Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 9 août 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur

7 Markovic.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre interrogatoire va se poursuivre

10 avec Me Zecevic ce matin.

11 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

12 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 Interrogatoire principal par M. Zecevic : [Suite]

15 Q. [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur le Professeur. Comment vous

16 portez-vous aujourd'hui ?

17 R. Très bien, merci.

18 Q. Monsieur le Professeur, hier nous sommes arrivés à la date, enfin, au

19 mois de novembre 1998. Entre les mois de mars et novembre, comme vous nous

20 l'avez dit, vous avez voyagé un certain nombre de fois pour rencontrer les

21 membres des représentants de la communauté albanaise. Il y a eu des

22 pourparlers avec Christopher Hill, O'Brien. Des propositions ont été

23 faites, des contre-propositions ont été faites, comme l'attestent certains

24 documents. Est-ce qu'un document a finalement été préparé de ce processus ?

25 R. Oui, un document a finalement été préparé par les parties en présence,

26 à savoir les représentants de toutes les minorités au Kosovo-Metohija, y

27 compris les Albanais, à l'exception des plus grands partis politiques du

28 pays ou de la province d'une part, et d'autre part il y avait la délégation

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1 de l'Etat. Ceci a porté sur les accords à propos de l'autogestion du

2 Kosovo-Metohija. Ceci a été le résultat d'efforts conjoints. Ceci a vu le

3 jour le 12 mars, et ensuite, au mois de novembre le texte définitif a été

4 préparé. Je dois préciser que les représentants des partis albanais qui

5 avaient la majorité n'ont pas participé à ces pourparlers et n'ont pas

6 rédigé ce document.

7 Q. Monsieur le Professeur, puis-je vous demander, s'il vous plaît, de

8 procéder pas à pas. Nous allons maintenant regarder l'intercalaire numéro

9 42, qui est la pièce 1D091. Il s'agit là de la proposition conjointe

10 portant sur l'accord d'autogouvernement au Kosovo-Metohija, qui est daté du

11 20 novembre 1998. S'agit-il là du texte de l'accord dont vous nous avez

12 parlé ?

13 R. Oui. Ceci est l'accord en question. Est-ce que vous me permettez de le

14 parcourir, s'il vous plaît ? Effectivement, ceci est bien l'accord en

15 question. Il s'agit d'une proposition conjointe qui a été formulée par les

16 partis en présence aux pourparlers à Pristina.

17 Q. Monsieur le Professeur, très rapidement, pourriez-vous nous dire ou

18 nous parlez des points essentiels de cet accord, s'il vous plaît. D'après

19 vous, quels sont les points essentiels de cet accord, accord portant sur

20 l'autonomie du Kosovo-Metohija ?

21 R. Cet accord précise ce qui d'après les auteurs devrait constituer les

22 points essentiels d'un gouvernement indépendant. Je vais parler des

23 principes, et non pas du mode opératoire. Pour l'essentiel, cet accord

24 stipule que le Kosovo est composé de différents groupes ethniques, et que

25 quelle que soit la taille du groupe ethnique, chaque communauté doit être

26 traitée sur un pied d'égalité. Les autres minorités doivent être consultées

27 lorsqu'il s'agit de prendre des décisions importantes qui sont dans

28 l'intérêt national. Ce mécanisme pourrait être mis en place par une méthode

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1 spéciale de prise de décision par l'assemblée du Kosovo-Metohija, puisque

2 c'est son principal organe politique.

3 Etant donné que le Kosovo-Metohija fait partie de la République fédérale de

4 Yougoslavie et la République de Serbie, il y a un mécanisme qui permet aux

5 membres de cette province d'être représentés au sein des organes de la

6 fédération, au sein de la police, par exemple, et un mécanisme ou un

7 système avait été envisagé permettant d'amender l'accord. Dans les grandes

8 lignes, voici la teneur essentielle de cet accord, mais pour l'essentiel,

9 ce qui est très important, c'est de préciser qu'il s'agit d'une communauté

10 multiethnique, et que ceci est pris en compte et aucune communauté ethnique

11 n'aurait le droit d'exercer une quelconque domination sur une autre

12 communauté ethnique de taille moins importante.

13 Q. Monsieur le Professeur, cet accord politique a été signé par un certain

14 nombre de personnes, de représentants des communautés ethniques du Kosovo,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui, effectivement, ceci a été signé par tous les représentants de

17 toutes les minorités ethniques qui ont pris part à la rédaction de ce

18 texte.

19 Q. Qu'en est-il de cet accord qui a été signé par toutes les minorités

20 ethniques qui ont participé aux pourparlers entourant l'accord ? Est-ce que

21 d'autres partis ont eu accès au texte, ont pu lire cet accord, même s'ils

22 n'avaient pas participé aux pourparlers ?

23 R. Non, c'était un texte public. Tout un chacun pouvait le lire. Nous

24 aurions aimé que les représentants des partis les plus importants au Kosovo

25 participent à ces pourparlers, mais comme nous l'avons dit hier, ils ont

26 refusé de participer à ces séances.

27 Q. Monsieur le Professeur, l'accord a été signé par différentes personnes

28 qui ont participé aux pourparlers. Est-ce que la délégation de la

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1 République de Serbie aurait été disposée à envisager des amendements à cet

2 accord si les représentants des principaux partis au Kosovo auraient soumis

3 d'autres propositions ?

4 R. Nous avons commencé à travailler sur une feuille de papier vierge.

5 Toute personne était invitée, donc toute personne aurait pu avoir son mot à

6 dire. Les représentants des partis politiques majoritaires au Kosovo

7 avaient été invités. Il va de soi qu'ils auraient eu leur mot à dire.

8 Pendant que l'accord était en phase de rédaction, ils auraient pu soumettre

9 toutes les propositions qu'ils voulaient. Ces propositions qui auraient été

10 soumises auraient pu être adoptées et d'autres auraient pu être rejetées,

11 mais ceci se serait passé en connaissance de cause.

12 Q. Monsieur le Professeur, est-ce que le président Milutinovic a participé

13 activement à ces pourparlers et a pris une part active lorsqu'il s'agissait

14 de rédiger les conclusions; si oui, quel a été son rôle ?

15 R. Il a joué un rôle particulièrement actif. Parmi tous les représentants

16 officiels, c'était le plus engagé. Il a participé à la rédaction même en

17 choisissant les termes de l'accord, et plus tard, lorsqu'il a essayé de

18 recueillir le soutien de la population, il a essayé de prôner différentes

19 solutions qui étaient proposées dans cet accord.

20 Q. Monsieur le Professeur, vous souvenez-vous si oui ou non le président

21 Milutinovic s'est entretenu avec tous les représentants des différents

22 groupes ethniques ? Je veux parler de ceux qui ont finalement signé

23 l'accord.

24 R. Il a parlé à chacun d'entre eux, et il s'est entretenu avec tous les

25 dirigeants de tous les partis politiques qui siégeaient à l'assemblée à

26 l'époque.

27 Q. Vous voulez parler du parlement serbe, afin de s'assurer qu'il a vu

28 leur soutien, vous voulez dire ?

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1 R. Oui. Effectivement, c'était le cas, afin de recueillir leur soutien,

2 parce que lorsque la délégation a été nommée, on a clairement indiqué que

3 chaque groupe parlementaire devait proposer un candidat, candidat qui

4 ferait partie de la délégation. C'était important que l'assemblée affiche

5 une seule et même position par rapport à la question du Kosovo-Metohija.

6 Q. Monsieur le Professeur, est-ce que ces efforts ont finalement fourni un

7 résultat, efforts de la part du président Milutinovic ? Est-ce que

8 finalement il a recueilli le soutien de tous ses membres ?

9 R. Oui, il l'a recueilli. Effectivement, il a été soutenu, hormis je

10 dirais, par les Albanais, mais par la plupart des parties. Ils ont

11 simplement, les parties majoritaires au Kosovo, simplement ignoré le projet

12 en tant que tel.

13 Q. Monsieur le Professeur, quand l'accord a-t-il signé ?

14 R. Il a été signé à la fin du mois de novembre à Pristina. Il y a eu une

15 déclaration à ce moment-là pour marquer l'événement. Ce texte a été signé

16 par les différentes parties en présence, les représentants des partis

17 politiques, ceux qui ont participé à la rédaction de l'accord, le président

18 de la République fédérale de Yougoslavie, le vice-premier ministre du

19 gouvernement fédéral, Vladan Kutlesic, et moi-même, j'ai signé le document

20 au nom de la République de Serbie, puisque j'étais vice-premier ministre à

21 l'époque.

22 M. HANNIS : [interprétation] Cet exemplaire ne dispose pas de signatures.

23 Je pense avoir vu un exemplaire avec des signatures auparavant. Si nous

24 allons en parler, je préfèrerais utiliser le document qui comporte cette

25 signature.

26 M. ZECEVIC : [interprétation] Vous voulez parler de l'accord ?

27 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Je veux simplement --

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1 M. HANNIS : [interprétation] Je crois avoir reçu de la part de la Défense

2 le document original, mais ceci n'est pas le cas.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'avons pas dans le classeur, je

4 crois, le texte original.

5 M. ZECEVIC : [interprétation] Vous voulez parler de l'accord ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

7 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne peut pas être l'original

9 puisqu'il n'est pas signé. Est-ce qu'il s'agit du document en question ?

10 M. ZECEVIC : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants, s'il

11 vous plaît.

12 [Le conseil de la Défense se concerte]

13 M. ZECEVIC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, nous

14 pouvons vérifier un peu plus tard et vous fournir le document qui comporte

15 les signatures.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivons pour l'instant.

17 M. ZECEVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur le Professeur, lorsque la déclaration a été signée le 25

19 novembre à Pristina, est-ce que le président Milutinovic était là ?

20 R. Oui, il était là aussi.

21 Q. Merci. Monsieur le Professeur, nous allons maintenant passer à la

22 l'année 1999. Connaissez-vous l'existence du Groupe de contact qui a été

23 créé le 30 janvier 1999 ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous voulez bien regarder l'intercalaire numéro 49, 1D018,

26 page 414. Monsieur le Professeur, vous voyez les principes édictés ici ?

27 R. Oui, il s'agit de principes non négociables, ceux qui ont été appelés

28 ainsi, les fondamentaux en d'autres termes.

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1 Q. Est-ce que sur la base de ces principes, de ces principes directeurs

2 que la réunion de Rambouillet a été organisée ?

3 R. Ce sont ces principes qui ont permis aux pourparlers de Rambouillet

4 d'être organisés. Comme le document l'indique, ceci était non négociable,

5 ce qui était le cas. Ils devaient être adoptés en tant que tels, et si

6 possible intégrés à un autre document qui aurait pu découler de la réunion

7 qui avait eu lieu entre les deux délégations.

8 Q. Monsieur le Professeur, vous aviez fait de nombreuses tentatives pour

9 entrer en contact avec les Albanais en 1998, qui d'après vous, plutôt,

10 quelle était la principale idée sur laquelle ou quel était l'élément qui

11 faisait que vous ne pouviez pas vous entendre ?

12 R. La principale difficulté était celle-ci, les représentants des

13 principaux partis politiques en Albanie n'ont même pas répondu à nos

14 invitations, et ils ne sont pas venus assister aux réunions. C'était le

15 principe de l'intégrité territoriale de la Yougoslave et de ses voisins,

16 les pays voisins qui posaient problème, ainsi que la question de la

17 souveraineté de la Yougoslavie. Par conséquent, c'était ce principe-là qui

18 ne convenait pas aux Albanais du Kosovo. C'est pour ces raisons

19 certainement qu'ils ne souhaitaient pas participer à ces réunions. Ils

20 n'ont pas répondu aux invitations lancées par le gouvernement de venir

21 assister aux réunions des 16 et 17. Donc, ils ont refusé de signer les

22 principes proposés par le Groupe de contact à Rambouillet.

23 Q. Monsieur le Professeur, hier, nous avons regardé ensemble la Résolution

24 du Conseil de sécurité de Nations Unies 1199, cette résolution évoquait

25 précisément l'intégrité territoriale et la souveraineté de la RSFY ?

26 R. Oui, c'est exact, et j'ai lu le passage en question hier.

27 Q. Les principes édictés par le Groupe de contact ou un des principes

28 évoque cette question-là, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, parmi les dix principes du Groupe de contact se trouve précisément

2 ce principe-là.

3 Q. Etant donné que la réunion de Rambouillet était organisée en tenant

4 compte de ces dix principes, un des principes était justement la façon de

5 garantir la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie. Est-ce

6 que vous avez une explication à nous fournir sur cette question-là ?

7 Pourquoi les représentants des principaux partis politiques albanais sont

8 venus à Rambouillet, alors qu'en réalité, ils ne souhaitaient pas accepter

9 ce principe-là ?

10 R. Bien, je pense qu'ils sont venus à Rambouillet parce qu'ils ne

11 pouvaient pas refuser l'invitation faite par les représentants de la

12 communauté internationale, le Groupe de contact, c'est la première chose.

13 Ensuite, je crois qu'ils sont venus parce que cet accord qui était censé

14 être conclu à Rambouillet était de toute façon un accord provisoire sur un

15 gouvernement autonome du Kosovo-Metohija. Ils pensaient avoir une marge de

16 manœuvre pour peut-être remettre en cause ce principe ou en tout cas

17 l'inclure dans l'accord provisoire, ce qui lui donnerait moins de poids, ce

18 qui leur donnerait du temps pour pouvoir réaliser ce qu'ils souhaitaient

19 faire depuis longtemps. C'est pourquoi les citoyens du Kosovo-Metohija ont

20 décidé du sort du Kosovo-Metohija par l'intermédiaire d'un référendum.

21 Q. Compte tenu de la composition ethnique de la province, si ce référendum

22 n'avait lieu qu'au Kosovo-Metohija, les résultats auraient été connus

23 d'avance ?

