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1 Le vendredi 4 mai 2007
2 [Audience de Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
7 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y avait deux
8 points que j'aurais voulu aborder avant d'en arriver au fond de mes
9 observations. Premièrement, je reviens sur ce que j'ai dit hier au sujet du
10 commandement conjoint et des efforts que nous avons déployés pour obtenir
11 des documents portant sur le commandement conjoint auprès des autorités
12 serbes.
13 Il y a une demande d'aide judiciaire qui est liée à cette recherche
14 documentaire. Le document est le document RFA 1317. La réponse à cette
15 demande d'aide judiciaire indique que le commandement conjoint a été créé
16 sur ordre verbal du président de la République fédérale yougoslave datant
17 de juin 1998, et que ce commandement conjoint a cessé de fonctionner en
18 octobre 1998.
19 Puis deuxième point, je ne sais pas si vous souhaitez que je
20 m'exprime sur ce point dès à présent, Monsieur le Président, mais ce point
21 porte sur une discussion que nous avons eue hier quant au fait de savoir si
22 la Chambre pouvait s'appuyer sur une déclaration d'un accusé pour
23 l'utiliser comme élément de preuve contre un coaccusé.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vous en prie.
25 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
26 Ceci est en rapport avec la pièce 949, entretien du général Pavkovic. Comme
27 nous l'avons dit, ce document a été versé au dossier suite à l'ordre de la
28 Chambre de première instance du 10 octobre. Nous soutenons, Monsieur le
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1 Président, que ce document est un élément de preuve pertinent et probant,
2 puisqu'il démontre l'existence du commandement Suprême et de la
3 participation de M. Milutinovic à ce commandement Suprême.
4 Je vois que Me O'Sullivan est debout.
5 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je ne voudrais pas préjuger de l'exposé de
6 mon collègue de l'Accusation. Je le prie de m'excuser ainsi que la Chambre
7 pour cette interruption, mais j'espère que
8 M. Hannis parle bien des observations qui ont été faites le
9 18 août 2006, en faveur du versement de cette série d'entretiens recueillis
10 par le bureau du Procureur. La position de l'Accusation est claire et elle
11 est très bien décrite dans les écritures du
12 18 août 2006, et je sais qu'il ne va pas changer de position par rapport à
13 ces écritures. Je ne voudrais donc pas préjuger de ce qu'il va dire, mais
14 il faut que ses observations soient fondées sur les écritures déposées par
15 l'Accusation lorsque la demande de versement de ces déclarations a été
16 faite dans le prétoire.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel était le contenu de ces écritures
18 ?
19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je regarde la réponse de l'Accusation du
20 18 août 2006, paragraphe 44, dans laquelle l'Accusation déclare, je cite :
21 "Les déclarations fournies par l'accusé au bureau du Procureur sont
22 admissibles en application de l'article 89(C) contre l'accusé qui en est
23 l'auteur. Elles sont également admissibles contre un coaccusé, hormis les
24 extraits portant sur les actes et le comportement, ou sur l'état mental du
25 coaccusé en question."
26 Donc, le bureau du Procureur n'a pas demandé le versement de ce document
27 pour traiter des actes et du comportement ou de l'état d'esprit du
28 coaccusé. Voilà ce que l'Accusation a dit lorsqu'elle a demandé le
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1 versement du dossier.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
3 Monsieur Hannis.
4 M. HANNIS : [interprétation] Merci. L'existence du commandement Suprême et
5 la participation à celui-ci, des membres du commandement Suprême, n'a rien
6 à voir avec les actes ou l'état d'esprit de l'accusé.
7 Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vous en prie.
9 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
10 Ce que nous disons, Monsieur le Président, c'est premièrement que la
11 Chambre de première instance a un pouvoir discrétionnaire important qui lui
12 permet d'admettre un élément de preuve et d'en tenir compte au moment de sa
13 décision; deuxièmement, que les règles de la "common law" ont été modifiées
14 au Tribunal, notamment par rapport au ouï-dire; troisièmement, que le droit
15 de contre-interroger un témoin n'est pas un droit absolu; et quatrièmement,
16 qu'il faut que l'équité vis-à-vis de l'Accusation soit respectée.
17 S'agissant du pouvoir discrétionnaire de la Chambre de première instance,
18 article 89(A) du Règlement, et bien, celui-ci stipule que la Chambre n'est
19 pas liée par les règles applicables au recueil des éléments de preuve au
20 niveau national. L'article 89(C) et (D) du Règlement guident la Chambre par
21 rapport à l'utilisation qu'elle peut faire de la déclaration préalable de
22 M. Pavkovic en tant qu'élément de preuve contre l'un ou l'autre de ses
23 coaccusés puisqu'on y lit, je cite :
24 "Une Chambre peut admettre tout élément de preuve pertinent qu'elle
25 considère comme ayant une valeur probante" avec toutefois un garde-fou, à
26 savoir je cite : "qu'une Chambre peut exclure un élément de preuve si sa
27 valeur probante est, sur le fond, inférieure à la nécessité d'assurer un
28 procès équitable." Donc pas simplement inférieure mais substantiellement
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1 inférieure.
2 Nous soutenons qu'il n'y a rien dans le Règlement de procédure et de
3 preuve qui empêche la Chambre de tenir compte de la déclaration préalable
4 du général Pavkovic en tant qu'élément de preuve contre l'un ou l'autre de
5 ses co-accusés.
6 Deuxièmement, les règles de la "common law" ont été modifiées par le
7 TPIY, notamment au sujet de l'ouï-dire. Dans de nombreux systèmes
8 judiciaires, il existe une règle selon laquelle il est autorisé de verser
9 au dossier une déclaration préalable d'un accusé qui sera utilisée comme
10 élément de preuve contre un coaccusé dans certaines circonstances. L'une de
11 ces circonstances, dans mon système judiciaire à moi, porte sur l'exception
12 faite au co-conspirateur par rapport à la règle de l'ouï-dire. Au Canada,
13 il y a eu un procès qui s'intitulait Carter contre l'Etat, et la règle
14 Carter traite de ces déclarations préalables de co-conspirateur dans un
15 contexte de conspiration et afin de percer à jour les auteurs de la
16 conspiration de façon générale.
17 Donc, ce n'est pas une règle 100 % applicable à la situation dans laquelle
18 nous nous trouvons, où le général Pavkovic a donné un entretien où il était
19 question de l'entreprise criminelle commune et dans ce cas la règle Carter
20 ne fonctionne pas, sauf si l'on soutient que les membres de l'entreprise
21 criminelle commune peuvent avoir eu en permanence intérêt à essayer de
22 dissimuler des éléments de preuve démontrant l'existence de l'entreprise
23 criminelle commune et tout comportement criminel qui aurait pu être le
24 leur.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suppose que les exceptions dont
26 vous parlez à l'instant ont été dites au cours des débats sur l'entreprise
27 criminelle commune et que par conséquent elles font partie du res gestae du
28 crime.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Exact, Monsieur le Président, et on peut
2 s'appuyer avec plus de fiabilité --
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, c'est acceptable dans la plupart
4 des systèmes judiciaires.
5 M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord qu'il y a une différence dans
6 la situation, parce qu'une fois que la conspiration que constitue
7 l'entreprise criminelle commune a pris fin ou que des gens ont été arrêtés
8 ou accusés d'avoir joué un rôle avec des motivations précises dans le cadre
9 de cette entreprise criminelle commune, nous sommes dans une situation
10 différente à celle où nous nous trouvons si nous devons déterminer si la
11 déclaration préalable d'un accusé peut être inculpatrice [phon] à son égard
12 ou exculpatrice [phon].
13 Par exemple, si l'on fait une déclaration et je parle de ce qu'a fait M.
14 Stamp, je vois que je vais lui créer des problèmes. Enfin, si ce qui est
15 dit tant à permettre de penser qu'un comportement criminel a eu lieu, étant
16 l'auteur de la déclaration je m'exclue de ce comportement, c'est moins
17 fiable que si je me mets dans les problèmes comme vient de le faire M.
18 Stamp. Donc, c'est un élément à prendre en compte.
19 Puis, le droit du contre-interrogatoire pour un témoin n'est pas un droit
20 absolu. Notre article 92 bis et 92 quater du Règlement autorisent
21 l'admission d'éléments de preuve de témoins qui ne peuvent pas venir
22 physiquement même s'ils portent sur les actes et le comportement de
23 l'accusé. Le fait que ces éléments puissent porter sur les actes de
24 comportement d'un accusé est un facteur qui doit être exclu de l'élément de
25 preuve, mais ce n'est pas automatiquement disqualifié.
26 Nous sommes d'accord sur le fait qu'une déclaration préalable de témoins
27 peut créer un certain souci dans la tête de l'auteur de cette déclaration
28 puisqu'il va essayer de s'exonérer de tout ce qui peut l'incriminer dans
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1 cette déclaration, en faisant porter la responsabilité sur d'autres au cas
2 où il y a contre-interrogatoire.
3 Nous disons que ce point est évoqué à deux endroits différents dans
4 le droit appliqué par le Tribunal par rapport aux systèmes judiciaires
5 nationaux. Les premiers cas ce sont les procès du TPIY qui font intervenir
6 des juges professionnels et non des jurés; puis deuxièmement, la déposition
7 de M. Pavkovic doit être considérée dans l'intégralité, dans la globalité
8 de tous les autres éléments de preuve. Je pense que la Chambre a parlé hier
9 de jeter une boule puante dans le box du jury. Nous disons pour notre part,
10 Monsieur le Président, que la Chambre peut tout à fait faire comme si la
11 mauvaise odeur ne s'était pas répandue.
12 Autre garde-fou, le fait que l'accusé ne peut pas être condamné
13 uniquement sur la base d'un élément de preuve de ouï-dire qui ne serait pas
14 corroboré.
15 Il y a d'autres facteurs qui permettent à la Chambre de déterminer si
16 les déclarations préalables ou bien les témoignages précédents d'un témoin
17 qui ne peut pas venir dans le prétoire, pour une raison ou pour une autre,
18 ont une valeur probante suffisante pour en faire des éléments de preuve
19 fiables, pertinents et qui permettent à la Chambre de déterminer les
20 circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite, est-ce qu'elle a
21 été faite sous serment ? Est-ce qu'elle a été signée ? Donc, est-ce que le
22 contenu de cette déclaration a été reconnu par son auteur ? Nous avons dans
23 le cas qui nous intéresse un enregistrement audio de l'entretien.
24 Ce qui a été dit au cours dans cet entretien est corroboré par
25 d'autres témoins. Est-ce que ce sont des éléments de première main ? Est-ce
26 que le témoin était vraiment participant aux événements ? Est-ce que le
27 coaccusé a eu la possibilité de verser au dossier d'autres éléments allant
28 dans un sens contraire ?
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1 Dans ce Tribunal, dans l'affaire Martic, nous avons vu Milan Babic,
2 témoin du premier cercle, témoigner devant une Chambre, mais il est décédé
3 avant la fin du contre-interrogatoire. Dans cette situation sur demande de
4 l'Accusation, la Chambre de première instance et la Chambre d'appel ont
5 convenu qu'il était bon d'autoriser l'examen de cet élément de preuve, même
6 sans que le contre-interrogatoire ait été achevé.
7 La Chambre de première instance a déclaré que les éléments
8 corroboratifs seraient exigés et que tout élément qui n'avait pas pu donner
9 lieu à un contre-interrogatoire complet devait être soumis à cette règle et
10 l'accusé Martic s'est vu offrir la possibilité de verser d'autres éléments
11 de preuve au dossier pour réfuter ce qu'avait dit M. Babic.
12 En l'espèce, étant donné que nous avons les éléments de preuve
13 antérieurs et le témoignage antérieur du Dr Rugova, vous avez accepté, vous
14 avez fait droit à notre demande de versement de l'élément de preuve dont
15 nous parlons qui porte sur les actes et le comportement de l'accusé parce
16 que vous l'avez estimé pertinent et probant.
17 Dans l'affaire Aleksovski, le témoignage de l'amiral Domazet a été
18 considéré admissible au motif que le poids ou la valeur probante de ce
19 témoignage était inférieur en valeur à ce qu'avait le témoin au cours du
20 contre-interrogatoire.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, je ne vais pas
22 vous cacher que j'ai pas mal de difficultés avec toutes ces questions.
23 M. HANNIS : [interprétation] D'accord.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez choisi de placer tous
25 les accusés ensemble sur le banc des accusés. C'est votre décision. C'est à
26 cause de cela qu'un accusé ne peut pas être cité à la barre et contre-
27 interrogé. Je vais illustrer une situation avec un exemple.
28 Vous vous appuyez sur des propos provenant d'un homme qui s'appelle
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1 Perisic. Vous avez prévu de ne pas le citer en tant que témoin pour des
2 raisons qui sont les vôtres, très certainement, et que les Juges n'ont pas
3 la capacité de comprendre immédiatement, mais qui sont sans doute
4 justifiées.
5 En s'appuyant dans ce cas précis de ouï-dire, vous n'interdisez pas à
6 la Défense de citer à la barre le même témoin en tant que témoin de la
7 Défense pour contester ce qui a été dit au cours de l'interrogatoire
8 principal, d'une certaine façon pour essayer de se présenter lui-même sous
9 un jour différent au vu des circonstances. L'accusé ne peut pas faire cela
10 avec Pavkovic. C'est là où je crois qu'il y a une différence fondamentale
11 par rapport à tous les exemples et à toutes les circonstances que vous nous
12 avez invités à prendre en compte.
13 Toutefois, je ne vais pas insister sur point. Je souhaite simplement
14 que vous compreniez mes difficultés.
15 M. HANNIS : [interprétation] Je comprends vos difficultés, Monsieur le
16 Président et ce que vous avez dit. J'en ai terminé de mes exemples. Le
17 dernier point que je souhaitais évoquer est l'équité nécessaire pour
18 l'Accusation. C'est une idée qui s'applique aux deux parties, mais aussi à
19 l'Accusation.
20 Dans l'affaire Aleksovski, la Chambre d'appel a remarqué qu'il était
21 difficile de considérer un procès comme équitable si les protections
22 fondamentales n'étaient pas respectées. Je ne dis pas que si vous décidez
23 de ne pas autoriser cet élément de preuve, vous serez inéquitable à notre
24 égard. Je dis simplement que ce principe doit être respecté parce qu'il
25 existe.
26 Ce que je dis sur ce point - et je parle de l'élément de preuve
27 précis qui porte sur l'existence du commandement Suprême - que ce document
28 n'est pas inculpateur [phon], comme peuvent l'être nombreux autres qui
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1 peuvent provenir de l'entretien du général Pavkovic. Nous ne proposons pas
2 que vous en teniez compte contre un autre accusé. Nous disons qu'il y a
3 d'autres éléments de preuve qui démontrent l'existence de cet organisme à
4 l'époque.
5 Voilà tout ce que j'avais à dire en ce moment. Nous pouvons vous
6 soumettre une requête orale, si vous le souhaitez, ou si cela est considéré
7 par vous comme utile. Sinon je peux procéder.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Aucune nécessité d'écriture à ce stade
9 sur ce point. Nous nous satisferons des observations orales des parties.
10 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de cette
11 possibilité que vous nous ouvrez.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, je n'aime pas
13 beaucoup ces interruptions constantes du propos de M. Hannis.
14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] M'autorisez-vous à répondre ?
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur ce point précis ?
16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous jugez tout à fait nécessaire.
18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Et bien -
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous le ferez quand M. Hannis
20 aura terminé.
21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Très bien.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez maintenant procéder.
23 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
25 M. HANNIS : [interprétation] Je voulais maintenant évoquer des éléments de
26 preuve venant de témoins qui parlaient des faits. Nous n'avons pas entendu
27 de nombreux arguments dans la bouche des conseils de la Défense avant cette
28 semaine pour contester les faits en question. Me Ivetic a proposé quelques
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1 arguments, mais pour la plupart, je ne me souviens pas que les autres
2 conseils se soient beaucoup exprimés sur ce point.
3 Nous soutenons qu'il y a de très nombreuses preuves en l'espèce au
4 stade du procès où nous sommes parvenus, qui permettent de démontrer
5 l'existence effective des faits, donc des crimes. Ce que je propose,
6 Monsieur le Président, à moins que vous estimiez que soit superflu, c'est
7 de passer rapidement en revue les incidents de déportation et de meurtre et
8 de citer le nom des témoins qui ont témoigné à ce sujet.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sera très utile, Monsieur Hannis.
10 Merci.
11 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.
12 Monsieur le Président, le premier se trouve au paragraphe 72(a) et 72(a)(i)
13 de l'acte d'accusation où il est question de déportations à partir de
14 plusieurs villages de la municipalité d'Orahovac. Les témoins qui ont
15 témoigné par rapport à ces déportations hors d'Orahovac, sont les suivants
16 : Agim Jemini, Reshit Salihi et Ali Hoti. Nous avons ensuite le paragraphe
17 72(a) qui concerne Celine.
18 Les témoins qui ont témoigné par rapport au paragraphe 72(a)(1)
19 concernant Krusha e Madhe, Bela Crkva et la municipalité d'Orahovac de
20 façon générale, sont les suivants : Ali Hoti, Reshit Salihi, K25, Sabri
21 Popaj et Isuf Zhuniqi.
22 S'agissant du paragraphe 75(b) de l'acte d'accusation, à savoir des
23 meurtres commis à Bela Crkva, les témoins qui ont témoigné à ce sujet
24 étaient : Isuf Zhuniqi, Sabri Popaj, K25 et Agim Jemini.
25 Quant au paragraphe 75(c), autre incident impliquant un meurtre à
26 Mala Kuber [comme interprété], les témoins qui ont témoigné sont : Mehmet
27 Avdyli, Lutfi Radamani, K25, John Sweeney et un certain nombre de documents
28 ont été versés au dossier par son intermédiaire, à savoir la pièce P114 et
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1 P115; Ali Hoti qui a aussi évoqué dans sa déposition cet incident pour
2 partie.
3 J'aimerais consacrer quelques instants à parler de la question
4 évoquée par Me Ivetic hier au sujet des auteurs de ces actes. Il a dit
5 qu'il pensait qu'il s'agissait d'une vendetta locale et d'un incident qui
6 n'avait pas grand-chose à voir avec la présence de la police.
7 Alors d'abord, s'agissant des forces qui encerclaient la ville avant
8 le meurtre, vous avez la déposition de K25 qui a dit que le
9 25 mars on lui avait ordonné de se rendre à Mala Krusa et que son unité est
10 tombée sur un barrage routier. Ces hommes étaient censés tenir la ligne
11 pendant la durée de l'opération de ratissage menée à partir de Bela Crkva,
12 Orahovac et Velika Hoca.
13 Il y avait quatre compagnies PJP déployées pour ces opérations sur le
14 terrain au sud d'Orahovac. Le témoin dont je parle a expliqué à l'aide
15 d'une carte géographique, pièces P109 et P2372, où se trouvaient les
16 emplacements de la VJ du MUP, des PJP et où étaient déployés les véhicules
17 militaires à l'époque de cette opération. Il a montré trois chars et quatre
18 autres véhicules de la VJ sur la carte dans le secteur de Mala Krusa.
19 Monsieur Ramadani a également parlé de chars et de pièces
20 d'artillerie utilisées dans les combats antiaériens, de véhicules blindés
21 entourant le village. Ceci figure à la pièce à conviction IC72. Il a montré
22 l'emplacement de la route principale menant vers le village. Il a montré où
23 était stationné l'un des transports de troupes et les chars, et il a montré
24 l'emplacement de la maison où était rassemblée le MUP.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, permettez-moi de vous
26 interrompre. Je pensais que vous alliez parler du paragraphe 72, mais en ce
27 moment vous parlez du paragraphe 75, n'est-ce pas ?
28 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Les massacres de Mala Krusa.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. Veuillez poursuivre,
2 Monsieur Hannis.
3 M. HANNIS : [interprétation] Il a dit que les hommes à bord de ces
4 véhicules portaient des uniformes noirs et de camouflage pour un grand
5 nombre d'entre eux. Il a dit que l'armée était déployée sur la grand-route
6 alors que les policiers patrouillaient dans les rues du village.
7 Mehmet Avdyli vous a dit qu'il s'est réveillé au bruit des chars le 25
8 mars. Ces chars tiraient vers la partie haute de la forêt. Il a dit que les
9 forces en question ont commencé à incendier le village. Il a décrit des
10 policiers du MUP portant des uniformes de camouflage bleus, qui se
11 rendaient à Dimitrije et au café Nikolic à Mala Krusa le 25.
12 Quant aux forces qui sont effectivement les auteurs des massacres, Lutfi
13 Ramadani a déclaré qu'au nombre de ces forces il avait remarqué certains
14 villageois dont il a donné le nom de famille Ranko, Sava, peut-être Zlatko
15 et deux ou trois autres hommes du village.
16 Il a dit qu'ils portaient tous un uniforme et des armes, mais qu'il y
17 avait d'autres personnes avec ces villageois que les villageois ne
18 connaissaient pas. Les villageois guidaient ces étrangers à travers le
19 village leur permettant d'entrer dans les maisons pour les incendier. Dans
20 le village, il n'a vu que les policiers, comme l'a confirmé un autre témoin
21 également. L'armée était déployée sur la grande route et dans les
22 montagnes.
23 Il y avait un policier en uniforme noir qui, en compagnie d'un
24 certain nombre de villageois, a séparé les hommes des femmes et des
25 enfants, fouillait et maltraitait les hommes avant de les emmener jusqu'à
26 la grange de Batusha, où les femmes ont reçu l'ordre de partir et les
27 hommes de se mettre à genoux. Il y avait de nombreux policiers sur la route
28 ainsi que sur les routes secondaires. Il n'a pas vu de policiers de la
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1 région, il n'a vu que les étrangers.
2 Une fois que le témoin s'est enfui de la grange, il a vu des
3 policiers qu'il ne connaissait pas ainsi que des policiers locaux non loin
4 de la grange. Il a reconnu Stanko et Rade Nikolic, entre autres.
5 Mehmet Avdyli a vu des hommes portant un uniforme vert de camouflage, et
6 certains une combinaison d'uniforme de camouflage et de vêtements civils,
7 ainsi que des hommes portant un uniforme de camouflage bleu à l'intérieur
8 du village. Il décrit un groupe de
9 15 policiers portant un uniforme de camouflage bleu, et certains un
10 uniforme de camouflage vert. Tous n'avaient donc pas le même uniforme, et
11 ils les ont escortés jusqu'à la grange Batusha. Il ne connaissait pas ces
12 policiers. Ce n'était pas des hommes de la région. Il a entendu l'un de ses
13 voisins s'adresser à l'un des hommes qui tiraient en disant : Momcilo, est-
14 ce que c'est toi ? Il pense qu'il était question de Momcilo Nikolic, l'un
15 des Serbes de la région.
16 Maintenant, nous avons au sujet de ce point les pièces à conviction 2357,
17 c'est-à-dire la liste établie par Lufti Ramadani, où on voit le nom des
18 habitants de la localité qui ont apporté leur aide ou qui ont participé à
19 l'exécution, et au nombre de ces personnes se trouvent plusieurs membres de
20 la famille Nikolic. Nous avons les pièces P2333 et 2335 qui sont les
21 demandes d'assistance judiciaire que nous avons envoyées pour demander des
22 renseignements sur les Serbes de la région à Mala Krusa, ainsi que pour
23 demander des renseignements au sujet des hommes qui faisaient partie du MUP
24 ou de la VJ. Puis, nous avons la pièce 2335 qui est la réponse à cette
25 demande d'assistance judiciaire, où il est indiqué que plusieurs de ces
26 hommes étaient membres des forces de réserve de la police dans le SUP de
27 Prizren.
28 La pièce P2850, c'est le dossier personnel de Zevzdan Nikolic, qui confirme
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1 que c'était un homme qui avait autorisation de porter les armes au SUP de
2 Prizren, qu'il est né à Mala Krusa, fils de Dimitrije Nikolic, identifié
3 par le témoin comme ayant été sur les lieux le jour en question.
4 Alors, dire qu'il s'agirait d'une vendetta locale, c'est contredire
5 l'ensemble des éléments de preuve, ainsi que l'interprétation de bon sens
6 de tout ce que les Juges ont entendu au sujet de cet incident et de ce que
7 ces hommes ont fait. Un massacre d'une telle ampleur, puisque plus de 100
8 hommes sont impliqués, et qu'une opération antiterroriste d'ampleur se
9 déroulait dans toute la région d'Orahovac et de Prizren à l'époque. Ceci a
10 été dit, il y avait coordination des forces entre le militaire et le MUP.
11 L'armée yougoslave occupait les montagnes et la grande route; le MUP
12 occupait l'intérieur du village. Les unités de l'armée yougoslave étaient
13 stationnées tout près des PJP à tel point qu'elles pouvaient communiquer
14 oralement avec ces unités PJP.
15 Donc nous soutenons qu'il n'est pas raisonnable dans un tel contexte
16 de penser que tout cela n'a pu se passer avec destruction complète du
17 village et plus de 100 hommes qui ont été tués, ainsi qu'expulsion de toute
18 la population féminine en raison d'une vendetta locale. Ceci contredirait
19 tous les renseignements et serait contraire à une intelligence élémentaire.
20 Il est donc impossible de penser que ce serait dû à des actes de voyous ou
21 de la VJ et du MUP, ou du MUP qui aurait été stationné là pour mener une
22 opération. Les témoins ont dit que l'expulsion des femmes, la fouille et
23 l'assassinat des hommes, c'était fait en collaboration avec les Serbes de
24 la région, pas entièrement sans doute, puisque des policiers extérieurs au
25 village sont intervenus également. K25 a dit dans sa déposition que des
26 réservistes serbes ont été chargés de remplir les fonctions de policier de
27 réserve.
28 Il importe de noter également que seules les maisons albanaises de
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1 Mala Krusa ont été totalement incendiées et détruites. Les maisons serbes
2 et Rom étaient encore intactes quand Lufti Ramadani est revenu à la mi-
3 juin. Le site de ce crime, la grange, a été dynamité et tous les éléments
4 de preuve détruits, ce qui permet de penser que cela est un indice de la
5 participation des auteurs identifiables qui voulaient dissimuler leurs
6 actes.Jusqu'au jour d'aujourd'hui, aucune enquête au sujet de ce massacre
7 n'a été diligentée, même s'il existe des renseignements connus du public au
8 sujet d'un certain nombre d'auteurs présumés. C'est ce qu'a dit John
9 Sweeney dans sa déposition, où il a ajouté que certains ont pu être
10 identifiés comme résidant en Serbie actuellement.
11 Certains éléments de preuve documentaires font partie de la pièce
12 P2015, qui est un ordre du commandement conjoint du
13 23 mars 1999, visant à, je cite : "Fournir assistance au MUP dans
14 l'écrasement et la destruction des forces siptar d'Orahovac, Velika Krusa,
15 et un autre secteur." Nous soutenons que ce document est important car il
16 illustre cet événement, et il dit précisément qu'une mission a été affectée
17 à des unités précises, la 549e Brigade mécanisée dans le village
18 d'Orahovac, citées dans notre acte d'accusation, et j'y reviendrai dans un
19 instant plus en détail.
20 Il est dit dans ce document que les unités de la VJ doivent appuyer
21 les unités du MUP, et que le commandement conjoint, je cite : "Commandera
22 et contrôlera toutes les opérations." Les détails pertinents de cet ordre
23 sont notamment le paragraphe 2, qui affecte aux militaires la mission
24 d'appuyer les forces du MUP dans le secteur d'Orahovac et de Velika Krusa
25 en général; le point 4 qui dit explicitement que la VJ doit appuyer les
26 forces du MUP de Bela Crkva et Velika Krusa, ce qui recouvre le village de
27 Krusha e Madhe.
28 Cet objectif, selon ce que nous lisons dans cet ordre, consiste à
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1 bloquer, entre autres, Mala Krusa, Velika Krusa, Brestovac et d'autres
2 villages.
