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1 Le jeudi 9 août 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur
7 Markovic.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre interrogatoire va se poursuivre
10 avec Me Zecevic ce matin.
11 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
12 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 Interrogatoire principal par M. Zecevic : [Suite]
15 Q. [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur le Professeur. Comment vous
16 portez-vous aujourd'hui ?
17 R. Très bien, merci.
18 Q. Monsieur le Professeur, hier nous sommes arrivés à la date, enfin, au
19 mois de novembre 1998. Entre les mois de mars et novembre, comme vous nous
20 l'avez dit, vous avez voyagé un certain nombre de fois pour rencontrer les
21 membres des représentants de la communauté albanaise. Il y a eu des
22 pourparlers avec Christopher Hill, O'Brien. Des propositions ont été
23 faites, des contre-propositions ont été faites, comme l'attestent certains
24 documents. Est-ce qu'un document a finalement été préparé de ce processus ?
25 R. Oui, un document a finalement été préparé par les parties en présence,
26 à savoir les représentants de toutes les minorités au Kosovo-Metohija, y
27 compris les Albanais, à l'exception des plus grands partis politiques du
28 pays ou de la province d'une part, et d'autre part il y avait la délégation
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1 de l'Etat. Ceci a porté sur les accords à propos de l'autogestion du
2 Kosovo-Metohija. Ceci a été le résultat d'efforts conjoints. Ceci a vu le
3 jour le 12 mars, et ensuite, au mois de novembre le texte définitif a été
4 préparé. Je dois préciser que les représentants des partis albanais qui
5 avaient la majorité n'ont pas participé à ces pourparlers et n'ont pas
6 rédigé ce document.
7 Q. Monsieur le Professeur, puis-je vous demander, s'il vous plaît, de
8 procéder pas à pas. Nous allons maintenant regarder l'intercalaire numéro
9 42, qui est la pièce 1D091. Il s'agit là de la proposition conjointe
10 portant sur l'accord d'autogouvernement au Kosovo-Metohija, qui est daté du
11 20 novembre 1998. S'agit-il là du texte de l'accord dont vous nous avez
12 parlé ?
13 R. Oui. Ceci est l'accord en question. Est-ce que vous me permettez de le
14 parcourir, s'il vous plaît ? Effectivement, ceci est bien l'accord en
15 question. Il s'agit d'une proposition conjointe qui a été formulée par les
16 partis en présence aux pourparlers à Pristina.
17 Q. Monsieur le Professeur, très rapidement, pourriez-vous nous dire ou
18 nous parlez des points essentiels de cet accord, s'il vous plaît. D'après
19 vous, quels sont les points essentiels de cet accord, accord portant sur
20 l'autonomie du Kosovo-Metohija ?
21 R. Cet accord précise ce qui d'après les auteurs devrait constituer les
22 points essentiels d'un gouvernement indépendant. Je vais parler des
23 principes, et non pas du mode opératoire. Pour l'essentiel, cet accord
24 stipule que le Kosovo est composé de différents groupes ethniques, et que
25 quelle que soit la taille du groupe ethnique, chaque communauté doit être
26 traitée sur un pied d'égalité. Les autres minorités doivent être consultées
27 lorsqu'il s'agit de prendre des décisions importantes qui sont dans
28 l'intérêt national. Ce mécanisme pourrait être mis en place par une méthode
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1 spéciale de prise de décision par l'assemblée du Kosovo-Metohija, puisque
2 c'est son principal organe politique.
3 Etant donné que le Kosovo-Metohija fait partie de la République fédérale de
4 Yougoslavie et la République de Serbie, il y a un mécanisme qui permet aux
5 membres de cette province d'être représentés au sein des organes de la
6 fédération, au sein de la police, par exemple, et un mécanisme ou un
7 système avait été envisagé permettant d'amender l'accord. Dans les grandes
8 lignes, voici la teneur essentielle de cet accord, mais pour l'essentiel,
9 ce qui est très important, c'est de préciser qu'il s'agit d'une communauté
10 multiethnique, et que ceci est pris en compte et aucune communauté ethnique
11 n'aurait le droit d'exercer une quelconque domination sur une autre
12 communauté ethnique de taille moins importante.
13 Q. Monsieur le Professeur, cet accord politique a été signé par un certain
14 nombre de personnes, de représentants des communautés ethniques du Kosovo,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Oui, effectivement, ceci a été signé par tous les représentants de
17 toutes les minorités ethniques qui ont pris part à la rédaction de ce
18 texte.
19 Q. Qu'en est-il de cet accord qui a été signé par toutes les minorités
20 ethniques qui ont participé aux pourparlers entourant l'accord ? Est-ce que
21 d'autres partis ont eu accès au texte, ont pu lire cet accord, même s'ils
22 n'avaient pas participé aux pourparlers ?
23 R. Non, c'était un texte public. Tout un chacun pouvait le lire. Nous
24 aurions aimé que les représentants des partis les plus importants au Kosovo
25 participent à ces pourparlers, mais comme nous l'avons dit hier, ils ont
26 refusé de participer à ces séances.
27 Q. Monsieur le Professeur, l'accord a été signé par différentes personnes
28 qui ont participé aux pourparlers. Est-ce que la délégation de la
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1 République de Serbie aurait été disposée à envisager des amendements à cet
2 accord si les représentants des principaux partis au Kosovo auraient soumis
3 d'autres propositions ?
4 R. Nous avons commencé à travailler sur une feuille de papier vierge.
5 Toute personne était invitée, donc toute personne aurait pu avoir son mot à
6 dire. Les représentants des partis politiques majoritaires au Kosovo
7 avaient été invités. Il va de soi qu'ils auraient eu leur mot à dire.
8 Pendant que l'accord était en phase de rédaction, ils auraient pu soumettre
9 toutes les propositions qu'ils voulaient. Ces propositions qui auraient été
10 soumises auraient pu être adoptées et d'autres auraient pu être rejetées,
11 mais ceci se serait passé en connaissance de cause.
12 Q. Monsieur le Professeur, est-ce que le président Milutinovic a participé
13 activement à ces pourparlers et a pris une part active lorsqu'il s'agissait
14 de rédiger les conclusions; si oui, quel a été son rôle ?
15 R. Il a joué un rôle particulièrement actif. Parmi tous les représentants
16 officiels, c'était le plus engagé. Il a participé à la rédaction même en
17 choisissant les termes de l'accord, et plus tard, lorsqu'il a essayé de
18 recueillir le soutien de la population, il a essayé de prôner différentes
19 solutions qui étaient proposées dans cet accord.
20 Q. Monsieur le Professeur, vous souvenez-vous si oui ou non le président
21 Milutinovic s'est entretenu avec tous les représentants des différents
22 groupes ethniques ? Je veux parler de ceux qui ont finalement signé
23 l'accord.
24 R. Il a parlé à chacun d'entre eux, et il s'est entretenu avec tous les
25 dirigeants de tous les partis politiques qui siégeaient à l'assemblée à
26 l'époque.
27 Q. Vous voulez parler du parlement serbe, afin de s'assurer qu'il a vu
28 leur soutien, vous voulez dire ?
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1 R. Oui. Effectivement, c'était le cas, afin de recueillir leur soutien,
2 parce que lorsque la délégation a été nommée, on a clairement indiqué que
3 chaque groupe parlementaire devait proposer un candidat, candidat qui
4 ferait partie de la délégation. C'était important que l'assemblée affiche
5 une seule et même position par rapport à la question du Kosovo-Metohija.
6 Q. Monsieur le Professeur, est-ce que ces efforts ont finalement fourni un
7 résultat, efforts de la part du président Milutinovic ? Est-ce que
8 finalement il a recueilli le soutien de tous ses membres ?
9 R. Oui, il l'a recueilli. Effectivement, il a été soutenu, hormis je
10 dirais, par les Albanais, mais par la plupart des parties. Ils ont
11 simplement, les parties majoritaires au Kosovo, simplement ignoré le projet
12 en tant que tel.
13 Q. Monsieur le Professeur, quand l'accord a-t-il signé ?
14 R. Il a été signé à la fin du mois de novembre à Pristina. Il y a eu une
15 déclaration à ce moment-là pour marquer l'événement. Ce texte a été signé
16 par les différentes parties en présence, les représentants des partis
17 politiques, ceux qui ont participé à la rédaction de l'accord, le président
18 de la République fédérale de Yougoslavie, le vice-premier ministre du
19 gouvernement fédéral, Vladan Kutlesic, et moi-même, j'ai signé le document
20 au nom de la République de Serbie, puisque j'étais vice-premier ministre à
21 l'époque.
22 M. HANNIS : [interprétation] Cet exemplaire ne dispose pas de signatures.
23 Je pense avoir vu un exemplaire avec des signatures auparavant. Si nous
24 allons en parler, je préfèrerais utiliser le document qui comporte cette
25 signature.
26 M. ZECEVIC : [interprétation] Vous voulez parler de l'accord ?
27 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
28 M. ZECEVIC : [interprétation] Je veux simplement --
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1 M. HANNIS : [interprétation] Je crois avoir reçu de la part de la Défense
2 le document original, mais ceci n'est pas le cas.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'avons pas dans le classeur, je
4 crois, le texte original.
5 M. ZECEVIC : [interprétation] Vous voulez parler de l'accord ?
6 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
7 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne peut pas être l'original
9 puisqu'il n'est pas signé. Est-ce qu'il s'agit du document en question ?
10 M. ZECEVIC : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants, s'il
11 vous plaît.
12 [Le conseil de la Défense se concerte]
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, nous
14 pouvons vérifier un peu plus tard et vous fournir le document qui comporte
15 les signatures.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivons pour l'instant.
17 M. ZECEVIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur le Professeur, lorsque la déclaration a été signée le 25
19 novembre à Pristina, est-ce que le président Milutinovic était là ?
20 R. Oui, il était là aussi.
21 Q. Merci. Monsieur le Professeur, nous allons maintenant passer à la
22 l'année 1999. Connaissez-vous l'existence du Groupe de contact qui a été
23 créé le 30 janvier 1999 ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce que vous voulez bien regarder l'intercalaire numéro 49, 1D018,
26 page 414. Monsieur le Professeur, vous voyez les principes édictés ici ?
27 R. Oui, il s'agit de principes non négociables, ceux qui ont été appelés
28 ainsi, les fondamentaux en d'autres termes.
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1 Q. Est-ce que sur la base de ces principes, de ces principes directeurs
2 que la réunion de Rambouillet a été organisée ?
3 R. Ce sont ces principes qui ont permis aux pourparlers de Rambouillet
4 d'être organisés. Comme le document l'indique, ceci était non négociable,
5 ce qui était le cas. Ils devaient être adoptés en tant que tels, et si
6 possible intégrés à un autre document qui aurait pu découler de la réunion
7 qui avait eu lieu entre les deux délégations.
8 Q. Monsieur le Professeur, vous aviez fait de nombreuses tentatives pour
9 entrer en contact avec les Albanais en 1998, qui d'après vous, plutôt,
10 quelle était la principale idée sur laquelle ou quel était l'élément qui
11 faisait que vous ne pouviez pas vous entendre ?
12 R. La principale difficulté était celle-ci, les représentants des
13 principaux partis politiques en Albanie n'ont même pas répondu à nos
14 invitations, et ils ne sont pas venus assister aux réunions. C'était le
15 principe de l'intégrité territoriale de la Yougoslave et de ses voisins,
16 les pays voisins qui posaient problème, ainsi que la question de la
17 souveraineté de la Yougoslavie. Par conséquent, c'était ce principe-là qui
18 ne convenait pas aux Albanais du Kosovo. C'est pour ces raisons
19 certainement qu'ils ne souhaitaient pas participer à ces réunions. Ils
20 n'ont pas répondu aux invitations lancées par le gouvernement de venir
21 assister aux réunions des 16 et 17. Donc, ils ont refusé de signer les
22 principes proposés par le Groupe de contact à Rambouillet.
23 Q. Monsieur le Professeur, hier, nous avons regardé ensemble la Résolution
24 du Conseil de sécurité de Nations Unies 1199, cette résolution évoquait
25 précisément l'intégrité territoriale et la souveraineté de la RSFY ?
26 R. Oui, c'est exact, et j'ai lu le passage en question hier.
27 Q. Les principes édictés par le Groupe de contact ou un des principes
28 évoque cette question-là, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, parmi les dix principes du Groupe de contact se trouve précisément
2 ce principe-là.
3 Q. Etant donné que la réunion de Rambouillet était organisée en tenant
4 compte de ces dix principes, un des principes était justement la façon de
5 garantir la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie. Est-ce
6 que vous avez une explication à nous fournir sur cette question-là ?
7 Pourquoi les représentants des principaux partis politiques albanais sont
8 venus à Rambouillet, alors qu'en réalité, ils ne souhaitaient pas accepter
9 ce principe-là ?
10 R. Bien, je pense qu'ils sont venus à Rambouillet parce qu'ils ne
11 pouvaient pas refuser l'invitation faite par les représentants de la
12 communauté internationale, le Groupe de contact, c'est la première chose.
13 Ensuite, je crois qu'ils sont venus parce que cet accord qui était censé
14 être conclu à Rambouillet était de toute façon un accord provisoire sur un
15 gouvernement autonome du Kosovo-Metohija. Ils pensaient avoir une marge de
16 manœuvre pour peut-être remettre en cause ce principe ou en tout cas
17 l'inclure dans l'accord provisoire, ce qui lui donnerait moins de poids, ce
18 qui leur donnerait du temps pour pouvoir réaliser ce qu'ils souhaitaient
19 faire depuis longtemps. C'est pourquoi les citoyens du Kosovo-Metohija ont
20 décidé du sort du Kosovo-Metohija par l'intermédiaire d'un référendum.
21 Q. Compte tenu de la composition ethnique de la province, si ce référendum
22 n'avait lieu qu'au Kosovo-Metohija, les résultats auraient été connus
23 d'avance ?
24 R. Oui, bien sûr. Les Albanais constituent une minorité ethnique dans la
25 République de Serbie, mais au Kosovo-Metohija, qui fait partie de la
26 République de Serbie, cette communauté est majoritaire. Chaque fois qu'ils
27 insistaient là-dessus, ils comptaient là-dessus, et chaque fois qu'ils
28 souhaitaient que le Kosovo-Metohija soit -- le sort soit scellé par un
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1 scrutin, c'est toujours ainsi qu'ils l'ont formulé. Le peuple du Kosovo-
2 Metohija est une idée qui n'existe pas. Il y a des Albanais, il y a des
3 Egyptiens, des Turcs, des Roms, des Goranis, mais il n'existe pas un
4 peuple, à proprement parler, du Kosovo-Metohija.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Professeur, lorsque vous
6 avez parlé des principes non négociables, à savoir lorsque vous avez parlé
7 du refus d'assister des représentants des principaux partis politiques
8 albanais et lorsque ces derniers ont refusé de signer ces principes, est-ce
9 qu'il y a eu un processus formel qui a été mis en place ? Est-ce que les
10 représentants du gouvernement de Serbie ont signé ces principes ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que nous n'avons pas parlé
12 directement à la délégation albanaise, la délégation qui est venue du
13 Kosovo était une délégation monoethnique, purement albanaise. Nous n'avons
14 pas pu leur parler directement. Donc, nous avons communiqué avec eux par
15 intermédiaire d'un groupe de médiateurs composé de trois personnes. C'est
16 ainsi que nous communiquions avec eux. Nous ne voulions communiquer avec
17 eux que si ces principes non négociables faisaient partie de l'accord. Nous
18 avons dit à ce groupe de médiateurs que les dix principes devaient être
19 signés à la fois par nous et par la délégation albanaise. Notre délégation
20 a signé ces dix principes et la délégation albanaise a refusé de le faire.
21 Je crois vous retrouverez ceci dans le document. Vous retrouvez le texte
22 qui a servi de document de travail, vous constaterez que nous avons signé
23 ces dix principes et que la délégation ne l'a pas signé. Ils ont
24 expressément refusé de signer.
25 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
26 M. ZECEVIC : [interprétation] Je souhaitait avancer dans un ordre
27 chronologique. Nous allons y venir dans quelques instants.
28 Q. Monsieur le Professeur, sur la base de ces principes établis par le
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1 Groupe de contact, à savoir la communauté internationale, une conférence a
2 été organisée à Rambouillet et notre délégation, notre gouvernement, a reçu
3 une invitation pour participer à la réunion à Rambouillet précisément sur
4 la base de ces dix principe, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, c'est exact. C'est l'assemblée nationale qui a décidé que la
6 délégation devrait assister à cette réunion.
7 Q. Veuillez regarder l'intercalaire numéro 50, 1D443. Monsieur le Témoin,
8 veuillez, je vous prie, interpréter pour nous ce document en le commentant.
9 R. D'abord, dans ce document figure la décision de l'assemblée nationale
10 relative à la participation de la délégation de la République de Serbie aux
11 négociations portant sur le Kosovo-Metohija.
12 Q. Où peut-on trouver ceci dans le document ?
13 R. Dans la dernière partie du document, au point 6. Il est indiqué ici que
14 : "suite à l'invitation envoyée par le Groupe de contact de participer à
15 des négociations au Kosovo-Metohija le 6 février, une invitation a été
16 envoyée à la Serbie, et l'assemblée nationale a décidé de l'accepter, car
17 cela correspondait à la volonté du peuple et de tous les partis politiques
18 d'essayer de trouver la paix et de défendre le Kosovo-Metohija dans toutes
19 les instances ou les forums où serait discuté l'avenir du Kosovo-Metohija
20 partout dans le monde. En acceptant ces négociations, nous faisons un pas
21 supplémentaire sur la voie de la résolution des problèmes de manière
22 pacifique. L'assemblée nationale a autorisé le gouvernement à désigner une
23 délégation qui participera aux pourparlers."
24 Au point 5, ou au chapitre 5.2, l'assemblée nationale de Serbie formule les
25 principes sur la base desquels la crise du Kosovo-Metohija peut trouver une
26 véritable solution permanente dans l'intérêt de tous. On trouve ces
27 principes énumérés au point 2 du grand paragraphe 5. Il s'agissait de
28 points de référence obligatoires que le gouvernement devait appliquer au
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1 moment de désigner les membres de la délégation à Rambouillet. Si vous
2 disposez de la traduction en anglais, je ne vais pas passer en revue tous
3 ces points, mais le point le plus important, c'était le dernier, qui a fait
4 l'objet de beaucoup de discussions, à savoir, je cite : "Nous n'acceptons
5 la présence de soldats étrangers sur notre territoire sous aucun prétexte
6 dans le cadre de l'application de l'accord conclu."
7 Q. Professeur --
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, est-ce qu'il s'agit
9 d'une réponse aux principes que vous évoquez, ou est-ce qu'il y a un
10 document auquel on peut voir la mention suivante --
11 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- parce que ces principes sont
13 différents.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Ces principes sont ceux qui ont été adoptés
15 par l'assemblée nationale de Serbie. A l'arrivée de la délégation à
16 Rambouillet, nous avons signé un document où figuraient ces dix principes
17 et nous disposons de ce document.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de dix principes, mais il
19 y en a beaucoup plus que cela sur cette liste que l'on trouve dans le
20 document figurant à l'intercalaire 49. Il y a dix principes de portée
21 générale et ensuite il y en a d'autres.
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Ces points d'ordre général ont été adoptés
23 par la délégation de la Serbie, ces éléments généraux, dans le cadre de la
24 résolution de la situation du Kosovo à Rambouillet.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 M. ZECEVIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez donné lecture du dernier principe
28 adopté par l'assemblée nationale dans la section 5 du document, le dernier
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1 point de ce passage. Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle
2 l'assemblée nationale a adopté cette position, si vous le savez ?
3 R. Il est tout à fait compréhensible que l'assemblée nationale ait pris
4 une telle position. On peut facilement l'expliquer. Si nous arrivions à un
5 accord, nous n'avions pas besoin de soldats étrangers pour appliquer cet
6 accord. Parce que s'il y avait sur place des soldats étrangers, cela
7 signifiait que l'accord était contre la volonté de l'un des participants.
8 Un accord reflète une conjonction des désirs des participants à cet accord,
9 et si les partis se mettent d'accord sur quelque chose, pourquoi faire
10 appel à des armées étrangères sur le territoire pour appliquer cet accord ?
11 Ça, c'est une chose.
12 Deuxièmement, il y a, bien entendu, le principe de l'intégrité
13 territoriale, parce qu'on reconnaît que la souveraineté est un des
14 principes fondamentaux à respecter. Il est incompatible avec la présence de
15 troupes étrangères sur le territoire.
16 Q. Merci.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai bien compris le deuxième volet de
18 votre explication, mais s'agissant du premier volet, est-ce que ce qui se
19 passait sur notre planète depuis les 15 dernières années n'a pas modifié
20 cette opinion ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement à ce à quoi vous
22 faites référence, mais si les parties à un accord sont sérieuses quand
23 elles procèdent à la négociation, si elles acceptent les termes de l'accord
24 signé, pourquoi avoir besoin de troupes, de soldats étrangers pour mettre
25 en œuvre un accord qui a été accepté volontairement par les parties à
26 l'accord ? Pourquoi avoir besoin de soldats étrangers ? Des soldats
27 étrangers peuvent être nécessaires pour mettre en œuvre un accord qui n'a
28 pas l'aval d'une des parties. A ce moment-là, la force est nécessaire pour
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1 mettre en œuvre cet accord. Mais dans ce cas-là, on ne peut pas vraiment
2 parler d'accord.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivez, Maître Zecevic.
4 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.
5 Q. Monsieur le Témoin, les conclusions rendues par l'assemblée nationale
6 constituent le mandat auquel vous avez fait référence, c'est-à-dire,
7 l'autorité qui a été donnée par l'assemblée nationale à la délégation dans
8 le cadre des négociations à Rambouillet, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. Oui, c'est exact. L'assemblée nationale a décidé qu'il convenait
10 que la Serbie fut représentée à Rambouillet. Ils n'ont pas donné carte
11 blanche à la négociation aux négociateurs. Ceux-ci ne pouvaient pas faire
12 ce qu'ils souhaitaient. L'assemblée nationale a précisé un certain nombre
13 de principes que devait respecter la délégation nationale. Elle ne pourrait
14 pas enfreindre ces principes. Ces principes avaient déjà été appliqués par
15 la communauté internationale lorsqu'elle avait appelé au dialogue politique
16 à la mise en place de mécanismes pacifiques pour résoudre la situation,
17 plutôt que la confrontation armée. Un autre principe, c'était l'égalité de
18 tous les groupes ethniques, le respect de l'intégrité territoriale, la
19 souveraineté territoriale, l'impossibilité pour un groupe de passer outre
20 la volonté de l'autre par la voie des urnes.
21 Ces principes portaient également sur une solution respectant notre
22 constitution et tous les traités relatifs aux droits de l'homme dans le
23 monde. Il s'agissait également d'un appel à l'autonomie du Kosovo-Metohija
24 au niveau international, mais dans le cadre de la République fédérale de
25 Yougoslavie et de la Serbie. Selon un autre principe, ils refusaient la
26 présence de soldats étrangers sur le territoire de la Yougoslavie, et
27 refusaient toute tentative de mener une sécession du Kosovo-Metohija par
28 rapport à la Serbie. A l'exception de ce dernier point, tous les autres
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1 principes ont été repris par la communauté internationale dans le cadre des
2 efforts pour résoudre la situation au Kosovo-Metohija. A l'exception de ce
3 dernier principe, ce sont exactement les mêmes formulations qui ont été
4 reprises par la communauté internationale.
5 Q. Merci. Nous avons pu constater que c'est selon ces principes que
6 l'assemblée nationale a autorisé le gouvernement à désigner une délégation.