24 R. Oui, bien sûr. Les Albanais constituent une minorité ethnique dans la

25 République de Serbie, mais au Kosovo-Metohija, qui fait partie de la

26 République de Serbie, cette communauté est majoritaire. Chaque fois qu'ils

27 insistaient là-dessus, ils comptaient là-dessus, et chaque fois qu'ils

28 souhaitaient que le Kosovo-Metohija soit -- le sort soit scellé par un

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1 scrutin, c'est toujours ainsi qu'ils l'ont formulé. Le peuple du Kosovo-

2 Metohija est une idée qui n'existe pas. Il y a des Albanais, il y a des

3 Egyptiens, des Turcs, des Roms, des Goranis, mais il n'existe pas un

4 peuple, à proprement parler, du Kosovo-Metohija.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Professeur, lorsque vous

6 avez parlé des principes non négociables, à savoir lorsque vous avez parlé

7 du refus d'assister des représentants des principaux partis politiques

8 albanais et lorsque ces derniers ont refusé de signer ces principes, est-ce

9 qu'il y a eu un processus formel qui a été mis en place ? Est-ce que les

10 représentants du gouvernement de Serbie ont signé ces principes ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que nous n'avons pas parlé

12 directement à la délégation albanaise, la délégation qui est venue du

13 Kosovo était une délégation monoethnique, purement albanaise. Nous n'avons

14 pas pu leur parler directement. Donc, nous avons communiqué avec eux par

15 intermédiaire d'un groupe de médiateurs composé de trois personnes. C'est

16 ainsi que nous communiquions avec eux. Nous ne voulions communiquer avec

17 eux que si ces principes non négociables faisaient partie de l'accord. Nous

18 avons dit à ce groupe de médiateurs que les dix principes devaient être

19 signés à la fois par nous et par la délégation albanaise. Notre délégation

20 a signé ces dix principes et la délégation albanaise a refusé de le faire.

21 Je crois vous retrouverez ceci dans le document. Vous retrouvez le texte

22 qui a servi de document de travail, vous constaterez que nous avons signé

23 ces dix principes et que la délégation ne l'a pas signé. Ils ont

24 expressément refusé de signer.

25 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

26 M. ZECEVIC : [interprétation] Je souhaitait avancer dans un ordre

27 chronologique. Nous allons y venir dans quelques instants.

28 Q. Monsieur le Professeur, sur la base de ces principes établis par le

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1 Groupe de contact, à savoir la communauté internationale, une conférence a

2 été organisée à Rambouillet et notre délégation, notre gouvernement, a reçu

3 une invitation pour participer à la réunion à Rambouillet précisément sur

4 la base de ces dix principe, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, c'est exact. C'est l'assemblée nationale qui a décidé que la

6 délégation devrait assister à cette réunion.

7 Q. Veuillez regarder l'intercalaire numéro 50, 1D443. Monsieur le Témoin,

8 veuillez, je vous prie, interpréter pour nous ce document en le commentant.

9 R. D'abord, dans ce document figure la décision de l'assemblée nationale

10 relative à la participation de la délégation de la République de Serbie aux

11 négociations portant sur le Kosovo-Metohija.

12 Q. Où peut-on trouver ceci dans le document ?

13 R. Dans la dernière partie du document, au point 6. Il est indiqué ici que

14 : "suite à l'invitation envoyée par le Groupe de contact de participer à

15 des négociations au Kosovo-Metohija le 6 février, une invitation a été

16 envoyée à la Serbie, et l'assemblée nationale a décidé de l'accepter, car

17 cela correspondait à la volonté du peuple et de tous les partis politiques

18 d'essayer de trouver la paix et de défendre le Kosovo-Metohija dans toutes

19 les instances ou les forums où serait discuté l'avenir du Kosovo-Metohija

20 partout dans le monde. En acceptant ces négociations, nous faisons un pas

21 supplémentaire sur la voie de la résolution des problèmes de manière

22 pacifique. L'assemblée nationale a autorisé le gouvernement à désigner une

23 délégation qui participera aux pourparlers."

24 Au point 5, ou au chapitre 5.2, l'assemblée nationale de Serbie formule les

25 principes sur la base desquels la crise du Kosovo-Metohija peut trouver une

26 véritable solution permanente dans l'intérêt de tous. On trouve ces

27 principes énumérés au point 2 du grand paragraphe 5. Il s'agissait de

28 points de référence obligatoires que le gouvernement devait appliquer au

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1 moment de désigner les membres de la délégation à Rambouillet. Si vous

2 disposez de la traduction en anglais, je ne vais pas passer en revue tous

3 ces points, mais le point le plus important, c'était le dernier, qui a fait

4 l'objet de beaucoup de discussions, à savoir, je cite : "Nous n'acceptons

5 la présence de soldats étrangers sur notre territoire sous aucun prétexte

6 dans le cadre de l'application de l'accord conclu."

7 Q. Professeur --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, est-ce qu'il s'agit

9 d'une réponse aux principes que vous évoquez, ou est-ce qu'il y a un

10 document auquel on peut voir la mention suivante --

11 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- parce que ces principes sont

13 différents.

14 M. ZECEVIC : [interprétation] Ces principes sont ceux qui ont été adoptés

15 par l'assemblée nationale de Serbie. A l'arrivée de la délégation à

16 Rambouillet, nous avons signé un document où figuraient ces dix principes

17 et nous disposons de ce document.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de dix principes, mais il

19 y en a beaucoup plus que cela sur cette liste que l'on trouve dans le

20 document figurant à l'intercalaire 49. Il y a dix principes de portée

21 générale et ensuite il y en a d'autres.

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Ces points d'ordre général ont été adoptés

23 par la délégation de la Serbie, ces éléments généraux, dans le cadre de la

24 résolution de la situation du Kosovo à Rambouillet.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 M. ZECEVIC : [interprétation]

27 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez donné lecture du dernier principe

28 adopté par l'assemblée nationale dans la section 5 du document, le dernier

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1 point de ce passage. Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle

2 l'assemblée nationale a adopté cette position, si vous le savez ?

3 R. Il est tout à fait compréhensible que l'assemblée nationale ait pris

4 une telle position. On peut facilement l'expliquer. Si nous arrivions à un

5 accord, nous n'avions pas besoin de soldats étrangers pour appliquer cet

6 accord. Parce que s'il y avait sur place des soldats étrangers, cela

7 signifiait que l'accord était contre la volonté de l'un des participants.

8 Un accord reflète une conjonction des désirs des participants à cet accord,

9 et si les partis se mettent d'accord sur quelque chose, pourquoi faire

10 appel à des armées étrangères sur le territoire pour appliquer cet accord ?

11 Ça, c'est une chose.

12 Deuxièmement, il y a, bien entendu, le principe de l'intégrité

13 territoriale, parce qu'on reconnaît que la souveraineté est un des

14 principes fondamentaux à respecter. Il est incompatible avec la présence de

15 troupes étrangères sur le territoire.

16 Q. Merci.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai bien compris le deuxième volet de

18 votre explication, mais s'agissant du premier volet, est-ce que ce qui se

19 passait sur notre planète depuis les 15 dernières années n'a pas modifié

20 cette opinion ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement à ce à quoi vous

22 faites référence, mais si les parties à un accord sont sérieuses quand

23 elles procèdent à la négociation, si elles acceptent les termes de l'accord

24 signé, pourquoi avoir besoin de troupes, de soldats étrangers pour mettre

25 en œuvre un accord qui a été accepté volontairement par les parties à

26 l'accord ? Pourquoi avoir besoin de soldats étrangers ? Des soldats

27 étrangers peuvent être nécessaires pour mettre en œuvre un accord qui n'a

28 pas l'aval d'une des parties. A ce moment-là, la force est nécessaire pour

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1 mettre en œuvre cet accord. Mais dans ce cas-là, on ne peut pas vraiment

2 parler d'accord.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Poursuivez, Maître Zecevic.

4 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

5 Q. Monsieur le Témoin, les conclusions rendues par l'assemblée nationale

6 constituent le mandat auquel vous avez fait référence, c'est-à-dire,

7 l'autorité qui a été donnée par l'assemblée nationale à la délégation dans

8 le cadre des négociations à Rambouillet, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Oui, c'est exact. L'assemblée nationale a décidé qu'il convenait

10 que la Serbie fut représentée à Rambouillet. Ils n'ont pas donné carte

11 blanche à la négociation aux négociateurs. Ceux-ci ne pouvaient pas faire

12 ce qu'ils souhaitaient. L'assemblée nationale a précisé un certain nombre

13 de principes que devait respecter la délégation nationale. Elle ne pourrait

14 pas enfreindre ces principes. Ces principes avaient déjà été appliqués par

15 la communauté internationale lorsqu'elle avait appelé au dialogue politique

16 à la mise en place de mécanismes pacifiques pour résoudre la situation,

17 plutôt que la confrontation armée. Un autre principe, c'était l'égalité de

18 tous les groupes ethniques, le respect de l'intégrité territoriale, la

19 souveraineté territoriale, l'impossibilité pour un groupe de passer outre

20 la volonté de l'autre par la voie des urnes.

21 Ces principes portaient également sur une solution respectant notre

22 constitution et tous les traités relatifs aux droits de l'homme dans le

23 monde. Il s'agissait également d'un appel à l'autonomie du Kosovo-Metohija

24 au niveau international, mais dans le cadre de la République fédérale de

25 Yougoslavie et de la Serbie. Selon un autre principe, ils refusaient la

26 présence de soldats étrangers sur le territoire de la Yougoslavie, et

27 refusaient toute tentative de mener une sécession du Kosovo-Metohija par

28 rapport à la Serbie. A l'exception de ce dernier point, tous les autres

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1 principes ont été repris par la communauté internationale dans le cadre des

2 efforts pour résoudre la situation au Kosovo-Metohija. A l'exception de ce

3 dernier principe, ce sont exactement les mêmes formulations qui ont été

4 reprises par la communauté internationale.

5 Q. Merci. Nous avons pu constater que c'est selon ces principes que

6 l'assemblée nationale a autorisé le gouvernement à désigner une délégation.

7 Veuillez, je vous prie, consulter l'intercalaire 51, pièce P09167.

8 Il s'agit d'une décision publiée au journal officiel du 5 février 1999,

9 portant sur la désignation de la délégation appelée à participer aux

10 négociations de Rambouillet.

11 R. Oui. Il s'agit du journal officiel. C'est le nom de cette publication.

12 Q. Oui. On voit ici que vous avez été nommé à la tête de cette délégation.

13 Cela figure au point 1.

14 R. Oui. Conformément aux conclusions de l'assemblée nationale, comme nous

15 venons d'examiner, le gouvernement a publié une décision portant nomination

16 de la délégation à envoyer en France. J'étais nommé à la tête de cette

17 délégation. En sus du président, cette délégation compte également 12

18 membres. J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agissait d'une

19 délégation multinationale. Plusieurs communautés étaient représentées. Il y

20 avait là des représentants de toutes les communautés ethniques du Kosovo-

21 Metohija, qui constituaient la majorité absolue. Sur les 13 membres de la

22 délégation, il n'y avait que quatre Serbes. De plus, il y avait également

23 des représentants des organes fédéraux; M. Vladan Kutlesic, le vice-premier

24 ministre fédéral; il y avait également M. Sainovic, qui était aussi vice-

25 premier ministre au niveau fédéral.

26 Q. Merci.

27 R. Donc, il s'agit de la délégation représentant l'Etat. Il ne s'agit pas

28 uniquement d'une délégation représentant la Serbie. Il s'agit d'une

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1 délégation représentant la République fédérale de Yougoslavie ainsi que la

2 Serbie.

3 Q. Quand la délégation est-elle partie pour la France ?

4 R. Le 5 février 1999.

5 Q. Quand êtes-vous arrivé à Rambouillet ?

6 R. Le lendemain, le 6 février 1999.

7 Q. Est-ce qu'à ce jour-là les négociations ont débuté à Rambouillet ?

8 R. Oui, ce soir-là on a assisté à l'ouverture officielle des pourparlers.

9 C'est le président de l'époque, le président français de l'époque, M.

10 Chirac, qui a prononcé l'ouverture de ces négociations, et le co-président

11 de la Conférence de Rambouillet était également présent. Il y avait

12 également Robin Cook et Vedrine.

13 Q. Quand avez-vous reçu le premier projet d'accord à Rambouillet ?

14 R. Nous avons reçu le premier texte le lendemain de notre arrivée à

15 Rambouillet, le matin, le 7 février. Il y avait Boris Mayorski et Wolfgang

16 Petritsch qui ont été impliqués. Boris Mayorski et Petritsch, ils nous ont

17 fourni un accord-cadre, la première partie de l'accord, ainsi qu'une

18 annexe, l'annexe 1, où figurait la constitution du Kosovo. Il y avait

19 également l'annexe 3, qui portait sur les nominations à des postes,

20 différents postes à la tête du Kosovo. Il y avait également l'annexe 6 qui

21 évoquait la position du médiateur. Nous avons reçu cela le 7 février à

22 Rambouillet, et ceci nous a été remis par les trois négociateurs.

23 Q. Vous nous avez expliqué que le projet de constitution du Kosovo, vous

24 dites que c'était l'annexe 1. Vous l'avez reçue à Rambouillet. Vous nous

25 avez expliqué que c'était en réalité la version d'un document que vous

26 aviez examinée avec Hill et O'Brien en 1998, n'est-ce pas ?

27 R. Oui. Personne ne nous a donné d'instructions spécifiques à ce sujet,

28 mais j'ai participé à ces négociations et je l'ai reconnue tout de suite.

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1 C'est mon métier et tout ce qui a trait à la constitution, texte

2 constitutionnel, donc j'ai reconnu certaines des dispositions comme

3 ressortant des très nombreux textes élaborés par M. O'Brien et M. Hill.

4 J'ai reconnu beaucoup d'extraits de ces textes dans l'annexe 1, intitulée :

5 Constitution du Kosovo.

6 Q. J'aimerais maintenant que nous examinions le texte figurant à

7 l'intercalaire 53, pièce 1D122. Il s'agit d'une lettre que vous avez vous-

8 même écrite et qui portait la date du 9 février 1999. Elle porte sur ces

9 principes fondamentaux. La Chambre vous a posé un certain nombre de

10 questions à ce sujet il y a quelques temps. Pouvez-vous nous faire part de

11 vos observations au sujet de ce document.

