Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 12300

1 Le mardi 1er mai 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp ou Monsieur Hannis.

6 Non, Monsieur Stamp.

7 M. STAMP : [interprétation] Le témoin suivant qui a été cité à la barre est

8 Zoran Lilic. Je dois informer le Tribunal qu'il ne se trouve pas à La Haye

9 pour témoigner ici. Samedi dernier, j'ai reçu des informations suivant

10 lesquelles il avait été hospitalisé d'urgence et qu'il faisait l'objet d'un

11 contrôle médical à l'heure actuelle. Si un peu plus tard dans la journée je

12 reçois les documents ou les fiches médicales, et si nous devons avoir une

13 discussion portant sur les aspects médicaux de la question, je demanderais

14 à ce que nous passions à huis clos partiel. C'est la raison pour laquelle

15 nous ne sommes pas en mesure de poursuivre et d'entendre la déposition du

16 témoin aujourd'hui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [hors micro]

18 M. STAMP : [interprétation] L'Accusation avance ce qui suit : nous

19 souhaiterions voir si après un certain délai, peut-être à la fin de cette

20 semaine nous pourrons poursuivre. Nous sommes en train de poser des

21 questions, mener à bien notre petite enquête, voir quelle est la raison de

22 son problème de santé afin de voir si véritablement il n'est pas en mesure

23 de venir déposer cette semaine. S'il n'est pas disponible, nous proposerons

24 que des mesures appropriées soient prises en temps voulu et qu'une requête

25 soit présentée pour que le compte rendu d'audience de sa déposition soit

26 admis en fonction de l'article 92 quater où nous demanderons, et c'est une

27 autre solution, que la présentation des moyens à charge soit tout

28 simplement réouverte à un moment donné pour que l'on puisse entendre sa

Page 12301

1 déposition de vive voix ou alors sa déposition à partir de l'hôpital où il

2 se trouve, et ce, par vidéoconférence.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas la remarque vous

4 avez faite ou plutôt la référence, votre référence lorsque vous dites :

5 nous demanderons à ce que des mesures appropriées soient prises et nous

6 demanderons en temps voulu par le biais d'une requête que le compte rendu

7 de sa déposition soit reçu conformément à l'article 92 quater après la

8 présentation des moyens à charge. C'est cela ?

9 M. STAMP : [interprétation] Après, bien entendu, la période qui aura été

10 choisie par la Chambre afin de permettre à l'Accusation de s'enquérir et de

11 voir si véritablement il n'est pas disponible, s'il n'est pas disponible

12 dans un laps de temps raisonnable, j'entends; sinon nous demanderons à ce

13 que sa déposition soit admise au terme de l'article 92 quater.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais avant --

15 M. STAMP : [interprétation] Avant que nous ne finissions la présentation

16 des moyens à charge. Je me suis contenté de vous indiquer quelles étaient

17 les différentes possibilités après la fin de la présentation des moyens à

18 charge. Il y a la première mesure que j'ai indiquée à la Chambre, si cela

19 n'est pas du goût de la Chambre, nous pourrons après la fin de la

20 présentation des moyens à charge demander à ce que la déposition de ce

21 témoin soit quand même entendue, et ce, par vidéoconférence si, cela est

22 nécessaire.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel

25 pour que nous puissions entendre ce que vous avez à nous dire à propos de

26 son état de santé.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

28 partiel, Monsieur le Président.

Page 12302

1 [Audience à huis clos partiel]

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 12303

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 [Audience publique]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, dois-je bien

20 comprendre que vous n'avez pas encore fourni des exemplaires de toutes ces

21 fiches médicales à la Défense ?

22 M. STAMP : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

24 Il faudra que vous le fassiez maintenant et que vous nous fournissiez

25 à nous également des exemplaires des documents que vous avez. Nous allons

26 interrompre l'audience et nous reprendrons dans un quart d'heure, à savoir

27 à 9 heures 40, et nous entendrons ce que la Défense a à nous dire. Nous

28 verrons s'ils veulent obtenir un peu plus de temps.

Page 12304

1 M. STAMP : [interprétation] Je pense qu'il va sans dire qu'étant donné que

2 nous avons parlé de ces documents médicaux à huis clos partiel, il faudra

3 qu'ils soient protégés en un certain sens et il ne faudra pas qu'ils soient

4 communiqués aux parties à l'extérieur du Tribunal.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, il s'agit de documents

6 confidentiels et je suis sûr que tout le monde l'a bien compris.

7 --- La pause est prise à 9 heures 24.

8 --- La pause est terminée à 9 heures 49.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, il y a encore une

10 chose à discuter avant de donner la parole à la Défense. La Chambre de

11 première instance voudrait savoir ce qui se passe actuellement, maintenant

12 à ce moment même, de votre côté pour vérifier les choses liées à l'état de

13 santé du témoin.

14 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas eu la possibilité de commencer une

15 enquête par rapport à cela. J'ai parlé avec une personne qui s'occupe de

16 l'enquête, je lui ai envoyé un mail pour qu'il puisse m'informer pour ce

17 qui est de l'hospitalisation et de la possibilité pour que ce témoin soit

18 disponible pour témoigner et quand, et pour savoir si on peut organiser un

19 témoignage par vidéoconférence dans des délais raisonnables.

20 La réponse est : il n'y a rien qui se passe maintenant à part les

21 consultations entre Belgrade et La Haye.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Personne n'a essayé de parler au Dr

23 Todorovic ?

24 M. STAMP : [interprétation] Non, pas encore.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. STAMP : [interprétation] Nous avons reçu ce document seulement quelques

27 minutes avant l'audience d'aujourd'hui.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'étiez pas au courant de la

Page 12305

1 situation auparavant ?

2 M. STAMP : [interprétation] On m'a dit qu'il a été hospitalisé, mais on ne

3 m'a pas parlé de détails et ce document, on nous a transmis ce document

4 juste peu de temps avant l'audience d'aujourd'hui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

6 Maître O'Sullivan.

7 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, d'abord je demande que

8 les documents qui ont été distribués avant la pause obtiennent un numéro IC

9 pour devenir, pour faire partie du compte rendu d'audience.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

11 M. STAMP : [interprétation] Un numéro d'identification sous pli scellé, si

12 possible.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

14 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je suppose parce

15 qu'il s'agit de cela, qu'il ne s'agit pas des articles de Pravda - cela ne

16 sera pas versé au dossier sous pli scellé pour ce qui est de cet article ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, nous allons verser au

18 dossier séparément cet article avec un numéro IC aux fins d'identification

19 séparé.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le premier numéro c'est IC 129.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est l'article de presse.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'autre, IC 130.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

24 Maître O'Sullivan.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pour ce qui est de la demande du Procureur

26 pour lever l'audience, nous nous opposons à cela. D'abord le 23 mars, ils

27 ont demandé cela, ensuite le 16 avril la semaine dernière, ce n'est pas

28 raisonnable. C'est pour cela que nous demander à procéder conformément à

Page 12306

1 l'article 98 bis immédiatement.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, nous avons parcouru

5 attentivement les options que vous nous avez présentées ici, c'est-à-dire

6 qu'on peut peut-être considérer cela plus tard, mais maintenant il faut

7 tenir compte de tout le contexte de cela, et nous avons décidé qu'il n'est

8 pas raisonnable, dans de telles circonstances, de faire droit à votre

9 demande. Par conséquent, votre demande portant sur l'audience reportée est

10 rejetée.

11 M. HANNIS : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Par rapport à

12 cela, il faut dire que nous n'avons plus de témoin à convoquer pour

13 témoigner ici, et nous avons fini. C'est la fin de la présentation des

14 moyens de preuve de l'Accusation.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

16 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semble qu'il y ait encore des

18 questions en suspens par rapport aux pièces à conviction, C'est 3D512 pour

19 ce qui est de M. Ojdanic. J'ai compris que ces pièces à conviction

20 pourraient être admises au dossier par le biais d'un accord des parties. Je

21 vois que M. Hannis hoche la tête. Donc la pièce à conviction 3D512 est

22 versée au dossier.

23 Monsieur Visnjic.

24 Maître O'Sullivan, pouvez-vous commencer ?

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Aujourd'hui, on va s'occuper des

27 arguments et non pas de la présentation des moyens de preuve. Pendant la

28 première partie de l'audience, nous allons siéger jusqu'à 10 heures 45.

Page 12307

1 Ensuite on va continuer de 11 heures 15 jusqu'à 12 heures 45, après quoi

2 nous allons continuer dans l'après-midi à 13 heures 45 et nous allons finir

3 à 15 heures 30. Nous n'allons pas siéger de la même façon demain à cause du

4 programme prévu pour cette salle d'audience, mais nous pouvons siéger de la

5 même façon jeudi et vendredi. Nous allons voir les positions des parties

6 pour ce qui est des arguments à présenter, et nous allons considérer la

7 situation vendredi.

8 Maître O'Sullivan, vous avez la parole.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je suis prêt. Messieurs les Juges,

11 Mesdames, Messieurs les Juges, Me Zecevic et moi-même sommes ici ce matin

12 au nom de M. Milutinovic, et en fonction de l'article 98 bis, nous vous

13 demandons d'acquitter M. Milutinovic, et ce, de tous les chefs

14 d'inculpation de l'acte d'accusation. L'article 98 bis indique : "A la fin

15 de la présentation des moyens à charge, la Chambre de première instance

16 doit par décision orale et après avoir entendu les arguments oraux des

17 parties, prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel il

18 n'y a pas d'élément de preuve susceptible de justifier une condamnation."

19 Quel est le degré de preuve nécessaire qu'il faut présenter au titre

20 de l'article 98 bis ? Nous présentons des références à propos de deux

21 précédents, deux décisions orales conformément à l'article 98 bis; la

22 première étant dans l'affaire Mrksic, affaire IT-98-13/1-T, compte rendu

23 d'audience 11311 à 11313. La deuxième décision émane de l'affaire Martic,

24 il s'agit de l'affaire IT-95-11-T. La référence du compte rendu d'audience

25 est comme suit : 5960 à 5961. Nous avons également la référence que je vais

26 citer à la page 11311.

27 "La norme qui doit être appliquée eu égard à chacun des chefs

28 d'inculpation consiste à voir si les preuves ont été présentées par l'acte

Page 12308

1 d'accusation, et il faut savoir si la Chambre de première instance a été

2 persuadée au-delà de tout doute raisonnable afin de condamner l'accusé.

3 "Il s'ensuit qu'une décision, lorsqu'il y a des éléments de preuve

4 qui ne permettent pas d'étayer une condamnation à propos d'un chef

5 d'inculpation particulier, cela n'a aucun sens, parce que cela indique en

6 quelque sorte qu'il faut que la Chambre de première instance indique s'il y

7 a innocence ou culpabilité. Je dirais que pour ce qui est de notre affaire,

8 la Chambre n'est pas en mesure d'évaluer la crédibilité à apporter au

9 témoin pour ce qui est -- et j'en veux pour preuve les faiblesses et les

10 contradictions des différents éléments de preuve. La Chambre doit supposer

11 que les présentations de l'Accusation ont été faites de telle façon à

12 indiquer quelle est la culpabilité de l'accusé" - mais je cite à nouveau

13 une requête au titre de l'article 98 bis - "Il pourra être fait droit à une

14 requête en fonction de l'article 98 bis, s'il n'y a pas de preuve

15 permettant d'étayer un chef d'inculpation en particulier ou s'il n'y a que

16 des éléments de preuve pertinents qui ne permettent pas d'étayer la

17 condamnation, même si les éléments de preuve ont été présentés au plus haut

18 niveau par l'Accusation."

19 Vous avez la Chambre dans l'affaire Mrksic qui dépend de l'arrêt dans

20 l'affaire Strugar et dans l'affaire Milosevic. Il faut savoir que le

21 libellé indiqué dans l'affaire Mrksic a été adopté et à la page 11 312 du

22 compte rendu d'audience de l'affaire Mrksic, la Chambre a dit :

23 "Il se peut que les éléments de preuve soient tels qu'il ne soit pas

24 permis d'établir eu égard à certaines allégations de l'acte d'accusation,

25 qu'il y a eu une ou plusieurs modalités de responsabilité pénale présentée

26 par l'Accusation. L'Accusation ne doit finalement que prouver l'une ou

27 l'autre des formes ou l'un ou l'autre des modes de responsabilité pénale.

28 "Par conséquent, nous indiquons que s'il n'y a pas d'éléments de

Page 12309

1 preuve qui permettent d'étayer un chef d'inculpation particulier ou si les

2 éléments de preuve sont tels qu'ils ne permettent pas d'étayer une

3 condamnation, même lorsque les éléments de preuve ont été pris au plus haut

4 niveau, il faut qu'il soit fait droit à l'article 98 bis."

5 L'acte d'accusation précédemment contre M. Milutinovic contient cinq

6 chefs d'inculpation : premier chef d'inculpation, déportation; deuxième,

7 transfert forcé; les chefs d'inculpation trois et quatre, visent le meurtre

8 et l'assassinat; alors que le cinquième chef d'inculpation vise la

9 persécution. Chacun de ces cinq chefs d'inculpation se trouve dans des

10 paragraphes de l'acte d'accusation pour ce qui est de M. Milutinovic. Nous

11 avons les paragraphes 1 et 8 qui nous donnent les antécédents de M.

12 Milutinovic et sa fonction; les paragraphes 16 à 23 qui visent sa

13 responsabilité pénale; les paragraphes 24 à 34 qui font état de

14 l'entreprise criminelle commune; et les paragraphes 35 à 40 qui sont des

15 allégations précises dressées à l'encontre de M. Milutinovic. Il est

16 reproché à M. Milutinovic, conformément à l'article 7(1), qu'il a planifié,

17 incité, donné l'ordre ou commis en tant que co-auteur dans l'entreprise

18 criminelle commune ou qu'il a aidé et été complice. Au titre de l'article

19 7(3) du Statut, il lui est également reproché d'avoir été l'autorité

20 supérieure responsable des crimes allégués prévus par les chefs

21 d'inculpation 1 à 5.

22 Nous indiquons qu'il n'y a aucun élément de preuve qui a été présenté pour

23 prouver que M. Milutinovic a planifié, incité, donné l'ordre, commis ou

24 encore aidé ou été complice. Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que

25 M. Milutinovic a été l'autorité supérieure. D'ailleurs, nous indiquons

26 qu'il n'est pas coupable et qu'il devrait être acquitté.

27 Maintenant, nous nous proposons de présenter les éléments de preuve

28 avancés dans cette affaire, mais avant de ce faire, j'aimerais rappeler à

Page 12310

1 la Chambre que dans notre mémoire préalable au procès, nous avons indiqué

2 et avons marqué notre accord avec certains faits. Il s'agit de notre

3 document présenté le 6 juin 2006 en fonction de l'article 65 ter --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, dans

5 quelle mesure est-ce que ce que vous avancez est une présentation conjointe

6 pour tous les accusés ?

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non. Il ne s'agit pas de cela.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il est donc indiqué que

9 cela pourrait être présenté de façon différente, et ce, en fonction du

10 droit.

11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, je ne pense pas que le droit le

12 prévoit.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Les points à propos desquels il y a eu

15 accord dans le mémoire préalable au procès indique que M. Milutinovic était

16 l'ambassadeur de la RSFY postée en Grèce entre le 15 juin 1989 et le 27

17 avril 1992, à la suite de quoi il a été l'ambassadeur de la RSFY, toujours

18 en poste en Grèce, jusqu'au 15 août 1995. Il a été nommé ministre des

19 Affaires étrangères de la RSFY le 15 juin 1995. M. Milutinovic a été élu

20 président de la République de Serbie, et en cette qualité a eu un mandat à

21 partir du 21 décembre 1997 jusqu'au 29 décembre 2002. Et en tant que

22 président de la Serbie, M. Milutinovic était membre du conseil suprême de

23 la Défense de la RSFY. Il a été convenu que M. Milutinovic était le

24 président de la République de la Serbie et qu'il était membre de ce conseil

25 suprême de la Défense. Ce sont deux faits qui ont leur pertinence en

26 l'espèce.

27 Je vais présenter de façon détaillée certains éléments relatifs au conseil

28 suprême de la Défense. Je dirai pour le moment que les éléments avancés

Page 12311

1 dans cette affaire ne permettent d'indiquer que le conseil suprême de la

2 Défense s'est réuni ou a fonctionné après le 23 mars 1999. Je vous parlerai

3 des fonctions, pouvoirs et autorités du conseil suprême de la Défense en

4 faisant référence aux constitutions de la RSFY et de la Serbie, en faisant

5 référence aux différentes législations, ainsi qu'aux procès-verbaux des

6 réunions du conseil suprême de la Défense, sans oublier les dépositions de

7 certains témoins du bureau du Procureur.

8 Je dirai de surcroît que l'Accusation a allégué que M. Milutinovic

9 était un membre d'un organe appelé le commandement Suprême; il n'y a aucun

10 élément de preuve permettant de le justifier. Ce sont des allégations que

11 l'on trouve dans les paragraphes 36 et 37 de l'acte d'accusation. Il n'y

12 aucune preuve suivant lesquelles M. Milutinovic faisait partie de cet

13 organe et il n'y aucune preuve suivant lesquelles cet organe existait

14 d'ailleurs.

15 J'aimerais dans un premier temps faire référence à ce qui a été indiqué, et

16 ce, en réponse à l'allégation comprise dans l'acte d'accusation et qui vise

17 M. Milutinovic en tant que président de la Serbie. Le paragraphe 8(i) de

18 l'acte d'accusation stipule que :

19 "M. Milutinovic était le chef de l'Etat. Il représentait la Serbie et

20 il a géré les affaires de la Serbie avec les organisations internationales

21 et les Etats étrangers."

22 Voyons un peu les éléments de preuve eu égard à ce paragraphe.

23 J'aimerais dans un premier temps renvoyer la Chambre à la pièce à

24 conviction P855, il s'agit de la constitution de la République de la Serbie

25 qui a été promulguée le 28 septembre 1990. L'article premier stipule que la

26 République de la Serbie est un Etat. L'article 9(2) indique que : "La

27 république est représentée et que l'unité de cet Etat est symbolisée par le

28 président de la république."

Page 12312

1 Il est exact de dire que la République de la Serbie est un Etat. Cela

2 a toujours été un Etat, un élément constitutif d'un Etat fédéral. Elle a,

3 dans un premier temps, été une république constitutive de la RSFY, puis le

4 27 avril 1992 est devenue un élément constitutif du nouvel Etat de la RSFY.

5 En d'autres termes, la Serbie n'a jamais été un Etat souverain en tant que

6 tel. Nous indiquons que le président de la Serbie n'a pas géré les affaires

7 de la Serbie avec les Etats étrangers et les organisations internationales.

8 Nous aimerions que vous consultiez la pièce à conviction P1623 pour avoir

9 de plus amples précisions; il s'agit de la constitution de la RSFY de 1974.

10 L'article 281, sous-paragraphe 7, stipule que : "La République socialiste

11 fédérative de la Yougoslavie s'occupe au nom de cet Etat fédéral de la

12 politique étrangère." Non pas la République de la Serbie à l'époque où la

13 Serbie était une République constitutive de l'Etat fédéral.

14 Nous aimerions également faire référence à la pièce P856, qui est la

15 constitution de la RSFY en date du 27 avril 1992. Une fois de plus, si vous

16 consultez ce document vous verrez que cette constitution fédérale indique

17 que les organes de la RSFY sont compétents pour ce qui est du domaine des

18 relations internationales. J'aimerais vous renvoyer à l'article 77, sous-

19 paragraphe 6. L'article 96, sous-paragraphe 1, indique que : "Le président

20 de la RSFY représente la RSFY au sein de la RSFY ainsi qu'à l'étranger."

21 L'article 99, alinéa 1 de la constitution indique que : "Le

22 gouvernement établit et mène à bien les politiques étrangères et

23 nationales."

24 D'aucuns pourraient se demander pourquoi et surtout à partir de quoi

25 s'est fondée l'Accusation pour ce paragraphe 8(i) de l'acte d'accusation.

26 En fait, il faut comprendre les liens qui ont été forgés entre la

27 constitution de la RSFY et la constitution de la République de la Serbie.

28 Parce que si vous prenez le document P855, qui est la constitution de la

Page 12313

1 Serbie, dans son article 83, sous-paragraphe 4, vous verrez qu'il est

2 indiqué que : "Le président de la république mènera à bien ou dirigera ses

3 affaires dans le cadre de relations tissées entre la République de la

4 Serbie et les autres Etats ainsi que les organisations internationales, et

5 ce, conformément à la loi."

6 Cet article de la constitution serbe n'a jamais été mis en vigueur,

7 ce qui signifie qu'il semblerait qu'il y ait un conflit manifeste entre la

8 constitution de la RSFY et la constitution de la Serbie, mais cela a été

9 régi par le droit, régi par l'article 135 de la constitution serbe, qui est

10 la pièce à conviction P855. Il y a une clause qui a son importance et qui

11 indique qu'en cas de conflit la juridiction fédérale prend le pas par

12 rapport à la constitution de la république.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de

14 nous dire qu'une constitution telle que la constitution de la Serbie doit

15 avoir d'autres types de législation avant qu'une disposition de cette

16 constitution ne puisse être appliquée. C'est ce que vous nous dites ?

17 [Le conseil de la Défense se concerte]

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pour ce qui est de l'article 83, il est

19 indiqué que cela sera régit en fonction du droit, donc il y a une référence

20 précise qui est faite dans cet article bien précis de la constitution

21 serbe.

22 Donc, à un moment où la Serbie faisait partie de la RSFY, cela a été géré

23 par une clause qui reconnaissait l'importance de la constitution fédérale.

24 Il en va de même si vous prenez la constitution de la RSFY, la pièce à

25 conviction P856. J'aimerais que vous preniez en considération les articles

26 7; 16; 78, sous-paragraphe 2 -- 92, sous-paragraphe 2; 115 et 130. Il

27 s'agit de dispositions de la constitution de la RSFY qui montre qu'en cas

28 de conflit entre les deux constitutions, c'est la constitution fédérale qui

Page 12314

1 prévaut.

2 Alors, nous indiquons qu'en matière d'interprétation, il faut bien

3 comprendre que la constitution serbe de 1990 doit être comprise au vu des

4 événements politiques qui se déroulaient et qui évoluaient dans l'ex-

5 Yougoslavie à l'époque. En 1990, il y avait en quelque sorte dissolution de

6 l'ex-Yougoslavie, il faut savoir que les dispositions de la constitution

7 serbe prévoyaient deux possibilités. Premièrement, la République de la

8 Serbie qui restait un Etat fédéral, ou alors, deuxième option, la

9 République de la Serbie qui devenait un Etat indépendant, il y a des

10 dispositions qui ont été prises et qui pourraient a priori laisser entendre

11 ou faire en sorte que l'on conclue qu'il y a des pouvoirs qui ont été

12 octroyés à des organes et à des entités en Serbie qui sont en fait

13 équivalents au pouvoir d'un Etat souverain indépendant. Mais je répète

14 qu'il y a des dispositions qui expliquent que si la Serbie restait au sein

15 de cette unité fédérale, ce qu'elle a toujours été, la RSFY et la RFY,

16 alors les organes fédéraux prévalent.

17 Pour ce qu est du paragraphe 8, alinéa i, de l'acte d'accusation, il

18 n'y a aucun élément de preuve qui a été présenté suivant lequel M.

19 Milutinovic était un chef d'Etat. Il n'a jamais mené à bien ou il ne s'est

20 jamais occupé des relations de la Serbie avec les Etats étrangers, et il

21 n'a jamais d'ailleurs exercé ces pouvoirs.

22 J'aimerais maintenant en venir au paragraphe 8, alinéa iii, de l'acte

23 d'accusation qui indique que :

24 "M. Milutinovic, en accord avec l'assemblée de la République de la

25 Serbie, avait l'autorité pour demander des rapports au gouvernement de la

26 Serbie pour ce qui était des questions relatives à sa compétence et au MUP,

27 pour ce qui était des activités de la situation en matière de sécurité en

28 Serbie."

Page 12315

1 Là, je dirais que la constitution de la Serbie, pièce à conviction

2 P855, est très précise. J'aimerais attirer votre attention sur l'article

3 83, alinéa 12, qui confère au président des pouvoirs et ce sont des

4 pouvoirs qui sont en quelque sorte limités par la constitution.

5 L'article 83, alinéa 12, stipule que : "Le président mènera à bien

6 ses activités conformément avec la constitution." Ce sont des pouvoirs qui

7 sont indiqués par la constitution, et non pas par le statut. Le statut

8 définira les détails des pouvoirs octroyés par la constitution, mais le

9 statut ne permet pas de créer le pouvoir à octroyer au président de la

10 République de la Serbie.

11 Il y a toutefois un pouvoir qui est octroyé au président de la

12 République de la Serbie, et ce, par la constitution et eu égard au

13 gouvernement, il s'agit de l'article 85. L'article 85 de la constitution

14 serbe indique que : "Le président de la république peut demander au

15 gouvernement d'indiquer son avis et son opinion eu égard à certaines

16 questions émanant de sa compétence."

17 J'aimerais insister sur le libellé : "Le président peut demander des

18 avis et des opinions au gouvernement," mais il n'a pas la possibilité de

19 donner des ordres. Il n'est indiqué nulle part dans la législation de la

20 constitution que le président de la république a le pouvoir ou la

21 possibilité d'exercer une influence sur le gouvernement afin d'amender, de

22 modifier, ou un avis donné par le gouvernement, ou afin que le gouvernement

23 change d'avis, ou abandonne cet avis. Le président n'a pas la possibilité

24 de demander d'autres informations une fois que l'information a été fournie

25 par le gouvernement. Il n'est indiqué nulle part dans le cadre législatif

26 de ce pays que le président a la possibilité de vérifier la véracité des

27 informations fournies. C'est un pouvoir qui est régulé par le droit, il

28 s'agit de la pièce P1862, législation relative au gouvernement.

