Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 2 mai 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, vous pouvez poursuivre.

6 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les

7 Juges, avant de continuer, je vous demanderais à apporter quelques

8 corrections pour ce qui est du compte rendu d'hier parce que je pense que

9 c'est important pour que les propos de la Défense soient entendus.

10 A la page 12 395, il est écrit : Le Témoin Byrnes a déclaré explicitement -

11 c'est à la page 20 à 21 - devant cette Chambre que Sainovic lui avait dit

12 tout ce qu'il pouvait pendant les négociations. Pourtant j'ai dit : Le

13 Témoin Byrnes a explicitement dit devant cette Chambre de première instance

14 que Sainovic lui avait dit qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait faire

15 lors des négociations qui étaient en cours. Donc non pas "dit," mais

16 "fait."

17 Et à la page 1 243, ligne 16, en parlant de la pièce à conviction P2862, il

18 est écrit, la phrase commence par : "Lors de cette réunion," et il faudra

19 que cela soit par "dans ce cahier de notes", il s'agit de cahier de notes

20 du général Vasiljevic.

21 Avec votre autorisation je vais continuer où je me suis arrêté hier.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, je vous remercie

23 d'avoir parcouru le compte rendu surtout parce qu'il s'agit des questions

24 importantes et c'est très utile. Vous pouvez continuer, Maître Fila.

25 M. FILA : [interprétation] Je vais continuer ce que j'ai lu hier, à savoir

26 ce que j'ai dit par rapport à Sainovic qu'il avait fait tout ce qu'il

27 pouvait faire, on peut illustrer cela par un exemple, à savoir lorsque le

28 Juge Chowhan a posé une question au Témoin Philips par rapport aux pouvoirs

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1 de Sainovic, à savoir si Sainovic, lors de la réunion, a jamais donné des

2 instructions ou réprimandé le général Loncar ou le général Lukic pour ce

3 qui est des plaintes provenant de la Commission de vérification au Kosovo.

4 Le témoin a dit, je cite : "Parfois les instructions ont été données

5 s'il avait besoin d'une réponse, mais jamais, il n'y avait pas de

6 réprimandes." C'était le 19 mars 2007 à la page 11 856, lignes 18 à 25 et à

7 la page 11 857, lignes 1 à 8.

8 Et maintenant, parlons du paragraphe 46(J). Le Procureur y dit que

9 Sainovic a dit qu'au Kosovo il fallait avoir des proportions démographiques

10 meilleures entre les Serbes et les Albanais. Le Procureur s'attendait à ce

11 que le général Klaus Naumann dise quelque chose là-dessus, pourtant le

12 général Naumann n'a rien dit.

13 De plus, à la question de la Défense s'il se souvenait qui, lors de

14 l'une des réunions, a déclaré que la Yougoslavie aurait des problèmes dus à

15 la natalité albanaise, le général Naumann a répondu, je cite : "Si je me

16 souviens bien, je ne sais pas exactement qui a dit cela." C'était le 14

17 décembre 2006 à la page 8 374 lignes 24 à 25.

18 A la même occasion, le général Naumann a dit que sur la base des

19 renseignements dont l'OTAN disposait, la coordination entre l'armée et la

20 police était exercée à Nis et à Belgrade, à la

21 page 8 367, lignes 20 à 23. Cette affirmation a été confirmée par le

22 colonel Crosland à la question de la Défense, et c'est à la

23 page 9 870. On peut facilement en conclure que ce sujet portant sur la

24 coordination n'a rien à voir avec Sainovic, et comme vous avez entendu, il

25 s'agissait des renseignements de l'OTAN.

26 Au paragraphe 47(C), (K) et 48 de l'acte d'accusation, il est dit que

27 Sainovic avait des pouvoirs de commandement et/ou le contrôle effectif sur

28 les unités de l'armée de Yougoslavie et du MUP. Il est dit même qu'il avait

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1 le pouvoir de facto sur les dirigeants de plus haut rang de la VJ et du

2 MUP.

3 Au paragraphe 47(K) de l'acte d'accusation ainsi qu'au paragraphe 401

4 du mémoire préalable au procès du Procureur, il est dit que Sainovic avait

5 le pouvoir sur les organes locaux, sur les autorités locales au Kosovo

6 ainsi que sur le conseil exécutif provisoire. Donc il est dit qu'il avait

7 tous les pouvoirs, et ce n'est pas du tout vrai. Dans le dossier de

8 l'affaire, cela n'existe pas, et même dans les entretiens donnés par les

9 accusés au Procureur dans cette affaire.

10 Pour appuyer cela -- mais plutôt la conclusion contraire de celle du

11 Procureur et le témoignage du général Vasiljevic, le seul témoin de

12 l'Accusation pour ce qui est de la période de guerre qui,

13 à la page 8 827, ce sont les lignes 8 à 20, Vasiljevic a paraphrasé

14 l'entretien mené chez Slobodan Milosevic en mai 1999 pendant lequel ils se

15 sont mis d'accord pour que la situation soit [imperceptible] au Kosovo,

16 qu'un superviseur soit envoyé, un individu ou un groupe, et Vasiljevic dit

17 clairement que ce superviseur n'était pas Nikola Sainovic. On peut en

18 conclure que Sainovic n'avait pas de pouvoirs que le Procureur lui a

19 attribués, parce que si cela avait été vrai, pourquoi un superviseur aurait

20 été envoyé au Kosovo ?

21 Au paragraphe 49 de l'acte d'accusation, à savoir eu égard à mens rea

22 ou l'intention délictueuse pour ce qui est de la responsabilité visée aux

23 articles 7(1) et 7(3) du Statut du Tribunal. La Défense a déjà présenté les

24 faits qui mettent en doute l'existence des facteurs sur la base desquels on

25 pourrait parler de l'élément de volonté de Nikola Sainovic ou d'intentions

26 délictueuses par rapport aux crimes qui se seront produits.

27 L'Accusation a mentionné les crimes présumés de 1998. Quels sont ces

28 crimes ? Qui les a prouvés, dans quelle affaire, savoir que des crimes

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1 auraient été perpétrés en 1998, et par rapport auxquels Sainovic aurait été

2 informé ? De quels crimes Sainovic a été informé en tant que membre de

3 plusieurs délégations de la RSFY ? Pour établir les faits au Kosovo en 1998

4 et de quelle façon, pour que nous puissions conclure avec certitude que ces

5 crimes se sont réellement produits.

6 Par rapport à ce paragraphe, il faut souligner la différence qui

7 existe entre les événements et les protagonistes de ces événements en 1998

8 et en 1999. Le Procureur, constamment, fait silence par rapport à cela. Les

9 témoins de l'Accusation ne témoignent pas de façon à ce qu'on puisse en

10 conclure que mens rea ou l'intention délictueuse de Nikola Sainovic

11 existait pour ce qui est de sa responsabilité visée aux articles 7(1) à

12 7(3). Pourtant, les témoins de l'Accusation, leurs témoignages, donc des

13 éléments grâce auxquels on peut établir quelle était l'intention de Nikola

14 Sainovic en 1998 et pendant les premiers mois de 1999.

15 Ces témoins la décrivent en détail, mais ces descriptions n'ont rien

16 à voir avec les documents présentés par le Procureur avant la présentation

17 de ses moyens de preuve. L'ambassadeur Wolfgang Petritsch dit que Sainovic

18 a coopéré avec les négociateurs de la communauté internationale. C'était le

19 2 mars 2007, à la page 10 945, lignes 14 à 24.

20 Le témoin Michael Phillips a témoigné que, je cite : "Sainovic était

21 sincère pour ce qui est de trouver une stratégie qui permettrait au peuple

22 serbe et albanais de cohabiter." C'était le

23 19 mars 2007, à la page 11 887, lignes 9 à 11.

24 Finalement, le témoin Sean Byrnes a complètement appuyé la conclusion

25 sur laquelle M. Sainovic, lors des réunions avec lui, coopérait et que ce

26 n'était pas de la propagande et ne proférait pas de jérémiades. C'était le

27 16 avril 2007, page 12 188, lignes 6 à 9.

28 La Défense demande à la Chambre, par rapport à tous les alinéas du

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1 paragraphe 46, à partir de (a) jusqu'à (j), ou au mois par rapport à

2 certaines parties de ce paragraphe, que la Chambre prenne la décision selon

3 laquelle la Défense ne soit pas obligée de fabriquer des moyens de preuve

4 pour prouver que ces paragraphes ne sont pas bien fondés. La Défense

5 également demande à la Chambre, par rapport aux alinéas du paragraphe 47,

6 48 et 49, ou au moins par rapport aux plus grandes parties de ces

7 paragraphes, que la Défense ne soit pas obligée de présenter de moyens de

8 preuve pour montrer que ces paragraphes ne sont pas bien fondés.

9 Le Procureur, avant l'ouverture du procès, disait que l'entreprise

10 criminelle commune a été générée avant le mois

11 d'octobre 1998. Par exemple, il dit qu'en juin 1998, l'élite politique,

12 militaire et de sécurité de la RSFY et la Serbie se partageaient en deux

13 camps, dont l'un était pour une solution politique, et l'autre auquel

14 aurait appartenu Nikola Sainovic appuyait la solution militaire. Il n'y a

15 pas de preuve pour étayer cela dans le dossier de l'affaire.

16 Il a été dit que Sainovic a dit que l'équilibre entre les Serbes et

17 les Albanais au Kosovo devait être atteint. Il s'est dit inquiet, parce que

18 le taux de natalité des Albanais était plus élevé que celui des Serbes. Il

19 n'y pas de moyens de preuve pour étayer cela dans le dossier de cette

20 affaire.

21 Et il est très intéressant de voir que la thèse selon laquelle

22 Sainovic avait participé à essayer d'entraver les négociations avec les

23 Albanais du Kosovo, qu'il a miné tous les efforts pendant ces négociations

24 pour trouver une solution pacifique à la crise au Kosovo. L'ambassadeur

25 Petritsch et Byrnes parlent du fait que Sainovic a fait de son mieux et

26 tout ce qui était en son pouvoir pour que l'échange des prisonniers ait

27 lieu. Byrnes dit que c'était très important pour lui en tant que chef de la

28 KDOM américaine. Il se souvient que Sainovic a estimé que cet échange

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1 devait servir de base pour entreprendre d'autres mesures pour que la

2 situation se stabilise.

3 Il faut se rappeler là ce que les ambassadeurs Petritsch et Byrnes

4 ont dit du rôle de Sainovic à Rambouillet. Non seulement que Sainovic n'a

5 entravé le cours des négociations, mais les témoins du Procureur décrivent

6 Sainovic en tant qu'un négociateur franc et dévoué qui croyait en une

7 solution politique et acceptable par les deux parties. Tout ce que le

8 Procureur allègue pour ce qui est de l'enquête et de dissimulation des

9 crimes dans les documents du Procureur avant l'ouverture du procès, il

10 n'existe tout simplement pas dans les moyens de preuve présentés devant

11 cette Chambre, rien ne dit que Sainovic par ses actes, par ses omissions,

12 aurait contribué au fait que les crimes ne soient pas inquiétés et impunis.

13 Le rôle de Nikola Sainovic aux événements de 1998 et 1999, ce rôle de

14 Sainovic tel que présenté par le Procureur est complètement erroné. Nikola

15 Sainovic était au poste de vice-premier ministre du gouvernement fédéral et

16 lorsque les événements au Kosovo se sont produits, il était au poste du

17 vice-ministre au ministère des Affaires étrangères et des relations

18 internationales. Lorsque la situation a empiré au Kosovo et lorsqu'il

19 fallait accélérer les activités de tous les organes d'Etat dans le cadre

20 des attributions légales et constitutionnelles pour surmonter la crise qui

21 menaçait de provoquer une crise dans les pays, dans la région.

22 La défense du pays ainsi que le commandement de la VJ relevait de la

23 compétence du conseil suprême de Défense. L'intérieur, l'éducation, la

24 santé, l'administration locale, à l'époque, relevaient de la compétence des

25 organes et des institutions de la République de Serbie. Le gouvernement

26 fédéral, au cours de l'année 1998, avait tous les pouvoirs pour ce qui est

27 du domaine de la politique étrangère du pays, et la situation qui empirait

28 au Kosovo et cela exigeait que le gouvernement fédéral intensifie ces

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1 activités pour ce qui est de la politique étrangère.

2 Déjà en mars 1998, l'OSCE a décidé de prendre des mesures sur le plan

3 diplomatique surtout par rapport aux équipes d'observateurs accrédités à

4 Belgrade pour examiner la situation en détail, la situation au Kosovo.

5 C'est la pièce 1D18, page 289.

6 Après l'accord entre Milosevic et le président de Russie Yeltsin du

7 16 juin 1998, par lequel, entre autres, on a garanti aux observateurs

8 internationaux l'accès au territoire entier du pays - c'est 1D18, page 289

9 - le nombre de représentants internationaux au Kosovo a augmenté très vite,

10 et c'est pour cela que la décision a été prise pour envoyer au Kosovo le

11 vice-premier ministre Sainovic, qui était en charge des relations

12 internationales et de la politique étrangère.

13 Après les consultations politiques avec M. Momir Bulatovic, qui était le

14 président du gouvernement fédéral, il était conclu que Nikola Sainovic

15 devait s'engager de façon directe au Kosovo pour ce qui est des relations

16 étrangères au nom du gouvernement fédéral. Cela par rapport aux deux

17 aspects, d'abord les attributions de Nikola Sainovic dans le cadre du

18 gouvernement et les pouvoirs du gouvernement fédéral dans ce domaine.

19 Dans le cadre des activités du gouvernement fédéral au Kosovo, Sainovic a

20 été en charge de la politique étrangère, y compris les contacts avec les

21 représentants diplomatiques et représentants d'organisations

22 internationales 1998 et au Kosovo.

23 En juin 1998, à savoir le 10 juin 1998, à la réunion du comité principal du

24 SPS, ce qui représente la pièce à conviction de l'Accusation P1012, pour

25 intensifier les activités au Kosovo, il a été décidé de créer une équipe

26 composée de membres éminents du conseil principal du SPS, pour qu'il se

27 rende à Pristina et pour qu'il aide à l'exécution des activités des organes

28 d'Etat pour ce qui est de la stabilisation de la situation dans la région.

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1 Cette équipe a été composée de Zoran Andjelkovic, ministre au gouvernement

2 de la République de Serbie; Dusko Matkovic, le député de la république,

3 homme d'affaires connu; et à la tête de cette équipe se trouvait Milomir

4 Minic, le président du conseil des citoyens de l'assemblée de la RSFY.

5 C'était ce que le Procureur a appelé le commandement conjoint. Donc, les

6 représentants du gouvernement fédéral et le gouvernement du parti dominant

7 qui ont été envoyés au Kosovo pour aider à ce que la situation se stabilise

8 dans la région, et chacun d'entre eux dans le cadre de ses attributions. Le

9 gouvernement de la République de la Serbie, au cours de l'année 1998, a

10 envoyé toute une série de représentants, de ministères différents, pour

11 renforcer et coordonner les activités de leurs ministères de façon directe

12 au Kosovo.

13 Après que la Mission de vérification au Kosovo est venue au Kosovo-

14 Metohija, le gouvernement fédéral a formé une commission de coopération

15 avec cette mission. Nikola Sainovic a été nommé de la part du gouvernement

16 fédéral au poste du président de la commission, et c'est la pièce à

17 conviction de la Défense 2D8. Le témoin de l'Accusation Dusan Loncar en a

18 témoigné.

19 Le rôle de la commission était d'apporter de l'aide et de coordonner les

20 activités du gouvernement fédéral, et les ministères compétents pour la

21 mise en place de l'accord de l'OSCE. La commission a fonctionné

22 conformément aux règlements du gouvernement fédéral relatifs à la création,

23 au fonctionnement des organes de travail provisoire.

24 Nikola Sainovic n'a jamais appartenu au cercle restreint de Milosevic, des

25 hommes de Milosevic, ou bien, comme le Procureur a dit, au cabinet

26 parallèle.

27 De plus, pendant la période couverte par l'acte d'accusation, Sainovic

28 n'exécutait aucune fonction importante au sein du parti dominant en Serbie

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1 à l'époque. Et bien qu'au congrès du SPS en 1996, il a été élu vice-

2 président de ce parti; mais en 1997, il était destitué de cette fonction.

3 Tout autre interprétation du rôle et de la place de Sainovic est en

4 désaccord avec les moyens de preuve présentés jusqu'ici et également n'est

5 pas en conformité avec la vérité.

6 Permettez-moi d'aborder la conclusion. La Chambre de première

7 instance est au courant du fait que la Défense de Sainovic a toujours

8 essayé de faire de son mieux pour que le procès s'accélère et soit plus

9 efficace.

10 C'est pour cela que je propose que la Chambre, conformément à l'article 98

11 bis, rende la décision selon laquelle l'Accusation n'a pas prouvé des

12 allégations suivantes, et que la Défense de Sainovic n'est pas obligée de

13 présenter des moyens de preuve par rapport à cela.

14 Un, que Nikola Sainovic était commandant du commandement conjoint au Kosovo

15 pendant la période couverte par l'acte d'accusation; deux, que Nikola

16 Sainovic et d'autres civils et hommes politiques étaient membres du

17 commandement conjoint en 1998, si un tel commandement existait;

18 troisièmement, que Nikola Sainovic avait des pouvoirs de facto ou de jure

19 pour entamer des enquêtes et pour punir des auteurs d'infractions pénales;

20 et quatrièmement, que Nikola Sainovic avait des pouvoirs et la possibilité

21 de commander et de contrôler l'utilisation des unités de l'armée et de la

22 police en 1999.

23 La plupart de la présentation des moyens de preuve de la Défense serait

24 consacrée aux moyens de preuve pour prouver cela.

25 Egalement, l'acte d'accusation à l'encontre de Sainovic comporte une

26 partie appelée le contexte ou l'effet. Il y a toute une série d'allégations

27 qui devraient représenter le contexte général des événements qui sont,

28 selon la Défense, n'ont pas été prouvés, et en particulier, le lien de

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1 l'accusé Sainovic aux faits qui ont été allégués à l'acte d'accusation

2 n'ont pas été prouvés.

3 Par exemple, paragraphe 88 de l'acte d'accusation, il est question de

4 la discrimination des Albanais du Kosovo dans le domaine de l'éducation et

5 de l'intérieur, de la politique économique et sociale. Au cours du procès,

6 l'Accusation n'a essayé de prouver aucun lien et rôle de Sainovic dans ces

7 processus.

8 Je répète, c'est pour cette raison que la Défense demande à la

9 Chambre d'établir qu'il n'y a pas de lien entre le fait allégué au

10 paragraphe 88 de l'acte d'accusation et l'accusé Sainovic. En procédant

11 ainsi on pourrait gagner du temps pour ce qui est de la défense de

12 Sainovic. Sinon, la Défense serait obligée de s'occuper de toutes les

13 questions, y compris les questions liées à l'éducation, à la santé et

14 autres.

15 Finalement, il conviendrait que l'Accusation réponde à la question

16 suivante, car si tout s'est passé comme l'a indiqué la Défense, pourquoi se

17 fait-il que l'un des cinq vice-premiers ministres a été choisi en quelque

18 sorte et accusé en l'espèce ? La réponse est très simple, il y a eu de

19 nombreuses réunions et de nombreuses activités internationales auxquelles a

20 participé Nikola Sainovic, depuis la mise en vigueur de l'accord de Dayton

21 jusqu'à la crise du Kosovo.

22 Lorsque nous avons entendu les témoins qui ont défilé à la barre ici, nous

23 avons compris que Sainovic s'est occupé des questions politiques, qu'il a

24 préconisé une solution politique à la crise au Kosovo, qu'il a préconisé

25 également la coexistence au Kosovo, et qu'il n'a pas hésité à avoir des

26 réunions même avec les représentants de l'UCK, ou plutôt, il n'a jamais

27 hésité à exprimer le souhait de les rencontrer seulement pour atteindre à

28 cet objectif.

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1 A Rambouillet, Sainovic, avec Ratko Markovic, a réussi à conclure un

2 accord à propos de la dimension de l'accord.

3 Tout ce qu'a fait Sainovic a été fait dans le domaine politique, ce

4 qui correspondait à son mandat d'ailleurs. Et tout ce qu'il a fait

5 correspondait tout simplement à son devoir patriotique en tant qu'homme

6 politique qui s'était engagé à trouver une solution politique à la crise.

7 Les activités, l'engagement de Sainovic l'ont placé sous les feux de la

8 rampe, en quelque sorte, pour que des personnes mal intentionnées pensent

9 que la solution à l'énigme du Kosovo se trouvait largement entre ses mains.

10 La Défense se demande si Sainovic qui, comme tous les témoins, les

11 diplomates étrangers et les autres l'ont dit, a travaillé à œuvrer pour la

12 paix, a préconisé un Kosovo multiethnique, a accepté l'accord conclu à

13 Rambouillet. C'est pour toutes ces raisons d'ailleurs qu'il a été

14 marginalisé lors des négociations de Paris et qu'il n'a plus participé aux

15 négociations chez Milosevic, comme l'a indiqué ici d'ailleurs lors de sa

16 déposition, l'ambassadeur Petritsch. Et c'est pour toutes ces raisons qu'il

17 ne doit pas être considéré comme coupable de ces crimes graves.

18 Il y a une doctrine latine qui était utilisée pour la présentation des

19 moyens de preuve lors de l'empire romain et qui est comme suit : "Tetis

20 unus, tetis nullus." Ce qui signifie, en fait, qu'il ne suffit pas d'avoir

21 un seul témoin pour pouvoir établir quelque chose; et qu'un témoin égale

22 aucun témoin. Les Romains, bien entendu, faisaient référence aux témoins

23 oculaires, aux témoins de première main. L'Accusation a fait venir ici des

24 témoins qui ont témoigné sur la base de ouï-dire, sur la base d'information

25 de seconde main, voire de quatrième main, comme cela est le cas de Tanic.

26 Alors, si les Romains disaient qu'un seul témoin oculaire était

27 l'équivalent d'aucun témoin, il faut savoir que lorsque nous avons des

28 témoins ici qui viennent témoigner alors qu'ils n'ont pas été témoins

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1 oculaires, ces témoins sont encore plus éloignés de la présentation des

2 moyens de preuve.