3 Le paragraphe 5(1) qui demande à la 540e Brigade [comme interprété]
4 mécanisée de bloquer une ligne passant par le village de Bela Crkva au
5 cours d'une action commune avec la VJ et le MUP pour attaquer les villages
6 entourant Bela Crkva et Velika Krusa. La mission immédiate consiste à
7 briser et détruire les forces siptar des villages de Celine, Velika Krusa
8 et Mala Krusa.
9 Nous avons la pièce à conviction P1980 qui porte également sur ce
10 point, ordre au niveau de la brigade signé par le colonel Delic, visant à
11 la destruction des forces terroristes dans le secteur de Retimlje de façon
12 générale et visant à lever le blocus de la route Suva Reka-Orahovac. Page
13 4, il est question du Groupe de combat numéro 1 qui doit coopérer avec le
14 37e Détachement des PJP et deux pelotons du MUP, pour attaquer
15 énergiquement et détruire la majorité des cibles individuelle à l'aide
16 d'équipement visant à écraser et détruire les forces terroristes siptar de
17 Mala Krusa. Le Groupe de combat numéro 3 doit coordonner son action avec
18 nos forces pour prendre le contrôle des forces de Mala Krusa et de Celine,
19 entre autres.
20 Pièce à conviction P1995. Il y est dit que l'opération a duré du 25 au 29
21 mars dans le secteur en question, qu'elle a impliqué près de 2 000 hommes
22 et de 21 chars. On y trouve également la liste des unités du MUP et des PJP
23 qui ont été déployées. Il y est indiqué que la coordination entre les
24 forces de la VJ et du MUP a très bien fonctionné, et que cela s'est fait
25 sous les ordres du commandement conjoint créé entre le MUP et les forces de
26 la VJ.
27 K25 confirme que le premier paragraphe de la pièce P1995 décrit précisément
28 l'opération à laquelle il a participé, et que son unité y est désignée
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1 comme ayant participé à cette opération. Il confirme que le MUP et les PJP
2 ont participé à cette action.
3 Je ne vais pas vous citer intégralement tous ces détails, Monsieur le
4 Président, mais je voulais vous parler de ce que j'ai déjà évoqué plus en
5 détail, car nous disons que nous avons entendu des témoignages en l'espèce
6 et que vous disposiez d'éléments de preuve documentaires en sus de ces
7 dépositions, qui vous aideront à déterminer qu'effectivement il y a des
8 éléments de preuve fiables sur lesquels vous pouvez vous appuyer pour
9 avérer que ces crimes ont effectivement eu lieu.
10 Paragraphe 72(b) de l'acte d'accusation, déportation hors de Prizren. Vous
11 avez entendu quatre témoins s'exprimer sur ce point, Rexhep Krasniqi, M.
12 Latifi, M. Kreyziu - j'ai du mal à prononcer son nom - et je crois que vous
13 avez également eu une déposition au titre de l'article 92 bis(C) ou 92 ter,
14 je ne me souviens plus très bien à quel moment la requête concernant la
15 déposition de M. Morina a été déposée.
16 S'agissant Serbica, qui a été impliqué à la fois par un acte de déportation
17 et de meurtre, vous avez entendu la déposition de
18 M. Rrahmani. Eu égard aux massacres d'Izbica, vous avez entendu Milazim
19 Thaqi et Mustafa Draga ainsi que d'autres témoins. Il y a également Hadije
20 Fazilu et un autre témoin encore.
21 Paragraphes 72(d) et 75(d) de l'acte d'accusation qui concernent aussi bien
22 les déportations que les massacres dans la municipalité de Suva Reka. Pour
23 les déportations, vous avez entendu M. Zogaj et M. Fondaj. Pour les
24 massacres, vous avez entendu M. Hyseni et Shyrete Berisha ainsi que K83.
25 Concernant Pec en tant que lieu de déportation,
26 paragraphe 72(e), les témoins qui ont témoigné étaient Ndrec Konaj et
27 Zatriqi. Dr Riedlmayer a témoigné sur l'échelle de destruction.
28 Au paragraphe 72, Kosovo Mitrovica, les témoins étaient Aferdita Hajrizi,
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1 Sadije Sadiku, Mammut Halimi. Concernant Pristina et concernant la
2 déportation pour ce qui est de la ville même et des villages aux entourages
3 de Pristina, c'était aux paragraphes 72(g) et 72(g)(i). Les témoins qui ont
4 témoigné sont Nazlie Bala, Emin Kabashi, K14, K62, K63, K41, Baton Lashi
5 [comme interprété], ils ont tous témoigné de cette déportation.
6 Aux paragraphes 72(h) et 75(g), il est question de Djakovica, de la
7 déportation et des meurtres. Concernant la déportation, les témoins
8 suivants ont témoigné, Haxhibequiri. Concernant les meurtres, il y avait
9 les témoins Dren Caka, Luzlim Vejsa et (expurgé).
10 Aux paragraphes 72(h) et 75(h), encore une fois il est question des
11 déportations et du site de meurtres. C'est dans la région de Meja. Nous
12 avons entendu le témoignage de Lizane Milaj, de Merita Deda et Marin
13 Pnishi. Ensuite, nous avons entendu des témoins qui ont témoigné du premier
14 cercle. K73 en a témoigné ainsi que K90. Et nous avons entendu le
15 témoignage de Nike Peraj pour ce qui est de l'opération dans cette région.
16 Au paragraphe 72(i) concerne uniquement la déportation dans la municipalité
17 de Gnjilane. Les témoins qui ont témoigné là-dessus étaient Qamil Shabani,
18 K81, Abdylhaqim Shaqiri
19 Au paragraphe 72(j), c'est Urosevac. Les témoins qui ont témoigné par
20 rapport à Urosevac étaient Bajram Bucaliu qui a travaillé à la gare
21 ferroviaire. Il nous a fourni le registre pour ce qui est du fonctionnement
22 de la gare ferroviaire; Florim Krasniqi et Bedri Hyseni ont témoigné
23 également.
24 Ensuite, aux paragraphes 72(k) et 75(k), il est question des déportations
25 et des meurtres dans la municipalité de Kacanik. Nous avons entendu des
26 témoins, Sejdi Lami, Muharrem Dashi, Fadil Vishi, Isa Raka et Hazbi Loku.
27 Decani, paragraphe 72(1), déportation -- 72(l), déportation. Nous avons
28 entendu les témoins K20, K58 et Mehmet Mazrekaj.
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1 Aux paragraphes 72(m) et 75(i) concernent la municipalité de Vucitrn et les
2 déportations et les meurtres eu égard au convoi. Nous avons entendu le
3 témoin de Fedrije Xhafa, Shukri Gerxhaliu et Savic Kadriu. Ce sont les
4 témoins qui ont témoigné des faits incriminés.
5 Monsieur le Président, maintenant je voudrais parler de l'identification
6 des auteurs des crimes. Je suis sûr que vous allez vous souvenir
7 qu'auparavant, au courant de l'affaire, il y a une sorte de confusion par
8 rapport aux témoins qui ont témoigné des auteurs. Il y en avait qui ont
9 utilisé le terme "soldats," mais il s'agissait de trois groupes différents
10 d'auteurs. Certains utilisaient des termes "paramilitaires" et certains
11 autres "policiers."
12 Je pense qu'il y avait des chevauchements des termes utilisés par ces
13 témoins pour ce qui est des auteurs des crimes. Une fois entendu tous les
14 témoins, je vois qu'on peut reconnaître la raison pour laquelle cette
15 confusion a été provoquée. Il y avait également une confusion par rapport
16 aux couleurs.
17 Je ne sais pas si la Chambre a été informée là-dessus, mais nous
18 avons demandé au service d'interprétation de nous fournir une explication
19 portant sur la confusion ayant trait aux couleurs, c'est-à-dire comment
20 certains termes ont été utilisés pour indiquer les couleurs en albanais en
21 Albanie, et en albanais au Kosovo. Et également, nous avons eu des
22 témoignages concernant les uniformes différents portés par les forces
23 différentes. Pendant l'entretien du général Lukic, qui est admis au dossier
24 - je m'excuse, mais je ne dispose pas du numéro de la pièce à conviction -
25 mais c'est à la
26 page 54 du compte rendu de l'extrait vidéo dont le numéro c'est
27 ERN V000-3910. Il nous a dit que les unités PJP ont porté des uniformes de
28 camouflage bleus ou verts, que SAJ et JSO portaient des uniformes de
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1 camouflage verts. Donc les unités de PJP portaient l'une ou l'autre sorte
2 d'uniforme. Le général Lukic continue pour dire que les uniformes de
3 camouflage bleus ont été principalement utilisés et portés dans des villes,
4 et des uniformes verts ont été portés pour exécuter en dehors des
5 agglomérations urbaines.
6 Par rapport aux témoignages concernant l'identification des auteurs de
7 crimes, nous avançons que bien qu'on ne puisse pas conclure d'une seule
8 description, d'une seule victime qui était venue dans son village ce jour-
9 là, est-ce qu'il s'agissait d'un policier, d'un policier qui était membre
10 de PJP, de SAJ ou JSO ou pour savoir s'il était membre de la VJ ou membre
11 des effectifs de réserve ou membre du détachement territorial ou de la
12 défense civile locale, nous affirmons que les témoignages par rapport à
13 cela nous ont dit qu'il n'y avait pas de grands groupes d'hommes armés qui
14 parcouraient le Kosovo et qui n'étaient pas sous le contrôle de notre
15 accusé. Il y avait un nombre de la VJ et du MUP qui ont été stationnés au
16 Kosovo et cela exclut la possibilité d'un groupe armé important d'hommes
17 qui ont perpétré des meurtres en masse ou qui ont procédé aux déportations
18 en masse. Il ne pouvait pas s'agir de quelqu'un ou de plusieurs personnes
19 de ces forces, et nous avançons que cela a été fait par les hommes qui ont
20 été contrôlés par notre accusé, les hommes qui ont été armés, équipés.
21 Maintenant je peux vous donner le numéro de l'entretien du général
22 Lukic, c'est la pièce P948.
23 Maintenant j'aimerais parler de certaines choses concernant l'accusé.
24 D'abord le général Ojdanic. J'aimerais parler de sa participation à
25 l'entreprise criminelle commune. Pour ce qui est de ses pouvoirs, il était
26 un officier de très haut rang dans la République fédérale de Yougoslavie.
27 Pendant la période couverte par l'acte d'accusation, il était chef d'état-
28 major général en temps de paix. Lorsque l'état de guerre a été proclamé, il
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1 est devenu chef de l'état-major du commandement Suprême.
2 Conformément à la loi portant sur la Défense, c'est la pièce à conviction
3 P985, et par rapport à la loi portant sur les forces armées, c'est la pièce
4 P984, à ce poste il exerçait de jure et de facto le commandement sur les
5 unités de la VJ qui lui ont été subordonnées. Après la proclamation de
6 l'état de guerre le 24 mars, nous disons qu'il a exercé également le
7 contrôle sur les unités du MUP qui ont été engagées aux opérations de
8 combat, ainsi que sur les autres organes qui ont été subordonnés à la VJ ou
9 qui ont agi de concert avec la VJ. C'est conformément à la législation de
10 la République fédérale de Yougoslavie, à savoir c'est conformément à la loi
11 sur la Défense de la République fédérale de Yougoslavie, c'est notre pièce
12 à conviction P985.
13 Le 19 avril 1999, nous avons un ordre donné par le général Ojdanic, c'est
14 la pièce à conviction P1460. Son ordre en tant que chef de l'état-major du
15 commandement Suprême, en citant l'article 17 de la Loi sur la Défense et
16 l'ordre du président de la République fédérale de Yougoslavie. Il a
17 resubordonné les unités du MUP à la VJ.
18 Comment a-t-il contribué à l'entreprise criminelle commune ? Nous disons
19 qu'il a fait cela de plusieurs façons. Il a utilisé l'état-major général de
20 la VJ pour qu'il planifie, dirige, coordonne les opérations et les
21 activités des forces de la République fédérale de Yougoslavie au Kosovo qui
22 ont contribué à la réalisation de l'objectif de l'entreprise criminelle
23 commune qui consistait à modifier l'équilibre ethnique au Kosovo en
24 expulsant des centaines des milliers d'Albanais au Kosovo.
25 Dans le procès-verbal de l'état-major général du
26 25 février 1999, c'est la pièce P941 à la page 12, il a été fait référence
27 la resubordination des unités à l'extérieur du Kosovo, aux unités de la VJ
28 qui opéraient au Kosovo. Le 21 janvier 1999, le général Ojdanic présidait
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1 une réunion du collège, c'est la pièce P939, lignes 24 à 36 en particulier.
2 Il est question du plan de l'opération menée contre l'UCK et cela été
3 discuté en détail. Si on regarde cela, on peut en conclure qu'il y avait
4 une opération légitime antiterroriste au printemps, mais nous disons que
5 pour ce qui est de l'exécution de cette opération, les crimes de masse ont
6 été commis et dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.
7 En tant que chef de l'état-major général, il avait d'autres pouvoirs, à
8 savoir il donnait des ordres pour augmenter le nombre des troupes de la 3e
9 Armée, c'est à la pièce P1487. Les propositions ont été données au
10 commandement de la 3e Armée de la part du chef de l'état-major du
11 commandement Suprême. C'est le document dont on a parlé avant également et
12 qui concerne l'ordre du commandement conjoint.
13 Il a également participé à la mobilisation des unités de réserve et il a
14 contribué également à l'armement des civils.
15 Le général Ojdanic était au courant. Il a été impliqué dans
16 l'armement des civils majoritairement non-Albanais dans des unités de
17 défense locale. Il a fait cette proposition à la réunion du collège, je
18 crois que c'était le 21 janvier. Je m'excuse, cela aurait pu être le 30
19 décembre 1998. C'est P928.
20 Pendant cette réunion, on lui a proposé au général Ojdanic de
21 mobiliser 60 000 civils serbes à l'extérieur du territoire contrôlé par les
22 organes officiels. Lors d'une autre réunion du collège, Ojdanic a été
23 informé que des armes ont été distribuées et de la façon à laquelle ces
24 civils armés auraient pu être intégrés aux opérations de la VJ. C'était la
25 réunion du 2 février 1999, pièce à conviction P931, page 23. Nous disons
26 que c'est important. Nous pouvons voir que dans les ordres émanant du
27 commandement conjoint, pendant la première semaine de la guerre, il a été
28 fait mention en particulier de l'utilisation de la population non-siptar
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1 armée pour mener à bien ces opérations. Vous allez voir que des tâches
2 particulières ont été assignées à la population non-siptar. Dans de
3 nombreux cas, il s'agissait de bloquer une région ou contrôler une route.
4 Nous disons également que les pouvoirs du général Ojdanic en tant que
5 chef de l'état-major du commandement Suprême, ont été encore plus larges.
6 Il était membre du conseil suprême de la Défense. Il a également participé
7 à la formulation de la politique. Pour ce qui est de donner des ordres et
8 des instructions à ses subordonnés, nous avons l'ordre émanant de l'état-
9 major du commandant Suprême du
10 12 avril, où il est question de la resubordination des unités du MUP au
11 commandement de la 3e Armée, c'est la pièce P1483.
12 En tant que membre de l'état-major du commandement Suprême, il a
13 participé à la prise de décisions au niveau stratégique. Il a commandé les
14 opérations pendant l'état de guerre qui a été proclamé le 24 mars. Le
15 commandement Suprême, à la tête de ce commandement était le président
16 Milosevic en tant que commandant suprême. Il est clair qu'Ojdanic a agi en
17 coopération avec Milosevic sur les questions telles que le déploiement des
18 troupes et les opérations au Kosovo. C'est la pièce P1495 du 24 mai 1999.
19 La VJ, le MUP et la coordination entre eux, c'est un autre aspect,
20 pour ce qui est de la participation du général Ojdanic dans l'entreprise
21 criminelle commune. Il a encouragé, il y a participé, et comme nous avons
22 déjà dit, il donnait des ordres pour ce qui est de la resubordination
23 formelle des unités du MUP engagées dans les opérations de combat. Il a
24 également donné un ordre le 29 mai 1999 au commandement de la 3e Armée,
25 c'est la pièce P1920. En demandant que la 3e Armée et les unités
26 resubordonnées soient préparées pour affronter l'invasion éventuelle de
27 l'OTAN au sol. C'est un ordre qui montre clairement que le MUP a été
28 resubordonné à la VJ. Il dit que jusqu'à ce moment-là, à savoir jusqu'au 29
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1 mai 1999, le Corps de Pristina n'était pas en mesure pour se préparer à
2 affronter une invasion possible de l'OTAN au sol. Ils ont été trop engagés
3 dans les opérations antiterroristes.
4 C'est les pièces à conviction sur la base desquelles nous disons que
5 le général Ojdanic était au courant des activités de la VJ pendant les
6 premiers mois de la guerre.
7 Nous avançons qu'à cause de cet ordre et à cause de la loi en
8 vigueur, les unités du MUP engagées aux opérations se trouvaient sous le
9 contrôle effectif de la VJ. Nous avançons que le général Ojdanic était au
10 courant des crimes qui ont été commis pour réaliser l'entreprise criminelle
11 commune.
12 Il a été informé de cela par différents moyens, également par les
13 observateurs internationaux avant que la guerre ne soit déclarée en mars
14 1999. Il avait des contacts avec les observateurs internationaux qui lui
15 ont dit que la VJ se comportait de façon illégale en utilisant la force de
16 façon excessive. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des
17 Nations Unies ont été connues. Le général Crosland a dit qu'il a présenté
18 les moyens de preuve concernant l'utilisation excessive de la force
19 utilisée au Kosovo. Ojdanic a répondu : "A la force, ont va répondre à la
20 force."
21 Je pense qu'il est clair que dans ce témoignage le général Ojdanic a
22 vu cet enregistrement qui a été présenté à l'état-major, selon le colonel
23 Crosland. Nous sommes d'accord avec Me Sepenuk. Il faut que vous lisiez les
24 procès-verbaux des réunions, même s'ils sont volumineux. Il y a beaucoup de
25 parties qui sont ennuyeuses et ne sont pas pertinentes, mais vous allez
26 savoir comment ces personnes ont été impliquées et quelles étaient leurs
27 coopérations. Nous avançons que cela montre en détail quelles étaient les
28 connaissances du général Ojdanic et le commandement Suprême, pour ce qui
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1 est des événements sur le terrain. Par exemple, il y a des récits
2 d'incidents isolés. Un soldat, on lui a amputé les doigts parce qu'ils ont
3 été gelés.
4 Il est question également de comment la Serbie était vue au niveau
5 international et comment cela a influencé le comportement de la Serbie au
6 Kosovo. Je vous prie de lire les procès-verbaux de collège qui sont admis
7 au dossier.
8 Les connaissances d'Ojdanic sur les événements, c'étaient les
9 connaissances qu'il avait par rapport au poste qu'il tenait, et par rapport
10 aux informations qui arrivaient, aux structures, aux organes. Il y avait
11 les informations ont été transmises quotidiennement par le biais de la
12 chaîne de commandement. Nous avons entendu dans différents témoignages que
13 ce système a été bien organisé dans le cadre de la VJ. La pièce P2603 est
14 le document intitulé "les méthodes de travail du Corps de Pristina" signé
15 par le général Lazarevic en date du 6 janvier 1999. C'est la directive
16 émanant du commandement du Corps de Pristina, avec des instructions
17 détaillées pour ce qui est des informations à transmettre. Les informations
18 ont été transmises des unités subordonnées au Corps de Pristina jusqu'au
19 sommet de la chaîne de commandement, jusqu'au commandant suprême,
20 Milosevic, pour ce qui est des questions opérationnelles.
21 C'est la pièce P1480 qui a été décrite en tant qu'ordre préparatoire
22 émanant du commandement Suprême. C'est l'ordre du général Ojdanic, en tant
23 que chef de l'état-major du commandement Suprême adressé au général
24 Pavkovic en tant que commandant de la 3e Armée, en lui disant de faire une
25 proposition qui va être débattue, par la suite, transmise à l'état-major du
26 commandement Suprême en présence du commandant suprême.
27 Pour ce qui est de savoir ou d'être informé des événements qui se
28 déroulaient sur le terrain, je fais valoir la pièce P929. Il s'agit d'une
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1 réunion du collège de la VJ, pages 33 et 34. C'est une réunion qui a eu
2 lieu le 9 avril. Vous verrez qu'il y a une référence dans ce document à la
3 présence de 400 000 réfugiés. L'état-major du commandement Suprême était,
4 dès le début du mois d'avril, conscient de ce qui se passait, eu égard aux
5 actions engagées par leurs unités au Kosovo. Ils savaient comment des
6 centaines de milliers de réfugiés s'étaient retrouvés sur les routes à la
7 suite de cela.
8 Nous indiquons également que le général Ojdanic était parfaitement
9 informé des crimes commis par certains volontaires au Kosovo. J'en veux
10 pour preuve la pièce à conviction P490 et P1943, qui font référence à un
11 ordre du 20 avril 1999. Il s'agit de l'état-major du commandement Suprême.
12 Le général Ojdanic fait référence à un rapport de la 3e Armée qui indique
13 par le menu ce que c'est le commandement Suprême, par rapport à
14 l'utilisation de volontaires n'ayant pas été triés sur le volet et pour ce
15 qui est des crimes graves commis par ces personnes au Kosovo.
16 Le 13 mai, vous n'avez pas entendu le 13 mai, mais vous avez entendu des
17 moyens de preuve qui dataient du 13 mai 1999. Le général Farkas avait
18 informé Ojdanic de ce problème. C'est à ce moment-là qu'Ojdanic a informé
19 Milosevic, le lendemain d'ailleurs. Cela, nous l'avons extrait de la
20 déposition du général Vasiljevic et de sa déclaration, pièce à conviction
21 P2594, paragraphe 59 à 62.
22 Vasiljevic a également informé Ojdanic de ces crimes. Nous avons
23 entendu des moyens de preuve portant sur la réunion qui eut lieu le 17 mai,
24 réunion présidée par Slobodan Milosevic. A cette réunion ont participé M.
25 Sainovic, le général Pavkovic, le général Ojdanic, Rade Markovic de la DB,
26 et le général Vasiljevic. Les crimes à l'encontre des civils, notamment
27 meurtres, assassinats et viols, ainsi que les problèmes survenus avec des
28 groupes de volontaires dont certains étaient associés avec le MUP,
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1 notamment les Skorpions, ont été évoqués. Je pense également aux Tigres
2 d'Arkan. Tout cela fait l'objet de discussions, et ce fut à cette réunion
3 que Markovic a indiqué qu'ils étaient "un mal nécessaire."
4 Toutefois, ce n'est pas seulement à cette réunion que des allégations
5 ont été proférées à propos des crimes qui avaient été commis, soit par la
6 police, soit par la VJ. Vous avez également la pièce P1996 qui est le
7 procès-verbal d'une réunion de l'état-major du MUP, réunion qui s'est tenue
8 le 7 mai 1999, où il y a justement des griefs qui sont exposés à propos de
9 crimes commis essentiellement par la VJ, par des unités de l'armée.
10 Je dirais plus précisément qu'Ojdanic était informé des actes
11 criminels menés par et contre les civils albanais et par le MUP qui opérait
12 avec la VJ. Nous avons le rapport du général Pavkovic en date du 25 mai
13 1999, qui porte sur le fait que les organes du MUP ne respectent pas
14 certaines choses. C'est la pièce P1459. Je pense que cette pièce mérite
15 votre attention, Mesdames, Messieurs les Juges.
16 Au paragraphe 3, il est indiqué que les membres du MUP fermaient les
17 yeux sur certaines activités criminelles telles que le pillage effectué par
18 certains de leurs collègues du MUP. Il y est décrit comment certains
19 d'entre eux se sont livrés à des crimes graves tels que des meurtres, des
20 assassinats, des viols, des vols contre la population civile siptar, et ce,
21 dans certains camps de réfugiés ou dans certaines localités.
22 Les griefs portent sur le fait qu'il y avait eu cet ordre. Je pense
23 qu'il s'agit de l'ordre du 18 avril qui portait sur la subordination des
24 unités du MUP, ils n'avaient pas, en fait, été subordonnés à la VJ. Je
25 pense que cela a son importance. C'est quelque chose qui, comme je l'ai
26 déjà dit, mérite votre attention. Il y a également des aspects intéressants
27 dans cette pièce.
28 Ce grief du général Pavkovic est exposé le 25 mai 1999, à savoir
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1 trois jours après que l'acte d'accusation ait été dressé et promulgué,
2 l'acte d'accusation dans l'affaire IT-99-37. C'est un acte d'accusation qui
3 fut signé par Louise Arbour lorsqu'elle était Procureure et qui porte sur
4 le Kosovo. Dans cet acte d'accusation, sont inculpés Milosevic, Ojdanic, le
5 ministre Stojiljkovic.
6 Trois jours avant que cet acte d'accusation n'ait été signifié,
7 puisqu'il a été signé le 22 avril, voyez qu'il y a le cachet du greffe, je
8 pense qu'il correspond au 23. Le document ne devient public que le 24 mai.
9 Le 25 mai, le général Pavkovic écrit cet ordre dans lequel il est
10 indiqué que le MUP ne nous a pas été subordonné à nous, armée. Ils n'ont
11 pas fait ce qu'ils étaient censés faire. Mais cela cinq semaines après le
12 premier ordre, nous n'avons pas entendu de griefs à propos de cette
13 affaire. Nous n'avons pas entendu de griefs à propos du MUP. Il y a eu de
14 nombreuses opérations de combat conjoint qui ont été exécutées sous les
15 ordres du commandement conjoint lorsqu'ils travaillaient ensemble. Nous
16 avons eu des rapports après certaines actions dans lesquelles il était
17 indiqué que la coopération s'est passée fort bien, qu'ils travaillaient
18 ensemble avec le MUP. Nous suggérons que ce sont des éléments de preuve
19 qu'il faudrait placer dans le contexte de l'époque afin de voir quelles
20 sont les motivations.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cet acte d'accusation
22 incluait également M. Milutinovic ?
23 M. HANNIS : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je m'excuse. Effectivement, j'avais omis
26 son nom.
27 Et comme je l'ai dit, il y est indiqué que l'armée était parfaitement
28 informée du fait que certains membres du MUP et que certaines petites
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1 unités qui, et je cite: "opéraient indépendamment sur le terrain" et
2 commettaient ou avaient commis des crimes graves contre la population
3 civile. Mais il n'est pas indiqué que des mesures aient été prises ni par
4 le général Pavkovic ni par le général Ojdanic d'ailleurs.
5 Alors, je suppose qu'ils diront maintenant : Oui, mais ils ne
6 s'étaient pas subordonnés à nous, donc on ne peut pas faire grand-chose.
7 Même si tel est le cas, nous, ce que nous avançons c'est qu'au vu du
8 contexte de l'époque, au vu du conflit qui avait lieu à l'époque, la VJ qui
9 était une force importante et qui disposait de forces importantes dans ce
10 secteur, donc il y a des crimes qui ont été commis dans leur zone de
11 responsabilité. Ils auraient dû au moins faire l'objet de rapport ou
12 d'information destinée aux autorités civiles ou aux autorités du MUP et à
13 leurs supérieurs. Nous ne voyons aucune preuve de ce genre de rapport.
14 En dépit du fait qu'ils étaient conscients de ces crimes, nous avançons que
15 le général Ojdanic n'a pas pris des mesures importantes pour prévenir ou
16 punir la commission de ces crimes. Il n'a pas non plus essayé de punir
17 quiconque pour les crimes qui avaient été commis.