Page 12316

1 L'article 19 indique quels sont les moyens qui incombent au président

2 pour exercer le pouvoir qui lui est conféré au titre de l'article 85 de la

3 constitution serbe. Il est indiqué que :

4 "Le gouvernement agissant à la suite d'une requête présentée par le

5 président de la république et compte tenu d'un délai établi par le

6 président de la république, qui ne sera pas plus bref que 48 heures, adopte

7 une position eu égard à tout ce qui fait partie de sa sphère de compétence

8 et en informe le président de la république."

9 Il faut savoir que la législation relative au gouvernement donne

10 beaucoup d'informations. Il est indiqué, par exemple, que le gouvernement,

11 et non pas le président, a le pouvoir et la responsabilité pour ce qui est

12 de l'administration publique. Le président n'a pas d'autorité

13 constitutionnelle ou statutaire par rapport à l'administration publique, et

14 les autorités publiques ne doivent rien au président de la république. Le

15 gouvernement, conformément à cette législation relative à la république,

16 nomme et renvoie les ministres et les autres personnes et organes

17 administratifs. Il est responsable du financement, il contrôle et supervise

18 les ministères, il est responsable de l'administration des différents

19 organes et il établit les principes administratifs de ses autres organes

20 administratifs.

21 Qu'en est-il de la relation entre le président de la Serbie et le

22 ministère de l'Intérieur ? Une fois de plus, cela n'est pas prévu par la

23 constitution, il s'agit d'une relation statutaire. Le document P1737 est la

24 législation relative aux affaires internes qui établit le cadre. L'article

25 premier, dans son alinéa 2, stipule que : "Le ministre de l'Intérieur -- ou

26 le ministère de l'Intérieur dirigera les affaires intérieures de

27 l'administration de l'Etat.

28 L'article 1, sous-paragraphe 33 stipule, et je cite, que : "Les

Page 12317

1 affaires intérieures spécifiques seront confiées à d'autres organes et

2 organisations." Et l'article 7 stipule que : "Le ministre déterminera la

3 façon dont le ministère de l'Intérieur s'acquittera de ses fonctions et

4 obligations et fournira ses consignes."

5 L'article 9, toujours de la législation relative aux Affaires

6 intérieures, fait référence au "président de la république." L'article 9

7 stipule :

8 "A la demande de l'assemblée nationale et à la demande du président

9 de la république, le ministre doit présenter un rapport relatif au travail

10 effectué par le ministère de l'Intérieur ainsi qu'à propos de la situation

11 en matière de sécurité de la république."

12 Voyons d'un peu plus près cet article 9. "Puisqu'il est question de

13 rapports conjoints présentés à l'assemblée nationale ainsi qu'au président

14 de la république, et ce, afin qu'un rapport soit présenté en fin de compte

15 à l'assemblée nationale."

16 Mais nous, nous indiquons que si l'on veut interpréter à bon escient ce

17 libellé, il faut l'interpréter ainsi, je fais à nouveau référence à la

18 constitution serbe, le document P855. Dans son article 73, alinéa 10, qui

19 indique que : "L'assemblée nationale a le pouvoir de nommer et de renvoyer

20 le président, le vice-président de l'assemblée nationale, le premier

21 ministre, le premier ministre adjoint ainsi que les ministres du

22 gouvernement." C'est le pouvoir conféré à l'assemblée nationale.

23 L'article 94, alinéa 5, stipule que : "L'organisation et les compétences

24 des ministères et des différents services et départements sont établis par

25 le droit."

26 Nous avons déjà vu l'article de la constitution serbe et l'article 9(2) qui

27 indique que le président n'a pas d'autorité par rapport à l'assemblée

28 nationale et que le gouvernement ainsi que le président sont le symbole de

Page 12318

1 l'unité de la République de la Serbie. Il n'y a aucun élément de preuve

2 parmi les éléments de preuve qui ont été présentés, qui permet d'étayer ce

3 paragraphe 8, sous-alinéa iii de l'acte d'accusation.

4 Parce que j'en viens au paragraphe 8, alinéa iv, qui indique que : "M.

5 Milutinovic avait l'autorité afin de dissoudre l'assemblée de la République

6 de Serbie ainsi que le gouvernement 'sous réserve de la proposition

7 présentée par le gouvernement à partir de justifications,' bien que ce

8 pouvoir ne soit valable qu'en temps de paix."

9 Je fais à nouveau référence à la constitution serbe, P855, dans son article

10 89. Il s'agit du pouvoir qui est conféré afin de dissoudre l'assemblée

11 nationale. Article 89, alinéa 4, je cite : "Ce pouvoir existe en temps de

12 paix, pas en situation de guerre ou en danger immédiat de guerre, pas plus

13 qu'en état d'urgence."

14 Article 89, alinéa 1, je cite : "Le pouvoir est divisé entre le

15 gouvernement et le président de la Serbie. Le gouvernement doit soumettre

16 une proposition contenant des fondements justifiés et le président peut

17 décider de dissoudre l'assemblée nationale," toujours en temps de paix.

18 Et l'article 89, alinéa 2, se lit comme suit, je cite : "Si et quand

19 l'assemblée nationale est dissoute, le mandat du gouvernement arrive à son

20 terme."

21 La conclusion, par conséquent, c'est que l'assemblée nationale ne peut être

22 dissoute qu'en temps de paix et que pour ce faire, il faut une proposition

23 écrite émanant du gouvernement et adressée au président.

24 Je vous renvoie également à l'article 9 de la constitution serbe. Alinéa 2,

25 j'en ai déjà parlé, mais il est important de reconnaître les rapports qui

26 existent entre les différentes branches de gouvernement au sein de la

27 République de Serbie. L'article 9, alinéa 1, se lit comme suit, je cite :

28 "Le pouvoir législatif appartient à l'assemblée nationale." Article 9,

Page 12319

1 alinéa 3, je cite : "Le pouvoir exécutif appartient au gouvernement. Quant

2 au pouvoir législatif il appartient aux tribunaux." Comme je l'ai déjà dit

3 à plusieurs reprises à l'article 9, alinéa 2, nous lisons que : "L'unité de

4 l'Etat est symbolisée par le président."

5 Voilà donc quelles sont les relations qui existent. Mais il faut peut-être

6 que je répète. Quand j'ai parlé de l'article 9, alinéa 3, j'ai dit : "Le

7 pouvoir exécutif de l'Etat appartient au gouvernement, quant au pouvoir

8 législatif il appartient aux Tribunaux, et le président symbolise l'unité

9 de l'Etat de Serbie."

10 La raison pour laquelle j'ai cité ces passages de l'acte d'accusation que

11 j'ai cités au préalable, c'est que nous disons que dans tout l'acte

12 d'accusation nous trouvons des erreurs d'interprétation par rapport aux

13 lois et aux constitutions, ainsi qu'aux cadres juridiques du pays, et en

14 particulier au sujet des pouvoirs et attributions qui étaient ceux de

15 Milutinovic en tant que président de la Serbie. Maintenant, j'aimerais

16 entrer dans le détail parce qu'aucun témoin n'a été entendu par la Chambre

17 au sujet de ces questions constitutives et législatives. La plupart des

18 lois dont je vais parler ont été versées au dossier par l'Accusation suite

19 à des accords entre les parties sans intervention de témoins.

20 J'aimerais maintenant vous parler de deux autres parties de l'acte

21 d'accusation, paragraphe 8, alinéa v, où nous lisons que : "M. Milutinovic,

22 en temps de guerre ou en cas de menace de guerre imminente, pouvait prendre

23 des mesures ressortissant en temps normal à la compétence de l'assemblée de

24 la République de Serbie, voire adopter des lois. Il pouvait ainsi remanier

25 le gouvernement et ces ministères et restreindre certains droits et

26 libertés."

27 Puis, paragraphe 35, alinéa d de l'acte d'accusation, nous lisons que M.

28 Milutinovic "a exercé son autorité pour faire adopter des mesures de nature

Page 12320

1 à faciliter les crimes visés aux chefs 1, 2 et 5." Nous voyons là un autre

2 exemple d'une interprétation inexacte et désinformée quant à la nature des

3 lois et des attributions et pouvoirs du président de la Serbie.

4 Voyons maintenant quelle est la situation en état de guerre. Les éléments

5 de preuve en l'espèce consistent à dire qu'en application de la pièce P856,

6 à savoir la constitution de la République fédérale yougoslave, article 78,

7 alinéa 3, je cite : "L'assemblée fédérale déclare l'état d'urgence ou

8 l'état de menaces imminentes de guerre ou l'état de guerre."

9 Selon les articles 99, alinéas 10 et 11 de la constitution de la République

10 fédérale yougoslave, je cite : "Le gouvernement fédéral est à l'origine

11 d'une telle déclaration quant à l'instauration d'un état d'urgence, d'un

12 état de menace imminente de guerre ou d'un état de guerre, au cas où

13 l'assemblée fédérale n'a pas la possibilité de se réunir."

14 Alors, ne perdons pas de vue ces deux dispositions de la constitution de la

15 RFY et penchons-nous sur la pièce à conviction P992, qui est la décision de

16 proclamer l'état de menace imminente de guerre en date du 23 mars 1999.

17 C'est le gouvernement fédéral qui est à l'origine de cette déclaration, et

18 le lendemain le 24 mars, P991, nous avons la décision de proclamer l'état

19 de guerre toujours émanant du gouvernement fédéral.

20 Dans une période où l'état de guerre est déclaré, il faut que nous voyions

21 ce que dit la constitution serbe pour voir quels sont les pouvoirs qui

22 appartiennent au président de la République de Serbie dans un tel cas. Pour

23 ce faire, penchons-nous sur la pièce P856, constitution serbe, article 83,

24 alinéa 7, je cite :

25 "Le président de la république, de sa propre initiative ou sur

26 proposition du gouvernement en situation d'état de guerre ou de danger

27 immédiat de guerre, adopte les dispositions relatives aux questions

28 relevant de la compétence de l'assemblée nationale pour qu'il soit dans

Page 12321

1 l'obligation de soumettre ces textes à l'assemblée nationale pour

2 approbation dès que l'assemblée pourra se réunir."

3 Alors, ces dispositions étaient en vigueur après le 24 mars 1999, au moment

4 où le gouvernement fédéral avait déclaré l'état de guerre. Pendant un état

5 de guerre, M. Milutinovic, en sa qualité de président de Serbie, a adopté

6 16 décrets, chacun d'entre eux suite à une proposition écrite émanant du

7 gouvernement, et pas de sa propre initiative. Tous ces 16 décrets ont

8 ensuite été soumis à l'assemblée nationale pour approbation. Le 16 juin

9 1999, l'ensemble de ces 16 décrets a été approuvé pour toute la durée de

10 l'état de guerre. Ce jour-là, ces textes ont été -- et à la fin de la

11 guerre les textes ont été déclaré nuls et non avenus en raison de la fin de

12 l'état de guerre. Les 16 décrets sont versés au dossier en l'espèce et le

13 décret d'après guerre ainsi que la loi ratifiant ces 16 décrets sont

14 également des pièces à conviction en l'espèce.

15 Je crains fort d'être tenu de vous donner des références pour chacun des 16

16 décrets parce que je n'ai pas d'écritures à l'appui de ma requête, donc je

17 vais le faire. Pièce P993 qui contient quatre décrets en un seul document.

18 Les autres décrets sont les pièces suivantes : 1D158, 1D161, 1D163, 1D166,

19 1D169, 1D172, 1D175, 1D178, 1D181, 1D478, 1D187, et 1D189. Voilà quelles

20 sont les pièces correspondant aux 16 décrets. Si vous vous penchez sur ces

21 décrets, vous constaterez que ces textes sont tous définis comme ayant été

22 adoptés suite à une proposition écrite émanant du gouvernement.

23 Je vous ai dit que le 16 juin il y a eu ratification de ces 16 décrets, qui

24 constituent la pièce 1D192, à savoir la loi confirmant l'ordonnance du

25 président de la république au cours de l'état de guerre. Dans quelques

26 minutes j'en aurai terminé de ce sujet, Monsieur le Président, et nous

27 pourrons faire la pause. L'Accusation n'a versé au dossier que quatre

28 décrets parmi les 16 dans la pièce P993. Il semble que l'Accusation mette

Page 12322

1 particulièrement l'accent - en tout cas c'est ce qu'on peut penser après

2 avoir entendu la déclaration liminaire du Procureur - il semble que

3 l'Accusation mette particulièrement l'accent sur un de ces textes, à savoir

4 les compétences permettant de donner des cartes d'identité en temps de

5 guerre.

6 Si vous lisez attentivement ce décret, c'est un décret qui porte sur les

7 cartes d'identité qui contient le passage suivant, je cite : "Pendant

8 l'état de guerre en cas de perte de cartes d'identité, la personne l'ayant

9 perdue doit en rendre compte." Il semble que cela soit tout à fait

10 compréhensible et naturel qu'un Etat en temps de guerre veuille savoir qui

11 sont les citoyens qui n'ont aucune caractéristique délinquante mais qui ont

12 perdu leur carte d'identité et qui pourraient se retrouver dans un autre

13 Etat du monde par conséquent.

14 Si nous nous penchons sur la pièce 1D192, la loi confirmant ceci est

15 l'ordonnance du 19 juin 1992, article 2 de la loi, nous voyons que cette

16 disposition particulière concernant les cartes d'identité est déclarée

17 nulle et non avenue. Alors, elle a été déclarée nulle et non avenue le jour

18 où a été aboli l'état de guerre, et nous savons que l'état de guerre a été

19 aboli le 24 juin 1999. Le texte de l'abolition en question constitue la

20 pièce P1013, décision de l'assemblée fédérale relative à la cessation de

21 l'état de guerre. Donc, il ne peut y avoir aucune malveillance, aucune

22 intention négative, aucun objectif suspect à l'origine de la publication de

23 ce décret. Les décrets ont été adoptés selon la loi qui exigeait une

24 demande écrite du gouvernement. Il y a eu ratification au mois de juin, et

25 tous les décrets adoptés en temps de guerre ont cessé d'être en vigueur dès

26 l'état de guerre a cessé.

27 Il n'y a donc dans ces 16 décrets qui puissent démontrer que des

28 mesures ont été imposées pour faciliter les crimes qui font l'objet des

Page 12323

1 chefs 1, 2 et 5 de l'acte d'accusation, comme le prétend l'Accusation.

2 Monsieur le Président, je crois que l'heure de la pause est arrivée.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous suspendons.

4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 46.

5 --- L'audience est reprise à 11 heures 17.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, veuillez

7 poursuivre.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Avant la pause, je présentais des arguments au sujet des décrets adoptés

10 avant la guerre et je parlais plus particulièrement d'un décret relatif à

11 la délivrance de cartes d'identité. J'ai encore une référence à vous

12 proposer s'agissant de l'ensemble de ces textes, à savoir la pièce à

13 conviction 1D226, qui est la loi fédérale sur la citoyenneté, article 34 de

14 cette loi, et se lit comme suit : "Dans des circonstances extraordinaires,

15 tel qu'un état du guerre, un citoyen de la RSFY ne peut perdre sa

16 citoyenneté."

17 Je passe maintenant au paragraphe 7 de l'acte d'accusation qui se lit comme

18 suit : "Le 12 mai 1999, Sreten Lukic a été promu par décret du président de

19 la République de Serbie du grade de général de division au grade de général

20 de Corps d'armée." Le 28 mai 2001, M. Lukic a été promu au grade de général

21 d'armée par un décret présidentiel de M. Milutinovic.

22 Or, aucun élément de preuve en l'espèce n'étaye cette présomption.

23 Paragraphe 36(j) de l'acte d'accusation, il y est question du fait

24 que Milan Milutinovic "n'a pas exercé ses pouvoirs en tant que président de

25 Serbie pour empêcher la commission et la sanction des auteurs de crimes

26 évoqués dans l'acte d'accusation."

27 Aucun élément de preuve n'évoque les pouvoirs de facto ou de jure conférés

28 à M. Milutinovic en sa qualité de président de Serbie et qui lui aurait

Page 12324

1 permis de faire quoi que ce soit en la matière et il n'en avait pas non

2 plus la capacité matérielle.

3 J'aimerais maintenant renvoyer la Chambre à deux éléments tout à fait

4 capitaux des accusations portées contre M. Milutinovic qui concernent le

5 conseil suprême de la Défense et le commandement Suprême. Les éléments

6 pertinents de l'acte d'accusation sont le paragraphe 8, paragraphe 2,

7 paragraphe 23, paragraphe 35, alinéas (a), (b) et (e); paragraphe 36,

8 alinéas (a) et (b); et paragraphe 38.

9 L'Accusation accuse M. Milutinovic d'avoir été membre du conseil

10 suprême de la Défense et du commandement Suprême et affirme que durant

11 l'état de guerre le commandement Suprême avait un pouvoir sur l'armée

12 yougoslave et d'autres instances engagées dans la défense de la République

13 yougoslave. Je propose de passer en revue les éléments de preuve suivants :

14 les constitutions, les textes législatifs pertinents, à savoir la loi sur

15 l'armée yougoslave et la loi sur la défense, les procès-verbaux des

16 réunions du conseil suprême de Défense, les règlements de procédure du

17 conseil suprême de Défense et le témoignage des témoins de l'Accusation à

18 cet égard.

19 D'abord, la constitution de la RSFY, pièce P856. Selon les articles

20 133 à 138 de cette constitution, l'armée yougoslave est une armée fédérale.

21 Les articles 135 et 136 de cette loi portent sur les pouvoirs du président

22 de la République fédérale yougoslave et traitent également des attributions

23 du conseil suprême de la Défense. L'article 135 stipule que : "Le président

24 de la République yougoslave, le président fédéral par conséquent, commande

25 l'armée yougoslave en temps de guerre et en temps de paix, conformément aux

26 décisions du conseil suprême de la Défense."

27 Je reviendrai un peu plus tard dans mon exposé sur le sens de cette

28 portion de phrase "conformément aux décisions du conseil suprême de

Page 12325

1 Défense."

2 Dans ce même article 135 de la loi, nous lisons que le conseil

3 suprême de la Défense est composé du président de la RSFY, du président de

4 la Serbie, du président du Monténégro, et que le président de la République

5 fédérale préside les réunions du conseil suprême de la Défense.

6 L'article 136 de la constitution de la RSFY se lit comme suit : "Le

7 président de la république, à savoir la république fédérale, est

8 responsable des nominations, des promotions et des limogeages des officiers

9 de l'armée yougoslave comme le stipule la loi fédérale; il nomme à leur

10 poste, il démet de leurs fonctions le président, les juges et les

11 assistants judiciaires des tribunaux militaires et des procureurs

12 militaires."

13 Je fais état de ces deux lois fédérales pertinentes qu'il nous faut

14 prendre en compte. Il s'agit de la pièce P984, la loi sur l'armée

15 yougoslave de 1994; et de la pièce P985, la loi sur la défense de 1994.

16 La première chose dont je pense que la Chambre devrait être informée,

17 c'est que le président de la République de Serbie, M. Milutinovic, est un

18 membre ex officio du conseil suprême de la Défense. En réalité, le

19 président de la République du Monténégro et le président de la Serbie sont

20 également des membres ex officio en application de l'article 135 de la

21 constitution fédérale. Les constitutions des Républiques du Monténégro et

22 de la Serbie ne disent pas un seul mot sur cette question. Donc, si l'on

23 est détenteur du poste de président de la Serbie, la constitution fédérale

24 prévoit que le président de la Serbie est membre du conseil suprême de la

25 Défense.

26 Un peu plus tôt ce matin, nous avons parlé de la constitution serbe

27 de 1990 en essayant de la comparer avec la constitution de la République

28 fédérale yougoslave de 1992 pour voir quel était le rapport entre l'une et

Page 12326

1 l'autre. Ce que je veux de dire en est un exemple, et je vais maintenant

2 vous en donner un autre. La République de Serbie n'a jamais possédé de

3 forces armées. Jusqu'en 1992, l'armée fédérale était la JNA au sein de

4 l'Etat fédéral connu sous le nom de RSFY, République socialiste fédérative

5 de Yougoslavie. Pendant la période couverte par l'acte d'accusation et

6 depuis 1992, l'armée fédérale, c'est l'armée de Yougoslavie, à savoir la

7 VJ, selon le sigle en serbe.

8 Alors, si nous nous penchons sur la constitution serbe, pièce P855, article

9 83 alinéa 4, nous trouvons la disposition qui se lit comme suit : "Le

10 président de la République de Serbie commande les forces armées en temps de

11 paix et en temps de guerre, ainsi que la résistance populaire contre la

12 guerre, ordonne la mobilisation générale et partielle, et organise les

13 préparatifs pour la défense conformément à la loi."

14 Nous avons vu, j'en ai déjà parlé dans mes arguments, mais il y a des

15 textes législatifs précis qui en traitent également. Je vous renvoie à la

16 pièce 1D456 qui est la loi de 1991 sur le ministère, loi par laquelle a été

17 créé le ministère de la Défense de la République de Serbie en 1991. Ce

18 ministère a été aboli en 1993 par le texte législatif qui constitue la

19 pièce 1D142, qui est la loi corrigeant et amendant la loi sur le ministère.

20 Tous les ministères dont les activités tombaient sous la juridiction

21 fédérale ont été abolis par cette même loi, y compris le ministère de la

22 Défense de la République de Serbie.

23 Donc encore une fois, comme nous assistions à cette époque au début

24 du démantèlement de la RSFY qui allait déboucher sur création de la RFY

25 entre 1990 et 1992, pendant tout ce début des années 1990, nous voyons

26 qu'il n'y a peut-être pas accord parfait entre les deux constitutions, la

27 constitution serbe et la constitution de la République fédérale yougoslave,

28 mais il y a ces clauses tout à fait suprêmes, par exemple, ce texte

Page 12327

1 législatif qui corrige ce qui à première vue pouvait sembler comme une

2 anomalie, à savoir que la Serbie n'avait aucune force armée.

3 Ce que nous disons, c'est que la VJ est commandée par le président de

4 la République fédérale yougoslave, qui en est le commandant suprême. Quant

5 au principe d'unité de commandement, il est donc respecté puisque c'est le

6 commandant suprême qui commande les forces armées, et ces forces armées ne

7 sont pas commandées par un groupe. Le conseil suprême de la Défense remplit

8 une fonction de défense nationale, et nous disons à l'examen minutieux de

9 la loi, des procès-verbaux de réunions et des éléments de preuve émanant

10 des dépositions des témoins, que tel était bien le cas.

11 Je vous ai déjà parlé des articles 135 et 136 de la constitution de

12 la RFY qui, dans l'article 135 stipule, je cite : "En temps de guerre et en

13 temps de paix, l'armée de Yougoslavie est placée sous le commandement du

14 président de la république conformément aux décisions du conseil suprême de

15 Défense."

16 L'article 136 porte plus précisément sur les nominations, promotions

17 et limogeages au sein l'armée yougoslave.

18 D'après la Défense, la loi sur l'armée yougoslave, sur la VJ, en tant

19 que texte législatif applicable, à savoir la pièce à conviction P984,

20 définit les attributions et le pouvoir du président de la République

21 fédérale ainsi que le pouvoir de commandement qu'il exerce sur l'armée

22 yougoslave. Je tiens à vous lire l'article 4 de cette loi, qui se lit comme

23 suit : "Le président de la république commande l'armée en temps de paix et

24 en temps de guerre conformément aux décisions du conseil suprême de

25 Défense."

26 Nous voyons ici une reprise du libellé que l'on trouvait déjà dans

27 l'article 135 de la constitution fédérale.

28 Un peu plus loin dans le texte de l'article 4, nous lisons, je cite :

Page 12328

1 "Dans le cadre de son commandement de l'armée, le président de la

2 république" - je fais remarquer qu'il s'agit toujours du président de la

3 République fédérale - "fait," ensuite on a huit points qui suivent, je cite

4 :

5 "Le président de la république détermine les principes

6 d'organisation, de développement et d'équipement de l'armée;"

7 Alinéa 2 : "Détermine le système de commandement de l'armée et

8 vérifie sa mise en œuvre;"

9 Alinéa 3 : "Décide du déploiement de l'armée et approuve les plans

10 d'utilisation de l'armée;"

11 Alinéa 4 : "Réglemente et ordonne l'état d'alerte de l'armée en cas

12 de menace imminente de guerre, d'état de guerre ou d'état d'urgence;"

13 Alinéa 5, je cite : "Propose les orientations nécessaires aux

14 dispositions à prendre en vue de la mobilisation et émet les ordres de

15 mobilisation visant l'armée;"

16 Alinéa 6, je cite : "Emet les réglementations fondamentales et autres

17 actes relatifs au déploiement de l'armée;"

18 Alinéa 7, je cite : "Adopte les règles régissant l'ordre interne et

19 les relations en vue de la performance des services militaires;"

20 Et alinéa 8, je cite : "Met en œuvre tout autre tâche liée au

21 commandement de l'armée conformément aux dispositions de la loi fédérale."

22 Alors quel est le pouvoir du président fédéral s'agissant des

23 promotions, des nominations et des limogeages ? Nous invitons la Chambre à

24 se pencher sur ces passages du texte - je vais les énumérer - dans la loi

25 sur l'armée yougoslave: articles 16, 28, 46, 107, 151, 204, 208, 291, 296,

26 316, et 318.