3 La Défense souhaite dire - et c'est un autre sujet à propos des témoins -

4 souhaite dire que lorsque le jugement sera prononcé, ce sera la fin de

5 certains aspects criminels de cette affaire. C'est inévitable un processus

6 historique qui a été enclenché et qui a des facettes politiques telles que

7 les négociations de Rambouillet, les négociations qui ont précédé les

8 négociations de Rambouillet, les raisons qui expliquent les frappes

9 aériennes contre un Etat souverain avec l'aval des Nations Unies - et nous

10 sommes après tout ici dans un Tribunal des Nations Unies - et lorsque nous

11 quitterons cet endroit, le jugement, le verdict sera étudié pendant très

12 longtemps.

13 Afin de parvenir à cette décision, l'Accusation aurait dû faire

14 beaucoup plus que ce qu'elle n'a fait. J'ai toujours été particulièrement

15 honoré d'avoir en face de moi des confrères aussi estimés que M. Hannis, M.

16 Stamp et M. Marcussen, et cela a toujours été un grand honneur, et même un

17 honneur encore plus grand que de rencontrer les membres si agréables et si

18 sympathiques de leur équipe. Mais je dois dire que pour ce qui est du choix

19 des témoins et des documents qui vont marquer d'un sceau important ce

20 processus historique, je pense qu'ils n'ont pas été toujours à la hauteur.

21 Car le Tribunal va rendre une décision historique sans pour autant

22 avoir eu les possibilités d'étudier tous les tenants et les aboutissants de

23 la question. Je pensais qu'ils auraient au moins essayé de convoquer des

24 témoins tels que, par exemple, le général Momcilo Perisic, le général

25 Farkas de l'armée de la Yougoslavie, et au moins un général du collège du

26 général Ojdanic, et notamment, par exemple, un analyste militaire. Puis,

27 vous avez le MUP de Serbie. J'aurais pensé qu'ils auraient convoqué des

28 personnes telles que Jovica Stanisic, Frenki Simatovic, Obrad Stevanovic,

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1 Dragan Ilic et c'est encore plus essentiel, me semble-t-il, un analyste de

2 la police. Parmi tous les hommes politiques, Milo Djukanovic, qui est

3 maintenant homme d'affaires à Podgorica, et qui faisait à l'époque partie

4 des trois membres du conseil de Défense suprême. L'une de ces personnes est

5 décédée, l'autre est assise juste derrière moi, la troisième s'adonne à des

6 activités commerciales. Je pense que son témoignage aurait été extrêmement

7 précieux, non seulement pour ce qui est des références au conseil de

8 Défense suprême, mais également pour ce qui est des références aux réunions

9 avec les ambassadeurs Walker et d'autres ambassadeurs, par exemple.

10 J'aurais espéré qu'ils convoquent Momir Bulatovic, par exemple, et M.

11 Jovanovic, le ministre des Affaires étrangères de la RFY; et j'aurais pensé

12 qu'ils auraient également convoqué Pesic, ministre des Affaires étrangères

13 pour le Kosovo; et le vice-premier ministre que personnellement je n'aurais

14 pas voulu faire comparaître; Ratko Markovic, par exemple, le vice-premier

15 ministre du gouvernement serbe, l'auteur de la constitution serbe; et le

16 chef de la délégation de Rambouillet, ainsi que le responsable des

17 négociations avec Rugova au Kosovo; Bojan Bugarcic, le conseiller de

18 Milosevic en matière de politique étrangère, qui a négocié avec Petritsch

19 après Rambouillet, et qui est un expert en matière de questions

20 constitutionnelles de la RFY, qui aurait pu témoigner à propos des liens

21 forgés entre l'Etat fédéral et les républiques membres.

22 Puis finalement, lorsque l'on pense aux témoins venus de l'étranger,

23 j'aurais espéré avoir ici, M. Christopher Hill ainsi que M. l'Ambassadeur

24 Boris Mayorski, qui, avec l'ambassadeur Petritsch étaient les grands

25 négociateurs à Rambouillet; l'ambassadeur Keller, l'ambassadeur Geremek,

26 par exemple, sont encore d'autres exemples. Alors, il n'est pas possible de

27 le faire si l'on applique

28 l'article 98 du Règlement de procédure et de preuve.

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1 Pour ce qui est des témoins qui ont témoigné sur les faits

2 incriminés, ils ont une valeur qui, quand même, est limité parce qu'il ne

3 s'agit que de victimes. Et bien entendu, qu'ils méritent notre compassion

4 et notre compréhension, mais c'est tout ce qu'ils peuvent offrir en quelque

5 sorte. Les témoins de seconde main sont acceptés comme mal nécessaire,

6 parce qu'il faut savoir que les législations nationales acceptent le

7 témoignage par ouï-dire comme un mal nécessaire dans certains cas lorsqu'il

8 n'y pas de témoins oculaires, de témoins de première main, mais la Défense

9 souhaite indiquer que nous avons entendu ces témoins mais que trop peu

10 d'efforts ont été déployés pour faire comparaître les autres. *

11 Parce que si tous les témoins que je viens d'énumérer avaient été

12 appelés à la barre des témoins, la Chambre de première instance aurait eu

13 en face d'elle des témoins crédibles et aurait pu véritablement, en

14 connaissance de cause, rendre un jugement véritablement historique. Je le

15 dis avec beaucoup de regrets, je ne le dis pas parce que j'ai des

16 intentions néfastes.

17 Puis finalement, j'aimerais vous remercier du temps et de l'attention

18 que vous m'avez accordés, et le moment est venu de présenter ma toute

19 dernière proposition. Si vous voyez l'ensemble des éléments de preuve

20 présenté à l'encontre de Nikola Sainovic, la Défense pense qu'il n'a pas

21 été prouvé -- ou que sa culpabilité n'ait pas été prouvée. Je pense aux

22 cinq chefs d'inculpation, et cela n'a été prouvé pour aucun des cinq chefs

23 d'inculpation de l'acte d'accusation. Par conséquent, la Défense propose

24 que la Chambre de première instance acquitte Sainovic conformément à

25 l'article 98 bis, en appliquant le principe de in dubio pro reo, qui est

26 après tout l'un des principes fondamentaux du droit.

27 Merci.

28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je voulais obtenir une

Page 12420

1 précision de votre part, Maître. Vous avez établi une comparaison entre les

2 témoins qui témoignent sur les faits incriminés et les témoins qui étaient

3 victimes. Est-ce que vous pourrez peut-être étoffer un peu votre propos ?

4 Parce que les témoins qui témoignent sur les faits incriminés et les

5 témoins qui n'étaient que des civils et les victimes …

6 M. FILA : [interprétation] Non, non. Non, je pense que c'est la même chose,

7 mais ils ne peuvent pas être utilisés par la Chambre de première instance

8 pour lui permettre de déterminer la vérité, hormis ce qui leur est arrivé,

9 ce qui est arrivé à leurs proches. C'est pour cela que je disais que la

10 valeur de leur preuve est limitée, parce qu'ils ne témoignent qu'à propos

11 d'un seul événement et quelle que soit l'atrocité d'ailleurs de cet

12 événement, mais il faut pouvoir envisager toute la gamme des événements, le

13 contexte international à l'époque et qui ont été les véritables

14 protagonistes de ces événements.

15 Et c'est ainsi que nous pourrions comprendre finalement pourquoi un

16 pays se trouve dans une situation qui est telle qu'il était sur le point de

17 perdre l'un de ces éléments constitutifs, c'est ce qui s'est passé. Et

18 voilà la différence dont je parle. Lorsque je vous parle des témoins qui

19 témoignent sur les faits incriminés, la seule chose, en fait, c'est que les

20 témoins disent la vérité, bien entendu, mais cela n'est pas très utile

21 lorsque l'on essaie d'envisager le panorama général de la situation.

22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Oui. Mais bien entendu, la Défense

23 doit en quelque sorte indiquer quelles sont les omissions commises où la

24 vérité n'a pas été présentée, et ce, afin que nous ayons un point de vue

25 tout à fait exhaustif. Et si cela est possible, si quelque chose a été

26 supprimé, il fallait que vous nous l'indiquiez. Vous ne nous l'avez pas

27 indiqué. Alors, peut-être que ce n'est pas le moment de le faire, puisqu'il

28 est question de

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1 l'article 98, peut-être.

2 Je vous remercie.

3 M. FILA : [interprétation] Non, non. Ce n'est pas le bon moment,

4 effectivement.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, dans votre intervention,

7 vous avez évoqué la possibilité d'une contradiction entre le fait que vous

8 accepté ce qu'a dit Me O'Sullivan à propos du droit, et donc à propos du

9 critère retenu par l'article 98 bis, et la référence que vous avez faite en

10 fin de compte pour ce qui est des moyens de preuve au-delà de présenter et

11 au-delà de tout doute raisonnable.

12 Alors, personnellement, je pense que ce que vous avez dit c'est que la

13 qualité -- ce n'est pas la qualité des moyens de preuve, mais la nature de

14 certains des moyens de preuve était très souvent des moyens de preuve par

15 ouï-dire plutôt que des moyens de preuve présentés par des témoins

16 oculaires. Il y avait, en fait, peu de personnes disponibles, ce qui fait

17 que la Chambre n'est pas véritablement en mesure de prononcer un jugement

18 de culpabilité. Est-ce que c'est vraiment ce que vous nous dites lorsque

19 vous nous parlez des omissions qui ont été commises lorsque certains moyens

20 de preuve n'ont pas été présentés ?

21 M. FILA : [interprétation] Je ne souhaiterais pas dépasser le cadre du 98

22 bis, et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas allé aussi loin que

23 cela. La raison pour laquelle j'ai exprimé cette critique, c'est que les

24 éléments de preuve n'ont pas été à la hauteur, et j'ai remarqué qu'il y

25 avait un certain manque de volonté de la part du gouvernement américain

26 lorsqu'il s'agissait de mettre à notre disposition certains documents,

27 lorsqu'ils ont refusé de nous fournir des documents qui indiquaient

28 l'emplacement des frappes aériennes. J'ai essayé d'obtenir ces éléments de

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1 preuve. J'ai même essayé de le faire en coopération avec le Procureur, mais

2 nos efforts ont été de vains efforts.

3 Et c'est pour cela, en fait, que je voulais énumérer les noms de ces

4 personnes, parce que le poids de votre jugement aurait été beaucoup plus

5 important de ce fait. Parce que la critique, la critique principale à

6 l'intention de ce Tribunal, c'est que dans le monde il y a beaucoup de gens

7 qui disent : Et bien, Jean a dit cela à Paul, Paul l'a dit à Pierre, et

8 voilà cela est considéré comme moyen de preuve, est admis comme moyen de

9 preuve. Voilà la critique qui est proférée. Je pense tout simplement que la

10 quantité des moyens de preuve présentée, le nombre des moyens de preuve,

11 plutôt, n'a pas été suffisant. C'est ce que j'ai déjà dit lors de la phase

12 préalable au procès. Je n'ai pas changé de point de vue. C'est ce que je

13 voulais faire remarquer. Et les moyens de preuve présentés par ouï-dire qui

14 ont -- moyens de preuve qui ont été présentés ne sont pas suffisants pour

15 que la Chambre de première instance puisse déterminer qu'il y avait

16 suffisamment de moyens de preuve présentés comme contre les accusés, même

17 s'il s'agit d'éléments de preuve par ouï-dire. Voilà ce que je voulais

18 dire.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

20 M. FILA : [interprétation] Donc, j'ai essayé de développer un peu mon idée.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Très bien. Nous avons bien

22 compris.

23 Maintenant, Maître Sepenuk.

24 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

25 Je dirais que c'est un grand honneur pour moi aujourd'hui, avec Me Visnjic,

26 de représenter le général Ojdanic, qui présente cette demande

27 d'acquittement. Au début de ce procès, le général Ojdanic s'est adressé

28 personnellement à vous et a indiqué qu'il n'avait jamais participé à aucune

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1 entreprise criminelle commune destinée à expulser les Albanais du Kosovo,

2 et qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour

3 empêcher, pour prévenir et empêcher les crimes au Kosovo. Nous sommes ici,

4 dix mois plus tard, et nous indiquons que les éléments de preuve présentés

5 prouvent que ce que vous avait dit à l'époque le général Ojdanic était tout

6 à fait vrai.

7 J'ai le devoir maintenant de résister à une tentation d'avocat ou de

8 juriste, à savoir de présenter les éléments de preuve qui sont les plus

9 favorables au général Ojdanic. En fait, mon devoir m'oblige à faire le

10 contraire, et je le reconnais tout à fait, car conformément à l'article 98

11 bis, je dois véritablement précisé les moyens de preuve qui sont les plus

12 favorables à l'Accusation, et je sais pertinemment que la Chambre de

13 première instance peut retenir une demande d'acquittement au titre de

14 l'article 98 bis seulement si elle conclut qu'aucun juge raisonnable du

15 fait n'aurait pu trouver des éléments de preuve suffisants pour prononcer

16 une déclaration de culpabilité au-delà de tout doute raisonnable.

17 Et je dirais qu'aucun juge raisonnable du fait ne peut considérer le

18 général Ojdanic comme coupable au-delà de tout doute raisonnable.

19 Je vais passer le plupart du temps qui m'a été imparti à vous parler

20 des éléments de preuve qui ont été présentés à partir du moment, de la date

21 où le général Ojdanic est devenu le chef de l'état-major de l'armée jusqu'à

22 la fin du mois de novembre 1998. Mais je pense qu'il est absolument

23 important de discuter dans un premier temps d'un événement qui s'est

24 produit trois mois, plus tôt en

25 août 1998, le 27 août 1998, pour être précis. Il s'agit de la séance

26 d'instruction du général Ojdanic destinée aux attachés militaires de

27 Belgrade. Le colonel Crosland, par exemple, y a participé.

28 Et avant de vous parler de cette réunion, j'aimerais rappeler

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1 brièvement à l'intention de la Chambre de première instance les éléments de

2 preuve qui ont été présentés et qui correspondent à plusieurs phases de

3 l'année 1998, et qui montre que le MUP, qui agissait tout seul, n'a pas

4 toujours été en mesure de résister ou de gérer les actes de provocation de

5 l'UCK.

6 Il y a l'exemple de Podujevo, par exemple, dont je parlerai brièvement. Il

7 faut savoir que dès le mois de juillet 1998, le général Perisic, qui était

8 à l'époque chef d'état-major de l'armée, a reconnu les exigences de la

9 situation, les exigences militaires, a émis une directive dans laquelle il

10 a déclaré, et je cite : "Par le truchement de sa présence et par le biais

11 de formation et d'entraînement sur le territoire entier du Kosovo-Metohija,

12 l'armée a pu ainsi repousser les forces terroristes siptar albanaises et a

13 ainsi offert une assistance directe aux forces du MUP de la République de

14 Serbie." Il s'agit de la pièce 4D137, page 2.

15 Dans la même directive du 28 juillet 1998, le général Perisic a

16 déclaré que l'armée yougoslave, et je cite : "Avait intensifié la sécurité

17 pour toutes les installations militaires et unités militaires au Kosovo-

18 Metohija, et a assuré un approvisionnement régulier aux unités de l'armée

19 yougoslave, et ce, pour leur permettre d'exécuter leurs tâches." Cela se

20 trouve à nouveau à la page 2 du document 4D137.

21 Ces déclarations du général Perisic, qui datent du

22 28 juillet 1998, dans sa directive donc, ont été reprises tout simplement

23 par le général Ojdanic alors chef d'état-major adjoint lorsqu'il a fait ses

24 remarques le 27 août 1998, à l'attention des attachés militaires de

25 Belgrade, lors d'une réunion où à laquelle ont participé, entre autres, le

26 colonel Crosland.

27 Dans son rapport du 28 août 1998, voilà ce qu'a indiqué colonel Crosland,

28 et cela fait l'objet de la pièce 3D512. Je cite : "Ojdanic a présenté les

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1 quatre tâches essentielles de la VJ, a expliqué que le déploiement plus

2 général de la VJ au Kosovo avait été effectué afin de protéger les lignes

3 de communication que le MUP ne pouvait pas protéger."

4 Il a poursuivi en disant, et je cite : "Ces routes ont fait l'objet et font

5 encore l'objet d'attaques de type guérilla, et par conséquent, il a été

6 difficile d'exécuter cette tâche."

7 Outre la protection des lignes de communication, le général Ojdanic a

8 mentionné trois autres tâches qui incombaient à la VJ : assurer la sécurité

9 frontalière, protéger les installations de la VJ et protéger les unités de

10 la VJ, à la fois dans les casernes et sur le terrain.

11 La Chambre de première instance se souviendra que le colonel Crosland a

12 accepté que les quatre tâches essentielles de la VJ annoncées par le

13 général Ojdanic lors de la séance d'instruction avaient un sens militaire

14 logique, car en citant la déclaration du général Ojdanic lors de la séance

15 d'instruction suivant laquelle à la force s'opposerait la force, le colonel

16 Crosland a indiqué qu'il était d'accord avec le fait que la VJ et le MUP

17 pouvaient, bien entendu, utiliser des forces appropriées afin de riposter

18 aux attaques et provocations de l'UCK.

19 Dans un monde parfait, cela se serait terminé à la fin du

20 27 août, ou cela se serait terminé le 27 août 1998. Mais ce que j'avance,

21 c'est que cela n'a pas pu être fait, parce que le colonel Crosland l'a dit

22 d'ailleurs dans de nombreuses déclarations fournies au bureau du Procureur

23 au fil de plusieurs années. Lors de sa déclaration ici, et cela fait

24 l'objet de sa déclaration qui correspond à la pièce P2645, paragraphe 49,

25 et je cite : "Le changement constitutionnel apporté au rôle de la VJ s'est

26 fait peu de temps après que j'ai montré au chef adjoint d'état-major

27 Ojdanic une vidéo du mois d'août 1998, qui prouvait que la VJ avait

28 participé à des opérations de sécurité interne, quelque chose qu'il a nié."

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1 Alors, bien entendu, maintenant nous savons qu'il s'agit d'une déclaration

2 erronée, car le colonel Crosland a fini par admettre lors du contre-

3 interrogatoire qu'il n'avait montré cette vidéo au général Ojdanic, et même

4 qu'il ne la lui avait jamais donnée à aucun moment.

5 La Chambre de première instance se souviendra peut-être que lorsqu'on a

6 posé des questions au colonel Crosland à propos de ce visionnage de la

7 vidéo, il a dit, et je cite : "Je lui avais dit à l'époque : 'je me permets

8 de vous dire, Monsieur, que vous avez tort, tout comme vous avez tort à

9 propos de ce que vous avez dit à propos de Lord Ashdown.'"

10 Je voudrais d'ailleurs, entre parenthèses que vous souviendrez peut-être

11 que le colonel Crosland avait admis à l'attention de

12 Mme Carter, la veille de sa déposition, que lui et Lord Ashdown n'avait

13 jamais montré aucune preuve photographique au général Ojdanic du pilonnage

14 de la VJ de Suva Reka en septembre 1998, et qu'il avait également dit de

15 façon erronée au paragraphe 51 de sa déclaration certaines choses, et

16 d'ailleurs qu'il avait également témoigné de façon erronée dans l'affaire

17 Milosevic.

18 Pour poursuivre avec le contre-interrogatoire du colonel Crosland,

19 lorsque je lui ai posé des questions, je lui ai dit : "D'ailleurs, puisque

20 nous sommes maintenant ici, et avant que je ne commence ma série de

21 questions, est-ce que vous êtes disposé, préparé, à accepter le fait que

22 vous aviez tort ?" En d'autres termes, outre l'erreur commise à propos de

23 Lord Ashdown, est-ce que vous admettez que vous n'avez jamais montré cette

24 vidéo au général Ojdanic ?

25 Et la réponse a été comme suit : "Non." Je maintiens ce que j'ai dit.

26 La vidéo a été donnée à la VJ. Alors, pour ce qui est de savoir si le

27 général Ojdanic ou d'autres personnes l'ont regardée, je n'en sais

28 absolument rien.

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1 Question : Donc, vous n'avez pas montré cette vidéo au général Ojdanic le

2 27 août 1998 ?

3 Réponse : Je lui ai donné la vidéo. Je l'ai présentée, ou je lui ai donné

4 la vidéo pour son personnel. Je ne sais pas ce qu'il en a fait.

5 Question : Vous lui avez donné à lui ou à son personnel ? Cela fait une

6 grande différence. A qui l'avez-vous donnée, cette vidéo ?

7 Réponse : Je pense -- je pense qu'à l'époque, le colonel Jovanovic, qui

8 était le chef du service de liaison étranger, se trouvait à la réunion.

9 C'est probablement à lui que je lui ai donnée.

10 Question : Donc, vous êtes ici maintenant dans cette salle. Peut-on dire

11 que vous ne savez absolument pas si le général Ojdanic a vu ou non cette

12 vidéo ?

13 Réponse : Je vous ai déjà dit, Monsieur, que ma tâche ne consistait pas à

14 demander au général Ojdanic de regarder une

15 vidéo --"

16 Alors maintenant, quelle est l'importance de tout cela pour notre affaire,

17 hormis le fait qu'une partie de la déclaration du colonel Crosland au

18 bureau du Procureur n'était pas vraie ?

19 Ce que je suggère maintenant, c'est que même un témoin qui a l'aura

20 du colonel Crosland peut commettre des erreurs et peut avoir un état

21 d'esprit qui est tel qu'il n'envisage pas d'autres possibilités, et le

22 résultat, malheureusement, c'est que cela peut se solder par un déni de

23 justice. Cela montre au moins la fragilité de la mémoire humaine, quelque

24 chose qui se révèle voit toujours lors de contre-interrogatoires.

25 Mais ici, la situation est quand même encore plus étrange - enfin, à

26 mon avis en tout cas, et j'espère que les Juges aussi la trouveront très

27 étrange et dérangeante. C'est que mon contre-interrogatoire n'avait pas

28 grand-chose à voir, voire rien à voir avec le besoin d'arriver à la vérité.

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1 Comme le Juge Bonomy l'a fait remarqué à ce moment-là, lors de mon contre-

2 interrogatoire, il m'a dit, en s'adressant à moi d'ailleurs : "Vous êtes

3 arrivé à quelque chose que vous n'avez peut-être pas encore découvert et

4 vous avez justement découvert cela par hasard.