12 R. Dès que nous avons reçu cette partie-là de l'accord, notre délégation a

13 entamé une étude très approfondie de ces textes. Nous avons immédiatement

14 pu constater que certains des principes du Groupe de contact n'étaient pas

15 respectés dans ces documents. Certains des principes édictés par le Groupe

16 de contact qui avaient été qualifiés de non négociables, c'étaient des

17 données qui ne pouvaient pas être modifiées. C'est la raison pour laquelle

18 nous avons décidé de préciser la chose.

19 Q. Est-ce que l'autre partie aux négociations acceptait ces principes

20 comme étant non négociables ?

21 R. Il fallait le déterminer. C'était la seule manière de procéder. S'ils

22 refusaient d'accepter ces principes, les principes adoptés par la

23 communauté internationale, à ce moment-là les négociations de Rambouillet

24 n'avaient pas lieu d'être. C'est pour cette raison que nous avons demandé

25 aux délégations de signer ces principes afin que nous puissions continuer à

26 déployer nos efforts pour trouver un accord.

27 Q. La proposition que vous faites, on la trouve à la page 2 du document :

28 "Eléments généraux." "Principes fondamentaux," n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, il s'agit des principes qui ont été édictés par le Groupe de

2 contact. Ils sont au nombre de dix en tout. Ils sont énumérés ici dans

3 l'ordre où ils ont été formulés dans le premier document établi par le

4 Groupe de contact. A gauche, vous voyez la liste des membres de la

5 délégation des Albanais du Kosovo, où on ne trouvait que des Albanais. A

6 droite, vous avez le nom de tous les membres de la délégation du

7 gouvernement de la République de Serbie. Comme vous pouvez le constater,

8 contrairement à la délégation précédente, vous avez là des représentants de

9 toutes les communautés ethniques.

10 Q. Monsieur le Témoin, veuillez, je vous prie, consulter la pièce 1D123,

11 qui se trouve à l'intercalaire 54. Il s'agit d'une autre lettre que vous

12 avez rédigée ce même jour et dans laquelle vous demandez une réunion

13 permettant la signature du document comportant les principes fondamentaux.

14 R. S'agissant de ces principes, on voit dans cette lettre que nous avons

15 demandé une réunion en tête-à-tête avec la délégation albanaise sans

16 médiateur. Nous voulions traiter de cette question, nous voulions voir si

17 la délégation acceptait ces principes dès le départ. J'ai écrit une lettre

18 aux trois négociateurs en chef, et cela s'inscrivait dans le cadre de ces

19 efforts que nous avons déployés.

20 Q. Est-ce que cette réunion a eu lieu ?

21 R. Non. Non, elle n'a jamais eu lieu. Les trois négociateurs en chef nous

22 ont fait savoir que les Albanais refusaient une telle réunion. L'accord

23 était envisagé comme une série de négociations, comme une réunion entre

24 deux délégations.

25 Q. Quand vous parlez de l'accord, là vous parlez des négociations ?

26 R. Oui. C'est ainsi qu'on avait prévu que devait se dérouler la réunion de

27 Rambouillet. C'étaient des pourparlers. Il fallait bien se parler. Mais non

28 seulement il n'y a pas eu de tels pourparlers au début, mais il n'y en a

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1 jamais eu non plus tout le temps que nous sommes restés sur place. Les deux

2 parties en présence parlaient, certes, mais avec les négociateurs en chef.

3 Ils ne sont jamais rencontrés, ces deux parties. Elles n'ont jamais parlé

4 l'une avec l'autre.

5 Q. Monsieur le Témoin, étant donné que la délégation albanaise a refusé de

6 signer le document sur lequel figure les principes fondamentaux, principes

7 édictés par le Groupe de contact, vous avez expliqué, il y a quelques

8 instants, aux Juges de la Chambre que notre délégation avait signé ces

9 principes. A quel moment ?

10 R. Notre délégation a ratifié tous les principes. Nous l'avons fait le 11

11 février 1999 à Rambouillet. Nous avons ratifié la totalité des dix

12 principes édictés par le Groupe de contact.

13 Q. Veuillez, s'il vous plaît, examiner la pièce 1D124, qui se trouve à

14 l'intercalaire 55. 1D124.

15 [Le conseil de la Défense se concerte]

16 M. ZECEVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur le Témoin, sur la version en serbe du document, on voit les

18 signatures de tous les membres de la délégation, n'est-ce pas ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Professeur, il s'agit ici d'une déclaration de la délégation aux termes

21 de laquelle elle accepte les dix principes sur la base desquels le Groupe

22 de contact avait organisé la Conférence de Rambouillet; est-ce que j'ai

23 bien compris ?

24 R. Oui. Il y a cependant une chose que je souhaiterais préciser. Tout ceci

25 s'est fait à l'initiative de M. Robin Cook, le co-président de la réunion,

26 qui était ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni.

27 Q. Est-ce que ceci apporte une réponse à la question qui a été posée

28 précédemment, Monsieur le Président ?

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, merci.

2 M. ZECEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur le Témoin, est-ce qu'après cela, vous avez continué à demander

4 à rencontrer l'autre partie aux négociations, puisque vous dites que vous

5 étiez venus là pour participer à des pourparlers ?

6 R. Oui, nous n'avons cessé de le faire. Nous avons continué à le faire au

7 fil de notre séjour à Rambouillet, puis à Paris. En tant que chef de notre

8 délégation, j'ai continué à faire pression auprès du chef des négociations,

9 des trois chefs négociateurs en chef. Je leur ai demandé que cette réunion

10 ait lieu. Bien entendu, ils seraient toujours présents ces trois

11 négociateurs en chef, mais je voulais que les deux délégations se

12 rencontrent.

13 Q. J'aimerais maintenant que vous examiniez la pièce 1D094, intercalaire

14 56, votre lettre en date du 12 février 1999. Dans l'intervalle, comme on

15 peut le voir dans cette lettre, le président Milutinovic était arrivé à

16 Rambouillet, n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact. Il était arrivé dans l'intervalle, et dans cette lettre je

18 souligne le fait que lui aussi est prêt à participer à cette réunion, si

19 toutes les parties en présence donnent leur accord, bien entendu. Parce que

20 formellement, il n'était pas membre de la délégation, même s'il était le

21 président de l'Etat.

22 Q. Le président Milutinovic est-il venu à ces réunions dans le même but

23 que lorsqu'il allait à Pristina, c'est-à-dire dans le but de montrer quelle

24 était l'importance accordée par la Serbie à ces pourparlers ?

25 R. Oui, c'est à cette fin qu'il y est allé. Il est allé pour exprimer les

26 qualités que lui conférait la constitution en tant que président. Car étant

27 président de la Serbie, il était tenu d'illustrer l'unité de l'Etat. Mais,

28 il a toujours participé avec la plus grande sincérité à ces efforts

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1 déployés pour tenter de discuter directement avec la délégation des

2 Albanais du Kosovo.

3 Q. Professeur, lorsque la délégation de Yougoslavie a signé ces dix

4 principes, ces dix éléments généraux présentés par le Groupe de contact le

5 11 février, je crois avoir compris que vous laissiez entendre que ce geste

6 avait été encouragé par le co-président Robin Cook; est-ce que je vous ai

7 bien compris ?

8 R. Oui, ceci ressort également du document. On lit dans ce document qu' :

9 "une délégation nommée par le gouvernement de Serbie a été envoyée aux

10 réunions de Rambouillet à l'initiative du co-président Robin Cook, le

11 ministre des Affaires étrangères britanniques, et que cette délégation

12 souhaitait faire la déclaration qui suit."

13 Q. Professeur, tout en apportant ces encouragements aux parties en

14 présence, est-ce que le co-président, Robin Cook, a précisé que lui-même

15 ainsi que le Groupe de contact défendaient les mêmes principes que ceux qui

16 étaient défendus aux pourparlers de Rambouillet ?

17 R. Oui, ils étaient membres du Groupe de contact initial d'ailleurs, et

18 les pourparlers de Rambouillet ont été organisés autour de ces principes.

19 Il était donc naturel qu'ils partagent les opinions de l'organisme dont ils

20 faisaient partie.

21 Q. Je vous remercie. Professeur, à la lecture de ces documents que vous

22 avez reçus des trois négociateurs principaux, je veux parler des

23 représentants du Groupe de contact le 7 février, et je parle des annexes 1,

24 3 et 6, si je ne m'abuse --

25 R. Oui.

26 Q. -- avez-vous demandé que vous soient remises les autres annexes de ce

27 document de Rambouillet également ?

28 R. Nous avons demandé que le texte intégral de l'accord nous soit remis,

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1 et nous l'avons demandé immédiatement, le 7 février dans l'après-midi. En

2 fait, nous avons eu deux catégories d'observations à faire eu égard aux

3 parties de l'accord qui nous ont été soumises. La première catégorie

4 d'objections que nous avions portait sur les éléments généraux du Groupe de

5 contact, puisque notre conclusion a été que ces principes n'étaient pas

6 entièrement respectés dans les parties de l'accord que nous avons reçues le

7 7 février dans la matinée.

8 Notre deuxième catégorie d'objections a été de dire que si nous devions

9 apprécier les libellés de l'accord, il fallait au préalable que nous

10 puissions disposer de l'intégralité du texte afin de pouvoir estimer

11 l'intégralité de la teneur de cet accord et de bien voir quelles étaient

12 toutes les questions dont traitait cet accord. C'est seulement dans de

13 telles conditions que nous eussions été en mesure d'apprécier la qualité de

14 cet accord. J'ai fait savoir aux trois négociateurs principaux quelles

15 étaient nos positions durant la réunion. Il y a eu ensuite envoi de lettres

16 formelles de notre part que j'ai signé en tant que chef de la délégation.

17 Dans ces lettres, nous demandions à pouvoir disposer de l'intégralité du

18 texte de l'accord, de façon à être en mesure de faire connaître notre

19 position sur cet accord dans son intégralité.

20 Q. Je vous demanderais de vous rendre à l'intercalaire 58, pièce 1D096. Ce

21 document, est-il l'une des lettres envoyées par vous dans laquelle vous

22 demandez à obtenir l'intégralité du texte de l'accord ?

23 R. C'est tout à fait cela. C'est une lettre que j'ai envoyée, qui porte ma

24 signature en tant que chef de la délégation, et dans cette lettre je

25 demande, en toute amabilité, aux négociateurs d'avoir l'obligeance de me

26 remettre, dans les plus brefs délais, tous les documents pertinents qui

27 seront utilisés dans le cadre des pourparlers de Rambouillet. Je le demande

28 en ma qualité de chef de la délégation envoyée par le gouvernement de la

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1 République de Serbie.

2 Q. La date de ce document est bien le 12, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. J'ai envoyé cette lettre le 12 février, mais je pense qu'il n'y a

4 pas eu qu'une seule lettre. Il y en a eu une autre. Si vous suivez la

5 chronologie de l'envoi de documents, je suis sûr que vous trouverez cette

6 autre lettre dont je parle.

7 Q. Professeur, au départ, les pourparlers de Rambouillet étaient censés

8 durer combien de temps ?

9 R. Au départ, le Groupe de contact avait envisagé des pourparlers d'une

10 semaine, c'est-à-dire, des pourparlers devant durer jusqu'au 13 février.

11 Q. Mais cette date a été repoussée, si je ne m'abuse ?

12 R. Oui, le délai a été étendu, mais pas à la demande d'une délégation.

13 Ceci a été fait pour une simple raison, à savoir que le 13 février, nous

14 n'avions encore que des fragments de l'accord à notre disposition.

15 J'ajouterais que, sur le plan quantitatif, les parties de l'accord dont

16 nous disposions représentaient moins de la moitié, je dirais sans doute un

17 tiers. Donc, pour des raisons qui ont été du fait des organisateurs des

18 pourparlers, la durée de ces pourparlers a été étendue pour durer non plus

19 jusqu'au 13, mais jusqu'au 20 février. Ensuite, encore une fois pour des

20 motifs incombant aux organisateurs, il y a eu un nouveau report de la fin

21 prévue pour ces pourparlers, et les pourparlers de Rambouillet se sont

22 terminés le 23 février 1999, puisque nous ne disposions que de fragments

23 peu nombreux de l'accord.

24 Q. Quand vous dites que le 13 février vous ne disposiez que d'un tiers du

25 texte de l'accord, cela signifie-t-il qu'à ce moment-là vous n'aviez pas la

26 moindre idée de ce que contenait l'accord intégral, ou est-ce que vous

27 aviez tout de même une petite idée ? Vous ne saviez pas du tout quelle

28 était la teneur du projet d'accord à ce moment-là ?

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1 R. Non, nous n'avions pas la moindre idée de la teneur de l'accord. Nous

2 n'avions pas la moindre idée du cadre général que prévoyait ce projet

3 d'accord. Nous étions en possession d'une partie de l'accord, mais nous ne

4 possédions pas les parties les plus importantes. Les 13 février y compris,

5 nous n'étions pas en possession de l'intégralité de l'accord. Enfin, je

6 considère, pour ma part, que la constitution est une partie fondamentale

7 d'un texte comme celui-là. Mais nous n'avions pas en notre possession les

8 points les plus importants, les points de rupture éventuelle. J'étais chef

9 de la délégation et je n'étais pas en possession du texte complet.

10 Q. Professeur, quand avez-vous finalement reçu les parties dont vous ne

11 disposiez pas encore ?

12 R. Les parties de l'accord dont j'ai dit que nous les avions reçues, nous

13 les avions reçues le 7 février dans la matinée. Ensuite, c'est le 13

14 février que nous avons reçu l'annexe 4 intitulée : "Questions économiques."

15 Nous avons reçu ce chapitre le jour où, selon le Groupe de contact, les

16 pourparlers étaient censés se terminer, selon les projets initiaux. Puis,

17 il y a eu report de la fin des pourparlers, et le 15 nous avons reçu

18 l'annexe A intitulée : "Questions humanitaires, reconstruction et

19 développement."

20 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi.