27 Tous ces articles que je viens d'énumérer stipulent expressément que

28 le président de la République fédérale a le pouvoir de promouvoir, de

Page 12329

1 nommer et de limoger. C'est lui qui commande l'armée yougoslave.

2 Qu'est-ce que nous dit la loi sur la défense ? Pièce à conviction

3 P985, je vous renvoie à l'article 40 --

4 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. J'ai une

5 question. Alors il est le commandant, donc le commandant en chef, et il

6 agit sur le conseil du conseil de la Défense.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bien --

8 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] En quoi est-ce que cela se

9 différencie d'un commandant en chef, à savoir le fait qu'il agisse sur les

10 conseils du conseil suprême de la Défense, parce qu'il y est soumis ? Je

11 veux dire, est-ce qu'il y a une distinction entre telle ou telle période

12 éventuellement ?

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Avec le respect que je vous dois, il n'y a

14 pas de différence par rapport au fait qu'il est commandant en chef.

15 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Alors il agit sur le conseil du

16 conseil suprême de la Défense, mais ce n'est pas lui qui décide qui va

17 aller sur le champ de bataille.

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je suis sur le point de traiter de cela

19 dans mon exposé parce que je pense qu'à la lecture de la loi sur la défense

20 et des procès-verbaux des réunions du conseil suprême de la Défense, nous

21 voyons qu'il y a un groupe de conseillers qui s'occupent des questions de

22 défense nationale et pas de l'armée. Alors la véritable nature de la loi,

23 on s'en rend compte à l'examen minutieux de tous les textes législatifs,

24 procès-verbaux de réunions, ordre du jour, thèmes en discussion, de ce qui

25 est décidé et de ce qui n'est pas décidé, c'est bien cela.

26 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je renvoie la Chambre à la pièce P985, à

28 savoir un texte législatif fédéral qui est la loi sur la défense. Je

Page 12330

1 commencerais par l'article 40 qui s'occupe des droits et devoirs du

2 président fédéral. Article 40, là encore, on voit une reprise de libellé

3 que l'on trouvait dans l'article 135 de la constitution fédérale.

4 Je cite : "Conformément aux décisions du conseil suprême de la

5 Défense, le président de la république :"

6 Alinéa 1, je cite : "Ordonne la mise en œuvre du plan de défense

7 destiné à l'ensemble du pays, commande l'armée yougoslave en temps de

8 guerre et en temps de paix, et décide de la division territoriale du pays

9 en plusieurs régions militaires."

10 Voilà donc les trois premiers paragraphes de l'article 40.

11 A l'alinéa 1, l'article 40 évoque un plan de défense. L'article 85 de

12 la loi sur la défense traite du plan de défense et du conseil suprême de la

13 Défense qui est chargé de mettre en place ce plan de défense destiné à

14 l'ensemble du pays dans les six mois à compter du jour où la loi en

15 question entre en vigueur, à savoir en 1994 en l'espèce.

16 Je me penche maintenant sur l'article 41 de la loi sur la défense. Je

17 crois que c'est ici que je commence à aborder la question que vient de

18 poser il y a quelques instants M. le Juge Chowhan.

19 Article 41 de la loi sur la défense. Elle comporte huit alinéas

20 relatifs au conseil suprême de la Défense, je vais citer l'intégralité de

21 ce passage.

22 "Le conseil suprême de la Défense :"

23 Alinéa 1, je cite : "Adopte le plan de défense du pays."

24 Alinéa 2 : "Rend les décisions conformément auxquelles le président

25 de la république est chargé de commander l'armée de Yougoslavie."

26 Alinéa 3, je cite : "Apprécie les éventuels dangers de guerre ou

27 autres menaçant la défense et la sécurité du pays."

28 Alinéa 4, je cite : "Détermine les équipements et les armements

Page 12331

1 nécessaires pour assurer la défense du pays."

2 Alinéa 5, je cite: "Détermine les dispositions territoriales à mettre

3 en place pour assurer la défense du pays."

4 Alinéa 6, je cite : "Détermine la stratégie de conflit armé et les

5 règles relatives à l'emploi de la force dans le cadre de la défense du

6 pays et de la conduite de la guerre."

7 Alinéa 7, je cite : "Adopte les éléments fondamentaux, plans

8 d'entraînement et programme destiné à assurer la défense du pays et aux

9 préparatifs des personnes qui auront à travailler en rapport avec la

10 défense du pays."

11 Je vais maintenant me pencher sur l'activité du conseil suprême de

12 Défense et sur les textes émanant de ce conseil qui ont été versés au

13 dossier en l'espèce. Je demande à la Chambre de ne pas perdre de vue le

14 libellé et les pouvoirs qui sont conférés au conseil suprême de la Défense

15 par l'article 41. Il est question de la défense du pays, on y voit la

16 mention d'estimation dont il est chargé, de décisions qu'il doit prendre et

17 de conseils à fournir au commandant en chef président de la république

18 fédérale. Pour ne pas anticiper, j'annonce d'emblée que lorsque nous

19 passons en revue les procès-verbaux des réunions de ce conseil suprême de

20 la Défense que j'ai l'intention de faire immédiatement, tout cela va

21 prendre forme de façon plus précise.

22 J'énumère d'abord les procès-verbaux des réunions qui ont été versés

23 au dossier en l'espèce : pièce P1573, 3e Séance du conseil suprême de la

24 Défense, 24 décembre 1997; pièce P1574, 5e Séance du conseil suprême de la

25 Défense, 9 juin 1998; pièce P1575, 6e Séance du conseil suprême de la

26 Défense, 4 octobre 1998; pièce P1576, 7e Séance du conseil suprême de

27 Défense, 24 novembre 1998; pièce P1000, 8e Séance du conseil suprême de la

28 Défense, 25 décembre 1998; et pièce P1577, 9e Séance du conseil suprême de

Page 12332

1 la Défense tenue le 23 mars 1999.

2 Il y a également deux jeux de règlements de procédure, de règlements

3 intérieurs du conseil suprême de la Défense versés au dossier, 2622 --

4 P2622 du 23 juillet 1992; et P1738, le règlement de procédure du 23 mars

5 1999.

6 Maintenant, je demande à la Chambre de tenir en compte le libellé de

7 l'article 41 de la loi sur la Défense. J'invite la Chambre également au

8 début à parcourir les ordres du jour durant ces réunions. Quelles étaient

9 les questions abordées et quelles étaient les décisions prises par le

10 conseil suprême de la Défense selon lesquelles le président de la RFY

11 commande l'armée ? Par exemple, il est question de questions personnelles,

12 à la 5e Séance, par exemple, il y a la discussion sur la situation

13 militaire et politique dans la région et la situation à la frontière d'Etat

14 avec la République d'Albanie. Ensuite, il y a eu la discussion sur le

15 budget militaire. Vous allez voir après avoir parcouru ce procès-verbal,

16 qu'il est question de la République de Serbie et la République de

17 Monténégro pour ce qui est de leurs contributions au budget militaire. Donc

18 il y a des questions de finance qui ont été abordées, également des

19 questions du personnel. En décembre, il y a une information pour ce qui est

20 des candidats au poste à l'armée de Yougoslavie et la décision allait être

21 prise par le président de la RFY.

22 Le 23 mars 1999, à la veille de la guerre il y a eu la discussion

23 concernant la situation militaire et politique à l'époque dans la région,

24 et le danger pour ce qui est de l'agression de l'OTAN contre la RFY.

25 Donc je vous invite à parcourir les sujets qui ont été abordés lors

26 des réunions du conseil suprême de la Défense, on peut voir par rapport à

27 ces procès-verbaux qu'il s'agissait d'un organe consultatif.

28 Maintenant, penchons-nous sur la 5e Séance du conseil suprême de la

Page 12333

1 Défense du 9 juin 1998, c'est la pièce à conviction P1574. Il y a deux

2 points de l'ordre du jour uniquement : les questions liées au personnel et

3 l'interprétation de la situation politique et militaire dans la région

4 ainsi que la situation prévalant à la frontière avec la République

5 d'Albanie. Je vous rappellerais qu'il s'agit du mois de juin 1998.

6 Maintenant, le général Perisic est présent à cette réunion, et lorsque vous

7 vous penchez sur son rapport adressé au conseil suprême de la Défense, vous

8 allez voir qu'il parle du niveau d'ordre de danger encouru par la RFY

9 depuis le territoire de l'Italie, de Macédoine, de la Bosnie-Herzégovine,

10 ensuite il est question des camps d'entraînement des terroristes en

11 Albanie, et en conclusion qui a été adoptée à l'unanimité, il y a trois

12 parties. D'abord, le rapport du chef de l'état-major est accepté et adopté

13 - c'est à la page 3 de la pièce à conviction. Ensuite la deuxième

14 conclusion aussi : les activités terroristes des séparatistes d'Albanie

15 s'accélèrent, l'armée de Yougoslavie devrait intervenir de façon

16 appropriée. La troisième partie parle de la décision qui saurait être prise

17 pour que : l'armée de Yougoslavie soit prête à s'opposer à n'importe quelle

18 forme d'intervention étrangère qui pourrait violer la souveraineté et

19 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie - du territoire de Yougoslavie.

20 Nous disons que la discussion qui a été menée au sein des organes

21 était la discussion portant sur les informations, les discussions, les

22 estimations, il y avait des échanges de points de vue et cet organe s'est

23 occupé de la défense nationale. Nous disons qu'il s'agissait de l'organe

24 consultatif qui présentait ses conseils au président de la RFY qui

25 commandait la VJ et qui était le commandant suprême.

26 Je vous ai donné ces exemples par rapport aux décisions qui étaient

27 des exemples de portée générale, conformément au pouvoir conféré au conseil

28 suprême de la Défense conformément aux dispositions légales. Maintenant je

Page 12334

1 vais parler de quelques autres procès-verbaux ce ces réunions. En 1998, en

2 1999, cela confirme que c'était la fonction de cet organe, ce que je viens

3 de décrire.

4 La 6e Séance du 4 octobre 1998, la pièce P1575. Un point de l'ordre

5 du jour, l'interprétation de la situation militaire et politique prévalant

6 à l'époque dans la région. Le contexte et la résolution du Conseil de

7 sécurité des Nations Unies portant le numéro 1199, c'est la pièce à

8 conviction P456. Encore une fois, le général Perisic est présent à la

9 réunion et il transmet l'estimation faite par l'état-major général de la

10 VJ. Il dit que les questions politiques et militaires à aborder dans la

11 région. Ensuite, il parle des capacités de défense de la RFY, une

12 estimation par rapport à l'attaque de l'OTAN éventuelle de l'air, de la mer

13 et du sol. Il dit que l'état-major s'est mis d'accord à adopter un

14 consensus sur lequel il faut obéir à la résolution des Nations Unies, qu'il

15 faut trouver une solution pacifique, qu'il faut procéder au dialogue et par

16 les moyens politiques trouver une solution, et le pays devrait se défendre

17 s'il était attaqué.

18 M. Milutinovic a parlé à cette réunion à la page 4, il a dit, et je cite du

19 procès-verbal : "Le président de la République de Serbie, Milan

20 Milutinovic, s'est mis d'accord pour adopter l'estimation de la situation

21 politique et militaire que le général Perisic a présentée par rapport aux

22 forces de l'OTAN, et il a exprimé l'espoir en disant que la raison

23 prévaudrait et qu'il n'y aurait pas de frappes. Lorsqu'on parle pour la

24 résolution entière des Nations Unies, point par point, nous l'avons

25 examinée et nous avons pratiquement tout fait pour éviter les frappes

26 aériennes. Pourtant si on nous attaque, nous allons être prêts à défendre

27 notre pays."

28 En pages 7 et 8, le président Milosevic a présenté quatre points qui

Page 12335

1 découlent de cette réunion. Le premier point, c'est la suspension des

2 opérations de combat. Je vous rappelle que c'était en octobre 1998 et qu'il

3 y a eu suspension des combats à l'époque. C'était à la veille de l'accord

4 entre Milosevic et Holbrooke pour ce qui est de la mission MVK.

5 Ensuite : "Le retrait des forces aux postes par rapport à la

6 situation des activités terroristes, c'était l'accord avec le président

7 Yeltsin, le président de Russie." Nous avons des moyens de preuve pour ce

8 qui est de cet accord et ce qui a amené la KDOM sur le territoire.

9 Le troisième point, c'était : "L'ouverture de la région entière pour

10 que les représentants de l'UNHCR et la Croix-Rouge puissent circuler

11 librement, et pour résoudre les problèmes humanitaires."

12 Le quatrième, c'était : "Mener un dialogue pour résoudre les

13 problèmes."

14 La conclusion du conseil suprême de la Défense, quelle était cette

15 décision ? Elle était unanime. "La Yougoslavie est pour la paix et prête à

16 résoudre tous les problèmes par les moyens pacifiques, mais si le pays est

17 attaqué nous nous défendrons en utilisant tous les moyens possibles."

18 C'était la décision du conseil suprême de la Défense en accord avec

19 laquelle le président de la République fédérale, M. Milosevic, a commandé

20 la VJ.

21 Maintenant, je vais aborder la 7e Séance du conseil suprême de la

22 Défense du 24 novembre 1998, pièce P1576. Il y a deux points à l'ordre du

23 jour : d'abord, la discussion portant sur le budget militaire pour 1998 et

24 les questions concernant le personnel. La seule chose qui soit pertinente

25 ici, c'est le point qui a trait au budget, nous voyons que les problèmes

26 commencent à surgir, les problèmes entre le Monténégro et la RSFY. Lorsque

27 vous vous penchez sur ce procès-verbal de la réunion, vous allez voir que

28 le président Djukanovic a informé et rappelé que le Monténégro ne paie pas

Page 12336

1 sa part au budget militaire. Nous allons voir que les témoins ont dit plus

2 tard aux réunions que M. Djukanovic a obstrué le travail du conseil suprême

3 de la Défense.

4 Ensuite, les questions liées au personnel, c'était le remplacement du

5 chef de l'état-major général. Le président Milosevic a proposé le

6 remplacement du colonel Perisic et a proposé deux noms, le colonel

7 Velickovic et Ojdanic. Et les raisons pour lesquelles M. Milosevic a

8 proposé cela c'était pour démettre de ses fonctions le général Perisic.

9 C'est à la page 3, et c'est parce que "Perisic a occupé ce poste pendant

10 une période qui était inhabituellement longue."

11 Le président Milosevic dit : "Le chef de l'état-major général ne

12 devrait pas occuper ce poste aussi longtemps, par exemple aux Etats-Unis,

13 les trois généraux étaient à ce poste pendant ces cinq dernières années." ¸

14 Le président Milosevic dit également que : "M. Perisic a été nommé

15 conseil au gouvernement de la république fédérale et après le transfert au

16 ministère fédéral, il deviendrait peut-être le ministère de la Défense

17 fédérale."

18 Pour ce qui est de cette réunion, vous allez voir que le président

19 Djukanovic s'est opposé au remplacement du général Perisic. Il dit qu'il

20 est pour la réorganisation de l'état-major général et du ministère de la

21 Défense fédérale. Mais il s'est opposé au remplacement de Perisic, en

22 disant qu'à cause de la longueur du temps passé au poste du chef de l'état-

23 major général, cela ne représente pas un facteur décisif. "A son avis,

24 Perisic a prouvé qu'il était compétent et qu'il avait une grande

25 expérience, qu'il a coopéré avec le Monténégro, défendu les intérêts de la

26 VJ à l'intérieur et à l'étranger, et qu'il --"

27 M. Milutinovic, à la page 4, remarque : "Le président Milutinovic a

28 eu une opinion différente par rapport au remplacement de l'officier

Page 12337

1 supérieur de l'état-major général, même s'il ne conteste pas ce que le

2 président Djukanovic a dit." Il a dit que : "Nous avons besoin d'un tel

3 chef de l'état-major général qui est très bien sur le terrain. Il faisait

4 son travail avec succès, mais pourtant il est assez longtemps à ce poste et

5 il faut que quelqu'un d'autre vienne à ce poste. Ensuite, nous avons les

6 décisions de parallèle où l'état-major général et le ministère de Défense

7 fédérale, SMO, et ce n'est pas économique et ça coûte plus cher."

8 M. Milutinovic ensuite dit : "Lorsqu'il s'agit de la renommée de

9 Perisic à l'étranger, il ne faut pas vraiment prêter beaucoup d'attention à

10 cela. Nous allons nous occuper de nos affaires intérieures de notre mieux

11 et non pas convenant à leurs intérêts. Le général Ojdanic est peut-être

12 moins connu au public, mais cela ne veut pas dire qu'il est moins compétent

13 pour ce qui est du poste du chef de l'état-major."

14 Ensuite, il y a un échange de points de vue entre le président

15 Milosevic et le président Djukanovic par rapport aux articles 135 et 136 de

16 la constitution fédérale par rapport aux pouvoirs et aux attributions du

17 président et du rôle du conseil suprême de la Défense.

18 Le président Djukanovic dit les choses suivantes par rapport à son

19 opposition au remplacement du colonel Perisic. C'est à la page 5 : "En

20 réponse à cela, le président Djukanovic a insisté encore une fois qu'il

21 faut dire que le président du Monténégro a exprimé son opinion négative par

22 rapport au remplacement du chef de l'état-major de la VJ, le colonel

23 Momcilo Perisic. Ensuite, il dit que les juridictions pour ce qui est de

24 l'armée sont claires, et il n'est pas bien de quitter la pratique

25 antérieure pour ce qui est du travail du conseil suprême de la Défense."

26 Le président Milosevic répond en invoquant les articles 135 et 136 de

27 la constitution de la république fédérale. Et c'est en fait l'essentiel de

28 son argument. A la page 5 : "Le président Milosevic a avancé qu'il était

Page 12338

1 satisfait de la façon dont la discussion s'est déroulée à la séance du

2 conseil suprême de la Défense parce que, bien qu'il y ait eu des

3 différences, le débat a été constructif. Il a rappelé aux membres du

4 conseil que par rapport à la constitution de la RSFY, les décisions se

5 rapportant sur la nomination des généraux sont du ressort du président de

6 la république."

7 Après cela, le président Milosevic a dit : "Selon la constitution, la

8 compétence du président de la république par rapport à l'armée de la VJ est

9 stipulée dans deux articles." Il s'est référé aux articles 135 et 136. Il

10 dit que : "Dans l'un de ces deux articles", - je dis que c'est le 135 - "le

11 président de la république commande l'armée conformément aux décisions du

12 conseil suprême de la Défense," ensuite y sont énumérés les membres du

13 conseil suprême de la Défense. Cet article concerne l'utilisation de

14 l'armée. Un point de vue est adopté au conseil et les autorités transmises

15 pour ce qui est des directives d'exécution, pour ce qui est, par exemple,

16 de l'engagement de forces additionnelles au Kosovo-Metohija.

17 Ensuite, le président Milosevic se réfère à l'article 136 de la

18 constitution où il est dit : "Les attributions du président de la

19 république concernent la nomination et le limogeage des généraux, de juges

20 de tribunaux militaires, des procureurs militaires et de leurs assistants

21 conformément à la loi fédérale. Et c'est la loi sur l'armée de Yougoslavie

22 où les attributions du président de la République ont été plus élaborées."

23 Le président Milosevic ensuite dit qu'il va demander l'opinion et

24 consulter les membres du conseil suprême de la Défense, après quoi il va

25 rendre sa décision finale. "Le président Milosevic a dit jusqu'à récemment

26 la pratique du travail de ce conseil était qu'il fallait discuter de

27 plusieurs questions et il fallait que le gouvernement fédéral et d'autres

28 organes puissent décider là-dessus."

Page 12339

1 Le président a dit à la fin du débat que : "Dans le futur, il

2 demanderait les conseils des membres du conseil suprême de la Défense et

3 des présidents des républiques membres sur les questions les plus

4 importantes concernant l'armée de Yougoslavie."

5 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je m'excuse de vous avoir interrompu,

6 mais maintenant nous savons ce que c'est que consulter. Il y a "consulter

7 quelqu'un", avoir un conseil auquel vous devez obéir; et il y a également

8 un conseil qui est pure consultation et on peut en discuter, mais cela

9 n'exige pas du tout d'obéir.

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je pense que vous allez trouver la réponse

11 à cela si vous regardez au règlement des procédures et aux procès-verbaux

12 des réunions et aux ordres de jour.

13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pouvez-vous nous montrer pour ce qui

14 est de ces procès-verbaux de réunions comment cela s'est présenté, et si le

15 président a été lié par ces conseils, est-ce qu'il y a des règles par

16 rapport à cela, parce que pour ce qui est des nominations, est-ce qu'il a

17 certains pouvoirs pour ce qui est des consultations ?

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il s'agit de la phrase "concernant les

19 décisions qui sont en accord avec le conseil suprême de la Défense." Il

20 faut regarder à ce qui est sur l'ordre du jour et s'il n'y a pas de

21 décision du conseil, le président de la république fédérale n'a pas de

22 pouvoir discrétionnaire.

23 En d'autres termes, il y avait des choses suivantes qui ont été

24 discutées au conseil : les questions liées au personnel, les informations,

25 les consultations, les estimations. Mais il y avait également sur l'ordre

26 du jour d'autres choses comme le commandement et la gestion, lorsqu'on

27 regarde à ce qui s'est réellement passé et à la façon dont le président

28 Milosevic a compris les articles 135 et 136. A la réunion suivante du

Page 12340

1 conseil suprême de la Défense, je crois qu'il y a plus d'informations là-

2 dessus, parce qu'ici nous voyons que le président Djukanovic s'est opposé à

3 une nomination et le président Milosevic a invoqué l'article 135 et 136 de

4 la constitution de la RFY.

5 Et à la réunion en décembre, nous voyons qu'il y avait un échange

6 entre le président Milosevic et le président Djukanovic. Mais je pense que

7 nous ne pouvons pas porter un regard abstrait sur cela et ne regarder que

8 les dispositions de la constitution et de la loi sur la VJ ou sur la

9 Défense. Nous devons regarder ce qui s'est passé dans la pratique et

10 quelles questions ont été apportées à cet organe, et quel était le temps

11 des discussions, la nature des conclusions; et nous avançons notre argument

12 selon lequel il s'agissait d'un organe consultatif. C'est ce que président

13 Milosevic dit ici, il va demander l'opinion des membres et il va les

14 consulter --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, je suppose qu'à

16 partir du moment où M. Milutinovic était d'accord avec lui, en règle

17 générale, cela importait peu ce que Djukanovic pensait, ce qui était

18 indiqué par la constitution.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] C'est une remarque que l'on peut faire si

20 l'on ne prend pas en considération ce qui faisait l'objet de discussion

21 devant cet organe. Et la question de la promotion est quelque chose qui est

22 octroyé au président fédéral.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais l'observation de Milosevic

24 avait une portée beaucoup plus large lorsqu'il disait : "Lorsqu'il s'agit

25 de questions importantes, à partir de ce moment je procéderai à des

26 consultations, mais je prendrai les décisions." Cela est tout à fait

27 conforme à ce que disait Djukanovic, parce que si vous avez le pouvoir qui

28 vous est conféré par la majorité, vous pouvez en fait vous dissocier de ce

Page 12341

1 qui a été fait précédemment, quel que soit ce qui est stipulé par les

2 règles. Donc il y a une situation de facto, me semble-t-il.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] La situation de facto, c'est ce que nous

4 pensons, est une situation qui est prise en considération lorsque l'on

5 prend la nature même des questions qui sont présentées à cet organe.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je vais passer à la 8e Séance du mois de

8 décembre 1998, il s'agit de la pièce P1000. Vous avez trois points à

9 l'ordre du jour : une discussion à propos de la situation frontalière avec

10 la République de l'Albanie; le financement de la VJ en 1999; et un rapport

11 relatif aux nominations proposées au sein de la VJ, nominations présentées

12 aux fins de décision par le président de la RFY. Pour ce qui est de la

13 discussion à propos de la situation au niveau de l'état frontalier, vous

14 voyez qu'il y a un rapport de la part du général Ojdanic qui, à cette

15 époque-là, était chef d'état-major. Il présente un rapport à propos de la

16 situation frontalière entre la FRY, l'Albanie, la Macédoine. Il fait état

17 de franchissements illégaux de frontières à partir de ces pays avoisinants,

18 et ce, entre le mois de janvier et le mois de décembre 1998, et il fait

19 référence à tous les problèmes que cela cause dans les secteurs du Corps de

20 Pristina.

21 Alors, nous avançons qu'il n'y a pas particulièrement de discussion

22 pertinente pour ce qui est du financement, mais pour ce qui est des

23 promotions et des nominations, le président Milosevic dit qu'en règle

24 générale, c'est à la fin de l'année que traditionnellement on examine la

25 question des promotions et des nominations, ainsi que la question de la

26 cessation des services, et il fait des remarques, des suggestions à propos

27 de ces nominations. Une fois de plus, le président Djukanovic indique qu'il

28 prend bonne note de ceci aux fins d'informations seulement et que la

Page 12342

1 décision est prise par le président de la RFY.

2 A la page 9, le président Djukanovic dit : "Ce point à l'ordre du jour a

3 été examiné dans le cadre de l'information, ce qui signifie que cela est

4 présenté au conseil seulement aux fins de notification, mais ce n'est pas

5 le conseil qui prend la décision mais le président de la RFY. Toutefois, à

6 son avis, les autres participants de la séance peuvent avoir la possibilité

7 d'avoir voix au chapitre et de donner leurs opinions à propos de la

8 question qui fait l'objet de discussion, quelle que soit l'autorité

9 conférée aux personnes."