18 Nous disons que cela a en quelque sorte engendré et créé une atmosphère
19 d'impunité qui a encouragé la commission d'autres crimes. Si nous prenons
20 cela avec les autres éléments de preuve présentés, nous disons que cela
21 montre que le général Ojdanic avait l'intention que ces crimes se
22 déroulent, et la déduction que l'on peut dégager c'est que tous ces crimes
23 indiquaient, faisaient partie d'un plan commun destiné à modifier
24 l'équilibre démographique du Kosovo, que donc cela faisait partie de
25 l'entreprise criminelle commune, ce que nous avons allégué. Ojdanic a
26 apporté sa contribution à cette entreprise avec cette intention qu'il
27 partageait avec les autres membres de l'entreprise criminelle commune.
28 Alors, nous avons une position de repli pour ce qui est des accusés si
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1 vous ne pensez pas qu'ils sont responsables d'entreprise criminelle
2 commune. Il se peut que vous estimiez qu'il soit responsable au titre de
3 l'article 7(1) pour ce qui est du général Ojdanic, et je pense du fait
4 qu'il a planifié ou donné l'ordre, ou de tout autre manière, aidé ou
5 encouragé à ce que ces crimes soient commis.
6 A cet égard, nous indiquons qu'il a permis et facilité la
7 participation des effectifs de la VJ, il a également permis que des
8 ressources utilisées dans des activités de combat au Kosovo. Il savait que
9 sans la participation de ces unités, les objectifs de l'entreprise
10 criminelle commune ne pourraient pas être atteints, et en exécutant les
11 instructions de Milosevic en tant que membre de l'état-major du
12 commandement Suprême, en tant que chef de l'état-major du commandement
13 Suprême, il a apporté un soutien moral, des ressources matérielles aux
14 membres de l'entreprise criminelle commune. Et en s'abstenant de prendre
15 des mesures disciplinaires d'importance contre ces crimes qui étaient
16 commis contre la population albanaise du Kosovo, il l'a fait également. Il
17 y a participé.
18 Nous avançons qu'il partageait l'intention, cette intention de
19 participer à l'entreprise criminelle commune avec les autres membres. Il
20 était au courant du plan qui allait être mis en vigueur. Il n'a absolument
21 pas exercé son autorité pour le prévenir ou faire en sorte qu'il ne soit
22 pas exécuté. A ce sujet, nous aimerions faire valoir un ordre qui comporte
23 des suggestions destinées à la 3e Armée qui est l'ordre, en fait, qui fait
24 référence à un ordre du commandement conjoint. Et l'état-major du
25 commandement Suprême ainsi que le général Ojdanic en avaient été informés.
26 Il s'agit de la pièce
27 P1487.
28 Le commandement conjoint n'est pas un organe prévu par la constitution ou
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1 prévu par la loi relative à la défense ou à la loi relative à l'armée. Il
2 ne semblait pas qu'il y ait véritablement de base juridique pour cet
3 organe, et pourtant le général Ojdanic semble tout à fait être satisfait
4 d'accepter cet organe. Il ne donne pas l'ordre à la 3e Armée de ne pas
5 tenir compte de cet organe. Il présente la suggestion suivant laquelle il
6 pourrait faire certaines choses de façon différente. Donc nous avançons que
7 cela montre son intention, l'intention, cette intention qui était partagée
8 avec les autres membres de l'entreprise criminelle commune.
9 De même, nous indiquons qu'il y a des éléments de preuve relatifs à la
10 révocation de certains membres de haut niveau et cela montre son intention
11 de participer à l'entreprise criminelle commune.
12 Contrairement à son prédécesseur le général Perisic, nous indiquons
13 que les éléments de preuve montrent qu'Ojdanic soutenait la participation
14 de la VJ à des activités de combat au Kosovo, et ce, dans des conditions
15 qui, d'après le général Perisic, allait tout à fait à l'encontre du mandat
16 juridique de la VJ.
17 Nous avons beaucoup parlé de ces éléments de preuve. Par exemple, la lettre
18 du général Perisic qui porte la date du
19 23 juillet 1998, il s'agit bien de la pièce p717. Dans cette lettre, il
20 indique que si l'armée va être utilisée de cette façon,
21 M. Milosevic, vous devez véritablement déclarer l'état d'urgence. Lorsque
22 le général Ojdanic a remplacé le général Perisic à la fin du mois de
23 novembre, après cette date, nous avons entendu, vous avez entendu le
24 général DZ dire qu'il y avait eu un changement de comportement, qu'il y
25 avait eu un changement perceptible dans l'attitude de l'armée et dans la
26 façon dont l'armée était utilisée. Nous avançons que cette mutation s'est
27 produite en partie, parce que Ojdanic était considéré comme quelqu'un qui
28 était plus que disposé à se rallier aux intentions de Milosevic au Kosovo
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1 pour ce qui est de l'armée.
2 En tant que chef de l'état-major général, nous affirmons qu'il a utilisé
3 son autorité pour faciliter ou pour apporter sa contribution à l'entreprise
4 criminelle commune. Il y a eu donc cette révocation d'officiels et
5 d'officiers de haut niveau de la VJ tels que le général Perisic et cela
6 s'est fait à partir d'une décision prise par le président de la RSFY, M.
7 Milosevic, mais nous avons également le chef d'état-major général, Ojdanic,
8 qui présente des recommandations au conseil de Défense suprême et ce sur
9 des questions de personnel. Nous voyons qu'il est fait référence à cela
10 dans l'ordre portant sur les faits non contestés le 11 juillet 2006.
11 Et d'ailleurs, conformément à un décret de Milosevic, Ojdanic a aidé à ce
12 que soient remplacés les officiers qui s'opposaient à l'utilisation de la
13 VJ au Kosovo, et d'autres officiers les ont remplacés. Nous vous
14 recommandons la lecture des pièces à conviction P799 jusqu'à P803. Il
15 s'agit d'une série de cinq documents.
16 Nous avançons que vous pouvez également discerner son intention, et son
17 intention partagée avec les autres membres de l'entreprise criminelle
18 commune. J'en veux pour preuve ces actions à propos du non-respect des
19 accords du mois d'octobre 1998. Il y a eu un rassemblement, une
20 mobilisation de soldats, la création de polygones d'entraînement. Voilà
21 autant d'exemples d'infractions et de violations de ces accords alors que
22 cela se trouvait dans la zone de responsabilité d'Ojdanic. Cela se passait
23 dans la zone de responsabilité d'Ojdanic.
24 Et de plus, vous avez entendu du général Loncar qui vous a donné
25 d'autres exemples lorsqu'il a témoigné, qui vous a expliqué comment Ojdanic
26 avait refusé au général DZ la possibilité d'inspecter des brigades
27 militaires et des armes qui se trouvaient au Kosovo, en dépit du fait
28 qu'Ojdanic était parfaitement conscient du fait que ce genre de supervision
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1 faisait intégrante des accords du mois d'octobre. Cela peut se trouver au
2 compte rendu d'audience,
3 page 7 672.
4 Et vous avez donc la question de la responsabilité supérieure de M.
5 Ojdanic dont M. Stamp va parler à propos de sa responsabilité au titre de
6 l'article 7(3). Mais j'aimerais mentionner quelque chose d'autre.
7 Ojdanic avait l'aptitude matérielle, ainsi que l'obligation de mettre
8 en vigueur la discipline militaire et de faire en sorte que des poursuites
9 soient engagées et des punitions appliquées. Le système de justice
10 militaire fonctionnait parfaitement pendant la période visée par l'acte
11 d'accusation. Vous pouvez le voir dans la pièce à conviction 1917, qui est
12 un rapport de l'état-major du commandement Suprême du 7 mai 1999.
13 Nous avançons qu'après la déclaration de guerre, en fonction d'un ordre du
14 président et de l'état-major du commandement Suprême, Ojdanic assurait le
15 commandement des unités du MUP qui étaient subordonnées à la VJ pour des
16 opérations de combat. Ils disposaient d'informations suffisantes qui
17 étaient mises à disposition, suivant lesquelles les unités sous son
18 commandement étaient sur le point de commettre des crimes ou avaient commis
19 des crimes. Il n'a pas pris les mesures effectives contre cela. Au lieu de
20 ce faire, au lieu d'utiliser son autorité pour mettre un terme à ces
21 attaques de plus en plus répandues contre la population civile, il y a eu
22 quelques affaires au pénal qui ont fait l'objet de poursuites et qui ne
23 couvraient pas véritablement ces crimes graves; au lieu de cela, vous
24 verrez qu'il se concentre beaucoup plus sur des crimes contre l'armée, des
25 crimes de désertion, des crimes d'absence sans autorisation préalable et
26 d'autres crimes relatifs à des infractions de la discipline au sein de la
27 VJ.
28 Je suppose qu'il y a une exception qui confirme la règle, il s'agit des
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1 crimes de vol et de larcin. Il y avait beaucoup d'affaires diligentées pour
2 des affaires de vol et de pillage, mais non pas pour des affaires de
3 meurtres, d'assassinats ou de crimes de guerre. Vous verrez qu'il y a, par
4 exemple, plusieurs rapports de l'organe de commandement de la 3e Armée,
5 l'organe responsable des affaires juridiques. Pour le travail des
6 procureurs militaires et des tribunaux, il y a plusieurs pièces, la pièce
7 P1912, 1939, 1940 et 1941.
8 Par exemple, sur les 91 poursuites mentionnées dans le rapport du Corps de
9 Pristina, il s'agit du statut de la procédure militaire visant ses membres
10 et ce depuis le 24 mars 1999. Aucune de ces affaires ne couvre des
11 infractions ou violations sérieuses du droit de la guerre ou du droit
12 humanitaire international d'ailleurs. Il s'agit de la pièce P1182 en date
13 du 15 mai.
14 Nous avançons qu'il s'agit donc d'un manquement systématique à mener à bien
15 des enquêtes et à poursuivre en bonne et due forme, ce qui fait qu'il y a
16 extrêmement peu de crimes de guerre qui ont été traduits en justice.
17 D'après le témoignage de Lakic Djorovic, il a indiqué à quel point il
18 s'était trouvé à chaque fois qu'il menait à bien une enquête, qu'il avait
19 dû se confronter à des tentatives d'obstructionnisme. Nous avançons, en
20 fait, que ce manque de réaction efficace de la part d'Ojdanic prouve son
21 intention de permettre que soient commis ces crimes ou au moins démontre le
22 fait qu'il était au courant de ces actes et qu'il n'a pas su prendre des
23 mesures, cela correspond aux critères de l'article 7(3).
24 Vous vous rappellerez que le général Vasiljevic nous a relaté comment il a
25 pour la première fois entendu ces informations pour le général Ojdanic.
26 C'est quand le général Farkas lui en a parlé. Ojdanic a appelé Milosevic,
27 ce qui était tout à fait la chose à faire, une réunion a été prévue et lui,
28 le général Ojdanic a donné l'ordre au général Pavkovic de venir et de
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1 l'informer de ce qui s'était passé.
2 Ils ont eu donc une première réunion avant la réunion officielle du
3 17 mai avec Milosevic, Sainovic et Rade Markovic. Il semble manifeste,
4 d'après ce que nous a relaté le général Vasiljevic dans sa déclaration et
5 dans sa déposition, qu'avant de venir pour informer le général Ojdanic, le
6 général Pavkovic devait être au courant de certains de ces crimes, parce
7 qu'il a expliqué comment
8 800 corps se trouvaient sur le terrain et comment il avait eu des
9 discussions avec le MUP et avec le général Lukic à propos de qui était
10 responsable du sort de ces 800 corps et comment ils ont fini par savoir que
11 l'armée était responsable de 270 de ces corps et que le MUP avait dit que
12 peut-être 300 de ces corps étaient à eux, que les autres, ils ne savaient
13 pas ce que ces corps représentaient.
14 Donc il semble que Pavkovic était au courant de ces crimes et
15 qu'apparemment il n'a pas présenté le rapport au général Ojdanic avant
16 cela. Si tel est le cas, il semble que le général Ojdanic aurait quand même
17 dû prendre certaines mesures, que certaines sanctions auraient dues être
18 mises en vigueur, qu'une certaine procédure disciplinaire aurait due être
19 instaurée contre le général Pavkovic. Il n'y a aucune preuve de ce que cela
20 se soit passé. Nous pensons que cela, et nous affirmons que cela montre une
21 intention, une intention partagée par Ojdanic avec les autres qui voulaient
22 que ces crimes soient commis.
23 J'aimerais maintenant revenir sur certaines des observations faites
24 par Me Sepenuk à ce sujet, car le fondement de l'argumentaire présenté par
25 Me Sepenuk semble être que le général Ojdanic contrôlait très bien la
26 situation et a réagi de façon appropriée, qu'il dirigeait tout de main de
27 maître. Il a enlevé des unités du Kosovo et, en fait, il dépendait de
28 l'exactitude des rapports qui émanaient du terrain. Il a également dit que
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1 les opérations du printemps étaient une réaction tout à fait raisonnable à
2 l'UCK et à la menace présentée par l'OTAN, et donc qu'il n'y avait pas
3 d'intention partagée.
4 Mais le comportement de la VJ sur le terrain, nous l'avons dit, en
5 mars 1999 n'était pas dirigé contre la menace de l'OTAN. Ces forces, vous
6 le verrez, il s'agit d'un ordre du 16 février. Il me semble que c'est la
7 pièce P2808. Il s'agit d'une directive de
8 40 pages, un ordre de plan qui émane du général Lazarevic. Vous voyez que
9 vous avez le numéro 455-1, c'est le premier ordre de toute une série
10 d'ordres qui sont au nombre de 13. Il s'agit des ordres, des
11 13 ordres du commandement conjoint émis à la fin du mois de mars. Alors, le
12 déploiement des unités qui ne se trouvaient pas aux frontières n'est pas ce
13 à quoi on pourrait s'attendre s'ils prévoyaient une attaque de l'OTAN à
14 partir de l'Albanie ou à partir de la Macédoine, mais il s'agissait de
15 déployer les unités dans tout le Kosovo, au cœur du Kosovo, dans la zone où
16 les forces de l'UCK se trouvaient, mais dans la zone également où se sont
17 produits nos crimes, les crimes qui sont énumérés dans l'acte d'accusation.
18 Cela est tout à fait conforme aux ordres du commandement conjoint et aux
19 ordres du Corps de Pristina.
20 Il y a eu de nombreuses unités du MUP et de la VJ qui ont pris partie
21 à des offensives menées dans de grandes régions du Kosovo et cela
22 correspond aux dates des crimes allégués dans notre acte d'accusation. Il
23 faut savoir que les civils serbes armés y ont participé également, la
24 population non-siptar armée alors qu'Ojdanic était parfaitement conscient
25 de cela au moins depuis le mois de février, d'après les procès-verbaux du
26 collège. Et il y a la façon dont les opérations étaient menées à bien, les
27 tactiques excessives. Un exemple, par exemple, est que le commandement de
28 la 37e Brigade qui utilise cette analogie en disant qu'on va utiliser un
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1 éléphant pour tuer une mouche, me semble-t-il. Tout cela signifie que les
2 civils s'enfuiraient, ce qu'ils ont fait, comme ils l'avaient fait
3 d'ailleurs en 1998, même s'il n'y avait pas de bombardement.
4 Pour ce qui est des civils armés, pièce à conviction P931. Il s'agit
5 d'une réunion du collège de la VJ, Ojdanic entend qu'il y a
6 47 000 Serbes armés et que leurs tâches en temps de guerre correspondent à
7 la défense des villages et à la participation avec les unités de l'armée à
8 des opérations dans le voisinage de leur village. Ojdanic ne fait aucune
9 remarque lorsqu'il entend cela. Comme nous l'avons dit, les ordres du
10 commandement conjoint faisaient référence à l'utilisation de la population
11 non-siptar armée. Donc nous avons un lien de la VJ avec ces civils armés.
12 Nous avançons qu'ils avaient été armés par la VJ d'ailleurs.
13 Et avant cette réunion, dans la pièce P939, réunion du collège du 21
14 janvier 1999, le général Dimitrijevic avait préalablement exprimé une
15 préoccupation à propos des Serbes qui, au Kosovo, adoptaient de plus en
16 plus une attitude radicale et extrême. Donc il avait exprimé cette
17 préoccupation à propos du comportement des civils serbes au Kosovo. Et lors
18 d'une réunion, après cela, le général Ojdanic indique que 47 000 de ces
19 personnes ont été armées et nous disons que c'est quelque chose qui aurait
20 dû quand même l'alerter à propos des crimes qui pourraient être commis.
21 Eu égard au commandement conjoint de la réunion du collège de la VJ
22 du 21 janvier 1999, pièce P939, Ojdanic fait référence au commandement
23 conjoint. Il est absolument manifeste que même à ce moment-là, et c'est
24 assez tôt, il était déjà parfaitement au courant de son existence.
25 Il y a eu une remarque qui a été faite à propos des problèmes, à propos de
26 savoir si ces problèmes avaient fait l'objet de rapports, et à propos du
27 respect des accords du mois d'octobre. Ojdanic était présent -- ou plutôt,
28 Ojdanic était au courant des allégations qui avaient été faites à propos
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1 d'unités subordonnées à l'état-major général et il était conscient du fait
2 que cela n'était pas exact. Je pense que c'est le général Dimitrijevic qui
3 parlait de certaines opérations qui étaient présentées comme des exercices,
4 alors que d'autres étaient décrites comme des réactions ou provocations de
5 l'UCK alors que cela n'était pas le cas.
6 Ojdanic ne semble pas avoir fait preuve lors de la réunion d'une grande
7 préoccupation à ce sujet. Cela ne l'a pas inquiété outre mesure. Nous
8 faisons valoir la page 10 de la pièce à conviction P928; les pages 15 et 16
9 de la pièce P931; page 21 de la pièce P938;
10 page 13 de la pièce P933. Ces rapports ne montrent pas que c'est la VJ qui
11 a amorcé certaines attaques plutôt que l'UCK. En fait, ils avancent le
12 contraire, et c'est Dimitrijevic et le général Andjelkovic qui le
13 mentionne, cela.
14 Pour ce qui est des plans pour le printemps. Vous avez les procès-verbaux,
15 pièces à conviction P929 et P939, qui corroborent les ordres du
16 commandement conjoint dans des documents tels que le document P995,
17 l'analyse de la 549e Brigade qui décrit des opérations de combat au Kosovo
18 dans des endroits où les incidents mentionnés dans l'acte d'accusation se
19 sont déroulés.
20 Alors, j'aimerais dire à propos du général Ojdanic qu'il est
21 responsable au pénal pour avoir participé à cette entreprise criminelle
22 commune. Tout au moins, il a une responsabilité pénale individuelle au
23 titre de l'article 7(1) pour ce qui est d'avoir donné l'ordre, planifié ou
24 de tout autre manière avoir aidé ou encouragé la commission de crimes, et
25 nous pensons qu'il est responsable également au titre de l'article 7(3).
26 J'aimerais maintenant parler du général Pavkovic. Le général Pavkovic avait
27 participé directement à l'entreprise criminelle commune, parce qu'il a
28 planifié, donné l'ordre et exécuté l'utilisation de la VJ au Kosovo, et ce,
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1 afin de contribuer à l'objectif de l'entreprise criminelle commune, qui
2 était le nettoyage ethnique afin de modifier la trame ethnique, l'équilibre
3 ethnique et de maintenir le contrôle serbe dans la province.
4 Lui aussi faisait partie intégrante de l'entreprise criminelle
5 commune de par sa participation active au commandement conjoint, du fait
6 qu'il a fourni une orientation tactique et un soutien militaire à la 3e
7 Armée et à ses unités subordonnées.
8 Eu égard à sa position de commandement, en 1998 il était commandant
9 du Corps de Pristina. Au début de l'année 1999, nous savons qu'il a été
10 promu et qu'il est devenu commandant de la
11 3e Armée. Au titre de ces deux fonctions, nous avançons qu'il avait
12 l'autorité pour donner des ordres et pour demander à ses subordonnés des
13 rapports, et par conséquent, il avait le contrôle effectif de ces unités.
14 Les éléments de preuve montrent que pendant toute l'année 1998, le
15 général Pavkovic a enfreint la Loi relative à la Défense en utilisant le
16 Corps de Pristina dans des engagements au sein du Kosovo, sans pour autant
17 que soit déclaré l'état de guerre ou l'état d'urgence au Kosovo. Les
18 officiers supérieurs étaient conscients de cela, et cela était indiqué dans
19 la lettre du général Perisic, pièce à conviction P717.
20 Pavkovic, en fait, avait le contrôle effectif du Corps de Pristina en
21 1998, et était parfaitement conscient du fait que des crimes étaient commis
22 au Kosovo contre la population civile. Il a fait preuve, comme nous
23 l'indiquons, d'une volonté à ne pas faire respecter la loi.
24 En 1999, après sa promotion au poste de commandement de la 3e Armée,
25 il avait le contrôle de jure et de facto sur la 3e Armée.
26 Dans les pièces à conviction P1946 et P1947, vous voyez qu'il demande le
27 rattachement des unités à l'extérieur de la 3e Armée pour qu'elles
28 apportent un soutien, un appui à la 3e Armée lors des opérations de combat.
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1 En tant que commandant de la 3e Armée, Pavkovic était informé des crimes
2 commis par ses subordonnés, par ses unités subordonnées. Nous disons, en
3 fait, que cela est expliqué par sa présence sur le terrain au Kosovo.
4 Dans son entretien qui fait l'objet de la pièce P949, à la
5 page 812, il indique que 95 % du temps qu'il a passé au Kosovo a été passé
6 au poste de commandement avancé. De surcroît, il recevait de la part de ses
7 subordonnés du Corps de Pristina des rapports réguliers. Il disposait
8 d'information du commandement conjoint, et nous avançons qu'il avait
9 l'intention de participer à l'entreprise criminelle commune, et ce, par son
10 rôle actif, par le rôle actif qu'il a joué au sein du commandement
11 conjoint.
12 Le colonel Pesic nous a dit qu'il savait que le général Pavkovic
13 avait participé aux réunions du commandement conjoint en 1998. Et lorsque
14 nous lisons les procès-verbaux des réunions du commandement conjoint du
15 mois de juillet au mois d'octobre 1998, pièce à conviction 1468, vous voyez
16 qu'il a participé régulièrement à ces réunions.
17 M. Cvetic nous a également dit lors de sa déposition que Pavkovic
18 était membre du commandement conjoint.
19 Lorsque l'on pense à cet organe, le commandement conjoint, des plans
20 opérationnels ont été organisés, structurés, ensuite exécutés, notamment
21 par des unités qui étaient placées sous le commandement du général
22 Pavkovic. Lorsque l'on examine les ordres du commandement conjoint, nous
23 voyons qu'une attention toute particulière est accordée à l'utilisation de
24 la 3e Armée, au Corps de Pristina et à ses unités subordonnées.
25 Et ce, eu égard au rôle du général Pavkovic et à sa participation au
26 commandement conjoint, nous vous demandons d'accorder une attention toute
27 particulière à la pièce à conviction P2166. Il s'agit de procès- verbaux --
28 ou du procès-verbal, plutôt, d'une réunion qui s'est tenue à la fin du mois
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1 d'octobre 1998. Il s'agissait d'une réunion interservice pour l'état-major
2 dont l'objet était d'étudier la façon de combattre le terrorisme au Kosovo-
3 Metohija.
4 Je pense que le procès-verbal porte la date du 2 novembre 1998, et
5 Pavkovic est la personne qui se voit confier la tâche de présenter le
6 rapport de situation au commandement conjoint sur ce qui s'est passé les
7 mois précédents. Donc ils abordent par le détail, par le menu ce qui a été
8 fait. Il s'agit d'une réunion également où ils ont discuté de ce que
9 devrait faire le commandement conjoint pour continuer à exister, et il y a
10 un consensus qui est établi suivant lequel il faudrait que certains membres
11 soient changés.
12 Vous verrez dans le rapport combien ils indiquent qu'ils ont tué des
13 membres de l'UCK au cours de ces derniers mois et comment, en fait, ils
14 n'ont pas ménagé leurs efforts.
15 Pavkovic était la personne qui assurait le commandement global de la
16 3e Armée, et ce, afin de parvenir aux objectifs de l'entreprise criminelle
17 commune. Et nous avançons que par sa participation au commandement
18 conjoint, il avait l'intention d'utiliser ces unités, notamment certaines
19 de ces unités, donc qu'il savait qu'elles avaient commis des crimes en
20 1998.
21 Les éléments de preuve montrent également son intention, l'intention qu'il
22 partageait -- qu'il avait l'intention, en fait, que soient commis ces
23 crimes au Kosovo, en partie en incitant ces soldats.
24 Vous avez le témoignage du Témoin K73 qui inclut notamment sa
25 référence au fait qu'il y a eu un rassemblement des membres de cette unité
26 lorsque Pavkovic, le général Pavkovic, leur a parlé, et cela peu de temps
27 avant la déclaration de l'état de guerre, et il lui a indiqué que cela
28 allait très vraisemblablement se passer, et que : "Une fois que les bombes
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1 de l'OTAN commenceraient à tomber, nous allons pouvoir nous débarrasser des
2 Albanais."
3 Nous disons, compte tenu de tous les éléments de preuve relatifs à ce
4 qui s'est passé depuis ce jour, que tout cela indiquait l'intention de
5 mener à bien et de réaliser les objectifs de l'entreprise criminelle
6 commune, c'est-à-dire de résoudre le problème du Kosovo qui se posait
7 depuis des années et de le résoudre en expulsant les Albanais. Nous disons
8 que ceci, ce terme d'Albanais, ne concernait pas uniquement l'UCK, mais
9 bien l'ensemble des personnes d'origine albanaise, en tout cas le nombre le
10 plus important de façon à réduire cette population à un niveau gérable,
11 lorsque les Serbes prendraient effectivement le contrôle de la région.
12 Mais cela était trop difficile, simplement trop difficile. Pendant
13 longtemps les forces serbes ont essayé de s'occuper de l'UCK en la traitant
14 d'armée d'insurrection et en affirmant qu'il fallait que quelqu'un
15 poursuive cette armée pour tirer dessus, qu'il fallait lui tendre des
16 embuscades, qu'il fallait ensuite retourner dans les villages, enlever son
17 uniforme, se mêler à la population civile, la population civile soutenue
18 largement par les Albanais en question, certains avec plus d'enthousiasme
19 que d'autres, mais en tout cas la population leur offrait logement, vivres
20 et abri. Donc c'était tout simplement trop difficile d'essayer de régler le
21 problème de cette façon dans ces conditions. Nous disons que les éléments
22 de preuve démontrent - c'est une déduction qui est logique de faire à
23 partir de la lecture de ces documents et de l'audition de ces témoins - que
24 finalement, à un certain moment, ils ont décidé de ne plus essayer de
25 régler le problème ainsi. Ils ont décidé simplement d'expulser la
26 population albanaise et de faire en sorte qu'elle ne revienne plus de façon
27 ne plus créer de problème. Il est trop difficile et trop pénible, ont-ils
28 dit, de continuer à agir comme nous le faisons. Nous avons perdu déjà trop
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1 d'hommes. Nous affirmons, du côté du bureau du Procureur, que ceci est une
2 déduction tout à fait admissible sur la base de la lecture des éléments de
3 preuve.
4 L'armée yougoslave était une armée professionnelle qui
5 avait un système hiérarchique fonctionnant très bien. Les rapports qui ont
6 été soumis à la Chambre détaillent la situation des opérations et qui a
7 participé. Les rapports de combat de la
8 549e Brigade mécanisée de Delic indique que des opérations conjointes menées
9 avec le MUP ont été couronnées de succès. Vous voyez cela dans la pièce
10 P1995 du 30 mars 1999, juste après la commission d'un grand nombre de
11 crimes très graves. Pavkovic a été informé par le général Lazarevic des
12 déplacements accrus de population au Kosovo aux environs du 30 mars 1999.
13 Vous avez entendu dans l'entretien de Pavkovic en qualité de suspect
14 prononcer ces mots. Pièce à conviction P949, page 8.
