Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 20 février 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Docteur Baccard. Le

7 contre-interrogatoire de Me Ivetic va se poursuivre maintenant.

8 Maître Ivetic.

9 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 LE TÉMOIN: ERIC BACCARD [Reprise]

11 Contre-interrogatoire par M. Ivetic : [Suite]

12 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur. Merci d'être venu. Je vais essayer

13 de terminer le plus rapidement possible étant donné que j'ai encore deux

14 sujets à aborder avec vous.

15 Hier, nous en avons terminé avec le site d'Izbica et je souhaite maintenant

16 passer à Kotlina, à Kacanik. Je souhaite que vous me confirmiez un certain

17 nombre de points simplement pour que je puisse m'assurer que ce que je lis

18 est exact. Pour ce qui est des autopsies faites à Kotlina, est-il exact de

19 dire que ces autopsies ont été assez courtes et ont été faites dans des

20 circonstances moins que désirables au cimetière de Kacanik qui se trouve à

21 quelque distance de l'endroit où les corps ont été exhumés ?

22 R. Je n'emploierai pas ces termes. Je dirais que les autopsies ont été

23 limitées par l'état des corps qui étaient très dégradés du fait des

24 blessures et des processus de putréfaction.

25 Q. Vous avez déjà répondu à ma deuxième question. Je vais devoir ralentir,

26 car les interprètes m'ont demandé de ralentir et je vais être obligé de m'y

27 conformer.

28 Docteur, pour ce qui est des objets qui ont été retrouvés avec ces restes

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1 humains que vous avez retrouvés dans le puits de Kotlina, est-il exact de

2 dire que parmi ces restes vous avez retrouvé des bottes tout-terrain en

3 cuir; est-ce exact ?

4 R. Je n'ai pas participé aux opérations d'autopsies effectuées à Kotlina,

5 donc je n'ai pas retrouvé personnellement de bottes, et quant à ce détail,

6 il ne figure pas dans mon rapport de synthèse. Il faut se référer au

7 rapport des Drs Markwalder et Daniel Wyler.

8 Q. Très bien. Savez-vous, étant donné que nous avons un petit peu abordé

9 la question --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, savez-vous si le

11 rapport rédigé par ces deux médecins contient des éléments d'information

12 sur les bottes ?

13 M. IVETIC : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, cela contient des

14 éléments concernant les bottes. Je voulais savoir s'il savait quelque chose

15 à ce propos et à propos des bottes. A la page -- on parle de ces bottes et

16 on parle des bottes "tout-terrain." Je ne sais pas si c'est approprié pour

17 décrire ces bottes qui ont été retrouvées sur un des corps, sur les six

18 corps qui portaient quelque chose qui ressemblait à des bottes en cuir avec

19 --. Je me demandais s'il avait pu échanger quelques mots à ce propos avec

20 les membres de l'équipe. C'est la pièce P361, page 24.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 M. IVETIC : [interprétation]

23 Q. Maintenant --

24 R. Je n'ai pas rencontré les membres de l'équipe, j'ai travaillé sur les

25 rapports uniquement.

26 Q. D'accord. Un autre point, si vous le savez. Nous avons un petit peu

27 parlé de balistiques et d'obus hier. Avez-vous des éléments d'information

28 que vous pourriez ajouter eu égard à ce qui est déjà précisé dans le

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1 rapport autrichien à la page 75 concernant la découverte de douilles

2 fabriquées en Chine retrouvées à Kotlina en sus des balles d'un calibre de

3 762 d'origine yougoslave ?

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

5 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une page de

6 référence de ce rapport, s'il vous plaît.

7 M. IVETIC : [interprétation] Oui, bien sûr. P361, page 75. Je crois qu'on

8 parle de munitions provenant d'une usine chinoise et fabriquées, si je me

9 souviens bien, en 1964.

10 Q. Encore une fois, Docteur, si vous le savez, très bien, mais si vous ne

11 le savez pas nous pouvons poursuivre.

12 R. Maître Ivetic, je vous rappelle que je suis médecin légiste et je ne

13 suis pas expert en armes et munitions, donc je n'ai pas retenu cette

14 information dans mon rapport de synthèse. Je me suis limité au pourcentage

15 de décès et de causes de décès. Il était dit dans ces rapports que 84 % des

16 victimes étaient décédées à la suite d'explosions alors que 12 % étaient

17 décédées de blessures par balles.

18 Q. Très bien, Docteur --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

20 M. STAMP : [interprétation] Simplement un point de clarification à la

21 référence que j'ai ici et que j'ai vue hier. Il ne s'agit pas d'étuis au

22 pluriel, mais d'étui au singulier parmi ceux qui ont été retrouvés.

23 M. IVETIC : [interprétation] Oui, effectivement, pour me rafraîchir la

24 mémoire.

25 J'entends mes propres mots traduits. La dernière phrase, on parle ici de

26 cartouches, et ceci fait référence peut-être à l'ensemble des 12 qui ont

27 été retrouvées, y compris celle que fabrication chinoise.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

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1 M. IVETIC : [interprétation]

2 Q. Eu égard au dernier sujet à propos de Kotlina avant de passer à la

3 dernière série de questions. Est-il exact de dire qu'il y avait deux ou

4 trois corps, trois corps, je crois, qui ont été retrouvés dans le cimetière

5 près de la mosquée de Kotlina par opposition au puit; est-ce exact ?

6 R. D'après les renseignements qui iront dans le rapport de mes confrères.

7 Q. Très bien. En parlant de ces corps qui ont été retrouvés dans la

8 mosquée, je suppose qu'on ne pouvait pas parvenir à des conclusions

9 concernant l'endroit où ces personnes étaient décédées; c'est exact ?

10 R. Cela n'apparaissait pas dans le rapport.

11 Q. D'accord. Je souhaite maintenant passer à Krusha e Vogel ou Mala Krusa

12 qui est un autre endroit que vous avez évoqué dans votre rapport. Avant de

13 passer à cet endroit-là, je souhaite corriger un certain nombre d'éléments

14 à propos de la limite des examens médico-légaux et des enquêtes, étant

15 donné que j'ai lu un petit peu de littérature là-dessus de vos collègues

16 John Clark et l'anthropologiste Susan Black sur un certains nombre

17 d'enquêtes. Je veux simplement m'assurer que nous parlons de la même chose

18 et que je comprends bien les principes de base de cette discipline. D'après

19 ce que je comprends - et je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi - en

20 général, la pratique voudrait que lorsqu'on doit décider si la blessure a

21 été infligée lors du vivant par opposition au post mortem, il faut regarder

22 aux ecchymoses, aux saignements. Il est très difficile de constater cela au

23 niveau des corps squeléttonisés [phon].

24 R. On peut voir à l'examen au microscope sur les berges, c'est-à-dire les

25 limites d'une fracture, on peut voir des dépôts de sang ou une infiltration

26 de sang au niveau de la moelle, mais en règle générale, c'est effectivement

27 sur les parties molles que ceci est mis en évidence plus facilement.

28 Q. D'accord. Maintenant, si nous pouvons passer à Mala Krusa et les

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1 conclusions de l'équipe écossaise que vous avez analysées. D'après le

2 rapport de Dr Black et d'après votre propre rapport, je crois qu'il n'y

3 avait qu'une série de restes humains, à savoir d'un seul individu qui ont

4 été retrouvés sur ce site dans ce village, qui ont montré des signes de

5 crémation et les autres corps semblent ne porter aucun signe de crémation.

6 Voici ma question : en se fondant là-dessus, est-ce que l'on peut exclure,

7 avec un degré de certitude scientifique, la possibilité que ces autres

8 restes ont également fait l'objet du feu ? S'il n'y a pas eu de signes de

9 crémation, est-ce que l'on peut exclure complètement l'idée que les autres

10 corps ont été brûlés ?

11 R. Dans le rapport du Pr Vaneziz et du Dr Black, quant à moi, j'ai noté

12 que ces restes humains comprenaient quatre individus différents et que les

13 signes de brûlures concernaient les quatre individus. Peut-être faudrait-il

14 afficher ces rapports de façon à ce que je vérifie.

15 Q. Si nous pouvions regarder la pièce maintenant P110, s'il vous plaît, la

16 première devrait suffire, étant donné qu'il y a un résumé ici de tous les

17 restes retrouvés à trois endroits,

18 M. IVETIC : [interprétation] Ceci serait peut-être utile pour le médecin et

19 cela terminerait mon contre-interrogatoire. C'est le dernier domaine que je

20 souhaite aborder.

21 Q. Docteur, je pense que nous n'avons pas de version française de cette

22 pièce. Nous avons l'anglais que vous retrouverez sur la gauche. Est-ce que

23 c'est quelque chose que l'on pourrait utiliser, qui pourrait vous aider à

24 vous rappeler de tout ceci ? Sous le chapitre "Restes."

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

26 M. STAMP : [interprétation] Peut-être que mon confrère a été induit en

27 erreur. Je ne pense pas avoir utilisé cette partie du document pendant

28 l'interrogatoire principal. La date de ce document est celle du 29 octobre

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1 1999, alors qu'à la page 32, le rapport du

2 Dr Baccard, eu égard à Mala Krusa, mentionne le rapport du Dr Black qui est

3 daté du 27 octobre 1999. Le document placé ici a été placé par erreur.

4 C'est la raison pour laquelle dans l'interrogatoire principal, en fait,

5 c'est un autre document, c'est le P2748.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La page 32 précise que les examens ont

7 été faits le 23 juin, et vous nous dites que la date du rapport c'est

8 quelle date ?

9 M. STAMP : [interprétation] Dans le document à l'appui que nous avons, le

10 Dr Baccard précise que ce rapport se fonde sur les documents suivants : le

11 Dr Peter Vanezis de Glasgow, qui est un professeur en médecine légale et le

12 rapport du Dr Susan Black, médecin légiste. Ceci est daté du 27 octobre.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cet autre document que nous regardons

14 maintenant ?

15 M. STAMP : [interprétation] Le document que nous regardons porte sur un

16 autre examen que les deux ont fait mais qui ne figure pas à l'acte

17 d'accusation et c'est un autre examen fait au Kosovo --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci parle du même lieu, de Krusha e

19 Vogel ?

20 M. STAMP : [interprétation] Oui, tout à fait. L'endroit qui fait référence

21 au Dr Baccard et à son rapport, je l'ai précisé, c'est la pièce --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il doit y avoir deux rapports, un du

23 Pr Vanezis et l'autre de Black.

24 M. STAMP : [interprétation] 2748 --

25 M. IVETIC : [interprétation] C'est ce que je cherche ici sur l'avis, je

26 n'ai rien.

27 M. STAMP : [interprétation] Nous avons le rapport du

28 Dr Vanezis, qui est médecin légiste. C'est la pièce 2748 qui était un

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1 rapport des deux personnes. Une partie a été signée par le Dr Vanezis au

2 mois de novembre 1999, le 10 novembre tel que cela est précisé par le Dr

3 Baccard, ensuite une partie qui est signée par le Dr Black, le 27 octobre

4 1999.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est la pièce 2748.

6 M. STAMP : [interprétation] 2748.

7 M. IVETIC : [interprétation] D'où la confusion, car ceci porte sur Krusha e

8 Madhe et non Krusha e Vogel et Malika e Vogel [phon], d'où mon erreur. Je

9 croyais que nous parlions de Mala Krusa.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là où vous voulez en venir, je crois

11 que c'est peut-être tout à fait justifié, car si ce que vous recherchez ce

12 sont des éléments de preuve quant à l'absence.

13 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- sur blessures dues à des brûlures.

15 Donc le document sur lequel vous vous reposez, en tout cas, celui sur

16 lequel se repose l'Accusation ne concerne pas l'endroit qui vous préoccupe

17 ou intéresse.

18 M. IVETIC : [interprétation] J'espère. C'est peut-être un autre document

19 dont je n'ai pas connaissance et que j'aurais dû préparer. Je crois que je

20 peux encore poser les deux questions que j'avais l'intention de poser.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de poser vos questions, Monsieur

22 Stamp, il me semble qu'il y a un problème ici à propos de l'endroit en

23 question qui nous intéresse ici.

24 M. STAMP : [interprétation] Il s'agit de ville sœur, en fait. Il s'agit des

25 deux mêmes endroits, Mala Krusa et Krusha e Vogel.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous mettez ceci à l'écran, 2748,

27 celui que vous venez d'indiquer, est-ce que nous pouvons voir cela. Velika

28 Krusa est un autre village et différent de Krusha e Vogel. Je crois que

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1 cela veut dire que le vieux Krusa.

2 M. IVETIC : [interprétation] Cela veut dire grand Krusa et petit Krusa.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous me rappeler, Maître

4 Ivetic, de quel paragraphe il s'agit.

5 M. IVETIC : [aucune interprétation]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Paragraphe 75 de l'acte d'accusation

7 qui évoque ces villages ?

8 M. IVETIC : [interprétation] Il y a deux incidents séparés présumés. Un qui

9 est à Velika Krusa, l'autre qui est Mala Krusa. C'est moi qui ai compris

10 que ces deux villages font partie de --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous indiquer à quel

12 paragraphe cela se situe dans l'acte d'accusation.

13 M. IVETIC : [interprétation] Etant donné qu'ils sont dans la même

14 municipalité, mais il ne s'agit pas du tout des mêmes villages. Paragraphe

15 75(C), je crois.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai pas d'exemplaire sous les

17 yeux.

18 Il semblerait que les corps ayant des traces de feu n'ont peut-être

19 pas de lien direct avec l'incident qui est évoqué dans ce paragraphe, à

20 savoir les coups de feu et les brûlures dans la grange. Nous avons entendu

21 un certain nombre d'éléments de preuve à ce propos.

22 M. IVETIC : [interprétation] Oui, je crois que l'erreur vient de là. A la

23 page 32 du rapport du témoin, c'est Krusha e Vogel, c'est le titre.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

25 M. IVETIC : [interprétation] Ce serait Mala Krusa. Maintenant que je lis le

26 document 2748, cela semble ressembler à la description des restes de Velika

27 Krusa.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyons.

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1 Docteur Baccard, est-ce que vous pourriez préciser cela pour nous,

2 s'il vous plaît ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut comprendre qu'au moment de la

4 préparation du rapport, j'ai travaillé en fonction des documents qui m'ont

5 été transmis et des renseignements qui m'étaient donnés. Il m'a été dit que

6 ces documents se rapportaient aussi de Krusha et Vogel. Je ne connais pas

7 particulièrement la géographie du Kosovo. C'est ce nom que j'ai porté dans

8 mon rapport avec la référence correspondant à ce qui est affiché sur

9 l'écran, c'est-à-dire VK002. Donc je vois qu'il est indiqué Velika Krusa.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il me semble que c'est quelque chose

11 qu'il va falloir résoudre en temps utile. Peut-être que vous n'avez plus de

12 questions.

13 M. IVETIC : [interprétation] Si, j'ai encore des questions. Je souhaite à

14 propos du P110 lui demander si la façon dont je lis ce document est exacte,

15 puisqu'il s'agit d'un rapport médico-légal, puisqu'il a une certaine

16 expérience en la matière sur la base de ses conclusions à l'examen de ces

17 rapports menés par ces personnes, je crois qu'il devrait en tout cas

18 pouvoir nous donner une indication quant à cette région.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

20 Monsieur Stamp, vous souhaitiez dire autre chose ?

21 M. STAMP : [interprétation] Je voulais simplement indiquer que nous allons

22 expliquer quel lien existe entre ces corps et nous fournirons les éléments.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous souhaitez avoir le document P110

24 à l'écran ?

25 M. IVETIC : [interprétation] C'est cela. Oui, P110, en fait. Cela a été

26 affiché pendant quelques instants à l'écran.

27 Q. Est-ce que vous pourriez revoir le résumé qui se trouve à la première

28 page. On parle des sites A, B et C. Là, nous avons des descriptions des

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1 restes qui ont été retrouvés. Je vais vous accorder quelques instants, le

2 temps qu'il vous faut en tout cas pour lire cette partie-là. Je souhaite

3 vous poser une question portant là-dessus.

4 R. Puis-je vous demander de me confirmer ce document qui est à l'écran n'a

5 pas fait partie de ceux qui m'ont été communiqués. Est-ce que c'est exact ?

6 A priori, il ne figure pas dans mon rapport.

7 Q. C'est ce que nous avons cru comprendre maintenant à la suite des

8 échanges que nous venons d'avoir. Il semblerait que ceci ne figure pas dans

9 votre rapport, bien qu'il s'agisse de Krusha et Vogel, l'endroit qui est

10 cité dans votre - en tout cas c'est à l'en-tête de chapitre dans votre

11 rapport, et nous sommes d'accord pour dire que votre rapport traite de

12 Krusha et Madhe ou Velika Krusa.

13 R. Est-ce qu'il est possible de descendre le document.

14 J'ai terminé la lecture, votre Honneur.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est votre question, Maître

16 Ivetic.

17 M. IVETIC : [interprétation]

18 Q. Ma question porte sur les conclusions de Sue Black. Pouvons-nous

19 exclure l'éventualité -- pardon je reprends.

20 Pour ce qui est de l'ensemble des corps, ici on indique qu'il n'y

21 avait pas de signes de crémation. Eu égard aux corps où on précise qu'il

22 n'y avait pas de signes de crémation, pouvons-nous exclure avec un certain

23 degré de certitude scientifique que les restes des corps ont été exposés au

24 feu ?

25 R. Est-ce qu'on peut montrer les documents sur l'écran. Merci. En fait,

26 d'après ce que je lis sur ce document que je découvre aujourd'hui, il y a

27 trois sites qui contenaient des restes humains, et ces restes humains

28 étaient mélangés appartenant à plusieurs individus. En ce qui concerne le

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1 site A et l'échantillon PGZ 1 SR, il n'y avait pas de signes de crémation,

2 et a priori un seul individu est mentionné dans le rapport du Dr Sue Black.

3 En ce qui concerne le site A et l'échantillon PGZ 10 SR, je lis qu'au

4 minimum, cet échantillon contenait les ossements de trois individus mais

5 plus probablement de six individus. Il n'y avait pas de signes de crémation

6 sur ce deuxième échantillon.

7 Sur le troisième échantillon, toujours sur le site A et qui est intitulé

8 PGZ 15 SR, il y avait, par contre, des signes de crémation et ceci

9 correspondait à un seul individu. En ce qui concerne le site B, le Dr Sue

10 Black fait mention de deux échantillons dont il est difficile de savoir

11 s'il a été possible de faire un inventaire squelettique. Donc de savoir

12 quel était le nombre minimal d'individus, ce renseignement ne figure pas

13 dans le rapport, et ici il n'y avait pas de signes de crémation.

14 Enfin sur le site C, un seul échantillon a été retrouvé, et également, il

15 n'est pas mentionné à combien d'individus cet échantillon correspondait et

16 l'absence ou la présence de signes de crémation ne figurent pas dans le

17 rapport.

18 Q. Quand il n'y a pas de signes de crémation, est-ce qu'on peut exclure le

19 fait que ces personnes ont été exposées au feu ? Je veux dire que si les

20 personnes ont été exposées à un feu, est-ce qu'il y aura toujours

21 systématiquement, à ce moment-là, des signes de crémation ?

22 R. Il y a des degrés dans la crémation en fonction de la proximité de la

23 source de chaleur. Pour répondre de façon générale, ceci concerne les

24 ossements. D'après ce que j'ai compris, il s'agit d'échantillons composés

25 d'ossements squelettonisés [phon]. Est-ce que les parties molles ont été

26 exposées au feu, est-ce qu'elles ont été brûlées ? Je n'ai pas d'éléments

27 qui permettent de le savoir. En tout cas, sur les ossements eux-mêmes mais

28 qui sont protégés par les parties molles sur un cadavre frais,

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1 l'anthropologue n'a pas noté de signes de crémation --

2 Q. Très bien. Merci.

3 R. -- à l'exception d'échantillons PGZ 15 SR.

4 Q. Merci. Pour que les choses soient bien claires. Si on pense à tous les

5 rapports que vous avez examinés, tous ces rapports, est-il exact que vous

6 n'avez examiné aucun autre rapport relatif à Krusha e Vogel en dehors du

7 rapport dont nous avons établi maintenant que c'est un rapport qui, en

8 vérité, traite de Velika Krusa ?

9 R. La liste des rapports que j'ai pu consulter figure dans mon propre

10 rapport avec cette confusion, semble-t-il, au niveau de Krusha e Vogel,

11 mais cela fait partie d'un renseignement qui m'avait été donné oralement au

12 moment de la rédaction du rapport.

13 Q. Ma dernière question : cette information vous a été communiquée

14 oralement par les médecins qui ont établi le rapport ou par le bureau du

15 Procureur ?

16 R. Nous parlons des enquêteurs qui m'ont transmis ce rapport. Je n'ai pas

17 eu de contacts avec des médecins qui sont les auteurs de ces rapports.

18 Q. Merci beaucoup. Maintenant, vous avez fait la lumière. Je m'excuse de

19 cette confusion. J'avais l'intention d'être beaucoup plus rapide que cela

20 n'a été le cas. Merci.

21 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

22 Juges.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être, pourriez-vous nous dire où

24 vous avez vu la lumière, puisque vous dites que maintenant les choses se

25 sont éclaircies.

26 M. IVETIC : [interprétation] C'est parce que quand il parle de Krusha e

27 Vogel dans son rapport, en fait, ce n'est pas Krusha e Vogel, c'est Krusha

28 e Madhe, en fait.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand cette information vous a-t-elle

2 été communiquée, Docteur Baccard ?

3 LE TÉMOIN : Il s'agit de la fin de l'année 2001 qui correspondait à la

4 préparation du rapport. Il m'a été dit que cela correspondait aux mêmes

5 villes.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, vous dites que vous

7 êtes en mesure de nous présenter des éléments qui permettront de faire le

8 lien, qui permettront de préciser les choses ?

9 M. STAMP : [interprétation] Oui. Merci.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez des questions

11 supplémentaires à poser au témoin ?

12 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 Nouvel interrogatoire par M. Stamp :

14 Q. [interprétation] Docteur, on vous a posé une série de questions au

15 sujet de l'autopsie des victimes qu'on a trouvées à Cirez dans les puits,

16 ces huit victimes. On a avancé que peut-être il n'y avait aucun signe

17 qu'elles soient mortes par des noyades, qu'en fait, elles étaient mortes

18 avant, ou plutôt que la noyade avait eu lieu avant la mort. Il vous a

19 demandé sur quoi vous basiez cette conclusion. J'aimerais que vous

20 examiniez le rapport du légiste qui a examiné ces corps. J'ai un exemplaire

21 en français, c'est la pièce P383. J'aimerais qu'elle soit affichée au

22 compte rendu d'audience et j'aimerais qu'on remette au Dr Baccard un

23 exemplaire en français.

24 Ce que je vais vous demander en premier lieu, Docteur, c'est de regarder

25 s'il y a des éléments qui indiquent, ou si on peut voir les éléments qui

26 ont pu amener le légiste à conclure qu'il y avait noyade ante mortem.

27 Ensuite, je vous poserai une question précise.

28 M. STAMP : [interprétation] Pendant que le témoin regarde la version en

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1 français - et je signale que dans la version traduite en anglais il n'y a

2 pas les photographies qui se trouvent dans la version en français. En

3 revanche, on a le descriptif des photographies qui se trouve dans la

4 version du rapport en français.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] De façon à répondre clairement à votre

6 question, je pense que mes confrères ont basé le diagnostic de submersion,

7 de noyade par submersion vitale sur un élément qui est celui de l'aspect

8 des poumons, qui selon le terme employé dans le rapport d'autopsie, étaient

9 des poumons hydroaériques [phon], ce qui signifie la présence d'un œdème

10 pulmonaire consécutif à la noyade pour toutes les victimes.

11 M. STAMP : [interprétation] Avant de vous laisser finir votre explication,

12 j'aimerais qu'on garde la page concernée, c'est la page 4 en anglais, la

13 traduction en anglais. J'aimerais qu'on descende un petit peu, j'aimerais

14 qu'on arrive au sous-titre "autopsie." Est-ce que c'est bien la page 4 ?

15 C'est bien la pièce P383 ? Excusez-moi, je me suis trompé de page. En fait,

16 la page qu'il nous faut c'est celle qui se termine par les chiffres 5686.

17 C'est la page 56 dans le système de prétoire électronique. C'est ici, la

18 voilà cette page.

19 Q. On peut voir dans le rapport que c'est ici une conclusion qui

20 s'applique à toutes les victimes, à savoir qu'on ne trouve aucun signe de

21 lésion aux organes vitaux en dehors de ce qui est décrit comme des signes

22 de pneumothorax au niveau des poumons. Est-ce que c'est exact ou est-ce que

23 vous pouvez nous l'expliquer ?

24 R. Est-ce qu'il serait possible de remonter très légèrement de façon à me

25 permettre d'identifier à quel corps ce compte rendu, ce rapport. Il s'agit

26 de SIP1C1. Est-ce qu'il est possible de redescendre maintenant et de

27 centrer sur l'examen des poumons. Il y a une erreur de traduction dans la

28 mesure où il est traduit les

Page 10208

1 termes poumons hydroaériques qui correspondent à un œdème pulmonaire sous

2 la forme de signe pneumothorax, ce qui ne correspond pas du tout à la même

3 pathologie. Un œdème pulmonaire, c'est le passage de sérosité de sérum du

4 sang dans les alvéoles, lié justement aux différences de concentration

5 entre l'eau et le sang dans les noyades, alors que là, la version anglaise

6 parle de signe pneumothorax. Le pneumothorax, c'est un épanchement d'air

7 qui est situé entre le poumon et la cage thoracique. C'est totalement

8 différent et c'est une erreur de traduction. Cela ne correspond pas à ce

9 qui est écrit dans le rapport original des experts français.

10 Q. La traduction pneumothorax elle est fausse. Qu'est-ce qu'il faudrait

11 mettre comme traduction ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous l'a dit, c'est un œdème

13 pulmonaire.

14 M. STAMP : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une

16 question ? Ce n'est pas une traduction vraiment malheureuse, parce que

17 j'imagine que pneumothorax, ce type de lésion, peut être causé par une

18 fracture d'une côte, si je ne me trompe.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, votre Honneur, vous avez des

20 connaissances médicales qui sont certaines. Cette mention de pneumothorax

21 qui peut se rencontrer effectivement comme une complication de fracture de

22 côte ne figure pas dans le rapport français, le rapport original. Il n'est

23 pas mentionné de pneumothorax en français. Ce sont réellement deux entités

24 totalement différentes.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ceci pourrait expliquer

26 pourquoi le conseil de la Défense, qui a travaillé à partir de la version

27 en anglais, a pu penser que l'on pouvait contester l'idée ou l'opinion

28 selon laquelle les corps, ou plutôt les personnes étaient mortes par

Page 10209

1 noyade. Maintenant vous venez de faire la lumière sur cette question, parce

2 qu'en fait, le rapport initial il était écrit en français.

3 Monsieur Stamp.

4 M. STAMP : [interprétation] Merci.

5 Q. Docteur, vous nous avez dit qu'un œdème pulmonaire, c'est un symptôme,

6 un signe de noyade ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Merci. D'après les photographies qui accompagnent le rapport pour les

9 deux victimes qui auraient été violées - on pense qu'elles auraient peut-

10 être été violées - est-ce qu'on a tenté de trouver le sang au niveau de

11 l'ouverture vulvaire et les abrasions qui se trouvent à l'intérieur des

12 cuisses dans ce rapport ?

13 R. Oui, c'est exact pour les deux cas, SIP1C1 et SIP1C2.

14 Q. Merci. J'aimerais qu'on passe maintenant à Izbica, j'ai une seule

15 question. D'après les rapports médico-légaux qui vous avaient été remis,

16 est-ce qu'il est possible ou pas de dire comment les corps ont été

17 déplacés ? Si c'est le cas, à quel moment ces corps ont été déplacés ?

18 M. IVETIC : [interprétation] Je pensais qu'Izbica c'était un site où il n'y

19 avait pas de corps qui avaient été retrouvés. Je veux être sûr que nous

20 parlons bien du même site.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Izbica c'est le site sur lequel on a

22 réalisé une vidéo avec 129 ou 137 corps qui, apparemment, ont été exhumés.

23 M. IVETIC : [interprétation] 127 corps qu'on voit sur la vidéo. Mais nous,

24 nous avons connaissance d'une exhumation au cours de laquelle 101 corps ont

25 été exhumés.

26 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

27 M. STAMP : [interprétation]

28 Q. A partir de la vidéo vous n'avez pas été en mesure de déterminer si les

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1 corps ont été déplacés, où et comment et à quel moment ?

2 R. Non, Monsieur le Procureur. Comme je l'ai dit précédemment, les limites

3 des photographies tirées de la vidéo et la vidéo elle-même ne permettaient

4 pas un examen complet de ces corps. Les seules choses qui pouvaient être

5 notées comme évidentes étaient le fait que ces victimes, pour certaines

6 d'entre elles, avaient été retournées. Certaines d'entre elles gisaient

7 face contre terre et elles avaient été retournées sur le dos. Certaines

8 d'entre elles aussi avaient quelques dermabrasions [phon] sur une surface

9 limitée. Dermabrasion signifie une écorchure superficielle, une excoriation

10 superficielle, et ceci signifiait que le visage avait frappé contre la

11 terre mais sans que l'on puisse déterminer la distance sur laquelle ce

12 frottement s'était exercé. Les constatations qu'on pouvait en tirer quant à

13 un éventuel déplacement des victimes se limitait, de façon certaine, au

14 fait que les corps, certains corps avaient été retournés.

