
28 M. VISNJIC : [interprétation] Je viens d'indiquer, Monsieur le Président,
Page 10159
1 que nous étions en train de parler maintenant d'une nouvelle pièce à
2 conviction par rapport à la question précédente, à savoir la pièce P332.
3 P332, page 71 de la version originale et non plus de la pièce 334. Quant au
4 numéro de la page, il s'agit de la page 57 de la version traduite.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le bon document que nous avons
6 sur les écrans ?
7 M. VISNJIC : [interprétation] Non. L2, C63.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Reprenons après la pause déjeuner.
9 Vous aurez ce document sous les yeux après la pause déjeuner.
10 Docteur Baccard, je vais maintenant vous inviter à quitter le prétoire,
11 accompagné de M. l'Huissier. Nous suspendons pour reprendre nos travaux
12 dans une heure environ.
13 [Le témoin se retire]
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons à 13 heures 45.
15 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 46.
16 --- L'audience est reprise à 13 heures 45.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
20 Q. Docteur, nous avons avancé sur le plan technique et nous avons
21 maintenant sous les yeux un rapport d'autopsie L2, C63, qui est extrait de
22 la pièce P332. Ma question était la suivante : s'il existe une particule de
23 métal dans la peau au niveau de l'orifice d'entrée et si le projectile
24 après avoir traversé le corps reste intact, est-ce que cela signifie
25 qu'auparavant le projectile avait traversé un obstacle métallique ?
26 M. VISNJIC : [interprétation] Pourrait-on faire le point sur la version en
27 français pour que le témoin puisse voir la conclusion ? Merci.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en ce qui concerne les conclusions de mon
Page 10160
1 confrère, il est dit que la présence de cet éclat métallique se trouve dans
2 une petite perforation sous-jacente. Je pense qu'il y a deux lectures
3 possibles, soit il s'agit sous-jacente sur le plan de la surface de la
4 peau, donc c'est situé au-dessous, soit alors c'est sous-jacente, c'est-à-
5 dire plus en profondeur. Deux hypothèses peuvent être formulées, soit le
6 projectile a fragmenté lors du franchissement de la barrière cutanée, soit
7 alors c'est une fragmentation préalable. Mais en l'absence de photographies
8 ou de schémas, il faudrait tourner la page et voir ce qu'il y a comme
9 autres pièces.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je ne comprends pas.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il serait possible de voir
12 l'intégralité du rapport, c'est-à-dire le schéma corporel qui doit
13 l'accompagner à la page suivante.
14 M. VISNJIC : [interprétation] C'est la page suivante en français.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur le schéma, effectivement il y a un petit
16 éclat qui est situé au-dessous de l'orifice d'entrée de l'aisselle gauche,
17 il est difficile de répondre à cette question sans avoir d'examen de ce
18 petit éclat, à savoir s'il provient d'une partie de fragment de projectile
19 ou si c'est un éclat d'autre nature.
20 M. VISNJIC : [interprétation]
21 Q. Sur la base de tous ces éléments, est-ce qu'on peut rendre une
22 conclusion ? Est-ce qu'on peut en déduire la distance de tir du
23 projectile ?
24 R. Est-ce qu'il me serait possible d'avoir le rapport version papier,
25 parce que je vois écran par écran et c'est assez difficile d'interpréter
26 sur la base d'éléments isolés ?
27 Je pense que les conclusions de mon confrère concernant, selon ses termes,
28 un tir à courte distance sont surtout liées à l'existence à une chambre de
Page 10161
1 mine thoracique gauche.
2 Q. Est-ce que c'est suffisant pour arriver à des conclusions scientifiques
3 sur la base de ces éléments ?
4 R. Il est certain qu'on attendrait plus de renseignements sur la base du
5 rapport, mais encore une fois, c'est un examen du rapport et ce n'est pas
6 un examen du corps lui-même. Mon interprétation personnelle est limitée à
7 cause de ce fait.
8 Q. Merci, Docteur.
9 M. VISNJIC : [interprétation] Ma question suivante et j'ai deux exemplaires
10 en français et je souhaiterais que ces exemplaires soient remis au témoin
11 afin d'accélérer les choses. Il s'agit de la même pièce.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je dis qu'il est difficile de se
13 prononcer sans avoir d'analyse de ce fragment, ce que je veux dire, cette
14 personne étant habillée de plusieurs vêtements, y compris un blouson, je ne
15 vois pas dans le rapport de mention sur ce fragment. Est-ce que c'est un
16 fragment métallique qui provient du blouson comme, par exemple, une
17 fermeture Eclair ou est-ce que c'est un fragment métallique qui provient du
18 projectile ? Je n'ai pas d'éléments.
19 M. VISNJIC : [interprétation]
20 Q. Sous les yeux, vous avez la pièce L11, C68. Page 91, texte en français;
21 page 72 de la version en B/C/S. Et L2, C67 qui se trouve à la page 165 en
22 français et j'ai la question suivante à vous poser :
23 Quels sont les paramètres qui ont été utilisés pour affirmer qu'une
24 fracture impactée au niveau de la tête était due à un coup donné par une
25 crosse de fusil ? Est-ce que ceci n'aurait pas pu être dû à une chute et
26 aux conséquences de cette chute contre une surface dure, la surface du sol
27 ou un autre objet, une structure qui se trouverait sur le sol ?
28 R. Je pense que les arguments qui ont conduit mon confrère à attribuer à
Page 10162
1 une crosse d'arme la fracture avec embarrure sont vraisemblablement les
2 dimensions de cette embarrure ainsi que la forme. J'ai été moi-même
3 confronté au Kosovo à des fractures qui étaient typiques de crosses d'armes
4 et qui reproduisaient le contour de crosses d'armes avec, y compris, les
5 vis qui maintenaient la plaque de couche.
6 Q. Est-ce qu'on peut le voir sur cette photographie ? L2, C68 et L2,
7 C67 ?
8 R. La disposition, ce sont des photocopies en noir et blanc dont la
9 qualité permet aucune interprétation scientifique.
10 Q. Merci.
11 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais que l'on présente au témoin la
12 pièce L2, C50; page 19 en français. Page 19 -- ou page 15 de la version en
13 B/C/S.
14 Q. Je voudrais vous poser la question suivante : les blessures
15 situées dans le dos, est-ce que ce sont des blessures qui auraient pu être
16 obtenues dans une phase de combat, alors que la victime était encerclée par
17 des forces ennemies ?
18 R. Il ne m'est pas possible de faire des interprétations sur les
19 circonstances de ces blessures avec les éléments dont je dispose. Ce qui
20 est mentionné par l'expert, c'est qu'il s'agit d'un tir à courte distance
21 et que les orifices d'entrée sont situés au niveau dorsal. Chacun est libre
22 ensuite d'en faire les interprétations qu'il estime appropriées.
23 Q. Est-ce qu'il y a suffisamment d'éléments pour dire que le tir a été
24 réalisé à courte distance et est-ce qu'on peut affirmer quoi que ce soit au
25 sujet du calibre des projectiles ?
26 R. On se retrouve dans la même problématique que précédemment, à savoir
27 qu'au niveau du rapport il n'y a pas d'éléments qui permettent de savoir
28 sur quels critères l'expert s'est basé pour affirmer qu'il s'agissait d'un
Page 10163
1 tir à courte distance. Ce qui ne veut pas dire que ces éléments
2 n'existaient au moment de l'autopsie, et la même remarque en ce qui
3 concerne le calibre.
