Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 7 août 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Professeur.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais juste vous rappeler un point

9 comme on le fait à l'intention de tous les témoins. La déclaration

10 solennelle que vous avez prononcée au début de votre témoignage, lorsque

11 vous vous êtes engagé à dire la vérité, cette déclaration s'applique

12 toujours.

13 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, vous avez la parole.

16 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

17 Interrogatoire principal par M. Zecevic : [Suite]

18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur.

19 R. Bonjour.

20 Q. Comment allez-vous ?

21 R. Bien, merci.

22 Q. Dans le cadre de vos réponses hier, à un moment donné les Juges de la

23 Chambre nous ont demandé de commander l'intercalaire 26, 1D639. Il s'agit

24 d'une décision de la Cour constitutionnelle portant sur des questions que

25 nous n'avons pas pu tirer au clair hier, à l'intercalaire 26. Professeur,

26 je vais vous inviter à examiner le point 3 de la décision.

27 R. Oui, je le vois.

28 Q. Au point 3 : "On rejette la demande de mettre fin à l'exécution d'actes

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1 individuels et d'actions entreprises conformément à l'article 1 de la

2 décision." On entend par là les termes de la loi --

3 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je présente mes excuses aux

4 interprètes.

5 Q. Je vais en donner lecture de nouveau.

6 "On rejette la demande afin de mettre fin à la mise en œuvre des actes

7 individuels et des actions entreprises conformément aux dispositions de la

8 loi au point 1 de la décision."

9 Le point 1, la décision énumère les dispositions de la loi qui ont été

10 déclarées non-constitutionnelles. Est-ce bien cela, Monsieur le Professeur

11 ?

12 R. Oui, c'est cela. C'est ce qui se figure dans le dispositif de la

13 décision de la Chambre.

14 Q. A la page suivante dans les motifs, c'est le troisième paragraphe avant

15 la fin de la décision. Dans l'exposé des motifs, la Cour constitutionnelle

16 dit : "La proposition visant à mettre fin --" c'est le troisième paragraphe

17 avant la fin. "La proposition de mettre fin à l'exécution des actes

18 individuels et des actions entrepris sur la base des dispositions

19 litigieuses de la loi ont été rejetés par la cour comme au point 3 de la

20 décision puisque, en l'espèce, la décision de la cour est finale,

21 définitive."

22 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, commenter ce que signifie le

23 fait de prendre une décision définitive ?

24 R. Lorsqu'une décision est définitive, une décision prise par la cour,

25 cela signifie c'est la fin du processus, qu'on a apporté une réponse

26 définitive à la question portant sur la constitutionnalité des dispositions

27 de la loi. Donc, en prenant ces décisions définitives, la cour a estimé que

28 les dispositions en question n'étaient pas constitutionnelles, et que pour

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1 cette raison-là à l'avenir elles ne pouvaient plus être appliquées.

2 Q. Je vous remercie, Monsieur le Professeur.

3 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

4 les Juges, je ne sais pas si cette réponse vous satisfait. Est-ce que vous

5 souhaitez que j'explore la question davantage ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, je pense que nous avons fini par

7 comprendre ceci hier, vers la fin de nos travaux, mais je vous remercie de

8 l'avoir abordée. Allez de l'avant.

9 M. ZECEVIC : [interprétation]

10 Q. Revenons maintenant à la constitution de la Serbie, intercalaire 5,

11 P855. Il nous reste encore trois articles à commenter, trois articles que

12 nous n'avons pas eu le temps de voir hier. Article 87, Professeur, pouvez-

13 vous nous commenter cet article, s'il vous plaît.

14 R. Dans l'article 87, on régit la fin du mandat du président de la

15 république avant l'expiration du terme pour lequel il a été élu. Ce mandat

16 peut se terminer par deux moyens. Premièrement, le président peut donner sa

17 démission, c'est lui qui le choisit; et le deuxième mode, c'est que le

18 corps électoral mette fin à son terme. C'est le corps électoral qui choisit

19 cette fois-ci.

20 Pour ce qui est de la démission, c'est un acte individuel du président de

21 la république, et il présente sa démission au président de l'assemblée

22 populaire et on informe le public. Il n'est pas nécessaire que l'assemblée

23 populaire constate que le président de la république a démissionné pour que

24 son mandat s'arrête. Par le fait même de présenter sa démission, le

25 président connaît la fin de son mandat. Son mandat s'arrête ipso facto.

26 Pour ce qui est du deuxième mode, par la volonté du corps électoral, c'est

27 quelque chose qui est régit à l'article 88. L'article 87, quant à lui,

28 précise qui entre en fonction en tant que président de la république en

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1 exercice jusqu'à l'élection du nouveau président.

2 Q. Merci, Professeur. Vous venez de mentionner l'article 88. L'article 88

3 précise que : "Le président de la république répond devant les citoyens de

4 la République de Serbie." C'est l'alinéa 1. Est-ce que vous pourriez nous

5 le commenter et commenter le reste de l'article ? Comment est-ce qu'on doit

6 le comprendre ?

7 R. L'alinéa premier signifie que lorsqu'il s'agit de la révocation du

8 président de la république, ce sont les citoyens qui ont le dernier mot,

9 ceux qui l'ont élu. Le président de la république est élu aux suffrages

10 directs. Il n'est pas élu par le parlement. Il n'est pas élu par un collège

11 d'électeurs spécifiques comme dans certains pays. Il est élu en revanche

12 par des citoyens lors d'un suffrage direct. Un mandat ne peut être retiré à

13 un fonctionnaire que par celui qui le lui a conféré initialement, et par

14 conséquent ce sont les citoyens, les électeurs, qui décident de la

15 révocation du président de la république.

16 Cela étant dit, l'assemblée populaire en s'exprimant par la majorité

17 des deux tiers doit constater précédemment que le président a violé la

18 constitution. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là donc, si l'assemblée a

19 pris cette décision, la décision de révoquer le président de la république.

20 En dernière instance, ce sont les électeurs qui se prononcent de manière

21 directe. Le président de la république est révoqué si dans le cadre du vote

22 une majorité des inscrits sur les listes électorales se prononcent pour sa

23 révocation. Donc, c'est une majorité absolue des électeurs qui est

24 nécessaire. Dans le cas de figure où les électeurs ne votent pas la

25 révocation du président, l'assemblée populaire voit son mandat terminé ex

26 constitutio, donc par la force de la constitution. Cette solution qui a été

27 adoptée est très semblable à celle adoptée dans la constitution de Weimar

28 de l'Allemagne de 1919.

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1 Q. Merci, Professeur. Précisons, s'il vous plaît. Lorsque l'assemblée

2 populaire apprécie et estime que le président a violé la constitution, elle

3 initie une procédure. Cette procédure se passe auprès des mêmes électeurs

4 qui ont donné leurs voix à ce président lors des élections. Donc, le

5 président est responsable devant les citoyens de la Serbie. Il n'y a pas un

6 autre mode de responsabilité du président par lequel la responsabilité du

7 président est engagée devant les citoyens, le seul est celui que nous

8 venons de mentionner ?

9 R. Oui. Le président répond devant les citoyens, mais d'un point de vue

10 politique, il répond aux citoyens. Si les citoyens n'étaient pas satisfaits

11 du travail, de l'exercice du président, s'il se présentait comme candidat

12 aux élections présidentielles une deuxième fois, s'il n'a pas encore un

13 deuxième mandat, ils ne vont pas le réélire. Mais ce n'est pas une

14 responsabilité formelle.

15 Le seul mécanisme formel par lequel la responsabilité du président est

16 engagée devant les citoyens, c'est celui qui est prévu à l'article 88. Un

17 tiers des députés au parlement peuvent poser la question de la

18 responsabilité du président de la république. Suite aux débats, on juge si

19 le président a violé la constitution ou non. Si les deux tiers des députés

20 estiment que tel a été le cas, à ce moment-là un vote est organisé et il y

21 a révocation du président par la décision de la majorité des électeurs

22 inscrits.

23 Q. Ainsi donc --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, ce que ceci ne s'est

25 jamais produit ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci ne s'est jamais produit jusqu'à présent.

27 Cela ne s'est pas produit parce qu'à partir de 1990, la constitution

28 n'était plus en vigueur. Jusqu'en 2006, ceci ne s'est pas produit, même si

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1 on a posé la question de la responsabilité du président au sein de

2 l'assemblée. Mais il n'y a jamais eu une majorité des deux tiers de députés

3 estimant que le président a violé la constitution.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans la transcription, on voit qu'il

5 s'agit d'une période allant de 1999 jusqu'en 2006, mais en fait vous voulez

6 dire 1990 jusqu'en 2006. Est-ce exact ?

7 M. ZECEVIC : [interprétation] Le Professeur a dit "1990."

8 LE TÉMOIN : [interprétation] 1990.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous citer un ou deux

10 exemples des questions qui ont été posées, des questions litigieuses

11 lorsque la responsabilité du président a été mise en question ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je ne vous

13 ai pas très bien compris.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que la question de la

15 responsabilité du président a été posée au sein de l'assemblée, mais que

16 jamais une majorité des deux tiers des députés n'a estimé que le président

17 a bel et bien violé la constitution. Pourriez-vous me citer un exemple ?

18 Quels sont les arguments qui ont été avancés disant que le président avait

19 violé la constitution ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Les arguments, ce n'était pas cela qui a posé

21 problème dans cette procédure. Ces arguments ne s'appuyaient jamais sur des

22 articles précis de la constitution disant que le président de la république

23 aurait violé tel ou tel article de la constitution. En revanche, on

24 avançait des arguments plutôt en bloc, des arguments politiques, articulés

25 de manière politique. Cela s'entend, c'était l'opposition qui posait cette

26 question toujours au sein de l'assemblée. Elle cherchait à obtenir des

27 résultats politiques. Elle était consciente du fait qu'elle ne pouvait pas

28 s'appuyer sur la constitution, qu'elle ne trouverait pas la preuve de ce

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1 qu'elle avançait sur la responsabilité du président de la république.

2 Encore aujourd'hui, au sein de l'assemblée populaire, on voit que la

3 question de la responsabilité du président vient d'être engagée, mais cette

4 procédure n'est qu'à ses débuts, et le président de la république se voit

5 reprocher la politique qui aurait été la sienne vis-à-vis du Kosovo-

6 Metohija.

7 Je pense que c'est le Parti radical serbe qui a posé la question, donc un

8 tiers des députés a lancé cette procédure à l'assemblée populaire. Je

9 n'arrive pas à me rappeler une situation précédente, mais cette initiative

10 ne s'est jamais appuyée sur des articles précis de la constitution. C'était

11 toujours en termes très généraux politiques qu'elle s'est exprimée. Ce

12 n'était pas articulé juridiquement.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etait-ce jamais formulé dans le cadre

14 du serment prêté par le président avant d'entrer en fonction, par rapport à

15 cet engagement contenu dans le serment ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils n'ont jamais cité les dispositions de

17 la constitution et pas plus que les dispositions de l'article 86 qui

18 comporte le texte du serment prêté par le président de la république.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez cité un exemple qui concerne

20 le Kosovo-Metohija. Cela ne s'est-il pas passé en fonction de la nouvelle

21 constitution, et non pas la constitution de 1990 ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Cette question s'est posée

23 précisément par rapport au terme de la nouvelle constitution, mais la

24 question de la responsabilité --

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais hier, n'avez-vous pas dit que

26 ceci figurait maintenant dans le serment prêté par le président, qu'il

27 ferait en sorte de s'assurer que le Kosovo-Metohija reste partie intégrante

28 de la Serbie ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, mais il existe une disposition explicite

2 dans le texte de la constitution, dans le préambule de la constitution,

3 disant que le Kosovo-Metohija constitue partie intégrante de la République

4 de Serbie, et dans la suite de la constitution de 2006, dans la partie qui

5 porte sur les provinces autonomes, ceci est repris. Donc la formulation que

6 le Kosovo-Metohija fait partie de la République de Serbie ne figure pas

7 uniquement dans le serment prêté par le président, mais figure également

8 dans le préambule de la constitution. Je n'ai pas ici le texte de la

9 constitution, mais cela figure dans un article de la constitution qui

10 précise explicitement ceci.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

12 Maître Zecevic.

13 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Q. Professeur, pour en terminer au sujet de l'alinéa premier de l'article

15 88 de la constitution de la Serbie de 1990, d'après votre interprétation,

16 il convient de comprendre l'alinéa premier dans le contexte de l'ensemble

17 des alinéas et des dispositions de l'article 88; c'est bien cela ?

18 R. Oui. Dans son ensemble, l'article 88 parle de révocation du président

19 de la république. C'est le premier alinéa de cet article qui exprime la

20 substance de la révocation. Ce sont les citoyens qui en décident, les mêmes

21 qui ont élu le président de la république.

22 Q. Je vous remercie. Professeur, dans votre rapport d'expert au point 311

23 à 313, vous parlez de l'article 89. Il s'agit d'une compétence qui est

24 conférée au président lui permettant de décider de dissoudre l'assemblée

25 populaire. Est-ce que vous pourriez nous commenter l'article 89 de la

26 constitution, s'il vous plaît ?

27 R. La substance de cet article est de dire que le président de la

28 république ne peut pas dissoudre l'assemblée parlementaire de son propre

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1 chef. Il ne peut le faire que sur une proposition raisonnée fournie par le

2 gouvernement. A partir de ce moment-là, il dispose d'un pouvoir

3 discrétionnaire lui permettant de dissoudre ou de ne pas dissoudre

4 l'assemblée populaire. Ce qui est important, c'est qu'il ne peut pas le

5 faire de son propre chef, de sa propre initiative. La constitution à

6 l'alinéa 3 de cet article prévoit que ce n'est pas des situations

7 exceptionnelles que l'on peut dissoudre l'assemblée en situation de guerre,

8 situations exceptionnelles, situations de danger imminent de guerre. Ceci

9 nous permet de voir que la question de la dissolution de l'assemblée

10 populaire relève d'une compétence conjointe du gouvernement et du président

11 de la république. Le gouvernement, quant à lui, soumet une proposition;

12 sans sa proposition, la dissolution de l'assemblée n'est pas possible. Le

13 président à son tour, sur proposition du gouvernement, le président de la

14 Serbie, décide si oui ou non il va dissoudre l'assemblée populaire.

15 Q. Lorsqu'il est question de proposition raisonnée fournie par le

16 gouvernement, que doit-on entendre par là ?

17 R. La constitution de 1990 ne ressemble pas à certaines autres

18 constitutions de par le monde, elle n'énumère pas les motifs, les raisons

19 permettant de dissoudre l'assemblée parlementaire, mais ceci signifie une

20 obligation pour le gouvernement. Donc le gouvernement, lorsqu'il propose

21 cette dissolution, doit citer les raisons pour lesquelles il le souhaite.

22 L'assemblée, il est arrivé qu'elle soit dissoute de par le passé par deux

23 reprises, me semble-t-il. La dernière fois c'était en l'an 2000. C'était au

24 sujet de la mise en application de l'accord politique sur les élections

25 anticipées, et les arguments du gouvernement étaient de dire que les

26 rapports de force politiques étaient modifiés suite à l'élection du

27 président de la république.

28 Q. Vous entendez par là ?

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1 R. Je veux dire que le gouvernement est tenu de citer les raisons pour

2 lesquelles il demande cela. Le gouvernement doit être convaincant dans ses

3 raisons.

4 Q. Merci, Professeur. Vous avez dit après les élections du président de la

5 république, vous pensiez au président de la république fédérale, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Oui, au président de la république fédérale, bien sûr. Je pensais aux

8 élections qui ont eu lieu en septembre 2000.

9 Q. Merci, Professeur. Le dernier article de la constitution que j'aimerais

10 vous soumettre pour obtenir vos commentaires est l'article qui porte sur

11 les propositions d'amendement à la constitution, article 2. Dans les

12 paragraphes 223 et 224 de votre rapport d'expert, vous abordez ce point,

13 donc je vous prierais de bien vouloir nous donner un bref commentaire à ce

14 sujet.

15 R. Selon l'article 132, paragraphe 1, le président de la république est

16 l'une des sources possibles d'un projet d'amendement de la constitution. Il

17 existe quatre sources possibles. D'abord, un minimum de 100 000 électeurs;

18 deuxièmement, un minimum de 50 députés; troisièmement, le président; et

19 quatrièmement, le gouvernement. Donc, le président de la république a la

20 possibilité de prendre l'initiative eu égard à une demande d'amendement de

21 la constitution. Ce qui est intéressant c'est que le président de la

22 république ne dispose pas de cette possibilité dans le cadre de la

23 législation. Ce n'est pas une initiative législative dont il bénéficie.

24 Dans les conditions que je viens d'indiquer, il peut tout de même proposer

25 une modification de la constitution. Ceci se retrouve à l'article 5 de la

26 constitution de la République française de 1958, qui stipule que le

27 président de la république ne jouit pas d'un droit législatif de demander

28 un amendement de la constitution, mais qu'il peut le faire de sa propre

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1 initiative. Cela étant, il ne s'agit que d'une initiative. Savoir si la

2 constitution va être amendée ou pas, ceci dépend d'une décision prise par

3 l'assemblée nationale à la majorité qualifiée des deux tiers.

4 C'est seulement après ce vote à la majorité qualifiée de l'assemblée

5 nationale que l'amendement à la constitution est adopté par voie de

6 référendum, après obtention de la majorité des voix du corps électoral,

7 c'est-à-dire des citoyens inscrits sur les listes électorales. Il faut que

8 se prononce la majorité du corps électoral, et c'est par cette décision que

9 l'assemblée nationale va ensuite entériner l'amendement de la constitution.

10 Q. Merci, Professeur. Nous venons, si je ne m'abuse, de passer en

11 revue toutes les attributions du président de la république en vertu de la

12 constitution de Serbie.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez,

14 il y a un point sur lequel j'aimerais revenir, si vous me permettez.

15 Professeur, vous nous avez donné un exemple de l'un des deux cas où

16 l'assemblée nationale a été dissoute, et vous avez dit que ceci s'était

17 passé en 2000, et l'explication fournie par le gouvernement a consisté à

18 dire que ceci était nécessaire en raison de la nouvelle répartition des

19 pouvoirs politiques suite à l'élection du président de la république, à

20 savoir le président de la RFY. Je ne voudrais pas rentrer dans tous les

21 détails de cette question, mais je vous demanderais, si possible, de me

22 fournir une réponse simple à ma question, qui est la suivante.

23 Ceci permettrait de penser que le président de la république fédérale

24 jouissait des droits politiques les plus importants. Dans ce sens, est-ce

25 que sa position était très différente de celle du président de la

26 République de Serbie s'agissant des pouvoirs allant de pair avec la

27 fonction ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] En 2000, l'assemblée nationale a été dissoute

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1 après la proposition du gouvernement, car le gouvernement estimait que

2 l'assemblée nationale et le gouvernement d'ailleurs avaient perdu leur

3 légitimité en raison de la modification des rapports des forces politiques

4 dans la société, et ceci avait également pour but de faire passer un accord

5 politique dont il sera certainement question ici plus tard.

6 S'agissant maintenant de la position du président de la république au

7 sein de la fédération, la différence dont vous parlez réside surtout dans

8 la façon, dans les modalités justifiant de mettre un terme au mandat du

9 président de la république fédérale et du président de la Serbie. En effet,

10 selon la constitution de 1992, c'est le parlement qui élisait les

11 présidents de la république fédérale et non les électeurs. Ceci était dû au

12 fait qu'il y avait un grand déséquilibre dans l'importance numérique du

13 corps électoral de la Serbie et du Monténégro, qui étaient les deux seules

14 unités fédérales au sein de la fédération. Donc, nous parlons dans ce cas

15 précis d'une fédération composée de deux unités fédérales dont l'une était

16 largement plus importante sur le plan numérique que l'autre. Ce qui, bien

17 entendu, en cas d'élections, aurait créé le risque d'une majorité

18 automatique sur l'une des deux unités.

19 Pour éviter cela, le choix du président de la république a été confié

20 à l'assemblée fédérale, au parlement donc, qui se composait de deux

21 chambres, la Chambre des citoyens, où tous les citoyens étaient représentés

22 indépendamment de leur pourcentage au sein de chacune des unités fédérales;

23 et une deuxième chambre, la chambre des républiques, où les deux unités

24 fédérales étaient représentées sur base de parité. Ceci a été le seul moyen

25 d'éviter la majorité automatique d'une unité fédérale sur l'autre.

26 S'agissant maintenant des pouvoirs impartis au président, il est

27 difficile d'évaluer exactement les pouvoirs d'un président par rapport à

28 l'autre. Il est possible que le président de la république ait même eu des

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1 pouvoirs supérieurs au président de la fédération, car sur le point

2 subjectif, c'était l'Etat fédéral qui était l'entité prise en compte en

3 droit international, et c'était également l'entité qui disposait des forces

4 armées. Donc, le président de la fédération nommait à leur poste les

5 ambassadeurs et autres représentants diplomatiques, ce que le président de

6 la République de Serbie ne pouvait faire. Le président fédéral commandait

7 également l'armée yougoslave en vertu d'une décision du conseil suprême de

8 la Défense. C'est également lui qui avait toute responsabilité eu égard à

9 la nomination à leur poste des généraux de l'armée yougoslave, des juges de

10 la Cour suprême et des procureurs militaires, toute attribution qui n'était

11 pas celle du président de la République de Serbie.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

13 Je vous rends la parole, Maître Zecevic.

14 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Q. Professeur, les pouvoirs impartis au président en vertu de la

16 constitution de Serbie, intercalaire 5, pièce P855, regroupent les 12

17 pouvoirs que l'on voie détailler à l'article 83, et que nous avons

18 détaillés lors de la présentation PowerPoint numéro 1, que l'on retrouve à

19 la pièce IC131.

20 Nous avons également parlé de l'article 84, qui porte sur le droit de veto;

21 nous avons parlé de l'article 85, qui décrit le pouvoir du président

22 d'interroger le gouvernement sur ses positions et de l'informer; nous avons

23 parlé de l'article 89, qui porte sur le pouvoir du président de dissoudre

24 l'assemblée; et nous avons parlé de l'article 132, qui décrit les pouvoirs

25 de proposer un amendement à la constitution. Tous ces éléments constituent

26 bien l'ensemble des pouvoirs dont le président est investi, ou en vertu de

27 la constitution de 1990, n'est-ce pas ?