15 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup.

16 Q. Je n'ai plus de questions à poser au Dr Baccard. Merci beaucoup.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, il y a quelques

18 questions qui se posent peut-être ici au sujet des pièces à conviction.

19 J'ai noté quelque chose ici, mais je ne me souviens pas pourquoi, au sujet

20 d'une demande qui doit être faite pour identifier six corps venant

21 d'Izbica. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez évoqué hier ou --

22 M. STAMP : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est quelque chose qui n'a

24 pas été évoqué ?

25 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, au cours du contre-

27 interrogatoire réalisé par M. Milosevic, on s'est demandé s'il existait des

28 documents venant des autorités yougoslaves et qui étaient en rapport avec

Page 10211

1 Izbica. Il me semble que c'est après qu'on ait évoqué cette question dans

2 le compte rendu d'audience, que j'ai cru comprendre en lisant ce même

3 compte rendu qu'on allait tenter d'essayer d'identifier six victimes

4 supplémentaires. Apparemment, c'est quelque chose dont vous n'avez pas

5 connaissance ?

6 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

7 M. STAMP : [interprétation] Je crois que les choses ont évolué depuis

8 l'affaire Milosevic, parce qu'en l'espèce, nous avons présenté des

9 documents de Tomasevic qui a produit un certain nombre de rapports en

10 rapport avec ces cadavres.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

12 M. STAMP : [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre chose, c'est que dans votre

14 liste, la liste des pièces à conviction que vous avez l'intention

15 d'utiliser ici, il y avait un rapport d'un policier de la "metropolitan

16 police" de Londres, un rapport qui avait trait sur les informations qu'il

17 avait découvertes au sujet de l'identité des victimes. Ce que nous avons vu

18 avait trait, je crois, à Bela Crkva. Est-ce que c'est le seul document de

19 cette nature qui existe ?

20 M. STAMP : [interprétation] Non. Pour ce qui est des autres sites, d'après

21 ce que j'ai compris, des documents semblables nous ont été remis par

22 certains des témoins des faits incriminés et qui permettaient d'identifier

23 les personnes concernées.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il a d'autres documents de

25 ce type ?

26 M. STAMP : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

28 M. STAMP : [interprétation] Dans la plupart des rapports d'autopsies, on a

Page 10212

1 identifié les personnes concernées et les médecins expliquent sur la base

2 de quoi on a identifié les personnes.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ici nous avons un rapport de la police

4 de Londres, mais quand on examine ce rapport, on voit que c'est un policier

5 qui explique ce que d'autres personnes lui ont relaté.

6 M. STAMP : [interprétation] Cela a été présenté comme un rapport

7 d'exhumation, un rapport d'exhumation qui comprend les déclarations des

8 photographes, des centaines de photographies, les déclarations des deux

9 policiers qui ont identifié les corps, qui ont participé à cette

10 identification ainsi que les rapports des médecins qui ont réalisé des

11 autopsies sur les corps ou les parties de corps qui ont été exhumés. Si

12 bien que quand vous avez un "rapport d'exhumation," cela représente toute

13 une série d'autres rapports qui reprennent tout le processus d'exhumation à

14 partir du moment où on exhume les corps jusqu'au moment où les

15 photographies, puis il y a également l'identification des corps, les

16 autopsies, et cetera, et cetera.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons partir du

18 principe que les conseils de la Défense estiment que les pièces et les

19 éléments, les documents à partir desquels l'Accusation a demandé au Dr

20 Baccard de préparer une rapport de synthèse, est-ce que ces documents, ces

21 pièces sont présentées de manière satisfaisante. Bien entendu, ce rapport

22 lui-même est un rapport qui constitue une preuve par ouï-dire. S'agissant -

23 je parle ici des documents qui ont servi à établir ce rapport - si, par

24 exemple, nous avons un document qui est une déclaration plutôt qu'un

25 rapport, les conditions d'admission ou de versement au dossier de cette

26 pièce peuvent prêter à discussion. Je ne sais pas si tout le monde est

27 satisfait de la manière dont ces pièces ont été présentées. Ce qu'il

28 conviendra de faire, bien entendu, au bout du compte, c'est de décider quel

Page 10213

1 poids qu'il convient d'accorder à ce rapport étant donné que le Dr Baccard

2 lui-même n'a qu'une connaissance limitée des examens qui ont été menés par

3 des professionnels oeuvrant dans des domaines de spécialité très divers.

4 Etant donné le silence retentissant du côté de la Défense, j'imagine

5 qu'il n'est pas nécessaire d'être excessivement formel au sujet de cette

6 question.

7 Maître Ivetic.

8 M. IVETIC : [interprétation] Il y avait quelque chose d'autre qui me

9 préoccupait. C'est que je ne sais absolument pas les pièces qui sont

10 versées au dossier par l'Accusation, les pièces sur lesquelles je dois

11 travailler avec M. Stamp pour en expurger certaines parties. Je pensais que

12 la pièce 110 allait être versée au dossier alors que ce n'est pas le cas.

13 J'aimerais que M. Stamp me dise quelles sont les pièces qui figurent dans

14 la notification des pièces à utiliser avec ce témoin, qui vont être

15 utilisées ou pas, ou versées au dossier ou pas. Enfin, j'aimerais le

16 savoir.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous a donné jusqu'à demain pour

18 régler la question.

19 M. IVETIC : [interprétation] C'est vrai.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Stamp et vous-même devez vous

21 rencontrer pour parler de tout cela. Nous étions partis du principe que,

22 puisque vous avez contesté seulement une partie limitée des documents, cela

23 signifiait que vous acceptiez les autres, montrant là une attitude très

24 raisonnable. Et vous estimiez que la manière dont on avait procédé était

25 tout à fait acceptable. Dans l'affaire Milosevic, je crois que personne ne

26 s'est inquiété sur la manière dont les pièces à conviction, les preuves de

27 ce type sont présentées. Peut-être parce qu'on a fait preuve de réalisme,

28 mais peut-être aussi - et c'est sans doute plus probable - parce que

Page 10214

1 l'accusé, dans cette autre affaire, n'avait pas de représentation juridique

2 officielle. Donc les amis de la Chambre ne pouvaient reprendre à son

3 compte, évoquer des questions dans son intérêt que de manière limitée. Je

4 ne sais pas si on s'était penché sur la question de la présentation

5 officielle des pièces à conviction. Je ne sais pas s'il s'agissait de

6 réalisme ou pas. Je ne peux pas passer ceci sous silence. Je pense que nous

7 devons pouvoir aller au cœur même de ces pièces.

8 Est-ce que d'ici demain, avec M. Stamp, vous allez pouvoir définir

9 quels sont les documents qui ne seront pas soumis à la Chambre, ensuite

10 lorsque ce sera décidé entre vous, il nous appartiendra à nous de décider

11 quel poids accorder à ces éléments.

12 M. IVETIC : [interprétation] Oui, je vais avoir une rencontre avec M. Stamp

13 et travailler dans ce sens. J'avais pensé le faire tout de suite après

14 l'audition de ce témoin pour ensuite vous présenter une version des

15 éléments que nous souhaitons voir expurger. Je pensais finir cela

16 aujourd'hui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, il faudrait nous le faire savoir

18 pour que cela soit enregistré officiellement.

19 M. IVETIC : [interprétation] Merci. Pour l'instant, je pense que nous

20 pourrons arriver à un accord sur pratiquement toutes les questions, peut-

21 être même la totalité des questions.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Docteur Baccard, nous vous remercions

25 d'être venu à nouveau témoigner devant le Tribunal. Nous sommes arrivés au

26 terme de votre déposition. Nous nous rendons bien compte des limites qui

27 sont celles des connaissances que vous pouviez avoir du travail réalisé en

28 amont sur ces différents sites ainsi que de l'état satisfaisant dans lequel

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1 vous vous êtes sans doute trouvé de temps en temps au cours de votre

2 déposition orale. Soyez assuré que nous accorderons une attention très

3 importante à tous les documents sous-jacents également. Dans cette affaire,

4 où six accusés sont jugés, avec chacun leur conseil de la Défense, nous

5 entendons, bien sûr, les arguments des uns et des autres, et c'est aux

6 Juges qu'il appartient d'attacher le poids nécessaire aux diverses

7 conclusions qui sont tirées.

8 Je pense que nous aurons encore beaucoup de temps pour examiner les

9 documents, et nous vous remercions de votre aide en répondant aux questions

10 des conseils. Vous pouvez maintenant vous retirer, merci.

11 LE TÉMOIN : Merci, Monsieur le Président.

12 [Le témoin se retire]

13 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, votre témoin suivant ?

15 M. STAMP : [interprétation] M. Patrick Ball sera notre témoin suivant.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Ball.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demanderais de prononcer la

20 déclaration solennelle consistant à déclarer que vous allez dire la vérité

21 sur la base du texte qui vous est tendu à l'instant.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 LE TÉMOIN: PATRICK BALL [Assermenté]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

27 Monsieur Stamp, à vous.

28 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 Interrogatoire principal par M. Stamp :

2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Ball.

3 R. Bonjour.

4 Q. Je vous demanderais d'abord de décliner vos nom et prénom, de dire

5 quelle est votre profession, et votre emploi actuel.

6 R. Oui. Je m'appelle Patrick Ball. Je suis sociologue et statisticien.

7 Actuellement, je dirige un programme relatif aux droits de l'homme et je

8 suis responsable en chef de l'Initiative Benetech au Panama.

9 Q. Depuis combien de temps êtes-vous sociologue et statisticien ?

10 R. Je travaille dans ces domaines depuis l'obtention de mon diplôme en

11 1968 [comme interprété]. Ensuite, j'ai obtenu mon doctorat en 1998. Je

12 travaille depuis 1991 sur un très important programme de droits de l'homme

13 en matière de gestion des données et de statistiques.

14 Q. Qu'est-ce que le programme Benetech ?

15 R. C'est une initiative non lucrative qui se subdivise en plusieurs

16 projets centrés sur l'emploi de la technologie au profit de l'humanité. Au

17 nombre de ces projets, il y en a qui concernent les nouvelles technologies

18 visant à détecter la présence de mines antipersonnel. Il y a également des

19 projets centrés sur la biodiversité et des projets d'aide aux personnes non

20 voyantes et aveugles, d'aide à l'obtention de documents imprimés notamment.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le lieu où se trouve l'Initiative

22 Benetech n'est pas mentionné au compte-rendu d'audience.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de Palo Alto en Californie aux

24 Etats-Unis.

25 Q. Est-ce qu'on écrit Benetech, B-e-n-e-t-e-c-h ?

26 R. Oui, c'est un organisme qui s'occupe de technologie avancée.

27 Q. En 2001/2002, vous avez dirigé le programme de l'association des

28 sciences humaines ?

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1 R. Oui, le programme des sciences humaines et des droits de l'homme mis au

2 point par l'association américaine pour faire avancer la science, en effet.

3 Q. Le 3 janvier 2002, est-ce que vous avez établi un rapport soumis au

4 bureau du Procureur de ce Tribunal au sujet des études menées par vous sur

5 les massacres et migrations constatées au Kosovo en 1999 ?

6 R. En effet, je l'ai fait avec quatre autres personnes.

7 Q. Ces autres personnes dont vous venez de parler, leurs noms figurent en

8 couverture du rapport ?

9 R. Oui, leurs biographies également sont incluses dans le rapport.

10 M. STAMP : [interprétation] Il s'agit, Monsieur le Président, de la pièce

11 P1506.

12 Q. Le 19 février 2002, est-ce que vous avez établi un addendum à ce

13 rapport en même temps que les collègues que vous venez d'évoquer ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que tous ensemble vous avez rédigé un addendum ?

16 R. Oui.

17 Q. Ensuite --

18 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, l'addendum est la pièce

19 P1391.

20 Q. Ensuite, le 15 novembre 2002, est-ce que vous avez rédigé un

21 corrigendum de ce rapport en même temps que vos collègues ?

22 R. Oui.

23 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, ce corrigendum constitue

24 la pièce P1394.

25 Q. Eu égard à ces rapports établis par vous et traitant des massacres et

26 des déplacements de population au Kosovo en 1999, est-ce que vous avez

27 témoigné au cours du procès intenté à Slobodan Milosevic les 13 et 14 mars

28 2002, puis une nouvelle fois le

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1 2 mai 2003 ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous avez dit la vérité durant cette déposition, autrement

4 dit est-ce que vous avez apporté des réponses aussi précises que possible

5 aux questions qui vous étaient posées, et ces réponses faites par vous à

6 l'époque resteraient-elles les mêmes si les mêmes questions vous étaient

7 posées aujourd'hui ?

8 R. Oui.

9 M. STAMP : [interprétation] La déposition de M. Ball, les trois jours de

10 déposition dans l'affaire Milosevic, constitue la pièce à conviction P2690.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 M. STAMP : [interprétation]

13 Q. Enfin, s'agissant des documents, est-ce que vous-même et vos collègues,

14 ou en tous cas, certains d'entre eux, ont établi un nouvel addendum à votre

15 rapport le 28 janvier de cette année ?

16 R. Mes anciens collègues ont relu le rapport, mais ce rapport a été rédigé

17 par un autre groupe. Pas mal de temps s'est écoulé et les intérêts

18 personnels de certaines personnes ont changé.

19 Q. D'accord. Mais est-ce que vous avez dirigé et supervisé le groupe

20 chargé de la rédaction de ce nouvel addendum ?

21 R. Oui.

22 Q. Merci.

23 M. STAMP : [interprétation] Le deuxième addendum, Monsieur le Président,

24 constitue la pièce P2678.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 M. STAMP : [interprétation]

27 Q. Vous nous avez dit quelques mots de vos activités et de votre

28 expérience dans le domaine des statistiques, de la sociologie et des droits

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1 de l'homme. Est-ce que vous avez également établi un curriculum vitae mis à

2 jour comportant toutes vos activités jusqu'à cette année ?

3 R. Oui.

4 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, ce document, ce CV

5 actualisé a été chargé dans le système du prétoire électronique et

6 constitue dans ce système la pièce P2791.

7 Je ne vais pas vous infliger le détail de ce curriculum vitae qui est assez

8 long.

9 Q. Docteur, je vois que vous avez publié plusieurs ouvrages et participé à

10 de nombreuses publications techniques concernant votre spécialité depuis à

11 peu près 15 ans. Dans votre dernier emploi, vous occupez le poste de

12 directeur du programme des droits de l'homme à l'institut Benetech depuis

13 2003, n'est-ce pas ?

14 R. A l'initiative Benetech, oui.

15 Q. Merci. Si nous examinons votre déposition dans l'affaire Milosevic,

16 nous voyons qu'un rapport très important et très volumineux a été révisé

17 par des spécialistes du même domaine, n'est-ce pas ? Je parle du rapport du

18 3 juillet.

19 R. Oui, c'est un élément central du projet et il a fait l'objet de deux

20 séries de vérification et révision de la part, notamment, d'une équipe

21 internationale.

22 Q. Ce rapport, pouvez-vous nous dire comment il a été reçu dans les

23 milieux universitaires ?

24 R. Moi-même ainsi que mes coauteurs avons reçu une décoration de

25 l'association statistique américaine pour l'usage des techniques

26 scientifiques et statistiques. Cette récompense nous a été décernée en août

27 2002 par la section statistique et étude sociale de l'association

28 statistique américaine --

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1 Q. Avant que vous ne poursuiviez.

2 R. Oui.

3 Q. Merci. Je vois en page 11 de votre CV une référence à un certain nombre

4 de récompenses et décorations. Et pour 2002, je vois qu'il est fait mention

5 d'une décoration pour haut fait décernée par l'association statistique

6 américaine. C'est bien de cette décoration que vous étiez en train de

7 parler ?

8 R. Oui.

9 Q. Avant de parler de la façon dont votre rapport a été reçu par vos

10 pairs, je vois ici dans votre CV la liste d'un certain nombre de

11 récompenses, médailles, décorations. En 2002, vous avez reçu deux autres

12 récompenses pour votre travail. En 2004, vous avez reçu la récompense

13 Eugène Lawler pour participation humanitaire aux séances de l'information

14 et de l'informatique de la part de l'association du matériel informatique.

15 Est-ce que vous pourriez nous dire quelques mots à ce sujet ?

16 R. Oui. L'association du matériel informatique, ACM est le sigle

17 américain, est une association de professionnels regroupant des

18 scientifiques informatiques des Etats-Unis. J'ai reçu cette récompense pour

19 avoir conçu un certain nombre de logiciels dont l'idée était de faciliter

20 la tâche d'un certain nombre de groupes, mais aujourd'hui ces logiciels

21 sont disponibles sur le marché. J'ai reçu cette récompense à la fois pour

22 l'aspect technique de la technologie mise en place dans ces logiciels et

23 pour l'aspect humanitaire, étant donné que ces logiciels ont été utilisés à

24 des fins humanitaires et qu'ils sont proposés dans ce sens.

25 La deuxième récompense que vous avez évoquée m'a été décernée par la

26 Fondation Electronic Frontier qui récompense chaque année un petit groupe

27 de personnes ayant promu, ce qu'il est convenu d'appeler les libertés

28 civiques aux Etats-Unis, autrement dit dans une définition plus large les

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1 droits de l'homme moyennant le recours à des techniques électroniques.

2 Voilà les deux récompenses que vous avez évoquées, si je ne m'abuse.

3 Q. Oui. Merci. Vous étiez en train de répondre à ma question quand je vous

4 ai interrompu. Nous parlions de votre rapport "Sur les massacres et flux de

5 réfugiés au Kosovo en 1999." Je vous demandais comment elles avaient été

6 reçues dans les milieux universitaires ? Pourriez-vous poursuivre votre

7 réponse à cette question.

8 R. Oui. Les méthodes envisagées étaient très intéressantes dans leur

9 application. Comme je l'ai dit assez longuement dans ma déposition, dans

10 une autre affaire jugée par ce Tribunal, ces méthodes ne sont pas très

11 avancées dans leur application pratique. Elles sont utilisées largement par

12 les milieux mathématiques et démographiques. Mais les problèmes des droits

13 de l'homme présentent un très grand intérêt sur ce plan. Ma collègue Jana

14 Asher et moi-même avons été priés de rédiger un article pour le journal de

15 l'association statistique américaine, qui a été publié durant l'été de 2002

16 aux Etats-Unis. Son titre était "Chance."

17 Nous avons également participé à la divulgation, au Tribunal dans

18 l'affaire Milosevic, de certaines données statistiques qui sous-tendent les

19 calculs effectués pour la rédaction du rapport de 2002. Ces données se

20 retrouvent pour la plupart dans le rapport de 2007. D'ailleurs ce rapport

21 de 2007 contient également de nouveaux éléments qui m'ont été fournis par

22 le bureau du Procureur.

23 Q. Merci.

24 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais indiquer aux Juges de la Chambre que

25 les nouveaux éléments dont le témoin vient de parler ont été communiqués à

26 la Défense.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

28 M. STAMP : [interprétation]

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1 Q. Je vous en prie.

2 R. J'ai participé à de nombreuses conférences et autres invitations à

3 prendre la parole devant diverses universités qui utilisent largement ces

4 technologies avec leurs étudiants qui s'occupent de violence politique.

5 Notre intention - car nous avions une intention au départ - était

6 d'encourager et d'aider une nouvelle génération d'étudiants à réfléchir sur

7 la question de la violence politique de façon plus rigoureuse et plus

8 statistique que par le passé en s'appuyant notamment sur les sciences

9 sociales mais également sur les statistiques. Notre objectif global était

10 celui-ci et il va dans le sens d'une meilleure mesure des phénomènes.

11 Q. La méthode que vous avez utilisée et appliquée pour l'étude de la

12 question des droits de l'homme au Kosovo, est-elle une méthode bien établie

13 ou pas ? Pouvez-vous nous dire quelques mots de la façon dont ces méthodes

14 sont utilisées par la communauté scientifique ?

15 R. Il y a deux méthodes qui ont été utilisées dans l'analyse des données

16 relatives au Kosovo. L'une de ces méthodes consistait à analyser les

17 assassinats, les modalités dans lesquelles ces massacres avaient lieu et la

18 deuxième méthode a consisté à analyser les flux migratoires.

19 L'analyse des massacres faisait recours à une technique que l'on

20 appelle l'estimation par systèmes multiples et l'objectif de cette

21 estimation par systèmes multiples consiste sur la base d'un certain nombre

22 de sources d'information différentes de les utiliser ensemble pour que

23 chacune soit compensée dans ses lacunes par l'autre. Ceci est fait de façon

24 à systématiquement compenser les éventuelles lacunes dans les données

25 disponibles. Cette technique est très largement utilisée et l'est

26 d'ailleurs depuis une centaine d'années dans la correction des recensements

27 et l'analyse des processus industriels ainsi que dans l'étude des

28 populations de la faune sauvage et dans un grand nombre d'autres domaines

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1 statistiques.

2 A ma connaissance, l'application aux droits de l'homme de cette méthode n'a

3 été pratiquée que dans cinq pays, à ma connaissance, et mon groupe est l'un

4 des groupes qui a fait ce travail. En effet, les projets chargés des droits

5 de l'homme n'ont pas, en général, les moyens nécessaires pour recourir à

6 ces méthodes.

7 Q. Lorsque vous dites que cela est "difficile," que voulez-vous dire ?

8 R. Il faut recueillir un grand nombre de données, ensuite les rassembler.

9 Q. D'accord.

10 R. Rassembler ces données, cela signifie littéralement que chacune d'entre

11 elles doit être séparément examinée, or il y en a plusieurs milliers, et il

12 faut que ces milliers de données soient comparées à des dizaines de

13 milliers d'autres enregistrées à la main. Dans le travail que nous avons

14 fait au Kosovo, par exemple, nous avons étudié plus de 17 800 décisions

15 indépendantes dans une autre base de données, mais nos résultats ont une

16 sensibilité différente de ceux qui étaient disponibles par le passé.

17 Cela dit, nous n'acceptons jamais une décision fondée sur une seule

18 source d'information. Nous prenons le temps nécessaire pour appliquer ces

19 systèmes multiples. Nous avons fait de nombreuses comparaisons. Nous

20 comparons au moins deux fois, sinon trois, quatre ou même cinq fois avec

21 encodages différents à chaque fois. Ce travail a pris plusieurs mois, a

22 exigé des efforts très importants, et il faut savoir que le nombre de

23 groupes s'occupant de droits de l'homme et appliquant les statistiques aux

24 droits de l'homme est peu nombreux. Il faut tout de même une certaine

25 puissance pour participer à des projets de cette envergure.

26 Q. Je vous remercie.

27 R. Puis-je ajouter quelque chose ?

28 Q. Je vous en prie.

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1 R. Quand nous avons fait ces comparaisons, nous les avons également

2 comparées les unes aux autres pour déterminer la valeur des décisions

3 prises. Je suis désolé de ne pas me rappeler les statistiques en question

4 très exactement. En tout cas, elles figurent à l'annexe 1 du rapport de

5 janvier 2002, mais tous les responsables de décisions sont d'accord sur les

6 conclusions finales et lorsqu'il y a désaccord nous faisions revoir ce

7 travail par un superviseur.

8 Q. J'aimerais me concentrer sur le dernier addendum établi par vous, car

9 votre rapport précédent et l'addendum précédent à ce rapport ont été

10 largement abordés au cours de votre déposition dans une autre affaire. Nous

11 pourrions peut-être commencer par nous pencher sur le premier addendum du

12 19 février 2002 à votre rapport. En quelques mots, le bureau du Procureur

13 vous a demandé de revenir sur certaines analyses chiffrées et de répondre à

14 la question de savoir si les flux de réfugiés au Kosovo ont été le résultat

15 des massacres et si cela pouvait être prouvé scientifiquement. Votre

16 réponse a consisté fondamentalement à dire : non, il est impossible de le

17 démontrer scientifiquement sur la base des données disponibles. Mais dans

18 le présent addendum à votre rapport, je vous demande s'il n'y pas une

19 modification par rapport aux conclusions que vous prononciez dans votre

20 premier rapport quant aux massacres très nombreux et au flux de réfugiés

21 très importants au Kosovo ? Ai-je bien résumé la situation ?

22 R. Oui.

23 Q. Le corrigendum du 15 novembre 2002, là encore vous revenez sur un

24 certain nombre de calculs et de graphiques compte tenu de modifications

25 intervenues au niveau de trois groupes d'information, et le résultat de ces

26 nouveaux calculs mène à des modifications très mineures et sans grande

27 signification. Par conséquent, cela n'a pas grandement changé les

28 conclusions et analyses que l'on peut trouver dans le corps même de votre

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1 rapport. Est-ce que j'ai bien résumé la situation ?

2 R. Oui, bien que dans le rapport de novembre 2002, les modifications

3 semblaient devoir être beaucoup plus importantes que celles que nous avions

4 présentées dans notre rapport initial.

5 Q. Que voulez-vous dire par "semblaient devoir être" ?

6 R. Je veux dire que nous avons remarqué en page 2 qu'il n'y avait aucun

7 rapport entre les frappes aériennes de l'OTAN d'une part, et les massacres

8 et flux de population d'autre part. Nous avons constaté que les frappes

9 aériennes de l'OTAN pouvaient être interprétées comme ayant diminué les

10 tueries dont étaient victimes les Albanais kosovars. Nous avons interprété

11 ce résultat comme dû aux circonstances, ensuite ce résultat a été analysé.

12 Dans notre travail précédent, nous avions raccourci l'analyse au début du

13 mois de mai. Mais en étendant la période analysée pour aller jusqu'à la fin

14 du mois de mai, nous avons constaté qu'il était peu probable, sur le plan

15 statistique, que les frappes aériennes de l'OTAN aient pu avoir un effet

16 négatif sur le nombre d'assassinats, simplement parce qu'il y avait eu plus

17 de frappes aériennes durant le mois de mai que dans la période précédente.

18 En analysant plus en profondeur la situation du mois de mai, nous aurions

19 obtenu une corrélation négative, mais cette modification nous aurait amenés

20 à être encore plus ferme que nous l'avions déjà été au départ en rejetant

21 l'OTAN comme une origine possible des massacres.

22 Q. Je vous remercie.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je poser une question car ceci me

24 surprend un peu.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que l'OTAN était une cause

27 vraisemblable des massacres ? Je peux comprendre que les bombardements de

28 l'OTAN puissent permettre d'expliquer pourquoi un certain nombre de

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1 personnes ont quitté leurs domiciles. Je peux comprendre que les

2 assassinats pratiqués par l'UCK puissent l'expliquer également. Mais est-ce

3 que l'OTAN aurait pu être la cause vraisemblable de massacres de

4 population ? Les personnes dont vous parlez comme victimes en l'espèce, ce

5 sont bien des Albanais ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons décidé

7 d'explorer toutes les possibilités qui semblaient vraisemblables afin

8 éventuellement d'en exclure certaines. Nous ne voulions pas exclure l'OTAN,

9 puisque l'OTAN était au cœur du débat politique à l'époque.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre conclusion ultérieure, vous

11 dites qu'elle est le fruit des circonstances et qu'elle consistait à dire

12 que les frappes aériennes de l'OTAN auraient pu être interprétées comme

13 ayant entraîné une réduction du nombre des massacres. Ceci peut sembler

14 raisonnable, puisque, bien entendu, les Serbes étant engagés à la réaction

15 à ces bombardements, leur attention a pu être détournée des Albanais et les

16 massacres ont diminué. Cela je le conçois, mais j'essaie de comprendre la

17 situation du point de vue des faits. Je ne saurais imaginer une situation

18 où un bombardement de l'OTAN pourrait expliquer une augmentation des

19 massacres d'Albanais.

20 M. STAMP : [interprétation] Puis-je renvoyer M. Ball --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Absolument.

22 M. STAMP : [interprétation]

23 Q. Monsieur Ball, dans votre hypothèse, vous avez évoqué des attaques

24 aériennes de l'OTAN. Je pense que c'est en page 2 du corps de votre

25 rapport ?

26 R. Oui, c'est un rapport de janvier 2002.

27 Q. Pouvez-vous nous lire l'hypothèse 2.2 et expliquer aux Juges sur quelle

28 base cette hypothèse a été utilisée.