21 Monsieur le Professeur, dites-moi, je vous prie, en dehors de ces

22 invitations formelles et des réunions qui s'ensuivaient, aviez-vous

23 également des réunions informelles, durant les dîners, ou ce genre de

24 chose, des rencontres informelles qui auraient pu vous donner la

25 possibilité d'avoir au moins un contact informel avec vos interlocuteurs

26 dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler la deuxième voie de la

27 diplomatie, contacts qui auraient pu vous permettre de mieux vous

28 comprendre et d'être informés d'un certain nombre de choses ? Ou est-ce que

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1 vous étiez simplement conduits comme des moutons par un berger, le berger

2 étant les négociateurs ? Qu'est-ce qui s'est passé réellement ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons été conduits comme des

4 moutons, c'est tout à fait cela. Mais la fermeture n'était pas complète.

5 D'ailleurs, nous comprenions bien tout ce que cela voulait dire.

6 J'ajouterais même que les deux délégations étaient séparées, y compris

7 physiquement. Les lieux d'habitation se trouvaient à des étages différents

8 du château de Rambouillet, et même au moment des déjeuners et des dîners,

9 nous les prenions dans des pièces différentes. La seule possibilité de

10 rencontre concernait éventuellement le hall d'entrée, et même à cet endroit

11 des situations assez déplaisantes se sont produites. Par exemple, je sais

12 que certains collègues, comme le Pr Fehmi Agani, qui était professeur

13 d'université, tournait la tête de l'autre côté s'il nous rencontrait. Il se

14 sentait mal lui aussi, et il faisait cela pour éviter toute conversation

15 entre nous. Je n'ai eu personnellement aucun contact avec les membres de la

16 délégation albanaise, même si je connaissais certains de ses représentants

17 et que par le passé nous communiquions assez normalement.

18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

19 M. ZECEVIC : [interprétation]

20 Q. Professeur, j'aimerais que vous vous penchiez sur la pièce 1D589.

21 M. ZECEVIC : [interprétation] Dont je demande l'affichage sur les écrans.

22 Q. Il s'agit de la lettre que vous avez envoyée aux négociateurs le 16

23 février 1999, intercalaire 60.

24 R. Je considère cette lettre comme d'une importance exceptionnelle

25 compte tenu de la nature et du déroulement des pourparlers de Rambouillet.

26 L'opinion ne connaît pas les faits qui sont évoqués dans cette lettre.

27 Lorsque nous avons reçu les annexes 4(A) le 15 février, en tant que chef

28 des négociations j'ai posé clairement la question à la troïka qui dirigeait

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1 les négociations. J'ai demandé si nous étions désormais et finalement en

2 possession de l'intégralité du texte de l'accord, car nous étions arrivés

3 sur place le 6 février, et c'est le 15 février que j'ai posé cette

4 question. La troïka responsable des négociations m'a répondu clairement que

5 le texte qui était entre nos mains constituait l'intégralité de l'accord.

6 C'est à cela que je fais référence dans le premier paragraphe de cette

7 lettre dans laquelle j'indique, je cite :

8 "Puisqu'à la réunion d'hier vous nous avez fait savoir que finalement

9 nous avions reçu l'ensemble des annexes adoptées par le Groupe de contact,

10 notamment l'annexe 4(A), nous sommes en mesure de vous remettre le texte

11 unique de l'accord sur l'autogestion au Kosovo-Metohija. Vous trouverez

12 indiquer nos commentaires et nos positions, qui conforment à nos

13 conceptions."

14 Mais j'indique encore une fois que la veille, il m'avait été dit que

15 nous étions en possession de l'intégralité de l'accord. Convaincu de cela,

16 nous avons remis à la troïka responsable de négociations, le texte

17 présentant nos commentaires et nos observations par rapport au projet

18 d'accord que nous considérions comme un texte complet. Voilà, c'est la

19 lettre envoyée par moi qui au total compte quatre paragraphes.

20 Q. Professeur, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, parce que M.

21 Mayorski, Petritsch et Hill, à savoir les trois membres de la troïka

22 responsables des négociations, vous avaient remis certaines parties de

23 l'accord qui vous manquaient en vous disant que désormais vous étiez en

24 possession de l'intégralité du texte, la délégation à la tête de laquelle

25 vous étiez a élaboré ses propres propositions pour les incorporer dans le

26 texte. J'ai bien compris ce que vous avez dit ?

27 R. Vous avez bien compris.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas, je vous prie.

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1 Monsieur Zecevic, ceci est une répétition mot pour mot de ce que le Pr

2 vient de nous dire.

3 M. ZECEVIC : [interprétation] D'accord, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut absolument que nous avancions.

5 M. ZECEVIC : [interprétation]

6 Q. Professeur, vous rappelez-vous le projet de texte indiquant quelles

7 étaient les conclusions du Groupe de contact, texte établi le 20 février

8 1999 ?

9 R. Oui.

10 Q. Je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 62, pièce 1D674.

11 Est-ce que la présentation de ces conclusions, le délai, la durée des

12 pourparlers de Rambouillet a été prolongée encore une fois de trois jours

13 comme vous l'avez déjà dit ?

14 R. Oui. Ces conclusions prolongeaient la durée des pourparlers une

15 deuxième fois, et cette fois-ci de trois jours. Le Groupe de contact

16 déclarant que la conférence devait s'achever le 23 février à 15 heures.

17 Même au moment où le Groupe de contact a publié ces conclusions, il nous

18 manquait un certain nombre de parties de l'accord de Rambouillet. Plus de

19 la moitié du texte manquait encore. On constate au vu des numéros des

20 annexes que nous n'étions toujours pas en possession des annexes numéros 2,

21 5 et 7.

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous demande un instant, Monsieur le

23 Président.

24 [Le conseil de la Défense se concerte]

25 M. ZECEVIC : [interprétation]

26 Q. Professeur, pouvez-vous nous dire, si vous vous rappelez, ce qui s'est

27 passé le 22 février à Rambouillet ? Le 22 février, c'est-à-dire, la veille

28 ?

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1 R. Le 22 février -- pensez-vous à une lettre adressée par moi ? Je ne sais

2 pas à quoi vous pensez.

3 Q. Des tentatives ont-elles été faites le 22 février pour vous remettre de

4 nouveaux documents ?

5 R. Voyez-vous, ils se produisaient de très nombreux événements tous les

6 jours. Donc, quand j'ai entendu votre question formuler comme vous l'avez

7 formulé au départ, je ne savais pas très bien ce que vous aviez à l'esprit,

8 car il se passait toutes sortes de choses en une seule journée. Le 22

9 février à 19 heures, la troïka responsable des négociations nous a apporté

10 les annexes manquantes. Je veux parler des annexes 2, 5, 7 et 8. L'annexe 8

11 était un texte artificiellement élaboré à partir du cadre de l'accord, le

12 fameux "framework agreement," et on y trouvait un article particulier qui

13 était considéré en tant que tel comme une annexe à part entière et qui

14 portait sur les amendements apportés à l'accord. C'est la concession la

15 plus importante faite pour la délégation albanaise afin d'amener celle-ci à

16 signer le texte.

17 En tant que chef de délégation, après avoir consulté les autres membres de

18 la délégation, j'ai refusé d'accepter ces annexes des mains des trois

19 membres de la troïka en rappelant la déclaration faite publiquement par la

20 troïka le 15 février selon laquelle nous disposions de l'intégralité du

21 texte de l'accord. Finalement, le 22 février à 19 heures, nous avions

22 encore en notre possession moins de la moitié de l'accord. Les parties

23 manquantes, qui constituaient plus de la moitié du texte, nous ont été

24 remises la veille de la date limite prévue pour la fin de la conférence,

25 puisqu'on nous avait dit que la conférence devait s'achever le 23 février à

26 15 heures. A 19 heures le 22 février, il nous manquait encore plus de la

27 moitié de l'accord.

28 Q. Professeur, ceci est-il la raison principale pour laquelle vous

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1 avez refusé d'accepter les documents qu'on proposait de vous remettre ?

2 R. Ceci a été la raison principale de notre refus. Quant au contenu de ces

3 documents, bien entendu, nous ne connaissions pas, puisque nous n'avons pas

4 touché les documents qu'on nous proposait. Nous avons refusé de les

5 recevoir en raison du fait que les négociateurs n'avaient pas tenu parole.

6 Q. Professeur, ce document est à l'intercalaire 63, pièce 1D97, datant du

7 22 février. Dans cette lettre, vous dites que ces documents n'ont pas été

8 acceptés par le Groupe de contact. Pourriez-vous nous expliquer sur ce

9 point.

10 R. Oui, c'est également une raison pour laquelle nous n'avons pas accepté

11 les parties de l'accord qu'on nous proposait, et dont nous avons appris

12 l'existence de la bouche d'un des négociateurs, plus précisément de la

13 bouche de M. Boris Mayorski. Ces annexes, 2, 5 et 7, n'avaient pas été

14 adoptées par le Groupe de contact, contrairement à ce qui s'était passé

15 avec les annexes précédentes qui nous avaient été remises.

16 Q. Professeur, je demande d'attendre que le Président termine sa

17 conversation avec le greffier.

18 Vous pouvez poursuivre maintenant.

19 R. Les annexes 2, 5 et 7 n'avaient absolument pas été adoptées par le

20 Groupe de contact. D'ailleurs, les annexes 2 et 7 ne figuraient pas à

21 l'ordre du jour du Groupe de contact. Quant à l'annexe cinq, elle avait été

22 discutée, mais aucune décision définitive n'a été prise quant à son

23 adoption. Ceci a été la deuxième raison pour laquelle nous avons refusé

24 d'accepter les annexes 2, 5 et 7. Nous avons refusé de le faire en

25 déclarant que non seulement ces annexes 2, 5 et 7 n'avaient pas été

26 adoptées par le Groupe de contact, mais que certaines n'étaient même pas à

27 l'ordre du jour des débats. Or, le Groupe de contact était l'organisateur

28 de la conférence, et c'est le Groupe de contact qui avait décidé du libellé

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1 de l'accord soumis ensuite pour examen aux parties négociatrices.

2 Q. Professeur, comment avez-vous appris que ces documents n'avaient pas

3 été discutés par le Groupe de contact, ou qu'ils ne figuraient pas à

4 l'ordre du jour des débats ?

5 R. C'est M. Boris Mayorski, l'un des membres du Groupe de contact, qui

6 nous l'a dit clairement. Le lendemain, lorsque nous avons reçu le texte

7 définitif du projet d'accord, M. Mayorski, au niveau des signatures dans le

8 texte, a effectivement apposé sa signature indiquant qu'il était d'accord

9 avec le texte proposé plus haut, mais il a ajouté une mention après sa

10 signature dans laquelle il indiquait : hormis les annexes 2 et 7. Quant à

11 l'annexe 5, il nous a dit qu'elle avait été débattue par le Groupe de

12 contact, mais qu'aucune décision favorable à son adoption n'avait été prise

13 ou soumise au vote. Il a dit cela en présence de deux autres membres de la

14 troïka.

15 Q. Et ceci s'est passé le 22 février ?

16 R. Oui, le 22. Le 23 février, il a indiqué les mentions que je viens de

17 vous citer par écrit dans la lettre d'accompagnement du texte intégral de

18 l'accord de Rambouillet. Nous avons reçu ce texte intégral le dernier jour

19 des pourparlers, à 9 heures du matin, car comme le Groupe de contact

20 l'avait décidé, la Conférence était censée s'achever à 15 heures ce jour-

21 là.

22 Q. Professeur, j'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur

23 l'intercalaire 65, pièce 1D098. A la première page, vous lisez : 23

24 février, 9 heures et demie. Ceci est-il le document dont vous parliez il y

25 a un instant ?

26 R. Oui, oui, c'est ce document. D'ailleurs, tout à l'heure, j'ai dit 9

27 heures. En fait, il ne nous a été remis qu'à 9 heures et demie, comme vous

28 le voyez.

Page 13205

1 Q. Par la lecture du dernier paragraphe de ce document, une date limite

2 vous est donnée pour répondre à ce document.

3 R. Un délai de trois heures et demie nous est donné pour répondre,

4 puisqu'il y est indiqué que nous sommes tenus de répondre avant 13 heures.

5 Il nous reste donc trois heures et demie pour répondre à plus de la moitié

6 du texte de l'accord de Rambouillet que nous voyons pour la première fois.

7 Nous voyons dans ce document la signature de M. Boris Mayorski, et la

8 mention manuscrite de sa main qu'il ajoute après la signature, à savoir

9 hormis les annexes 2 et 7.

10 Q. Comment comprenez-vous le premier paragraphe de la lettre en question,

11 ainsi que le commentaire que Boris Mayorski ajoute après sa signature ? Car

12 il est indiqué dans cette lettre au premier paragraphe que ces documents

13 sont remis aux délégations au nom du Groupe de contact. Alors, comment

14 comprenez-vous ce premier paragraphe ?

15 R. Comment le comprendre autrement qu'en pensant qu'on abuse de

16 l'utilisation du nom Groupe de contact. Car ici on impute au Groupe de

17 contact un geste qui ne relève pas de ses compétences et des documents qui

18 n'ont rien à voir avec lui. Les annexes 2 et 5 n'ont pas été adoptées par

19 le Groupe de contact, alors que dans cette lettre il est indiqué que ces

20 documents qui nous étaient proposés l'étaient au nom du Groupe de contact.

21 Q. Dites-moi, Professeur --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous pouvons lire ce document par

23 nous-mêmes. Je vois très bien ce qui est écrit dans ce document. M.

24 Mayorski exprime des réserves, mais il signe tout de même ce document avant

25 de vous l'envoyer.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il l'a signé, mais il n'a pas signé les

27 chapitres 2 et 7. Et on nous a dit tout ou rien, soit l'ensemble de

28 l'accord, mais pas une partie de l'accord. Il y avait certaines parties de

Page 13206

1 l'accord sur lesquelles nous étions d'accord, surtout après les avoir

2 amendées tout ce qui concernait des questions politiques. Mais on nous a

3 dit qu'on ne pouvait pas signer certaines parties du document seulement. On

4 pouvait être d'accord avec l'ensemble du document ou pas du tout. Donc,

5 c'est ainsi que j'interprète la signature en tant que ma qualité d'expert

6 juridique.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci est un bon exemple d'une réponse

8 utile et d'une réponse inutile. La première réponse à la question qui vous

9 a été posée par M. Zecevic, c'était une question pleine de bon sens. Vous

10 nous avez parlé de votre impression de la façon dont les négociations

11 s'étaient déroulées. Mais la deuxième réponse que vous nous avez donnée est

12 beaucoup plus importante, lorsque vous parlez de la pression qui a été

13 exercée sur vous. Je crois que c'est effectivement ce que Me Zecevic

14 faisait entendre. Donc, essayez, s'il vous plaît, de faire en sorte que

15 nous puissions recueillir vos opinions personnelles, comprendre cela, et de

16 fournir un complément aux textes qui vous sont présentés. Merci. Savoir ce

17 qui s'est passé.

