Page 12778
1 Le vendredi 18 mai 2007
2 [Décision - Règlement 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, il s'agit de l'affaire IT-05-87-
7 T, le Procureur contre Milutinovic et consorts.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
9 La Chambre de première instance est saisi de demandes d'acquittement
10 présentées par chacun des accusés en espèce en application de l'article 98
11 bis. Nous rendons aujourd'hui notre décision concernant ces demandes.
12 Nous sommes tenus de rendre notre décision oralement, y compris en exposant
13 le motif. Je vais donc donner lecture de l'intégralité de la décision
14 rendue par la Chambre.
15 Le 1er mai, en vertu de la présentation des moyens à charge, la Chambre a
16 aussitôt invité la Défense des six accusés à présenter leurs exposés en
17 conformité avec les dispositions de l'article 98 bis. Les 1, 2 et 3 mai
18 2007, chacun des accusés a présenté oralement ses arguments et demandé à la
19 Chambre de prononcer l'acquittement des cinq chefs de l'acte d'accusation.
20 Les 3, 4 et 7 mai, l'Accusation a répondu aux demandes d'acquittement. Le 7
21 mai, certains des accusés ont exposé brièvement leurs arguments en
22 réplique, après quoi la Chambre s'est retiré pour examiner la question. La
23 Chambre a informé les parties qu'elle rendrait sa déclaration oralement le
24 18 mai, c'est-à-dire aujourd'hui.
25 Le critère juridique applicable énoncé dans l'article 98 bis est le suivant
26 : "A la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de première
27 instance doit par décision orale et après avoir entendu les arguments oraux
28 des parties, prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel
Page 12779
1 il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de justifier une
2 condamnation."
3 Cet article s'applique séparément à chacun des cinq chefs
4 d'accusations pour ce qui est de chacun de ces accusés en l'espèce.
5 Le critère applicable est de déterminer s'il existe des éléments de preuve
6 au vu desquels s'ils étaient admis un juge du fait pourrait être convaincu
7 au-delà de tout doute raisonnable de la culpabilité des accusés des chefs
8 reprochés. Le critère n'est pas de déterminer si une Chambre de première
9 instance prononcerait une condamnation au-delà de tout doute raisonnable,
10 mais si elle pourrait le faire.
11 Par conséquent, lorsqu'il n'existe pas de preuve pour justifier une
12 condamnation la demande sera accueillie. Par contre, s'il existe des
13 éléments de preuve mais que la Chambre de première instance, même en leur
14 en accordant leur valeur maximum, ne peut prononcer de condamnation le
15 requête sera également accueillie.
16 Lorsqu'il existe certains éléments de preuve mais qui sont tels que leur
17 valeur, leur faiblesse dépend de la foi accordée à un témoin et si la
18 Chambre de première instance ayant procédé à sa propre analyse pourrait
19 prononcer une condamnation la demande ne sera pas accueillie. Si les seules
20 preuves pertinentes sont invraisemblables et ne peuvent justifier une
21 condamnation même les éléments de preuve auquel, on accordera leur valeur
22 maximum justifieront que leur fasse droit à la demande.
23 L'article 98 bis exige également que la Chambre soit convaincue qu'il
24 existe des éléments de preuve à l'appui de chacune des accusations portées
25 en rapport ave chacun des chefs d'accusation. En l'espèce, les accusés se
26 voient reprocher diverses formes de responsabilité. En l'occurrence, il
27 suffit qu'il y soit des éléments de preuve pouvant justifier une
28 condamnation pour ce qui est de l'une des formes de responsabilité
Page 12780
1 reprochées. Même si les accusés en l'espèce ont contesté toutes les formes
2 de responsabilité reprochées dans l'acte d'accusation les arguments avancés
3 dans le cadre des exposés présentés en application de l'article 98 bis se
4 sont concentrés essentiellement sur l'entreprise criminelle commune et la
5 responsabilité du supérieur hiérarchique. Par conséquent, la présente
6 décision s'intéresse principalement à la responsabilité des accusés sur ce
7 point.
8 Pour déterminer s'il existe des éléments de preuve sur la base
9 desquels la Chambre de première instance pouvait prononcer une condamnation
10 il convient d'examine l'ensemble des éléments de preuve présentés.
11 A ce stade, il s'agit de déterminer s'il existe suffisamment de preuves
12 pour justifier une condamnation s'agissant d'un chef particulier. Cela ne
13 suffit pas pour autant que la Chambre de première instance à l'issue du
14 procès ne reviendra pas sur sa décision. Nombres des preuves présentés
15 jusqu'à présent font l'objet de litige et sont controversés. La Chambre de
16 première instance note que les arguments avancés par la Défense portent
17 souvent sur l'interprétation ou l'appréciation des éléments de preuve et
18 non pas sur l'absence d'éléments de preuve capables de justifier une
19 condamnation.
20 Nous nous sommes appuyés principalement pour ce qui est du critère
21 juridique sur l'arrêt Jelisic, la décision 98 bis rendue dans l'affaire
22 Milosevic et la décision 98 bis rendue dans les procès Mrksic, Martic et
23 Dragomir Milosevic.
24 S'agissant des éléments de preuve indiquant que les crimes reprochés
25 dans l'acte d'accusation ont été commis de la manière décrite la Chambre
26 note que l'on reproche aux accusés de type de crimes sanctionnés par le
27 Statut de ce Tribunal, des crimes contre l'humanité, des violations des
28 lois au coutume de la guerre. Outre les éléments constitutifs des
Page 12781
1 infractions sous adjacentes de ces crimes, en l'occurrence l'expulsion, le
2 transfert forcé, le meurtre, l'assassinat, les persécutions, un certain
3 nombre de conditions générales doivent être remplies pour que ces
4 infractions soient qualifiées de crime contre l'humanité ou de violation
5 des lois au coutume de la guerre.
6 A ce stade de la procédure, la Chambre est convaincue qu'il existe des
7 éléments de preuve indiquant que ces conditions sont remplies. En
8 particulier, la Chambre note qu'elle a entendu le témoignage de nombreux
9 témoins concernant les attaques lancées contre les villes et les villages
10 dans différentes régions du Kosovo pendant la période couverte par l'acte
11 d'accusation, et que ces preuves peuvent prouver la nature généralisée
12 systématique de ces attaques. La Chambre note également qu'elle a entendu
13 des preuves importantes concernant les activités menées par l'UCK au cours
14 des semaines et des mois précédents la période couverte par l'acte
15 d'accusation et pendant celle-ci. Des témoins ont parlé dans leur
16 témoignage d'organisation de l'UCK et des opérations menées par celle-ci,
17 ainsi que des attaques lancées contre la police et les unités de l'armée
18 déployées au Kosovo, ainsi que des attaques menées contre les civils qui
19 étaient considérés comme en faveur des autorités gouvernementales.
20 Cependant, la nature potentiellement criminelle des activités menées par
21 l'UCK n'est pas au cœur de la présente affaire. De plus, il existe des
22 preuves selon lesquelles au moins certaines des actions menées par la VJ et
23 les forces de la police serbe ont été dirigées contre les actions de l'UCK.
24 Toutefois, la Chambre conclue qu'il existe des éléments de preuve indiquant
25 que certains, peut-être pas tous, mais certains du moins, des événements
26 décrits dans l'acte d'accusation incluent des attaques dirigées contre la
27 population civile albanaise du Kosovo.
28 Avant de procéder à son analyse des éléments de preuve, la Chambre juge
Page 12782
1 utile de souligner que, comme il est indiqué au paragraphe 20 de l'acte
2 d'accusation, l'Accusation entend par : "Forces de la RFY et de la Serbie,"
3 les forces et unités suivantes :
4 La VJ, y compris la 3e Armée, notamment le Corps de Pristina de la 3e
5 Armée et d'autres unités déployées temporairement ou de façon permanente au
6 Kosovo ou ayant de toute autre manière participé au conflit.
7 Le MUP, y compris les Unités de la Police spéciale, PJP, et
8 l'unité spéciale antiterroriste, SAJ, les réservistes de la police, le
9 secrétariat du MUP, appelé le SUP, l'UP chargé des opérations spéciales,
10 JSE, ainsi que les agents de la Sûreté de l'Etat, RDB.
11 La région militaire de Pristina et les unités militaires territoriales qui
12 en dépendaient :
13 Les unités chargées de la Défense civile;
14 Les unités chargées de la protection civile;
15 Les groupes civils armés par la VJ et/ou par le MUP et constitués en unités
16 de défense villageoise agissant sous le contrôle et l'autorité de la VJ
17 et/ou du MUP; et
18 Les volontaires intégrés dans les rangs des unités de la VJ et/ou du MUP.
19 Enfin, l'Accusation affirme qu'au moins une unité de la VJ et une unité du
20 MUP ont pris part à chacun des crimes décrits aux chefs 1 à 5 de l'acte
21 d'accusation.
22 La Chambre a gardé à l'esprit cette description des principaux auteurs
23 lorsqu'elle a examiné les demandes présentées. Lorsque dans cette décision
24 la Chambre fait référence aux forces de la RFY et de la Serbie, il s'agit
25 de comprendre par là que la Chambre fait référence aux soldats relevant de
26 l'une des catégories énoncées plus tôt.
27 Avant d'en venir aux conclusions auxquelles nous sommes parvenus par
28 rapport aux éléments de preuve présentés à l'appui des crimes reprochés
Page 12783
1 dans l'acte d'accusation, et avant d'examiner ces éléments de preuve au
2 regard de la responsabilité de chacun des accusés, la Chambre note en
3 outre, que les arguments avancés par les parties sont intéressés,
4 essentiellement, à deux des modes de participation reprochés : la
5 commission par le biais de la participation à une entreprise criminelle
6 commune une forme de responsabilité reprochée sur la base de l'article
7 7(1), et le fait de n'avoir pas prévenu ou puni les crimes commis par des
8 subordonnés sur la base de l'article 7(3) du Statut. La jurisprudence de ce
9 Tribunal abonde d'exemples concernant ces modes de participation, et les
10 éléments requis pour déterminer ses moyens de participation. Nous n'allons
11 pas exposer ces éléments en détail ici.
12 Toutefois, dans le cadre des exposés, oui, par la Chambre, l'Accusation a
13 insisté sur la notion de commission par omission dans le contexte d'une
14 entreprise criminelle commune. Nous pensons que cette notion mérite que
15 l'on s'y attarde quelque peu.