15 Par ailleurs, Pavkovic fournit à ses supérieurs des détails très précis de
16 la situation au Kosovo. Il est clair qu'il était très bien informé. Je
17 tiens à renvoyer la Chambre à présent à un autre procès-verbal d'entretien
18 de Pavkovic en qualité de suspect. Pièce P949, page 18. Dans ce document il
19 y a quelques éléments sur lesquels j'aimerais m'attarder quelques instants.
20 Dans ce document, Pavkovic déclare qu'il y avait affrontement entre les
21 Albanais et les non-Albanais au Kosovo, entre les Serbes et les
22 Monténégrins, qui découlait des situations historiques du passé et que des
23 crimes avaient déjà été commis dans le cadre de tels affrontements.
24 Il déclare également qu'il ne sait pas qui a retiré leurs cartes d'identité
25 aux Albanais alors qu'ils traversaient la frontière, et notamment au niveau
26 de la frontière avec la Macédoine. Il dit que cela a pu se passer à
27 Djeneral Jankovic ou à Kacanik, au poste de frontière de Djeneral Jankovic
28 ou de Kacanik, mais qu'il ne sait pas qui a fait cela, qui a été
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1 responsable de cela ou qui en a donné l'ordre. Il en a entendu parler le
2 dixième jour de la campagne, alors que les routes menant à Urosevac et à
3 Djeneral Jankovic étaient totalement congestionnées. Donc Pavkovic informe
4 l'état-major du commandement Suprême de cette réalité. Il dit que c'est
5 sans doute le MUP qui est responsable de ces actions, même si c'est bien
6 l'armée yougoslave qui a le contrôle sur les zones frontalières. Il dit que
7 tout de même le MUP contrôlait les passages frontières en tant que tels.
8 Après le début des bombardements de l'OTAN, Pavkovic - c'est en tout cas ce
9 que nous soutenons - donc après que l'ordre de resubordination du MUP à la
10 VJ ait été donné par le président et le général Ojdanic, en sa qualité de
11 chef d'état-major général - nous soutenons qu'il avait un pouvoir de jure
12 complet sur le MUP et sur les unités subordonnées du MUP qui participaient
13 au combat.
14 Nous avons parlé de la réunion du 17 mai, discussion qui a porté sur les
15 crimes au Kosovo et qui a eu lieu entre M. Milosevic et M. Sainovic. Par
16 rapport à cela nous disons que Pavkovic est par ailleurs responsable
17 d'avoir dissimulé ces crimes - et nous parlons ici des meurtres commis à
18 Izbica. Vous avez entendu le Dr Tomasevic dire que le général Pavkovic lui
19 avait dit qu'il aurait besoin de son aide pour une action de "asanacija," à
20 savoir nettoyage ou ratissage du terrain. Vous avez entendu sa déposition
21 dans laquelle elle a parlé des cadavres qu'elle avait examinés, et à la
22 lecture d'autres éléments de preuve nous savons que d'autres cadavres ont
23 été exhumés à Izbica. Donc sur la base d'autres éléments de preuve, nous
24 disons que l'inhumation de ces cadavres pour ensuite les exhumer et les
25 emporter en Serbie, montre bien que toutes les personnes engagées dans
26 cette action se sentaient coupables et avaient connaissance de commettre un
27 acte coupable.
28 M. Thaqi vous a dit qu'il a assisté à un massacre dont ont été victimes les
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1 hommes qui avaient réalisé ces inhumations et ensuite ces exhumations.
2 Donc intention partagée. Nous disons que le général Pavkovic partageait la
3 même intention que les autres membres de l'entreprise criminelle commune,
4 puisqu'il a été membre du commandement conjoint et qu'il a planifié,
5 ordonné, fourni des équipements de soutien à la réalisation des objectifs
6 de l'entreprise criminelle commune grâce à ses fonctions de pouvoir sur la
7 3e Armée et les subordonnées de celle-ci.
8 Il a ouvertement partagé des informations à ce niveau concernant la 3e
9 Armée avec des personnes qui ne faisaient pas partie de sa hiérarchie. Nous
10 avons la déposition du général Loncar selon laquelle Pavkovic aurait
11 renseigné directement Sainovic. Nous savons aussi que Pavkovic a souvent
12 rencontré le président Milosevic sans en informer ses supérieurs. Nous
13 avons la preuve et l'élément de preuve selon lequel le général Vasiljevic
14 dans sa déclaration préalable, pièce à conviction 2589 et au compte rendu
15 d'audience page 15 978 dit la même chose. Nous avons la déposition du
16 général Loncar et sa déclaration préalable pièce P2521.
17 Maintenant, qu'en est-il de l'omission qui a consisté à empêcher à ne pas
18 sanctionner. Nous disons que Pavkovic savait que des crimes étaient commis
19 et, que raisonnablement, il était permis de prévoir que d'autres crimes
20 seraient commis à l'avenir et qu'il n'a rien fait dans le sens de prendre
21 des mesures raisonnables pour sanctionner ou empêcher. Des rapports qui lui
22 ont été communiqués auraient en tout cas mérité quelques investigations.
23 Mais disons qu'il a ignoré la gravité des infractions en cause, et ceci est
24 partiellement démontré par le fait que les rares personnes traduites en
25 justice étaient des civils. Voyez pièce à conviction P955, un récapitulatif
26 des poursuites engagées en justice; pièce P831, rapport d'activités dans
27 lequel le MUP est chargé de couvrir les crimes de guerre; pièce P939,
28 rapport sur le travail du procureur militaire. Nous disons que Pavkovic
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1 aurait dû lancer des enquêtes au sujet des accusations faites et qu'il n'a
2 pas pris des mesures raisonnables de ce genre.
3 A défaut, nous disons également que par sa volonté de fournir des
4 équipements de soutien tout en sachant que des crimes étaient commis, il a
5 largement aidé à la réalisation de l'entreprise criminelle commune, et
6 qu'il savait que sans le soutien de la VJ, cette entreprise n'avait aucune
7 chance de succès. Nous disons que Pavkovic a autorisé délibérément l'emploi
8 de la VJ au Kosovo et en coordination avec le MUP la commission de ces
9 crimes pour atteindre les objectifs de l'entreprise criminelle commune. Il
10 connaissait l'ampleur des crimes commis au Kosovo. Voir pièce P2508,
11 déclaration du général DZ, qui a rendu compte de population massive des
12 villages un peu partout au Kosovo.
13 Par ailleurs, il n'a pas pris des mesures raisonnables pour punir et
14 prévenir. Il n'a fait qu'encourager et moralement inciter à ce que d'autres
15 atrocités soient commises. Sur la base de ce que je viens de dire, nous
16 disons que les éléments de preuve démontrent à ce stade, qu'il est
17 suffisamment prouvé que le général Pavkovic a aidé et encouragé à commettre
18 les crimes qui font l'objet de l'acte d'accusation, et qu'il a apporté une
19 contribution importante à la commission de ces crimes par son soutien.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pause.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.
22 --- L'audience est reprise à 11 heures 18.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, veuillez poursuivre.
24 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Je voudrais maintenant répondre à quelques-unes des remarques faites par Me
26 Ackerman au sujet du général Pavkovic, avant de passer au général
27 Lazarevic.
28 Me Ackerman nous a dit que la guerre était un enfer. Sur le fond, ces
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1 informations consistent à dire que finalement ce genre de choses peut se
2 passer pendant une guerre et qu'aucun commandant n'aurait pu avoir le
3 moindre contrôle sur ce genre d'événements.
4 Si je comprends bien ces remarques sur le fond, j'ajouterais
5 néanmoins qu'une armée professionnelle a les moyens d'éliminer, dans la
6 mesure du possible, des actions délictueuses de la part des soldats.
7 L'armée a un système d'entraînement, elle a une direction. Ce n'est pas
8 comme un gang dans les rues de New York, de Détroit ou de Los Angeles.
9 Certains jeunes gens armés d'un fusil pour aller au combat auront tendance
10 à commettre des crimes. Lorsque cela se passe les commandants ont pour
11 obligation de fournir une réponse proportionnée, ce qui signifie qu'il ne
12 suffit pas simplement de mettre quelques rares individus en accusation sur
13 le plan individuel.
14 La guerre dont nous parlons était différente des guerres plus
15 modérées qui avaient une intensité moins importante, qu'on a pu voir dans
16 le passé. C'était une guerre très intense avec une opposition forcenée des
17 deux parties sur le terrain. L'OTAN a bombardé, mais n'avait pas de troupes
18 terrestres. L'affrontement existait entre l'armée yougoslave, les Serbes,
19 une armée professionnelle et moderne d'une part et l'UCK de l'autre. On
20 avait une force très supérieure qui utilisait des armes lourdes contre une
21 force relativement petite, mal entraînée et mal équipée, et au milieu il y
22 avait une importante population civile.
23 Me Ackerman laisse entendre que nous avons fait venir ici M. Pavkovic
24 en nous fondant sur une présomption de culpabilité par association. Ceci
25 est inexact. Pavkovic commandait des unités au Kosovo qui étaient sous ses
26 ordres. Les témoins des faits et un certain nombre de documents situent ses
27 subordonnés dans les zones où des crimes ont été commis à l'époque. Il
28 n'était pas loin, il était au Kosovo. Il nous dit ce témoin, dans son
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1 entretien à titre de suspect, qu'il se trouvait au poste de commandement
2 avancé 95 % du temps.
3 Il a eu connaissance de la commission de crimes pendant la guerre,
4 par exemple, à Izbica, ainsi que des déplacements massifs de population
5 coïncidant avec les opérations militaires. Je crois me rappeler que Me
6 Ackerman a parlé de témoins internationaux en pourparlers pendant l'année
7 1998. Cela ne s'est pas limité à 1998, il y a eu également des pourparlers
8 en 1999.
9 Il a évoqué le général Perisic et ses protestations contre le général
10 Pavkovic. Il a laissé entendre que ce problème aurait pu être éliminé par
11 Perisic. Nous disons que les lois qui ont été versées au dossier viennent
12 d'ailleurs étayer nos dires. Apparemment, Peresic ne pouvait pas aux termes
13 de la loi, limoger un général; il n'avait pas ce pouvoir. Ceci est écrit
14 dans les règles et les lois de la Défense. C'est le président de République
15 fédérale de Yougoslavie, agissant sur recommandation du chef d'état-major,
16 qui a le pouvoir de décider d'accepter ou non la recommandation en question
17 et éventuellement de limoger un général. Perisic pouvait le faire pour des
18 officiers de rang inférieur, par exemple, un colonel et les grades
19 inférieurs. Je crois que c'est ce que stipule la loi.
20 Me Ackerman laisse entendre que les éléments de preuve de
21 l'Accusation au sujet de Pavkovic montrent qu'il y aurait eu exception par
22 rapport au respect de la filière de commandement. Nous disons que ce n'est
23 pas le cas, Monsieur le Président. Ce qui est pertinent, c'est au moins une
24 ou deux choses. Vous voyez que des discussions ont porté sur cette
25 question. Nous le lisons dans le procès-verbal des réunions collégiales où
26 Dimitrijevic évoque ce sujet. Vous avez également la référence que l'on
27 trouve dans la lettre du général Perisic. Vous avez entendu la déposition
28 du général Vasiljevic qui rapporte ce que lui a dit le général Ojdanic au
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1 sujet de Pavkovic qui rencontrait Milosevic sans qu'Ojdanic soit au
2 courant.
3 Vous avez entendu de nombreux témoignages de personnes affirmant que
4 le général Pavkovic était le meilleur des soldats, un très bon officier,
5 même un excellent officier. Mais nous déclarons qu'un officier de cette
6 qualité n'aurait pas dû agir ainsi, il n'aurait pas dû se soustraire à la
7 chaîne de commandement, il n'aurait pas dû contourner son supérieur pour
8 rencontrer le commandant suprême. Le fait qu'il était prêt à agir de la
9 sorte vous montre, ainsi que d'autres éléments de preuve en l'espèce, qu'il
10 était un homme ambitieux. Il arrive parfois aux hommes ambitieux de faire
11 un pas au-delà de la ligne, d'aller un peu trop loin. Parfois ce faisant,
12 ils franchissent la ligne rouge. Nous disons que c'est ce que les éléments
13 de preuve en l'espèce permettent de démontrer.
14 Il est certain que vous avez à votre disposition des éléments de
15 preuve qui permettent de le mettre face à ses responsabilités.
16 Me Ackerman a également dit au sujet du général Perisic que : La lettre de
17 Perisic protestant au sujet de cela n'était pas vraiment très sérieuse,
18 parce que cela se passait en juillet, pièce à conviction 4D137, et sous la
19 direction de Perisic. Mais vous avez entendu de nombreuses personnes dire
20 que le général Vasiljevic, lorsqu'il était sur place - et je crois que le
21 Témoin Carter au cours des questions supplémentaires ainsi que M. Crosland
22 ont parlé de ce document, donc vous l'avez lu, vous l'avez sous les yeux.
23 C'est un ordre opérationnel, un document de planification - le fait que
24 l'armée était en train de combattre le terrorisme au Kosovo ne réduit en
25 rien la portée de mon argument, à savoir qu'il n'était pas d'accord avec la
26 façon dont l'armée était employée. Cela ne montre pas qu'il voulait suivre
27 les directives en question, mais qu'il souhaitait qu'un ordre vienne de M.
28 Milosevic, une déclaration vienne d'un organe supérieur au sujet de
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1 l'instauration de l'état d'urgence ou d'un état de guerre.
2 Me Ackerman déclare qu'il n'y a pas eu ordre destiné à permettre la
3 commission de crimes. Et bien, personne ne s'attendrait à voir un ordre
4 couché sur le papier exprimant ce genre de choses. Il n'est pas nécessaire
5 que cela existe, en fait. Mais nous voyons qu'il y a eu des tactiques et
6 des façons d'utiliser les unités qui ont servi à déguiser ce genre de
7 crimes sous le jour d'opération de routine. Il a été dit que M. Pavkovic
8 aurait aidé l'Accusation en fournissant ces documents. Effectivement, il
9 les a fournis. Je crois que M. Coo vous a également remis une liste
10 contenant les mêmes documents. Nous disons, pour notre part, que nombre de
11 ces documents ne sont utiles que par rapport à eux-mêmes, en fait.
12 Le commandement conjoint. L'absence de rapport au sujet de ce commandement
13 conjoint ne signifie pas qu'il n'existait pas. Il y a des lacunes dans les
14 documents. Nous n'avons pas le journal de guerre du corps de Pristina, nous
15 n'avons pas les rapports de combat. Vous avez entendu M. Coo parler des
16 difficultés qu'il y a eu à retrouver les documents du commandement
17 conjoint. Je parlerai de cela encore une fois un peu plus tard lorsque je
18 traiterai du général Lazarevic. Les documents relatifs au commandement
19 conjoint ne correspondent pas à ce qui est exigé des documents officiels.
20 Ils ne comportent aucune liste de destinataires, il n'y pas de signature,
21 mais les documents du Corps de Pristina et des brigades, ainsi que les
22 ordres et rapports font référence à des ordres émanant du commandement
23 conjoint aussi bien en 1998 qu'en 1999. Bien sûr, ce n'était pas très
24 orthodoxe la création de ce commandement conjoint, mais rien ne permet de
25 penser que cela n'a pas eu lieu, bien au contraire.
26 Les ordres de commandement conjoint disent parfois : "J'ai décidé …"
27 Mais on y trouve également les mots, je cite : "Opérations qui seront
28 commandées par le commandement conjoint." Ensuite, on voit la description
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1 du rôle qui est en partie au MUP et non-Siptar dans cette distribution.
2 J'aimerais maintenant parler du général Lazarevic. Tous les autres accusés
3 ont une responsabilité particulière au sein de l'entreprise criminelle
4 commune. Le général Lazarevic a apporté la connaissance tactique et
5 l'équipement, ainsi que les effectifs nécessaires à la réalisation sur le
6 terrain des objectifs assignés à cette entreprise criminelle commune. Il
7 commandait le Corps de Pristina, principal corps d'armée de l'armée
8 yougoslave au Kosovo. Nous disons que Lazarevic a planifié, ordonné,
9 contrôlé, commandé et encouragé le Corps de Pristina de l'armée yougoslave,
10 le MUP et les forces subordonnées à eux dans la poursuite de l'objectif de
11 l'entreprise criminelle commune, à savoir le nettoyage ethnique destiné à
12 modifier l'équilibre ethnique au Kosovo et à permettre aux Serbes de
13 continuer à exercer leur contrôle sur la province. Il a également joué un
14 rôle important dans les décisions politiques de coordination des opérations
15 entre la République fédérale de Yougoslavie et les forces serbes au Kosovo.
16 Vasiljevic nous dit que Lazarevic a assisté à réunion du commandement
17 conjoint de juin 1999. Le colonel Pesic vous a dit qu'il savait que
18 Lazarevic avait assisté à ces réunions du commandement conjoint. Les ordres
19 du commandement conjoint ont été émis pour demander à l'armée yougoslave de
20 soutenir le MUP dans les opérations contre les Siptars.
21 Je crois que la première chose que nous vous avons montrée était la
22 pièce à conviction P1967, un document où l'on voit que sont consignés noir
23 sur blanc les styles comparables de rédaction des ordres du commandement
24 conjoint et des ordres du Corps de Pristina. Ce qui montre qu'il y avait un
25 rapport étroit entre le Corps de Pristina et le commandement conjoint.
26 Mais réfléchissez à cela. Qui était membre du commandement conjoint d'après
27 ce que nous savons ? M. Sainovic, donc un représentant politique, il n'est
28 pas un soldat. Le général Pavkovic, le général Lazarevic, donc des
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1 représentants de l'armée yougoslave, puis il y a des représentants du MUP,
2 de la police, à savoir le général Lukic. Mais sur le plan des combats, qui
3 au sein de ce groupe savait comment rédiger un ordre de combat ? Ce n'est
4 pas M. Sainovic, ce n'est pas un représentant du MUP même s'ils ont
5 participé aux combats dans le cadre des opérations antiterroristes. Cela ne
6 revient pas au même que de donner des ordres à un grand nombre d'hommes et
7 aux différentes composantes de forces armées réparties sur des parties
8 importantes du territoire. Donc il est raisonnable de penser que si c'était
9 un membre du commandement conjoint qui était chargé de rédiger ces ordres,
10 cela devait être un militaire et c'est la raison pour laquelle les ordres
11 du commandement conjoint ressemblent fort aux ordres de l'armée yougoslave
12 et aux ordres du Corps de Pristina. C'est tout à fait logique.
13 Par ailleurs, le général Lazarevic a personnellement signé. Nous possédons
14 ce texte signé et estampillé qui est un ordre du commandement conjoint
15 demandant des opérations de combat. Je pense que l'amendement qui constitue
16 la pièce P1967 ou 1966, je ne me souviens plus très bien quel est le texte
17 original et quel est l'amendement à ce texte, mais en tout cas vous avez
18 les deux références. Donc il est tout à fait clair que le général Lazarevic
19 sait que ce groupe existe, et apparemment il reconnaît l'autorité du
20 commandement conjoint, parce qu'il ne dit à personne d'ignorer les ordres
21 émanant de ce commandement conjoint, simplement il rédige un texte
22 d'amendement.
23 Les ordres émanant du commandement conjoint couvrent très souvent le Corps
24 de Pristina à qui sont affectées des missions précises dans des lieux
25 précis, des lieux où des crimes ont été commis d'ailleurs. Donc en tant que
26 membre du commandement conjoint, le général Lazarevic avait une incidence
27 directe sur les opérations qui étaient destinées à mener à bien les
28 objectifs de l'entreprise criminelle commune.
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1 A la lecture des éléments de preuve, nous disons qu'il est permis à
2 la Chambre de conclure que général Lazarevic assistait aux réunions du
3 commandement conjoint aux fins d'apporter des éléments d'information et
4 d'assurer une participation active aux efforts coordonnés de la VJ et du
5 MUP au sein de l'entreprise criminelle commune.
6 Le général Lazarevic avait un pouvoir de jure et de facto sur le Corps de
7 Pristina. Il a assuré le commandement le
8 28 décembre 1998, pièce à conviction P801, et en dehors des forces qui lui
9 étaient subordonnées normalement, à savoir la 72e Brigade spéciale et la 63e
10 Brigade lui ont également été affectées et ont été placées sous son
11 commandement. Ceci faisait partie de l'accroissement des effectifs sur le
12 territoire du Kosovo, et d'après nous, cet accroissement était destiné à
13 anticiper sur la préparation de l'offensive de printemps.
14 Le général Lazarevic exerçait un contrôle effectif sur le Corps de Pristina
15 par le biais d'ordre et par le biais d'amendement à des directives et à des
16 ordres du commandement conjoint et du Grand quartier général de l'armée
17 yougoslave. Voyez la pièce à conviction comportant les propos tenus par
18 Lazarevic au cours de l'entretien qu'il a eu avec le bureau du Procureur,
19 pièce à conviction P950. Puis, il y a l'ordre 455-172 du commandement
20 conjoint.
21 Lazarevic ordonne par ailleurs la resubordination du MUP conformément aux
22 ordres reçus du commandement de l'armée. Ce pouvoir est également illustré
23 par l'amendement rédigé de sa main qui demande que des mesures précises
24 soient prises par la VJ pour appuyer le MUP, c'est la pièce P1967. Je m'en
25 souviens maintenant, Monsieur le Président.
26 Les autres exemples de ses pouvoirs pour ce qui est des ordres à donner et
27 du commandement des unités du Corps de Pristina sont dans la pièce P1503 du
28 27 mai 1999, où le Corps de Pristina, la
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1 37e Brigade motorisée de la 2e Armée ainsi que la 15e Brigade blindée sont
2 assignées aux opérations de combat dont l'objectif était la lutte contre
3 l'UCK dans la région de Prekaz.
4 De plus, pour que le commandement du Corps de Pristina, pour ce qui est de
5 la période pendant laquelle Lazarevic était toujours chef de l'état-major,
6 pouvait prendre des décisions, c'est la pièce à conviction P1428 du 14 août
7 1998. Et selon nous, cela était en vigueur pendant toute la période
8 couverte par l'acte d'accusation.
9 Par rapport à 1998, nous voyons également que le général Lazarevic - et
10 c'est dans la pièce P969 du 7 -- ou du 10 août -- juillet 1998 - le général
11 Lazarevic donnait un ordre à ses unités de ne pas ouvrir le feu sur les
12 observateurs internationaux pendant qu'ils étaient présents. Vous allez
13 voir que cela se trouve dans l'ordre qui parle de l'artillerie. Donc nous
14 disons que cela a été prouvé que la VJ était au courant de la présence des
15 observateurs internationaux dans la région, qu'ils se sont plaints pour ce
16 qui est de l'utilisation excessive de la force et ils ont donc fait tout
17 pour que les observateurs internationaux ne voient pas de telles actions.
18 Nous disons que cela explique en partie ce que le témoin Shaun Byrnes
19 a dit, à savoir qu'il n'a jamais vu la VJ utiliser l'artillerie lourde
20 contre un village; mais cela est contraire à toutes les autres pièces à
21 conviction que nous avons entendues dans cette affaire pour ce qui est des
22 événements qui sont survenus en été 1998.
23 Le général Lazarevic était, en tant que chef de l'état-major du Corps
24 de Pristina en 1998, était au courant des crimes commis par ces unités, les
25 unités du Corps Pristina et après qu'il avait été promu au poste du
26 commandant du Corps de Pristina en décembre 1998 ainsi qu'après cette
27 période-là. Il n'y a aucun signe qui montrerait qu'il a fait quoi que ce
28 soit pour que ces auteurs soient punis.
Page 12656
1 Et nous disons, comme on l'a déjà dit avant, par rapport aux généraux
2 Ojdanic et Pavkovic, la VJ avait un système de rapport très élaboré pour ce
3 qui est de la chaîne de commandement, c'était une chaîne de commandement
4 très bien organisée. Lazarevic a admis qu'il recevait des rapports
5 concernant la situation générale au Kosovo.
6 Lazarevic avait des informations de première main pour ce qui est des
7 opérations du Corps de Pristina, les informations provenant du terrain,
8 parce que lui-même il s'est rendu en visite des postes de commandement
9 avancé, et par rapport aux communications radio entre ces unités qui se
10 trouvaient sur le terrain au Kosovo. Il dit dans son entretien, aux pages 4
11 à 8, il en parle en tant que suspect. Souvent, il est accompagné du général
12 Pavkovic, commandant de la
13 3e Armée pour observer les opérations des unités et pour rendre visite aux
14 différents postes. Cela se trouve dans le même entretien, la pièce P950.
15 En janvier 1999, après qu'il a pris le commandement sur le Corps de
16 Pristina, il a continué à engager certaines de ces mêmes unités pour
17 lesquelles il était au courant que leurs membres ont commis des crimes en
18 1998.
19 En avril 1999, Vasiljevic nous a dit qu'il était informé par le Corps de
20 Pristina, par le chef chargé de la sécurité au sein du Corps de Pristina
21 qui aurait dû travailler avec le général Vasiljevic et le général Lazarevic
22 sur l'implication éventuelle possible de la
23 252e Brigade blindée au Mali Alas. C'est la pièce P2594, aux paragraphes 54
24 à 58, la déclaration du général Vasiljevic.
25 Cette unité, la 252e Unité, était subordonnée au Corps Pristina, mais
26 pourtant le 25 mai 1999, à savoir un mois après que l'information lui est
27 parvenue, Vasiljevic, il donne un ordre pour continuer la destruction de
28 l'UCK. Il ordonne la continuation de l'utilisation de la 252e Brigade
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1 blindée dans cette opération.
2 Nous disons que l'utilisation des unités telle la 252e unité a été utilisée
3 et l'intention du général Lazarevic était d'utiliser les troupes qui
4 menaient des actions pour nettoyage ethnique, déportation, transfert forcé
5 des Albanais du Kosovo. Le fait qu'il n'a pas pris de mesures raisonnables
6 pour prévenir ces crimes ou pour punir les auteurs ne faisait qu'encourager
7 la commission des crimes et créer une ambiance pour que ces crimes soient
8 commis par les mêmes unités ou d'autres unités.
9 Au poste de commandement du Corps de Pristina, en tant que membre du
10 commandement conjoint, il avait le pouvoir d'ordonner l'utilisation de
11 l'équipement et des hommes pour émettre un ordre, pour réaliser l'objectif
12 de l'entreprise criminelle commune, et il savait quelles unités ont commis
13 des crimes en 1998 et qui allaient les commettre dans le futur. Il était au
14 courant de ces crimes, parce qu'il y avait le système de rapport et
15 d'information dans le cadre de la VJ et parce qu'il était sur le terrain au
16 Kosovo. Nous disons que les moyens de preuve montrent qu'il avait
17 l'intention de contribuer à la perpétration de tels crimes.
18 Le général Lazarevic, de plus, a partagé l'intention d'autres membres de
19 l'entreprise criminelle commune en participant activement aux réunions du
20 commandement conjoint à la tête duquel se trouvait
21 M. Sainovic, et activement planifiait et organisait, et ordonnait
22 l'utilisation du Corps de Pristina pour mettre en œuvre les intentions, les
23 objectifs du commandement conjoint. Nous disons que par rapport à la pièce
24 P1428, c'est un ordre émanant du commandement de Corps de Pristina par
25 lequel on donne un ordre au Corps de Pristina et aux unités subordonnées de
26 recevoir des ordres du commandement conjoint. L'information similaire se
27 trouve dans un rapport de combat, le rapport du 25 avril 1999. C'est la
28 pièce P2016.
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1 De plus, le général Lazarevic a donné des informations pour ce qui est des
2 positions et du statut du Corps de Pristina durant les réunions auxquelles
3 assistaient d'autres membres de l'entreprise criminelle commune, entre
4 autres le général Lukic, général Pavkovic et M. Sainovic. Il avait
5 l'intention de participer à l'entreprise criminelle commune et à partager
6 la même intention avec d'autres membres.