18 Maître Zecevic.

19 M. ZECEVIC : [interprétation]

20 Q. Le 22 février, M. Mayorski vous a dit que les documents annexes 2, 5 et

21 7, n'avaient pas été débattus ou un accord n'avait pas été conclu sur ces

22 derniers par le Groupe de contact. Peut-être que vous lui avez posé la

23 question ou peut-être qu'il vous a expliqué de lui-même ce que contenaient

24 ces trois annexes, les annexes qu'on était sur le point de vous soumettre

25 le 22 ?

26 R. Nous n'avons pas demandé d'explication à M. Mayorski, et du reste, il

27 ne nous a pas fourni une explication de lui-même non plus. Il nous a

28 simplement parlé du statut de ces chapitres.

Page 13207

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui a dit que c'était tout ou rien ?

2 M. ZECEVIC : [interprétation]

3 Q. Merci, Monsieur le Professeur.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que, tout en parcourant ces

5 documents, vous constaterez que plus tard, à Paris, c'est exactement ce qui

6 a été dit.

7 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

8 LE TÉMOIN : [interprétation] A savoir que l'accord --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez répondre à ma question. Vous

10 nous avez dit que trois heures et demie avant on vous a dit que c'était

11 tout ou rien. Qui vous a dit cela ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] A la fois M. Petritsch et M. Hill. Ils l'ont

13 dit très clairement, et ceci a été confirmé à plusieurs reprises, plus tard

14 à Paris, que l'accord ne pouvait être signé, on ne pouvait pas signer une

15 partie de l'accord.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le 23 février, est-ce que ceci a été

17 dit en présence de M. Mayorski ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était la position de la troïka chargée

19 des négociations. C'est ce qu'on nous a dit dès notre arrivée à

20 Rambouillet.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas cette réponse. Je

22 vous pose une question à propos de ce qui a été dit le 23 février. Est-ce

23 qu'on vous a dit, à ce moment-là -- ou plutôt, qui vous a dit, à ce moment-

24 là, que c'était tout ou rien ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ou rien, M. Petritsch et M. Hill disaient

26 cela sans cesse, et je crois que c'était la position adoptée par l'ensemble

27 du Groupe de contact également.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, cela n'était pas quelque chose

Page 13208

1 qui était propre à la journée du 23 février, cette affirmation comme quoi

2 c'était tout ou rien ? C'est un principe évoqué du début à la fin ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dès le début.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est vrai que ceci nous permet

5 d'envisager les choses différemment parce que nous avons la position

6 complète, voyez-vous. Poursuivez, s'il vous plaît.

7 M. ZECEVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur le Professeur, le 23 février à 9 heures et demie, vous avez

9 reçu les annexes 2, 3 et 7. Si vous comparez ces derniers documents qui

10 étaient déjà en votre possession à ce moment-là, documents que vous avez

11 reçus le 7, le 13 et le 15, pourriez-vous nous dire exactement ce que vous

12 avez reçu à 9 heures et demie ce matin-là ? Combien de documents il y

13 avait, compte tenu du fait qu'à l'époque vous aviez trois heures et demie

14 pour répondre ?

15 R. Vous avez ici tout le texte de l'accord de Rambouillet. Si vous le

16 parcourez, si vous regardez sa taille, il est facile d'en déduire que cela

17 représente plus la moitié du texte intégral. Il y a 81 pages au total, et

18 si vous y ajoutez les pages qui se trouvent aux annexes 2, 5 et 7, cela

19 correspond a plus de pages que celles contenues dans la première partie.

20 Q. Donc, vous aviez trois heures et demie pour parcourir ce document et

21 pour donner votre position, c'est exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Monsieur le Professeur, à la fin de la Conférence de Rambouillet le 21

24 février, vous avez envoyé plusieurs lettres; c'est exact ?

25 R. Oui. Le 23 février.

26 Q. Veuillez vous reporter à l'intercalaire numéro 66, 1D582. Pourriez-vous

27 commenter ceci, s'il vous plaît. Ceci, ne semble-t-il pas indiquer que pour

28 vous Rambouillet était l'expression d'un effort réel, ou est-ce que je me

Page 13209

1 trompe, de quelque chose de positif ?

2 R. C'est vrai que Rambouillet représentait un certain progrès, progrès

3 dans le sens d'une solution politique. Ceci est une référence à l'annexe 1,

4 3 et peut-être 6, bien qu'il s'agisse ici de la position d'un médiateur qui

5 est neutre. Des progrès avaient certainement été faits. A la date du 20

6 février, entre le 19 février - parce que nous avions commencé le 19 - les

7 pourparlers avec l'équipe de négociateurs et leurs experts, vers 19 heures,

8 nous sommes restés dans une pièce jusqu'à 5 heures du matin le 20, nous

9 avons travaillé sur les aspects politiques. C'était la seule façon de

10 procéder. Nous avons travaillé pendant de longues heures pour essayer de

11 parvenir à un accord et essayer de trouver le libellé approprié du texte.

12 Ceci a été long, et c'est le temps que cela nous a pris pour rédiger une

13 seule annexe. Je crois qu'il faut garder ceci à l'esprit.

14 Ensuite, il y avait la délégation albanaise du Kosovo qui devait être

15 d'accord avec cela. Les négociateurs devaient passer du temps avec eux et

16 leur proposer le texte pour recueillir leur accord. Effectivement, des

17 progrès ont été réalisés, en particulier au plan politique, sur la question

18 de l'autonomie du Kosovo-Metohija. Mais c'est ce que nous avons dit depuis

19 le début. La seule solution était d'engager un dialogue politique.

20 Mais en utilisant cette méthode, et non pas imposer des solutions à

21 d'autres, mais plutôt par le biais de négociations, et de faire en sorte

22 que les parties en présence soient d'accord avec certaines solutions et

23 faire sorte que les parties puissent négocier directement si possible. Nous

24 avons même été d'accord pour poursuivre les pourparlers. Nous avons indiqué

25 que nous étions d'accord pour que la Yougoslavie examine la possibilité

26 d'avoir une présence internationale au Kosovo-Metohija pour mettre en

27 oeuvre l'accord qui avait été signé à Rambouillet.

28 Nous avons dit que nous ne souhaitions pas que les soldats

Page 13210

1 internationaux soient présents, mais ceci ne voulait pas dire que des

2 civils, représentant la communauté internationale, ne pouvaient pas être

3 présents. C'est quelque chose que n'avons pas pu négocier parce qu'on nous

4 avait demandé de ne pas le faire. On nous avait indiqué que la présence de

5 soldats étrangers était hors de question. Elle ne devait pas faire partie

6 de l'accord.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie bien.

8 C'est l'heure de faire une pause encore une fois, Monsieur le

9 Professeur. M. l'Huissier va vous raccompagner comme d'habitude. Nous

10 reprendrons à 11 heures 15.

11 [Le témoin quitte la barre]

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.

13 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.

14 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y avait une

15 question à propos de l'intercalaire numéro 42, 1D91. Si je puis vous parler

16 de cela pendant que le témoin s'assoit.

17 [Le témoin vient à la barre]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit du document original, n'est-

19 ce pas ?

20 M. ZECEVIC : [interprétation] Précisément. Le document original, nous n'en

21 disposons pas, l'accord signé, en d'autres termes. Mais la déclaration à

22 l'appui du document a déjà été versée au dossier et porte le numéro 1D18,

23 c'est la page 372, c'est le livre du Pr Weller. Il a déjà été versé au

24 dossier le 1er mars de cette année. La déclaration qui soutient l'accord

25 conjoint.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment ceci permet-il de résoudre la

27 question de la signature ?

28 M. ZECEVIC : [interprétation] La déclaration à l'appui du texte est signée

Page 13211

1 et a été versée. D'après ce que j'ai compris de mon confrère du bureau du

2 Procureur, je crois que ce dernier a vu la page du Politika que nous ne

3 souhaitons pas verser au dossier, Monsieur le Président. Il s'agit de la

4 pièce 47, numéro 1D671. Vous le trouverez dans votre classeur. C'est la

5 raison pour laquelle certainement, M. Hannis nous a dit qu'il avait vu la

6 signature sur le document.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie d'avoir précisé cela.

8 Veuillez poursuivre -- pardonnez-moi.

9 M. HANNIS : [interprétation] 671 est déjà dans le classeur.

10 Cela ne me dérange pas si l'on présente ce document-là qui est l'article du

11 Politika sur lequel se trouvent les signatures parce que le témoin en a

12 parlé dans sa déposition.

13 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous acceptons le versement au dossier

15 de la pièce 1D671 pour permettre une meilleure interprétation de

16 l'intercalaire numéro 42. Vous pouvez maintenant poursuivre.

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

18 Q. Monsieur le Professeur --

19 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour les besoins du

20 compte rendu, l'intercalaire numéro 42 est la pièce qui a le numéro 1D91.

21 Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur le Professeur, êtes-vous au courant de la déclaration faite

23 par la déclaration albanaise le 23 février 1991 à Rambouillet ?

24 R. Oui. Je suis au courant de cela.

25 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelque chose à ce propos ? C'est à

26 l'intercalaire 70, pièce 1D018, 467. Ceci se trouve au point 34.

27 R. La délégation Kosmet albanaise a estimé que les derniers chapitres de

28 l'accord étaient les points essentiels, le chapitre 8 qui a été rédigé par

Page 13212

1 la suite. Parce que cette partie a été modifiée, cette partie de l'accord a

2 été retirée du premier accord-cadre ou "accord framework," et on en a fait

3 un texte à part. On indique que pendant la période de transition qui durera

4 trois ans au Kosovo, il faudra organiser un référendum pour que le peuple

5 kosovar décide de la destinée de sa province. Ce qui revient à dire que la

6 déclaration albanaise considère que cette partie de l'accord est la plus

7 importante pour eux. Cela veut dire que l'ensemble de l'accord qui comporte

8 la solution provisoire doit être considéré comme quelque chose de très

9 précieux puisque, après l'expiration de la période de transition, le peuple

10 kosovar pourra décider de la destinée du Kosovo-Metohija.

11 Q. Ce qui semble indiquer, je présume, que tel était l'objectif aux

12 pourparlers de Rambouillet de la délégation albanaise ?

13 R. Oui, parce que d'après nous, l'objectif, déjà, lorsque nous sommes

14 allés à Pristina, et la preuve en est que leur objectif a toujours été de

15 ne pas répondre aux invitations de notre délégation parce qu'il n'est pas

16 naturel de parler à une délégation d'Etat lorsqu'il s'agit de parler de la

17 création d'un autre Etat dans ce même Etat.

18 Q. Monsieur le Professeur, veuillez nous dire, s'il vous plaît, à quel

19 moment vous avez appris l'existence de quelques lettres bilatérales et

20 messages entre les Etats-Unis d'Amérique et la délégation Kosmet des

21 Albanais à Rambouillet ?

22 R. J'ai découvert cela après le retour à Belgrade seulement, et après

23 avoir lu de nombreux ouvrages qui avaient été écrits par un certain nombre

24 d'auteurs sur les négociations de Rambouillet qui se déroulaient à Paris.

25 C'est à ce moment-là que j'ai pu constater un certain nombre de choses, et

26 en tant que participant à ces négociations, je n'étais pas au courant à

27 l'époque, et entre autres, par exemple, je n'étais pas au courant de ces

28 négociations qui s'étaient déroulées entre la délégation Kosmet albanaise

Page 13213

1 et Mme Albright.

2 Q. Merci, Monsieur le Professeur. Veuillez nous dire ceci, est-ce que vous

3 pensez que ce qui est de l'étendue du mandat de la délégation d'après les

4 conclusions de l'assemblée nationale de Serbie, les plus hautes instances

5 serbes, à la décision prise le 4 février, est-ce que vous pensez que par

6 rapport à ces conclusions-là, votre mandat, ou plutôt, est-ce que votre

7 délégation a agi conformément au mandat qui vous avait été confié ?

8 R. Je crois que la réponse est oui. Mais lorsque nous sommes rentrés à

9 Belgrade, nous n'avons pas été critiqués du tout pour les positions prises

10 ou notre comportement pendant les négociations de Rambouillet; bien au

11 contraire. Les travaux de la délégation ont été approuvés, et par la suite

12 l'assemblée nationale a adopté des conclusions similaires. Autrement dit,

13 ils ont exprimé leur satisfaction par rapport aux travaux menés par la

14 délégation et ont clairement indiqué qu'ils avaient beaucoup apprécié le

15 travail fourni.

16 Q. Monsieur le Professeur, veuillez me dire ceci, s'il vous plaît : Est-ce

17 que la délégation était disposée à accepter l'accord politique de

18 Rambouillet ou une partie de l'accord de Rambouillet ?

19 R. La délégation était disposée à l'accepter, pour autant que quelques

20 corrections soient apportées au texte qui avait été proposé, et en présence

21 de l'ambassadeur Petritsch, nous avons inclus ces corrections dans la nuit

22 du 19 au 20 février 1999 à Rambouillet, c'est-à-dire que M. Petritsch était

23 le seul parmi tous les négociateurs à être présent. Il y avait M. Kutlesic

24 et moi-même de notre équipe de négociateurs, ainsi que deux experts qui

25 faisaient partie de l'autre délégation. C'était des experts en matière de

26 droit international. De l'autre côté, il y avait M. O'Brien et M. Etinski,

27 un de ses collaborateurs.

28 Q. Est-ce que vous entendez par là M. Jim O'Brien ?

Page 13214

1 R. Oui, tout à fait. M. Jim O'Brien.

2 Q. C'est la même personne qui, dans le courant de l'année 1998, est venue

3 vous rencontrer, accompagné de M. Hill, à Belgrade, et qui a fait plusieurs

4 propositions sous la forme d'un accord sur un gouvernement autonome au

5 Kosovo, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Veuillez me dire, Monsieur le Professeur, ceci : Est-ce qu'ils

8 pensaient à ce moment-là que vos propositions étaient acceptables ou est-ce

9 qu'ils ont apporté un quelconque commentaire ?