16 La Chambre d'appel a confirmé qu'une omission peut voir engagé la
17 responsabilité pénale individuelle d'un accusé sur la base de l'article
18 7(1) du Statut lorsqu'il y a obligation juridique d'agir. Voir l'arrêt
19 Galic sur ce point. En autre, dans l'arrêt Kvocka, la Chambre d'appel a dit
20 que de telles omissions peuvent se produire dans le contexte d'une
21 entreprise criminelle commune, et a conclu que de telles omissions peuvent
22 contribuer à la réalisation du but criminel commun assigné à l'entreprise
23 criminelle commune. De surcroît, dans Brdjanin, la Chambre d'appel a conclu
24 que la contribution d'un accusé à la réalisation du plan commun doit être
25 substantiel.
26 Par conséquent, en l'espèce, lorsque les éléments de preuve tendent à
27 démontrer qu'il y a eu omission à l'obligation juridique d'agir, de la part
28 d'un ou plusieurs accusés, la Chambre peut conclure que les éléments de
Page 12784
1 preuve suffisent à conclure de la participation à une entreprise criminelle
2 commune, et donc, engager la responsabilité des accusés sur la base de
3 l'article 7(1). Dès lors qu'on sera non coupable d'une telle omission, les
4 accusés ont participé de façon substantielle à l'entreprise criminelle
5 commune.
6 Il est important de souligner s'agissant des preuves examinés par la
7 Chambre de première instance que rien n'indique que nous avons en
8 définitive accepté ces preuves en tout ou en partie. De même, si nous ne
9 faisons pas mention d'éléments de preuve en particulier dans cette
10 décision, cela ne signifie pas pour autant que nous n'avons pas les
11 acceptés nous appuyer là-dessus dans notre jugement à l'issue du procès.
12 L'une -- lorsque la Défense a contre-interrogé un témoin avec efficacité,
13 la Chambre se réserve sa décision de savoir si elle acceptera ou rejettera
14 ces éléments de preuve. Il en va de même lorsque la Défense, dans le cadre
15 de son contre-interrogatoire, a mis à jour des éléments de preuve
16 favorables à un accusé. C'est au cours des délibérations finales que la
17 Chambre examinera ces éléments de preuve potentiellement à décharge. Ces
18 principes s'appliquent à toutes les conclusions exposées dans la présente
19 décision. Enfin, pour les besoins de la décision rendue oralement
20 aujourd'hui, et compte tenu du fait que les accusés sont serbes, la Chambre
21 se servira uniquement de la version serbe des noms de villes et des
22 municipalités au Kosovo mentionnés dans l'acte d'accusation.
23 Nous en venons maintenant aux éléments de preuve présentés en appui des
24 infractions sous-jacentes des crimes reprochés dans l'acte d'accusation.
25 Dans l'acte d'accusation, il est allégué qu'une entreprise criminelle
26 commune existait à l'époque des faits, entreprise criminelle commune dont
27 l'objectif était d'expulser par la force et de déplacer à l'intérieur des
28 frontières des centaines de milliers d'Albanais du Kosovo en les chassant
Page 12785
1 de leurs domiciles sur l'ensemble du territoire. Afin de faciliter ces
2 expulsions et ses déplacements, les forces de la RFY et de la Serbie ont
3 créé délibérément une atmosphère de terreur et d'oppression en ayant
4 recours à la force et des menaces, et à des actes de violence.
5 Les allégations exposées en l'acte d'accusation concernent cinq
6 chefs. Enfin, chacune de ces chefs -- des infractions sous-jacentes sont
7 décrites.
8 Le chef d'accusation numéro 1 est l'expulsion. Dans plusieurs alinéas
9 du paragraphe 72 de l'acte d'accusation, l'Accusation fait valoir que
10 l'expulsion des Albanais du Kosovo a eu lieu au début de l'année 1999, dans
11 13 municipalités.
12 Au chef 2, on reproche aux accusés d'autres actes inhumains, à savoir des
13 transferts forcés, et on renvoie un fait décrit dans le premier chef
14 d'accusation.
15 S'agissant des paragraphes de l'acte d'accusation concernant les chefs 3 et
16 4, assassinat et meurtre, à savoir les paragraphes 74 et 75, on détaille un
17 certain nombre de meurtres allégués, commis dans plusieurs secteurs du
18 Kosovo. Ces meurtres et assassinats sont qualifiés de violations des lois
19 ou coutumes de la guerre, pour ce qui est des meurtres, et des crimes
20 contre l'humanité pour ce qui est des assassinats.
21 Nombreux des lieux et des incidents reprochés sont mentionnés également au
22 paragraphe 72, dans le cadre du chef d'expulsion. Enfin, pour ce qui est du
23 cinquième chef d'accusation, persécution, au paragraphe 77 de l'acte
24 d'accusation, il dit que les accusés sont tenus responsables d'une campagne
25 de persécution menée contre la population albanaise du Kosovo. Dans ce
26 paragraphe, il est question de façon générale des expulsions et des
27 transferts forcés comme étant des moyens de permettre ces persécutions,
28 tout comme les meurtres et les agressions sexuelles, et la destruction sans
Page 12786
1 motif des lieux de culte, ou les dommages occasionnés à ces derniers.
2 La Chambre note que les allégations de transfert forcé et d'expulsion
3 énoncées au paragraphe 72 ne sont pas mentionnées par référence dans le
4 chef 5. La Chambre a attiré l'attention de l'Accusation sur ce point en
5 audience publique le 30 octobre 2006, mais l'Accusation n'a rien fait par
6 rapport à cette question. Par conséquent, les persécutions alléguées au
7 chef 5 n'incluent pas les expulsions et transferts forcés d'Albanais du
8 Kosovo décrits au paragraphe 72.
9 Venons-en aux chefs 1 et 2 de l'acte d'accusation, expulsion et
10 transfert forcé. La Défense n'a formulé aucun grief particulier s'agissant
11 des chefs 1 et 2. Après avoir examiné les preuves présentés par
12 l'Accusation, la Chambre estime qu'il existe des preuves suffisantes
13 permettant de conclure que des expulsions et des transferts forcés, en tant
14 que crimes contre l'humanité, ont été menés par les forces de la RFY et de
15 la Serbie dans les municipalités suivantes :
16 Orahovac. La Chambre s'est appuyée pour cela sur les témoignages de
17 Lufti Ramadani, Ali Hoti, Isuf Zhuniqi, Mehmet Krasniqi, Reshit Salihi,
18 Sabri Popaj, Agim Jemini, et le Témoin K25.
19 Prizren. La Chambre s'est appuyée pour cela sur les témoignages de Rahim
20 Latifi, Rexhep Krasniqi, et Hyseni Kryeziu.
21 Srbica. La Chambre s'est appuyée sur le témoignage de Liri Loshi, Milazim
22 Thaqi, Sadik Januzi, Mustafa Draga, Abdullah Salihu, et Hadije Fazilu.
23 Suva Reka. La Chambre s'est appuyée sur le témoignage de Halit Berisha,
24 Hysni Berisha, Shyrete Berisha, et Hamide Fondaj.
25 Pec. La Chambre s'est appuyée pour cela sur le témoignage d'Edison Zatriqi,
26 et Ndrec Konaj.
27 Kosovska Mitrovica. La Chambre s'est appuyée sur les témoignages de Sadije
28 Sadiku, Aferdita Hajrizi, et Mahmut Halimi.
Page 12787
1 Pristina. La Chambre s'est appuyée sur les témoignages d'Antonio Russo,
2 Emin Kabashi, Nazlie Bala, K63, K62, Baton Haxhiu, et K14.
3 Djakovica. La Chambre s'est appuyé sur un témoignage de K90, Fuat
4 Haxhibeqiri, K73, Merita Dedaj, Lizane Malaj, et Nike Peraj.
5 Gnjilane. La Chambre s'est appuyé sur les témoignages de Qamil
6 Shabani, Abdylhaqim Shaqiri, et K81.
7 Urosevac. La Chambre s'est appuyé sur des témoignages de Bedri
8 Hyseni, Florim Krasniqi, et Bajram Bucaliu.
9 Kacanik. La Chambre s'est appuyé sur le témoignage de Hazbi Loku,
10 Sejdi Lami, Isa Raka, Fadil Vishi, Muharem Dashi, et K31.
11 Decani. La Chambre s'est appuyé sur le témoignage de K58, K20, et
12 Mehmet Masrekaj.
13 Vucitrn. La Chambre s'est appuyé sur les témoignage de Sabit Kadriu,
14 Fedrije Xhafa, et Shukri Gerhaliu.
15 J'en viens maintenant aux chefs d'accusation 3 et 4.
16 Seul l'accusé Lukic a formulé des griefs concernant certaines
17 allégations de meurtres et d'assassinat figurant dans les chefs 3 et 4.
18 Après avoir analysé attentivement ces griefs, et s'appuyant sur une analyse
19 soigneuse des éléments de preuve présentés par l'Accusation, la Chambre
20 conclut qu'il existe des preuves suffisantes permettant de conclure que le
21 meurtre en tant que violation des lois -- que des meurtres en tant que
22 violation de lois au coutume de la guerre, et des assassinats en tant que
23 crimes contre l'humanité ont été commis par les forces de la RFY et de la
24 Serbie dans chacune des municipalités énoncées au paragraphe 75 de l'acte
25 d'accusation.
26 A Orahovac notamment, et pour cela, la Chambre s'est appuyé sur les
27 témoignages de Lufti Ramadani, Isuf Zhuniqi, Mehmet Krasniqi, Reshit
28 Salihi, Sabri Popaj, et Agim Jemini.
Page 12788
1 Lukic fait valoir que les auteurs des meurtres perpétrés à Mala
2 Krusa, un village situé dans la municipalité d'Orahovac, étaient des
3 voisins et non pas des membres de la police placés sous sa direction et son
4 commandement. La Chambre note, cependant, que Mehmet Krasniqi et Lufti
5 Ramadani ont tous deux témoigné au sujet de l'attaque nommé à Mala Krusa
6 par des forces de la VJ et du MUP, le 25 mars 1999. Ils ont déclaré qu'ils
7 se trouvaient dans un groupe d'hommes qui était conduit par la force dans
8 une grange par des membres du MUP. Dans cette grange, ils ont été abattus
9 après quoi, on a mis le feu à la grange. John Sweeney, un journaliste de la
10 BBC, qui a enquêté sur ce massacre peu après qu'il ait été perpétré, a
11 également déclaré que les rescapés qu'il avait interviewés avaient
12 mentionné des Serbes parmi les auteurs du crime. Il affirme avoir vu des
13 unités de la police ou de l'armée dans des maisons appartenant à des
14 habitants serbes du village. Sur la base du témoignage de ces personnes, il
15 existe des preuves suffisantes indiquant qu'une centaine d'hommes ont été
16 tués à Mala Krusa ainsi qu'il le reprochait dans l'acte d'accusation et que
17 ces meurtres ont été perpétrés par des Serbes armés et en uniforme.