7 Veuillez, je vous prie, consulter l'intercalaire 51, pièce P09167.
8 Il s'agit d'une décision publiée au journal officiel du 5 février 1999,
9 portant sur la désignation de la délégation appelée à participer aux
10 négociations de Rambouillet.
11 R. Oui. Il s'agit du journal officiel. C'est le nom de cette publication.
12 Q. Oui. On voit ici que vous avez été nommé à la tête de cette délégation.
13 Cela figure au point 1.
14 R. Oui. Conformément aux conclusions de l'assemblée nationale, comme nous
15 venons d'examiner, le gouvernement a publié une décision portant nomination
16 de la délégation à envoyer en France. J'étais nommé à la tête de cette
17 délégation. En sus du président, cette délégation compte également 12
18 membres. J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agissait d'une
19 délégation multinationale. Plusieurs communautés étaient représentées. Il y
20 avait là des représentants de toutes les communautés ethniques du Kosovo-
21 Metohija, qui constituaient la majorité absolue. Sur les 13 membres de la
22 délégation, il n'y avait que quatre Serbes. De plus, il y avait également
23 des représentants des organes fédéraux; M. Vladan Kutlesic, le vice-premier
24 ministre fédéral; il y avait également M. Sainovic, qui était aussi vice-
25 premier ministre au niveau fédéral.
26 Q. Merci.
27 R. Donc, il s'agit de la délégation représentant l'Etat. Il ne s'agit pas
28 uniquement d'une délégation représentant la Serbie. Il s'agit d'une
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1 délégation représentant la République fédérale de Yougoslavie ainsi que la
2 Serbie.
3 Q. Quand la délégation est-elle partie pour la France ?
4 R. Le 5 février 1999.
5 Q. Quand êtes-vous arrivé à Rambouillet ?
6 R. Le lendemain, le 6 février 1999.
7 Q. Est-ce qu'à ce jour-là les négociations ont débuté à Rambouillet ?
8 R. Oui, ce soir-là on a assisté à l'ouverture officielle des pourparlers.
9 C'est le président de l'époque, le président français de l'époque, M.
10 Chirac, qui a prononcé l'ouverture de ces négociations, et le co-président
11 de la Conférence de Rambouillet était également présent. Il y avait
12 également Robin Cook et Vedrine.
13 Q. Quand avez-vous reçu le premier projet d'accord à Rambouillet ?
14 R. Nous avons reçu le premier texte le lendemain de notre arrivée à
15 Rambouillet, le matin, le 7 février. Il y avait Boris Mayorski et Wolfgang
16 Petritsch qui ont été impliqués. Boris Mayorski et Petritsch, ils nous ont
17 fourni un accord-cadre, la première partie de l'accord, ainsi qu'une
18 annexe, l'annexe 1, où figurait la constitution du Kosovo. Il y avait
19 également l'annexe 3, qui portait sur les nominations à des postes,
20 différents postes à la tête du Kosovo. Il y avait également l'annexe 6 qui
21 évoquait la position du médiateur. Nous avons reçu cela le 7 février à
22 Rambouillet, et ceci nous a été remis par les trois négociateurs.
23 Q. Vous nous avez expliqué que le projet de constitution du Kosovo, vous
24 dites que c'était l'annexe 1. Vous l'avez reçue à Rambouillet. Vous nous
25 avez expliqué que c'était en réalité la version d'un document que vous
26 aviez examinée avec Hill et O'Brien en 1998, n'est-ce pas ?
27 R. Oui. Personne ne nous a donné d'instructions spécifiques à ce sujet,
28 mais j'ai participé à ces négociations et je l'ai reconnue tout de suite.
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1 C'est mon métier et tout ce qui a trait à la constitution, texte
2 constitutionnel, donc j'ai reconnu certaines des dispositions comme
3 ressortant des très nombreux textes élaborés par M. O'Brien et M. Hill.
4 J'ai reconnu beaucoup d'extraits de ces textes dans l'annexe 1, intitulée :
5 Constitution du Kosovo.
6 Q. J'aimerais maintenant que nous examinions le texte figurant à
7 l'intercalaire 53, pièce 1D122. Il s'agit d'une lettre que vous avez vous-
8 même écrite et qui portait la date du 9 février 1999. Elle porte sur ces
9 principes fondamentaux. La Chambre vous a posé un certain nombre de
10 questions à ce sujet il y a quelques temps. Pouvez-vous nous faire part de
11 vos observations au sujet de ce document.
12 R. Dès que nous avons reçu cette partie-là de l'accord, notre délégation a
13 entamé une étude très approfondie de ces textes. Nous avons immédiatement
14 pu constater que certains des principes du Groupe de contact n'étaient pas
15 respectés dans ces documents. Certains des principes édictés par le Groupe
16 de contact qui avaient été qualifiés de non négociables, c'étaient des
17 données qui ne pouvaient pas être modifiées. C'est la raison pour laquelle
18 nous avons décidé de préciser la chose.
19 Q. Est-ce que l'autre partie aux négociations acceptait ces principes
20 comme étant non négociables ?
21 R. Il fallait le déterminer. C'était la seule manière de procéder. S'ils
22 refusaient d'accepter ces principes, les principes adoptés par la
23 communauté internationale, à ce moment-là les négociations de Rambouillet
24 n'avaient pas lieu d'être. C'est pour cette raison que nous avons demandé
25 aux délégations de signer ces principes afin que nous puissions continuer à
26 déployer nos efforts pour trouver un accord.
27 Q. La proposition que vous faites, on la trouve à la page 2 du document :
28 "Eléments généraux." "Principes fondamentaux," n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, il s'agit des principes qui ont été édictés par le Groupe de
2 contact. Ils sont au nombre de dix en tout. Ils sont énumérés ici dans
3 l'ordre où ils ont été formulés dans le premier document établi par le
4 Groupe de contact. A gauche, vous voyez la liste des membres de la
5 délégation des Albanais du Kosovo, où on ne trouvait que des Albanais. A
6 droite, vous avez le nom de tous les membres de la délégation du
7 gouvernement de la République de Serbie. Comme vous pouvez le constater,
8 contrairement à la délégation précédente, vous avez là des représentants de
9 toutes les communautés ethniques.
10 Q. Monsieur le Témoin, veuillez, je vous prie, consulter la pièce 1D123,
11 qui se trouve à l'intercalaire 54. Il s'agit d'une autre lettre que vous
12 avez rédigée ce même jour et dans laquelle vous demandez une réunion
13 permettant la signature du document comportant les principes fondamentaux.
14 R. S'agissant de ces principes, on voit dans cette lettre que nous avons
15 demandé une réunion en tête-à-tête avec la délégation albanaise sans
16 médiateur. Nous voulions traiter de cette question, nous voulions voir si
17 la délégation acceptait ces principes dès le départ. J'ai écrit une lettre
18 aux trois négociateurs en chef, et cela s'inscrivait dans le cadre de ces
19 efforts que nous avons déployés.
20 Q. Est-ce que cette réunion a eu lieu ?
21 R. Non. Non, elle n'a jamais eu lieu. Les trois négociateurs en chef nous
22 ont fait savoir que les Albanais refusaient une telle réunion. L'accord
23 était envisagé comme une série de négociations, comme une réunion entre
24 deux délégations.
25 Q. Quand vous parlez de l'accord, là vous parlez des négociations ?
26 R. Oui. C'est ainsi qu'on avait prévu que devait se dérouler la réunion de
27 Rambouillet. C'étaient des pourparlers. Il fallait bien se parler. Mais non
28 seulement il n'y a pas eu de tels pourparlers au début, mais il n'y en a
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1 jamais eu non plus tout le temps que nous sommes restés sur place. Les deux
2 parties en présence parlaient, certes, mais avec les négociateurs en chef.
3 Ils ne sont jamais rencontrés, ces deux parties. Elles n'ont jamais parlé
4 l'une avec l'autre.
5 Q. Monsieur le Témoin, étant donné que la délégation albanaise a refusé de
6 signer le document sur lequel figure les principes fondamentaux, principes
7 édictés par le Groupe de contact, vous avez expliqué, il y a quelques
8 instants, aux Juges de la Chambre que notre délégation avait signé ces
9 principes. A quel moment ?
10 R. Notre délégation a ratifié tous les principes. Nous l'avons fait le 11
11 février 1999 à Rambouillet. Nous avons ratifié la totalité des dix
12 principes édictés par le Groupe de contact.
13 Q. Veuillez, s'il vous plaît, examiner la pièce 1D124, qui se trouve à
14 l'intercalaire 55. 1D124.
15 [Le conseil de la Défense se concerte]
16 M. ZECEVIC : [interprétation]
17 Q. Monsieur le Témoin, sur la version en serbe du document, on voit les
18 signatures de tous les membres de la délégation, n'est-ce pas ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Professeur, il s'agit ici d'une déclaration de la délégation aux termes
21 de laquelle elle accepte les dix principes sur la base desquels le Groupe
22 de contact avait organisé la Conférence de Rambouillet; est-ce que j'ai
23 bien compris ?
24 R. Oui. Il y a cependant une chose que je souhaiterais préciser. Tout ceci
25 s'est fait à l'initiative de M. Robin Cook, le co-président de la réunion,
26 qui était ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni.
27 Q. Est-ce que ceci apporte une réponse à la question qui a été posée
28 précédemment, Monsieur le Président ?
Page 13193
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, merci.
2 M. ZECEVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Témoin, est-ce qu'après cela, vous avez continué à demander
4 à rencontrer l'autre partie aux négociations, puisque vous dites que vous
5 étiez venus là pour participer à des pourparlers ?
6 R. Oui, nous n'avons cessé de le faire. Nous avons continué à le faire au
7 fil de notre séjour à Rambouillet, puis à Paris. En tant que chef de notre
8 délégation, j'ai continué à faire pression auprès du chef des négociations,
9 des trois chefs négociateurs en chef. Je leur ai demandé que cette réunion
10 ait lieu. Bien entendu, ils seraient toujours présents ces trois
11 négociateurs en chef, mais je voulais que les deux délégations se
12 rencontrent.
13 Q. J'aimerais maintenant que vous examiniez la pièce 1D094, intercalaire
14 56, votre lettre en date du 12 février 1999. Dans l'intervalle, comme on
15 peut le voir dans cette lettre, le président Milutinovic était arrivé à
16 Rambouillet, n'est-ce pas ?
17 R. C'est exact. Il était arrivé dans l'intervalle, et dans cette lettre je
18 souligne le fait que lui aussi est prêt à participer à cette réunion, si
19 toutes les parties en présence donnent leur accord, bien entendu. Parce que
20 formellement, il n'était pas membre de la délégation, même s'il était le
21 président de l'Etat.
22 Q. Le président Milutinovic est-il venu à ces réunions dans le même but
23 que lorsqu'il allait à Pristina, c'est-à-dire dans le but de montrer quelle
24 était l'importance accordée par la Serbie à ces pourparlers ?
25 R. Oui, c'est à cette fin qu'il y est allé. Il est allé pour exprimer les
26 qualités que lui conférait la constitution en tant que président. Car étant
27 président de la Serbie, il était tenu d'illustrer l'unité de l'Etat. Mais,
28 il a toujours participé avec la plus grande sincérité à ces efforts
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1 déployés pour tenter de discuter directement avec la délégation des
2 Albanais du Kosovo.
3 Q. Professeur, lorsque la délégation de Yougoslavie a signé ces dix
4 principes, ces dix éléments généraux présentés par le Groupe de contact le
5 11 février, je crois avoir compris que vous laissiez entendre que ce geste
6 avait été encouragé par le co-président Robin Cook; est-ce que je vous ai
7 bien compris ?
8 R. Oui, ceci ressort également du document. On lit dans ce document qu' :
9 "une délégation nommée par le gouvernement de Serbie a été envoyée aux
10 réunions de Rambouillet à l'initiative du co-président Robin Cook, le
11 ministre des Affaires étrangères britanniques, et que cette délégation
12 souhaitait faire la déclaration qui suit."
13 Q. Professeur, tout en apportant ces encouragements aux parties en
14 présence, est-ce que le co-président, Robin Cook, a précisé que lui-même
15 ainsi que le Groupe de contact défendaient les mêmes principes que ceux qui
16 étaient défendus aux pourparlers de Rambouillet ?
17 R. Oui, ils étaient membres du Groupe de contact initial d'ailleurs, et
18 les pourparlers de Rambouillet ont été organisés autour de ces principes.
19 Il était donc naturel qu'ils partagent les opinions de l'organisme dont ils
20 faisaient partie.
21 Q. Je vous remercie. Professeur, à la lecture de ces documents que vous
22 avez reçus des trois négociateurs principaux, je veux parler des
23 représentants du Groupe de contact le 7 février, et je parle des annexes 1,
24 3 et 6, si je ne m'abuse --
25 R. Oui.
26 Q. -- avez-vous demandé que vous soient remises les autres annexes de ce
27 document de Rambouillet également ?
28 R. Nous avons demandé que le texte intégral de l'accord nous soit remis,
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1 et nous l'avons demandé immédiatement, le 7 février dans l'après-midi. En
2 fait, nous avons eu deux catégories d'observations à faire eu égard aux
3 parties de l'accord qui nous ont été soumises. La première catégorie
4 d'objections que nous avions portait sur les éléments généraux du Groupe de
5 contact, puisque notre conclusion a été que ces principes n'étaient pas
6 entièrement respectés dans les parties de l'accord que nous avons reçues le
7 7 février dans la matinée.
8 Notre deuxième catégorie d'objections a été de dire que si nous devions
9 apprécier les libellés de l'accord, il fallait au préalable que nous
10 puissions disposer de l'intégralité du texte afin de pouvoir estimer
11 l'intégralité de la teneur de cet accord et de bien voir quelles étaient
12 toutes les questions dont traitait cet accord. C'est seulement dans de
13 telles conditions que nous eussions été en mesure d'apprécier la qualité de
14 cet accord. J'ai fait savoir aux trois négociateurs principaux quelles
15 étaient nos positions durant la réunion. Il y a eu ensuite envoi de lettres
16 formelles de notre part que j'ai signé en tant que chef de la délégation.
17 Dans ces lettres, nous demandions à pouvoir disposer de l'intégralité du
18 texte de l'accord, de façon à être en mesure de faire connaître notre
19 position sur cet accord dans son intégralité.
20 Q. Je vous demanderais de vous rendre à l'intercalaire 58, pièce 1D096. Ce
21 document, est-il l'une des lettres envoyées par vous dans laquelle vous
22 demandez à obtenir l'intégralité du texte de l'accord ?
23 R. C'est tout à fait cela. C'est une lettre que j'ai envoyée, qui porte ma
24 signature en tant que chef de la délégation, et dans cette lettre je
25 demande, en toute amabilité, aux négociateurs d'avoir l'obligeance de me
26 remettre, dans les plus brefs délais, tous les documents pertinents qui
27 seront utilisés dans le cadre des pourparlers de Rambouillet. Je le demande
28 en ma qualité de chef de la délégation envoyée par le gouvernement de la
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1 République de Serbie.
2 Q. La date de ce document est bien le 12, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. J'ai envoyé cette lettre le 12 février, mais je pense qu'il n'y a
4 pas eu qu'une seule lettre. Il y en a eu une autre. Si vous suivez la
5 chronologie de l'envoi de documents, je suis sûr que vous trouverez cette
6 autre lettre dont je parle.
7 Q. Professeur, au départ, les pourparlers de Rambouillet étaient censés
8 durer combien de temps ?
9 R. Au départ, le Groupe de contact avait envisagé des pourparlers d'une
10 semaine, c'est-à-dire, des pourparlers devant durer jusqu'au 13 février.
11 Q. Mais cette date a été repoussée, si je ne m'abuse ?
12 R. Oui, le délai a été étendu, mais pas à la demande d'une délégation.
13 Ceci a été fait pour une simple raison, à savoir que le 13 février, nous
14 n'avions encore que des fragments de l'accord à notre disposition.
15 J'ajouterais que, sur le plan quantitatif, les parties de l'accord dont
16 nous disposions représentaient moins de la moitié, je dirais sans doute un
17 tiers. Donc, pour des raisons qui ont été du fait des organisateurs des
18 pourparlers, la durée de ces pourparlers a été étendue pour durer non plus
19 jusqu'au 13, mais jusqu'au 20 février. Ensuite, encore une fois pour des
20 motifs incombant aux organisateurs, il y a eu un nouveau report de la fin
21 prévue pour ces pourparlers, et les pourparlers de Rambouillet se sont
22 terminés le 23 février 1999, puisque nous ne disposions que de fragments
23 peu nombreux de l'accord.
24 Q. Quand vous dites que le 13 février vous ne disposiez que d'un tiers du
25 texte de l'accord, cela signifie-t-il qu'à ce moment-là vous n'aviez pas la
26 moindre idée de ce que contenait l'accord intégral, ou est-ce que vous
27 aviez tout de même une petite idée ? Vous ne saviez pas du tout quelle
28 était la teneur du projet d'accord à ce moment-là ?
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1 R. Non, nous n'avions pas la moindre idée de la teneur de l'accord. Nous
2 n'avions pas la moindre idée du cadre général que prévoyait ce projet
3 d'accord. Nous étions en possession d'une partie de l'accord, mais nous ne
4 possédions pas les parties les plus importantes. Les 13 février y compris,
5 nous n'étions pas en possession de l'intégralité de l'accord. Enfin, je
6 considère, pour ma part, que la constitution est une partie fondamentale
7 d'un texte comme celui-là. Mais nous n'avions pas en notre possession les
8 points les plus importants, les points de rupture éventuelle. J'étais chef
9 de la délégation et je n'étais pas en possession du texte complet.
10 Q. Professeur, quand avez-vous finalement reçu les parties dont vous ne
11 disposiez pas encore ?
12 R. Les parties de l'accord dont j'ai dit que nous les avions reçues, nous
13 les avions reçues le 7 février dans la matinée. Ensuite, c'est le 13
14 février que nous avons reçu l'annexe 4 intitulée : "Questions économiques."
15 Nous avons reçu ce chapitre le jour où, selon le Groupe de contact, les
16 pourparlers étaient censés se terminer, selon les projets initiaux. Puis,
17 il y a eu report de la fin des pourparlers, et le 15 nous avons reçu
18 l'annexe A intitulée : "Questions humanitaires, reconstruction et
19 développement."
20 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi.
21 Monsieur le Professeur, dites-moi, je vous prie, en dehors de ces
22 invitations formelles et des réunions qui s'ensuivaient, aviez-vous
23 également des réunions informelles, durant les dîners, ou ce genre de
24 chose, des rencontres informelles qui auraient pu vous donner la
25 possibilité d'avoir au moins un contact informel avec vos interlocuteurs
26 dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler la deuxième voie de la
27 diplomatie, contacts qui auraient pu vous permettre de mieux vous
28 comprendre et d'être informés d'un certain nombre de choses ? Ou est-ce que
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1 vous étiez simplement conduits comme des moutons par un berger, le berger
2 étant les négociateurs ? Qu'est-ce qui s'est passé réellement ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons été conduits comme des
4 moutons, c'est tout à fait cela. Mais la fermeture n'était pas complète.
5 D'ailleurs, nous comprenions bien tout ce que cela voulait dire.
6 J'ajouterais même que les deux délégations étaient séparées, y compris
7 physiquement. Les lieux d'habitation se trouvaient à des étages différents
8 du château de Rambouillet, et même au moment des déjeuners et des dîners,
9 nous les prenions dans des pièces différentes. La seule possibilité de
10 rencontre concernait éventuellement le hall d'entrée, et même à cet endroit
11 des situations assez déplaisantes se sont produites. Par exemple, je sais
12 que certains collègues, comme le Pr Fehmi Agani, qui était professeur
13 d'université, tournait la tête de l'autre côté s'il nous rencontrait. Il se
14 sentait mal lui aussi, et il faisait cela pour éviter toute conversation
15 entre nous. Je n'ai eu personnellement aucun contact avec les membres de la
16 délégation albanaise, même si je connaissais certains de ses représentants
17 et que par le passé nous communiquions assez normalement.
18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.
19 M. ZECEVIC : [interprétation]
20 Q. Professeur, j'aimerais que vous vous penchiez sur la pièce 1D589.
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Dont je demande l'affichage sur les écrans.
22 Q. Il s'agit de la lettre que vous avez envoyée aux négociateurs le 16
23 février 1999, intercalaire 60.
24 R. Je considère cette lettre comme d'une importance exceptionnelle
25 compte tenu de la nature et du déroulement des pourparlers de Rambouillet.
26 L'opinion ne connaît pas les faits qui sont évoqués dans cette lettre.
27 Lorsque nous avons reçu les annexes 4(A) le 15 février, en tant que chef
28 des négociations j'ai posé clairement la question à la troïka qui dirigeait
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1 les négociations. J'ai demandé si nous étions désormais et finalement en
2 possession de l'intégralité du texte de l'accord, car nous étions arrivés
3 sur place le 6 février, et c'est le 15 février que j'ai posé cette
4 question. La troïka responsable des négociations m'a répondu clairement que
5 le texte qui était entre nos mains constituait l'intégralité de l'accord.
6 C'est à cela que je fais référence dans le premier paragraphe de cette
7 lettre dans laquelle j'indique, je cite :
8 "Puisqu'à la réunion d'hier vous nous avez fait savoir que finalement
9 nous avions reçu l'ensemble des annexes adoptées par le Groupe de contact,
10 notamment l'annexe 4(A), nous sommes en mesure de vous remettre le texte
11 unique de l'accord sur l'autogestion au Kosovo-Metohija. Vous trouverez
12 indiquer nos commentaires et nos positions, qui conforment à nos
13 conceptions."
14 Mais j'indique encore une fois que la veille, il m'avait été dit que
15 nous étions en possession de l'intégralité de l'accord. Convaincu de cela,
16 nous avons remis à la troïka responsable de négociations, le texte
17 présentant nos commentaires et nos observations par rapport au projet
18 d'accord que nous considérions comme un texte complet. Voilà, c'est la
19 lettre envoyée par moi qui au total compte quatre paragraphes.
20 Q. Professeur, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, parce que M.
21 Mayorski, Petritsch et Hill, à savoir les trois membres de la troïka
22 responsables des négociations, vous avaient remis certaines parties de
23 l'accord qui vous manquaient en vous disant que désormais vous étiez en
24 possession de l'intégralité du texte, la délégation à la tête de laquelle
25 vous étiez a élaboré ses propres propositions pour les incorporer dans le
26 texte. J'ai bien compris ce que vous avez dit ?
27 R. Vous avez bien compris.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas, je vous prie.
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1 Monsieur Zecevic, ceci est une répétition mot pour mot de ce que le Pr
2 vient de nous dire.
3 M. ZECEVIC : [interprétation] D'accord, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut absolument que nous avancions.
5 M. ZECEVIC : [interprétation]
6 Q. Professeur, vous rappelez-vous le projet de texte indiquant quelles
7 étaient les conclusions du Groupe de contact, texte établi le 20 février
8 1999 ?
9 R. Oui.
10 Q. Je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 62, pièce 1D674.
11 Est-ce que la présentation de ces conclusions, le délai, la durée des
12 pourparlers de Rambouillet a été prolongée encore une fois de trois jours
13 comme vous l'avez déjà dit ?
14 R. Oui. Ces conclusions prolongeaient la durée des pourparlers une
15 deuxième fois, et cette fois-ci de trois jours. Le Groupe de contact
16 déclarant que la conférence devait s'achever le 23 février à 15 heures.
17 Même au moment où le Groupe de contact a publié ces conclusions, il nous
18 manquait un certain nombre de parties de l'accord de Rambouillet. Plus de
19 la moitié du texte manquait encore. On constate au vu des numéros des
20 annexes que nous n'étions toujours pas en possession des annexes numéros 2,
21 5 et 7.