7 Maintenant, j'aimerais parler du fait qu'il n'a pas prévenu la commission
8 des crimes ou puni les auteurs. Nous disons qu'il avait des informations
9 selon lesquelles il était au courant du fait que les crimes allaient être
10 commis, et il n'a pas pris des mesures raisonnables pour prévenir la
11 commission de ces crimes. Il était au courant pour ce qui est des
12 opérations conjointes de la VJ et du MUP en 1998 et 1999, au début de cette
13 année-là. Il savait pour une utilisation excessive de la force durant ces
14 opérations. Il était au courant des allégations selon lesquelles cette
15 force a été utilisée de façon excessive. De différentes sources, il
16 recevait des informations et des rapports de ses subordonnés, de ses
17 supérieurs, des médias et d'autres organisations internationales et des
18 observateurs internationaux, et au moins il aurait pu être au courant de
19 l'existence de ces allégations.
20 Le général Lazarevic a permis l'utilisation des troupes de la VJ et des
21 volontaires qui précédemment ont agi de façon illégitime. Vous pouvez vous
22 rapporter à la déclaration de Fred Abrahams. C'est la pièce P2228.
23 Parce qu'il a permis et il a facilité la commission de tels crimes en
24 tant que commandant du Corps de Pristina, nous disons qu'il a aidé et
25 encouragé la réalisation de l'entreprise criminelle commune. Pas de soutien
26 du Corps de Pristina, ces objectifs n'auraient pu être atteints. C'était
27 l'outil primaire ou principal pour la réalisation de l'entreprise
28 criminelle commune. Il a délibérément soutenu au niveau matériel
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1 l'entreprise criminelle commune. Il donnait des informations et assurait le
2 support stratégique au commandement conjoint. Il savait, il était au
3 courant des crimes qui ont été perpétrés à une grande échelle. Il savait et
4 il a permis l'utilisation des troupes du Corps de Pristina pour contribuer
5 à ce que les objectifs de l'entreprise criminelle commune soient atteints.
6 Nous disons qu'il a aidé et encouragé la commission de ces crimes.
7 Maintenant, je voudrais dire quelque chose par rapport à ce que Me Bakrac a
8 dit. Ce serait le commentaire final pour ce qui est du général Lazarevic et
9 le commandement conjoint.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cela, permettez-moi de dire une
11 chose.
12 M. HANNIS : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit qu'il a la
14 responsabilité conformément à l'article 7(1), de façon alternative, pour ce
15 qui est de donner des ordres, de planifier et d'aider et d'encourager.
16 M. HANNIS : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
18 M. HANNIS : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez fait cela de
20 façon expresse ou pas ?
21 M. HANNIS : [interprétation] Non, la même chose s'applique au général
22 Lazarevic, pour ce qui est de son rôle à la réalisation de l'entreprise
23 criminelle commune. On l'accuse également pour ce qui est de donner des
24 ordres et de planifier ainsi que pour le général Ojdanic et Pavkovic.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. HANNIS : [interprétation] Me Bakrac a dit que la VJ a agi de façon
27 professionnelle. Il a cité M. Byrnes, le colonel Crosland et Ciaglinski.
28 Nous attirons votre attention sur le témoignage d'autres témoins du général
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1 Crosland, en disant que la tactique de la VJ, il l'a trouvé excessive. La
2 pièce P2591, dit que la 37e Brigade et l'analyse des opérations de cette
3 brigade d'avril 1990, montre que cette tactique est excessive et pas
4 professionnelle.
5 Il a dit que M. Lazarevic n'était pas membre de l'entreprise criminelle
6 commune, si une telle entreprise existait. Il a dit qu'il n'était pas
7 membre du commandement conjoint. Par rapport à cette dernière chose,
8 j'attire votre attention à la pièce P950. C'est un entretien. Nous avons le
9 témoignage de Pesic et de Vasiljevic par rapport à Lazarevic. Ils ont dit
10 qu'il a assisté aux réunions du commandement conjoint. Ensuite, la pièce
11 P1967, c'est l'amendement signé pour ce qui est de l'ordre du commandement
12 conjoint. Egalement, nous avons les ordres du commandement conjoint dans
13 lesquels il a été dit qu'un rôle spécifique est joué par la population non-
14 siptar armée, ce qui l'a mis en relation avec la défense locale et la VJ.
15 Nous disons que tout cela aide à identifier les perpétreurs [phon] de
16 crimes - lorsque nous disons "tout et tous," nous pensons à la VJ, aux
17 unités subordonnées au MUP et à la défense locale. Ils étaient tous sous le
18 contrôle de ces accusés.
19 Pour ce qui est du commandement conjoint, il y a eu un entretien avec
20 le général Lazarevic, après qu'il était arrivé à La Haye. Cet entretien a
21 été mené en partie par un enquêteur et en partie par M. Coo. Le bureau du
22 Procureur n'avait qu'un seul document provenant du commandement conjoint
23 qu'on a montré au témoin. On nous a posé des questions par rapport à ce
24 document. Maintenant, je lis la page 27 de la pièce P950. A la question,
25 s'il savait quoi que ce soit sur le commandement conjoint ou ce document,
26 il a dit :
27 "Avant cela, je voulais vous dire quelque chose là-dessus. A plusieurs
28 occasions, je ne suis pas sûr si c'était une fois ou plusieurs fois, mais
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1 c'était un document qui représentait une sorte d'instruction. Dans l'en-
2 tête de ce document, il est écrit l'ordre. J'ai vu ces documents. Ces
3 documents n'avaient pas de signature. Personne n'a signé ces documents.
4 Pour moi et pour le groupe d'hommes qui était à Djakovica, il n'existait
5 que le Corps de Pristina et le commandement de ce corps. Aucun de mes
6 subordonnés ne me demandait ce que représentait le commandement conjoint et
7 s'ils devaient obéir à ce commandement ou à moi. Je ne sais pas
8 personnellement s'il s'agissait d'une erreur technique. Je ne sais pas qui
9 a inventé cette appellation. Je vous assure que cette erreur n'a rien à
10 voir avec moi ni avec les autres hommes qui se trouvaient au poste de
11 commandement avancé. Si j'avais eu des liens avec cela, j'aurais réagi en
12 tant qu'officier. Je l'aurais fait en 1998, comme j'ai réagi à une chose
13 similaire en 2001. C'est quelque chose qui s'est passé dans le sud de la
14 Serbie. C'était quand un organe de coordination a essayé de prendre le
15 commandement sur l'armée et la police pour ce qui est du terrorisme et de
16 combattre le terrorisme."
17 Monsieur le Président, nous disons qu'il est difficile d'accepter cela,
18 lorsque nous voyons toutes les références portant sur le commandement
19 conjoint, lorsqu'on voit tous les témoignages disant qu'il assistait aux
20 réunions du commandement conjoint, et par rapport au fait qu'il était
21 auteur d'un amendement à l'ordre du commandement conjoint signé par lui et
22 cacheté par lui. Cela était admis au dossier. Il n'y a pas de doute pour ce
23 qui est de l'authenticité de cela. Pourtant, lorsque nous lui avons parlé
24 et lorsque nous lui avons montré le document, il a essayé de dire : Peut-
25 être que j'ai vu quelque chose comme cela. Je ne sais pas. Si je l'avais
26 su, j'aurais entrepris quelque chose.
27 Monsieur le Président, nous disons qu'il y a des moyens sur lesquels
28 on peut s'appuyer pour tirer la conclusion qu'il était au courant de
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1 l'existence du commandement conjoint. Nous avançons qu'il savait qu'ils
2 avaient participé à la réalisation d'une entreprise criminelle commune,
3 juste comme les autres accusés dans cette affaire. Le commandement conjoint
4 il ne disparaîtra pas.
5 Je ne sais pas pourquoi c'est aussi délicat, à moins que cela ne soit
6 pas, parce que "joint command" en anglais commence par les mêmes lettres
7 que "joint criminal enterprise" en anglais.
8 Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, nous disons qu'à ce
9 stade de la procédure, le Procureur a présenté suffisamment de moyens de
10 preuve pour continuer la procédure pour ce qui est de tous les cinq chefs
11 d'accusation de l'acte d'accusation. Maintenant, je vais m'asseoir. M.
12 Stamp parlera de ces autres trois accusés.
13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Monsieur Hannis, j'ai une question et
14 je vais faire une digression par rapport à ce que vous avez dit. Vous avez
15 souligné qu'une armée professionnelle a pour rôle de contrôler les soldats
16 qui ont déserté. Je me suis rappelé une allusion de Bernard Shaw quand il a
17 parlé des soldats aux Balkans. Il a dit que ce sont des soldats en
18 chocolat.
19 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président, je n'en
20 sais rien par rapport à cela.
21 M. LE JUGE CHOWHAN : [aucune interprétation]
22 M. HANNIS : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
24 M. HANNIS : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
26 M. FILA : [interprétation] Je m'excuse d'avoir interrompu, mais M. Hannis a
27 donné des références pour chacune des allégations qu'il a présentées ici.
28 Il y a cinq minutes, il a dit que le Procureur savait que Sainovic était
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1 membre du commandement conjoint en 1999.
2 J'aimerais savoir la référence à laquelle cela se rapporte. Voilà,
3 c'est tout ce que je voulais dire.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous devriez attendre à
5 ce que M. Stamp présente ses arguments, après quoi vous serez peut-être en
6 position de mieux connaître la base de ces allégations. Je pense qu'il vaut
7 mieux attendre la fin de la présentation des arguments de l'Accusation.
8 Monsieur Stamp, vous pouvez commencer.
9 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Comme mon éminent collègue l'a déjà dit, je vais présenter des arguments
11 pour ce qui est de l'article 98 bis et pour ce qui est des accusés M.
12 Milutinovic, M. Sainovic et M. Lukic. Je vais présenter d'abord des
13 commentaires de portée générale qui concernent tous les accusés par rapport
14 à l'article 7(3) et la responsabilité visée dans cet article, après quoi je
15 vais dire quelque chose portant sur d'autres aspects de la présentation des
16 moyens de preuve pour lesquels nous avançons qu'ils se rapportent à tous
17 les accusés, y compris les témoignages concernant la découverte des corps.
18 Dans cette approche, il y a eu beaucoup de moyens de preuve admis au
19 dossier pendant tout ce temps-là. Je vais parler de ces moyens de preuve de
20 façon sélective parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je vais essayer de
21 parler uniquement ce qui concerne ce stade de la procédure, à savoir
22 uniquement des moyens de preuve par rapport auxquels un observateur
23 raisonnable des faits pourrait tirer des conclusions au-delà de tout doute
24 raisonnable. Mais nous ne sommes toujours pas à ce stade. Je vais attirer
25 l'attention de la Chambre à des moyens de preuve par rapport auxquels je
26 peux présenter mes arguments. Si j'omets quelque chose, je serais
27 reconnaissant à la Chambre d'attirer mon attention sur cela.
28 On vient de me dire que je devrais ralentir un peu mon débit.
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1 Monsieur le Président, je vais d'abord parler des arguments présentés
2 par mon éminent collègue, Me O'Sullivan, par rapport à M. Milutinovic.
3 Comme j'ai déjà dit, nous allons répondre à ces arguments particuliers.
4 Nous allons proférer des commentaires généraux qui, croyons-nous, étayent
5 nos accusations par rapport à cet accusé.
6 Je pense que l'essentiel des arguments du conseil de la Défense de M.
7 Milutinovic, était que lui en tant que chef de l'Etat, c'est-à-dire
8 président de la Serbie, n'avait de pouvoirs légaux pour ce qui est de
9 l'administration publique. Il n'était que le symbole de l'unité nationale,
10 et par conséquent, il n'avait pas de pouvoirs effectifs pour exercer. La
11 Défense avance que cela nie les allégations dans l'acte d'accusation, au
12 paragraphe 8, lignes 35 et 36. Nous disons qu'il avait des pouvoirs et des
13 attributions pour pouvoir faire ce qu'il a fait. Nous avançons qu'il y a de
14 nombreux moyens de preuve qui disent qu'il avait les pouvoirs, comme cela
15 est allégué dans l'acte d'accusation et qu'en exerçant ces pouvoirs il a
16 contribué à la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune. En
17 omettant d'exercer certains de ses pouvoirs, il a également contribué à la
18 mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune.
19 Il est clair qu'il avait des pouvoirs formels et de facto. Je vais
20 commencer par parler des pouvoirs formels et en particulier des pouvoirs
21 qui sont énumérés au paragraphe 8, alinéa (iii), 35, alinéa (e) et (f), et
22 35(e) [comme interprété] et (h) de l'acte d'accusation, et qui concerne sa
23 participation dans l'entreprise criminelle commune et ces omissions en tant
24 que président.
25 D'abord, j'aimerais qu'on voie le rôle du président prévu par la
26 constitution de la Serbie, c'est P855. Je pense qu'il y a deux exemplaires,
27 et également P1021.
28 Selon les dispositions de la constitution, le président de la Serbie
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1 est une personne qui a beaucoup de pouvoirs. Il occupe une position forte.
2 Il est élu directement par le peuple de la Serbie, conformément à l'article
3 86. Il ne peut être démis de ses fonctions que par une révocation par la
4 majorité qualifiée des membres de l'assemblée nationale. C'est à l'article
5 88, paragraphe 2. La constitution est, même dans ce cas-là, il ne peut être
6 démis de ses fonctions que si une majorité de voix existe pour qu'il soit
7 révoqué au référendum, c'est à l'article 88. Il peut dissoudre l'assemblée
8 nationale.
9 Quelles sont ses principales fonctions et attributions conformément à
10 la constitution ? Je pense que j'aborderai un peu plus tard l'importance de
11 ses devoirs juridiques. Il ne s'agit pas seulement de fonctions de devoirs
12 moraux, mais de devoirs juridiques également.
13 Ses fonctions essentielles peuvent être comprises lorsqu'il prête
14 serment. Dans la section 86 de la constitution, c'est là qu'il jure de se
15 consacrer entièrement à faire en sorte que les droits de l'homme soient
16 respectés ainsi que la paix. Il s'engage à assurer le bien-être des
17 citoyens de la Serbie. C'est très succinct, c'est très bref, mais je peux
18 vous en donner lecture très brièvement. Je pense que les articles de la
19 constitution qui ont trait aux pouvoirs du président ne sont pas très, très
20 longs. J'aimerais que l'on puisse considérer ces pouvoirs. Ils indiquent
21 quel type de président est le président de la Serbie et quels sont ses
22 pouvoirs ainsi que son autorité.
23 Lorsqu'il dit en prêtant serment :
24 "Je jure que je consacrerai toutes mes forces à préserver la
25 souveraineté, l'intégrité de la République de la Serbie afin de faire en
26 sorte que soient préservés et concrétisés les droits de l'hommes, les
27 libertés civiles et civiques pour faire en sorte que la constitution et ses
28 lois soient respectées et défendues, ainsi que la paix et le bien-être de
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1 tous les citoyens de la République de Serbie. J'indique de façon
2 consciente, solennelle et responsable que je respecterai mes devoirs."
3 Il s'agit de préserver la paix et le bien-être de tous les citoyens
4 de la Serbie. Au paragraphe 88, la constitution stipule que le président de
5 la Serbie est responsable de tous les citoyens de la Serbie.
6 Comment est-ce que la constitution de la Serbie permet au président
7 de s'acquitter de cette responsabilité qui est capitale, qui est la
8 préservation des droits de l'homme ainsi que la paix des citoyens ?
9 Dans son article 85, la constitution confère au président des
10 pouvoirs de contrôle qui sont importants. Comme nous l'avons allégué au
11 paragraphe 8, alinéa 3 de l'acte d'accusation, il s'agit de demander à tout
12 organe du gouvernement, le MUP, par exemple, d'indiquer son point de vue à
13 propos de questions qui relèvent de sa compétence. En d'autres termes, il
14 s'agissait à ces organes du MUP de lui présenter des rapports sur ce qu'ils
15 faisaient pour exécuter en quelque sorte leurs fonctions gouvernementales.
16 Mon estimé confrère de la Défense de M. Milutinovic a indiqué qu'il
17 fallait interpréter cela par rapport aux dispositions de la loi relative au
18 gouvernement qui fait l'objet de la pièce P1862. Mais si vous prenez ce
19 document, Mesdames, Messieurs les Juges, dans la mesure où la loi relative
20 au gouvernement est pertinente, vous avez l'article 19 qui stipule que, et
21 je cite :
22 "Sur demande du président, le gouvernement rendra son avis sur
23 certaines questions qui relèvent de sa compétence et en informera le
24 président dans un laps de temps qu'il déterminera et qui ne sera pas moins
25 important que 48 heures."
26 Fondamentalement, la loi relative au gouvernement est une façon de
27 régir le temps qui est accordé, à savoir 48 heures pour présenter un
28 rapport au président.
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1 Mesdames, Messieurs les Juges, l'Accusation est d'avis qu'il ne
2 s'agit pas tout simplement de se reposer sur ses lauriers. On lui a conféré
3 certaines responsabilités en tant que président. Il a fallu qu'il assume le
4 pouvoir et qu'il exerce le contrôle pour pouvoir assurer le pouvoir. Il
5 aurait pu intervenir pour protéger la paix, le bien-être des citoyens
6 albanais kosovars de la Serbie, s'il l'avait souhaité.
7 Lui-même, il l'a reconnu d'ailleurs. Lors de son entretien avec le
8 bureau du Procureur, il convient qu'au mois de mars 1998 et à propos de
9 l'incident Jashari, qui est l'un des incidents mentionnés dans l'acte
10 d'accusation, je ne me souviens plus d'ailleurs du paragraphe maintenant,
11 il s'agit d'un paragraphe du mémoire préalable au procès. En fait, toujours
12 est-il que M. Milutinovic lui-même indique, lorsqu'il a entendu parler de
13 cet incident, il a appelé les autorités, y compris le ministre de
14 l'intérieur et leur a demandé ce dont il était question. Cela s'est passé
15 en mars 1998, un certain temps avant que ne se concrétise cette entreprise
16 criminelle commune, comme nous l'alléguons dans l'acte d'accusation.
17 Donc non seulement il avait ce contrôle important à sa disposition,
18 mais il savait qu'il pouvait user de ce contrôle, l'utiliser et l'exercer
19 également. Et cela, lorsqu'on lit le texte de son entretien avec nous,
20 était un pouvoir qu'il avait à tout temps, à tout moment. Il pouvait donc
21 exercer ce pouvoir constitutionnel qui consistait à appeler ou convoquer le
22 ministre de l'intérieur pour lui demander ce qu'il en était à propos des
23 événements au cours desquels les Albanais du Kosovo étaient persécutés.
24 Donc avant que je ne passe à autre chose, j'aimerais très rapidement vous
25 parler de cette loi, parce que vous avez l'existence de la forme de
26 responsabilité de la commission des crimes par l'omission. Au titre de
27 l'article 7(1) du Statut du TPIY, cela était, en fait, reconnu et accepté
28 dans la jurisprudence du Tribunal. Il s'agit de l'arrêt dans l'affaire
Page 12668
1 Kvocka, paragraphe 187. Les critères sont comme suit: une omission ou un
2 manquement à agir, une inaptitude ou un manque d'aptitude à agir, et le
3 manque, le non-respect du devoir d'agir. En d'autres termes, cela dépasse
4 le devoir moral d'un individu qui doit juguler une oppression puisqu'il
5 s'agit d'un devoir qui a force de loi en quelque sorte ou qui est marqué du
6 sceau de la loi. Et les références sont le jugement dans l'affaire
7 Blagojevic et Jokic ainsi que différentes affaires citées lors de ce
8 jugement ainsi que les arrêts du TPIR, je pense, par exemple, au jugement
9 dans l'affaire Rutaganira, paragraphe 68 et à l'arrêt dans l'affaire
10 Ntagerurra, aux paragraphes 3, 34 et 35.
11 Alors, Mesdames, Messieurs les Juges, si l'accusé avait agi, il aurait
12 rendu la tâche beaucoup plus difficile aux autres membres de l'entreprise
13 criminelle commune qui auraient eu quelques difficultés quand même à mettre
14 en œuvre cette entreprise criminelle commune.
15 Lorsque vous avez le chef d'inculpation, responsabilité pour une commission
16 de crimes par omission. Cela a été utilisé lorsqu'il s'agit d'aider et
17 d'encourager la commission de crimes. Je pense, par exemple, à l'arrêt dans
18 l'affaire Krnojelac aux paragraphes 37 et 47 [comme interprété] et je pense
19 également à l'affaire Galic et à l'arrêt rendu dans l'affaire Galic qui a
20 récemment été maintenu d'ailleurs dans son paragraphe 168, le devoir d'agir
21 doit être pris en considération en fonction des différents cas de figure.
22 L'origine du devoir, où il convient de se poser la question d'où émane le
23 devoir. Cela peut se présenter dans différentes circonstances. Dans le cas
24 qui nous intéresse, comme je l'ai indiqué, c'est conformément à la
25 constitution, à savoir la législation principale de la République de
26 Serbie, mais cela également est du ressort du droit humanitaire
27 international. En effet, un chef d'Etat ou un chef du gouvernement ou un
28 président de la République a ce devoir d'agir vis-à-vis de ses citoyens.
Page 12669
1 Ensuite la commission par omission qui fait partie de l'actus reus requis
2 pour établir la participation à l'entreprise criminelle commune ou à toute
3 forme de commission conformément à l'article 7(1). Une Chambre de première
4 instance peut en déduire qu'il y a intention de commettre un acte ou de
5 commettre des crimes d'après ces omissions. La Chambre de première instance
6 dans l'affaire Galic a indiqué dans son paragraphe 722, et je cite :
7 "L'omission de la part du Corps de Sarajevo-Romanija et du commandement de
8 ce Corps Sarajevo-Romanija, indique que l'accusé avait l'intension
9 délibérée d'autoriser cette situation et ce comportement se poursuit." Donc
10 il s'agit d'intention délibérée.
11 La Chambre de première instance a également maintenu au paragraphe 745 que
12 et je cite :
13 "Il faut en déduire que le manquement d'agir pendant une période de 23
14 mois, et ce, de la part d'un commandant de corps qui avait connaissance des
15 crimes commis contre les civils par ses subordonnés et à qui on le
16 rappelait régulièrement, il faut en conclure qu'il n'a pas agi, qu'il n'a
17 pas exercé son devoir d'agir et que du fait de cette connaissance des
18 faits, cela équivaut à une intention délibérée d'infliger des actes de
19 violence à la population civile."
20 Et cela a d'ailleurs a été retenu par la Chambre d'appel.
21 Alors, hors du contexte des supérieurs militaires, ce principe est un
22 principe du bon sens et il a d'ailleurs en tant que tel été reconnu dans la
23 jurisprudence de ce Tribunal.
24 Dans l'affaire Simic, la Défense avait avancé que Simic n'avait pas
25 de contrôle sur les personnes qui commettaient des crimes. Toutefois, la
26 Chambre de première instance a été d'avis que Simic qui était dans la
27 municipalité de Bosanski-Samac, la personne civile qui avait le plus haut
28 rang, et donc qui avait le plus de responsabilité et qui avait la
Page 12670
1 possibilité, la responsabilité de protéger les non-Serbes de ces crimes. Il
2 s'agit du paragraphe 994 du jugement dans l'affaire Simic.
3 La Chambre d'appel, dans son paragraphe 108 de ce jugement, réitère
4 qu'en tant que président de la cellule de Crise, Simic avait une obligation
5 et qu'il devait utiliser toute mesure possible afin d'empêcher la
6 persécution des non-Serbes. La Chambre d'appel a également estimé que Simic
7 n'avait pas pris les mesures importantes permettant de prévenir les
8 arrestations continues, la détention des non-Serbes, et qu'à partir de
9 ceci, la seule conclusion raisonnable que l'on pouvait tirer des
10 conclusions susmentionnées, est qu'il a agi de la sorte avec une intention
11 discriminatoire. Cela a été réaffirmé par la Chambre de première instance
12 qui dit que la seule conclusion raisonnable à tirer des circonstances est
13 que Blagoje Simic partageait l'intention des participants à l'entreprise
14 criminelle commune.
15 Donc, le devoir qui existe et qui émane du droit constitutionnel de
16 la Serbie et du droit humanitaire international ainsi que les implications
17 qui émanent de ce devoir, lorsqu'il s'agit de personnes ou de personnalités
18 se situant très, très haut dans les échelons de l'administration, leur
19 devoir et les conséquences de ce devoir sont qu'il doit protéger la
20 population civile des persécutions, et par conséquent, il est indiqué à la
21 Chambre de première instance qu'elle ne peut que conclure que M.
22 Milutinovic a non seulement a été encouragé, mais a promu, instigué les
23 crimes tel que cela a été allégué en apportant sa contribution à
24 l'environnement de l'impunité qui régnait, mais qu'il également eu
25 l'intention -- mais qu'il a également voulu que les crimes incriminés dans
26 l'acte d'accusation aient lieu et qu'il avait l'intention de participer à
27 l'entreprise criminelle commune.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp --
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1 M. STAMP : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] --j'ai deux questions à vous poser.La
3 seule source de ce devoir à laquelle vous faites référence se trouve dans
4 la prestation de serment ?
5 M. STAMP : [interprétation] La prestation de serment de la constitution.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais c'est la seule source, c'est
7 la constitution pour ce devoir --
8 M. STAMP : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc c'est la prestation de serment ?
10 M. STAMP : [interprétation] La prestation de serment et le chapitre 88 dans
11 lequel il est indiqué qu'il responsable des citoyens de la Serbie.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La deuxième question que j'ai à vous
13 poser porte sur la commission par omission. Cela est reconnu lorsqu'il y a
14 eu manquement à agir, manquement au devoir d'agir. Il y avait un troisième
15 élément. Quel était-il ? Manquement --
16 M. STAMP : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- à l'aptitude à agir. Alors,
18 qu'est-ce qui aurait dû être fait ?
19 M. STAMP : [interprétation] J'y arrivais, Monsieur le Président. Mais la
20 responsabilité du président, conformément à la constitution, conformément
21 aux pouvoirs qui lui sont conférés par la constitution est le pouvoir de
22 sonner l'alarme, et de sonner l'alarme dans les coulisses du parlement. Le
23 libellé tel qu'il a été d'ailleurs énoncé dans les affaires que j'ai
24 citées, consiste à voir si en faisant quelque chose, quel que soit cet
25 acte, comme je l'ai indiqué à propos de l'affaire Simic, est qu'en fait, il
26 aurait dû essayer de faire quelque chose, tout ce qui était en son pouvoir
27 parce que cela aurait rendu la tâche beaucoup plus difficile pour
28 l'exécution de l'entreprise criminelle commune. C'est ce qu'indique la
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1 constitution. Il aurait pu appeler le ministre.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
3 M. STAMP : [interprétation] Il aurait pu leur dire : Qu'en est-il de ces
4 250 000 Albanais kosovars qui sont maintenant des personnes déplacées ?
5 Qu'en est-il des villages dont on nous a dit qu'ils avaient été rasés ?
6 Qu'en est-il de la résolution des Nations Unies portant sur l'utilisation
7 de la force excessive imposée par la police contre un secteur de la société
8 ? Qu'en est-il des différents rapports qu'il avait obtenus du dirigeant des
9 Albanais du Kosovo,
10 M. Rugova, et il y a différentes personnalités internationales quand même
11 qui se sont plaintes à propos d'incidents bien précis.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. STAMP : [aucune interprétation]
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Stamp, je
17 vous prie.
18 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Donc, lorsque nous étudions les éléments de preuve, notamment en ce qui
20 concerne l'entreprise criminelle commune qui a évolué, je fais référence à
21 l'entreprise criminelle commune, parce que à propos de cette entreprise
22 criminelle commune le droit indique que la contribution à l'entreprise
23 commune, à l'entreprise criminelle commune n'est pas forcément une
24 contribution importante. Il s'agit tout simplement de faire quelque chose
25 qui aurait rendu beaucoup plus difficile l'entreprise criminelle commune à
26 laquelle il a contribué d'ailleurs.