18 S'agissant de Suva Reka, la Chambre s'est appuyé sur le témoignage de
19 Halit Berisha, Hysni Berisha, Shyrete Berisha, Dusan Dunjic, Antonio
20 Alonso, Eric Baccard, Shefqet Zogaj, et K83.
21 Là encore, l'accusé Lukic a fait valoir que le meurtre des membres de
22 la famille Berisha dans la ville de Suva Reka n'avait pas été planifié ni
23 ordonné par des officiers supérieurs du MUP à Suva Reka. Cependant, la
24 Chambre de première instance a entendu un témoignage au sujet de ces
25 meurtres de la part de la bouche de l'un des rescapés, Shyrete Berisha,
26 lequel a reconnu parmi les auteurs du massacre des policiers du cru. K83,
27 lui-même policier de réserve a également déclaré qu'en compagnie de ses
28 collègues, il avait pris part au massacre. Partant, il existe des preuves
Page 12789
1 suffisantes au vu desquelles un Juge de fait pourrait conclure que, le 26
2 mars 1999, les membres du MUP ont pris part au massacre depuis de 40
3 membres de la famille Berisha à Suva Reka.
4 S'agissant de Srbica, la Chambre s'est appuyé sur le témoignage de
5 Liri Loshi, Milazim Thaqi, Sadik Januzi, Mustafa Draga, Gordana Tomasevic,
6 et Eric Baccard.
7 A cet égard, Lukic a soutenu en ce qui concerne le meurtre de plus
8 100 personnes à Izbica, un village situé dans la municipalité de Srbica,
9 que les preuves présentées ne permettaient pas d'identifier comme il
10 convient les auteurs du massacre. Lukic ne semble pas contester le fait que
11 les meurtres ont bel et bien eu lieu. La Chambre estime qu'il existe
12 suffisamment des preuves provenant notamment des témoignages de Milazim
13 Thaqi, Sadiku Januzi, et Mustafa Draga, selon lesquelles un nombre
14 important d'hommes ont été tués ainsi qu'il le reprochait dans l'acte
15 d'accusation et que ces meurtres ont été commis par des Serbes armés en
16 uniforme.
17 S'agissant de Djakovica, la Chambre s'est appuyé sur les témoignages
18 de Hani Hodja, Dren Caka, Lulezim Vejsa, K73, K74, Merita Dedaj, Lizane
19 Malaj, Martin Pnishi, et K90.
20 En ce qui concerne l'incident qui se serait produit dans l'arrêt
21 Milosh Gilic à Djakovica, incident au cours duquel 20 personnes ont été
22 tuées, Lukic fait valoir là encore que les auteurs de ces crimes étaient
23 des voisins et les crimes en question ne s'inscrivaient pas dans le cadre
24 d'une action planifiée entreprise par les autorités du MUP ou par des
25 personnes connues par celles-ci. Cependant, en s'appuyant sur le témoignage
26 -- sur les témoignages de Hani Hodja, Lulezim Vejsa et Dren Caka, la
27 Chambre estime qu'il existe suffisamment de preuves permettant de conclure
28 que les meurtres ont été commis par des Serbes armés en uniforme dont
Page 12790
1 certains étaient cagoulés.
2 En ce qui concerne les attaques menées contre Meja et Korenica dans
3 la municipalité de Djakovica, Lukic a avancé certains arguments qui
4 semblent contester la connaissance qu'il avait de la commission des crimes
5 et non pas les crimes eux-mêmes. La Chambre est convaincu sur à la fois des
6 témoignages de K73, Martin Pnishi, Merita Dedaj, Nike Peraj, et K90, qu'il
7 existe des preuves suffisantes permettant de conclure que les massacres de
8 Meja et Korenica se sont produits ainsi qu'il est décrit dans l'acte
9 d'accusation, l'acquisition de la responsabilité de Lukic dans ces crimes
10 sera traitée ultérieurement dans la présente décision.
11 Aucun grief particulier n'a été formulé s'agissant des meurtres qui
12 auraient été commis dans les municipalités de Vucitrn et Kacanik. La
13 Chambre estime qu'il existe des preuves suffisantes en ce qui concerne ces
14 municipalités et s'appuie pour cela sur les témoignages de Sabit Kadriu,
15 Fedrije Xhafa, et Shukri Gerxhaliu. Pour ce qui est de Vucitrn, et de Hazbi
16 Loku, Sejdi Lami, Isa Raka, Fadil Vishi, Muharrem Dashi, et K31 pour ce qui
17 est Kacanik.
18 Je vais maintenant aborder le chef 5.
19 Nous l'avons déjà remarqué, les chefs de persécution qui relèvent du
20 chef 5 de l'acte d'accusation se composent d'allégations d'agression
21 sexuelle, d'assassinat, et de destruction sans motif ou de dégâts provoqués
22 à des lieux de culte albanais du Kosovo. Une fois de plus, Lukic a été le
23 seul a soulevé des griefs à l'encontre de ces accusations. Nous allons
24 d'abord nous pencher sur ces points.
25 Lukic fait vouloir qu'il n'y a pas eu un seul témoin, à l'exception
26 d'Andras Riedlmayer, qui soit venu dire que la mosquée de Brestovac,
27 municipalité d'Orahovac, avait été endommagée par les forces de la RFY et
28 de la Serbie. Dans la même veine, Lukic conteste qu'il y ait suffisamment
Page 12791
1 de preuves à apporter s'agissant du village de Vocnjak, municipalité de
2 Srbica, et qu'on n'a pas suffisamment prouvé la destruction de monuments
3 culturels à cet endroit, comme dans tous les lieux où il est affirmé dans
4 l'acte d'accusation qu'il y a eu de tels dégâts et destruction. Après
5 examen des éléments de preuve portant sur la destruction présumée sans
6 motif ou les dégâts provoqués à des lieux de culte albanais du Kosovo,
7 notamment aux mosquées énumérées au paragraphe 77(d) de l'acte
8 d'accusation, la Chambre conclut même s'il n'y a pas de moyen de preuve
9 susceptible de justifier une condamnation en ce qui concerne de ces
10 mosquées, elle a des éléments de preuve montrant qu'il y a eu des mosquées
11 endommagées ou détruites par les forces de la RFY et de la Serbie, comme
12 l'affirme l'acte d'accusation. Par exemple, nous avons la déposition de
13 Sabit Kadriu en ce qui concerne la mosquée de Vucitrn; celle du témoin
14 Halit Berisha en ce qui concerne la mosquée Suva Reka; celle de Sabri Popaj
15 pour la mosquée de Celina; celle du Témoin K81 pour la mosquée de Vlastica;
16 et la déposition de Fuat Haxhibeqiri pour la mosquée de Djakovica. C'est la
17 raison pour laquelle le grief soulevé par Lukic sur cette façade du chef 5
18 est rejeté.
19 Lukic a également contesté les éléments de preuve concernant un cas
20 d'agression sexuelle qui se serait produit à Pristina, à savoir le viol du
21 Témoin K62. Là aussi, il ne semble pas dire que ce viol n'aurait pas été
22 commis, mais il se concentre plutôt dans ses arguments sur l'identification
23 des auteurs présumés de ce viol, ainsi que sur les dires du Témoin K63 à ce
24 propos. Partant de la déposition des Témoins K62 et K63, la Chambre est
25 convaincue qu'il y a suffisamment de preuves montrant que le Témoin K62 a
26 été violé par trois hommes en uniforme portant masques, couvre-chefs et
27 brodequins. De plus, la Chambre a reçu des éléments de preuve par d'autres
28 témoins en ce qui concerne des cas supplémentaires d'agression sexuelle à
Page 12792
1 Pristina, notamment a entendu les Témoins K14 et K31, qui ont dit qu'elles
2 avaient été violées par des hommes en uniforme, des hommes armés
3 d'appartenance serbe. C'est la raison pour laquelle ce grief soulevé par
4 Lukic sur cette facette-ci du chef 5 est [inaudible].
5 Nous avons déjà discuté des éléments de preuve portant sur les
6 assassinats évoqués dans l'acte d'accusation, qui sont également retenus
7 comme des modalités de la persécution au titre du chef 5. Pour conclure que
8 les événements portant sur ces assassinats, agressions sexuelles ainsi que
9 dégâts et destruction de lieux des cultes albanais du Kosovo constituent
10 des éléments de persécution, il faut prouver un élément supplémentaire, à
11 savoir qu'au moins certains d'entre eux ont été perpétrés dans l'intention
12 ou dans des buts discriminatoires pour des raisons politiques, raciales, et
13 religieuses.
14 Il y a un point important à cet égard, ce sont les éléments de preuve
15 apportés au regard de toutes les allégations d'assassinats, ainsi que
16 celles d'agressions sexuelles, qui indique que dans pratiquement tous les
17 cas les victimes étaient des victimes albanaises du Kosovo. De plus, la
18 Chambre a entendu les éléments de preuve et déclarations faites par des
19 membres des forces de la RFY et de la Serbie pendant les expulsions, les
20 mauvais traitements, et les assassinats d'Albanais du Kosovo à plusieurs
21 endroits, ce qui permet de conclure à des intentions discriminatoires à
22 l'encontre des Albanais du Kosovo. Je prends un exemple, nous avons eu le
23 Témoin K90 qui a déclaré qu'il y avait un groupe d'Albanais du Kosovo qui
24 avaient été contraints à entonner des chants nationalistes serbes peu de
25 temps avant d'être tués, et qu'un policier lui avait dit qu'ils étaient en
26 train "d'abattre des Siptar et de les dépiauter". Mustafa Draga est venu
27 dire qu'alors qu'il était détenu par des forces de la RFY et de la Serbie,
28 un groupe d'environ 200 hommes a reçu l'ordre de crier "Longue vie à la
Page 12793
1 Serbie." Milazim Thaqi a rapporté des exactions similaires, à savoir qu'il
2 aurait été forcé à faire un signe de trois doigts à l'intention des Serbes.