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1 R. Oui. L'hypothèse était la suivante, à savoir que les frappes aériennes

2 dues au traité, à l'organisation du traité de l'Atlantique Nord, à savoir

3 l'OTAN, ont créé les conditions qui ont poussé les Kosovars à quitter leurs

4 domiciles. Les frappes aériennes de l'OTAN, indirectement, parce que les

5 autorités yougoslaves ont réagi à ces frappes aériennes en tuant des

6 Kosovars et en les expulsant de leurs domiciles, ont eu cette conséquence.

7 D'une certaine façon il y a une double possibilité; soit les frappes

8 aériennes elles-mêmes ont été la cause des décès et de la fuite des

9 survivants, soit ce sont les autorités locales qui, en raison des frappes

10 aériennes, ont commis les massacres ou expulsé les personnes de leurs

11 domiciles. Je ne suis pas en mesure de me prononcer de façon définitive sur

12 l'une ou l'autre de ces possibilités, je ne suis pas expert de l'histoire

13 de la région. Ce que nous avons pris comme hypothèse, c'était que les trois

14 grands groupes armés présents dans le secteur et se battant dans cette

15 région, nous les avons pris comme base, et nous nous sommes demandé si leur

16 actions, les actions de l'un ou l'autre de ces groupes auraient pu être à

17 l'origine de ces immenses migrations et des massacres qui ont été constatés

18 par la suite.

19 Q. Nous pourrions regarder ici la note en bas de page --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais simplement --

21 M. STAMP : [interprétation] Excusez-moi --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un complément à cette réponse. Dans

23 cette hypothèse, vous tenez compte des représailles, de la possibilité des

24 représailles, en tout cas, mais vous ne l'aviez pas fait précédemment dans

25 le cadre de l'hypothèse liée à l'activité de l'Armée de libération du

26 Kosovo. Est-ce que je vous ai bien compris ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez parfaitement bien compris. Du

28 point de vue de l'interprétation, toutefois, il n'y a pas de différence

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1 entre l'hypothèse 2.1 et 2.2.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

3 M. STAMP : [interprétation]

4 Q. J'aimerais revenir sur le corps de votre rapport. Quand je dis le corps

5 de votre rapport, je parle au rapport sur les massacres des réfugiés au

6 Kosovo entre mars et juin 1999. Note en bas de

7 page 14, à la page 12 du rapport, peut-être puis-je lire ce passage, je

8 cite :

9 "L'analyse a pris en compte le nombre --" en fait, cette note en bas de

10 page évoque le "gouvernement yougoslave et les procédures mises en place

11 pour sous-tendre l'information selon laquelle les frappes aériennes de

12 l'OTAN seraient responsables des massacres et des flux de réfugiés au

13 Kosovo."

14 R. Excusez-moi, qu'est-ce que vous êtes en train de lire ?

15 Q. Page 12 de votre rapport.

16 R. Page 12. D'accord.

17 Q. Note en bas de page 14.

18 R. Oui. Le rapport avait été rédigé un peu avant en 1999. Les autres

19 membres de mon équipe et moi-même examinions de près les actes du

20 gouvernement yougoslave et suivions leur site internet pour trouver des

21 renseignements au sujet des frappes aériennes, notamment, puis de l'action

22 de l'UCK par la suite. Nous avons découvert pas mal d'affirmations

23 relatives à ces deux sujets, et notamment au fait que les frappes aériennes

24 auraient été responsables des massacres et des migrations des populations.

25 Il nous a semblé à l'époque que c'était une hypothèse pertinente.

26 Rétrospectivement, c'est peut-être moins évident.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non. Massacres et flux de

28 réfugiés, oui. Flux des réfugiés, oui, massacres, je pense que c'est un peu

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1 difficile de l'affirmer. Vous avez utilisé des documents appartenant au

2 domaine public, n'est-ce pas, ainsi que des affirmations émanant du

3 gouvernement yougoslave ? Est-ce que le caractère assez inexact de cette

4 idée que les frappes aériennes de l'OTAN auraient pu être responsable d'un

5 grand nombre de décès, est-ce que cette inexactitude a changé ou pas ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas, parce que nous n'avons pas

7 tenu compte de certaines affirmations, de même que nous avons également

8 rejeté les affirmations faites par un certain nombre de personnes

9 interviewées par les médias, notamment au sujet des souffrances

10 personnelles de la population. Notre intérêt s'est concentré sur des

11 documents en ligne. Nous nous intéressions aux dates et aux lieux où ces

12 actions de l'UCK étaient présumées s'être déroulées ainsi que les lieux où

13 avaient lieu les frappes aériennes. Même chose pour les interviews. Nous ne

14 intéressions qu'aux dates et lieux de massacres et des déplacements des

15 populations. Notre intention était ensuite de réunir tout cela dans

16 l'établissement de modèle statistique, mais pas d'étudier les affirmations

17 de tel ou tel témoin ou d'utiliser d'autres documents.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 M. STAMP : [interprétation] Merci.

20 Q. Pour que tout soit clair, s'agissant de ce que vous avez dit jusqu'à

21 présent dans votre corrigendum, vous mettez en exergue une corrélation

22 négative entre les bombardements de l'OTAN et les déplacements de

23 population. Mais vous ne tirez aucune conclusion de cette corrélation

24 négative. En d'autres termes, vous ne tirez pas la conclusion consistant à

25 dire que les déplacements des populations ou l'absence de déplacements de

26 populations aurait résulté des bombardements de l'OTAN et réciproquement ?

27 R. Non.

28 Q. S'agissant de votre dernier addendum, comme vous l'avez indiqué, de

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1 nouveaux documents vous ont été fournis par le bureau du Procureur, que

2 vous avez introduit dans votre calcul et analyse. Est-ce que vous pourriez

3 nous en dire un peu plus sur les résultats que vous avez obtenus lorsque

4 vous avez introduit ces nouveaux éléments. Au sujet des massacres d'abord,

5 quels étaient les nouveaux documents qui vous ont été fournis ?

6 R. Les documents que j'ai reçus - je crois qu'il en est question en page 6

7 de ce nouvel addendum sous le titre "Données supplémentaires fournies par

8 l'ICMP, le CICR et l'OMPF."

9 Q. ICMP est une organisation internationale, n'est-ce pas, et ICRC c'est

10 le CICR, le Comité international de la Croix-Rouge ?

11 R. Oui. L'ICMP, c'est le Comité international des personnes disparues, si

12 je ne m'abuse.

13 Q. Le Comité international chargé des personnes disparues ?

14 R. Il y a aussi l'OMPF.

15 Q. Le bureau chargé des personnes disparues au Kosovo.

16 R. Ces trois sources, ces trois organisations nous ont fourni une liste de

17 personnes disparues avec la date de leur disparition et le lieu où ces

18 personnes ont été vues pour la dernière fois en vie. Ces personnes étaient

19 identifiées par leurs noms pratiquement dans tous les registres en

20 question. Nous n'avions ni le temps ni les moyens matériels nécessaires

21 pour comparer toutes ces données aux quatre grands groupes de données

22 existants. Nous ne disposions que de trois mois. Donc nous avons fait une

23 analyse descriptive que vous trouverez à la figure 2, page 7 du rapport en

24 nous concentrant sur les éléments les plus importants que vous trouvez dans

25 cette figure numéro 2.

26 A savoir, d'abord dans la zone grisée ou en noir, en noir sur la

27 photocopie, mais elle était grisée au départ. On voit les maximums et

28 minimums de recensement sur une période de deux jours dans les registres du

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1 CICR, de la MOCE et de l'OMPF. Puisque les sommes finales ne concordaient

2 pas, nous nous sommes contentés des valeurs maximales et minimales pour ne

3 pas éventuellement compter le même décès plusieurs fois dans la période en

4 question. Nous avons ensuite dressé la courbe de ces valeurs maximales et

5 minimales dans le graphique que vous voyez, ceci figure dans la zone grisée

6 du graphique. Encore une fois, nous n'avions ni les moyens ni le temps

7 nécessaire pour vérifier à plusieurs reprises les trois sources

8 d'information initiale. Voilà. Comme je l'ai déjà dit, c'est un travail qui

9 prend beaucoup de temps et qui nécessite de très gros moyens matériels.

10 L'échelle utilisée par l'ICMP, le CICR et l'OMPF dans leurs études

11 est différente. Vous trouvez à chaque fois l'échelle sur l'axe désordonné

12 sur la gauche. Il y a une valeur maximale dans toutes ces périodes de deux

13 jours selon les trois sources, et elle est de 439 décès. Dans la zone

14 grisée, vous voyez une ligne noire qui surplombe la zone grisée, c'est

15 l'estimation initiale que nous avions présentée dans notre rapport de 2002.

16 Il est désigné comme le pic de l'estimation faite par le MSE. L'échelle,

17 vous la voyez sur l'axe désordonné, maximum de 1 226 décès dans une période

18 intéressante, à savoir la période que l'on trouve dans la première partie

19 du graphique.

20 La conclusion principale que ce graphique nous a permis de tirer dans

21 notre rapport de 2002, c'est qu'il y avait un modèle répétitif pour ces

22 massacres et ces migrations de population. Mais que s'agissant des décès

23 recensés dans le graphique, ils suivent une structure en trois phases avec

24 une montée d'abord, ensuite une chute. Donc, montée du nombre des décès à

25 la fin du mois de mars, début avril. C'est là que se situe le pic. Pour le

26 premier, on le trouve dans la nuit du 6 au 7 avril, ensuite nouvelle

27 remontée entre le 7 et le 10 avril jusqu'à la mi-avril. Après la mi-avril,

28 après le pic de la mi-avril, le nombre de décès et de personnes quittant

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1 leurs domiciles retombe. On a une série de pics au départ, ensuite à la fin

2 du mois d'avril et au début du mois de mai. Après le 11 mai, en

3 particulier, le niveau se stabilise à un taux relativement faible.

4 La conclusion principale que l'on tire de ce graphique, c'est que les

5 nouvelles données donnent des résultats pratiquement identiques aux

6 anciennes. Schéma pratiquement identique, pas de raison de croire que

7 l'addition de ces nouvelles données va modifier les résultats. En fait, il

8 s'agit simplement d'intégrer ces données supplémentaires pour avoir un

9 résultat plus précis et plus fondé, mais les données sont en rapport étroit

10 les unes avec les autres.

11 Q. Combien de sources de données avons-nous maintenant pour déterminer les

12 modèles que vous avez cartographiés, enfin représentés graphiquement ?

13 R. Le graphique s'appuie sur sept sources indépendantes, y compris les

14 entretiens menés par l'association "Human Rights Watch." C'est la plus

15 petite des sept bases de données. Il y a ensuite des interviews menées par

16 l'Association du barreau américain, dans le cadre de l'initiative légale

17 centrée sur l'Europe centrale, et ses associés Kosovars, les organisations

18 chargées de la sécurité et de la coopération européenne, les exhumations

19 menées par les premières équipes chargées de ce travail et dont les

20 résultats m'ont été donnés par le bureau du Procureur en 2001. Ces quatre

21 sources s'en sont vues ajouter trois autres, l'ICMP, le CICR et l'OMPF.

22 Dans le graphique, on peut le refaire rapidement sur la base des nouvelles

23 informations fournies par le bureau du Procureur. Au départ cela donne un

24 aspect assez désordonné avec sept lignes différentes, un peu difficiles à

25 lire, puisque chaque ligne correspond à une source de données.

26 Q. Merci.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui m'intéresse, ce sont ces sept

28 lignes indépendantes, précisément. Est-ce que nous pourrions les combiner

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1 dans un graphique unique ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, ce n'est pas

3 possible. Enfin, excusez-moi, je vais m'expliquer. Je peux reprendre ces

4 sept lignes sur le même graphique --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends bien. Mais nous sommes en

6 présence de deux graphiques différents maintenant, l'un où on a les quatre

7 sources de données et un autre pour les trois autres.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir les

10 sept sur un seul graphique, cela nous aiderait ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais essayer de le faire, mais cela

12 demanderait de dédupliquer [phon] les trois sources d'information initiales

13 que j'ai reçues, à savoir l'ICMP, le CICR et l'OMPF. Il faudra regrouper

14 cela avec les quatre autres sources, ce qui affaiblira un peu les résultats

15 s'agissant de déterminer les caractéristiques singulières de chacun des

16 décès examinés. C'est peut-être l'une des faiblesses des sources de données

17 utilisées par nous.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une insuffisance comparée au

19 travail que vous aviez fait sur les quatre autres sources de données.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je pensais ce matin au réveil. Je

21 suis un peu fatigué à cause du décalage horaire. Neuf heures de différence

22 avec la Californie. Je me suis rendu compte qu'il y avait deux adresses

23 dans la première annexe. Page 36 --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous referons cela après la pause.

25 Pause d'une demi-heure, s'il vous plaît.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

27 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

28 [Le témoin se retire]

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1 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 52.

3 --- L'audience est reprise à 11 heures 21.

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

6 M. STAMP : [interprétation]

7 Q. Lorsque nous avons fait pause, vous parliez de faiblesse ou de manque

8 de temps que vous avez eu lorsque vous avez travaillé sur la dernière série

9 de sources de données qui sont contenues dans le dernier addendum. Vous

10 étiez sur le point d'en parler et vous faisiez référence à la page 36 du

11 rapport principal.

12 R. Oui. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, le but de l'estimation de

13 l'ensemble des décès était de voir si les décès dont nous n'avions pas

14 connaissance seraient systématiquement différents des décès dont nous

15 avions connaissance. Dans le schéma numéro 2 que nous avons pu observer

16 avant, contenu dans le rapport du mois de janvier, le plus récent de 2007,

17 nous avons constaté qu'il y avait ce trait noir où il y avait l'indication

18 suivante : "Estimations de systèmes multiples." C'est, je crois, cette page

19 qui est encore à l'écran. Je ne suis pas très sûr de quel écran je regarde,

20 mais on parle ici de "Sources des registres de la Chambre." Si vous

21 regardez ce graphique numéro 1 à la page 36, c'est dans l'annexe numéro 2,

22 page 36 du rapport du mois de janvier de l'année 2002, encore une fois, on

23 constate qu'il y a une configuration qui est toujours la même de cette

24 structure en trois phases, l'ensemble des massacres au début de la période

25 fin mars, début avril. Ceci chute de façon assez considérable pendant le 6

26 et le 7 avril, ensuite cela remonte vers le 10, où il y a de nouveau un

27 "peak", et ensuite vers le 10 et le 18, cela retombe à la fin du mois

28 d'avril.

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1 Ceci démontre dans le premier schéma que ceci a été dupliqué pour les

2 quatre systèmes. Il ne s'agit pas d'une estimation, il s'agit simplement

3 d'un dénombrement des décès fait par "Human Rights Watch" et l'OSCE par

4 rapport aux données d'exhumation et des données fournies par le barreau

5 américain et les témoignages de certains des associés. Dans un certain

6 sens, ceci répond à la question de la Chambre -- oui, c'est bien le

7 graphique que je cherchais qui est à l'écran.

8 Ceci répond à la question de la Chambre, à savoir les changements que

9 présente cette estimation. La réponse est qu'il n'y a pas beaucoup de

10 changements dus à ce processus d'estimation. En réalité, nous étions très

11 préoccupés par des erreurs systématiques à l'intérieur des quatre systèmes,

12 mais d'après nos estimations, il y en a assez peu, d'après ce que montre

13 cette comparaison.

14 Ce qui est plus important dans cette discussion, c'est les

15 similitudes tout à fait frappantes entre la ligne qui se trouve dans le

16 schéma numéro 2 qui est à l'écran maintenant et les lignes qui sont ici

17 indiquées dans la zone irisée qui décrivent les schémas présentés par les

18 structures ICMP, le CICR et l'OMPF. Encore une fois, cela signifie que les

19 nouvelles données qui viennent d'être données aux membres de mon équipe

20 maintenant, les nouvelles données sont considérablement identiques aux

21 données qui nous avaient été fournies en 2001. Je suis tout à fait sûr, par

22 conséquent, que si nous devions avoir des ressources supplémentaires qui

23 nous permettraient d'inclure ces données dans les sources que nous avons

24 maintenant, les résultats ne changeraient pas, si ce n'est que les erreurs

25 diminueraient. Le niveau de précision augmenterait d'autant, ce qui est la

26 façon dont évidemment tout processus scientifique fonctionne. Si vous avez

27 des ressources supplémentaires, vous pouvez répéter l'expérience. Si vous

28 avez eu raison la première fois, les données ne changeront pas, les

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1 résultats seront les mêmes, mais le taux d'erreur diminuera.

2 Q. Merci. J'ai une question. Pour un profane, pourriez-vous répondre, s'il

3 vous plaît, expliquez les raisons pour lesquelles il y a des différences au

4 niveau des deux axes, abscisses et ordonnées, au schéma numéro 2 dans

5 l'addendum de 2006 [comme interprété]. Je parle de l'axe des coordonnées.

6 R. Oui, je crois que ceci se trouve à droite de l'écran maintenant, dans

7 la partie droite --

8 Q. Oui.

9 R. L'axe à gauche indique les totaux des chiffres qui se trouvent dans la

10 zone grise irisée, à savoir les valeurs élevées et basses fournies par

11 l'ICMP, le CICR et l'OMPF. Par exemple, si on prend la date du 28 mars ou

12 plutôt celle du 1er avril, par exemple, je ne connais pas les dates exactes,

13 il y avait 439 décès qui ont été rapportés dans l'une de ces trois sources.

14 C'est le pic qui est indiqué dans la zone grise. Une autre source a montré

15 des données moins importantes, mais il y a une gamme ici, et je crois que

16 c'est important de tenir compte de cette gamme, parce que ceci correspond à

17 des données qui ont été rassemblées ad hoc. Cela n'était pas un échantillon

18 de probabilités.

19 L'axe des ordonnées à droite où le maximum est à 1 226 décès indiqué ici au

20 niveau de la ligne en noir, on peut lire estimation de la MSC où le pic se

21 trouve à la mi-avril. Cette courbe est la même que celle qui était

22 présentée dans les travaux précédents, des travaux de l'année 2002, et le

23 chiffre estimé des décès totaux pendant la période allant du 24 mars au 11

24 mai. Encore une fois, nous avons fait cette estimation pour contrôler les

25 erreurs systématiques. Par rapport au tableau numéro 1, on peut évidemment

26 comprendre que c'était peut-être un peu excessif, mais les statisticiens

27 évidemment font toujours attention à ces distorsions et cette erreur

28 systématique, et c'est pour cela que nous y consacrons tellement de temps

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1 et d'énergie.

2 Q. Est-ce que nous pouvons passer à la figure numéro 3 du dernier

3 addendum, s'il vous plaît. Ceci traite du flux des réfugiés, et brièvement,

4 pourriez-vous nous indiquer ce que représente cette figure numéro 3 eu

5 égard à l'utilisation des nouvelles données fournies par l'UNHCR par

6 rapport aux mouvements des réfugiés ?

7 R. Oui. Il y a trois séries ou quatre séries plutôt que l'on voit ici. Les

8 trois séries qui sont dans des lignes représentées par des lignes

9 continues, bien qu'elles soient pondérées différemment, une première série

10 où vous avez une ligne en pointillé. Les trois séries en lignes pleines

11 sont les trois séries qui ont été utilisées dans notre rapport à l'origine

12 et ces données ont été, pour la première fois, présentées dans un rapport

13 de mon employeur à l'époque, l'Association pour l'avancement de la science,

14 et cela s'appelait la "Policy of Panic". Nous avons proposé une première

15 analyse des flux migratoires à ce moment-là. La quatrième ligne, celle qui

16 est en pointillé, ce tracé représente ce qui était censé être des décomptes

17 des réfugiés préparé par l'UNHCR à Genève et ceux-ci m'ont été fournis par

18 le bureau du Procureur il y a plusieurs mois.

19 Il y a deux choses qui sont importantes ici. Tout d'abord, les séries sont

20 très semblables. Il y a quelques différences, mais je crois que les points

21 d'accord pour les besoins oratoires sont le déclin vers les 6 et 7 avril

22 qui est important, et la période qui est assez basse entre le 7 avril et le

23 10 avril, le pic qui se trouve à la mi-avril et ensuite le déclin, à la fin

24 du mois d'avril, ensuite cette série chute à nouveau à la fin avril et

25 début mai. La structure de cette phase est intacte et importante.

26 Néanmoins, la qualité des données fournies par l'UNHCR à Genève m'inquiète

27 parce que celle-ci contient quelques anomalies qui semblent indiquer que

28 les données que l'UNHCR a reçues ont peut-être représenté des moyennes au

Page 10241

1 cours de plusieurs jours. Peut-être le décompte a été donné en bloc et

2 peut-être qu'ils ont par la suite divisé les chiffres par 4. Si on regarde

3 la ligne droite entre le 5 avril, par exemple, et le 10 avril, ceci me

4 paraît peu probable. Je ne pense pas qu'exactement le même nombre de

5 réfugiés passerait la frontière chaque jour. Ce n'est pas comme cela que

6 les réfugiés se déplacent. D'avoir un chiffre tout à fait identique sur une

7 période de plusieurs jours me semble peu probable; cela va et vient.

8 Mais ce que nous avons dans nos rapports ici, nous savons que cela

9 couvre cette période, donc si on veut un dénombrement ou comptage

10 journalier, on va diviser par cinq et présenter ceci comme étant les

11 chiffres correspondant à chaque jour. Si on compare avec les rapport du

12 UNHCR de Genève avec les chiffres présentés par Kukes, qui était tout près

13 du flux, ou à Tirana où il y avait le bureau de presse, et c'est eux qui

14 m'ont fourni les données, il est clair que les données qui proviennent

15 d'Albanie étaient beaucoup plus détaillées et à jour ou, en tout cas,

16 paraissaient plus véridiques au fil des jours. Peut-être un peu plus tard

17 les deux séries se sont rejointes puisque l'UNHCR a pu améliorer son

18 système de communication entre l'Albanie et Genève, mais au début je dois

19 dire que je reste assez sceptique pour ce qui est de ces données fournies

20 par Genève. De façon générale, je ne pense pas que les nouvelles données

21 aient une incidence quelconque par ailleurs.

22 Q. Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me rappeler,

24 s'il vous plaît, ce que représente EMG, ce que cela signifie ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le gouvernement albanais a créé un groupe

26 d'urgence qui avait pour rôle d'essayer de comprendre comment gérer

27 l'entrée d'un nombre aussi important de réfugiés en Albanie. Il y avait non

28 seulement les réfugiés qui passaient la frontière albanaise, mais l'Albanie

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1 avait accueilli énormément de réfugiés qui venaient de Macédoine. Donc

2 l'EMG était chargé de ce travail. Ils n'ont pas commencé à travailler tout

3 de suite. Leurs travaux ont véritablement commencé à partir de la mi-avril.

4 A ce moment-là, ils ont commencé à diffuser des rapports sur le nombre des

5 réfugiés qui passaient la frontière. Lorsqu'ils ont fait cela, il y avait

6 une période qui correspondait à peu près à une semaine ou dix jours. On

7 peut ici se reporter aux données que j'ai publiées moi-même, où l'EMG et le

8 HCR ont continué à publier le rapport quotidiennement. Un jour, ils se sont

9 mis d'accord pour que l'EMG soit le seul à publier ces données, et le HCR a

10 cessé de le faire.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai utilisé les deux séries, car les deux

13 couvrent, bien qu'elles se superposent, elles couvrent différentes

14 périodes. Ces données étaient extraites des mêmes sources, néanmoins. Il y

15 avait des observateurs à la frontière, des observateurs de l'OSCE à la

16 frontière, qui comptaient ceci à la frontière, et il y avait les gardes

17 albanais, également.

18 M. STAMP : [interprétation]

19 Q. Vous dites que vous ne pensez pas que les nouvelles données du HCR

20 aient une quelconque incidence. Puis-je vous demander de quelle manière ?

21 Est-ce par rapport à vos conclusions, par rapport aux migrations de

22 population, aux différents points, aux différentes chutes ? Est-ce que ceci

23 a une incidence ou pas ?

24 R. On peut dire, mais je crois que ce serait difficile de l'étayer. Je

25 crois que la chute entre le 10 et le 20 avril, cette chute n'est pas aussi

26 importante dans les données du HCR que dans les autres données. D'après

27 moi, ceci ne constitue pas un changement particulièrement important

28 lorsqu'il s'agit de présenter une conclusion, comme je l'ai dit avant, je

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1 crois que ceci se fonde sur la façon dont les données ont été interprétées

2 à Genève. Donc il serait très difficile à mon sens de fournir une

3 explication pour expliquer comment ce flux de réfugiés aurait pu être

4 identique sur quatre jours consécutifs. Ceci me paraît très peu probable.

5 Néanmoins, ce serait la seule différence ici. Par rapport aux autres points

6 soulevés par nous, leur configuration reste sensiblement la même. Par

7 exemple, il y a une différence au début du mois d'avril lorsque les séries

8 proches du terrain, en particulier, les chiffres fournis par les gardes à

9 la frontière albanaise et les chercheurs à Tirana ont dit qu'il y a une

10 légère chute. Le HCR a dit qu'il y a un pic, et le HCR à Genève montre

11 qu'il y a une chute avant et après. Il semble que les données aient été

12 agrégées avant et après, ensuite ils ont indiqué que cela représentait un

13 seul et même jour.

14 Je pense qu'il serait difficile d'accorder trop de crédibilité pour les

15 données qui viennent, en fait, d'une région très éloignée du conflit, comme

16 c'est le cas des données du HCR par rapport aux données qui ont été saisies

17 à la frontière ou très près de la frontière, comme c'était le cas des

18 gardes albanais qui ont fourni des données, les données de Kukes et les

19 données fournies par le gouvernement albanais.

20 Q. Merci. Est-ce que nous pouvons passer au premier tableau, s'il vous

21 plaît. Je souhaite page 5. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ceci par

22 rapport à la déclaration que vous avez faite, s'il vous plaît. Je vais vous

23 montrer exactement ce sur quoi j'aimerais avoir une explication.

24 "Les données de 2002 et de 2007 ont utilisé des règles conservatoires de

25 façon à ce que les hypothèses présentées par l'UCK et l'OTAN puissent être

26 un barème juste, correspondent à un barème juste. S'il y avait une petite

27 possibilité pour que l'UCK, l'OTAN puissent fournir ces chiffres ou donner

28 des raisons pour l'immigration ou les massacres, la municipalité citée

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1 correspondrait ici. Le système de codage qui a été utilisé pour classer les

2 différents éléments au niveau du tableau 1, c'est table 1, nous allons y

3 revenir plus tard, ont donné différents résultats pour ces raisons."

4 R. Oui. Notre objectif consistait à analyser plus en détail le dispositif

5 utilisé et évoqué assez longuement lors de ma déposition devant le TPIY, à

6 savoir comment interpréter une configuration statistique comme étant une

7 cause ou pas par rapport à une autre configuration. Un point essentiel à

8 l'époque, pour que cela soit véritablement considéré comme une cause, il

9 fallait que l'acte causal précède le résultat présumé. Si les bombardements

10 de l'OTAN, par exemple, auraient causé la migration, il faudrait que cela

11 ait précédé. Si cela a suivi la migration, cela n'aurait pas pu être la

12 cause de la migration. Quoi qu'il en soit, la question qui se pose ici est

13 de savoir combien de temps il y aurait entre les bombardements de l'OTAN et

14 les migrations avant que cette cause avancée n'ait disparu ? Pour les

15 besoins de l'échange que nous avons eu un peu plus tôt, il aurait dit :

16 Ceci aurait dû coïncider, arriver deux avant, à savoir zéro ou quatre jours

17 après. S'il y a un bombardement, zéro à quatre jours après, on estimait

18 qu'il y avait coïncidence dans ce cas, avec une pointe au niveau des

19 migrations ou des massacres.

20 Si, en revanche, les frappes aériennes avaient lieu plus de quatre

21 jours en arrière, à savoir plus de quatre jours avant, un pic de migration

22 ou de massacre, on estimait que c'était non concluant. Ce qui signifie que

23 cela aurait pu être envisagé comme une cause mais que nous étions

24 sceptiques. Nous poserions, à ce moment-là, la question pourquoi les gens

25 ne seraient-ils pas partis plus tôt dans ce cas-là ?

26 Nous constatons, au regard de ce tableau numéro 1, que nous avons

27 divisé les pics en termes de massacres et de migrations, nous avons séparé

28 ceux qui se sont produits avant le 14 avril et ceux qui se sont produits

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1 après le 14 avril. Ensuite, on estime qu'au niveau des pics des migrations

2 et des massacres qui se produisent ou qui ont pu être constatés avant la

3 date du 14 avril, qui du reste, représentent la majorité des cas ici, nous

4 constatons que quasiment 60 % de ces derniers ne sont pas accompagnés

5 d'activités de l'OTAN ou de l'UCK au préalable. Un petit pourcentage, qui

6 correspond environ à 10 %, n'est pas concluant. Ce qui signifie qu'il y

7 avait des activités de la part de l'UCK ou de l'OTAN, mais cinq jours avant

8 ou quatre jours avant. Ensuite, 30 % ou 35 % qui coïncident, en fait, qui

9 sont la tranche intermédiaire, à savoir qu'il a eu effectivement activité

10 de l'UCK ou de l'OTAN quatre jours avant le pic des massacres et des

11 migrations.