10 Nous avons entendu des éléments de preuve dans ce procès à propos de la

11 pièce P1000, procès-verbal du conseil suprême de la Défense. Cela avait été

12 montré au général Vasiljevic dans cette affaire ainsi que dans le procès

13 Milosevic, et il avait indiqué qu'à ce moment-là il était de notoriété

14 publique que le président Djukanovic faisait de l'obstruction, en fait,

15 c'est ce qui était indiqué lors de sa déposition dans Milosevic. Le

16 Procureur le savait et cela a été également présenté comme élément de

17 preuve dans ce procès, et d'ailleurs cette pièce est également une pièce à

18 conviction.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais cela est conforme à ce qui

20 avait été dit, à savoir cette idée suivant laquelle Djukanovic continuait à

21 protester, mais qu'il essayait de restaurer le droit à être consulté,

22 puisqu'il avait perdu le droit à la participation à la prise de décisions

23 et que l'ordre du jour a pour titre tout simplement "notification." Donc,

24 il exprime le point de vue suivant lequel il n'est même plus consulté.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, mais le règlement ne stipule pas

26 cela. Le président Djukanovic peut tout à fait proposer un ordre du jour ou

27 des points à l'ordre du jour. Il n'y absolument pas aucun grief à ce sujet.

28 Et bien entendu, nous ne sommes pas ici pour savoir si oui ou non il

Page 12343

1 y a des preuves qui ont été présentées au-delà de tout doute raisonnable

2 sur lesquelles cet organe, comme l'indique l'Accusation, commande la VJ et

3 les forces du pays. Tout ce que nous disons, c'est qu'il y a différentes

4 interprétations, et c'est l'interprétation innocente qui a été adoptée par

5 M. Milutinovic. Lorsque vous prenez l'ensemble des éléments de preuve, la

6 législation, les débats, le temps des débats, les décisions, les ordres du

7 jour, les mises aux voix de questions de toutes ces réunions.

8 L'Accusation est d'avis que lorsque le président Milosevic

9 dit le Corps de Pristina peut être utilisé, il n'y aucune irrégularité à

10 ceci. Cela se trouve à la page 8 651 de nos comptes rendus d'audience, il

11 s'agit de la déposition du général Vasiljevic, et l'Accusation a comme

12 opinion que Milosevic ment aux autres membres du conseil suprême de la

13 Défense lorsqu'il dit qu'il n'y a absolument pas de plaintes qui ont été

14 présentées parce qu'il n'a pas indiqué quelle était la plainte qui lui

15 avait été présentée en juillet dans la lettre du général Perisic. Si tel

16 est le point de vue adopté par l'Accusation, je n'ai plus rien à dire à ce

17 sujet.

18 Mais quelles sont les conclusions de la réunion ? Les conclusions

19 sont prises à l'unanimité, il s'agit d'une décision prise à l'unanimité, en

20 fait, elle se scinde en trois volets. "Premièrement, au Kosovo-Metohija,

21 l'armée yougoslave a fonctionné conformément aux règles de service. Le

22 Corps de Pristina s'est exécuté de sa mission avec beaucoup de succès;

23 deuxièmement, pour que le personnel soit en mesure de mieux protéger la

24 frontière, à savoir afin d'augmenter les portions de territoire frontalier

25 qui sont passées sous contrôle, il faudra construire de nouveaux postes

26 frontaliers, notamment le long de la frontière avec l'Albanie et fournir un

27 bateau adéquat sur le lac Skadar pour assurer la sécurité de la frontière

28 qui passe par le lac; et troisièment, le conseil suprême de la Défense

Page 12344

1 continuera à être informé de toutes les questions relatives à l'armée et

2 toutes les observations feront l'objet de discussions et seront prises en

3 considération lorsque les décisions seront prises."

4 Puis, le dernier procès-verbal que je souhaiterais vous présenter, il

5 s'agit de la pièce à conviction P1577, il s'agit de la 9e Séance du 23 mars

6 1999. Le président Djukanovic n'est pas présent. Il y a deux points à

7 l'ordre du jour. Le premier est comme suit : examen de la situation

8 politique dans la région et danger et menace d'une agression de l'OTAN

9 contre la RFY; et deuxièmement, examen du règlement intérieur du conseil

10 suprême de la Défense.

11 Manifestement, nous sommes à la veille de la guerre, il y a cette

12 menace d'une attaque de l'OTAN à l'encontre de la RFY. A la page 2, M.

13 Milutinovic a cette observation : "Le président de la république, Milan

14 Milutinovic, a notamment mis en exergue que la délégation à Rambouillet

15 avait fait tout ce qui était en ses moyens pour trouver une solution

16 pacifique au problème du Kosovo-Metohija, mais l'Occident a manifestement

17 décidé de commémorer le 50e anniversaire de la formation de l'OTAN de façon

18 absolument spectaculaire et a décidé de le faire en menant à bien une

19 agression armée contre notre pays dès demain, ce qui fait que nous devons

20 être prêts."

21 Quelles sont les conclusions de la discussion de ce point à l'ordre du jour

22 ?

23 Il s'agit de la page 2 : "A la suite du débat portant sur le premier point

24 de l'ordre du jour, le président Milosevic a indiqué qu'il y a une menace

25 réaliste d'agression et a rappelé ce qui avait été dit en octobre 1998 lors

26 de la session du conseil suprême de la Défense, le VSO, et que la RFY

27 ferait de son mieux pour trouver une solution pacifique au problème du

28 Kosovo, mais que si nous venions à être attaqués, nous défendrons notre

Page 12345

1 pays par tous les moyens."

2 Voilà la décision qui fut prise à la veille de la guerre, décision

3 conformément à laquelle le président de la RFY commandait la VJ. Il faut

4 savoir qu'en octobre 1998, ils étaient parvenus à la même conclusion. Donc

5 il s'agissait de savoir quel président de la RFY commandait la VJ. Mais il

6 est également question de l'adoption de nouveaux règlements par le conseil

7 suprême de la Défense, car à la page 2 et à la page 3, il est indiqué et je

8 cite : "Le conseil a envisagé le texte novateur de règlements intérieurs du

9 conseil. L'invasion a indiqué que le texte du règlement donnait les

10 conditions permettant au VSO, au conseil suprême de la Défense, de

11 travailler de façon efficace pendant ses séances et d'adopter les

12 décisions."

13 Nous voyons quelle est la véritable nature et quel est le véritable pouvoir

14 du conseil suprême de la Défense par l'entremise des constitutions, de la

15 législation et des procès-verbaux. Conformément à l'article 135, le

16 président fédéral, en temps de guerre et en temps de paix, commande l'armée

17 conformément aux décisions du conseil suprême de la Défense. Il s'agit d'un

18 commandant qui et le président de la RFY, qui est le commandant suprême, et

19 cela se fonde sur le principe d'unité et d'unité du commandement. Nous

20 voyons qu'en 1998, il y a eu quatre réunions du conseil suprême de la

21 Défense. Les procès-verbaux de trois de ces sessions ont été versés au

22 dossier. Il y a eu une réunion le 23 mars 1999, et il n'y a pas de preuves

23 selon lesquelles il y a eu d'autres réunions du conseil suprême de la

24 Défense après, et notamment pas pendant la période pertinente pour l'acte

25 d'accusation après le 23 mars 1999.

26 Alors que signifie l'expression "conformément aux décisions du conseil

27 suprême de la Défense" ? J'ai demandé à la Chambre d'envisager la pratique

28 que nous retrouvons dans le procès-verbal. Regardez la teneur des sujets

Page 12346

1 abordés, regardez les discussions du conseil suprême de la Défense et la

2 façon dont les décisions sont prises. Ils sont tout à fait conformes à

3 l'article 41 de la législation relative à la défense, à l'information, à la

4 discussion; alors il n'y a pas d'autorité de commandement, il n'y a pas de

5 questions de commandement qui y sont jamais d'ailleurs discutées. Le

6 conseil suprême de la Défense ne s'est pas réuni pendant la guerre. Le

7 document P1738 est le document du règlement adopté le 23 mars 1999 et qui

8 augmente le quorum. Vous avez les trois présidents et il faut qu'il y ait

9 présence des trois présidents du ministère de la Défense et du chef de

10 l'état-major pour que le quorum du conseil suprême de la Défense soit

11 atteint.

12 Nous, nous disons que le conseil suprême de la Défense n'a joué aucun rôle

13 de commandement de la VJ ou d'autres forces. Les présidents de la

14 république, M. Milutinovic et M. Djukanovic, n'ont joué aucun rôle pour ce

15 qui est de commander les forces armées. Il s'agit d'une armée fédérale. La

16 déclaration de guerre est un acte fédéral. Il s'agit d'une juridiction

17 fédérale déclarée par le gouvernement fédéral; le ministre de la Défense

18 est fédéral; le commandant en chef est le président fédéral qui commande

19 l'armée fédérale en temps de guerre.

20 Voilà pour ce qui est de l'analyse factuelle et l'analyse juridique qui

21 montrent que le conseil suprême de la Défense n'est pas l'organe que

22 l'Accusation indique qu'il est.

23 J'aimerais maintenant aborder les différents moyens de preuve. Bien

24 entendu, il y a très peu d'éléments de preuve, car la seule personne qui a

25 comparu ici et qui a été en mesure de parler de cette question était le

26 général Vasiljevic. Nous avançons qu'il n'est absolument pas compétent pour

27 donner des éléments de preuve à propos du conseil suprême de la Défense. Il

28 a pris sa retraite de la JNA en mai 1992. La constitution de la RFY est

Page 12347

1 entrée en vigueur le 27 avril 1992, donc quelques semaines avant retraite.

2 Dans le compte rendu d'audience à la page 8 642, le général Vasiljevic a

3 dit qu'il ne connaissait pas la constitution, et lorsqu'il a repris du

4 service en avril 1999, il a dit qu'il n'avait pas lu la constitution, et

5 qui plus est, il n'est absolument pas compétent pour ce qui est de parler

6 de la constitution et de ses différents règlements.

7 Mais que vous a dit le général Vasiljevic ? Il a parlé du commandant

8 suprême et de l'état-major pendant la guerre. Vous savez que le général

9 Vasiljevic était l'aide du général Farkas qui, lui-même, faisait partie de

10 l'état-major de la VJ. C'est un poste qu'il a pris en 1999 -- le général

11 Farkas.

12 Le général Vasiljevic a également indiqué lorsque la question a été

13 directement posée par l'Accusation, le général Vasiljevic a dit que le

14 commandant suprême était le président Milosevic et que le commandant

15 suprême fournissait des instructions et des consignes à l'armée par

16 l'entremise de l'état-major. Le commandant suprême faisait référence à la

17 personne qui donnait ses orientations à la VJ par l'entremise de l'état-

18 major général. Il l'a dit lors de sa déposition ici; il l'a également

19 indiqué dans la pièce P2600, qui correspond à son entretien avec le bureau

20 du Procureur dans les paragraphes 15 et 16; et il l'a également dit lors de

21 sa déposition dans l'affaire Milosevic, il s'agit du document P2598, et

22 cela commence à la page du compte rendu d'audience 15 964. Le général

23 Vasiljevic a dit que les rapports passaient par la filière hiérarchique du

24 commandement. L'état-major et le commandement Suprême étaient redevables au

25 président Milosevic qui était le commandant suprême.

26 Il faut également considérer -- il faudrait y voir à la ligne 18 que

27 c'est état-major du commandement Suprême qui présentait ce rapport au

28 président Milosevic en tant que commandant suprême.

Page 12348

1 Nous vous avons également demandé de considérer plusieurs pièces à

2 conviction de l'époque, notamment la revue Vojska. J'aimerais vous renvoyer

3 à la pièce 1D459, édition de Vojska du 27 mars 1999. C'est un article bref

4 rédigé afin d'expliquer les conséquences juridiques et les mécanismes

5 opérationnels lorsqu'il y a état de guerre. Il s'agit de M. Milosevic, le

6 président fédéral qui est le commandant en chef; cela décrit également les

7 pouvoirs présidentiels; il y est fait une description de l'état de guerre;

8 il n'y a aucune référence au président de la Serbie dans cet article -- ou

9 au commandement Suprême.

10 Vous avez la pièce 1D460, il s'agit du 5 avril 1999, on fait

11 référence au président Milosevic comme le président de la république et

12 comme le commandant suprême lorsqu'il a une réunion avec M. Rugova; la

13 pièce 1D461 du 7 avril, une fois de plus le président Milosevic est

14 considéré comme le commandant suprême; la pièce 1D462 du 10 avril 1999, là

15 le président Milosevic, le président et le commandant suprême reçoit des

16 représentants de la Grèce, de la Hongrie et de la Russie; 1D463, 14 avril

17 1999, le président Milosevic, commandant suprême, reçoit des représentants

18 étrangers; 1D467, 29 avril 1999, le président Milosevic, commandant en

19 chef, est félicité le jour national de la RFY, le 28 avril 1999; le 1D468,

20 le 10 mai, les deux présidents Milosevic et Milutinovic sont mentionnés

21 dans cet article. Le président Milosevic est le président et le commandant

22 suprême qui reçoit une délégation hellénique. Le président Milutinovic, le

23 président de la République de la Serbie, reçoit la même délégation

24 hellénique et il est décrit seulement comme le président de la République

25 de Serbie.

26 Mesdames, Messieurs les Juges, il n'y a aucun élément de preuve apporté

27 dans cette affaire indiquant que le président Milutinovic était le membre

28 d'un organe appelé le commandement Suprême. L'Accusation ne peut même pas

Page 12349

1 nous indiquer que cet organe appelé le commandement Suprême existait. Ce

2 qui est indiqué, c'est qu'il y avait un commandant suprême qui était le

3 président de la RFY; il est indiqué que le conseil suprême de la Défense ne

4 s'est jamais réuni; voilà pour ce qui est d'un autre élément de preuve; M.

5 Milutinovic n'a joué aucun rôle dans aucune des allégations qui sont

6 présentées par l'Accusation dans l'acte d'accusation.

7 J'aimerais maintenant vous parler de l'année 1998 et du comportement et des

8 actions de M. Milutinovic ainsi que de son état d'esprit, tel que cela est

9 repris par l'Accusation dans ses moyens de preuve. Nous savons pertinemment

10 qu'il y a eu très peu d'éléments de preuve avancés lors de la présentation

11 des moyens à charge contre M. Milutinovic. Il y a véritablement quelques

12 éléments de preuve extrêmement disséminés. Il n'y a absolument aucune

13 preuve d'une intention criminelle ou d'un comportement criminel de la part

14 de M. Milutinovic. J'aimerais que dans un premier temps que nous examinions

15 la résolution des Nations Unies, la Résolution 1160, P455, du 31 mars 1998.

16 Là, le Conseil de sécurité essaie de voir quelles sont les meilleures

17 méthodes pour vaincre le terrorisme au Kosovo, pour offrir aux Albanais du

18 Kosovo un véritable processus politique. Il exhorte la direction à Belgrade

19 et les Albanais du Kosovo d'avoir une réunion et un dialogue constructif.

20 Il exhorte et il demande une plus grande autonomie et une

21 autoadministration qui aurait un sens au Kosovo. Il y fait référence à

22 l'accord en matière d'éducation et à la déclaration faite par M.

23 Milutinovic le 18 mars 1998. Cette déclaration de M. Milutinovic du 18 mars

24 1998 fait l'objet du document 1D79. M. Milutinovic demande que soit

25 instauré immédiatement un dialogue politique entre les représentants du

26 gouvernement de Serbie et les dirigeants albanais.

27 M. Milutinovic se considère comme le garant de ces discussions qui doivent

28 se fonder sur l'intégrité territoriale, l'autogouvernement pour le Kosovo-

Page 12350

1 Metohija au sein de la Serbie. Il lance un appel au nom du dialogue, des

2 méthodes pacifiques et des moyens politiques. M. Milutinovic demande que

3 soit mis en vigueur l'accord dans le domaine de l'éducation, à un moment

4 donné, il dit : "Je dirais que je suis absolument convaincu de l'avenir des

5 citoyens du Kosovo-Metohija, ainsi que de l'avenir de ces citoyens en

6 Serbie et dans tout notre pays, car je pense que cela ne se fonde pas sur

7 des divisions et des partages ethniques, religieux ou culturels, mais que

8 cela se fonde sur la paix, l'égalité, l'intégration et la vie ensemble."

9 Alors quel est le contexte de cette résolution et du discours de M.

10 Milutinovic ? Nous avons des pièces à conviction à cette fin, la pièce 1D78

11 qui est une déclaration du gouvernement de la Serbie du 11 mars 1998 en

12 vertu de laquelle une délégation d'Etat avait été -- dirigée par le premier

13 ministre adjoint, Ratko Markovic. Vous savez que le professeur Markovic a

14 fini par diriger la délégation à Rambouillet, mais nous sommes en mars

15 1998.

16 Puis, il y a une deuxième pièce à conviction, 1D18, pages du système

17 électronique 90 et 91, il s'agit d'un accord relatif aux mesures dans le

18 domaine de l'éducation qui avaient fait l'objet d'un accord. Il s'agissait

19 de la réouverture de l'Institut d'Albanologie, la réouverture des facultés

20 et des universités avec des plans d'ouverture de nouvelles facultés,

21 ouverture des écoles, des collèges, et cetera. Autre pièce à conviction,

22 1D92 [comme interprété], encore il s'agit d'une déclaration du gouvernement

23 de la Serbie du 31 mars 1998. Là, il s'agit en fait de la délégation

24 dirigée par Markovic, il s'agit d'inclure des minorités, notamment les

25 Albanais du Kosovo, au sein de cette délégation. Cela inclut également le

26 professeur Kutlesic qui, à l'époque, était l'un des premiers ministres

27 adjoints du gouvernement fédéral, un envoyé spécial du président Milosevic

28 qui devait participer à ce comité qui avait été créé afin d'essayer

Page 12351

1 d'obtenir une solution pacifique et positive au problème du Kosovo.

2 Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai indiqué, je ne vais pas

3 revenir à la charge sur ce que j'ai dit ce matin à propos de l'article 9,

4 paragraphe 2 de la constitution serbe, mais il faut savoir que M.

5 Milutinovic est extrêmement précis puisqu'il se considère comme un garant

6 du processus politique qui s'exprime au nom de tous les citoyens de la

7 Serbie, et il exhorte la direction albanaise à amorcer le dialogue. Son

8 comportement, ses actes et son état d'esprit sont tout à fait conformes aux

9 pouvoirs du président de la Serbie et ne suggèrent aucunement de sa part

10 une intention criminelle. Nous savons que le 7 avril 1998, le président

11 Milutinovic se rend au Kosovo-Metohija avec la délégation dirigée par le

12 professeur Markovic, et ce, afin de rencontrer la délégation albanaise qui

13 ne vient pas à ce moment.

14 A cette occasion, c'est le document 1D83, le président Milutinovic fait une

15 déclaration, la déclaration du 7 avril 1998, et il dit que l'avenir de tous

16 les citoyens du Kosovo-Metohija, de la Serbie et de tous les citoyens du

17 pays ne passe pas par les divisions mais par l'égalité. Il renouvelle son

18 appel au dialogue en dépit du refus de la direction et, une fois de plus,

19 il se porte garant et indique qu'il est prêt à aller rencontrer à Belgrade

20 chaque fois que les représentants des partis politiques albanais

21 souhaiteront le faire.

22 Vous avez l'ambassadeur Petritsch qui était là. Vous savez qu'il s'agit de

23 l'ambassadeur autrichien auprès de Yougoslavie et de l'envoyé spécial des

24 Nations Unies pour le Kosovo. Il est conscient de ces discours de M.

25 Milutinovic. Il savait qu'il a fait des efforts répétés pour encourager les

26 représentants albanais du Kosovo à se réunir avec la délégation Markovic.

27 Je fais référence aux pages 10 785 à 10 788. Il savait que M. Milutinovic

28 était très critique à l'égard des Albanais qui n'étaient pas venus alors

Page 12352

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 12353

1 qu'ils avaient été invités, et que M. Milutinovic n'arrêtait pas d'insister

2 sur l'importance de la question de la Serbie et qu'il fallait trouver une

3 solution au problème de 1998, et que cela était l'un de ses objectifs

4 primordiaux et l'un des objectifs capitaux du gouvernement serbe.

5 L'ambassadeur Petritsch était également conscient du fait que pendant le

6 printemps de 1998, il y a eu 12 à 15 invitations différentes qui émanaient

7 soit du professeur Markovic, soit du gouvernement, et parfois de M.

8 Milutinovic et qui ont toutes été ignorées par la direction majoritairement

9 albanaise.

10 Alors vous avez entendu des éléments de preuve dans lesquels tous ces

11 problèmes du Kosovo ont pris une dimension internationale vers la mi-juin,

12 et ce par le biais de l'accord Yeltsin-Milosevic. L'ambassadeur Byrnes et

13 l'ambassadeur Petritsch en ont parlé. Il s'agit du document 1D18, 289 -- il

14 s'agit là de l'accord Yeltsin-Milosevic, c'est la pièce 1D18, page 289.

15 Cela, en fait, envisageait la liberté de mouvement pour les

16 diplomates accrédités, l'accès aux organisations humanitaires, une aide de

17 l'Etat pour reconstruire les maisons. Il y a également des éléments de

18 preuve, je pense, par exemple, aux visites au Kosovo-Metohija en 1998 de la

19 part de M. Milutinovic. L'une de ces visites s'est déroulée le 23 septembre

20 1998. Plusieurs témoins ont témoigné à propos de cette visite. Vous avez,

21 par exemple, le Dr Dunjic qui était un médecin légiste qui a procédé à des

22 autopsies de corps à Radonjic -- vous avez Zlatomir Pesic, qui était un

23 officier de la VJ, qui a participé à cette réunion du 23 septembre; tout

24 comme Ljubinko Cvetic, un officier du MUP qui a également participé à cette

25 réunion.

26 Nous disons que la visite de M. Milutinovic s'est déroulée le 23

27 septembre 1998, peu de temps après les massacres du lac de Radonjic; à

28 l'époque on pensait qu'il s'agissait de tueries commises par l'UCK. M.

Page 12354

1 Pesic et M. Cvetic étaient présents à la réunion. Les éléments de preuve

2 apportés par M. Pesic - qui font l'objet de la pièce P2502, ainsi que ses

3 informations supplémentaires et le compte rendu aux pages 7 215 et 7 217 -

4 ont indiqué que M. Milutinovic était un invité du MUP qui se trouvait dans

5 un petit hall où il y avait différentes personnes qui étaient assises en

6 rang. Il se trouvait à la quatrième rangée. M. Milutinovic et le général

7 Lukic se trouvaient à la tribune. M. Milutinovic a parlé de la situation

8 politique et de la situation en matière de sécurité en Serbie et comment

9 cela avait des conséquences sur la situation au Kosovo-Metohija.

10 M. Cvetic a également fourni le procès-verbal de cette réunion; il

11 s'agit de la page 8 189 du compte rendu d'audience. Il a dit que M.

12 Milutinovic avait dit que le terrorisme avait été vaincu, que les

13 conditions étaient présentes pour trouver des solutions aux problèmes du

14 Kosovo-Metohija, et ce, par des moyens pacifiques, que seule une minorité

15 de groupes terroristes restait, que la situation en matière de sécurité

16 devrait s'améliorer, et que tout le monde devrait travailler de concert

17 pour essayer de résoudre les problèmes.

18 Quelles sont les autres preuves des activités de M. Milutinovic en

19 1998 ? Nous savons que le 14 octobre, il a participé à une réunion du

20 gouvernement de la Serbie. Il s'agit de la pièce P656. Le gouvernement

21 serbe avalise l'accord conclut par le président Milosevic, il s'agit de

22 l'accord Holbrooke-Milosevic. M. Milutinovic a présenté un rapport au

23 gouvernement serbe à propos des pourparlers tenus entre le président

24 Milosevic et Richard Holbrooke. Il les a informés du fait que les

25 pourparlers avaient duré plusieurs jours et qu'un accord définitif avait

26 été obtenu pour trouver des solutions aux problèmes du Kosovo-Metohija, et

27 ce, de façon pacifique. Il a présenté cela au gouvernement, notamment le

28 11e point qui émane de l'accord entre M. Holbrooke et M. Milosevic, et il

Page 12355

1 présente également un calendrier.

2 Vous avez la pièce à conviction 1D204, qui est une copie de ce

3 calendrier qui a été présenté au Conseil de sécurité des Nations Unies, et

4 ce, par la RFY à l'époque.

5 Là maintenant, nous sommes au début du mois d'octobre. Vous savez que

6 la pièce à conviction 1D202 existe, les conclusions de l'assemblée

7 nationale qui condamne le terrorisme; qui fait la différence entre les

8 terroristes et les Albanais; qui condamne le soutien apporté au terrorisme

9 par la République de l'Albanie; qui exhorte aux dialogues, qu'il faut que

10 le dialogue se poursuive; que des solutions pacifiques soient trouvées;

11 qu'il faut qu'il y ait une égalité entre les Serbes, les Monténégrins, les

12 Turcs, les Musulmans et les autres, et les Roms également; et qu'il est

13 question également du fait que l'avenir du Kosovo-Metohija ne peut pas être

14 construit sur des divisions ethniques, religieuses ou culturelles. Il y a

15 une la liste des populations mentionnées à la conclusion de l'assemblée

16 serbe qui doit également inclure les Albanais.