3 Shyrete Berisha a déclaré qu'un des policiers qui a participé à l'attaque
4 dirigée contre sa famille avait crié qu'ils avaient l'intention d'éliminer
5 tous les Albanais.
6 Autant d'éléments permettant à la Chambre de conclure que les
7 éléments de preuve montrant qu'il y a eu des persécutions en tant que
8 crimes commis contre l'humanité au Kosovo sont suffisants, tels qu'ils ont
9 allégués dans l'acte d'accusation.
10 Je me penche maintenant sur la question de la responsabilité pénale
11 individuelle. Nous aborderons le sujet de façon générale tout d'abord, pour
12 ensuite revenir sur chacun des accusés.
13 Chacun des accusés est accusé d'avoir commis les crimes retenus dans
14 l'acte d'accusation en participant à une entreprise criminelle commune. La
15 Chambre va d'abord examiner les éléments de preuve concernant l'existence
16 éventuelle d'une entreprise criminelle commune avant de voir dans quelle
17 mesure chacun des accusés y auraient contribué.
18 En vertu de l'acte d'accusation, une entreprise criminelle commune a
19 vu le jour au plus tard en octobre 1998, elle concernait plusieurs
20 individus outre les six accusés, à savoir Vlastimir Djordjevic, Vajko
21 Stojiljkovic, Radomir Markovic, Obrad Stevanovic, Dragan Ilic, et Slobodan
22 Milosevic. L'acte d'accusation affirme deux choses : il affirme que les
23 participants à cette entreprise criminelle commune ont inclu les auteurs
24 principaux de ces crimes présumés en tant que personnes non identifiées qui
25 étaient membres des structures de commandement et de coordination et
26 membres des forces de la RFY de la Serbie, mais aussi/ou des participants à
27 cette entreprise criminelle commune qui ont exécuté leurs objectifs en se
28 servant de membres des forces de la RFY et de la Serbie qu'ils
Page 12794
1 contrôlaient.
2 Au cours de la présentation de ses arguments au titre de l'article 98
3 bis, l'Accusation a dit forte de ce que disait désormais la jurisprudence
4 Brdjanin, qu'elle avait l'intention désormais de prendre comme point de
5 départ uniquement le deuxième membre de cette théorie, la deuxième partie,
6 à savoir que des membres de l'entreprise criminelle commune ont utilisé des
7 membres des forces de la RFY et de la Serbie qu'ils contrôlaient pour se
8 livrer à des actes d'expulsion, de transferts forcés, d'assassinats et de
9 persécution.
10 C'est là un aspect très important des arguments à charge que les
11 parties doivent prendre en compte.
12 La Chambre estime que l'Accusation a retenu des responsabilités à
13 l'encontre des accusés pour les crimes allégués en vertu des premières et
14 troisièmes catégories de l'entreprise criminelle commune, retenues dans la
15 jurisprudence du Tribunal. Plus particulièrement, la Chambre reconnaît que
16 les accusés sont accusés d'avoir une responsabilité du déplacement forcé de
17 la population albanaise du Kosovo, de ce plan commun, et que les meurtres
18 ou assassinats commis conjointement dans le cadre de cet objectif principal
19 étaient des conséquences naturelles et prévisibles. C'est la troisième
20 catégorie de l'entreprise criminelle commune.
21 La Chambre examine les arguments présentés par les parties ainsi que les
22 éléments de preuve soumis à ce jour, et conclu qu'il y a des éléments
23 indiquant qu'on peut conclure qu'il y avait une entreprise criminelle
24 commune à partir d'octobre 1998 pendant toute la durée de l'acte
25 d'accusation, qui se composait de membres haut placés, membres militaires
26 et civils des autorités de la RFY et de la Serbie.
27 Pour pouvoir prouver la portée, la nature, et le moment où se seraient
28 commis ces crimes, il faut voir les preuves, et elles indiquent qu'elles
Page 12795
1 n'ont pas été commises – que ces actes n'ont pas été commis au hasard, mais
2 en exécution d'un plan destiné à modifier l'équilibre ethnique au Kosovo.
3 Ceci, cette conclusion, se base sur ce que beaucoup de témoins sont venus
4 nous dire lorsqu'ils ont parlé de leur déplacement forcé; s'appuie aussi
5 sur la déposition de Fred Abrahams, et sur le fait que Haut-commissariat
6 aux réfugiés des Nations Unies a dit qu'en juin 1999, à son avis, il y
7 avait quelque 850 000 réfugiés, ce qui est corroboré par le rapport de
8 Patrick Ball; s'appuie également sur des éléments de preuve concernant la
9 saisie de pièces d'identité appartenant à des Albanais du Kosovo qui
10 franchissaient la frontière, notamment Hani Hoxha, Sadije Sadiku, Mahmut
11 Halimi, Rexhep Krasniqi, Hysni Kryeziu, K54, Josef Maisonneuve, Richard
12 Ciaglinski, et Knut Vollebaek.
13 L'idée de l'existence d'une entreprise criminelle commune est également
14 soutenue par les preuves apportées concernant l'armement des civils serbes,
15 alors que dans le même temps on désarmait la population albanaise. Zlatomir
16 Pesic est venu nous dire que seul les Serbes, et non pas des Albanais du
17 Kosovo, étaient mobilisés pour être verser dans la Défense territoriale. Il
18 y avait une lettre qui a été versée au dossier de l'espèce qui émanait du
19 chef du conseil principal ou du comité principal du SPS au Kosovo; elle
20 était adressée à l'accusé Milutinovic, et elle demandait qu'on arme la
21 population serbe.
22 Une instance connue sous l'appellation de commandement conjoint aurait,
23 selon l'Accusation, joué un rôle important dans la direction et
24 l'organisation des opérations de la VJ et du MUP au Kosovo pendant la
25 période couverte par l'acte d'accusation. Certains des accusés ont contesté
26 que ce commandement conjoint aurait même existé, alors que d'autres ont
27 estimé que la façon dont l'Accusation avait qualifié ses pouvoirs,
28 fonctions, et la façon dont les membres étaient intégrés, était erronée.
Page 12796
1 Les éléments de preuve apportés pour montrer l'existence de ce commandement
2 conjoint, dont les documents délivrés par cet organe ainsi que les procès-
3 verbaux de ces réunions, pourraient constituer la base permettant à la
4 Chambre de conclure plusieurs choses : tout d'abord, que le commandement
5 conjoint avait vu le jour en juillet 1998 et avait eu de nombreuses
6 réunions pendant le reste de l'année; deuxièmement, que ce commandement
7 conjoint avait été établi pour intégrer les activités des forces de la RFY
8 et de la Serbie dans la mise en œuvre des opérations antiterroristes au
9 Kosovo; troisièmement, se composait de membres parmi lesquels se trouvaient
10 certains des accusés; et quatrièmement, que ce commandement conjoint
11 existait encore fin mai 1999. Ces éléments de preuve pourraient venir
12 appuyer la thèse de l'Accusation qui dit que ce commandement conjoint a été
13 créé pour être un des moyens par lesquels les participants à cette
14 entreprise criminelle commune pouvaient exécuter ce plan commun. Plusieurs
15 ordres qui sembleraient avoir été établis par le commandement conjoint du
16 Kosovo-Metohija disent que le Corps de Pristina, assisté de la population
17 renforcée et armée non-Siptar du Kosovo, doit soutenir les forces du MUP
18 pour démanteler et détruire les forces terroristes Siptar.
19 Nous avons des éléments de preuve qui disent que des membres de
20 l'entreprise criminelle commune avait été placée de façon méticuleuse et
21 délibérée alors qu'il y avait une escalade de la crise au Kosovo. Les
22 éléments de preuve montrent qu'à partir de juin 1998, Lukic était désigné
23 pour faire fonction de chef de l'état-major du MUP au Kosovo. Le 24
24 novembre 1998, Slobodan Milosevic, en passant par le conseil de défense
25 suprême, a délogé Momcilo Perisic de son poste de chef du quartier général
26 de la VJ, il l'a remplacé par l'accusé Ojdanic, parce que Perisic s'éteint
27 plaint de la façon dont on utilisait la VJ au Kosovo en 1998. Le 25
28 décembre 1998, Lazarevic est nommé commandant du Corps de Pristina par
Page 12797
1 décret présidentiel. Enfin, l'accusé Pavkovic a pris le commandement de la
2 3e Armée au début de l'année 1999.
3 Nous avons également des éléments de preuve qui sont indiqués que les
4 participants à cette entreprise criminelle commune se sont servis d'une
5 stratégique simultanée et parallèle, qui était de faire obstruction aux
6 négociations portant sur la situation au Kosovo, tout en menant des
7 préparatifs en vue d'opérations de combat. Wolfgang Petritsch est venu dire
8 en tant que témoin, que Chris Hill à une réunion très peu fructueuse avec
9 l'accusé Milutinovic au moment des pourparlers de Rambouillet. Une dépêche
10 diplomatique autrichienne dit de Milutinovic qu'il a été intransigeant en
11 essayant de retarder le déroulement des négociations. Knut Vollebaek dit
12 qu'entre Rambouillet et Paris, la position serbe n'a cessé de se renforcer
13 et de devenir de plus en plus intransigeante, montrant qu'il n'y avait pas
14 réelle volonté de négocier. Klaus Naumann dit, première chose, que la
15 taille, l'ampleur des activités qui se sont déroulés au Kosovo au printemps
16 1999 aurait nécessité des mois de préparation; il dit aussi qu'en octobre
17 1998, Slobodan Milosevic lui a dit que la solution du problème du Kosovo
18 allait être trouvée au printemps. De surcroît, le 16 février 1999, nous
19 sommes à ce moment-là en plein milieu des négociations en France, il y a
20 une directive planifiant des opérations dirigées contre ce qu'on appelait
21 les forces terroristes Siptar dans la région de Malo Kosovo, Drenica et
22 Malisevo. C'est une directive que produit l'accusé Lazarevic. Au cours des
23 négociations, il y a eu un renforcement des forces de RFY et de Serbie, on
24 faisait arriver des équipements supérieurs, des chars de meilleure qualité,
25 des chars neufs. Nous avons la présence de la VJ qui était accrue. Elle
26 était au départ de trois compagnies, elle passée à 15. Adnan Merovci a dit
27 que des militants de la LDK ont dit qu'il y avait près de 30 000 membres de
28 la VJ et du MUP qui étaient entrés au Kosovo entre octobre 1998 et mars
Page 12798
1 1999.