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous demande un instant, Monsieur le
23 Président.
24 [Le conseil de la Défense se concerte]
25 M. ZECEVIC : [interprétation]
26 Q. Professeur, pouvez-vous nous dire, si vous vous rappelez, ce qui s'est
27 passé le 22 février à Rambouillet ? Le 22 février, c'est-à-dire, la veille
28 ?
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1 R. Le 22 février -- pensez-vous à une lettre adressée par moi ? Je ne sais
2 pas à quoi vous pensez.
3 Q. Des tentatives ont-elles été faites le 22 février pour vous remettre de
4 nouveaux documents ?
5 R. Voyez-vous, ils se produisaient de très nombreux événements tous les
6 jours. Donc, quand j'ai entendu votre question formuler comme vous l'avez
7 formulé au départ, je ne savais pas très bien ce que vous aviez à l'esprit,
8 car il se passait toutes sortes de choses en une seule journée. Le 22
9 février à 19 heures, la troïka responsable des négociations nous a apporté
10 les annexes manquantes. Je veux parler des annexes 2, 5, 7 et 8. L'annexe 8
11 était un texte artificiellement élaboré à partir du cadre de l'accord, le
12 fameux "framework agreement," et on y trouvait un article particulier qui
13 était considéré en tant que tel comme une annexe à part entière et qui
14 portait sur les amendements apportés à l'accord. C'est la concession la
15 plus importante faite pour la délégation albanaise afin d'amener celle-ci à
16 signer le texte.
17 En tant que chef de délégation, après avoir consulté les autres membres de
18 la délégation, j'ai refusé d'accepter ces annexes des mains des trois
19 membres de la troïka en rappelant la déclaration faite publiquement par la
20 troïka le 15 février selon laquelle nous disposions de l'intégralité du
21 texte de l'accord. Finalement, le 22 février à 19 heures, nous avions
22 encore en notre possession moins de la moitié de l'accord. Les parties
23 manquantes, qui constituaient plus de la moitié du texte, nous ont été
24 remises la veille de la date limite prévue pour la fin de la conférence,
25 puisqu'on nous avait dit que la conférence devait s'achever le 23 février à
26 15 heures. A 19 heures le 22 février, il nous manquait encore plus de la
27 moitié de l'accord.
28 Q. Professeur, ceci est-il la raison principale pour laquelle vous
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1 avez refusé d'accepter les documents qu'on proposait de vous remettre ?
2 R. Ceci a été la raison principale de notre refus. Quant au contenu de ces
3 documents, bien entendu, nous ne connaissions pas, puisque nous n'avons pas
4 touché les documents qu'on nous proposait. Nous avons refusé de les
5 recevoir en raison du fait que les négociateurs n'avaient pas tenu parole.
6 Q. Professeur, ce document est à l'intercalaire 63, pièce 1D97, datant du
7 22 février. Dans cette lettre, vous dites que ces documents n'ont pas été
8 acceptés par le Groupe de contact. Pourriez-vous nous expliquer sur ce
9 point.
10 R. Oui, c'est également une raison pour laquelle nous n'avons pas accepté
11 les parties de l'accord qu'on nous proposait, et dont nous avons appris
12 l'existence de la bouche d'un des négociateurs, plus précisément de la
13 bouche de M. Boris Mayorski. Ces annexes, 2, 5 et 7, n'avaient pas été
14 adoptées par le Groupe de contact, contrairement à ce qui s'était passé
15 avec les annexes précédentes qui nous avaient été remises.
16 Q. Professeur, je demande d'attendre que le Président termine sa
17 conversation avec le greffier.
18 Vous pouvez poursuivre maintenant.
19 R. Les annexes 2, 5 et 7 n'avaient absolument pas été adoptées par le
20 Groupe de contact. D'ailleurs, les annexes 2 et 7 ne figuraient pas à
21 l'ordre du jour du Groupe de contact. Quant à l'annexe cinq, elle avait été
22 discutée, mais aucune décision définitive n'a été prise quant à son
23 adoption. Ceci a été la deuxième raison pour laquelle nous avons refusé
24 d'accepter les annexes 2, 5 et 7. Nous avons refusé de le faire en
25 déclarant que non seulement ces annexes 2, 5 et 7 n'avaient pas été
26 adoptées par le Groupe de contact, mais que certaines n'étaient même pas à
27 l'ordre du jour des débats. Or, le Groupe de contact était l'organisateur
28 de la conférence, et c'est le Groupe de contact qui avait décidé du libellé
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1 de l'accord soumis ensuite pour examen aux parties négociatrices.
2 Q. Professeur, comment avez-vous appris que ces documents n'avaient pas
3 été discutés par le Groupe de contact, ou qu'ils ne figuraient pas à
4 l'ordre du jour des débats ?
5 R. C'est M. Boris Mayorski, l'un des membres du Groupe de contact, qui
6 nous l'a dit clairement. Le lendemain, lorsque nous avons reçu le texte
7 définitif du projet d'accord, M. Mayorski, au niveau des signatures dans le
8 texte, a effectivement apposé sa signature indiquant qu'il était d'accord
9 avec le texte proposé plus haut, mais il a ajouté une mention après sa
10 signature dans laquelle il indiquait : hormis les annexes 2 et 7. Quant à
11 l'annexe 5, il nous a dit qu'elle avait été débattue par le Groupe de
12 contact, mais qu'aucune décision favorable à son adoption n'avait été prise
13 ou soumise au vote. Il a dit cela en présence de deux autres membres de la
14 troïka.
15 Q. Et ceci s'est passé le 22 février ?
16 R. Oui, le 22. Le 23 février, il a indiqué les mentions que je viens de
17 vous citer par écrit dans la lettre d'accompagnement du texte intégral de
18 l'accord de Rambouillet. Nous avons reçu ce texte intégral le dernier jour
19 des pourparlers, à 9 heures du matin, car comme le Groupe de contact
20 l'avait décidé, la Conférence était censée s'achever à 15 heures ce jour-
21 là.
22 Q. Professeur, j'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur
23 l'intercalaire 65, pièce 1D098. A la première page, vous lisez : 23
24 février, 9 heures et demie. Ceci est-il le document dont vous parliez il y
25 a un instant ?
26 R. Oui, oui, c'est ce document. D'ailleurs, tout à l'heure, j'ai dit 9
27 heures. En fait, il ne nous a été remis qu'à 9 heures et demie, comme vous
28 le voyez.
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1 Q. Par la lecture du dernier paragraphe de ce document, une date limite
2 vous est donnée pour répondre à ce document.
3 R. Un délai de trois heures et demie nous est donné pour répondre,
4 puisqu'il y est indiqué que nous sommes tenus de répondre avant 13 heures.
5 Il nous reste donc trois heures et demie pour répondre à plus de la moitié
6 du texte de l'accord de Rambouillet que nous voyons pour la première fois.
7 Nous voyons dans ce document la signature de M. Boris Mayorski, et la
8 mention manuscrite de sa main qu'il ajoute après la signature, à savoir
9 hormis les annexes 2 et 7.
10 Q. Comment comprenez-vous le premier paragraphe de la lettre en question,
11 ainsi que le commentaire que Boris Mayorski ajoute après sa signature ? Car
12 il est indiqué dans cette lettre au premier paragraphe que ces documents
13 sont remis aux délégations au nom du Groupe de contact. Alors, comment
14 comprenez-vous ce premier paragraphe ?
15 R. Comment le comprendre autrement qu'en pensant qu'on abuse de
16 l'utilisation du nom Groupe de contact. Car ici on impute au Groupe de
17 contact un geste qui ne relève pas de ses compétences et des documents qui
18 n'ont rien à voir avec lui. Les annexes 2 et 5 n'ont pas été adoptées par
19 le Groupe de contact, alors que dans cette lettre il est indiqué que ces
20 documents qui nous étaient proposés l'étaient au nom du Groupe de contact.
21 Q. Dites-moi, Professeur --
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous pouvons lire ce document par
23 nous-mêmes. Je vois très bien ce qui est écrit dans ce document. M.
24 Mayorski exprime des réserves, mais il signe tout de même ce document avant
25 de vous l'envoyer.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il l'a signé, mais il n'a pas signé les
27 chapitres 2 et 7. Et on nous a dit tout ou rien, soit l'ensemble de
28 l'accord, mais pas une partie de l'accord. Il y avait certaines parties de
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1 l'accord sur lesquelles nous étions d'accord, surtout après les avoir
2 amendées tout ce qui concernait des questions politiques. Mais on nous a
3 dit qu'on ne pouvait pas signer certaines parties du document seulement. On
4 pouvait être d'accord avec l'ensemble du document ou pas du tout. Donc,
5 c'est ainsi que j'interprète la signature en tant que ma qualité d'expert
6 juridique.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci est un bon exemple d'une réponse
8 utile et d'une réponse inutile. La première réponse à la question qui vous
9 a été posée par M. Zecevic, c'était une question pleine de bon sens. Vous
10 nous avez parlé de votre impression de la façon dont les négociations
11 s'étaient déroulées. Mais la deuxième réponse que vous nous avez donnée est
12 beaucoup plus importante, lorsque vous parlez de la pression qui a été
13 exercée sur vous. Je crois que c'est effectivement ce que Me Zecevic
14 faisait entendre. Donc, essayez, s'il vous plaît, de faire en sorte que
15 nous puissions recueillir vos opinions personnelles, comprendre cela, et de
16 fournir un complément aux textes qui vous sont présentés. Merci. Savoir ce
17 qui s'est passé.
18 Maître Zecevic.
19 M. ZECEVIC : [interprétation]
20 Q. Le 22 février, M. Mayorski vous a dit que les documents annexes 2, 5 et
21 7, n'avaient pas été débattus ou un accord n'avait pas été conclu sur ces
22 derniers par le Groupe de contact. Peut-être que vous lui avez posé la
23 question ou peut-être qu'il vous a expliqué de lui-même ce que contenaient
24 ces trois annexes, les annexes qu'on était sur le point de vous soumettre
25 le 22 ?
26 R. Nous n'avons pas demandé d'explication à M. Mayorski, et du reste, il
27 ne nous a pas fourni une explication de lui-même non plus. Il nous a
28 simplement parlé du statut de ces chapitres.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui a dit que c'était tout ou rien ?
2 M. ZECEVIC : [interprétation]
3 Q. Merci, Monsieur le Professeur.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que, tout en parcourant ces
5 documents, vous constaterez que plus tard, à Paris, c'est exactement ce qui
6 a été dit.
7 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
8 LE TÉMOIN : [interprétation] A savoir que l'accord --
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez répondre à ma question. Vous
10 nous avez dit que trois heures et demie avant on vous a dit que c'était
11 tout ou rien. Qui vous a dit cela ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] A la fois M. Petritsch et M. Hill. Ils l'ont
13 dit très clairement, et ceci a été confirmé à plusieurs reprises, plus tard
14 à Paris, que l'accord ne pouvait être signé, on ne pouvait pas signer une
15 partie de l'accord.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le 23 février, est-ce que ceci a été
17 dit en présence de M. Mayorski ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était la position de la troïka chargée
19 des négociations. C'est ce qu'on nous a dit dès notre arrivée à
20 Rambouillet.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas cette réponse. Je
22 vous pose une question à propos de ce qui a été dit le 23 février. Est-ce
23 qu'on vous a dit, à ce moment-là -- ou plutôt, qui vous a dit, à ce moment-
24 là, que c'était tout ou rien ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ou rien, M. Petritsch et M. Hill disaient
26 cela sans cesse, et je crois que c'était la position adoptée par l'ensemble
27 du Groupe de contact également.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, cela n'était pas quelque chose
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1 qui était propre à la journée du 23 février, cette affirmation comme quoi
2 c'était tout ou rien ? C'est un principe évoqué du début à la fin ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dès le début.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est vrai que ceci nous permet
5 d'envisager les choses différemment parce que nous avons la position
6 complète, voyez-vous. Poursuivez, s'il vous plaît.
7 M. ZECEVIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Professeur, le 23 février à 9 heures et demie, vous avez
9 reçu les annexes 2, 3 et 7. Si vous comparez ces derniers documents qui
10 étaient déjà en votre possession à ce moment-là, documents que vous avez
11 reçus le 7, le 13 et le 15, pourriez-vous nous dire exactement ce que vous
12 avez reçu à 9 heures et demie ce matin-là ? Combien de documents il y
13 avait, compte tenu du fait qu'à l'époque vous aviez trois heures et demie
14 pour répondre ?
15 R. Vous avez ici tout le texte de l'accord de Rambouillet. Si vous le
16 parcourez, si vous regardez sa taille, il est facile d'en déduire que cela
17 représente plus la moitié du texte intégral. Il y a 81 pages au total, et
18 si vous y ajoutez les pages qui se trouvent aux annexes 2, 5 et 7, cela
19 correspond a plus de pages que celles contenues dans la première partie.
20 Q. Donc, vous aviez trois heures et demie pour parcourir ce document et
21 pour donner votre position, c'est exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Monsieur le Professeur, à la fin de la Conférence de Rambouillet le 21
24 février, vous avez envoyé plusieurs lettres; c'est exact ?
25 R. Oui. Le 23 février.
26 Q. Veuillez vous reporter à l'intercalaire numéro 66, 1D582. Pourriez-vous
27 commenter ceci, s'il vous plaît. Ceci, ne semble-t-il pas indiquer que pour
28 vous Rambouillet était l'expression d'un effort réel, ou est-ce que je me
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1 trompe, de quelque chose de positif ?
2 R. C'est vrai que Rambouillet représentait un certain progrès, progrès
3 dans le sens d'une solution politique. Ceci est une référence à l'annexe 1,
4 3 et peut-être 6, bien qu'il s'agisse ici de la position d'un médiateur qui
5 est neutre. Des progrès avaient certainement été faits. A la date du 20
6 février, entre le 19 février - parce que nous avions commencé le 19 - les
7 pourparlers avec l'équipe de négociateurs et leurs experts, vers 19 heures,
8 nous sommes restés dans une pièce jusqu'à 5 heures du matin le 20, nous
9 avons travaillé sur les aspects politiques. C'était la seule façon de
10 procéder. Nous avons travaillé pendant de longues heures pour essayer de
11 parvenir à un accord et essayer de trouver le libellé approprié du texte.
12 Ceci a été long, et c'est le temps que cela nous a pris pour rédiger une
13 seule annexe. Je crois qu'il faut garder ceci à l'esprit.
14 Ensuite, il y avait la délégation albanaise du Kosovo qui devait être
15 d'accord avec cela. Les négociateurs devaient passer du temps avec eux et
16 leur proposer le texte pour recueillir leur accord. Effectivement, des
17 progrès ont été réalisés, en particulier au plan politique, sur la question
18 de l'autonomie du Kosovo-Metohija. Mais c'est ce que nous avons dit depuis
19 le début. La seule solution était d'engager un dialogue politique.
20 Mais en utilisant cette méthode, et non pas imposer des solutions à
21 d'autres, mais plutôt par le biais de négociations, et de faire en sorte
22 que les parties en présence soient d'accord avec certaines solutions et
23 faire sorte que les parties puissent négocier directement si possible. Nous
24 avons même été d'accord pour poursuivre les pourparlers. Nous avons indiqué
25 que nous étions d'accord pour que la Yougoslavie examine la possibilité
26 d'avoir une présence internationale au Kosovo-Metohija pour mettre en
27 oeuvre l'accord qui avait été signé à Rambouillet.
28 Nous avons dit que nous ne souhaitions pas que les soldats
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1 internationaux soient présents, mais ceci ne voulait pas dire que des
2 civils, représentant la communauté internationale, ne pouvaient pas être
3 présents. C'est quelque chose que n'avons pas pu négocier parce qu'on nous
4 avait demandé de ne pas le faire. On nous avait indiqué que la présence de
5 soldats étrangers était hors de question. Elle ne devait pas faire partie
6 de l'accord.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie bien.
8 C'est l'heure de faire une pause encore une fois, Monsieur le
9 Professeur. M. l'Huissier va vous raccompagner comme d'habitude. Nous
10 reprendrons à 11 heures 15.
11 [Le témoin quitte la barre]
12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.
13 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.
14 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y avait une
15 question à propos de l'intercalaire numéro 42, 1D91. Si je puis vous parler
16 de cela pendant que le témoin s'assoit.
17 [Le témoin vient à la barre]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit du document original, n'est-
19 ce pas ?
20 M. ZECEVIC : [interprétation] Précisément. Le document original, nous n'en
21 disposons pas, l'accord signé, en d'autres termes. Mais la déclaration à
22 l'appui du document a déjà été versée au dossier et porte le numéro 1D18,
23 c'est la page 372, c'est le livre du Pr Weller. Il a déjà été versé au
24 dossier le 1er mars de cette année. La déclaration qui soutient l'accord
25 conjoint.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment ceci permet-il de résoudre la
27 question de la signature ?
28 M. ZECEVIC : [interprétation] La déclaration à l'appui du texte est signée
Page 13211
1 et a été versée. D'après ce que j'ai compris de mon confrère du bureau du
2 Procureur, je crois que ce dernier a vu la page du Politika que nous ne
3 souhaitons pas verser au dossier, Monsieur le Président. Il s'agit de la
4 pièce 47, numéro 1D671. Vous le trouverez dans votre classeur. C'est la
5 raison pour laquelle certainement, M. Hannis nous a dit qu'il avait vu la
6 signature sur le document.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie d'avoir précisé cela.
8 Veuillez poursuivre -- pardonnez-moi.
9 M. HANNIS : [interprétation] 671 est déjà dans le classeur.
10 Cela ne me dérange pas si l'on présente ce document-là qui est l'article du
11 Politika sur lequel se trouvent les signatures parce que le témoin en a
12 parlé dans sa déposition.
13 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous acceptons le versement au dossier
15 de la pièce 1D671 pour permettre une meilleure interprétation de
16 l'intercalaire numéro 42. Vous pouvez maintenant poursuivre.
17 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci beaucoup.
18 Q. Monsieur le Professeur --
19 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour les besoins du
20 compte rendu, l'intercalaire numéro 42 est la pièce qui a le numéro 1D91.
21 Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur le Professeur, êtes-vous au courant de la déclaration faite
23 par la déclaration albanaise le 23 février 1991 à Rambouillet ?
24 R. Oui. Je suis au courant de cela.
25 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelque chose à ce propos ? C'est à
26 l'intercalaire 70, pièce 1D018, 467. Ceci se trouve au point 34.
27 R. La délégation Kosmet albanaise a estimé que les derniers chapitres de
28 l'accord étaient les points essentiels, le chapitre 8 qui a été rédigé par
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1 la suite. Parce que cette partie a été modifiée, cette partie de l'accord a
2 été retirée du premier accord-cadre ou "accord framework," et on en a fait
3 un texte à part. On indique que pendant la période de transition qui durera
4 trois ans au Kosovo, il faudra organiser un référendum pour que le peuple
5 kosovar décide de la destinée de sa province. Ce qui revient à dire que la
6 déclaration albanaise considère que cette partie de l'accord est la plus
7 importante pour eux. Cela veut dire que l'ensemble de l'accord qui comporte
8 la solution provisoire doit être considéré comme quelque chose de très
9 précieux puisque, après l'expiration de la période de transition, le peuple
10 kosovar pourra décider de la destinée du Kosovo-Metohija.
11 Q. Ce qui semble indiquer, je présume, que tel était l'objectif aux
12 pourparlers de Rambouillet de la délégation albanaise ?
13 R. Oui, parce que d'après nous, l'objectif, déjà, lorsque nous sommes
14 allés à Pristina, et la preuve en est que leur objectif a toujours été de
15 ne pas répondre aux invitations de notre délégation parce qu'il n'est pas
16 naturel de parler à une délégation d'Etat lorsqu'il s'agit de parler de la
17 création d'un autre Etat dans ce même Etat.
18 Q. Monsieur le Professeur, veuillez nous dire, s'il vous plaît, à quel
19 moment vous avez appris l'existence de quelques lettres bilatérales et
20 messages entre les Etats-Unis d'Amérique et la délégation Kosmet des
21 Albanais à Rambouillet ?
22 R. J'ai découvert cela après le retour à Belgrade seulement, et après
23 avoir lu de nombreux ouvrages qui avaient été écrits par un certain nombre
24 d'auteurs sur les négociations de Rambouillet qui se déroulaient à Paris.
25 C'est à ce moment-là que j'ai pu constater un certain nombre de choses, et
26 en tant que participant à ces négociations, je n'étais pas au courant à
27 l'époque, et entre autres, par exemple, je n'étais pas au courant de ces
28 négociations qui s'étaient déroulées entre la délégation Kosmet albanaise
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1 et Mme Albright.
2 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Veuillez nous dire ceci, est-ce que vous
3 pensez que ce qui est de l'étendue du mandat de la délégation d'après les
4 conclusions de l'assemblée nationale de Serbie, les plus hautes instances
5 serbes, à la décision prise le 4 février, est-ce que vous pensez que par
6 rapport à ces conclusions-là, votre mandat, ou plutôt, est-ce que votre
7 délégation a agi conformément au mandat qui vous avait été confié ?
8 R. Je crois que la réponse est oui. Mais lorsque nous sommes rentrés à
9 Belgrade, nous n'avons pas été critiqués du tout pour les positions prises
10 ou notre comportement pendant les négociations de Rambouillet; bien au
11 contraire. Les travaux de la délégation ont été approuvés, et par la suite
12 l'assemblée nationale a adopté des conclusions similaires. Autrement dit,
13 ils ont exprimé leur satisfaction par rapport aux travaux menés par la
14 délégation et ont clairement indiqué qu'ils avaient beaucoup apprécié le
15 travail fourni.
16 Q. Monsieur le Professeur, veuillez me dire ceci, s'il vous plaît : Est-ce
17 que la délégation était disposée à accepter l'accord politique de
18 Rambouillet ou une partie de l'accord de Rambouillet ?
19 R. La délégation était disposée à l'accepter, pour autant que quelques
20 corrections soient apportées au texte qui avait été proposé, et en présence
21 de l'ambassadeur Petritsch, nous avons inclus ces corrections dans la nuit
22 du 19 au 20 février 1999 à Rambouillet, c'est-à-dire que M. Petritsch était
23 le seul parmi tous les négociateurs à être présent. Il y avait M. Kutlesic
24 et moi-même de notre équipe de négociateurs, ainsi que deux experts qui
25 faisaient partie de l'autre délégation. C'était des experts en matière de
26 droit international. De l'autre côté, il y avait M. O'Brien et M. Etinski,
27 un de ses collaborateurs.
28 Q. Est-ce que vous entendez par là M. Jim O'Brien ?
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1 R. Oui, tout à fait. M. Jim O'Brien.
2 Q. C'est la même personne qui, dans le courant de l'année 1998, est venue
3 vous rencontrer, accompagné de M. Hill, à Belgrade, et qui a fait plusieurs
4 propositions sous la forme d'un accord sur un gouvernement autonome au
5 Kosovo, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Veuillez me dire, Monsieur le Professeur, ceci : Est-ce qu'ils
8 pensaient à ce moment-là que vos propositions étaient acceptables ou est-ce
9 qu'ils ont apporté un quelconque commentaire ?
10 R. Nous sommes parvenus à un niveau haut d'accord. Nous sommes parvenus --
11 nous avons beaucoup progressé sur cette voie-là, et nous sommes arrivés
12 très proches d'un accord, je dois dire, avec les représentants de M. Hill.