27 Donc la question est de savoir si le président aurait dû exercer son
28 pouvoir officiel ou de facto.
Page 12673
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre dernière phrase me rend un peu
2 perplexe. Vous avez dit la contribution ne doit pas être considérable,
3 parce qu'il s'agissait tout simplement de faire quelque chose qui aurait
4 rendu plus difficile le fait qu'il aurait contribué à l'entreprise
5 criminelle commune. Je ne comprends pas.
6 M. STAMP : [interprétation] Non, non, je m'excuse. Ce que je voulais dire
7 c'est que, pour ce qu'il y est de la loi relative à l'entreprise criminelle
8 commune, une fois qu'il y a contribution à l'entreprise criminelle commune
9 ou participation à l'entreprise criminelle commune, cette contribution,
10 cette participation, ce n'est pas obligé en quelque sorte qu'elle soit
11 importante. Dans ce cas, lorsqu'il y a contribution par omission, cela est
12 suffisant dans la mesure où cela rend la tâche beaucoup plus difficile aux
13 autres membres de l'entreprise criminelle commune qui ne peuvent plus
14 mettre en exécution l'entreprise criminelle commune.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez-moi. Je pensais que c'était le
16 contraire. Je pensais que son obligation c'était de rendre la tâche
17 beaucoup plus difficile aux membres de l'entreprise criminelle commune.
18 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
20 M. STAMP : [interprétation] En fait, j'ai pris le problème à l'envers.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. J'accepte que c'était votre
22 première version qui était la version idoine. Merci.
23 Vous êtes en train de nous dire que ce qui est suffisant, c'est de ne pas
24 rendre la tâche plus difficile pour les autres membres. Est-ce que vous
25 êtes en train de confondre ce qui est nécessaire pour participer à
26 l'entreprise criminelle commune avec ce qui est nécessaire pour ne pas être
27 considéré comme membre de l'entreprise criminelle commune ?
28 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je ne conçois
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1 absolument pas les deux principes. Ce que j'avance, c'est qu'en ce qui
2 concerne l'entreprise criminelle commune, la participation à l'entreprise
3 criminelle commune ne doit pas forcément être importante.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
5 M. STAMP : [interprétation] Alors, dans le cas d'espèce nous parlons de
6 participation par omission.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
8 M. STAMP : [interprétation] S'il avait fait quelque chose, cela aurait
9 rendu la tâche beaucoup plus difficile aux autres membres dans l'entreprise
10 criminelle commune.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est ce que vous avez dit au
12 début. Tout à fait. Je vous remercie.
13 M. STAMP : [interprétation] Donc, Mesdames, Messieurs les Juges, je vais
14 avec votre permission parler de son rôle au sein du conseil de la Défense
15 suprême, parce qu'il avait également des pouvoirs en tant que membre du
16 conseil de la Défense suprême. Il me semble que ce qu'on dit ou ce qu'a dit
17 mon estimé confrère pour la Défense était que le conseil de Défense suprême
18 n'était qu'un organe consultatif, et que le président de la république
19 exerçait tout le contrôle de la VJ et qu'il pouvait lorsqu'il le
20 souhaitait, accepter ou ne pas accepter, d'ailleurs, les conseils du
21 conseil de Défense suprême.
22 Alors, ce que nous avançons, c'est qu'en tant que membre du conseil de
23 Défense suprême, M. Milutinovic avait des pouvoirs importants, des pouvoirs
24 considérables qui lui étaient conférés et qui lui auraient permis d'avoir
25 une incidence ou d'empêcher la commission de ces crimes et que soit, il n'a
26 pas su ou pu exercer ces pouvoirs pour empêcher l'entreprise criminelle
27 commune de voir le jour, ou lorsqu'il l'a fait il l'a fait en accord avec
28 M. Milosevic pour apporter sa contribution à l'entreprise criminelle
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1 commune.
2 Alors, je vais un peu digresser, mais je pense que c'était
3 Me Fila qui a dit que pour M. Sainovic c'était le conseil de Défense
4 suprême qui exerçait des fonctions de commandement sur l'armée, alors que
5 la situation semble être légèrement différente lorsque l'on entend Me
6 O'Sullivan qui parlait au nom de M. Milutinovic.
7 La constitution de la RSFY et la législation relative à la défense de la
8 République fédérale de Yougoslavie, la loi relative à la VJ pour la RSFY
9 sont autant de lois qui démontrent que le conseil de la Défense suprême
10 était un organe qui prenait des décisions qui régissaient les forces
11 armées, à savoir l'armée. Il ne s'agissait pas seulement de donner des
12 conseils. Ces lois et législations montrent que le conseil de Défense
13 suprême avait l'autorité qui lui permettait de prendre des décisions pour
14 toute question militaire, notamment l'activation, le déploiement et le
15 système de commandement au sein de la VJ. Toutes ces lois stipulent que le
16 président de la République doit agir conformément à ces décisions. Le mot
17 "décisif" est le mot "shall" en anglais, à savoir le futur et utilisé, le
18 futur de l'indicatif. Et le président de la république ne pouvait pas agir
19 sans tenir compte des directives du conseil de Défense suprême. Le conseil
20 de Défense suprême était l'organe civil le plus élevé qui était responsable
21 de la Défense nationale et de l'utilisation de la VJ.
22 Conformément à la constitution de la RFY, il s'agit de la pièce P856,
23 article 135, il est indiqué que la VJ sera placée - c'est le futur - sera
24 placée sous le commandement du président de la république, à savoir le
25 président de la RFY, conformément aux décisions du conseil de Défense
26 suprême. La loi relative à la Défense de la RFY, dans son paragraphe 985,
27 stipule à l'article 40, je cite :
28 "Conformément aux décisions du conseil de Défense suprême, le président de
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1 la république commande la VJ en temps de guerre et en temps de paix."
2 L'article 8 de la même loi relative à la Défense, il s'agit toujours du
3 document P985, stipule : "En cas de menace imminente de guerre, en cas
4 d'état de guerre ou d'état d'urgence, le président de la république, en
5 fonction des décisions du conseil de Défense suprême, donnera les ordres
6 pour que soient prises les mesures de préparation au combat, de
7 mobilisation et d'utilisation des forces armées de la Yougoslavie." De
8 même, l'article 41 de la législation relative à la Défense stipule que le
9 conseil de Défense suprême rend des décisions et qu'en fonction de ces
10 décisions, le président de la république commande l'armée de la
11 Yougoslavie. A savoir, le conseil de Défense suprême détermine la stratégie
12 des conflits armés, les règles de l'utilisation des forces de l'armée et de
13 la conduite à adopter en temps de guerre. Le conseil de Défense suprême
14 détermine quelles sont les règles qui doivent être utilisées pour gérer la
15 défense du pays et le comportement en temps de guerre.
16 La législation relative à la VJ de la RFY indique, dans la pièce P984,
17 article 4, que le président de la république commandera l'armée,
18 conformément aux décisions du conseil de Défense suprême. L'article 4
19 stipule que le président, conformément aux décisions du conseil de Défense
20 suprême, décidera du déploiement de l'armée, approuvera les plans pour
21 l'utilisation de l'armée, déterminera le système de commandement qui sera
22 utilisé dans l'armée et contrôlera l'exécution de ces systèmes, s'enquérra
23 de l'aptitude au combat de façon régulière et s'acquittera d'autres devoirs
24 et fonctions afférentes au commandement de l'armée, et ce, conformément au
25 droit fédéral.
26 Ces dispositions indiquent de façon assez manifeste que le conseil de
27 Défense suprême disposait d'un élément important de contrôle sur les forces
28 armées et sur l'utilisation de ces forces armées. Le président de la
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1 république n'était pas indépendant du conseil de Défense suprême pour ce
2 qui était de l'utilisation et du déploiement des forces armées.
3 Si nous prenons le procès-verbal de certaines réunions du conseil de
4 Défense suprême tel que, par exemple, le procès-verbal de la 8e Séance du
5 conseil de Défense suprême, il s'agit de la pièce P1000. Il a été déterminé
6 que le conseil de Défense suprême devra continuer à évaluer toutes les
7 questions relatives à l'armée, toutes les observations devraient faire
8 l'objet de discussion et devraient être prises en considération lors du
9 processus de décisions du conseil de Défense suprême. Le processus de
10 décisions, Mesdames et Messieurs les Juges, si vous examinez ce qui était
11 avancé par mon estimé confrère, même lorsqu'il s'agit de discuter du rôle
12 du conseil de Défense suprême, il est évident qu'il ne s'agissait pas d'un
13 pur rôle consultatif.
14 D'ailleurs, M. Milutinovic non seulement avait des pouvoirs en tant que
15 membre du conseil de Défense suprême, mais le procès-verbal a également
16 indiqué qu'il était un participant important qui a pris part à la prise de
17 décisions. Je pense, par exemple, à certaines des questions très
18 importantes que nous allons aborder et qui sont reprises par les
19 allégations. Par exemple, des questions d'effectifs, de personnel, quel
20 commandant, positions-nous où ? Qui sont les commandants qui vont être mis
21 à la retraite ? Qui sont les commandants que vous allez promouvoir ? Il a
22 participé activement à ces décisions. Lui, de temps à autre, faisait
23 référence à des questions qui, bien évidemment, touchaient de très près la
24 VJ et portaient sur la VJ. Il y avait des discussions au sein du conseil de
25 Défense suprême qui portaient sur des questions du budget, des questions du
26 personnel, et ce qui est le plus important, du remplacement de l'officier
27 du plus haut rang de la VJ, le chef de l'état-major général. M. Milutinovic
28 a participé quand il fallait prendre décision pour ce qui est de M.
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1 Milutinovic et qu'il soit démit de ses fonctions pour être remplacé par le
2 général Ojdanic. Mon éminent collègue M. Hannis en a discuté.
3 Je m'excuse. J'ai dit que M. Milutinovic a participé à la destitution du
4 général Perisic et de son remplacement par le général Ojdanic. C'est à la
5 pièce P1576, à la page 4. Dans ce procès-verbal de cette réunion du conseil
6 de Défense suprême, vous voyez qu'un membre de ce conseil a exprimé ses
7 réserves par rapport à M. Milutinovic. Nous voyons en parcourant d'autres
8 pièces à conviction pour appuyer la décision concernant M. Milutinovic,
9 pour lequel nous avançons qu'il était à la tête de cette entreprise
10 criminelle commune.
11 P1000, c'est le procès-verbal de la 8e Séance. Nous voyons que M.
12 Milutinovic était présent.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez pensé à M. Milosevic lorsque
14 vous avez dit votre dernière référence ?
15 M. STAMP : [interprétation] M. Milosevic, oui. Je vous remercie, Monsieur
16 le Président.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est la référence qui est consignée
18 au compte rendu à la ligne 13.
19 M. STAMP : [interprétation] Il a participé à la promotion de M. Pavkovic.
20 C'est P1000, à la page 10. Il a été présent au moment où le conseil de
21 Défense suprême a adopté la proposition du général Perisic pour ce qui est
22 des questions liées au personnel, y compris la promotion de Vladimir
23 Lazarevic au poste de général de corps d'armée, c'est la pièce P1574. Il
24 s'agit du procès-verbal de la 5e Séance. Notre argument est par rapport à
25 cela qu'il a participé à la réalisation de l'entreprise criminelle commune
26 en exerçant ses pouvoirs dans le cadre du conseil de Défense suprême et un
27 appuyant M. Milosevic pour ce qui est des nominations d'autres membres de
28 l'entreprise criminelle commune, dont lesquelles sont accusées ici, et de
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1 les mettre aux positions d'où ils pouvaient réaliser le plan et l'objectif
2 de l'entreprise criminelle commune.
3 Je vais maintenant faire une digression par rapport à l'entreprise
4 criminelle commune. Il a exercé les pouvoirs que la loi lui conférait pour
5 pouvoir contribuer à la réalisation ultérieure de l'entreprise criminelle
6 commune. Il pouvait promouvoir le personnel de la police au titre de
7 l'article 6 de la loi portant sur les grades du MUP. C'est P1015, où il est
8 stipulé que le président de la Serbie avait l'autorité de promouvoir le
9 personnel jusqu'au grade du général, ce qui existe dans le document portant
10 sur l'organigramme. Cela donnait au président une influence additionnelle
11 sur le service de la police en Serbie. Il a exercé son pouvoir pour faire
12 promouvoir le général Lukic au rang du général de division, le 12 mai 1998.
13 Mon éminent collègue, Me O'Sullivan, a dit qu'il n'y avait pas de
14 moyens de preuve pour corroborer cela. Lorsqu'on parcourt son entretien au
15 bureau du Procureur, c'est P604 à la page 186, il a reconnu qu'il avait
16 signé cette ordonnance de promotion du général Lukic à l'occasion de la
17 journée de sécurité et cela c'était le 12 ou le 13 mai 1999.
18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je m'excuse, ce document ne se
19 trouve pas dans le dossier de l'affaire.
20 M. STAMP : [aucune interprétation]
21 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Mais le conseil de la Défense a dit
22 de façon catégorique qu'il n'a pas été promu. Je regardais quelle était la
23 réponse à cela. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de savoir s'il a été
24 promu ou pas ?
25 M. STAMP : [interprétation] Au document P00604, je crois, mais je vais
26 vérifier Je vais vous en informer après la pause. Je pense que le mémoire
27 préalable du conseil de la Défense, M. Lukic, a admis qu'il avait été
28 promu. Maintenant, à savoir s'il avait été promu par M. Milutinovic et si
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1 M. Milutinovic a signé cette ordonnance, cela se trouve à l'entretien qui a
2 été mené entre le bureau du Procureur et M. Milosevic, et qui a été admis
3 au dossier sous la cote P604, c'est à la page 186. Permettez-moi quelques
4 instants pour que je me retrouve dans mes papiers. Je vais vous dire quand
5 cela a été admis au dossier. C'était le 10 octobre 2006.
6 Nous nous sommes également posé la question pour savoir ce que le président
7 d'un pays fait quand il entend que des crimes sérieux de persécutions d'une
8 population ont été commis à grande échelle pendant une longue période de
9 temps. Il a été dit qu'il n'y a pas de moyens de preuve selon lesquels le
10 conseil de Défense suprême se serait réuni après le 23 et le 24 mars 1999.
11 Pourtant, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, si on se
12 penche sur le Règlement du conseil de Défense suprême, c'est la pièce
13 P2622. C'est le règlement de ce conseil, daté du 23 juillet 1992, et P1738,
14 ce qui représente le règlement modifié, qui a été modifié le 23 mars 1999.
15 Ce règlement modifié stipule que le président de la Yougoslavie, à savoir
16 de la RFY va convoquer des réunions, suite à la proposition de ses membres.
17 Le président a par rapport à un autre participant à l'entreprise criminelle
18 commune qui a été préoccupé par le fait que cet autre participant a entendu
19 qu'il y avait des allégations graves dans l'acte d'accusation dressé devant
20 ce Tribunal et qu'il a identifié des crimes spécifiés. Il avait le pouvoir
21 de convoquer la réunion de ce conseil de Défense suprême. Il n'a pas fait
22 cela. Je pense que Me O'Sullivan a dit que les membres de ce conseil, mis à
23 part le président, n'avaient pas de pouvoir pour proposer les ordres du
24 jour des réunions. Si le président de la république n'a pas dit : Vous
25 savez qu'il y a des centaines de milliers de personnes qui ont été
26 expulsées, et qu'il fallait en discuter. Le président de la république n'a
27 pas fait cela. Je pense que l'argument de l'Accusation c'est que le
28 règlement du conseil a donné au président le pouvoir de mettre ce point à
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1 l'ordre du jour des réunions. C'est important. C'est P1738, le paragraphe 3
2 -- je m'excuse, le paragraphe 5. Il s'agit de parties pertinentes de ce
3 règlement. Au paragraphe 3, il est prévu que le président convoque les
4 réunions du conseil. C'est le président de la RFY, si un de ses membres
5 l'exige. Au paragraphe 5, il peut proposer des discussions sur les
6 questions qu'il considère comme étant importantes. Il a été dit qu'un
7 membre du conseil suprême de la Défense ne faisait pas partie de
8 l'entreprise criminelle commune et ne pouvait pas exercer ses pouvoirs à la
9 façon d'empêcher la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune. Au
10 lieu de cela, les moyens de preuve disent que M. Milutinovic a joint M.
11 Milosevic pour ce qui est de toute mesure prise par ce dernier. En omettant
12 d'utiliser ses pouvoirs, en tant que membre du conseil de Défense suprême,
13 il a contribué et a participé à l'entreprise criminelle commune ou
14 alternativement a incité ou a aidé et encouragé la commission des crimes.
15 L'article 4 du Règlement du conseil suprême de la Défense - et cela
16 s'applique à la période après le 23 mars 1999 - prévoit que les décisions
17 devaient être adoptées par un consensus. Il aurait pu avoir une incidence
18 importante sur ce que l'armée faisait sur le terrain au Kosovo, lors de
19 n'importe quelle réunion de conseil en se levant et assumant sa
20 responsabilité, parce qu'il était président de la Serbie. Il a prêté
21 serment en tant que président de la Serbie. En tant que membre du conseil
22 suprême de la Défense, M. Milutinovic était informé non seulement pour ce
23 qui est de la note d'information dont j'ai parlé auparavant. Ils se sont
24 mis d'accord qu'ils auraient dû recevoir des rapports par rapport à
25 certaines choses. L'article 2 du Règlement montre que M. Milutinovic aurait
26 dû recevoir des rapports de la VJ et d'autres organes de l'Etat qui ont été
27 impliqués à la défense de la RFY. Il était présent lorsque M. Sainovic a
28 fait rapport au conseil suprême de la Défense portant sur la coopération
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1 entre la VJ et le MUP. Il y avait également une discussion portant sur les
2 questions de sécurité, c'est P1000. Si on se penche sur P1000 de façon très
3 attentivement, vous allez voir certaines des déclarations que M.
4 Milutinovic a faites, par exemple, lorsqu'il a discuté des allégations
5 portant sur le comportement non constitutionnel et indiscipliné des soldats
6 de la VJ, et lorsqu'il a dit que ces allégations étaient exagérées, montre
7 que non seulement il savait que cela se passait, mais qu'il était au
8 courant des allégations qui ont été présentées. En tant que membre du
9 conseil suprême de la Défense, il les a rejetées.
10 J'aimerais aborder un autre sujet, mais je ne sais pas s'il est venu
11 le moment propice à faire une pause.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous allons faire la
13 pause maintenant. Nous allons continuer à 13 heures 45.
14 ---L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 45.
15 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Stamp,
17 s'il vous plaît.
18 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 J'aimerais tenter d'avancer un peu plus vite en traitant du point assez
20 contesté qu'est l'existence ou non du commandement conjoint et du rôle
21 éventuellement joué par M. Milutinovic au sein de ce commandement conjoint.
22 Dans la mesure où l'existence cette instance a été contestée dans la
23 période pertinente, je renvoie la Chambre à la pièce 1488, ordre du 18
24 avril 1999, signé par le général Ojdanic en sa qualité de chef d'état-major
25 du commandement Suprême, ainsi qu'à la pièce 1459 qui est un rapport signé
26 par le général Pavkovic et destiné à l'état-major du commandement Suprême.
27 Je renvoie également la Chambre à un ordre qui a été rédigé en réponse à
28 l'ordre précédent par le commandement Suprême, pièce 1495 datant du 24 mai
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1 1999 et signé par le général Ojdanic en tant que commandant du commandement
2 suprême.
3 Le général Vasiljevic a parlé dans sa déposition, pour sa part, de la
4 chaîne de commandement présidant aux opérations. Cela se trouve à la page 8
5 663 du compte rendu d'audience, à la journée du
6 18 janvier 2007. Il y a décrit le système permettant de rendre compte des
7 opérations selon la voie hiérarchique pour aboutir au commandement Suprême.
8 Quant aux autres références, je laisse le soin au jugement compétent de la
9 Chambre pour se prononcer dans le sens qui lui paraîtra le plus judicieux
10 et pour accorder à tous ces éléments le poids qu'ils méritent. Je veux
11 parler en particulier de la pièce P949 qui a été évoquée par mon confrère,
12 M. Hannis, à savoir la déclaration préalable de suspect du général Pavkovic
13 dans laquelle ce dernier déclare que M. Milutinovic faisait effectivement
14 partie du commandement Suprême.
15 Je renvoie également la Chambre à la déclaration de M. Tanic, versée
16 au dossier en tant que pièce à conviction et plus précisément au paragraphe
17 109 de cette déclaration, où nous lisons que lorsque la guerre due à l'OTAN
18 a commencé, M. Milosevic a créé le commandement Suprême dont M. Milutinovic
19 était l'un des membres.
20 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le
21 paragraphe 109 de cette déclaration préalable ne fait pas partie des
22 éléments de preuve en vertu de l'ordre émanant de vous et de la Chambre car
23 vous n'avez admis que les paragraphes 1 à 45.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.
25 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les
26 Juges, je veillerai à ce que ce paragraphe devienne une pièce à conviction.
27 Je reviendrai sur ce point un peu plus tard.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La Chambre pourra également se pencher
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1 sur point compte tenu du commentaire que vient de faire Me O'Sullivan.
2 M. STAMP : [interprétation] S'agissant de M. Tanic, je dirais que
3 nonobstant les propos de la Défense quant au fait que M. Tanic n'était pas
4 digne de confiance, je renvoie la Chambre aux propos de M. Hannis
5 s'agissant des critères appliqués au TPIY, ainsi qu'à l'article 98 bis du
6 Règlement qui prévoit une appréciation de la crédibilité d'un témoin ne
7 correspondant pas aux critères évoqués par la Défense, et ne prévoit pas
8 que M. Tanic puisse être considéré comme indigne de confiance de façon
9 automatique et qu'il faille donc ne pas tenir compte de sa déposition. En
10 tout cas, c'est ce que nous affirmons du côté de l'Accusation.
11 L'Accusation soutient que M. Milutinovic a assisté à plusieurs réunions et
12 conférences internationales, très souvent en présence de M. Milutinovic
13 [comme interprété] et que, par conséquent, il a légitimé ces réunions et
14 conférences par sa simple présence en qualité de président de la Serbie,
15 notamment durant les dernières journées de la conférence de Paris-
16 Rambouillet, sur laquelle je reviendrai un peu tard. Pendant ces journées
17 en particulier, il s'est comporté d'une façon qui allait dans le sens de la
18 réalisation des objectifs de l'entreprise criminelle commune. Je pense que
19 c'est par rapport à cette position de l'Accusation que la Défense s'est
20 efforcée de laisser entendre que M. Milutinovic n'aurait eu qu'un rôle
21 limité, sinon inexistant, dans le domaine des Affaires étrangères en sa
22 qualité de président de la République de Serbie.
23 Monsieur le Président, je renvoie la Chambre à la pièce P1021, à savoir le
24 texte de la constitution de la République de Serbie. Nous y trouvons
25 l'article 3 qui prévoit que le président de la République de Serbie dirige
26 les affaires dans le domaine des relations entre la République de Serbie et
27 d'autres Etats ou organisations internationales dans le respect de la loi.
28 Donc voilà le fondement juridique qui permet à l'accusé, M. Milutinovic, de
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1 prendre un certain nombre d'engagements dans le domaine des affaires
2 internationales.
3 Toutefois, si nous nous penchons sur la situation réelle effective, il est
4 clair que M. Milutinovic a suivi de très près nombre de ces réunions et a
5 assisté à plusieurs d'entre elles en tant qu'allié et participant à
6 l'entreprise criminelle commune aux côtés de M. Milosevic. Nous avons à ce
7 titre un élément de preuve émanant d'un ambassadeur qui, dans sa
8 déclaration préalable, pièce P2634 déclare que la présence de M.
9 Milutinovic légitimait ces réunions puisqu'il était président de la Serbie.
10 Dans sa déposition, ce témoin a déclaré que M. Milutinovic assistait aux
11 réunions et que : "Normalement - j'insiste sur ce terme - normalement, pour
12 autant que je m'en souvienne, il était assis à côté de M. Milosevic et lui
13 apportait tout son soutien."
14 Je vais donc rapidement renvoyer la Chambre à plusieurs de ces réunions
15 sans en traiter par le menu, mais je demanderais à la Chambre de relire les
16 procès-verbaux de ces réunions pour voir quels étaient les sujets en
17 discussion et les personnalités présentes, et déterminer si Milutinovic
18 assistait à ces réunions en tant que symbole d'unité nationale, comme l'a
19 prétendu la Défense, ou s'il y assistait en tant que personnalité centrale,
20 en tant que dirigeant de haut rang chargé de traiter des affaires du Kosovo
21 et de l'engagement des forces armées de la RFY dans cette région ainsi que
22 le sol de la Serbie.
23 M. Tanic, dans sa déposition a dit, page 6 371 du compte rendu d'audience,
24 que dans la chaîne de commandement privé de Milutinovic, on trouvait des
25 hommes tels que Sainovic chargé des affaires intérieures et Milan
26 Milutinovic chargé des relations extérieures entre autres.
27 M. Milutinovic a participé aux négociations d'octobre 1998 qui ont
28 débouché, ou plutôt qui ont conduit -- non, excusez-moi, je retire ce que
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1 je suis en train de dire. Manifestement, c'est erroné.
2 Quoi qu'il en soit, il a assisté aux réunions des négociations
3 d'octobre 1998 et dirigé les délégations de la République fédérale
4 yougoslave et de la Serbie, ainsi que du MUP de Serbie dont il était à la
5 tête de cette délégation serbe lors des négociations techniques menées avec
6 des représentants de l'OTAN. C'est ce que l'on constate à l'audition de la
7 déposition de M. Naumann. M. Naumann a également parlé de la réunion du 15
8 octobre 1998 avec le général Clark durant laquelle M. Milosevic a été
9 averti du recours massif à la force qui était en préparation. M.
10 Milutinovic était présent à ces réunions.
11 M. Naumann a parlé de la réunion du 24 et de celle du
12 25 octobre 1998 auxquelles M. Milutinovic et Sainovic ont assisté et au
13 cours desquelles M. Clark a formulé des mises en garde par rapport au
14 comportement des forces de la République fédérale yougoslave. Au cours de
15 cette réunion, M. Milosevic a nié avoir utilisé la force de façon
16 disproportionnée.
17 Il y a une réunion sur laquelle il convient de mettre l'accent. Je crois
18 qu'elle a déjà été évoquée par M. Hannis, mon confrère, de façon assez
19 générale. Au cours de cette réunion, M. Milosevic profère des remarques
20 préjudiciables aux populations albanaises du Kosovo en déclarant que ces
21 Albanais devraient être tués. On le voit au compte rendu d'audience de
22 l'affaire Milosevic. Dans ces conditions,
23 M. Milutinovic n'a exprimé aucune opposition ouverte, et selon
24 M. Mike Phillips, M. Milutinovic a également assisté aux réunions entre M.
25 Milosevic et M. Walker en octobre et novembre 1998. La Chambre dispose
26 d'éléments de preuve portant sur une rencontre le
27 19 janvier 1999 où il est question de Racak et au cours de laquelle M.
28 Naumann et le général Clark rencontrent M. Milosevic. Cette réunion entre
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1 M. Naumann et le général Clark évoquée au compte rendu d'audience de
2 l'affaire Milosevic, versée au dossier en l'espèce pour une audience du
3 mois de juin 2002, page 6 998, et au paragraphe 30 de cette page, nous
4 avons la déclaration de M. Naumann qui constitue la pièce P2512.
5 Durant toutes ces réunions, la Défense soutient que
6 M. Milutinovic était présent en tant que symbole de l'unité nationale. Pour
7 sa part, l'Accusation affirme qu'il a assisté à ces réunions en tant que
8 dirigeant politique de haut rang de la République fédérale yougoslave.
9 L'une des personnes participant à ces discussions et au processus de prise
10 de décisions qu'impliquaient ces discussions était Milutinovic qui avait
11 joué un rôle tout à fait fondamental.