12 Après la date du 14 avril ici, les choses se présentent un peu

13 différemment. Il y a une part beaucoup plus importante d'événements non

14 concluants. Nous séparons ici les différents éléments pour indiquer qu'à

15 mesure que le conflit avance, des événements non concluants vont

16 s'accumuler, car d'après la définition, il y a plus de temps passé

17 disponible pour que l'activité de l'OTAN ou de l'UCK ait pu avoir lieu. Ce

18 qui ne signifie pas pour autant que les activités de l'UCK ou de l'OTAN

19 sont plus vraisemblablement la cause; cela signifie simplement qu'il y a

20 plus de temps. Si les conflits se déroulent sur trois jours, il est

21 impossible d'avoir un événement non concluant, car nous avons une fenêtre

22 qui est de quatre jours. Si le conflit a 20 jours, à ce moment-là, il y a

23 20 moins quatre, il y a 16 jours au cours desquels un événement non

24 concluant aurait pu se produire. Au moment où le conflit a 60 jours, on a,

25 à ce moment-là, 60 moins quatre, 56 jours possibles au cours desquels un

26 événement non concluant aurait pu se produire. Donc au fil des jours, on

27 estime que cette idée de non concluant devient fallacieuse. C'est ce sur

28 quoi nous souhaitons attirer l'attention de la Chambre. C'est la raison

Page 10246

1 pour laquelle les statisticiens utilisent ce genre de données dans leurs

2 analyses, à savoir la régression multiple, car il tient compte de ce type

3 de rapport.

4 Q. Les conséquences d'un conservatisme excessif seraient quoi ? Auraient

5 pour conséquence, en fait, des conclusions particulièrement non

6 concluantes. Est-ce que vous pourriez faire un commentaire eu égard au

7 tableau numéro 1, s'il vous plaît. De façon générale et pour un profane,

8 est-ce que les facteurs qui sont cités au tableau 1 coïncident, ne

9 coïncident pas, et cetera ? Qu'est-ce que cela représente en termes des

10 causes qui auraient pu avoir une incidence sur les migrations de population

11 et sur les massacres ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous comprenez ma question ?

14 R. Oui, je crois que oui. Lorsqu'on regarde les cellules du tableau numéro

15 1, on constate qu'il y a trois valeurs dans chacune des cellules, trois

16 valeurs possibles. Si on tient compte de la cellule qui se trouve

17 complètement en haut à gauche pour la municipalité de Decani, on constate

18 que le rapport entre l'UCK et les massacres des Albanais du Kosovo n'est

19 pas concluant. Cela signifie que le pic des massacres à Decani est précédé

20 d'une ou plusieurs interactions entre l'UCK et les autorités yougoslaves.

21 Quoi qu'il en soit, ces activités ont lieu cinq jours ou davantage avant le

22 pic des massacres. C'est ce que signifie le terme de non concluant placé

23 dans ce contexte-là.

24 Si nous passons sur la partie droite de la cellule, le terme de "coïncide"

25 indique que le pic des massacres à Decani, les massacres dans la vallée du

26 Kosovar coïncident avec une frappe aérienne de l'OTAN qui s'est produite

27 zéro à quatre jours avant le pic des massacres. Si nous passons, si nous

28 allons jusqu'à la fin de cette rangée, on constate en regard dans le pic

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1 des migrations, les personnes qui quittent Decani, on constate qu'il n'y a

2 pas de frappes aériennes avant cela, pas d'attaques de l'OTAN qui précède

3 ce pic. Voilà les trois valeurs possibles disponibles dans les cellules de

4 ce tableau.

5 Au vu de notre analyse, les pics ne sont pas les seuls moments où les gens

6 se déplacent. Dans certains cas, il y a des pics plus petits ou des

7 plateaux, et on ne recommande pas aux Juges de la Chambre qu'une analyse

8 simple comme celle-ci des pics soit surinterprétée; il faudrait plutôt

9 analyser les configurations au sens large des remontées et des chutes, car

10 des pics peuvent être proches de pics semblables ou peuvent être isolés

11 dans un champ où il n'y a que des zéros.

12 A titre d'exemple, je recommande que les gens regardent les

13 29 graphiques qui suivent et qui sont à la fin de ce rapport où nous

14 établissons municipalité par municipalité les massacres, les migrations,

15 les activités de l'UCK et les bombardements. Nous constatons ici qu'il y a

16 toute une série de combinaisons possibles qui sont absolument incroyables.

17 Les combinaisons sont effectivement tout à fait surprenantes. Cela fait

18 plus de six ans que j'analyse ces données. C'est la raison pour laquelle

19 les statisticiens les font tomber et utilisent des analyses plus directes.

20 Q. Si vous regardez le tableau numéro 1 dans son ensemble, est-ce que ceci

21 concorde ou est compatible avec une configuration des massacres ou des

22 migrations provoquées par des activités de l'UCK ou de l'OTAN ?

23 R. Je crois que pour beaucoup de municipalités il y a incompatibilité;

24 pour d'autres municipalités, ce n'est pas concluant. Je ne pense pas que ce

25 soit un test approprié pour cette hypothèse. Nous l'avons fait, parce qu'au

26 départ, dans les premières questions qui nous avaient été posées, cela a

27 fait l'objet de nombreuses discussions. Nous avons voulu être aussi

28 transparents que possible, c'est pourquoi nous faisons figurer ceci dans

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1 notre rapport.

2 Q. Bien.

3 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

4 M. STAMP : [interprétation]

5 Q. Vous dites que ce n'est pas concluant, pourriez-vous développer un

6 petit peu. Vous dites que ce n'est pas compatible. Quand vous dites que ce

7 n'est pas compatible avec les hypothèses selon lesquelles les mouvements

8 des réfugiés, les massacres auraient été causés par les bombardements de

9 l'OTAN ou l'UCK, là, je comprends. Mais quand vous dites que ce n'est pas

10 concluant --

11 R. Oui.

12 Q. -- là, j'aimerais que vous nous expliquiez les choses un peu plus en

13 avant. Est-ce qu'il y a quelque chose dans ces tableaux qui indique qu'il

14 n'y a aucun lien ou que très probablement peu de liens entre les

15 déplacements et ces autres activités ?

16 R. Comment vous expliquez. Quand on trouve que des configurations

17 d'évolution de certains phénomènes sont compatibles et coïncident, c'est

18 quelque chose qui est très séduisant. Mais du point de vue statistique, il

19 ne suffit pas que ces configurations coïncident au moment où elles se

20 produisent toutes les deux, mais aussi quand elles ne se produisent ni

21 l'une ni l'autre afin de pouvoir analyser l'une et l'autre de ces

22 configurations.

23 Par exemple, pour vous expliquer, une métaphore, il est vrai que

24 pendant chaque période de 24 heures au cours de laquelle il y a eu une

25 frappe aérienne au Kosovo pendant cette période, le soleil s'est levé. On

26 pourrait donc à ce moment-là trouver une coïncidence parfaite entre le

27 lever du soleil et les frappes aériennes. Mais il y a beaucoup de journées

28 au cours desquelles le soleil s'est levé où il n'y a pas eu de frappes

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1 aériennes. Donc, il est manifeste que le soleil n'entraîne pas ces frappes

2 aériennes, mais qu'il y a un lien, une relation qui n'a finalement aucun

3 intérêt et qui est complètement fallacieuse. Il est malheureux que

4 l'analyse qui est présentée au tableau 1 ne fasse pas la différence entre

5 les coïncidences fallacieuses que je viens d'évoquer, que je viens de vous

6 expliquer en utilisant la métaphore du soleil, puis les relations de cause

7 à effet véritable, tels qu'on les a trouvées dans l'analyse de régression

8 qui figurait dans le premier rapport de 2002.

9 A titre d'exemple, on peut prendre la ville de Pec. Au

10 tableau 1, page 3, ceci semble indiquer que s'agissant des trois causalités

11 qui nous intéressent, il semble qu'il y a un rapport entre l'impact

12 éventuel de l'UCK sur les massacres, celui de l'UCK sur les massacres et

13 l'impact de l'UCK et de l'OTAN sur les migrations, donc il semble y avoir

14 une relation. J'aimerais qu'on nous présente la page 18 du rapport où nous

15 avons ces quatre phénomènes dont l'évolution, dont la configuration est

16 présentée pour la ville de Pec. Voilà. J'aimerais qu'on agrandisse un petit

17 peu l'image et qu'on nous montre la partie supérieure. Voilà. C'est

18 parfait. Ici, on peut constater qu'il y a un enchaînement des activités de

19 l'UCK pendant cette période, et qui sont suivies parfois par des

20 migrations, parfois par des massacres, et parfois la même chose pour les

21 massacres. Dans certains cas, les activités de l'UCK sont suivies par des

22 massacres, mais dans certains cas, ils sont précédés par ces activités.

23 Même chose pour les bombardements, et dans ce cas, je pense qu'on

24 peut facilement être induit en erreur par le tableau numéro 1 s'agissant de

25 la relation de cause à effet entre les activités de l'UCK et de l'OTAN, et

26 cetera. Alors que si on examine les choses plus en détail on constate

27 simplement que Pec, c'était une zone extrêmement active où étaient très

28 actives aussi bien l'UCK que l'OTAN. Peut-être que c'est une coïncidence,

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1 peut-être que cela n'en n'est pas une, mais il y avait également beaucoup

2 de migrations et un grand nombre de massacres dans cette localité.

3 Q. J'imagine qu'il en ressort que l'utilisation et l'analyse des données

4 supplémentaires ne modifient pas de manière systématique ou moins

5 importante les configurations et l'évolution des phénomènes tels que vous

6 les aviez décrits dans votre rapport de l'année 2002 ?

7 R. C'est bien exact.

8 Q. Dans une grande mesure, les données utilisées, les nouvelles données

9 confirment l'exactitude des données et des estimations qui avaient été

10 réalisées dans le rapport principal ?

11 R. Les données nouvellement reçues, si vous parlez de celles qui ont été

12 utilisées pour évaluer les massacres dont nous venons de parler -- mais

13 excusez-moi, j'ai perdu la page correspondante. C'est sans doute la page 7.

14 Q. ICMP, CICR et OMPF ?

15 R. Oui. Si vous êtes en train de me parler de ces données, je crois

16 qu'elles confirment la validité de notre analyse précédente. La précision,

17 la validité, l'exactitude, ce sont des termes techniques dans le domaine

18 statistique qui ont une signification un petit peu différente les unes des

19 autres. Selon nous, ces données confirment la validité de la première

20 analyse.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

22 Monsieur le Témoin, mais il y a quelque chose que j'essaie de comprendre

23 ici et je n'y parviens pas. Il y a quelques minutes, vous avez fait

24 référence au tableau 1 et vous avez dit que pour beaucoup de municipalités

25 il n'y avait pas compatibilité et pour beaucoup d'autres ce n'était pas

26 concluant. Vous avez dit que ce n'était pas un test approprié pour cette

27 hypothèse et vous dites que vous l'avez fait à cause des questions qui

28 avaient été posées et des discussions qu avaient eu lieu à ce sujet. Si

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1 vous estimez que ce n'est pas le bon test, pourquoi ? Essayez de répondre,

2 s'il vous plaît, brièvement à cette question.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense qu'on peut revenir au graphique

4 de Pec, page 18, parce que c'est un endroit assez complexe. On voit que si

5 on regarde les courbes sur ce graphique, elles ont des pics qui sont très

6 différents. Pour les migrations vous avez un pic qui est très élevé, cela

7 semble l'apogée, ensuite vous avez des pics plus tard qui sont avant le 17

8 avril et après à la fin mai, mais qui sont moins élevés que le premier. Or,

9 l'analyse dans ce tableau se concentre sur ce premier pic et considère tous

10 les autres pics comme n'ayant aucune importance. L'analyse le fait parce

11 qu'on analyse la coïncidence entre le pic, ce pic comme s'il n'y avait

12 qu'un seul pic. Or, si on regarde le tableau, il y en a trois.

13 Dans d'autres graphiques, si on examine d'autres municipalités, le

14 rapport entre les différents pics est encore plus compliqué. On pourrait

15 entrer dans les détails si cela vous intéresse, Mesdames, Messieurs les

16 Juges, mais je pense que si on regarde la courbe des massacres à Pec, on

17 constate que les choses sont tout aussi complexes. Il y a une série de pics

18 assez petits au début avril, un pic qui est plus élevé à la mi-avril, puis

19 le sommet, l'apogée est atteinte à la fin avril.

20 Le problème de l'analyse figurant dans le tableau 1 c'est qu'on a

21 pris en compte uniquement le pic dominant, l'apogée absolue, au lieu de

22 tenir compte de toute une série de pics qui, selon moi, donnent une

23 représentation plus exacte de la configuration du phénomène dans un site

24 donné.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qui entraîne cette

26 difficulté dans le tableau ? Excusez-moi, je suis complètement perdu. Je ne

27 comprends plus rien.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Quoi ? Dans le tableau 1 ?

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas ce qui fait que

2 dans le tableau 1 on se soit restreint à un seul pic, et pourquoi vous avez

3 procédé de la sorte. Je ne comprends pas ce qui se passe. Je suis vraiment

4 désolé, mais je suis complètement perdu.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses. C'est quelque chose qui

6 m'a été demandé dans le cadre de mon précédent témoignage au Tribunal, si

7 bien que nous avons présenté cet élément dans un souci d'exhaustivité

8 puisque nous n'avions pas eu la possibilité de présenter cela dans ma

9 précédente déposition.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous dites que vous nous

11 présentez quelque chose qui peut nous induire en erreur par souci

12 d'exhaustivité, or j'ai un petit peu de mal à comprendre cela.

13 Pourquoi vous avez commencé à faire cet exercice ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'on me l'a demandé. Je préférerais me

15 pencher sur des analyses plus complexes, telles que celles qui figurent

16 dans la deuxième annexe de mon premier rapport, une analyse qui est plus

17 exacte, une mesure plus exacte qui prend en compte les variations, les

18 complexités de l'évolution de la configuration de ces quatre phénomènes.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si on regarde la page 2 du rapport.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Quel rapport ?

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le même rapport, celui qui se trouve

22 juste avant ce tableau.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le paragraphe qui commence par la

25 mention "En première analyse…"

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois ici qu'en réalité on se limite

28 à un seul pic, et c'est ce que je n'avais pas remarqué, parce que je

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1 pensais qu'on s'était contenté de reprendre des analyses qui avaient déjà

2 été faites auparavant, à savoir prendre un seul pic par municipalité. C'est

3 ce que vous nous dites et c'est ce qu'on fait.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'on trouve également dans le

5 premier rapport, dans les graphiques dont je vais vous indiquer exactement

6 les références. Dans le premier rapport, ceci est présenté aux figures 8 et

7 9. Je parle du rapport de janvier 2002. Nous avons présenté ceci après

8 avoir présenté la configuration générale de ces phénomènes et avant les

9 figures 10 et 11 où nous présentons les chiffres qui, selon nous, sont

10 concluants.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans votre dernier rapport vous nous

12 expliquez comment vous avez procédé. Ceci on le trouve en bas de la page 1,

13 puis cela continue à la page 2 également.

14 Est-ce que c'est une démarche qui est différente de celle qui est

15 décrite au paragraphe suivant, plus bas dans cette page, avec prise en

16 compte de plusieurs pics ou est-ce que vous êtes en train de décrire

17 exactement le même exercice, c'est-à-dire un exercice qui se limite à un

18 seul pic tel que cela a été réalisé en 2002 ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cette deuxième solution qui est la

20 bonne. On nous a demandé de procéder à une analyse plus ample des figures 8

21 et 9 avec un seul pic. On trouve une observation très brève au sujet de la

22 faiblesse de cette analyse aux pages 5 et 6, mais c'est un passage qui est

23 très bref dans le rapport.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais quand je prends connaissance de

25 ce rapport, je n'arrive pas à trouver l'endroit où il est indiqué que cette

26 démarche n'est pas satisfaisante. J'ai lu ce rapport en pensant que c'était

27 une mise à jour digne de ce nom, de vos conclusions de votre premier

28 rapport. Mais maintenant quand je vous écoute, j'ai l'impression qu'il

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1 s'agit d'un exercice qui ne vous convient pas vraiment. Où est-ce que je

2 peux voir dans ce rapport le passage où vous indiquez que ce n'est pas

3 quelque chose dont vous êtes ravi ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cela se trouve à la page 5 quand

5 nous insistons sur le caractère extrêmement prudent du rapport. C'est en

6 vérité ce que nous disons. Nous pensons que dans cette analyse on insiste

7 beaucoup trop sur un rapport éventuel entre les activités de l'UCK et de

8 l'OTAN et les phénomènes de migration et les massacres.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. Je n'avais vraiment pas

10 eu le message, je n'avais pas compris que c'était quelque chose qui ne vous

11 satisfaisait pas entièrement. Maintenant, grâce à votre intervention dans

12 le cadre de votre déposition, c'est beaucoup plus clair.

13 Monsieur Stamp.

14 M. STAMP : [interprétation]

15 Q. L'objectif principal de ce rapport c'était de comparer les données

16 supplémentaires à celles que vous aviez utilisées initialement. D'après vos

17 dires, j'ai l'impression que le résultat de cette analyse ne change

18 aucunement les analyses et les conclusions du rapport de 2002 ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Sans passer en revue ce rapport point par point, je souhaiterais malgré

21 tout l'évoquer et vous demander de vous reporter à la figure numéro 2. Est-

22 ce que vous pourriez nous donner des informations de vulgarisation, sachant

23 que vous l'avez déjà fait précédemment. On indique qu'il y a une montée

24 dans les phénomènes de massacres et de réfugiés et que ces pics dans les

25 nombres des massacres coïncident avec ce qui se passe dans le flux des

26 réfugiés.

27 R. C'est exact.

28 Q. Ceci figure à la figure numéro 2. Vous l'avez sous les yeux ?

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1 R. Oui.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous avez le moindre doute, cela

3 j'arrive parfaitement à le comprendre. Les choses simples, je les avais

4 comprises. Cette partie me paraît assez simple.

5 M. STAMP : [interprétation]

6 Q. Je pense que c'est l'essentiel de vos conclusions ?

7 R. Oui. C'est à partir de cela que nous avons conclu qu'il y avait sans

8 doute une cause commune aux migrations et aux massacres, c'est ce qui a

9 servi de fondement à l'analyse ultérieure.

10 Q. Si on regarde les figures 10 et 11, vous avez utilisé ces graphiques

11 pour illustrer la conclusion selon laquelle les massacres et l'afflux des

12 réfugiés n'avaient rien à voir avec les activités de l'UCK et les

13 bombardements de l'OTAN.

14 R. Plus exactement aux figures 10 à 11, nous avons essayé de montrer que

15 si on corrige ces données en fonction de ce que l'on sait des activités de

16 l'UCK, sur la base des données fournies par le gouvernement yougoslave et

17 les activités de l'OTAN, à ce moment-là, la configuration des phénomènes de

18 massacre à la figure 10 et de réfugiés à la figure 11 reste les mêmes.

19 C'est-à-dire que si on se sert des rapports statistiques entre les

20 activités de l'UCK et les activités de l'OTAN d'une part et les massacres

21 d'autre part à la figure 10, on ne peut pas expliquer ce phénomène. On ne

22 peut corriger cette courbe que de manière très limitée puisque le résidu

23 ici nous montre ce qui reste une fois qu'on a corrigé ces données en

24 éliminant les faits des activités de l'UCK et de l'OTAN. Etant donné que la

25 configuration du phénomène reste la même, notre interprétation reste

26 identique. On rejette l'hypothèse selon laquelle les activités de l'OTAN ou

27 de l'UCK pourraient expliquer les massacres et les migrations. Même chose

28 pour la figure 11, même si ici la configuration du phénomène est quelque

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1 peu différente, est un peu moins claire. En annexe, nous présentions ces

2 analyses par région, pour l'est, l'ouest, le nord et le sud de la région.

3 Peut-être que non finalement. Non, ceci n'est pas présenté sous la forme de

4 graphique, mais uniquement sous la forme de tableau, excusez-moi.

5 Q. Dans votre rapport à la page 15 --

6 R. Excusez-moi, il s'agit des figures 20 et 21 où on voit les meurtres et

7 les résidus hors région et pour chaque période. Page 58 et 59 -- 59 et 60,

8 figures 20 et 21.

9 Q. Dans votre rapport, page 15 --

10 R. Oui.

11 Q. Point 5.4, vous parlez d'un rapport circonstanciel entre les activités

12 de l'armée de Yougoslavie et la configuration du phénomène des massacres et

13 des flux des réfugiés. La baisse du nombre des massacres, du volume de

14 l'afflux des réfugiés dans la période du 6 au 7 avril correspond à un

15 cessez-le-feu unilatéral déclaré par les autorités yougoslaves à l'occasion

16 de la Pâque orthodoxe. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner des

17 informations supplémentaires à ce sujet ? J'aimerais savoir si du point de

18 vue statistique il y a ici un rapport de causalité ?

19 R. Il n'y en a pas du point de vue statistique, parce que l'observation

20 statistique ne permet pas de déterminer une relation de cause à effet. Elle

21 peut simplement permettre de rejeter une hypothèse ou de l'affirmer. Comme

22 par exemple, nous avons rejeté ici le lien de causalité entre l'OTAN ou

23 l'UCK et les meurtres et migrations. Cependant, on peut observer des

24 coïncidences et les coïncidences peuvent être évocatrices et peuvent

25 permettre de rendre d'autres conclusions factuelles à partir des faits.

26 Dans ce qui figure dans la partie 5.4 du rapport, nous savons que dans la

27 soirée du 6 avril le gouvernement yougoslave a proclamé un cessez-le-feu

28 unilatéral à l'occasion de la Pâque orthodoxe. Ce cessez-le-feu n'a pas été

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1 respecté par l'UCK ni par l'OTAN d'ailleurs puisque ces organisations ont

2 doublé, voire triplé leurs activités, enfin d'après les informations

3 fournies par le gouvernement yougoslave, des informations qui ont été

4 complétées par d'autres sources que nous indiquons en annexe de notre

5 rapport. Ce qui nous intéresse ici, je l'ai mentionné à plusieurs reprises

6 ce matin, c'est qu'au cours de la période de cessez-le-feu, à partir de

7 l'aube du 7 avril jusqu'au 10 avril, un samedi, les migrations et les

8 massacres dans la plupart des régions sont arrivés à leur point le plus

9 bas, donc dans la plupart des régions pendant le conflit. Dans beaucoup de

10 sites, on arrive à un chiffre qui est de zéro ou proche de zéro.

11 On voit le gouvernement yougoslave déclarer un cessez-le-feu, les

12 migrations et les massacres diminuent à zéro, les activités de l'UCK et de

13 l'OTAN sont doublées, voire triplées, mais il n'y a pas de migration, pas

14 de massacre. Le samedi, le gouvernement yougoslave annonce qu'étant donné

15 que l'OTAN et l'UCK ne tiennent aucun compte du cessez-le-feu, eux-mêmes

16 vont recommencer leurs opérations. C'est le cas, ils recommencent les

17 opérations, et à ce moment-là on observe une augmentation nouvelle des

18 migrations et des massacres. Cela n'augmente pas tout de suite de manière

19 importante, puisque le pic arrive quelques jours plus tard entre le 13 et

20 le 18, suivant les séries que l'on analyse. En tout cas, ceci augmente à

21 partir du samedi, 10. C'est une coïncidence. Cela ne prouve nullement que

22 c'est le gouvernement yougoslave qui était derrière les massacres et les

23 migrations, mais je pense que c'est une coïncidence significative du point

24 de vue statistique qui pourrait se révéler utile pour évaluer tous les

25 éléments de preuve présentés.

26 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

27 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

28 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je n'ai

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1 plus de questions à poser au témoin.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

3 Maître O'Sullivan.

4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] L'ordre sera le suivant dans le contre-

5 interrogatoire : général Ojdanic, général Pavkovic,

6 M. Sainovic, le général Lazarevic, le général Lukic et

7 M. Milutinovic.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Merci. Avant de commencer, permettez-moi de

10 dire que nous allons être nombreux du côté de la Défense à contre-

11 interroger M. Ball. Je souhaite vous poser des questions au sujet des

12 règles qui valent en matière de contre-interrogatoire. Je ne sais pas si

13 elles s'appliquent lorsque nous avons affaire à un témoin expert, mais nous

14 demandons une marge de manœuvre supplémentaire. D'abord, dans l'estimation

15 qui nous a été donnée initialement en vertu de l'article 65 ter, on nous

16 avait parlé d'un témoin dont l'audition durerait six heures. D'autre part,

17 il faut savoir qu'il y a des annexes ou des rapports complémentaires qui

18 ont été fournis à son premier rapport. Troisièmement, nous avions

19 l'impression, à moins de nous être trompés, que la Chambre allait permettre

20 à la Défense de bénéficier de plus de temps pour le contre-interrogatoire.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous considérons que les indications

23 de durée de contre-interrogatoire fournies jusqu'à présent sont

24 raisonnables vu les circonstances.

25 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A vous, Maître.

27 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais simplement indiquer que M. Ball a

28 fait un long voyage pour venir ici et sa santé n'est pas parfaite. Donc, je

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1 demanderais à la Chambre de lui accorder toute demande de sortie du

2 prétoire, le cas échéant, s'il présente une telle demande.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il le fera savoir s'il en a besoin ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Maître Sepenuk, à vous.

7 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par M. Sepenuk :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Ball. Je suis conseil de la Défense

10 du général Ojdanic.

11 Avant de parler de votre analyse statistique, j'aimerais que nous

12 consacrions un certain temps à parler du contexte de façon à mieux

13 comprendre par la suite votre déposition. Je commencerai par votre rapport,

14 celui du 3 janvier 2002, pièce à conviction de l'Accusation 1506, qui

15 concerne les massacres et les flux de réfugiés au Kosovo dans la période

16 mars/juin 1999, donc le rapport du

17 3 janvier 2002, rapport présenté au Tribunal pénal international pour l'ex-

18 Yougoslavie; c'est bien cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Je remarque en page de garde de votre rapport, le nom de deux

21 organismes, à savoir l'Association américaine pour l'avancement de la

22 science et l'Association du barreau américain dans le cadre de son

23 initiative sur l'Europe centrale et l'Europe orientale. Puis-je vous

24 demander pourquoi ces deux noms d'organisations apparaissent en page de

25 couverture ?

26 R. Parce que ce sont des organismes qui ont financé la réalisation de ce

27 rapport. A l'époque, je travaillais à l'Association américaine pour

28 l'avancement de la science, et Wendy Betts, qui a établi ce rapport avec

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1 moi, travaillait à l'Association du barreau américain. D'autres auteurs

2 étaient soit associés, soit consultants auprès de ces organisations et nous

3 y avions des bureaux.

4 Q. Merci. Vous faites remarquer en page 2 de votre rapport que les avis

5 figurant dans ce rapport ne sont pas les avis de ces organisations, mais

6 bien les avis de vos coauteurs et de vous-même, n'est-ce pas ?

7 R. C'est exact.

8 Q. Dans les remerciements que l'on trouve dans ce rapport, vous dites, je

9 cite : "L'appui fourni par le gouvernement américain a été fondamental à ce

10 projet et il a été apporté en particulier par le département d'Etat des

11 Etats-Unis ainsi que par l'Agence américaine pour le développement

12 international." C'est bien cela ?

13 R. C'est effectivement un appui qui a été apporté à l'ABAI [comme

14 interprété].

15 Q. Merci. Dans vos remerciements, vous dites également que le rapport

16 n'aurait pas été possible sans la collaboration d'un certain nombre

17 d'organismes et de particuliers, dont je ne donnerai pas tous les noms.

18 R. Hm-hm.

19 Q. Je remarque parmi eux "Human Rights Watch", l'Organisation pour la

20 sécurité et la coopération européenne, le Tribunal pénal international pour

21 l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Dans les remerciements, vous mentionnez également l'existence d'un

24 rapport antérieur dont vous avez parlé au cours de l'interrogatoire

25 principal, rapport paru en l'an 2000 et dont le titre est "Politique ou

26 panique, la fuite des Albanais de souche". Vous évoquez également un

27 certain nombre de particuliers et d'organisations qui ont participé au

28 financement de ce projet, dont l'un est un certain M. Fred Abrahams qui a

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1 travaillé pour "Human Rights Watch", n'est-ce pas ?

2 R. C'est exact.

3 Q. En fait, je crois savoir que c'est M. Abrahams ainsi qu'un certain Eric

4 Stover qui vous ont invité en Albanie à la mi-avril 1999 pour participer à

5 la réalisation de ce projet ?

6 R. Ils m'ont invité beaucoup plus tôt et pas ensemble. Oui, j'ai fini par

7 aller en Albanie au début du mois d'avril.

8 Q. Dans le document "Politique et panique", au niveau des remerciements,

9 vous citez Fred Abrahams de "Human Rights Watch" et Eric Stover en disant

10 qu'ils ont été les premiers à vous inviter en Albanie à la mi-avril 1999.

11 "Par la suite," dites-vous, "ils m'ont présenté au codirecteur du projet,

12 Fron Nazi, et m'ont aidé à me retrouver dans la région --"

13 M. SEPENUK : [interprétation] Je vais ralentir.

14 Q. -- vous dites qu'il vous a beaucoup aidé en vous permettant d'organiser

15 des entretiens avec un certain nombre de personnes pour obtenir des

16 éléments de grande qualité, n'est-ce pas ?

17 R. Exact.

18 Q. Est-il permis de dire que dans les stades antérieurs de votre

19 recherche, M. Abrahams, c'était une espèce de mentor pour vous?