2 A la lumière des éléments de preuve que nous venons d'évoquer en ce qui
3 concerne le déplacement significatif et organisé de la population albanaise
4 du Kosovo, et en ce qui concerne le comportement adopté par les accusés
5 face à ces événements, la Chambre pourrait conclure à l'existence d'une
6 entreprise criminelle commune à la période couverte par l'acte
7 d'accusation. Entreprise qui avait pour objectif le déplacement forcé de la
8 population albanaise du Kosovo.
9 De plus, dans le -- lorsqu'il y a des infractions particulières qui ont été
10 retenues comme le viol ou l'assassinat, si elle n'était pas partie prenante
11 du plan commun, c'était un des éléments prévisibles car on pouvait
12 s'attendre à de telles infractions dans le cadre de l'expulsion en masse de
13 la population.
14 J'aborde maintenant les éléments retenus contre l'accusé Milutinovic. Les
15 articles 83 à 89 de la constitution de Serbie semblent indiquer que le
16 poste occupé par Milutinovic, celui de président de Serbie, est un poste de
17 pouvoir, mais que c'était aussi un poste qui lui faisait revêtir une
18 certaine responsabilité devant tous les citoyens de la République de
19 Serbie. En prêtant serment, il promettait de se consacrer à la sauvegarde
20 de "la paix et du bien-être de tous les citoyens de la République de
21 Serbie," et il avait le pouvoir d'exiger du gouvernement qu'il expose sa
22 position sur des questions qu'il relevait de sa compétence en moins de 48
23 heures. Les éléments de preuve indiquent que Milutinovic était conscient
24 des pouvoir qu'il avait puisqu'il reconnaît lui même en mars 1998 ses
25 pouvoirs car il demande au ministre de l'intérieur de mener une enquête
26 suite à l'incident Jashari.
27 De plus, l'article 6 de la loi portant sur les grades des membres du, la
28 hiérarchie des membres du ministère de l'Intérieur, cet article indique que
Page 12799
1 le président de Serbie avait le pouvoir de nommer et de licencier des
2 généraux. Milutinovic le reconnaît lui-même, il s'est servi de ses pouvoirs
3 en accordant une promotion à l'accusé Lukic en mai 1999.
4 Il n'y a pas de désaccord entre les parties sur le fait que
5 Milutinovic était membre du Conseil suprême de la Défense. Des preuves
6 indiquent que ce Conseil suprême de la Défense était davantage qu'un simple
7 conseil -- comité consultatif et que Milutinovic qui en faisait partie
8 était bien informé des événements qui se produisaient dans le pays, et
9 disposait des pouvoirs importants s'agissant des décisions à prendre en
10 matière de Défense nationale et pour ce qui est de la régie. Ces pouvoirs
11 se retrouvent dans les dispositions de la constitution et de la
12 législation, notamment l'article 135 de la constitution, de la RFY, des
13 articles 40 et 41 de la loi portant Défense. L'article 4 de la loi
14 concernant la VJ. Ils se retrouvent aussi dans le Règlement de procédure du
15 conseil suprême de la Défense. Ces dispositions disent notamment que le
16 président fédéral a le commandement de la VJ, commandement qu'il exerce
17 conformément aux décisions du Conseil suprême de la Défense et que les
18 membres de ces derniers peuvent convoquer des réunions et soumettre des
19 points à l'ordre du jour. En d'autres termes, les membres peuvent sauner la
20 sonnette d'alarme exprimer des préoccupation devant le conseil suprême de
21 la Défense quand bon leur semble. A cet égard, la Chambre s'est vu
22 présenter le compte rendu de certaines de ces réunions qui montrent ou la
23 participation de Milutinovic dans cette instance, et nous avons également
24 la déposition d'Aleksandar Vasiljevic qui est venu nous parler de la nature
25 même de cet organe.
26 Nous avons également des éléments de preuve montrant que Milutinovic était
27 une personnalité importante lorsqu'il s'agissait de représenter la Serbie
28 au niveau international. Il y a une position de la constitution à cet
Page 12800
1 effet, à savoir l'article 83, paragraphe 4, de la constitution de Serbie,
2 mais la Chambre a également entendu des témoins comme Petritsch, Veton
3 Surroi, Ibrahim Rugova, Shaun Byrnes, Klaus Naumann, Jan Kickert, ainsi que
4 Michael Philips qui tous ont parlé de la participation de Milutinovic à des
5 négociations avec des dirigeants albanais du Kosovo et ont participé à des
6 réunions avec des représentants de la communauté internationale.
7 D'autres éléments de preuve ont également été abordés à savoir en
8 tant que membre du comité principal de SPS. Il a participé à la création
9 d'un commandement conjoint et que du coup, il pouvait contacter ses membres
10 et les politiciens régionaux qui leur tour pouvaient le contacter
11 directement et adresser des demande informelles à la direction.
12 Il y a aussi des éléments de preuve importants qui montrent sa
13 participation à des réunions de l'appareil sécuritaire et militaire
14 responsable du Kosovo, et d'autres preuves de ce qu'il a reçu des rapports
15 des personnes hautes placées dans la hiérarchie en ce qui concerne les
16 événements qui se passaient au Kosovo. Ainsi il était à une réunion de
17 l'état-major du MUP, le 5 novembre 1998, à laquelle il a parlé du
18 commandement conjoint. Il était là aussi à la réunion de l'état-major
19 interservices opérationnel pour la répression du terrorisme au Kosovo, et
20 c'est là que Lukic a présenté un rapport détaillé sur la situation
21 prévalant au Kosovo. A la huitième séance du Conseil suprême de la Défense,
22 décision 1998, on lui présente le rapport de l'accusé Sainovic, rapport qui
23 porte sur la coordination entre le MUP et la VJ. Il fait une déclaration à
24 propos de ce qu'il appelle des allégations exagérées portées contre les
25 soldats de la VJ. Enfin, Milutinovic en personne a reconnu que pendant le
26 bombardement de l'OTAN il avait eu régulièrement des réunions avec
27 Milosevic et d'autres, notamment avec le ministre de la Défense pour faire
28 le point sur la situation au Kosovo.
Page 12801
1 D'autres éléments de preuve montrent que Milutinovic était au courant
2 d'allégations d'infractions de crimes venant d'autres sources, comme par
3 exemple, de Louise Arbour qui était alors Procureur général du TPY, qui lui
4 a écrit une lettre à cet effet, le 28 mars 1999. Mais il était au courant
5 aussi de ce que d'autres représentants internationaux avaient dit, comme
6 Wesley Clark ou Javier Solana, comme l'a dit dans sa déclaration en tant
7 que témoin, Klaus Naumann. Enfin, nous avons des preuves qui montrent que
8 Milutinovic était au courant qu'il y avait des crimes commis au Kosovo avec
9 le début de la campagne de l'OTAN comme en a parlé le témoin, Wolfgang
10 Petritsch.
11 Autant d'éléments de preuve qui permettent de justifier la conclusion
12 selon laquelle Milutinovic par ses actes ou omissions, en sa qualité de
13 président de Serbie, en tant que membre du conseil suprême de la Défense,
14 avait délibérément contribuée à entreprise criminelle commune. Ces mêmes
15 éléments permettent de conclure à sa responsabilité en tant que supérieur
16 civil en application de l'article 7(3).
17 J'aborde maintenant les charges retenues contre l'accusé Sainovic.
18 Les éléments de preuve montrent que l'accusé Sainovic a participé à
19 l'entreprise criminelle commune en sa qualité de représentant au Kosovo de
20 Slobodan Milosevic, et en sa qualité de chef du commandement conjoint, en
21 tant que tel, il était à même de commander, contrôler, diriger ou exercer
22 un contrôle effectif et efficace de fait sur les forces de la RFY et de la
23 Serbie opérant au Kosovo.
24 Les parties conviennent que Sainovic était premier ministre adjoint
25 de la RFY pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation et que
26 la déposition de Klaus Naumann, Knut Vollebaek, Dusan Loncar, Wolfgang
27 Petritsch, ainsi que celle d'Adnan Merovci confirme que Sainovic était le
28 premier ministre adjoint responsable du Kosovo. Ce qu'a dit le témoin,
Page 12802
1 Karol Drewienkiewicz, montre qu'il était non seulement le messager de
2 Milosevic, mais qu'il a aussi été un homme preneur de décision au Kosovo.
3 Il était responsable de la coordination de défense de sécurité au Kosovo,
4 comme le montre la déposition du témoin, Jan Kickert, et c'était l'homme
5 qui était détenteur de l'autorité véritable d'après ce qu'a dit Ibrahim
6 Rugova.
7 La Chambre a accueilli des éléments de preuve parlant de sa
8 participation au commandement conjoint ce sont des témoins comme Ljubinko
9 Cvetic et Aleksandar Vasiljevic qui sont venus le dire, ils ont dit qu'il
10 était chef du commandement conjoint. Les éléments de preuve montrent qu'il
11 a participé aux réunions du commandement conjoint pas seulement en 1998
12 entre le 22 juillet et le 30 octobre mais aussi pendant la période couverte
13 par l'acte d'accusation comme l'a indiqué Aleksander Vasiljevic. Il a
14 également participé à d'autres réunions de haut niveau, comme par exemple,
15 aux réunions des officiers supérieurs du MUP et du quartier général de la
16 VJ. Exemple d'une telle réunion c'est celle qu'il a eu avec des
17 fonctionnaires supérieurs de la police au Kosovo le 4 avril 1999.
18 Nous avons de nombreux documents, comme par exemple, la déposition de
19 Ljubinko Cvetic qui montre que le commandement conjoint avait la
20 responsabilité d'ordonner et de coordonner les activités de la VJ et du MUP
21 et que -- arrivée le milieu d'avril 1999, il se peut que le MUP a été
22 subordonné à la je voudrais à des fins opérationnelles. Dans les documents
23 examinés il y a un ordre du commandement conjoint en date du 23 mars 1999,
24 un ordre de la
25 549e Brigade motorisée en date du 23 mars 1999, un ordre en vue de
26 l'engagement du MUP serbe de Pristina 25 avril 1999, ainsi qu'un ordre du
27 commandement de la 549e Brigade motorisée, en date du 19 mai 1999. Partant
28 de ces éléments de preuve, il est permis de conclure que Sainovic, en sa
Page 12803
1 qualité de chef du commandement conjoint, disposait de pouvoir et
2 d'autorité non seulement sur la VJ mais aussi sur le MUP. Les éléments de
3 preuve montrent qu'il a donné des ordres et des instructions à la VJ et au
4 MUP, et ceci est corroboré par les témoignages de Ljubinko Cvetic,
5 Aleksander Vasiljevic, et Dusan Loncar.
6 Nous avons également des éléments de preuve montrant qu'il était
7 conscient, au courant du comportement similaire de persécution des forces
8 de la RFY et de la Serbie contre les Albanais du Kosovo pendant la période
9 couverte par l'acte d'accusation. Par exemple, Klaus Naumann a dit que si
10 ce n'était pas lui en personne, en tout cas, Milosevic en présence de
11 Sainovic, avait des déclarations en ce qui concerne les taux de natalité
12 des Albanais et qu'il fallait parvenir à un meilleur équilibre ethnique.