28 R. Oui. Tous les pouvoirs du président de la république sont décrits aux

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1 articles, 83, 84, 85, 89 et 132, alinéa 1.

2 Q. Merci, Professeur. Dans votre rapport d'expert vous avez cité le Dr

3 Djindjic, décédé aujourd'hui, qui était à l'époque le premier opposant de

4 Serbie, devenu plus tard premier ministre de Serbie. On en trouve mention à

5 l'intercalaire 45, pièce 1D635. Vous avez cité une déclaration qu'il avait

6 faite au quotidien Blic, le 30 octobre 1997, dans lequel Dr Djindjic, en

7 tant que premier représentant de l'opposition, décrit sa façon de voir les

8 pouvoirs dont le président de la Serbie est investi, intercalaire 45,

9 Professeur.

10 R. Oui, je l'ai trouvé.

11 Q. En page 2, feu Zoran Djindjic dit ce qui suit, et je cite -- ou plutôt,

12 j'indique qu'une question lui est posée par rapport à la proposition de

13 faire de lui un candidat aux élections présidentielles représentant un

14 parti qui boycottait les élections. Répondant à cette question, il déclare,

15 entre autres, qu'il devrait être élu sur la base d'une consultation

16 électorale susceptible de démontrer la nature, les qualités exactes que

17 l'opposition démocratique exige d'un président de la Serbie. Mais il ajoute

18 qu'il importe de garder à l'esprit que le président de la république jouit

19 d'un nombre si limité de pouvoirs qu'il est permis de résumer sa fonction

20 comme étant une fonction symbolique.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, je crois que nous

22 pouvons lire nous-mêmes cette interview. Il en est fait état dans le

23 rapport d'expert, et l'intercalaire que vous êtes en train de passer en

24 revue étaye manifestement ce qui figure dans le rapport. A moins qu'il y

25 ait contestation, bien entendu, je pense qu'il n'est pas indispensable que

26 nous nous penchions sur ce document en cet instant.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

28 Q. Professeur, vous êtes d'accord avec cet avis, n'est-ce pas ? Etes-vous

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1 d'accord avec ce que vient de dire feu M. Djindjic ?

2 R. Manifestement, je suis d'accord. D'ailleurs, c'est ce qui ressort de

3 l'analyse que nous avons faite hier ici, même oralement, et qui figure par

4 écrit dans mon rapport.

5 Q. Vous évoquez votre conclusion au paragraphe 238 de votre rapport

6 d'expert, où vous dites que le président se contente de représenter la

7 République de Serbie en exprimant son unité en tant qu'Etat, mais sans

8 jouir de quelque pouvoir que ce soit sur le plan législatif, judiciaire ou

9 exécutif, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est cela. C'est ce qui ressort de l'article 9 de la constitution

11 de Serbie, où le président de Serbie n'est investi d'aucun pouvoir de

12 décisions sur le plan gouvernementale. A l'article 9, nous lisons que le

13 pouvoir législatif incombe à l'assemblée nationale, que le pouvoir exécutif

14 incombe au gouvernement, que le pouvoir judiciaire incombe aux tribunaux,

15 que la Cour constitutionnelle se prononce sur les aspects constitutionnels

16 ou non, respectueux de la loi ou non, conformément aux dispositions de la

17 constitution, et que le président de la république représente la République

18 de Serbie, et exprime l'unité de la Serbie en tant qu'Etat. Donc, le

19 président de la République de Serbie n'est investi d'aucun pouvoir lui

20 permettant d'agir, et ce, en vertu des dispositions de la constitution.

21 Q. Merci, Professeur. Nous allons maintenant parler du rapport qu'a le

22 président de la république avec les autres organes de l'Etat.

23 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais une

24 précision.

25 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Le pouvoir d'émettre des décrets est

27 un pouvoir législatif, n'est-ce pas ? Donc, le président de la république

28 n'exerce pas ce pouvoir ?

Page 12980

1 M. ZECEVIC : [interprétation]

2 Q. Professeur, est-ce que vous pourriez répondre à la question de M. le

3 Juge Chowhan ?

4 R. C'est le gouvernement qui est investi du pouvoir d'émettre des décrets,

5 mais uniquement aux fins de permettre l'application des lois, comme ceci

6 est déterminé à l'article 90, paragraphes 1 et 2 de la constitution.

7 L'article 90 montre que le gouvernement peut émettre des décrets uniquement

8 dans le but de faire appliquer les lois, et pas pour réglementer les

9 relations sociales en tant que telles. Ceci est stipulé de la façon la plus

10 claire qu'il soit. Par ailleurs, ce même article 90 stipule que le

11 gouvernement a d'autre pouvoir dans le domaine exécutif.

12 Q. Si je peux aider à une meilleure compréhension des Juges, je me

13 permettrais d'indiquer que la question que vient de vous poser M. le Juge

14 Chowhan portait sur le pouvoir qu'avait ou n'avait pas le président

15 d'émettre des décrets. Il était question de la possibilité pour le

16 président d'émettre des décrets dans le cadre d'un pouvoir législatif.

17 R. Excusez-moi. Je pensais qu'on parlait de "décret". Il semble que l'on

18 parle d'ordonnances, en fait. Si l'on parle d'ordonnances, ce sont des

19 actes déclaratifs uniquement. J'en ai parlé hier. Ce sont des documents qui

20 se contentent de constater quelque chose qui a déjà eu lieu et, ce faisant,

21 on prend en compte les conséquences de tels actes en vertu des dispositions

22 de la constitution.

23 Dire qu'un vote de l'assemblée donne lieu à l'adoption d'une loi est

24 conforme à la constitution dans le cas où le mandat de l'assemblée a expiré

25 ou dans le cas où l'assemblée a été dissoute par les pouvoirs responsables,

26 par exemple, le gouvernement fédéral selon les dispositions de la

27 constitution de 1992. En général, les ordonnances sont des documents

28 spécifiques. Ce ne sont pas des documents généraux. Nous en avons déjà

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1 parlé hier. Nous parlons d'ordonnances ou d'arrêter relatifs à la

2 nomination des ambassadeurs, à la promotion ou à la nomination ou à la

3 révocation de responsables officiels, et ce sont également ces documents

4 qui permettent de diffuser des déclarations ou d'accorder, par exemple, une

5 grâce. Ce sont des documents administratifs de nature assez générale.

6 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous

7 souhaitez que je poursuive ?

8 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez manifesté

9 un grand intérêt pour cette question, mais qu'en est-il de l'article 84 ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] L'article 84 --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, je vous prie.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Il y a encore un point que je n'ai

14 pas compris très précisément. Je parlais en fait des décrets. Je parlais du

15 pouvoir éventuel du président d'émettre des décrets dans le cadre d'un

16 pouvoir législatif ou pas. Je souhaitais obtenir quelques explications

17 complémentaires sur ce point, mais je ne voulais pas abuser notre temps sur

18 ce sujet.

19 M. ZECEVIC : [interprétation]

20 Q. Professeur, est-ce que vous avez compris la question posée par M. le

21 Juge Chowhan ? Je suppose que le décret auquel il pense porte en

22 particulier sur les décrets émis par le président en temps de guerre en

23 vertu de la constitution de Serbie. Ceci est décrit à l'article 83,

24 paragraphe 7 de la constitution. Pourriez-vous apporter quelques

25 explications complémentaires sur ce paragraphe 7 ?

26 R. Nous l'avons déjà discuté hier. En effet, c'est dans un cas de ce genre

27 qu'il y a rupture du pouvoir, car la situation est extraordinaire.

28 L'assemblée nationale dans ces conditions ne peut pas se réunir, et le

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1 président de la république agit sur proposition du gouvernement. C'est le

2 gouvernement qui rend officiellement la décision. Le président se

3 contentant de la confirmer. Mais il est la source officielle de

4 l'initiative qu'il a menée à cette décision. Cela étant, c'est le

5 gouvernement qui confirme la décision.

6 Tout dépend de la durée de la guerre ou de l'état de guerre

7 imminente. Ensuite, le président de la république, comme nous l'avons vu

8 hier, est tenu de se présenter devant l'assemblée nationale pour obtenir

9 confirmation de son décret. L'assemblée nationale décide si ce décret va

10 continuer à être en vigueur, ou va cesser d'être en vigueur, une fois que

11 l'état de guerre n'a pris cours. Mais une fois confirmés par l'assemblée

12 nationale, ces décrets acquièrent force de loi et ne sont plus des décrets

13 émanant du président de la république. Ils restent en vigueur à l'avenir.

14 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Professeur, nous allons maintenant, comme je l'ai annoncé tout à

17 l'heure, parler des rapports liant le président de la Serbie à d'autres

18 organes de l'Etat. Ceci figure au chapitre 3 de votre rapport d'expert, à

19 partir du point 3.1. J'aimerais éviter toute répétition. Vous avez expliqué

20 aux paragraphes 3.1 jusqu'à 3.13, quels sont les rapports liant le

21 président à l'assemblée nationale, à savoir que le président n'a aucun

22 droit à une quelconque initiative législative, que cela donne une

23 proposition écrite émanant du gouvernement à -- droit de dissoudre

24 l'assemblée après présentation des motifs par écrit, on le voit à l'article

25 89 de la constitution, le président jouit du droit de veto pendant une

26 durée de sept jours, article 84 de la constitution. Si l'assemblée vote

27 cette proposition, il est tenu de la promulguer.

28 J'espère que vous conviendrez avec moi qu'étant donné ce que dispose la

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1 constitution, les droits du président eu égard à l'assemblée nationale sont

2 exceptionnellement limités ?

3 R. C'est exact. Le président de la République jouit de droits minimaux par

4 rapport à l'assemblée. Puisque ce n'est même pas lui qui organise les

5 élections législatives. Il ne peut pas convoquer une séance de l'assemblée.

6 Il n'a aucun droit à une quelconque initiative législative. Finalement, il

7 ne lui reste que deux droits. L'un lié à l'adoption des lois, puisque dans

8 ce cas il joue d'un droit de veto; mais nous avons vu que ce veto était

9 très limité dans le temps. Une fois qu'un projet de loi s'est vu opposer le

10 veto du président, ce projet de loi peut repasser devant l'assemblée à

11 condition que deux tiers de l'assemblée le demandent, et s'il est adopté à

12 ce moment-là, le président doit l'accepter. Il a obligation de promulguer

13 la loi en question. Puis, dans ces conditions le président n'a donc plus

14 aucun autre recours.

15 Q. Merci, Professeur. S'agissant maintenant des rapports entre le

16 président et le gouvernement, puisque c'est le gouvernement qui est investi

17 des pouvoirs exécutifs en vertu de la constitution. Nous le voyons aux

18 paragraphes 314 à 320 de votre rapport d'expert qui traite de ce point.

19 Vous conviendrez sans doute avec moi que le président occupe une position

20 subordonnée par rapport au gouvernement; à savoir que ses pouvoirs

21 constitutionnels sont limités pour certains par le fait que le gouvernement

22 doit confirmer ou limiter un certain nombre d'initiatives de sa part. Pour

23 être plus précis, le président ne peut rien mettre en œuvre sans avoir au

24 préalable demandé au gouvernement son avis.

25 R. Précisément. Le président de la République n'a aucun pouvoir

26 constitutionnel vis-à-vis du gouvernement. Nous avons vu qu'il peut

27 proposer le nom d'un premier ministre, mais comme ceci a déjà été dit,

28 c'est une décision qui lui est imposée par le résultat des élections

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1 législatives. Une fois que le gouvernement est constitué, il n'a plus aucun

2 pouvoir sur le gouvernement. Il n'a pas pouvoir de présider les réunions du

3 gouvernement. Il n'a pas pouvoir de signer les décisions du gouvernement.

4 Il n'a pas pouvoir d'émettre des décrets. Il n'a pas pouvoir de décider de

5 la constitution ou du remaniement du gouvernement, des ministres et des

6 autres institutions gouvernementales. La seule chose qu'il peut faire c'est

7 de demander au gouvernement de s'expliquer sur certaines de ses positions,

8 c'est-à-dire de s'expliquer sur les compétences qui sont les siennes et la

9 façon dont il les applique.

10 Comme nous l'avons dit hier, le président a, étant donné la nature de sa

11 fonction, le droit de veiller à ce que le gouvernement remplisse bien les

12 responsabilités qui incombent de lui. Mais, il ne peut en aucun cas

13 exprimer une quelconque divergence par rapport à la position

14 gouvernementale. Il ne peut imposer aucune sanction au gouvernement. Il ne

15 peut pas demander qu'un représentant du gouvernement soit destitué et

16 remplacé à son poste. Le gouvernement exerce la majorité de ses relations

17 en rapport avec l'assemblée nationale. C'est l'assemblée nationale qui

18 forme le gouvernement et le gouvernement est responsable de son travail

19 devant l'assemblée nationale.

20 Q. Merci.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, tout cela est écrit dans

22 votre rapport. J'aimerais vous interroger au sujet de l'article 85. Quel

23 est son objectif ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] L'article 85 explique dans quelles conditions

25 le président de la République peut être informé du travail mené à bien par

26 le gouvernement. Comme nous l'avons vu, lorsque nous avons parlé des

27 relations liant le gouvernement au président, cet article vise sans doute à

28 décrire dans quelles conditions le président peut éventuellement exercer

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1 une certaine pression sur le gouvernement. L'opinion publique est informée

2 dès lors que le président interroge le gouvernement sur la façon dont ce

3 dernier applique sa politique dans tel ou tel domaine. Autrement dit, en

4 agissant de la sorte le président mobilise l'opinion publique pour obtenir

5 du gouvernement qu'il fasse diligence dans l'application de certaines de

6 ses compétences.

7 Voilà à mon avis quel peut être le but de l'article 85. Je ne vois rien

8 d'autre. Le président n'étant investi d'aucun pouvoir en tant que tel. Le

9 président de la République n'est investi d'aucun pouvoir officiel lui

10 permettant d'influer sur les positions prises par le gouvernement qui est

11 totalement autonome dans ses décisions et qui n'est responsable de sa

12 politique, notamment législative, que devant l'assemblée nationale.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

14 A vous, Maître Zecevic.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce qu'il existe une jurisprudence

17 eu égard à l'interprétation de l'article 85 par une Cour constitutionnelle

18 éventuellement ?

19 M. ZECEVIC : [interprétation]

20 Q. Professeur, est-ce que vous pourriez répondre à la question posée par

21 M. le Juge Chowhan ?

22 R. Pour autant que je le sache, il n'existe pas de jurisprudence dans ce

23 domaine. La Cour constitutionnelle de Serbie a été assez handicapée dans

24 son fonctionnement, car elle n'a pas fonctionné convenablement puisqu'elle

25 ne disposait pas du nombre de juges nécessaires pour se faire. Même sur le

26 plan pratique, la Cour constitutionnelle n'existe que sur le papier. Elle

27 n'a pas été encore constituée en tant que telle.

28 Q. Professeur, une conclusion brève si vous voulez bien. Si j'ai bien

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1 compris l'article 85 de la constitution, celui-ci ne dispose pas d'un

2 quelconque rapport hiérarchique entre le président de la république et le

3 gouvernement; donc le président ne jouit d'aucun pouvoir sur le

4 gouvernement en dehors de sa possibilité d'interroger le gouvernement sur

5 la façon dont il met en œuvre certaines de ces décisions ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, nous vous remercions

7 beaucoup dans le cadre de votre travail de défense de M. Milutinovic,

8 d'avoir préparé une liste de témoins qui est très limitée en vous

9 concentrant sur certains domaines. Cependant, même en prenant ceci en

10 compte, nous ne pouvons pas vous laisser répéter ad infinitum ce qui a déjà

11 été dit. Nous sommes conscients des intérêts de tous ceux qui sont présents

12 ici. Nous n'avons pas un temps illimité à notre disposition. Essayez de ne

13 pas faire répéter par le témoin des réponses qui étaient par ailleurs

14 limpides.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] J'ai bien compris, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur le Témoin, je pense que la meilleure façon de procéder, c'est

17 sans doute de regarder un certain nombre de cas de figure. On va commencer

18 la pièce P1862, intercalaire 14, la loi sur le gouvernement, article 19 qui

19 porte sur les informations fournies par le gouvernement au président au

20 terme de l'article 85 de la constitution, et on indique ici : "Les délais

21 dans lesquels ces informations doivent être communiquées, c'est le

22 président qui fixe ces délais, mais généralement ces délais ne peuvent être

23 inférieurs à une période de 48 heures."

24 Si je comprends bien ce qui figure ici - surtout dites-moi si vous êtes

25 d'accord ou pas - cette période de 48 heures ne saurait être raccourcie, et

26 on a prévu cette période dans l'intérêt du gouvernement, et pas dans

27 l'intérêt du président ?

28 R. Bien évidemment, cela découle bien entendu de l'interprétation de cet

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1 article, puis de la nature des choses. Il faut bien que le gouvernement

2 étudie un certain nombre de documents pour ensuite préparer sa réponse. Il

3 faut que les ministères compétents soient consultés, les ministères qui

4 intéressent le président dans le cadre de sa demande, il faut qu'ils

5 répondent par écrit, si bien que 48 heures, c'est une période tout à fait

6 raisonnable pour permettre au gouvernement de préparer sa réponse, de

7 présenter sa position au président de la république.

8 Q. Merci.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le mot "certain" ou "certaines,"

10 "certaines questions," figure dans cet article ainsi que dans l'article

11 correspondant dans la constitution. Cela parait un peu bizarre en anglais,

12 ce terme de "certaine." Est-ce qu'en serbe il en est de même ? Ou bien,

13 est-ce que cela pourrait être traduit de manière différente ? Des questions

14 "particulières" plutôt que "certaines" questions ?

15 M. ZECEVIC : [interprétation] En serbe, c'est "pojedejima."

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais demander aux interprètes si

17 cela peut être traduit d'une autre manière que "certaine."

18 M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce que j'épelle le nom, le mot concerné ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.

20 M. ZECEVIC : [interprétation] P-o-j-e-d-e-j-i-m-a.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Qu'est-ce que cela veut dire ?

22 Cela peut vouloir dire quelque chose d'autre ?

23 L'INTERPRÈTE : Déterminé, individuel, spécifique.

24 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, je pense que la meilleure traduction, ce

25 serait celle de questions spécifiques, déterminées.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais demander aux interprètes s'ils

27 sont d'accord.

28 L'INTERPRÈTE : Les interprètes disent qu'effectivement c'est du domaine du

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1 possible.

2 M. ZECEVIC : [interprétation]

3 Q. Professeur, le gouvernement exerce ces pouvoirs exécutifs par

4 l'intermédiaire de l'administration, au paragraphe 321 à 328 de votre

5 rapport, vous expliquez que le président est coupé, n'est pas en contact

6 avec l'administration de l'Etat. On va essayer d'éviter les redites, alors,

7 je vous demande de consulter la pièce P1823, intercalaire 15, loi portant

8 sur l'administration de l'Etat. Vous pourrez nous donner des explications

9 en vous appuyant sur des exemples précis.

10 R. Pour ce qui est de la constitution, les choses sont claires. C'est le

11 gouvernement auquel est subordonnée l'administration. C'est le gouvernement

12 qui exerce le pouvoir sur l'administration de l'Etat. C'est le gouvernement

13 qui désigne ou révoque les fonctionnaires. C'est un pouvoir aussi bien au

14 niveau du personnel qu'au niveau financier, puisque c'est le gouvernement

15 qui propose à l'assemblée nationale le budget, le budget sur lequel

16 l'assemblée nationale se prononce ensuite.

17 De plus, le gouvernement suit le travail de l'administration, ministères ou

18 autres, ce faisant, le gouvernement est en mesure d'abroger les décisions

19 ou certaines décisions de l'administration, si celles-ci ne sont pas

20 conformes à la loi. Le gouvernement est à même de surveiller ce qui se

21 passe au sein de l'administration. De plus, le gouvernement a un pouvoir

22 organisationnel. Il organise l'administration, par exemple, prendre des

23 décrets. C'était le seul exemple de décrets de ce type au sein de la

24 constitution de l'époque, un décret qui peut être pris par le gouvernement

25 aux fins organiques, un sorte de décret organique pour déterminer

26 l'organisation des ministères, des secrétariats d'Etat ou d'autres

27 organismes. Si bien que le président de la république, lui, n'a aucun

28 pouvoir particulier en ce qui concerne l'administration. C'est le

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1 gouvernement à qui sont dévolus ces pouvoirs, et ces pouvoirs portent sur

2 la politique du personnel, sur le contrôle, sur les questions financières,

3 sur l'organisation également de l'administration.

4 Q. Merci. J'aimerais que vous consultiez maintenant l'intercalaire 46, la

5 loi de la République de Serbie sur les Affaires intérieures, pièce P1737,

6 intercalaire 46. Veuillez, je vous prie, nous faire part de vos

7 observations en ce qui concerne l'article 7 de la loi sur les Affaires

8 intérieures.

9 R. L'article 7 confirme le principe de l'organisation individuelle de

10 chacun des ministères, y compris le ministère de l'Intérieur. C'est le

11 ministre à qui sont dévolus tous les pouvoirs au sein du ministère, c'est

12 lui qui détermine la manière dont s'effectue le travail au sein du

13 ministère. C'est lui qui donne des consignes, et c'est quelque chose qui

14 s'applique à tous les ministères, y compris le ministère de l'Intérieur,

15 conformément au principe d'individualisation de l'organisation de chacun

16 des ministères. Le ministre, c'est celui qui est investi de tous les

17 pouvoirs s'agissant de son ministère.

18 Q. Merci.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une loi qui a été votée en 1991,

20 n'est-ce pas ?

21 M. ZECEVIC : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, une loi

22 adoptée en 1991.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si bien que l'organe législatif adopte

24 une loi qui est ensuite promulguée par le président, et le gouvernement

25 agit en fonction de la loi. Ce qui donne ensuite au ministre une marge de

26 manœuvre très grande s'agissant du fonctionnement de son ministère. Cela ne

27 paraît pas beaucoup plus compliqué que cela ? Vous pourriez me dire si

28 c'est bien le cas, Monsieur le Témoin ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait cela.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître, poursuivez.

3 M. ZECEVIC : [interprétation]

4 Q. J'aimerais, Monsieur le Témoin, que vous nous fassiez part du bénéfice

5 de vos observations au sujet de l'article 9.