5 Cela se trouve à la page 9 892.

6 Et bien, le Juge Bonomy avait tout à fait raison. Cela montre à quel

7 point notre système de justice est fragile, et cela montre aussi à quel

8 point il faut ne jamais se tromper. D'ailleurs, au cours de ce discours je

9 vais faire ressortir d'autres passages où, il me semble, que le bureau du

10 Procureur s'est trompé, où le bureau du Procureur lui aussi avait cet état

11 d'esprit trop rigide et erroné à propos du général Ojdanic auquel j'ai déjà

12 fait référence. C'est ce qui va expliquer pourquoi il faudrait absolument

13 faire droit à cette requête de demande d'acquittement.

14 Pour ce qui est de notre discussion à propos de la nomination du général

15 Ojdanic en tant que chef d'état-major de l'armée yougoslave, le 24 novembre

16 1998.

17 Dans sa déclaration liminaire, M. Hannis a dit que M. Ojdanic avait

18 été nommé pour remplacer le général Perisic, qu'il y avait eu d'autres

19 nominations à l'époque. Il a dit, je cite : "Il semblerait qu'on voulait

20 maintenant avoir de nouveaux visages qui seraient des individus qui

21 allaient suivre le cap donné par Milosevic pour résoudre le problème du

22 Kosovo au printemps 1999. Le problème du Kosovo étant un problème de

23 déséquilibre ethnique." C'est à la

24 page 430 du 10 juillet.

25 Mais ceci n'est pas étayé par les faits.

26 Quand le général, d'après M. Hannis, quand M. Ojdanic a pris en

27 charge l'état-major, voici ce qu'il aurait dit à ses collègues en novembre

28 1998, et je cite : "Suis-je un dur ? Dans quelle mesure je suis un dur ?

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1 Dans quelle mesure suis-je aveugle, suis-je loyal ? Quel est mon poste pour

2 résoudre les problèmes au Kosovo-Metohija ? Et bien, j'espère que vous

3 savez que je ne fais que participer à ce collège et rien d'autre. Sachez

4 qu'on m'a donné une tâche très difficile, mais je reste quand même un homme

5 qui a son propre libre arbitre, je vais le rester et je n'ai aucune

6 intention de changer la façon dont je suis; je suis en fin de carrière." On

7 trouve cela à la page P925, à la page 9.

8 Donc, je pense en effet que je vais vous montrer que le général

9 Ojdanic avait en effet son propre libre arbitre et ne prenait des décisions

10 que quand il les trouvait bonnes et correctes. Vous vous êtes rendu compte

11 de cela lors de sa déclaration liminaire en début de procès. Il a dit dès

12 le départ qu'il faisait exactement - qu'il n'est pas un homme -- qu'il

13 n'avait pas de duplicité, qu'il faisait ce qu'il disait, qu'il était

14 honnête et franc. Je pense que vous allez vous en rendre compte.

15 Depuis trois ans le général Ojdanic et son équipe de Défense, c'est-

16 à-dire M. Visnjic et M. Peter Robinson, ont essayé de trouver des moyens de

17 preuve de la part de l'OTAN et des Etats membres portant sur des

18 conversations interceptées qui montreraient l'état d'esprit parfaitement

19 innocent du général Ojdanic.

20 Or, ils n'ont jamais réussi à avoir ces conversations interceptées,

21 malheureusement. Mais les comptes rendus verbatim des réunions du collège

22 montrent bien la façon dont le général Ojdanic s'est comporté au cours des

23 événements en l'espèce.

24 Nous avons 25 de ces pièces qui sont au dossier; 22 qui datent du 17

25 novembre au 9 avril 1999; et trois qui viennent d'avant le

26 27 novembre 1998.

27 Or, le compte rendu de ces réunions de collège représente une

28 discussion extrêmement franche et ouverte de l'état-major à propos des

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1 événements qui sont sujet de ce procès. Ils montrent qu'il y avait souvent

2 des discussions très animées entre ces généraux, des généraux qui avaient

3 des idées fortes, qui n'avaient pas peur d'exprimer leur propre opinion.

4 J'espère que vous allez être impressionnés par la profondeur de ces

5 discussions et que vous allez aussi remarquer qu'il y avait souvent des

6 doutes exprimés à propos de la meilleure politique à suivre.

7 J'espère que vous allez aussi remarquer que les commentaires et les

8 décisions faites par le général Ojdanic étaient toujours de favoriser la

9 vérité, l'honnêteté et la vérité. Je le dis en toute confiance. J'ai fait

10 valoir respectueusement que ces procès-verbaux de réunions du collège - et

11 n'ont pas quand on les lit en entier, non pas quand on lit uniquement des

12 passages - mais quand on les lit en entier et non pas comme M. Hannis l'a

13 fait. Quand on a lu des petits passages lors des questions supplémentaires

14 à M. Byrnes, on se rend compte qu'il n'y avait aucun plan visant à expulser

15 les Albanais du Kosovo et qu'ils sont absolument essentiels en ce qui

16 concerne la détermination de la responsabilité pénale du général Ojdanic en

17 espèce. Je vous demande donc de faire très attention et de porter une

18 grande attention à ces réunions - dans ces comptes rendus des réunions du

19 collège lors de votre délibération.

20 M. SEPENUK : [interprétation] On me de poursuivre mais en lisant

21 moins vite. Je vais pourtant extrêmement lentement.

22 Mais donc, avant de passer à ces réunions, ces PV de réunions qui

23 commencent donc le 27 novembre 1998, trois jours avant que le général

24 Ojdanic prenne ses fonctions de chef d'état-major, je tiens à remettre

25 toutes les choses en contexte par rapport à ce qui se passait au Kosovo à

26 l'époque. Il est absolument essentiel de faire cela étant donné que

27 l'Accusation, dans l'acte d'accusation, allègue que l'entreprise criminelle

28 commune a été créée au plus tard en octobre 1998 et s'est poursuivie

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1 jusqu'au 20 juin 1999.

2 Alors, que se passait-il exactement à la fin 1998 quand le général

3 Ojdanic a pris ses fonctions de chef d'état-major ? Et bien, nous savons

4 que les forces serbes poursuivant leur offensive d'été contre l'UCK avaient

5 réussi à recapturer la plupart des territoires qui avaient été conquis

6 précédemment par l'UCK. La Résolution 1199 du Conseil de sécurité des

7 Nations Unies a appelé pour un cessez-le-feu à la résolution du conflit en

8 cours.

9 Dans ce but, en octobre, le 25 octobre 1998, l'accord Clark-Naumann-

10 Milosevic a été signé, qui demandait une réduction des forces du MUP et de

11 la VJ par rapport au niveau de février/mars 1998.

12 C'est manifestement ce qui s'est passé, parce que le général Naumann,

13 le général DZ, le général Crosland et d'autres, en sont venus pour

14 témoigner ici. Le côté serbe a honoré son engagement à retirer ces forces.

15 L'UCK ensuite s'est engouffrée dans le vide laissé par les forces qui

16 s'étaient retirées. Comme Bislim Zyrapi, le chef d'état-major de l'UCK l'a

17 dit, cela c'est dans la pièce 2460, et je cite : "Suite à l'offensive de

18 l'ennemi, nous avons repositionné toutes nos forces dans toutes les zones

19 d'opération et nous pouvons dire que les territoires contrôlés par nos

20 unités sont maintenant plus importants que ce que nous avions avant

21 l'offensive de l'ennemi."

22 Pour compléter la - concernant exactement ce qui passait dans le pays

23 quand le général Ojdanic est devenu chef d'état-major, la Chambre de

24 première instance se rappellera qu'au début 1998 jusqu'au début de la

25 guerre 1998, l'UCK a poursuivi et a augmenté le nombre de ses provocations.

26 Les preuves ici sont absolument accablantes.

27 Le général Naumann : "Dans la plupart des cas jusqu'à là venaient du

28 côté de Kosovo et non pas du côté serbe." 3D377.

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1 L'ambassadeur Walker, comme il a dit dans ses notes, comme nous avons

2 vu dans les notes prises par le colonel Phillips le

3 30 novembre 1998, et je cite : "La plupart des actes étaient le fait de

4 l'UCK." 3D574.

5 Le général DZ, et je cite : "Je dois dire qu'au cours des discussions

6 de Rambouillet, le nombre d'incidents dont les Serbes étaient les

7 instigateurs a été réduit de façon importante, alors que du côté de l'UCK,

8 cela n'a pas été le cas. De plus, l'UCK est devenue de plus en plus

9 opportuniste à ce moment-là." Il s'agit là de la pièce de P2508, paragraphe

10 189.

11 Général DZ, je cite, le 1er mars 1999 : "Les actions de l'UCK sur le terrain

12 n'ont plus un esprit de contrainte. Visiblement, le retour des dirigeants

13 de l'UCK depuis la France le 25 février ne semble pas avoir amélioré les

14 choses. L'UCK a pris des otages dans la zone de Prizren lors d'un dernier

15 incident. Il y a eu des activités de plus en plus importantes de l'UCK

16 autour de Kacanik, un endroit qui auparavant avait été très calme." 3D573,

17 page 32.

18 De plus, une grande série de rapports et d'évaluations faits par la Mission

19 de vérification du Kosovo vont exactement dans le même sens. Je ne vais pas

20 tous en parler. Mais il y a le rapport de la MVK portant sur la période

21 allant du 23 mars au 11 mars 1999, le 3D179, et je cite : "Les attaques non

22 provoquées de l'UCK contre la police se sont poursuivies, et le nombre de

23 victimes infligées au côté des forces de sécurité a augmenté." Ensuite dans

24 le rapport, il est écrit que les incidents de kidnapping et d'enlèvement du

25 fait de l'UCK ont aussi continué.

26 La Chambre va se rappeler des embuscades et des meurtres de

27 policiers. Le meurtre des six adolescents serbes dans un bar à Pec; le

28 kidnapping et le meurtre de l'adjoint maire de Kosovo Polje; le meurtre des

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1 civils serbes et de ce qu'on a appelé les collaborateurs albanais, qui

2 s'est poursuivi jusqu'à ce que la guerre commence; l'un des incidents étant

3 celui du 21 mars 1999 quand quatre membres du MUP ont été abattus et tués

4 lors d'une embuscade de l'UCK à Pristina.

5 Donc, il s'agit ici de la première attaque urbaine contre le MUP à

6 Pristina, et la Chambre se rappellera aussi du colonel Phillips qui a dit

7 que l'UCK voulait aussi cibler d'autres zones urbaines, mis à part

8 Pristina. Donc ça c'était le 20 mars 2007, au compte rendu à la page 1 216.

9 Donc on voit bien que l'UCK s'était transformée au début de la

10 guerre, le 23 mars 1999. On voit bien que l'UCK s'était transformée, comme

11 l'a d'ailleurs dit Bislim Zyrapi, et n'était plus donc qu'une armée de

12 guérilla populaire, mais était devenue une armée bien organisée comportant

13 17 à 18 000 hommes bien entraînés, qui employaient, le cas échéant, des

14 tactiques de guérilla et qui bénéficiaient aussi du soutien d'une grande

15 majorité de la population albanaise.

16 Pour ce qui est des chiffres de l'UCK, je pense que le commandant

17 Zyrapi peut être écouté, mais les effectifs de l'UCK tels qu'ils ont été

18 déclarés dans un mémorandum de la MOCE le 22 juin 1998, et là il s'agit

19 d'une pièce P2136, selon eux, donc ces effectifs étaient presque illimités.

20 Ce rapport donc, dont j'en ai lu une grande partie d'ailleurs lors du

21 contre-interrogatoire du colonel Crosland, je ne vais pas donc le répéter,

22 mais je pense que vous devriez le faire, et il se termine par la conclusion

23 suivante, je cite : "La famille étendue qui donne son soutien à la plupart

24 des Albanais semble être la structure la plus plausible à laquelle l'UCK

25 est attachée et semble être aussi sa plus grande force. C'est pour cela

26 d'ailleurs que le nombre de membres faisant partie de l'UCK peut être

27 considéré comme presque illimité."

28 Le colonel Crosland, qui considérait que les purs et durs de l'UCK

Page 12435

1 n'étaient que 400 donc, même lui, pourtant, qui avait des idées un peu

2 erronées en tête, était d'accord avec cette évaluation de la MOCE et a dit,

3 et je cite : " …tout à fait avec ce que je vous ai dit à propos de l'UCK et

4 du chiffre de ces membres potentiels." Compte rendu 9905.

5 Donc, dans la déclaration au bureau du Procureur du

6 30 juin 2006, et c'est la pièce 3D510, au paragraphe 49, le colonel

7 Crosland dit, et je cite : "Je pense que la société basée sur le clan,

8 comme le Kosovo, par exemple, est ce qui rend l'UCK beaucoup plus forte. Il

9 faut le soutien tacite de toute la famille pour être impliqué, mais une

10 fois qu'on est impliqué on a le soutien de toute la famille."

11 Pour en terminer, avec les difficultés de l'UCK auxquelles était

12 confronté le général Ojdanic quand il a pris ses fonctions de chef d'état-

13 major des armées, nous avons l'observation du colonel Crosland lors d'une

14 réunion du 25 juin 1998 avec le colonel Jovanovic, qui était l'agent de

15 liaison avec les représentants des forces militaires étrangères.

16 Dans ce rapport du colonel Jovanovic - donc il s'agit de la pièce

17 3D111 - qui a été confirmé par Crosland à la page 9 909, et je cite :

18 "L'UCK se révèle de plus en plus comme une organisation terroriste qui

19 n'hésite pas à liquider ses membres dès qu'ils désobéissent."

20 Le colonel Crosland a aussi déclaré que la situation était

21 complexifiée par le fait que le Kosovo-Metohija ne possédait pas de ligne

22 de front séparant les deux factions en présence, mais qu'il s'agissait

23 plutôt de groupes terroristes qui étaient établis principalement dans les

24 zones peuplées d'une population ethniquement pure et qui soutenaient leur

25 idée d'une république indépendante du Kosovo."

26 Donc c'était à cela qu'était confronté le général Ojdanic quand il a

27 pris son poste de chef d'état-major des armées en novembre 1998, et qu'il a

28 dû poursuivre jusqu'au début de la guerre. Il s'assurait que la VJ

Page 12436

1 satisfasse à ses responsabilités telles qu'elles avaient été établies dans

2 l'accord du 25 octobre, Clark-Naumann, et tout en continuant, bien sûr, à

3 répondre et à réagir à la menace posée par les actions et les provocations

4 de l'UCK, et aussi à la menace de bombardements venant des forces de

5 l'OTAN. Comment a-t-il réagi ? Bien, disons, qu'il a réagi de façon tout à

6 fait honorable et décente.

7 Tout d'abord, pour ce qui est donc de la mission de la MVK, là je

8 tiens à vous dire la chose suivante : il était nouveau puisqu'il venait

9 juste de prendre son poste.

10 Trois jours après avoir pris son poste, il a dû rencontrer le général

11 DZ, qui était chef des opérations de la MVK. Comme l'a dit le général DZ,

12 le général Ojdanic lui a dit et lui a assuré que la VJ remplirait toutes

13 ses obligations au titre de l'accord entre la RSFY et l'OSCE.

14 Le général Ojdanic a exprimé le désir d'avoir une rotation normale

15 des troupes à l'entrée et à la sortie du Kosovo, ce qu'il considérait comme

16 étant tout à fait normal.

17 Le général DZ a déclaré que l'attitude du général Ojdanic au cours de

18 cette réunion est tout à fait correcte. Il a confirmé que la MVK a bel et

19 bien eu des informations qu'on lui avait promises et que le général Ojdanic

20 a donc donné ces informations deux jours plus tard. Vous trouverez ceci

21 dans le témoignage du général DZ aux pages 7 919 et 7 923 du compte rendu

22 du 5 décembre 2006.

23 Le général DZ ensuite a aussi parlé de ses impressions à propos des

24 réunions avec le général Ojdanic en lui disant que le général lui avait

25 donné le feu vert pour commencer et entamer les discussions avec le

26 commandement subalterne, ce qui était le but de la réunion, étant donné que

27 le général Ojdanic venait juste de prendre ses fonctions. Il s'agit encore

28 d'un compte rendu que l'on trouve aux pages 88013-14.

Page 12437

1 Le général Ojdanic était d'accord pour que les rotations des troupes

2 se fassent de façon transparente, et ceci est bien reflété dans les notes

3 du général DZ, à la page 317.

4 Il a aussi déclaré, ici -- il a déclaré à cette réunion, ainsi

5 qu'ici, lors de l'interrogatoire direct, que sa demande de pouvoir

6 inspecter les rotations et vérifier que les rotations de troupes étaient

7 correctes, étaient "refusées par Ojdanic et refusées avec beaucoup de

8 fermeté." Ceci se trouve à la page P2508, paragraphe 66.

9 Or, je pense que ceci est incorrect. Je suis convaincu de dire que

10 c'était incorrect, et je note d'ailleurs au général DZ, lors du contre-

11 interrogatoire. J'ai demandé au général s'il était d'accord pour me dire

12 qu'il s'était sans doute trompé, et il a dit qu'en effet il s'était sans

13 doute trompé, puisqu'il a dit : "Je suis presque sûr" que c'est le général

14 Loncar qui m'a dit que le général Ojdanic aurait peut-être fait ce

15 commentaire. Vous trouverez cela au compte

16 rendu 7927.

17 Donc, le général DZ a témoigné qu'il n'avait pas reçu tout ce qu'il y

18 avait eu l'intention d'avoir en tant que vérificateur de la MVK, mais, cela

19 dit, il est clair au vu des moyens de preuve que ceci n'était pas du fait

20 du général Ojdanic. Le général Loncar a témoigné pour dire que : "L'armée

21 n'interprétait jamais les accords internationaux; elle ne faisait que

22 mettre en œuvre ces accords en suivant les instructions données par les

23 autorités politiques." Vous trouverez ceci au compte rendu du 1er décembre

24 2006 à la page 7 673.

25 Le général DZ a donc déclaré qu'il n'avait pas obtenu toutes les

26 informations qu'il voulait, parce qu'il y avait une différente

27 interprétation entre la direction politique serbe et les autorités de

28 l'OSCE à propos de ce que l'accord stipulait. Ceci est un sujet, certes,

Page 12438

1 qui peut être débattu, mais en l'essence, c'est que le général Ojdanic

2 était bel et bien conscient des obligations de l'armée, et qu'il a essayé

3 et fait tout ce qui est dans son pouvoir pour satisfaire à ses obligations,

4 ce qui est d'ailleurs confirmé par les PV des réunions de collèges.

5 Le général Ojdanic a exprimé aussi son attitude à propos de la coopération

6 avec cette toute nouvelle Mission de vérification du Kosovo lors de la

7 première réunion du collegium [phon] en tant que chef d'état-major. Il a

8 dit, et je cite : "Personnellement, je pense que chaque unité, chaque

9 rotation de troupes, doit faire l'objet d'une information vérificateur

10 afin de ne pas avoir de problèmes. Ce qui rentre et ce qui sort, il faut

11 qu'il le sache plutôt qu'il nous accuse de faire venir des renforts, étant

12 donné la situation où nous sommes."

13 Vous trouvez cela dans la pièce 925, à la page 16, et c'est donc le compte

14 rendu de la réunion du collège le 27 novembre 1998, le même jour donc de la

15 réunion avec le général DZ du général Ojdanic qui, je le répète, venait

16 juste de prendre ses fonctions.

17 Dans ses commentaires le 17 décembre 1998, lors de la réunion du collegium,

18 le général Ojdanic a déclaré, et ici je résume, ce qui suit : Les membres

19 du groupe de vérification ont un statut diplomatique, et c'est ainsi qu'ils

20 doivent être approchés. Il ne faut absolument pas être brutal avec eux. Il

21 faut être le moins intrusif possible, et il ne faut pas leur donner des

22 raisons de se retirer. Vous trouverez ceci d'ailleurs à la page 21 de la

23 pièce 3D494.

24 Le général Ojdanic a aussi essayé d'améliorer la coopération de l'armée

25 avec les vérificateurs. Vous vous rappellerez du témoignage du général

26 Loncar, selon lequel en décembre 1998 le général Ojdanic a ordonné que la

27 coopération avec l'OSCE s'améliore en faisant en sorte que les officiers de

28 liaison n'aient pas d'autres obligations à accomplir que leurs rapports

Page 12439

1 quotidiens à l'OSCE. Vous trouverez ceci au compte rendu du 1er décembre

2 2006, aux pages 7 675 et 7 676. L'ordre de ce général peut être trouvé à la

3 pièce 3D408, page 2.

4 Lors de la réunion du collège du 24 décembre 1998, le général Ojdanic a

5 répété que tous les niveaux de commandement devaient étudier de très, très

6 près les résolutions du Conseil de sécurité ainsi que les accords, et

7 exiger qu'ils souhaitent observer de façon stricte, et que personne au sein

8 de l'armée n'avait le droit d'enfreindre ces agréments.

9 Ensuite, pour le citer mot à mot, je cite : "Tout faux patriotisme ou tout

10 esprit d'aventure mal compris qui résulterait donc en un comportement

11 sauvage et qui irait à l'encontre de ces résolutions ou des accords doit

12 être sanctionné extrêmement violemment, car ce comportement pourrait avoir

13 des conséquences fatales, non seulement pour le pays, mais aussi pour le

14 peuple de ce pays." Vous trouverez cette citation à la pièce 924, page 27.

15 Maintenant que j'ai parlé des moyens de preuve qui portent sur le retrait

16 de l'armée du Kosovo, et je vous aussi parlais de tout ce que nous avons

17 appris à propos des effets et des tentatives de satisfaire aux obligations

18 internationales, et pendant ce temps-là, bien sûr, l'UCK a profité de sa

19 situation pour raffermir ses positions, se renforcer et menacer la

20 population locale.

21 C'est exactement ce qui est arrivé dans la région de Podujevo en décembre

22 1998. C'est pourquoi d'ailleurs le personnel de l'armée yougoslave a été

23 déployé dans la zone du Podujevo à la fin décembre, ce qui a été interprété

24 par l'Accusation comme étant une violation de l'accord.