13 Nous avons d'autres preuves qui montrent qu'il était au courant des
14 activités criminelles des forces de la RFY et de la Serbie qui ont entraîné
15 le déplacement forcé des Albanais du Kosovo. Nous avons ce qu'a dit Dusan
16 Loncar, ce qu'a dit Aleksander Vasiljevic qui montre qu'il y avait un
17 système de compte rendu par lequel les membres supérieurs des forces de la
18 RFY et de la Serbie faisaient rapport à Sainovic pendant les événements du
19 Kosovo pendant la période couverte par l'acte d'accusation, ainsi qu'à
20 Pavkovic, Lazarevic, et Lukic. Des éléments de preuve montrent aussi qu'il
21 savait ce qui se passait sur le terrain parce qu'il faisait rapport au
22 Conseil suprême de la Défense à propos des activités de la VJ et du MUP au
23 Kosovo, comme le montre le procès-verbal de ces réunions, je prends
24 l'exemple de la 8e séance du Conseil suprême de la Défense qui s'est tenue
25 à brigade, le 25 décembre 1998. Il était également informé de la survenue
26 de plusieurs incidents lors de ces réunions du commandement conjoint, comme
27 à la réunion du 17 mai 1999. Sainovic avait été également informé de
28 violations du droit international humanitaire par le Procureur du TPY, Mme
Page 12804
1 Louise Arbour, dans une lettre qu'elle avait envoyé le 26 mars 1999, ainsi
2 que par les contacts qu'il avait eus avec des interlocuteurs internationaux
3 comme Karol Drewienkiewicz et Klaus Naumann.
4 Pour ce qui est de ces omissions lorsqu'il s'agissait de mener des
5 enquêtes sur les infractions des éléments montrent qu'il avait la
6 possibilité de soumettre des rapports au Conseil de la Défense suprême
7 ainsi que d'autres autorités compétentes à propos d'allégation de crimes au
8 Kosovo, et qu'il avait pu faire des recommandations quant à la façon de les
9 empêcher ou de les punir. Ceci est prouvé par le compte rendu de la 8e
10 séance du Conseil de Défense suprême du 25 décembre 1998, et par la
11 déposition du Témoin Ljubinko Cvetic. Il y a suffisamment de preuves, comme
12 par exemple, ce qu'on dit le témoin, Lakic Djorovic, et il y a un rapport
13 du Corps de Pristina du 15 mai 1999 qui montre le statut des poursuites
14 militaires suffisamment de preuves pour montrer que des violations graves
15 commises par les forces de la RFY et de la Serbie étaient, en fait,
16 protégés et pouvaient ne pas faire l'objet de poursuite judiciaire
17 véritable.
18 Pour les raisons susmentionnées, la Chambre compte tenu des éléments
19 de preuve pris à leur niveau supérieur en faveur de l'acte d'accusation
20 peut conclure que Sainovic est responsable des crimes retenus contre lui
21 dans l'acte d'accusation, soit par sa participation à l'entreprise
22 criminelle commune ou en tant que supérieur hiérarchique en application de
23 l'article 7(3) du Statut.
24 Nous allons maintenant parler de l'accusé Ojdanic.
25 Les parties conviennent que le 24 novembre 1998, Ojdanic a été nommé
26 chef de l'état-major de la VJ par Slobodan Milosevic en remplacement du
27 général Momcilo Perisic.
28 En tant que tel, Ojdanic devenait le plus haut gradé de la RFY au
Page 12805
1 cous de la période visée à l'acte d'accusation. En vertu de la loi sur la
2 Défense et de la loi sur l'armée de la Yougoslavie, il exerçait de droit et
3 de fait un commandement sur la VJ et sur les unités qui lui étaient
4 subordonnées. De surcroît, il existe des éléments qui montrent qu'après la
5 déclaration d'un état de guerre, Ojdanic a subordonné des unités du MUP à
6 la VJ, qu'il a donné des ordres demandant à la 3e Armée d'apporter un appui
7 feu, un appui d'artillerie au MUP, et que de manière générale il a soutenu
8 les activités de la VJ dans le cadre des opérations de combat au Kosovo. En
9 dépit, de l'affirmation d'Ojdanic, selon laquelle l'offensive du printemps
10 de 1999 constituait un effort légitime de lutte contre le terrorisme, des
11 éléments de preuve indiquent que la mise en œuvre de cette offensive
12 supposée de massacre qui avait pour objectif à cette entreprise criminelle
13 commune d'arriver à son objectif. Les éléments de preuve montrent qu'en
14 mars 1999, la VJ ne s'est pas seulement déployée le long des frontières
15 pour combattre la menace par l'OTAN ou le terrorisme, mais elle s'est
16 déployée sur tout le territoire du Kosovo là où selon l'acte d'accusation
17 un certain nombre de crimes auraient été commis. Le rôle d'Ojdanic dans ses
18 opérations est démontré par la position qu'il occupait en tant que chef de
19 l'état-major général de la VJ par sa participation aux réunions du collège
20 de la VJ, et ceci est extrêmement important, parce que si on regarde les
21 procès-verbaux de ces réunions, on voit que le 18 mars 1999, il a été
22 informé par un rapport des problèmes rencontrés par la VJ au Kosovo, mais
23 il n'a montré aucun intérêt à ce sujet, et il a décidé de passer à autre
24 chose. Il savait quelle était la situation sur le terrain au Kosovo du fait
25 de son poste, de son poste de chef d'état-major de la VJ, et ceci grâce à
26 la structure de compte rendu qui existait à l'époque. Des rapports
27 quotidiens étaient préparés et étaient envoyés dans les échelons
28 supérieurs, comme on voit dans les PV des réunions du collège de la VJ. On
Page 12806
1 le voit également dans une directive de janvier 1999, relative à des
2 opérations du Corps de Pristina, et là, figurent des instructions
3 détaillées sur les obligations en matière de compte rendu.
4 On voit également qu'Ojdanic était au courant des opérations ou du
5 fonctionnement du commandant conjoint lors de la réunion du collège de la
6 VJ qui s'est déroulé déroulée le 21 janvier 1999. Au cours de cette
7 réunion, il fait référence à cet organe.
8 Il était informé des actes criminels commis par le MUP, et ceci par
9 exemple, par un rapport établi le 25 mai 1999 par Pavkovic, rapport destiné
10 à l'état-major du commandement Suprême au sujet de crimes commis par le MUP
11 au Kosovo. De plus, d'autres éléments nous montrent qu'il savait qu'il y
12 avait des volontaires au sein de la VJ, il connaissait les difficultés que
13 ces volontaires posaient. Ainsi, par exemple, le 20 avril 1999, le général
14 Matovic envoie un rapport à l'état-major du commandement Suprême, un
15 rapport qui porte sur les problèmes posés par les volontaires au sein de la
16 3e Armée. Il explique notamment que premièrement, les volontaires
17 proviennent souvent d'unités paramilitaires qui existaient auparavant; ce
18 sont des gens qui ont un passé criminel, et d'autres ont même été
19 emprisonnés pour avoir commis des actes de meurtre ou de viol. De surcroît,
20 on a des éléments qui indiquent qu'Ojdanic savait qu'on distribuait des
21 armes aux civils serbes lors de la réunion du collège de la VJ le 2 février
22 1999, Ojdanic et le général Samardzic parlent de l'affectation de tous le
23 Serbes armés et de plan destiné à les incorporer dans les unités. Une
24 discussion a également eu lieu à ce sujet le 21 janvier 1999. Encore une
25 fois, il s'agit d'une réunion du collègue de la VJ.
26 Pour terminer, bien que Ojdanic a eu la capacité concrète matérielle
27 de faire respecter la discipline militaire et d'engager des poursuites et
28 de punir en se servant du système de la justice militaire, il existe au
Page 12807
1 dossier des rapports qui montrent que là où il y a eu poursuite, c'était
2 très rare d'ailleurs, cela ne concernait pas des crimes très graves. Sur
3 les 91 affaires qui sont énumérées dans un rapport du Corps de Pristina en
4 date du 15 mai 1999 au sujet des poursuites engagées par la justice
5 militaire, on voit qu'il n'est absolument pas question de violations du
6 droit international humanitaire.
7 Par ces motifs et sur la base de ces éléments de preuve, la Chambre
8 de première instance en arrive à la conclusion qu'elle pourrait
9 éventuellement déclarer Ojdanic coupable des crimes dont il est accusé à
10 l'acte d'accusation au titre de sa responsabilité de supérieur hiérarchique
11 au titre de l'article 7(3) du Statut, ainsi qu'au titre de sa
12 responsabilité envisagée par l'article 7(1) du Statut, en particulier par
13 le fait d'avoir commis certains actes en participant à l'entreprise
14 criminelle commune.
15 Nous n'avons plus besoin que d'environ 30 minutes, mais il est
16 nécessaire que nous procédions à une pause pour les interprètes et je pense
17 que mieux vaut encore faire cette pause tout de suite, si bien que nous
18 allons maintenant faire une pause jusqu'à 16 heures.
19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.
20 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci de la patience dont vous avez
22 fait preuve. Je passe maintenant à l'accusé Pavkovic.
23 Les éléments de preuve indiquent que Pavkovic a participé
24 volontairement à l'entreprise criminelle commune en tant que membre du
25 commandement conjoint du fait du poste qu'il occupait en 1998, poste de
26 chef du Corps de Pristina, puis en 1999, poste de chef de la 3e Armée. La
27 Chambre est convaincue qu'il existe des éléments de preuve indiquant qu'il
28 occupait une position de supériorité sur les forces de la VJ qui
Page 12808
1 perpétraient des crimes au Kosovo. D'autre part, il y a des éléments qui
2 indiquent qu'il savait que des crimes avaient été commis ou allaient être
3 commis, et il a négligé de prendre les mesures nécessaires pour empêcher
4 que ces crimes ne soient commis ou pour en sanctionner les auteurs.