20 R. Non, c'est le Dr Scheuren qui était mon mentor. Je suis statisticien.

21 Fred était un analyste des droits de l'homme. Fred et Fron ainsi qu'Eric

22 m'ont donné des informations, des données, m'ont parlé de l'Albanie, m'ont

23 donné des éléments au sujet de l'Albanie qui étaient utilisables par moi,

24 mais mentor est un mot très fort.

25 Q. Très bien. En tout cas, vous respectez les connaissances de M. Abrahams

26 dans ce domaine ainsi que ses positions ?

27 R. En effet.

28 Q. Je pense que si vous êtes allé au Kosovo à la mi-1999 c'était pour

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1 recueillir des données pour la réalisation d'un rapport éventuel.

2 R. Je suis allé en Albanie pour voir si cela pouvait donner lieu à la

3 réalisation d'un rapport. Nous avons estimé la chose éventuellement

4 possible à l'époque, mais rien de concret n'a été fait.

5 Q. D'accord. Combien de temps êtes-vous resté en Albanie à cette époque ?

6 R. Au cours de ma première visite, environ deux semaines; deux semaines

7 plus un jour ou deux peut-être.

8 Q. Ensuite ?

9 R. Je suis retourné aux Etats-Unis.

10 Q. Ensuite ?

11 R. Je suis retourné deux semaines plus tard.

12 Q. Ensuite ? Donnez-nous un peu la série des événements.

13 R. J'ai commencé à recruter une équipe d'Albanais et de Kosovars pour

14 intervenir en tant que groupe d'étude. Mon intention initiale était de

15 constituer une équipe qui pourrait travailler dans les camps de résidents

16 pour recueillir des données afin de pouvoir ensuite réaliser l'étude sur la

17 situation des familles et leur hébergement dans les tentes, et que ces

18 personnes puissent parler de leur expérience personnelle au cours de leur

19 migration.

20 Q. Vous ai-je interrompu ?

21 R. Hm-hm.

22 Q. J'essaie de tenir compte de l'heure. En tout cas, vous avez fait votre

23 travail de recherche au mois de juillet 1999, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Non, nous en avions terminé depuis longtemps.

26 Q. Vous en aviez terminé depuis longtemps ?

27 R. Oui.

28 Q. D'accord.

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1 R. Parce que quand nous avons compris que l'OTAN s'apprêtait à intervenir,

2 nous avons dû restructurer fondamentalement tout ce que nous étions en

3 train de faire. Nous ne pouvions pas interroger des gens dans les camps

4 parce que ces camps allaient se vider.

5 Q. Je suppose qu'à cette époque-là vous n'aviez encore pas tiré de

6 conclusion définitive ?

7 R. Aucune.

8 Q. D'accord.

9 R. A ce moment-là, je n'étais pas du tout sûr de l'aspect que prendrait le

10 projet.

11 Q. Est-il permis de dire --

12 R. J'ai été interrompu par des interprètes qui m'ont parlé dans les

13 écouteurs. Puis-je poursuivre ma réponse ?

14 Q. Absolument.

15 R. Nous avions très peu de données à ce moment-là, et nous étions pressés

16 par le temps dans les dernières semaines du mois de juin, depuis la mi-

17 juin. Donc nous n'avions pas d'interprétation définitive au début du mois

18 de juillet.

19 Q. D'accord. La seule chose que j'essaie de savoir, c'est si au mois de

20 juillet 1999 vous n'aviez encore tiré aucune conclusion définitive dans

21 votre analyse statistique ?

22 R. Non, en effet.

23 Q. Est-il permis de dire qu'en dehors du fait que vous n'aviez tiré aucune

24 conclusion définitive dans votre analyse statistique, vous aviez, même à ce

25 stade assez peu avancé, conclu que la défense serbe possédait un plan en

26 vue d'expulser les Albanais de souche du Kosovo; vous aviez bien, n'est-ce

27 pas, déjà abouti à cette conclusion, Monsieur Ball ?

28 R. C'était une hypothèse de travail, mais pas une conclusion. Les

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1 conclusions, on les tire sur la base des données et seulement des données.

2 Q. D'accord. Quelle était votre hypothèse de travail ?

3 R. Mon hypothèse de travail, c'était qu'il y avait eu une procédure qui

4 avait poussé les gens à quitter leurs domiciles. Que pouvait être ce

5 processus ? A l'évidence, une possibilité c'était le nettoyage ethnique.

6 D'autres possibilités étaient le bombardement de l'OTAN ou l'action de

7 l'UCK qui aurait été à l'origine de ces migrations et des massacres.

8 Q. Est-ce que --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk, vous ne nous laissez

10 pas vraiment le temps.

11 M. SEPENUK : [interprétation] Je suis désolé.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Ball répond très rapidement.

13 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons besoin de ménager une pause

15 entre les questions et les réponses pour que les interprètes puissent vous

16 suivre et que le problème d'il y a un instant ne se reproduise pas.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

18 M. SEPENUK : [interprétation] J'y veillerai.

19 Q. Quand vous parlez d'hypothèse de travail, voici ma

20 question : est-ce que vous n'aviez pas déjà conclu qu'il existait un plan

21 de la part des forces serbes en vue d'expulser les Albanais de souche du

22 Kosovo lorsque vous avez commencé votre étude statistique ?

23 R. D'accord. Je vais lire le libellé de votre question une nouvelle fois à

24 l'écran. Si j'ai bien compris ce que vous me demandez, c'est est-ce que

25 j'avais déjà conclu à une telle réalité. Je vous répond non.

26 Q. D'accord. Examinons la transcription d'une émission de radio à laquelle

27 vous avez participé.

28 R. Hm-hm.

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1 Q. Le 9 juillet 1999.

2 R. Hm-hm.

3 Q. C'était un entretien à la radio. Vous vous souvenez de cet entretien

4 scientifique ?

5 R. Oui.

6 Q. Iris Flatow était le modérateur dans cette émission ?

7 R. Oui, et nous avons parlé de l'opération Fer à cheval.

8 Q. C'est ce que j'essayais d'obtenir de vous. Après la fin de ce

9 programme, vous n'aviez pas tiré de conclusions définitives dans votre

10 analyse statistique, mais vous dites, je cite :

11 "Ce qui était intéressant, c'était que la défense yougoslave avait

12 rendu public un plan visant au nettoyage ethnique. C'était un plan

13 stratégique visant à attaquer l'UCK, l'Armée de libération du Kosovo qui

14 existait déjà en octobre, novembre de l'année dernière, et les structures

15 officielles de la défense yougoslave étaient très claires quant à ce

16 qu'elles s'apprêtaient à faire. Cette opération portait le nom d'opération

17 Fer à cheval."

18 Dites-nous --

19 M. STAMP : [interprétation] Ce n'est pas une objection, puisque nous nous

20 référons à un document. J'aimerais également la cote de ce document.

21 M. SEPENUK : [interprétation] Absolument. 3D518, page 377 dans le système

22 du prétoire électronique.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que nous sommes prêts ?

24 M. SEPENUK : [interprétation] J'attends que le document apparaisse à

25 l'écran. Y a-t-il un problème pour localiser ce document ? Le voilà. Bien.

26 Q. Est-ce que vous voyez le passage que je viens de citer ?

27 R. Hm-hm.

28 Q. Dites-nous à l'époque en juillet 1999 ce que vous saviez au sujet de

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1 cette opération Fer à cheval, si vous le savez ?

2 R. On parlait beaucoup de cela parmi les journalistes qui se trouvaient en

3 Albanie à l'époque. J'ai entendu certaines de leurs conversations qui ont

4 eu une influence sur le fait que j'ai formulé un certain nombre

5 d'hypothèses. Je pensais que si ces personnes avaient raison, ce que nous

6 devrions voir, c'était une forme en fer à cheval. Si on regarde les

7 documents que j'ai publiés par la suite, ce n'est pas ce que nous avons

8 découvert, c'était une hypothèse qui a été rejetée.

9 Q. Votre analyse consiste à dire que ceci a été rendu public par les

10 autorités yougoslaves ? C'est ce que vous affirmez au cours de cette

11 émission de radio.

12 R. Je crois que le ministre de la Défense allemand, si je me souviens

13 bien, avait fait une remarque à ce sujet.

14 Q. Est-ce que vous avez découvert que votre rapport était totalement

15 faux ? Est-ce que vous l'avez découvert vous-même ou est-ce que c'est M.

16 Abrahams qui a écrit quelque chose à ce sujet à "Human Rights Watch" ?

17 R. J'ai découvert qu'il était faux, mais nous ne l'avons pas utilisé. Ceci

18 confirme le processus scientifique. Même quand on découvre quelque chose

19 qui est faux, on revoit les données et on le met de côté.

20 Q. Vous dites, je cite :

21 "Notre hypothèse était que si le nettoyage ethnique se confirmait, le

22 schéma de flux des réfugiés concordait avec ce plan, ce serait un élément

23 de preuve très intéressant démontrant que le flux de réfugiés était le

24 résultat de la mise en œuvre de ce plan. Nous ne saurions dire plus

25 précisément pourquoi. Alors, à ce moment-là, nous sommes allés revoir les

26 réfugiés et les témoins. Nous sommes allés recueillir d'autres éléments de

27 preuve, d'autres indices et nous avons cartographié tout cela, l'ensemble

28 de ce processus." Avant d'obtenir des résultats de votre analyse

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1 statistique, vous aviez déjà une carte topographique fondée sur ce que vous

2 appelez aujourd'hui une notion erronée par rapport à l'opération Fer à

3 cheval qui existait en présence de ce plan et du fait que l'UCK a agi et

4 qu'il y a eu expulsion des Albanais de souche. C'est bien dans cette

5 séquence temporelle que les choses se sont passées ?

6 R. Non, Monsieur, ce n'est pas exact. Vous prenez une série de

7 déclarations ici et là, vous en faites des indices de valeur. Ce que j'ai

8 dit c'est qu'on pouvait imaginer de mettre au point une hypothèse et que

9 s'il y avait concordance avec la réalité, ce serait intéressant. Ce que je

10 dis ici c'est que nous avions une série d'hypothèses devant faire l'objet

11 d'un travail d'enquêtes. J'ai déclaré que ces hypothèses nous les avions au

12 départ, avant de disposer d'indices, ce n'était pas une analyse. Nous

13 n'avions pas terminé l'analyse. Si vous regardez les textes publiés, vous

14 verrez que nous avons rejeté un certain nombre d'hypothèses parce qu'elles

15 étaient inexactes. Je crois que c'est comme cela que procède la science

16 dans tous les domaines. On commence par des hypothèses. La plupart de ces

17 hypothèses finissent par être jetées au panier, au vu des preuves apportées

18 par la réalité.

19 Q. Est-ce que vous aviez déjà à l'esprit ou est-ce que vous aviez déjà

20 convenu qu'il y avait un plan préexistant établi par les forces serbes en

21 vue d'expulser les Albanais de souche ?

22 R. Je suis désolé, pouvez-vous répéter votre question.

23 Q. A l'époque, vous avez écrit "Politique ou panique", en l'an 2000.

24 Attendez avant de répondre un instant, je vous prie --

25 R. Hm-hm.

26 Q. -- mes collègues ne cessent de me rappeler la nécessité d'une pause

27 entre les questions et les réponses. Je m'excuse de ne pas respecter cette

28 règle plus strictement pour les interprètes et pour les Juges.

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1 Ma question est la suivante : à l'époque où vous avez écrit

2 "Politique et panique", est-ce qu'en dehors de toute analyse statistique,

3 vous saviez qu'il existait un plan préexistant de la part des forces serbes

4 en vue d'expulser les Albanais de souche du Kosovo ? Oui ou non, Monsieur,

5 si vous pouvez répondre par oui ou non.

6 R. Quand j'ai fait paraître "Politique ou panique" en l'an 2000,

7 j'avais découvert que nous pouvions rejeter l'hypothèse selon laquelle les

8 bombardements de l'OTAN pouvaient être une cause valable des migrations. A

9 ce moment-là, nous ne disposions que d'un nombre très limité de données.

10 Nous n'avions rien sur l'action de l'UCK. Je n'avais que très peu de

11 données au sujet des massacres. Nos conclusions étaient très peu achevées.

12 Je rappelle qu'il y a eu quelques inexactitudes au niveau des conclusions

13 tirées au sujet du rapport entre bombardement et migration qui se sont

14 confirmées dans la suite du travail.

15 Q. Très bien. Je vais lire exactement ce que vous avez dit dans

16 "Politique et panique."

17 R. Absolument.

18 M. SEPENUK : [interprétation] Pièce 3D516, page 232. Je vous demande

19 quelques instants pour que le texte apparaisse à l'écran. Deuxième

20 paragraphe. Merci.

21 Q. Vous dites, et veuillez suivre avec moi, je cite : "Les conclusions du

22 rapport permettent de penser que l'armée, la police et les milieux

23 paramilitaires yougoslaves peuvent avoir utilisé le bombardement comme

24 justification politique globale pour conduire une opération prévue à

25 l'avance et visant à expulser les Albanais de souche."

26 C'est bien cela que vous avez dit, n'est-ce pas ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Cette opération préparée à l'avance, est-ce que c'était cela le plan

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1 fer à cheval inexistant dont vous avez déjà parlé dans votre déposition

2 précédente ?

3 R. Faisons d'abord observer deux choses dans cette phrase. Premier point,

4 nous utilisons le terme "peut avoir" utiliser les bombardements "peut."

5 Nous ne disons pas que "cela est prouvé" ou que "cela effectivement" était

6 le cas. Je pense qu'il y a une différence importante que les interprètes

7 vont certainement inclure dans leur interprétation. Deuxième point, je

8 pense qu'il est fondamental de remarquer, puisque j'étais le seul auteur de

9 cet ouvrage en particulier, mais je n'ai pas établi un lien entre

10 l'affirmation de l'existence d'une opération préparée à l'avance et la mise

11 ne œuvre d'une quelconque opération dans la réalité. Non, à l'époque,

12 l'opération Fer à cheval avait été rejetée. Ce que nous disons dans ce

13 passage c'est ce qui est repris plus tard dans mes rapports ultérieurs, à

14 savoir, je constate l'existence d'une coïncidence entre la date de la nuit

15 du 6 au 7 avril et de la fin des opérations par les forces yougoslaves

16 ainsi que la fin des migrations et des massacres, ce qui pourrait permettre

17 de conclure que les forces yougoslaves sont responsables. Toutefois,

18 j'appelle votre attention sur le fait que le mot "preuve" n'est pas présent

19 ici. En tant que statisticien, on travaille sur des données d'observation,

20 on ne procède pas à de telles affirmations.

21 Q. Je vous remercie. Nous reviendrons sur ce point plus tard.

22 R. D'accord.

23 Q. Vous dites que M. Abrahams et d'autres au Kosovo vous avaient invité en

24 avril 1999 pour entreprendre ce projet. Ces personnes vous ont dit ce qui

25 était intéressant de lire. Vous vous rappelez cela ? Oui ou non.

26 R. Oui.

27 Q. M. Abrahams vous a-t-il proposé de lire son article du 15 août 1998,

28 dans l'International Herald Tribune, dans lequel il disait que la première

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1 mesure politique devait être la mise en accusation de Milosevic.

2 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

3 M. SEPENUK : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas exactement ce qu'il m'a

7 encouragé à lire. Je pense que cela devait se centrer sur des rapports de

8 "Human Rights Watch" plutôt que sur des journaux.

9 M. SEPENUK : [interprétation]

10 Q. Est-ce que vous avez lu cet article de presse ou est-ce que vous avez

11 discuté personnellement avec quelqu'un de votre position au sujet de M.

12 Milosevic ?

13 R. Certainement, j'ai discuté avec lui de ce qu'il pensait de M.

14 Milosevic. Je l'ai fait aussi avec une dizaine d'autres personnes même

15 peut-être avec une centaine d'autres personnes, y compris M. Milosevic lui-

16 même.

17 Q. Bien sûr, vous aviez les mêmes points de vue que M. Abrahams au sujet

18 de M. Milosevic, n'est-ce pas ?

19 R. Je ne sais pas vraiment. Je n'ai jamais travaillé sur les Balkans. Mon

20 domaine de spécialités c'est l'Amérique centrale et l'Afrique du Sud. Il

21 est certain que ce qui m'intéressait c'était d'en apprendre plus, plutôt

22 que de partager mon point de vue avec qui que ce soit. Fred et moi étions

23 collègues. Nous ne connaissions pas si bien lorsque nous avons commencé à

24 travailler ensemble en 1999.

25 Q. Quand vous dites que vous ne vous connaissiez pas si bien avant votre

26 déposition dans l'affaire Milosevic, vous vous êtes tout de même fait un

27 avis sur M. Milosevic, n'est-ce pas, Monsieur ?

28 R. Oui, entre-temps il y a eu trois ans et demie de recherches très

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1 actives. En 1999, quand je suis allé en Albanie pour la première fois, je

2 ne savais pas vraiment dans quoi j'allais me plonger.

3 Q. Je parle maintenant de 2001 --

4 R. Quand j'ai écrit --

5 Q. Le 14 juillet 2001, quand vous êtes allé à la Conférence sur le

6 militantisme ?

7 R. Oui, certainement.

8 Q. Elle se déroulait à Las Vegas au Nevada ?

9 R. Oui.

10 Q. Elle était présidée --

11 R. [aucune interprétation]

12 Q. [aucune interprétation]

13 R. [aucune interprétation]

14 Q. [aucune interprétation]

15 R. Je fais partie du conseil d'administration de ce groupe.

16 Q. Est-ce que cela figure dans votre CV actualisé ?

17 R. Non, je n'ai pas travaillé avec cet organisme depuis des années. Vous

18 voudriez savoir ce que fait cet organisme ?

19 Q. Oui, je vous prie.

20 R. Ils s'efforcent de produire des logiciels susceptibles d'aider les

21 dissidents chinois à faire mieux connaître leur position en évitant la

22 répression.

23 Q. Durant cette conférence, vous avez dit ce qui suit, je

24 cite : "Bien entendu, actuellement en raison des crimes de guerre commis,

25 nous avons des tribunaux qui jugent les gens qui ont violé le droit

26 humanitaire international pour les envoyer en prison. Ce serait très bien

27 si nous faisions applaudir par la salle l'extradition de Slobodan Milosevic

28 à La Haye la semaine dernière." Ensuite on lit au compte rendu de cette

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1 conférence que l'auditoire a applaudi. Puis je cite : "J'espère que vous

2 êtes aussi enthousiasmés que moi par la perspective de son procès qui

3 commencera dans environ six mois."

4 C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

5 R. Je l'ai dit, en effet.

6 Q. Est-ce que vous étiez aussi enthousiasmé par la perspective d'aller

7 quelques mois plus tard à La Haye pour témoigner devant le Tribunal à son

8 procès ?

9 R. Je n'avais pas la moindre idée à ce moment-là que j'allais être invité

10 à le faire.

11 Q. Vous n'en aviez pas la moindre idée. D'accord. Vous avez dit plus tard

12 durant la même conférence, vous parlez des droits de l'homme, je cite :

13 "Travaillons avec ces organismes des droits de l'homme. Si vous en voulez

14 plus, continuons à pousser, poussons de façon absolue, il n'y a pas de

15 raison d'arrêter, nous sommes en plein élan. Nous avons passé les moments

16 les plus difficiles. Il y en a qui sont déjà en prison, au moins pour la

17 vie."

18 Vous l'avez dit, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous parlez de M. Milosevic, n'est-ce pas ?

21 R. Je ne me souviens plus. Cela aurait pu être Pinochet, mais c'était la

22 même période.

23 Q. C'est un témoignage sérieux ?

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Vous ne pensez pas que c'était Milosevic ? Je veux dire, tout cela se

26 passait dans le cadre du Kosovo et de M. Milosevic. Vous ne dites pas que

27 vous ne parliez pas de Milosevic à ce moment-là, n'est-ce pas ?

28 R. Je ne me souviens pas exactement de qui je parlais. La conversation ne

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1 portait pas sur Milosevic. Elle portait sur la technologie. J'avais parlé

2 du Guatemala. Il y avait aussi d'autres sections aux Etats-Unis.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Rappelez-nous quand Pinochet a été

4 incarcéré.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'était pas incarcéré. Je ne me

6 souviens pas. C'était une conférence sur le militantisme. Je faisais des

7 remarques un peu spontanées.

8 M. SEPENUK : [interprétation]

9 Q. Spontanées, mais conformes à la vérité ?

10 R. Conformes à la vérité.

11 Q. [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE BONOMY : Nous allons suspendre pour le déjeuner.

13 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- reprise à 14 heures.

15 [Le témoin se retire]

16 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 47.

17 --- L'audience est reprise à 13 heures 45.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juge Chowhan ne sera pas parmi nous,

19 il a des activités liées au Tribunal, et nous allons siéger en son absence

20 dans l'intérêt de la justice.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cet après-midi, chaque fois que les

23 interprètes nous interrompront pour rappeler les intervenants qu'il

24 convient de faire des pauses, chaque fois que cela se produira, nous

25 déduirons cinq minutes du temps imparti à la Défense pour le contre-

26 interrogatoire.

27 M. SEPENUK : [interprétation] Merci. Je n'allais pas en parler maintenant

28 mais je vais le faire malgré tout. Quand je passe de ce micro à celui-ci,

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1 je ne me suis pas mis sur le même canal, donc je n'ai pas entendu les

2 interprètes m'admonesté. Je n'ai pas entendu parce que je n'écoutais pas le

3 bon canal. Je m'excuse et j'espère que cela ne se reproduira plus.

4 Q. Monsieur le Témoin, quand nous nous sommes interrompus, vous avez dit

5 avec beaucoup de franchise que c'était à M. Milosevic que vous vous étiez

6 référé lors de cette conférence de militants quand vous avez dit que

7 c'était une des pires crapules en prison, en tout cas, de votre vivant ?

8 R. C'est exact.

9 Q. J'imagine que vous n'estimez pas que les sentiments que vous ressentez

10 envers M. Milosevic vous ont, de quelque manière que ce soit, empêché de

11 faire preuve d'objectivité dans son procès quand vous avez déposé et

12 d'ailleurs dans ce procès non plus ici ?

13 R. Je viens déposer au sujet de statistiques, pas de mes opinions.

14 Q. La raison pour laquelle je vous pose ces questions, c'est qu'il y a un

15 article qui est apparu sur le site Wired News le

16 16 juillet 2004, qui est intitulé : "Hacktivisme" sur internet,

17 "explication." Pièce 3D519, page 387. J'aimerais que l'on affiche à l'écran

18 cette pièce pour que vous puissiez en suivre la lecture avec moi.

19 R. Hm-Hm.

20 Q. Cela commence là où on dit : "Ball est intervenu au sujet du

21 militantisme sur internet, lors d'une conférence de pirates informatiques.

22 Pendant cette intervention il a fait des remarques désobligeantes envers

23 Slobodan Milosevic, ex-président de la Serbie et de la République fédérale

24 de Yougoslavie. Plus tard, Ball a déposé contre Milosevic lors du procès de

25 celui-ci devant le Tribunal pénal international à La Haye. Quand il a été

26 contre-interrogé par Milosevic, celui-ci lui a demandé : 'Qui était la

27 secte de la vache morte ?' Il a répondu, il a dit : --

28 R. Oui.

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1 Q. "Ce que j'ai voulu dire à Slobo, c'est que le militantisme des pirates

2 de l'informatique, c'est l'occasion pour les jeunes programmateurs

3 informatiques de faire des choses positives avec leur connaissance

4 technique et leur curiosité au lieu de faire des bêtises. C'est ce que je

5 pense."

6 La question que j'ai à vous poser c'est de savoir ce que vous entendiez par

7 là ?

8 R. J'imagine que ce que vous voulez dire par votre question, c'était de

9 savoir comment cette secte ou cette organisation pouvait être considérée

10 comme cool et comme ayant un intérêt pour la société dans son ensemble. Et

11 je vous réponds que je ne fais pas partie de l'organisation en tant que

12 tel, mais de son groupe d'activisme informatique. Et ce que j'ai dit, j'ai

13 utilisé des termes d'argot typiques des pirates de l'informatique et j'ai

14 dit que c'était l'occasion pour les jeunes qui sont engagés dans ce type

15 d'activités de faire des choses positives sans avoir de problème.

16 Q. Je vais plus loin que cela dans ma question. Est-ce que vous convenez

17 que vous êtes maintenant sous serment et que vous n'allez pas raconter

18 n'importe quoi ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Vous avez dit que quand vous aviez parlé sous serment, vous aviez fait

21 de même. Est-ce que ce n'est pas ce que vous voulez dire ?

22 R. Non. J'ai expliqué ce terme, ce terme argotique de "spin" à un

23 journaliste.

24 Q. Merci.

25 R. Hm-hm.

26 Q. Maintenant, parlons des difficultés à comprendre un phénomène massif

27 sur lequel vous avez témoigné, celui de l'afflux de réfugiés Albanais de

28 souche du Kosovo pendant la période de mars à mai 1999. C'est une étude

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1 purement qualitative.

2 R. Oui.

3 Q. Première limite, bien entendu, c'est de savoir à quel point on peut

4 obtenir des informations de la part des personnes qu'on interviewe dans le

5 cadre de ces recherches ?

6 R. Cela a trait aux ressources qu'on utilise; je ne peux pas répondre par

7 oui ou par non.

8 Q. Répondez comme vous le voulez.

9 R. Quand on a les ressources suffisantes et qu'il y a un groupe

10 suffisamment petit, on peut interviewer tout le monde.

11 Q. Oui, mais ici, ce n'était sans doute pas très réaliste ?

12 R. Sans doute pas très réaliste, effectivement.

13 Q. Deuxième problème inhérent à toute cette question, c'est de savoir si

14 les personnes qu'on interroge disent la vérité. En d'autres termes, est-ce

15 que ceux qui s'entretiennent avec eux apprennent la vérité ?

16 R. Cela c'est, bien entendu, assez difficile. C'est assez difficile, parce

17 qu'il y a beaucoup d'inexactitudes qui se glissent dans ce genre

18 d'entretien ou des informations qui sont sans aucune pertinence. Ainsi, par

19 exemple, quand vous allez recueillir la déposition d'un témoin au sujet

20 d'un événement particulier, le témoin peut vous fournir des détails très

21 approfondis au sujet d'un autre événement qui ne vous intéresse pas, mais

22 cela n'affecte pas l'intérêt des informations qu'il vous a données sur

23 l'événement qui vous intéressait, vous. Les choses sont assez complexes. La

24 valeur d'un tel entretien dépend, bien entendu, non pas de l'entretien lui-

25 même, mais de l'objectif de cet entretien.

26 Q. Ma question était peut-être un peu simpliste. Ce que je voulais dire,

27 c'est que ceux qui interrogent et les personnes qui sont interrogées sont

28 des êtres humains et parfois font des erreurs ?

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1 R. Oui, bien entendu, parfois il y a des erreurs.

2 Q. Troisièmement, il n'y avait pas de choix aléatoire des personnes

3 interrogées ?

4 R. Malheureusement, ce n'est pas vrai. Parfois, il y avait choix aléatoire

5 des personnes interrogées. La première série d'entretiens que nous avons

6 réalisés dans les camps, à la fin mai, au début juin, ont été faits de

7 manière aléatoire.

8 Q. Conviendrez-vous que, par exemple, dans les entretiens menés par "Human

9 Rights Watch," ceci a été fait de manière aléatoire, l'échantillon était

10 aléatoire ?

11 R. "Human Rights Watch" s'est occupé d'un groupe assez restreint de

12 personnes. Je ne sais pas ce que vous entendez par nombre important.

13 Q. Vous avez conseillé M. Abrahams de "Human Rights Watch" quant à

14 l'analyse statistique des violations des droits de l'homme ? R. Oui.

15 Q. C'est un chapitre du livre qu'ils ont écrit à ce sujet.

16 R. Oui.

17 Q. Il y a un chapitre de ce livre que nous avons ici. Pièce à conviction

18 438, page 444 dans le prétoire électronique. On invoque les limites des

19 données recueillies, pièce 438, page 444. Ça y est.

20 En haut, nous avons le premier chapitre. Vous avez servi de conseiller à la

21 rédaction de ce chapitre, je cite : "Ce qui est le plus important, "Human

22 Rights Watch" n'a pas choisi ses échantillons de personnes interrogées de

23 manière aléatoire. Au contraire, les chercheurs ont recherché non seulement

24 les victimes et les témoins de ces violations, mais en particulier ceux qui

25 avaient des connaissances sur les violations les plus graves telles que les

26 tortures, les violences sexuelles et les exécutions, si bien qu'il n'est

27 pas possible de faire une extrapolation de ces données à tout le Kosovo."

28 Vous le reconnaissez, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Sandra Mitchell a déposé ici, elle a dit à peu près la même chose,

3 Sandra Mitchell qui travaille pour l'OSCE.

4 R. Cela me paraît logique.

5 Q. Si j'ai bien compris, ces entretiens sont menés d'une manière qui

6 comporte un certain nombre de limites. Vous avez mené à bien une analyse

7 statistique, mais à côté des limites de cette manière de procéder à ces

8 entretiens, cela avait des limites, cette manière de procéder; donc vous

9 avez décidé de procéder de manière statistique ?