6 R. C'est un article qui porte sur des demandes faites conjointement par

7 l'assemblée nationale et le président de la république à l'intention du

8 ministère de l'Intérieur. L'assemblée nationale et le président de la

9 république sont habilités à demander au ministre à fournir un rapport

10 relatif au travail du ministère de l'Intérieur et à la situation en matière

11 de sécurité au sein de la république. Le ministre est tenu de fournir un

12 tel rapport si on le lui demande. Sa disposition peut être critiquée. Je le

13 reconnais. Je l'ai fait moi-même au cours de mes activités

14 professionnelles, parce que, certes, on peut penser qu'il est bon qu'un

15 ministre présente un rapport à l'assemblée nationale. Si l'assemblée

16 nationale n'est pas satisfaite, à ce moment-là la question de confiance

17 peut être posée. Puisque, après tout, c'est l'assemblée nationale elle-même

18 qui a désigné le ministre, enfin, qui a approuvé sa désignation.

19 Mais le président, lui, n'est absolument pas habilité à se prononcer

20 sur ce point. Il n'a pas le pouvoir de sanctionner le ministère ou le

21 ministre. Il ne peut pas proposer à l'assemblée de révoquer le ministre.

22 C'est-à-dire qu'on a un petit peu de mal à comprendre pourquoi on voit

23 figuré dans cet article, le président de la république, pourquoi le

24 président est habilité, au terme de cet article, avec l'assemblée

25 nationale, à demander un rapport au ministère de l'Intérieur. On comprend

26 parfaitement pourquoi ce droit est conféré à l'assemblée nationale, mais on

27 a un petit peu de mal à voir pourquoi ceci est également prévu pour le

28 président de la république.

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1 Q. Merci, Professeur.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela ne nous ramène pas à

3 l'article 85 de la constitution ? Est-ce que ce n'est pas une compétence

4 qui est prévue dans cet article-là ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Aux termes de l'article 85, ce qui est

6 impliqué, ce qui est implicite, ou ce dont il est question, c'est la

7 position du gouvernement dans certains domaines. Or ici, il s'agit du

8 ministère de l'Intérieur, de ce qui se passe à l'intérieur d'un ministère.

9 Or, le gouvernement n'a pas à intervenir là-dedans. C'est le ministère qui

10 présente un rapport directement à l'assemblée nationale et au président.

11 Ceci ne fait pas l'objet d'une discussion au sein du conseil des ministres.

12 Aux termes de l'article 85, on parle du gouvernement, du conseil des

13 ministres, alors qu'ici ce n'est pas du tout la même chose. Puisqu'ici,

14 vous avez un contact direct entre l'assemblée nationale et le président de

15 la république d'un côté, puis d'autre part, le ministère de l'Intérieur.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 M. ZECEVIC : [interprétation]

18 Q. Professeur, quant aux dispositions de l'article 17, vous les avez

19 examinées de manière approfondie dans votre rapport, au point 329, donc

20 inutile de se répéter. Il s'agit des décrets qui peuvent être adoptés par

21 le président en cas de situations exceptionnelles prévues par l'article 83,

22 en son paragraphe 7 de la constitution de la Serbie.

23 Nous allons maintenant nous intéresser à la loi portant sur le

24 gouvernement, intercalaire 16, ou plutôt, il s'agit de la loi relative aux

25 changements ou aux amendements de la loi sur l'administration de l'Etat,

26 pièce 1D376, et j'aimerais que vous nous parliez de l'article 2 de cette

27 loi.

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Je signale aux Juges que l'article 2 de la

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1 loi relative aux modifications et aux amendements de la loi sur

2 l'administration de l'Etat se trouve en fait à l'article 44(A), puisque

3 l'article 44(A) a été ajouté à cette loi, au sein de la loi précédente

4 portant sur l'administration.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 M. ZECEVIC : [interprétation] Je précise pour éviter tout malentendu.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Zecevic.

8 M. ZECEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur le Témoin, que pouvez-vous nous dire au sujet de cet article ?

10 R. C'est à moi de parler ?

11 Q. Oui.

12 R. Vous êtes intéressé uniquement par le paragraphe 4 ?

13 Q. Non, par la totalité de l'article.

14 R. Nous avons ici une liste des représentants de l'administration, des

15 différents postes dans l'administration. Ici on voit qu'un nouveau poste

16 est ajouté; l'adjoint au ministre ou le vice-ministre. C'est un nouveau

17 poste. On indique quelles sont les attributions de cette personne qui

18 remplace le ministre en cas d'absence. Il peut également participer aux

19 réunions du conseil des ministres si le ministre est absent, et il est

20 investi des mêmes compétences que le ministre. Il peut être amené à

21 représenter le gouvernement au sein de l'assemblée nationale lorsque des

22 règlements, des textes juridiques, et cetera, font l'objet d'un débat au

23 sein du parlement.

24 Si bien qu'il peut se rendre à l'assemblée nationale pour fournir des

25 explications au sujet des projets de loi présentés. Normalement, seul le

26 ministre est habilité à intervenir de la sorte, mais ici on voit que

27 l'adjoint au ministre est habilité à le faire également. Il est également

28 indiqué que l'adjoint du ministre est nommé pour une période de quatre ans

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1 au maximum, parce qu'on ne sait jamais si un gouvernement restera en place

2 pendant la totalité de la législature. Il est toujours qu'il y ait une

3 motion de censure à un moment donné. Donc, il est indiqué ici que l'adjoint

4 du ministre ne saurait avoir un mandat dépassant la longueur de celui du

5 ministre qu'il assiste. Voila un nouveau poste qui est défini ici et qui

6 n'existait pas auparavant.

7 Q. Nous allons maintenant nous éloigner très brièvement du thème que nous

8 étions en train d'aborder, maintenant, pour nous pencher sur ce qui figure

9 à l'intercalaire 47, pièce 1D413. Il s'agit en l'occurrence de la

10 possibilité pour l'assemblée nationale de désigner les membres du

11 gouvernement. Intercalaire 47, pièce 1D413, il s'agit de la décision

12 relative à l'élection du vice-premier ministre, du ministre de l'Intérieur

13 du gouvernement de la République de Serbie, en date du 15 avril 1997.

14 J'aimerais avoir le bénéfice de vos observations sur ce point.

15 R. Il s'agit d'une décision qui porte sur un fait bien précis. On voit que

16 l'assemblée nationale ici exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus par la

17 constitution en désignant le vice-premier ministre de la République de

18 Serbie, ainsi que le ministre de l'Intérieur. Celui qui a été élu à ce

19 moment-là a été également élu au poste de vice-premier ministre et de

20 ministre de l'Intérieur. Si je me souviens bien à l'époque, ces deux postes

21 étaient vacants parce que le vice-premier ministre et le ministre de

22 l'Intérieur, qui avaient auparavant occupé ces fonctions, avaient été

23 appelés à en occuper d'autres.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, il y avait

25 toujours seulement un seul premier ministre adjoint ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] La constitution prévoyait qu'il pouvait y

27 avoir un vice-premier ministre, mais aussi plusieurs. Au terme de la

28 constitution de 1990 en pratique, ce qui se passait c'est que vous aviez

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1 toujours plusieurs vice-premiers ministres. Je ne me rappelle plus

2 exactement du nombre de vice-premiers ministres jusqu'en 1994, mais de 1994

3 à l'an 2000, il y en avait cinq, cinq vice-premiers ministres.

4 Dans le gouvernement de Djindjic en 2001, je crois qu'on en comptait

5 six ou sept, donc ils étaient encore plus nombreux. Il n'est pas habituel

6 de voir un vice-premier ministre occuper également un poste de ministre. Ce

7 n'est pas quelque chose qui est habituel. Je crois qu'il s'agit là d'un

8 exemple unique en son genre du temps de la constitution 1990. Je crois que

9 c'est la seule fois où on ait vu un vice-premier ministre occuper également

10 un poste de ministre.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 Maître Zecevic.

13 M. ZECEVIC : [interprétation]

14 Q. Merci. Hier, nous avons examiné le document figurant à l'intercalaire

15 23, pièce 1D237 et P115, la loi sur les grades des membres au sein du MUP.

16 Nous avions expliqué que cette loi avait été déclarée anticonstitutionnelle

17 par le tribunal constitutionnel. J'aimerais que vous nous fassiez part de

18 vos observations. Vous avez déjà commencé à le faire au paragraphe 3.37 de

19 votre rapport, d'ailleurs. Il s'agit de la chose suivante : la promotion au

20 grade d'un général d'un individu ne signifie pas pour autant que

21 l'intéressé soit nommé à un poste particulier au sein du ministère de

22 l'Intérieur, parce que ça, cela relève du ministre ou par le gouvernement

23 directement, lorsqu'il s'agit d'un représentant de l'Etat ?

24 R. Oui, on l'a déjà dit. Lorsqu'il s'agit de désigner les représentants de

25 l'Etat, c'est le gouvernement qui est compétent, alors que lorsqu'il s'agit

26 des nominations au sein d'un ministère quelconque, c'est le ministre

27 compétent qui intervient.

28 Q. Merci. Il s'agit ici de nominations, et dans ce contexte se pose bien

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1 entendu la question des attributions, des fonctions, des devoirs de

2 l'intéressé. Pour être nommé ou désigné à un poste donné, le grade de

3 l'intéressé, en fait, n'a pas grande pertinence, n'est-ce pas ? Ça n'entre

4 pas en ligne de compte ?

5 R. Exact.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, alors à ce moment-là pourquoi

7 conférer des grades aux gens ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question qui s'adresse à moi ?

9 Voyez-vous, je ne suis pas spécialiste dans le domaine des affaires

10 intérieures, mais s'agissant du grade, je suppose qu'il entraîne certaines

11 conséquences sur le plan financier et apporte certains privilèges. Ce n'est

12 pas de manière automatique qu'un grade signifie que l'individu en question

13 occupera un poste donné. Je ne sais pas exactement quels sont les

14 privilèges qui viennent avec un certain grade au sein du ministère de

15 l'Intérieur.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais soyons réalistes. Si quelqu'un

17 est promu au grade de général et si son salaire se voit augmenter, par là

18 on s'attend également à ce que son poste corresponde à cette hausse du

19 salaire. Est-ce que je suis en train de simplifier à outrance ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une explication logique qui correspond à

21 la réalité des choses. Je suppose que c'est ainsi que cela se passe

22 véritablement, mais nous avions également un adjoint du ministre de

23 l'Intérieur qui n'avait pas de grade. Jovica Stanisic en est un exemple.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ça ne me pose aucun problème,

25 Professeur. En revanche, ce que j'ai du mal à comprendre c'est qu'on

26 procède à une promotion de quelqu'un, on lui accorde un salaire très

27 conséquent, et par la suite on est censé imaginer que ses fonctions ne

28 correspondront pas à ses salaires. En réalité, vous avez des généraux qui

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1 font partie du gouvernement qui reçoivent des salaires très importants,

2 alors qu'ils n'ont pas grand-chose à faire, ou est-ce qu'ils ont des

3 responsabilités réelles ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] On ne peut pas dire qu'ils ne fassent rien.

5 Par analogie, vous avez la situation à l'université. Vous pouvez soutenir

6 votre thèse de doctorat, mais ce n'est pas ceci qui vous permettra d'avoir

7 un poste fixe à l'université. Vous devez être élu par vos pairs.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais on ne reçoit pas de salaire non

9 plus automatiquement à partir du moment où l'on soutient une thèse de

10 troisième cycle. Je voudrais savoir ce qui se passe réellement en Serbie.

11 Comparer les généraux qui sont bien payés aux gens qui ont soutenu leur

12 thèse de troisième cycle, ce n'est pas quelque chose qui va nous aider.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que d'un point de vue juridique, la

14 situation est comparable. Lorsque quelqu'un a soutenu sa thèse, il reçoit

15 une hausse de salaire pour cela. Mais je ne suis probablement pas le

16 meilleur interlocuteur pour ce genre de question, puisque je ne suis pas

17 spécialisé dans le domaine des affaires intérieures.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 Maître Zecevic.

20 M. ZECEVIC : [interprétation]

21 Q. Professeur, je pense qu'une explication s'impose. Vous l'avez dit vous-

22 même, la Serbie avait un adjoint du ministre qui a été appelé à exercer

23 certaines fonctions. Vous avez parlé de M. Stanisic, vous avez dit qu'en

24 même temps, cet individu n'avait pas de grade correspondant.

25 R. Oui, je l'ai dit.

26 Q. Donc les nominations aux différents postes et les grades sont deux

27 choses complètement distinctes ?

28 R. Oui.

Page 12998

1 Q. C'est ce qu'on est appelé à penser suite à cet exemple ?

2 R. Oui.

3 Q. Par conséquent, dans une situation donnée, la Chambre aimerait savoir

4 comment cela se passe réellement en Serbie. Il y a eu des situations, après

5 le changement de pouvoir, que certains individus dans différents

6 ministères, par exemple dans le ministère aux Affaires intérieures, qui

7 avaient des grades de généraux, ne soient pas nommés à des postes

8 correspondants qui entraîneraient des fonctions, des responsabilités

9 comparables ?

10 R. Je suppose que dans la réalité, effectivement, il y a eu ce genre de

11 situation. C'est quelque chose qui s'est produit.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin nous a déjà dit qu'il

13 n'était pas compétent en la matière, donc la question ne peut avoir de

14 poids.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je voulais juste enchaîner.

16 Q. Professeur, nous venons d'épuiser le troisième chapitre intitulé : Les

17 relations entre le président de la république et les autres organes d'Etat.

18 Si les Juges de la Chambre n'ont pas de questions à vous poser là-dessus,

19 sur ce chapitre-là, je propose que l'on passe au sujet suivant. Je vous

20 remercie.

21 Juste une brève conclusion, Professeur. Dans la bibliographie spécialisée,

22 on ne parle jamais de la Serbie comme étant un Etat ayant un système semi-

23 présidentiel, car le président de la Serbie, en vertu de la constitution de

24 la Serbie 1990, n'a pas les attributions --

25 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi. Oui, il s'agit du système semi-

26 présidentiel. Je suis en train de regarder le compte rendu d'audience.

27 Q. Car le président de la Serbie n'a pas les attributions qui sont

28 conférées au président généralement dans ce genre de régime.

Page 12999

1 R. Si l'on examine les dernières publications, vous ne verrez nulle part

2 la Serbie considérée comme étant un Etat ayan un système semi-présidentiel.

3 C'est un système qui vient de Maurice Duverger, constitutionnaliste

4 français. La Serbie, ni dans ces travaux, ni ailleurs, n'est considérée

5 comme un Etat ayant ce système semi-présidentiel, à l'image de la France,

6 d'après la constitution de la 5e République. Dans ce type de système, la

7 constitution ne dispose que de la manière d'élection et de révocation du

8 président. Mais cette élection tout en étant très rigoureuse, elle ne

9 s'accompagne pas d'attributions analogues.

10 Nous avons expliqué quelles sont les attributions et les compétences du

11 président de la république. Si vous m'y autoriser, je voudrais ajouter

12 quelque chose. Mihail Haynich, le président de la République d'Autriche a

13 dit, si je puis citer que : "La seule chose où le président de la

14 république peut fourrer son nez, c'est son mouchoir de poche." Le président

15 de la république ne peut s'ingérer dans l'exécution des autres aspects du

16 pouvoir, et lui non plus n'endosse aucun aspect actif de l'exercice du

17 pouvoir qu'il s'agisse du législatif, du judiciaire, de l'exécutif.

18 C'est la raison pour laquelle la Serbie ne peut pas être considérée

19 comme un Etat ayant un système semi-présidentiel. Dans mon rapport

20 d'expert, je cite un article publié dans le Politika, dont l'auteur est

21 Misa Djurkovic, qui non seulement est chercheur, mais qui, pendant un

22 moment, a été conseiller de M. Kostunica, chef du gouvernement, qui dit

23 cette même chose, à savoir que la Serbie n'est pas un Etat ayant un régime

24 semi-présidentiel, mais c'est un Etat qui a un système parlementaire

25 légèrement modifié qui est appelé un système parlementaire rationalisé.

26 Q. Voulez-vous répéter la dernière phrase, s'il vous plaît, puisque les

27 interprètes n'ont pas compris ce que vous avez dit.

28 R. Encore une fois, la Serbie n'est pas un Etat qui a un système semi-

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1 présidentiel, mais un système parlementaire modifié qui, dans la théorie,

2 est appelé système parlementaire rationalisé. C'est un terme que l'on doit

3 à un professeur français, Boris Mirkin-Gecevic, qui a travaillé entre les

4 deux guerres. Vous avez des Etats où l'on renforce la position du

5 gouvernement et ce type de régime, de système est alors appelé un système

6 parlementaire rationalisé.

7 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il nous

8 reste encore trois minutes avant la pause théoriquement, mais je pense que

9 le moment se prête bien à ce qu'on suspende l'audience pour le moment.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous en avez terminé avec

11 la question de la constitution ?

12 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui. Nous allons maintenant aborder la

13 question des attributions de pouvoir du président face à l'armée et la

14 question de la constitution de la RFY.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons examiner le rôle qu'il

16 joue en tant que membre du conseil suprême de la Défense ?

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, à 344 jusqu'à 361, les paragraphes du

18 rapport d'expert de M. Markovic.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comme je vous l'ai expliqué hier,

20 Professeur, il nous faut suspendre l'audience. Nous reprendrons à 11 heures

21 15. Entre-temps, M. l'Huissier va vous raccompagnez et il va vous montrer

22 votre salle d'attente.

23 [Le témoin quitte la barre]

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.

25 --- L'audience est reprise à 11 heures 17.

26 [Le témoin vient à la barre]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 13001

1 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi, j'ai une question pour

2 le professeur. Monsieur, disons que le président de Serbie vous invite à

3 boire un thé avec lui, et il dit, je veux utiliser ce mouchoir de couleur

4 rouge pour le montrer au taureau, c'est-à-dire à l'Etat. Comment est-ce que

5 je peux le faire ? Est-ce que vous pourriez m'aider sur le plan

6 constitutionnel ? Que répondriez-vous à une telle question, Monsieur, je

7 vous prie ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris ce qu'était ce taureau

9 d'Etat.

10 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Vous n'êtes jamais allé à une

11 corrida, Professeur ? Vous n'avez jamais vu un torero en Espagne ? Le

12 président peut de temps en temps agir comme un torero. Les présidents dans

13 certains cas savent faire pression lorsqu'ils sont puissants. Comment est-

14 ce que dans une situation de ce genre, il pourrait y parvenir ? Voilà la

15 question que je vous pose, et que j'aimerais que vous disiez.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'ai bien compris votre question, le

17 président ne pouvait faire que ce qui lui était autorisé en vertu de la

18 constitution. Je ne pense pas qu'il pourrait se laver les mains d'un acte

19 répréhensible sur la base des dispositions en question. Les pouvoirs qui

20 étaient les siens de plein droit étaient trop limités, me semble-t-il, pour

21 lui permettre d'agir dans ce sens.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.

23 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Q. Professeur, les compétences ou les attributions qui étaient celles du

25 président de la Serbie par rapport à l'armée yougoslave se fondent

26 exclusivement sur la constitution fédérale, et le fait que le président ex

27 officio était un des membres du conseil suprême de la Défense, n'est-ce pas

28 ?

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1 R. Oui. Ceci est dû au fait que la République de Serbie n'avait pas sa

2 propre armée. Donc constitutionnellement, il ne pouvait pas y avoir de

3 relations officielles entre le président et l'armée. La constitution

4 fédérale accorde au président un pouvoir qui découle du fait qu'ex officio,

5 donc en vertu de sa position, il est automatiquement membre du conseil

6 suprême de la Défense. De façon générale, le conseil suprême de la Défense

7 dans son intégralité est un organe dont tous les membres sont nommés à

8 leurs postes ex officio. Il ne s'agit pas de membres élus ou nommés si l'on

9 parle des membres du conseil suprême de la Défense.

10 Q. Merci, Professeur. J'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur

11 l'intercalaire 6, pièce P856. La traduction est la pièce 1D139, et il

12 s'agit de la constitution de la République fédérale de Yougoslavie. Hier

13 vous avez dit à un certain moment que les pouvoirs conférés à la République

14 fédérale de Yougoslavie sont décrits à l'article 77.7. Je crois que cela

15 figure au regard du numéro 7. Dans ce texte, nous lisons que la défense et

16 la sécurité de la République fédérale yougoslave relève des organes de

17 l'Etat, n'est-ce pas, des organes fédéraux ?

18 R. Oui. Toutes les compétences de la fédération sont énumérées à cet

19 endroit. Tout ce qui ne figure pas dans cette liste relève des

20 responsabilités des provinces, c'est également le cas pour la République de

21 Serbie et la République du Monténégro, dont les pouvoirs sont concernés à

22 ce titre également.

23 Q. Merci. Professeur, chapitre 8 de la constitution de la République

24 fédérale yougoslave, il s'intitule : "L'armée de la République fédérale

25 yougoslave." L'article 133 décrit le caractère et les obligations de

26 l'armée yougoslave. Donc article 133, premier paragraphe, je vous

27 demanderais vos commentaires sur ce point, Professeur. Que défend l'armée ?

28 R. On voit là une énumération des responsabilités et des fonctions qui

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1 sont celles de l'armée yougoslave, et nous lisons à cet endroit du texte,

2 que l'armée yougoslave défend les quatre valeurs fondamentales de l'Etat

3 ainsi que la constitution, à savoir la souveraineté, l'intégrité

4 territoriale, l'indépendance et l'ordre constitutionnel, c'est-à-dire

5 l'ordre qui est institué en vertu de la constitution.

6 Q. Selon cette disposition, Professeur, au cas où dans une partie du

7 territoire de la République fédérale yougoslave éclatait une émeute armée

8 inspirée par un désir de sécession de cette partie de l'Etat, selon vous,

9 un tel événement constituerait-il un trouble de l'ordre constitutionnel ou

10 une menace à l'ordre constitutionnel, tel que décrit à l'article 133 de la

11 constitution de la République fédérale yougoslave ?

12 R. Sans aucun doute, c'est exactement ce que cela serait, car toute

13 volonté de modifier quelque chose par des moyens extraconstitutionnels, en

14 dehors de procédures régulières, constitue une attaque, une agression, une

15 violation de l'ordre constitutionnel. L'armée, par les fonctions décrites à

16 l'article 133 de la constitution, a pour devoir de défendre l'ordre

17 constitutionnel.

18 Q. Merci. Professeur, dites-moi, les quatre principes décrits à l'article

19 133 de la constitution sont bien les quatre valeurs statutaires les plus

20 importantes d'un Etat, n'est-ce pas ?