5 Sa participation à l'entreprise criminelle commune est illustrée par
6 sa participation à des réunions du commandement conjoint ainsi que par ses
7 rapports lors de ses réunions au sujet des activités de la VJ, ceci figure
8 dans les procès-verbaux de nombreuses réunions du commandement conjoint
9 datant de 1998 et ceci ressort également de la déposition de Vasiljevic. De
10 surcroît, dans l'entretien qu'il a eu avec le bureau du Procureur, Pavkovic
11 a reconnu lui-même avoir participé à des réunions du commandement conjoint
12 en 1998.
13 La Chambre de première instance a eu connaissance d'informations
14 selon lesquelles en tant que chef de la 3e Armée, il était en droit et de
15 fait, à la tête de cette 3e Armée, il l'a contrôlait, ce qui lui permettait
16 d'employer les ressources de la VJ pour expulser la population albanaise du
17 Kosovo. Deux documents qui figurent au dossier sont des demandes faites par
18 Pavkovic pour qu'on subordonne des nouvelles unités de la VJ au Corps de
19 Pristina aux fins d'opérations à mener au Kosovo en février et en mars
20 1999. Vu les éléments de preuve relatifs à la participation d'unités de la
21 VJ placés sous son commandement dans au moins certains des crimes visés à
22 l'acte d'accusation, la Chambre de première instance est convaincue qu'il a
23 contribué de manière importante à l'entreprise criminelle commune du fait
24 du contrôle qu'il exerçait sur ces forces, qu'il commandait par ailleurs.
25 D'ailleurs, dans l'entretien qu'il a eu avec le bureau du Procureur, il a
26 déclaré qu'il était présent au Kosovo 95 % du temps entre mars et juin
27 1999, ce qui illustre également le contrôle très étroit qu'il exerçait sur
28 les opérations de la VJ sur le terrain.
Page 12809
1 D'autre part, nous avons également des éléments de preuve sur
2 l'intention qui était la sienne de participer à l'entreprise criminelle
3 commune, ceci ressort des déclarations de K73, qui a déclaré que Pavkovic
4 avait affirmé aux membres de la VJ, que "dès que la première bombe de
5 l'OTAN tomberait au Kosovo, il faudrait nous 'débarrasser des Albanais'."
6 Différentes interprétations de cette affirmation, bien entendu, sont
7 possibles, mais à ce stade de la procédure, le stade de l'article 98 bis,
8 la Chambre de première instance doit accorder la plus grande importance par
9 hypothèse à la thèse de l'Accusation et doit donc interpréter cette
10 déclaration comme signifiant qu'il avait l'intention d'expulser la
11 population civile du Kosovo.
12 Les éléments du dossier indiquent que les forces de la VJ ont été
13 employées pour réaliser les objectifs criminels de l'entreprise criminelle
14 commune. On peut donc dire que Pavkovic a, du fait du poste qu'il occupait,
15 poste de chef de la 3e Armée, devait être un participant de cette
16 entreprise criminelle commune. Et même s'il n'a pas participé, il aurait pu
17 empêcher ce qui s'est passé, empêcher que l'on utilise la VJ de cette
18 manière ou s'y opposer.
19 S'agissant de sa responsabilité de supérieur hiérarchique, en tant
20 que commandant de la 3e Armée en 1999, Pavkovic était le supérieur
21 hiérarchique de toutes les forces de la VJ au Kosovo, il est possible
22 également qu'il ait été le commandant des opérations des forces MUP qui
23 participaient aux opérations de combat si l'on se réfère à l'article 17 de
24 la loi sur la Défense. Si certains éléments de preuve sont contradictoires
25 quant à savoir s'il était effectivement le commandant des forces du MUP, il
26 existe d'autres éléments qui indiquent qu'il était de jure ou du moins leur
27 chef. Quoi qu'il en soit, Pavkovic exerçait un contrôle effectif sur la VJ
28 au Kosovo, cela est établi, et d'autres parts, il y a des éléments de
Page 12810
1 preuve qui indiquent des éléments que l'on glaner dans les dépositions de
2 K89 et de K73, que ces forces ont participé à des opérations qui ont
3 entraîné la perpétration des crimes visés à l'acte d'accusation.
4 De plus, comme nous l'avons déjà signalé, il a lui-même déclaré qu'il
5 était présent au Kosovo 95 % du temps entre mars et juin 1999, et qu'il
6 recevait régulièrement des rapports de la part de ses subordonnés ainsi que
7 de la part du commandement conjoint. De ce fait, il existe des éléments
8 indiquant que Pavkovic connaissait dans les détails les opérations des
9 forces de la VJ déployées au Kosovo, y compris leur participation à des
10 actes criminels commis contre la population albanaise du Kosovo. Il
11 apparaît manifestement -- il ressemble manifestement de son entretien avec
12 le bureau du Procureur que Pavkovic a été informé de déplacements
13 considérables de la population en 1998 et 1999. De plus, Vasiljevic a
14 déclaré lors de sa déposition que Pavkovic était au courant d'un grand
15 nombre de meurtres commis, et ceci au mois -- déjà en mai 1999. Le Dr
16 Gordana Tomasevic, qui est médecin légiste, a également déclaré lors de sa
17 déposition qu'en mai 1999, Pavkovic lui avait donné la consigne de procéder
18 à un travail d'assainissement, et il lui avait enjoint de se rendre à un
19 endroit précis au Kosovo où se trouvait un certain nombre de cadavres. Une
20 fois de plus, ceci nous indique qu'il savait que des crimes et des meurtres
21 avaient été commis. De surcroît, les rapports d'instance international,
22 tels que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et l'acte
23 d'accusation établi à l'encontre de Milosevic, Milutinovic, Sainovic,
24 Ojdanic et Stojiljkovic le 24 mai 1999 aurait dû informer Pavkovic de la
25 nature extrêmement grave et étendue des crimes qui étaient susceptibles, ou
26 qui étaient peut-être commis, par les forces placées sous ses ordres.
27 En dépit de ce qu'il savait, en dépit des pouvoirs qui étaient les
28 siens en tant que commandant de la 3e Armée, des éléments tendant ou
Page 12811
1 laissent à pense qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher
2 que de tels crimes ne soient commis, ou pour en sanctionner les auteurs.
3 Lakic Djorovic, par exemple, a déclaré dans sa déposition qu'au sein de la
4 VJ, on s'efforçait d'empêcher les enquêtes et les poursuites de membres de
5 la VJ, ayant participé à des activités criminelles.
6 Tout ceci peut permettre de conclure que Pavkovic, de part ses actes
7 et ses omissions en tant que commandant de la 3e Armée de la VJ pendant la
8 période visée à l'acte d'accusation, a contribué à l'entreprise criminelle
9 commune. Les mêmes éléments de preuve peuvent permettre de conclure à la
10 responsabilité de Pavkovic en tant que supérieur hiérarchique aux termes de
11 l'article 7(3) du Statut.
12 Je vais maintenant aborder le cas de Lazarevic.
13 Les parties conviennent qu'en 1998, l'accusé Lazarevic était chef
14 d'état-major du Corps de Pristina, et que le 25 décembre 1998, il a été
15 nommé commandant du Corps de Pristina par décret présidentiel, et qu'il a
16 occupé ces fonctions jusqu'à la fin de la période visée à l'acte
17 d'accusation.
18 Les éléments de preuve du dossier montrent que le commandement conjoint
19 existait, qu'il coordonnait les activités des forces de la FRY et de la
20 Serbie au Kosovo, et que le Corps de Pristina obéissait aux décisions du
21 commandement conjoint et réagissait. Lazarevic a reconnu l'autorité du
22 commandement conjoint. Ceci, on le voit dans un ordre relatif à
23 l'élimination des forces terroristes et de forces de sabotage dans le
24 secteur des villages de Slup et Voksa, un ordre qui date du 14 août 1998,
25 qui a été signé et qui porte le cachet de Lazarevic. Il nous déclare que la
26 VJ doit mener des opérations de combat commandées par le commandement
27 conjoint. Cet ordre prescrit également que le Corps de Pristina et ses
28 subordonnés sont tenus de suivre et d'obéir aux ordres du commandement
Page 12812
1 conjoint. Lazarevic a également signé des documents du commandement
2 conjoint, comme par exemple une décision du 20 -- plutôt, la modification
3 d'une décision du 20 mars 1999, décision du commandement conjoint. La
4 modification est entrée en vigueur le 22 mars 1999. Il s'agit de la
5 décision destinant -- destinée à appuyer le MUP dans ses opérations
6 d'élimination des forces terroristes dans la zone de Malo Kosovo. Lazarevic
7 a établi des rapports de combat tels que le rapport émanant du commandement
8 du Corps de Pristina à l'attention du commandement de la 3e Armée en date
9 du 25 avril 1999, reconnaissant ainsi l'existence et l'autorité du
10 commandement conjoint. De plus, il a participé à au moins quatre réunions
11 du commandement conjoint le 23 août 1998, le 17 septembre 1998, le 19
12 septembre 1998, et le premier juin 1999. S'agissant de cette dernière
13 réunion, Vasiljevic a déclaré avoir participé à la réunion en question, et
14 il a déclaré que y avait également participé Sainovic et Pavkovic. De
15 surcroît, Nike Peraj a mis en cause directement Lazarevic. Il a dit qu'il
16 était commandant de l'opération conjointe menée par le VJ et me MUP, qui a
17 débouché sur les meurtres de Meja et de Korenica à Djakovica en avril 1999.