10 R. Ce n'est pas tout à fait cela. Nous voulions utiliser une méthode qui

11 nous permettrait de tenir compte de ce qui n'était pas repris dans un

12 certain nombre d'entretiens, d'enquêtes dans les quatre groupes de données

13 qui nous avaient été remis.

14 Q. Vous avez envisagé quatre causes à l'origine des flux de réfugiés dans

15 votre rapport, très vite, pièce 1506. Cela ne fut l'objet d'aucune

16 contestation, inutile de l'afficher. Vous dites dans votre rapport :

17 "L'analyse statistique ne peut en aucune manière prouver qu'une de

18 ces hypothèses représente la cause de la configuration du phénomène

19 constaté et qui se présente sous ces deux formes de violence."

20 N'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Pendant la première cause, les frappes aériennes de l'OTAN, vous vous

23 êtes limité à deux sources; vous vous êtes limité d'abord dès le départ aux

24 articles de presse qui figuraient dans les médias ainsi qu'à ce qui a été

25 communiqué par les autorités yougoslaves. Vous vouliez également utiliser

26 les informations fournies par le ministère de la Défense américain ?

27 R. C'était l'idée de départ effectivement.

28 Q. Si j'ai compris, vous vous apprêtiez à faire deux choses : d'abord

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1 utiliser les sources serbes, ensuite celles du ministère de la Défense

2 américain. D'après ce que je comprends de votre déposition dans l'affaire

3 Milosevic, vous n'avez finalement pas utilisé, pas cherché à obtenir les

4 données de la part du ministère de la Défense américain parce que, je vous

5 cite : "J'ai passé deux coups de fil au ministère de la Défense américain

6 et je n'ai eu aucune réponse."

7 Voilà l'étendue de vos efforts pour obtenir des informations au sujet des

8 bombardements de l'OTAN, deux petits coups de téléphone ?

9 R. Oui, en tant que militant des droits de l'homme, je n'ai pas beaucoup

10 de contacts au sein du ministère de la Défense.

11 Q. Qui avez-vous appelé ?

12 R. J'ai appelé le bureau des relations publiques, j'avais trouvé ce numéro

13 sur internet.

14 Q. Sur internet. Vous avez laissé un message ?

15 R. J'ai parlé à quelqu'un qui devait me rappeler.

16 Q. Est-ce qu'on vous a rappelé ?

17 R. Non.

18 Q. Qu'est-ce que vous avez fait ensuite ? Est-ce que vous avez donné

19 suite ? Vous avez essayé de reparler à quelqu'un d'autre ?

20 R. Non.

21 Q. Est-ce que vous leur avez envoyé un courrier ?

22 R. Non.

23 Q. Vous n'avez pas envoyé un e-mail, pas envoyé de télécopie ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous pensez que cela n'aurait quand même pas été un petit

26 peu intéressant d'avoir ces informations et pas seulement les informations

27 qui venaient des autorités serbes ?

28 R. Intéressante votre question, parce que plusieurs années après cela je

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1 me suis retrouvé dans une conférence avec des gens qui venaient de

2 l'Académie de l'armée de l'air. Il s'agissait de l'évaluation des dégâts

3 causés par les bombardements au Kosovo. Je leur en ai parlé de cette

4 affaire et ils ont rigolé. Ils ont dit que, bien entendu, personne ne

5 m'aurait jamais rappelé pour me donner ces informations parce que ce genre

6 d'information n'est jamais communiqué, même longtemps après les événements.

7 Donc, vous pensez peut-être que c'est intéressant, mais de toute façon,

8 jamais je n'aurais obtenu ces données malgré tous les efforts que j'aurais

9 pu déployer.

10 Q. Nous n'allons pas polémiquer sur les efforts que vous avez déployés

11 pour obtenir ces informations. Après l'hypothèse des bombardements de

12 l'OTAN, vous avez envisagé l'hypothèse selon laquelle ce serait les

13 activités de l'UCK qui auraient engagé les Albanais du Kosovo à partir de

14 chez eux ?

15 R. Oui.

16 Q. D'après ce que je comprends à la lecture de votre rapport, ces

17 informations sur les activités de l'UCK ressortent de divers entretiens que

18 vous avez passé en revue ainsi que de rapports venant d'organisations non

19 gouvernementales ou fournis par le TPIY et qui ont été fournis par le

20 TPIY ?

21 R. Oui, effectivement. Mais il y avait aussi des informations qui ont été

22 trouvées sur des sites du gouvernement yougoslave sur internet.

23 Q. Ceci vous l'avez mis en annexe, l'annexe 3, "Sources supplémentaires

24 relatives aux activités de l'UCK et de l'OTAN" ?

25 R. Oui.

26 Q. Ces entretiens, de quoi s'agit-il ?

27 R. Ce sont les entretiens qui ont été donnés au TPIY puisque c'est le TPIY

28 qui a mené des enquêtes sur place. Ils m'ont fourni ces informations; ils

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1 m'ont fourni la base de données où figurent toutes ces déclarations.

2 Q. Ces entretiens, il s'agissait d'entretiens pour l'essentiel,

3 d'Albanais ?

4 R. Je ne sais pas. Ce sont des informations qui m'ont été communiquées par

5 le TPIY. A l'époque, j'ignorais quelle était la source de ces documents.

6 Tout ce que je sais, c'est qu'ils m'avaient été remis par le TPIY.

7 Q. Dans le cadre de vos recherches et des informations générales que vous

8 avez obtenues en travaillant sur cette question, est-ce que vous avez

9 appris que les Albanais de souche, généralement, hésitaient à incriminer

10 l'UCK par crainte des représailles ?

11 R. Ceci n'est pas dans mon domaine de compétence.

12 Q. Vous n'avez jamais appris que les Albanais de souche qui collaboraient

13 avec les Serbes ou qui avaient des contacts commerciaux avec les Serbes

14 faisaient souvent l'objet d'enlèvements ou étaient tués ? Cela vous n'en

15 avez jamais entendu parler ?

16 R. Je n'ai jamais entendu parler d'informations au sujet du caractère

17 systématique de ceci.

18 Q. Ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous demande si vous en avez

19 entendu parler.

20 R. J'ai entendu beaucoup de rumeurs au sujet de la violence dans cette

21 région.

22 Q. Mais vous n'avez jamais essayé de voir si ces rumeurs avaient un

23 fondement quelconque dans les faits ?

24 R. Je me suis appuyé sur les sources qui sont énumérées à l'annexe 3 de

25 mon rapport.

26 Q. Est-ce que des civils serbes ont été interrogés ?

27 R. Il faut que je vous renvoie à ma première réponse. Les transcriptions

28 de ces entretiens m'ont été communiquées par le TPIY, c'est la base de

Page 10286

1 données du TPIY. Les autres sources documentaires, si cela peut vous

2 intéresser, je les ai indiquées également. Mais les comptes rendus de ces

3 entretiens, c'est le TPIY qui me les a fournis, et j'ignore qui étaient les

4 personnes interrogées.

5 Q. Vous dites qu'il y a également des rapports venant d'organisations non

6 gouvernementales dont vous vous êtes servi. Par exemple ?

7 R. Il y avait des rapports qui venaient de la Communauté européenne, et

8 cetera, les observateurs de la Communauté européenne. Tout ceci figure à

9 l'annexe 3. Je ne sais pas si vous voulez que j'énumère.

10 Q. Non, pas du tout. Vous avez parlé de sources non gouvernementales, cela

11 figure dans votre annexe. On parle là de beaucoup de sources

12 gouvernementales, République fédérale de la Yougoslavie, le ministère de la

13 Défense de la République, le ministère des Affaire étrangères, et cetera.

14 Est-ce que vous les avez consultés ?

15 R. J'ai consulté leur site internet.

16 Q. Qu'avez-vous trouvé ?

17 R. J'ai découvert une énumération des affrontements entre les autorités

18 yougoslaves et l'UCK au Kosovo pendant la période qui m'intéressait. Nous

19 avons réparti cela entre attaques, assauts, massacres, bombardements, et

20 cetera.

21 Q. Est-ce que vous avez reçu le Livre blanc du ministère des Affaires

22 Etrangères publié en mars 2000 et qui comptait 958 pages, pièce 3D182,

23 document dans lequel on voit répertoriées de manière détaillée les attaques

24 de l'UCK, les attaques des groupes terroristes de l'UCK contre les civils,

25 l'armée et la police, avant et après la guerre. Est-ce que vous vous

26 souvenez de ce rapport de 985 pages ?

27 R. Non, je ne l'ai pas consulté.

28 Q. Vous ne l'avez consulté ? Vous ne pensez pas que cela aurait été

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1 utile ?

2 R. Peut-être. Mais il est possible qu'on se soit contenté dans ce document

3 de reprendre ce que j'ai trouvé dans d'autres sources sur les sites,

4 d'autres sources gouvernementales où il y avait beaucoup de documents.

5 Q. Mais cela c'est une position de votre part ?

6 R. Oui. Est-ce que vous pensez qu'ils avaient fourni beaucoup

7 d'informations supplémentaires pendant cette période ?

8 Q. Si je devais déposer ici on y passerait une bonne partie de la journée.

9 Est-ce que vous avez consulté une publication de l'état-major général de la

10 VJ, pièce 3D133, qui compte 206 pages et qui a trait aux attaques menées

11 par l'UCK contre les civils et l'armée, avant et après la guerre. Vous

12 souvenez-vous de ceci, Monsieur ?

13 R. Non.

14 Q. D'après ce que je sais, dans le cadre de votre analyse, vous n'avez pas

15 pris en compte les opérations menées conjointement pour l'UCK et l'OTAN ?

16 R. Non, pas du point de vue qualitatif mais du point de vue quantitatif.

17 Comme je l'ai dit quand je suis venu en 2002, les données statistiques ne

18 permettent pas de dire qu'il y a eu interaction entre les deux.

19 Q. Vous ne l'avez pas pris en compte ?

20 R. Non, vous êtes en train de déformer ma réponse. Ce que j'ai dit, c'est

21 qu'on a examiné la chose. Nous avons étudié la chose. Je me suis penché là-

22 dessus, mais il n'y avait aucun fondement statistique me permettant de

23 poursuivre mon analyse.

24 Q. D'accord, je vous entends. Si j'ai bien compris, vous n'avez pas non

25 plus estimé qu'il y avait peut-être des avertissements donnés par l'UCK à

26 la population s'agissant des bombardements de l'OTAN, ce qui aurait permis

27 à la population de quitter la zone ?

28 R. Cette question m'intrigue un petit peu. Pourriez-vous la formuler de

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1 manière plus claire, s'il vous plaît, parce que je ne comprends pas très

2 bien.

3 Q. Est-ce que vous vous êtes demandé s'il y avait peut-être eu des alertes

4 données par l'OTAN à l'UCK avant les bombardements de l'OTAN pour que les

5 civils puissent être évacués à temps des zones concernées ?

6 R. Comme vous l'avez vu dans mon rapport, c'est clair. Nous avons

7 uniquement tenu compte des affrontements violents entre l'UCK et les

8 autorités yougoslaves. Nous n'avons tenu en compte d'aucune mise en garde

9 verbale, par qui que ce soit et à qui que ce soit au sujet de quelque

10 activité que ce soit.

11 Q. C'est tout ce que je vous demande.

12 Est-ce que vous avez tenu compte du fait que les données indiquent

13 que parfois peut-être les Albanais de souche ont quitté leurs villages sur

14 ordres ou sur consignes de l'UCK ?

15 R. Vous reprenez la question que vous venez de me poser. Je vous réponds

16 toujours de la même manière, non.

17 Q. Passons à la troisième hypothèse, à savoir que les flux de réfugiés et

18 les massacres sont le résultat des opérations des forces yougoslaves. Dans

19 votre rapport, vous dites que l'analyse statistique des corrélations ne

20 peut pas permettre de prouver que les forces yougoslaves étaient la force

21 externe qui expliquait la configuration de ces phénomènes. Cependant, les

22 conclusions de cette étude sont qu'on peut considérer que l'hypothèse,

23 selon laquelle les actions des forces yougoslaves sont la cause des

24 massacres et les flux de réfugiés, a une certaine pertinence. Il y a

25 compatibilité ici.

26 Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit ?

27 R. A peu près.

28 Q. Dans l'affaire Milosevic, pièce 3D521, page 19 967 --

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1 M. SEPENUK : [interprétation] L'Accusation d'ailleurs, je signale, vient

2 d'ajouter la déposition du témoin dans l'affaire Milosevic en 2003, hier.

3 Les deux jours précédents sa déposition nous avions fait une autre pièce

4 qui est différente de ce que je viens de mentionner tout de suite. Pièce

5 3D521, page 19 967.

6 Q. Vous dites, je cite : "Nous n'incluons aucune donnée relative aux

7 forces yougoslaves et à leurs mouvements. C'est la raison pour laquelle il

8 n'y a pas dans ce rapport d'analyse statistique des activités yougoslaves."

9 Est-ce que vous souvenez avoir déclaré cela ?

10 R. Oui.

11 Q. Dans votre rapport le plus récent, c'est le rapport qui date du 28

12 janvier 2007, qui s'intitule "Réexamen des massacres et migrations au

13 Kosovo," vous dites que: "Les trois hypothèses prises en compte sont les

14 activités de l'UCK, les forces aériennes de l'OTAN, ou une campagne

15 systématique menée par les forces yougoslaves. A cause des données qui sont

16 disponibles, nous ne pouvons étudier que les deux premières hypothèses."

17 J'aimerais que nous reprenions votre article qui s'intitule "Statistiques

18 et Slobodan," un article que vous avez écrit avec Jane Asher en 2002, après

19 votre déposition dans l'affaire Milosevic. "Statistiques et Slobodan," un

20 article dans lequel vous utilisez les statistiques et l'analyse statistique

21 que vous avez présentées ici même, une publication où on trouve d'ailleurs,

22 je le signale, votre CV mis à jour.

23 Dans ce rapport, vous dites : "Aucune donnée n'était disponible au sujet

24 des déploiements ou des déplacements des forces yougoslaves pendant la

25 période en question. En tout cas pas de manière détaillée, de sorte que

26 nous n'avons pas pu mettre à l'épreuve l'hypothèse selon laquelle les

27 forces yougoslaves étaient responsables des décès des Albanais de souche

28 ainsi que de leur migration."

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1 Est-ce que vous souvenez avoir écrit cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Il est possible que dans tous les rapports que vous avez préparés,

4 "Politique et Panique," celui-ci ou autre, il est possible que j'ai manqué

5 quelque chose. Excusez-moi, si c'est le cas, mais essayez de me dire

6 pourquoi vous n'avez trouvé aucune donnée détaillée relative au déploiement

7 des forces serbes. Comment se fait-il que vous n'ayez trouvé aucune donnée

8 à ce sujet ? Veuillez, s'il vous plaît, nous aider à comprendre.

9 R. Nous avons trouvé un certain nombre de données, mais c'étaient des

10 données qui n'étaient pas suffisantes, qui étaient beaucoup trop limitées.

11 Par exemple, nous avons trouvé qu'il y avait des bases très importantes

12 dans certaines localités, puis des groupes de blindés dans d'autres zones,

13 et cetera. Mais c'étaient des informations qui étaient beaucoup trop

14 grossières pour nous permettre de tirer quelque conclusion que ce soit. Il

15 n'y avait aucune information sur les attaques, les assauts, en particulier

16 contre l'UCK. Rien qui énumère exactement le nombre de frappes aériennes,

17 et cetera. Nous n'avons pas pu trouver ces informations.

18 Q. Mais apparemment, vous avez trouvé sans difficultés les données sur

19 l'UCK -- Je ne veux pas minimiser vos efforts, mais en tout cas les données

20 sur l'UCK, vous les avez trouvées. Vous dites que pour ce qui est des

21 forces yougoslaves, en revanche, vous avez trouvé des données qui étaient

22 beaucoup trop parsemées. Où est-ce que vous avez cherché ?

23 R. J'ai parlé avec des analystes militaires à Washington. Ils n'en

24 connaissaient pas grand-chose. Ils m'ont dit que sans doute le ministère de

25 la Défense à Washington disposait-il de ces données; c'est sans doute ce

26 que j'aurais demandé si la personne du service des relations publiques

27 m'avait rappelé.

28 Q. [aucune interprétation]

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1 R. En tout cas, tous ces gens avec qui je me suis entretenu étaient peu

2 optimistes. Selon eux, je n'allais pas trouver grand-chose. Les données sur

3 l'UCK et sur l'OTAN, ce n'étaient pas des données qui étaient très

4 difficiles à trouver, parce que c'étaient des données qu'on trouvait sur

5 les sites internet du gouvernement yougoslave.

6 Q. Qu'en est-il du rapport de quelque 958 pages qui a été publié par le

7 ministère des Affaires étrangères longtemps avant que vous ne commenciez à

8 écrire vous-même votre rapport ? Est-ce que vous n'auriez pas pu le

9 consulter ?

10 R. Il y a ici quelque chose qui vous rappellera peut-être ce qui se passe

11 dans le domaine du droit. Vous pourrez me le confirmer ou pas, mais je

12 n'affirme nullement que j'y connais quoi que ce soit en droit.

13 Q. J'espère que vous pensez quand même que je connais un petit peu mieux

14 les statistiques.

15 R. Non, ne le prenez pas mal. Les éléments qui apportent une preuve

16 négative de quelque chose ont toujours plus de poids que ceux qui vont dans

17 le sens contraire. Donc les éléments qui étaient publiés en temps réel par

18 les ministères yougoslaves sur leurs propres sites me paraissaient beaucoup

19 plus intéressants que ce qu'ils publiaient sur leurs sites internet que

20 plus tard, parce que tout ce qui était publié plus tard, cela aurait pu

21 faire l'objet d'un toilettage, alors que ce qui était publié en temps réel,

22 c'était publié sur les sites internet en temps réel avec les noms. On

23 dénonçait les criminels de l'OTAN, les frappes aériennes de l'OTAN. Le but

24 recherché par ces sites internet était extrêmement clair. J'avais confiance

25 dans la véracité de ce qui figurait sur ces sites, parce que c'était dans

26 leur propre intérêt. Je pensais que cela me paraissait être la meilleure

27 manière de mettre à l'épreuve cette hypothèse relative à l'implication de

28 l'OTAN et de l'UCK. Mais utiliser les sources yougoslaves au sujet du

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1 mouvement de leurs propres troupes m'aurait paru assez douteux.

2 Q. Et pour les mouvements de l'UCK ?

3 R. Cela ne faisait pas partie de notre analyse. Ce qui faisait partie de

4 notre analyse, c'est l'interaction entre l'UCK et les autorités

5 yougoslaves, les bombardements, l'attentat, et cetera, les victimes dans

6 les rangs yougoslaves. Ceci on le trouvait dans les sites internet.

7 Q. La raison pour laquelle vous n'avez pas obtenu d'information sur le

8 déploiement des forces yougoslaves était que vous n'étiez pas en mesure de

9 le faire, car vous n'avez trouvé aucune activité des forces yougoslaves qui

10 était indépendante d'une interaction avec l'UCK, n'est-ce pas un fait ?

11 R. Non, cela me paraît même absurde.

12 Q. Je vais vous demander de vous reporter sur votre article "Statistiques

13 sur Slobodan."

14 R. Hm-hm.

15 Q. 3D520, pages 394. Veuillez bien placer ceci sur l'écran, s'il vous

16 plaît, page 394. Veuillez l'agrandir du côté gauche, s'il vous plaît.

17 Voilà. Ça y est.

18 Ce que vous venez de dire, vous venez de dire que c'est absurde --

19 R. Hm-hm.

20 Q. -- cela correspond mot pour mot avec ce qu'il est dit dans cet article.

21 "Nous n'avons pas pu néanmoins obtenir des données sur les activités de

22 l'armée yougoslave qu'elles soient indépendantes de toute interaction avec

23 l'UCK."

24 Est-ce que vous voulez revoir votre déposition ?

25 R. Non, car cette déclaration a été faite en dehors du contexte qui

26 est celui-ci aujourd'hui. "Nous n'avons pas pu obtenir de données sur les

27 forces yougoslaves indépendantes d'une interaction avec l'UCK des sources

28 utilisées pour cette analyse --"

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1 Q. N'est-il pas vrai de dire que les actions menées par l'UCK et les

2 forces yougoslaves étaient tellement liées entre elles au niveau du temps

3 et du lieu, que c'est quasiment impossible de séparer les deux. N'est-ce

4 pas un fait, Monsieur Ball ?

5 R. Non, en fait, ce n'est pas un fait du tout à ma connaissance.

6 Q. Etant donné la dynamique que nous avons évoquée, en guise de

7 conclusion, c'est que les Albanais de souche ont fui la région lorsqu'il y

8 avait des combats entre les deux armées et entre les forces serbes et

9 l'UCK ?

10 R. Ecoutez, vous venez de supposer que ce que j'ai répondu en guise de

11 réplique était une affirmation. Non. Peut-être que vous devriez revoir

12 ceci. Ce que j'ai dit c'est que non ce n'était pas un fait à ma

13 connaissance, et vous avez redit la même chose comme si je le réaffirmais.

14 Q. Je vous en prie, allez-y.

15 R. Ce que j'ai dit c'est ceci : je ne pense pas que ce soit le cas que les

16 activités de l'UCK et des forces yougoslaves soient si proches dans le

17 temps et dans l'espace, qu'il est quasiment impossible de les séparer.

18 Q. Est-ce que vous acceptez, vous reconnaissez qu'il s'agit d'une

19 alternative raisonnable ?

20 R. Non, pas forcément. Je crois qu'il nous faudrait davantage

21 d'informations.

22 Q. Mais voyons --

23 R. La façon dont un statisticien aborderait le problème serait de

24 considérer la taille relative des deux forces. Si les deux forces étaient

25 semblables en matière d'effectifs, à ce moment-là, ce serait peut-être une

26 proposition raisonnable. Néanmoins, tous les éléments de preuve semblent

27 indiquer que les effectifs des forces yougoslaves et de l'UCK étaient

28 radicalement différents.

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1 Q. Je vais vous interrompre quelques instants. Avez-vous jamais entendu

2 parler d'un homme appelé Bislim Zyrapi, qui a témoigné dans ce prétoire et

3 a expliqué que l'UCK comptait quelque 18 000 personnes, et qu'il est passé

4 d'une armée de guérilleros à une armée régulière en très peu de temps, que

5 cela avait la capacité de guérilleros et ils étaient soutenus par un

6 pourcentage important de la population albanaise. Est-ce que ceci

7 changerait un petit peu ce que vous êtes en train de dire ?

8 R. Ecoutez, mon analyse s'est plutôt penchée sur les interactions entre

9 les forces de l'UCK et les forces yougoslaves sur le fait que tout

10 témoignage qui ait été fait ici, en regardant les données, indique qu'il y

11 avait très peu de liens ou d'interactions entre les forces yougoslaves et

12 l'UCK. Par voie de conséquence, il me semble que c'est peu probable qu'il y

13 ait une parité ici en termes d'effectifs ou d'interactions au cours de

14 cette période. Par conséquent, ce que vous vouliez me faire dire, -- je ne

15 le retrouve plus à l'écran maintenant.

16 Q. Ce que je vous suggère avec tout le respect que je vous dois, Monsieur

17 Ball, c'est que comme vous, ces réfugiés qui fuyaient n'étaient pas en

18 mesure d'établir une distinction entre les activités qui étaient

19 indépendantes d'interactions entre l'UCK et les forces yougoslaves, que les

20 réfugiés n'étaient pas non plus en mesure d'établir un distinguo entre les

21 forces serbes et l'UCK. Simplement ils fuyaient des zones de combat, parce

22 que c'est là qu'il y avait des activités entre les deux forces opposées ou

23 adverses. Ce que j'ai dit en tout cas, vous ne pouvez pas accepter ce que

24 je viens de dire comme étant une éventualité raisonnable ?

25 R. Non, je ne peux pas. Parce que justement le but de cette analyse, c'est

26 de démontrer dans le temps et dans l'espace les interactions entre l'UCK et

27 les forces yougoslaves ne coïncident pas avec le mouvement des réfugiés ou

28 des meurtres. Si votre hypothèse était exacte, à ce moment-là, il y aurait

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1 des interactions entre l'UCK et les autorités yougoslaves.

2 Q. Il s'agit toujours de ces données que vous n'avez pas pu obtenir,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Pardonnez-moi. Peut-être qu'il faudrait revoir ceci. A l'annexe 3, nous

5 avons deux pages de ceci, et j'ai publié en ligne la base de données de

6 l'UCK des faits et des interactions avec les forces yougoslaves. Avez-vous

7 pu voir ceci ? Ceci répondrait peut-être à votre question.

8 Q. Monsieur, pardonnez-moi, je ne suis pas là pour répondre à vos

9 questions.

10 R. Je tente simplement de préciser les choses. Sur ces données qui sont en

11 ligne, qui sont en ligne depuis 2003, depuis que je suis venu ici, à

12 l'annexe 3, ici on donne les détails des sources de l'UCK. Les données de

13 l'UCK indiquent qu'il y a eu des interactions entre l'UCK et les forces

14 yougoslaves. Il s'agit précisément du --

15 Q. Monsieur, je crois que tout va bien. Vous pouvez continuer.

16 R. Il s'agit précisément du type de conflit, si j'ai bien compris votre

17 question, vous avez laissé entendre qu'on pourrait confondre les éléments

18 en question, et c'est la raison pour laquelle les gens fuyaient. A savoir

19 si c'est vrai ou non, ces conflits se sont produits après les meurtres et

20 les migrations. C'est justement ce qu'indique le graphique numéro 29 dans

21 le rapport le plus récent, et c'est précisément ce qu'indique l'analyse de

22 régression qui a été faite dans le rapport de janvier 2002.

23 Q. Là où je voulais en venir, c'est que les activités des forces

24 yougoslaves - dans votre article vous parlez d'armée yougoslave - je pense

25 que vous entendiez les forces yougoslaves qui étaient indépendantes. Il n'y

26 avait pas d'interactions avec l'UCK. Ces deux derniers étaient mêlés de

27 façon explicable, mais enfin, ce n'est pas le lieu ni le moment ici.

28 Je vais maintenant me reporter à ce que vous appelez -- vous avez dit

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1 que vous ne pouvez pas véritablement établir le bien-fondé d'une hypothèse

2 en vertu de quoi les forces yougoslaves seraient responsables de la

3 migration et des meurtres des Albanais de souche, mais vous dites qu'il y a

4 des facteurs particulièrement importants et qui sont liés aux circonstances

5 -- au point 5.4 de votre rapport, et la pièce de l'Accusation 1506, vous

6 dites :

7 "Une des conclusions qui découle de cette étude montre qu'il y a un

8 rapport lié aux circonstances entre les activités de l'armée yougoslave et

9 un schéma qui revient sans cesse et qui reproduit les meurtres et le flux

10 de réfugiés". Ensuite, vous parlez de ce "déclin extrême du nombre de

11 meurtres, de flux de réfugiés qui ont été observés pour la période qui va

12 du 7 avril et qui coïncide avec le cessez-le-feu unilatéral déclaré par les

13 autorités yougoslaves en raison de la reconnaissance de la Pâque

14 orthodoxe."

15 Est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Monsieur Ball, maintenant puis-je vous proposer une autre alternative.

18 La raison pour laquelle il y a eu ce déclin soudain au niveau des flux des

19 réfugiés, c'est qu'immédiatement après le cessez-le-feu à 3 heures de

20 l'après-midi le 7 avril 1999, les autorités yougoslaves ont fermé la

21 frontière et le nombre de réfugiés, par conséquent, entrant en Albanie a

22 chuté et est passé de

23 10 000 à 2 000 jusqu'au moment où on a rouvert la frontière le matin du 10

24 avril 1999. Je vous soumets cette question-là : au moins, il ne s'agissait

25 pas d'une autre alternative ou d'une raison qui permettrait de justifier le

26 flux des réfugiés et la chute qui est allée à zéro quasiment. N'est-ce pas,

27 à votre avis, quelque chose de tout à fait acceptable ?

28 R. Oui, c'est une déclaration qui me semble tout à fait acceptable, nous

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1 l'avons longuement analysée.

2 Q. Très bien.

3 R. J'aimerais que vous compreniez la logique qui sous-tend ceci.

4 Q. Très bien. Je vous en prie, allez-y.

5 R. Pour deux raisons : parce que les meurtres correspondent à ce schéma

6 précisément. Il ne me semble pas que le fait de fermer la frontière, cela

7 n'a pas d'incidence à la migration mais sur les meurtres - cela, c'est la

8 première des deux raisons - et nous n'avons pas estimé que ceci était

9 particulièrement significatif.

10 Notre analyse porte sur les personnes qui ont quitté leurs foyers,

11 leurs maisons. C'est ce qu'indique le rapport sur "Politique ou panique." A

12 ce moment-là, j'explique que plutôt que de faire une étude détaillée et

13 fastidieuse des données statistiques, nous avons établi une projection en

14 abordant la période qui a précédé les personnes qui sont parties de chez

15 elles, qui ont traversé la frontière, personnes qui sont parties de chez

16 elles. Nous n'avons pas compté le nombre de personnes qui traversaient la

17 frontière et qui seraient particulièrement vulnérables, plutôt les

18 personnes qui ont quitté leurs foyers. Ceci nous intéressait bien

19 davantage.