10 R. Nous sommes parvenus à un niveau haut d'accord. Nous sommes parvenus --

11 nous avons beaucoup progressé sur cette voie-là, et nous sommes arrivés

12 très proches d'un accord, je dois dire, avec les représentants de M. Hill.

13 Je suppose que M. O'Brien et M. Etinski étaient les représentants de M.

14 Hill, je ne sais pas, mais je ne connais pas leur statut. Mais je sais que

15 nous sommes parvenus à un accord qui devait être approuvé par la délégation

16 albanaise. Ils devaient également donner leur accord à propos de cela. Pour

17 ce qui est de la délégation, nous avions beaucoup progressé dans la

18 rédaction de cet accord au point où nous avons même pu, au point de

19 pouvoir, finaliser la partie politique de l'accord, mais rien de ceci

20 n'était définitif. Les Albanais devaient également marquer ce texte de leur

21 accord.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que voulez-vous dire de "la partie

23 politique de cet accord" ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] La partie politique de l'accord est le nom que

25 l'on utilise en général pour parler de Rambouillet. Ceci n'a jamais été dit

26 officiellement, mais cela est une partie bien précise de l'accord. C'était

27 un accord-cadre, et c'est ce que dit la constitution. Ceci est la partie

28 qui porte sur les élections, le mode de scrutin, en annexe 3, et la partie

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1 qui parle du médiateur. Donc, 4 ou 4(A), les annexes 4 et 4(A), portent sur

2 les questions économiques, et la partie 2, de la police. L'annexe 2, de la

3 police, 5 et 7 sont la mise en œuvre de ces mesures. Donc, c'est en langage

4 familier que l'on utilise ce terme. Lorsqu'on parle de l'accord-cadre, on

5 parle de la partie politique qui se trouve aux chapitres 1, 3 et 6.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 Monsieur Zecevic.

8 M. ZECEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur le Professeur, après la fin de la Conférence de Rambouillet,

10 vous êtes retourné avec votre délégation à Belgrade, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, le même jour, après la conférence de presse, la nuit même,

12 conférence de presse qui s'est tenue à l'ambassade de Yougoslavie à Paris,

13 conférence qui s'est tenue en présence du président de la République de

14 Serbie, M. Milutinovic. Nous sommes rentrés la nuit même à Belgrade dans la

15 nuit du 23 ou 24 février.

16 Q. Monsieur le Professeur, pendant cette conférence de presse, c'est le

17 document 71, 1D586, dans les documents que nous avons. Donc, c'est

18 l'intercalaire 71 à la pièce 1D586. C'est le document que j'évoque

19 maintenant, dont je veux parler maintenant. Au cours de cette conférence,

20 est-ce que la prise de position que vous avez présentée il y a quelques

21 instants a été répétée, à savoir que la délégation yougoslave était prête à

22 accepter l'accord politique de Rambouillet ?

23 R. Oui. On a répété. Je l'ai repris également dans ma lettre, celle que

24 j'ai signée en tant que chef de délégation à la fin de la Conférence de

25 Rambouillet le 23 février.

26 Q. Etant donné que cette conférence de presse a été dirigée par le

27 président Milutinovic, et qu'il a tenu ces propos, j'imagine qu'il était en

28 faveur également de cette position ?

Page 13216

1 R. Oui, manifestement. Je tiens compte de ce qui a été dit par le

2 Président de la Chambre. Je ne veux pas répéter tout ce qui figure déjà

3 dans ce document, mais on peut s'en convaincre en consultant le paragraphe

4 4 de la transcription des propos tenus lors de la conférence de presse.

5 Q. Merci. A votre retour à Belgrade --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vu ce qui vient d'être dit par le

7 témoin, j'essaie de comprendre ce qu'il en est des documents qui nous sont

8 présentés à l'intercalaire 71.

9 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On trouve ici la déclaration faite de

11 lors de la conférence de presse, et est-ce qu'il y a des questions ? Parce

12 que généralement nous ne disposons pas de la version serbe de ces

13 documents, et en bas de la page 5, soudain le texte n'est plus en serbe

14 mais en anglais.

15 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, le CLSS n'a pas souhaité traduire ce

16 passage, parce qu'en fait M. Milutinovic a répondu aux questions qui lui

17 étaient posées en anglais.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois.

19 M. ZECEVIC : [interprétation] Le passage auquel faisait référence notre

20 témoin, c'est le dernier paragraphe de la page 1 de la traduction, qui se

21 poursuit également en page 2, et on voit en haut de la page la mention :

22 "Conférence de presse Milutinovic."

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Ça y est. J'ai compris.

24 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

25 Q. Monsieur le Témoin, à votre retour de Rambouillet le 23, si j'ai bien

26 compris, dans la soirée et jusqu'au 5 mars, que s'est-il passé ? Quel type

27 d'information avez-vous reçu au sujet des résultats des pourparlers de

28 Rambouillet tels qu'ils étaient perçus par la communauté internationale ?

Page 13217

1 R. Je n'ai pas très bien compris votre question.

2 Q. Vous êtes rentré à Belgrade le 23 février. Dans la période de sept

3 jours qui a suivi, beaucoup de commentaires ont été faits par la communauté

4 internationale, les organes de presse et de communication étrangers ou

5 nationaux, au sujet de ce qui s'était passé à Rambouillet. Pourriez-vous

6 nous en parler et nous faire part de vos commentaires ?

7 R. Effectivement, il y a eu des commentaires, en effet. Je ne sais pas si

8 c'est exactement à quoi vous pensez, mais globalement on disait que les

9 exigences, les revendications étaient trop importantes. C'est ce qu'on

10 entendait ou c'est ce qu'on lisait dans la presse étrangère. Même M.

11 Kissinger l'a déclaré. Il a dit qu'aucun gouvernement au monde n'aurait

12 accepté ce qui avait été proposé à Rambouillet. Un représentant du

13 département d'Etat américain a dit qu'on avait placé la barre trop haut,

14 trop haut pour qu'on puisse l'affranchir --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que vous allez quelque part

16 avec cette question, parce que vous savez très bien que ce que vient de

17 nous dire le témoin est un élément irrecevable.

18 M. ZECEVIC : [interprétation] Je dressais le contexte --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Apparemment, les observations, les

20 commentaires faits dans la presse sont plutôt favorables; c'est votre point

21 de départ. Où allez-vous ensuite ?

22 M. ZECEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur le Témoin, veuillez consulter la pièce 1D099 à l'intercalaire

24 74. Il s'agit d'une lettre qui a été rédigée par vous-même et M.

25 Milutinovic à l'intention de Mme Madeleine Albright le 5 mars 1999 ?

26 R. C'est exact. Mais veuillez, s'il vous plaît, me poser une question bien

27 précise. C'est une lettre que moi-même et le président Milutinovic avons

28 adressée à Mme Albright. Je ne veux pas parler de la teneur de cette lettre

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1 parce que je ne veux pas être en butte aux critiques.

2 Q. Cette lettre se passe de commentaires. Je pense savoir que vous avez

3 envoyé des lettres semblables à tous les membres du Groupe de contact ainsi

4 qu'à tous ceux qui avaient présidé les réunions ?

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Lettre à M. Ivanov ? Répondez par oui ou par non.

7 R. Oui.

8 Q. A la même date ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez envoyé une lettre semblable à Robin Cook ?

11 R. Oui.

12 Q. A Hubert Vedrine ?

13 R. Oui.

14 Q. A Joschka Fischer ?

15 R. Oui.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Markovic, dans la période se

17 situant entre les deux pourparlers, est-ce qu'il y a eu ce qu'on appelle

18 une navette diplomatique de la part des négociateurs ou de qui que ce soit

19 d'autre, ou est-ce qu'on a laissé les deux parties en présence, chacune de

20 leur côté, réfléchir à la situation ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me demandez ce qu'il en est de ce que

22 j'ai moi-même vécu personnellement, en ce qui me concerne, je n'ai

23 participé à aucune démarche de ce type. Ces démarches, ont-elles eu lieu ?

24 Je n'en sais rien du tout.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 Maître Zecevic.

27 M. ZECEVIC : [interprétation]

28 Q. Dans les lettres que nous venons d'énumérer, vous présentez votre point

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1 de vue au sujet de l'issue des pourparlers de Rambouillet ainsi qu'au sujet

2 des pourparlers qui devaient suivre et qui devaient se tenir à Paris,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Monsieur le Témoin, vous avez participé à une réunion avec une

6 délégation du gouvernement de la République de Serbie le 5 mars ?

7 R. Oui.

8 Q. Il s'agissait de la délégation qui était allée à Rambouillet ?

9 R. Oui, avec le président de la république, M. Milutinovic.

10 Q. Veuillez, je vous prie, examiner la pièce 1D748, qui se trouve à

11 l'intercalaire 80. Etant donné que nous n'avons pas la traduction de ce

12 document, Monsieur le Témoin, je vais vous demander de lire les passages

13 qui m'intéressent et qui se trouvent au paragraphe 2 de la page 5. Cela

14 commence par les mots suivants : "Nous sommes prêts -- ou préparés …" Il

15 s'agit d'une déclaration publique, page 5, paragraphe 2. La phrase qui

16 commence par les mots suivants : "Nous sommes prêts …"

17 R. Voulez-vous que j'en donne lecture à voix haute ?

18 Q. Oui, allez-y.

19 R. "Nous sommes prêts à entamer des négociations à Paris ainsi qu'à

20 Belgrade, ainsi qu'à Pristina, partout où l'on pourra trouver une solution

21 politique. Nous accordons à cela une priorité absolue. Où que ce soit,

22 autour de quelque table que ce soit, lors de quelque réunion que ce soit,

23 nous sommes déterminés à trouver une solution pacifique aux fins d'une

24 autonomie large au sein de la Serbie et de la Yougoslavie pour l'égalité de

25 toutes les communautés nationales."

26 Q. Merci. Voici la déclaration qui a été faite publiquement après la

27 réunion de la délégation à laquelle a participé M. Milutinovic. Est-ce

28 qu'il s'agit là d'une déclaration conjointe ? Est-ce que cela traduit votre

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1 position conjointe, y compris celle de M. Milutinovic ?

2 R. Oui, ici on voit se refléter la position de l'ensemble des personnes

3 ayant participé à la réunion.

4 Q. Merci. Professeur, veuillez, je vous prie, nous faire part de votre

5 opinion personnelle au sujet de la question suivante. Selon vous, la Serbie

6 aspirait-elle à une solution politique de la situation du Kosovo en 1998 et

7 en 1999 ? Vous avez participé en personne aux pourparlers, vous avez

8 participé aux efforts déployés pour rencontrer les Albanais, vous

9 connaissez toutes les démarches qui ont été entreprises.

10 M. HANNIS : [interprétation] Il n'est pas expert en la matière. Son opinion

11 personnelle vaut autant que la vôtre ou la mienne.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, ce qui me gêne dans cette

13 question c'est que vous parlez de la Serbie, la Serbie aspirant à une

14 solution politique. Si vous parlez du gouvernement, cela ne me gêne pas,

15 parce que nous avons face à nous quelqu'un qui était à la tête d'une

16 délégation chargée d'agir en fonction de la volonté de l'assemblée. Est-ce

17 que vous parlez du gouvernement et de l'assemblée des Serbes ? C'est du

18 gouvernement que vous parlez ?

19 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, du gouvernement.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre ?

22 M. ZECEVIC : [interprétation]

23 Q. Oui, allez-y.

24 R. Merci. Mais, je pense - non ce n'est pas que je pense, je suis

25 absolument convaincu - que le gouvernement de la République de Serbie

26 aspirait sincèrement à une résolution de la situation du Kosovo-Metohija

27 parce que la totalité de la vie politique était paralysée, était très

28 perturbée par ce qui se passait au Kosovo-Metohija. Tous ces déplacements à

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1 Pristina l'accrédite, accrédite ce fait. Le gouvernement de la Serbie a

2 offert toutes sortes d'occasions d'organiser des négociations. On voit là

3 illustrer la position de la Serbie.

4 De plus, il faut penser aux efforts déployés par la délégation à

5 Rambouillet, délégation désignée par le gouvernement après la décision de

6 l'assemblée nationale d'envoyer une délégation à Rambouillet. Tout ceci

7 montre qu'il en était ainsi cette délégation. Cette délégation était même

8 prête à participer à des pourparlers de suivi après Rambouillet. Tout ceci,

9 toutes ces réunions, la participation à une conférence internationale, la

10 ratification des principes fondamentaux édictés par le Groupe de contact.

11 Tout ceci démontre que pour arriver à un accord la seule chose dont on

12 avait besoin, c'était l'assentiment de la partie opposée.

13 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Professeur, à quel moment la

14 délégation est-elle retournée à Paris pour poursuivre les négociations ?

15 Vous souvenez-vous de la date ?

16 R. Il me semble que c'était le 14 mars 1999.

17 Q. Le président Milutinovic s'est également rendu à Paris, n'est-ce pas ?

18 R. A cette occasion, le président Milutinovic est resté à Paris pendant

19 toute la durée de la négociation contrairement à Rambouillet, parce qu'à

20 Rambouillet il n'avait assisté qu'au deuxième volet des négociations à

21 partir du 10. Ce qui représentait malgré tout l'essentiel des discussions.

22 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce 1D587 qui se trouve à

23 l'intercalaire 82.

24 R. Intercalaire 82 ?

25 Q. Oui, 82, pièce 1D587. Il s'agit de la déclaration faite par le

26 président Milutinovic le 16 mars 1999, à Paris. Vous souvenez-vous que

27 Milan Milutinovic a déclaré : "J'insiste sur le fait que nous sommes prêts

28 à accepter la partie politique de l'accord ?"

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1 R. Oui, ceci correspond à ce qu'il avait déjà déclaré en février, le 23

2 février à Rambouillet. C'est dans la même ligne, dans la même logique.