4 Q. Il n'y a rien qui est sur ce sujet dans les rapports que vous
5 interprétez pour nous.
6 R. Non. Il n'y aucun élément qui permet de confirmer ou d'infirmer ce que
7 dit mon confrère. Je pense qu'il est suffisamment qualifié pour endosser la
8 responsabilité de ses conclusions.
9 Q. Docteur, dans la pièce P206 à la page 10, votre confrère déclare que
10 d'après les déclarations des témoins, le point de contrôle serbe se
11 trouvait à environ 1,7 kilomètres du cimetière, qui a 300 kilomètres vers
12 Vucitrn et Gornja Sudimlja, et qu'il s'agissait d'un site d'exécutions.
13 Mais lorsque les enquêteurs du bureau du Procureur sont allés réaliser une
14 enquête sur ce soi-disant site d'exécutions, ils n'ont trouvé que cinq
15 douilles de calibre 7,62 et de 9 millimètres. Est-ce que cela peut indiquer
16 que les personnes dont les corps ont été retrouvés à Gornja Sudimlja, au
17 cimetière en fait, ces personnes ont été tuées ailleurs ?
18 R. Je ne peux pas absolument répondre à cette question. Il n'y a aucun
19 élément qui permet de répondre à cette question dans le rapport. En tout
20 cas, rien qui relève de ma compétence.
21 Q. Merci. Une chose encore, Docteur. Dans votre rapport, vous reprenez la
22 conclusion de l'expert médico-légal qui a réalisé l'expertise de Gornja
23 Sudimlja, et il est dit que : "D'après le médecin légiste, la plupart des
24 victimes ont été abattues à -- que les tirs ont été réalisés à courte
25 distance."
26 J'ai la question suivante à vous poser : est-il exact de dire que vu l'état
27 des corps puisqu'on a dit que c'étaient des corps qui étaient en état de
28 décomposition et vu les informations qui sont disponibles dans les rapports
Page 10164
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 10165
1 d'autopsie, peut-on dire qu'il est difficile de rendre des conclusions
2 scientifiquement valables selon lesquelles les victimes par la plupart ont
3 été l'objet de tirs de courte portée ?
4 R. Pas vraiment, il y a une différence encore une fois entre
5 l'interprétation du rapport et les constatations d'autopsie proprement
6 dite. J'ai bien dit dans les conclusions de mon rapport concernant ce site,
7 que les tirs ont été généralement effectués à courte distance, en
8 l'attribuant à mes confrères. Ce n'est pas une opinion que j'ai reprise
9 pour moi-même parce que je n'ai pas trouvé dans le rapport d'éléments me
10 permettant d'avoir une deuxième lecture pour infirmer ou pour confirmer ces
11 constatations. Ce qui ne veut pas dire que ces constatations soient
12 inexactes, elles sont de la responsabilité de mes confrères. Je n'ai pas
13 eu, quant à moi, d'éléments me permettant d'apprécier si elles étaient
14 fondées ou non fondées.
15 Q. Puis-je en conclure que sur la base de ces conclusions il est
16 impossible d'affirmer ou de confirmer que ces personnes avaient fait
17 l'objet de tirs à courte distance ?
18 R. A mon avis, cela ne fait pas partie des éléments que j'ai étudiés dans
19 mon rapport. Mon rapport, si vous reprenez ce qui y figure, est divisé en
20 deux parties. Une partie qui tient à une étude statistique des groupes de
21 victimes c'est-à-dire leur sexe, leur âge, l'existence ou non d'habits
22 civils, et cetera, ainsi que des éléments qui sont des éléments médico-
23 légaux concernant le type de blessures qu'elles présentaient, à quel niveau
24 ces blessures se situaient et quelles étaient les causes de la mort ainsi
25 que l'arme responsable.
26 Lorsque j'ai mentionné qu'il s'agissait de tirs à courte ou très courte
27 distance, j'ai très nettement attribué ces conclusions à mes confrères.
28 Q. Merci. S'agissant des armes qui ont été utilisées pour tuer ces
Page 10166
1 personnes, est-il exact qu'il est absolument impossible de déterminer le
2 calibre de ces armes vu la méthodologie utilisée et les techniques
3 utilisées par ces experts ?
4 R. De manière générale, des renseignements d'ordre général peuvent être
5 tirés des constatations autopsie, c'est-à-dire en ce qui concerne un
6 diamètre d'orifice d'entrée ou l'importance de dégâts atomiques, on pourra
7 être orienté vers tel ou tel groupe de calibre ou des projectiles à très
8 haute vitesse, par exemple. Si l'on veut déterminer un calibre d'une arme,
9 il faut que ces constatations se fassent sur un projectile qui est extrait
10 du corps et qui sera soumis à un examen d'expert qui permettra d'identifier
11 ce projectile et éventuellement, si ultérieurement on a d'autres
12 projectiles ou l'arme elle-même, d'établir des tirs de comparaison et de
13 pouvoir identifier avec certitude l'arme en cause.
14 Q. Docteur, cela n'est pas votre domaine de spécialités. Cela c'est
15 quelque chose qui relève plutôt des experts en matière de balistique,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Si vous faites référence à l'examen d'armes et munitions, c'est le
18 domaine d'expertise des experts en armes et en munitions. La balistique est
19 un élément à part. C'est la science du mouvement du projectile dans l'air
20 qui est un élément encore différent.
21 Q. Merci. Docteur, passons au site Bela Crkva. A ce sujet, j'ai quelques
22 questions très brèves à vous poser.
23 Est-il exact que les rapports d'autopsie ne contiennent aucune information
24 au sujet de la direction du projectile quand il est entré dans le corps, du
25 trajet des balles dans le corps et que celui qui a réalisé l'autopsie n'a
26 pas inclus ces éléments ?
27 R. En ce qui concerne ce site, les précisions suivantes concernent les
28 blessures provoquées par des projectiles d'armes à feu, c'est-à-dire le
Page 10167
1 nombre de projectiles et la localisation de l'orifice d'entrée.
2 Si je peux ajouter quelque chose, je pense qu'en absence d'autopsie -
3 puisque c'est le cas où un examen externe a été réalisé et associé à un
4 examen radiographique - seules ces conclusions pouvaient être validement
5 tirées.
6 Q. A partir de la description des blessures dans le rapport d'autopsie
7 pour le site Bela Crkva, est-il possible de déterminer la position relative
8 des assaillants et de la victime, la distance à partir de laquelle les
9 projectiles ont été tirés ? Est-il possible de déduire d'autres types
10 d'information de ce genre ?
11 R. En ce qui concerne les éléments que je viens de dire, la majorité des
12 orifices d'entrée se situaient sur la partie avant du tronc. Je n'ai pas
13 souvenir, mais il faudrait que je me réfère au rapport d'autopsie lui-même
14 s'il était mentionné une distance de tir à cet endroit. Je crois que ce
15 sont les seuls éléments concernant le point que vous soulevez figurant dans
16 ce rapport.
17 Q. Merci. Le site en question, c'est Kotlina. C'est la pièce 361.
18 Est-ce qu'on peut dire avec une certaine certitude de quel type de
19 mines constituent les engins explosifs, autrement dit, des bombes, des
20 obus, des grenades, des roquettes, qui ont provoqué les blessures qui sont
21 décrites ici ?
22 R. Je n'ai pas trouvé dans le rapport de mes confrères des renseignements
23 concernant le type d'explosifs utilisé. Ceci pourrait être déterminé à
24 partir des fragments de "shrapnel" extraits du corps des victimes, si cela
25 était fait.