20 Si on regarde ici les temps de transit, les personnes qui étaient en

21 route vers la mi-avril, on constate ici qu'il y a un changement très

22 important. Nous n'avons pas constaté qu'ils ont été retenus pendant une

23 période de trois à quatre jours au mois d'avril par rapport au début du

24 mois d'avril. Les gens n'ont pas quitté leurs foyers à ce moment-là.

25 Q. Les gens quittaient leurs maisons, ensuite il y avait une longue

26 colonne de réfugiés. Vous ne savez pas qu'à ce moment-là il y avait une

27 longue colonne de réfugiés. Il y avait la frontière qui a été fermée et la

28 longue colonne de réfugiés a dû faire marche arrière. Les autorités serbes

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1 leur ont dit de rentrer chez eux.

2 R. C'est exact. Il y avait des personnes qui avaient quitté leurs foyers

3 le 6 avril. Ce qui nous intéresse ici, c'est les personnes qui quittaient

4 leurs foyers entre le 6 et le 10 avril.

5 Q. Vous ne savez pas cela ? Si ?

6 R. "Ceci," qu'est-ce que c'est ? Je ne vous suis plus.

7 Q. Vous avez dit que des gens ont quitté leurs maisons le

8 6 avril, et lorsque --

9 R. Qu'ils sont venus le 7.

10 Q. Vous souvenez des interviews du "London Guardian," l'article du 31 mars

11 2002 ? Quel est le numéro 3D ?

12 R. Je ne me souviens pas de l'entretien en question, mais est-ce que vous

13 pourriez l'afficher à l'écran.

14 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Président, ceci m'a été précisé.

15 La réponse est à la page 103, ligne 21.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pardonnez-moi, c'est une réponse, mais

17 cela s'applique aux deux phrases ?

18 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne sais pas. Peut-être que nous allons

19 préciser ceci. Je ne suis pas sûr, nous allons retourner en arrière.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Je ne comprends pas, Monsieur

21 Ball. Peut-être que vous pourriez simplement nous l'expliquer. Je comprends

22 peut-être que vous avez rassemblé des données statistiques de personnes qui

23 ont, en réalité, passé la frontière.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, si les frontières sont fermées,

26 quelle est la source d'information à partir de laquelle vous pouvez

27 travailler, si vous repartez en arrière et que vous partez de la date à

28 laquelle les personnes sont parties de chez elles ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question très importante. Nous nous

2 sommes penchés pendant des mois. Ce que nous avons fait, nous avons procédé

3 comme suit : nous avons préparé plusieurs milliers d'interviews avec des

4 gens qui se sont trouvés dans les camps de réfugiés, surtout en Albanie, en

5 Bosnie et en Macédoine. Les questions que nous leur avons posées sur

6 l'ensemble des études qui ont été faites par mes équipes et d'autres qui

7 ont été faites par les médecins travaillant pour des organisations droits

8 de l'homme, nous leur avons demandé : Vous avez quitté vos foyers en

9 Albanie, et quand avez-vous passé la frontière ? Il y a deux dates

10 différentes. Très souvent, il y avait les mêmes dates; et d'autres fois,

11 les dates étaient différentes.

12 Lorsqu'il y avait des dates différentes, c'est à ce moment-là que

13 nous avons calculé le temps de transit ou le temps en transit de ces

14 personnes, le temps que les personnes ont passé sur les routes, entre le

15 moment où ils étaient chez eux ou le moment ils sont arrivés à la

16 frontière. Nous avons utilisé donc ce schéma pour créer un modèle et voir

17 ces personnes qui ont traversé la frontière. Ce modèle variait selon le

18 nombre de personnes qui ont quitté leurs maisons et ceux qui ont passé la

19 frontière. Et nous n'avons pas pu corriger le modèle. Nous avons pu

20 corriger le modèle lorsque cela s'avérait nécessaire, de façon à refléter

21 exactement les conditions différentes des personnes qui devaient partir de

22 chez elles pendant le conflit. Ceci est détaillé dans l'annexe à ce rapport

23 intitulé "Politique et panique." Ensuite, la question précise de savoir que

24 se passe-t-il lorsque la frontière est fermée ? Est-ce que les gens ne

25 partent plus de chez eux ? Est-ce qu'ils sont dans une longue file

26 d'attente avant de pouvoir traverser ? D'après ce que je comprends, la

27 plupart - en fait, il y avait beaucoup moins de gens qui quittaient leurs

28 foyers, quasiment zéro, que ceux qui partaient leurs maisons avant le 6 et

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1 après le 10 avril.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pardonnez-moi. Encore une fois, je ne

3 comprends pas quelles sont vos sources ici.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas comment un modèle

6 peut vous être utile dans un cas comme celui-ci, lorsqu'il n'est plus

7 possible d'obtenir des éléments d'information parce que la frontière était

8 fermée.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que nous n'avons pas rassemblé

10 d'information de gens qui précisément passaient à la frontière. Nous

11 prenions des données rétrospectivement des mois d'avril et mois de mai de

12 gens qui avaient quitté les camps de réfugiés en Albanie et en Macédoine.

13 Nous leur avons demandé, en fin mai et fin avril s'ils avaient quitté leurs

14 foyers, et ils ont dit que c'était le 2 avril. Nous leur avons ensuite

15 demandé : Quand avez-vous passé la frontière ? Ils disaient, ce jour-là ou

16 le jour suivant ou deux jours plus tard. Et à ce moment-là ils avaient

17 passé un moment chez leurs cousins, ou qu'ils sont arrivés six jours plus

18 tard ou je ne sais pas.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que justement ceci ne fournit

20 pas toute une série de réponses d'un coup ? Cela montre bien que personne

21 ne passait la frontière puisque la frontière était fermée ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce que nous avons constaté, et

23 c'est bien ce qui est documenté en détail dans ce rapport "Politique et

24 panique."

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois.

26 M. SEPENUK : [interprétation] Simplement pour en terminer, Monsieur le

27 Juge.

28 Q. 3D522, page 489. Tout en bas, là vous expliquez que c'est arrivé au

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1 moment du cessez-le-feu, et vous dites : "Il y avait une coïncidence

2 suffisante permettant de dire que le nombre de réfugiés et le nombre de

3 personnes qui avaient été tuées tombe à zéro. Bien à zéro, comme si une

4 porte se fermait."

5 Je vous propose, Docteur Ball, qu'il y avait une autre explication

6 raisonnable pour expliquer le déclin du flux de réfugiés juste à ce moment-

7 là, c'est que la frontière était fermée ?

8 R. Hm-hm.

9 Q. Bien, Monsieur.

10 M. STAMP : [interprétation] Je suppose que c'était une question. Est-ce que

11 le témoin serait autorisé à répondre.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que M. Stamp souhaite changer

13 son fauteuil avec le mien.

14 Cette réponse -- pardonnez-moi, cette citation à partir de laquelle

15 vous dites que le nombre de réfugiés chute à zéro, pourriez-vous nous

16 expliquer ce que cela signifie, compte tenu des deux points qui sont

17 pertinents ici, à savoir le fait qu'il y ait un passage de frontière et le

18 fait qu'il y a un moment où les gens partent de chez eux ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm. Je me souviens très vaguement de cet

20 entretien. C'était l'entretien qui était très long, et je crois que ceci ne

21 le place pas dans le contexte de l'état dans lequel j'ai dit ceci aux

22 journalistes. Le nombre de personnes qui passaient la frontière, le nombre

23 de personnes qui ont été tuées a chuté à zéro, est passé à zéro. Lorsque

24 cela passe à zéro, c'est [inaudible]. Cela ne signifie pas qu'on arrive

25 véritablement à un zéro absolu, mais c'est assez proche. Si la porte

26 pourrait être fermée, c'est une explication plausible, mais qui ne permet

27 pas de fournir une explication pour le nombre de meurtres suivant la

28 configuration qui a été présentée. Egalement, cela ne tient pas compte --

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1 pardonnez-moi, des transitions, de la modification des données de personnes

2 qui sont parties de chez elles en passant la frontière. Ce modèle de

3 transformation passage de frontière à un modèle de moment où les gens sont

4 partis de chez eux, c'est principalement ce sur quoi porte ce rapport

5 "Politique et panique", et je serais tout à fait heureux de pouvoir en

6 parler davantage si les Juges le souhaitent.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Maître Sepenuk, dans le contre-interrogatoire de M. Milosevic, il y avait

9 deux questions portant sur le passage à la frontière et si des éléments

10 d'information étaient rassemblés à ce point de passage. Ceci ne fait

11 l'objet plus l'objet d'une controverse ?

12 M. SEPENUK : [interprétation] Je pense que cela pourrait faire l'objet

13 d'une controverse, Monsieur le Président, mais dans l'intérêt de -- nous

14 voulons aborder un certain nombre de choses aujourd'hui. Très honnêtement,

15 je ne sais pas du tout quelles sont les questions que mes collègues

16 souhaitent aborder aujourd'hui dans le contre-interrogatoire qui va suivre

17 le mien.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 Maître Ackerman.

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Ball. Est-ce que tout va bien ?

23 R. Oui, tout va bien.

24 Q. Vous pouvez encore tenir pendant une heure ?

25 R. Oui.

26 Q. Parce que lorsque je viens ici, je viens du Texas et il y a sept heures

27 de décalage. Je sais exactement comment vous vous sentez.

28 Au début de votre déposition, vous avez dit que vous étiez sociologue et

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1 statisticien. La première question que j'ai à vous poser porte sur votre

2 formation et vos études. D'après votre curriculum vitae, vous avez obtenu

3 votre licence de sociologie de la Columbia University à New York ?

4 R. C'est exact.

5 Q. En 1991, vous avez obtenu votre maîtrise en sociologie ?R. C'est

6 exact.

7 Q. En 1998, vous avez obtenu votre doctorat en sociologie ? R. C'est

8 exact.

9 Q. Le sujet de votre thèse qui, d'après le sujet de la thèse n'a rien à

10 voir avec la statistique, c'est plutôt une étude sociologique. Titre de la

11 thèse "Hypocrisie libérale et sincérité totalitaire. Les origines sociales

12 et idéologiques du mouvement national du droit de l'homme au Salvador,

13 Pakistan et en Ethiopie."

14 Il s'agit de sociologie pure, n'est-ce pas ?

15 R. La sociologie à l'Université de Michigan comporte toujours, comme je

16 l'indique au chapitre 3 [comme interprété], un élément de statistique.

17 Q. Cela c'est une dissertation ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Vous n'avez pas de diplôme en statistiques, n'est-ce pas ?

20 R. Non, Monsieur.

21 Q. Je suppose que vous avez suivi un cours de formation ou deux ?

22 R. Un cours de formation ou deux. Neuf semestres, si je me souviens bien.

23 Q. J'étais un peu facétieux lorsque j'ai dit un cours ou deux. Pour ce qui

24 est de l'analyse que vous avez faite dans le cadre de ce procès, je pense

25 que vous avez essayé d'être le plus logique possible en analysant les

26 processus ?

27 R. C'est exact.

28 Q. La logique est une composante importante lorsqu'on analyse quelque

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1 chose et qu'on réfléchit, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Je suppose que vous avez étudié la logique au lycée ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez étudié les principes essentiels de logique ?

6 R. Oui.

7 Q. Dans votre analyse, dans l'affaire qui nous concerne aujourd'hui, vous

8 avez essayé d'appliquer certains de ces principes logiques que vous aviez

9 étudiés à l'école ?

10 R. Oui.

11 Q. Et un des principes que vous avez appliqué est le principe de non

12 distribution --

13 R. Dans quel contexte, s'il vous plaît ?

14 Q. Dans le contexte de l'analyse des données dans ce qui nous concerne.

15 R. Je ne sais pas très bien si j'ai bien compris ce que vous voulez dire.

16 Q. Dites aux Juges de la Chambre ce que vous comprenez du principe du

17 milieu non distribué.

18 R. Je ne connais pas ce principe.

19 Q. Vous ne connaissez pas ce principe ?

20 R. Non.

21 Q. Je crois que cela remonte à Platon dans son dialogue.

22 R. Non, je ne sais pas.

23 Q. Vous avez lu cela ?

24 R. Un petit peu.

25 Q. Je vais vous soumettre un syllogisme --

26 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, mon microphone se

27 coupe de temps en temps donc je l'éteins.

28 L'INTERPRÈTE : Veuillez le rallumer, s'il vous plaît.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant on vous entend bien.

2 M. ACKERMAN : [interprétation]

3 Q. Voilà, je vais vous le soumettre. Vous connaissez bien le syllogisme

4 qui va comme suit : toutes les chèvres ont les cheveux longs, Jim a les

5 cheveux longs, par conséquent Jim est une chèvre.

6 R. Oui.

7 Q. Ceci illustre bien ce qui est fallacieux ici et ce qu'on appelle le

8 milieu non distribué ?

9 R. Cela illustre bien ce qui est une erreur ici.

10 Q. Il y a une discipline scientifique que l'on appelle la logique floue

11 appliquée à l'analyse des données ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous savez cela, je suppose. Il s'agit d'une proposition en vertu de

14 laquelle la logique floue a d'abord été évoquée. Je propose donc que vous

15 lisiez ceci, c'était l'article écrit par un chercheur du nom de Zadik.

16 M. STAMP : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, je souhaite

17 m'opposer aux questions qui sont posées ici. C'est aux Juges de la Chambre

18 d'en décider, mais le contre-interrogatoire devrait porter sur les rapports

19 du témoin et non pas de façon générale sur des syllogismes, des principes

20 anciens.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

22 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, on peut toujours

23 mettre en doute un expert sur les techniques et systèmes qu'il utilise et

24 les conclusions auxquelles il parvient et qui découlent de son analyse.

25 Pour l'instant, je suis simplement en train de sonder ceci pour voir s'il y

26 a fait attention et combien de ces principes il a utilisés.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous allez nous faire

28 confiance. Vous n'avez pas besoin de nous rappeler à l'ordre, mais de toute

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1 façon c'est intéressant. Nous allons en venir au fait assez rapidement et

2 ceci serait utile pour nous en tout cas.

3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais y venir rapidement, je promets.

4 Q. Je veux savoir si vous avez appliqué la logique floue dans vos analyses

5 dans cette affaire ?

6 R. Non.

7 Q. Est-ce que vous connaissez le livre de statistiques qui a été un best-

8 seller, qui s'est vraiment très bien vendu ?

9 R. Je ne sais pas, je suppose que je peux deviner.

10 Q. C'est un livre de Darrel Huff.

11 R. Oui, c'est Darrel Huff ou "Ce sont des statistiques qui on été mal

12 utilisées."

13 Q. Le livre de Darrel Huff s'est vendu à un demi million d'exemplaires. Il

14 était intitulé "Comment mentir en statistiques." Est-ce que vous connaissez

15 cet ouvrage ?

16 R. Je l'ai parcouru à plusieurs reprises et je ne sais pas très bien ce

17 qu'il contient.

18 Q. Vous savez à propos de quoi il écrit sur ce livre lorsqu'il parle de

19 graphiques qui induisent sur l'erreur ?

20 R. Bien sûr.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez de cela lorsqu'il dit que si les

22 graphiques portent à confusion que cela peut provoquer des erreurs non

23 intentionnelles de la part du chercheur ?

24 R. Je ne me souviens pas de cette citation en particulier, non.

25 Q. D'après lui, est-ce correct que même si vous avez l'intention de

26 permettre à certaines erreurs de se glisser dans votre recherche, un

27 graphique qui induit en erreur peut en résulter.

28 R. Il s'agit d'un truisme, n'est-ce pas, Monsieur ? J'entends truisme dans

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1 le sens de quelque chose que l'on ne peut pas falsifier.

2 Q. Hm-hm.

3 R. L'ancien --

4 Q. Je crois que nous pouvons nous servir de cet exemple. Regardons la

5 pièce P2678 à la page 7, s'il vous plaît.

6 R. Vous voulez parler de quel rapport, s'il vous plaît ?

7 Q. Du plus récent. Il s'agit d'un graphique que nous avons déjà regardé.

8 Vous le reconnaîtrez certainement dès qu'il sera affiché à l'écran.

9 M. ACKERMAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons l'élargir, s'il vous

10 plaît ?

11 Q. Nous en avons déjà longuement parlé aujourd'hui. Il s'agit ici de ces

12 nouvelles sources et documents du l'ICMP, du CICR, de l'OMPF et de données

13 superposées d'un graphique contenu dans vos documents précédents que vous

14 avez utilisés au moment de votre déposition dans l'affaire Milosevic; est-

15 ce exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. La façon dont c'est présenté ici, il semblerait, si vous jetez un coup

18 d'œil à ce graphique sans fournir d'explication sérieuse, si vous jetez un

19 œil, cela ressemble pour beaucoup à des données qui correspondent d'assez

20 près aux données présentées précédemment, si vous regardez l'endroit où

21 sont les pics et les données, et cetera ?

22 R. Oui, tout à fait.

23 Q. Cela c'est parce que ce graphique a été élaboré non pas en tant que

24 graphique indépendant mais quelque chose que l'on superpose, bien que cela

25 ne soit pas indiqué, c'est bien ce que c'est, n'est-ce pas ?

26 R. Non, je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là.

27 Q. Je vais vous expliquer. Vous utilisez une échelle pour les anciennes

28 données, là où il y a les 12 226 et le haut du graphique, vous utilisez une

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1 autre échelle pour le graphique suivant et le point le plus élevé est 526.

2 Mais lorsque vous superposez les deux, ils arrivent au même point.

3 R. Non, je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire. Je crois

4 qu'il y a un écart ici lorsque vous voulez parler du fait qu'ils se

5 suivent.

6 Q. Hm-hm.

7 R. Je peux expliquer ce point avec le graphique. Je peux montrer les

8 échelles et vous dire comment il y a les pics, et cetera, et que cela

9 ressemble -- est-ce que je peux finir ?

10 Q. Allez-y.

11 R. Toute analyse de corrélation ne fera pas de différence au niveau des

12 échelles. Il s'agit d'une analyse de corrélation entre deux séries

13 différentes. Par conséquent, la différence au niveau de l'échelle n'est pas

14 pertinente. En réalité, si les échelles sont les mêmes, ceci nous permet de

15 comprendre quelles sont les corrélations. C'est justement le but de ce type

16 de graphique.

17 Q. C'est vrai que je ne le saurais pas si vous ne pouviez pas m'expliquer.

18 Mais si je jetais simplement un œil ce qui me frappe ce sont les

19 similitudes surtout pour ce qui est de l'endroit où se trouve ce premier

20 pic.

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Ceci m'a été précisé. Ceci se trouve à la

22 page 113, ligne 19, 526, ce que j'ai dit c'est que 526, cela devait être 1

23 226. Effectivement, c'est différent.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Merci.

25 M. ACKERMAN : [interprétation]

26 Q. Je souhaite que l'Huissier vous montre maintenant un graphique assez

27 grossier. J'insiste sur le graphique un peu grossier qui n'est pas élaboré

28 avec finesse comme les vôtres. J'ai essayé d'utiliser le chiffre 1 226

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1 comme étant le point le plus élevé et j'ai essayé d'insérer les données là

2 où elles correspondraient. Est-ce que vous pouvez le placer sur le

3 rétroprojecteur pour qu'on puisse le voir ?

4 Ce que j'ai fait, j'ai utilisé votre échelle avec 1 226 pour y

5 insérer les données 439 qui sont en rouge et ceci a été mal dessiné, je

6 reconnais, mais pour ce qui est des données brutes ici, ceci vous donne une

7 image plus exacte des données brutes et des différences entres les sources,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Quel est l'objectif ? Si l'objectif consiste à voir les valeurs

10 absolues, d'accord. Si l'objectif consiste à poser la question : est-ce

11 qu'en ajoutant de nouvelles données aux données anciennes modifie les

12 résultats ? Malheureusement votre graphique ne nous dit pas grand-chose. Ce

13 que l'on pourrait demander comme question si l'on veut utiliser les deux

14 graphiques c'est : quel serait le coefficient de corrélation entre les deux

15 séries ? Ceci n'est pas indiqué mais je peux vous le calculer si vous le

16 voulez de façon assez rapide et je me souviens que cela doit correspondre à

17 un 1.75 [comme interprété] à peu près, et je concède que votre graphique

18 fournit des éléments d'information mais je conteste le fait que ce soit un

19 graphique approprié compte tenu de la question qui a été posée dans ce

20 contexte.

21 Q. Je sais ce qui vous préoccupe beaucoup c'est l'intégrité des données,

22 surtout lorsque vous utilisez des données de sources très différentes ?

23 R. Non, pas du tout. Ce qui est important ici c'est que nous avons des

24 données de dénombrement de données qui peuvent être comptées dans les trois

25 nouvelles sources par opposition aux données estimées qui tiennent compte

26 des données que nous n'avons pas pu dénombrer parce qu'on s'est trompé. Par

27 conséquent, cela ne devrait pas être des séries qui devraient être

28 comparées en termes de pics et de valeurs, c'est ce qui est fait au niveau

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1 de la figure 2. Ces données ne pourraient pas être comparées en termes de

2 valeurs absolues, comme vous l'avez fait ici dans votre graphique dessiné à

3 la main et assez bien dessiné. Si vous souhaitez prendre votre graphique

4 assez bien dessiné et le comparer de façon plus appropriée aux nouvelles

5 données, à ce moment-là, je vous demanderais de vous reporter à la figure

6 1, à l'index 2 du rapport de l'année 2002 que j'ai évoqué ce matin. Il

7 s'agit là du graphique qui contient les données originales des chiffres des

8 données comptées, ce qui serait plus approprié par rapport à ce que vous

9 venez de me montrer.

10 Q. Bien. J'en ai terminé sur ce sujet.

11 M. ACKERMAN : [interprétation] Je voudrais que ce document soit enregistré

12 en tant que pièce à conviction, Monsieur le Président. Ce sera une cote en

13 4D, mais je n'ai pas la moindre idée du chiffre qui doit suivre. Peut-être

14 pourrait-on l'introduire dans le système sous une cote. En tout cas il faut

15 la cote.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC121, Monsieur le

17 Président.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien. Merci. Cela me convient aussi.

19 Q. Ce processus analytique, quand vous l'entamez, vous le faites, je

20 crois, sur la base de connaissances générales qu'il y a eu un grand nombre

21 d'Albanais de souche qui ont été tués, n'est-ce pas ?

22 R. Bien, non. Je commençais par l'observation qu'il y avait eu un grand

23 nombre de réfugiés. Je ne savais pas combien de décès il y avait et en

24 réalité, même après la rédaction de mon premier rapport, je n'avais pas une

25 idée très claire du nombre de décès qui avait eu lieu.

26 Q. Un moment est arrivé où vous avez sûrement soupçonné qu'il y avait un

27 grand nombre de décès et vous avez, à ce moment-là, commencé à travailler

28 sur cette question en appliquant des méthodes statistiques pour parvenir à

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1 un chiffre que vous estimiez être le chiffre reflétant le plus fidèlement

2 possible le nombre réel de décès ?

3 R. Il y a eu quelque chose de ce genre, oui.

4 Q. Dans votre rapport au paragraphe 1.3 du rapport original que vous avez

5 établi pour le bureau du Procureur, vous indiquez que vous êtes parvenu à

6 une estimation égale à 10 356 individus ?

7 R. Excusez-moi, pouvez-vous me redonner le numéro du paragraphe ?

8 Q. 1.3.

9 R. Oui.

10 Q. Vous l'avez trouvé ?

11 R. Hm-hm.

12 Q. Il est écrit là que vous êtes parvenu à une estimation égale à 10 356

13 individus; ceci est-il exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. La première chose qui me frappe à ce sujet c'est la précision apparente

16 de ce chiffre pour une estimation.

17 R. Des estimations peuvent être précises. Quand nous interprétons un

18 chiffre, nous l'interprétons dans une marge d'erreur qui précise quelle est

19 l'erreur possible, en plus ou en moins, par rapport à un point précis

20 d'estimation en fonction de tendances et de modèles sur lesquels nous

21 travaillons dans le temps.

22 C'est la raison pour laquelle tous les graphiques que l'on trouve

23 dans les annexes s'accompagnent d'un graphique ou d'un tableau indiquant la

24 marge d'erreur que nous estimons pouvoir associer à chaque point dans le

25 temps et dans l'espace. Par exemple, à la figure 12 de l'annexe 3, vous

26 trouverez un graphique de ce genre. La figure 11 de l'annexe 2 du même

27 rapport vous montre également un tel graphique.

28 Q. Tout cela est très intéressant, mais je ne pense pas que cela avait

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1 quoi que ce soit à voir avec ma question. Ma question consistait à vous

2 demander : lorsque vous établissez une estimation, comment parvenez-vous à

3 un chiffre aussi précis que 10 356 ? Pourquoi pas 10 300 ou 10 400 ? Ce qui

4 me semble ressembler davantage à une estimation. C'était ma question. Je

5 voudrais que vous y répondiez.

6 R. D'accord. Une estimation n'est pas un chiffre établi au hasard, mais le

7 résultat de calculs assez précis. Nous rendons compte des résultats exacts

8 de ces calculs, mais nous rendons compte également de la possibilité d'une

9 certaine incertitude quant à la précision de ces calculs. Voilà comment

10 fonctionnent les statistiques. Si nous avons un certain nombre de personnes

11 qui sont sorties de cette pièce, que nous choisissons la moitié des

12 personnes présentes de cette pièce et que je mesure leur poids, je peux

13 aboutir à une moyenne exacte du poids de ces personnes. Si vous me demandez

14 ensuite d'appliquer ce poids moyen à toutes les personnes de la pièce, je

15 vous répondrai la mesure précise de l'échantillonnage est 175 livres mais

16 avec une marge d'erreur en plus ou en moins de 20 ou 30 livres. D'accord.

17 Mais le point d'estimation de départ est un point précis, c'est une moyenne

18 précise. C'est un point, un chiffre précis qui constitue l'estimation du

19 nombre total de décès. Aucun statisticien ne travaillerait sur la base de

20 ce chiffre comme étant un chiffre exact. Nous travaillons en utilisant

21 l'intervalle de confiance, la marge d'erreur en plus ou en moins par

22 rapport à ce chiffre, et d'ailleurs vous avez une description assez

23 détaillée de la marge d'erreur dans l'annexe au rapport où vous trouvez

24 également la méthode utilisée pour la calculer.

25 Q. Je comprends. Je suis d'accord que 10 356 ce n'est pas un chiffre

26 établi au hasard; c'est un chiffre dérivant de l'application de méthode

27 statistique par rapport à d'autres chiffres, je suppose, n'est-ce pas ?

28 R. Non, c'est un chiffre qui découle statistiquement de recensement fait à

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1 partir de nos sources auxquelles nous appliquons la technique courante que

2 l'on appelle la technique des estimations par systèmes multiples qui nous

3 permet d'aboutir à ce chiffre.

4 Q. Nous reviendrons sur ce point plus tard.

5 R. Hm-hm.

6 Q. Pour nous montrer et nous démontrer avec quel soin vous avez travaillé

7 pour parvenir à ce chiffre de 10 356, veuillez nous dire en note en bas de

8 page numéro 4, on voit que tous les programmes statistiques sont liés à une

9 estimation des résultats établis indépendamment par deux analystes

10 utilisant deux ordinateurs différents, des logiciels différents et

11 aboutissant à des résultats identique; c'est bien cela ?

12 R. Exact.

13 Q. Ces deux analystes indépendants ne partagent pas le même logiciel ou le

14 même ordinateur ou agissent-il autrement ?

15 R. Nous avons partagé ce que nous faisions, cela c'est sûr.

16 Q. Vous avez partagé vos données, c'est sûr ?

17 R. Nous avons partagé les données initiales et nous avons partagé le même

18 raisonnement et les mêmes méthodes.

19 Q. Et vous êtes parvenus tous les deux au chiffre de 10 356 ?

20 R. En arrondissant, oui.

21 Q. C'est cela dont nous étions en train de parler. Je vous ai demandé

22 comment vous étiez arrivé à ce chiffre très précis de 10 356 en vous disant

23 : est-ce que cela n'aurait pas été plus logique de parler de 10 400 ou --

24 R. Mais on le calcule --

25 Q. Attendez une seconde. Vous parlez de 10 356 et ensuite d'avoir

26 arrondi ?

27 R. Nous avons appliqué des calculs de fractions si cela intéresse la

28 Chambre.

Page 10317

1 Q. Je voudrais savoir comment cela aurait pu modifier vos conclusions au

2 sujet du nombre de décès si, par exemple, le chiffre en question avait de

3 20 742 ?

4 R. Je suis désolé. J'ai perdu mes écouteurs. Bien. Cela dépend de la

5 distribution dont relèverait ce chiffre de 20 742. Peut-être que le résulta

6 n'aurait pas été affecté, mais modifié. Tout dépend du temps et de l'espace

7 et de la distribution que l'on choisit pour ces 20 742 personnes.

8 Q. Il est permis de dire qu'il aurait pu n'y avoir aucune modification ou

9 une modification très importante ou quelque chose qui se situerait entre

10 les deux ?