13 Je suppose que M. O'Brien et M. Etinski étaient les représentants de M.
14 Hill, je ne sais pas, mais je ne connais pas leur statut. Mais je sais que
15 nous sommes parvenus à un accord qui devait être approuvé par la délégation
16 albanaise. Ils devaient également donner leur accord à propos de cela. Pour
17 ce qui est de la délégation, nous avions beaucoup progressé dans la
18 rédaction de cet accord au point où nous avons même pu, au point de
19 pouvoir, finaliser la partie politique de l'accord, mais rien de ceci
20 n'était définitif. Les Albanais devaient également marquer ce texte de leur
21 accord.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que voulez-vous dire de "la partie
23 politique de cet accord" ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] La partie politique de l'accord est le nom que
25 l'on utilise en général pour parler de Rambouillet. Ceci n'a jamais été dit
26 officiellement, mais cela est une partie bien précise de l'accord. C'était
27 un accord-cadre, et c'est ce que dit la constitution. Ceci est la partie
28 qui porte sur les élections, le mode de scrutin, en annexe 3, et la partie
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1 qui parle du médiateur. Donc, 4 ou 4(A), les annexes 4 et 4(A), portent sur
2 les questions économiques, et la partie 2, de la police. L'annexe 2, de la
3 police, 5 et 7 sont la mise en œuvre de ces mesures. Donc, c'est en langage
4 familier que l'on utilise ce terme. Lorsqu'on parle de l'accord-cadre, on
5 parle de la partie politique qui se trouve aux chapitres 1, 3 et 6.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
7 Monsieur Zecevic.
8 M. ZECEVIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Professeur, après la fin de la Conférence de Rambouillet,
10 vous êtes retourné avec votre délégation à Belgrade, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, le même jour, après la conférence de presse, la nuit même,
12 conférence de presse qui s'est tenue à l'ambassade de Yougoslavie à Paris,
13 conférence qui s'est tenue en présence du président de la République de
14 Serbie, M. Milutinovic. Nous sommes rentrés la nuit même à Belgrade dans la
15 nuit du 23 ou 24 février.
16 Q. Monsieur le Professeur, pendant cette conférence de presse, c'est le
17 document 71, 1D586, dans les documents que nous avons. Donc, c'est
18 l'intercalaire 71 à la pièce 1D586. C'est le document que j'évoque
19 maintenant, dont je veux parler maintenant. Au cours de cette conférence,
20 est-ce que la prise de position que vous avez présentée il y a quelques
21 instants a été répétée, à savoir que la délégation yougoslave était prête à
22 accepter l'accord politique de Rambouillet ?
23 R. Oui. On a répété. Je l'ai repris également dans ma lettre, celle que
24 j'ai signée en tant que chef de délégation à la fin de la Conférence de
25 Rambouillet le 23 février.
26 Q. Etant donné que cette conférence de presse a été dirigée par le
27 président Milutinovic, et qu'il a tenu ces propos, j'imagine qu'il était en
28 faveur également de cette position ?
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1 R. Oui, manifestement. Je tiens compte de ce qui a été dit par le
2 Président de la Chambre. Je ne veux pas répéter tout ce qui figure déjà
3 dans ce document, mais on peut s'en convaincre en consultant le paragraphe
4 4 de la transcription des propos tenus lors de la conférence de presse.
5 Q. Merci. A votre retour à Belgrade --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vu ce qui vient d'être dit par le
7 témoin, j'essaie de comprendre ce qu'il en est des documents qui nous sont
8 présentés à l'intercalaire 71.
9 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président --
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On trouve ici la déclaration faite de
11 lors de la conférence de presse, et est-ce qu'il y a des questions ? Parce
12 que généralement nous ne disposons pas de la version serbe de ces
13 documents, et en bas de la page 5, soudain le texte n'est plus en serbe
14 mais en anglais.
15 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, le CLSS n'a pas souhaité traduire ce
16 passage, parce qu'en fait M. Milutinovic a répondu aux questions qui lui
17 étaient posées en anglais.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois.
19 M. ZECEVIC : [interprétation] Le passage auquel faisait référence notre
20 témoin, c'est le dernier paragraphe de la page 1 de la traduction, qui se
21 poursuit également en page 2, et on voit en haut de la page la mention :
22 "Conférence de presse Milutinovic."
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Ça y est. J'ai compris.
24 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.
25 Q. Monsieur le Témoin, à votre retour de Rambouillet le 23, si j'ai bien
26 compris, dans la soirée et jusqu'au 5 mars, que s'est-il passé ? Quel type
27 d'information avez-vous reçu au sujet des résultats des pourparlers de
28 Rambouillet tels qu'ils étaient perçus par la communauté internationale ?
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1 R. Je n'ai pas très bien compris votre question.
2 Q. Vous êtes rentré à Belgrade le 23 février. Dans la période de sept
3 jours qui a suivi, beaucoup de commentaires ont été faits par la communauté
4 internationale, les organes de presse et de communication étrangers ou
5 nationaux, au sujet de ce qui s'était passé à Rambouillet. Pourriez-vous
6 nous en parler et nous faire part de vos commentaires ?
7 R. Effectivement, il y a eu des commentaires, en effet. Je ne sais pas si
8 c'est exactement à quoi vous pensez, mais globalement on disait que les
9 exigences, les revendications étaient trop importantes. C'est ce qu'on
10 entendait ou c'est ce qu'on lisait dans la presse étrangère. Même M.
11 Kissinger l'a déclaré. Il a dit qu'aucun gouvernement au monde n'aurait
12 accepté ce qui avait été proposé à Rambouillet. Un représentant du
13 département d'Etat américain a dit qu'on avait placé la barre trop haut,
14 trop haut pour qu'on puisse l'affranchir --
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que vous allez quelque part
16 avec cette question, parce que vous savez très bien que ce que vient de
17 nous dire le témoin est un élément irrecevable.
18 M. ZECEVIC : [interprétation] Je dressais le contexte --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Apparemment, les observations, les
20 commentaires faits dans la presse sont plutôt favorables; c'est votre point
21 de départ. Où allez-vous ensuite ?
22 M. ZECEVIC : [interprétation]
23 Q. Monsieur le Témoin, veuillez consulter la pièce 1D099 à l'intercalaire
24 74. Il s'agit d'une lettre qui a été rédigée par vous-même et M.
25 Milutinovic à l'intention de Mme Madeleine Albright le 5 mars 1999 ?
26 R. C'est exact. Mais veuillez, s'il vous plaît, me poser une question bien
27 précise. C'est une lettre que moi-même et le président Milutinovic avons
28 adressée à Mme Albright. Je ne veux pas parler de la teneur de cette lettre
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1 parce que je ne veux pas être en butte aux critiques.
2 Q. Cette lettre se passe de commentaires. Je pense savoir que vous avez
3 envoyé des lettres semblables à tous les membres du Groupe de contact ainsi
4 qu'à tous ceux qui avaient présidé les réunions ?
5 R. [aucune interprétation]
6 Q. Lettre à M. Ivanov ? Répondez par oui ou par non.
7 R. Oui.
8 Q. A la même date ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous avez envoyé une lettre semblable à Robin Cook ?
11 R. Oui.
12 Q. A Hubert Vedrine ?
13 R. Oui.
14 Q. A Joschka Fischer ?
15 R. Oui.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Markovic, dans la période se
17 situant entre les deux pourparlers, est-ce qu'il y a eu ce qu'on appelle
18 une navette diplomatique de la part des négociateurs ou de qui que ce soit
19 d'autre, ou est-ce qu'on a laissé les deux parties en présence, chacune de
20 leur côté, réfléchir à la situation ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me demandez ce qu'il en est de ce que
22 j'ai moi-même vécu personnellement, en ce qui me concerne, je n'ai
23 participé à aucune démarche de ce type. Ces démarches, ont-elles eu lieu ?
24 Je n'en sais rien du tout.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 Maître Zecevic.
27 M. ZECEVIC : [interprétation]
28 Q. Dans les lettres que nous venons d'énumérer, vous présentez votre point
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1 de vue au sujet de l'issue des pourparlers de Rambouillet ainsi qu'au sujet
2 des pourparlers qui devaient suivre et qui devaient se tenir à Paris,
3 n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Monsieur le Témoin, vous avez participé à une réunion avec une
6 délégation du gouvernement de la République de Serbie le 5 mars ?
7 R. Oui.
8 Q. Il s'agissait de la délégation qui était allée à Rambouillet ?
9 R. Oui, avec le président de la république, M. Milutinovic.
10 Q. Veuillez, je vous prie, examiner la pièce 1D748, qui se trouve à
11 l'intercalaire 80. Etant donné que nous n'avons pas la traduction de ce
12 document, Monsieur le Témoin, je vais vous demander de lire les passages
13 qui m'intéressent et qui se trouvent au paragraphe 2 de la page 5. Cela
14 commence par les mots suivants : "Nous sommes prêts -- ou préparés …" Il
15 s'agit d'une déclaration publique, page 5, paragraphe 2. La phrase qui
16 commence par les mots suivants : "Nous sommes prêts …"
17 R. Voulez-vous que j'en donne lecture à voix haute ?
18 Q. Oui, allez-y.
19 R. "Nous sommes prêts à entamer des négociations à Paris ainsi qu'à
20 Belgrade, ainsi qu'à Pristina, partout où l'on pourra trouver une solution
21 politique. Nous accordons à cela une priorité absolue. Où que ce soit,
22 autour de quelque table que ce soit, lors de quelque réunion que ce soit,
23 nous sommes déterminés à trouver une solution pacifique aux fins d'une
24 autonomie large au sein de la Serbie et de la Yougoslavie pour l'égalité de
25 toutes les communautés nationales."
26 Q. Merci. Voici la déclaration qui a été faite publiquement après la
27 réunion de la délégation à laquelle a participé M. Milutinovic. Est-ce
28 qu'il s'agit là d'une déclaration conjointe ? Est-ce que cela traduit votre
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1 position conjointe, y compris celle de M. Milutinovic ?
2 R. Oui, ici on voit se refléter la position de l'ensemble des personnes
3 ayant participé à la réunion.
4 Q. Merci. Professeur, veuillez, je vous prie, nous faire part de votre
5 opinion personnelle au sujet de la question suivante. Selon vous, la Serbie
6 aspirait-elle à une solution politique de la situation du Kosovo en 1998 et
7 en 1999 ? Vous avez participé en personne aux pourparlers, vous avez
8 participé aux efforts déployés pour rencontrer les Albanais, vous
9 connaissez toutes les démarches qui ont été entreprises.
10 M. HANNIS : [interprétation] Il n'est pas expert en la matière. Son opinion
11 personnelle vaut autant que la vôtre ou la mienne.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, ce qui me gêne dans cette
13 question c'est que vous parlez de la Serbie, la Serbie aspirant à une
14 solution politique. Si vous parlez du gouvernement, cela ne me gêne pas,
15 parce que nous avons face à nous quelqu'un qui était à la tête d'une
16 délégation chargée d'agir en fonction de la volonté de l'assemblée. Est-ce
17 que vous parlez du gouvernement et de l'assemblée des Serbes ? C'est du
18 gouvernement que vous parlez ?
19 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, du gouvernement.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre ?
22 M. ZECEVIC : [interprétation]
23 Q. Oui, allez-y.
24 R. Merci. Mais, je pense - non ce n'est pas que je pense, je suis
25 absolument convaincu - que le gouvernement de la République de Serbie
26 aspirait sincèrement à une résolution de la situation du Kosovo-Metohija
27 parce que la totalité de la vie politique était paralysée, était très
28 perturbée par ce qui se passait au Kosovo-Metohija. Tous ces déplacements à
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1 Pristina l'accrédite, accrédite ce fait. Le gouvernement de la Serbie a
2 offert toutes sortes d'occasions d'organiser des négociations. On voit là
3 illustrer la position de la Serbie.
4 De plus, il faut penser aux efforts déployés par la délégation à
5 Rambouillet, délégation désignée par le gouvernement après la décision de
6 l'assemblée nationale d'envoyer une délégation à Rambouillet. Tout ceci
7 montre qu'il en était ainsi cette délégation. Cette délégation était même
8 prête à participer à des pourparlers de suivi après Rambouillet. Tout ceci,
9 toutes ces réunions, la participation à une conférence internationale, la
10 ratification des principes fondamentaux édictés par le Groupe de contact.
11 Tout ceci démontre que pour arriver à un accord la seule chose dont on
12 avait besoin, c'était l'assentiment de la partie opposée.
13 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Professeur, à quel moment la
14 délégation est-elle retournée à Paris pour poursuivre les négociations ?
15 Vous souvenez-vous de la date ?
16 R. Il me semble que c'était le 14 mars 1999.
17 Q. Le président Milutinovic s'est également rendu à Paris, n'est-ce pas ?
18 R. A cette occasion, le président Milutinovic est resté à Paris pendant
19 toute la durée de la négociation contrairement à Rambouillet, parce qu'à
20 Rambouillet il n'avait assisté qu'au deuxième volet des négociations à
21 partir du 10. Ce qui représentait malgré tout l'essentiel des discussions.
22 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce 1D587 qui se trouve à
23 l'intercalaire 82.
24 R. Intercalaire 82 ?
25 Q. Oui, 82, pièce 1D587. Il s'agit de la déclaration faite par le
26 président Milutinovic le 16 mars 1999, à Paris. Vous souvenez-vous que
27 Milan Milutinovic a déclaré : "J'insiste sur le fait que nous sommes prêts
28 à accepter la partie politique de l'accord ?"
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1 R. Oui, ceci correspond à ce qu'il avait déjà déclaré en février, le 23
2 février à Rambouillet. C'est dans la même ligne, dans la même logique.
3 Q. Merci. Le 17 mars, vous avez écrit une lettre à la troïka, des
4 négociateurs, pièce 1D110, intercalaire 84. La date est celle du 17 mars
5 1999. Avez-vous trouvé le document ?
6 R. Oui.
7 Q. Quel était l'objectif recherché lors de la rédaction de cette lettre ?
8 R. Tout comme lors des négociations de Rambouillet, il s'agissait là d'un
9 appel, appel à l'intention des négociateurs afin qu'ils organisent une
10 réunion entre les deux délégations. Nous expliquons les raisons de notre
11 demande; nous souhaitions que lors d'un dialogue direct, nous puissions
12 prendre connaissance de ce que pensait la délégation opposée de nos
13 propositions, plutôt que de l'entendre par la bouche des médiateurs, nous
14 ne voulions pas l'entendre de la bouche des négociations. Nous voulions que
15 ce soit la partie opposée qui nous dise, elle-même, ce qu'elle pensait de
16 nos propositions.
17 Q. L'ambassadeur Nikola Cicanovic était membre de la délégation ?
18 R. Non, il en était le secrétaire.
19 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce 1D111, intercalaire 85. Vous
20 avez ici sa lettre au co-président des négociations en date du 17 mars
21 1999. Vous en souvenez-vous ?
22 R. Oui, tout à fait. C'est la demande que nous avons faite à Paris,
23 lorsque nous étions à Paris; nous voulions que soient mises en place des
24 règles pour réglementer la négociation, une sorte de règle de procédure, un
25 règlement de procédure, ceci parce qu'à Rambouillet les choses s'étaient
26 déroulées de manière assez désordonnées, sans aucun plan. On ne savait pas
27 ce qui se passait. Rien n'avait été bien organisé. Nous voulions donc que
28 l'on adopte une sorte de règlement de procédure sur la manière dont devait
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1 se dérouler la conférence. Il s'agissait de déterminer comment on allait
2 déterminer l'ordre du jour, comment des propositions écrites pouvaient être
3 présentées, et cetera. Enfin, il s'agissait de prendre en compte, de
4 déterminer comment procéder pour ce qui fait généralement lors d'une
5 conférence de ce type.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque dans cette lettre M. Cicanovic
7 parle d'experts --
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- est-ce qu'il fait référence à des
10 fonctionnaires, à des représentants officiels de l'Etat qui se trouvaient
11 là pour explorer, traiter de certaines questions au nom de la délégation ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Nous n'avions pas d'experts au sein de
13 notre délégation à Paris. C'est uniquement à Rambouillet que nous avions
14 des experts. Il est fort probable qu'il pense à M. Kutlesic et à moi-même,
15 parce que nous avons travaillé directement sur la partie technique du
16 travail. Il s'agissait de trouver le bon libellé, et cetera. C'est ce dont
17 parle M. Cicanovic ici, parce qu'il n'y avait pas d'autres experts que M.
18 Etinski et une autre personne à Paris.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non mais, je n'ai pas compris. Vous
20 dites qu'il y avait des experts à Rambouillet. Quels étaient-ils ? Qui
21 étaient ces experts ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Etinski et M. Mitic étaient présents. L'un
23 d'entre eux est un fonctionnaire à la retraite du ministère de l'Intérieur.
24 Il n'est plus de ce monde, malheureusement. Et M. Etinski, à l'époque,
25 était un conseiller juridique au sein du ministère des Affaires étrangères.
26 Ces deux hommes étaient experts en matière de droit public international.
27 Du côté de la délégation albanaise, ils ont refusé que les experts se
28 rencontrent à Rambouillet, car cette proposition avait été faite. Nous
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1 voulions que nos deux experts rencontrent leurs experts. C'est une
2 proposition que nous avions faite, mais qui a été rejetée par la délégation
3 albanaise, si bien que ces personnes-là n'ont pratiquement rien fait à
4 Rambouillet. On ne s'est pas servi d'eux, c'est pour cela qu'ils ne sont
5 pas retournés à Paris, parce que moi-même et M. Kutlesic, nous avions les
6 compétences professionnelles adéquates pour accomplir ce genre de tâche.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
8 Maître Zecevic.
9 M. ZECEVIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur le Témoin, nous avons tous entendu parler de l'issue des
11 négociations de Paris. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est une chose en
12 particulier. Qu'en était-il du président Milutinovic, pendant son séjour à
13 Rambouillet, ensuite à Paris, est-ce qu'à quelque moment que ce soit il a
14 essayé de mettre des bâtons dans les roues des négociateurs ? Est-ce qu'il
15 a essayé d'entraver la bonne marche de ces négociations, que ce soit à
16 Rambouillet ou à Paris ?
17 R. On a vu l'illustration de ce que je vais vous répondre à de nombreuses
18 reprises. En fait, c'est tout le contraire qu'il s'est passé. Chaque fois
19 qu'il a fait des déclarations, chaque fois qu'il a participé à ces
20 réunions, il a fait exactement le contraire. Il a même déclaré dès le début
21 de la négociation à Paris, il a dit : Nous sommes prêts à accepter une
22 solution politique. Ce n'est pas le genre de propos que l'on peut attendre
23 de quelqu'un qui n'est pas prêt à participer de manière active à des
24 négociations, à des pourparlers, quand on tient des propos de ce genre, on
25 n'est pas là pour entraver la démarche des négociations, au contraire.
26 Q. J'imagine que pendant ce séjour à Rambouillet, et ensuite à Paris, vous
27 avez rencontré et vu M. Milutinovic tous les jours. Je pense que c'était la
28 même chose en 1998, quand vous avez travaillé ensemble à la rédaction des
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1 documents présentés par M. Hill et par M. O'Brien, ainsi qu'au cours des
2 trois visites avec le président. Est-ce que vous avez jamais entendu le
3 président Milutinovic se prononcer en faveur de la guerre, de l'emploi de
4 la force, aspirer à ce genre de chose pour résoudre la question du Kosovo ?
5 Ou bien, est-ce qu'il n'en était pas tout autrement ? Est-ce que c'était
6 pas exactement le contraire ?
7 R. C'était exactement le contraire. Dès qu'il s'exprimait, c'était
8 exactement le contraire de ce que vous venez de dire. On a parlé de la
9 déclaration du 18 mars qui a été faite par le président de la république en
10 1998. Le point central de sa déclaration était le suivant : C'était que la
11 seule manière de trouver une issue à la question du Kosovo-Metohija,
12 c'était d'engager un dialogue politique, un dialogue politique entre les
13 deux parties en présence. C'était la teneur politique même, le cœur de tout
14 ce qu'il disait. Jamais, il n'est intervenu publiquement sans répéter cette
15 phrase infatigablement. C'était une idée essentielle. C'est également
16 quelque chose dont il était intimement convaincu. Je suis certain, vu les
17 contacts que j'ai eus avec le président Milutinovic, je suis certain qu'il
18 en était intimement convaincu.
19 Q. Professeur, en tant que vice-président du gouvernement, en tant que
20 chef de la délégation chargée de négocier avec la délégation albanaise du
21 Kosovo en 1998, en tant que président de la délégation envoyée à
22 Rambouillet et à Paris, dites-moi, avez-vous à quelque moment que ce soit
23 entendu évoquer l'idée selon laquelle les Kosovars albanais devraient être
24 chassés de là où ils habitaient ?
25 R. Jamais. Dans toutes les déclarations, il est toujours indiqué que le
26 problème du Kosovo peut se régler uniquement en garantissant l'égalité de
27 toutes les communautés nationales. Vous verrez toujours que lorsqu'une
28 liste de celles-ci est établie, c'est la communauté des Kosovars albanais
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1 qui viennent en premier, car elle est la plus nombreuse.
2 Q. Professeur, vous est-il arrivé à quelque moment que ce soit d'entendre
3 le président Milutinovic, ou quelqu'un d'autre évoquant le président
4 Milutinovic, dire que celui-ci aurait été favorable à des bombardements
5 aériens contre la Yougoslavie, qui auraient pu conduire à un massacre en
6 Kosovo ?
7 R. Non, je n'ai jamais entendu cela.
8 Q. Même pas à Rambouillet ?
9 R. Même pas à Rambouillet. Même si j'ai assisté à toutes les réunions
10 auxquelles a assisté le président Milutinovic. Dans le respect de la
11 déclaration solennelle que j'ai faite ici même lundi, j'affirme que durant
12 toutes ces réunions, le président Milutinovic n'a vraiment jamais dit cela.
13 Q. Professeur, y aurait-il quelqu'un parmi les membres de la troïka, M.
14 Petritsch, par exemple, serait-il arrivé que l'un de ces trois membres de
15 la troïka se soit plaint à quelque moment que ce soit auprès de vous,
16 disant que M. Milutinovic ou quelqu'un d'autre lui aurait dit que des
17 frappes aériennes conduiraient nécessairement à un massacre au Kosovo ?
18 R. Non, aucun des négociateurs n'a jamais pris contact avec moi pour se
19 plaindre de quelque chose de ce genre. Toutefois, mon travail auprès des
20 négociateurs était de m'occuper du libellé de l'accord. Voilà le sujet sur
21 lequel portait le gros de nos communications, et le plus souvent mes
22 contacts avaient lieu avec M. O'Brien et M. Etinski.
23 Q. Professeur, n'est-il pas permis de dire que le problème de
24 l'indépendance du Kosovo n'était pas seulement une question importante,
25 mais la question centrale, la question la plus importante ?
26 R. C'est ce que les Albanais ont démontré sans la moindre ambiguïté.
27 Disant cela, je ne parle pas de l'histoire récente. Je parle de tout ce à
28 quoi j'ai participé à l'époque, de toutes les tentatives faites pour
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1 négocier à Pristina, puis à Rambouillet, et à Paris. Je suis absolument
2 persuadé que la partie albanaise, s'agissant d'examiner les solutions
3 possibles pour résoudre le problème de Kosovo-Metohija et l'indépendance
4 comme la seule solution. Je suis absolument positif. Je n'ai aucun doute
5 quant au fait que telle était bien la question la plus importante, et je
6 dis cela sur la base des études et des recherches que j'ai menées pendant
7 deux ans intensément sur cette question en ma qualité de vice-premier
8 ministre de Serbie, et en ma qualité de chef de la délégation envoyée aux
9 pourparlers du Kosovo, ainsi que de chef de la délégation envoyée à
10 Rambouillet à Paris.
11 Q. Professeur, que pensez-vous de ce que je vais vous dire maintenant ? Si
12 cette question avait été résolue, et compte tenu de la connaissance que
13 vous aviez de toutes ces réalités, compte tenu également du fait que vous
14 étiez directement et personnellement impliqué, pouvait-il y avoir quelque
15 solution politique que ce soit qui aurait pu déboucher de ces pourparlers
16 avec les Albanais ?