3 Q. Merci. Le 17 mars, vous avez écrit une lettre à la troïka, des

4 négociateurs, pièce 1D110, intercalaire 84. La date est celle du 17 mars

5 1999. Avez-vous trouvé le document ?

6 R. Oui.

7 Q. Quel était l'objectif recherché lors de la rédaction de cette lettre ?

8 R. Tout comme lors des négociations de Rambouillet, il s'agissait là d'un

9 appel, appel à l'intention des négociateurs afin qu'ils organisent une

10 réunion entre les deux délégations. Nous expliquons les raisons de notre

11 demande; nous souhaitions que lors d'un dialogue direct, nous puissions

12 prendre connaissance de ce que pensait la délégation opposée de nos

13 propositions, plutôt que de l'entendre par la bouche des médiateurs, nous

14 ne voulions pas l'entendre de la bouche des négociations. Nous voulions que

15 ce soit la partie opposée qui nous dise, elle-même, ce qu'elle pensait de

16 nos propositions.

17 Q. L'ambassadeur Nikola Cicanovic était membre de la délégation ?

18 R. Non, il en était le secrétaire.

19 Q. J'aimerais que vous examiniez la pièce 1D111, intercalaire 85. Vous

20 avez ici sa lettre au co-président des négociations en date du 17 mars

21 1999. Vous en souvenez-vous ?

22 R. Oui, tout à fait. C'est la demande que nous avons faite à Paris,

23 lorsque nous étions à Paris; nous voulions que soient mises en place des

24 règles pour réglementer la négociation, une sorte de règle de procédure, un

25 règlement de procédure, ceci parce qu'à Rambouillet les choses s'étaient

26 déroulées de manière assez désordonnées, sans aucun plan. On ne savait pas

27 ce qui se passait. Rien n'avait été bien organisé. Nous voulions donc que

28 l'on adopte une sorte de règlement de procédure sur la manière dont devait

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1 se dérouler la conférence. Il s'agissait de déterminer comment on allait

2 déterminer l'ordre du jour, comment des propositions écrites pouvaient être

3 présentées, et cetera. Enfin, il s'agissait de prendre en compte, de

4 déterminer comment procéder pour ce qui fait généralement lors d'une

5 conférence de ce type.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque dans cette lettre M. Cicanovic

7 parle d'experts --

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- est-ce qu'il fait référence à des

10 fonctionnaires, à des représentants officiels de l'Etat qui se trouvaient

11 là pour explorer, traiter de certaines questions au nom de la délégation ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Nous n'avions pas d'experts au sein de

13 notre délégation à Paris. C'est uniquement à Rambouillet que nous avions

14 des experts. Il est fort probable qu'il pense à M. Kutlesic et à moi-même,

15 parce que nous avons travaillé directement sur la partie technique du

16 travail. Il s'agissait de trouver le bon libellé, et cetera. C'est ce dont

17 parle M. Cicanovic ici, parce qu'il n'y avait pas d'autres experts que M.

18 Etinski et une autre personne à Paris.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non mais, je n'ai pas compris. Vous

20 dites qu'il y avait des experts à Rambouillet. Quels étaient-ils ? Qui

21 étaient ces experts ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Etinski et M. Mitic étaient présents. L'un

23 d'entre eux est un fonctionnaire à la retraite du ministère de l'Intérieur.

24 Il n'est plus de ce monde, malheureusement. Et M. Etinski, à l'époque,

25 était un conseiller juridique au sein du ministère des Affaires étrangères.

26 Ces deux hommes étaient experts en matière de droit public international.

27 Du côté de la délégation albanaise, ils ont refusé que les experts se

28 rencontrent à Rambouillet, car cette proposition avait été faite. Nous

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1 voulions que nos deux experts rencontrent leurs experts. C'est une

2 proposition que nous avions faite, mais qui a été rejetée par la délégation

3 albanaise, si bien que ces personnes-là n'ont pratiquement rien fait à

4 Rambouillet. On ne s'est pas servi d'eux, c'est pour cela qu'ils ne sont

5 pas retournés à Paris, parce que moi-même et M. Kutlesic, nous avions les

6 compétences professionnelles adéquates pour accomplir ce genre de tâche.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Maître Zecevic.

9 M. ZECEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur le Témoin, nous avons tous entendu parler de l'issue des

11 négociations de Paris. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est une chose en

12 particulier. Qu'en était-il du président Milutinovic, pendant son séjour à

13 Rambouillet, ensuite à Paris, est-ce qu'à quelque moment que ce soit il a

14 essayé de mettre des bâtons dans les roues des négociateurs ? Est-ce qu'il

15 a essayé d'entraver la bonne marche de ces négociations, que ce soit à

16 Rambouillet ou à Paris ?

17 R. On a vu l'illustration de ce que je vais vous répondre à de nombreuses

18 reprises. En fait, c'est tout le contraire qu'il s'est passé. Chaque fois

19 qu'il a fait des déclarations, chaque fois qu'il a participé à ces

20 réunions, il a fait exactement le contraire. Il a même déclaré dès le début

21 de la négociation à Paris, il a dit : Nous sommes prêts à accepter une

22 solution politique. Ce n'est pas le genre de propos que l'on peut attendre

23 de quelqu'un qui n'est pas prêt à participer de manière active à des

24 négociations, à des pourparlers, quand on tient des propos de ce genre, on

25 n'est pas là pour entraver la démarche des négociations, au contraire.

26 Q. J'imagine que pendant ce séjour à Rambouillet, et ensuite à Paris, vous

27 avez rencontré et vu M. Milutinovic tous les jours. Je pense que c'était la

28 même chose en 1998, quand vous avez travaillé ensemble à la rédaction des

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1 documents présentés par M. Hill et par M. O'Brien, ainsi qu'au cours des

2 trois visites avec le président. Est-ce que vous avez jamais entendu le

3 président Milutinovic se prononcer en faveur de la guerre, de l'emploi de

4 la force, aspirer à ce genre de chose pour résoudre la question du Kosovo ?

5 Ou bien, est-ce qu'il n'en était pas tout autrement ? Est-ce que c'était

6 pas exactement le contraire ?

7 R. C'était exactement le contraire. Dès qu'il s'exprimait, c'était

8 exactement le contraire de ce que vous venez de dire. On a parlé de la

9 déclaration du 18 mars qui a été faite par le président de la république en

10 1998. Le point central de sa déclaration était le suivant : C'était que la

11 seule manière de trouver une issue à la question du Kosovo-Metohija,

12 c'était d'engager un dialogue politique, un dialogue politique entre les

13 deux parties en présence. C'était la teneur politique même, le cœur de tout

14 ce qu'il disait. Jamais, il n'est intervenu publiquement sans répéter cette

15 phrase infatigablement. C'était une idée essentielle. C'est également

16 quelque chose dont il était intimement convaincu. Je suis certain, vu les

17 contacts que j'ai eus avec le président Milutinovic, je suis certain qu'il

18 en était intimement convaincu.

19 Q. Professeur, en tant que vice-président du gouvernement, en tant que

20 chef de la délégation chargée de négocier avec la délégation albanaise du

21 Kosovo en 1998, en tant que président de la délégation envoyée à

22 Rambouillet et à Paris, dites-moi, avez-vous à quelque moment que ce soit

23 entendu évoquer l'idée selon laquelle les Kosovars albanais devraient être

24 chassés de là où ils habitaient ?

25 R. Jamais. Dans toutes les déclarations, il est toujours indiqué que le

26 problème du Kosovo peut se régler uniquement en garantissant l'égalité de

27 toutes les communautés nationales. Vous verrez toujours que lorsqu'une

28 liste de celles-ci est établie, c'est la communauté des Kosovars albanais

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1 qui viennent en premier, car elle est la plus nombreuse.

2 Q. Professeur, vous est-il arrivé à quelque moment que ce soit d'entendre

3 le président Milutinovic, ou quelqu'un d'autre évoquant le président

4 Milutinovic, dire que celui-ci aurait été favorable à des bombardements

5 aériens contre la Yougoslavie, qui auraient pu conduire à un massacre en

6 Kosovo ?

7 R. Non, je n'ai jamais entendu cela.

8 Q. Même pas à Rambouillet ?

9 R. Même pas à Rambouillet. Même si j'ai assisté à toutes les réunions

10 auxquelles a assisté le président Milutinovic. Dans le respect de la

11 déclaration solennelle que j'ai faite ici même lundi, j'affirme que durant

12 toutes ces réunions, le président Milutinovic n'a vraiment jamais dit cela.

13 Q. Professeur, y aurait-il quelqu'un parmi les membres de la troïka, M.

14 Petritsch, par exemple, serait-il arrivé que l'un de ces trois membres de

15 la troïka se soit plaint à quelque moment que ce soit auprès de vous,

16 disant que M. Milutinovic ou quelqu'un d'autre lui aurait dit que des

17 frappes aériennes conduiraient nécessairement à un massacre au Kosovo ?

18 R. Non, aucun des négociateurs n'a jamais pris contact avec moi pour se

19 plaindre de quelque chose de ce genre. Toutefois, mon travail auprès des

20 négociateurs était de m'occuper du libellé de l'accord. Voilà le sujet sur

21 lequel portait le gros de nos communications, et le plus souvent mes

22 contacts avaient lieu avec M. O'Brien et M. Etinski.

23 Q. Professeur, n'est-il pas permis de dire que le problème de

24 l'indépendance du Kosovo n'était pas seulement une question importante,

25 mais la question centrale, la question la plus importante ?

26 R. C'est ce que les Albanais ont démontré sans la moindre ambiguïté.

27 Disant cela, je ne parle pas de l'histoire récente. Je parle de tout ce à

28 quoi j'ai participé à l'époque, de toutes les tentatives faites pour

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1 négocier à Pristina, puis à Rambouillet, et à Paris. Je suis absolument

2 persuadé que la partie albanaise, s'agissant d'examiner les solutions

3 possibles pour résoudre le problème de Kosovo-Metohija et l'indépendance

4 comme la seule solution. Je suis absolument positif. Je n'ai aucun doute

5 quant au fait que telle était bien la question la plus importante, et je

6 dis cela sur la base des études et des recherches que j'ai menées pendant

7 deux ans intensément sur cette question en ma qualité de vice-premier

8 ministre de Serbie, et en ma qualité de chef de la délégation envoyée aux

9 pourparlers du Kosovo, ainsi que de chef de la délégation envoyée à

10 Rambouillet à Paris.

11 Q. Professeur, que pensez-vous de ce que je vais vous dire maintenant ? Si

12 cette question avait été résolue, et compte tenu de la connaissance que

13 vous aviez de toutes ces réalités, compte tenu également du fait que vous

14 étiez directement et personnellement impliqué, pouvait-il y avoir quelque

15 solution politique que ce soit qui aurait pu déboucher de ces pourparlers

16 avec les Albanais ?

17 R. Une solution politique aurait impliqué que le Kosovo-Metohija ne

18 devienne pas indépendant, ne devienne pas un Etat indépendant. Je ne pense

19 pas que les Albanais auraient été d'accord avec cela. Ils n'avaient pas

20 signé l'accord proposé avant l'introduction de ce chapitre, ou plutôt, de

21 cette annexe, l'annexe 8, dans laquelle était formulée la possibilité que

22 le statut du Kosovo-Metohija se décide éventuellement dans le cadre d'une

23 conférence internationale qui tiendrait compte avant tout de la volonté des

24 habitants du Kosovo-Metohija. Dès qu'ils ont entendu cela, aussi bien à

25 Paris qu'à Rambouillet, ils ont interprété cette proposition synonyme d'un

26 plébiscite sur l'indépendance du Kosovo-Metohija. Ceci a été leur

27 interprétation immédiatement.

28 Q. Professeur, à votre retour des pourparlers de Paris, vous avez présenté

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1 un rapport à l'assemblée de la République de Croatie, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'était un devoir pour nous car nous avions été nommés pour

3 participer à la délégation par cette même assemblée. Donc, nous devions

4 rendre des comptes, si je puis m'exprimer ainsi. Nous devions permettre à

5 l'assemblée d'apprécier à la qualité du travail accompli.

6 Q. Cette séance a eu lieu le 23 mars, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, précisément, le 23 mars 1999.

8 Q. A présent, j'aimerais que vous vous penchiez sur l'intercalaire 90,

9 pièce 1D032. On trouve votre déclaration dans les pages qui vont de la page

10 4 à la page 14. Dans la version anglaise, ceci correspond aux pages 5 à 12.

11 Il n'est pas indispensable que soit faite lecture de votre exposé puisqu'il

12 a déjà été soumis à la Chambre dans votre rapport. Mais dites-moi, dans ce

13 rapport vous évoquez tous les faits que vous avez évoqués ici dans ce

14 prétoire, ainsi que les conclusions dont nous parlions il y a quelques

15 instants, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Professeur, le président Milutinovic a également pris la parole lors de

18 cette séance de l'assemblée. Vous vous souvenez de cela ?

19 R. Oui. Il a assisté à toute la séance. Il a demandé la parole et a

20 participé aux débats justifiés par la présentation du rapport.

21 Q. Professeur, vous avez entendu le ton de M. Milutinovic lorsqu'il s'est

22 exprimé devant l'assemblée ainsi qu'à d'autres occasions où il a pris la

23 parole devant l'assemblée ou en public. Diriez-vous que le président

24 Milutinovic a fait état de positions radicales ou nationalistes en

25 demandant que soit fait recours à la force, ou à la guerre, ou quoi que ce

26 soit de ce genre à quelque moment que ce soit ?

27 R. Si vous vous penchez sur l'ensemble de ces déclarations publiques, vous

28 ne trouverez pas un seul exemple de ce genre.

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1 Q. Et la même remarque vaut pour ce qu'il a dit le 23 mars 1999, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Absolument. Si vous étudiez très attentivement ce qu'il a dit, vous

4 tirez vous-même la même conclusion, en fait.

5 Q. Avez-vous écoutez ce qu'a dit le président Milutinovic à l'assemblée le

6 23 ?