17 Et vous avez également obtenu des éléments de preuve à propos de ce

18 qui a été appelé l'intervention de Hill avec des projets d'accord qui sont

19 les pièces à conviction 1D18, préparées par M. l'Ambassadeur Hill avec la

20 collaboration de l'ambassadeur Petritsch; il s'agit du 1er octobre, 1er

21 novembre et 2 décembre. Vous avez les pièces 1D86 et P556, deux documents

22 qui sont des comptes rendus d'une réunion présidée par M. Milutinovic entre

23 l'ambassadeur Hill et le Pr Markovic, le Pr Kutlesic qui faisaient partie

24 de cette délégation. Donc, vous avez deux membres de la délégation d'Etat

25 et vous avez également le chef de la délégation qui appellent au renouveau

26 et à l'intensification du processus des négociations. Il s'agit de la

27 déposition de l'ambassadeur Petritsch à la page 10 800.

28 Vous avez également vu que le 4 octobre eut lieu la 6e séance du

Page 12356

1 conseil suprême de la Défense au cours de laquelle M. Milutinovic avait

2 indiqué qu'il espérait qu'une solution raisonnable aux problèmes devrait

3 être trouvée et devrait prévaloir, et qu'il ne devait pas y avoir de

4 frappes aériennes tant que davantage ne serait pas fait pour faire en sorte

5 que soit mise en vigueur la résolution des Nations Unies.

6 Il y a également des éléments de preuve qu'à partir du mois d'octobre

7 une réunion à Belgrade, à savoir le 24 et le 25 octobre 1998, a eu lieu.

8 Vous avez entendu de longues dépositions, il y a de nombreuses pièces à

9 conviction, notamment le général Naumann, mais de la part de Sean Byrnes

10 également. Il s'agit en fait d'une réunion qui a duré pendant deux jours.

11 Vous avez des pièces à conviction pertinentes qui sont la pièce à

12 conviction P440, pièce du 15 octobre 1998, et là il s'agit de l'accord de

13 vérification Clark-Perisic; vous avez la pièce P432 du 16 octobre, il

14 s'agit de l'accord entre la Mission de vérification au Kosovo, l'OSCE,

15 Geremek-Jovanovic; vous avez la pièce P395 du 25 octobre 1998, procès-

16 verbal de réunion; vous avez l'accord entre Byrnes et Djordjevic qui --

17 M. Milutinovic était présent à ce moment-là, et quels sont les

18 preuves qui ont été apportées à propos de son rôle et à propos de ce dont

19 se souviennent les gens ? Vous avez le général Naumann qui dit dans ses

20 renseignements supplémentaires du document P2561 : "Au cours des

21 négociations techniques en octobre 1998, M. Milutinovic était présent mais

22 il n'était pas actif."

23 Sean Byrnes, du compte rendu 12 155 jusqu'à 12 158, dit qu'il se

24 rappelle qu'il y avait entre 30 et 40 participants à la réunion plénière.

25 Il dit : "Je me souviens que la plénière a été présidée par M. Milutinovic,

26 mais peut-être que je ne me souviens pas très bien de cela."

27 Maintenant, je vais faire une digression, Monsieur le Président, pour

28 parler de la nature des moyens de preuve présentés en relation avec les

Page 12357

1 actions et le comportement de M. Milutinovic. M. Naumann a dit que M.

2 Milutinovic était présent et pas actif, et Sean Byrnes a dit que, selon ses

3 souvenirs, il aurait pu se tromper. Et par rapport à M. Milutinovic, vous

4 allez vous rappeler que le colonel Phillips a témoigné devant ce Tribunal.

5 Il a assisté à la réunion entre William Walker et Slobodan Milosevic. Il a

6 dit que M. Milosevic était présent à cette réunion et il s'est contredit,

7 et en disant qu'il était assez sûr que M. Milosevic était là-bas, mais il a

8 admis qu'il pouvait se tromper là-dessus.

9 Mais y a-t-il des moyens de preuve pour indiquer que M. Milutinovic

10 aurait pu être présent à ces réunions ? Le seul moyen de preuve à cet effet

11 a été lié au témoignage de l'ambassadeur Vollebaek, ambassadeur de l'OSCE.

12 Il a dit qu'il a rencontré à trois reprises M. Milosevic, et une fois ou

13 deux M. Milosevic était présent, mais n'était pas tout à fait certain de

14 cela. Dans son témoignage, pièce à conviction P2634, il explique pourquoi

15 il pense que M. Milutinovic était présent à ces réunions. Au paragraphe 39,

16 il dit : "Je crois que le Kosovo faisait partie de la Serbie, il ne voulait

17 pas parler du Kosovo sans la présence du président de la Serbie."

18 Mais nous savons ce qui s'est passé dans le pays à l'époque. Il y

19 avait une rébellion armée, et là-bas il y avait un groupe organisé qui a

20 pris les armes pour parvenir à un objectif politique, à savoir

21 l'indépendance par rapport à la Serbie et à la RSFY. Bien sûr, le président

22 de la Serbie aurait dû être présent, certainement être informé sur ces

23 questions concernant le pays. Nous avons vu comment il s'est porté garant

24 de ce processus. Il a voyagé au Kosovo le 23 mars. Il a informé le

25 gouvernement sur le résultat de la réunion entre l'ambassadeur Holbrooke et

26 M. Milosevic, et il était présent à cette réunion. Egalement, nous avons

27 entendu le témoignage selon lequel il était présent au cours du processus

28 Hill.

Page 12358

1 Nous disons qu'aucun de ces moyens de preuve n'étaye l'allégation,

2 l'accusation du Procureur par rapport à Milutinovic. Il était président

3 d'une république après tout, mais sa seule présence ne prouve rien.

4 Jusqu'à la fin d'octobre et durant le mois de novembre 1998, il était

5 également présent aux réunions, comme nous avons pu l'entendre. Il était

6 présent aux réunions où on parlait de la situation de sécurité au Kosovo-

7 Metohija et il a essayé de trouver une solution pacifique aux problèmes au

8 Kosovo-Metohija. La pièce à conviction P2166 dit que les procès-verbaux de

9 la réunion qui s'est tenue entre -- interdépartemental chargé des

10 opérations pour combattre le terrorisme au Kosovo-Metohija le 29 octobre

11 1998. Il y a la discussion pour ce qui est du terrorisme au Kosovo et la

12 situation de sécurité en général.

13 M. Milutinovic est présent. Et il est noté qu'il avait fait

14 l'intervention suivante. "Le président de la Serbie, M. Milutinovic, estime

15 que les rapports soumis par les membres du commandement conjoint pour le

16 Kosovo-Metohija devraient être acceptés. Il s'est mis d'accord avec le

17 général Perisic et son opinion qu'aujourd'hui on a deux ennemis, les

18 sécessionnistes albanais et la communauté internationale qui est contre

19 nous. Il a dit que nous allons faire tout pour calmer les facteurs

20 internationaux, spécialement les Etats-Unis et l'OTAN. La situation est

21 telle qu'elle est. Nous avons accepté les observateurs de l'OSCE, mais non

22 pas les troupes étrangères. Nous devons donc les laisser aux Albanais. Nos

23 organes juridiques doivent assurer les conditions nécessaires pour leur

24 travail sans obstacle et nous devons leur présenter les arguments et la

25 situation objective pour qu'aucune des parties ne soit partiale.

26 "La mission de l'OSCE avait les représentants de 53 Etats d'Europe et

27 les Etats-Unis, et il est certain qu'ils n'étaient pas tous contre nous. Le

28 président Milutinovic a étayé la proposition pour prolonger le statut du

Page 12359

1 commandement conjoint. Milutinovic a cru que le commandement conjoint

2 devait continuer à fonctionner pour un certain temps, bien qu'il -- "

3 C'est à la page 12 de ce procès-verbal.

4 A la page 14 : "Le président Milosevic propose que le président

5 Milutinovic, président de la Serbie, se rende en personne au Kosovo pour

6 expliquer l'essentiel de l'accord qui a été conclu avec les représentants

7 de la communauté internationale aux présidents des districts et des

8 municipalités. Le président a remarqué que les membres de l'OSCE ne peuvent

9 pas se comporter de façon arrogante et ne pas demander des pouvoirs plus

10 grands que conclut."

11 Et le 5 novembre 1998, le président Milutinovic s'est rendu à

12 Pristina. Le témoin Ljubinko Cvetic était présent à cette réunion. C'est à

13 la page 8 187 jusqu'à 8 189 du compte rendu. M. Milutinovic assistait à la

14 réunion. Il y avait M. Stojiljkovic, ministère de l'Intérieur; et Rade

15 Markovic, le chef de l'administration de la direction chargée de la Sûreté

16 de l'Etat. Le témoin a dit que M. Milutinovic a informé le commandement

17 conjoint du fait que la composition du commandement resterait la même. M.

18 Milutinovic n'a pas joué d'autre rôle à cette réunion. Il a expliqué les 12

19 points de l'accord Holbrooke-Milosevic. Il a expliqué que la mission de

20 l'OSCE incluait 53 pays, 2 000 observateurs. Il a parlé des questions

21 politiques et économiques en disant que la République de Serbie ferait le

22 maximum pour aider à la résolution de la situation au Kosovo par les moyens

23 pacifiques et par les moyens politiques.

24 Et avant la pause, je voudrais parler d'un élément pour ce qui est

25 des actions et du comportement, et de l'état d'esprit de M. Milutinovic

26 entre 1998. Il s'agit d'une proposition conjointe pour parvenir à un accord

27 qui donnerait un cadre politique d'autogestion au Kosovo-Metohija. C'est

28 1D91, daté du 20 novembre 1998. Et il y a également une déclaration à

Page 12360

1 l'appui de cet accord, 1D18, page 372 du 25 novembre 1998. Cet accord et la

2 déclaration sont en fait arrivés à la fin du processus qui a commencé en

3 mars 1998 avec la création de l'acte d'accusation de Markovic.

4 Je vous rappelle 1D204, ces 11 points et le calendrier qui ont été

5 soumis au Conseil de sécurité des Nations Unies et ces cinq points et le

6 calendrier découlent de l'accord Milosevic-Holbrooke. Et dans cet accord --

7 dans ce calendrier il a été dit que le 2 novembre la mise en œuvre de

8 l'accord devrait être finie pour ce qui est des éléments-clés de la

9 solution politique pour le Kosovo-Metohija.

10 Nous savons qu'à l'époque M. Milutinovic a travaillé à supporter

11 d'une façon continue ce processus en novembre. Et j'attire votre attention

12 sur la date du 18 novembre, de la pièce à conviction 1D18, les pages

13 électroniques 367, 369, c'est la déclaration de M. Milutinovic à Pristina,

14 deux jours avant la signature de la déclaration conjointe. Vous avez le

15 texte entier de la déclaration, parce que cela faisait l'objet de l'accord

16 entre les parties. Il a dit que : "La Serbie est déterminée à ce que les

17 problèmes au Kosovo-Metohija soient résolus de façon politique. La paix et

18 la vie commune sont possibles, mais seulement par le biais d'une équité

19 formelle de toutes les communautés." Il a dit que la Serbie a réaffirmé sa

20 politique d'Etat et au niveau diplomatique, elle est prête à résoudre les

21 problèmes --

22 " -- elle est prête à défendre la paix et la sécurité de tous ses

23 citoyens." Bien que les représentants albanais ne soient pas présents, il a

24 dit qu'il est : "prêt à les rencontrer à n'importe quel moment pour

25 discuter de ces questions vitales qui ont été discutées aujourd'hui." Le

26 jour suivant, le 19 novembre à Belgrade, c'est la pièce 1D89, M.

27 Milutinovic a eu une réunion avec les représentants des minorités à

28 Belgrade.

Page 12361

1 Monsieur le Président, je pense qu'est venu le moment propice de

2 faire une pause.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître

4 O'Sullivan.

5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, nous allons suspendre

7 l'audience et nous allons reprendre à 13 heures 45.

8 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 45.

9 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, veuillez

11 poursuivre.

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Cela fait deux heures que je m'exprime, et nous avons décidé, entre les

14 différentes équipes de la Défense, une certaine division du temps entre

15 nous.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Aucune nécessité de vous inquiéter de

17 cela pour le moment, Maître O'Sullivan, veuillez simplement poursuivre.

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, avant la pause je

19 parlais d'un certain nombre d'éléments susceptibles de rendre compte des

20 actes et du comportement, ainsi que l'état d'esprit de M. Milutinovic, et

21 je vous évoquais les années précédant 1998. Maintenant j'aimerais parler de

22 1999. Le paragraphe 36(c) de l'acte d'accusation se lit comme suit :

23 "Conformément aux instructions de Slobodan Milosevic, Milan Milutinovic

24 était activement engagé dans les relations internationales."

25 D'abord, absolument rien ne prouve que M. Milutinovic recevait des

26 instructions de M. Milutinovic, et il est certain qu'il n'y a pas le

27 moindre élément de preuve démontrant qu'il recevait des instructions de M.

28 Milosevic en vue d'un engagement actif dans les relations internationales.

Page 12362

1 La position de l'Accusation semble consister à dire qu'à Rambouillet la

2 délégation serbe est allée pour faire obstruction et que M. Milutinovic

3 était présent à Rambouillet pour assurer l'échec de ces pourparlers afin de

4 créer, si je me souviens bien de ce qu'a dit le Procureur, "une

5 possibilité" vis-à-vis de la commission de crimes. Nous avons entendu un

6 certain nombre de témoins parlant de Rambouillet, nous savons que ce que

7 ces témoins ont dit s'écarte beaucoup de ce que prétend l'Accusation. Nous

8 avons entendu Veton Surroi, membre de la délégation albanaise; nous avons

9 entendu Wolfgang Petritsch, l'un des trois négociateurs du Groupe de

10 contact; et un grand nombre de témoignages porte sur Rambouillet dans ce

11 qu'ont dit M. Surroi et M. Petritsch.

12 La Chambre se souviendra des faits pertinents, à savoir que les pourparlers

13 de Paris dans la ville de Rambouillet ont été organisés par le Groupe de

14 contact, que la délégation de l'Etat serbe à été envoyée à Rambouillet

15 suite à une décision de l'assemblée nationale, qui constitue la pièce 1D93,

16 les conclusions du 4 février 1999, la délégation sénat. La pièce P967 est

17 une décision de nommer la délégation dirigée par le Pr Markovic, à savoir

18 ce même homme qui a dirigé la délégation d'Etat en 1998, avec une

19 délégation multiethnique qui a été envoyée en France, qui se composait de

20 Goran, de Roms, de Turcs et d'Albanais. La délégation était censée

21 travailler une semaine, c'était la durée prévue pour les pourparlers qui

22 pouvaient éventuellement se prolonger une deuxième semaine, et finalement

23 les pourparlers ont duré trois jours de plus, à la fin de la deuxième

24 semaine, donc du 6 au 23 février 1999.

25 Les éléments de preuve démontrent que M. Milutinovic n'était pas membre de

26 la délégation, mais qu'il est arrivé à Paris à la fin de la première

27 semaine, le jeudi 11, selon Wolfgang Petritsch. L'ambassadeur Petritsch

28 déclare que M. Milutinovic était un point de contact informel qui, de temps

Page 12363

1 en temps, passait par le château et participait au niveau politique aux

2 discussions avec les ministres du Groupe de contact des Affaires

3 étrangères. M. Petritsch reconnaît que M. Milutinovic avait le même rapport

4 à la délégation que le rapport qu'il avait à la délégation Markovic en

5 1998. Nous disons qu'il était là pour garantir le succès du processus et

6 l'un des membres de la délégation de l'Etat serbe. Ce que nous savons à la

7 lecture de la pièce 1D93, ce sont les conclusions de l'assemblée nationale

8 du 4 février, à savoir la décision d'accorder un mandat limité. C'était

9 donc un homme qui était chargé de négocier un cadre politique d'autonomie

10 importante et de gouvernement autonome au Kosovo-Metohija. Il n'était pas

11 autorisé à négocier ou à admettre la mise en œuvre d'un accord politique

12 impliquant la présence de troupes étrangères. Il vient de m'être souligné

13 qu'il est écrit au compte rendu d'audience que la délégation avait été mise

14 en place par l'assemblée nationale.

15 L'ambassadeur Petritsch dit dans déposition qu'il connaissait la

16 plupart des membres de la délégation d'Etat de Rambouillet parce que nombre

17 d'entre eux avaient fait partie de la délégation d'Etat en 1998. Il déclare

18 que ces hommes étaient des experts très compétents, conscients de tous les

19 détails du processus de 1998, et qu'ils ont travaillé constructivement --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une petite inquiétude, Maître

21 O'Sullivan, au sujet de ce que vous avez dit, à savoir que M. Milutinovic

22 était autorisé à négocier un cadre politique d'une autonomie importante et

23 d'un gouvernement autonome. Est-ce que cela rend bien compte de ce que vous

24 voulez dire ?

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, ligne 13, j'ai essayé de corriger.

26 C'était la délégation qui avait ce mandat, pas M. Milutinovic.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pièce 1D93, c'est elle qui a donné ce

Page 12364

1 mandat à la délégation. M. Milutinovic ne faisait pas partie de cette

2 délégation.

3 Nous savons que le 16 février, le mardi de la deuxième semaine, la

4 délégation d'Etat serbe a fait des commentaires constructifs par rapport au

5 cadre politique. Et vous vous souviendrez que seule la question de ce cadre

6 politique était à l'ordre du jour pendant cette période des négociations.

7 La pièce P563 est une correspondance diplomatique émanant de l'ambassadeur

8 Petritsch et destinée au ministère des Affaires extérieures autrichien.

9 Nous avons également le procès-verbal, au document 10 855 qui stipule que :

10 "La délégation serbe était prête à accepter la partie politique de cet

11 accord. Les négociations avaient été approuvées par le Groupe de contact."

12 C'est le 19 février que tout cela se passe.

13 Par ailleurs, le 18 février, la délégation du Kosovo, selon Veton

14 Surroi, membre de la délégation en question, a voulu quitter la salle parce

15 qu'elle n'était pas d'accord avec le dernier projet de texte de l'accord de

16 Rambouillet qui lui avait été remis par les négociateurs le 18. Pièce 1D18,

17 pages 441-442, nous voyons là une déclaration émanant de la délégation du

18 Kosovo. Sa protestation la plus importante portait sur le fait que, pour sa

19 part, elle insistait sur un référendum après trois ans, alors que dans le

20 préambule du projet de texte amendé de l'accord de Rambouillet, il était

21 prévu une reconnaissance de la souveraineté de la RFY, à savoir une

22 reconnaissance expresse de cette souveraineté.

23 Quand nous en arrivons au 20 février, deuxième samedi qui était censé

24 être le dernier jour de cette réunion de deux semaines, le ministre des

25 Affaires étrangères -- les ministres des Affaires Etrangères du Groupe de

26 contact rencontrent -- Veton Surroi, qui représentait la délégation

27 albanaise devant le Groupe de contact, et M. Thaqi, le chef de la

28 délégation albanaise, déclarent qu'ils rejettent les aspects politiques de

Page 12365

1 l'accord de Rambouillet tels qu'il était ce jour-là, et qu'ils ne peuvent

2 accepter cet accord tant qu'il n'y aura pas de référence à un référendum,

3 référendum impliquant l'indépendance après trois ans. Ce même jour, la

4 délégation serbe arrive devant les ministres des Affaires étrangères, et au

5 nombre des membres de cette délégation se trouve M. Milutinovic. Pièce

6 P2972, c'est le procès-verbal de ce que M. Milosevic dit à M. Petritsch. A

7 la page 10 874, il déclare que M. Milutinovic a dit au premier ministre du

8 Groupe de contact que les Serbes sont finalement d'accord sur les aspects

9 politiques de ce projet d'accord.

10 Ce qui mène à un certain nombre d'événements que j'aimerais revoir

11 devant vous et qui démontrent précisément la véritable nature des

12 négociations du processus de Rambouillet, sans en aucun cas permettre de

13 conclure ou de penser que la partie serbe faisait obstruction ou que M.

14 Milutinovic lui-même, ou qui que ce soit d'autre, faisait obstruction à la

15 recherche d'une solution pacifique et durable.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, où est-ce que nous

17 voyons que M. Milutinovic faisait partie de la

18 délégation ?

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, il n'en faisait pas partie.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que vous avez dit deux fois

21 déjà qu'il en faisait partie, ou en tout cas, qu'il présentait la position

22 de la délégation.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il ne faisait pas partie de la délégation,

24 mais le 20 -- j'ai dit "il" il y a quelques instants, j'ai fait une erreur.

25 C'est la délégation qui avait été mandatée par l'assemblée nationale.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le 20, le samedi --

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste avant cela, attendez une

Page 12366

1 seconde. Vous avez dit, page 63 ligne 3, qu'il était là pour garantir le

2 succès du processus et qu'il était l'un des délégués de l'Etat serbe.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bien --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis nous savons à la lecture de la

5 pièce 1D93, quelles étaient les conclusions de l'assemblée nationale, à

6 savoir vous dites que l'assemblée nationale lui a donné un mandat limité, à

7 savoir la possibilité de négocier le cadre politique, mais est-ce que cela

8 veut dire qu'il faisait partie de la délégation ?

9 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, il n'en faisait pas partie.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il ne faisait pas partie de la délégation.

12 Il est arrivé à la fin de la première semaine à Paris et l'ambassadeur

13 Petritsch, qu'il constituait un point de contact informel.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais quel est son rôle quand il

15 apparaît devant le Groupe de contact pour expliquer la position serbe ?

16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le groupe de contact avait convoqué les

17 deux parties ensemble pour voir si elles acceptaient les aspects politiques

18 du projet d'accord négocié jusqu'à ce jour.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends cela, mais quel était son

20 statut alors qu'il présentait la position serbe ?

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Lui-même ainsi que deux ou trois autres

22 membres de la délégation serbe sont apparus devant les ministres des

23 Affaires étrangères.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. D'accord, merci.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Suite à cette rencontre du 20 février où

26 la délégation serbe a dit qu'elle était de façon générale d'accord avec le

27 projet de texte et avec les aspects politiques de ce texte, et où la partie

28 albanaise a rejeté ce projet de texte, Veto Surroi nous a dit qu'il y avait

Page 12367

1 des divisions importantes au sein de la délégation albanaise à partir du

2 moment où M. Thaqi s'est opposé au projet de texte d'accord et que la

3 délégation a cessé de travailler et qu'il a fallu que d'autres membres

4 arrivent le 22 ou le 23 février, qui étaient également contre l'aspect

5 politique de l'accord. Donc ceci a conduit à une rencontre entre Madeleine

6 Albright et des membres de la délégation albanaise le 21 février, au nombre

7 desquels se trouvait M. Surroi, et à cette rencontre, M. Surroi propose que

8 Madeleine Albright pourrait peut-être envoyer une lettre à la délégation

9 albanaise en proposant une interprétation des mots "volonté du peuple" qui

10 se trouvent dans l'article final de l'accord de Rambouillet. La demande

11 consistait à ce que Mme Albright confirme que ce terme, "volonté du

12 peuple", serait vérifié au cours d'un référendum trois ans après la fin de

13 l'application de l'accord de Rambouillet par le biais de l'organisation

14 d'un référendum pour le peuple du Kosovo. Pièce à conviction 1D18 page 449.

15 M. Surroi et M. Petritsch ont confirmé que M. Surroi a parlé à

16 Wolfgang Petritsch en demandant que lui aussi envoie une lettre du même

17 genre au nom de l'Union européenne. M. Petritsch, comme le dit M. Surroi, a

18 appris que l'Union européenne n'approuverait pas une telle lettre, la

19 Russie s'y opposant, et la RFY également c'est certain. La déposition en

20 question consiste à dire que la lettre n'était plus à l'ordre du jour; le

21 projet de lettre préparée par Mme Albright et adressée à la délégation

22 albanaise qui avait été rédigée a donc été retirée. Ceci nous amène au

23 dernier jour des rencontres de Rambouillet, 23 février. Et là, une série

24 d'évènements se passent sur lesquels j'aimerais revenir dans le détail.

25 Le matin du 23 février à 9 heures, les négociateurs présentent les

26 deux délégations qui sont censées examiner ce qu'il est convenu d'appeler

27 la dernière version de l'accord de Rambouillet, où l'on trouve les

28 chapitres 2, 5 et 7 qui traitent de la mise en œuvre. Pièce à conviction de

Page 12368

1 la Chambre IC126, on y voit un tableau comportant les différents aspects de

2 l'accord de Rambouillet, et ce tableau corrobore la déposition qui démontre

3 que les chapitres 2, 5 et 7 relatifs à la mise en œuvre étaient prévus

4 comme sujets de discussion pour la première fois par les deux parties le

5 matin du 23 février. La lettre de couverture demande une réponse avant 13

6 heures ce jour-là.

7 La pièce 1D98 est une copie exhaustive de ce projet d'accord, avec la

8 lettre de couverture signée par les trois négociateurs du Groupe de

9 contact, à savoir l'ambassadeur Petritsch, M. Hill et M. Mayorski, et nous

10 y lisons que cette lettre n'approuve pas les chapitres 2 et 7 de la partie

11 du texte relative à la mise en œuvre de l'accord, et l'ambassadeur Mayorski

12 dit cela de façon tout à fait expresse au-dessous de sa signature, en

13 stipulant que lui-même, pas plus que la fédération russe, n'adopte les

14 chapitres 2 et 7.