21 R. Sans aucun doute. Un Etat est un Etat parce qu'il jouit de la

22 souveraineté, de l'indépendance sur des territoires déterminés, et parce

23 qu'il a un ordre constitutionnel défini dans les limites du territoire de

24 l'Etat. Ce sont les attributs d'un Etat qui octroient à une collectivité, à

25 un groupe d'êtres humains, les attributions d'un Etat.

26 Q. Sans perdre de vue l'article 133 et les quatre valeurs qui y sont

27 définies, quel est votre avis s'agissant de l'engagement automatique de

28 l'armée yougoslave en cas de mise en danger de ces quatre valeurs ou

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1 d'agression, de violation de ces quatre principes ?

2 R. Excusez-moi. Je n'ai pas très bien compris.

3 Q. Je vous parle de l'engagement automatique de l'armée éventuellement si

4 ces quatre valeurs décrites par la constitution, les quatre principes que

5 l'on voit définis à l'article 133, sont attaqués ?

6 R. Il ressort de l'article 133, puisque cet article constitue une norme

7 obligatoire confirmée par la constitution. Il en ressort que l'armée a pour

8 devoir de défendre à tout moment ces éléments qui découlent de la

9 constitution même. Ces éléments, sans je les rappelle, la souveraineté,

10 l'intégrité territoriale, l'indépendance, et l'ordre constitutionnel du

11 pays.

12 Q. Si je vous ai bien compris, aucune décision émanant d'un autre organe

13 de l'Etat n'est nécessaire pour que l'armée intervienne dans le respect de

14 la constitution et de la législation, c'est-à-dire, notamment d'avoir

15 respect de la loi portant création de l'armée chaque fois que l'un des ces

16 quatre principes est mis en cause ?

17 R. Il n'est nécessaire d'obtenir aucune autorisation, car ceci définit le

18 devoir de l'armée. Je l'ai déjà dit, et je le répète, aucune autre

19 autorisation n'est nécessaire, car cette intervention de l'armée est un

20 devoir constitutionnel pour elle, un devoir qui découle d'un acte

21 législatif suprême du pays, et l'armée est une institution de l'Etat en

22 vertu de la constitution, institution appelée à défendre ces quatre

23 valeurs.

24 Q. Je vous remercie. Professeur, n'oubliez pas la nécessité de ménager une

25 pause entre les questions et les réponses.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être ai-je quelques difficultés à

27 suivre l'objectif de la présente discussion, mais je suppose que vous

28 n'êtes pas en train de dire que c'est l'armée qui peut décider dans quel

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1 cas la souveraineté nationale et l'ordre constitutionnel sont menacés ?

2 Elle ne peut pas entreprendre quelque action que ce soit de son propre

3 chef, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle ne peut pas le faire seule. C'est

5 l'organe défini par la constitution qui peut le faire, et c'est ce qu'on

6 lit à l'article 135 de la constitution. L'armée n'intervient pas d'elle-

7 même. Elle suit un mécanisme interne qui est bien défini.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dois dire que je comprends mal.

9 J'aurais besoin de quelques précisions.

10 M. ZECEVIC : [interprétation]

11 Q. Professeur, la question est la suivante - et je vais essayer d'être

12 très précis et très concret : est-il indispensable que l'existence d'une

13 situation extraordinaire soit décrétée pour que l'armée défende le pays sur

14 la base des dispositions de l'article 133.1, c'est-à-dire qu'elle défend la

15 souveraineté, l'intégrité territoriale, l'indépendance et l'ordre

16 constitutionnel du pays, à votre avis ? Est-ce que c'est indispensable

17 qu'au préalable le président de la République fédérale yougoslave ait

18 décrété l'existence d'une situation extraordinaire ?

19 R. L'article 133 dispose manifestement que dans toute situation, qu'elle

20 soit régulière ou irrégulière, qu'elle soit ordinaire ou extraordinaire,

21 l'armée a pour devoir de défendre la souveraineté nationale, l'intégrité

22 territoriale, l'indépendance et l'ordre constitutionnel du pays. Donc, il

23 n'est pas nécessaire qu'ait été décrétée préalable l'existence d'un état

24 d'urgence pour que l'armée exécute son devoir dans ce domaine. L'armée

25 remplit sa fonction en vertu du simple fait qu'elle est l'armée, et c'est

26 une attribution qui lui est conférée en vertu de la constitution même.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que cette

28 explication vous suffit ? Puis-je poursuivre ?

Page 13006

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que je comprends pour le moment

2 c'est que sans intervention d'aucun autre organe, l'armée peut agir de son

3 propre chef pour défendre l'ordre constitutionnel pour peu que cet ordre

4 constitutionnel ait été contesté, et je trouve cela assez étonnant. Si vous

5 le jugez nécessaire, il importerait que vous exploriez cette matière un peu

6 plus avant.

7 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Professeur --

9 M. ZECEVIC : [interprétation] Je demande qu'on affiche la pièce 1D139,

10 c'est-à-dire, l'intercalaire 6, qui correspond à la pièce P856, soit

11 affichée sur les écrans grâce au système du prétoire électronique.

12 Q. Professeur, si nous lisons l'article 135, nous voyons qu'il dispose de

13 ce qui suit. Au paragraphe 1, je cite : "En temps de guerre et en temps de

14 paix, l'armée est sous le commandement du président de la république en

15 vertu des décisions du conseil suprême de la Défense." Compte tenu de cela,

16 est-ce que le président de la République fédérale yougoslave, commandant

17 suprême de l'armée en vertu des dispositions de l'article 135, paragraphe 1

18 de la constitution, il commande l'armée en temps de paix, alors qu'aucune

19 situation extraordinaire n'a été décrétée. Mais, dès lors que l'un des

20 quatre principes définis à l'article 133 de la constitution est mis en

21 cause, est-ce que l'armée peut être utilisée dans le respect de la

22 constitution et des règlementations de la République fédérale yougoslave ?

23 R. Absolument, parce qu'il est écrit que ce qui vaut en temps de guerre

24 vaut en temps de paix, puisque nous lisons en temps de guerre et en temps

25 de paix dans la constitution. Lorsque l'ordre constitutionnel est menacé,

26 l'armée est par conséquent appelée à défendre le pays selon ces modalités.

27 Certains pays du monde ont des constitutions qui ne donnent pas à l'armée

28 de telles fonctions. Dans certains pays, l'armée n'a pour but que de

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1 défendre la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale. Mais dans

2 le cadre de la constitution qui nous occupe ici, à savoir notre

3 constitution de 1992, il appartient également à l'armée de défendre l'ordre

4 constitutionnel, c'est-à-dire, l'ordre défini par voie de constitution.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais rappelez-moi, je vous prie,

6 Maître Zecevic, s'il n'y a pas également des dispositions de la

7 constitution de la République fédérale yougoslave qui portent sur la

8 déclaration de l'état d'urgence ou --

9 M. ZECEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- ou sur le danger imminent de guerre

11 ?

12 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, il y en a. La constitution dispose que

13 l'assemblée et le gouvernement fédéral ont pour responsabilité de déclarer

14 l'état de guerre et de décréter toute autre situation extraordinaire.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans quel article ?

16 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous demande un instant, Monsieur le

17 Président, pour vérifier.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] 78 et 90, ou 99 --

19 M. ZECEVIC : [interprétation] 78.3 et 99.10, Monsieur le Président, après

20 vérification. Monsieur le Président, le droit de décréter l'existence d'un

21 des trois Etats extraordinaires d'une des trois situations extraordinaires

22 prévues par la loi est celui de l'assemblée fédérale. Mais au cas où

23 l'assemblée fédérale est empêchée de se réunir, en vertu de l'article

24 89.10, c'est le gouvernement fédéral qui reprend ces responsabilités à sa

25 charge.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais où dans la constitution les

27 conséquences d'une telle action sont-elles définies ?

28 M. ZECEVIC : [interprétation]

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1 Q. Professeur, je ne sais pas si vous pourriez aider le Président sur ce

2 point ?

3 R. Il n'en est pas question dans la constitution, mais dans les lois

4 relatives à l'armée et à la défense de la Yougoslavie. La constitution

5 réglemente cette matière comme d'autres, mais uniquement eu égard aux

6 principes, alors que s'agissant du fonctionnement dans la pratique, que ce

7 sont les lois qui interviennent, et la loi sur l'armée compte 400 articles,

8 à peu près. Bien sûr, les réglementations et déréglementations et d'autres

9 textes officiels sont également adoptés après la promulgation des lois.

10 M. ZECEVIC : [interprétation] Peut-être, puis-je aider les Juges de la

11 Chambre. Je crois, Monsieur le Président, que vous cherchez la loi sur la

12 défense, et ce qui vous intéresse dans cette loi est, à mon avis, l'article

13 4, qui constitue notre intercalaire 62, me dit-on, soit la pièce P985,

14 l'article 4 de la loi.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois que tout est question de

16 mesure, mais j'ai le sentiment qu'il est question dans cet article de la

17 façon dont l'armée est employée. Le problème, me semble-t-il ici, c'est de

18 déterminer qui pouvait employer l'armée de telle ou telle façon durant les

19 années 1998 et 1999, à moins que vous n'ayez d'autres questions à l'esprit

20 ?

21 M. ZECEVIC : [interprétation] Non, non, c'est exactement le problème

22 auquel nous nous sommes confrontés ici. Les accusations qui sous-tendent la

23 thèse de l'Accusation en l'espèce, c'est que l'armée a été employée de

24 façon contraire à la constitution en 1998. C'est l'une des accusations

25 retenues par le bureau du Procureur qui affirme que pour être en mesure

26 d'employer l'armée, il aurait fallu qu'ait été décrétée au préalable l'une

27 des trois situations extraordinaires prévues, à savoir état d'urgence, état

28 de menace imminente de guerre ou état de guerre. Or, le Pr vient

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1 d'expliquer en s'appuyant sur la constitution que tel n'était pas le cas.

2 L'armée pouvait être utilisée sur le commandement du président de la

3 République fédérale yougoslave, qui commande l'armée en temps de guerre et

4 en temps de paix en vertu de l'article 35 de cette même constitution. Par

5 conséquent, si le commandant en chef, c'est-à-dire, le président de la

6 République fédérale yougoslave donne l'ordre de déployer l'armée en vertu

7 du fait que l'un des quatre principes dont nous parlions tout à l'heure est

8 attaqué, je parle des quatre principes qui sont énumérés à l'article 133 de

9 la constitution, si le président agit de cette façon, il est totalement

10 respectueux de la constitution et des lois.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Je comprends. Vous

12 pouvez poursuivre. Je vous remercie.

13 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous demande un instant, Monsieur le

14 Président. J'ai besoin de consulter mon conseil principal.

15 [Le conseil de la Défense se concerte]

16 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais

17 rappeler aux Juges de la Chambre que durant le présent procès on nous a

18 communiqué les règlements régissant le fonctionnement de l'armée

19 yougoslave, c'est-à-dire, un texte officiel qui traite des mêmes points que

20 ceux dont nous sommes en train de débattre en ce moment. Je vous remercie.

21 Q. Professeur, revenons à l'article 135 de la constitution de la

22 République fédérale yougoslave dont nous avons déjà discuté quelque peu. Le

23 premier paragraphe dispose de l'identité de celui qui commande l'armée de

24 Yougoslavie en temps de paix et en tant de guerre, à savoir le président de

25 la République fédérale yougoslave. Il dispose de l'identité de ceux qui

26 font partie du conseil suprême de Défense. Au paragraphe 2 de ce même

27 article. Au paragraphe 3, il dispose de l'identité de la personne qui

28 préside le conseil suprême de la Défense, c'est-à-dire le président; c'est

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1 bien cela ?

2 R. Oui. Ce sont trois questions distinctes dont chacune est réglementée

3 par un paragraphe particulier de cet article.

4 Q. Professeur, j'aimerais maintenant vous demander votre commentaire au

5 sujet de l'article 136 de la constitution, qui définit les pouvoirs du

6 président de la République fédérale yougoslave. Vous avez déjà évoqué ce

7 point en commentant le paragraphe 321.

8 Mais ce qui importe, c'est que dans votre rapport d'expert, ainsi

9 qu'oralement dans ce prétoire, vous dites que c'est un pouvoir exclusif du

10 président.

11 R. Oui, finalement c'est cela. Une interprétation du libellé de cet

12 article montre que le président de la république exerce ces pouvoirs en

13 toute indépendance, et non sur une décision préalable du conseil suprême de

14 la Défense, il peut le faire de son propre chef.

15 Q. Merci. Les pouvoirs que l'on trouve énuméré à l'article 136 de la

16 constitution et dont vous venez de dire que le président les exercent en

17 toute indépendance, c'est-à-dire de son propre chef, ces pouvoirs résument

18 les trois dimensions de l'autorité du pouvoir personnel, c'est-à-dire le

19 pouvoir de nommer des personnes à leurs postes, le pouvoir de démettre des

20 personnes de leurs postes, et le pouvoir de promouvoir des personnes. Ce

21 sont dans ces trois catégories que certaines personnes sont concernées au

22 sein de l'armée yougoslave, n'est-ce pas ?

23 R. C'est exact, oui.

24 Q. Donc le président de la République fédérale yougoslave nomme, démet et

25 promeut les officiers, les juges, les conseillers juridiques et les

26 procureurs militaires en toute indépendance, n'est-ce pas ?

27 R. Ce sont les membres de l'armée yougoslave ou les personnes liées à

28 l'armée yougoslave sur lesquelles le président exerce effectivement un

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1 pouvoir personnel.

2 Q. Lorsque vous dites "pouvoir personnel," vous voulez dire un pouvoir qui

3 lui incombe à lui ?

4 R. Non, non, je voulais dire un pouvoir qui s'exerce sur les questions

5 relatives au personnel. Je parle des pouvoirs de nommer, de démettre et de

6 promouvoir. S'agissant des officiers, il a le pouvoir de nommer et de

7 démettre. Si l'on parle des juges, des procureurs militaires et des

8 juristes des tribunaux, il a également le pouvoir de les nommer à leurs

9 postes et de les démettre de leurs postes. Je ne parle pas de pouvoir

10 personnel. Je parle de pouvoir du président qui s'exerce sur des questions

11 de personnel.

12 Q. Le conseil suprême de la Défense a été pour la première fois établi

13 dans le cadre de la constitution de la République fédérative socialiste de

14 Yougoslavie de 1992, à partir de 1945 ?

15 R. Oui, c'est la première fois qu'on a mis en place cette institution dans

16 le cadre d'une constitution. C'est le seul organisme ou organe qui ait ces

17 fonctions-là.

18 M. ZECEVIC : [interprétation] Je faisais référence à la constitution de la

19 RFY, et non pas de la RSFY.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais il s'agit de la période qui

21 commence à partir de 1945, n'est-ce pas ?

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vais peut-être reposer ma question. Elle

23 n'était sans doute pas suffisamment claire.

24 Q. Le conseil suprême de la Défense en tant qu'institution est apparu pour

25 la première fois dans la constitution du territoire de l'ex-Yougoslavie en

26 1945. En fait, il existait depuis 1945, mais il est apparu pour la première

27 fois dans la constitution en 1992, dans la constitution de la RFY ?

28 R. Oui. C'est la première fois que dans la constitution de la Yougoslavie,

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1 y compris la deuxième Yougoslavie, c'est-à-dire celle qui a existé de 1945

2 à 1992, c'est la première fois qu'on a constitué un tel organe qui relevait

3 uniquement de l'armée et qui n'avait aucune autre fonction que celle-là.

4 C'est la seule fois que cela s'est produit. Ultérieurement, ceci a été

5 repris dans la charte constitutionnelle de 2003, et on trouve également un

6 tel organe dans la constitution de 2006.

7 Q. Selon vous, Professeur, la raison pour laquelle ce conseil suprême de

8 la Défense figure dans la constitution de la RFY de 1992; la raison quelle

9 est-elle ?

10 R. J'ai participé à la rédaction de la constitution de 1992, je connais

11 parfaitement cette raison. Il s'agissait d'un processus de fédéralisation

12 de cette fonction de commandement de l'armée de la Yougoslavie. La RFY

13 était ce que l'on pourrait qualifier de fédération à deux niveaux;

14 puisqu'il n'y avait que deux unités fédérales, c'est-à-dire dire le nombre

15 minimum qui puisse être imaginé. Or, si on regarde les fédérations de ce

16 type, elles ne durent généralement pas très longtemps. Il suffit de penser

17 à ce qui s'est passé au Pakistan, en Tchécoslovaquie, ou en ex-Yougoslavie.

18 Dans ce type de fédération, il est très difficile d'arriver à un équilibre,

19 une égalité entre les deux unités de la fédération. Il y a toujours une

20 unité qui au bout du compte sera insatisfaite, car elle n'est pas investie

21 de telle ou telle fonction. Il y a par exemple une disposition dans la

22 constitution de 1992, qui prévoit que le président du gouvernement fédéral

23 et le président d'une république ne peuvent pas venir du même Etat. On a

24 créé le conseil suprême de la Défense pour fédéraliser cette instance qui

25 est très importante. Ce ne sont pas d'ailleurs des personnes qui étaient

26 élues. Les membres de cette institution y étaient nommés ex officio, c'est-

27 à-dire vous aviez là le président de la République fédérale et les

28 présidents des deux républiques. On avait pris en compte les deux éléments

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1 constitutifs de cette fédération. Ceci afin d'éviter toute discrimination,

2 toute inégalité au sein de cette fonction essentielle. Voilà l'idée force,

3 la raison d'être de cet organe.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas une partie de

5 votre réponse. Vous dites qu'il y a dans la constitution une disposition

6 qui prévoit que le président d'une république et le président du

7 gouvernement fédéral ne peuvent pas venir du même Etat. C'est ce que vous

8 dites, mais cela me parait impossible dans les faits.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une disposition de la constitution

10 de 1992 -- un instant, je vous prie. J'ai du mal à m'y retrouver, parce que

11 la constitution que j'ai sous les yeux n'est pas celle que j'ai l'habitude

12 de compulser. Il s'agit de l'alinéa 3 du paragraphe 97 de la constitution

13 de la République fédérale de Yougoslavie qui prévoit que : "De manière

14 générale, le président de la république et le premier ministre de la

15 fédération ne peuvent être issus de la même république."

16 Donc, c'est le principe qui s'applique --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, j'ai bien compris et je comprends

18 maintenant beaucoup mieux votre réponse. Nous pouvons passer à autre chose.

19 M. ZECEVIC : [interprétation] On m'a fait savoir qu'il y a également eu une

20 erreur d'interprétation à la page 48, lignes 23 à 49, quand dans

21 l'interprétation d'une explication donnée par le Pr, mais on risquerait de

22 revenir à la charge une troisième fois --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons très bien compris.

24 M. ZECEVIC : [interprétation] Ce qui est indiqué ici, c'est que sa

25 disposition est apparue concrètement pour la première fois en 1992.

26 Q. En quelques mots, Professeur, répondez par oui ou par non. Nous sommes

27 en train de parler du conseil suprême de la Défense : VSO. Nous avons vu la

28 manière dont il a été constitué pour concrétiser l'égalité entre les deux

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1 républiques constituantes de la fédération.

2 R. Effectivement. On voulait s'assurer que les deux républiques aient

3 exactement le même statut, soient placées sur un pied d'égalité dans le

4 cadre de cet organe.

5 Q. S'agissant de la nature du conseil suprême de la Défense, nous pouvons

6 l'étudier à partir de cette disposition de la constitution, à partir des

7 lois fondamentales, qui sont celles de la loi sur la défense et la loi sur

8 l'armée. On peut également consulter le procès-verbal ou le compte rendu

9 des séances au cours desquelles on a pris note verbatim des propos tenus

10 par les membres du conseil suprême de la Défense.

11 Lorsque vous vous êtes préparés à venir déposer ici, vous avez passé

12 en revue la totalité des comptes rendus des réunions de travail du conseil

13 suprême de la Défense, à partir du moment où feu Slobodan Milosevic est

14 devenu président de la République fédérale de Yougoslavie en juillet 1997

15 jusqu'à la 9e séance de travail du conseil suprême de la Défense qui a eu

16 lieu le 23 mars 1999, n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact. Cela concerne toute la période pendant laquelle Slobodan

18 Milosevic a occupé le poste de président de la République fédérale de

19 Yougoslavie.

20 Q. Je vous remercie. Quand vous avez consulté ces comptes rendus, vous en

21 avez choisi trois. Trois parce qu'il s'agit de réunions particulièrement

22 intéressantes. Enfin, il s'agit de trois ou quatre comptes rendus. Nous

23 allons maintenant nous y intéresser. Nous allons commencer par la réunion

24 du conseil suprême de la Défense qui a eu lieu le 24 novembre 1998,

25 intercalaire 56, pièce 1576.

26 R. Intercalaire 56 ?

27 Q. Oui. Pièce 1576. Cela se trouve peut-être dans le deuxième classeur.

28 R. Cela y est, j'ai trouvé le document.

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1 Q. Il s'agit du compte rendu de la 7e séance du conseil suprême de la

2 Défense, une réunion qui a eu lieu le 24 novembre 1998 à Belgrade, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Exact. Il ne s'agit pas de notes sténographiques, il s'agit d'un compte

5 rendu.

6 Q. Il y avait là trois membres du conseil suprême de la Défense, les deux

7 présidents des républiques membres de la fédération, ainsi que le président

8 de la RFY qui était également président du conseil suprême de la Défense en

9 vertu de l'article 135, paragraphe 3 de la constitution ?

10 R. Oui. C'est une des rares réunions auxquelles n'ont pas participé des

11 tiers. Parce que, le plus souvent, le premier ministre de la fédération

12 participait à ces réunions, ainsi d'ailleurs que le chef de l'état-major

13 général ou le ministre de la Défense fédéral. Or ici, nous avons uniquement

14 les membres du conseil suprême de la Défense, le secrétaire, qui est aussi

15 chef de l'état-major militaire, qui participent.

16 Q. Il s'agit d'une séance du conseil suprême de la Défense au cours de

17 laquelle il est question du remplacement de celui qui est alors chef de

18 l'état-major général, en l'occurrence, le général Perisic. Veuillez, je

19 vous prie, passer à la page numéro 6, on voit ici l'intervention du

20 président Djukanovic, qui était le président de Monténégro --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En anglais, nous n'avons que cinq

22 pages.