25 Je voudrais maintenant passer quelques minutes à parler de la situation

26 régnant à Podujevo, mais je pense qu'il faudrait peut-être d'abord faire

27 une pause.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

Page 12440

1 et nous rentrerons à 4 heures.

2 --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.

3 --- L'audience est reprise à 16 heures 03.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk, vous pouvez continuer.

5 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Je vais maintenant aborder l'événement qui est arrivé à Podujevo en

7 décembre 1998 où l'UCK est retournée dans la région précédemment quittée

8 par les forces serbes. J'aimerais parler un peu de Podujevo, en

9 particulier pour tirer au clair le fait que la VJ n'était pas à Podujevo

10 pour intimider ou expulser les citoyens albanais du Kosovo de la région.

11 L'unité de la VJ était à Podujevo en décembre 1998 pour deux raisons,

12 deux bonnes raisons. L'une des deux est de protéger la population civile

13 serbe, ce que le colonel Phillips et Sean Byrnes ont confirmé tous les

14 deux, et donc la situation dans laquelle se trouvaient les civils serbes

15 était catastrophique et cela a été décrit de façon très lucrative dans la

16 pièce à conviction de l'Accusation 414, ce qui est une lettre des

17 dirigeants du gouvernement serbe écrite par des citoyens de l'assemblée

18 municipale de Podujevo qui ont écrit que les terroristes de l'UCK "ont fait

19 rage dans la région avec des fusils automatiques, des lance-roquettes

20 portatifs, avec des grenades de main, et guets qui étaient connus pour

21 terroriser les civils."

22 Ils ont demandé, je cite : "Nous insistons encore fois, une centième

23 fois, pour déployer une garnison de l'armée yougoslave sur le territoire de

24 notre municipalité."

25 La deuxième raison pour laquelle l'armée de Yougoslavie était

26 présente là-bas, ce que Phillips et Byrnes ont confirmé également, et parce

27 que pour les forces serbes et pour l'armée, il était important de tenir la

28 route stratégique qui reliait à Belgrade à Pristina via Podujevo.

Page 12441

1 Etant donné ces deux bonnes raisons pour la présence de la VJ dans la

2 région, voilà où est le problème ? M. Byrnes a témoigné que la VJ à

3 Podujevo aurait violé cette partie de l'accord d'octobre 1998 de Clark-

4 Naumann qui a permis la présence uniquement de trois compagnies au Kosovo

5 pour protéger des routes particulières et cela n'incluait pas la route

6 Podujevo-Pristina.

7 La Chambre se rappellera que le général Loncar a témoigné qu'il n'y

8 avait pas eu de violation de l'accord, compte tenu du fait que l'armée à

9 Podujevo n'était pas déployée non pas pour mener des combats, mais pour

10 être formée et en particulier, pour former le personnel pour manipuler les

11 chars, et c'est à la page 7 623, 7 630.

12 Au compte rendu M. Byrnes a témoigné que : appelé cela la mission de

13 formation, elle n'était qu'un prétexte, comme il l'a dit, pour qu'une unité

14 de la VJ soit déployée dans la région.

15 Vous allez vous rappeler que le Juge Bonomy a demandé à

16 M. Byrnes, et je cite : "Si on admet qu'il s'agissait des exercices, de

17 vrais exercices, est-ce que cela aurait été permis par l'accord ?"

18 Monsieur Byrnes a déclaré qu'il ne se souvenait pas très bien de

19 l'accord pour répondre aisément à cette question.

20 Moi non plus, je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette

21 question par rapport au libellé de l'accord. Mais nous savons que

22 l'ambassadeur Walker a envoyé une lettre à M. Milosevic le

23 23 novembre 1998, et c'est la pièce à conviction de l'Accusation 396, pour

24 dire que les informations qui devaient être transmises par les forces

25 serbes au Kosovo incluaient les choses suivantes : "Ces forces de sécurité

26 qui étaient en formation, cette unité, les sites sur lesquels elle se

27 trouvait, aucune unité ou sous-unité ne pouvait pas s'y trouver dans ces

28 régions, par exemple, de formation."

Page 12442

1 Il est légitime de conclure que ces régions d'entraînement ont été

2 incluses dans l'accord, pourquoi pas, ne pas inclure une telle région dans

3 l'accord dont M. Byrnes a témoigné et le commandant l'UCK, Remi, a été

4 "très agressif" et a constamment insisté sur cela.

5 Le fait que le 25 octobre l'accord de Clark-Naumann, c'est la pièce

6 P395, a été adoptée par les autorités serbes.

7 Comment le général Ojdanic et l'état-major ont réagi aux événements à

8 Podujevo ? Encore une fois, on peut voir que le collège a fourni une

9 réponse claire. Par rapport à une discussion tenue au collège, le 30

10 décembre 1998, on peut voir que l'unité de la VJ n'était pas à Podujevo

11 pour réaliser un plan d'expulsion des Albanais du Kosovo, mais plutôt parce

12 qu'il était nécessaire de protéger les civils serbes et les routes

13 importantes pour ce qui est de l'approvisionnement des vivres et des

14 convois.

15 Général Dimitrijevic a remarqué que les factions du l'UCK ont eu pour

16 résultat l'abandon de trois villages serbes de la région de Podujevo. Il a

17 dit que là les structures d'Etat, toutes les structures d'Etat ont quitté

18 Podujevo et c'était uniquement parce que c'est là grâce à la pression de

19 l'armée à Padujevo que les civils Serbes ont été en sécurité, c'est à la

20 page 7 à 10 de la pièce P928, et au collège du 3 décembre 1998 [comme

21 interprété].

22 Le général Ojdanic a justifié, a soutenu le déploiement de l'armée à

23 Podujevo, en rappelant les propos du général Perisic qui a dit qu'on s'est

24 mis d'accord pour ce qui est des conditions de retrait de la VJ

25 antérieurement. Que lorsque la population civile était menacée, si la

26 population locale avait été menacée, nous aurions été obligés de faire le

27 retrait de la région. C'est à la

28 page 17, P9128.

Page 12443

1 Dans les questions supplémentaires, M. Hannis posait à M.Byrnes, il

2 a parlé du collège que je viens de citer, P928. Il a demandé à Byrnes qu'il

3 lise les propos suivants du général Dimitrijevic.

4 Le général Dimitrijevic a dit : "L'explication qui disait qu'il

5 s'agissait d'un exercice planifié, ce n'est pas vrai. Il a été planifié que

6 l'unité provoque les terroristes pour que le MUP puisse faire le

7 nécessaire. Le fait que le MUP n'a pas fait le nécessaire a provoqué le

8 résultat qu'on a vu."

9 Après, lors du contre-interrogatoire, après les questions

10 supplémentaires, j'ai demandé à M. Byrnes, encore une fois, de lire une

11 partie de ce procès-verbal de ce collège. Le Juge Bonomy, c'est la même

12 chose. A la page 17 du procès-verbal de ce collège, le général Ojdanic a

13 dit les choses suivantes sur Podujevo : " Ce qui a été dit pour ce qui est

14 de la situation là-bas à Podujevo et autour de Sarajevo par rapport à la

15 présence de cette unité et que cela ne peut qu'empirer la situation. Il

16 s'agissait, en fait, de savoir si la route et le site du camp ont été

17 correctement choisis. Cette unité ne faisait que donc être stationnée là-

18 bas.

19 Le général Dimitrijevic a dit qu'il ne s'agissait pas d'un exercice.

20 Nous avons le général Loncar et le commandant de la

21 3e Armée, qui ont dit qu'il s'agissait d'un exercice. Maintenant, à la fin

22 de la présentation des arguments pour ou contre, j'invoquerais le principe

23 in dubio pro reo et je demanderais que ces doutes soient résolus en faveur

24 du général Ojdanic.

25 Mais qu'est-ce que cela veut dire par rapport à l'affaire ? Cela veut

26 dire qu'il s'agissait de la violation de l'accord de Clark-Naumann, au pire

27 des cas, mais le général Ojdanic n'a pas été accusé pour cela. Il a été

28 accusé d'avoir fait partie de l'entreprise criminelle commune pour déporter

Page 12444

1 les Albanais de Kosovo. Et à cet égard, il est très clair du procès-verbal

2 de réunions de collège, que ce n'était pas cela l'objectif, mais plutôt de

3 protéger la population civile ou serbe et une route d'importance

4 stratégique.

5 Encore une fois, d'autres généraux ont dit beaucoup et j'aimerais que

6 la Chambre lise ce procès-verbal de cette discussion en détail.

7 Maintenant, on arrive en janvier 1999 et au collège du

8 14 janvier 1999, il a été dit que les mesures ont été prises pour la mise

9 en place complète de l'accord avec l'OSCE. L'état-major général a remarqué

10 que l'échec de la Mission d'observation de l'OSCE pouvait être utilisé

11 d'autre part par les autres parties pour que les forces internationales

12 soient engagées au Kosovo. C'est la pièce P936, lignes 6 à 9.

13 Les jours qui ont suivi, Racak est arrivé, les événements à Racak

14 sont arrivés. Ici, nous avons entendu des témoignages différents pour ce

15 qui est des modèles du commandement, de la fonction, et cetera. Au collège

16 du 21 janvier 1999, le général Ojdanic a été assuré que l'armée n'avait pas

17 été impliquée à l'incident. Il a dit au collège qu'il avait ordonné au

18 commandant du corps de soumettre un rapport pour dire où se trouvaient les

19 unités de l'armée et ce qu'elles faisaient.

20 Il a rapporté qu'il avait étudié en détail le rapport, et il dit que

21 l'armée n'avait pas été impliquée, qu'il n'y avait pas d'appui

22 d'artillerie. Le général Ojdanic a ensuite dit qu'il n'y avait aucune

23 raison pour dissimuler quoi que ce soit, si l'armée avait été engagée, nous

24 aurions admis cela et nous aurions assumé la responsabilité et les

25 conséquences de cela. "En tant que chef de l'état-major général, je veux

26 savoir la vérité." Ces commentaires se trouvent sur les pages 10 à 12, de

27 la pièce P939.

28 En janvier et février, avec la pression politique de l'intervention

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1 au comité international sur le gouvernement, le général Ojdanic et le chef

2 de l'état-major général ont continué à appeler, à oeuvrer sur le fait que

3 les attaques de l'OTAN ne sont pas provoquées. On peut voir ça au procès-

4 verbal du collège du

5 2 février 1999, c'est la pièce à conviction 931, page 6 et collège

6 25 février 1999, la pièce à conviction 941, page 5 à 7.

7 Au collège du 11 février 1999, le général Ojdanic a ordonné que

8 l'officier de la liaison de l'armée travaille avec la Mission de

9 vérification au Kosovo soit promu et que les officiers parlant anglais

10 soient mutés pour exécuter ces obligations. C'est la pièce P934, pages 24

11 et 25. Ensuite, l'ordre qui a donné le 8 mars 1999, c'est la pièce 3D407.

12 Le général Loncar a également témoigné là-dessus. Ce sont les pages 7 677

13 et 7 680.

14 Lorsque la communauté internationale a commencé à menacer plus au plan

15 militaire, durant février et mars 1999, le général Ojdanic et l'état-major

16 ont commencé à être plus inquiets par rapport à l'invasion possible au sol.

17 Vous allez voir cela au procès-verbal du collège du 4 février 1999. C'est

18 la pièce P932, pages 10 et 11.

19 Et le 8 février 1999 [comme interprété], le général Ojdanic [comme

20 interprété] a rapporté que le nombre des forces de l'OTAN en Macédoine

21 s'est élevé à 8 000 et c'était à la fin de février. Ojdanic a indiqué qu'il

22 a proposé que les unités soient déployées dans la région près de la

23 frontière avec le Kosovo et il était clair que le déploiement de ces unités

24 a été proposé pour se défendre de l'invasion de l'OTAN possible et non pas

25 pour expulser la population albanaise.

26 Et maintenant, a expliqué pourquoi il a décidé de déployer plus d'unités.

27 Le général Ojdanic a dit explicitement à cette occasion-là, et je cite :

28 "Nous devons défendre notre pays s'il est attaqué. La politique et la

Page 12446

1 diplomatie vont faire tout pour que cela soit résolu de moyens pacifiques."

2 C'est à la page 18, la pièce P937.

3 Le 11 mars 1998 [comme interprété], le général Ojdanic a dit au collège

4 qu'il savait très bien pourquoi l'armée yougoslave a élevé le nombre de ses

5 unités déployées là-bas. Il a dit et je vais résumer : l'OTAN à 9 500

6 personnes là-bas, mais nous ne savons pas quelles sont leurs intentions.

7 Et au collège suivant, le général Ojdanic a encore une fois déclaré

8 que le nombre d'unités de l'armée a été élevé au Kosovo et autour de Kosovo

9 parce que les troupes de l'OTAN en Macédoine ont grimpé également. C'est à

10 la page 7, pièce P938.

11 Donc, il est clair que cela n'a rien à voir avec l'expulsion des

12 Albanais du Kosovo. Collège du 4 mars 1999, il a été rapporté que l'UCK a

13 essayé de provoquer des incidents et de provoquer l'utilisation excessive

14 de la force et la crise humanitaire pour que la communauté internationale

15 intervienne. Cela indique que l'UCK pourrait provoquer un exode massif de

16 réfugiés pour provoquer une crise humanitaire et que cela ne pourrait pas

17 être exclu.

18 Le général Dimitrijevic a dit que l'UCK, de façon très organisée,

19 fait des activités pour que les civils partent des villages pour provoquer

20 la crise humanitaire et la réaction de la communauté internationale. C'est

21 aux pages 4 à 9 de la pièce P933.

22 Par conséquent, non seulement il n'y a pas de mention de plan sur

23 l'intention de l'armée yougoslave pour expulser les Albanais du Kosovo,

24 mais il est clair que l'état-major général a estimé que c'était l'UCK qui

25 voulait faire déplacer la population et que son plan a été d'expulser les

26 Albanais et qu'il est inconcevable que cela n'ait pas été invoqué au moins

27 lors de ce collège.

28 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

Page 12447

1 M. SEPENUK : [interprétation] -- donc, la discussion menée au

2 collège, du 9 avril 1999 est, en particulier, importante pour comprendre ce

3 que le général Ojdanic savait sur le mouvement de la population du Kosovo

4 plutôt. Il est clair qu'il pensait que c'était l'UCK et non pas les forces

5 serbes qui ont provoqué le déplacement du peuple du Kosovo.

6 Le général Krga qui était en charge des renseignements a décrit le

7 mouvement en tant que "retraite planifiée de soi-disant l'UCK et du peuple

8 albanais du Kosovo, ce qui a provoqué une situation humanitaire difficile."

9 C'est à la page 5 du collège. La pièce à conviction, P929.

10 Le général Gajic, qui était chef de la direction chargée de la

11 sécurité, a dit lors du même collège : "Qu'après le démantèlement des

12 forces terroristes au Kosovo, certains des membres de ces forces

13 terroristes ont essayé, probablement que cela a été planifié, de se retirer

14 en Albanie, en Macédoine et quelques-uns également au Monténégro." Il a

15 prédit que les terroristes obligeraient les citoyens albanais et non-

16 albanais de quitter le Kosovo. Ensuite il a dit, et je cite : "L'ennemi va

17 conduire les activités planifiées pour expulser les Siptar ou les Albanais,

18 et après accuser l'armée et l'Etat pour nettoyage ethnique et pour le

19 génocide en créant les conditions nécessaires pour que l'OTAN intervienne

20 contre nos forces," aux pages 8 à 11 de la pièce P929.

21 Le même jour, le 9 avril 1999, le général Ojdanic a donné une

22 directive pour dire que l'armée s'attendait à ce que l'UCK s'infiltre sous

23 prétexte de sécuriser le retour des réfugiés, et que l'armée, c'est

24 l'assistance à d'autres organes du gouvernement pour donc s'occuper des

25 réfugiés et que l'infiltration des réfugiés qui retournaient et parmi

26 lesquels pourraient se trouver des membres de l'UCK, devrait être empêchée.

27 C'est la pièce P1481.

28 Il est clair, par conséquent, le 9 avril 1999, au niveau de l'état-

Page 12448

1 major du commandement Suprême, le déplacement des réfugiés est estimé comme

2 étant une sorte de tactique de l'UCK pour provoquer le soutien

3 international. Cela ne correspond pas du tout à l'entreprise criminelle

4 commune pour expulser les Albanais du Kosovo.

5 Et l'un des témoins de l'Accusation, le général Vasiljevic a témoigné

6 qu'il n'y avait certainement pas de plan qui visait l'expulsion des

7 Albanais du Kosovo, parce que si oui, les discussions auraient été menées

8 aux réunions quotidiennes de l'état-major du commandement Suprême

9 auxquelles les représentants chargés de la sécurité étaient présents et de

10 telles discussions n'ont pas été menées.

11 C'est dans ce témoignage, son témoignage, et c'est le compte rendu du

12 22 janvier 2007 à la page 8 840.

13 Il n'y a pas de moyens de preuve pour dire que le général Ojdanic

14 s'est mis d'accord ou a participé à une entreprise, à une opération dont

15 l'objectif était d'expulser les Albanais du Kosovo. Ce fait nous amène à

16 conclure que l'Accusation n'a pas prouvé que le général Ojdanic est

17 responsable ou assume la responsabilité individuelle criminelle sous

18 l'article 7(1) du Statut.

19 En d'autres termes, les accusations des Procureurs contre le général

20 Ojdanic se résument comme suit : parce que l'expulsion des Albanais était

21 systématique partout au Kosovo, cela aurait pu être le résultat d'un plan

22 d'une entreprise criminelle commune.

23 Et si on admet les moyens de preuve présentés par l'Accusation, en

24 accord avec des normes les plus élevées, il n'y a pas de preuves que les

25 expulsions ont été planifiées ou ordonnées au niveau de l'état-major

26 général. L'Accusation ne peut pas substituer ses thèses au moyen de

27 preuves. D'autres conclusions en faveur de la thèse de l'Accusation, à

28 savoir que le mauvais comportement des soldats ou des unités ou la

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1 coordination menée par d'autres organes au sol au Kosovo, on pouvait donc

2 en conclure de témoignages entendus ici.

3 Comme récemment la Chambre d'appel, dans l'affaire Galic, "A conclu

4 sur la base des moyens de preuve qui parlaient du contexte, s'il y a un

5 autre moyen de preuve raisonnable pour cela, il faut acquitter l'accusé."

6 Donc, en mettant de côté la question si l'entreprise criminelle commune

7 existait pour expulser les Albanais du Kosovo, une chose est absolument

8 claire. Il n'y a pas de preuves sur la base desquelles la Chambre de

9 première instance pourrait conclure que le général Ojdanic aurait participé

10 en cette entreprise ou dans ce plan. Pour cette raison, il doit être

11 acquitté des accusations qui ont été imputées selon l'article 7(1) pour

12 chacun des chefs d'accusation.

13 Maintenant, je me tourne vers des événements au Kosovo à partir du 24 mars

14 1999, c'est-à-dire il s'agit de la responsabilité de supérieur hiérarchique

15 du général Ojdanic, voire l'article 7(3), parce qu'il n'a pas empêché ou

16 puni le crimes commis par ses subordonnés.

17 D'abord, il faut qu'il existe une relation de subordination entre le

18 supérieur et l'auteur du crime; deuxièmement, le supérieur savait ou avait

19 les raisons pour savoir qu'un acte criminel a été commis, et était en

20 préparation d'être commis; et le troisième point, le supérieur n'a pas pris

21 de mesures nécessaires raisonnables pour prévenir l'infraction pénale ou

22 pour punir l'auteur.

23 Ça, c'est dans le jugement de la Chambre d'appel dans l'affaire Kordic le

24 17 décembre 2004, paragraphe 827.

25 Admettons que l'Accusation a présenté les moyens de preuve sur la base de

26 laquelle la Chambre pourrait conclure que certains des crimes perpétrés au

27 Kosovo ont été perpétrés par les membres de l'armée yougoslave. Je ne sais

28 pas dans quelle mesure, mais pour pouvoir donc considérer, examiner la

Page 12451

1 responsabilité criminelle du général Ojdanic, admettons que le premier

2 élément établi à l'acte d'accusation était commis au Kosovo par les

3 personnes qui étaient subordonnées au général Ojdanic.

4 Quand je dis "subordonnés," j'utilise ce mot dans sa portée générale, parce

5 qu'en fait, entre le général Ojdanic qui était à Belgrade et les soldats

6 qui auraient commis des crimes au Kosovo, il y avait au moins cinq

7 échelons. Donc, les soldats ont été subordonnés au commandant de la

8 compagnie, du bataillon, de brigade, de corps, de la 3e Armée, et

9 finalement au général Ojdanic en tant que chef de l'état-major.

10 Il se pourrait qu'en dépit du fait que certains auteurs des crimes étaient

11 des soldats et, par conséquent, du point de vue technique subordonnés au

12 général Ojdanic, il n'avait pas, en fait, le "contrôle effectif" requis sur

13 ces soldats, ce qui est absolument exigé par la jurisprudence pour que soit

14 respecté le premier élément de l'article 7(3).

15 Mais une fois de plus, il s'agit d'une requête au titre de l'article 98

16 bis. Donc supposons qu'aux fins de la requête 98 bis, il y a eu certains

17 crimes mentionnés dans l'acte d'accusation qui auraient été commis par des

18 personnes qui étaient subordonnées au général Ojdanic et personnes sur

19 lesquelles il exerçait un contrôle véritable et effectif. Supposons cela

20 donc pour les biens de la rhétorique.

21 Alors, le deuxième critère qui est nécessaire, c'est le critère de la

22 connaissance. Quels sont les éléments de preuve qui ont été apportés en

23 vertu desquels le général Ojdanic savait ou avait de bonne raison de savoir

24 que certains des crimes précis de l'acte d'accusation "étaient sur le point

25 d'être commis ou avait été

26 commis" ? La réponse que je vous suggère est : aucun n'élément de preuve

27 n'a été apporté.

28 Vous avez entendu de la part du général Vasiljevic qu'il s'agissait d'une

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1 pratique régulière pour toutes les brigades de présenter des rapports de

2 combat quotidiens au commandement du Corps de Pristina. Le commandement du

3 corps analysait et résumait l'information en un seul et même rapport, qui

4 était ensuite transmis à la 3e Armée. La 3e Armée à son tour résumait les

5 rapports des corps et les envoyait au commandement d'état-major suprême.