15 Il y avait néanmoins toujours des problèmes qui empêchaient la

16 délégation albanaise d'approuver complètement l'accord, l'aspect politique

17 de l'accord. Ceci nous mène à la pièce à conviction 1D18, qui est une

18 lettre de la délégation albanaise envoyée à Madeleine Albright. C'est une

19 lettre pratiquement identique à celle qui avait été rejetée précédemment et

20 qui avait fait l'objet d'un veto par la Russie car, par ailleurs, elle

21 n'aurait pas été acceptée par la RFY. Nous connaissons les circonstances

22 qui entourent ces évènements. Veton Surroi était dans la pièce, la salle

23 réservée à la délégation albanaise où tout se passait. L'ambassadeur Hill

24 et Jim O'Brien, son assistant, ainsi que d'autres représentants ont empêché

25 Hashim Thaqi de regarder l'ordinateur sur lequel la lettre avait été tapée.

26 La lettre était signée par Veton Surroi.

27 La lettre est ensuite publiée dans un livre qui a été versé au dossier en

28 l'espèce, la pièce 1D18 dont l'auteur est le Pr Weller, qui était

Page 12369

1 conseiller de la délégation albanaise. Lorsque l'ambassadeur Petritsch a

2 témoigné, il était tout sauf vrai lorsqu'il a parlé de cette lettre,

3 puisqu'en fait, au départ, il a même nié en avoir connaissance. Plus tard

4 il a admis qu'il connaissait cette lettre, et à la page 10 889 du compte

5 rendu d'audience, il déclare que le processus était tout à fait

6 transparent, que tous les documents étaient proposés aux membres des

7 délégations, qu'il n'y avait pas de documents secrets, d'accords, de

8 tractations en coulisse ou de lettres qui auraient été envoyées par les uns

9 ou par les autres et qui n'auraient pas été examinées dans le cadre de

10 l'ordre du jour officiel. Il savait aussi que Madeleine Albright avait

11 prévu d'envoyer une lettre la première fois, qui ensuite a été retirée, et

12 il n'avait connaissance, dit-il, d'aucun accord ou d'aucune tractation en

13 coulisse.

14 L'ambassadeur Petritsch n'a pas dit la vérité, Monsieur le Président,

15 Mesdames, Messieurs les Juges, parce que lorsqu'il a été confronté à la

16 lettre de la délégation albanaise signée par Mme Albright dans le cadre de

17 la déposition de Veton Surroi, pièce 1D18, page 467, il a admis avoir

18 connaissance de l'existence de cette lettre et en avoir appris l'existence

19 après la fin de la conférence de Rambouillet.

20 En même temps, ce jour-là, le 23 février, pièce 1D18, page 466, il y a une

21 lettre qui émane de la délégation serbe et qui est envoyée aux négociateurs

22 du Groupe de contact à 16 heures, c'est le document numéro 34 de la pièce

23 1D18, page 466. L'ambassadeur Petritsch décrit cette lettre comme

24 constructive. La délégation déclare qu'elle est prête à discuter de la

25 portée du caractère de la présence internationale et que tous les éléments

26 d'un gouvernement autonome à l'époque peuvent être mis au point afin de

27 définir clairement les conditions dans lesquelles cela se passera.

28 Les dépositions suivantes de l'ambassadeur Petritsch consistent à

Page 12370

1 dire qu'il y avait trois lettres soumises par les délégations serbes aux

2 négociateurs du Groupe de contact. Je vous renvoie à la première lettre,

3 pièce à conviction 1D18, page 466, document 31, ainsi qu'au compte rendu

4 d'audience page 10 932 qui stipule que la lettre a été relue avec

5 l'ambassadeur Petritsch et il déclare qu'il a compris la position de la

6 délégation serbe, que l'accord était général sur le cadre politique, que

7 les zones demandant encore des négociations complémentaires sont au sujet

8 de l'accord politique ont été bien définis, qu'il y a un certain nombre de

9 petits points qui ont besoin d'être encore un peu affinés. Il reconnaît que

10 la position de l'Etat fédéral par rapport aux aspects politiques de

11 l'accord est tout à fait légitime et qu'il faut davantage de temps pour

12 discuter de la mise en œuvre. Il insiste sur la communauté de perception à

13 ce sujet alors que le Procureur prétend que c'est la partie serbe à qui il

14 faut reprocher l'échec de la Conférence de Rambouillet.

15 Nous savons de la bouche de M. Surroi et de M. Petritsch que

16 Madeleine Albright avait menacé si la partie albanaise signait que la

17 Serbie serait bombardée. Nous savons qu'il y a approbation des chapitres 2

18 et 7. Nous savons qu'il y a eu tractation en coulisse entre Madeleine

19 Albright et la délégation albanaise contrairement à ce qui a été dit

20 publiquement ou dans le cadre des négociations en interne. La lettre serbe

21 est constructive, elle prévoit de poursuivre la discussion sur la portée et

22 le caractère de la présence internationale et d'affiner un certain nombre

23 de points de détails dans l'accord politique. Les déclarations publiques

24 consistent à dire que les Albanais ont accepté le texte et que les Serbes

25 l'ont rejeté.

26 Nous avons également de la bouche de témoins, tels que John Crosland,

27 l'attaché britannique auprès de la République fédérale yougoslave, que

28 durant toute l'année 1998 un soutien déclaré a été manifesté à l'UCK, qu'il

Page 12371

1 y avait également un soutien en faveur d'un changement de régime à Belgrade

2 et que le processus de Rambouillet ne peut pas être ce que dit l'Accusation

3 au vu des éléments de preuve qui vont dans un sens tout à fait différent,

4 puisqu'il démontre que la délégation serbe ne pouvait certainement pas se

5 voir reprocher un quelconque échec de Rambouillet.

6 M. Milutinovic a dénoncé le processus, lui ainsi que d'autres l'ont

7 fait. Mais ce faisant, il ne peut être question d'une quelconque intention

8 criminelle ou d'un quelconque comportement criminel. Il s'est contenté de

9 qualifier la situation comme elle méritait de l'être.

10 Il y a un autre aspect important qui ressort des positions relatives

11 à Rambouillet, notamment de celle de Wolfgang Petritsch. M. Petritsch

12 affirme qu'il se trouvait à une réunion en présence de M. Milutinovic et de

13 l'ambassadeur Mayorski, et qu'à cette réunion, M. Petritsch déclare que M.

14 Milutinovic aurait dit que si la Serbie était bombardée il y aurait des

15 massacres au Kosovo. M. Petritsch a compris cette phrase comme impliquant

16 des massacres de civils albanais par les Serbes. A notre avis, ceci

17 démontre qu'il est indigne de confiance et qu'il ne peut être pris en

18 compte en tant que témoin fiable aux termes de l'article 98 bis du

19 Règlement.

20 Pour rétablir les choses sur ce point, interrogé par le président de

21 la Chambre, vous-même Lord Bonomy, qui lui avait demandé s'il se rappelait

22 M. Milutinovic en train de prononcer ces mots ou s'il pouvait l'étayer par

23 une quelconque correspondance diplomatique, l'ambassadeur Petritsch déclare

24 qu'il l'a déduit sur une base rationnelle. Il déclare que ceci a dû être

25 dit parce que c'est enregistré dans une dépêche diplomatique. Cette dépêche

26 a été versée au dossier. Elle constitue la pièce P562, correspondance

27 diplomatique autrichienne.

28 L'ambassadeur a vu cette correspondance diplomatique pour la première

Page 12372

1 fois juste avant de témoigner devant cette Chambre. A deux reprises, page

2 10 883 du compte rendu d'audience, il déclare que cette correspondance a

3 été rédigée par son assistant Jan Kickert et que ce Jan Kickert était

4 présent pendant les entretiens entre le bureau du Procureur et

5 l'ambassadeur Petritsch en mai 1999. Nous savons que cette correspondance

6 rend compte de la situation telle qu'elle était à 6 heures du matin le 20

7 février 1999. Elle a été rédigée dans la nuit du 19 au 20 février 1999.

8 Nous savons que cette correspondance est passée par deux séries de mains et

9 qu'elle a été codée avant d'être envoyée par mail de Paris à Belgrade et à

10 Vienne.

11 Qu'est-ce que nous savons exactement ? Replaçons les choses dans leur

12 contexte. L'entretien mené avec le bureau du Procureur en mai et juin 1999,

13 pièce à conviction P2792, nous montre que l'ambassadeur Petritsch déclare

14 qu'il a fait tous les efforts possibles pour obtenir un récit détaillé et

15 exact des événements pour fournir un récit détaillé et précis des

16 événements tel qu'il s'en souvient. Il ne dit pas que M. Milutinovic aurait

17 déclaré que si les bombes tombaient, il y aurait des massacres en Serbie ou

18 au Kosovo. Il attribue ces mots à un homme qu'il dénomme Stambuk. Il

19 déclare qu'il a été surpris par cette déclaration de M. Stambuk et que ceci

20 lui a laissé une impression très importante. Quand l'ambassadeur Petritsch

21 témoigne dans l'affaire Milosevic, compte rendu d'audience, pièce à

22 conviction P2793, il ne dit rien au sujet de M. Milutinovic ayant dit quoi

23 que ce soit au sujet d'un bombardement devant déboucher sur des massacres.

24 Il attribue encore une fois cette phrase à M. Stambuk.

25 Si vous vous penchez sur le récit qu'il fait dans sa déposition dans

26 l'affaire Milosevic, où il attribue cette phrase à M. Milutinovic, nous

27 voyons que les deux récits sont pratiquement identiques. Le contexte et les

28 circonstances sont pratiquement identiques selon M. Petritsch, il a été

Page 12373

1 discuté de la nécessité de mise en œuvre, de démilitariser l'UCK, de

2 terminer les négociations, puis à ce moment-là arrive le commentaire au

3 sujet des bombardements qui risquent de conduire à des massacres.

4 Jan Kickert a témoigné devant cette Chambre également. Nous voyons

5 que l'ambassadeur Petritsch déclare que M. Kickert a rédigé la pièce P562.

6 M. Kickert déclare que l'ambassadeur Petritsch doit avoir ajouté ce

7 paragraphe ou cette note au sujet de ce commentaire présumé de M.

8 Milutinovic au sujet des bombardements menant à des massacres. Bien

9 entendu, M. Petritsch n'a jamais proposé une explication de ce genre dans

10 sa déposition. Il a eu toute possibilité de dire que lui-même avait ajouté

11 ce passage, mais il ne l'a pas fait.

12 Avec M. Kickert, les circonstances entourant la préparation de la

13 pièce P562 ont été examinées, ceci se trouve à partir des pages 11 253 et

14 jusqu'à la page 11 256 du compte rendu d'audience. La Chambre constatera

15 que la journée était un peu dure, toute la journée et toute la nuit, et à 6

16 heures du matin le lendemain, finalement un document est proposé et envoyé.

17 Donc, toute la journée et toute la nuit y compris après minuit, ces hommes

18 s'occupent à élaborer ce document et M. Petritsch déclare que c'est sur la

19 base d'une déduction rationnelle qu'il a dit que M. Milutinovic doit avoir

20 dit ce qu'il est censé avoir dit parce qu'il n'a aucun souvenir de cela et

21 qu'il se fonde entièrement sur la pièce à conviction qu'il a vue pour la

22 première fois juste avant de déposer devant la Chambre bien qu'ayant été

23 interrogé par la bureau du Procureur plusieurs mois après les pourparlers

24 de Rambouillet, bien qu'ayant témoigné dans l'affaire Milosevic où il n'a

25 jamais attribué ces paroles à M. Milutinovic. Nous voyons que ce passage de

26 sa déposition n'est pas digne de confiance.

27 Je viens de parler des actes et du comportement ainsi que de l'état

28 d'esprit de M. Milutinovic chronologiquement. Nous avons évoqué les

Page 12374

1 événements menant aux pourparlers de Rambouillet, Paris en mars 1999,

2 j'aimerais maintenant en arriver à la dernière période de mon exposé, à

3 savoir celle qui commence le 23 mars 1999.

4 J'aimerais à cet égard revenir sur une déposition. J'ai déjà parlé du

5 conseil suprême de la Défense et du commandement Suprême dans mon exposé.

6 Nous avons vu que le 23 mars, pièce P1738, on a les règles amendées qui

7 régissent l'action du conseil suprême de la Défense avec agrandissement du

8 quorum et nécessité de prendre les décisions par consensus. Nous savons

9 également qu'il n'y a pas un seul témoin en l'espèce qui aurait dit que le

10 conseil suprême de la Défense se serait réuni après le 23 mars 1999. Donc,

11 l'avis de la Défense c'est qu'aucun élément de preuve en l'espèce ne montre

12 que M. Milutinovic était membre d'un quelconque organe connu sous le nom de

13 commandement Suprême.

14 Aucun élément de preuve n'existe non plus eu égard à une réunion de

15 l'assemblée nationale de Serbie le 23 mars 1999. Devant cette assemblée, M.

16 Milutinovic, parmi d'autres, s'est exprimé. Nous avons un élément de preuve

17 qui contient les conclusions et le procès-verbal de cette réunion de

18 l'assemblée nationale. Nous avons également la déposition de Ratomir Tanic

19 qui porte sur ce même événement.

20 Avant de parler de l'assemblée nationale, j'aimerais dire quelques

21 mots de Tanic pour lequel nous disons également en nous fondant sur

22 l'article 98 bis du Règlement et sur la jurisprudence de ce Tribunal, que

23 sa déposition n'est pas digne de confiance et qu'il ne peut être utilisé

24 pour servir de base à une quelconque condamnation. Il n'est pas digne de

25 confiance. J'aimerais mettre en exergue un certain nombre d'exemples. M.

26 Tanic déclare qu'il n'a accepté de témoigner que lorsque les informations

27 qu'il peut produire devant la Chambre sont corroborées par deux ou trois

28 sources indépendantes. Pièce ID27 de l'affaire Milosevic, page 5 025; pièce

Page 12375

1 1D28, c'est un autre passage du compte rendu d'audience de M. Milosevic,

2 pages 5 105-5 106 et 5 092; il a dit cela au cours du procès. M. Tanic a

3 été réprimandé pour avoir refusé de répondre à une question, page 6 401

4 [comme interprété]. Il a été très évasif sur un certain nombre d'éléments

5 tout à fait anodins quant à son passé criminel éventuel, à son casier

6 judiciaire en tant que membre d'un parti politique et il était censé être

7 un membre important.

8 Qu'est-ce qu'il nous dit au sujet de la réunion de l'assemblée

9 nationale du 23 mars ? Il a dit deux choses, il dit que M. Milutinovic,

10 lorsqu'il a parlé devant l'assemblée nationale, a trompé l'opinion publique

11 en déclarant que l'OTAN souhaitait intervenir en Yougoslavie sous le nom

12 d'OTAN. Et la deuxième chose porte sur les conclusions de l'assemblée

13 établies par M. Vuk Draskovic selon lui, à savoir par le vice-premier

14 ministre de la RFY à l'époque, qui aurait été accepté au préalable par M.

15 Milutinovic. Les conclusions auraient été modifiées pour tromper l'opinion

16 publique et l'assemblée nationale.

17 Qu'est-ce que nous avons dans les éléments de preuve ? Nous avons la pièce

18 1D32, à savoir le procès-verbal de la réunion de l'assemblée nationale où

19 on trouve y compris les décisions. Nous avons ces conclusions acceptées par

20 toutes les parties. J'ai demandé à la Chambre de se pencher sur ce

21 document, et vous y trouverez les déclarations de Tanic, vous constaterez

22 qu'elles sont inexactes et qu'elles ne peuvent pas être crues parce

23 qu'elles sont indignes de confiance.

24 D'abord, le discours de M. Milutinovic. Il a parlé le 12e sur 24

25 personnes qui se sont exprimées ce jour-là. Le principal orateur était

26 Ratko Markovic, le chef de la délégation d'Etat qui a fait rapport pour la

27 délégation sur les pourparlers de Rambouillet et de Paris. Si vous lisez

28 son intervention, vous verrez que ce rapport qui a été présenté par M.

Page 12376

1 Markovic correspond tout à fait aux éléments de preuve en l'espèce.

2 M. Milutinovic a parlé, page 2 931 de la pièce à conviction 1D32.

3 C'est un exposé oral, je ne vous en lirai que des extraits, il est bref. Je

4 vous demande de les lire également. Mais qu'est-ce que M. Milutinovic dit

5 dans cet exposé ? Il parle des chapitres relatifs à la mise en oeuvre,

6 chapitres 2, 5 et 7 du projet d'accord de Rambouillet; il parle de

7 l'assistance sur un référendum après trois ans de la part de la partie

8 albanaise; et sur l'aide de troupes étrangères, les troupes de l'OTAN, donc

9 l'assistance pour que des troupes étrangères de l'OTAN soient présentes

10 dans un pays souverain.

11 Nous savons que l'accord de Rambouillet prévoyait la présence des

12 troupes de l'OTAN, mais ceci n'a pas été accepté à Rambouillet par la

13 Fédération russe et il n'y avait certainement aucun mandat des Nations

14 Unies pour une intervention de troupes étrangères en Yougoslavie. Quelles

15 sont les conclusions qui ont été adoptées ? Pièce à conviction 1D32,

16 procès-verbal, nous voyons aux pages 56 à 58 les conclusions tirées par

17 l'assemblée de Serbie ce jour-là. Le Draskovic dont je parlais tout à

18 l'heure, comme le dit Tanic, il y a en fait trois pièces à conviction que

19 j'aimerais porter à votre attention, les pièces P710, P2482, P2483.

20 J'invite la Chambre à se pencher sur ces conclusions, qui sont pour l'une

21 un procès-verbal de réunion et pour les autres les écritures de M.

22 Draskovic, pratiquement identiques. En fait, les conclusions de l'assemblée

23 nationale que l'on retrouve dans le procès-verbal de la réunion de celle-ci

24 vont plus loin et sont plus conciliantes et ajoutent un point au document

25 1D32, page 12, où il est question d'un homme qui s'appelle Spasoje Krunic,

26 membre du groupe du Parti pour le Renouveau serbe qui est un parti

27 politique existant à l'époque.

28 Donc rien qui veuille tromper l'opinion publique, rien de

Page 12377

1 malveillant, rien de criminel dans ce qui s'est passé à l'assemblée de

2 Serbie ce jour-là. Il s'agissait d'une réunion de l'assemblée. Page 76,

3 ligne 10, du compte rendu d'audience, il est écrit que M. Krunic était

4 membre du Parti du Renouveau serbe alors que c'est le parti de Vuk

5 Draskovic. M. Krunic était membre du comité qui a rédigé les conclusions

6 adoptées par l'assemblée nationale ce jour-là.

7 Donc rien de trompeur dans ce qui s'est passé à l'assemblée ce jour-

8 là, pas plus d'ailleurs que dans le discours de M. Milutinovic ou dans les

9 conclusions tirées par l'assemblée. M. Tanic dit des choses fausses. M.

10 Tanic, dans sa déposition, affirme également que M. Milutinovic aurait

11 appuyé l'idée d'une guerre, page 6 324 du compte rendu d'audience. C'est

12 donc une affirmation très personnelle de la part de Tanic qui affirme que

13 Milutinovic aurait soutenu l'idée d'une guerre. Rien dans sa déposition ou

14 dans les éléments de preuve versés au dossier ne permet de souvenir cette

15 affirmation. En fait, tout ce que nous avons examiné aujourd'hui, Monsieur

16 le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, va dans le sens contraire, à

17 savoir que Milutinovic a fait tout ce qu'il pouvait pour éviter une guerre,

18 pour trouver une solution pacifique et pour inciter d'autres à faire la

19 même chose.

20 Tanic dit également dans sa déposition que M. Milutinovic en 1998

21 aurait déformé des informations destinées à l'étranger, pages 6 336, 6 337

22 du compte rendu d'audience. C'est de cette façon que M. Milutinovic aurait

23 essayé de faire d'empêcher la paix. Autre affirmation tout à fait

24 personnelle de M. Tanic qui n'est étayée par aucun élément de preuve. Comme

25 nous le voyons dans les éléments de preuve, la réalité est bien différente.

26 M. Milutinovic n'a jamais diffusé aucune information déformée ou inexacte

27 vers l'étranger. Tanic déclare également que M. Milutinovic faisait partie

28 d'une chaîne de commandement privée, page 6 372 du compte rendu d'audience.

Page 12378

1 Je pense que nous pouvons éliminer cette pièce à conviction étant donné le

2 commentaire du Président de la Chambre selon lequel un journal aurait pu

3 l'écrire et que ceci n'était rien d'autre qu'un morceau de bravoure écrit

4 par un journaliste.

5 M. Tanic a également parlé dans sa déposition d'un cessez-le-feu. La

6 pièce 1D36 est une déclaration conjointe de la RFY et de la Serbie relative

7 à un cessez-le feu; elle a été acceptée par les deux parties dans le cadre

8 de la stipulation. M. Tanic donne quatre versions des événements que nous

9 allons décrire dans une seconde. Ce que nous disons du côté de la Défense,

10 c'est que c'est une explication impossible à croire quant aux raisons pour

11 lesquelles il y aurait quatre versions de ces mêmes événements. Le cessez-

12 le-feu selon M. Tanic était censé être mis en œuvre à la Pâques catholique

13 qui se situe une semaine avant la Pâques orthodoxe cette année-là. Les

14 éléments de preuve nous montrent que le cessez-le-feu aurait effectivement

15 été mis en œuvre entre les deux Pâques.

16 Ce qui est pertinent ici, d'après la Défense, c'est la façon dont M.

17 Tanic parle dans sa déposition, la façon dont il s'efforce d'impliquer un

18 certain nombre de personnes. C'est la première version de son récit que

19 nous trouvons à la pièce P2480. Il appelle personnellement M. Milutinovic

20 pour discuter du cessez-le-feu avec lui, dit-il. Dans sa deuxième version,

21 complément à sa première déclaration préalable, Tanic déclare qu'il a

22 appelé M. Milutinovic et qu'il lui a dit que Dusan Mihajlovic souhaitait

23 lui parler. Puis, nous arrivons à la troisième version, pièce 1D27, c'est

24 une partie du compte rendu du procès Milosevic, page 6 465, où M. Tanic

25 déclare, avait surpris une conversation entre M. Milutinovic et M.

26 Mihajlovic au téléphone. Quatrième version enfin qu'il a fournie à la

27 Chambre, selon laquelle M. Mihajlovic se serait servi d'un téléphone

28 spécial pour appeler M. Milutinovic au poste de commandement secret. Ce que

Page 12379

1 je demande, c'est comment on peut expliquer toutes ces contractions, toutes

2 ces versions différentes, car lui déclare que sur le fond c'est la même

3 chose, mais ce n'est pas vrai, car en fait il n'a aucun souvenir précis. Il

4 nous a fallu pas mal d'efforts pour comparer ces différentes versions.

5 L'époque était une époque de guerre et il déclare que c'est de là que vient

6 la conclusion, j'ai dit que ce coup de téléphone a été dépeint de façon

7 différente. Il est assez difficile de concilier toutes ces versions, malgré

8 les circonstances mouvementées de la guerre. Le témoin nous dit qu'il était

9 émotionnellement affecté, qu'il y avait beaucoup de problèmes à cette

10 époque-là mais que sur le fond, ce qu'il a dit, ne change pas d'une version

11 à l'autre, qu'il ne parle que des circonstances qui peuvent être un peu

12 modifiées, étant donné sa mémoire qui n'est pas aussi bonne après le temps

13 important qui s'est écoulé et les centaines d'évènements qu'il lui fallait

14 se rappeler.

15 Ce qu'il dit là, c'est un montage de toutes pièces impossible à croire. Il

16 s'efforce de rassembler les fils et de les expliquer, mais ceci est une

17 déposition indigne de confiance, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

18 les Juges.

19 Il y a également ce qu'a dit M. Merovci, un autre témoin, et la déclaration

20 92 quater du défunt Dr Rugova. Deux pièces à conviction sur lesquelles

21 j'aimerais mettre l'accent, l'une c'est la pièce P416, déclaration

22 conjointe signée par M. Milutinovic et le Dr Rugova en avril 1999; et la

23 pièce 1D60 qui est séquence vidéo montrant M. Milutinovic et feu le Dr

24 Rugova en train de faire leur déclaration après la signature de celle-ci.

25 Tout le contexte des évènements montre que les autorités avaient organisé

26 un transfert en toute sécurité du Dr Rugova et de M. Merovci, ainsi que de

27 leurs familles dans cette période de guerre. Ils ont quitté le pays en mai

28 1999. M. Merovci a dit dans sa déposition que sa famille avait été

Page 12380

1 autorisée à se rendre en Macédoine au début du mois d'avril suite aux

2 rencontres avec M. Milosevic à Belgrade, que son téléphone avait été

3 reconnecté à Pristina, donc qu'ils avaient l'autorisation de téléphoner à

4 l'étranger, et qu'ils l'ont fait. Le Dr Rugova a rencontré des

5 ambassadeurs, il a rencontré des représentants du clergé. Ce qui importe

6 c'était que la vie très importante d'un dirigeant albanais a été sauvée

7 ainsi que celle de sa famille. Il a été relâché, autorisé à partir pour

8 l'étranger sans qu'un cheveu de sa tête ne soit touché. Déclaration

9 conjointe, pièce P416, elle nous parle à la fin des bombardements de l'OTAN

10 et de la reprise des négociations, de la recherche d'une solution pacifique

11 et d'un accord politique au sujet du Kosovo-Metohija. Rien dans ces

12 écritures ne permet de penser ou de déduire que M. Milutinovic a participé

13 à une quelconque activité criminelle avec intention de commettre un crime,

14 ou que son comportement pouvait être considéré criminel à cet égard.

15 L'Accusation s'est efforcée récemment dans quatre documents qui sont des

16 pièces à conviction, d'aller plus loin, je pense que ces pièces méritent

17 quelques commentaires. Il s'agit des pièces P2842, P2844, P2843 et P2828.