23 M. ZECEVIC : [interprétation] Page 4, dernier paragraphe.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître.

25 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous en prie.

26 Q. Professeur, veuillez avoir l'amabilité de commenter les propos du

27 président Djukanovic que l'on trouve à la page 5 --

28 M. HANNIS : [interprétation] Objection. Le document a été versé au dossier,

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1 il se passe de commentaire. Le témoin est un expert en matière de droit

2 constitutionnel et pas en ce qui concerne les propos tenus par M.

3 Djukanovic. Ceci n'a pas lieu d'être.

4 M. ZECEVIC : [interprétation] Nous essayons de déterminer comment cet

5 organe, VSO, le conseil suprême de la Défense, se situe par rapport à la

6 constitution, et pour cela nous n'avons que très peu de sources. Les

7 éléments que nous pouvons utiliser c'est la constitution et les lois

8 fondamentales sur la VJ. Or, je pense qu'il y a une autre source qui est

9 très intéressante pour nous, ce sont les procès-verbaux, les comptes rendus

10 des réunions du conseil suprême. Je ne vais pas demander à notre témoin de

11 parler de la teneur même des propos tenus, ou de ce qui s'est passé au

12 cours de ces réunions. Non. Ce dont il va nous parler, c'est de la manière

13 dont les participants comprennent ces réunions.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez du dernier paragraphe ?

15 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui. Il s'agissait de dresser le contexte

16 auquel tout ceci se passe, parce que vous avez le président Djukanovic qui

17 dit qu'il est contre, et ensuite le président Milosevic lui donne une

18 explication sur le rôle qui est celui du président, ainsi que sur le rôle

19 du conseil suprême de la Défense. Il me paraît que c'est là une question

20 fort intéressante, fort importante, et je pense que le témoin peut nous

21 apporter ses observations, ses observations d'expert scientifique.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vu ce que vous venez de nous

24 expliquer, Maître, je vais vous laisser poser votre question en son

25 intégralité.

26 Parce que là où vous en êtes resté - c'est là que vous avez été interrompu

27 - mais on pouvait penser que vous demandiez au témoin de vous faire une

28 observation d'ordre général.

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1 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Or, ce n'est pas pour cela que nous

3 sommes ici. L'interprétation, nous pouvons la faire nous-mêmes. Mais c'est

4 une autre paire de manches si vous souhaitez nous présenter le contexte

5 dans lequel tout ceci s'inscrit. S'il s'agit simplement de demander au

6 témoin de nous faire une remarque d'ordre général, à ce moment-là, non.

7 Nous sommes capables de le faire nous-mêmes.

8 M. ZECEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur le Témoin, ma question est la suivante : Du point de vue

10 purement scientifique, pourriez-vous commenter la teneur de ce compte rendu

11 ? Je ne parle pas uniquement de cette séance de travail. Je parle d'autres

12 réunions sur lesquelles nous allons nous pencher. Pouvez-vous nous parler

13 de la nature de cette institution, de cet organe, ainsi que des décisions

14 qu'il a prises ? On pourra le voir d'ailleurs dans d'autres comptes rendus.

15 Je ne vous demande pas vos observations au sujet des faits qui sont évoqués

16 ici, parce que vous n'étiez pas présent, et comme l'a dit M. le Président,

17 ces comptes rendus se passent de commentaires.

18 R. Ces comptes rendus sont très intéressants --

19 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai encore une objection.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

21 M. HANNIS : [interprétation] Ceci est très vague. Qu'est-ce que ça veut

22 dire, ça, faites-nous part de vos observations sur la base de tous ces

23 comptes rendus. C'est beaucoup trop vague. Je m'oppose à ce genre de

24 question. Le témoin est un expert en matière de droit constitutionnel. Je

25 ne vois pas quel est le rapport avec son domaine de prédilection, enfin, vu

26 la manière dont la question est formulée.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vais en venir à la chose suivante : La

28 décision, les conclusions --

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1 M. HANNIS : [interprétation] Peut-être faudrait-t-il faire sortir le témoin

2 si on veut vraiment se lancer dans ce débat.

3 M. ZECEVIC : [interprétation] Effectivement. Je suis d'accord, Monsieur le

4 Président, on pourrait peut-être faire sortir le témoin pour débattre de

5 cette question.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai l'impression que vous lui posez

7 une question au sujet du fonctionnement, de la manière dont fonctionnait ou

8 fonctionne ce conseil suprême de la Défense.

9 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous lui demandez si ces documents

11 sont une bonne illustration.

12 M. ZECEVIC : [interprétation] En fait, il y a deux choses qui

13 m'intéressent. Je voudrais savoir, je voudrais que le témoin me dise, si ce

14 compte rendu reflète bien la manière dont fonctionnait cet organe. Ça,

15 c'est une des questions qui fait problème, et d'autre part, ce qui est plus

16 important --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On peut attendre la question sur ce

18 point.

19 Monsieur Hannis, il s'agit de documents qui sont présentés à titre

20 d'exemple, et ça semble relever de l'expert constitutionnel qui est notre

21 témoin. Est-ce que c'est conforme à la constitution ou pas ?

22 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Si la question est formulée de la sorte,

23 effectivement. Mais pour moi, pour l'instant, la question posée est une

24 question très ouverte du genre : Quelle est la nature de cet organe ? Parce

25 que je pense que ces documents se passent de commentaires.

26 On peut les lire et se faire une idée soi-même de la manière dont

27 fonctionnait cet organe. Il ne va rien ajouter à ce qui figure dans le

28 document. Mais si la question est reformulée de la manière dont vous venez

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1 vous-même de la recadrer, à ce moment-là je reprendrais ma place et je

2 garderais silence.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, reformulez la

4 question, je vous prie.

5 M. ZECEVIC : [interprétation]

6 Q. Professeur, veuillez avoir l'amabilité de nous dire la chose suivante :

7 vous fondant sur l'examen que vous avez fait de ces comptes rendus, des

8 comptes rendus des réunions de cet organe, est-ce qu'il fonctionnait

9 conformément à la constitution; et si oui, qu'est-ce qui vous permet de le

10 dire ? Si vous répondez non, pourquoi ? Veuillez, je vous prie, essayer de

11 répondre à ma question.

12 R. Ces comptes rendus sont fondamentaux parce qu'ils précisent la nature

13 de l'alinéa 1 du paragraphe 135 de la constitution, en partie cette partie

14 du document : "Conformément à la décision" --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] Premièrement, je m'excuse, mais la question,

17 c'était une question à laquelle il fallait répondre par oui ou par non.

18 Ensuite, une fois que le témoin avait répondu par oui ou par non, il aurait

19 fallu poursuivre. Mais il faut déjà lui demander de répondre par oui ou par

20 non.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, veuillez, s'il vous plaît,

22 nous dire si vous répondez par oui ou par non.

23 M. ZECEVIC : [interprétation]

24 Q. Professeur, le Président est en train de parler de ma question. Est-ce

25 que vous pourrez répondre par oui ou par non ? Est-ce que vous pouvez ?

26 Est-ce que vous êtes capable de nous aider sur ce point ?

27 R. Oui. Oui, mais je préférerais vous faire une interprétation de

28 l'article 135, paragraphe 1, parce qu'ici trouve une notion : "Au sujet

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1 d'une décision" --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, en fait on vous a posé

3 deux questions. La première question, c'est de savoir ce que vous pensez du

4 conseil suprême de la Défense. Est-ce qu'il fonctionnait de manière

5 constitutionnelle ? Là voilà une question à laquelle vous pouvez répondre

6 par oui ou par non. Quel sera votre choix ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A partir de cette question, Me Zecevic

9 voudrait savoir comment vous parvenez à cette conclusion en vous fondant

10 sur les comptes rendus.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends parfaitement. Quand j'ai répondu

12 "non," je faisais référence au fait que l'alinéa 1 de l'article 135 prévoit

13 que le conseil suprême adopte des décisions, prend des décisions qui sont

14 ensuite définies. Il y a toute une liste de décisions, tout comme vous

15 pouvez trouver une liste de décisions qui relèvent du président de la

16 République fédérale en tant que chef de l'état-major général et commandant

17 suprême. Il s'agit de règlements, d'ordres, de consignes, d'instructions,

18 et cetera. Or, il n'y aucun acte juridique promulgué qui précise la liste

19 des décisions relevant du conseil suprême de la Défense. Le mot "décision"

20 ici est entendu dans son acception générale. On ne définit pas ici quelle

21 est la nature de ces décisions. Mais si on passe en revue les comptes

22 rendus des réunions de cet organe, on peut se rendre compte que le conseil

23 suprême de la Défense n'a adopté aucune décision, non; ils ont rendu des

24 conclusions lors de toutes ces réunions. Enfin, les réunions que j'ai

25 examinées et qui avaient eu lieu en 1997 et en 1998, ainsi qu'en 1999, pour

26 l'une d'entre elles, et dans aucun de ces documents, je n'ai pu constater

27 que le conseil suprême de la Défense ait adopté une décision quelle qu'elle

28 soit.

Page 13022

1 Il n'y a que deux exemples lors de la réunion du 9 juin 1998 et du 4

2 octobre 1998, lors de ces deux réunions, le conseil suprême de la Défense a

3 rendu des conclusions. Si on en fait une lecture attentive, on constate

4 qu'il ne s'agit pas de décisions. Il s'agit de points de vue politiques, de

5 positions politiques qui sont adoptées. Le président du conseil suprême de

6 la Défense a interprété les articles 135 et 133 de la constitution de telle

7 façon que le conseil suprême de la Défense pouvait adopter des conclusions

8 et pas prendre des décisions. On peut voir dans ce passage du compte rendu

9 que nous avons absolument sous les yeux. Voilà la manière dont j'interprète

10 les dires du président Djukanovic, du président du Monténégro.

11 Maintenant, s'agissant de l'interprétation de ces articles précis de

12 la constitution, le président Milosevic en a donné à la même page sa propre

13 interprétation. J'aimerais vous renvoyer à ces passages. J'aimerais même

14 pour ce faire, quand j'ai dit que ma réponse était non, c'était pour dire

15 que le conseil suprême de la Défense n'a jamais rendu de décisions. Jamais

16 de décision de ce type n'a été publiée où que ce soit, dans un journal

17 officiel quel qu'il soit, même le journal officiel de l'armée ou de la

18 République fédérale de Yougoslavie. Vous n'avez aucun texte d'application

19 de ces décisions. Quand on passe en revue la totalité de ces comptes

20 rendus, on peut se rendre compte que cet organe n'a passé aucune décision.

21 Il s'est contenté d'adopter des conclusions à caractère politique et pas à

22 caractère militaire.

23 M. ZECEVIC : [interprétation] Puis-je continuer de poser des

24 questions portant là-dessus, Monsieur le Président ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je pense que la réponse qui a été

26 apportée à votre question reste dans le cadre du domaine d'expertise de

27 votre témoin.

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Très bien.

Page 13023

1 Si vous m'y autorisez, je vais poursuivre. Juste une intervention sur le --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quant à savoir si on serait d'accord

3 sur sa réponse portant sur les décisions et les conclusions, ça c'est une

4 autre chose.

5 M. ZECEVIC : [interprétation] A 58, ligne 17, il me semble que le Pr s'est

6 référé aux articles 135 et 136.

7 Q. Professeur, vous avez parlé des articles 135 et 136, et non pas 135 et

8 133 ?

9 R. Non, à l'article 136, il exerce les attributions du président de la

10 république à titre autonome, et à l'article 135, c'est conformément aux

11 décisions du conseil suprême de la Défense.

12 Q. Très bien. Professeur, seriez-vous en mesure de nous dire en vous

13 fondant sur les attributions qui sont celles de la République fédérale de

14 Yougoslavie, et conformément à l'article 77, point 7 de la constitution de

15 la RFY, où il est prévu comme seule attribution constitutionnelle sur le

16 plan de la défense et la sécurité de la RFY de caractère fédéral et non pas

17 au niveau de la république, à votre sens quel est le poids constitutionnel

18 de la position du président de la RFY par rapport à la position des

19 présidents des deux autres membres de la fédération, le président de la

20 Serbie et du Monténégro ?

21 R. Il est certain que d'un point de vue juridique et d'un point de vue

22 politique également, le président de la République fédérale de Yougoslavie

23 a davantage de poids que l'ont les autres présidents déjà, d'après l'alinéa

24 3, de l'article 135, de la constitution qui lui confère le poste de

25 président du conseil suprême de la Défense. Ça, c'est du point juridique.

26 D'un point de vue politique, il a été élu par un organe fédéral,

27 l'assemblée fédérale. Il représente, lui, il constitue, lui, un organe

28 fédéral. De par sa fonction, il est censé envisager les intérêts de la

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1 fédération dans sa totalité en tant qu'un tout, tandis que les présidents

2 des républiques membres de la fédération s'inscrivent dans les limites de

3 leur république respective.

4 D'ailleurs, le président Djukanovic le dit explicitement dans ce compte

5 rendu de réunion où il dit : Je m'oppose à ce qu'on change le chef du Grand

6 état-major, et il n'y a pas que moi, mais je transmets l'opinion de tous

7 les dirigeants de la république. C'est du point de vue de sa république

8 qu'il envisage les choses, du point de vue des intérêts de la république,

9 tandis que le président de la république fédérale doit tenir compte des

10 intérêts de la fédération dans sa totalité. C'est la raison pour laquelle

11 sa position lui confère plus de poids, comme je l'ai déjà dit, d'un point

12 de vue constitutionnel, également juridique, puisque la constitution

13 précise qu'il est président du conseil suprême de la Défense, mais aussi

14 parce que c'est un organe fédéral et il doit tenir compte non seulement des

15 intérêts des républiques, membres de la fédération, mais de la fédération

16 en tant que telle.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, s'agissant de la manière

18 dont l'armée serait employée, dans la mesure où elle pourrait se trouver

19 engager dans quelque chose qui serait normalement considéré comme des

20 affaires civiles, si le président de la fédération n'avait pas le même avis

21 que les présidents des républiques, quels seraient les pouvoirs du

22 président en sa qualité de commandant de l'armée ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, c'est une hypothèse que vous

24 énoncez là. Le règlement de procédure du conseil suprême de Défense

25 prévoit cela. Il me semble qu'il a été adopté en 1992 ou en 1993 ? Je ne

26 suis pas certain. On y voit que le conseil suprême de la Défense ne décide

27 pas par voie de consensus, il décide à la majorité. C'est-à-dire que, dans

28 ce genre de situation, dans ce cas de figure, ce serait les représentants

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1 des républiques qui auraient la majorité. Mais, j'ajoute un commentaire :

2 Le conseil suprême de la Défense n'a jamais pris de décision. Il n'a adopté

3 que des conclusions. Si on examinait les conclusions de la réunion du 9

4 juin 1998 et de celle du 4 octobre 1998, on le verrait; il n'y a pas de

5 décision, il n'y est question que de conclusions.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où est-ce qu'on peut trouver cela ?

7 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est à l'intercalaire

8 54, P1574, c'est la 5e réunion du conseil suprême de la Défense du 9 juin

9 1998, page 4 de la traduction, en gras, après : "Au sujet de ce point à

10 l'ordre du jour, le président de la RFY, Slobodan Milosevic a proposé, et

11 le conseil a adopté à l'unanimité les conclusions comme suit…" Les

12 conclusions figurent en gras.

13 Puis, le deuxième, c'est à l'intercalaire 55, P1575. Il s'agit du compte

14 rendu de la 6e session du conseil suprême de la Défense, la date de cette

15 réunion est celle du 4 octobre 1998, et la conclusion à laquelle se réfère

16 le Pr figure ici, page 9, en caractères gras et est soulignée. Il y est dit

17 : "La Yougoslavie est," il me semble que c'est le mot "position" qui manque

18 dans la traduction, "a décidé de maintenir sa position de défendre la paix,

19 et elle est prête à résoudre toutes les questions en suspens de manière

20 pacifique, mais si on était attaqué, nous défendrions notre pays par tous

21 les moyens."

22 Ce sont les conclusions auxquelles s'est référé, je pense, le Pr, les

23 réunions du 9 juin et du 4 octobre.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous m'y autorisez, dans le compte

25 rendu du 9 juin 1998, on trouve trois conclusions proposées par le

26 président Milosevic.

27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que ces deux termes ne

28 sont pas interchangeables, les termes "conclusion" et "décision" ? Est-ce

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1 que vous ne cherchez pas à les distinguer de manière un peu exagérée ? Est-

2 ce que qui que ce soit peut s'opposer à une conclusion qui a été adoptée,

3 l'un quelconque des trois protagonistes ? Est-ce qu'en fait il ne s'agit

4 pas de la même chose que de dire "décision" ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ces conclusions doivent être

6 mises en œuvre par voie de décisions, puisque les conclusions ne

7 constituent que des prises de positions politiques, à mon sens, c'est

8 analogue à des positions adoptées par les dirigeants d'un parti politique,

9 d'un organe politique. Maintenant, il faudrait opérationnaliser ces

10 conclusions pour les traduire dans les faits, sinon, ce ne sont que des

11 prises de positions politiques. Puis, des décisions doivent être publiées

12 quelque part. Je n'ai jamais vu publiée une décision prise par le conseil

13 suprême de la Défense, il me semble que cela n'existe pas. Puisque tout ce

14 qui existe se trouve dans les comptes rendus. Pardonnez-moi, mais un compte

15 rendu n'a pas de valeur juridique. Tout ceci figure dans des comptes

16 rendus, mais n'a jamais été articulé sous forme de décision. Cela reste

17 dans un compte rendu. Cela ne peut avoir que des conséquences politiques.

18 Aucune conséquence juridique ne découle de cela.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Professeur,

20 on ne peut changer la nature d'un chien en l'appelant un chat. En fin de

21 compte, nous allons prendre connaissance de ces différents textes et nous

22 allons juger de leur vraie substance. Je comprends parfaitement ce que vous

23 cherchez à dire maintenant au sujet de ces deux comptes rendus que nous

24 avons examinés, mais peut-être que nous en entendrons davantage au cours du

25 contre-interrogatoire portant sur d'autres textes.

26 Nous allons maintenant suspendre l'audience pour notre pause de déjeuner.

27 M. l'Huissier va vous raccompagner, et nous vous retrouverons ici dans le

28 prétoire à 13 heures 30 -- excusez-moi, je me trompe. Excusez-moi. Nous

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1 devons continuer pendant un quart d'heure encore. J'ai vraiment perdu le

2 sens de l'orientation.

3 M. ZECEVIC : [interprétation]

4 Q. Professeur, examinons maintenant l'intercalaire 57. Il s'agit d'une

5 session du conseil suprême de la Défense qui a eu lieu le 25 décembre 1998.

6 Il s'agit de la pièce P1000. En première page, ainsi qu'en dernière page,

7 il y a des choses qui m'intéressent. Je voudrais entendre votre opinion.

8 Pour ce qui est de la traduction anglaise, c'est la première page, page 1

9 et également page 10, les deux derniers paragraphes, ce qui se poursuit en

10 haut de la page 11. Professeur, nous avons vu l'article 136 de la

11 constitution de la République fédérale de Yougoslavie, par cet article, le

12 président jouit d'un droit autonome, le président de la RFY, de nommer, de

13 promouvoir et de démettre de leurs fonctions les officiers de l'armée, et

14 cetera.

15 Première page de ce compte rendu de la 8e réunion du conseil suprême de la

16 Défense le 25 décembre 1998, on trouve l'ordre du jour, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, l'ordre du jour est là. Ce qui est intéressant c'est de voir

18 comment est formulé le point 3 à l'ordre du jour, puisqu'il ne s'agit que

19 d'information. Il ne s'agit ni de décision, ni même de conclusion, il ne

20 s'agit que d'information.

21 Q. C'est le point 3 à l'ordre du jour : "Information sur des propositions

22 s'agissant du personnel de l'armée yougoslave soumises à la décision du

23 président de la RFY."

24 Si je vous ai bien compris, c'est totalement conforme aux dispositions de

25 l'article 136 de la constitution. Puisque, comme je viens de le dire, c'est

26 de manière autonome qu'agit le président ?

27 R. Oui, l'attribution.

28 Q. Oui, c'est quelque chose qui existe de manière tout à fait autonome et

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1 non pas conformément aux décisions du conseil suprême de la Défense, mais à

2 titre entièrement autonome, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, et il n'est pas clair de savoir pourquoi le président de la

4 République fédérale de Yougoslavie, qui par ailleurs propose l'ordre du

5 jour des réunions du conseil suprême de la Défense, cherche à inscrire ceci

6 à l'ordre du jour, ce point-là à une réunion du conseil de Défense puisque

7 c'est à lui qu'appartient la décision. Il n'a pas à consulter le conseil

8 suprême de la Défense.

9 Q. Très bien, Professeur. Est-ce que vous pouvez maintenant vous reporter

10 à la dernière page de ce texte, ce compte rendu où il est question de

11 conclusions finales. Dans la version anglaise, il s'agit des deux derniers

12 paragraphes, page 10, ainsi que des deux paragraphes aux points 2 et 3,

13 page 11. Ici, le texte se lit comme suit : "A la fin de la réunion le

14 président Milosevic a présenté, et le conseil suprême de la Défense a

15 adopté les positions finales comme suit, les conclusions comme suit." Il

16 s'agit de l'intercalaire 57, 8e réunion du 25 décembre 1998.

17 R. Oui, j'ai trouvé.

18 Q. Donc des positions finales ou des conclusions, entre autres, on lit :

19 "Sur chacune des questions concernant l'armée à l'avenir, le conseil de

20 suprême de la Défense continuera d'être informé."

21 R. Ici comme dans le compte rendu de la réunion du mois de novembre 1998,

22 que nous venons d'examiner, ce que l'on trouve c'est la manière dont on

23 entend le rôle joué par le conseil suprême de la Défense. Celui-ci est

24 informé des questions relatives à l'armée yougoslave. Dans le compte rendu

25 du mois de novembre 1998, le président du conseil suprême de la Défense

26 exprime la même pensée, voici ce qu'il dit : "En apportant les conclusions

27 à la fin des débats le président a dit qu'à l'avenir, il continuera de

28 consulter toujours les membres du conseil de la Défense suprême, les

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1 présidents des républiques membres sur chacune des questions relatives à

2 l'armée de la Yougoslavie."