11 R. Il y a toutes sortes de modèles possibles dont nous rendons compte en

12 annexe 2 et avec certains, on atteint un chiffre égal à

13 20 000 ou plus. J'ai vérifié tous ces modèles, aucun d'entre eux n'était

14 fondamentalement différent de celui que nous avons ici. Si l'estimation

15 était beaucoup plus importante, tout en étant produite avec les mêmes

16 méthodes et les mêmes techniques que celles que j'ai utilisées dont je

17 rends compte dans mon rapport, je doute fort que les résultats auraient été

18 différents. Si une technique radicalement différente avait été utilisée, on

19 serait arrivé à un résultat différent, c'est possible.

20 Q. Alors la question évidente est la suivante : pourquoi faire ce travail

21 statistique très détaillé et long avec deux personnes travaillant

22 indépendamment sur des ordinateurs différents pour parvenir un chiffre de

23 10 356 si on aurait pu se contenter de prendre un chiffre au hasard et que

24 cela n'aurait fait aucune différence. Prenons, par exemple, le chiffre de 7

25 000 ou le chiffre de 12 000. Cela ne ferait aucune différence ?

26 R. Parce que ce n'est pas comme cela que l'on travaille scientifiquement.

27 Q. Je sais que ce n'est pas comme cela que l'on travaille

28 scientifiquement, mais s'il n'y a aucune différence quand l'estimation est

Page 10318

1 doublée ?

2 R. Je suis un peu surpris par votre question. La question c'est : si vous

3 pensez connaître la réponse, est-ce que vous pouvez la créer de toutes

4 pièces ? C'est à peu près cela que vous me demandez ?

5 Q. Non. Ce que je vous demande c'est : est-ce que l'analyse approfondie

6 que vous avez effectuée a la moindre importance par rapport à la

7 détermination de ce chiffre ? Je crois que vous m'avez dit que ce n'était

8 pas le cas ?

9 R. Le chiffre absolu n'est pas la clé de l'analyse, non.

10 Q. Hm-hm.

11 R. Ce qui est la clé de l'analyse, c'est la distribution de ce chiffre

12 dans le temps et l'espace. Cela c'est le plus important.

13 Q. On peut partir de n'importe quel chiffre aussi longtemps qu'on le

14 distribue de la même façon ?

15 R. Ce n'est pas vous qui le distribuez. Aussi longtemps que la

16 distribution de ce chiffre est la même. L'analyste n'est pas responsable de

17 la distribution. La structure de cette phrase a son importance.

18 Q. Est-ce que c'est le programme qui établit la distribution ?

19 R. Non, ce sont les données de départ qui sont responsables de la

20 distribution.

21 Q. Les données de départ vous ont donné des renseignements au sujet des

22 décès et n'incluaient pas des chiffres aussi importants que 10 356, n'est-

23 ce pas ?

24 R. Oui. Elles incluaient le chiffre de 4 400.

25 Q. Très bien. Est-ce que vous savez que le chiffre le plus important pour

26 le dénombrement des Albanais de souche décédés au Kosovo est de 4 200 ?

27 R. Je pense que c'est peut-être le chiffre le plus important dans les

28 documents. Encore une fois, le but de l'analyse c'est d'inclure des

Page 10319

1 éléments qui n'ont pas été repris dans les documents existants et qui ne le

2 seront sans doute jamais.

3 Q. Si on parle de recensement de tous les cadavres qui ont été découverts

4 et de l'identification d'un grand nombre de personnes portées disparues,

5 qui ne sont pas réapparues et qu'on parvient au chiffre de 4 200, on ne

6 peut probablement pas modifier grandement ce chiffre. C'est le chiffre cité

7 actuellement, à l'heure actuelle il est très différent de 10 356 --

8 R. Bien --

9 Q. Si cela est exact ou pas, je ne saurais le dire. Je vous demande

10 simplement si par hypothèse le chiffre tournait autour de

11 4 200 et que c'était le chiffre réel, l'estimation que vous avez obtenue

12 par des méthodes statistiques serait supérieure à plus de

13 150 % à ce chiffre, n'est-ce pas ?

14 R. Vous venez de mettre face à une hypothèse absolument fascinante dans

15 votre question. Revenons un peu en arrière et voyons quelle hypothèse peut

16 servir à répondre à votre question. L'hypothèse c'est que parce que des

17 gens ont identifié uniquement 4 200 cadavres, comme étant ceux de personnes

18 portées disparues, il n'y en a pas davantage. J'ai travaillé dans de

19 nombreux pays où il y a eu des atrocités de masse depuis le Pérou jusqu'au

20 Guatemala en passant par l'Afrique du Sud et le Timor oriental, et selon

21 mon expérience, l'identification est un phénomène très difficile.

22 Il est très rare que suite à des atrocités de masse on identifie plus que

23 quelques dizaines de personnes parce que certaines familles ne rendent pas

24 compte des décès ou des disparition et parce qu'un grand nombre de

25 personnes ont pris la fuite. Il est possible que des familles entières

26 quittent le pays et à ce moment-là, elles n'ont aucune raison d'en rendre

27 compte.

28 Cela dit, comme nous l'avons discuté dans les questions précédentes,

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1 le fait de savoir que le chiffre est égal à 10 356 ou à 4 200 ne fait que

2 peu de différence par rapport à l'analyse qui est présentée dans ce

3 rapport. Je vous renvoie encore une fois au graphique figure 1, annexe 2,

4 le graphique avec les données brutes; on trouve le même modèle. On peut

5 débattre de la validité d'une estimation statistique en tant que telle,

6 mais l'argument important c'est que l'estimation soit faite selon la même

7 méthode. Nous avons établi cette estimation afin de corriger quatre biais

8 qui nous inquiétaient au moment du recueil des données de base.

9 Q. Vous avez terminé ?

10 R. Oui.

11 Q. Toute réponse que vous faite soulève de nouvelles questions. Je suis

12 presque certain sans être déraisonnable que vous n'avez absolument aucune

13 donnée émanant du Kosovo au sujet des incidents dans le nombre de familles

14 qui auraient rendu compte des personnes portées disparues et que vous avez

15 dit cela un peu au hasard.

16 R. Vous voulez dire le taux de personnes portées disparues déclarées ?

17 Q. Le taux de personnes portées disparues déclarées. Je pense que vous

18 n'avez aucun renseignement à ce sujet.

19 R. Etablir ce taux ne peut pas découler d'une analyse directe, Monsieur.

20 Le taux de déclaration doit toujours être estimé. Donc vous avez raison, je

21 n'ai jamais eu la preuve directe pour déterminer un taux de déclaration de

22 ce genre, mais dans aucuns pays sur la terre, vous ne le trouverez. Parce

23 que la seule façon d'établir ce taux, c'est de procéder à une analyse qu'on

24 soit en Suède, où on a le meilleur registre du monde, ou dans un endroit

25 beaucoup plus difficile du point de vue de l'établissement de documents, et

26 ce n'est qu'une estimation par rapport à un total. La nature même de la

27 déclaration n'est pas mesurable de quelque façon que ce soit, donc vous

28 avez raison au sujet de ces données.

Page 10321

1 Q. Vous devez savoir que l'une des questions principales au Kosovo

2 aujourd'hui, comme hier, et depuis quelques années, c'est la question des

3 personnes disparues. Est-ce qu'elles ont été découvertes ? Est-ce qu'elles

4 le seront ? Est-ce que leurs corps se trouvent dans un charnier, découvert

5 ou pas ? Et ceci est très intéressant pour les identifications éventuelles.

6 Les gens ne cessent de venir déclarer : Mon fils est porté disparu. Est-ce

7 qu'il est ici ? Cela fait huit ou neuf ans que cela se passe. Est-ce que

8 vous ne pensez pas que nous avons une assez bonne idée du nombre de

9 personnes portées disparues ?

10 R. Bien, voyons, j'ai travaillé au Guatemala depuis quelques mois --

11 Q. Je ne vous parle pas du Guatemala, je parle du Kosovo. Ne pensez-vous

12 pas que nous avons une idée assez précise du nombre de personnes portées

13 disparues aujourd'hui ?

14 R. Non.

15 Q. Vous ne le pensez pas. Alors, si ce nombre était de 4 200 à peu près,

16 partons de cette hypothèse, l'analyse statistique que vous avez réalisée

17 aboutit au chiffre de 10 000 de plus, ce qui fait 150 % d'erreurs, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Hypothétiquement nous pourrions être d'accord sur ce point.

20 Q. Nous pouvons être d'accord sur ce point ?

21 R. Si nous sommes d'accord sur l'hypothèse que le chiffre de 10 356 est

22 une estimation exacte avec 0 % d'erreurs. Alors la question n'a plus de

23 raison d'être.

24 Q. Mais vous pouvez répondre à ma question hypothétique, 150 % de plus par

25 rapport à 4 000 environ, n'est-ce pas ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] La question est-elle bien formulée ?

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'elle est bien formulée

28 mais il faut y répondre, parce que vous nous avez déjà dit que cela ferait

Page 10322

1 tout de même une différence importante par rapport aux résultats de votre

2 travail.

3 Me Ackerman insiste sur ce point, je ne vais pas l'arrêter.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

5 M. ACKERMAN : [interprétation]

6 Q. Ceci nous pousse à nous interroger par rapport à l'intégrité du reste

7 de vos calculs statistiques. Si nous voyons qu'une erreur de 150 % dans une

8 analyse statistique est acceptable, parce qu'à ce moment-là on peut se

9 demander pourquoi 150 % et pas 200 ou 800 % dans le reste de votre

10 travail ? Cela remet en cause le reste de votre travail, n'est-ce pas ?

11 R. Bien, nous avons commencé sur une hypothèse assez bizarre. Si vous

12 divisez par zéro, vous pouvez prouver n'importe quoi. Je pense que c'est la

13 structure de votre interrogatoire qui pèche. Je suis désolé mais je ne suis

14 pas très convaincu.

15 Q. Je vais passer à un autre sujet.

16 R. D'accord.

17 Q. Nous parlerons donc d'autre chose.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour que tout soit clair. Il semble y

19 avoir un problème de communication entre vous. Parce que sur le sens à

20 donner au terme hypothétique, vous partez d'une hypothèse et vous réalisez

21 un exercice visant à démontrer si oui ou non l'hypothèse est exacte. Il

22 vous a été dit que c'est peut-être vrai que peut-être ce chiffre n'est que

23 de 4 200. Alors, vous n'admettez pas cela, mais vous partez de l'hypothèse,

24 si j'ai bien compris, que de toute façon cela ne ferait aucune différence,

25 ou en tout cas, il est peu probable que cela fasse une grande différence

26 par rapport au résultat final de votre travail.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Passons maintenant à autre chose.

Page 10323

1 M. ACKERMAN : [interprétation]

2 Q. Le représentant du bureau du Procureur vous a demandé de l'aider à

3 déterminer les conséquences de l'action de l'UCK et des bombardements de

4 l'OTAN sur les déplacements de réfugiés et les décès. C'est

5 fondamentalement le thème principal de l'interrogatoire, n'est-ce pas ?

6 R. Non. Le représentant du bureau du Procureur m'a demandé cela après que

7 j'ai rédigé deux rapports. Mais j'ai commencé ce travail par moi-même et je

8 l'ai mené indépendamment pendant deux ans.

9 Q. Nous savions déjà. Où je voulais en venir, nous avons parlé du

10 représentant du bureau du Procureur, de ce qu'il vous a demandé, et ceci,

11 sans vous donner de délai ?

12 R. Le bureau du Procureur m'a demandé de rédiger un rapport que j'ai

13 présenté oralement sur la base de mon travail antérieur.

14 Q. Je pense que nous sommes d'accord. En fait, je me demandais si vous

15 aviez jamais entendu parler d'un statisticien de l'université du Wisconsin,

16 qui est à la retraite aujourd'hui. Je crois qu'il s'appelle John Steele.

17 Est-ce que vous le connaissez ?

18 R. Cela me dit quelque chose.

19 Q. Une question que n'importe qui pourrait vous poser aujourd'hui comme

20 cela : la meilleure méthode pour déterminer pourquoi des personnes sont

21 parties de chez elles, ce qui les a poussées à partir ne consiste-t-elle

22 pas à discuter avec ces personnes et à leur poser la question. Pourquoi

23 est-ce que vous vous fondez sur des méthodes assez inexactes, les méthodes

24 statistiques, pour essayer d'obtenir une réponse à une question qui aurait

25 pu être obtenue de la bouche des réfugiés de façon beaucoup plus précise.

26 Je veux dire, cela nous pousse à nous demander pourquoi vous êtes ici,

27 n'est-ce pas ?

28 R. Beaucoup de personnes se le demandent. C'est la nature de mon travail.

Page 10324

1 C'est une façon de répondre à la même question mais différemment.

2 Q. Mais quelqu'un a décidé qu'il était important que vous veniez ici pour

3 témoigner plutôt que d'obtenir ce renseignement de la bouche des personnes

4 qui ont vécu la chose et qui savent exactement ce qui s'est passé à la

5 frontière.

6 R. C'est une question à poser au bureau du Procureur.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un peu plus tôt, dans la présente

8 affaire, Me Ackerman et ses confrères et consœurs ont passé pas mal de

9 temps et déployé des efforts importants pour essayer -- et ont réussi dans

10 une certaine mesure pour essayer que la Chambre de première instance n'ait

11 pas à se pencher sur ces questions qui sont posées actuellement. Je

12 m'attends à ce que le bureau du Procureur essaie d'établir un lien entre ce

13 travail statistique et les déclarations que nous avons entendues de la

14 bouche d'un grand nombre de témoins. Peut-être cela ne sera-t-il pas

15 possible, bien entendu, mais cela m'étonnerait que la tentative ne soit pas

16 au moins faite.

17 M. ACKERMAN : [interprétation]

18 Q. Je me demandais, Monsieur Ball, si l'Accusation vous avait dit avoir

19 des inquiétudes importantes par rapport à la véracité des récits des

20 réfugiés et de ce qui s'était passé au Kosovo, et que c'était pour cette

21 raison que le bureau du Procureur vous a demandé l'analyse qui vous a été

22 demandée. Est-ce qu'on vous a dit cela ?

23 R. Non. L'Accusation ne m'a pas dit cela à moi. Maintenant que vous en

24 parlez, c'est une question qui a été évoquée par M. Milosevic plus ou moins

25 constamment au cours du contre-interrogatoire. C'est sûrement là que je

26 l'ai entendue.

27 Q. Vous avez entendu cela à d'autres endroits également. C'est quelque

28 chose que vous connaissez bien, je crois, n'est-ce pas ?

Page 10325

1 R. S'agissant du fait que les réfugiés albanais pouvaient être des

2 menteurs ? C'est à peu près ce qu'a dit l'ancien président Milosevic, oui.

3 Q. Ne vous rappelez-vous pas avoir pris la parole à une conférence de

4 presse organisée par le projet chargé des crimes de guerre au cours de

5 l'année 2000 avant la rédaction de votre rapport pour ce procès ?

6 R. Oui, si.

7 Q. Ne vous rappelez-vous pas que les journalistes se sont dit inquiets

8 quant au fait que les réfugiés kosovars racontaient des histoires qui

9 étaient montées de toutes pièces par l'UCK ?

10 R. Vous utilisez le mot journalistes au pluriel. Il y avait un journaliste

11 qui a raconté une histoire d'un réfugié qui l'aurait trompé.

12 Q. C'était Nancy Durham ?

13 R. Je crois. Je ne me souviens pas d'elle en particulier, mais le sujet

14 est venu dans la discussion quand on a parlé des méthodes utilisées pour

15 obtenir des interviews de diverses personnes et j'ai expliqué comment nous

16 traitions ce problème.

17 Q. Nancy Durham a diffusé un film lors de cette conférence et a dit

18 qu'elle avait décidé de montrer ce qui s'était passé à la frontière où une

19 influence importante était exercée par l'UCK qui avait une incidence sur

20 les récits des réfugiés, n'est-ce pas ?

21 R. Ce n'est pas ce que j'ai en mémoire s'agissant de ce qu'elle a dit.

22 Elle a dit avoir été trompée par une seule personne, si je me souviens

23 bien. Peut-être lui avez-vous parlé plus récemment, je ne sais pas.

24 Q. Vous ne vous rappelez pas qu'elle a parlé d'avoir été largement menée

25 en bateau ?

26 R. Non.

27 Q. Lorsque vous parliez de base de données aujourd'hui et des méthodes

28 utilisées par vous, vous avez dit que lorsque vous avez travaillé sur les

Page 10326

1 déplacements de réfugiés avec les méthodes d'analyses statistiques qui sont

2 les vôtres, finalement, il s'agissait d'un processus de corrélation de

3 données. Vous vous efforcez d'établir une corrélation entre un corps de

4 données et un autre corpus de données pour voir ce que cela donne. C'est

5 une façon à peu près exacte de décrire la situation ?

6 R. Non. La corrélation de données est une technique très spécifique que je

7 n'ai utilisée qu'à des fins explicatives. Ce n'est pas une méthode précise.

8 Q. D'accord. Ce matin, page 33, ligne 20 du compte rendu d'audience, vous

9 étiez interrogé par l'Accusation au sujet des modifications apportées à

10 votre rapport de novembre 2002, après recueil de renseignements

11 supplémentaires eu égard aux frappes de l'OTAN.

12 R. Quoi ?

13 Q. Et vous avez indiqué que vous aviez constaté que les frappes aériennes

14 de l'OTAN pouvaient être interprétées comme ayant provoqué une réduction

15 des massacres de Kosovars albanais ?

16 R. Oui, à partir de 2002, oui.

17 Q. Oui. Et vous avez dit : "Nous avons interprété ce résultat comme une

18 coïncidence."

19 R. Oui.

20 Q. C'est exact ?

21 R. C'est --

22 Q. Après que vous avez expliqué que vous l'interprétiez comme le résultat

23 d'une coïncidence, je ne pense pas que j'ai besoin de vous relire les

24 termes employés par vous.

25 R. Hm-hm.

26 Q. Mais je pense que vous avez entendu le Président de la Chambre dire que

27 ceci pourrait avoir un sens, parce que les frappes aériennes, il est

28 vraisemblable qu'elles aient détourné l'attention des Serbes, des Kosovars

Page 10327

1 albanais, et qu'en conséquence, le nombre des massacres est diminué. Vous

2 avez entendu le Président dire cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Je n'ai pas remarqué que vous ayez fait le moindre effort pour contrer

5 ce qu'a dit le Président dans sa façon de voir les choses.

6 R. Je n'ai pas interprété cela comme une question.

7 Q. Mais n'avez-vous pas compris qu'il avait mal compris votre propos ?

8 R. C'est une interprétation plausible. Ce n'est pas une interprétation que

9 nous tirons dans ce rapport, mais c'est quelque chose qui était possible.

10 Q. Est-il exact que lorsque vous avez témoigné le 2 mai 2003 dans

11 l'affaire Milosevic sur le même sujet, vous avez dit, répondant à une

12 question de M. Nice, ce qui suit et je cite :

13 "La plupart des frappes aériennes ont eu lieu à la fin du mois de mai ou au

14 début du mois de juin. Par conséquent, nous pensons que même si les modèles

15 statistiques interprèteront cela comme une corrélation négative, parce que

16 beaucoup plus tard dans cette période il y a eu davantage de frappes

17 aériennes et moins de massacres, davantage de frappes aériennes et moins de

18 migrations." Ensuite, vous dites, je cite : "Nous croyons qu'il est

19 illogique de discuter, de contester que les frappes aériennes de la fin

20 mai, début juin, puissent être d'une certaine façon interprétées comme

21 ayant empêché ou arrêté les massacres qui avaient lieu dans les semaines

22 antérieures."

23 R. C'est exact. Ce matin, j'ai dit que je pensais que c'était une

24 coïncidence.

25 Q. Une coïncidence, c'est probablement un terme technique que la plupart

26 d'entre nous ne comprenons pas. Je pense que vous avez laissé le Président

27 de la Chambre sur ce qu'il avait dit, à savoir que les frappes aériennes de

28 l'OTAN avaient réduit le taux de décès au Kosovo. Or, ce n'est pas ce que

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1 vous aviez dit vous-même.

2 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, et si je n'ai pas rétabli une

3 mauvaise interprétation, je m'en excuse.

4 Q. En fait, vous avez utilisé la même analyse statistique que celle qui

5 vous a permis d'arriver aux autres conclusions dont nous avons discuté à

6 l'instant. Ce que vous faites est manifestement répréhensible. Vous dites :

7 Voilà, c'est une coïncidence. Parce que vous ne pouvez pas -- et vous

8 validez quelque chose qui manifestement est faux.

9 M. STAMP : [interprétation] Sauf votre respect, ceci est le début d'une

10 polémique. Ce ne sont pas des questions acceptables à poser à un témoin

11 expert au sujet de son analyse et de son travail.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous répondre à la question ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans notre rapport initial, nous avons

14 supprimé l'analyse du 11 mai précisément pour éviter cela. Car nous savions

15 qu'après le 11 mai, il y avait eu relativement peu d'assassinats et

16 relativement peu de déplacements de population. Nous ne souhaitions pas

17 poursuivre l'analyse régressive dans ces conditions, car ce qui nous

18 inquiétait, c'était le niveau très élevé des bombardements à partir de ce

19 moment, qui risquait de créer une erreur, comme vous venez de le dire à

20 juste titre.

21 On nous a demandé de poursuivre, d'étendre le modèle. Nous l'avons fait.

22 Nous avons couvert cette période avec des nuances, comme vous l'aurez

23 constaté. Mais lorsqu'on nous demande de faire quelque chose que nous

24 estimons peut-être ne pas être la meilleure technique scientifique

25 applicable, nous le faisons néanmoins, nous faisons l'analyse tout en

26 essayant d'expliquer pourquoi cette analyse n'est peut-être pas la

27 meilleure solution statistique applicable.

28 M. ACKERMAN : [interprétation]

Page 10329

1 Q. J'ai un peu de mal à vous suivre, parce qu'il me semble que si le

2 modèle que nous utilisons à l'appui de notre hypothèse n'est pas valable

3 alors une question se pose. Si le modèle ne soutient pas notre hypothèse,

4 alors c'est une coïncidence et ce n'est pas valable, et c'est un peu au

5 hasard qu'on décide si cela va fonctionner ou pas. Je pense que vous avez

6 apporté la preuve que votre travail était erroné, que votre analyse était

7 erronée et que nous de devrions pas y attacher la moindre importance. Est-

8 ce que j'ai tort de dire cela ?

9 R. Oui, et je vais simplement dire suite à votre longue question qu'il

10 faudrait pas mal de temps pour démontrer toutes les raisons pour lesquelles

11 vous avez tort.

12 Q. Prenez votre temps.

13 R. Je vais le faire, oui.

14 Q. Vous trouvez cela drôle, peut-être ?

15 R. Non. Je suppose qu'en Californie on a l'habitude de sourire.

16 Q. Et de ricaner ?

17 R. Quand des modèles sont construits, nous les construisons avec beaucoup

18 de soins de façon à respecter les limites indispensables pour l'analyse que

19 nous nous apprêtons à réaliser. Et notamment, ce qui nous intéresse

20 particulièrement, c'est le phénomène que l'on appelle les valeurs

21 aberrantes. Les valeurs aberrantes, ce sont des données qui se situent

22 largement en dehors du champ général du modèle, mais qui risque de modifier

23 les résultats du modèle d'une façon radicale parce qu'ils appliqueraient

24 une orientation différente.

25 Nous en avons discuté dans notre rapport. Nous avons estimé que c'était un

26 peu ce que nous avions à l'esprit s'agissant de l'analyse à la mi-mai, et

27 par la suite ce moment où le nombre des massacres et des migrations était

28 beaucoup plus bas avec le bombardement de l'OTAN. Toutefois, les attaques

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1 de l'OTAN se sont intensifiées pendant tout le mois de mai et le début du

2 mois de juin. Et d'un certain point de vue, ce serait ne pas faire notre

3 travail correctement si nous n'avions pas tout de même étudié la relation

4 possible entre les meurtres et les migrations d'une part et les frappes de

5 l'OTAN d'autre part. Donc, ce n'est pas dans ce cas-là le modèle qui n'est

6 pas valable, mais l'importance excessive donnée à l'incidence des

7 opérations de l'OTAN.

8 Notre travail dans cette période, nos efforts spontanés, ont tendu à être

9 le plus conservatoire possible. Quand j'utilise le mot conservatoire, je

10 veux dire que dans tous les cas, nous avons, dans la mesure du possible,

11 essayer d'éviter au maximum toutes les contradictions à notre hypothèse de

12 base, y compris pour la période ultérieure du mois de mai afin que notre

13 hypothèse soit largement renforcée, comme cela se voit dans le corrigendum

14 du 15 novembre.

15 A contrario, si nous souhaitons ne pas affaiblir l'hypothèse de base et le

16 résultat de notre travail, nous allons le vérifier, l'éprouver au maximum.

17 Ajouter des données pour la fin du mois de mai, c'est un peu à cela que

18 cela a servi, car nous ne voulions pas ne pas vérifier encore une fois

19 l'incidence éventuelle qu'aurait eu les frappes aériennes de l'OTAN, qui

20 semblaient avoir créé une corrélation négative sur le nombre des

21 assassinats et même avoir arrêté les assassinats. Toutefois, si une méthode

22 n'aurait pas été suffisamment conservatoire, nous l'aurions évitée.

23 Q. Voyez-vous, c'est une réponse très intéressante que vous venez de

24 faire. Le problème, bien sûr, est le suivant : nous, profanes, qui ne

25 comprenons pas les statistiques comme vous le faites, avons examiné les

26 rapports ultérieurs dont vous dites qu'on vous a demandé d'y inclure des

27 données qui n'étaient pas fiables, nous les avons lus à de nombreuses

28 reprises. Je sais que vous pourrez retrouver les passages dont je suis en

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1 train de parler, nous pouvons les lire ensemble et vous n'y trouverez rien.

2 Vous ne trouverez aucun endroit du texte où il est dit : Ne vous appuyez

3 pas sur ce qui est dit ici, ce n'est pas valable ou quoi que ce soit de ce

4 genre.

5 R. D'accord. Nous ne nous sommes pas bien compris. Je ne dis nulle part,

6 ou j'aurais dû dire que les données n'étaient pas fiables. Ce que je dis,

7 c'est que les conclusions doivent être prises avec un peu de précaution.

8 Quand je parle de conclusion, je pense qu'il n'est pas très difficile de

9 déterminer à quelle conclusion je pense --

10 Q. En quelle page ?

11 R. Page 2 du corrigendum du 15 novembre 2002.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Pièce P1394.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Les conclusions sont tout à fait claires.

14 Aucune des conclusions ne modifie les résultats --

15 M. ACKERMAN : [interprétation]

16 Q. Est-ce que vous avez le texte à l'écran ?

17 R. Oui.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi, mais je ne l'ai

19 pas.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons des exemplaires papier.

21 M. ACKERMAN : [interprétation]

22 Q. Quelle est la conclusion finale ?

23 R. "Aucune des corrections ne modifient nos conclusions présentées dans le

24 rapport du 3 janvier 2002."

25 Voilà. C'est la fin de la discussion. On discute de modifications mineures

26 qui n'ont qu'une importance tout à fait secondaire, y compris les quelques

27 résultats, les quelques anomalies mentionnées dans les paragraphes

28 antérieurs. Je dis que ce n'est pas grave. Nous interprétons ces résultats

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1 comme le fruit de coïncidence. Mais au niveau de la conclusion, la première

2 phrase de la conclusion, c'est aucune des corrections ne modifie nos

3 conclusions présentées dans le rapport du 3 janvier. Alors, revenons à

4 l'introduction du rapport, si vous voulez, d'une page et demie. Ce n'est

5 pas très long. D'accord.

6 Dans l'introduction, nous disons que chacune des conclusions -- chacune des

7 corrections plutôt, qui a été apportée n'a eu qu'une incidence négligeable.

8 Ceci figure dans la première phrase du corrigendum. Donc nous n'avons rien

9 voulu cacher d'une quelconque complexité. Simplement, ces corrections n'ont

10 pas changé grand-chose aux conclusions déjà présentées.

11 Q. Revenons en haut de la page où vous dites : "J'ai dit que les

12 conclusions devaient être prises avec quelques précautions. Est-ce que vous

13 pouvez commenter cela ?

14 R. Nous interprétons ces éléments comme le fruit de coïncidence.

15 Q. Où est-ce que vous parlez de "prendre avec un peu de précaution" ?

16 R. Je suis désolé, Maître. Cela fait longtemps que le rapport a été mis

17 par écrit. J'en suis l'auteur, mais vous semblez avoir quelques difficultés

18 à interpréter mon libellé.

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas un bon

20 moment pour s'arrêter.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que le contre-interrogatoire

22 continuera en présence de ce témoin qui est un expert car pour un profane,

23 interroger un expert dans son champ de spécialité, doit tout de même être

24 productif. Par ailleurs, des réponses peuvent être utiles. Nous espérons

25 que demain cela sera le cas au cours de la suite du contre-interrogatoire.

26 Nous sommes à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Nous reprenons demain à 9

27 heures.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 [Le témoin se retire]

2 --- L'audience est levée à 15 heures 31 et reprendra le mercredi 21 février

3 2007, à 9 heures 00.

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