18 Ce sont des lettres. Les trois premières traitent de statistiques et de

19 préparations d'un recensement. La pièce P2842 est une lettre de deux pages

20 de Kutlesic, vice-premier ministre de la RFY adressée au Bureau des

21 statistiques publiques. Une copie a été envoyée au bureau de M.

22 Milutinovic. La pièce P2844 est une lettre émanant du Bureau des

23 statistiques de la République de Serbie, datant du 17 février 1999. Et la

24 pièce P2843 est un rapport datant du 12 janvier qui dit qu'aucune

25 information fiable n'existe au sujet du dénombrement de la population

26 albanaise de souche au Kosovo-Metohija depuis le recensement de 1961.

27 Alors, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, quand vous

28 lisez cette correspondance, vous constatez qu'un recensement était prévu

Page 12381

1 entre le 1er et le 15 avril 1999, afin d'obtenir des statistiques fiables.

2 Ceci a été empêché par la guerre. On ne peut comprendre comment ceci

3 pourrait être considéré comme un signe de comportement criminel ou

4 répréhensible puisqu'il s'agit de l'organisation d'un recensement destiné à

5 mettre les normes du pays au niveau international comme le disent ces

6 documents, et que le recensement était prévu dans toute la Serbie, y

7 compris le Kosovo, pour le mois d'avril 1999, depuis quelque temps déjà.

8 La quatrième lettre, c'est la pièce P2828, qui est une lettre deux de pages

9 adressée par le président du conseil de la province du SPS du Kosovo-

10 Metohija, avec copie pour le bureau du président de la République de

11 Serbie, en date du 19 juin 1998. Elle traite du meurtre d'un homme serbe de

12 68 ans et un certain nombre de terroristes qui auraient introduit des armes

13 en provenance d'Albanie.

14 La lettre stipule que les Serbes ont perdu confiance dans leur Etat et ses

15 instances représentatives officielles, progressivement sous l'effet de la

16 peur. Au mieux, cette lettre émanant d'un responsable politique local est

17 une lettre d'un responsable politique local qui exprime ses préoccupations

18 par rapport au terrorisme. Mais logiquement, il n'est pas permis d'en

19 déduire ou d'y voir le moindre lien avec une quelconque accusation de

20 comportement répréhensible de la part de M. Milutinovic.

21 Je passe maintenant à un autre point qui concerne deux textes de loi. Pièce

22 1D136, c'est une loi permettant de prendre des mesures pour assurer la

23 protection sociale et les droits d'autogestion garantissant la propriété

24 publique avec les contraintes que cela impose. Cette loi date de 1991,

25 article 1, elle amende la loi mise en œuvre en 1989 sur les mesures

26 temporaires destinées à défendre le droit à l'autogestion et à défendre la

27 propriété publique. Nous avons déjà parlé de ces deux textes au cours du

28 procès. Nous avons dit que cette loi avait été appliquée dans une période

Page 12382

1 où la RSFY l'a appliquée et que ceci n'était pas pertinent en l'espèce

2 parce que, par la suite, l'Etat en question a cessé d'exister. Pièce 1D136,

3 elle amende la loi en question, elle l'abolit. Par conséquent, la loi en

4 question a donc cessé d'exister le 31 décembre 1991.

5 Pour être tout à fait exhaustif, il faut également que je renvoie les Juges

6 à la pièce 1D138, qui proroge la période permettant l'amendement, la

7 modification des dispositions de 1989 jusqu'au 31 décembre 1992. Donc à la

8 fin de 1992, les dispositions en question sont abolies, les dispositions du

9 texte de 1989.

10 Enfin, pièce 1D37, c'est la loi relative à la fin officielle de

11 l'autogestion, date à laquelle par conséquent les responsabilités des

12 fonctionnaires chargés de l'autogestion cessent au titre de la loi de 1989.

13 Je me hâte de conclure que la Chambre sait que dans cette période, à savoir

14 au début des années 1990, M. Milutinovic était ambassadeur de la RSFY en

15 Grèce. Il n'avait aucune appartenance politique, et rien dans les

16 évènements de preuve ne démontre qu'il a été membre d'un quelconque parti,

17 il s'agissait simplement d'un fonctionnaire de haut rang, un représentant

18 public de l'Etat, par conséquent ambassadeur en Grèce à cette époque-là.

19 J'en arrive à mes commentaires de conclusion.

20 M. Milutinovic, au titre de l'article 7(1) du Statut, est accusé

21 d'avoir ordonné un certain nombre de choses. L'actus reus à la base de ces

22 ordres serait le suivant : "L'accusé, en tant que personne occupant un

23 poste responsabilité, a donné des instructions à d'autres personnes qui

24 devaient commettre des actes délictueux."

25 Rien dans les éléments de preuve ne démontre ceci, et il n'est pas

26 permis de le déduire à la lecture de ces éléments de preuve en l'espèce une

27 telle réalité par rapport à M. Milutinovic. Il a été accusé d'avoir

28 planifié, au titre de l'article 7(1) du Statut, l'actus reus en question

Page 12383

1 serait le suivant, je cite : "L'accusé, seul ou avec d'autres, a conçu le

2 comportement criminel qui est à la base des crimes qui lui sont reprochés.

3 La planification est un élément permettant un apport fondamental à la

4 commission des crimes."

5 Nous disons que rien dans les éléments de preuve ne vient à l'appui

6 de ces accusations et qu'il n'est pas permis de déduire un tel fait à

7 partir des éléments de preuve qui ont été versés au dossier par rapport à

8 M. Milutinovic.

9 Il est également accusé d'avoir été l'instigateur d'un certain nombre

10 d'actes. Actus reus, je cite : "L'accusé a incité d'autres personnes à

11 commettre des délits. L'instigation est un élément fondamental qui permet

12 de contribuer à un comportement personnel ou au comportement d'autres

13 personnes qui commettent des crimes."

14 Rien dans les éléments de preuve ne permet, directement ou par

15 déduction, de dire cela par rapport à M. Milutinovic.

16 Le mens rea de ces trois crimes est très comparable : "L'accusé a agi

17 avec intention directe ou en étant au courant de la probabilité importante

18 qu'un crime serait commis."

19 Rien dans les éléments de preuve par rapport à M. Milutinovic ne

20 permet de l'accuser de ces faits, pas plus que de délits qui seraient sous-

21 jacents à ces accusations.

22 M. Milutinovic est accusé d'avoir aidé et encouragé. L'actus reus est

23 le suivant : "L'accusé a fourni une aide concrète, a encouragé ou a appuyé

24 moralement, ce qui a eu un effet important sur la commission des crimes. Le

25 mens rea est le suivant, à savoir que l'accusé savait que ses actes

26 aideraient à la commission de crimes par leurs auteurs ou qu'il savait

27 qu'il y avait probabilité importante que ces actes personnels

28 constitueraient une aide à la commission de crimes de la part de leurs

Page 12384

1 auteurs."

2 Rien dans les éléments de preuve ne permet de dire, directement ou par

3 déduction, qu'il aurait apporté une assistance morale à des actes, un

4 comportement ou un état d'esprit que l'on peut relier à M. Milutinovic.

5 Il est accusé d'avoir participé en tant que co-auteur à l'entreprise

6 criminelle commune, catégories 1 et 3 dans notre jurisprudence. Selon le

7 droit appliqué par le Tribunal -- il faut qu'il y ait trois conditions

8 préalables pour que l'on puisse condamner quelqu'un d'avoir participé à une

9 entreprise criminelle commune. D'abord, il faut que plusieurs personnes

10 aient agi ensemble; ensuite, il faut qu'il y ait existence d'un objectif

11 commun, ce qui revient à peu près aux mêmes critères pris en compte pour la

12 commission d'un crime par le statut; et troisièmement, il faut qu'il y ait

13 participation de l'accusé à cet objectif commun.

14 Rien dans les éléments de preuve ne permet de penser qu'il y a eu un

15 objectif commun. Rien ne démontre que M. Milutinovic aurait participé à un

16 groupe composé de plusieurs personnes poursuivant un objectif commun. Il a

17 été dit par l'Accusation que l'objectif commun était l'expulsion permanente

18 de la population hors du Kosovo-Metohija. Rien ne nous le démontre dans les

19 éléments de preuve.

20 Le mens rea de la première catégorie, à savoir qu'il y ait entreprise

21 criminelle commune, est qu'il faut qu'il soit démontré que l'accusé ou

22 d'autres participants à l'entreprise criminelle commune auraient eu

23 l'intention de commettre le crime en question.

24 L'Accusation souligne que rien dans les éléments de preuve ne permet

25 de parvenir à cette conclusion pour M. Milutinovic. Le mens rea de la

26 troisième catégorie étendue d'entreprise criminelle commune évoque des

27 crimes qui auraient pu être commis en dehors de l'objectif commun, ce qui

28 justifie l'extension. Nous disons que rien dans les éléments de preuve ne

Page 12385

1 démontre ceci et que l'Accusation ne peut pas le démontrer.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

3 Maître Fila, à vous.

4 M. FILA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. D'abord, je

5 confirme tout ce qu'a dit mon confrère, Me O'Sullivan, sur les faits et le

6 droit. La Défense de Nikola Sainovic va tenter de démontrer qu'à son avis

7 l'Accusation a échoué dans son devoir de prouver ses arguments contre

8 Nikola Sainovic -- excusez-moi. Il y a un certain nombre de faits qui ont

9 été évoqués par Me O'Sullivan avec lesquels je ne suis pas d'accord, je le

10 dirai.

11 La Défense considère que cela n'a pas été prouvé, même si les moyens

12 de preuve seraient acceptés sans aucun doute et sans contradiction. Ce qui

13 représente également le critère de leur examen en ce moment, et cela en

14 conformité avec l'article 98 bis. L'acte d'accusation à l'encontre de

15 Nikola Sainovic contient --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila, l'interprète vous

17 demande de ralentir. C'est difficile -- d'en juger. Mais je pense que vous

18 devriez parler plus lentement.

19 M. FILA : [interprétation] L'acte d'accusation à l'encontre de M.

20 Nikola Sainovic contient beaucoup d'allégations sur son rôle présumé pour

21 ce qui est des événements survenus en 1998, 1999. Certaines de ces

22 accusations, le Procureur a essayé de prouver, et pour un nombre important

23 de ces allégations, l'Accusation n'a offert aucune preuve, aucun mot dans

24 des témoignages de témoins ou dans des documents écrits qui auraient pu, au

25 moins indirectement, confirmer ce qui est écrit pour ce qui est du rôle de

26 Sainovic dans l'acte d'accusation.

27 Dans l'acte d'accusation, il est écrit que Sainovic était le

28 représentant de Slobodan Milosevic pour le Kosovo. Il n'existe aucun témoin

Page 12386

1 qui aurait témoigné là-dessus. Il n'a rien dit là-dessus; et il n'y a bien

2 sûr pas de documents où une telle accusation existerait. La seule chose

3 qu'on a entendue ici, ce que M. O'Sullivan a mentionné, et ce que M.

4 Kutlesic a mentionné en tant que conseil spécial de M. Slobodan Milosevic

5 pour le Kosovo. M. Sainovic était l'envoyé spécial de M. Milosevic pour le

6 Kosovo.

7 Dans l'acte d'accusation, il est écrit ensuite que, pour ce qui est

8 de la période pertinente à l'acte d'accusation, il avait le commandement

9 conjoint pour le Kosovo-Metohija et qu'à la tête de ce commandement

10 conjoint se trouvait Nikola Sainovic. Plus de 100 témoins ont été entendus

11 ici et personne d'entre eux n'a mentionné qu'à la tête du commandement

12 conjoint pour le Kosovo en 1999 se trouvait Nikola Sainovic. Egalement,

13 plusieurs milliers de documents ont été versés au dossier et dans aucun de

14 ces documents il n'est mentionné que Nikola Sainovic, à l'époque, pendant

15 la période couverte par l'acte d'accusation, se trouvait à la tête du

16 commandement conjoint. L'Accusation englobe les événements à partir du 1er

17 janvier 1999, et comme cela a été déjà dit, pendant cette période de temps,

18 il n'y avait pas de moyens de preuve qui ont été présentés et qui

19 confirmaient que Sainovic se serait trouvé à la tête d'un organe qu'on

20 pourra appeler le commandement conjoint.

21 Je souligne qu'il n'y a pas de moyens de preuve sur lesquels on

22 pourrait dire que Sainovic était à la tête d'un organe qui existait et qui

23 dirigeait les opérations au Kosovo-Metohija et que cet organe s'appelait le

24 commandant conjoint. Il n'était ni président, ni commandant, ni membre de

25 cet organe, et personne n'a dit quoi que ce soit là-dessus. Ce que nous

26 montrent les moyens de preuve qui ont été présentés et ce que la Chambre a

27 remarqué, c'est que les conditions, les structures, les organes d'Etat, les

28 fonctionnaires, leurs pouvoirs et leurs activités diffèrent

Page 12387

1 substantiellement pour ce qui est de l'année 1998 par rapport à l'année

2 1999.

3 L'année 1999 est l'année pendant laquelle l'intervention de l'OTAN a

4 eu lieu et l'état de danger de guerre imminent a été proclamé, après quoi

5 l'état de guerre a été proclamé. Il y a une différence de base par rapport

6 aux rôles et aux responsabilités des organes d'Etat, leur engagement à la

7 défense du pays contre les frappes de l'OTAN. Beaucoup de témoins, en

8 particulier, j'insiste, les témoins qui étaient membres des organisations

9 internationales et des organes qui fonctionnaient au Kosovo en 1998,

10 décrivent le rôle de Sainovic et ils le font en parlant de leurs

11 impressions qui ont été souvent basées sur les rumeurs, sur les articles de

12 presse ou tout simplement sur la base du fait que M. Sainovic leur a

13 souvent parlé, ou a souvent mené les négociations avec eux.

14 M. Sainovic était souvent la seule personne qu'ils aient contactée,

15 la personne qui était à un poste élevé au sein du gouvernement fédéral, et

16 la personne qui avait le plus haut rang au sein de la FRY et en Serbie, et

17 c'est pour cela que des conclusions fausses ont été tirées sur le rôle

18 important de Sainovic. Et ils ont fait cela sans avoir connaissance de

19 l'établissement des lignes importantes de la politique de la Serbie et de

20 la Yougoslave, quelle était la compétence matérielle, la compétence

21 formelle ainsi que l'incidence de certains protagonistes sur la scène

22 politique yougoslave et serbe.

23 Ces étrangers ont vu Sainovic, ils ont pensé que Sainovic était

24 important, et en fait, ils n'en savaient rien. Ils ne savaient pas quelle

25 était l'importance de Sainovic. Ce que je dis sur les représentants

26 étrangers, cela se rapporte uniquement en 1998. Pour ce qui est de l'année

27 1999, et en particulier pour ce que est de la période après le 24 mars

28 1998, je répète que ces témoins n'étaient pas présents au Kosovo. Ils ne se

Page 12388

1 trouvaient pas physiquement au Kosovo, ils ne savaient rien, ils ne

2 pouvaient rien savoir sur les évènements au Kosovo, et encore moins sur le

3 rôle qui était le rôle de M. Sainovic.

4 S'il y avait eu une forme de coordination entre l'armée de

5 Yougoslavie et le ministère de l'Intérieur au cours de l'année 1998,

6 j'affirme que, pour ce qui est de cette coordination, il n'y avait pas de

7 civils ou d'hommes politiques, il n'y avait pas de fonctionnaires d'Etat,

8 qui auraient commandé les unités de la VJ ou les unités du MUP ou auraient

9 commandé leurs opérations conjointes. En 1998, par conséquent, Nikola

10 Sainovic n'a pas joué le rôle qui aurait pu être mis en relation avec la

11 coordination de la VJ.

12 De plus, tous les témoins qui ont témoigné devant cette Chambre ont

13 parlé de chaînes de commandement préservées, aussi bien des unités de

14 l'armée que des membres du MUP, en 1998 et également en 1999. Je n'énumère

15 pas leurs noms parce qu'il n'y a parmi eux aucun qui avait dit le

16 contraire. S'il y avait un commandement conjoint dans le contexte des

17 documents qui ont été versés au dossier et qui se rapportent à 1999, il

18 faut savoir qu'il s'agit de documents qui en fait sont les documents

19 émanants de l'armée de Yougoslavie. Cela, on peut le voir dans leur

20 contenu, à savoir dans le fait que c'était uniquement les unités de l'armée

21 qui ont utilisé ces documents. Il n'y a aucun document de l'année 1999 qui

22 aurait été rédigé au MUP et qui aurait eu l'en-tête du commandement

23 conjoint. Un tel document n'existait même pas en 1998 parce que cela

24 n'existait pas, tout simplement.

25 Egalement, il n'y a aucun document écrit émanant d'une structure

26 civile qui représente un document référence par rapport au commandement

27 conjoint au niveau politique. La chose la plus importante est qu'il n'y a

28 aucun mot écrit dans aucun document sur certains civils qui essayent

Page 12389

1 d'intervenir par rapport aux chaînes de commandement préservées, et il n'y

2 a pas de mention de cela dans le rapport de police pour ce qui est de

3 l'année 1999, qui est couvert par l'acte d'accusation.

4 Il est également important de dire que vous n'avez aucun rapport,

5 aucune lettre d'aucun commandant adressée au commandement conjoint en 1999.

6 Il n'y a pas de QG de ce commandement. Il n'y a pas de commandant en chef

7 de ce commandement. La chaîne de commandement était préservée.

8 De plus, ce qui est très important, il faut savoir que Nikola

9 Sainovic a été vice-président du gouvernement fédéral qui a, en effet, une

10 certain prérogative pour ce qui est de l'armée de Yougoslavie en 1998 et

11 1999, mais elle n'a pas d'autorité sur le MUP de la Serbie et le MUP du

12 Monténégro; la police relève de la compétence des deux républiques.

13 Dans la pièce à conviction P1468, qui a été versée au dossier par la

14 Chambre après six mois de refus d'admissibilité de cette pièce à conviction

15 qui couvrait la période de juillet à octobre 1998, je souligne qu'il s'agit

16 de la période avant la nomination de M. Sainovic au poste de président de

17 la commission du gouvernement fédéral pour la coopération avec l'OSCE.

18 Aucune remarque dans ce document ne finit par un meurtre. S'il s'agissait

19 d'un commandement conjoint, le commandement devrait donner des ordres. Il

20 n'y a pas de rapports non plus pour ce qui est de l'exécution des ordres

21 d'un commandement antérieur, parce qu'il est normal de voir un ordre et par

22 la suite l'exécution de cet ordre. Donc le commandement donne des ordres,

23 s'il s'agit bien d'un commandement. A la tête du commandement, il y a un

24 commandant, il y a un quartier général, il y a un intendant, et le

25 commandement aurait rédigé des documents, et en 1998, il n'y avait pas de

26 tels documents. Il n'y en a pas parce que tout simplement, ces documents

27 n'existaient pas.

28 Au contraire, sur la base de ces notes qui sont mentionnées dans la

Page 12390

1 pièce à conviction P1468, on peut voir que des informations ont été

2 échangées pour avoir un aperçu meilleur de la situation.

3 Il y a quelque chose qu'il faut tirer au clair. J'ai dit qu'en 1998,

4 il n'y avait aucun document comme les 14 ou 15 documents de 1998; il n'y

5 avait pas d'ordres en fait, il n'y avait pas de documents où le mot

6 "ennemi" serait mentionné, et cetera.

7 Comme je l'ai déjà dit, il y avait des réunions qui ont été tenues

8 pour échanger des informations pour voir mieux la situation. On pourrait

9 appeler cela la coordination et M. Sainovic a mentionné ce mot dans son

10 entretien; je vous invite à le parcourir. C'est la coordination entre la

11 politique, le MUP et l'armée. En 1998, il n'y avait pas d'état de guerre.

12 Le gouvernement fédéral n'a pas de pouvoir sur la police, ni en Serbie ni

13 au Monténégro. Et regardez les procès-verbaux des réunions du conseil

14 suprême de la Défense de 1998. Certains d'entre eux ont été cités ici. Vous

15 allez voir qu'il n'y a aucun membre de la police qui était présent à ces

16 réunions parce que la police fédérale n'avait aucun pouvoir. Et les

17 ministres du MUP monténégrin et serbe auraient dû assister à ces réunions.

18 Le gouvernement de la Yougoslavie a des pouvoirs plutôt de nature

19 logistique pour ce qui est de fournir de l'argent.

20 Quand l'état de guerre a été proclamé, le gouvernement de la

21 République fédérale de Yougoslavie n'a aucun rôle pour ce qui est du

22 commandement et du contrôle des forces de la Défense, et M. Sainovic

23 n'avait aucune compétence formelle pour ce qui est de la conduite des

24 opérations. C'est le président de l'Etat qui a ces pouvoirs en état de

25 guerre, et cela par le biais de la chaîne de commandement qui a été

26 préservée.

27 Le Procureur dit que Nikola Sainovic était un représentant de Slobodan

28 Milosevic pour le Kosovo et cela parce que les diplomates, les

Page 12391

1 représentants de la communauté internationale étaient souvent --dit qu'il

2 fallait parler à Sainovic. Et il est vrai que beaucoup d'entre eux ont

3 parlé à Sainovic, et il est vrai également qu'ils l'ont fait parce que le

4 gouvernement fédéral a formé une commission pour la coopération avec

5 l'OSCE, et pour président de cette commission, ils ont élu Sainovic. Avant

6 cela, Sainovic était vice-président du gouvernement fédéral; il s'agissait

7 de la mise en œuvre de l'accord de Dayton au Kosovo. Cela relevait de sa

8 compétence et Sainovic ne pouvait pas travailler en tant que représentant

9 personnel de Slobodan Milosevic, il ne s'agissait pas d'une entreprise ou

10 d'une agence de tourisme. Sainovic tout simplement a fait cela parce que

11 c'était son travail en tant que vice-président du gouvernement, et Zoran

12 Lilic est l'un de ces cinq vice-présidents qui n'est pas venu ici pour

13 témoigner en tant que président de la commission chargée de la coopération

14 avec l'OSCE. Beaucoup de témoins ont confirmé cela tels que Petritsch après

15 avoir vu le document. Je ne veux pas mentionner ce document, parce que j'en

16 ai marre.

17 Il n'est pas vrai que Sainovic a eu un rôle actif dans les

18 pourparlers pour la création de la commission chargée de la coopération

19 avec l'OSCE, c'est-à-dire son rôle est différent par rapport au rôle de

20 dizaine de fonctionnaires qui avaient le même rôle, le rôle similaire pour

21 ce qui est de ce travail, Stambuk et les autres qui ont été mentionnés ici.

22 Il est vrai également que Sainovic, pour ce qui est de la mise en œuvre de

23 cet accord, a essayé de faire de son mieux pour que l'accord soit respecté,

24 pour que le conflit cesse et pour que les négociations politiques soient

25 menées par l'intermédiaire de la communauté internationale.

26 Le Procureur dit que Sainovic a agi en tant que quelqu'un qui a été

27 officier de liaison entre Slobodan Milosevic et les gens au Kosovo.

28 Sainovic ne faisait que transmettre des messages.

Page 12392

1 Rappelons-nous le témoignage à la question de cette Défense, à savoir si

2 Sainovic n'était que quelqu'un qui transmettait les messages, le témoin

3 Merovci a répondu que, selon lui, Sainovic était la personne, je cite :

4 "qui agissait en tant qu'intermédiaire qui transmettait les points de vue

5 de fonctionnaires plus haut placés." C'est la déclaration du 17 janvier

6 2007, à la page 8 535, lignes 18 et 19.

7 Nikola Sainovic est accusé d'avoir participé directement ou

8 indirectement à l'entreprise criminelle commune dont l'objectif était de

9 déséquilibrer la composition ethnique au Kosovo. Maintenant, devant vous,

10 je me demande où est la contribution de Nikola Sainovic pour ce qui est des

11 objectifs de cette entreprise criminelle conjointe présumée. Le plan

12 devrait exister et le plan devrait être mis en oeuvre pour que cette

13 entreprise existe.

14 Pendant ces dix mois, je n'ai entendu rien qui indiquerait que ce

15 plan et cet objectif existaient, si ce plan et cet objectif existaient, il

16 n'y avait pas de moyens de preuve qui disaient que Sainovic faisait partie

17 de cela. Alors s'il n'y avait pas de plan explicite, il y aurait peut-être

18 pu avoir quelque chose à laquelle on aurait fait référence comme étant un

19 plan. On aurait pu en déduire à partir de cela l'existence, par exemple,

20 d'un accord tacite qui aurait été l'équivalent d'un accord, mais nous

21 n'avons jamais rien entendu en la matière.

22 S'il y avait un plan, étudions un peu cette question, alors quelle que soit

23 la référence que l'on souhaite faire, la question qu'il convient de se

24 poser est comme suit : quels sont les actes commis par Nikola Sainovic à

25 partir du 24 mars 1999 qui auraient contribué à la mise en place d'un plan

26 conjoint, si ce plan avait en fait existé. Qu'avons-nous entendu de la part

27 des témoins ? Qu'avons-nous lu dans les documents qui nous ont été

28 présentés par l'Accusation ? Qu'avons-nous entendu à propos des actes et

Page 12393

1 des activités de Sainovic, et ce, pour la période courant après le 24 mars

2 1999, qui auraient eu une incidence sur les événements ou qui, d'une façon

3 ou d'une autre, auraient contribué à la mise en œuvre de ce plan criminel

4 hypothétique, que ce soit dans le cadre de ce projet ou même que cela

5 dépasse en fait ce cadre.