3 En d'autres termes, le conseil suprême de la Défense est ici conçu

4 comme un organe consultatif et non pas comme un organe qui prend des

5 décisions. C'est ce que l'on trouve le 24 novembre 1998 à la fin de la 4e

6 réunion, et également dans ce compte rendu que vous venez de nous

7 soumettre.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre commentaire ne porte que sur des

9 questions qui ont à voir avec le personnel, puisque c'est quelque chose qui

10 est du ressort du président. Pour la raison que vous avez citée

11 précédemment, il a consulté les présidents des deux autres républiques pour

12 écarter tout doute, pour qu'on ne pense pas qu'il y ait préjudice à leur

13 encontre, donc n'était-ce pas une manière très raisonnable d'agir, de

14 chercher leur avis ? Mais, c'est différent de l'article précédent où il est

15 question d'agir en accord avec les décisions du conseil suprême de la

16 Défense ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certes. On peut l'expliquer de cette

18 manière-là, même si linguistiquement parlant les termes ne nous permettent

19 pas de le penser. Nous pouvons le supposer uniquement. Nous pouvons

20 supposer que c'est ce que le président de la république avait à l'esprit,

21 mais il ne l'a pas dit expressément.

22 D'ailleurs, d'une manière générale le conseil suprême de la Défense avait

23 tendance à inscrire à l'ordre du jour des questions qui ne relèvent

24 absolument pas de son ressort, tandis que s'agissant des questions qui

25 étaient bel et bien de son ressort, il ne prenait pas de décisions. La

26 majeure partie des points de l'ordre du jour en 1997, 1998 et une réunion

27 en 1999 que j'ai eu l'occasion de revoir concerne le budget de l'armée. Or,

28 celui-ci fait partie du budget fédéral. Le projet de budget fédéral est

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1 conçu par le gouvernement fédéral, et le budget fédéral est adopté par

2 l'assemblée fédérale.

3 Le conseil suprême de la Défense n'a aucune attribution eu égard au budget

4 fédéral. Il devrait s'intéresser aux questions qui ont à voir avec le

5 commandement de l'armée, puisqu'à l'article 135, il est dit que l'armée de

6 Yougoslavie est commandée par le président de la république conformément

7 aux décisions du conseil suprême de la Défense. Or, celui-ci discute des

8 questions matérielles, questions financières, questions qui ont à voir avec

9 les finances, la vente de l'équipement militaire. C'est tout ce qui ressort

10 des comptes rendus de ces réunions tout au long des années 1997 et 1998. Je

11 n'ai pas lu les comptes rendus des réunions qui précèdent l'année 1997. Je

12 ne sais pas à quoi il s'est intéressé précédemment, le conseil suprême de

13 la Défense, mais j'ai été étonné de voir ce qui figurait dans ces comptes

14 rendus. J'ai été étonné de voir comment était interprété son rôle, puisque

15 c'est toute autre chose que l'on trouve dans la constitution.

16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Mais il n'empêche qu'il y a des

17 constitutions où la ventilation du budget de l'armée est quelque chose qui

18 ne fait pas partie des compétences de l'assemblée. Ils n'ont que le budget

19 consolidé à décider. Pour ce qui est des différentes ventilations, cela se

20 fait de manière un peu moins publique. Peut-être est-ce le rôle qui a été

21 joué par le conseil suprême de la Défense. Deuxièmement, par exemple,

22 lorsqu'il demandait au Monténégro de payer 10 % de plus que ce que payait

23 la Serbie qui assumait 90 % de budget, c'était peut-être quelque chose qui

24 était discuté lors des réunions. Ce n'était peut-être pas quelque chose de

25 complètement futile.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous pour dire

27 qu'il y a des pays sur le plan international qui agissent ainsi, et que le

28 conseil suprême de la Défense est parfois appelé à traiter de ces

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1 questions. Mais ici, à l'article 135 de la constitution, ce n'est pas ce

2 qu'on lit. Il est exact de dire par ailleurs que le conseil suprême de la

3 Défense constitue un forum où on peut discuter de certains éléments du

4 budget militaire, sans aucun doute, mais ce n'était pas cela l'idée

5 lorsqu'on a créé le conseil suprême de la Défense.

6 Nous avions précédemment un organe suprême de l'armée de l'époque de la

7 République fédérative socialiste de Yougoslavie, mais cette présidence

8 avait toute une série d'autres questions à traiter en plus de celle-ci. Or,

9 pour ce qui est du conseil suprême de la Défense, c'était son principal

10 domaine. Il devait s'intéresser à cela. Il n'avait pas d'autres

11 attributions au terme de la constitution.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A l'intercalaire 57, page 9 dans la

13 version anglaise, puis ça continue en haut de la page 10. Il est dit que le

14 président Djukanovic pensait que le conseil suprême de la Défense prenait

15 des décisions.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas à le trouver, ce passage en

17 particulier. Est-ce qu'on pourra me dire comment cela est formulé ?

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On discute de la conduite du Corps de

19 Pristina, et ça concerne la nomination du général Pavkovic au commandement

20 de la 3e Armée.

21 M. ZECEVIC : [interprétation]

22 Q. Si je puis vous être utile, Professeur, page 13. Cela commence par des

23 caractères gras, et est écrit en gras : "Le général Dragoljub Ojdanic."

24 C'est trois pages avant la fin.

25 R. Je n'ai pas de pagination dans ma version.

26 Q. La troisième page, si vous commenciez par la fin. L'avant-dernier

27 paragraphe.

28 R. Oui, mais quelles sont ces décisions du conseil suprême de la Défense

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1 qu'évoque le président Djukanovic ? Parce que jamais aucune décision de ce

2 type n'a été publiée. Il parle sans doute de postes de nomination, ou

3 plutôt, de prises de positions, parce que tout le monde dit que le conseil

4 suprême de la Défense prend une position sur tel ou tel sujet. Or, il ne

5 s'agit pas au sens strict du terme de décisions.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Nous avons bien compris la

7 position qui est la vôtre sur ce point. Le moment est venu de faire la

8 pause. Nous reprendrons à 2 heures moins le quart. Veuillez suivre

9 l'huissier.

10 [Le témoin quitte la barre]

11 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 48.

12 --- L'audience est reprise à 13 heures 48.

13 [Le témoin vient à la barre]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, à vous.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Professeur, j'ai analysé les échanges que nous avons eus au cours de la

17 deuxième partie de la matinée de ce matin, et j'en suis arrivé à la

18 conclusion qu'il est sans doute nécessaire que vous nous expliquiez en

19 quelques mots les différents actes qui pouvaient être adoptés dans le cadre

20 du système législatif serbe, si vous le voulez bien.

21 R. Vous parlez de la Serbie ?

22 Q. Oui.

23 R. L'assemblée -- et je me situe dans le cadre de la constitution de 1990

24 ?

25 Q. En vertu de la constitution de 1990, mais également en vertu du système

26 législatif fédéral relevant de la constitution de 1992.

27 R. L'assemblée fédérale appliquait les décisions et conclusions ainsi que

28 les lois et la constitution. Le gouvernement fédéral, pour sa part, prenait

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1 des décrets, des ordonnances et tout autre type de décisions, directives ou

2 conclusions. Les organes de l'administration d'Etat, c'est-à-dire, les

3 ministères, appliquaient les règlements, les ordonnances, les directives et

4 les décisions. Les tribunaux prononçaient des jugements, qui sont des actes

5 déterminés. Quant à la Cour constitutionnelle, elle rendait des décisions.

6 Le président de la république, pour sa part, prenait les ordonnances.

7 Nous avions la même nomenclature qui s'appliquait aux organes de la

8 République de la Serbie mutatis mutandis, à savoir que l'assemblée

9 nationale adoptait la constitution, mais dans le cas d'un référendum

10 constitutionnel. Les lois, les décisions et les conclusions étaient

11 parallèles à celles qui existaient au niveau fédéral. Le président de la

12 république, pour sa part, prenait des ordonnances; le gouvernement prenait

13 des décrets, rendait des décisions de divers types; les ministères

14 élaboraient des règlements, des ordonnances, des directives, des décisions

15 et des conclusions. Le gouvernement proposait des lignes directrices sous

16 la forme de conclusions. Les tribunaux prononçaient des jugements. Quant à

17 la chambre constitutionnelle, elle rendait des décisions.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais dans toute cette liste, ce que je

19 voudrais pour ma part, c'est préciser un peu mieux ce qu'est le sens exact

20 d'une conclusion.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à moi que vous posez la question ? Je ne

22 sais pas exactement quel est le but que poursuivait Me Zecevic dans sa

23 question, mais on se doit de conclure que cette nomenclature, cette série

24 de dénominations qualifiant les divers actes législatifs, est définie par

25 la constitution ainsi que par les lois. Par exemple, la loi relative au

26 gouvernement définit quels sont les actes qui proviennent du gouvernement.

27 Nous l'avons vu lorsque nous avons parlé de l'article 90 de la constitution

28 de la Serbie. La loi sur l'administration de l'Etat définissait les types

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1 d'actes qui pouvaient provenir des ministères. La loi sur l'armée --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends cela. Je comprends cela,

3 Professeur. Mais moi, c'est le mot "conclusion" que je ne connais pas du

4 tout. J'aimerais mieux comprendre ce qu'est finalement une décision. Vous

5 pourriez peut-être me donner des exemples, si vous en avez.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des exemples. Les conclusions de

7 l'assemblée nationale, par exemple, avant le départ de la délégation

8 nationale pour Rambouillet, et après le retour de cette délégation,

9 c'étaient des conclusions. Je ne sais pas quel est le numéro ou la cote qui

10 a été donné à ces conclusions ici.

11 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce document fait

12 partie du classeur qui renferme les éléments relatifs aux faits, et nous

13 n'avons pas encore distribué ce classeur, mais il sera sans doute distribué

14 demain. Vous verrez à cette occasion quelle est la forme d'une conclusion.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. J'attendrai jusqu'à ce

16 moment-là, Maître Zecevic. Veuillez poursuivre.

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourrais-je ajouter quelques mots ?

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Une conclusion, ce n'est pas un acte en tant

21 que tel. Dans une conclusion, on présente la position de l'organe qui a

22 pris cette conclusion sur une série de questions qui relèvent de la

23 compétence de cet organe. Donc le mot "conclusion" n'est pas une norme

24 juridique; dans une conclusion, l'organe qui est à l'origine de la

25 conclusion présente une position, un point de vue. Mais la dénomination

26 "conclusion" fait partie de la nomenclature générale.

27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Serait-ce peut-être un mot synonyme

28 de "résolution" ? Ou bien le mot "résolution," a-t-il un sens différent du

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1 mot "conclusion" ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me parlez d'un décret, un décret a

3 force de droit. C'est un acte législatif en bonne et due forme,

4 contrairement à une conclusion qui elle n'a pas force de loi. Le décret lie

5 la personne qui en est l'auteur et peut donner lieu à une sanction

6 juridique, alors que ce n'est pas le cas d'une conclusion, qui ne peut

7 conduire à aucune sanction juridique.

8 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Nous avons peut-être ici un problème

9 de mot simplement, mais eu égard à l'action que vous avez décrite, j'aurais

10 tendance à la qualifier, à la nommer "résolution" pour ma part,

11 "résolution" en même titre que les résolutions votées par le Conseil de

12 sécurité des Nations Unies, ou par l'assemblée générale. Alors, je vous

13 demande s'il y a une différence entre ce que vous entendez par

14 "conclusion," et ce que j'entends par "résolution" du point de vue du

15 pouvoir que ces documents impliquent. Nous avons compris ce qu'était un

16 décret, bien entendu, qui est l'équivalent d'une décision judiciaire, ou

17 d'un ordre.

18 M. ZECEVIC : [interprétation]

19 Q. Professeur, est-ce que vous pourriez expliquer le rapport éventuel

20 entre ce que vous appelez "conclusion," et une résolution du Conseil de

21 sécurité ?

22 R. Oui. Les conclusions sont effectivement assez semblables à des

23 résolutions, elles le sont. Une résolution permet également d'exprimer un

24 point de vue sur une question déterminée qui relève de la compétence de

25 l'organe à l'origine de la résolution, et la même remarque s'applique aux

26 conclusions. Les conclusions ne sont pas des actes législatifs, et ne sont

27 pas libellée de la même façon que le sont les documents juridiques divisés

28 en un certain nombre d'articles, de paragraphes, et cetera. Donc même dans

Page 13036

1 l'aspect extérieur, et pas seulement du point de vue de leurs contenus, les

2 conclusions diffèrent d'actes législatifs tels que les lois, les décrets ou

3 les ordonnances.

4 Q. Merci, Professeur. Professeur, cette nomenclature s'appliquait en

5 République fédérale de Yougoslavie et en Serbie, mais elle n'était pas

6 spécifique de la seule Serbie. En droit comparatif, par exemple, il y a

7 d'autres Etats européens qui utilisent le même genre de nomenclature,

8 n'est-ce pas, qui utilisent le même terme pour désigner les différents

9 actes en vigueur dans le pays ?

10 R. Bien sûr. Dans d'autres systèmes, il y a évidemment des gouvernements

11 qui ont pouvoir de prendre de décrets lois, mais cette possibilité n'a

12 jamais existé dans notre pays, le fait de prendre des décrets lois.

13 Q. Merci, Professeur. Revenons rapidement sur l'intercalaire 54, pièce

14 P1574, qui est une conclusion prononcée à l'issue d'une séance du conseil

15 suprême de la Défense en date du 9 juin, et le paragraphe qui m'intéresse

16 est l'article 2, paragraphe 2. Vous l'avez trouvé ?

17 R. Oui.

18 Q. Dans la traduction anglaise, ce paragraphe se trouve à la page 4, et

19 est présenté en caractères gras. Alors ce qui m'intéresse, c'est que cette

20 conclusion est présentée à la forme conditionnelle. Autrement dit, au cas

21 où quelque chose surviendrait, la conséquence de ce quelque chose serait la

22 survenue de quelque chose d'autre.

23 R. Oui. On le voit dans cette conclusion qui stipule qu'au cas où se

24 développeraient les actions terroristes du Mouvement séparatiste albanais,

25 l'armée yougoslave interviendrait en conséquence, et c'est exactement la

26 question dont je traitais avant la pause. Comment sur la base d'une telle

27 conclusion, qu'on pourrait même appeler "décision," quelqu'un pourrait-il

28 donner un ordre ou commander l'armée yougoslave ? Quel est le sens exact à

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1 donner à l'expression "intervenir comme il se doit" ? Aucune explication

2 opérationnelle n'est apportée dans cet article. Rien n'est dit au sujet du

3 sens exact de ces expressions.

4 Q. Professeur, sans entrer dans le fond du problème, mais en nous en

5 tenant à l'aspect juridique simplement, une telle conclusion pour être mise

6 en pratique devrait comporter des sous-paragraphes qui lui seraient

7 ajoutés, à moins que lui soit jointe une autre décision déterminant des

8 conditions à remplir pour définir l'intervention appropriée dont il est

9 question ici. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus avec moi ?

10 R. Oui, je le suis. Je pense qu'ici, nous n'avons que l'expression d'une

11 position politique qui doit être détaillée plus en détail dans le cadre

12 d'un avis d'expert. Donc, sur la base de cette position, une décision doit

13 être rendue qui ne peut être exprimée en termes aussi généraux que ceux que

14 l'on voit ici, puisque les termes utilisés ici ne sont pas conformes à la

15 langue juridique.

16 Q. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur l'intercalaire 55,

17 pièce P1575. C'est le procès-verbal d'une réunion, plus précisément de la

18 6e séance du conseil suprême de la Défense tenue le 4 octobre 1998. La

19 conclusion à laquelle je pense se trouve à l'avant-dernière page du texte

20 dans la version serbe, et en page 9 de la traduction anglaise. Dans cette

21 conclusion, comme dans la conclusion du 9 juin que nous avons examinée tout

22 à l'heure, nous trouvons des conditionnels. C'est-à-dire qu'elle stipule

23 qu'au cas où quelque chose surviendrait, le pays utiliserait tous les

24 moyens à sa disposition pour se défendre. Vous êtes d'accord avec moi ?

25 R. Oui, c'est la même chose. Dans cette conclusion, nous trouvons le même

26 langage qui permet d'exprimer une position politique. Il faut qu'un texte

27 opérationnel lui soit ajouté, car il est impossible de commander l'armée

28 sur la base de ce passage que j'ai sous les yeux actuellement. Que veut

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1 dire cette expression : "est fermement déterminé dans son choix de la

2 paix" ? Est-ce que cela veut dire est prêt à résoudre tous les problèmes

3 qui subsistent par des voies pacifiques ? Ce genre de libellé ne concerne

4 pas directement l'armée yougoslave. Cela n'a rien à voir avec l'action de

5 commander. C'est l'expression d'une position politique. Au cas où nous

6 serions attaqués, nous défendrons notre pays par tous les moyens. L'un de

7 ces moyens peut être l'armée yougoslave, mais quels sont tous ces autres

8 moyens ? Il importe qu'un texte développant plus en détail celui-ci soit

9 rédigé sous la forme d'une décision qui rendrait opérationnelle et

10 permettrait la mise en œuvre de cette conclusion politique.

11 Q. Merci, Professeur. Pour illustrer ce que vous venez dire, nous allons

12 montrer des exemples des divers actes pris par les organes compétents pour

13 agir dans le domaine militaire, au sens large du terme, et nous montrerons

14 que chacun de ces actes présente un aspect physique qui est prescrit par la

15 loi. Je vous demanderais de vous penchez sur l'intercalaire 63, pièce P984,

16 c'est-à-dire la loi sur l'armée de Yougoslavie, sur les forces armées. Vous

17 avez trouvé ce document, Professeur ? Ce document ?

18 R. Oui.

19 Q. Penchons-nous d'abord, si vous le voulez bien, sur l'article 4, et la

20 phrase qui m'intéresse est la dernière phrase. Cet article énumère huit

21 points tout ce que le président de la République fédérale yougoslave, qui

22 commande le conseil suprême de la Défense conformément à la loi, ceci

23 découle du texte de la constitution, on voit la liste de tout ce que le

24 président fait dans le cadre de ce commandement. Le président détermine le

25 système, détermine dans quelles conditions l'armée est employée, établit

26 les principes, et approuve le plan de déploiement de l'armée, et cetera. Au

27 dernier paragraphe, nous lisons : "Dans l'accomplissement des tâches

28 susmentionnées," autrement dit dans l'accomplissement de son commandement,

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1 "le président de la république émet des ordres, des commandements, et rend

2 des décisions."

3 Donc la loi sur l'armée, eu égard à ce que stipulent les articles 133, 134,

4 135 et 136 de la constitution, la loi étant la base législative qui découle

5 de ces articles de la constitution, et notamment des deux derniers,

6 prescrit de façon précise les divers documents qui peuvent être émis par

7 les divers organes liés à des matières militaires, ainsi que la forme de

8 ces actes ou de ces documents. Vous êtes d'accord avec moi ?

9 R. Oui. Toute personne sachant lire voit que c'est bien ce que stipule cet

10 article, dans lequel il est dit que le président du conseil suprême de la

11 Défense est le premier parmi ses pairs et qu'il a des pouvoirs précis qui

12 lui sont conférés. Ensuite, on voit la liste de différents actes

13 législatifs, ordres et décisions qui peuvent émanés de lui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Deux questions se posent. D'abord,

15 est-ce qu'il peut accomplir l'une ou l'autre des tâches énumérées de cet

16 article de son plein gré ? Est-ce que la constitution l'autorise à le faire

17 ? C'est bien cela, Professeur ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ressort du paragraphe 1 qu'il accomplit

19 toutes ces tâches dans le respect des décisions du conseil suprême de la

20 Défense, et que lorsqu'il commande l'armée, il doit suivre les différents

21 points qui sont énumérés dans cet article.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout cela conformément aux décisions

23 prises par le conseil suprême de la Défense ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Conformément aux décisions prises par le

25 conseil suprême de la Défense, mais comme je l'ai déjà dit, je n'ai jamais

26 eu sous les yeux la moindre décision du conseil suprême de la Défense. Je

27 n'ai pas connaissance de l'existence d'une telle décision d'ailleurs. Je

28 n'ai eu sous les yeux que des conclusions du conseil suprême de la Défense.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis, la deuxième question que

2 j'aimerais vous poser concerne le dernier paragraphe auquel il a été fait

3 référence, dans lequel nous lisons, je cite : "Dans l'accomplissement des

4 tâches décrites au paragraphe 2, le président émet des ordres, des

5 commandements, et rend les décisions." Vous avez dit que dans ce

6 paragraphe, était "déterminé le système de commandement de l'armée."

7 S'ensuit-il qu'en exerçant les pouvoirs décrits aux points 1, 3 et 8, le

8 président ne peut pas émettre des ordres, des commandements, et des

9 décisions ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon avis, c'est que les différentes tâches

11 énumérées au point 8, sont des tâches que le président de la république

12 accomplit en prenant un certain nombre d'actes. Autrement dit, rien n'est

13 possible en l'absence d'un acte, car c'est seulement en prenant un acte que

14 le président respecte les obligations légales qui sont les siennes. Il peut

15 émettre des commandements, des ordres, rendre des décisions. Nous lisons la

16 même chose d'ailleurs au point 6, qu'il est habilité à établir des

17 règlements ou des règlementations.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous m'aider en m'apportant une

19 explication éventuelle de la raison pour laquelle le paragraphe 2 occupe

20 une place distincte dans la dernière phrase ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si le texte que j'ai sous les yeux est bien le

22 texte de la loi sur l'armée, ce texte que j'ai sous les yeux ne compte que

23 deux paragraphes. Au premier paragraphe, on trouve huit points, et au

24 deuxième paragraphe, on trouve ce que vous venez d'évoquer. Alors, soit il

25 y a eu confusion entre le premier paragraphe et le deuxième paragraphe,

26 soit il conviendrait de dire paragraphe 2.1. Parce que le texte que j'ai

27 sous les yeux compte deux paragraphes au total. Mais dans le premier

28 paragraphe, il y a huit points, donc huit sous-paragraphes.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait afficher sur les

2 écrans la version B/C/S de ce texte, la version B/C/S de l'article 4. Page

3 suivante, je vous prie.