26 Q. Et que dans le puits ou autour du puits, on a découvert des parties
27 d'explosifs qui avaient explosé ?
28 R. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu des éléments de ce type, en sachant que
Page 10168
1 je me suis focalisé sur ce qui relevait de ma spécialité, à savoir la
2 médecine légale.
3 Je répète à l'attention de l'interprète, je disais que je me suis
4 focalisé sur ma spécialité, à savoir la médecine légale.
5 Q. Merci. Est-ce que les blessures provoquées par des engins explosifs,
6 obus ou mines par exemple --
7 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande que l'on montre au témoin la page
8 10. Je suis en train de parler du cadavre numéro 1.
9 Q. Est-ce que les blessures provoquées par des obus ou des mines par des
10 engins explosifs, qu'on a constatées sur ce cadavre, est-ce que ces
11 blessures ont été provoquées du vivant de la personne ou après sa mort ?
12 R. Est-ce qu'il serait possible d'avancer l'écran, d'aller en page 2 et en
13 pages suivantes ?
14 Je pense que le caractère anti-mortem, le caractère vital des
15 blessures, a été exploré par mon confrère. Je vois in contrario qu'il a
16 fait la distinction avec des blessures par balle qui, elles, ont été
17 causées en post mortem compte tenu de l'absence de signes d'hémorragie
18 vitale.
19 A l'intention de l'interprète, c'est de signe vital, d'hémorragie vitale,
20 et non pas létale.
21 Q. Si j'ai bien compris votre réponse - et je suis sur l'écran également -
22 votre réponse a consisté à dire que les blessures dues à ces explosifs ont
23 été subies par la victime de son vivant ?
24 R. Je pense que les conclusions de mon confrère le disent, parce qu'in
25 contrario, il a fait la distinction avec une blessure au niveau de la
26 hanche gauche -- non. Des blessures par balle ont été mentionnées comme
27 étant probablement causées en post mortem, puisqu'il n'y avait pas
28 d'hématome correspondant. Il a bien vérifié si le caractère était ante ou
Page 10169
1 post mortem.
2 Q. Est-ce que les traces de feu sur le cadavre sont dues à l'explosion
3 d'un engin explosif ou à une autre cause éventuellement ?
4 R. Je n'ai pas d'élément qui me permette de répondre à cette question dans
5 le rapport.
6 Q. Si je vous ai bien compris, lorsque vous avez répondu à ma question
7 précédente, vous avez dit que les blessures par balle avaient sans doute
8 été provoquées en post mortem. D'ailleurs, c'est écrit dans le rapport.
9 Est-ce qu'on trouve dans le rapport une réponse à la question de savoir si
10 les blessures dues à des engins explosifs ont été provoquées durant la vie
11 de la victime ?
12 R. On ne le trouve pas sous forme positive. Le fait que ceci soit
13 mentionné de façon négative pour d'autres blessures me laisse à penser que
14 ce point, qui est un point abordé systématiquement lors d'une autopsie, a
15 bien été vérifié par mon confrère.
16 Q. Merci.
17 M. VISNJIC : [interprétation] Page 14 à présent. Je demande qu'on l'affiche
18 à l'écran. Il est question du cadavre numéro 5.
19 Q. Est-ce que l'absence de plaies sur les cadavres permet de penser que le
20 corps des victimes a été transporté après leur mort, si on compare cette
21 situation à celle de personnes qui présentent des orifices d'entrée et de
22 sortie de balles ou dues à des explosifs ?
23 R. Je n'interprète pas le court rapport d'autopsie qui figure sur l'écran
24 comme étant révélateur d'une absence de blessures. Il est mentionné qu'il
25 existe des marques d'explosion et de feu au niveau du corps. Le centre de
26 l'explosion se situait dans la région stomacale. Pour moi, ceci indique
27 clairement qu'il y avait une blessure au niveau de cette région.
28 M. STAMP : [interprétation] Une explication complémentaire. Le témoin a vu
Page 10170
1 la dernière partie du rapport d'autopsie concernant ce corps. Je crois qu'à
2 la page précédente de ce rapport, on a une indication du lieu où le cadavre
3 a été découvert. Peut-être serait-il utile de montrer cette page au témoin
4 pour qu'il dispose de toutes les informations nécessaires.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord.
6 LE TÉMOIN : Oui. En fait, il y a beaucoup de plus de lésions qu'indiquées
7 dans la page suivante puisqu'il s'agirait plutôt de ce qu'on appelle "body
8 part", puisque d'après ce que je lis, il s'agissait d'un torse avec une
9 tête et les deux bras, et qu'en outre, il y avait une perte de tissus au
10 niveau du bras gauche dans la région du coude et de l'avant-bras. Ceci
11 correspond à des blessures qui sont nettes.
12 M. VISNJIC : [interprétation]
13 Q. Ma question portait sur l'absence d'orifices d'entrée due à des balles
14 sur ces cadavres. Est-ce que cette absence d'orifices d'impacts de balles
15 pourrait démontrer que ces personnes auraient été tuées en un lieu
16 différent de celui où les cadavres ont été retrouvés ?
17 R. Il n'est pas possible de répondre à cette question.
18 M. VISNJIC : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît, pour le
19 témoin, à savoir la page 11, cadavre numéro 2. Page 11 de la traduction,
20 cadavre numéro 2.
21 Q. Est-ce que les blessures dues à un projectile tiré par une arme de
22 poing, est-ce que ces blessures ont été infligées à la victime de son
23 vivant ou post mortem ?
24 R. Est-ce qu'il est fait référence ici à ce qui est décrit comme étant
25 [interprétation] "Petits fragments de chair décomposée et de restes
26 osseux."
27 Q. Il est question à ce moment-là du cadavre numéro 2, donc d'une victime.
28 Ma question consistait à vous demander si les blessures provoquées par ce
Page 10171
1 projectile tiré par une arme de poing ont été infligées à la victime de son
2 vivant ou après sa mort ?
3 R. [en français] Ce n'est pas ce qui a été affiché sur mon écran puisque
4 c'est ce que je viens de dire qui y figure. Cela doit être la page d'avant.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande l'affichage des deux pages, page
6 10 et page 11.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que votre question
8 concernait le cadavre numéro 2.
9 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 LE TÉMOIN : C'est celui de Mme ou M. Kuqi Minah ? Non, c'est un autre nom.
11 M. VISNJIC : [interprétation] Non, c'est un autre nom.
12 L'INTERPRÈTE : La fin de la phrase de Me Visnjic n'a pas pu être entendue
13 par les interprètes car deux personnes parlaient en même temps.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question consiste à se demander si
15 ces blessures dues à un projectile tiré par une arme de poing ont été
16 infligées à la victime de son vivant ou après sa mort ?
17 LE TÉMOIN : J'ai affiché actuellement le corps numéro 1, celui de Mme Koqi
18 Minah sur mon écran. Je n'ai pas de corps numéro 2.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais pourquoi on n'arrête pas de nous
20 afficher la page concernant le cadavre numéro 1, puisque nous parlons du
21 cadavre numéro 2.
22 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
23 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, le problème vient du
24 fait que le rapport traitait du cadavre numéro 2 avant de traiter du
25 cadavre numéro 1. Ce qui a créé la confusion.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais nous avions tout à l'heure le
27 rapport concernant le cadavre numéro 2 à l'écran. Il a disparu.
28 M. VISNJIC : [interprétation] Page 9.
Page 10172
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà, nous y sommes. Merci.