17 R. Une solution politique aurait impliqué que le Kosovo-Metohija ne
18 devienne pas indépendant, ne devienne pas un Etat indépendant. Je ne pense
19 pas que les Albanais auraient été d'accord avec cela. Ils n'avaient pas
20 signé l'accord proposé avant l'introduction de ce chapitre, ou plutôt, de
21 cette annexe, l'annexe 8, dans laquelle était formulée la possibilité que
22 le statut du Kosovo-Metohija se décide éventuellement dans le cadre d'une
23 conférence internationale qui tiendrait compte avant tout de la volonté des
24 habitants du Kosovo-Metohija. Dès qu'ils ont entendu cela, aussi bien à
25 Paris qu'à Rambouillet, ils ont interprété cette proposition synonyme d'un
26 plébiscite sur l'indépendance du Kosovo-Metohija. Ceci a été leur
27 interprétation immédiatement.
28 Q. Professeur, à votre retour des pourparlers de Paris, vous avez présenté
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1 un rapport à l'assemblée de la République de Croatie, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, c'était un devoir pour nous car nous avions été nommés pour
3 participer à la délégation par cette même assemblée. Donc, nous devions
4 rendre des comptes, si je puis m'exprimer ainsi. Nous devions permettre à
5 l'assemblée d'apprécier à la qualité du travail accompli.
6 Q. Cette séance a eu lieu le 23 mars, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, précisément, le 23 mars 1999.
8 Q. A présent, j'aimerais que vous vous penchiez sur l'intercalaire 90,
9 pièce 1D032. On trouve votre déclaration dans les pages qui vont de la page
10 4 à la page 14. Dans la version anglaise, ceci correspond aux pages 5 à 12.
11 Il n'est pas indispensable que soit faite lecture de votre exposé puisqu'il
12 a déjà été soumis à la Chambre dans votre rapport. Mais dites-moi, dans ce
13 rapport vous évoquez tous les faits que vous avez évoqués ici dans ce
14 prétoire, ainsi que les conclusions dont nous parlions il y a quelques
15 instants, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Professeur, le président Milutinovic a également pris la parole lors de
18 cette séance de l'assemblée. Vous vous souvenez de cela ?
19 R. Oui. Il a assisté à toute la séance. Il a demandé la parole et a
20 participé aux débats justifiés par la présentation du rapport.
21 Q. Professeur, vous avez entendu le ton de M. Milutinovic lorsqu'il s'est
22 exprimé devant l'assemblée ainsi qu'à d'autres occasions où il a pris la
23 parole devant l'assemblée ou en public. Diriez-vous que le président
24 Milutinovic a fait état de positions radicales ou nationalistes en
25 demandant que soit fait recours à la force, ou à la guerre, ou quoi que ce
26 soit de ce genre à quelque moment que ce soit ?
27 R. Si vous vous penchez sur l'ensemble de ces déclarations publiques, vous
28 ne trouverez pas un seul exemple de ce genre.
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1 Q. Et la même remarque vaut pour ce qu'il a dit le 23 mars 1999, n'est-ce
2 pas ?
3 R. Absolument. Si vous étudiez très attentivement ce qu'il a dit, vous
4 tirez vous-même la même conclusion, en fait.
5 Q. Avez-vous écoutez ce qu'a dit le président Milutinovic à l'assemblée le
6 23 ?
7 R. Oui.
8 Q. Il a indiqué quelle était sa position sur l'ensemble de la situation,
9 eu égard aux pourparlers de Paris et de Rambouillet, et il a évoqué des
10 diverses demandes qui ont été présentées à la Yougoslavie, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Etant que vous-même, vous avez participé à ces pourparlers de
13 Rambouillet et de Paris, je vous demande si le président Milutinovic a
14 induit en erreur l'assemblée de la République de Serbie par les propos
15 qu'il a tenus lors de la réunion de cette assemblée le 23 mars 1999 ? En
16 disant induit en erreur, je veux parler d'une présentation fausse de la
17 réalité ou de la possibilité qu'il aurait éventuellement présenté des faits
18 ou fourni des renseignements inexacts quant à la façon dont les pourparlers
19 s'étaient déroulés sur le front ou quant aux problèmes qui étaient au cœur
20 de ces pourparlers ?
21 R. J'étais physiquement présent, et vous avez, comme moi, le compte rendu
22 de ce débat. Quiconque étudierait ce compte rendu se ferait la même
23 opinion, à savoir que je ne vois aucune nécessité de commenter ce point.
24 Q. Mais j'aimerais que vous le commentiez. Après tout, vous êtes le mieux
25 placé pour savoir. Vous avez participé aux négociations et aux pourparlers
26 vous-même. Vous connaissez de première main la réalité de la situation. Les
27 délégués qui écoutaient le président Milutinovic à l'assemblée n'avaient
28 pas les mêmes informations que vous.
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1 R. Je ne vois aucun élément -- est-ce que vous voulez parler de cette
2 intervention particulière ?
3 Q. Oui, je parle de cette intervention, de cette prise de parole
4 particulière.
5 R. Je ne vois rien dans cette intervention qui permette de penser ce que
6 vous venez de dire. Nous nous exprimons devant l'assemblée du peuple qui
7 compte 250 délégués. Ils n'ont pas tous le même niveau d'instruction. Donc,
8 cette prise de parole n'était pas censée être un discours sec venant d'un
9 expert juridique ou d'un expert en relations internationales. C'est une
10 prise de parole qui correspond tout à fait à l'environnement dans lequel
11 elle se produisait, c'est-à-dire que les mots utilisés sont des mots de la
12 langue courante et ces mots ont pour but de transmettre un message aux
13 délégués leur permettant de comprendre exactement ce qui s'est passé aussi
14 bien à Rambouillet qu'à Paris.
15 Q. Merci beaucoup, Professeur. A la fin des débats devant l'assemblée du
16 peuple de la République serbe, qui est l'organe suprême de prise de
17 décision, cette assemblée a pris des décisions et atteint des conclusions,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Sur la base du rapport et des débats qui ont fait suite à la
20 présentation du rapport, l'assemblée du peuple a adopté un certain nombre
21 de conclusions. Elle l'a fait avant notre départ à Rambouillet et à Paris,
22 et elle a agi de même suite à notre retour et à la présentation de notre
23 rapport. Donc, de nouvelles conclusions ont été adoptées.
24 Q. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur l'intercalaire 91,
25 pièce 1D033, je vous prie. Est-ce qu'on voit bien dans ce texte les
26 conclusions et les décisions qui ont été rendues publiques par parution au
27 journal officiel de Serbie ?
28 R. Oui.
Page 13232
1 Q. Professeur, vous avez dit avoir été présent lors de la réunion de
2 l'assemblée ce jour-là et y avoir présenté le rapport. Dites-moi, je vous
3 prie, est-ce que vous vous rappelez à quelle majorité ces conclusions et
4 cette décision étaient adoptées ?
5 R. Je me souviens que la majorité était énorme. Je crois me rappeler que
6 sur l'ensemble des députés il n'y en a eu que trois ou quatre qui n'ont pas
7 voté pour. Mais vous disant cela, je m'appuie uniquement sur ma mémoire,
8 qui n'est pas parfaite. Je rappelle que huit ans se sont écoulés depuis les
9 faits.
10 Q. Quoi qu'il en soit, nous pouvons revenir sur le procès-verbal de la
11 réunion et voir par nous-mêmes quels sont les chiffres ?
12 R. Oui. Je suis certain que vous pouvez le faire. De quoi parliez-vous
13 exactement ?
14 Q. Non, non. Je vous demandais simplement ce dont vous vous souveniez.
15 R. Ce dont je me souviens, voilà : j'ai déposé mon rapport. Je n'ai pas
16 compté les voix moi-même, mais ce que j'ai dit correspond au climat général
17 qui prévalait dans la salle de l'assemblée, et ce climat était un climat
18 d'adhésion générale.
19 Q. Merci, Professeur. Pendant les bombardements, pendant l'intervention de
20 l'OTAN contre la Serbie en 1999, vous étiez toujours vice-premier ministre,
21 n'est-ce pas ?
22 R. Oui, j'étais vice-premier ministre, et j'y suis resté jusqu'au moment
23 où un accord politique a été conclu le 16 octobre 2000, quant au mécanisme
24 à mettre en œuvre pour la passation des pouvoirs au nouveau gouvernement.
25 Q. Professeur, pendant ces 78 jours, le gouvernement de Serbie a adressé
26 au président Milutinovic un certain nombre de décrets que vous avez évoqués
27 pendant la première partie de votre déposition. Vous vous en souvenez ?
28 R. Je m'en souviens. D'ailleurs, j'en ai même signé un certain nombre en
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1 ma qualité de chef du gouvernement.
2 Q. Je vous demanderais maintenant de vous penchez sur l'intercalaire 92,
3 pièce 1D144.
4 Professeur, il s'agit d'un décret qui a pour objet une proposition de
5 nouvelles cartes d'identité valables en temps de guerre, n'est-ce pas ?
6 Pourriez-vous jeter un coup d'œil. C'est bien l'objet de ce décret?
7 R. Oui, oui, absolument.
8 Q. Vous avez signé la lettre envoyée au président Milutinovic à ce sujet,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Joint au texte du décret, on trouve l'exposé des motifs, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Durant votre déposition en tant que témoin expert, nous avons examiné
14 avec vous les motifs qui ont justifié ce décret ainsi que le libellé du
15 texte du décret qui est paru au journal officiel et qui constitue la pièce
16 1D144. Vous vous rappelez cela, n'est-ce pas, Professeur ?
17 R. Oui, je me rappelle.
18 Q. Professeur, le texte soumis par vous et qui est joint à cette lettre
19 est bien identique, n'est-ce pas, au texte publié par le journal officiel
20 qui constitue la pièce 1D144, dont nous avons déjà parlée. Le président
21 s'est contenté de signer l'ordonnance confirmant l'adoption de ce décret,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Le libellé, le contenu du décret a été décidé par le gouvernement et
24 par le président de la république sur la base de la proposition émanant du
25 gouvernement. Le président a signé ce texte, l'a promulgué conformément à
26 l'article 83.7 de la constitution dont nous avons parlé l'autre jour.
27 Q. Merci. Professeur, vous rappelez-vous quel est le nombre total de
28 décrets qui a été soumis au président dans cette période ?
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1 R. Si je ne me trompe pas, 16 décrets ont été soumis au président.
2 Q. Et dans chacun de ces décrets, on voit un format identique au décret
3 dont je parlais avec vous il y a un instant et que vous avez signé, à
4 savoir qu'une lettre accompagne le projet de texte de décret envoyé au
5 président et que dans ces lettres sont fournies des explications quant à la
6 nécessité d'adopter un tel décret ?
7 R. C'est exact. En ma qualité de vice-premier ministre, j'ai signé les
8 décrets qu relevaient de mes responsabilités sur le plan de la législation
9 et du système juridique en vigueur. Quant aux décrets qui portaient sur
10 l'économie ou le système économique, ils étaient signés par l'autre vice-
11 premier ministre responsable de ce domaine particulier, et cette
12 responsabilité incombait au premier ministre.
13 Q. Il y a là 16 décrets, qui constituent les intercalaires 92 à 101, et
14 ensuite nous avons les intercalaires 103 à 110. Professeur, durant l'année
15 1999, avez-vous assisté à une réunion entre le président Milutinovic et le
16 président Rugova ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous rappelez-vous la date de cette réunion ?
19 R. Cette réunion s'est tenue pendant …
20 Q. Vous pouvez vous pencher sur l'intercalaire 101, qui constitue la pièce
21 P00416. C'est la déclaration commune du président Milutinovic et de M.
22 Rugova.
23 R. Oui, oui, oui, je me souviens. Des détails devaient être discutés.
24 Qu'avez-vous dit ? Intercalaire 101 ?
25 Q. Intercalaire 101, pièce P00416. C'est la déclaration commune signée par
26 Ibrahim Rugova et le président Milutinovic.
27 R. Oui, oui. Cela se passait pendant la période où la Serbie était
28 bombardée, et je me rappelle que nous avons eu de grandes difficultés à
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1 faire le voyage de Belgrade à Pristina, et que pendant tout ce voyage nous
2 n'en menions pas large.
3 Q. Lorsque vous dites "nous," vous pensez à vous-même et au président
4 Milutinovic, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous rappelez-vous des détails de cette réunion qui a eu lieu, d'après
7 ce que je vois écrit ici, le 28 avril 1999, dans quel climat a eu lieu
8 cette réunion ?
9 R. La réunion a eu lieu dans ce que je qualifierais de climat constructif.
10 M. Rugova est un homme sensé qui comprenait bien la situation dans laquelle
11 se trouvait le pays. Voilà en quelques points nous voyons définies quelles
12 sont les mesures politiques qui devraient être prises dans la nouvelle
13 situation existant désormais. Il est écrit ici, et c'est la conclusion qui
14 a été tirée à l'issue de cette réunion, que même si les efforts déjà
15 engagés doivent se poursuivre en vue d'un dialogue politique et dans le
16 cadre de négociations directes, les représentants de la communauté
17 internationale devraient pouvoir assister à toutes négociations acceptées
18 mutuellement, mais en qualité d'invités. Ceci, c'est la leçon qui est tirée
19 de l'expérience de Rambouillet et de Paris où des intermédiaires étaient
20 présents.
21 Finalement, il est écrit ici qu'il importe de créer le plus
22 rapidement possible un organe qui peut agir en tant que gouvernement de
23 transition, mais qu'il importe avant tout de résoudre des questions
24 humanitaires absolument urgentes à ce moment-là. Il était question créer le
25 Conseil exécutif provisoire du Kosovo dans ce texte. Voilà quels ont été
26 les principaux points qui ont fait l'objet des débats. Mon impression
27 personnelle a été que M. Rugova souhaitait sincèrement et de façon très
28 humaine trouver une solution à la nouvelle situation.
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1 Q. Vous rappelez-vous, Professeur, si le Dr Rugova a fait un cadeau au
2 président Milutinovic ce jour-là ?
3 R. Je m'en souviens, mais étant donné l'interdiction qu'il y avait à
4 accepter des cadeaux, je ne voudrais pas mettre en cause le président
5 Milutinovic en le rendant responsable de quoi que ce soit. Il a reçu un
6 cadeau. C'était une sorte de cristal, un minéral qui était présenté dans
7 une boîte très jolie, c'était un geste d'hospitalité vu la situation. Le
8 pays était bombardé, et les bombes laissaient des traces un peu partout.
9 Q. Merci, Professeur. Vous étiez présent lorsque les deux hommes ont fait
10 une déclaration à la télévision ? Vous étiez physiquement à leurs côtés,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Oui, j'étais physiquement présent.
13 Q. Merci, Professeur. J'ai encore une ou deux questions à vous poser,
14 après quoi je crois que nous en aurons terminé.
15 R. Je vous remercie.
16 Q. Je vous en prie. Professeur, il y a quelques instants, vous parliez des
17 déclarations faites par le président Milutinovic. Je vous ai posé quelques
18 questions à ce sujet. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de savoir ce que
19 vous pensez du caractère de M. Milutinovic, que vous connaissez puisque
20 vous avez travaillé avec lui --
21 L'INTERPRÈTE : Au compte rendu d'audience, on voit le nom de Milosevic
22 s'inscrire. Il faut le remplacer par Milutinovic.
23 M. ZECEVIC : [interprétation]
24 Q. Professeur, j'aimerais que vous parliez du caractère de Milutinovic --
25 je ne vais rien ajouter pour ne pas vous poser une question directrice. Je
26 m'arrête là.
27 R. Je ne sais pas très bien ce que je pourrais vous dire concrètement. Le
28 président Milutinovic est arrivé au poste qui a été le sien parce qu'il
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1 avait une grande expérience diplomatique, ce qui le rendait atypique parmi
2 les représentants politiques du pays. C'est sans doute en raison de cette
3 grande expérience et en raison de sa nature qu'il s'est montré très
4 compréhensif, toujours favorable au dialogue, toujours favorable aux
5 pourparlers, jamais favorable aux diktats ou aux ordres. Il était toujours
6 très opposé au fait de ne pas respecter la parole donnée ou les engagements
7 pris. Il était toujours favorable à la voie qui éventuellement pouvait
8 déboucher sur un accord. Il était toujours prêt à écouter l'interlocuteur.
9 Il était toujours prêt à débattre, y compris avec des personnes qui avaient
10 un avis différent du sien, de la façon la plus civilisée qui soit.
11 Q. Merci, Professeur. Je vous demanderais de vous penchez maintenant sur
12 l'intercalaire 111, pièce 1D642, qui pourrait illustrer ce que vous venez
13 de dire. Il s'agit d'un accord dont l'objet est les élections législatives
14 en République de Serbie, élections anticipées. Ces élections ont été
15 organisées en octobre 2000, à savoir à un moment de l'histoire serbe
16 particulièrement délicat ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous vous rappelez tout cela ?
19 R. Oui, je m'en souviens, absolument. C'est une mesure tout à fait
20 cruciale, une mesure décisive qui a été prise et qui allait dans le sens
21 d'un remaniement du gouvernement, d'une passation des pouvoirs à un nouveau
22 gouvernement, et ceci s'est passé en République de Serbie durant le mois
23 d'octobre 2000. C'était une mesure qui avait de lourdes conséquences. Je
24 suis certain que c'est cette mesure qui a empêché d'éventuels affrontements
25 politiques qui ne cessaient pas depuis quelque temps sur la scène politique
26 en Serbie et qui risquaient de se développer pour atteindre des proportions
27 telles qu'elles auraient pu déboucher sur une guerre civile. C'est à un des
28 moments les plus critiques du développement de la Serbie à partir de
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1 l'adoption par elle du système multipartite en 1990 et à partir de la mise
2 en place d'une démocratie parlementaire multipartite.
3 Q. Ce jour-là, le président Milutinovic - comment pourrais-je m'exprimer -
4 est parvenu à un compromis avec ses opposants politiques les plus acharnés.
5 Il est parvenu à trouver une solution qui a évité un bain de sang en
6 Serbie.
7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais faire
8 objection et faire inscrire cette objection au compte rendu d'audience. La
9 nature de mon objection est la même que celle que j'ai déjà soulevée eu
10 égard à l'introduction de la lettre provenant de feu le président Djindjic.
11 Je ne pense pas que ceci ait un quelconque rapport avec les éléments de
12 l'acte d'accusation. Je crois comprendre que ce qui vient de se dire peut
13 avoir un éventuel rapport avec les circonstances atténuantes, mais je ne
14 crois pas que ce soit pertinent par rapport à l'acte d'accusation.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est pertinent par rapport aux
16 circonstances atténuantes, donc cela doit être entendu par la Chambre.
17 Veuillez poursuivre, Maître Zecevic.
18 M. ZECEVIC : [interprétation]
19 Q. Professeur, vous avez entendu ma question. Ce jour-là, le président
20 Milutinovic a-t-il été l'homme qui a trouvé un compromis avec ses opposants
21 politiques les plus acharnés et a trouvé une solution qui a évité le bain
22 de sang en Serbie ?
23 R. A cette occasion, suite à une condamnation faite par le gouvernement de
24 Serbie, c'était conforme à la constitution et à la législation en vigueur
25 de l'assemblée nationale, mais qui n'était plus légitime à cause du nouvel
26 équilibre des pouvoirs, d'après la constitution, ce gouvernement disposait
27 encore de son mandat, qui n'avait pas expiré, ainsi que les différentes
28 assemblées.
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1 Le président Milutinovic s'est entretenu avec les dirigeants de
2 l'opposition ainsi que le président de la république, M. Kostunica, qui
3 était le garant de cet accord. Il a décrété que le gouvernement en place
4 allait démissionner. C'était tout à fait conforme à la constitution et à la
5 législation en vigueur. Rien n'aurait pu, aux termes de la constitution,
6 être opposé à ce que le gouvernement souhaitait faire.
7 Ce gouvernement allait démissionner. Il y aurait un gouvernement de
8 transition qui serait élu par les signataires de cet accord. Le
9 gouvernement proposerait ainsi au président de dissoudre l'assemblée
10 nationale. Le président dissoudrait ensuite l'assemblée nationale et la
11 nouvelle assemblée serait élue, ce qui serait légitime par rapport au
12 nouveau parti politique et l'équilibre des pouvoirs serait en place.
13 L'assemblée, à son tour, élirait alors son propre gouvernement. C'était
14 l'assemblée qui avait été élue le 23 décembre, et cette assemblée a élu un
15 cabinet, et M. Zoran Djindjic est resté premier ministre. Donc, le mandat
16 de l'assemblée était toujours le même.
17 Q. Veuillez poursuivre. Je vous demande de bien vouloir ralentir, s'il
18 vous plaît.
19 R. Le mandat de l'assemblée du gouvernement était toujours en place. Leur
20 mandat n'ayant pas expiré, ceci était important parce qu'il pouvait y avoir
21 une position politique importante, et cette opposition pouvait devenir de
22 plus en plus forte, afin d'empêcher ceci, une décision a été prise afin
23 d'empêcher ce risque-là et de faire en sorte qu'il puisse y avoir une
24 passation de pouvoir au sein de la République de Serbie, et que ceci se
25 ferait de façon tout à fait légitime. J'étais vice-premier ministre de ce
26 gouvernement, et le premier ministre était Mirko Marijanovic, il a donné sa
27 démission le 16 octobre parce qu'un accord avait été conclu.
28 Donc au terme de la constitution, d'après la constitution de 1990,
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1 une fois que le premier ministre démissionne, le mandat de l'ensemble du
2 gouvernement cesse d'être appliqué; c'était le vice-premier ministre de ce
3 gouvernement. J'étais vice-premier ministre de ce gouvernement. Un
4 gouvernement provisoire a été élu. J'ai proposé au président de dissoudre
5 l'assemblée. Le président a dissout l'assemblée et de nouvelles élections
6 parlementaires se sont organisées. Ceci était le signe que le président de
7 la République de Serbie et le président de la République fédérale de
8 Yougoslavie incarnaient l'unité de l'Etat, d'après les termes de la
9 constitution. D'une certaine façon il s'agissait d'instances ou d'organes
10 tout à fait légitimes après l'assemblée. Ils ont proposé que les autorités
11 en place, car on estimait que cela posait un problème de légitimité, qu'ils
12 devaient interrompre leur mandat pour permettre à d'autres forces
13 politiques d'être élues par les nouvelles instances gouvernementales.
14 Donc, vous m'avez posé une question à propos du président
15 Milutinovic, nous constatons qu'il s'agit là d'éléments importants de sa
16 personnalité que j'ai déjà évoqués.
17 Q. Juste une dernière question, s'il vous plaît. Cette transition
18 s'est faite conformément aux lois en vigueur à l'époque, n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Il y a une passation de pouvoir qui s'est faite conformément à la
20 constitution de l'époque qui était en vigueur à ce moment-là. Cette
21 constitution est restée en vigueur pendant six ans encore. Ce n'était pas
22 la constitution de Milosevic comme on l'a appelée. Elle est restée en
23 vigueur pendant six ans encore, et elle est restée en vigueur pendant toute
24 la durée du mandat du nouveau gouvernement. Ce n'est que l'année dernière
25 au mois de novembre 2006 que la Serbie a adopté une nouvelle constitution.
26 Q. Monsieur le Professeur, merci beaucoup.
27 M. ZECEVIC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je n'ai plus
28 de questions à poser à ce témoin.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, il y a deux
2 intercalaires qui n'ont pas été traduits, je crois, intercalaire 17 et
3 intercalaire 80. Vous avez lu les passages pertinents dans l'intercalaire
4 numéro 17. C'est le Pr qui les a lus. Donc, c'est inutile de les faire
5 traduire vers l'anglais.