6 Vous trouverez ce témoignage dans le compte rendu d'audience du 18 janvier

7 2007 à la page 8 661.

8 Les rapports de combat quotidien du Corps de Pristina étaient également

9 copiés à l'attention de l'état-major du commandement Suprême à Belgrade. Ce

10 que j'avance, c'est qu'il n'y a aucun élément de preuve qui a été présenté

11 à propos des crimes mentionnés dans l'acte d'accusation. Cela n'a jamais

12 fait l'objet d'aucun rapport quotidien reçu par le général Ojdanic ou par

13 l'état-major suprême. Il n'y a jamais eu aucun témoignage prononcé par

14 quiconque suivant lequel les crimes indiqués dans l'acte d'accusation ont

15 été apportés à l'attention du général Ojdanic.

16 Il y a des éléments de preuve dans ces rapports que des crimes généraux ont

17 été commis au Kosovo, et qu'ils étaient gérés en quelque sorte par le

18 système de justice militaire. Les rapports de combat quotidien du Corps de

19 Pristina, en commençant par le 3 avril de 1998, ont fait état que pendant

20 les 32 jours -- que pendant les jours précédents, il y a eu 32 rapports au

21 pénal qui ont été présentés contre les auteurs de crimes : huit pour

22 meurtre; un pour sévice; trois pour tentative de meurtre; deux pour vol de

23 véhicules; six pour larcin; et 12 pour absence des rangs de l'armée sans

24 autorisation officielle. Il s'agit de la pièce 5D84.

25 Les autres rapports quotidiens, les rapports de combat quotidiens du Corps

26 de Pristina contiennent des informations semblables qui sont présentées,

27 qui font partie du dossier. Cela inclut le rapport du 4 avril 1999, la

28 pièce P2617; le rapport du

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1 13 avril 1999, à savoir la pièce P2004; le rapport du 25 avril 1999, qui

2 est la pièce 2016; le rapport du 9 mai 1999, pièce 2006; le rapport du 12

3 mai 1999, pièce 2007.

4 Nous avons également des rapports de combat quotidiens de la

5 3e Armée destinés à l'état-major du commandement Suprême, qui est versé au

6 dossier. Par exemple, le rapport du 20 avril 1999, qui est la pièce P1945,

7 et qui informe l'état-major général de ce qui suit, et je cite : "Des cas

8 individuels de violation d'ordre et de la discipline ont été répertoriés et

9 ont été pris en considération avec succès. Les unités de la police

10 militaire ont effectué ou ont pris des mesures qui relèvent de leur

11 compétence." Vous trouverez cela à la page 4.

12 Pour ce qui est du rapport de combat quotidien de la 3e Armée du 27

13 avril 1999, il est question du fait que les procureurs militaires ont

14 examiné et analysé 89 rapports au pénal et ont dressé 11 actes

15 d'accusation. Les tribunaux de première instance ont reçu

16 38 demandes d'enquête et dix actes d'accusation. Cela fait l'objet de la

17 page 2 de la pièce P2005.

18 Deux jours plus tard, le 29 avril 1999, il a été indiqué que les

19 procureurs militaires avaient reçu 116 rapports au pénal, et que les

20 tribunaux de première instance avaient reçu 15 actes d'accusation, ce qui

21 fait l'objet de la page 2 de la pièce P2017.

22 Des rapports semblables peuvent être trouvés; il s'agit toujours de

23 rapports de la 3e Armée, rapports du 20 mai 1999, page 4 de la pièce P2008.

24 Pour ce qui est du rapport quotidien du Corps de Pristina du

25 9 mai 1999, il a été indiqué, et je cite que : "La population est traitée

26 avec humanité et correction." Un exemple est donné. Il s'agit de soldats

27 qui avaient trouvé un groupe de réfugiés albanais dans les bois, qui les

28 ont conduits dans une école qui se trouvait à proximité, où on leur a

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1 fourni du chauffage, de l'huile et des vivres. Cela fait l'objet de la page

2 4 de la pièce à conviction P2006.

3 Entre parenthèses, je vous rappelle la déposition de Sean Byrnes, qui avait

4 dit de façon très, très claire, qu'à son avis, la VJ, à la fois avant et

5 pendant le conflit, s'était comportée de façon tout à fait correcte.

6 Donc, pour ce qui est de ces rapports, nous voyons que l'état-major du

7 commandement Suprême était informé en règle générale de la commission de

8 certains crimes au Kosovo, et il était assuré à l'état-major du

9 commandement Suprême que ces crimes faisaient l'objet d'enquête diligentée

10 par les organes de la justice militaire.

11 Les éléments de preuve montrent également que pendant cette période,

12 le général Ojdanic a pris des mesures au Kosovo.

13 Le 2 avril 1999, par exemple, il a émis l'ordre suivant lequel les

14 prisonniers devaient être traités de façon correcte, et il s'est engagé à

15 diligenter des enquêtes contre tout membre de l'armée qui ne respecterait

16 pas le droit humanitaire international, et que les rapports de combat

17 devaient inclure les cas de non-respect du droit humanitaire. Cela fait

18 l'objet de la pièce 3D480.

19 Le 7 avril, le général Ojdanic a émis un ordre suivant lequel il fallait

20 que les volontaires fassent l'objet un examen. Il a indiqué à ses

21 subordonnés qu'il fallait véritablement qu'ils prêtent attention aux

22 résultats des contrôles et examens psychiatriques qui étaient nécessaires

23 et requis pour tous les volontaires afin d'établir s'ils étaient en mesure,

24 du point de vue de la sécurité en tout cas, en mesure de combattre pour

25 empêcher de regroupement de volontaires dans une unité, et pour informer

26 chaque volontaire que tout comportement illicite ne serait absolument pas

27 toléré et ferait l'objet de sanctions et pour empêcher l'utilisation très

28 strictement de paramilitaires. Vous trouverez cet ordre à la pièce P1479.

Page 12455

1 Le général Ojdanic a également émis un autre ordre le

2 14 avril 1999, dans lequel il indique un certain nombre d'organes de la

3 sécurité. La police militaire et des psychologues doivent être recrutés

4 dans les centres de réception pour les volontaires, en insistant sur le

5 fait que les volontaires devaient faire l'objet de contrôle psychologique

6 et de formation, en insistant qu'il fallait qu'il y ait une formation

7 assurée sur les conséquences de comportement illicite, et il a déclaré de

8 façon très claire que tout comportement de la sorte ferait l'objet de

9 poursuites. Le général Ojdanic a également, une fois de plus, empêché que

10 les volontaires ne soient regroupés dans des unités séparées, ce qui se

11 trouve à la pièce 3D481.

12 Finalement, à ce sujet j'attire à l'attention de la Chambre de première

13 instance sur une communication du 20 avril 1999, qui émane de l'état-major

14 du commandement Suprême, il s'agit de la pièce de l'Accusation, 1943. C'est

15 une communication qui est très critique à l'égard de la 1ère Armée qui

16 envoie des volontaires dans ce secteur pour qu'ils soient placés au service

17 de la 3e Armée pendant, bien entendu, que la guerre se poursuit. Il y est

18 question notamment du nombre de volontaires qui ont des casiers

19 judiciaires, et il cite également des volontaires paramilitaires qui ne

20 sont pas considérés comme apte au service militaire. Le document indique

21 précisément, et je lis la pièce P1943, et je cite : "Plusieurs jours après

22 l'arrivée des volontaires, 20 de ces personnes ont été renvoyées du Corps

23 de Pristina et sept de ces personnes ont été détenues pour les activités de

24 banditisme, de meurtre, de viol, du fait qu'ils ont refusé d'obtempérer aux

25 ordres et pour des actes de désertion."

26 Le rapport continue, et je cite : "Un nombre de volontaires n'ont pas pu

27 être déployés au sein de l'armée, au sein de la VJ. Il est indiqué, en

28 fait, qu'ils n'étaient pas disposés à obéir aux ordres de façon

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1 unilatérale."

2 Puis finalement : "Compte tenu de -- pour assurer en fait que cet ordre

3 soit exécuté, ordre qui avait été quand même émis par le chef de l'état-

4 major du commandement Suprême en date du

5 14 avril 1999." Il est indiqué que vous, vous avez l'ordre préalable émis

6 par le général Ojdanic indiquant quelles étaient les mesures à prendre en

7 matière de contrôle médical et de formation des volontaires et des

8 paramilitaires.

9 Le général Ojdanic a toujours insisté pour que le droit humanitaire

10 international soit respecté par les soldats qui se trouvaient sous son

11 commandement, et ce, pendant toute la durée de la guerre. Le 16 avril 1999,

12 il a émis une mise en garde intitulée "extrêmement urgent," qu'il a

13 transmis à toutes les unités militaires au Kosovo, et cet ordre réitérait

14 le fait que le droit international devait être observé par tous les organes

15 et que tous les organes devaient prévenir les actes criminels et en

16 présenter le rapport, s'il y en avait.

17 Alors, pour ce qui est de la transmission du général Ojdanic, nous voyons,

18 et je cite que : "Durant les combats jusqu'à présent, et d'après certaines

19 de nos informations, il y a eu des cas isolés de comportement qui sont tels

20 que les dispositions de droit international pendant la guerre n'ont pas été

21 entièrement respectées. Certains commandements et certaines unités n'ont

22 pas suffisamment eu l'attention attirée sur ces cas isolés de pillage et de

23 crime commis. Les organes professionnels et les commandements doivent

24 prendre des mesures effectives et véritables afin de prévenir toutes ces

25 formes d'actes criminels. Il faut informer tous les membres de la VJ des

26 conséquences particulièrement négatives de toute forme d'activités

27 criminelles pour la population et pour le moral de l'armée également," qui

28 a été extrait de la pièce à conviction 3D482.

Page 12457

1 Puis, le 25 avril 1999, le général Vasiljevic, qui était à la retraite, a

2 repris du service et s'est vu confier la mission d'enquêter et de présenter

3 des rapports à l'état-major du commandement Suprême pour ce qui était des

4 crimes commis au Kosovo.

5 Le 26 avril 1999, le général Ojdanic a émis un autre ordre qui

6 indiquait que les paramilitaires devaient être désarmés et que des mesures

7 juridiques devaient être prises à l'encontre des personnes violant le droit

8 international qui devaient être appréhendées, poursuivies, et que les

9 niveaux de commandement supérieur devraient en être informés, que les

10 conventions de Genève et les règles de la guerre devaient être strictement

11 et rigoureusement respectées et que les officiers supérieurs seraient

12 responsables de ce genre de comportement, ce qui fait l'objet de l'ordre de

13 la pièce P1902.

14 Le 10 mai 1999, le général Ojdanic a émis un autre ordre dans lequel

15 il insiste sur le fait que les commandants sont obligés de prendre toutes

16 les mesures nécessaires afin de prévenir les infractions du droit

17 humanitaire international, et afin de les mettre en garde sur le fait

18 qu'ils seront tenus personnellement responsables de ces actes s'ils

19 n'agissent pas. Cela fait l'objet de la pièce 3D483, présentée.

20 Il y a également le rapport du 7 mai 1999, qui fait l'objet de la

21 pièce P1917. Dans ce rapport l'état-major du commandement Suprême a été

22 informé du fait suivant après certains problèmes de départ, les organes du

23 système judiciaire militaire ne fonctionnent pas conformément aux

24 conditions prévalant en temps de guerre, et qu'il était prévu de renforcer

25 les procureurs militaires ainsi que les tribunaux militaires.

26 Un autre rapport portant sur le travail des organes judiciaires

27 militaires en temps de guerre a été préparé le 12 mai 1999. Le rapport fait

28 état du fait que des opérations judiciaires militaires ont été prises et

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1 seront prises dès que l'état de guerre a été proclamé, mais que le grand

2 nombre de rapports au pénal requis est tel qu'il va falloir envisager un

3 renouvellement du personnel professionnel ayant une expérience. Ce rapport

4 fait état du fait qu'il y a eu certaines lacunes de départ qui ont été très

5 rapidement éliminées.

6 Dans le rapport, il est fait état du fait que les organes judiciaires

7 pertinents au commandement du Corps de Pristina s'étaient trouvés ou

8 confrontés à des affaires au pénal extrêmement complexes portant sur des

9 crimes graves et qu'il était absolument nécessaire de faire en sorte que

10 toutes les preuves valables du point de vue juridique soient incluses dans

11 les rapports au pénal.

12 La conclusion étant que la recommandation vise l'amélioration et

13 l'efficacité des organes judiciaires militaires.

14 Pièce à conviction, P1918.

15 Entre-temps, vous l'avez entendu lorsque le général Vasiljevic est

16 venu déposer ici le 13 mai 1999, il y a eu une petite commémoration pour

17 célébrer et fêter le jour de l'établissement des services de Sécurité. Les

18 représentants des services de Sécurité ont été reçus par le général

19 Ojdanic. A cette occasion, le général Geza Farkas, qui a informé le général

20 Ojdanic des informations que le général Vasiljevic avait glané lors de sa

21 mission au Kosovo.

22 Le général Vasiljevic a témoigné que le général Ojdanic avait été

23 extrêmement surpris par ce qui lui avait été relaté. Et pendant que les

24 officiers étaient encore là, il a appelé le président Milosevic et l'a

25 informé du fait qu'il venait de recevoir des informations de la part des

26 organes de sécurité qui avaient indiqué qu'il existait des problèmes très

27 graves et des crimes qui étaient commis au Kosovo.

28 Le général Vasiljevic, qui plus est, témoignait du fait qu'une

Page 12459

1 réunion avait été prévue le 17 mai avec le président Milosevic.

2 Le général Ojdanic a ensuite appelé le général Pavkovic, l'a convoqué

3 à Belgrade pour qu'il vienne présenter directement son rapport au général

4 Ojdanic, qui voulait savoir ce qui se passait.

5 D'après le général Vasiljevic, le général Ojdanic a insisté de façon

6 explicite sur le fait que rien ne devrait être dissimulé, ou qu'il ne

7 fallait rien cacher et que tout ce qui s'était passé devait être présenté

8 et qu'il fallait voir si des mesures et quelles mesures devraient être

9 prises pour essayer de régler la situation.

10 Vous trouverez cela dans la déposition du général Vasiljevic, compte

11 rendu d'audience du 19 janvier 2007, aux pages 8 748 et 8 749.

12 Le général Vasiljevic vous a également relaté la réunion qui eut lieu

13 au commandement Suprême, réunion du 16 mai 1999, avant la réunion avec le

14 président Milosevic. Lors de cette réunion, le général Pavkovic a parlé des

15 crimes qui, apparemment, avaient été commis. Le général Vasiljevic a

16 témoigné de la réaction du général Ojdanic lors de cette réunion et lors de

17 la réunion du 13 mai, et d'après cette réaction il en a conclu que le

18 général Ojdanic n'avait pas été informé de la portée des crimes commis au

19 Kosovo.

20 Vous trouverez cela dans le compte rendu d'audience du

21 19 janvier 2007, pages 8 755 et 8 768, déposition du général Vasiljevic.

22 Ces crimes ont fait l'objet de discussions lors des réunions du 17

23 mai 1999 avec le président Milosevic et les représentants du ministère de

24 l'Intérieur et de la sécurité d'Etat. D'après le général Vasiljevic, le

25 général Ojdanic et le général Pavkovic ont proposé la création d'une

26 commission d'Etat indépendante afin que les crimes de guerre au Kosovo

27 fassent l'objet d'une enquête.

28 Vous trouverez cela dans la déposition du même général, compte rendu

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1 d'audience du 22 janvier 2007, page 8 783.

2 Bien que cette commission n'ait jamais été créée, le général Ojdanic

3 a continué à déployer des efforts personnels pour faire en sorte que les

4 crimes au Kosovo soient prévenus et punis et sanctionnés.

5 D'après le général Vasiljevic, le 26 mai 1999, des ordres ont été

6 émis afin d'améliorer le fonctionnement des tribunaux militaires.

7 Le 28 mai 1999, le général Ojdanic a convoqué une réunion avec les

8 responsables des organes judiciaires militaires et le général Farkas a été

9 informé du fait que des organes devaient être créés pour réagir de façon

10 plus vigoureuse.

11 Cela a fait l'objet de sa déposition au compte rendu d'audience du 22

12 janvier 2007, page 8 878.

13 Vous verrez également d'après le rapport du 30 mai 1999, qui est la

14 pièce à conviction P1999, que les rapports quotidiens portant sur le

15 fonctionnement des tribunaux militaires ont commencé à être compilés et à

16 être fournis à l'état-major de commandement Suprême.

17 Le général Vasiljevic a également témoigné du fait qu'après la

18 réunion du 17 mai, il l'a envoyé ainsi que le général Ojdanic au Kosovo

19 afin qu'ils collectent des informations plus détaillées à propos des

20 crimes, pillages et autres problèmes qui avaient fait l'objet de discussion

21 lors de la réunion.

22 Le général Vasiljevic a appris durant son enquête qu'il y avait une

23 décision prise par le commandement militaire à Pristina, de ne pas

24 présenter de rapport à propos de la commission de certains crimes. Le

25 général Vasiljevic a poursuivi en disant que la 3e Armée avait mené à bien

26 son enquête et avait diligenté des enquêtes, que par conséquent, il pensait

27 qu'il n'était pas nécessaire de présenter d'autres rapports le long de la

28 voie hiérarchique.

Page 12461

1 Cela fait l'objet de la transcription du 19 janvier 2007,

2 pages 8 647, 8 651.

3 Vous avez également entendu la déposition de M. Djordjevic qui a

4 parlé des pressions exercées sur les organes judiciaires militaires, du

5 manque de crédibilité du témoignage et le manque de crédibilité du

6 témoignage de cette personne plutôt bourrue et désabusée est une question

7 qu'il faudra prendre en considération lorsque vous examinerez la requête

8 aux fins d'acquittement.

9 Mais même si l'on prend son témoignage au pied de la lettre, il ne

10 fournit aucun fait permettant de croire que le général Ojdanic avait

11 participé ou avait été conscient des efforts faits par certaines personnes

12 -- certaines personnes qui ont commis des crimes sur le terrain au Kosovo.

13 Vous pouvez voir que le 8 juin, dans la mesure où ces crimes ont

14 commencé, en fait, à être portés à l'attention du commandement Suprême, une

15 séance d'instruction ou d'information a été tenue par l'état-major du

16 commandement Suprême d'après les notes de cette séance d'instruction, pièce

17 à conviction 3D443, le général Geza Parkas a indiqué qu'une analyse

18 complète avait été faite des problèmes, notamment les crimes humanitaires.

19 Il a dit que la plupart des atrocités et crimes graves commis, et cela

20 allait du pillage au viol, avaient été répertoriés et étaient maintenant

21 placés devant les organes des tribunaux militaires. Il a indiqué que 95 %

22 des auteurs avaient été arrêtés ou faisaient l'objet d'enquête.

23 Lors de cette réunion, le général Ojdanic a émis un document donnant

24 l'ordre suivant lequel les organes judiciaires militaires devraient établir

25 des priorités parmi les crimes pour ce qui est des poursuites et des

26 enquêtes et que les violations du droit humanitaire devaient se voir

27 accorder la toute priorité. Vous trouverez cela dans la pièce 3D487.

28 Par conséquent, les éléments de preuve présentés montrent que le

Page 12462

1 général Ojdanic n'avait absolument aucune connaissance des crimes

2 spécifiques allégués dans l'acte d'accusation, et n'était donc pas en

3 mesure de les prévenir ou ne les punir ou n'en avait pas le devoir

4 puisqu'il n'était pas informé de ces crimes. Les éléments de preuve

5 montrent également qu'il a été informé des mouvements de population et du

6 fait que les mouvements de population étaient le résultat des actes de

7 l'UCK et non pas de l'armée, les éléments de preuve montrent que lorsqu'il

8 a été informé de façon générale qu'il y avait des violations du droit

9 humanitaire international commis par les membres de l'armée au Kosovo, il a

10 pris des mesures rapides et répétées afin de diligenter des enquêtes et de

11 prévenir et punir ces crimes.

12 Si l'on passe en revue la jurisprudence qui établit les critères

13 retenus pour un commandant supérieur tel que le général Ojdanic, cela

14 montre que les mesures qu'il a prises étaient tout à fait appropriées. En

15 commençant par le procès de Nuremberg après la Deuxième Guerre mondiale,

16 lorsqu'il s'agissait d'évaluer la responsabilité d'un des défenseurs, le

17 tribunal avait remarqué qu'un chef d'état-major n'est pas automatiquement

18 responsable pénalement des actes criminels commis par les soldats placés

19 sous son commandement. Le tribunal a indiqué qu'un haut commandant "a le

20 droit de supposer que les détails qui sont confiés à ses subordonnées

21 responsables seront exécutés suivant le droit." Il faut pouvoir prouver

22 qu'il y avait infraction individuelle des responsabilités du commandant.

23 Vous trouverez ce libellé dans le volume 12 des Rapports des procès

24 de criminels de guerre à la page 76.

25 Et lors des procès tenus à Tokyo après la Deuxième Guerre mondiale,

26 le tribunal a également reconnu la réalité à laquelle se confrontaient les

27 commandants supérieurs. Le tribunal a indiqué, je cite : "Au vu de la

28 multitude de devoirs et de tâches dans un gouvernement moderne, la

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1 délégation des devoirs est une nécessité dans un système élaboré. Le

2 tribunal a également avancé que, et je vous cite : "La responsabilité des

3 commandants supérieurs se scinde en deux volets. Premièrement, ils doivent

4 établir un système qui assure le traitement en bonne due forme des

5 prisonniers de guerre en l'espèce; et deuxièmement il doivent prendre des

6 mesures pour protéger le fonctionnement d'un système efficace et continu."

7 Il a également indiqué, je cite : "Un commandant supérieur -- qu'on

8 ne peut pas s'entendre, plutôt, qu'un commandant supérieur connaisse dans

9 tous les détails les opérations quotidiennes de ses unités subordonnées et

10 que sa responsabilité était plutôt d'établir des systèmes qui assureront ou

11 garantiront qu'il y ait respect du droit de la guerre et qui lui fourniront

12 une vision d'ensemble de ces systèmes."