2 LE TÉMOIN : Est-ce qu'on peut descendre ?
3 Est-ce qu'on pourrait me montrer la suite ? Merci. Maintenant
4 l'autopsie. Et la page suivante, s'il vous plaît.
5 Quelle était votre question ? Parce que je n'ai pas vu de --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question consistait à vous demander
7 si les blessures provoquées par le projectile avaient été infligées avant
8 ou après la mort ?
9 LE TÉMOIN : Est-ce qu'on pourrait revenir à la page -- est-ce qu'il serait
10 possible d'avoir le rapport en papier, la version papier ou alors me
11 laisser la possibilité de changer les pages d'écran parce que --
12 M. VISNJIC : [interprétation] Je pourrais remettre le document papier au
13 témoin, mais je retire ma question de toute façon, car dans mon esprit
14 s'est créé également une certaine confusion vis-à-vis de cette question.
15 Pour ne pas compliquer la situation, je renonce à ma question.
16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'aurais une question à poser à titre
17 personnel pour mieux comprendre. Je crois que les choses pourraient être
18 rendues plus simples par une explication venant de vous, Monsieur l'Expert,
19 au sujet de savoir ce qui peut caractériser ces deux situations opposées,
20 post et ante mortem, dues à une blessure par arme à feu. S'il y a des
21 différences, vous pourriez peut-être nous les exposer, ensuite, même pour
22 quelqu'un qui n'est pas spécialiste, ce serait très facile de déterminer si
23 une blessure a été provoquée avant ou après la mort d'après la description.
24 Cela nous aiderait tous à mieux comprendre, je crois. Je pense qu'il est
25 certain qu'il doit y avoir une différence car le corps n'est pas dans le
26 même état cadavérique et il y a la position du corps qui est différente
27 avant et après la mort. Je vous remercie.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Votre Honneur. Les signes sur
Page 10173
1 lequel l'expert se base pour affirmer le caractère ante mortem ou post
2 mortem d'une blessure sont essentiellement des signes liées de façon à être
3 simple et synthétique à des traces d'hémorragie au niveau de cette
4 blessure. S'il y a une hémorragie périphérique, c'est ante mortem ou pari
5 mortem, et s'il n'y a rien, si la blessure n'a pas saigné, c'est post
6 mortem parce que la personne était déjà morte au moment où on lui a infligé
7 cette blessure. Voilà schématiquement la différence entre les blessures
8 ante mortem et les blessures post mortem.
9 M. VISNJIC : [interprétation]
10 Q. Merci. Nous allons essayer de procéder comme suit : dans les pages 16,
11 27 et 30, il est question des cadavres 7, 14 et 16. Nous lisons que le
12 cadavre de cette personne a été fracturé par un objet contondant. Ma
13 question est la suivante : est-ce que ce genre de blessure aurait pu être
14 infligée à la victime lorsque celle-ci est tombée au sol sur une surface
15 dure, par exemple, ou est-ce que cela aurait pu être provoqué par un choc
16 avec le tronc d'un arbre ou un autre objet ?
17 R. Je suis obligé de me référer à chacun des rapports, et je ne peux pas
18 donner une réponse générale. Donc, si l'on peut m'afficher.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai les pages en
20 question. Je pourrais les faire remettre au témoin.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, cela permettrait peut-être
22 d'accélérer un peu les choses.
23 LE TÉMOIN : Monsieur le Président, c'est une version en serbo-croate.
24 M. VISNJIC : [interprétation] Désolé. Je n'ai que la version en serbo-
25 croate. Nous sommes condamné au système de prétoire électronique.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le cadavre numéro 7, son rapport est
27 affiché à l'écran, alors déroulons pour voir l'intégralité du rapport,
28 après quoi nous pourrons passer au cadavre 14 et au cadavre 16, où que se
Page 10174
1 trouvent les rapports les concernant. Est-ce qu'on peut dérouler à l'écran,
2 s'il vous plaît ?
3 LE TÉMOIN : Les pages suivantes. En ce qui concerne ce cadavre, il n'y a
4 pas d'éléments permettant de répondre à la question de Me Visnjic.
5 Le cadavre suivant.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cadavre 14, s'il vous plaît.
7 LE TÉMOIN : Etant entendu qu'il y a des traces d'explosion et des traces de
8 feu, mais en ce concerne la question spécifique sur une force exercée par
9 un instrument contondant, il n'y a pas d'éléments qui permettent de
10 répondre à cette question.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Déroulons un peu plus parce que
12 là nous voyons un passage du texte qui concerne les vêtements, et cetera.
13 Voyons la suite, passons à la page suivante, s'il vous plaît.
14 LE TÉMOIN : En ce qui concerne la question portant sur l'existence de
15 l'objet contondant, la fracture du crâne n'est pas décrite de façon à
16 permettre d'identifier cet objet contondant. Je vois que mon confrère n'a
17 pu se déterminer en faveur d'une origine ante ou post mortem. Il existait,
18 par contre, des traces d'explosion et de feu ainsi qu'une blessure par
19 balle au niveau de l'épaule gauche.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cadavre numéro 16, s'il vous plaît. Le
21 voici le rapport à l'écran.
22 LE TÉMOIN : Page suivante. Cela concerne le cadavre 17. Ici aussi, l'expert
23 n'a pu se prononcer en faveur d'une origine ante ou post mortem de la
24 lésion constatée au niveau du crâne, par contre, il a constaté qu'il
25 s'agissait d'une "body part", de restes humains incomplets qui portaient
26 des traces d'explosion et de feu.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Merci. Page 32 à présent.
28 Monsieur le Président, j'en arrive lentement à la fin de cette série
Page 10175
1 de questions. Page 32 du texte traduit, il est question du cadavre 19.
2 Q. Ma question est la suivante : pour quelle raison l'arme ou les
3 armes qui ont infligé ces blessures à la victime n'ont pas été
4 identifiées ?
5 R. Est-ce qu'il s'agit du cadavre de Loku Naser ?
6 Q. Oui.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne correspond pas, Maître
8 Visnjic, n'est-ce pas ? Je croyais vous avoir entendu parler du cadavre 19.
9 M. VISNJIC : [interprétation] Non -- oui, oui, le cadavre 19.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Naser Loku est le numéro 20.
11 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, mais, c'est le cadavre F.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord, excusez-moi.
13 LE TÉMOIN : Il y a eu prélèvement de fragments de projectile au niveau de
14 la colonne vertébrale lombaire. Je ne pense pas en avoir eu des résultats.
15 M. VISNJIC : [interprétation]
16 Q. Exact. Mais il n'y a pas détermination, il n'y a pas identification de
17 l'arme ou des armes qui sont en cause dans ce cas, n'est-ce pas ? Ma
18 question portait sur cette absence d'identification de l'arme.
19 R. Je n'ai pas les résultats de cet examen. Je peux vous donner une
20 réponse d'ordre général sans me référer à ce cas particulier ou si vous me
21 donnez les résultats de cet examen, je peux vous donner mon interprétation
22 personnelle. Sur un plan général, le fait de ne pouvoir identifié une arme
23 à partir d'un fragment de projectile peut être lié à l'état même de ce
24 projectile, soit parce qu'il est en quantité insuffisante, soit parce qu'il
25 est extrêmement dégradé, ceci ne permettant pas une identification. Je peux
26 essayer de répondre de façon plus approfondie, si vous me communiquez les
27 résultats de l'examen de l'expert en armes et munitions.