18 De surcroît, il existe des éléments indiquant que Lazarevic, en tant que
19 commandant du Corps de Pristina, a donné de nombreuses ordres aux forces de
20 la VJ au Kosovo, forces placées sous son contrôle, et qu'il exerçait un
21 contrôle effectif sur les unités du MUP se trouvant dans la zone, des
22 unités qui étaient subordonnées à la VJ où nous -- au moins au minimum,
23 coordonnaient leurs opérations avec la VJ. La Chambre de première instance
24 estime qu'il existe des éléments indiquant que Lazarevic savait, ou avait
25 raison de savoir, que des crimes étaient commis au Kosovo pendant la
26 période visée à l'acte d'accusation. Nike Peraj a déclaré dans sa
27 déposition que Lazarevic était au courant des crimes commis à Meja et
28 Korenica en avril 1999, et dans divers rapports établis par des
Page 12813
1 organisations internationales, dans les résolutions du Conseil de sécurité
2 des Nations Unies et dans les médias, on parlait de l'emploi excessive de
3 la force par la VJ et le MUP dans les opérations conjointes en 1998 et au
4 début 1999. Ceci aurait dû informer Lazarevic que des crimes étaient commis
5 par les hommes placés sous ses ordres. Lazarevic a également participé à
6 une réunion au cours de laquelle l'accusé Pavkovic a donné pour consigne le
7 Dr Tomasevic de mener à bien un travail d'assainissement, travail relatif
8 aux cadavres se trouvant au Kosovo, ce qui montre une fois encore qu'il
9 était au courant des meurtres commis. Si la Chambre a reçu des éléments de
10 preuve indiquant que Lazarevic avait sanctionné les auteurs de crimes au
11 Kosovo, elle note, cependant, que les poursuites pénales qui ont été
12 engagées ne concernaient pas des violations graves du droit humanitaire
13 international. De surcroît, certains éléments indiquent que Lazarevic n'a
14 pas pris de mesures concrètes, de mesures efficaces, comme il aurait pu le
15 faire, pour empêcher ses subordonnés de commettre des actes répréhensibles.
16 Ainsi, la Chambre rappelle que même si on a mis en place des règles
17 relatives à l'incorporation des volontaires au sein de la VJ, d'autres
18 éléments de preuve, tel que ce qui a été déclaré par Vasiljevic lors de sa
19 déposition, prouvent que ce système était imparfait, plein d'imperfections.
20 Par ces motifs, la Chambre conclu qu'il existe des éléments qui pourraient
21 l'amener à conclure que Lazarevic a participé à l'entreprise criminelle
22 commune, qu'il y a participé de manière volontaire, et qu'il partageait
23 l'intention de commettre les crimes figurant à l'acte d'accusation, qui
24 constituait l'objectif de ladite entreprise. Il existe d'autre part
25 suffisamment des éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure
26 que Lazarevic a participé à l'intention entreprise criminelle commune, et
27 qu'il est également responsable en tant que commandant au titre de
28 l'article 7(3) du Statut, puisqu'il exerçait une autorité, un contrôle de
Page 12814
1 fait et de jure sur le Corps de Pristina et sur ses unités subordonnées,
2 ainsi que sur le MUP et sur ses unités subordonnées, et que d'autre part,
3 il savait ou avait raison de savoir que des crimes étaient commis au Kosovo
4 pendant la période visée à l'acte d'accusation, et qu'en outre il n'a pas
5 pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ses
6 subordonnés ne commettent ces crimes ou pour les sanctionner.
7 Je vais maintenant parler de l'accusé Lukic.
8 Nous disposons d'éléments de preuve indiquant qu'à partir de juin
9 1998, Lukic a été désigné chef d'état-major du MUP au Kosovo. Il apparaît
10 dans deux décisions de 1998 relatives à la composition de l'état-major du
11 MUP au Kosovo-Metohija, et de l'état-major du MUP à Pristina, que Lukic
12 était le fonctionnaire de police de plus haut rang au Kosovo, qu'il
13 exerçait un contrôle sur les unités du MUP qui opéraient dans cette -- sur
14 cette territoire.
15 La Chambre note un désaccord entre l'Accusation et la Défense. Il s'agit de
16 savoir si à ce titre Lukic exerçait un commandement et contrôlait les
17 membres du service de la Sûreté de l'Etat, ainsi que sur le service de la
18 Sécurité publique, et elle conclu qu'il existe des éléments dans la
19 décision portant création d'un état-major ministériel chargé de la lutte
20 contre le terrorisme en date du 16 juin 1998, que les activités de ces deux
21 services du ministère de l'Intérieur étaient coordonnées au Kosovo à partir
22 de juin 1998 sous l'égide de l'état-major du MUP dirigé par Lukic. De plus,
23 dans l'interrogatoire mené par l'Accusation, Lukic a déclaré qu'il avait
24 participé au commandement conjoint et qu'à ce titre il participait à ces
25 réunions, afin d'analyser des informations relatives à la sécurité ou des
26 informations relatives à certains incidents bien précis. Il a d'autre part
27 déclaré lors de cet interrogatoire que la mission de l'état-major du MUP à
28 Pristina c'était de coordonner les activités de toutes les unités de la
Page 12815
1 police, y compris d'ailleurs les unités spéciales de la police. Ceci a été
2 confirmé par le Témoin Cvetic qui a également déclaré que les SUP au Kosovo
3 relevaient de l'état-major du MUP de Pristina tout autant que du ministère
4 de l'Intérieur de Belgrade. D'autres éléments ont été apportés lors des
5 dépositions de John Crosland, Michael Phillips, Richard Ciaglinski, et dans
6 le cadre de l'entretien qu'a eu l'Accusation avec Lukic indiquant que le
7 MUP et la VJ coopéraient. Le Corps de Pristina se chargeait de la
8 planification des missions, de la préparation des cartes et des ordres,
9 alors que la mise en œuvre de ces missions était le fait aussi bien de la
10 VJ et du MUP ensemble. De plus, Cvetic a déclaré qu'en mars 1999 Lukic
11 avait donné pour instruction qu'on trouve des volontaires -- qu'on engage
12 ces volontaires pour les incorporer dans les opérations du MUP au cours du
13 conflit au Kosovo. La Chambre note d'autre part qu'en 1998, cela ressort
14 des éléments de preuve qui ont été présentés, Lukic était tout au moins au
15 courant du fait que l'on distribuait des armes à la population qui n'était
16 pas albanaise et il était favorable à cet état de fait et à cette évolution
17 qui a été le fait de la police locale.
18 La Chambre de première instance rappelle l'argument présenté par la
19 Défense selon lequel Lukic était le moins important de tous les
20 participants au commandement conjoint et que comme l'a déclaré Vasiljevic :
21 "C'était la dernière roue du carrosse." La Chambre de première instance
22 estime que cet élément de preuve ne contredit pas forcément l'affirmation
23 de l'Accusation selon laquelle Lukic participait au commandement conjoint.
24 C'est plutôt un élément qui indique justement qu'il participait au
25 commandement conjoint.
26 La Chambre de première instance a entendu le Témoin Bozidar Protic
27 déclarer que Lukic avait participé au transfert des corps d'Albanais du
28 Kosovo dans des charniers situés en Serbie et que cette opération avait été
Page 12816
1 menée de manière clandestine. De plus, un grand nombre d'éléments de preuve
2 a été présenté par des témoins, tel que Karol Drewienkiewicz et Shaun
3 Byrnes, élément qui montre que Lukic avait connaissance des crimes commis
4 en 1998. Au cours de cette période, il a été informé par des observateurs
5 internationaux au quotidien pratiquement de l'emploi excessif de la force
6 par les unités de la police du Kosovo, qui chassaient les Albanais du
7 Kosovo de leurs villages et détruisaient leurs biens. La Chambre de
8 première instance a également entendu des témoins lui expliquer que le MUP
9 avait un système de compte rendu tout à fait bien développé comme on le
10 voit dans l'ordre en date du 21 octobre 1998, adressé à tous les chefs du
11 SUP et qui évoque la mission de vérification au Kosovo; il y a également
12 une note du 15 février 1999 adressée à tous les OUP de Podujevo, Lipljan,
13 Glogovac, Koljevic Polje, et Obilic, sans oublier le procès-verbal d'une
14 réunion de l'état-major du MUP de Pristina qui s'est tenue le 17 février
15 1999.
16 La Chambre de première instance dispose de suffisamment d'éléments de
17 preuve indiquant que pendant la période visée à l'acte d'accusation, il
18 existait au sein du MUP un système qui permettait de faire respecter la
19 discipline et la loi. Ceci on peut le voir en examinant la loi sur les
20 Affaires intérieures, le décret sur la responsabilité disciplinaire du
21 ministère de l'Intérieur, et le code pénal de la RFY. De plus, le décret
22 portant sur les Affaire intérieures en déclaration préalable de guerre,
23 délivré le 7 avril 1999 par Milutinovic, montre que ce système
24 disciplinaire existait également pendant la guerre. En dépit de ces
25 dispositions, la Chambre de première instance a entendu le Témoin Cvetic
26 déclarer qu'alors qu'il était à la tête du SUP de Kosovska Mitrovica, il
27 n'a jamais entendu parler d'aucun cas de policier qui aurait fait l'objet
28 de poursuite pour avoir commis des crimes graves contre les Albanais du
Page 12817
1 Kosovo.
2 Tous ces éléments de preuve sont susceptibles d'amener à la
3 conclusion que Lukic de par ses faits et de par ses omissions en tant que
4 chef de l'état-major du MUP au Kosovo et en tant que membre du commandement
5 conjoint, a contribué de manière intensionnelle à l'entreprise criminelle
6 commune. Ces mêmes éléments de preuve peuvent permettre de mettre en cause
7 la responsabilité de Lukic en tant que commandant au titre de l'article
8 7(3) étant donné qu'il n'a empêché que ses subordonnés ne commettent des
9 crimes ou punit les mêmes subordonnés, nous avons déjà parlé des éléments
10 de preuve dont il est question. Même si Lukic n'avait pas connaissance des
11 crimes précis commis par les forces du MUP, comme l'affirme la Défense,
12 dans le cadre de cette décision 98 bis, nous estimons qu'il existe
13 suffisamment d'éléments de preuve indiquant qu'il avait connaissance ou
14 qu'il avait été informé de ces crimes graves qui étaient commis ou qui
15 étaient susceptibles d'être commis ou qu'il n'a pas pris les mesures
16 nécessaires pour empêcher que ces crimes ne soient commis ou pour
17 sanctionner les auteurs.
18 Par ces motifs et en application des articles 54 et 98 bis du
19 Règlement de procédure et de preuve, la Chambre de première instance
20 rejette les requêtes.
21 Ceci met un terme à ce stade précis du procès. Le procès qui va
22 maintenant être suspendu jusqu'au 22 juin, date de la Conférence préalable
23 à la présentation des moyens à décharge.
24 --- L'audience est levée à 16 heures 26 et reprendra le vendredi 22 juin
25 2007, à 9 heures 00.
26
27
28