4 M. ZECEVIC : [interprétation] La première page maintenant.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-il possible que la référence en

6 question ne porte pas sur le point 2, mais sur l'article 2 de la loi sur

7 l'organisation de l'armée ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] A moins que je ne sois véritablement

9 complètement épuisé, moi, tout ce que je vois à l'article 4 ce sont deux

10 paragraphes, et rien de plus. Selon moi, je ne sais pas si l'autre examine

11 un autre texte, mais le texte que j'ai sous les yeux ne compte que deux

12 paragraphes, et le deuxième paragraphe se lit comme je vous l'ai dit. Je

13 pense qu'il y a une erreur. Il faudrait lire : "Au paragraphe 1" -- ou

14 alors : "Au paragraphe 1, point 2." Voilà la manière dont cela devrait être

15 formulé. Mais ce n'est pas clair, parce que le paragraphe 2 est mentionné

16 dans le même paragraphe.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que nous disposons du texte

18 officiel, aussi officiel qu'il se peut.

19 M. ZECEVIC : [interprétation] Effectivement.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

21 M. ZECEVIC : [interprétation] Il s'agit d'un extrait du journal officiel en

22 date du 27 mai 1994, numéro 43. C'est un texte sur lequel les parties ont

23 donné leur accord. C'est le texte officiel.

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir. Avec

25 votre permission, Monsieur le Président.

26 Professeur Markovic, en vous entendant pour la première fois parler du

27 dernier paragraphe de l'article 4, je pensais qu'il y avait une différence

28 avec le paragraphe 2 au sujet du système de commandement de l'armée et du

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1 contrôle. La distinction, c'est qu'il existe une fonction, une obligation

2 particulière, alors que pour ce qui est du reste de l'article, c'est laissé

3 au pouvoir discrétionnaire, ou pouvoir d'appréciation, de la personne

4 compétente. Dans ce paragraphe 2, transparaît une obligation particulière

5 qui repose sur la dernière phrase, alors que dans les autres cas il n'y a

6 pas d'obligation qui se dégage. Tout dépend des circonstances, et à ce

7 moment-là il convient de décider au cas par cas. Est-ce que vous me

8 comprenez ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Tout à fait. Mais je crois

10 que les obligations ressortent de tous ces points. Au point 4, il est dit

11 qu'il doit réglementer et ordonner des mesures. Comment le faire, faute de

12 donner des ordres ? Je ne sais pas s'il y a eu ensuite un corrigendum dans

13 d'autres numéros du journal officiel. Il y a peut-être eu à ce moment-là un

14 corrigendum, mais il est manifeste que dans cet article il n'y a que deux

15 paragraphes en tout et pour tout, et le deuxième paragraphe fait référence

16 au deuxième paragraphe. Alors, soit il y a une erreur, soit il aurait fallu

17 lire au point 2 du paragraphe 1. C'est une possibilité. Parce que cela

18 arrive. Cela arrive qu'il y ait des coquilles même dans le journal

19 officiel. Ce qui se passe ensuite c'est que dans les éditions qui suivent

20 on publie un corrigendum.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

23 Q. Professeur, je vais essayer de trouver le texte correctif correspondant

24 cet après-midi. C'est la première fois que cela est porté à mon attention.

25 J'aimerais que nous examinions ensemble l'article 6 du texte.

26 R. Oui.

27 Q. On peut dire que l'article 6 explique un petit peu l'erreur que nous

28 avons identifiée à l'article 4. On peut lire à l'article 6, je cite : "Afin

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1 de mettre en œuvre les textes qui émanent du président de la république et

2 qui portent obligation de commandement de l'armée, et afin d'exécuter les

3 obligations qui sont édictées dans cette loi, le chef de l'état-major

4 général publiera, ou dictera, règlements, ordres, consignes, instructions

5 et autres documents pertinents."

6 On voit donc ici qu'on a une liste des textes, des actes juridiques qui

7 peuvent émaner du chef d'état-major général lorsqu'il met en œuvre les

8 textes qui ont été décidés par le président de la république. Tout est

9 énuméré ici de manière très précise.

10 R. Oui. Ici, on nous donne un relevé très précis de tous les textes

11 concernés; règlements, ordres, consignes, instructions, et cetera. Chacun

12 de ces textes ayant une caractéristique juridique bien précise.

13 Q. Si on part du principe qu'à l'article 4 il y a eu une faute de frappe -

14 et nous allons vérifier s'il en est ainsi et en informer la Chambre de

15 première instance. Si on part de ce principe, on peut dire que le président

16 avait le pouvoir de délivrer ou de donner des ordres, de rendre des

17 décisions, et cetera, de faire un acte, mais que dans aucun des articles ou

18 dans aucun des règlements, on ne fait mention de textes ou de décisions

19 rendues par le conseil suprême de la Défense ?

20 R. C'est exact. Que ce soit dans cette loi, c'est-à-dire la loi sur la

21 défense ou la loi sur l'armée, on ne parle jamais de décisions, de textes,

22 qui émaneraient du conseil suprême de la Défense.

23 Q. Ces documents, par leur nature, devraient être considérés comme des

24 documents de niveau inférieur, si je puis m'exprimer ainsi, mais conformes

25 à la constitution, n'est-ce pas ?

26 R. Oui, mais ce qui est très important c'est que tous ces documents

27 doivent être publiés. La constitution le précise, tous les règlements

28 doivent faire l'objet d'une publication. A l'époque, j'étais juge de la

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1 Cour constitutionnelle quand elle a statué qu'un règlement qui n'avait pas

2 fait l'objet de publication ne pouvait pas être considéré comme tel et que

3 l'on ne pouvait pas évaluer sa légalité ou sa constitutionnalité. Voilà la

4 position prise en 1991 par la Cour constitutionnelle. J'en suis sûr à 100 %

5 parce que moi-même je siégeais au sein de cette cour à l'époque.

6 Si bien qu'un règlement qui n'a pas fait l'objet d'une publication n'est

7 pas un règlement. Il n'a aucune existence juridique. Il n'existe aucun

8 document qui précise quelles sont les décisions du conseil suprême de la

9 Défense, et ces décisions n'ont jamais été publiées nulle part. La

10 constitution précise que sans publication il n'y pas règlement.

11 Q. Merci.

12 R. Etant donné le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi, la

13 publication est obligatoire. On ne peut pas s'en passer. De plus, le

14 président de la république ne peut pas être considéré comme responsable

15 d'une enfreinte à la constitution s'il commande sans prendre compte des

16 décisions du conseil suprême de la Défense, parce que nous ignorons quelles

17 étaient ses décisions, s'il y a eu décisions, et si elles ont été publiées.

18 Aux termes de la constitution de 1992, le président de la république

19 pouvait exercer son commandement sans qu'il y ait décision du conseil

20 suprême de la Défense, et ceci n'enfreignait nullement la constitution.

21 Parce qu'il n'y avait pas de décision du conseil suprême de la Défense, et

22 donc nous ne pouvons pas savoir s'il exerçait son commandement conformément

23 ou non à ces décisions ou pas. Comme les Juges le savent sans doute, le

24 président de la République fédérale de Yougoslavie peut être tenu

25 responsable pour enfreinte à la constitution. Le premier président de la

26 république fédérale, Dobrica Cosic, a été révoqué par l'assemblée, qui

27 estimait qu'il avait enfreint la constitution.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, il est possible que

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1 votre position soit différente de celle du témoin. Je ne suis pas très sûr

2 de ce qu'il en est, parce que vous avez insisté sur le fait que ces ordres

3 d'application se situaient à un niveau inférieur, parce que le président

4 doit commander l'armée conformément aux décisions du conseil suprême de la

5 Défense.

6 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce que nous dit le témoin, lui,

8 c'est qu'il n'y a jamais eu de telles décisions, que le président pouvait

9 faire ce que bon lui semblait, sans tenir compte du conseil suprême de la

10 Défense. En d'autres termes, le conseil suprême de la Défense avait un rôle

11 de frein, c'est tout. Il ne pouvait rien faire de vraiment concret. Tout ce

12 qu'il pouvait, c'était freiner le président. C'est ce que j'ai cru

13 comprendre, à moins que ces propos ne puissent être interprétés d'une autre

14 manière.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est là un débat d'ordre théorique. Je

16 parlais, de la nature des choses -- du principe, les ordres par lesquels le

17 président exerce son commandement sont des textes de niveau inférieur, si

18 on peut dire. Parce que ces ordres doivent être conforme aux décisions ou à

19 une décision du conseil suprême de la Défense.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces décisions, où est-ce qu'on les

21 trouve ?

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Justement, c'est là le cœur du problème.

23 Parce qu'elles n'existent pas, ces décisions.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Elles n'ont peut-être jamais été

25 couchées sur le papier.

26 M. ZECEVIC : [interprétation] D'après le témoin, elles n'existent pas du

27 point de vue juridique.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais d'une manière ou d'une

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1 autre, le président est quand même investi du pouvoir de commander.

2 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, aux termes de la loi sur la VJ, c'est le

3 cas.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, ces mots n'ont aucune

5 signification. On peut ignorer ce qui figure ici : "Conformément aux

6 décisions du conseil suprême de la Défense…" On peut n'en faire aucun cas ?

7 M. ZECEVIC : [interprétation] Il semble qu'effectivement, dans la pratique,

8 ce soit tout à fait le cas.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez poursuivre.

10 M. ZECEVIC : [interprétation]

11 Q. Professeur, poursuivons et parlons rapidement des droits des membres du

12 conseil suprême de la Défense. La constitution ne le mentionne pas. C'est

13 quelque chose qui ne figure d'ailleurs dans aucun autre texte réglementaire

14 officiel. Le seul texte qui pourrait sembler avoir un rapport avec la

15 question, c'est un texte interne émanant du conseil suprême de la Défense

16 lui-même. C'est son règlement intérieur. Il y en a eu trois, trois moutures

17 : Une mouture datant de 1992, l'autre de 1999, et enfin la dernière datant

18 de 2001, n'est-ce pas ?

19 R. C'est tout à fait exact.

20 Q. Intercalaire 59, je vous prie. Pièce P2622. Il s'agit du règlement de

21 1992.

22 R. Pouvez-vous répéter la référence ?

23 Q. Intercalaire 59, pièce P2622.

24 R. Oui.

25 Q. Professeur, il est important de tenir compte du fait que ce règlement

26 de procédure n'a jamais fait l'objet d'une publication dans un journal

27 officiel ou dans une publication du même style.

28 R. C'est exact. Dans le monde juridique, c'est un texte qui n'existe pas,

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1 parce qu'un texte doit faire l'objet d'une publication. Donc, on peut dire

2 qu'il s'agit d'un document interne du conseil suprême de la Défense.

3 M. ZECEVIC : [interprétation] Il y a un petit problème au compte rendu

4 d'audience, page 84, ligne 21. Puisque la réponse qu'on a reçue est la

5 suivante : "Oui, ce n'est pas le cas." Cela n'a pas été publié. Enfin,

6 c'est peut-être dû à la manière dont j'ai posé la question.

7 Q. Alors Professeur, ce document, a-t-il été publié ou pas ?

8 R. A ma connaissance, ce document n'a jamais été publié. La première fois

9 que je l'ai vu, c'était en me préparant à venir déposer ici.

10 Q. Il en va de même pour le règlement de procédure de 1999 ?

11 R. Oui.

12 Q. Et pour celui de 1991 ?

13 R. Oui.

14 Q. Il y a quelques instants, vous nous avez parlé de la Cour

15 constitutionnelle. Le document que nous avons sous les yeux n'a jamais été

16 publié, si bien que la cour constitutionnelle n'a pas pu se pencher sur sa

17 conformité à la constitution.

18 R. Bien évidemment. Si vous avez un règlement, un texte qui n'a pas été

19 publié, il n'existe pas du point de vue juridique, si bien que la Cour

20 constitutionnelle ne dispose pas des éléments lui permettant de procéder à

21 une évaluation de la conformité à la constitution dudit document. Le

22 règlement de 1999 comportait une disposition totalement contraire à la

23 constitution, mais la Cour constitutionnelle n'a jamais eu motif de se

24 prononcer sur ce point, n'a jamais pu se prononcer sur ce point. Cela

25 prévoit quelque chose qui figure déjà dans la constitution, mais d'une

26 manière complètement différente, totalement opposée.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, peut-être pourriez-

28 vous essayer de trouver demain la décision de la Cour constitutionnelle sur

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1 ce point.

2 M. ZECEVIC : [interprétation] J'en prend note tout de suite. Un instant,

3 s'il vous plaît, je souhaiterais m'entretenir brièvement avec mon confrère.

4 [Le conseil de la Défense se concerte]

5 M. ZECEVIC : [interprétation]

6 Q. Professeur --

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux peut-être ici vous aider --

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux me permettre de venir au

13 secours de la Défense. La Cour constitutionnelle a pris cette position

14 s'agissant d'un acte juridique, un texte de la présidence de la RSFY en

15 1991. La Cour a refusé de se prononcer sur le caractère constitutionnel du

16 document parce que ledit document n'avait jamais été publié où que ce soit.

17 Les décisions de la Cour constitutionnelle sont publiées dans le journal

18 officiel. A l'époque, c'était le journal officiel de la RSFY, en 1991, il

19 s'agissait en l'occurrence de l'évaluation de la conformité à la

20 constitution, d'un acte de la présidence de la RSFY. Il s'agissait

21 également de la notion de commandement.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Auriez-vous l'amabilité, si cela est

24 possible, de nous expliquer pourquoi le texte n'a pas été publié ? Est-ce

25 que c'était délibéré ? Est-ce qu'il y a eu négligence ? Avez-vous des

26 éléments de réponse sur ce point ou avez-vous un point de vue à ce sujet ?

27 Cela nous intéresserait fort.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] A mon avis, je peux vous le dire, c'est très

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1 simple. Selon moi, ce règlement n'a pas été publié parce qu'il n'avait pas

2 été établi par le conseil suprême de la Défense. Le conseil suprême de la

3 Défense se contentait de prises de positions politiques qui devaient

4 ensuite être formulées sous formes de décisions. Deusio, le conseil suprême

5 de la Défense n'était pas un organe juridique expert qui était à même de

6 produire de tels documents. Les personnes qui y siégeaient n'avaient aucune

7 formation militaire. Comment donc ces gens-là pouvaient-ils prendre des

8 décisions à caractère juridique au sujet du commandement de l'armée ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui mais, Professeur, ce règlement, il

10 a été signé par le président. Il porte le cachet officiel. Le Juge Chowhan

11 se demande pourquoi, étant donné que toutes ces formalités ont été

12 respectées, pourquoi dans ces conditions le document en question n'a pas

13 été publié au journal officiel.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux que me lancer dans des hypothèses

15 si je réponds à votre question --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ne le faites pas, s'il vous

17 plaît.

18 M. ZECEVIC : [interprétation]

19 Q. Intercalaire 59, pièce 2622. Veuillez, je vous prie, nous faire part de

20 vos observations au sujet des articles 4 et 5. On parlera de l'article 7

21 ultérieurement. L'article 4 traite des réunions, de l'organisation des

22 séances du conseil suprême.

23 R. L'article 4 est très clair. C'est toujours le président qui convoque le

24 conseil. Il le fait de son propre chef ou sur proposition d'un membre du

25 conseil suprême de la Défense. On ne dit pas ici s'il est tenu d'organiser

26 une séance de travail si un des membres du conseil suprême en fait la

27 proposition. Vu la formulation de cette disposition, on peut en déduire

28 qu'il peut convoquer une séance de travail ou pas.

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1 Q. Aux termes de ce texte, un des membres du conseil suprême de la Défense

2 ne peut faire plus que de proposer une réunion au président de la

3 République fédérale de Yougoslavie, qui est également président du conseil

4 suprême de la Défense, proposition de convocation d'une séance du conseil

5 suprême de la Défense ?

6 R. C'est exact. La seule chose qui soit en son pouvoir, c'est de faire une

7 proposition de convocation.

8 Q. Le président de la République fédérale de Yougoslavie, qui au terme de

9 la constitution est également le président du conseil suprême de la

10 Défense, est en droit de décider si c'est le cas ou pas ?

11 R. Oui, effectivement. Vu la formulation, cette interprétation est tout à

12 fait acceptable.

13 Q. Article 5 maintenant, s'il vous plaît. Il s'agit d'un article qui porte

14 sur l'ordre du jour des séances de travail. C'est un ordre du jour qui est

15 proposé par le président du conseil suprême de la Défense ou le président

16 de la réunion, mais tout membre du conseil suprême de la Défense peut

17 également proposer que certains points soient inclus à l'ordre du jour. Si

18 bien qu'ici c'est le même cas de figure qu'à l'article 4, c'est-à-dire que

19 tout membre du conseil suprême de la Défense peut faire une proposition ou

20 suggestion, mais cela en reste à ce stade, proposition ou suggestion ?

21 R. Oui, c'est la même formulation. Je dois vous dire qu'après avoir lu les

22 comptes rendus des séances, je n'ai jamais vu qu'un membre du conseil

23 suprême de la Défense ait proposé de modifier l'ordre du jour.

24 Q. Revenons à la pratique. Si le président avait eu l'obligation de

25 convoquer une réunion du conseil ou de faire figurer à l'ordre du jour un

26 élément proposé par un des membres du conseil suprême de la Défense, si

27 c'était le cas, le texte serait formulé de manière très différente, n'est-

28 ce pas ?

Page 13052

1 R. Oui.

2 Q. On a encore un exemple à l'intercalaire 5, pièce P855, constitution de

3 la Serbie, article 79, point 3. Pouvez-vous nous l'expliquer en quelques

4 mots ?

5 R. Quel intercalaire ?

6 Q. C'est l'intercalaire numéro 5. Pièce P855.

7 M. ZECEVIC : [interprétation] J'aimerais que le document soit également

8 affiché à l'écran, sur le système de prétoire électronique.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, c'était quel article déjà ?

10 M. ZECEVIC : [interprétation]

11 Q. Article 79, alinéa numéro 3. Il s'agit en l'occurrence des séances

12 extraordinaires de l'assemblée nationale.

13 R. Oui. On peut lire ici que l'assemblée nationale convoquera une séance

14 extraordinaire à la demande d'au moins un tiers des députés ou à la demande

15 du gouvernement, un ordre du jour ayant été préparé à l'avance. Si bien

16 qu'effectivement cela peut avoir lieu si un tiers des députés le demande ou

17 si le gouvernement le demande. Le président de l'assemblée nationale n'a

18 pas le pouvoir de décider lui-même s'il convient de convoquer l'assemblée à

19 titre extraordinaire. Cela n'est le cas que s'il y a demande de la part

20 d'un tiers des députés au moins ou de la part du gouvernement.

21 Q. Je vous remercie. Je vous remercie, Professeur. J'aimerais maintenant

22 que nous revenions à la loi sur l'armée. Oui, la loi sur l'armée.

23 Intercalaire numéro 63, pièce P0984.

24 Professeur, nous avons examiné l'article 4, concernant les

25 attributions du président de la république en sa qualité de commandant de

26 l'armée. Nous avons également vu quelles étaient les attributions envers

27 d'autres organes, le Grand état-major et cetera. N'est-ce pas un fait que

28 dans la loi sur l'armée, mis à part l'alinéa premier de l'article 135 qui

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1 dispose, -- ou plutôt pardon. Il n'est pas vrai que sauf au point 4 de

2 l'alinéa premier qui se réfère à l'article 135 de la constitution, le

3 conseil suprême de la Défense n'est mentionné nulle part ailleurs, n'est-ce

4 pas vrai ?

5 R. Je peux l'affirmer avec certitude puisque je crois pouvoir dire que

6 j'ai lu très attentivement l'intégralité du texte de cette loi et je peux

7 affirmer que c'est le seul endroit où on mentionne le conseil suprême de la

8 Défense. D'ailleurs, je précise que c'est une des lois les plus longues de

9 notre système. C'est une loi qui est trois fois plus grandes que la

10 constitution elle-même. Elle comporte 363 articles.

11 Q. [aucune interprétation]

12 M. ZECEVIC : [interprétation] Je souhaite apporter une modification au

13 compte rendu d'audience, page 90, ligne 6 : "Pas de mention du conseil

14 suprême de la Défense." Après les mots : "pas de mention," il convient de

15 lire, "du conseil suprême de la Défense."

16 Q. Professeur, s'agissant de la loi sur l'armée. Essayons d'examiner le

17 chapitre 13 qui porte sur la responsabilité des militaires. Au point 1,

18 nous avons leur responsabilité sur le plan disciplinaire, page 39 et

19 suivante dans la traduction anglaise.

20 Professeur, l'article 159 opère une distinction. Nous avons ici l'énoncé de

21 différents types d'infractions à la discipline. Nous avons une faute

22 disciplinaire et une infraction disciplinaire comme étant quelque chose de

23 plus grave dans sa nature qu'une faute.

24 R. Par rapport à la discipline militaire ?

25 Q. Oui.

26 R. Oui, précisément. Il y a là une distinction de deux types d'enfreintes

27 [phon] à la discipline militaire.

28 Q. Merci. L'article 168 à présent, il confère certaines attributions au

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1 président de la république - on entend, bien entendu, par là le président

2 de la République fédérale de Yougoslavie - cela lui donne le pouvoir de

3 réduire, d'atténuer ou de gracier par rapport à toute mesure disciplinaire

4 et toute sanction, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. Il a le droit de grâce pour ainsi dire s'agissant d'infractions

6 disciplinaires.

7 Q. Professeur, très brièvement s'agissant de l'article 173, est-ce que

8 vous pouvez le commenter très brièvement. Il s'agit là de règles de

9 disciplines militaires.

10 R. Un instant, s'il vous plaît. Je vais l'examiner. Nous voyons bien ici

11 quels sont les actes pris par le président de la république. Il s'agit là

12 de règlements de discipline militaire et c'est ce qui a été mentionné.

13 Donc, c'est le président de la république qui décide de ce règlement,

14 comment dirais-je, il a ici des compétences concernant la procédure; il

15 décide des compétences et de la procédure pour agir dans les cas

16 d'infractions disciplinaires, de leur mise en œuvre, des traces à conserver

17 suite à la procédure de l'organisation et cetera. Donc, le droit

18 disciplinaire et matériel réside dans la loi, et s'agissant de la

19 procédure, elle est définie par le président de république dans ce

20 règlement.

21 Q. Lorsque vous parlez de droits matériels, que voulez-vous dire par là ?

22 Vous parlez là de la norme qui figure à l'article 159 que nous avons déjà

23 vue ?

24 R. Juste un instant, excusez-moi.

25 Q. 159.

26 R. Je veux juste jeter un coup d'œil. Attendez. 160, c'est l'article 160

27 qui dispose.