28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Ne croyez-vous pas qu'une autre
Page 10176
1 difficulté vient du fait qu'ici, la partie du corps concernée est la région
2 abdominale, qui est une région molle et que l'apparence des blessures est
3 différente selon les cas ? On n'en sait davantage lorsque la partie touchée
4 est une partie osseuse, donc une partie dure, n'est-ce pas ? Alors que s'il
5 s'agit d'une partie molle, je crois savoir qu'il est plus difficile de
6 déterminer l'arme utilisée ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne les projectiles ou les
8 fragments de projectiles retrouvés, je fais référence à ce qui est dénommé
9 matériel numéro 17, c'est-à-dire un fragment de projectile qui était
10 retrouvé dans la colonne vertébrale lombaire. C'est quelque chose qui a été
11 retrouvé à cet endroit au niveau de l'os, où il se trouvait
12 vraisemblablement inclus. A ce moment-là, il y a un risque de détérioration
13 du projectile, justement à cause du choc du leurre contre une surface qui
14 est dure. Si ce projectile avait été retrouvé dans les parties molles, très
15 vraisemblablement il aurait été beaucoup mieux préservé justement. Il y
16 aurait eu un effet d'amortissement alors qu'ici, il y a eu très
17 vraisemblablement aussi une fragmentation contre cette surface dure.
18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Page 33. Cadavre numéro 20.
20 Q. Est-ce que la plaie à la gauche du cou aurait pu être provoquée par un
21 engin explosif ?
22 R. Je n'ai pas les photos à ma disposition ici. La description figurant
23 dans le rapport d'expertise est assez concise. Il n'y figure que la
24 localisation et le fait que cette blessure était en rapport avec un
25 instrument tranchant. Je pense que ce diagnostic a été fait par mon
26 confrère, sur la base d'éléments qui sont des éléments classiques qui
27 tiennent au niveau de l'aspect des bords de la blessure. Des instruments
28 tranchant laissent en général des bords qui sont nets, bien déterminés. Une
Page 10177
1 explosion ou des blessures causées par un "shrapnel" vont laisser des bords
2 qui sont beaucoup plus hachurés.
3 Q. Vous n'excluez pas la possibilité que je viens d'évoquer ?
4 R. J'ai tendance à faire confiance à l'expert qui est tout à fait à même
5 de faire la distinction entre blessure provoquée par un instrument
6 tranchant et blessure provoquée par un "shrapnel" ou une explosion. Je n'ai
7 pas de raison de mettre sa parole en doute.
8 Q. Merci.
9 M. VISNJIC : [interprétation] La dernière page de cette pièce à conviction
10 qui m'intéresse est la page 41. J'aimerais qu'on commence par montrer au
11 témoin la page 40. Il y est question du cadavre 25.
12 Q. Ma question est la suivante. Est-ce que la blessure que l'on voit dans
13 la partie droite de la jambe, blessure par balle, aurait pu être provoquée
14 durant un combat ? Est-ce que la cause de la mort a été déterminée comme
15 une perte de tout le sang que contenait le corps en raison d'un mauvais
16 bandage ?
17 R. C'est deux faits qui sont abordés indépendamment dans le rapport. Il
18 est dit premièrement que le bandage de cette blessure était artisanal, en
19 tout cas, non professionnel; d'autre part que la cause du décès est en
20 rapport avec une hémorragie externe. Je n'ai pas d'élément qui me permette
21 de critiquer, de confirmer ou d'infirmer les conclusions de ce médecin
22 légiste.
23 Q. Merci. Docteur Baccard, je vais maintenant vous poser des questions
24 relatives à un autre lieu, à savoir Izbica. J'évoquerais également ce que
25 vous avez dit dans votre déposition au sujet de l'enquête menée sur place
26 par les légistes sur la base d'une vidéo. Page 5 254 du compte rendu
27 d'audience de l'affaire Milosevic, vous avez déclaré que le recours à cette
28 méthode avait ses limites. Vous avez déclaré :
Page 10178
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 10179
1 "En ce qui nous concerne, il est hors de question pour nous de
2 qualifier ce genre d'examen, d'examen d'expert. C'est simplement une source
3 d'informations utilisée par la médecine légale. Simplement une source
4 d'informations que nous utilisons lorsque nous ne pouvons pas voir le
5 cadavre nous-même. Ensuite, il nous faut utiliser d'autres renseignements à
6 notre disposition."
7 Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit dans votre déposition dans
8 l'affaire Milosevic à la page 5 254 du compte rendu d'audience ?
9 R. Absolument, Maître Visnjic. Il s'agit ici d'un examen de documents
10 photographiques et vidéographiques fait par un expert, mais qui ne peut
11 être en autre cas assimiler un rapport d'expert. Il y a une différence qui
12 est liée à la valeur des informations qui sont fournies. D'un côté,
13 l'expert pathologue [phon] qui travaillera à partir d'un corps en trois
14 dimensions, avec la possibilité de palper, de faire une autopsie, de faire
15 des dissections et d'utiliser différents moyens à sa disposition, comme la
16 radiographie; de l'autre côté, on travaille à partir de documents
17 vidéographiques et photographiques qui sont eux-mêmes pris par des
18 photographes non professionnels avec tout ce que cela limite.
19 Q. Merci, Docteur Baccard. Encore quelques petites questions relatives à
20 un autre lieu, à savoir Cirez. Est-ce que sur la base d'un rapport
21 d'autopsie, on peut déterminer la cause de la mort lorsqu'on est en
22 présence de cadavres qui ont passé plus de deux mois dans l'eau; si oui,
23 est-ce que vous pourriez nous en dire davantage sur ce sujet ?
24 R. Est-ce qu'il s'agit d'une question générale ou d'une question qui se
25 rapporte à ce rapport en particulier ?
26 Q. C'est une question générale.
27 R. Le fait d'avoir sur la table d'autopsie un cadavre qui a séjourné
28 plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois dans l'eau constitue
Page 10180
1 effectivement une difficulté supplémentaire, mais permet tout à fait de
2 déterminer les causes et les circonstances d'un décès.
3 Q. Est-ce que dans le cas concret qui nous intéresse - maintenant je parle
4 du rapport que vous avez sous les yeux - est-ce que dans ce cas précis
5 l'autopsie à elle seule a pu permettre de déterminer que la mort était due
6 à une noyade ou est-ce que cette conclusion se fonde sur d'autres données;
7 si oui, lesquelles ?
8 R. En ce qui concerne les renseignements figurant dans le rapport
9 d'autopsie, je n'ai pas d'élément qui me permet de répondre à cette
10 question. Il est noté dans le rapport de mes confrères que le diagnostic du
11 décès était une noyade ante mortem. Je n'ai pas de précision sur la manière
12 qu'ils ont observée pour arriver à ce diagnostic.
13 Q. Si je vous proposais une autre possibilité, à savoir si je vous disais
14 que la mort n'était pas due à une noyade, est-ce que vous pourriez répondre
15 à cela, est-ce que vous répondriez la même chose en disant que vous ne
16 disposez pas de suffisamment d'éléments pour vous prononcer ?
17 R. Je me suis basé sur les conclusions de mes confrères, et je n'ai pas
18 d'élément qui me permet de remettre en doute leurs conclusions.
19 Q. Merci. Docteur, encore une question seulement. Est-ce qu'à l'issue d'un
20 séjour de deux mois dans l'eau il est possible de faire la différence entre
21 le sang et les liquides corporels dus à la putréfaction sur le cadavre ?