6 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais l'intercalaire numéro 17, je
8 crois que nous devrions disposer d'une traduction, me semble-t-il, peut-
9 être que ceci pourrait être marqué aux fins d'identification.
10 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous attendons la
11 traduction pour l'instant.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, ce sera marqué aux fins
13 d'identification en attendant la traduction.
14 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une autre question que je souhaite
16 évoquer à propos des pièces. Vous n'avez pas évoqué toutes les pièces.
17 Donc, quel est le statut des pièces que vous avez omis de présenter ?
18 M. ZECEVIC : [interprétation] Comme le témoin en a parlé dans sa
19 déclaration 92 ter, je souhaitais --
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la déclaration 92 ter
21 énumère tous les éléments cités ici ?
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils sont énumérés paragraphe
24 après paragraphe, ou est-ce que vous vous reposez, dans une certaine
25 mesure, sur les annexes qui constituent l'index à la fin ?
26 M. ZECEVIC : [interprétation] L'annexe représente cette même liste, sauf
27 qu'elle ne comporte pas de numéros d'intercalaire.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais dans sa déclaration 92 ter, il
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1 parle de tous ces derniers.
2 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui. Il évoque tous les documents qui sont
3 contenus sur cette page.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup. Avant même d'arriver à
5 l'annexe ?
6 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est exact.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zecevic, pouvez-vous me
11 rappeler ce qu'est la pièce 1D671, s'il vous plaît ? Est-ce qu'il s'agit là
12 de l'article de Politika ?
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, mais --
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que ceci doit
15 être traduit ?
16 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je crois que
17 l'autre pièce qu'il a montrée est la version anglaise de l'article de
18 Politika. Simplement, l'article de Politika comporte les signatures.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ces circonstances-là, je crois
20 que la situation reste en l'état. Autrement dit, ces pièces sont versées
21 sans pour autant que vous ayez besoin de remettre une traduction.
22 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, parce que le
23 document précédemment admis, dans l'ouvrage du professeur, on cite ici dans
24 ce texte l'ensemble de la déclaration tout en anglais. C'est simplement
25 pour les besoins de la photographie, c'est pour avoir les signatures, c'est
26 la pièce 1D18. Merci.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
28 Je crois qu'il s'agit d'un moment opportun maintenant pour faire la pause,
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1 nous allons faire une pause pour le déjeuner.
2 Monsieur le Professeur, veuillez quitter le prétoire encore une fois en
3 présence de l'Huissier et nous reprendrons à 13 heures 45, lorsque vous
4 allez être contre-interrogé par M. Hannis.
5 [Le témoin quitte la barre]
6 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 42.
7 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.
8 [Le témoin vient à la barre]
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
10 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Contre-interrogatoire par M. Hannis :
12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur Markovic.
13 Je m'appelle Tom Hannis. Je vais vous poser un certain nombre de questions.
14 Je vais vous poser des questions à propos de votre rapport, mais puisque
15 vous avez encore le classeur rouge devant vous, je vais vous poser un
16 certain nombre de questions sur les décrets qui ont été adoptés pendant la
17 guerre. Je vous demande de bien vouloir vous reporter aux intercalaires
18 numéros 92 à 95 dans votre classeur rouge. Il s'agit des pièces 1D144,
19 1D147, 1D150, et 1D153. Vous les connaissez, Monsieur le Professeur ?
20 R. Oui.
21 Q. Ces quatre décrets, le texte de ces décrets qui ont été adoptés, ainsi
22 que les raisons à l'appui de ces décrets ont été remises par votre
23 intermédiaire à M. Milutinovic pour qu'il puisse les signer et les adopter;
24 c'est exact ? C'est ainsi que cela se passait ?
25 R. Ceci est formulé par le gouvernement lorsque le gouvernement siégeait,
26 le gouvernement de Serbie, parce que le gouvernement est celui qui émet les
27 propositions. Moi, en tant que vice-premier ministre, je l'ai signé au nom
28 du gouvernement, et dans la lettre d'accompagnement, vous pouvez voir que
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1 le gouvernement de la République de Serbie, lors de sa 83e session dans
2 l'avril 1999 a formulé les propositions suivantes. Donc, c'est le
3 gouvernement qui les a formulées. Moi, je l'ai signé par la suite. Ce texte
4 a ensuite été remis au président Milutinovic pour qu'il puisse promulguer
5 le texte, texte qui a été promulgué et annoncé dans le journal officiel.
6 Q. Lorsque vous dites que c'est le gouvernement qui se réunissait en
7 séance pour traiter toujours des questions, de combien de personnes voulez-
8 vous parler ? Est-ce qu'il s'agit de cinq vice-premiers ministres et le
9 premier ministre ou est-ce qu'il s'agit d'un groupe plus important de
10 personnes ?
11 R. Ceci représentait l'ensemble du gouvernement, qui était composé d'une
12 trentaine de membres. Lorsqu'il y avait des séances plénières, le
13 gouvernement adoptait toutes les décisions. C'était la seule façon de
14 fonctionner. Le gouvernement ne pouvait adopter des décisions que lorsqu'il
15 y avait le quorum nécessaire.
16 Q. Dans les 15 premiers jours, est-ce qu'ils se sont rencontrés tous les
17 jours, les 15 premiers jours du bombardement de l'OTAN ?
18 R. En règle générale, le gouvernement se réunissait une fois par semaine,
19 mais toutes les fois que cela s'avérait nécessaire, ils se réunissaient
20 plus souvent. D'après mon souvenir, il y avait des séances deux ou trois
21 fois par semaine à ce moment-là, parce que le pays était bombardé. C'était
22 dangereux pour le gouvernement de se réunir souvent.
23 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit où les réunions se sont tenues ?
24 R. Au début, les sessions se tenaient à Nemanjina numéro 11, dans le
25 bâtiment où siégeait le gouvernement. Mais étant donné que ce bâtiment a
26 été bombardé ou détruit, les sessions ultérieures se sont tenues dans le
27 bâtiment de la Banque nationale de Serbie.
28 Q. Les décrets, il semble que ceci soit une lettre de couverture envoyée
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1 au président Milutinovic. Je crois qu'une lettre de couverture, une page de
2 garde, a été préparée, une lettre de couverture pour chacun des quatre
3 décrets différents. Donc, on a dessiné un cercle ici autour du chiffre 1.
4 Je pense que cela se rapporte au décret en question, n'est-ce pas ? Vous
5 souvenez-vous comment ceci a été fait ?
6 R. Oui, c'est exact. Il y avait une lettre d'accompagnement, une lettre de
7 couverture qui accompagnait le décret, et ensuite il y avait -- les
8 différentes raisons étaient évoquées.
9 Q. Et la date que vous trouvez en haut de la page ici, c'est celle du 6
10 avril. Je suppose que ceci est la date à laquelle ceci a été signé et date
11 à laquelle ceci aurait été remis au président Milutinovic ?
12 R. C'est le jour où j'ai signé la lettre. Je ne sais pas si ceci a été
13 remis au président Milutinovic le jour même. Je ne sais pas.
14 M. IVETIC : [interprétation] Il s'agit plutôt d'une question technique et
15 moins d'une objection. Si le conseil de l'Accusation va évoquer de très
16 nombreux documents, il serait utile d'avoir les numéros de ces documents,
17 car aucun des conseils de la Défense ne disposent des documents qui sont en
18 possession de l'Accusation ou du témoin. Je crains que nous allions nous y
19 perdre si nous essayons de retrouver les documents, puisqu'il y a des
20 documents très nombreux ici qui sont cités si nous devons chercher dans le
21 système électronique.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que M. Hannis vous a donné à
23 la fois les numéros de pièce et les numéros des intercalaires. Pour
24 l'instant, nous n'avons évoqué que les premiers documents. Je suis sûr
25 qu'il va également donner la référence aux autres documents.
26 M. HANNIS : [interprétation] 1D144 est le document que nous avons à l'écran
27 en ce moment. Les lettres sont identiques, comme je l'ai dit, et les quatre
28 documents qui sont énumérés sur 1 des pages, le numéro 2 est entouré d'un
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1 cercle dans le document 1D144. Et les autres ont un chiffre, 1, 3 et 4 à
2 l'intérieur d'un cercle, mais le texte est le même.
3 Q. Monsieur Markovic, vous ne savez pas quand ces derniers auraient été
4 remis au président Milutinovic, si c'était le jour même ou plus tard ?
5 R. Je ne sais pas.
6 Q. Savez-vous de quelle manière ceci était remis au président et par qui ?
7 R. Je ne sais pas cela avec certitude. Je ne peux que vous livrer des
8 conjectures. Il s'agit là de questions techniques, et en général le vice-
9 premier ministre n'est pas au courant de ce genre de chose.
10 Q. Par rapport aux endroits où le gouvernement se réunissait lors de ses
11 séances, où se trouvait le bureau du président Milutinovic ? Dans le même
12 bâtiment ou peut-être dans l'immeuble d'à côté, à côté ?
13 R. Le bureau du président Milutinovic était toujours dans le même endroit,
14 et cet endroit-là n'a pas été bombardé. C'était dans la rue Andricev Venac.
15 Ce bâtiment n'était pas très loin du bâtiment du gouvernement qui a été
16 bombardé, et il était un peu plus loin de la Banque nationale de Serbie,
17 qui est l'endroit où le gouvernement a siégé par la suite.
18 Q. Votre signature se trouve apposée sur ces quatre lettres de couverture.
19 A gauche du texte, il semblerait qu'il y ait une autre signature ainsi que
20 la date du 6 avril. Est-ce que vous voyez cela dans votre version ?
21 R. Oui, je le vois, je le vois.
22 Q. C'est la signature de qui ?
23 R. Je ne peux pas déchiffrer cela. Je ne peux pas vous le dire avec
24 certitude parce que la signature n'est pas lisible.
25 Q. Vous souvenez-vous si oui ou non cette signature se trouvait sur le
26 document au moment où vous l'avez signé ?
27 R. Je ne pense pas que la signature se trouvait à cet endroit-là au moment
28 où j'ai signé le document.
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1 Q. Est-ce que je peux vous poser cette question : en tant que vice-premier
2 ministre, vous ne devez pas vous-même physiquement préparer ces documents ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Vous savez qui a fait cela ? Je veux parler de ces quatre documents.
5 R. Ceci était fait par le secrétariat du gouvernement, conformément à une
6 décision qui avait été prise par le gouvernement lors d'une de ses séances.
7 Q. Vous souvenez-vous du nom de la personne qui a fait ce travail ?
8 R. A ce moment-là, Zivka Knezevic était la secrétaire du gouvernement, et
9 Mira Djurekovic était la secrétaire adjointe. Je ne pense pas qu'il
10 s'agisse de signatures de ces dernières.
11 Q. Savez-vous à quel moment ces quatre décrets ont été publiés au journal
12 officiel ?
13 R. J'avais le texte sous les yeux il y a quelques jours lorsque je l'ai
14 interprété ici devant les Juges de la Chambre. Je ne peux pas vous dire à
15 quel moment exactement ceci a été publié ou rendu public, mais je l'avais
16 entre les mains lorsque j'ai été interrogé dans le cadre de
17 l'interrogatoire principal par le conseil de la Défense et les Juges de la
18 Chambre.
19 Q. Nous allons y revenir, mais avant cela je souhaite que nous parlions de
20 la pièce 144, qui se trouve à l'intercalaire 92. La deuxième page de ce
21 document est le texte du décret en tant que tel, qui évoque la question des
22 cartes d'identité lorsqu'un état de guerre a été déclaré. La date ici est
23 celle du 31 mars 1999, et on y voit le nom du président Milutinovic. Est-ce
24 que c'est ce qui figure également sur votre exemplaire -- non, excusez-
25 moi, excusez-moi. Quand j'ai dit que c'était le numéro 144, je vous ai
26 donné la cote. Cela se trouve à l'intercalaire 92. Est-ce que vous l'avez
27 trouvé, ce document ? Je crois que cela se trouve à la deuxième page.
28 R. Oui.
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1 Q. Quant au décret lui-même, il porte le nom dactylographié du président
2 Milutinovic, et il est en date du 31 mars 1999, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact. Mon explication à ce sujet, c'est oui. Oui, ici aussi
4 on voit la date du 6 avril. Je pensais que le gouvernement s'était réuni et
5 avait ensuite envoyé ceci au président Milutinovic, mais je vois qu'il y a
6 une date différente qui apparaît ici.
7 Q. Oui, c'était la question que je voulais vous poser. Pourquoi voit-on la
8 date du 31 mars 1999 sur le décret, six jours avant la date qui figure sur
9 la lettre d'accompagnement ?
10 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous l'expliquer, mais il faut vérifier
11 à quel moment ce décret a été publié au journal officiel de la République
12 de Serbie. Voyez-vous, le pays était en guerre à l'époque. Il était
13 impossible de respecter tout à fait les règlements en matière de documents,
14 et cetera. Le secrétariat avait été déplacé dans un autre bâtiment. Il est
15 possible que des erreurs aient été commises, car l'administration ne
16 travaillait pas dans une situation, un environnement habituel. Il y avait
17 des attaques aériennes, et cetera.
18 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous examinions la
19 pièce P993.
20 Q. Est-ce que vous avez le document à l'écran ? Je suis désolé, mais je
21 n'ai pas de copie papier à vous fournir.
22 R. Oui, je le vois.
23 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche à l'écran la page
24 où figurait la mention cartes d'identité. C'était la première page en
25 anglais. Je ne sais pas quel est son numéro de référence dans le système e-
26 court.
27 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez la page de couverture qui
28 accompagne cette édition du journal officiel ?
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1 R. Oui.
2 Q. Je ne suis pas très fort en cyrillique, mais il me semble que c'est
3 quand même le 7 avril 1999 ?
4 R. Oui, effectivement, 7 avril 1999.
5 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que nous examinions le tout dernier
6 page du document.
7 Q. C'est au paragraphe 306 que l'on trouve la loi portant sur les cartes
8 d'identité ?
9 R. Oui.
10 Q. Ici, au journal officiel, nous voyons que la date qui y figure dans ce
11 texte est celle du 31 mars 1999. J'aimerais vous poser une question sur la
12 manière dont les choses se passent. Vous-même et le gouvernement, avez
13 proposé ce décret et l'avez transmis au président Milutinovic, que fait-il
14 à ce moment-là concrètement ? Est-ce qu'il signe le décret ? Savez-vous ce
15 qui se passe entre le moment où le décret est envoyé par vos soins et le
16 moment où il est publié au journal officiel ?
17 R. Une fois que le texte est envoyé par le gouvernement, le président
18 Milutinovic signe le décret et le décret est ensuite envoyé aux fins de
19 publication au journal officiel. C'est l'itinéraire que suit un décret dans
20 le cadre du système que nous appliquons avant d'être publié.
21 Q. Où se trouve concrètement l'exemplaire signé par le président ? Est-ce
22 que l'on conserve ce document dans les archives de l'Etat ? Où se trouve ce
23 document ?
24 R. Sur ce point, je ne peux que formuler des hypothèses. Je suppose que ce
25 document est conservé dans les archives du gouvernement.
26 Q. [aucune interprétation]
27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de répéter la fin de sa
28 réponse.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, il y a eu un problème.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semble que les interprètes n'aient
3 pas entendus la dernière partie de votre réponse. Pourriez-vous répéter,
4 Monsieur le Témoin ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est fort probable que ce document est
6 conservé dans les archives du gouvernement ainsi que dans les archives du
7 président de la république. Mais je n'ai pas de connaissance particulière
8 en la matière s'agissant de toutes ces démarches administratives. Ce
9 n'était pas là du ressort des membres du cabinet, du gouvernement. C'était
10 le secrétaire qui s'en occupait.
11 M. HANNIS : [interprétation]
12 Q. S'agissant du document 1D144, le décret relatif aux documents
13 d'identité, cartes d'identité. Savez-vous qui a rédigé ce décret ? Ce n'est
14 pas vous, n'est-ce pas ?
15 R. Non, non. Les textes des décrets, de tous les actes, de tous les textes
16 sont préparés par les ministères concernés, en l'occurrence le ministère de
17 l'Intérieur.
18 Q. Savez-vous qui aurait pu au sein du ministère de l'Intérieur rédigé ce
19 document-ci ?
20 R. Vraisemblablement --
21 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Professeur.
23 Maître Ivetic.
24 M. IVETIC : [interprétation] Le témoin nous a dit ces derniers jours que
25 tout ce qui a trait au ministère de l'Intérieur ne relève pas de sa
26 compétence. Or, la question qui vient de lui être posée sort largement de
27 son champ de compétence.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais le témoin est tout à fait en
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1 droit de nous faire savoir ce qu'il sait. Il peut tout à fait faire la
2 différence entre une telle réponse et une hypothèse qu'il formulerait. Nous
3 allons l'entendre.
4 Professeur, savez-vous qui au ministère a pu rédiger ce texte ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans tous les ministères, il existait un
6 service chargé des règlements, des textes réglementaires. Ce service était
7 chargé d'établir les projets de texte ou adoptés par le gouvernement, ou
8 les projets de loi préparés par le gouvernement avant de les soumettre à
9 l'assemblée nationale. Il existait donc un service qui rédigeait les
10 règlements, les textes réglementaires, mais uniquement ceux qui relevaient
11 de la compétence du ministère concerné.
12 Il y avait, d'autre part, un secrétariat du gouvernement chargé des textes
13 juridiques, chargé de la législation, tout projet de texte devait être
14 communiqué à ce secrétariat. Je parle de tout texte qui était soumis au
15 gouvernement lors de ces réunions, les réunions du Conseil des ministres.
16 Ce secrétariat devait vérifier que le texte en question était conforme à la
17 constitution et aux dispositions juridiques, et voir si c'était un texte
18 qui était valable du point de vue juridique. Il ne s'agissait pas de porter
19 un jugement, cependant, sur la teneur même des textes présentés.
20 M. HANNIS : [interprétation]
21 Q. J'imagine que les motifs qui expliquent l'existence ou la raison d'être
22 d'un décret, d'un texte, sont préparés par le même bureau, par les mêmes
23 personnes qui ont rédigé le décret, ou est-ce que c'est un service distinct
24 qui s'en charge, qui se charge de rédiger les motivations ?
25 R. C'est le service qui est chargé de préparer un projet de texte de
26 règlement qui est également chargé de préparer le texte motivant ledit
27 décret ou le projet de texte.
28 Q. Quand on regarde ce décret en particulier et les autres également, on a
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1 le sentiment qu'ils s'appliquent sur la totalité du territoire de la
2 République de la Serbie, y compris au Kosovo-Metohija ?
3 R. C'est exact. Au terme de la constitution, la République de Serbie est
4 un territoire unique. Tout règlement, toute réglementation adoptée par
5 l'Etat de Serbie est valable sur tout le territoire de la république.
6 Q. Hier, me semble-t-il, vous avez évoqué les changements qui ont eu lieu,
7 les différences qui existent entre cette loi-ci et la loi précédente qui
8 portait sur les cartes d'identité.
9 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il s'agit, en l'occurrence, de la
10 pièce P1832. J'aimerais qu'elle soit affichée à l'écran.
11 Q. Il s'agit de l'intercalaire 27, mais je ne sais pas si c'est
12 l'intercalaire du classeur bleu ou du classeur rouge. Me Zecevic peut peut-
13 être nous le dire.
14 R. Cela ne figure pas dans ce classeur.
15 Q. J'espère que je ne me suis pas trompé en prenant note du numéro du
16 document.
17 M. ZECEVIC : [interprétation] Si vous me permettez d'intervenir, Monsieur
18 le Président, ce document figure à l'intercalaire 28.
19 M. HANNIS : [interprétation] Classeur rouge ou classeur bleu ?
20 M. ZECEVIC : [interprétation] Bleu.
21 M. HANNIS : [aucune interprétation]
22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un classeur gris, il n'est pas bleu, il
23 n'est pas rouge non plus, il est gris.
24 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est l'intercalaire 28 du classeur gris.
25 M. HANNIS : [interprétation]
26 Q. Toutes mes excuses, je suis le seul à avoir un classeur bleu. Vous
27 l'avez trouvé ?
28 R. Oui.
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1 Q. Vous nous avez expliqué qu'une des modifications apportées, c'est qu'on
2 a fait baisser la limite d'âge, qui est passée de 18 ans à 14 ans, n'est-ce
3 pas ? C'est bien cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous avez également expliqué, me semble-t-il, qu'il y avait une
6 modification dans les démarches à entreprendre au cas où on n'ait plus de
7 carte d'identité ? J'aimerais que vous examiniez l'article 23 de l'ancien
8 texte de loi, pièce 1832, P1832, intercalaire 28.
9 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que pour ce qui est du document que
10 nous avons ici à l'écran, c'est la dernière page. J'aimerais aussi qu'on
11 affiche la version anglaise du document. C'était à la page 5.
12 Q. Avez-vous trouvé le document ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que je comprends bien cette loi ? Il me semble comprendre que
15 l'ancienne loi s'appliquait sur tout le territoire de la république, en
16 dehors des provinces autonomes et du territoire de la Vojvodine. Si je
17 comprends bien, si je lis bien ce texte, il ne s'appliquait pas au Kosovo-
18 Metohija.
19 R. Vous avez tout à fait raison. Il s'agit d'une loi qui a été adoptée en
20 1974, ceci conformément à la constitution de 1974. On avait effectivement
21 mis en place un régime particulier avec division des pouvoirs législatifs,
22 entre d'une part la République de Serbie, et les provinces. Il est fait
23 référence ici à l'article 301 de la constitution de la République
24 socialiste fédérale de Serbie, mais à partir de 1990, cette constitution ne
25 s'est plus appliquée. La constitution de 1974 compte 136 articles, donc, il
26 est impossible qu'il y ait eu un article 301.
27 Je crois que la loi sur les cartes d'identité a été remplacée par une
28 autre, qui était conforme à la constitution de 1990. Cette loi-ci a été
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1 adoptée en 1974, alors que s'appliquait la constitution de la République
2 socialiste de Serbie. On voit ici le nom du journal officiel de la
3 République socialiste de Serbie, c'était toujours une république
4 socialiste. En 1990, la république est devenue la République de Serbie, et
5 avec l'adoption de la nouvelle constitution, la constitution de 1974 a
6 cessé de s'appliquer. La loi que nous avons ici a été adoptée alors
7 qu'était en vigueur la constitution 1974. Il a fallu la rendre conforme à
8 la nouvelle constitution de 1990. Je ne sais pas exactement dans quelle
9 édition du journal officiel cette loi a été publiée, mais sinon, vous avez
10 tout à fait raison.
11 Q. Après la création de la République fédérale de Yougoslavie, savez-vous
12 s'il existait une carte d'identité nationale qui était la même pour tout le
13 monde, que ce soit la Serbie ou le Monténégro ? Ou bien est-ce que dans
14 chacune de ces républiques, on avait des cartes d'identité qui étaient
15 différentes ? Savez-vous quelles étaient les dispositions juridiques à cet
16 égard ?
17 R. La République de Serbie avait sa propre loi sur les cartes d'identité,
18 même chose au Monténégro, dans la République du Monténégro. Il faut savoir
19 que lorsqu'il se présente un examen, les étudiants dans notre pays doivent
20 présenter non seulement leurs cartes d'étudiant, mais également une carte
21 d'identité, ce qui fait que j'ai pu me rendre compte par moi-même de visu
22 que les cartes d'identité étaient différentes.
23 Q. Merci. C'est tout ce que j'avais à vous demander sur ce point.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Monsieur Hannis. Je ne
25 comprends pas très bien. Quelle était la nature de la loi sur les cartes
26 d'identité entre 1990 et 1999 ? Est-ce que vous, vous avez une idée sur la
27 question ?