6 Supposons juste pour un moment que quelqu'un ait dit quelque chose lors

7 d'une réunion et que cela aurait pu être interprété comme le départ d'une

8 activité interdite. Est-ce que cela signifie, d'après l'Accusation ou

9 d'après les Juges, que toutes personnes présentes lors de la réunion

10 doivent être considérées comme responsables et membres de cette entreprise

11 commune criminelle, même si ces personnes n'ont pas entendu les

12 observations indiquées ? La Défense considère que dans le concept de

13 responsabilité, il faut que soient pris en considération le comportement

14 personnel, le point de vue personnel, les actes ou omissions, et que tout

15 reste est simple interprétation qui dépasse la jurisprudence de ce Tribunal

16 et du droit humanitaire international en général.

17 Alors ce Tribunal ne doit pas faire abstraction de l'obligation qui incombe

18 à l'Accusation qui doit prouver le type de degré de responsabilité

19 individuelle, et je pense que dans le cas de Nikola Sainovic, l'Accusation

20 ne l'a pas fait tout simplement. Ce Tribunal ne doit pas autoriser dans le

21 cadre d'une entreprise criminelle commune que l'on mette la barre à un

22 niveau très faible qui ferait que nous aurions une équation entre

23 responsabilité individuelle et culpabilité collective. Parce que cela va

24 tout à fait à l'encontre des normes philosophiques et des normes morales

25 les plus élémentaires sur lesquelles se fondent le droit pénal moderne.

26 L'Accusation n'a pas su prouver l'existence de cette voie hiérarchique

27 verticale, de cette relation de subordination et de supériorité entre

28 Sainovic d'un côté et la VJ et le MUP par ailleurs, et ce, pour la période

Page 12394

1 pertinente à l'acte d'accusation, et même d'ailleurs en ce qui concerne la

2 période qui précède l'acte d'accusation, à savoir 1998.

3 A propos d'entreprise criminelle commune, il convient de se poser une

4 question, est-ce qu'il y a eu intention de commettre un crime. La Défense

5 avance que l'Accusation n'a pas su et n'a pas pu prouver que Sainovic avait

6 l'intention de commettre un acte délictueux criminel, un crime de guerre en

7 l'occurrence. D'ailleurs, elle n'a pas su prouver que Sainovic avait une

8 intention qu'il a partagée avec les autres participants ou les autres

9 parties prenantes de cette entreprise criminelle commune pour ce qui est

10 des actes allégués dans l'acte d'accusation. Ce qui est intéressant,

11 d'ailleurs, c'est que l'Accusation avance que l'entreprise criminelle

12 commune a vu le jour en octobre 1998 au plus tard et qu'elle a continué

13 pendant toute la période pertinente pour l'acte d'accusation. Mais c'est

14 une période qui va au-delà de ces procès- verbaux du commandement conjoint

15 pour l'année 1998, et comme l'a dit mon estimé confrère, Me O'Sullivan,

16 d'ailleurs il a cité que les hostilités avaient cessé et que le

17 commandement conjoint continuait à exister. Il s'agit justement de la

18 période pendant laquelle différents accords ont été conclus, l'accord

19 Holbrooke-Milosevic, et cetera, et cetera. C'est à cette époque-là que

20 Sainovic est devenu le président de la commission responsable de la

21 coopération avec l'OSCE. Est-ce qu'il s'agit là d'une criminelle entreprise

22 commune ? Est-ce que c'est à ce moment-là que cela a commencé ? Donc, dire

23 cela à propos de M. Sainovic est absolument absurde.

24 Mesdames, Messieurs les Juges, vous vous souviendrez qu'un certain nombre

25 de témoins sont venus apporter des éléments de preuve indiquant que

26 Sainovic a fait véritablement de son mieux pour essayer de trouver une

27 solution politique et pacifique à la crise, notamment à l'époque où

28 l'Accusation allègue l'existence de cette entreprise criminelle commune, et

Page 12395

1 lorsque ce plan criminel était en train d'être concocté. Le témoin Michael

2 Phillips a dit, et je cite : "Sainovic était sincère lorsqu'il essayait de

3 trouver une stratégie visant la coexistence de la population serbe et

4 albanaise pour qu'elles puissent vivre en harmonie." Cela a été dit le 19

5 mars 2007, page 11 887, lignes 9 à 11.

6 Le témoin Byrnes a dit précisément devant cette Chambre de première

7 instance que Sainovic lui avait dit tout ce qu'il pouvait pendant les

8 négociations, pendant les négociations qui avaient lieu à ce moment-là. A

9 ce moment-là, il a parlé de façon assez frappante des intentions véritables

10 de Nikola Sainovic. Il a dit, et je cite : "Je le croyais, je croyais en

11 ses intentions et j'ai cru tout ce qu'il m'a dit." Il a dit cela le 16

12 avril 2007 à la page 12 191, lignes 17 et 18.

13 Qui plus est, lorsque la Défense a demandé si Sainovic considérait

14 que la situation au Kosovo devrait être réglée par le truchement de

15 solutions politiques, le témoin Byrnes a dit qu'il avait une impression

16 très, très nette à la suite des conversations qu'il a eues avec l'accusé,

17 et je cite que : "Lui, en tant qu'homme politique pragmatique, il avait

18 essayé de trouver une solution mutuellement acceptable au problème et qu'il

19 continue à travailler en ce sens." Il a dit cela le 16 avril 2007 à la page

20 12 188, lignes 15 à 19.

21 Lorsque la Défense a demandé à M. l'ambassadeur Petritsch s'il était

22 d'accord avec la conclusion suivant laquelle un grand consensus avait été

23 obtenu entre lui et M. Sainovic à propos des efforts déployés pour résoudre

24 la crise, en d'autre termes est-ce que cela devrait être réglé par des

25 moyens politiques et pacifiques, il a répondu par l'affirmative, et il dit

26 que Sainovic espérait que cela serait possible, et je cite : "Qu'il devrait

27 être possible de faire venir un accord par des solutions pacifiques du fait

28 que la Mission de vérification du Kosovo et d'autres instruments existaient

Page 12396

1 à l'époque." Cela a été dit le 2 mars 2007 page 10 947, lignes 19 à 23.

2 Comment se fait-il que quelqu'un qui essaie en toute sincérité

3 d'apporter sa contribution à la solution pacifique de la crise comme tous

4 ces témoins l'ont indiqué, comment se fait-il, disais-je, que la même

5 personne partage des objectifs d'une entreprise criminelle commune qui

6 aurait due être mise en vigueur par le biais d'une campagne de terreur et

7 de violence sur une grande échelle et systématique, déportation, meurtre,

8 assassinat, transport forcé de la population et persécution.

9 Alors n'est-il pas clair que Sainovic était la personne qui jusqu'au

10 dernier moment à Rambouillet a essayé de saisir la moindre chance pour

11 essayer de parvenir à une solution négociée au conflit. Il a même essayé de

12 négocier avec des représentants de l'UCK. Lors de sa déposition, le témoin

13 Byrnes a fait remarquer que Sainovic avait lancé cette initiative, et je

14 cite : "Pour tendre la main vers la direction de l'UCK, et ce, afin de

15 trouver une solution." Et que pour Sainovic ces réunions étaient des

16 réunions qui pouvaient être utilisées comme tremplin pour, et je cite :

17 "comme tremplin pour des conséquences politiques plus importantes." Il l'a

18 dit le 16 avril 2007, à la page 12 189, lignes 1 à 16.

19 Sainovic a véritablement fait tout ce qu'il pouvait pour trouver des

20 solutions à Rambouillet pour empêcher que le pire ne se produise.

21 Comme je l'ai déjà indiqué, le témoin Byrnes a dit de façon explicite qu'il

22 avait cru tout ce que lui disait Sainovic, qu'il avait cru que Sainovic

23 s'était véritablement évertué d'empêcher cet escalade du conflit au Kosovo.

24 Il l'a dit le 16 avril 2007 à la page 12 191, lignes 15 à 18.

25 Devant cette même Chambre, le témoin Petritsch a loué les efforts de

26 Sainovic, il l'a loué pour son attitude de coopération en disant que : "Les

27 réunions avec Sainovic étaient toujours des réunions fort amicales qui se

28 fondaient sur le respect mutuel." Le témoin Petritsch a insisté sur le fait

Page 12397

1 qu'il avait rencontré très fréquemment Sainovic à Rambouillet. Il a dit que

2 Sainovic lui avait été, et je cite : "très utile, lui avait été d'une

3 certaine utilité", et qu'il avait l'impression, et je cite à nouveau, que :

4 "Sainovic écoutait et essayait de fournir des réponses aux exigences

5 présentées par la communauté internationale." Et il a conclu en disant que

6 ces réunions se déroulaient dans une atmosphère fort agréable et que

7 c'était quelque chose dont il se souvenait particulièrement. Il l'a dit le

8 2 mars 2007, à la page 10 945, lignes 14 à 24.

9 En règle générale, l'ambassadeur Petritsch a dit lors de sa déposition que

10 Sainovic était un homme de paix, je cite : "et que quelqu'un d'autre a

11 empêché que cette solution pacifique ne voit le jour." Il a dit que

12 Sainovic et le chef de la délégation, Ratko Markovic, préconisaient cette

13 solution pacifique. Ces autres facteurs sur lesquels Sainovic n'avait

14 absolument aucun contrôle, étaient tels que, d'après l'ambassadeur

15 Petritsch, qu'il était impossible de parvenir à un accord. L'ambassadeur

16 Petritsch a donné des éléments de preuve dans sa déposition à propos de la

17 dernière année des négociations de Rambouillet et des autres réunions à

18 Paris. Il a dit que pendant ces réunions, Sainovic s'était tenu coi, comme

19 il l'a dit. J'indique à nouveau que lorsque l'ambassadeur Petritsch est

20 allé assister aux toutes dernières négociations avec Milosevic, Sainovic

21 n'était pas présent parce qu'il était tombé en disgrâce d'après lui. Nous

22 avons donc cette autre personne qui arrive, l'employé spécial de Milosevic.

23 Alors comment est-ce que l'on peut dire, qui peut dire d'ailleurs, que

24 Sainovic partageait l'objectif visant à modifier la composition ethnique au

25 Kosovo par des moyens violents tout en préconisant en même temps l'échange

26 général de prisonniers ?

27 Je dirais que dans sa déposition, l'ambassadeur Petritsch a mis en exergue

28 le fait que Sainovic avait fait des efforts en toute bonne foi pour obtenir

Page 12398

1 la mise en liberté des prisonniers ou de prisonniers de l'UCK en disant

2 qu'il était sûr, et je cite que : "M. Sainovic avait proposé à M. Milosevic

3 de prendre une décision positive en la matière." A son avis, il s'agissait

4 d'un geste constructif de la part de M. Sainovic. Il l'a dit le 2 mars

5 2007, à la page 10 946, lignes 20 à 23.

6 Je dirais une fois de plus que lorsque la Défense a posé des questions au

7 témoin Byrnes, elle lui a demandé s'il était d'accord avec le fait que

8 Sainovic considérait la mise en liberté ou la libération des prisonniers

9 comme une occasion de calmer le jeu et de lancer les bases d'une véritable

10 solution pacifique, le témoin Byrnes a marqué son accord avec cette

11 suggestion et a ajouté que Sainovic considérait cela de telle façon qu'il

12 considérait qu'un échange de prisonniers pourrait déboucher sur quelque

13 chose de mieux encore; il l'a dit le 16 avril 2007, à la page 12 189,

14 lignes 17 à 22.

15 En règle générale, la Défense souhaiterais demander à la Chambre de

16 première instance d'étudier de façon détaillée les éléments des dépositions

17 fournies par ces trois témoins, et ce, dans leur intégralité pour ce qui

18 est de M. Sainovic. Je pense à des personnes de très haut calibre, telles

19 que M. l'ambassadeur Petritsch. Je pense que des personnes, telles que M.

20 l'ambassadeur Petritsch, ne peuvent pas dire des choses qui ne sont pas

21 exactes. Puis, il faut savoir que Sainovic avait également préconisé le

22 retour de la population dans leurs foyers avec l'augmentation de la

23 présence internationale. Nous voyons l'exemple de Malisevo, par exemple.

24 Dans sa déposition devant cette Chambre de première instance, le témoin

25 Phillips a souligné le fait que M. Sainovic avait été un maillon

26 extrêmement utile pour essayer de trouver une solution au problème de

27 Malisevo, il l'a dit le 19 mars 2007, page 11 877, lignes 2 et 3.

28 La Défense aimerait également faire référence à la déposition de Jan

Page 12399

1 Kickert qui a fourni en quelque sorte des précisions supplémentaires à la

2 suite de la déposition de M. l'ambassadeur Petritsch, qui a également

3 décrit ce que faisait Nikola Sainovic. J'aimerais vous rappeler que d'après

4 l'Accusation, ce témoin était censé prouver le rôle criminel de Sainovic du

5 fait qu'il a fait en sorte qu'il n'y avait pas d'électricité dans le

6 bâtiment où se trouvaient les représentants de la communauté internationale

7 qui n'avaient pas payé leur facture d'électricité. Cela a été dit le 7 mars

8 2007, page 11 190 et page 11 191. J'espère que nous lui pardonnerons

9 d'avoir indiqué cela.

10 Mais il faut savoir si l'accusé savait véritablement qu'un crime au pénal

11 allégué dans l'acte d'accusation a été commis. Parce que cela était censé

12 être une conséquence prévisible et naturelle de l'entreprise criminelle

13 commune. D'après le contexte des éléments de preuve qui ont été présentés,

14 notamment un tour d'horizon des délits commis sur le terrain, il est assez

15 manifeste que les commandants locaux n'ont pas fait de rapport à propos de

16 tous les crimes qui s'étaient passés, ils ne l'ont même pas fait auprès de

17 leurs supérieurs immédiats. Alors comment se peut-il que Nikola Sainovic

18 soit au courant, soit informé de tous ces crimes, et comment est-ce que

19 l'on peut s'attendre de sa part à ce qu'il le sache ?

20 Par exemple, le général Vasiljevic lors de sa déposition a indiqué

21 qu'il s'était rendu auprès des organes de sécurité de l'armée yougoslave au

22 Kosovo et qu'il en avait conclu à l'administration de la sécurité de

23 l'armée yougoslave qu'il n'y avait absolument aucune omission dans le

24 travail de la police militaire et pour les organes des organes de sécurité

25 du Corps de Pristina, et qu'en fait qu'ils avaient été loués et félicités

26 pour les résultats obtenus. Cela a été dit le 24 janvier 2007, à la page 8

27 977, ligne 4 jusqu'à la page 8 978, ligne 5.

28 Donc, si les organes qui avaient pour devoir de détecter les auteurs

Page 12400

1 des crimes au pénal travaillaient aussi bien, tel que Vasiljevic l'a

2 indiqué lors de sa déposition, et si leurs officiers supérieurs n'avaient

3 aucune objection face à leur travail, et ils n'avaient pas soulevé ce genre

4 d'objections, comment est-ce que l'on peut s'attendre à ce que Sainovic

5 sache ou soit au courant des crimes dont les auteurs n'avaient pas fait

6 l'objet de rapports ou contre lesquels aucune enquête n'avait été

7 diligentée ? En ce qui concerne la police, lors des réunions auxquelles ont

8 participé Sainovic, si vous prenez connaissance des procès-verbaux, vous

9 verrez que dans tous les débats, lors de toutes les discussions, il a

10 préconisé des efforts pour empêcher que des crimes soient commis, et s'il y

11 avait commission d'un crime, il préconisait la sanction pour l'auteur.

12 C'est le mieux que peut faire un politicien, un politique. Je vous

13 répèterais que le gouvernement fédéral n'avait aucune juridiction, aucune

14 compétence et aucune juridiction par rapport à la police, parce que c'était

15 quelque chose qui était du ressort de la juridiction de la république.

16 J'aimerais vous rappeler la pièce à conviction P1996, il s'agit d'un

17 procès-verbal d'une réunion tenue au QG du MUP le 7 mai 1999, ainsi que la

18 pièce P1989, qui correspond au procès-verbal d'une réunion du MUP, réunion

19 qui s'est tenue le 4 avril 1998. Voilà ce dont je voulais parler, et la

20 Chambre de première instance, d'ailleurs je dois m'excuser parce qu'il

21 s'agit du 4 avril 1999.

22 La Chambre de première instance doit établir les éléments

23 fondamentaux de l'intention criminelle de l'accusé dans le contexte de

24 l'entreprise criminelle commune. Que peut déterminer la Chambre de première

25 instance par rapport à l'intention de Sainovic ? Elle peut, bien entendu,

26 accepter ce qu'ont dit les témoins Byrnes, Phillips et Petritsch en réponse

27 aux questions qui leur ont été posées par la Défense, et ce, afin de

28 déterminer quelle était la véritable intention de Sainovic. En un mot,

Page 12401

1 l'intention de Sainovic était d'avoir des négociations, de préférer des

2 négociations au conflit et de faire en sorte qu'il y ait une solution

3 multiethnique et pacifique au Kosovo.

4 Dans l'acte d'accusation au paragraphe 24, l'Accusation allègue que

5 Sainovic a commandé des forces de la République fédérale de la Yougoslavie

6 et de la Serbie par le truchement de différents organes, notamment le

7 commandement conjoint, et il était à la tête de commandement conjoint. Il

8 s'agit d'une suggestion ou d'un argument tout à fait arbitraire de la part

9 du Procureur qui a rédigé cet acte d'accusation. D'ailleurs, cela ne

10 correspond pas ou ne respecte pas les critères les plus fondamentaux

11 permettant d'évaluer les éléments de preuve pour le moment, car il n'y

12 aucune preuve qui a été jamais avancée pour étayer cette idée. Les normes

13 auxquelles nous faisons référence sont les normes de l'article 98 bis.

14 Que Sainovic commandait les forces de la Serbie et de la Yougoslavie

15 en 1999 est un fait qui n'a jamais été mentionné par quiconque, et cela ne

16 se trouve écrit nulle part, et cette conclusion ne peut donc absolument pas

17 être dégagée. Je dirais qu'aux paragraphes 46(a) et (b) et au paragraphe

18 47(b) de l'acte d'accusation, il est dit que Sainovic, en tant que vice-

19 premier ministre du gouvernement de la RFY chargé du Kosovo, devait

20 recevoir les instructions données par Slobodan Milosevic et les transmettre

21 en les précisant à la VJ et au MUP directement ou par l'intermédiaire du

22 commandant conjoint.

23 Tout simplement, personne n'a jamais dit quoi que ce soit à ce sujet,

24 personne n'a jamais écrit quoi que ce soit à ce sujet, et d'ailleurs cela

25 n'était pas possible parce qu'il ne faut pas oublier que la RFY était un

26 Etat bien organisé qui avait ses organes, ses institutions. La Défense

27 demande à la Chambre de faire abstraction de ces éléments pour m'épargner

28 la tâche de vous prouver l'absurdité de tout cela. Aux paragraphes 46(c),

Page 12402

1 (f) et (i), et au paragraphe 47(a) de l'acte d'accusation, il est indiqué

2 que Sainovic était membre du commandement conjoint et que par

3 l'intermédiaire de ce commandement conjoint il exerçait le contrôle

4 effectif sur les forces de la RFY et la Serbie qu'il commandait et qu'il

5 dirigeait.

6 Alors, je vais répéter et vous dire qu'en 1999, il n'y a pas le

7 moindre indice indiquant que Sainovic avait ce rôle. La plupart des

8 éléments à charge présentés à propos du rôle de Sainovic sont autant de

9 tentatives d'utilisation d'analogies, et ce, de façon qui n'est absolument

10 pas permissible, et ce, afin de faire des années 1998 et 1999 une équation.

11 Car il y a certains éléments de preuve qui ont été interprétés de façon

12 erronée et qui font référence à l'année 1998 et au rôle de certaines

13 personnes civiles qui ont été envoyées au Kosovo, et ces éléments de preuve

14 ont été utilisés afin de montrer qu'il y avait un comportement uniforme

15 pendant cette période, la période précédant l'acte d'accusation et pendant

16 la période couverte par l'acte d'accusation, et l'analogie n'est pas

17 autorisée en termes juridiques.

18 Quelle que soit la structure qui existait en 1998, pendant la période

19 allant de juillet à octobre, n'existait pas forcément en 1999. Car tout

20 simplement, un commandement conjoint n'a jamais existé, ni en 1998 ni en

21 1999 d'ailleurs, non seulement le commandement conjoint n'a jamais existé,

22 mais Nikola Sainovic n'en était ni membre ni commandant.

23 Pour ce qui est de l'année 1999, il y a une en-tête dans les

24 documents qui est "Commandement conjoint", mais ils ne montrent pas quels

25 sont les civils qui en faisaient partie, et cela inclut Sainovic. Car même

26 le général Vasiljevic a indiqué lors de sa déposition que Sainovic a

27 participé à une réunion et que quelqu'un d'autre lui avait dit qu'il

28 s'agissait d'une réunion du commandement conjoint. Mais à propos du rôle de

Page 12403

1 Sainovic lors de cette réunion il a dit qu'il ne savait tout simplement pas

2 quel avait été son rôle.

3 Lorsque la Défense lui a demandé s'il envisageait la possibilité

4 suivant laquelle lors de la réunion de Pristina Sainovic représentait le

5 gouvernement fédéral, Vasiljevic lui a répondu qu'il n'excluait pas cette

6 possibilité et il a dit, et je cite : "Vous tirerez vous-même vos

7 conclusions à ce sujet." Il n'a pas dit à qui il s'adressait d'ailleurs.

8 Cela a été dit le 22 janvier 2007, page 8 837, ligne 2.

9 La Défense souhaite attirer votre attention sur le fait qu'une partie du

10 carnet de bord de Vasiljevic a été versé au dossier, bien que lors de ses

11 entretiens avec le bureau du Procureur Vasiljevic avait dit de façon très

12 explicite qu'il n'avait pas pris de notes à cette réunion. Lors de cette

13 réunion, il a indiqué qu'il s'agissait d'une réunion du commandement du

14 Corps de Pristina, ce qui fait que le mot "commandement conjoint" ne se

15 trouve pas dans le carnet de bord.

16 Pour ce qui est des paragraphes 46(d) et (e) de l'acte d'accusation, dans

17 les moyens de preuve qui ont été présentés, il n'y est absolument pas fait

18 mention du fait qu'au moment couvert par l'acte d'accusation, Sainovic

19 avait participé à la planification, la coordination ou que Sainovic n'avait

20 pas donné d'ordres ou n'avait pas donné l'ordre, par exemple, de dissimuler

21 certains crimes.

22 Au paragraphe 46(g), on établit le lien entre Sainovic et des volontaires.

23 Le gouvernement fédéral et son vice-premier ministre n'ont aucune

24 compétence à propos des volontaires, d'ailleurs on ne voit pas quel est le

25 rôle joué par Sainovic à propos des volontaires. Le paragraphe 46(h) est

26 particulièrement intéressant, ainsi que les paragraphes 47(f), (g), (h),

27 (i) et (m), car dans ces paragraphes, il est avancé que Sainovic a incité

28 et légitimé des crimes qui ont été commis par des Albanais du Kosovo en ne

Page 12404

1 fournissant pas de rapports, en ne menant pas à bien d'enquêtes et en ne

2 punissant ou en ne sanctionnant ou en ne disciplinant pas les membres des

3 forces de la RFY et de la Serbie.

4 Mais il n'est expliqué nulle part quelles sont les compétences

5 qu'avait Sainovic pour mener à bien ces enquêtes, quelles sont les

6 compétences qu'avait Sainovic pour sanctionner quiconque ? Il s'agit de

7 pures conjonctures dans cet acte d'accusation et cela reste des

8 conjonctures, et on le sait, maintenant que nous avons entendu les éléments

9 à charge, puisque nous n'avons jamais entendu dans ce prétoire un seul mot

10 à propos de la façon dont Sainovic aurait été capable ou autorisé de mener

11 à bien ce genre d'enquêtes, notamment pour ce qui est de punir, sanctionner

12 ou discipliner quelqu'un. Il n'avait pas ce genre de pouvoirs, et nous le

13 voyons lors des discussions que nous avons déjà mentionnées lorsqu'il

14 recommande la prévention des crimes et la sanction ou la punition des

15 auteurs. Il le dit en tant qu'homme politique, en tant que vice-premier

16 ministre d'un gouvernement fédéral, c'est tout ce qu'il pouvait faire.

17 C'est d'ailleurs ce qu'il a fait.

18 J'en ai terminé avec ma première partie. Je vois que le moment est venu de

19 faire une pause, mais j'aimerais mentionner qu'à la page 98 422, entre les

20 lignes 7 et 24, le nom de Bugarcic fait défaut, alors qu'il s'agit de la

21 personne qui avait remplacé Sainovic lors des négociations. Je souhaiterais

22 encore m'exprimer pendant 20 minutes.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, est-ce que vous pourriez

24 regarder la ligne 3, page 103 ? Parce que là, vous dites qu'il y a une

25 partie du carnet de Vasiljevic qui n'a pas été versée au dossier ou qui a

26 été versée au dossier ?

27 M. FILA : [interprétation] Non, non. Cela a été versé au dossier, mais pas

28 tout le carnet de bord, une partie seulement. Il est question du "Corps de

Page 12405

1 Pristina" là.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

3 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons maintenant lever

5 l'audience et nous reprendrons à 14 heures 15 demain après-midi.

6 --- L'audience est levée à 15 heures 31 et reprendra le mercredi 2 mai

7 2007, à 14 heures 15.

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28