22 R. Tout dépend de la localisation de ce sang. On peut avoir des aspects
23 très différents entre des transsudats de putréfaction et du sang qui dépend
24 si ce sang est préservé, se trouve dans des cavités qui sont plus ou moins
25 préservées de la putréfaction.
26 M. VISNJIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Visnjic.
28 Maître Ackerman.
Page 10181
1 M. ACKERMAN : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.
3 M. BAKRAC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.
5 M. IVETIC : [interprétation] J'ai des questions, Monsieur le Président.
6 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Je m'appelle Dan Ivetic. Je
8 suis conseil de la Défense de Sreten Lukic. J'aurai quelques brèves
9 questions à vous poser, que j'essayerai de vous poser rapidement, pour que
10 nous puissions en conclure dans le temps qui m'est imparti.
11 D'abord, quelques questions de contexte qui ont déjà été abordées
12 aujourd'hui. Monsieur, pendant que vous travailliez pour le bureau du
13 Procureur de ce Tribunal, est-ce que vous aviez un bureau ou un espace de
14 travail dans les locaux du Tribunal, ici même ?
15 R. J'ai eu des bureaux. J'ai travaillé avec plusieurs équipes d'enquête.
16 J'ai changé de localisations à l'intérieur de cet immeuble de façon à être
17 située dans les salles où ces équipes d'enquête travaillaient. J'avais un
18 bureau à ma disposition, oui. La réponse est affirmative.
19 Q. Merci. A cette époque-là, est-ce que vous perceviez un salaire ou des
20 honoraires réguliers de consultations pour le travail que vous avez fait au
21 service du bureau du Procureur de ce Tribunal ?
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous sous-
23 entendez une contestation au sens précis du terme, contestation de
24 l'intégrité du témoin en vous fondant sur le fait qu'il a travaillé pour le
25 bureau du Procureur ?
26 M. IVETIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pensez-vous que ce serait une démarche
28 raisonnable à appliquer à ce témoin ?
Page 10182
1 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de contester cela.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, quelle est la
3 signification de poser au témoin la question de savoir combien il était
4 payé ?
5 M. IVETIC : [interprétation] Non, je lui demande s'il était payé ?
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord, s'il était payé. Quelle est
7 la raison de cette question, à moins que vous ne souhaitiez mettre en cause
8 son intégrité ?
9 M. IVETIC : [interprétation] Cela concerne la crédibilité du témoin de
10 façon générale, eu égard à ses conclusions. Cela concerne l'évaluation de
11 sa crédibilité. Je crois que c'est un des éléments à prendre en compte,
12 face à n'importe quel témoin expert.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, nous sommes face à une différence
14 culturelle dont je dois tenir compte eu égard à la façon dont on interprète
15 les témoins experts, une différence entre ce qui passe ici et ma
16 juridiction nationale. Nous nous voyons contraints d'admettre, puisque cela
17 vient d'être dit, qu'à moins qu'il n'y ait une divergence importante qui
18 affecte la crédibilité générale d'un expert, je pense que dans le système
19 judiciaire dans lequel nous fonctionnons il conviendrait de partir du
20 principe qu'il n'est pas nécessaire de contester sa crédibilité.
21 M. IVETIC : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que vous
22 aurez remarqué que dans le système judiciaire d'où je viens, on conteste
23 beaucoup de choses.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement, j'évalue simplement si
25 cela est juste ou pas dans le cas du système dans lequel nous fonctionnons
26 ici.
27 M. IVETIC : [interprétation] Je comprends. Si cela peut vous aider, c'était
28 ma dernière question de ce genre.
Page 10183
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En général, lorsque j'interromps,
2 c'est la tendance.
3 M. IVETIC : [interprétation] Vous avez un très bon timing, Monsieur le
4 Président.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que je puis vous
6 empêcher de poser les questions que vous souhaitez poser, allez-y.
7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. [interprétation] Docteur Baccard, est-ce que vous avez pu mémoriser ma
9 question ou est-ce que vous souhaitez que je la répète ?
10 R. Non, non, il n'y absolument rien de confidentiel dans les précisions
11 que je vais vous apporter. Je n'ai jamais fait partie du staff du bureau du
12 Procureur. Je n'ai jamais eu de "fixed-terms contract". J'ai toujours été
13 payé comme consultant dans le cadre de contrats dont le plus long s'est
14 situé durant l'année 2000, de février à octobre. Tout le reste du temps,
15 j'ai travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée dont les durées
16 étaient variables d'une semaine à deux mois, trois mois. Entre chacun de
17 ces contrats, je regagnais la France où je reprenais mon activité d'expert
18 judiciaire, notamment auprès de la cour de cassation. J'étais toujours
19 inscrit en France comme expert judiciaire.
20 Q. Merci, Monsieur. J'aimerais maintenant que nous parlions d'Izbica dont
21 vous avez déjà parlé avec mon confrère il y a quelques instants.
22 D'abord, vous avez parlé avec Me Visnjic que vous aviez visionné une
23 cassette vidéo. Je crois qu'il y a un élément qui mérite d'être explicité,
24 peut-être en raison de la traduction.
25 Suis-je en droit de dire que les cassettes vidéo et les photographies
26 que vous avez examinées et qui montrent des cadavres d'Izbica, est-ce que
27 ces éléments visuels n'ont pas été pris ou filmés par quelqu'un qui avait
28 la formation de médecine légale nécessaire eu égard à la nécessité de
Page 10184
1 préserver les éléments que l'on découvre, notamment les parties de corps ?
2 R. Je ne peux pas répondre à cette question dans la mesure où cette
3 précision n'a pas été portée à ma connaissance. Ce que l'on m'a expliqué
4 c'est que la personne qui avait réalisé cette prise de vue était un médecin
5 qui s'appelait Liri Loshi. Les documents que j'ai eus à ma disposition sont
6 décrits dans mon rapport, V001733 jusqu'à V002398. J'ignore quelle était la
7 formation de ce médecin. Tout ce que je peux dire c'est que les angles de
8 prise de vue, elle-même, ne correspondaient absolument pas à un standard
9 rencontré en matière de photographie scientifique ou de prises de vue
10 médico-légales. Il s'agissait davantage d'un simple reportage que de
11 photographies à valeur scientifique. C'est d'ailleurs ce qui a limité les
12 constatations qui ont pu être faites sur ce document.
13 Q. D'accord, Docteur, je crois pouvoir dire que nous en sommes arrivés à
14 la même conclusion sur ce point. Je peux passer à autres choses.
15 S'agissant de cette cassette vidéo, vous avez témoigné dans l'affaire
16 Milosevic, page 5 253 du compte rendu d'audience, lignes 14 à 18, vous avez
17 dit que s'agissant de l'examen fait par vous de cette cassette vidéo vous
18 n'étiez pas en mesure de conclure à une certitude suffisante sur le plan
19 médical ou sur le plan de médecine légale quant à l'apparence extérieure de
20 ces cadavres filmés sur le lieu d'exécution, n'est-ce pas ?
21 R. Monsieur le Président, il me semble qu'il y a une différence entre le
22 texte anglais qui surgit sur mon écran et la traduction en français que
23 j'ai dans mon casque. D'après le texte anglais, il semble que je ne pouvais
24 pas conclure avec un degré de certitude médicale ou médico-légale que les
25 corps figurant dans la vidéo ont été filmés au niveau du site où
26 l'exécution a eu lieu. C'est bien cela ?