28 M. HANNIS : [interprétation] Non, pas pour l'instant.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
2 M. HANNIS : [interprétation]
3 Q. J'ai encore quelques questions à vous poser au sujet des décrets. Il me
4 semble que vous avez dit qu'il y a eu 16 décrets en tout proclamés pendant
5 les 78 jours de l'état de guerre, où le président Milutinovic était en
6 droit de rendre des décrets, puisque l'assemblée nationale ne pouvait pas
7 se réunir à cause de la guerre. Il y a quatre décrets qui relevaient de
8 votre compétence, parce qu'il s'agissait de domaines juridiques dont vous
9 étiez responsable, dont vous étiez chargé, n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact.
11 Q. Je pense que les 12 autres décrets émanaient d'un autre vice-premier
12 ministre, M. Seselj, qui était responsable des affaires économiques et des
13 affaires y afférentes. Est-ce que, selon vous, c'était bien le cas ? Qui
14 était les trois autres vice-premiers ministres au sein du gouvernement en
15 mars et avril 1999 ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
16 R. Je m'en souviens. Il y avait le Pr Milovan Bojic. Il y avait, bien
17 entendu, M. Seselj, moi aussi, mais je ne me souviens pas. Je suis déjà
18 très fatigué. Nous avons lu hier la partie pertinente du journal officiel.
19 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
20 M. HANNIS : [aucune interprétation]
21 M. ZECEVIC : [interprétation] La pièce a été présentée ce matin dans le
22 prétoire. Nous avons sa cote.
23 M. HANNIS : [interprétation] Je pensais -- mais peut-être que je me trompe
24 -- que sur la pièce que nous avons vue, il y avait cinq noms, mais pas
25 celui de M. Seselj. Il y a peut-être une erreur de ma part.
26 M. ZECEVIC : [interprétation] Les deux extraits du journal officiel de 1999
27 et 1998, avec les noms des membres du gouvernement et des vice-présidents,
28 ont été présentés.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous le numéro de référence ?
2 M. ZECEVIC : [interprétation] Un instant, je vous prie.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce serait très utile.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est la pièce 1D260.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous donner un
7 numéro d'intercalaire ?
8 M. ZECEVIC : [interprétation] Un instant, je vous prie. Toutes mes excuses,
9 Monsieur le Président. Excusez-moi, je n'arrive pas à le retrouver, mais
10 pourtant je suis convaincu de l'avoir présenté ce matin au témoin.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela y est, j'ai trouvé. Tomislav Nikolic,
12 Dragomir Tomic; Milovan Bojic; moi-même, Ratko Markovic. Tomislav Nikolic,
13 Dragomir Tomic et Vojislav Seselj. Numéro 7. J'ai été membre de deux
14 gouvernements, donc il est très difficile pour moi de me souvenir
15 exactement des personnes qui étaient membres de l'un ou de l'autre.
16 M. HANNIS : [interprétation]
17 Q. Merci. Parmi les personnes que vous avez nommées, j'ai entendu les noms
18 de M. Tomic, de M. Bojic et de M. Nikolic. Vous souvenez-vous du
19 portefeuille de chacun d'entre eux ?
20 R. M. Bojic était chargé des affaires sociales, de la culture, du système
21 de santé, et cetera; enfin, tout ce qui n'avait pas trait à l'économie. M.
22 Nikolic, si je en m'abuse, était chargé des entreprises publiques, et M.
23 Tomic, quant à lui, était chargé du commerce.
24 Q. Merci. J'ai encore un volet de questions à vous poser au sujet de ces
25 quatre décrets. Quel était le processus qui était suivi avant votre
26 signature ? Avant la signature, avant l'adoption ? Est-ce qu'on en parlait
27 au conseil des ministres ou est-ce qu'on se contentait simplement de signer
28 le document ? Comment cela fonctionnait ? Comment parvenait-on à décider
Page 13258
1 que le texte était propre à être adopté en tant que décret, décret adopté
2 en temps de guerre ?
3 R. Cela se passait comme dans tout organe collectif. Le travail
4 s'effectuait de la même façon au sein du gouvernement. Le gouvernement
5 avait un ordre du jour confirmé à l'avance. Pour chaque point de l'ordre du
6 jour, il y avait un certain nombre de documents à examiner. Un débat était
7 mené au préalable qui donnait suite à une décision. Il y avait
8 transcription en sténotypie de toutes les réunions du gouvernement. Dès
9 lors que la décision était prise, c'est le vice-ministre responsable du
10 domaine en question qui apposait sa signature au nom du gouvernement. Nous
11 venons de voir qu'il existait cinq vice-présidents, et j'ai également dit
12 que c'était les premiers ministres qui étaient chargés de déterminer
13 quelles seraient les responsabilités particulières de chacun d'entre eux au
14 sein du gouvernement. La loi régissant l'action du gouvernement ou loi
15 régissant l'action des ministères ne dit rien des responsabilités
16 particulières et de leurs responsabilités.
17 Q. Vous avez dit que les choses fonctionnaient comme dans tout organe
18 collectif, mais qui votait sur ces questions particulières ? Est-ce qu'il
19 fallait qu'il y ait un accord unanime pour que ce processus s'engage ou
20 est-ce que c'est vous qui pouviez prendre la décision définitive parce que
21 vous étiez responsable de ce domaine particulier ? Comment est-ce que cela
22 fonctionnait ?
23 R. Le processus de prise de décisions au sein du gouvernement était régi
24 par la loi, par les procédures qui régissaient le travail du gouvernement.
25 Les décisions se prenaient en général par consensus, et dans les deux
26 gouvernements auxquels j'ai participé, il s'agissait de gouvernements de
27 coalition, ce qui implique qu'il fallait un consensus de toutes les parties
28 concernées pour qu'une décision se prenne. Donc, chaque fois que les
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1 membres du gouvernement assistaient à une réunion, ils avaient le droit de
2 participer au débat. Aucune réunion du gouvernement ne pouvait se tenir
3 sans qu'un certain quorum soit réuni.
4 Q. Vous rappelez-vous quel était le quorum qui avait cours pour les
5 réunions du gouvernement ?
6 R. Le quorum était la majorité du nombre total de membres du gouvernement.
7 Q. Excusez-moi d'insister, mais pour que tout soit clair. Lorsque vous
8 dites membres du gouvernement, cela incluait les cinq vice-premiers
9 ministres ainsi que le premier ministre et les ministres représentant de
10 chacun des républiques, n'est-ce pas ?
11 R. C'est tout à fait cela. Cela inclut également les ministres sans
12 portefeuille. Le nombre de ces ministres sans portefeuille était toujours
13 très limité. Il n'y en avait que quelques-uns, et c'est le chef du
14 gouvernement qui leur disait quel serait leur travail, alors que les autres
15 ministres voyaient leurs responsabilités définies dans la loi régissant le
16 travail des ministères. C'est la loi régissant le travail des ministères
17 qui contenait toutes les dispositions détaillées relatives au travail que
18 chacun des ministres devait accomplir au sein du gouvernement. Par
19 conséquent, il y avait des ministres qui étaient à la tête de ministères,
20 ainsi que des ministres sans portefeuille.
21 Q. Vous rappelez-vous quel était le nombre des ministres sans portefeuille
22 au sein du gouvernement en mars/avril 1999 ?
23 R. Nous pouvons en trouver le nombre dans la décision relative à la
24 formation du gouvernement dont nous parlions tout à l'heure. Je vous
25 demande un instant. Excusez-moi.
26 Q. Il n'y a aucun problème.
27 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est l'intercalaire 7 dans le classeur
28 rouge.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je confonds toujours les classeurs rouges et
2 gris.
3 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Maître Zecevic.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, j'ai le texte sous les yeux, et je vois
5 écrit que, s'agissant du deuxième gouvernement auquel j'ai participé, il y
6 avait sept ministres sans portefeuille. Dans le premier des deux
7 gouvernements auxquels j'ai participé, leur nombre était inférieur. Il
8 était de trois. Mais cela aussi, je peux le vérifier. Voilà, je le vois
9 écrit ici. Au sein du premier gouvernement auquel j'ai participé, il y
10 avait trois ministres sans portefeuille, et dans le deuxième gouvernement
11 auquel j'ai participé, il y en avait sept. Donc, sept ministres sans
12 portefeuille, et 23 ministres à la tête d'un ministère, ainsi que cinq
13 vice-premiers ministres et un premier ministre, ce qui fait au total 36
14 membres du gouvernement en 1998.
15 M. HANNIS : [interprétation]
16 Q. Professeur, vous avez dit que les ministres sans portefeuille étaient
17 choisis. Mais qui est-ce qui les choisissait ? Le premier ministre ?
18 R. Non, ils étaient choisis selon les mêmes modalités que les ministres à
19 la tête d'un ministère. C'était le parlement, l'assemblée du peuple, qui
20 les nommait à leur poste, sur proposition du premier ministre. Mais la
21 différence entre eux et les ministres à la tête d'un ministère résidait en
22 ce qu'ils ne se voyaient pas octroyer un domaine de responsabilité
23 particulier prescrit par la loi. Les responsabilités qui leur incombaient
24 étaient définies par le premier ministre. Il arrivait, par exemple, au
25 premier ministre de charger un ministre sans portefeuille de s'occuper de
26 problèmes d'autogestion, et à d'autres moments il le chargeait de s'occuper
27 d'autres questions qui étaient éventuellement liées à un problème survenu
28 récemment. Mais en tout cas, leur principal interlocuteur était le premier
Page 13261
1 ministre.
2 Q. Eu égard aux quatre décrets portant sur la sécurité intérieure, les
3 cartes d'identité, vous rappelez-vous si des débats ont eu lieu à ce sujet
4 ?
5 R. Je ne me souviens pas qu'un débat ait eu lieu. Peut-être ceci est-il
6 simplement dû au fait que je n'ai pas participé à ces débats. Mais encore
7 une fois, je répète que les circonstances prévalant à l'époque dans le pays
8 étaient tout à fait extraordinaires. Il était difficile de se déplacer dans
9 le pays. Le secrétariat du gouvernement était dans un bâtiment différent de
10 celui où le gouvernement se réunissait. Les ministres avaient à affronter
11 toutes sortes de difficultés pour arriver jusqu'au bâtiment où se tenaient
12 les réunions du gouvernement. Toute communication normale entre les membres
13 du gouvernement à l'époque était pratiquement impossible en raison de la
14 guerre.
15 Q. Je comprends. Merci beaucoup. Passons à autre chose. J'aimerais
16 maintenant vous interroger au sujet de votre rapport d'expert. Vous avez
17 dit toutefois, Professeur, il y a quelques instants, que vous étiez
18 fatigué. Est-ce que nous pouvons poursuivre ou est-ce que vous souhaiteriez
19 une pause ?
20 R. Non, je vous remercie. Je préfère poursuivre. Je ne tiens pas à
21 interrompre le travail de la Chambre. Quant à mon âge, c'est mon problème.
22 Q. J'ai un problème très semblable, Professeur. Votre rapport d'expert -
23 je ne sais pas quel est le numéro de ce rapport dans votre classeur. Je
24 crois que c'est le numéro 1 dans le classeur vert. Dans l'introduction de
25 votre rapport - et il s'agit de la pièce 1D682, je l'indique pour le compte
26 rendu d'audience - à la première page de votre rapport, nous lisons :
27 "L'institution que représentait le président de la république était la
28 question la plus litigieuse dans les débats politiques et débats entre
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1 experts à l'époque, et immédiatement après l'adoption de la constitution de
2 la République de Serbie en 1990."
3 Et vous remarquez également : "A l'époque, la République de Serbie a
4 inauguré la fonction de chef d'Etat exécutif." Est-ce que vous parlez du
5 président lorsque vous parlez de chef d'Etat exécutif; c'est bien cela ?
6 R. Oui, vous avez tout à fait raison.
7 Q. D'accord. Mais si je comprends bien ce que vous avez dit au cours de
8 votre déposition jusqu'à présent, ce dernier n'était pas un responsable
9 exécutif ?
10 R. S'agissant des pouvoirs qui étaient les siens, il ne se distinguait pas
11 du président de la république tel qu'on le trouve dans les systèmes
12 constitutionnels où le président est nommé à son poste par le parlement. Il
13 n'avait pas de pouvoirs effectifs, comme c'est normalement le cas dans les
14 républiques parlementaires telles l'Italie ou l'Allemagne, où les
15 présidents n'ont pas de grands pouvoirs réels. C'était la même chose pour
16 le président de la République de Serbie, même s'il était directement élu
17 par les citoyens au scrutin direct et qu'il pouvait donc être privé de ses
18 fonctions ou réinvesti dans ses fonctions par ces mêmes citoyens, et que
19 c'était lui qui exerçait les responsabilités les plus importantes sur le
20 plan démocratique. Mais les pouvoirs du président n'étaient vraiment pas à
21 un niveau comparable. C'est la raison pour laquelle les théoriciens ne
22 considèrent pas la Serbie comme un pays semi-présidentiel.
23 M. ZECEVIC : [interprétation] Si je puis aider mon collègue de
24 l'Accusation, je dirais qu'à mon avis il a été induit en erreur par une
25 interprétation inexacte, et d'ailleurs la question a été évoquée par les
26 Juges de la Chambre le premier jour de la déposition de ce témoin. En
27 effet, le mot original utilisé en serbe est "inokosan." Nous nous sommes
28 efforcés de trouver la traduction précise de ce mot qui a été interprété en
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1 anglais par le mot "sole" ou chef d'Etat, ou quelque chose comme cela. En
2 tout cas, nous en avons parlé au premier jour de la déposition de ce
3 témoin. Nous avons indiqué qu'à notre avis "inokosan," s'il est traduit par
4 "executive," est mal traduit.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, peut-être pourriez-vous
6 nous dire quelle est la différence entre le rôle du président avant 1990 et
7 le rôle du président à partir de 1990.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] En vertu de la constitution de 1974, la Serbie
9 n'avait pas de président de la république. Elle avait une présidence, qui
10 était un organe collectif. C'était un organe composé de plusieurs membres
11 qui avait pour fonction de diriger l'Etat qu'était la République de Serbie.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que ceci répond bien à la
13 question qui vient d'être évoquée, car finalement ce ne sont pas les
14 détails qui importent. Ce qui importe, c'est de se concentrer sur la
15 réalité des pouvoirs exercés par le président à partir de 1990.
16 Monsieur Hannis.
17 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Q. Décrivant la controverse ou le débat suscité par le début du mise en
19 œuvre de la constitution, et plus précisément par ce qu'était le rôle du
20 président, vous avez dit que certains critiques de la constitution
21 affirmaient que les pouvoirs dévolus au président en vertu de la nouvelle
22 constitution étaient exagérément importants, n'est-ce pas ?
23 R. Exact.
24 Q. Et ces mêmes critiques ont considéré que cette nouvelle constitution
25 faisait de l'institution qu'était le président de la république
26 l'institution la plus importante de Serbie, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ce
27 que certains en pensaient ?
28 R. En 1990, lorsque la nouvelle constitution de la République de Serbie a
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1 été adoptée, le système multipartite n'en était qu'à ses débuts dans la
2 République de Serbie, et à cette époque-là la constitution, celle de 1990,
3 s'est concentrée sur la fonction de président de la république, et c'est la
4 raison pour laquelle cette fonction a été à l'origine des plus vives
5 critiques. Car il a été dit que cette fonction avait été créée sur mesure
6 pour Slobodan Milosevic à l'époque. C'est une des raisons principales des
7 critiques qui ont été formulées à l'époque. Il s'agit plutôt d'une querelle
8 politique que d'un débat objectif et argumenté reposant sur des arguments
9 réels.
10 Q. Pouvez-vous nous dire quelles étaient ces critiques, et qui étaient ces
11 critiques ? S'agissait-il d'académiciens, de professeurs de droit, de
12 personnes très instruites qui comprenaient bien la loi et la constitution ?
13 Nous ne parlons pas, n'est-ce pas, de critiques émanant de l'opinion
14 publique en général ?
15 R. C'est exact. Je l'ai dit d'ailleurs dans mon rapport d'expert. J'ai
16 cité leurs propos. J'ai cité le texte publié par ces critiques de la
17 nouvelle constitution à l'époque. Il s'agit de personnes très éduquées,
18 très instruites, qui s'exprimaient avant tout pour des raisons politiques,
19 alors que les arguments raisonnés étaient laissés de côté. Ces personnes
20 ont critiqué l'institution que représentait le président de la République.
21 La meilleure façon de répondre à votre question consiste à rappeler ce qui
22 s'est passé avec M. Djindjic en 1997 - et je l'ai déjà cité ici dans ma
23 déposition - à savoir que sa fonction n'impliquait aucune responsabilité
24 particulière, que le président de la république ne pouvait même pas nommer
25 à son poste le premier ministre ou le désigner sur la base de son choix
26 personnel, et qu'il ne pouvait pas non plus, sur son initiative
27 personnelle, dissoudre l'assemblé. Donc, il ne s'agissait en fait que d'une
28 fonction symbolique. A l'époque, M. Djindjic était un des dirigeants de
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1 l'opposition. Telles étaient les critiques qu'il émettait, et c'est donc
2 lui qui a dit qu'il ne se présenterait pas comme candidat à cette fonction.
3 Dès que le président Milosevic a cessé d'exercer les fonctions de président
4 de la république, toutes les critiques par rapport à sa fonction ont cessé.
5 Ce que j'ai écrit dans mon rapport d'expert, c'est que seul des auteurs de
6 manuels de droit constitutionnel et des professeurs de droit se sont
7 occupés de ces questions. L'opinion publique, de façon générale, s'est très
8 vite désintéressée de cette discussion portant sur la fonction du président
9 de la république.
10 Q. D'accord. Je suppose que j'ai quelque mal à saisir exactement la nature
11 de cette controverse, mais il me semble - je ne sais pas si j'ai raison -
12 peut-être pourriez-vous regarder un document. Mais en tout cas, il me
13 semble qu'il est écrit dans ce document que, si l'on compare les fonctions
14 du président de la république et de l'assemblée nationale ou du
15 gouvernement, il ne faut pas que les rapports entre les deux changent quel
16 que soit le président. Est-ce que vous seriez d'accord avec cela ?
17 R. Je suis tout à fait d'accord. A l'époque, le président avait les mêmes
18 pouvoirs que le président Boris Tadic en vertu de la constitution, Boris
19 Tadic étant le président actuel. Donc, les pouvoirs de l'un et de l'autre
20 étaient les mêmes. Mais c'est la personnalité de Slobodan Milosevic, le
21 magnétisme exercé par lui, qui a porté une différence. Les critiques se
22 sont centrés sur cette fonction particulière pour obtenir politiquement que
23 Slobodan Milosevic soit démis de ses fonctions. C'était là le but de tous
24 ces critiques qui critiquaient la fonction du président de la république.
25 Car à l'époque le président n'avait pas plus de pouvoirs que les présidents
26 qui lui ont succédé par la suite. Mais étant donné sa personnalité, son
27 charisme, le débat s'est développé et les critiques de la constitution de
28 1990 se sont concentrés sur la fonction du président de la république parce
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1 que c'est lui qui détenait cette fonction.
2 Q. Mais Professeur, en tant que juriste et en tant qu'expert du droit
3 constitutionnel, en tant qu'auteur de constitutions, conviendrez-vous avec
4 moi que ce qu'essaient, en général, d'éviter les auteurs de constitutions,
5 c'est qu'un document comptant plus de 1 000 articles ne cerne pas de la
6 façon la plus précise que ce soit les règlementations qui vont s'appliquer
7 par la suite, parce que si un tel document est rédigé de façon très souple,
8 en maintenant toute sorte d'ambiguïtés, c'est le meilleur moyen pour qu'à
9 l'avenir il ne soit pas nécessaire d'amender la constitution toutes les six
10 semaines ou tous les six mois ? Est-ce que ce n'est pas en partie le défi
11 auquel les auteurs de constitutions sont confrontés, à savoir, d'une part
12 cerner précisément les objectifs, et d'autre part rester suffisamment
13 souples ?
14 R. Oui, précisément, tel est bien le défi. Les auteurs de constitution --
15 tous les auteurs de constitutions doivent garder cela à l'esprit, c'est-à-
16 dire l'équilibre entre les deux extrêmes. A savoir, la nécessité de rédiger
17 un texte détaillé, et si le texte est trop détaillé, la constitution n'aura
18 qu'une durée de vie assez brève, ou le choix de rédiger une constitution où
19 il ne figureront que des principes, ce qui permettra à celle-ci d'avoir une
20 durée de vie plus longue. L'une des raisons pour laquelle la constitution
21 américaine est toujours valable après plus de 200 ans d'existence, c'est
22 précisément que les rédacteurs de cette constitution ont choisi la deuxième
23 option.
24 Q. Pratiquement toute constitution comporte un certain degré d'ambiguïté.
25 Ceci est dû au fait que les juristes constitutionnels ne peuvent avoir
26 recours à rien d'autre qu'à la langue pour rédiger la constitution.
27 R. C'est exact. C'est exact. Je suis d'accord avec vous.
28 C'est la pratique de l'application de la constitution qui répond ou qui
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1 lève ces ambiguïtés, c'est la jurisprudence, l'interprétation faite de la
2 constitution par l'accord constitutionnel dans ces décisions qui lève les
3 ambiguïtés.
4 Q. Selon la pratique que je connais moi-même aux Etats-Unis, c'est en
5 partie à cause de l'ambiguïté que l'on trouve dans le texte d'une
6 constitution que le rôle du président peut être considéré comme plus ou
7 moins important selon la personnalité qui occupe cette fonction, parce que
8 le président ne peut que travailler avec un texte ambigu par nature, à
9 savoir la constitution. Conviendriez-vous avec moi que ce qui s'est ce qui
10 se passe dans la vie réelle, s'agissant du rapport qui lit le président à
11 la constitution ?
12 R. Absolument. Je suis d'accord, c'est la raison pour laquelle en Amérique
13 les présidents sont si importants, si grands, même si leur pouvoir
14 aujourd'hui est très semblable à celui qu'ils avaient en vertu de la
15 constitution de 1777, mais simplement, certains d'entre eux ont une
16 personnalité forte, et laissent une empreinte plus importante durant leur
17 présidence. Par ailleurs, il y a des présidents qui sont passés inaperçus,
18 s'agissant de l'influence exercée par eux en dehors du fait qu'ils ont
19 exercé leur mandat pendant le temps prescrit par la constitution.
20 Q. Merci, Professeur. En raison de cela, n'est-ce pas là une raison qui a
21 justifié les critiques véhémentes de l'époque, censées sonner l'alarme,
22 parce que M. Milosevic avait une forte personnalité et exerçait cette
23 fonction ?
24 R. Précisément, c'est la raison de tout cela. C'était une personne très
25 charismatique, également un dirigeant de parti politique. Donc, un
26 président de la république, s'il n'a pas un parti politique puissant
27 derrière lui, est assez handicapé. Je parle d'un président qui ne serait
28 pas le dirigeant d'un parti politique. Il ne peut pas avoir la même aura
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1 qu'un président qui est le dirigeant d'un parti politique important.
2 Q. Merci beaucoup. Autre chose dans l'introduction de votre rapport
3 d'expert, vous évoquez cette controverse, vous dites que : "Ceux qui
4 contestaient la nouvelle constitution ne préconisaient pas que le président
5 soit plus fort, mais simplement qu'il ait des pouvoirs plus étendus qu'un
6 monarque dans un système de monarchie constitutionnelle parlementaire."
7 Pourriez-vous nous donner un exemple de monarchie constitutionnelle
8 parlementaire ? Est-ce que vous pensiez à la reine Elisabeth d'Angleterre ?