13 Vous trouverez cette jurisprudence dans l'édition ou dans l'ouvrage

14 donnant le compte rendu des grands crimes de guerre de Tokyo, pages 443 à

15 448.

16 C'est un concept qui a été repris 50 années plus tard dans le Statut

17 de la Cour pénale internationale, et qui stipule de façon explicite dans un

18 article 28 que le devoir d'un commandant est de prendre toute les mesures

19 nécessaires et raisonnables qui sont à son pouvoir pour prévenir ou

20 empêcher la commission de crimes ou pour référer la question à des

21 autorités compétentes afin que des enquêtes soient diligentées.

22 Dans ce Tribunal, quatre Chambres de première instance ont avalisé le

23 point de vue suivant lequel toutes les mesures nécessaires et raisonnables

24 ont été prises pour empêcher la commission de crimes ou pour punir les

25 auteurs qui doivent être pris en considération.

26 Les facteurs pertinents pour que cette Chambre mène à bien son

27 évaluation incluent les ordres précis qui ont été émis afin d'empêcher ou

28 de juguler ou d'arrêter les activités criminelles. Il faut savoir quelles

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1 sont les mesures qui ont été prises pour faire en sorte que ces ordres

2 soient exécutés, quelles sont les mesures qui ont été prises pour faire en

3 sorte que les actes illicites soient empêchés et quelles sont les mesures -

4 il s'agit de savoir si ces mesures étaient suffisantes au vu des

5 circonstances qui prévalaient. Après la commission du crime, quelles sont

6 les mesures qui ont été prises pour faire en sorte que soient diligentées

7 des enquêtes adéquates et pour faire en sorte que les auteurs soient

8 traînés en justice.

9 Vous trouverez le jugement dans l'affaire Strugar au

10 paragraphe 378; dans l'affaire Halilovic paragraphe 74; dans l'affaire

11 Limaj au paragraphe 578; dans le jugement Hadzihasanovic paragraphes 147 et

12 150 - ou plutôt au paragraphe 147 et paragraphes 1043 et 1067.

13 Le général Hadzihasanovic n'a pas été considéré responsable pour manquement

14 à punir des soldats subordonnés de l'armée bosniaque qui avaient tué des

15 prisonniers non armés, parce qu'en fait, il avait renvoyé cette affaire au

16 système judiciaire. L'accusé a été informé que des exécutions s'étaient

17 peut-être déroulées, mais il en avait conclu que c'étaient des décès qui

18 s'étaient produits lors de combats. Conformément à la procédure locale, la

19 police locale a ensuite renvoyé la question au tribunal militaire.

20 Les éléments de preuve ont établi que le tribunal n'avait pas

21 sanctionné les auteurs. Toutefois, l'accusé a renvoyé cette affaire aux

22 autorités appropriées sans aucune raison de soupçonner qu'un crime soit

23 connu. Il n'a pas été considéré comme ayant manqué ou n'a pas été considéré

24 coupable de manquement, peut-être qu'il n'avait pas pris de mesures

25 raisonnables.

26 Et une fois de plus il s'agit du paragraphe 1043 à 1063 du jugement

27 Hadzihasanovic.

28 Dans l'affaire Blaskic, l'accusé n'a pas été considéré comme

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1 responsable par la Chambre d'appel responsable de ne pas avoir puni les

2 crimes de subordonnés. Parce qu'il avait également renvoyé l'affaire aux

3 autorités compétentes en dépit du fait qu'il n'a jamais reçu de rapport

4 satisfaisant à propos de l'incident allégué. Le Tribunal a été d'avis que

5 l'obligation de l'accusé au vu de sa fonction et de ses attributions, était

6 de demander une enquête. En le faisant, l'accusé donc s'était acquitté de

7 son devoir en dépit du fait que les enquêteurs ont fait en sorte ou ont

8 autorisé ce crime à être impuni.

9 Vous trouverez cela aux paragraphes 412 à 422 de l'arrêt dans

10 l'affaire Blaskic.

11 D'après les éléments de preuve produits par l'Accusation dans cette

12 affaire, vous verrez qu'en tant que chef d'état-major à Belgrade, le

13 général Ojdanic n'avait aucune information précise à propos des crimes

14 allégués dans l'acte d'accusation. Au vu de l'attitude, du comportement et

15 des actions qu'il a manifestés pendant la guerre, il est manifeste que s'il

16 avait eu ce genre d'information, il aurait renvoyé la question aux

17 autorités judiciaires militaires compétentes. Il a toujours insisté pour

18 que les auteurs de ces crimes soient poursuivis.

19 Il est également clair que pendant la guerre, le général Ojdanic a

20 reçu des informations générales suivant lesquelles des crimes avaient été

21 commis par des membres de l'armée, mais qu'en même temps il a reçu des

22 informations également suivant lesquelles ces crimes avaient fait l'objet

23 d'enquêtes de la part des autorités judiciaires militaires, qui étaient les

24 autorités compétentes pour régler ce genre de questions.

25 Lorsqu'il a commencé à recevoir les premiers renseignements portant

26 sur des crimes plus graves au Kosovo, le général Ojdanic a pris des mesures

27 rapidement et de façon décisive. Il a intimé des enquêtes, insisté sur le

28 fait qu'il voulait recevoir des rapports à propos de la situation de la

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1 part de ses subordonnés, a immédiatement porté cette affaire à l'attention

2 de son propre supérieur le président Milosevic, et a émis toute une série

3 de directives et d'ordres, en insistant sur le fait qu'il fallait que le

4 droit humanitaire international soit respecté, a menacé ses supérieurs pour

5 les conséquences personnelles d'infractions de la part de leurs

6 subordonnés, et a renforcé le système judiciaire militaire.

7 Nous indiquons donc qu'aucun élément de preuve n'a été présenté qui

8 permettrait à la Chambre de première instance de trouver que le général

9 Ojdanic a manqué de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables

10 pour prévenir et punir les crimes commis au Kosovo.

11 L'Accusation a fait souvent référence au fait que le général Ojdanic avait

12 tout à fait respecté son obligation en tant que commandant pour prévenir

13 ces crimes. Ce sont des efforts qui sont d'autant plus extraordinaires

14 lorsque l'on considère le contexte dans lequel oeuvrait le général Ojdanic,

15 qui se trouvait quotidiennement confronté à un barrage de bombes qui

16 étaient larguées sur tout le territoire de la Serbie par les forces

17 conjuguées des plus grandes superpuissances du monde.

18 L'homme d'Etat, Edmund Burke, a dit : "Tout ce qui est nécessaire pour que

19 triomphe le mal, c'est que tout simplement les hommes de bonne volonté ne

20 fassent rien." L'Accusation dans ce prétoire a montré que des actes

21 diaboliques ont été commis au Kosovo contre les Albanais, tout comme dans

22 un autre prétoire on démontre que des actes diaboliques ont été commis au

23 Kosovo contre les Serbes.

24 Mais l'Accusation a montré ou a prouvé que le général Ojdanic ne faisait

25 pas partie de ces gens maléfiques, et ne faisait pas partie de ceux qui

26 n'agissaient pas; plutôt, comme vous l'avez entendu de la part du général

27 Loncar, du général Perisic et du général Vasiljevic, le général Ojdanic

28 était un homme de bonne volonté, un bon soldat et un bon commandant qui a

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1 agi de façon professionnelle et sans aucune discrimination ou haine

2 ethnique. Aucun témoin qui a comparu dans cette affaire n'a prononcé une

3 parole négative à son sujet.

4 Les preuves documentaires de l'Accusation nous ont prouvé qu'il n'a pas

5 ménagé ses efforts pour essayer de faire bien les choses. Il n'y a aucun

6 moyen de preuve présenté qui permettrait à la Chambre de première instance

7 de le prouver coupable au-delà de tout doute raisonnable.

8 Nous ne sommes pas ici des effets de manches ou pour nous lancer dans la

9 procédure. La vérité est que le général Ojdanic est innocent, et il l'est

10 parce que le Procureur Arbour avait pris la décision dans l'acte

11 d'accusation de faire comparaître ici les plus hauts responsables de la

12 Yougoslavie, et que c'était, en fait, une autre arme dans l'arsenal de

13 l'OTAN.

14 Il n'y a aucun élément de preuve qui prouve la responsabilité pénale du

15 général Ojdanic. Il ne devrait pas être ici. Nous vous demandons de faire

16 droit à la demande d'acquittement pour le général Ojdanic.

17 Je vous remercie.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître Sepenuk.

19 Maître Ackerman.

20 Monsieur Ackerman, vous avez encore une minute parce que le Juge

21 Chowhan a une question à poser à M. Sepenuk.

22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] A un moment vers le milieu de votre

23 discours, vous avez parlé de troupes qui ont été envoyées pour protéger les

24 Serbes, donc des troupes de la VJ ont été envoyées. Gardant cela à

25 l'esprit, il s'agit quand même d'une organisation nationale. Or, la façon

26 dont vous avez prononcé les choses et la façon dont j'ai compris les choses

27 font ressortir qu'il y avait ici qu'une organisation nationale qui se

28 préoccupait uniquement de certaines groupes ethniques et pas de tous les

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1 groupes ethniques. Vous n'avez dit nulle part que la VJ aurait envoyé des

2 troupes, des hommes ou des équipements pour protéger un autre groupe

3 ethnique de la même façon, tel que vous l'avez présenté en tout cas.

4 Donc, si c'est une armée nationale, quelle était l'impression que cela

5 donnait sur le terrain ? Normalement, une armée appartient à tout le monde

6 et aurait dû donner cette impression justement. Donc, toute situation de

7 tumulte devrait être résolue uniquement parce qu'il y a A ou B ou C, mais

8 parce que c'est du devoir national d'une organisation nationale de

9 s'assurer que tout ceci va être résolu. Enfin, j'aimerais bien que vous

10 m'expliquiez un peu la chose.

11 M. SEPENUK : [interprétation] Bien sûr.

12 Donc, vous dites que c'est au milieu de mon discours. Je pense que

13 c'est ce que j'avais à dire à propos de Podujevo, n'est-ce pas, la présence

14 à Podujevo ?

15 M. LE JUGE CHOWHAN : [aucune interprétation]

16 M. SEPENUK : [interprétation] Oui. Je vous parlais de la population serbe

17 principalement parce que la majorité de la population là-bas était des

18 Albanais, mais c'était les Serbes qui quittaient cet endroit en masse.

19 C'était ça qui préoccupait l'armée. On voulait protéger les civils serbes

20 qui demandaient la protection de l'armée.

21 Ce n'est pas que l'armée n'avait rien à faire des civils albanais, ils ne

22 s'en occupaient pas, mais il y avait une présence très forte de l'UCK, donc

23 les Albanais se sentaient plutôt bien dans cet endroit où il y avait une

24 présence forte de l'UCK. Rien n'indique d'ailleurs que le chef d'état-major

25 de l'armée ou que l'armée avait des sentiments négatifs envers les

26 Albanais, ils n'auraient pas réagi si, par exemple, des citoyens albanais

27 avaient protesté, puisqu'il y en avait d'ailleurs des citoyens albanais qui

28 étaient très, très maltraités par l'UCK. Je suis certain que dans cette

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1 situation, s'ils avaient réclamé, s'ils avaient protesté, les forces serbes

2 les auraient aidés.

3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Oui, mais ce n'est jamais arrivé,

4 malheureusement. Donc, on n'a jamais vu de situation qui étayerait

5 exactement la thèse que vous nous présentez. Pouvez-vous donner une

6 indication si c'est arrivé à un moment ou un autre où les Serbes allaient

7 protéger un autre groupe ethnique ?

8 M. SEPENUK : [interprétation] Il y avait un grand nombre de rapports de la

9 part de la Mission de vérification du Kosovo au cours de ce procès portant

10 sur des traitements tout à fait impropres infligés par l'UCK à des

11 Albanais, des meurtres, des kidnappings d'Albanais considérés comme

12 collaborateurs. Je pense que les moyens de preuve sont assez clairs pour ce

13 qui est de ceci, et que le MUP a toujours réagi à ce type d'information.

14 Ils ne l'ignoraient pas. Ils enquêtaient, et ils le prenaient très au

15 sérieux. Du moins cela a été montré à de nombreuses reprises.

16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

20 Sepenuk.

21 Monsieur Ackerman, vous avez la parole.

22 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous allons nous arrêter à

23 17 heures 30 ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien.

26 Donc, bonjour à tous. Je suis ravi de pouvoir vous parler au nom du général

27 Pavkovic. Comme vous l'avez remarqué sans doute, mes collègues ont abordé

28 un grand nombre de sujets que je devrais moi aussi aborder. Mais je ne vais

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1 pas être fastidieux et répéter ce qui a été dit par mes collègues; tout

2 d'abord, leurs analyses des points de droit sur lesquels je suis

3 parfaitement d'accord, d'ailleurs.

4 Mon intention est plutôt d'essayer, dans la mesure du possible, de suivre

5 les recommandations du Juge Bonomy, quand vous nous avez dit : La procédure

6 de 98 bis est une procédure où vous n'avez qu'à, du côté de la Défense,

7 vous lever pour dire, les preuves ne sont pas suffisantes, et c'est au

8 Procureur maintenant de supplémenter les preuves.

9 Donc, ce paragraphe a été écrit il y a environ cinq à six semaines, et

10 malheureusement, depuis, j'ai étoffé un peu mon propos, mais je pense que

11 j'aurais que pour une heure et rien de plus.

12 Donc, je ne vais pas vraiment rentrer dans les détails à propos des

13 éléments de preuve qui nous ont été présentés en l'espèce. J'ai bien

14 remarqué que vous avez bien fait attention, que vous avez pris énormément

15 de notes. Je n'ai pas à vous répéter ce qu'ont dit les différents témoins.

16 Certes, il y a énormément d'éléments. Maintenant, je vais essayer de vous

17 aider pour que vous compreniez exactement ce qu'il en est.

18 Donc, il y a plus de 100 ans, le général William Tecumseh Sherman,

19 qui est le général des Etats-Unis, du côté confédéré, a

20 dit : "La guerre, c'est l'enfer," et c'est vrai. Presque tous les jours

21 maintenant, on entend parler de cet enfer de la guerre. On entend parler de

22 l'Irak; de l'Afghanistan; de la Somalie; du Darfour; du Sri Lanka; et de

23 situations qui sont assez proches de ce qui s'est passé au Kosovo en 1998

24 et 1999.

25 La guerre, certes, c'est l'enfer, mais la guerre est légale. La

26 guerre n'est pas illégale. La guerre moderne n'a rien à voir avec les

27 guerres napoléoniennes à propos desquelles on a appris de grandes choses à

28 l'école primaire, puisque ce ne sont plus des guerres sur des champs de

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1 bataille, ce sont des guerres qui sont combattues parmi les civils dans les

2 villes.

3 Ce sont souvent des guerres provoquées par des terroristes, par des

4 insurgés qui veulent repousser un gouvernement, prendre la place d'un

5 gouvernement et prendre le contrôle de l'Etat. Ce ne sont plus deux Etats

6 qui se battent pour avoir un territoire.

7 C'est ce type de guerre d'ailleurs qui décrit bien ce qui s'est passé

8 au Kosovo. Dans le cadre de ces guerres, un grand nombre de civils

9 succombent, un grand de civils et un nombre tout à fait inacceptable de

10 civils succombent. Si les choses pouvaient changer, nous essayerions de le

11 faire.

12 Tous les jours on entend parler de ces atrocités. Ne serait-ce

13 qu'hier à la BBC, nous avons entendu parler d'un incident où en Afghanistan

14 où l'OTAN attaquait un groupe de Talibans qui, bien entendu, était caché

15 parmi la population civile, et cette attaque de l'OTAN a provoqué la mort

16 d'environ 30 civils. Or, l'OTAN n'avait aucune intention de tuer ces civils

17 au départ, mais l'OTAN voulait régler une situation difficile, difficile à

18 laquelle étaient confrontées ces troupes en Afghanistan.

19 La guerre moderne génère aussi énormément de réfugiés. Ce n'est pas

20 le but de la guerre, mais c'est un effet secondaire inévitable de ces

21 guerres. Donc, quand la guerre se combat parmi les citoyens mais avec des

22 armes modernes, la peur est intense, les gens s'en vont, sont paniqués.

23 Regardez le nombre de réfugiés qui ont quitté l'Irak depuis l'invasion de

24 l'Irak il y a quatre ans.

25 Les dirigeants militaires modernes ont étudié ces guerres modernes

26 dans les écoles militaires au cours de leur carrière. Ils ont appris qu'une

27 caractéristique de ces guerres, c'était l'exode massif des civils qui

28 quittent les zones de guerre. Les gens veulent s'enfuir, qu'ils ont peur

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1 des bombes. Ils ont peur des fusils. Vous auriez peur, j'aurais peur, tout

2 le monde aurait peur. On n'a pas besoin de nous dire qu'il faut se mettre à

3 l'abri.

4 Donc, la réalité des réfugiés ne suggère pas automatiquement qu'on

5 les a obligés à quitter leurs maisons dans le cadre d'un crime de guerre.

6 Les gens responsables veulent se sauver, ils veulent sauver leur peau, et

7 c'est ce que font les réfugiés. Ils veulent juste sauver leur peau. C'est

8 ce qu'ils font dans le monde entier. Donc, quand on se demande si c'est

9 l'OTAN ou l'UCK ou les Serbes ou peut-être un autre facteur qui a poussé

10 les gens du Kosovo à fuir, on a tendance là à ignorer que la guerre c'est

11 l'enfer, et que les gens, tout simplement, quittent l'enfer.

12 Alors, pourquoi est-ce que les gens quittent leurs maisons pendant la

13 guerre ? C'est simple; c'est uniquement parce qu'ils ont peur et ils

14 veulent se mettre à l'abri. Ils veulent trouver un endroit qui est -- où

15 ils sont [imperceptible] et il n'y aura pas de bombes, qu'il n'y aura pas

16 de tirs. Donc, ce qui s'est passé au Kosovo n'est pas l'une de ces guerres

17 de campagne à la Napoléon, bien carrée. Pas du tout. C'était une guerre

18 moderne et une guerre provoquée par des terroristes.

19 Dans toute guerre moderne aussi, il y a de nombreuses atrocités sous

20 différentes formes. Les hommes qui combattent sont souvent très jeunes. En

21 Afrique, parfois même ce sont les enfants. Donc, il est facile de demander

22 à des jeunes de se battre. C'est pour cela que les combattants sont jeunes.

23 Ils se sentent immortels. Ils ont l'impression que les balles ne peuvent

24 pas les atteindre. Ils chargent avec courage quand on leur demande.

25 Et malheureusement aussi, parfois ils enfreignent la loi et commettent des

26 crimes de guerre. Et aucun effort de leur commandant pour empêcher les

27 viols, les violences, les meurtres, les sévices et les viols, ne peut avoir

28 quoi que ce soit.

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1 C'est arrivé aux Américains, c'est arrivé aux Anglais, en Irak et en

2 Afghanistan; c'est arrivé partout où il y a des guerres.

3 Nous sommes humains. C'est parce que nous avons des sentiments et

4 c'est pour cela quand on entend parler de telles atrocités on veut trouver

5 un bouc émissaire. On veut trouver une personne qui soit responsable, qui

6 peut être sanctionnée, aussi bien qu'il y ait quelqu'un qui est

7 responsable. Il y a que quelqu'un qui l'a payé pour les actions de ces

8 jeunes gens à qui on a donné des fusils, à qui on a dit d'aller se battre.

9 Ce ne peut être qu'une créature diabolique qui a instrumentalisé tout cela.

10 Donc, on essaie de trouver -- donc on regarde du côté des dirigeants

11 pour trouver une justification à ce comportement épouvantable de nos

12 enfants. On ne peut pas imaginer que nos enfants puissent agir aussi mal,

13 et c'est pour ceci donc que nous en arrivons à des procès comme celui-ci.

14 Mais cela dit, quand on regarde ce qui se passe dans les grandes

15 villes du monde, en Amérique, en Grande-Bretagne, il y a des crimes qui

16 sont commis dans les rues de ces villes par des enfants qui ont des armes.

17 Il y a des jeunes qui commettent des crimes, des viols, des meurtres. En

18 tout cas, dans mon pays, ce sont des choses qui arrivent tous les jours. Et

19 pourtant, là, ils ne sont pas en train d'obéir à des ordres; ils commettent

20 des crimes, et rien de plus.

21 Alors, pourquoi est-ce que cela nous surprend tant quand il y a des crimes

22 commis dans une zone de guerre, où les choses sont encore plus faciles

23 puisqu'on leur a donné des armes ? On leur a donné non seulement des armes,

24 mais des munitions. On leur a donné la liberté de faire ce qu'ils veulent.

25 C'est tellement facile d'aller, d'outrepasser les limites.

26 Donc, nous devons prendre en compte le fait que les dirigeants ne

27 peuvent pas éviter ce type de débordement. Dans toutes les guerres que vous

28 avez vécues au cours de votre vie, vous avez vu que les dirigeants n'ont

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1 jamais pu empêcher ce type d'activités. Des efforts ont été faits, et des

2 efforts ici en l'espèce ont été effectués, comme M. Sepenuk vous l'a fait

3 remarqué d'ailleurs en détail. Mais ces efforts ne sont guère couronnés de

4 succès, malheureusement.

5 Je suis certain que les commandants de l'armée yougoslave, que les ordres

6 qu'ils ont donnés sont les mêmes que les ordres qui ont été donnés par les

7 commandants de l'armée britannique et de l'armée américaine quand ils sont

8 rentrés en Irak pour commencer ce qui s'y est passé.

9 Donc, le Kosovo, ce n'est pas la Deuxième Guerre mondiale. Ce n'est pas un

10 Etat voyou qui essaie de conquérir brutalement un territoire. Il s'agit

11 d'un peuple qui veut préserver son territoire contre des terroristes bien

12 armés et bien financés, qui veulent non seulement se débarrasser du

13 gouvernement, mais qui veulent aussi prendre le contrôle d'une partie du

14 territoire.