27 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
Page 10185
1 LE TÉMOIN : Ma réponse est affirmative, tout à fait. Je ne bénéficiais pas
2 des éléments permettant de me prononcer à ce sujet.
3 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
4 Q. En fait, Docteur, l'examen que vous avez fait des cassettes vidéo dont
5 vous disposiez, même s'il s'assortissait des limites dont vous venez de
6 parler, présentait des signes permettant de penser que certains des
7 cadavres en question avaient été déplacés après la mort avant d'être
8 filmés, n'est-ce pas ?
9 R. Pour certains d'entre eux la réponse est également affirmative,
10 puisqu'on voyait sur certains cadavres la présence de lividité, c'est-à-
11 dire de zones du corps où le sang s'est accumulé sous l'effet de la
12 pesanteur qui était dans une position discordante par rapport à la position
13 dans laquelle ils étaient filmés. Je m'explique, sur certains cadavres la
14 lividité se trouvait au niveau de la face antérieure du visage, alors que
15 ces cadavres étaient retrouvés coucher sur le dos, ce qui ne concordait pas
16 avec la position de la lividité. D'autre part, il y avait des zones de
17 pression, c'est-à-dire des zones blanchâtres, ischémiques qui témoignaient
18 du fait que ce corps avait reposé sur une surface dure. Troisièmement, il y
19 avait également sur certaines images, des débris végétaux ou des petits
20 cailloux, des petits graviers qui étaient plus ou moins incrustés dans la
21 peau, tout ceci m'avait amené à penser que, dans certains cas, des corps
22 avaient été retournés de façon à pouvoir avoir une meilleure vision de leur
23 visage.
24 Q. Merci, Docteur. Vous avez décrit la plupart des catégories qui
25 m'intéressaient, mais il y en a deux autres qui m'intéressent spécialement,
26 que vous évoquez dans votre rapport, et dont j'aimerais parler avec vous.
27 Pièce à conviction P155, annexe numéro 5, page 115 de la version anglaise,
28 je ne suis pas sûr que la pagination française corresponde à la pagination
Page 10186
1 anglaise. Je vous indique que je vais lire la version anglaise, et j'espère
2 que les interprètes parviendront à vous faire comprendre ce que je dis. Je
3 cite : "Sur le visage de cette victime de sexe masculin et âgé, on constate
4 la présence d'un hématome au niveau de la joue droite et des dermabrasions
5 linéaires parallèles permettant de penser que le visage a été enfoncé dans
6 le sol."
7 Est-ce que vous seriez d'accord avec l'idée qu'on ne peut pas avec un degré
8 de certitude médicale ou médico-légale totale exclure la possibilité que ce
9 cadavre a été déplacé d'un lieu tout à fait différent pour être replacé à
10 l'endroit où il a été filmé ?
11 R. Est-ce que je pourrais voir la référence de la photographie à laquelle
12 fait allusion ce paragraphe ?
13 Q. Oui, Docteur. ID 03.09. Je crois qu'on le voit à l'écran mais en
14 anglais, toujours, bien sûr.
15 R. Oui, je noterais toutefois qu'il s'agit d'une dermabrasion qui est
16 d'une surface très limitée, qui est une dermabrasion qui est transversale
17 par rapport à la tête de la victime, et qui se situe uniquement au niveau
18 de la joue droite. S'il y a eu déplacement, ceci est compatible avec un
19 déplacement qui est très limité sur le sol.
20 Pour informer le Tribunal de façon plus complète, un déplacement de
21 quelques centimètres peut suffire à provoquer cet aspect. A partir du
22 moment où la peau de la victime frotte contre une surface avec quelques
23 aspérités comme celles qu'on peut rencontrer sur un sol.
24 Q. Merci, Docteur. Encore une question maintenant. Page 100 de la version
25 anglais, la photographie a le numéro ID 01.24A dans le rapport, et je vais
26 lire la description et je cite :
27 "Ici encore la direction du flux (vers le haut et légèrement vers
28 l'avant) ainsi que le lieu de la lividité post mortem (sur la partie
Page 10187
1 frontale du visage avec une zone de pression au niveau de la mandibule
2 gauche) indique que la position du cadavre était différente de celle que
3 l'on voit sur la photographie et indique également qu'il y a eu
4 mobilisation après le moment où s'est établie la lividité cadavérique
5 (environ trente heures après la mort)."
6 Pourriez-vous expliquer ceci à quelqu'un qui n'est pas un spécialiste
7 puisque c'est mon cas, est-ce que cela signifie que le cadavre a été
8 déplacé par quelqu'un plus de trente heures avant d'être photographié ?
9 R. Classiquement, les lividités sont fixes et immuables après trente
10 heures, j'ai fait allusion à ce qu'était une lividité qui correspondait à
11 une coloration anormale de la peau liée à la stase veineuse et capillaire
12 du sang sous l'effet de la pesanteur, au bout de trente heures, ces
13 lividités ne vont plus bouger. Un tel aspect peut très bien se rencontrer
14 dans le simple retournement du corps. Point n'est besoin d'avoir un
15 déplacement très important sur plusieurs mètres pour avoir de telles
16 lésions. Le simple fait de retourner une victime qui était face contre
17 terre et de la mettre le dos au sol peut suffire à provoquer cet aspect.
18 Q. Sur la base des éléments médico-légaux, vous n'êtes pas en mesure
19 d'exclure une autre possibilité comme, par exemple, la possibilité que le
20 corps ait été déplacé sur une longue distance, n'est-ce pas ?
21 R. Tout à fait et en tout cas, certainement pas à partir d'une source
22 d'information comme celle qui est à ma disposition, c'est-à-dire des
23 photographies extraites d'une vidéo elle-même prise par un non
24 professionnel.
25 Q. Merci, Monsieur. J'aimerais maintenant que nous abordions un autre
26 aspect du rapport dans lequel vous décrivez les constatations faites par
27 l'équipe française au lieu d'inhumation à Izbica. Au moment de
28 l'exhumation, il a été question de 139 tombes, mais suis-je en droit de
Page 10188
1 dire que des éléments de preuve médico-légaux confirment que seul 127 de
2 ces tombes contenaient effectivement des restes humains à quelque moment
3 que ce soit ?
4 Avant de répondre, Docteur, pour que tout soit clair, on parle d'inhumation
5 et pas d'exhumation.
6 R. Il s'agissait des renseignements figurant dans le rapport de l'équipe
7 française, à savoir que ces 139 tombes se situaient au site décrit. Je n'ai
8 pas d'autres éléments. Le nombre minimum de victimes était celui de 127. Ce
9 sont des données qui apparaissent dans le rapport du Pr Lecomte et du Dr
10 Vorhauer. Ces données provenant de témoignages et provenant des
11 exhumations, mais je n'ai pas d'éléments informatifs additionnels.
12 Q. Je vais vous interroger au sujet des conclusions que vous avez pu tirer
13 suite à l'examen que vous avez fait du travail accompli par vos collègues
14 et des éléments médico-légaux à leur disposition. Sur la base des éléments
15 et indices découverts sur le lieu d'Izbica, suis-je en droit de dire qu'il
16 n'est pas permis d'exclure la possibilité que certaines de ces tombes aient
17 été en fait des lieux d'inhumation secondaires, et non les lieux
18 d'inhumation primaires ?
19 R. Aucun élément permettant de renseigner la question ne figure dans le
20 rapport.