9 R. Bien, si nous examinons les pouvoirs du président de la république en
10 vertu de la constitution de 1990, et compte tenu des explications déjà
11 fournies, je dirais simplement qu'il ne pouvait exercer certains pouvoirs
12 parce que la constitution fédérale réservait ces pouvoirs à l'Etat fédéral.
13 Certains des pouvoirs ne pouvaient être exercés parce qu'il existait des
14 lois qui n'avaient pas encore été votées et qui limitaient encore
15 l'exercice de ces pouvoirs. Si l'on compare ces pouvoirs à ceux de la reine
16 d'Angleterre, c'est à peu près la même chose, la reine d'Angleterre ne peut
17 décider par elle-même de l'identité du premier ministre, et elle ne peut
18 pas non plus dissoudre le parlement. Elle ne peut pas non plus refuser un
19 projet de loi qui a été voté par le parlement. Je me souviens que la
20 dernière reine d'Angleterre à l'avoir fait était la reine Anne en 1707,
21 c'est elle qui a été le dernier monarque britannique à avoir rejeté un
22 projet de loi.
23 Q. D'accord, Professeur. Mais s'agissant des pouvoirs du président en
24 vertu de l'article 83 de la constitution, de la dernière constitution,
25 paragraphe 12, nous voyons une disposition qui se lit comme suit, je cite :
26 "Le président peut conduire d'autres affaires dans le respect de la
27 constitution."
28 Est-ce que ceci n'est pas une façon pour le président de se rattraper un
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1 peu par rapport à son manque de pouvoirs effectifs vis-à-vis du
2 gouvernement et de l'assemblée nationale ? Est-ce que ce n'est pas une
3 façon de formuler les choses de façon, peut-être, un peu plus générale,
4 mais tout de même assez semblable ?
5 R. Ce que l'on veut dire ici, c'est que les pouvoirs du président ne sont
6 pas concentrés. Ils ne sont pas énumérés jusqu'au dernier dans l'article
7 83, mais qu'on en retrouve dans d'autres articles, notamment aux articles
8 84, 85, 89 et 132, paragraphe 1 de la constitution. Il n'y a aucun autre
9 endroit où il est question des pouvoirs du président. Cette disposition
10 implique qu'une loi ne peut pas accorder ou priver le président de ses
11 pouvoirs, et nous avons vu ce qui s'est passé avec la loi qui donnait une
12 certaine autorité au président, un moment est arrivé où cette loi a été
13 rejetée par la Cour constitutionnelle. Elle a cessé d'exister. Elle a été
14 abrogée.
15 Q. Très bien, j'ai une question sur ce sujet. Vous dites, je cite : "Dans
16 le respect de la constitution," cela signifie dans le respect des pouvoirs
17 présidentiels tels qu'ils sont définis aux articles 84 à 89, ou 84, 85, 89
18 et 132 de la constitution. Mais si tel était le cas, pourquoi est-ce que
19 dans ce paragraphe 12, on ne dirait pas simplement, je cite : "Et conduire
20 d'autres affaires dans le respect des articles 84, 85, 89 et 132 de la
21 constitution ?" Ce qui ôterait tout doute.
22 R. Vous avez raison. On pourrait le dire de cette façon également. C'est
23 une façon de parler, un problème technique, si vous voulez, sur le plan
24 juridique. Il est plus concis d'utiliser le libellé que vous venez de
25 proposer, mais on peut aussi préconiser l'emploi de ce qui a été adopté. La
26 question ici est une question de préférence de la part du rédacteur du
27 texte.
28 Q. Vous faisiez partie de la commission constitutionnelle qui a rédigé la
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1 constitution, n'est-ce pas ?
2 R. [aucune réponse verbale]
3 Q. Cette commission comptait combien de membres ?
4 R. Cette commission constitutionnelle était un organe important sur le
5 plan numérique. La commission constitutionnelle comptait plusieurs dizaines
6 de membres, mais une instance de taille inférieure a été créée, qui a été
7 baptisée comité de coordination de la commission et qui comptait entre 10
8 et 12 membres. C'est elle qui a rédigé le projet de constitution adopté par
9 la suite par la commission constitutionnelle, avant d'être soumis à
10 l'assemblée pour discussion ultérieure en 1990.
11 Q. Pourriez-vous nous en dire un peu plus de la façon dont cela s'est
12 passé ? Le comité de coordination en faisiez-vous partie ?
13 R. Oui, j'étais membre du comité de coordination. Le président du comité
14 de coordination était M. Slobodan Vucetic qui a été également le dernier
15 président de la Cour constitutionnelle de Serbie, et c'est ce comité de
16 coordination composé d'un certain nombre d'experts qui a rédigé le projet
17 de constitution littéralement. Puisque j'étais au sein de ce comité de
18 coordination la personne la plus spécialisée en droit constitutionnel,
19 puisque je faisais du droit constitutionnel depuis de nombreuses années, on
20 m'a demandé de faire partie de ce comité et de m'occuper de la structure de
21 la constitution. Durant les réunions du comité de coordination, nous
22 cherchions des solutions à tous les problèmes qui se posaient.
23 Q. Qui dirigeait la commission constitutionnelle ?
24 R. C'était le président de l'assemblée nationale, c'est-à-dire Zoran
25 Sokolovic, à l'époque, le président en exercice.
26 Q. Est-ce que c'est lui a fait le travail de rédaction ?
27 R. Non, c'était dû à une raison très simple, à savoir qu'il était diplômé
28 d'agronomie, donc ce n'était pas un expert en droit. Il y avait au sein du
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1 comité de coordination des personnes qui étaient plus spécialisées en
2 écriture et en rédaction.
3 Q. Quel était le rôle du comité de coordination vis-à-vis de la commission
4 constitutionnelle ? Est-ce que c'est le comité de coordination qui était
5 chargé de la rédaction, de la présentation, de la relecture du texte, ou
6 est-ce que c'est la commission constitutionnelle qui se chargeait de cela ?
7 R. Notre rôle au comité de coordination consistait à élaborer le texte
8 destiné à être examiné par la commission constitutionnelle. Nous étions un
9 groupe de travail. Je me souviens que les réunions duraient souvent
10 jusqu'au milieu de la nuit ou même jusqu'à l'aube. Il est vrai que cette
11 constitution n'est pas très longue, puisqu'elle ne comporte que 136
12 articles, mais il fallait formuler tout cela, et il fallait, avant de
13 choisir un libellé, en discuter, examiner diverses possibilités, et se
14 mettre d'accord. Donc, c'est le comité de coordination qui a fait le plus
15 gros du travail en la matière.
16 Quant à la commission constitutionnelle, elle a sans doute fait des
17 propositions d'amendements du point de vue de la rédaction, mais elle ne
18 s'est pas occupée de la rédaction initiale.
19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi, j'aurais une
20 question à poser au témoin.
21 Est-ce que vous respectiez des normes précises eu égard à la
22 rédaction de la constitution, et est-ce que vous aviez mis au point, entre
23 vous, des normes sur lesquelles vous vous étiez entendus entre vous, et de
24 quelle façon avez-vous tenu compte des aspects politiques en appliquant ces
25 normes dans la rédaction de la constitution ? Donc, je vous demande quelles
26 étaient ces normes, si elles existaient, et si vous pourriez nous les
27 décrire rapidement. Je vous remercie, Professeur.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, nous sommes partis de l'histoire de
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1 la Serbie, compte tenu de la période dans laquelle nous étions en train de
2 travailler. Nous nous sommes efforcés de mettre de côté le système
3 d'autogestion socialiste qui avait existé jusqu'à ce moment-là. Nous étions
4 convaincus que la constitution devait être modifiée, bien entendu, en
5 respectant la culture serbe, c'est-à-dire ses traditions politiques,
6 historiques, l'historique de ses constitutions précédentes, parce que la
7 Serbie avait une histoire très riche du point de vue de l'évolution de sa
8 constitution. Elle a adopté sa première constitution dès 1835. Nous étions
9 convaincus, eu égard à tous ces aspects, que c'est la constitution de la 5e
10 République française de 1958 qui pouvait être notre meilleur guide. Donc,
11 s'agissant de l'organisation des pouvoirs, les grandes idées développées
12 dans la constitution élaborée par nous venaient de la constitution
13 française de 1958.
14 Quant au comité de coordination et à celui a dirigé le travail accompli par
15 lui, il a été dit il y a quelques instants que ce comité de coordination
16 était présidé par M. Slobodan Vucetic. C'est lui qui présidait les
17 réunions, et les membres du comité de coordination travaillaient sous sa
18 direction. Mais le travail a été un travail d'équipe. La rédaction de la
19 constitution a donc été un travail d'équipe. Les journalistes et autres
20 rédacteurs ont beaucoup simplifié les choses par la suite, en ne cessant de
21 dire que j'étais le seul auteur de la constitution, ce qui est évidemment
22 impossible. Plusieurs personnes ont participé à la rédaction de la
23 constitution.
24 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Mais, Monsieur, est-ce que vous avez
25 consulté les différents groupes ethniques qui composaient la population du
26 pays ? Est-ce que vous avez tenu compte des courants politiques, des idées
27 politiques exprimées par l'opinion ? Est-ce que vous les avez intégrés dans
28 la constitution ? Je vous remercie.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument. La commission constitutionnelle
2 était une commission à l'ancienne, si je puis me permettre cette
3 expression, c'est-à-dire, une commission très comparable à ce qui existait
4 dans la Yougoslavie autogérée socialiste, où on prêtait beaucoup
5 d'attention à la nécessité de respecter l'égalité entre les nations, entre
6 les groupes ethniques, ce qu'on appelait les nations et les nationalités
7 dans la Yougoslavie de l'époque et qui signifie les minorités ethniques. A
8 l'époque, tous les organismes constitués l'étaient sur la base d'une
9 représentation paritaire. Dans tous les organismes officiels, il y avait
10 des représentants des diverses communautés ethniques et des diverses
11 minorités nationales. Au sein de la commission constitutionnelle, cette
12 parité a été respectée. Je ne me souviens plus exactement maintenant, étant
13 donné que pas mal de temps s'est écoulé depuis, quels étaient les nombres
14 exacts, mais je me souviens qu'il y avait un Albanais, M. Tefki Lugixhi
15 [phon], qui faisait partie de cette commission. Il y avait également
16 d'autres groupes ethniques représentés au sein de la commission
17 constitutionnelle. Bien entendu, un autre critère de choix pour faire
18 partie de cette commission était la profession exercée ou le domaine de
19 spécialisation, mais les opinions politiques de chacun étaient bien
20 connues. C'est dans ces conditions que ces diverses personnes ont participé
21 aux débats.
22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que vous régliez les questions
23 par vote majoritaire à la commission ou est-ce que vous vous contentiez
24 d'un débat ? Je vous remercie. C'était ma dernière question.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Au sein de la commission constitutionnelle,
26 nous prenions toujours nos décisions à l'issue d'un vote à la majorité.
27 Mais le président, M. Sokolovic, s'efforçait toujours d'obtenir un
28 consensus, c'est-à-dire, l'accord de tous, de façon à ce que personne ne
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1 puisse être vaincu par le vote de la majorité. Des efforts importants ont
2 été déployés pour satisfaire chacun au maximum et toujours trouver un
3 compromis. Vous le verrez, cette constitution emploie parfois des termes
4 assez archaïques qui ne signifient plus grand-chose dans la vie
5 d'aujourd'hui. Par exemple, le mot "narodnost." C'est un terme qui
6 concernait les minorités ethniques, et il a été conservé dans le texte
7 parce que l'on a estimé que le mot "minorité" aurait été un mot offensant.
8 Donc, ce terme archaïque est demeuré dans le texte. Tous les étrangers
9 n'ont cessé de se demander ce que voulait dire ce terme et ils en
10 exigeaient la traduction. C'est un terme qui est synonyme de minorités
11 nationales, mais qui permet de ne pas offenser les sentiments de ces
12 minorités nationales, d'où son maintien dans le texte.
13 Puis, dans le préambule déjà, par exemple, le préambule de la constitution,
14 vous verrez qu'il est question de l'évolution historique et de la co-
15 existence quotidienne de toutes les populations et toutes nationalités et
16 de tous les peuples de Serbie.
17 M. HANNIS : [interprétation]
18 Q. Professeur, vous avez dit que le vote se faisait en général à la
19 majorité et que le président s'efforçait, avant un vote, d'obtenir un
20 consensus. Je suppose que parfois cela n'était pas possible, qu'il était
21 impossible d'obtenir un consensus sur certains passages de la constitution.
22 Donc, qui était le dernier arbitre dans ces cas-là ? Est-ce que c'était la
23 majorité à l'issue du vote ou est-ce que le président avait un pouvoir
24 supérieur aux membres qui l'entouraient ? Est-ce qu'il pouvait trancher par
25 un oui ou un non sur une question controversée ? Comment est-ce que cela
26 fonctionnait ? Est-ce que c'est le vote majoritaire qui tranchait ? Je vous
27 le demande.
28 R. C'est le vote majoritaire qui décidait. Je ne me souviens plus
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1 exactement quels ont été les chapitres de la constitution concernés, mais
2 j'ai un exemple en tête, l'article déclarant l'égalité entre divers modes
3 de propriété. On voit une énumération des différents modes de propriété,
4 avec notamment la propriété de l'Etat. Ceci est l'article 56.
5 Il y en avait parmi les membres du comité qui souhaitaient supprimer
6 l'expression propriété de la société. Je me souviens très bien de qui
7 voulait la suppression de cette expression. Le Pr Budimir Kosutic, par
8 exemple, qui faisait partie de la commission constitutionnelle, était
9 favorable à la suppression de cette expression. Un vote a eu lieu, et nous
10 avons décidé de maintenir l'expression propriété de la société comme
11 signifiant propriété de l'Etat, car c'était la réalité de l'époque. Nous
12 étions convaincus que le marché était un critère qui permettrait de
13 déterminer quels étaient exactement les modes de responsabilité qui
14 continueraient à exister et quels étaient les modes de responsabilité qui
15 disparaîtraient à l'avenir. Dans la nouvelle constitution, on ne trouve
16 plus cette expression de "propriété sociale."
17 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi ?
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela répond à votre
19 question ?
20 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je pense.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela répond au premier tiers. Merci.
22 M. HANNIS : [interprétation] J'ai une autre question.
23 Q. Professeur, sur les 136 articles de la constitution, est-ce qu'il y en
24 avait auxquels vous étiez opposé, pour lesquels vous aviez une opposition
25 personnelle, une objection personnelle ?
26 R. Oui. Par exemple, je n'étais pas d'accord avec le maintien du terme
27 "narodnost," synonyme de minorité ethnique. J'étais également opposé au
28 libellé relatif au fait qu'un député représente les citoyens du territoire
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1 qui l'ont élu, article 86. Mais les anciennes mentalités étaient encore
2 très vivaces. Donc, l'expression mandat librement exercé était inacceptable
3 à l'époque. C'est la raison pour laquelle il a été estimé qu'un député
4 devrait être lié aux électeurs qui l'avaient élu, et peut-être ai-je été
5 opposé également à d'autres formules qui sont restés dans le texte de la
6 constitution.
7 Q. Merci. Je souhaite revenir à l'article 83, numéro 12 en fait, sur les
8 pouvoirs du président, et cette phrase qui englobe tout un petit peu : "de
9 mener les affaires conformément au texte de la constitution." J'avais
10 proposé une alternative dans la manière de formuler les choses, mais vous
11 avez dit que c'était la version que l'on préférait. Conviendrez-vous avec
12 moi, Monsieur le Professeur, qu'ici on peut présenter un argument ? Il y a
13 une certaine ambiguïté, et un président fort pourrait arguer du fait que,
14 moi, je l'entends comme étant en mon pouvoir de faire tout ce que je
15 souhaite faire au regard de la constitution, et rien ne m'empêche de le
16 faire. Est-ce que vous comprenez ma question ?
17 R. Oui, je comprends bien. Je pense que cela ne serait pas possible. Il ne
18 peut qu'exercer les pouvoirs dont il est investi de façon explicite par la
19 constitution. Ce n'est pas le pouvoir dont il dispose par rapport à
20 l'esprit de la constitution et sa position vis-à-vis de la constitution,
21 parce que sa responsabilité à l'égard de la constitution est importante
22 dans la mesure où il n'a pas le droit de l'enfreindre. Il ne peut être
23 démis de ses fonctions que si on constate qu'il a effectivement violé la
24 constitution, et à ce moment-là, cela doit spécifier de manière précise
25 qu'il a exercé un pouvoir dont il n'était pas investi par la constitution.
26 Tous les pouvoirs dont il est investi doivent être définis de manière
27 précise. Il n'y a pas de pouvoirs que l'on peut assumer. D'emblée, on ne
28 peut pas donner une interprétation de cela. Le président de la république a
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1 un certain pouvoir. Par exemple, il y a le pouvoir de lancer une procédure
2 juridique. La constitution est tout à fait claire à cet égard. Le président
3 n'a pas ce droit-là. Il n'a pas le droit de s'adresser directement au
4 parlement.
5 Ce paragraphe à l'article 83 signifie qu'au-delà des pouvoirs dont il
6 dispose, il ne dispose que des pouvoirs qui sont précisés de manière
7 explicite dans la constitution. Il ne peut pas assumer d'autres pouvoirs.
8 Q. Je me souviens du début de votre déposition. Vous avez parlé de
9 la promotion du général Lukic. Je suppose que le président disposait d'un
10 certain pouvoir au regard de la constitution jusqu'au jour où la Cour
11 constitutionnelle en a décidé autrement, n'est-ce pas ?
12 R. Une correction que je souhaite apporter. Cela n'est pas que c'est
13 quelque chose qu'il pensait, mais la loi sur les différents grades des
14 membres du ministère de l'Intérieur lui donnait ce pouvoir aux articles 6
15 et 10. Le président disposait donc de ce pouvoir. En vertu de ces articles,
16 le président de la république a exercé ce pouvoir, ce droit, jusqu'au jour
17 où la Cour constitutionnelle a décrété que le président de la république ne
18 peut pas exercer ce pouvoir, car il est contraire à la constitution. La
19 constitution évoque cette question-là. Le président n'a ce pouvoir que - si
20 vous vous reportez à la décision prise par la Cour constitutionnelle - le
21 président ne dispose que des pouvoirs qui sont indiqués nommément dans la
22 constitution. C'est la raison pour laquelle, dans ces dispositions, les
23 pouvoirs dont est investi un président, si ces pouvoirs ne figurent pas
24 dans la constitution, il s'agit à ce moment-là d'éléments
25 inconstitutionnels.
26 Q. Merci beaucoup. Je vais y revenir un peu plus tard. Mais dans
27 votre déposition de lundi - je crois que ceci était à la page 12 877 du
28 compte rendu - vous avez parlé de la situation en 1990 lorsque la
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1 constitution a été adoptée, qu'il y avait un risque de sécession de la part
2 de certaines républiques. Vous avez indiqué que la constitution de la
3 Serbie avait, en quelque sorte par anticipation, évoqué la possibilité d'un
4 vide au plan constitutionnel et avait déjà mis en place les attributs ou
5 caractéristiques d'un Etat indépendant que serait la Serbie. Pourriez-vous
6 nous expliquer quels étaient ces attributs ou caractéristiques d'un Etat
7 indépendant ? Est-ce qu'à ce moment-là il s'agit de l'armée, des affaires
8 étrangères ? Est-ce cela dont vous vouliez parler ?
9 R. Oui, c'est exactement cela que j'ai évoqué. Une unité fédérale n'a pas
10 sa propre politique étrangère dans aucun pays du monde; elle ne dispose pas
11 non plus d'un ministère des Affaires étrangères et ne peut être représentée
12 sur la scène internationale au sein d'organisations comme les Nations
13 Unies; et ne peut pas disposer de sa propre armée non plus. Donc, il s'agit
14 là des pouvoirs annexes qui étaient l'apanage du président de la
15 république, et d'autres qui figurent à l'article 72 de la constitution, qui
16 précisaient quelles étaient les compétences de la Serbie.
17 Cet article 72 est tout à fait atypique, et cet article a été créé
18 précisément en raison de la situation qui était celle de la Serbie à
19 l'époque. C'était dans l'éventualité d'une sécession. Ils ne souhaitaient
20 pas qu'il y ait un vide juridique et des compétences auxquelles personne ne
21 pouvait répondre. C'est la raison pour laquelle ceci est énuméré. Ces
22 derniers sont énumérés à l'article 72, bien que certains de ces points
23 relèvent de la juridiction de la fédération. La constitution de la Serbie,
24 à l'article 135, indique clairement que tout ce qui relève de la compétence
25 de la fédération est précisé, et tout ce qui relève de la compétence de la
26 Serbie sera appliqué conformément à la constitution de la fédération. Et
27 c'est la constitution fédérale qui a la primauté ici. Ce qui est tout à
28 fait normal en tout pays du monde. C'est une situation un petit peu
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1 atypique dans laquelle se trouvait la Serbie à ce moment-là. Et c'est la
2 raison pour laquelle la constitution de la Serbie avait de telles
3 dispositions.
4 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Professeur. J'ai d'autres questions à vous
5 poser à propos de l'article 135.
6 Vous avez parlé de la Serbie comme étant une unité fédérale. Vous vouliez
7 dire que la Serbie faisait partie de la fédération yougoslave; c'est cela
8 que vous vouliez dire ?
9 R. Oui, tout à fait.
10 Q. Provinces autonomes et unités fédérales aussi ?
11 R. Non, ce n'était pas le cas. Les provinces autonomes ne sont pas des
12 unités fédérales. On le voit très bien à l'article 2 de la constitution de
13 la République fédérale socialiste de la Yougoslavie de 1974. A cet article-
14 là, on peut lire ceci : La RSFY comporte six unités fédérales et précise
15 lesquelles, sans pour autant nommer les deux provinces autonomes. Les
16 provinces autonomes faisaient partie de la Serbie en tant qu'unités
17 fédérales.
18 A l'article 2 de la constitution de 1974, l'organisation de la fédération
19 yougoslave était ainsi établie. Elle était composée de six unités
20 fédérales. Une des ces six avait en son sein deux provinces autonomes. Nous
21 avons le texte de la constitution de 1974, et si vous le souhaitez je peux
22 vous le lire ici puisque j'ai mon propre exemplaire.
23 Q. Mais je crois que nous en avons terminé.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous rappeler ceci,
25 Monsieur le Professeur, s'il vous plaît : savez-vous si un amendement a été
26 apporté à la constitution de 1990, amendement pour lequel un référendum
27 aurait été nécessaire ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si on souhaitait amender cette
2 constitution, combien de temps faudrait-il, dans les grandes lignes, pour
3 pouvoir terminer ce processus ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] En tenant compte des délais et de la loi sur
5 le référendum, et si l'assemblée travaillait rapidement, cela prendrait au
6 moins deux mois, parce que les amendements devaient être adoptés aux deux
7 tiers de la majorité des voix. Ensuite, il y avait un référendum où il
8 fallait que tous les électeurs soient inscrits, et c'était aussi un vote à
9 la majorité. Donc, il fallait organiser le référendum et il fallait un
10 certain temps pour cela. Il fallait au moins deux mois pour terminer tout
11 ceci, en tout cas en ce qui concerne la constitution de 1990.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
13 L'audience est levée pour aujourd'hui. Votre contre-interrogatoire se
14 poursuivra demain matin à 9 heures. Dans l'intervalle, je vous demande de
15 bien vouloir quitter le prétoire escorté par l'huissier.
16 [Le témoin quitte la barre]
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'audience est levée jusqu'à 9 heures
18 demain matin.
19 --- L'audience est levée à 15 heures 31 et reprendra le vendredi 10 août
20 2007, à 9 heures 00.
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