15 Je veux maintenant aborder l'entreprise criminelle commune, car il

16 s'agit d'un point important en l'espèce. J'imagine que vous avez tous pu

17 regarder l'arrêt Brdjanin, où l'entreprise criminelle commune a été abordée

18 en détail. La Chambre d'appel s'est appuyée sur des travaux effectués par

19 le Juge Bonomy à propos de cette entreprise criminelle commune.

20 Le Juge Bonomy a analysé plusieurs affaires datant de la Deuxième

21 Guerre mondiale et ces analyses ont été extrêmement utiles à la Chambre

22 d'appel. Tout d'abord, l'affaire Justice. Donc là, c'était un accusé qui

23 s'appelait Lautz, qui était le procureur des tribunaux populaires, et qui

24 avait émis des actes d'accusation contre des Polonais, qui étaient donc

25 accusés de trahison parce qu'ils avaient quitté leurs lieux de travail pour

26 essayer de quitter l'Allemagne et passer en Suisse. Or, il suivait un plan

27 très clair de discrimination raciale, et les Polonais qui avaient été

28 accusés par lui ont été condamnés à mort et exécutés. Mais il n'a pas

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1 exécuté ces personnes, certes, lui-même, mais il avait émis l'acte

2 d'accusation. Et le fait d'avoir émis cet acte d'accusation l'a rendu

3 coupable de la mort de ces personnes. Mais ici, le Juge Bonomy a vu qu'il y

4 avait un lien et il a vu que c'était l'action de Lautz qui avait résulté

5 dans la mort de ces personnes contre qui il avait émis des actes

6 d'accusation.

7 Rothaug a aussi été condamné, parce qu'il avait condamné à mort trois

8 Polonais et un Juif en application, bien sûr, de cette politique de torture

9 et d'extermination des races polonaises et juives. Donc, certes, les

10 bourreaux n'étaient pas ni Rothaug ni Lautz, mais ce n'était pas une

11 défense correcte, puisque ce sont leurs propres actions qui ont résulté

12 dans ces morts. Ils ont demandé des accusations, ils ont demandé les

13 exécutions d'en plus pour exécuter ce plan. Vous ne trouvez pas d'ordre de

14 ce type donné par le général Pavkovic, en l'espèce, et demandant donc la

15 commission de délit.

16 Maintenant, le Juge Bonomy a aussi parlé de l'affaire Rusha, Hofmann

17 et Hildebrandt. En réponse à des affirmations des accusés, selon lesquelles

18 ils n'avaient pas commis eux-mêmes les crimes physiquement, le Tribunal a

19 considéré qu'un accusé ne peut pas se défendre en disant qu'il n'a jamais

20 procédé lui-même à l'évacuation d'une population, s'il a dirigé cette

21 évacuation, ou du moins s'il a demandé cette évacuation.

22 Donc, certes, l'accusé n'avait pas lui-même effectué la déportation

23 physique de cette population, mais il avait été quand même responsable. Il

24 était responsable de cette action, puisqu'il a participé en mettant en

25 œuvre l'action. De ce fait, il était encore plus responsable que ceux qui

26 avaient exécuté son ordre.

27 Et ici en l'espèce, vous ne verrez absolument aucun ordre de ce type

28 émis par le général Pavkovic.

Page 12477

1 L'affaire Brdjanin a abordé la question selon laquelle l'Accusation

2 doit prouver qu'il y a un lien entre l'individu qui est accusé est les

3 auteurs qui ont commis les crimes. Au paragraphe 412, la Chambre d'appel a

4 écrit, je cite : "Comme le reconnaît l'Accusation, un accusé ne peut être

5 tenu responsable de la conduite criminelle d'une autre personne que si l'on

6 peut prouver qu'il y a un lien entre l'accusé et le crime qui servira de

7 base légale portant sur la responsabilité pénale."

8 Au paragraphe 418 : "La Chambre d'appel déclare que la conclusion

9 conflictuelle de l'arrêt de la Chambre de première instance a été obtenue,

10 parce qu'il considérait qu'il n'était pas adéquat de rendre un accusé

11 responsable si le lien entre celui qui a physiquement perpétré le crime est

12 trop tenu."

13 Le Juge Van Den Wyngaert, dans une déclaration séparée dans l'affaire

14 Brdjanin, a, je crois, apporté beaucoup de lumière sur ce point. Au

15 paragraphe 4, elle écrit, et je cite : "Le jugement de la Chambre d'appel

16 montre bien que l'entreprise criminelle commune n'est pas un système très

17 lâche qui permet que l'on puisse juger quelqu'un coupable en se basant sur

18 l'association uniquement. Je suis tout à fait d'accord avec ces

19 conclusions, puisqu'il faut des limites quand même quand on traite de cette

20 entreprise criminelle commune, en se basant d'abord sur la jurisprudence.

21 Le lien entre l'accusé et la conduite criminelle de l'accusateur [comme

22 interprété] principal ne vient pas, en fait, de l'appartenance de l'auteur

23 du crime à l'entreprise criminelle commune, mais de la contribution de

24 l'accusé à l'entreprise criminelle commune et cette contribution doit être

25 importante."

26 Donc, cela ne suffit pas. Il ne suffit pas de montrer que les crimes

27 ont été commis puisqu'il n'y a pas de guerre moderne où aucun crime ne

28 serait commis. Il faut pouvoir établir un lien entre l'accusé et l'auteur

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1 du crime, l'auteur physique du crime, tel que nous l'avons décrit ci-dessus

2 et même dans une situation d'entreprise criminelle commune.

3 Or, cette affaire est quand même tout à fait spéciale parmi toutes

4 les affaires dont j'ai parlé lors de mes propos liminaires. Peut-être

5 serait-il l'heure de faire la pause et je vous parlerai après la pause du

6 caractère spéciale de cette affaire.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, nous allons donc

8 faire la pause et nous reprendrons à 18 heures.

9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.

10 --- L'audience est reprise à 18 heures 02.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

13 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai parlé d'autres

14 guerres qui ont eu lieu; la Deuxième Guerre mondiale, qui a duré pendant

15 six ans; ce qui se passe en Irak a commencé il y a cinq ans. Si vous

16 preniez en considération le Kosovo et la période pour les faits incriminés,

17 cela couvre cinq semaines. Tout le conflit a duré en tout et pour tout 78

18 jours, à partir du 24 mars jusqu'au moment où les forces serbes sont

19 parties, ont quitté le Kosovo. Pour ce qui est de la période qui nous

20 intéresse, il s'agit d'une période de cinq semaines. Donc, c'est très, très

21 court pour ce qui est de commandants supérieurs qui doivent être informés

22 d'événements qui se sont déroulés, qui doivent réagir à ces événements et

23 qui doivent prendre des mesures de prévention et de punition.

24 Puis l'autre chose qu'il ne faut pas oublier, lorsque ce conflit

25 s'est terminé et lorsque les forces serbes ont quitté le Kosovo, la

26 possibilité de mener à bien des enquêtes pour savoir ce qui s'était passé

27 dans certains des villages, cette possibilité n'existait plus puisque

28 aucune enquête n'aurait pu être faite, puisque les forces serbes n'ont pas

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1 eu l'autorisation d'entrer au Kosovo après cela.

2 Alors pour l'essentiel, même si nous savons que les crimes ont été

3 commis, ces meurtres et assassinats ont été commis dans des villages, et

4 nous ne savons pas qui est l'auteur de ces crimes. Cela fait des années que

5 l'Accusation essaie de savoir qui sont les auteurs de ces crimes, en vain

6 d'ailleurs, en règle générale. Mais l'Accusation indique que -- elle avance

7 qu'un général tel que Pavkovic, qui se trouvait très, très loin de

8 l'endroit où se déroulaient ces événements aurait dû être informé de ces

9 crimes et aurait dû savoir qui les avait commis sur-le-champ quasiment.

10 Cela, véritablement, défie toute logique, car il y a eu de nombreuses

11 années d'enquête, huit années d'enquête, et tout ce que l'Accusation est en

12 mesure de nous dire, c'est la couleur des uniformes portés par les auteurs

13 de ces crimes, et rien de plus.

14 Il faut bien savoir que les gens qui commettent des crimes de guerre

15 ne vont pas après se vanter de les avoir commis, et même leurs supérieurs

16 immédiats, même le commandant de la compagnie, par exemple, n'est pas

17 particulièrement enthousiaste pour indiquer ce que faisaient les gens qui

18 étaient placés sous leur commandement, par crainte de ce qui pourrait leur

19 arriver. Nous savons, en fait, que les auteurs ont essayé d'éliminer toute

20 trace de ces crimes, qu'il s'agisse de crimes commis pendant la guerre ou

21 qu'il s'agisse de crimes commis dans la rue de n'importe quelle ville de ce

22 monde.

23 Nous devons nous demander quand est-ce que le général Pavkovic a été

24 informé de ces crimes qui font partie, en fait, de l'acte d'accusation ?

25 Vous n'allez pas le savoir en entendant les éléments de preuve qui ont été

26 présentés. Peut-être qu'il n'a été informé de ces crimes que lorsqu'il a

27 pris connaissance de l'acte d'accusation. L'Accusation doit prouver qu'il

28 avait connaissance de ces crimes et qu'il ne les a ni empêchés ni

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1 sanctionnés ou punis. Nous devons nous demander ce qu'il n'a pas fait, à

2 quoi correspond ce manquement, car où et quand est-ce que les éléments de

3 preuve ont été présentés, quand est-ce qu'on nous a indiqué ce que le

4 général Pavkovic n'a pas su ou n'a pas pu faire ?

5 Il y a donc cet acte d'accusation, et mon client, le général

6 Pavkovic, est accusé d'avoir commis de façon indirecte des crimes pendant

7 l'année 1999. Vous avez entendu des éléments de preuve portant sur des

8 activités criminelles en 1999, et ce, de la part de résidents ou de

9 villageois du Kosovo dont certains étaient crédibles, d'autres l'étaient

10 beaucoup moins et d'autres ne l'étaient absolument pas. Mais aucun n'a

11 impliqué le général Pavkovic.

12 Ce que nous avons entendu, cependant, et c'est assez d'ailleurs

13 étrange que de le faire remarquer, c'est qu'il y a des événements qui se

14 sont produits en 1998, et de nombreux témoins ont défilé ici à la barre,

15 ils n'ont pu témoigner qu'à propos de l'année 1998. Quasiment tous les

16 témoins internationaux que nous avons entendus ici ont fourni des éléments

17 de preuve à propos de l'année 1998. Si le bureau du Procureur avait des

18 éléments à charge pour les événements en 1998, ils n'ont pas d'acte

19 d'accusation pour l'année 1998. Ils ont toutefois un acte d'accusation pour

20 l'année 1999, mais ils n'ont pas d'éléments à charge pour l'année 1999.

21 Et l'un des éléments qui a surgi à maintes reprises - et je suggère

22 que c'était véritablement une tentative de digression dans cette affaire -

23 c'est qu'ils ont essayé d'établir le fait suivant : le général Pavkovic

24 opérait hors ou en ne tenant pas compte de la chaîne de commandement et la

25 filière hiérarchique en 1998. Alors premièrement, il s'agit de l'année

26 1998. Deuxièmement, s'il a agi en ne prenant pas en considération la

27 filière hiérarchique en 1998, cela n'a aucune incidence ou très peu

28 d'incidence sur les chefs d'inculpation de l'acte d'accusation qui visent

Page 12481

1 l'année 1999.

2 Donc il est absolument manifeste que les allégations de l'Accusation

3 ont échoué en quelque sorte. Il s'agit d'éléments de preuve au mieux qui

4 sont d'autant de conjonctures et au pire qui sont tout à fait fausses et

5 erronées.

6 Il semblerait que le général Perisic aurait essayé de présenter des

7 éléments de preuve pour faire en sorte que lui soit absout, et ce faisant,

8 il s'est lancé dans des allégations erronées à l'encontre d'autres

9 personnes. Je ne peux pas vous offrir beaucoup plus d'éléments de preuve de

10 ce que j'avance et beaucoup plus que l'Accusation n'en a présenté lorsqu'il

11 dit que je disais que le général Pavkovic opérait en ne prenant pas en

12 considération la chaîne de commandement.

13 Si Perisic est ainsi préoccupé que sa lettre à Milosevic semble

14 l'indiquer, il aurait pu remplacer Pavkovic sur-le-champ d'ailleurs. Il

15 était son commandant. Il avait tout à fait le plein pouvoir pour le

16 remplacer, pour le révoquer lui, il ne l'a pas fait.

17 Bien au contraire, le 10 janvier 1999, le général Samardzic,

18 commandant de la 3e Armée, a indiqué que le général Pavkovic était

19 absolument exceptionnel. Cela fait l'objet de la pièce 4D136. Et Vasiljevic

20 vous a dit ce qu'il pensait de lui à la page 8 810 du compte rendu

21 d'audience. Donc il est tout à fait possible d'envisager que Samardzic

22 aurait considéré le général Pavkovic comme un général excellent s'il avait

23 opéré en ne prenant pas en considération la chaîne du commandement, comme

24 l'indique maintenant ou comme l'a indiqué le général Perisic.

25 Puis il a été avancé, une fois de plus par le général Perisic, que

26 Pavkovic aurait eu des réunions avec Milosevic toujours en ne prenant pas

27 en considération la voie hiérarchique, en privé, et de façon secrète. Les

28 éléments de preuve présentés étaient que Vasiljevic a dit qu'il l'avait vu

Page 12482

1 sortir du Palais blanc à un moment, qu'il en a conclu qu'il avait dû avoir

2 une réunion avec Milosevic. Plus tard, lors de sa déposition, Vasiljevic a

3 dit que Milosevic l'avait confirmé, avait confirmé qu'il avait une réunion

4 avec Pavkovic, mais qu'il s'agissait d'une question tout à fait privée.

5 Une fois de plus, cela me semble être une digression, on essaie de

6 nous induire en erreur. Parce que si Pavkovic a eu une réunion avec

7 Milosevic, si l'Accusation ne peut pas nous le prouver, je ne vois pas en

8 quoi cela a une pertinence par rapport aux crimes et aux chefs

9 d'inculpation de l'acte d'accusation. Il n'a jamais été prouvé que le

10 général Pavkovic a fait quelque chose qui était criminel à la suite de

11 cette réunion, de cette soi-disant réunion secrète avec Milosevic.

12 Alors pourquoi tous ces éléments présentés, pourquoi est-ce qu'il est

13 question d'œuvrer, d'opérer en dehors de la filière hiérarchique ? C'est

14 parce que l'Accusation indique que la VJ avait été utilisée de façon

15 illégale au Kosovo en 1998. Et même si ces éléments de preuve ne prouvent

16 absolument aucun des chefs d'inculpation de l'acte d'accusation, le bureau

17 du Procureur avance cela, avance ses éléments de preuve pour que d'aucun,

18 je suppose, tire la conclusion suivant laquelle Pavkovic opérait de façon

19 illicite en dehors de la filière hiérarchique, et que s'il l'avait fait en

20 1998, il se pourrait qu'il l'ait fait également en 1999. Mais si c'est ce

21 qu'avance le bureau du Procureur, il ne s'agit pas d'éléments de preuve en

22 mesure d'étayer une condamnation, tel que cela est requis par le Règlement.

23 Ce qui a été fait en 1998 ne prouve pas qu'il y a eu commission de

24 crimes pendant la période visée par l'acte d'accusation.

25 Les documents les plus essentiels ont été mentionnés par Me Sepenuk

26 lors de son intervention : le 4D137, la directive de Perisic relative à

27 l'utilisation de la VJ du document du 28 juillet 1998. Je vais vous

28 épargner les détails puisque Me Sepenuk vous les a déjà présentés.

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1 Vous avez ensuite la pièce 4D140, 29 juillet, le général Ojdanic, à

2 la suite de cette directive -- non je m'excuse. Le général Samardzic, et

3 non pas le général Ojdanic, a émis un ordre qui vise la mise en application

4 et la directive de Perisic qui datait de la veille, et qui donnait l'ordre

5 que la VJ soit utilisée exactement comme il l'avait dit à Milosevic dans sa

6 lettre, à savoir l'utilisation de la VJ n'était pas appropriée et n'était

7 pas légale.

8 L'autre document qui n'a pas été mentionné par Me Sepenuk est le

9 document 4D138, il s'agit de règles de service de l'armée yougoslave en

10 vigueur en juillet 1998. Le paragraphe 473 de ce document stipule de façon

11 très, très claire que des unités militaires peuvent être utilisées dans le

12 cadre de combats, et ce, pour prévenir des activités illicites de sabotage,

13 de terrorisme, et de la part d'autres groupes. Il n'y a pas de déclarations

14 d'urgence, de menaces imminentes de guerre ou d'état de guerre qui sont

15 nécessaires pour invoquer cette règle. Contrairement à ce qui a été dit par

16 certains témoins, il n'y absolument rien dans la constitution de la

17 République fédérale de la Yougoslavie qui stipule que l'armée ne peut

18 opérer seulement comme cela qu'au niveau de la zone frontalière.

19 Il n'y aucune preuve qui a été avancée indiquant que le général

20 Pavkovic a ordonné des actions illégales ou qu'il aurait été informé des

21 crimes commis, et qu'il n'a pas agi à la suite de cela. Il y a un document

22 important qui permet de comprendre le comportement du général Pavkovic et

23 de ce qu'il a fait, il s'agit de la pièce P1011.

24 A la page 80 de ce document vous trouvez un ordre émis par Pavkovic

25 en tant que commandant de la 3e Armée qui est un ordre extrêmement urgent

26 et qui - c'est ce qui est indiqué - et qui indique qu'il faut que les vies

27 des membres des forces armées ennemies doivent être épargnées, que ces

28 personnes doivent être traitées en toute humanité lorsqu'il s'agit de

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1 forces armées qui se rendent et qui déposent les armes ou qui ont été

2 vaincues, et ce, conformément à la convention de Genève.

3 Le 17 avril, 14 jours plus tard, toujours dans le document P1011,

4 page 90, Pavkovic émet une mise en garde et indique que pendant toutes les

5 opérations de combat toutes les dispositions du droit international de la

6 guerre doivent être respectées et que les institutions données aux membres

7 de la VJ doivent être données pour ce qui est de leur préparation, de leurs

8 tâches au Kosovo et que cela doit se faire conformément au droit

9 international de la guerre. Les organes professionnels ainsi que les

10 commandement ont pris des mesures efficaces et effectives pour prévenir

11 toute forme d'actes criminels, ensuite il est question d'un ordre de

12 l'état-major et cet ordre est cité.

13 Lorsqu'en matière de procureur militaire et de tribunaux militaires,

14 et lorsqu'on se demande ce qui a été fait pour mener à bien des enquêtes et

15 pour sanctionner, il y a un élément qu'il ne fait pas perdre de vue, il

16 s'agit de la constitution de la République fédérale de la Yougoslavie. Il

17 s'agit de l'article 136, document P856, qui stipule que le président de la

18 République fédérale de la Yougoslavie nomme les juges des tribunaux

19 militaires ainsi que les procureurs militaires. Ils sont nommés à

20 l'extérieur en quelque sorte de la chaîne de commandement de l'armée

21 yougoslave. Donc un général commandant de l'armée yougoslave n'a qu'un rôle

22 consultatif à jouer pour ce qui est de la nomination de ces procureurs, et

23 il y a une raison qui explique cela. Les juges et les procureurs militaires

24 doivent opérer en tout indépendance, tout comme les juges et les procureurs

25 dans le système civil, qui doivent également opérer en tout indépendance.

26 Il n'y aurait pas de justice si le commandant pouvait donner des ordres aux

27 procureurs et pouvait demander aux procureurs de déclencher telle chose ou

28 d'arrêter telle chose.

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1 Me Sepenuk, d'ailleurs, vous en a parlé. Ce qui est requis, ce qui est

2 exigé de la part d'un commandant s'il apprend qu'un crime a été commis,

3 c'est de faire un rapport qu'il envoie à la justice militaire des armées,

4 et lorsque cela a été fait, il s'est acquitté de sa tâche. Ce sont les

5 autres qui doivent reprendre le flambeau.

6 Le témoin de l'Accusation Pesic a témoigné que le Corps de Pristina avait

7 son propre tribunal militaire séparé ainsi que son propre procureur

8 militaire. Les procureurs du district militaire n'étaient pas subordonnés

9 aux unités du Corps de Pristina. Le Corps de Pristina -- ou le tribunal du

10 Corps de Pristina, plutôt ainsi que son procureur ont commencé à travailler

11 dès le premier jour et ont d'ailleurs examiné un certain nombre d'affaires

12 pendant et après les bombardements. Cela se trouve à la page 7 275 à 7 277.

13 Me Sepenuk a évoqué cela lorsqu'il a fait état de l'enquête de Vasiljevic,

14 enquête diligentée sur les crimes au Kosovo. Vous le verrez à la page 8

15 749. Il décrit comment ses enquêtes au Kosovo ont révélé que tous les

16 crimes avaient fait l'objet de rapports et avaient été poursuivis. La seule

17 lacune, en quelque sorte, c'est que cela n'a pas fait l'objet de rapport le

18 long de la filière ou de la voie hiérarchique. Il a dit quel était le

19 sentiment d'une partie des officiers responsables de la sécurité, qui

20 indiquait que ces crimes avaient fait l'objet de poursuites adéquates et

21 que, par conséquent, il ne s'était pas senti obligé de présenter d'autres

22 rapports le long de la voie hiérarchique.

23 Toutefois, vous devez comprendre ce que Vasiljevic dit. Ce qu'il dit, en

24 fait, c'est que les officiers de la sécurité, ses responsables de la

25 sécurité au Kosovo n'ont pas utilisé la voie hiérarchique pour présenter

26 leurs rapports. Mais il ne parle pas du Corps de Pristina qui n'aurait pas

27 présenté de rapports en passant par la voie hiérarchique ou de la 3e Armée,

28 qui n'aurait pas présenté des rapports en passant par la voie hiérarchique.

Page 12486

1 Une fois de plus, Me Sepenuk vous a donné multiples exemples de

2 rapports émis par le corps de Pristina à l'attention de la 3e Armée,

3 rapports qui ont été également copiés à l'attention de l'état-major

4 général. Il a fait référence à la pièce 5D84, que je vous ai cité en tant

5 qu'exemple, puis il a également fait référence à un certain nombre de

6 rapports de la 3e Armée qui ont été envoyés à l'état-major général dans

7 lesquels il est fait état des activités du bureau du procureur militaire et

8 de ce qu'il faisait.