12 Passons maintenant aux réunions de Rambouillet et à la critique qui a été
13 entendue de la crédibilité de l'ambassadeur Petritsch de la part du conseil
14 de M. Milutinovic. Encore une fois, je n'aborderais pas les arguments
15 portant sur la crédibilité, mais je soutiendrais simplement que rien dans
16 les éléments de preuve soumis à la Chambre ne démontre que l'ambassadeur
17 Petritsch aurait nié d'une quelconque façon à la vérité sur ce point, et
18 rien dans sa déposition n'est en soi dépourvu de crédibilité, ce qui
19 justifierait éventuellement un rejet de ce témoignage.
20 En fait, je remarque que M. Fila a exprimé une position très différente au
21 sujet de la crédibilité de l'ambassadeur Petritsch, ce qui est sans doute
22 la raison pour laquelle nous ne devrions pas nous occuper de ce problème en
23 ce moment, car Me Fila a déclaré que des personnes telles que l'ambassadeur
24 Petritsch ne pouvait pas dire de choses inexactes.
25 L'ambassadeur Petritsch a dit que M. Milutinovic lui a rapporté que si la
26 Serbie était bombardée, cela entraînerait des massacres, et par massacres,
27 il pensait à des massacres visant les Albanais du Kosovo. Ceci démontre
28 l'existence d'une intention délictueuse et d'une connaissance réelle qui
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1 est celle de l'entreprise criminelle commune.
2 Me O'Sullivan a proposé pour sa part que suite au contre-interrogatoire de
3 M. Petritsch, de l'ambassadeur Petritsch, l'important était d'examiner la
4 dépêche diplomatique qui a été versée au dossier. Je ne me rappelle pas le
5 numéro de la pièce en ce moment, mais Me O'Sullivan a certainement donné la
6 cote exacte.
7 Ce qui a été dit c'est que l'ambassadeur Petritsch a relu la dépêche
8 diplomatique longtemps après l'incident, c'est-à-dire quelques heures après
9 que l'annonce lui en ait été faite. En d'autres termes, cette dépêche est
10 un document contemporain des événements.
11 C'est à ce moment-là que le président de la Chambre, M. le Juge
12 Bonomy, lui a demandé s'il pouvait s'être glissé une éventuelle erreur dans
13 cette dépêche diplomatique. La réponse de l'ambassadeur est la suivante, je
14 cite : "C'est très, très improbable, car on ne met pas un commentaire
15 relatif au président en exercice ou au président d'une république si cela
16 ne correspond pas à quelque chose qui a effectivement été dit. Cette
17 dépêche est une dépêche interne. Encore une fois je dois répéter que nous
18 autres, diplomates, nous sommes tenus de dire et d'écrire la vérité, rien
19 que la vérité. C'est bien entendu l'un des principes cardinaux de notre
20 activité."
21 D'ailleurs l'ambassadeur Petritsch vous a décrit le système à la base
22 de la rédaction de telles dépêches et la façon dont elles étaient
23 transmises. Ce qui garantit leur exactitude.
24 Nous voyons qu'un autre témoin a soulevé le même argument,
25 l'ambassadeur Petritsch ne pouvant se rappeler exactement s'il avait
26 entendu dire quelque chose à une personne ou à deux personnes. Il est clair
27 que les éléments de preuve versés au dossier montrent que durant la
28 croissance de l'entreprise criminelle commune dans un moment marqué par
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1 beaucoup de tensions et d'anxiété, plus d'une personne était au courant que
2 quelque chose se préparait pour le printemps 1999.
3 Vous avez les éléments de preuve à votre disposition qui montrent que
4 l'ambassadeur ne se rappelle pas s'il y avait deux dépositions ou une, mais
5 qu'il est en mesure de dire dans sa déposition que le document sur lequel
6 il s'appuie est digne de foi après vérification de sa part.
7 Encore une fois, sa crédibilité a été contestée par rapport à la
8 transparence du rôle joué par lui dans le processus de Rambouillet. La
9 Défense affirme à cet égard que les chapitres de mise en œuvre du projet
10 d'accord n'ont été mis en discussion que quelques heures avant que la
11 délégation serbe ait été contrainte de signer ce document.
12 L'ambassadeur Petritsch dans sa déposition - cela devrait permettre
13 de mettre un point final à la discussion - prouve au-delà de tout doute
14 raisonnable que les sujets qui allaient être discutés étaient connus de la
15 délégation serbe depuis le 19 mars. Pages 10 841 et 10 925 du compte rendu
16 d'audience.
17 Il y a eu une autre critique proférée à l'encontre de l'ambassadeur
18 Petritsch, toujours liée au problème de sa crédibilité, et qui concerne un
19 certain nombre de courriers. La Défense a déclaré que la déposition de
20 l'ambassadeur Petritsch n'était pas recevable en l'espèce, en raison du
21 manque de transparence du processus décrit par lui, puisque des courriers
22 circulaient en coulisse entre les diverses parties au processus. Ceci ne
23 nuit en rien sa crédibilité.
24 Je sais bien que je suis en train de parler du problème de la
25 crédibilité, mais je dirais simplement à ce sujet, que la partie de sa
26 déposition concernant ces courriers, concerne un phénomène qui n'est pas
27 rare dans des négociations multilatérales de cette nature. Ce qu'il a
28 déclaré, c'est qu'il n'avait rien eu à voir avec la circulation de ces
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1 courriers en coulisse. Il n'a eu aucun rôle dans l'envoi de telles lettres
2 à la secrétaire d'Etat des Etats-Unis,
3 Mme Albright. Il n'a eu aucune participation dans l'événement dont nous
4 avons vu les images filmées à la demande de la Défense, où l'on voit qu'une
5 partie a rédigé ces courriers et que l'autre, la délégation kosovare n'a
6 pas été autorisée à les lire. Ce que l'on peut dire, c'est que lui-même et
7 les autres représentants du Groupe de contact ont travaillé dans la plus
8 grande transparence vis-à-vis des deux parties en présence durant ces
9 négociations, c'est certain en dépit éventuellement d'efforts extérieurs
10 qui auraient pu être faits par des personnes étrangères au processus pour
11 influer sur lui.
12 L'important au sujet de l'ambassadeur Petritsch et de sa déposition,
13 c'est de se demander si effectivement la partie du projet d'accord de
14 Rambouillet concernant la mise en œuvre a été soumise à discussion ou pas.
15 Il était encore possible à ce stade de sauver la paix au cas où l'ensemble
16 du processus n'aurait pas été rejeté complètement. C'est une partie
17 importante de sa déposition.
18 Si M. Milutinovic n'était pas officiellement membre de la délégation
19 serbe au départ, chaque fois qu'il assistait aux réunions, il a joué un
20 rôle important à Rambouillet et plus tard à Paris - surtout à Paris - où il
21 a mené les négociations au nom de la Serbie -- ou plutôt, excusez-moi, au
22 nom de la RFY, ce qui a débouché sur le rejet du projet du texte par la RFY
23 et l'échec de la conclusion d'un accord.
24 Selon l'ambassadeur Petritsch, il a sapé à la base les discussions en
25 cours, et ce, sur instructions directes de M. Milosevic. C'est ce que nous
26 lisons dans la déposition d'Ibrahim Rugova.
27 Plus tard, le 23 mars 1999, il s'exprime devant l'assemblée parlementaire
28 serbe pour convaincre les parlementaires, en particulier ceux du parti
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1 majoritaire, c'est-à-dire son parti, de rejeter l'accord de Paris.
2 L'Accusation affirme que ce faisant, il allait dans le sens de la
3 réalisation des objectifs assignés à l'entreprise criminelle commune, comme
4 l'a déjà dit mon confrère M. Hannis, à savoir qu'il oeuvrait à la
5 réalisation du plan censé résoudre le problème du Kosovo au printemps, et
6 plus précisément aux alentours du mois de mars 1999. A cette époque-là, les
7 plans de paix ont été rejetés. C'est également l'époque où les forces de la
8 RFY et de la Serbie s'apprêtent à lancer leur offensive du printemps pour
9 venir au secours de leur plan.
10 J'ai remarqué que Me Fila, lors de son intervention, a suggéré que M.
11 Sainovic a été révoqué, c'était son expression, parce qu'il était en
12 désaccord avec le programme. Les moyens de preuve ne soutiennent pas cela.
13 Les moyens de preuve simplement démontrent que jusqu'à ce moment-là, à
14 savoir jusqu'aux négociations à Paris, M. Milutinovic a pris l'initiative
15 et était la personne principale pour ce qui est du rejet des propositions
16 de paix.
17 Maintenant, j'aimerais brièvement parler des pouvoirs tenus par M.
18 Milutinovic, des pouvoirs de facto. Comme j'ai déjà dit, il était la
19 personne principale pour ce qui est de l'acte d'accusation. Par sa
20 participation aux réunions importantes de l'appareil militaire et de
21 sécurité. Il était responsable des événements au Kosovo et des rapports
22 qu'il recevait régulièrement des hauts placés impliqués aux affaires au
23 Kosovo. Il ne pouvait pas être simplement un participant en tant que
24 symbole national, comme cela était suggéré ici, symbole d'unité. Il ne
25 pouvait pas être non plus une sorte de garant lors de ces réunions. Il
26 était partie prenante à ces réunions, selon l'argument de l'Accusation,
27 pour ce qui est de la planification et des ordres selon lesquels les forces
28 de la RFY et de la Serbie allaient conduire les opérations qui font l'objet
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1 de l'acte d'accusation pour ce qui est du Kosovo.
2 Bien sûr, Monsieur le Président, vous allez accorder une valeur
3 probante. Je pense qu'il s'agit de la pièce P605, c'est l'entretien de M.
4 Sainovic, dans lequel il a dit que dans la première moitié de 1998 il s'est
5 rendu à Pristina à plusieurs occasions, après quoi il rentrait et
6 consultait M. Milutinovic. C'est à la page 9.
7 Le colonel Pesic, dans sa déclaration qui porte la cote P2502, a dit qu'il
8 avait assisté à la réunion en 1998, lors de laquelle M. Milutinovic était
9 présent, M. Lukic également et M. Pavkovic. Il a conclu que M. Milutinovic
10 était présent en tant qu'invité du ministère de l'Intérieur. Les questions
11 qui ont été discutées concernaient la situation politique et la situation
12 relative à la sécurité au Kosovo.
13 K64, dans sa déclaration qui porte la cote --. Il a été dit à l'état-
14 major du MUP pour le Kosovo, une réunion s'est tenue en novembre 1998, où
15 M. Milutinovic a déclaré que le commandement conjoint pour le Kosovo aurait
16 la même composition qu'au moment où ce commandement a été établi. Il était
17 clair que M. Milutinovic a soutenu l'existence de ce commandement conjoint
18 et a préconisé que sa fonction continue.
19 M. Milutinovic, en sa qualité du président a de facto, de façon
20 directe, a contribué à l'autorité du commandement conjoint pour ce qui est
21 de leurs activités.
22 Pour ce qui est la légitimé de ces activités. Encore une fois, K64 a dit
23 que M. Milutinovic a également assisté à une autre réunion au QG du MUP, le
24 23 septembre 1998. Lors de cette réunion, en s'adressant à eux, il leur a
25 dit que le terrorisme au Kosovo a été vaincu et qu'il n'y a que des groupes
26 terroristes pas importants qui sont restés à être combattus. M. Sainovic,
27 dans son entretien, c'est la P605, il a parlé du comportement de M.
28 Milutinovic. Mais je ne vais pas m'en occuper. M. Lukic a dit dans sa
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1 déclaration de suspect, c'est P948, de la présence M. Milutinovic aux
2 réunions du MUP pour le Kosovo.
3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons soulevé
4 une objection pour ce qui est de cela. Vous avez donné des instructions à
5 l'Accusation. Peut-être que l'on ne devrait pas se référer à ces
6 déclarations des coaccusés.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, nous n'avons pas donné de telles
8 instructions, Maître O'Sullivan. Nous avons exprimé, ou du moins moi, j'ai
9 exprimé un point de vue préliminaire par rapport à cela. Nous allons tenir
10 compte des arguments au moment de décider si c'est admissible ou pas pour
11 ce qui est de votre client. Vous allez avoir la possibilité d'y répondre,
12 parce que vous avez déjà posé la même question.
13 M. STAMP : [interprétation] Je ne vais plus m'occuper de cela, et la
14 Chambre donnera un poids à ce document qui lui parait juste.
15 Ensuite, il y a une réunion du 29 novembre 1998 de l'état-major
16 interdépartemental chargé des opérations visant à la suppression du
17 terrorisme au Kosovo. Au procès-verbal de cette réunion, ce qui est la
18 pièce P2166, on voit que Slobodan Milosevic, M. Milutinovic,
19 M. Lukic, le général Pavkovic et M. Sainovic étaient présents.
20 Ce document nous donne des informations importantes pour ce qui est
21 des rapports détaillés présentés par ces personnes, y compris
22 M. Milutinovic. Le général Lukic était présent à cette réunion. Il a
23 présenté en détail un rapport détaillé pour ce qui est de la mesure dans
24 laquelle le MUP a observé l'accord Holbrooke-Milosevic.
25 Dans la déclaration de suspect de M. Milutinovic, c'est P604, il a
26 dit que durant la campagne, il aurait eu deux, trois réunions avec M.
27 Milosevic, ainsi qu'avec le chef de l'état-major général, ensemble avec ces
28 deux personnes. Monsieur le Président, vous allez certainement parcourir
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1 cela. C'est à la page 68 et 69 de sa déclaration de suspect, où il nie
2 d'abord qu'il les avait rencontrés ensemble.
3 Il dit, je devrais ajouter que dans sa version de suspect, que ces
4 réunions ont été tenues en tant que résultat du bombardement. Il a
5 également dit dans sa déclaration, qu'il y avait fréquemment des réunions
6 qui duraient une demi-heure, qui portaient sur la situation générale avec
7 M. Milosevic, avec les autres dirigeants, et que ces réunions ont été
8 tenues à Bela Palata, au Palais blanc. C'est à la page 69 à 74. Il a dit
9 que le ministre de la Défense était présent. Durant ces réunions, il a été
10 informé sur la situation au Kosovo. C'est à la page 70, mais ce n'est pas
11 très détaillé.
12 A la page 76, il explique que ces réunions ont été tenues pour les raisons
13 historiques, parce que pendant la guerre précédente, il y avait eu des
14 circonstances où les dirigeants semblaient - et c'était pendant la Seconde
15 Guerre mondiale, entre 1941 et 1944 - ils semblaient avoir quitté le pays à
16 un moment donné.
17 La plupart de ses propos, dans ses déclarations de suspect par
18 rapport à ces réunions, sont les points qui pourraient être interprétés
19 d'une façon ou d'une autre, mais ce qui est clair, c'est qu'il assistait à
20 cette réunion avec M. Milosevic pendant le bombardement, qu'il a rencontré
21 M. Milosevic en présence de plusieurs dirigeants de haut rang, les
22 dirigeants des opérations au Kosovo, bien que dans cette déclaration de
23 suspect il est dit qu'il l'avait rencontré pour des raisons diverses.
24 Je vais aborder brièvement les moyens de preuve eu égard à l'ordonnance ou
25 au décret. C'est P993 pour ce qui est de la délivrance de cartes
26 d'identité. La réponse à cela, il faut que je le dise encore une fois,
27 serait probablement qu'il faudrait en discuter plus en détail plus tard, au
28 moment où on parlera des moyens de preuve au-delà de tout doute
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1 raisonnable, à un stade ultérieur de la procédure, mais il faut maintenant
2 voir si cette loi a été donc annulée après la guerre. Il l'était, parce
3 qu'il n'aurait plus eu aucun effet parce que par cette loi ce qui a été
4 atteint comme objectif, c'était le découragement des Albanais du Kosovo qui
5 ont été chassés du Kosovo, de retourner au Kosovo.
6 Permettez-moi de dire clairement, qu'il est clair lorsqu'on se penche sur
7 ces procès-verbaux de ces réunions, pour ce qui est de sa présence, sa
8 participation aux événements au Kosovo, on peut dire qu'il était au courant
9 de ces événements et cela indique qu'il était la personne-clé qui a
10 participé à la planification et qui a dirigé au niveau politique ces
11 opération. Ce qu'il a dit mon collègue,
12 M. Hannis, à savoir il a dit que des opérations ont été menées sur le
13 terrain et les autres membres de l'entreprise criminelle commune auraient
14 joué un rôle de ceux qui prenaient des décisions, qui donnaient des ordres
15 directs aux forces sur le terrain.
16 M. Milutinovic a été informé par les médias internationaux, par le
17 biais des résolutions des Nations Unies de cela, et il avait des
18 informations particulières directes par le biais de l'acte d'accusation
19 dressé devant ce Tribunal pour ce qui est des infractions pénales
20 particulières.
21 Il y a également d'autres moyens de preuve, par exemple, le
22 témoignage de M. Rugova, le feu dirigeant, ancien feu dirigeant des
23 Albanais du Kosovo, qui a dit à la mi-avril 1999, enfin il s'est plaint à
24 lui par rapport à l'expulsion des Albanais du Kosovo. Et il y a un autre
25 dirigeant reconnu, donc c'était un dirigeant déjà reconnu des Albanais du
26 Kosovo, qui s'est officiellement plaint auprès du président eu égard de
27 l'expulsion des Albanais, du peuple albanais. Il a dit que la police serbe
28 et les forces militaires, les forces paramilitaires et d'autres forces
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1 militaires ont expulsé les Albanais. Il s'agit d'un rapport, d'une plainte
2 qui a une grande importance et qui a des répercutions sérieuses dans le
3 contexte de circonstances actuelles.
4 Nous avons le témoignage de Fred Abrahams sur les lettres qu'il avait
5 envoyées à de différents ministres au sein du gouvernement serbe, c'est
6 P540 jusqu'à P546, les lettres qu'il avait envoyées à des différents
7 organes. Il a également dit dans son témoignage que l'organisation "Human
8 Rights Watch" envoyait des rapports à des organes différents et en
9 particulier à la présidence de la Serbie et cela se trouve à la page 76 à
10 78 du compte rendu. Je pense que soit
11 M. Hannis, soit moi, en a déjà parlé et il y a des rapports de
12 M. Naumann et du général Clark du mois d'octobre 1998.
13 Il y a également un document émanant du ministère de l'information
14 adressé au bureau de M. Milutinovic daté du
15 1er octobre 1998 où ils ont décrit, où il parle des rapports de médias
16 concernant les crimes commis par le personnel du MUP à Gornja Obrinja, à
17 Glogovac. Ils ont été définis en tant que des éléments de la propagande et
18 on suggère une réponse à donner.
19 Ces rapports ont été décrits en tant que des éléments de la
20 propagande, ce qui montre que M. Milutinovic recevait des rapports dans
21 lesquels on analysait ce que les médias dans le monde disaient pour ce qui
22 est de l'utilisation de force excessive par la police et par l'armée, dans
23 la FRY. Ensuite, Dusan Loncar, et P2521, dit qu'il y avait eu des incidents
24 autour de Podujevo, de Racak, et cetera, où il avait organisé des réunions,
25 il a assisté à ces réunions avec Milan et Velimir Slana qui par la suite a
26 produit des copies de procès- verbaux de réunions pour les envoyer à Nikola
27 Sainovic et
28 M. Milutinovic.
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1 Ensuite, il y a la pièce à conviction P508. C'est l'un de ces
2 rapports, c'est le rapport de Velimir Slana dans lequel il déclare que DZ,
3 il a attiré l'attention du ministère des affaires étrangères, dont le
4 bureau se trouve à Pristina, sur le fait que la République fédérale de
5 Yougoslavie et les forces serbes ont opéré de façon disproportionnée. Ce
6 rapport a été envoyé à Slobodan Milosevic, à Milan Milutinovic, à Nikola
7 Sainovic, il y avait d'autres personnes également qui ont reçu ce rapport.
8 Ensuite, la pièce P399, c'est une lettre envoyée par le Procureur, le
9 Procureur du tribunal à ce moment-là, c'était Louise Arbour, et c'est la
10 lettre qui a été envoyée à M. Milutinovic et dans laquelle elle exprimait
11 ses préoccupations par rapport aux violations, de graves violations du
12 droit international humanitaire au Kosovo.
13 M. Adnan Morovci, a également dit au cours de son témoignage qu'il a
14 envoyé des rapports à M. Milutinovic pour ce qui est d'infractions pénales
15 commises contre les Albanais au Kosovo et c'est la page 8 412 du compte
16 rendu. Il a également dit que quand
17 M. Rugova, il a été présent également quand Rugova a fait les rapports et
18 j'en ai déjà discuté.
19 Je vais donc donner des numéros de pièces à conviction. Il y en a pas mal
20 de ces documents dans lesquels il a été dit en détail que M. Milutinovic
21 recevait des rapports ou des informations sur ce qui se passait. C'est
22 P1481, P2828, P2842, P2843, P2844, et ces documents confirment qu'il
23 s'agissait d'un système habituel, régulier, dans le cadre duquel les
24 leaders, les dirigeants politiques haut placés ont été informés sur ce qui
25 se passait au Kosovo.
26 Monsieur, nous soutenons qu'il y a assez de moyens de preuve qui
27 corroborent le fait et sur la base desquels la Chambre pourrait donc
28 décider que M. Milutinovic avec l'intention délictueuse nécessaire pour ce
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1 qui est des accusations qui lui sont reprochées. Donc, il a eu des
2 connaissances nécessaires pour ce qui est de tous les crimes qui lui sont
3 reprochés par ses actions et par sa participation avec M. Milosevic lors
4 des différentes réunions dont j'ai parlé, et par ses omissions il a
5 participé à la commission des crimes.
6 Je vais parler de façon générale des questions concernant l'article 7(3), à
7 savoir la responsabilité des dirigeants du gouvernement haut placés, en
8 particulier quand il s'agit de la responsabilité de facto. Avec
9 l'autorisation de la Chambre, d'abord, je voudrais parler des moyens de
10 preuve par rapport à M. Sainovic. Donc, un autre dirigeant du gouvernement
11 haut placé et je vais en parler généralement de cela.
12 J'ai déjà parlé de la décision dans l'affaire Simic. C'est une décision
13 très importante parce que Simic contrairement à
14 M. Milutinovic n'avait pas un rôle constitutionnel à jouer, n'avait pas de
15 pouvoirs exercés, mais il avait les pouvoirs légaux, en tant que dirigeant
16 du gouvernement, d'user de son influence politique de quelque façon que ce
17 soit pour arrêter que les crimes en masse soient commis, et je dois dire
18 que les crimes au Kosovo ont été commis à grande échelle, mais je ne peux
19 pas non plus minimiser l'importance des crimes à Bosanski Samac.
20 Il est important d'ajouter que la Chambre de première instance
21 devrait savoir que les dirigeants politiques qui ne pouvaient pas ou ne
22 voulaient pas faire quoi que ce soit pour une raison quelconque donc, ne
23 devaient pas occuper des positions qui étaient les siennes. Ils auraient dû
24 donc démissionner.
25 Monsieur le Président, maintenant, j'aimerais parler des preuves
26 concernant M. Sainovic et les arguments qui ont été présentés par mon
27 confrère, Me Fila, par rapport à M. Sainovic. Je vais le faire en
28 présentant d'abord des éléments spécifiques de ces arguments, et après
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1 dépendamment du temps qui me reste, je vais m'occuper des arguments
2 généraux par rapport à M. Sainovic. Je ne sais pas si cela est nécessaire.
3 Devant certaines chambres, il faut répondre à des arguments spécifiques et
4 je vais commencer comme cela, et après je vais parler des questions à
5 portée générale concernant les preuves de l'Accusation par rapport
6 auxquels, peut-être M. Sainovic n'a pas été mentionné.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La deuxième partie que vous avez
8 proposée est très importante. Peut-être que tout ce que Fila a dit était
9 tout à fait erroné. Vous devez donc présenter et parler des preuves qui
10 corroborent suffisamment votre thèse.
11 M. STAMP : [interprétation] Oui, c'est vrai, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Stamp.
13 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
14 Je pense que j'ai mentionné de temps à autre le témoin K64. On me rappelle
15 qu'il s'agit d'un témoin, le témoin Cvetic, pour lequel les mesures de
16 protection ont été supprimées juste avant qu'il ne vienne déposer.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
18 M. STAMP : [interprétation] L'Accusation avance que Nikola Sainovic, à
19 l'instar de Milan Milutinovic, est responsable au titre de l'article 7(1)
20 ainsi qu'au titre de l'article 7(3), et ce, du fait de la campagne visant
21 la modification de l'équilibre ethnique au Kosovo. Il a participé à
22 l'entreprise criminelle commune en tant que supérieur civil, mais en tant
23 que supérieur. En fait, c'est lui qui a facilité la situation pour M.
24 Milosevic et qui a permis d'exécuter certaines choses au Kosovo toujours
25 pour M. Milosevic, il a partagé l'intention de l'entreprise criminelle
26 commune dont le but était de nettoyer, de procéder à un nettoyage ethnique
27 du Kosovo, et ce, afin d'assurer un contrôle continu de la part des Serbes
28 dans toute la province.
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1 Qui plus est, en tant que supérieur il avait le contrôle de jure et de
2 facto. M. Sainovic a manqué à son devoir, il n'a pas exercé son pouvoir. Il
3 a ainsi enfreint son devoir qui consistait à empêcher ses subordonnés de
4 commettre les crimes allégués. Il n'a pas su exercer les pouvoirs qui lui
5 avaient été conférés pour punir lesdits subordonnés après les faits.
6 Si nous prenons dans un premier temps ce qu'a avancé mon estimé confrère,
7 Me Fila, je dirais qu'un certain nombre de questions a été soulevé. Ce que
8 j'indique par rapport à ce qu'a dit Me Fila, c'est que la plupart de ses
9 arguments, pour ne pas dire tout son argumentaire, expliquaient qu'il
10 fallait que la preuve soit présentée au-delà de tout doute raisonnable. Ce
11 qui n'est pas la norme applicable ici. Je ne vais surtout pas me lancer
12 dans un débat afin d'évaluer et de pondérer la valeur des éléments ou des
13 moyens à preuve présentés. Je vais tout simplement poursuivre en indiquant
14 à la Chambre de première instance quels sont les éléments de preuve
15 pertinents eu égard aux thèmes abordés par Me Fila, ainsi que par rapport à
16 ce qui a été avancé par l'Accusation pour ce qui est des éléments de preuve
17 que nous avons avancés.
18 Me Fila a présenté des arguments qui peuvent être résumés en huit
19 catégories générales. Bien entendu, il y a également d'autres choses qui
20 ont été abordées et que j'aborderais également.
21 Je dirais, dans un premier temps, que les éléments de preuve qui ont
22 été communiqués indiquent que M. Sainovic ait été l'intermédiaire qui se
23 contentait de transmettre les opinions et les avis d'officiers de grade
24 élevé. En un sens cela fait partie d'une des allégations de l'acte
25 d'accusation. Ce que nous avançons, c'est que ce n'était pas le seul rôle
26 qu'il a joué.
27 Deuxième catégorie parmi l'argumentaire de Me Fila, il y aucun
28 élément de preuve présenté suivant lequel M. Sainovic était le représentant
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1 de M. Milosevic au Kosovo.
2 Troisièmement, cela était certainement l'une des motrices des arguments
3 présentés à propos de M. Sainovic. En 1999, il n'y a aucun moyen de preuve
4 qui a été présenté indiquant qu'en 1999, M. Sainovic était le chef du
5 commandement conjoint, si tant est qu'il existait. Il semblerait que M.
6 Sainovic ait exprimé un certain doute ou ait suggéré qu'il n'y avait pas
7 d'éléments de preuve suivant lesquels le commandement conjoint existait. Il
8 nous dit qu'il n'y a pas d'éléments de preuve suivant lesquels en 1999, M.
9 Sainovic était chef du commandement conjoint, et certainement pas après le
10 23 mars 1999.