28 Q. Je pense à l'article 159, ce qui précise les types d'infractions

Page 13055

1 disciplinaires.

2 R. Oui. Mais vous avez des fautes et des infractions. C'est quelque chose

3 qui est précisé par la loi.

4 Q. Très bien. Professeur, un dernier point, à l'article 204, si vous

5 voulez bien.

6 R. D'accord.

7 Q. Il s'agit de la responsabilité encourue en situation de guerre. Pouvez-

8 vous nous commenter, s'il vous plaît, l'alinéa 3 de l'article 204 ?

9 R. Il se voit conférer une attribution qu'il n'a pas en situation

10 régulière, à savoir de décider d'autres mesures disciplinaires et d'autres

11 sanctions en plus de celles prévues par la loi ou bien de décider que l'on

12 n'applique pas certaines mesures aux sanctions prévues par la loi. Donc il

13 peut en décider de nouvelles ou il peut décider de ne pas en appliquer

14 certaines qui sont prévues par la loi. En d'autres termes, il est habilité

15 à modifier les dispositions de la loi pour ce qui est des mesures ou des

16 sanctions disciplinaires.

17 En outre, il peut demander qu'une autre procédure soit initiée pour

18 juger de la responsabilité des militaires. Il peut décider d'une procédure

19 différente pour le fonctionnement des tribunaux militaires.

20 Q. Professeur, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que l'article 204

21 dispose qu'en situation de guerre, le président de la République fédérale

22 de Yougoslavie voit ses attributions s'élargir par rapport à ce qu'il a en

23 temps de paix, et ce dans le domaine de la discipline des membres de

24 l'armée de Yougoslavie ?

25 R. Ses compétences sont étendues à ce moment-là. On voit qu'il a même le

26 pouvoir de modifier des dispositions de la loi portant là-dessus.

27 Q. Très bien. Professeur, en vous fondant sur les documents que nous

28 venons de voir, ou plutôt, puisque nous parlons de la loi sur l'armée,

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1 examinons quelques autres articles de cette loi. L'article 46, est-ce que

2 vous pouvez le prendre, s'il vous plaît.

3 R. D'accord.

4 Q. Au point 3, promotion exceptionnelle. Le président de la république a

5 l'attribution de promouvoir, à titre exceptionnel, un officier de carrière

6 au grade général ?

7 R. Sur proposition du chef d'état-major.

8 Q. Oui.

9 R. Oui. Mais c'est évidemment une attribution qu'il a en fonction de la

10 constitution.

11 Q. Oui, mais ici il s'agit d'une promotion exceptionnelle.

12 R. Oui, cela peut paraître exceptionnel.

13 Q. Donc, le président de la République de la Yougoslavie, en se fondant

14 sur la constitution et en son article 136, a le pouvoir de nommer des

15 généraux dans le cadre d'une procédure régulière, et ici, conformément à

16 l'article 46 de la loi portant sur l'armée, il a le pouvoir de les

17 promouvoir à titre exceptionnel ?

18 R. Oui.

19 Q. Professeur, l'article 107 -- un instant, s'il vous plaît. Le point 6.

20 Je commence à être un petit peu fatigué moi aussi, mais il me semble que

21 c'est à l'alinéa ou au point 6 de l'article 107. Il est question de la

22 décision de garder dans le service un officier de carrière, puis au point

23 1, il est dit que le président de la république a le pouvoir de garder en

24 service un officier de carrière.

25 R. Dans le grade de celui de général.

26 Q. Oui.

27 R. Donc, on trouve les fondements ici dans cet article qui précisent

28 comment le service termine ex lege par la force de la loi, mais l'article

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1 prévoit également qu'indépendamment du fait que [imperceptible] pour que

2 l'on envoie à la retrait par la force de la loi quelqu'un, cet individu

3 peut être gardé en service si son grade est un grade de général, et ce, par

4 la décision du président de la république, même s'il remplit certains des

5 critères prévus pour sa mise à la retraite, conformément à la loi.

6 Q. Je voudrais maintenant examiner l'article 151, chapitre 12. Il s'agit

7 du pouvoir de décider des relations dans le service et d'émettre d'autres

8 documents. Quatre attributions sont conférées au président ici. Vous le

9 voyez, Professeur ?

10 R. Oui, je le vois.

11 Q. Le président promeut aux grades de base, aux grades de général une

12 étoile ou plus élevé. Il décide également de mutations, de la cession au

13 service et de la fin de service. Il nomme également des officiers au grade

14 de colonel.

15 Si je comprends bien, nous avons ici toutes sortes de droits qui sont

16 conférés au président de la République yougoslave eu égard à l'armée, pour

17 ce qui est de la nomination, des postes accordés aux officiers, de leur

18 promotion, de leur mutation.

19 R. Cet article concrétise partiellement l'article 136 de la constitution,

20 car la constitution dit sous l'article 136, que le président de la

21 république nomme et démet de leurs fonctions les officiers de l'armée

22 yougoslave concernant la loi fédérale. C'est dans les deux premiers points

23 que la loi fédérale précise qui sont ces officiers de l'armée yougoslave

24 qui seront nommés et démis de leurs fonctions par le président de la

25 république. Mais il est précisé par la suite que le président de la

26 république décide aussi des mutations, de l'accès au service et de la fin

27 du service des généraux. Puis, au point 4, on nomme des officiers dont le

28 grade est celui de colonel aux postes pour lesquels un grade de général est

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1 prévu par l'organigramme.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que vous savez où vous voulez

3 en venir, Maître Zecevic.

4 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous sommes capables de lire nous-

6 mêmes ces textes. Est-ce qu'il nous faut une opinion ici de la part du

7 témoin ?

8 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

10 M. ZECEVIC : [interprétation]

11 Q. Professeur, une des lois importantes permettant d'appliquer la

12 constitution sur l'armée est la loi régissant l'armée, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Tout ce qui a à voir avec les attributions concernant l'armée, le

15 commandement, les nominations, les promotions, le fait de démettre des

16 fonctions, de muter, et toute procédure disciplinaire est exclusivement

17 entre les mains du président de la République yougoslave.

18 R. Mis à part ce qui est énoncé à l'article 4, nous en avons déjà parlé,

19 car là il agit conformément aux décisions du conseil suprême de la Défense.

20 Q. Ce qui est prévu à l'article 135 de la constitution ?

21 R. Oui, à l'article 135. Toutes les autres compétences, attributions que

22 vous venez de mentionner découlent de dispositions expresses de la loi, et

23 c'est entre les mains, à titre autonome, du président de la république,

24 comme cela ressort des dispositions citées. Il n'a pas à consulter le

25 conseil suprême de la Défense.

26 Q. S'il vous plaît, Professeur, nous venons d'examiner la loi sur l'armée

27 yougoslave. D'après vous, les membres du conseil suprême de la Défense,

28 ont-il des attributions autonomes, quelles qu'elles soient, envers l'armée

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1 yougoslave ?

2 R. Ils n'en ont pas. Ils n'en ont aucune. Ils n'ont des compétences, des

3 attributions, qu'en tant que membres de ce collège. Or, c'est à la majorité

4 des voix, ou comme c'était écrit en 1999 dans le règlement antérieur qui

5 n'était pas appliqué parce qu'il n'y avait pas de réunions du conseil

6 suprême de la Défense, donc ou par voie de consensus, à titre autonome. Ils

7 ne peuvent pas agir. Ils n'ont pas de compétences. Ils n'ont de compétences

8 qu'en tant que membres du conseil suprême de la Défense.

9 Q. Mais même en leur qualité de membres du conseil suprême de la Défense,

10 ils n'ont pas la possibilité, conformément à la disposition de l'article

11 136 de la constitution, n'ont pas la possibilité de remplacer, de révoquer

12 ou de muter un membre de l'armée de la Yougoslavie ?

13 R. Mais c'est précisément de cela qu'on a parlé. Non, il s'agit là que de

14 compétences qui sont celles du président de la république, et lui seul.

15 Q. Cela concerne également la possibilité, le pouvoir des membres du

16 conseil suprême de la Défense en tant que collège de prononcer une mesure

17 disciplinaire, ou de sanctionner un membre des forces armées ou de l'armée

18 yougoslave quel qu'il soit en se fondant sur les dispositions de la loi sur

19 l'armée que nous venons d'examiner à instant.

20 R. Oui. Nous venons d'expliquer cela.

21 Q. Professeur, je voudrais juste puisque nous parlons de cela, je voudrais

22 juste commenter quelque chose, je vais plutôt tirer un parallèle entre les

23 dispositions de l'article 135 de la constitution de la République fédérale

24 de Yougoslavie où il est dit : "Le président de la République fédérale de

25 Yougoslavie commande l'armée de Yougoslavie conformément aux décisions du

26 conseil suprême de la Défense," et le libellé qu'on trouve dans la

27 constitution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie à

28 l'intercalaire 9 ici, P1623, article 313, alinéa 3, ainsi que 328, alinéa

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1 2.

2 Donc la constitution de 1992 n'emploie que le terme de "commandement."

3 C'est le président qui commande, conformément aux décisions du conseil

4 suprême de la Défense en application de l'article 135. Si nous examinons la

5 constitution de la RSFY 313, en son alinéa 3, nous voyons que la

6 constitution dispose que : "La présidence de la RSFY constitue l'organe

7 suprême de direction et de commandement des forces armées de la République

8 socialiste fédérative de Yougoslavie en temps de guerre et en temps de

9 paix," n'est-ce pas ?

10 R. Il ressort de manière tout à fait clair de ce libellé que la présidence

11 de la RSFY est un commandant collectif suprême est-il dit. C'est le premier

12 et le plus haut placé en temps de guerre et en temps de paix en RSFY. Nulle

13 part trouvera-t-on ce genre de formulation s'agissant du conseil suprême de

14 la Défense. On ne trouvera jamais le texte disant que le conseil suprême de

15 la Défense est l'organe suprême de commandement de l'armée de Yougoslavie.

16 Q. Ce serait une première distinction. La deuxième, si vous êtes d'accord,

17 concerne la constitution de 1992 qui dispose que le président de la

18 République fédérale de Yougoslavie commande en temps de guerre et en temps

19 de paix, conformément à -- ici ce qu'on lit, c'est que la présidence

20 constitue l'organe suprême de direction et de commandement.

21 Professeur, je ne m'attends pas à ce que vous nous expliquiez ce que

22 signifie le terme de "direction," direction, diriger les forces armées. Je

23 vous invite à vous contenter de nous confirmer que cette distinction existe

24 bel et bien entre ces deux textes constitutionnels.

25 R. Mais il suffit de lire les deux dispositions et de les comparer pour

26 voir que tel est le cas, qu'il s'agit de deux qualifications différentes.

27 Q. Je voudrais relever une autre distinction qui me parait très importante

28 entre les dispositions de la constitution de la République fédérale de

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1 Yougoslavie de 1992 en son article 135, que j'ai paraphrasé à plusieurs

2 reprises ici déjà. C'est dans l'article 328 qu'on trouve cette distinction,

3 l'article 328 de la constitution de la RSFY de 1974, en son alinéa 2, où il

4 est dit : "Le président de la présidence de la RSFY, au nom de la

5 présidence de la RSFY commande les forces armées de la république

6 fédérative de Yougoslavie, conformément à la constitution et à la

7 législation fédérale."

8 S'il vous plaît, entre ce qu'on lit dans l'article 328 en alinéa 2 de la

9 constitution RSFY, que le président commande au nom de, et le texte de la

10 constitution de 1992 en son article 135 --

11 R. La constitution de 1974, en son article 328, alinéa 2, établit un lien

12 ferme entre le président de la présidence et les décisions portant sur le

13 commandement des forces armées de la République socialiste fédérative de

14 Yougoslavie. Le président de la présidence n'agit qu'au nom de la

15 présidence. C'est au nom de la présidence qu'il commande les forces armées.

16 La décision quant à elle a été prise par la présidence. C'est tout à fait

17 clair. Puisque la présidence est un organe collégial qui se compose de huit

18 membres. Physiquement, il est impossible que les huit personnes commandent,

19 mais ce sont eux qui prennent la décision, et au nom de cet organe le

20 président de la présidence assure le commandement des forces armées de la

21 RSFY.

22 Dans la constitution de 1992, en revanche, il est dit que le

23 président de la République fédérale de Yougoslavie commande l'armée

24 yougoslave conformément aux décisions du conseil suprême de la Défense.

25 Donc, non pas au nom du conseil suprême de la Défense, mais conformément

26 aux décisions de ce conseil. Il s'agit d'un lien qui est moins fort, et il

27 ressort des comptes rendus de réunions, comme nous avons pu le voir, que le

28 conseil suprême de la Défense prenait ces décisions sous forme de

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1 conclusions.

2 Le président commandait l'armée conformément à ces conclusions ou à

3 ces prises de position. Donc, le lien est moins fort entre le président et

4 le conseil suprême de la Défense et de ses décisions que n'était le lien

5 entre le président de la présidence de la RSFY et la présidence dont il

6 était membre. Il était membre de cette présidence. Le président de la

7 présidence n'était pas un organe à part, comme c'est le cas du président de

8 la république, qui de part sa position est président du conseil suprême de

9 la Défense. Ici, nous avons uniquement le président de la présidence.

10 Q. Je vous demanderais simplement, Professeur, de bien vouloir ralentir un

11 peu votre débit pour les interprètes.

12 R. Est-ce que je devrais répéter quelque chose ?

13 Q. Non, non, non. Pas du tout, mais je vous prierais simplement dans vos

14 réponses d'avoir un débit un peu plus lent. Je sais qu'il est tard, mais

15 nous en aurons terminé très bientôt.

16 Professeur, vous avez dit que l'organe collégial était la présidence,

17 qui comptait huit membres, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Selon la constitution de la RSFY, et ceci ressort des dispositions que

20 nous venons de lire, la présidence était bien un organe collectif, n'est-ce

21 pas, et le président de la présidence commandait au nom de cet organe

22 collectif. C'est bien ce que dit la constitution ?

23 R. Oui.

24 Q. Par ailleurs, en 1992, dans la constitution de 1992, nous sommes

25 toujours en présence d'un collège, d'un organe collégial, qui compte trois

26 membres. La seule différence entre le précédent et celui-ci c'est que nous

27 avons trois membres alors qu'il y en avait huit auparavant, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, oui.

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1 Q. Mais dans ce passage de la constitution de 1992, il n'est pas écrit que

2 le président commande au nom du conseil suprême de la Défense, n'est-ce pas

3 ? Il est simplement écrit qu'il commande conformément aux décisions de ce

4 conseil suprême de la Défense. Est-ce que vous seriez d'accord avec mon

5 analyse ? Est-ce que vous conviendrez qu'après examen des deux décisions

6 que nous avons lues, il nous est permis de conclure que la présidence, en

7 tant qu'organe collectif, était l'organe qui exerçait le commandement et le

8 contrôle sur les forces armées de la République socialiste fédérative de

9 Yougoslavie, alors que, selon le texte de la constitution de 1992, le

10 conseil suprême de la Défense ne le faisait pas ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cette question.

12 D'abord, c'est une question directrice. Mais ce n'était pas le point

13 le plus important, puisque nous sommes en présence d'un témoin expert. Mais

14 la deuxième chose que je voudrais dire c'est que cette question porte sur

15 un problème qu'il est important que les Juges tranchent. Le témoin a

16 expliqué comment il conçoit la différence entre le règlement de l'armée et

17 les dispositions de la constitution, et nous tiendrons compte de ses

18 réponses pour trancher sur la question que vous venez de poser, Maître.

19 M. ZECEVIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

20 Merci beaucoup.

21 Q. Professeur, je vous demanderais maintenant de vous pencher rapidement

22 sur l'intercalaire 62, qui est la loi sur la défense, pièce P985.

23 Professeur, la loi sur la défense revêt un caractère plus général, dirais-

24 je, que la loi sur les forces armées, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, il y est question de la défense de façon générale et pas

26 simplement d'un intervenant dans la défense, à savoir, l'armée.

27 Q. La loi sur la défense, dans son article 2, énumère tous les

28 intervenants qui ont des droits ou obligations dans la défense du pays, et

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1 au nombre de ces intervenants on trouve le nom de l'armée yougoslave,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Ensuite, nous avons, en tant que corollaire de cette loi sur la

5 défense, une lex specialis, qui est la loi sur l'armée yougoslave, dans

6 laquelle il n'est question que d'un seul de ces intervenants, à savoir

7 l'armée yougoslave, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, un intervenant particulier.

9 Q. Professeur, au titre 4 de cette loi, on voit une énumération des

10 organes de l'Etat qui ont chacun leurs fonctions déterminées dans le cadre

11 de la défense du pays, à savoir aux articles 40 à 48. Cette loi sur la

12 défense est un cadre, une matrice générale, si je puis me permettre

13 d'utiliser cette expression, et on y voit précisées les dispositions que

14 l'on trouvait dans la constitution aux articles 133, 135 et 136, n'est-ce

15 pas, Professeur ?

16 R. Oui.

17 Q. Professeur, dans ce titre 4 -- ou ce chapitre 4 de la loi intitulé les

18 droits et devoirs des organes de l'Etat, on voit que cette loi sur la

19 défense établit une distinction entre le président de la république évoqué

20 au point 1 et le conseil suprême de la Défense évoqué au point 2, même si

21 nous avons vu, dans la constitution, que le conseil suprême de la Défense

22 était un organe collectif composé de trois membres et dans lequel on

23 retrouvait le président de la République fédérale yougoslave qui, en vertu

24 de la constitution, préside le conseil suprême de la Défense, accompagné de

25 deux autres membres qui sont les présidents des deux autres républiques

26 membres de la fédération, n'est-ce pas ?

27 Alors, quel est votre avis sur les raisons qui ont pu justifier une

28 telle distinction, puisqu'au dernier point on définit les droits et devoirs

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1 du président de la république en tant qu'organe qui joue un rôle dans la

2 défense du pays, alors qu'au point 2 on trouve la description des droits et

3 défenses d'un autre organe, le conseil suprême de la Défense, donc les

4 droits et devoirs de ce conseil suprême de la Défense dans la défense du

5 pays, alors que le président est ex officio membre de ce conseil suprême de

6 la Défense. Pourriez-vous, je vous prie, m'éclairer un peu sur cette

7 dernière partie des dispositions de la loi sur la défense, à savoir, les

8 articles 40 à 48 de ce texte ?

9 R. Dans tout ce chapitre, on trouve la description des droits et devoirs

10 des divers organes de l'Etat eu égard à la défense du pays. Chacun des

11 organes est évoqué séparément. Compte tenu de la façon dont est libellé

12 l'article 135 de la constitution, on a quelques difficultés à comprendre

13 pourquoi cette loi traite séparément du président de la république. En

14 effet, le président de la république, lorsqu'il agit dans le cadre de la

15 défense du pays, ne le fait que sur décision du conseil suprême de la

16 Défense. Il ne devrait pas donc est singularisé de cette façon.

17 D'ailleurs, on voit très clairement, au premier et seul paragraphe de

18 l'article 40, que conformément aux décisions du conseil suprême de la

19 Défense, le président de la république, et ensuite figure une liste des

20 diverses tâches qui lui incombent, alors que dans l'article 41 on voit le

21 même genre de liste, mais concernant le conseil suprême de la Défense, et

22 toujours dans le cadre de la défense du pays. Donc, je ne vois pas très

23 bien quel pouvait être l'intention du législateur en rédigeant les choses

24 de cette façon, c'est-à-dire en distinguant ces deux instances.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous me permettez, Maître

26 Zecevic.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] Certainement.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Professeur, l'article 41

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1 définit le rôle du conseil suprême de la Défense, et y sont stipulées huit

2 responsabilités différentes, après quoi, nous lisons : "Le président veille

3 à la mise en œuvre des décisions du conseil suprême de la Défense." Il est

4 permis de penser, en lisant cet article, que le conseil suprême de la

5 Défense est censé rendre des décisions par rapport aux huit éléments

6 énumérés dans cet article. Est-ce qu'au cours de votre travail de

7 recherche, vous n'auriez pas trouvé une ou plusieurs décisions du conseil

8 suprême de la Défense qui porteraient sur ces différents points ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai trouvé aucune décision, hormis les

10 conclusions que l'on peut lire dans les procès-verbaux des séances du

11 conseil suprême de la Défense, ou des mentions de ce genre dans le procès-

12 verbal sténographique de ces réunions. Mais je n'ai jamais trouvé la

13 moindre décision qui eut été intitulée "Décision du conseil suprême de la

14 Défense" avec un texte qui suivrait le titre.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais rappelez-moi quelle période a

16 fait l'objet de vos recherches ?

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Puis-je ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Mes recherches ont porté sur la période durant

19 laquelle le président de la République fédérale yougoslave, à savoir bien

20 sûr le président également du conseil suprême de la Défense, était Slobodan

21 Milosevic. C'est-à-dire la période allant de juillet 1997 à septembre 2000.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous nous apprêtons à

24 passer à un autre sujet, donc je pense qu'il serait opportun que nous

25 levions l'audience pour aujourd'hui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans quelle direction allez-vous vous

27 diriger ?

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Je peux vous dire rapidement que nous avons

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1 une présentation PowerPoint - ce sera la troisième - qui expliquera les

2 différents termes utilisés pour désigner le commandement Suprême, le

3 commandant suprême, l'état-major du commandement Suprême, et ce genre de

4 chose. Puis, nous allons brièvement traiter d'un certain nombre de lois

5 pertinentes en l'espèce et qui s'appliquaient entre 1989 et 1998, mais

6 celles-ci seront en nombre très limité.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

8 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est ainsi que se conclura l'exposé du

9 témoin expert, le très éminent professeur qui est assis face à vous. Après

10 quoi, nous passerons bien sûr aux témoins qui parleront des faits.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 Professeur, ceci met un terme à l'audience d'aujourd'hui. Je vous demande

13 de ne pas perdre de vue pour la soirée d'aujourd'hui et de tous les autres

14 jours de votre déposition ce que je vous ai dit ici hier, c'est-à-dire

15 qu'il vous est interdit de parler de votre déposition à qui que ce soit.

16 Vous pouvez maintenant vous retirer, avec l'aide de Mme l'Huissière, et

17 nous vous reverrons demain dans ce même prétoire à 9 heures du matin.

18 [Le témoin quitte la barre]

19 --- L'audience est levée à 15 heures 28 et reprendra le mercredi 8 août

20 2007, à 9 heures 00.

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