9 A la page 8 750, voilà ce que Vasiljevic dit, et je cite : "Mais je dois

10 dire que ces affaires n'ont pas été dissimulées ou qu'on n'a pas essayé de

11 les étouffer. C'est mon impression. Ils n'ont pas présenté de rapport comme

12 je l'avais suggéré, parce que ces rapports avaient fait l'objet de

13 poursuites et d'enquêtes. Ils ont tout simplement pensé que le problème

14 avait été réglé, que les auteurs avaient été arrêtés, et c'est pour cela

15 qu'ils ont commis cette omission dans le système de présentation de

16 rapports."

17 Mais ce qu'a fait le général Pavkovic vous aidera à comprendre qu'il n'y a

18 aucun élément de charge présenté contre lui. Parce qu'il y a une chose que

19 vous aurez apprise lorsque vous avez entendu les dépositions dans cette

20 affaire, et je pense par exemple aux documents de Coo. En fait, le général

21 Pavkovic, avant qu'un acte d'accusation ne soit adressé à son encontre, a

22 aidé le Procureur en fournissant de nombreux documents émanant de la VJ, et

23 ces documents, ils ont été fournis au Procureur pour leurs besoins

24 d'enquête. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait lorsque l'on se sent

25 coupable. S'il aurait pensé qu'il était coupable, il aurait pensé que les

26 documents se seraient retournés contre lui.

27 Vous vous souviendrez, par exemple, que le général Ojdanic l'a convoqué à

28 une réunion à Belgrade qui a eu lieu le 16 mai, et il s'agissait de

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1 rapports portant sur des crimes qui avaient été commis au Kosovo. Lors de

2 cette réunion, le général Pavkovic a dit : J'ai étudié la question. Il y a

3 un litige à propos des auteurs des crimes, et nous devons véritablement

4 élucider, découvrir la vérité, élucider ceci et découvrir la vérité, et je

5 recommande la création ou la nomination d'une commission qui étudiera la

6 question, et ce, de façon immédiate. Ojdanic a marqué son accord. Il a dit

7 qu'il fallait que cela soit fait.

8 Ce n'est pas quelque chose que vous recommandez, quelque chose que vous

9 essayez de mettre sur pied si vous pensez que les enquêtes menées à bien

10 par la commission vont pointer un doigt accusateur en votre direction.

11 Puis, le lendemain ils sont allés rencontrer Milosevic; Pavkovic et Ojdanic

12 étaient présents. Sainovic était également présent. Ils ont recommandé à

13 Milosevic que ce qu'il fallait faire, c'est de créer une commission mixte

14 qui devrait mener à bien l'enquête sur la commission des crimes au Kosovo.

15 Ojdanic a marqué son accord, tout comme Sainovic, d'ailleurs;

16 malheureusement, Milosevic n'a pas tenu compte de cette recommandation et

17 ne l'a pas approuvé. Personne ne sait pourquoi. Personne ne sait pourquoi

18 il n'a pas trouvé que c'était une bonne idée. Mais étant donné qu'il n'a

19 pas donné son accord, la commission n'a pas été créée.

20 Donc, ceci va directement aux connaissances et à l'intention qu'aurait

21 Pavkovic, donc au paragraphe 54 de l'acte d'accusation. Il n'aurait pas

22 fait cette recommandation s'il pensait que cela allait attirer l'attention

23 sur lui. Alors, ce qu'il faut bien comprendre à propos de ces deux réunions

24 les 16 et 17 mai, c'est qu'il s'agissait de réunions secrètes; pas de

25 réunions ouvertes, de réunions en présence de la presse ou de réunions où

26 le compte rendu allait être ensuite rendu public. C'était une réunion

27 secrète. Personne n'était censé avoir connaissance de cette réunion, ou de

28 ces deux réunions. Donc, quand Pavkovic recommande la création d'une

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1 commission au cours de ces réunions, il est honnête, il est franc, il est

2 sérieux.

3 On voit d'ailleurs cette attitude dès novembre 1998, lors d'une autre

4 réunion secrète, réunion de l'équipe interdépartementale pour la

5 suppression du terrorisme qui s'est rencontré le 2 novembre; il s'agit de

6 la pièce P2166. Pavkovic a rendu compte, lors de cette réunion, des efforts

7 consentis en 1998 pour supprimer le terrorisme au Kosovo, efforts

8 d'ailleurs couronnés de succès.

9 A la page 3, il dit, et je cite, puisqu'il fait référence à un plan qui

10 avait été élaboré pour supprimer le terrorisme au Kosovo au cours de l'été

11 1998. Donc, il dit à la page 3, et je cite : "Comme on peut en conclure,

12 notre plan n'était pas de tuer tous les Albanais, les Siptar ou de les

13 chasser du Kosovo, mais de détruire les forces terroristes et de séparer

14 les terroristes des gens."

15 Donc, Monsieur le Juge Chowhan, cela peut-être peut vous donner une réponse

16 parfaite à la question que vous avez posée à Me Sepenuk, montrant bien que

17 M. Pavkovic voulait se préoccuper du sort des Albanais, et voulaient les

18 séparer des terroristes et les protéger des terroristes.

19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous remercie.

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Ce plan de Pavkovic, qui n'est pas de ni du

21 tuer ni de chasser les Siptar, a eu lieu un mois après l'allégation de

22 l'Accusation selon laquelle l'entreprise criminelle commune aurait été

23 créée; au paragraphe 20 de l'acte d'accusation.

24 Quand on voit maintenant les crimes sur lesquels est fondée l'affaire en

25 l'espèce, la plupart de ces crimes ont été commis à la fin mars et début

26 avril. Or en mai, Pavkovic en entend parler, rencontre Ojdanic, puis

27 Milosevic, recommande la création de la commission, considère que ces

28 crimes ont principalement été commis par des personnes qui ne parviennent

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1 pas à la VJ, personnes donc qu'il ne peut pas poursuivre. C'est pour cela

2 qu'il veut une commission indépendante pour être sûr que tous ces crimes

3 feront l'objet de poursuites et d'enquêtes préalables.

4 Milosevic a rejeté la recommandation de Pavkovic, mais je considère que

5 cela montre bien que Pavkovic, Ojdanic et Sainovic n'ont rien à se

6 reprocher, puisqu'ils voulaient qu'il y ait une commission d'enquête. C'est

7 ce, en revanche, qui avait à craindre de cette commission d'enquête qui l'a

8 rejetée.

9 Il est difficile d'imaginer ce que Pavkovic aurait pu faire de plus.

10 Il a élaboré des ordres disant qu'il ne tolèrerait pas que des crimes

11 soient commis. Il a fait tous les efforts possibles pour arriver à trouver

12 les personnes qui avaient commis des crimes pour qu'ils puissent être

13 poursuivis. Il a essayé de mettre sur pied une commission indépendante dont

14 le but était de diligenter des enquêtes, mais malheureusement cette demande

15 a été bloquée.

16 Maintenant, je vais aborder rapidement les allégations de l'Accusation

17 portant sur le commandement conjoint. L'existence d'un commandement

18 conjoint est une partie essentielle de la thèse de l'Accusation en ce qui

19 concerne l'entreprise criminelle commune, et pour la responsabilité de

20 Pavkovic à propos de tous les crimes commis par les forces serbes, or, je

21 fais valoir que cette allégation n'est pas fondée.

22 Regardez les preuves. Vous pouvez les regarder pendant des heures et

23 vous ne trouverez aucun rapport d'aucune unité envoyé à un commandement

24 conjoint. Les rapports d'action, les rapports de combat restent dans le

25 cadre de la chaîne de commandement qui est normale, et ce, pendant toute la

26 période de l'acte d'accusation en 1999.

27 S'il y avait des rapports qui étaient adressés à un commandement

28 conjoint, en effet, cela pourrait signifier qu'ils existent, mais il n'y en

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1 a pas. Il y a 13 ordres et décisions du commandement conjoint à partir de

2 l'année 1996 [comme interprété]; le P1966, le P2031, le P2015, le P1968, le

3 P1969, P2003, P1970, P1973, P1974, P1975, P1976, P1878 et P1977.

4 Ces documents sont assez étranges quand on les regarde en détail.

5 Cinq d'entre eux portent du 22 au 28 mars; donc une période de sept jours.

6 Les autres huit documents portent sur le 14, 15, 16, 2, 7 et 9 avril; donc,

7 il n'y a que cinq jours, là. En tout, ces ordres portent sur une période de

8 dix jours. Ils n'ont été émis qu'en l'espace de dix jours.

9 Or, quand on regarde les ordres plus courants, plus habituels, les

10 ordres d'action envoyés au Corps de Pristina, par exemple, pour se lancer

11 dans une bataille. A la fin de chaque document il y a toujours une liste de

12 distribution pour que l'on sache quels sont les destinataires. Or, si on

13 regarde ces soi-disant ordres du commandement conjoint, il n'y a pas de

14 liste de distribution. Il semblerait qu'elle n'ait pas été envoyée à qui

15 que ce soit ou diffusée à qui que ce soit.

16 Il n'y a pas de rapports après les actions qui soient envoyés à ce

17 commandement conjoint, alors que normalement dans ces soi-disant ordres du

18 commandement conjoint, il est consigné que des rapports après les faits

19 doivent être envoyés.

20 Il n'y pas de signature d'ailleurs sur ces documents. Aucun de ces

21 documents n'est signé. Et tous ces documents, sans aucune exception, quand

22 on essaie de trouver les ordres d'action donnés, on voit qu'ils sont

23 toujours libellés de la même façon : "J'ai décidé…" Ce qui est important.

24 "J'ai décidé…" Cela signifie que cet ordre est rédigé, est élaboré par une

25 seule, et non pas par un commandement conjoint.

26 Quand on les étudie de près, on voit que la seule activité demandée

27 ou exigée dans le cadre de ces ordres sont des activités des unités du

28 Corps de Pristina; et jamais d'activités des forces du MUP. Donc, ces

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1 documents ne prouvent absolument pas l'existence d'un commandement conjoint

2 qui aurait existé au cours de la période en l'espèce. En revanche, ce que

3 montrent ces documents c'est autre chose. Après "J'ai décidé…," on voit

4 d'habitude les mots suivants : "… de soutenir les forces du MUP." Et c'est

5 pour cela que les ordres du Corps de Pristina étaient de soutenir les

6 forces du MUP. Donc, ce sont des documents éventuellement de coordination,

7 mais il ne s'agit absolument pas d'ordre venant d'un commandement conjoint

8 qui donnerait des ordres à la fois à la VJ et aux unités du MUP.

9 Nous avons d'ailleurs entendu cela de la bouche du témoin K25, qui a

10 servi dans les rangs de la PJP au Kosovo en 1998/1999. Il a dit, à la page

11 2 365 -- dans la pièce P2365, page 21, il s'agissait de cette déclaration,

12 et je cite : "Au cours de mon expérience, je n'ai jamais eu connaissance

13 d'ordres qui auraient été donnés par la VJ au MUP. Je sais que pendant un

14 état de guerre, nos lois prévoient que le MUP peut être subordonné à la VJ,

15 mais ce n'est pas arrivé en ce qui me concerne."

16 Et il poursuit, d'ailleurs, et dit : "A ma connaissance c'est le MUP

17 qui effectuait les opérations de combat contre l'UCK, alors que la VJ se

18 préoccupait principalement de se déployer pour lutter contre une éventuelle

19 invasion terrestre des forces de l'OTAN. La VJ, certes, a fourni parfois

20 son soutien en arme lourde."

21 Je crois que les témoignages principaux que l'on a entendus en

22 l'espèce, et les témoignages les plus crédibles en l'espèce, sont les

23 récits qui nous ont été faits par Shaun Byrnes, à la fin de la présentation

24 des moyens de l'Accusation. Ce qui est extraordinaire à propos de Shaun

25 Byrnes, c'est que c'est un retraité, il ne travaille plus pour aucun

26 gouvernement, donc il est libre. C'est un homme libre. Il peut dire ce

27 qu'il veut. Il peut vous dire la vérité à propos de ce qu'il a vu sur le

28 terrain et à propos de ses conclusions aussi qu'il a tirées suite à son

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1 déploiement au Kosovo.

2 A la page 12 198, je lui ai posé la question suivante : "Pour ce qui

3 concerne le général Pavkovic, vous nous dites qu'il était direct et qu'il

4 était très professionnel, et vous nous dites que c'est un soldat parmi les

5 soldats qui n'était pas en train de se lancer dans de grand discours sur

6 l'histoire serbe ou sur les politiques. Est-ce une bonne façon de le

7 décrire ?

8 "Réponse : Oui, M. Ackerman, tout à fait. Mais je tiens à dire pour

9 le compte rendu que je n'ai rencontré qu'une seule fois le général

10 Pavkovic, mais je maintiens ce que j'ai dit à son propos."

11 Pour ce qui est de la VJ maintenant :

12 "Question : Pour ce qui est de la VJ, vous nous avez dit aujourd'hui

13 que la VJ était une armée qui se comportait de façon honorable et

14 professionnellement à la fois avant le conflit et aussi au cours du

15 conflit, et à propos du pilonnage effectué à l'aide des armes lourdes de la

16 VJ, et bien ce pilonnage n'avait pas pour but de provoquer des victimes,

17 mais plutôt de provoquer un harcèlement et de la panique. Est-ce vrai ?

18 Est-ce correct ?

19 "Réponse : C'est ce que j'ai dit en effet et je le maintiens."

20 Donc, ce qui a tout à fait -- cela cadre très bien avec ce que nous

21 ont dit les villageois, d'ailleurs, les obus passaient au-dessus des toits

22 de leurs toits [comme interprété] et non pas sur leurs toits. C'est comme

23 si la VJ est en train de viser quelque chose qui était au-delà du village

24 et non pas quelque chose dans le village. Mais là, cela a à voir avec cette

25 nouvelle guerre moderne dont je vous parlais précédemment, où il faut

26 arriver à séparer la population civile des combattants et c'est une façon

27 d'ailleurs de procéder.

28 Pour en revenir à ce problème du commandement conjoint, en juillet

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1 1998 alors que Pavkovic commandait le Corps de Pristina et que Samardzic

2 était le commandant de la 3e Armée, nous avons encore un aperçu de la façon

3 dont l'armée prenait en compte ce soi-disant commandement conjoint. Si vous

4 vous souvenez de la pièce 4D91, Samardzic autorise Pavkovic à participer

5 aux réunions du commandement conjoint; avant, cela dit, il demande à mettre

6 au courant le chef d'état-major de la 3e Armée des propositions qui vont

7 être faites lors de cette réunion sur l'engagement des forces. Et ce n'est

8 qu'avec le consentement du chef d'état-major qu'il a pu assister à la

9 réunion.

10 Après la réunion, il a dû à nouveau faire rapport au chef d'état-

11 major sur les propositions qui pourraient être acceptées et faire rapport

12 aussi sur toutes requêtes divergentes par rapport aux propositions

13 précédentes, et demander le consentement du général Samardzic ou du chef

14 d'état-major à propos de ces demandes éventuelles. On lui a aussi demandé

15 d'informer le commandement conjoint de la 3e Armée à propos des décisions

16 portant sur ces requêtes.

17 Donc en 1998, ce commandement conjoint ne pouvait que proposer une

18 participation conjointe de l'armée, et la 3e Armée pouvait éventuellement

19 l'approuver, mais n'avait aucun ordre à recevoir de ce commandement

20 conjoint.

21 Le bureau du Procureur allègue aussi que le général Pavkovic a essayé

22 d'étouffer certaines affaires. Lors de son mémoire préalable au procès pour

23 ce qui est de l'entreprise criminelle commune, l'Accusation a suggéré que

24 l'accusé a essayé d'éviter et d'étouffer des enquêtes et a fait des efforts

25 pour cacher les crimes qui auraient été commis au Kosovo. Selon le bureau

26 du Procureur, c'est parce que l'accusé se sentait coupable de ces crimes.

27 Mais souvenez-vous de ce Vasiljevic a dit après les enquêtes au

28 Kosovo : "Je dois dire qu'ici rien n'a été étouffé."

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1 Donc vous n'avez aucune preuve montrant que Pavkovic aurait pris des

2 mesures pour couvrir des crimes qui auraient été commis au Kosovo; c'est

3 absolument le contraire, en revanche, qui s'applique puisqu'il a demandé la

4 création d'une commission pour faire la lumière sur ce qui s'était passé.

5 Le chef 1 et le chef 2 portent sur l'expulsion et les transferts

6 forcés. Il est certes vrai qu'un grand nombre de personnes quittaient le

7 Kosovo; on ne sait pas vraiment pourquoi. Il se pourrait que ce soit parce

8 qu'ils avaient peur des bombardements de l'OTAN; on sait aussi qu'ils

9 avaient peur parce que l'UCK leur avait ordonné de partir; on sait aussi

10 qu'ils sont partis parce qu'il y avait des combats entre les forces serbes

11 et l'UCK dans leur région; on sait aussi qu'il sont partis parce que les

12 forces serbes leur ont dit de partir; on sait qu'ils sont partis parce que

13 des civils serbes leur ont dit de partir.

14 Mais ce qu'on ne sait pas, ce dont on a jamais réussi à prouver

15 jusqu'à présent, ce sont des éléments de preuve qui étayeraient la

16 condamnation éventuelle de Pavkovic pour expulsion, tel que cela n'est

17 reproché dans l'acte d'accusation. Il n'y a aucun ordre de Pavkovic

18 exigeant et demandant que des personnes soient expulsées.

19 K25, là je cite encore ce soldat de la PJP, et je cite : "Chaque fois

20 qu'une opération a eu lieu dans un village, il y toujours des civils qui

21 vont être pris dans les combats. Pour nous, ce sont des réfugiés et on

22 essaie de les envoyer derrière les lignes." Il s'agit de la page 9 du

23 document P2365.

24 Pour ce qui est de l'UCK, nous avons eu un grand nombre de moyens de

25 preuve venant de témoins selon lesquels l'UCK a dit aux personnes de

26 quitter les villages. Nous savons aussi que l'UCK essayait d'obtenir la

27 sympathie de la communauté internationale, voir la pièce P680, donc les

28 documents de travail de l'OSCE. Ensuite le P689.

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1 Donc Halimi a quitté Zabar, parce qu'un membre de l'UCK lui a dit

2 qu'il fallait qu'elle parte pour sa sécurité.

3 L'UCK utilisait les gens comme bouclier humain. Il s'agit des propos

4 de Zyrapi, 2448.

5 Le Juge Bonomy a demandé à Zyrapi - c'est à la page 5 949 du compte

6 rendu - je cite : "Votre réponse suggère que vous avez augmenté le danger

7 en retenant la population dans la région où l'UCK avait le contrôle sur le

8 territoire."

9 Les chefs d'Accusation 3 et 4 concernent les meurtres. Pour ce qui

10 est de la requête conformément à l'article 98 bis. Les meurtres ont été

11 prouvés, mais il n'y a pas de moyens de preuve qui pourraient étayer le

12 jugement portant la condamnation en disant que les meurtres qui ont été

13 commis par les forces sous le commandement et le contrôle du général

14 Pavkovic ou avec son encouragement ou la base ses ordres.

15 Le chef d'Accusation 5, persécution. Il n'y a pas de moyens de preuve

16 susceptibles d'étayer une condamnation pour aucun crime qui est visé dans

17 ce chef et qui est commis par les forces ou par les personnes sous le

18 commandement et le contrôle du général Pavkovic ou avec son encouragement

19 ou son soutien.

20 Pour ce qui est de la responsabilité du général Pavkovic concernant

21 l'article 7(1), M. O'Sullivan a exactement cité le droit. Donc on l'accuse

22 d'avoir donné des ordres. Or, il n'y aucune preuve montrant qu'il ait donné

23 des ordres, que ces crimes soient commis. On l'accuse aussi d'avoir

24 planifié, il n'y a aucune preuve qu'il ait planifié la commission de ces

25 crimes. On l'accuse d'être à l'instigation de ces crimes. Or, il n'y aucune

26 preuve qui montre qu'il était à l'origine de la commission de ces crimes,

27 il n'y aucune preuve qui montre qu'il a aidé ou encouragé à la commission

28 de ces crimes.

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1 Pour ce qui est maintenant de la responsabilité au titre de l'article

2 7(3), il y a aucune preuve non plus que le général Pavkovic, sur sa

3 position d'autorité en tant que commandant de la

4 3e Armée, n'ait pas réussi à punir ou à prévenir la commission des crimes

5 commis par les personnes sous son contrôle. La preuve d'ailleurs, c'est

6 qu'il a fait tout ce qu'il était attendu de lui au poste qui l'attendait.

7 Tous les témoins internationaux qui l'ont rencontré l'ont évalué de

8 façon extrêmement positive, comme étant un bon soldat, un soldat, un homme

9 direct, un soldat parmi les soldats.

10 Tout ce que l'Accusation peut vous dire et peut vous donner comme

11 preuve contre le général Pavkovic, c'est qu'il aurait peut-être dû, peut-

12 être pas, mais cela ne fonctionne pas parce que ce n'est pas du tout ce

13 qu'il faut qu'ils nous apportent comme preuve pour étayer leur cause. Vous

14 voyez bien qu'il n'y a pas de preuves permettant de donner, de conclure que

15 le général Pavkovic devrait être condamné, et de ce fait, vous devez

16 absolument acquitter le général Pavkovic de tous les chefs qui pèsent

17 contre lui.

18 Je vous remercie.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Ackerman.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac, vous voulez

22 absolument commencer ce soir ?

23 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande justement

24 s'il ne devrait pas que je vous gâche donc la soirée et la journée de

25 demain. Il est peut-être préférable que je vous gâche uniquement la journée

26 de demain.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, vous avez déjà réussi à gâcher

28 ma soirée puisque nous allons perdre 10 minutes. Mais vous pouvez plutôt le

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1 faire demain.

2 M. BAKRAC : [interprétation] Je vais donc essayer de me rattraper demain.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons donc lever la séance, et

4 nous reprendrons demain à 9 heures.

5 --- L'audience est levée à 18 heures 48 et reprendra le jeudi

6 3 mai 2007, à 9 heures 00.

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