11 Il a également indiqué que les documents auxquels il a été fait
12 référence étaient des documents de la VJ et qu'ils faisaient référence
13 seulement aux unités de l'armée. Si ces documents, d'après Me Fila, sont
14 authentiques, ils indiquent que les éléments de preuve étaient que le MUP
15 de la Serbie était placé sous la juridiction de la Serbie. Il s'agit de la
16 cinquième catégorie.
17 Catégorie numéro 6, l'Accusation n'a pas su prouver l'existence d'une voie
18 hiérarchique verticale à laquelle aurait participé Sainovic.
19 Septièmement, Sainovic ne pouvait pas avoir été informé des crimes.
20 Huitièmement, il y a de nombreuses personnes, notamment des
21 personnalités de la communauté internationale, qui ont approuvé le
22 comportement de M. Sainovic.
23 J'aimerais, dans un premier temps, vous renvoyer aux éléments de
24 preuve de M. Vasiljevic, et ce, pour un petit détail. Je lis trois
25 paragraphes de la déposition de M. Vasiljevic qui sont que la dernière idée
26 avancée par Me Fila doit être absolument réfutée pour ce qui est de la
27 phase du procès où nous nous trouvons. Il a été indiqué que les éléments de
28 preuve apportés par le général Vasiljevic ici dans ce Tribunal, sont des
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1 éléments de preuve qui peuvent permettre à la Chambre de première instance
2 d'agir. D'ailleurs, il n'a jamais véritablement été contesté à propos de ce
3 qu'il avait dit lors du contre-interrogatoire.
4 Dans sa déclaration qui a été versée au dossier, je vais vous fournir
5 le numéro de référence du document bientôt, il indique qu'il a participé à
6 une réunion du commandement conjoint le 1er ou le 2 juin 1999. Cela
7 plusieurs jours après le 23 ou le 25 mai.
8 A cette réunion avaient participé des représentants de la VJ et du
9 MUP; le chef du gouvernement du Kosovo y était également présent, le
10 représentant du Conseil exécutif provisoire, le chef des services de la
11 sûreté pour le Corps de Pristina; le colonel Stojanovic. Il y avait
12 également Zoran Andjelkovic, le général Djordjevic du MUP, le général
13 Stevanovic du MUP, le général Lukic du MUP, le général Pavkovic, le général
14 Lazarevic, et d'autres.
15 Cela s'est passé dans un bâtiment qui avait un large sous-sol. Cette
16 réunion a eu lieu dans une pièce de taille large. Lui, en tant qu'ex-
17 général de la VJ, doté de son expérience de général de VJ, avait évalué
18 qu'il s'agissait d'une sorte de QG du Corps de Pristina, probablement, le
19 poste de commandement avancé de la 3e Armée, mais très certainement un
20 centre opérationnel à très haut niveau.
21 Avant que je ne poursuive dans mon propos, je vous dirais qu'il
22 s'agit de la pièce 2594, paragraphes 78 à 82.
23 Il nous a dit que M. Sainovic et M. Andjelkovic étaient présents. Lorsque
24 M. Sainovic et M. Andjelkovic se levaient, tout le monde s'est levé. Les
25 gens ont arrêté de bavarder à droite et à gauche, ils ont commencé
26 véritablement à s'intéresser à la réunion.
27 M. Sainovic était assis à la tête de la table. Il était traité avec
28 beaucoup de déférence par tous les autres membres pendant toute la réunion.
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1 Le général Vasiljevic a dit que M. Sainovic avait présidé cette
2 réunion et qu'il s'agissait d'une réunion des dirigeants du MUP et de la VJ
3 au Kosovo. Il a dit, qu'au vu de ces circonstances, lui, le général
4 Vasiljevic, ne pouvait qu'en conclure que Sainovic avait dû être nommé à
5 cette fonction par M. Milutinovic -- ou plutôt, je m'excuse, par M.
6 Milosevic, parce qu'on lui avait conféré certains pouvoirs et certains
7 contrôles, et qu'il avait dû certainement faire le rapport de la réunion à
8 M. Milosevic.
9 La réunion a commencé par quelques consignes, ou une petite séance
10 d'information de la part du général Lukic. Si vous prenez le compte rendu à
11 propos de ce qui a été dit, vous verrez qu'il s'agissait d'activités
12 détaillées du MUP.
13 A la suite de quoi, le général Lazarevic a présenté son rapport. Il a
14 utilisé une carte qui montrait la répartition des forces, et cetera, et
15 cetera. Si vous prenez en considération ce document, vous verrez que vous
16 pourrez évaluer de façon assez détaillée les différents effectifs, et le
17 fait que les membres dirigeants des forces de RFY et de la Serbie
18 présentaient tous leurs rapports à M. Sainovic.
19 Ensuite, le général Pavkovic s'est exprimé. Après cela, Sainovic a pris la
20 parole et a dit, je cite maintenant : "Très bien. Faites ce que vous avez
21 planifié." Puis, il a poursuivi en disant que les autres groupes
22 terroristes devaient être détruits au cours des trois à quatre jours
23 suivants. L'organisation des activités sur le terrain et la coopération
24 entre le MUP et l'armée devaient être améliorées.
25 D'après le général Vasiljevic, personne ne s'est mis au garde-à-vous
26 pour recevoir comme un ordre. C'est Sainovic qui a parlé en dernier, à la
27 suite de quoi la réunion s'est terminée. D'après le général Vasiljevic,
28 c'est une réunion qui dura environ 20 minutes, au cours de laquelle des
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1 événements assez détaillés qui s'étaient produits au cours des 24 dernières
2 heures ont été abordés, notamment des opérations de combat. Toujours
3 d'après le général Vasiljevic, il s'agissait d'une réunion qui avait toute
4 la teneur d'une réunion quotidienne ou d'une réunion qui était assez
5 fréquence du fait de l'atmosphère à ladite réunion, des thèmes abordés et
6 de la durée de cette réunion.
7 Lorsque l'on examine ce moyen de preuve, nous avançons qu'il y a des
8 éléments qui réfutent totalement ce qui a été dit de M. Sainovic. Je viens
9 d'énumérer ces huit catégories à l'exception de la dernière, à savoir que
10 les gens parlaient du comportement et de la ligne de conduite de M.
11 Sainovic en marquant leur approbation.
12 Il y a d'autres éléments de preuve à propos des autres facteurs. Me
13 Fila a indiqué que les éléments de preuve indiquaient que M. Sainovic
14 jouait les intermédiaires entre ces personnes à très haut niveau. Ce qui
15 d'ailleurs n'est ni habituel ni illogique. L'Accusation a toujours indiqué
16 qu'il transmettait effectivement des ordres de M. Milosevic. Lorsque l'on
17 pense à cette entreprise criminelle commune, participaient différents
18 protagonistes qui ont tous joué leur propre rôle, cela étant orchestré par
19 M. Milosevic. Certaines personnes avaient plus d'un rôle à jouer.
20 Il se peut que ce qu'a dit Me Fila en la matière vient du fait qu'il
21 n'a peut-être pas entièrement compris les éléments de preuve qu'il a cité.
22 Je pense aux éléments de preuve d'un témoin que nous trouvons à la page 8
23 535 du compte rendu d'audience. Il appartient à la Chambre d'en décider. Il
24 s'agissait de M. Merovci. Il nous dit que parfois, à son avis, M. Sainovic
25 était la personne qui arrivait et qui convoquait des réunions. C'était une
26 personne qui faisait office en quelque sorte d'émissaire ou d'envoyé
27 spécial. Il transmettait les avis émis par des gradés supérieurs, mais rien
28 dans sa déposition ne suggère qu'il indiquait qu'il s'agissait du seul rôle
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1 joué par M. Sainovic.
2 Pour ce qui est de la deuxième catégorie, je dirais qu'il y a des
3 éléments de preuve importants qui corroborent le fait que M. Sainovic était
4 le représentant de M. Milosevic au Kosovo.
5 M. Surroi, par exemple, est venu témoigner ici, à la page 4 547 du
6 compte rendu d'audience jusqu'à la page 4 548, il est évident que M.
7 Sainovic est la personne au Kosovo en qui M. Milosevic a le plus confiance.
8 M. Naumann a également témoigné. Ce qu'il a dit était équivalent. Il a
9 indiqué que M. Sainovic lui avait été présenté comme vice-premier ministre
10 et un homme très important au Kosovo. Il a également signé l'accord du 25
11 octobre. Lors de cette réunion, il a signé comme la personne responsable
12 pour le Kosovo. Il y a également la déposition de M. DZ, pièce P2508
13 paragraphe 201; M. Vollebaek également à la page 9 508 du compte rendu
14 d'audience; M. Kickert également, page 11 235 du compte rendu d'audience;
15 M. Merovci qui a témoigné que lui et le Dr Rugova savaient quelle était la
16 fonction de M. Sainovic -- ou plutôt, je me reprends, que lui et le Dr
17 Rugova savaient que Sainovic était l'une des personnes nommées par
18 M. Milosevic, l'une des personnes qui avaient des responsabilités pour le
19 Kosovo. Cela se trouve dans la pièce P2588. Ce que nous trouvons également
20 dans la déclaration du Dr Rugova.
21 De même, le général Loncar dans sa déclaration a conclu, d'après tous les
22 renseignements dont il disposait, que Sainovic s'occupait du Kosovo, et ce,
23 d'après les instructions de M. Milosevic. Cela se trouve dans la pièce
24 P2521 au paragraphe 38.
25 Il y a également des éléments de preuve, certains facteurs que l'on
26 trouve dans la déposition de l'ambassadeur Petritsch suivant lesquels M.
27 Sainovic avait justement ce rôle. Qui plus est, il a dit qu'il n'y avait
28 aucun élément de preuve indiquant qu'en 1999 M. Sainovic était chef du
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1 commandement conjoint. En sus des éléments de preuve apportés par le
2 général Vasiljevic, il y a d'autres moyens de preuve qui ont également été
3 apportés.
4 Ljubinko Cvetic a témoigné et a dit que d'après ce qu'il savait, en
5 tant que chef de l'un des secrétariats de l'Intérieur pour le Kosovo, M.
6 Sainovic était le chef du commandement conjoint. Cela se trouve au compte
7 rendu d'audience page 8 078. M. Lukic a fait une déclaration assez
8 semblable lors de son entretien qui fait l'objet de la pièce P948, page
9 106.
10 Il y a une pièce à conviction à laquelle je vais faire référence et
11 qui nous donne les détails de quelque 60 réunions du commandement conjoint
12 en 1998. Réunions auxquelles a participé M. Sainovic en tant que chef. Il
13 s'agit de la pièce P1498. Il s'agit de réunions commençant le 22 juillet
14 1998 jusqu'au 30 octobre 1998. Sainovic est identifié comme la personne
15 présente à la plupart de ces réunions et ayant participé à la plupart de
16 ces réunions.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez bien dit
18 60 réunions ?
19 M. STAMP : [interprétation] Soixante-neuf réunions différentes.
20 Alors, on peut dire qu'après le 24 mars 1999, Sainovic n'aurait peut-être
21 participé juste une fois de temps en temps, mais nous ne pouvons pas, par
22 analogie, faire référence à l'année 1998 et supposer que ce qui s'est passé
23 en 1998 s'est reproduit en 1999. Car il y a eu d'autres réunions en 1999
24 après le 24 mars. Il y a, par exemple, une réunion qui a été tenue le 4
25 avril 1999. Il s'agissait d'une réunion du MUP dont la référence est la
26 pièce P1989, le procès-verbal de cette réunion. Il est dit que le vice-
27 premier ministre fédéral, Nikola Sainovic, a participé au travail. Il est
28 fait référence à de nombreuses directives qui ont été données par M.
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1 Sainovic à cette réunion. En d'autres termes, il donnait des directives à
2 des membres supérieurs du MUP au Kosovo, et cela s'est fait le 4 avril
3 1999.
4 M. Cvetic, en tant que commandant d'un des secrétariats de
5 l'Intérieur, a également indiqué qu'il était présent à la réunion. Il nous
6 a dit que M. Sainovic était présent, posait des questions et posait des
7 questions à toutes les personnes présentes et leur a demandé d'avoir un
8 comportement extrêmement professionnel, et cetera, et cetera, dans le cadre
9 de l'acquittement de leurs fonctions.
10 Il a également fourni toute une pléthore d'instructions à la police, et il
11 est question d'opérations qui étaient prévues, qui devaient se produire
12 jusqu'au 4 avril. Il a été dit que cela devait être terminé et qu'il
13 fallait maintenant qu'ils passent à autre chose. Il leur donnait des
14 consignes quant au calendrier qu'ils devaient respecter pour leurs
15 missions, et il leur donnait des consignes à propos de ce qu'ils étaient
16 censés faire sur le terrain. Ce qui signifie qu'ils devaient, en fait,
17 procéder à des changements et envisager certaines activités de camouflage
18 contre les attaques de l'OTAN, et cetera, et cetera. Il y a une autre
19 réunion de l'état-major du MUP dont le procès-verbal correspond à la pièce
20 P1996.
21 M. Sainovic a participé d'après le procès-verbal, il s'est adressé à ce
22 groupe dès le début de la réunion. C'est M. Lukic qui présidait à cette
23 réunion. Donc, M. Lukic ouvre la réunion, mais immédiatement il donne la
24 parole à M. Sainovic qui fait un discours à propos de la coordination entre
25 le MUP et la VJ. Lors de ce discours, il indique tous les détachements des
26 unités de la police spéciale, la PJP, doivent regagner leurs secrétariats
27 et en coopération avec la VJ doivent détruire les groupes terroristes qui
28 restent.
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1 De même, il y a une autre réunion qui eu lieu le 17 mai. Nous avons le
2 procès-verbal de cette réunion, ou plutôt cela a été décrit par le biais de
3 la déposition du général Vasiljevic dans l'affaire Milosevic. Il s'agit de
4 la pièce P2589, aux pages suivantes du compte rendu d'audience, 15 999, 16
5 001.
6 Me Fila avait également indiqué lors de son intervention que le
7 commandement conjoint, ou plutôt que le document faisant référence au
8 commandement conjoint, si tant est, que ledit document soit authentique et
9 véritablement un document de la VJ et qu'il faisait seulement référence aux
10 unités de l'armée. Alors, Mesdames, Messieurs les Juges, nous avons examiné
11 trois de ces documents et je pense qu'il y en a d'autres, peut-être pas
12 forcément nombreux, mais il en existe d'autres. Le document P2809 est un
13 ordre pour l'engagement du MUP serbe dans la zone de responsabilité du
14 Corps de Pristina. Il porte la date du 25 avril 1999. Il s'agit de
15 documents du commandement du Corps de Pristina. Mais dans ce document il
16 est question de coordination d'activités avec le MUP.
17 Les trois documents auxquels je faisais référence et qui mettent en exergue
18 le rôle du commandement conjoint qui donne des ordres et qui coordonne les
19 activités entre la VJ et le MUP sont les documents suivants. Cela commence
20 avec le document P2015. Il s'agit du commandement conjoint du 23 mars 1999
21 et, entre autres, nous y trouvons un ordre suivant lequel il faut qu'une
22 aide soit accordée ou apportée au MUP, et ce, afin d'écraser, de détruire
23 les forces terroristes siptars à Orahovac, ou dans son secteur, et il y est
24 fait référence directement à un assaut coordonné entre les forces de la VJ
25 et du MUP.
26 J'aimerais rappeler au Tribunal que dans ces secteurs, à ce moment-là, il y
27 a eu des crimes de meurtres, assassinats et déportations commis par les
28 forces de la RFY et de la Serbie qui n'ont pas fait l'objet de chefs
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1 d'inculpation. Je pense à Orahovac, à Suva Reka. Il y a un ordre très
2 précis également suivant lequel la 45e [comme interprété] Brigade motorisée
3 doit effectuer certaines missions à Prizren et à Orahovac à ce moment-là.
4 Il y a deux sites également qui sont identifiés dans l'acte d'accusation.
5 Il s'agit de la page 3 du document P2015, il est indiqué que le
6 commandement conjoint du secteur de Pristina devra commander et contrôler
7 toutes les forces durant les opérations de combat.
8 Le document P1981 permet au niveau de la brigade d'exécuter l'ordre
9 donné par le commandement conjoint, ordre que j'ai mentionné préalablement;
10 et il est signé par le colonel Bozidar Delic que nous avons entendu dans
11 cette affaire. Une fois de plus, cela prouve que la VJ, le MUP et la PJP
12 opéraient dans le cadre d'actions concertées, et ce, dans les villages dont
13 les noms figurent à l'acte d'accusation pendant la période visée par le
14 même acte d'accusation. Le document P1995 nous donne une analyse de
15 l'opération menée à bien par la
16 549e Brigade motorisée. Il s'agissait de reconnaître l'itinéraire de l'UCK
17 et de se débarrasser de l'UCK et de lever le blocus sur Suva Reka tel que
18 cela avait été ordonné par le commandement conjoint et par le colonel Delic
19 également. Et là encore, cela montre qu'il y a eu cette opération à Suva
20 Reka et à Orahovac et que cette opération était menée à bien par des forces
21 placées sous le commandement conjoint, donc forces du MUP et forces de la
22 VJ.
23 M. Fila a affirmé que le MUP de la Serbie était totalement sous les
24 ordres de la république. Or, des éléments de preuve qui existent permettent
25 de démontrer - et c'est ce qu'affirme l'Accusation - que le MUP de la
26 Serbie n'était pas uniquement sous les ordres de la république, mais qu'il
27 avait été resubordonné à la VJ à des fins opérationnelles, et que durant
28 les opérations menées dans ce cadre, le MUP de la VJ était sous le
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1 commandement du commandement conjoint.
2 Pièce P1920, je demanderais aux Juges de la Chambre de se pencher sur
3 ce document ainsi que sur la pièce P14. Il s'agit d'un ordre émanant du
4 général Ojdanic, adressé à la 3e Armée en date du
5 29 mai 1999, qui démontre que le MUP a été resubordonné par rapport à
6 l'armée yougoslave, en tout cas, aux fins de la réalisation des opérations
7 en question.
8 La pièce P1483 démontre que toujours dans le cadre des opérations
9 dont je suis en train de discuter depuis quelques instants, les forces du
10 MUP avaient été resubordonnées par rapport à la VJ, détachées auprès de la
11 VJ et placées sous ses ordres. Nous y disons également que les forces du
12 ministère de l'Intérieur et de la défense civile sont en vertu de ce texte
13 sur le commandement de la
14 3e Armée pour la durée de l'opération et qu'elles ne seront utilisées que
15 sur décision expresse du destinataire du document. De même un ordre émanant
16 du général Ojdanic en date du 18 avril 1999, indique que les forces du MUP
17 sont détachées et placées sous les ordres de l'armée yougoslave. Nous
18 lisons dans ce texte que la base légitimant une telle resubordination,
19 c'est l'article 17 de la loi sur la Défense. La P2821 porte sur le même
20 sujet.
21 Le général Vasiljevic a dit dans sa déposition, s'exprimant également
22 sur ce sujet : "Je n'entrerai dans les détails que le MUP avait bien été
23 détaché et placé sous les ordres de l'armée yougoslave." Cela figure en
24 page 15 991 du compte rendu d'audience. Il a également dit dans sa
25 déclaration préalable au paragraphe 43, je rappelle que cette déclaration
26 constitue la pièce P2594, je cite : "Même si le MUP ne faisait pas
27 officiellement partie de la chaîne de commandement, il était dans la
28 pratique sous le contrôle de la hiérarchie verticale qui allait du
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1 ministère de l'Intérieur de Serbie vers les niveaux inférieurs." Il ajoute
2 que ce système héritait de la période où M. Milosevic présidait la Serbie,
3 et avait un pouvoir direct sur le MUP de Serbie grâce à cette disposition.
4 A cet égard, je renvoie la Chambre à la pièce P2809 qui est un ordre
5 signé du général Lazarevic.
6 Autre affirmation de Me Fila, il a déclaré qu'aucun élément de preuve ne
7 permettait de démontrer la création d'une filière de commandement dont M.
8 Sainovic aurait fait partie. Aucun élément de preuve ne permettait de
9 démontrer l'existence d'une hiérarchie verticale impliquant M. Sainovic à
10 un niveau ou à un autre.
11 Je renvoie encore une fois la Chambre à la déposition orale du
12 général Vasiljevic qui a déclaré que nonobstant le fait que M. Sainovic
13 n'avait pas été nommé membre de la police ou de l'armée, et même s'il
14 semblait n'avoir que peu de responsabilité par rapport à ces instances, il
15 assistait aux réunions et commandait les hommes. Donc, il exerçait un
16 contrôle sur les effectifs humains. Encore une fois, ceci ressort de la
17 pièce P1898 qui le démontre. Il s'agit des procès-verbaux de la réunion du
18 4 avril 1999 entre dirigeants du MUP.
19 Je crois me rappeler que mon collègue, M. Hannis, a évoqué la lettre
20 de M. Perisic, je ne vais pas entrer dans le détail de cette lettre. Le
21 général Perisic, dans celle-ci, se plaint de l'existence d'une chaîne de
22 commandement parallèle, à laquelle participe M. Sainovic en dirigeant les
23 unités de l'armée yougoslave.
24 M. Cvetic dit dans sa déposition, que M. Sainovic avait été chargé de la
25 coordination entre l'armée et la police. Page 8 124 du compte rendu
26 d'audience.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin dont vous venez de parler,
28 pourriez-vous, je vous prie, épeler son nom ?
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1 M. STAMP : [interprétation] C'est C-v-e-t-i-c.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit d'un nom qui a été mal
3 prononcé à plusieurs fois et mal orthographié au compte rendu d'audience.
4 Le problème est désormais réglé.
5 M. STAMP : [interprétation] Le témoin était donc M. Cvetic.
6 Nous avons également la déposition de M. Panic sur le même point, page 6
7 371 du compte rendu d'audience. Je ne vais pas citer ce que M. Panic a dit.
8 Je vais maintenant vous soumettre plusieurs références liées au général
9 Vasiljevic. La déposition du général Vasiljevic fournit de telles
10 références.
11 Me Fila a déclaré qu'aucun élément de preuve ne permettait de démontrer que
12 M. Sainovic pourrait avoir eu connaissance ou avait effectivement eu
13 connaissance des crimes visés à l'acte d'accusation. S'agissant de cette
14 question de la connaissance des faits, je sais bien que les Juges de la
15 Chambre vont immédiatement se pencher sur tous les éléments de preuve
16 relatifs à des réunions pour apprécier l'importance de la participation à
17 ces réunions par rapport à l'énormité des crimes commis sur le terrain, et
18 qu'ils aboutiront ainsi à la seule conclusion qui s'impose. L'Accusation
19 pour sa part soutient que la seule conclusion qui s'impose c'est de
20 déterminer qu'il a dû avoir connaissance de ce qui se passait sur le
21 terrain à l'époque.
22 A l'appui de mes dires, je citerai non seulement la logique qui veut
23 que quelqu'un qui occupe un poste tel que celui qu'il occupait, reçoive des
24 rapports, circule un peu partout au Kosovo et qu'il doit avoir su ce qui
25 était en train de se passer. Je citerai également d'autres procès-verbaux
26 de réunions. Par exemple, la pièce P1000 qui est le procès-verbal d'une
27 réunion tenue le 20 décembre 1998, durant laquelle Sainovic parle au SDC de
28 l'action de l'armée yougoslave et du MUP au Kosovo, ainsi que de
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1 l'efficacité de la coopération entre ces deux organes pendant ces
2 opérations du Kosovo.
3 Le général Loncar a également témoigné. Les Juges de la Chambre pourront
4 certainement déduire un certain nombre de faits logiques de cette
5 déposition, car le général Loncar a déclaré que M. Sainovic insistait sur
6 la nécessité pour lui d'être informé de ce qui se passait au Kosovo, et sur
7 la nécessité que les voies de communication hiérarchique soient strictement
8 respectées de façon à favoriser ce processus de transmission des rapports,
9 et à ce que lui-même, le général Loncar, puisse communiquer facilement avec
10 le général Lukic, le général Pavkovic et le général Lazarevic. Ceci figure
11 en
12 pages 7 649 à 7 654 du compte rendu d'audience.
13 Le général Naumann a dit dans sa déposition que le
14 19 janvier 1999, il avait fourni à Sainovic une liste de toutes les
15 infractions à l'accord du mois d'octobre, et qu'au nombre de ces
16 infractions se trouvait le recours excessif à la force.
17 Puis, la Chambre pourra également examiner la pièce P400 qui est une
18 lettre -- excusez-moi, Monsieur le Président, j'aurais besoin d'un instant
19 pour consulter mes collègues.
20 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
21 M. STAMP : [interprétation] Excusez-moi Monsieur le Président. Il faut que
22 je procède à quelques vérifications. Il est possible que le document dont
23 je m'apprêtais à parler n'ait pas été versé au dossier.
24 Non, en réalité il l'a été. Il a été admis en tant que pièce à conviction
25 le 10 octobre 2006. Cette pièce à conviction P400 est une lettre datant du
26 26 mars 1999, c'est-à-dire rédigée à peu près au même moment où se
27 produisaient nombre des graves infractions dont nous parlons ici. C'est une
28 lettre qui émane de l'ancien Procureur général du TPIY, Louise Arbour et
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1 qui est adressée à M. Sainovic. Dans cette lettre le Procureur fait
2 référence à l'escalade de la violence au Kosovo et exprime son inquiétude
3 par rapport aux graves infractions qui sont commises, graves infractions du
4 droit international humanitaire.
5 Le général Vasiljevic indique dans sa déclaration préalable de témoin
6 que durant la réunion du 17 mai 1999, il a été dit que des crimes commis
7 par des hommes de l'armée yougoslave et par des volontaires ont été
8 évoqués.
9 Excusez-moi, je reformule. Le général Vasiljevic dans sa déclaration de
10 témoin préalable indique qu'à la réunion du
11 17 mai 1999, il a été dit que les crimes commis par l'armée yougoslave et
12 par des volontaires à Podujevo étaient le fait de personnes qui avaient été
13 mutées en d'autres lieux. Ceci figure à la pièce P259 [comme interprété],
14 quatre paragraphes à partir du haut.
15 Je terminerai mon propos en parlant du moment et de l'endroit où M.
16 Sainovic est censé avoir reçu ce rapport, lorsque nous reprendrons,
17 Monsieur le Président, lorsque nous reprendrons nos débats.
18 Enfin, c'est à la Chambre qu'appartient la décision, bien entendu. Ne
19 serait-ce peut-être pas un bon moment pour suspendre l'audience, Monsieur
20 le Président ?
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, nous pouvons suspendre
22 maintenant, Monsieur Stamp.
23 Pourriez-vous nous donner quelques idées du temps qu'il vous faudra
24 encore ?
25 M. STAMP : [interprétation] J'essayerai d'être plus précis quand j'aurai
26 passé en revue le nombre de documents que je souhaite encore évoqué.
27 J'aurais peut-être besoin d'encore deux heures.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il vous faut encore traiter, vous-même
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1 et M. Hannis, de la situation de M. Lukic. J'ai l'impression que vous êtes
2 en train de parler de points assez généraux. Vous avez encore à vous
3 occuper de M. Lukic par rapport à l'application de l'article 7(3) du
4 Statut, en particulier.
5 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis un peu surpris de voir que
7 vous ne parlez que de deux heures.
8 M. STAMP : [interprétation] Peut-être suis-je optimiste, mais je vais sans
9 doute citer des passages un peu moins extensifs que je ne l'ai fait jusqu'à
10 présent.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.
12 M. STAMP : [interprétation] Finalement, ma prévision est peut-être un peu
13 optimiste, maintenant que j'y repense.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons nos débats lundi à 9
15 heures du matin et siégerons jusqu'à 13 heures 45.
16 --- L'audience est levée à 15 heures 30 et reprendra le lundi 7 mai
17 2007, à 9 heures 00.
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