21 Q. Pas de problème, Docteur. L'équipe française, lorsqu'elle a travaillé à
22 Izbica, a également examiné des restes de vêtements découverts sur les
23 lieux d'inhumation, vous en avez parlé quelque peu. Conviendrez-vous avec
24 moi pour dire que l'examen de vêtements photographiés simplement est une
25 méthode très imparfaite et très insuffisante pour déterminer avec une
26 quelconque certitude la cause d'un décès et le type de lésion qui a pu être
27 infligé à un cadavre ou un autre ?
28 R. J'en conviens bien volontiers. Il faut aussi prendre connaissance et
Page 10189
1 prendre conscience de la situation dans laquelle l'expert se trouve
2 lorsqu'il n'a à sa disposition aucun corps, uniquement des restes humains.
3 Il est forcé d'obtenir ses informations de sources additionnelles dont
4 faisait partie la bande vidéo, dont faisaient partie également les
5 vêtements, dont faisaient partie les quelques restes présents sur le site,
6 ainsi que les tombes et l'examen du site lui-même. Certainement, cela ne
7 remplace pas la valeur d'une autopsie ou d'un examen de levée de corps
8 complet.
9 Q. Vous avez déjà dit quelques mots du sujet que j'avais abordé au cours
10 de l'interrogatoire principal, ainsi qu'au cours du contre-interrogatoire
11 auquel mon confrère a procédé. Dans votre rapport, vous reprenez ce que
12 l'on peut lire également dans le rapport établi par l'équipe de médecins
13 légistes français présente à Izbica; à savoir que l'examen de certains de
14 ces vêtements endommagés permettait de penser que le décès avait été dû à
15 un tir de fusil de calibre 7,62 ou dont l'âme avait un diamètre de 12.
16 S'agissant de ces catégories - je crois qu'on en trouve la liste également
17 dans la conclusion de la pièce P209, à savoir le rapport d'Izbica dont les
18 auteurs sont le Dr Walter Vorhauer et le Pr Dominique Lecomte - s'agissant
19 de ces catégories - je précise que nous n'avons pas encore entendu parler
20 de cette catégorie d'âmes égale à 12 jusqu'à présent - est-ce qu'il est
21 exact de dire qu'il s'agit d'arme de chasse ou de fusil à pompe, et non de
22 fusil automatique ou semi-automatique ?
23 R. Je ne comprends pas la question. Quelle est la question ? Est-ce que
24 cela se réfère à ce que représente une arme de calibre 12 ? Je ne comprends
25 pas la question. Est-ce que vous pouvez la formuler différemment ?
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est bien cela la question, n'est-ce
27 pas ?
28 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
Page 10190
1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est-à-dire, je n'ai pas compris la question.
2 Quelle est la question ?
3 M. IVETIC : [interprétation]
4 Q. Je vais essayer de reformuler. Est-ce qu'un fusil de calibre 12 est en
5 général un fusil à pompe ou un fusil de chasse, et non un fusil semi-
6 automatique ou automatique de type militaire, si vous le savez ?
7 R. Oui. Un fusil dit de calibre 12 correspond à une arme qui peut être
8 aussi bien un fusil à pompe qu'un fusil de chasse, à canon superposé, à
9 canon juxtaposé, à canon simple, ou associé à d'autres canons avec d'autres
10 calibres. Il peut exister des fusils, des armes de chasse, dites à
11 répétition, mais c'est une répétition manuelle. Je pense que votre question
12 ne fait pas appel à ce type de répétition, mais à une répétition
13 automatique. Ai-je raison d'interpréter votre question dans ce sens ?
14 Q. Là encore, vous et moi, même si nous n'utilisons pas les mêmes termes,
15 semblons avoir tiré la même conclusion. Je parlais de fusils de chasse et
16 de fusils à pompe. C'est en tout cas par ces mots que je décris des armes
17 de calibre 12. Je pense que nous sommes d'accord sur ce point.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne suis pas sûr. On a déjà fait
19 référence à des calibres 7,62 et à des calibres 12. Mais on utilisait le
20 mot calibre, "caliber" en anglais, alors que le terme qui a été utilisé
21 tout à l'heure était le terme "bore" en anglais, "âme" en français, qui
22 concerne en général de toutes petites portions d'une cartouche.
23 M. IVETIC : [interprétation] Cela pourrait être également des armes à tir
24 unique ou à tir multiple.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Alors, tout est clair.
26 M. IVETIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser de m'être appuyé sur
27 la terminologie d'un rapport balistique, Monsieur le Président, alors que
28 je m'y étais opposé précédemment. Je suis un peu hypocrite en agissant
Page 10191
1 ainsi, mais voilà d'où j'ai tiré mes renseignements.
2 Q. S'agissant des éléments de preuve médico-légaux qui ont été découverts
3 sur les lieux, aucune des cartouches récupérées n'a été retrouvée sur les
4 mêmes lieux que les vêtements. Autrement dit, aucune des cartouches n'a été
5 retrouvée sur les lieux d'inhumation. Est-ce que cela ne semble pas
6 indiquer que l'utilisation d'armes de calibre 12 ne peut être exclue comme
7 cause potentielle de certains des dégâts que l'on a pu constater sur les
8 vêtements de certaines de ces victimes ?
9 R. Je pense que ce qui figure dans le rapport des experts est basé sur le
10 diamètre des déchirures au niveau des vêtements. Les cartouches qui sont
11 collectées ont un autre élément, et elles concernaient, si mon
12 interprétation est exacte, le calibre 7,62.
13 Il y est fait allusion au calibre 12 basé sur l'aspect des déchirures des
14 vêtements.
15 Q. Oui, c'était exact. Encore, nous aboutissons vous et moi au même point.
16 Parlons maintenant de ces munitions de calibre 7,62 qui ont été découvertes
17 en divers lieux à Izbica.
18 Dans le rapport de l'équipe française, il est indiqué qu'au nombre
19 des cartouches retrouvées, on trouvait diverses armes de fabrication
20 yougoslave, semble-t-il, mais également des munitions d'origine chinoise,
21 n'est-ce pas ? J'appelle votre attention sur la pièce P210, page 36 où je
22 crois qu'on a une synthèse du travail de l'équipe française qui parle de
23 ces munitions chinoises avec inscription de l'année 1964 sur la cartouche.
24 Vous rappelez-vous, Monsieur, cette découverte de munitions chinoises
25 également ?
26 R. C'est une partie du rapport sur laquelle je ne me suis pas attardé
27 n'étant pas expert en armes et munitions.
28 Q. D'accord.
Page 10192
1 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il est 15
2 heures 30. C'est bien l'heure, n'est-ce pas ?
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est 15 heures 30.
4 M. IVETIC : [interprétation] J'ai encore une quinzaine de questions à poser
5 au témoin.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, ceci met une fin à
7 notre audience d'aujourd'hui. Il va vous falloir revenir demain pour la fin
8 de votre audition. Nous reprendrons nos travaux demain à 9 heures du matin.
9 Entre-temps, je vous rappelle, comme cela vous a sans doute déjà été
10 rappelé, qu'il importe au plus haut point que vous ne discutiez avec
11 personne, absolument personne de votre déposition entre maintenant et la
12 suite de votre déposition demain matin. Vous pouvez discuter de tous les
13 sujets que vous souhaitez discuter avec qui vous voulez, sauf le contenu de
14 votre déposition. Je vous demanderais de bien vouloir quitter le prétoire
15 avec l'aide de M. l'huissier. Nous nous retrouvons demain à 9 heures.
16 [Le témoin se retire]
17 --- L'audience est levée à 15 heures 30 et reprendra le mardi 20 février
18 2007, à 9 heures 00.
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28