7 R. Oui.

8 Q. Il a indiqué quelle était sa position sur l'ensemble de la situation,

9 eu égard aux pourparlers de Paris et de Rambouillet, et il a évoqué des

10 diverses demandes qui ont été présentées à la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Etant que vous-même, vous avez participé à ces pourparlers de

13 Rambouillet et de Paris, je vous demande si le président Milutinovic a

14 induit en erreur l'assemblée de la République de Serbie par les propos

15 qu'il a tenus lors de la réunion de cette assemblée le 23 mars 1999 ? En

16 disant induit en erreur, je veux parler d'une présentation fausse de la

17 réalité ou de la possibilité qu'il aurait éventuellement présenté des faits

18 ou fourni des renseignements inexacts quant à la façon dont les pourparlers

19 s'étaient déroulés sur le front ou quant aux problèmes qui étaient au cœur

20 de ces pourparlers ?

21 R. J'étais physiquement présent, et vous avez, comme moi, le compte rendu

22 de ce débat. Quiconque étudierait ce compte rendu se ferait la même

23 opinion, à savoir que je ne vois aucune nécessité de commenter ce point.

24 Q. Mais j'aimerais que vous le commentiez. Après tout, vous êtes le mieux

25 placé pour savoir. Vous avez participé aux négociations et aux pourparlers

26 vous-même. Vous connaissez de première main la réalité de la situation. Les

27 délégués qui écoutaient le président Milutinovic à l'assemblée n'avaient

28 pas les mêmes informations que vous.

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1 R. Je ne vois aucun élément -- est-ce que vous voulez parler de cette

2 intervention particulière ?

3 Q. Oui, je parle de cette intervention, de cette prise de parole

4 particulière.

5 R. Je ne vois rien dans cette intervention qui permette de penser ce que

6 vous venez de dire. Nous nous exprimons devant l'assemblée du peuple qui

7 compte 250 délégués. Ils n'ont pas tous le même niveau d'instruction. Donc,

8 cette prise de parole n'était pas censée être un discours sec venant d'un

9 expert juridique ou d'un expert en relations internationales. C'est une

10 prise de parole qui correspond tout à fait à l'environnement dans lequel

11 elle se produisait, c'est-à-dire que les mots utilisés sont des mots de la

12 langue courante et ces mots ont pour but de transmettre un message aux

13 délégués leur permettant de comprendre exactement ce qui s'est passé aussi

14 bien à Rambouillet qu'à Paris.

15 Q. Merci beaucoup, Professeur. A la fin des débats devant l'assemblée du

16 peuple de la République serbe, qui est l'organe suprême de prise de

17 décision, cette assemblée a pris des décisions et atteint des conclusions,

18 n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Sur la base du rapport et des débats qui ont fait suite à la

20 présentation du rapport, l'assemblée du peuple a adopté un certain nombre

21 de conclusions. Elle l'a fait avant notre départ à Rambouillet et à Paris,

22 et elle a agi de même suite à notre retour et à la présentation de notre

23 rapport. Donc, de nouvelles conclusions ont été adoptées.

24 Q. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur l'intercalaire 91,

25 pièce 1D033, je vous prie. Est-ce qu'on voit bien dans ce texte les

26 conclusions et les décisions qui ont été rendues publiques par parution au

27 journal officiel de Serbie ?

28 R. Oui.

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1 Q. Professeur, vous avez dit avoir été présent lors de la réunion de

2 l'assemblée ce jour-là et y avoir présenté le rapport. Dites-moi, je vous

3 prie, est-ce que vous vous rappelez à quelle majorité ces conclusions et

4 cette décision étaient adoptées ?

5 R. Je me souviens que la majorité était énorme. Je crois me rappeler que

6 sur l'ensemble des députés il n'y en a eu que trois ou quatre qui n'ont pas

7 voté pour. Mais vous disant cela, je m'appuie uniquement sur ma mémoire,

8 qui n'est pas parfaite. Je rappelle que huit ans se sont écoulés depuis les

9 faits.

10 Q. Quoi qu'il en soit, nous pouvons revenir sur le procès-verbal de la

11 réunion et voir par nous-mêmes quels sont les chiffres ?

12 R. Oui. Je suis certain que vous pouvez le faire. De quoi parliez-vous

13 exactement ?

14 Q. Non, non. Je vous demandais simplement ce dont vous vous souveniez.

15 R. Ce dont je me souviens, voilà : j'ai déposé mon rapport. Je n'ai pas

16 compté les voix moi-même, mais ce que j'ai dit correspond au climat général

17 qui prévalait dans la salle de l'assemblée, et ce climat était un climat

18 d'adhésion générale.

19 Q. Merci, Professeur. Pendant les bombardements, pendant l'intervention de

20 l'OTAN contre la Serbie en 1999, vous étiez toujours vice-premier ministre,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui, j'étais vice-premier ministre, et j'y suis resté jusqu'au moment

23 où un accord politique a été conclu le 16 octobre 2000, quant au mécanisme

24 à mettre en œuvre pour la passation des pouvoirs au nouveau gouvernement.

25 Q. Professeur, pendant ces 78 jours, le gouvernement de Serbie a adressé

26 au président Milutinovic un certain nombre de décrets que vous avez évoqués

27 pendant la première partie de votre déposition. Vous vous en souvenez ?

28 R. Je m'en souviens. D'ailleurs, j'en ai même signé un certain nombre en

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1 ma qualité de chef du gouvernement.

2 Q. Je vous demanderais maintenant de vous penchez sur l'intercalaire 92,

3 pièce 1D144.

4 Professeur, il s'agit d'un décret qui a pour objet une proposition de

5 nouvelles cartes d'identité valables en temps de guerre, n'est-ce pas ?

6 Pourriez-vous jeter un coup d'œil. C'est bien l'objet de ce décret?

7 R. Oui, oui, absolument.

8 Q. Vous avez signé la lettre envoyée au président Milutinovic à ce sujet,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Joint au texte du décret, on trouve l'exposé des motifs, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Durant votre déposition en tant que témoin expert, nous avons examiné

14 avec vous les motifs qui ont justifié ce décret ainsi que le libellé du

15 texte du décret qui est paru au journal officiel et qui constitue la pièce

16 1D144. Vous vous rappelez cela, n'est-ce pas, Professeur ?

17 R. Oui, je me rappelle.

18 Q. Professeur, le texte soumis par vous et qui est joint à cette lettre

19 est bien identique, n'est-ce pas, au texte publié par le journal officiel

20 qui constitue la pièce 1D144, dont nous avons déjà parlée. Le président

21 s'est contenté de signer l'ordonnance confirmant l'adoption de ce décret,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Le libellé, le contenu du décret a été décidé par le gouvernement et

24 par le président de la république sur la base de la proposition émanant du

25 gouvernement. Le président a signé ce texte, l'a promulgué conformément à

26 l'article 83.7 de la constitution dont nous avons parlé l'autre jour.

27 Q. Merci. Professeur, vous rappelez-vous quel est le nombre total de

28 décrets qui a été soumis au président dans cette période ?

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1 R. Si je ne me trompe pas, 16 décrets ont été soumis au président.

2 Q. Et dans chacun de ces décrets, on voit un format identique au décret

3 dont je parlais avec vous il y a un instant et que vous avez signé, à

4 savoir qu'une lettre accompagne le projet de texte de décret envoyé au

5 président et que dans ces lettres sont fournies des explications quant à la

6 nécessité d'adopter un tel décret ?

7 R. C'est exact. En ma qualité de vice-premier ministre, j'ai signé les

8 décrets qu relevaient de mes responsabilités sur le plan de la législation

9 et du système juridique en vigueur. Quant aux décrets qui portaient sur

10 l'économie ou le système économique, ils étaient signés par l'autre vice-

11 premier ministre responsable de ce domaine particulier, et cette

12 responsabilité incombait au premier ministre.

13 Q. Il y a là 16 décrets, qui constituent les intercalaires 92 à 101, et

14 ensuite nous avons les intercalaires 103 à 110. Professeur, durant l'année

15 1999, avez-vous assisté à une réunion entre le président Milutinovic et le

16 président Rugova ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous rappelez-vous la date de cette réunion ?

19 R. Cette réunion s'est tenue pendant …

20 Q. Vous pouvez vous pencher sur l'intercalaire 101, qui constitue la pièce

21 P00416. C'est la déclaration commune du président Milutinovic et de M.

22 Rugova.

23 R. Oui, oui, oui, je me souviens. Des détails devaient être discutés.

24 Qu'avez-vous dit ? Intercalaire 101 ?

25 Q. Intercalaire 101, pièce P00416. C'est la déclaration commune signée par

26 Ibrahim Rugova et le président Milutinovic.

27 R. Oui, oui. Cela se passait pendant la période où la Serbie était

28 bombardée, et je me rappelle que nous avons eu de grandes difficultés à

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1 faire le voyage de Belgrade à Pristina, et que pendant tout ce voyage nous

2 n'en menions pas large.

3 Q. Lorsque vous dites "nous," vous pensez à vous-même et au président

4 Milutinovic, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous rappelez-vous des détails de cette réunion qui a eu lieu, d'après

7 ce que je vois écrit ici, le 28 avril 1999, dans quel climat a eu lieu

8 cette réunion ?

9 R. La réunion a eu lieu dans ce que je qualifierais de climat constructif.

10 M. Rugova est un homme sensé qui comprenait bien la situation dans laquelle

11 se trouvait le pays. Voilà en quelques points nous voyons définies quelles

12 sont les mesures politiques qui devraient être prises dans la nouvelle

13 situation existant désormais. Il est écrit ici, et c'est la conclusion qui

14 a été tirée à l'issue de cette réunion, que même si les efforts déjà

15 engagés doivent se poursuivre en vue d'un dialogue politique et dans le

16 cadre de négociations directes, les représentants de la communauté

17 internationale devraient pouvoir assister à toutes négociations acceptées

18 mutuellement, mais en qualité d'invités. Ceci, c'est la leçon qui est tirée

19 de l'expérience de Rambouillet et de Paris où des intermédiaires étaient

20 présents.

21 Finalement, il est écrit ici qu'il importe de créer le plus

22 rapidement possible un organe qui peut agir en tant que gouvernement de

23 transition, mais qu'il importe avant tout de résoudre des questions

24 humanitaires absolument urgentes à ce moment-là. Il était question créer le

25 Conseil exécutif provisoire du Kosovo dans ce texte. Voilà quels ont été

26 les principaux points qui ont fait l'objet des débats. Mon impression

27 personnelle a été que M. Rugova souhaitait sincèrement et de façon très

28 humaine trouver une solution à la nouvelle situation.

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1 Q. Vous rappelez-vous, Professeur, si le Dr Rugova a fait un cadeau au

2 président Milutinovic ce jour-là ?

3 R. Je m'en souviens, mais étant donné l'interdiction qu'il y avait à

4 accepter des cadeaux, je ne voudrais pas mettre en cause le président

5 Milutinovic en le rendant responsable de quoi que ce soit. Il a reçu un

6 cadeau. C'était une sorte de cristal, un minéral qui était présenté dans

7 une boîte très jolie, c'était un geste d'hospitalité vu la situation. Le

8 pays était bombardé, et les bombes laissaient des traces un peu partout.

9 Q. Merci, Professeur. Vous étiez présent lorsque les deux hommes ont fait

10 une déclaration à la télévision ? Vous étiez physiquement à leurs côtés,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui, j'étais physiquement présent.

13 Q. Merci, Professeur. J'ai encore une ou deux questions à vous poser,

14 après quoi je crois que nous en aurons terminé.

15 R. Je vous remercie.

16 Q. Je vous en prie. Professeur, il y a quelques instants, vous parliez des

17 déclarations faites par le président Milutinovic. Je vous ai posé quelques

18 questions à ce sujet. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de savoir ce que

19 vous pensez du caractère de M. Milutinovic, que vous connaissez puisque

20 vous avez travaillé avec lui --

21 L'INTERPRÈTE : Au compte rendu d'audience, on voit le nom de Milosevic

22 s'inscrire. Il faut le remplacer par Milutinovic.

23 M. ZECEVIC : [interprétation]

24 Q. Professeur, j'aimerais que vous parliez du caractère de Milutinovic --

25 je ne vais rien ajouter pour ne pas vous poser une question directrice. Je

26 m'arrête là.

27 R. Je ne sais pas très bien ce que je pourrais vous dire concrètement. Le

28 président Milutinovic est arrivé au poste qui a été le sien parce qu'il

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1 avait une grande expérience diplomatique, ce qui le rendait atypique parmi

2 les représentants politiques du pays. C'est sans doute en raison de cette

3 grande expérience et en raison de sa nature qu'il s'est montré très

4 compréhensif, toujours favorable au dialogue, toujours favorable aux

5 pourparlers, jamais favorable aux diktats ou aux ordres. Il était toujours

6 très opposé au fait de ne pas respecter la parole donnée ou les engagements

7 pris. Il était toujours favorable à la voie qui éventuellement pouvait

8 déboucher sur un accord. Il était toujours prêt à écouter l'interlocuteur.

9 Il était toujours prêt à débattre, y compris avec des personnes qui avaient

10 un avis différent du sien, de la façon la plus civilisée qui soit.

11 Q. Merci, Professeur. Je vous demanderais de vous penchez maintenant sur

12 l'intercalaire 111, pièce 1D642, qui pourrait illustrer ce que vous venez

13 de dire. Il s'agit d'un accord dont l'objet est les élections législatives

14 en République de Serbie, élections anticipées. Ces élections ont été

15 organisées en octobre 2000, à savoir à un moment de l'histoire serbe

16 particulièrement délicat ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous vous rappelez tout cela ?

19 R. Oui, je m'en souviens, absolument. C'est une mesure tout à fait

20 cruciale, une mesure décisive qui a été prise et qui allait dans le sens

21 d'un remaniement du gouvernement, d'une passation des pouvoirs à un nouveau

22 gouvernement, et ceci s'est passé en République de Serbie durant le mois

23 d'octobre 2000. C'était une mesure qui avait de lourdes conséquences. Je

24 suis certain que c'est cette mesure qui a empêché d'éventuels affrontements

25 politiques qui ne cessaient pas depuis quelque temps sur la scène politique

26 en Serbie et qui risquaient de se développer pour atteindre des proportions

27 telles qu'elles auraient pu déboucher sur une guerre civile. C'est à un des

28 moments les plus critiques du développement de la Serbie à partir de

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1 l'adoption par elle du système multipartite en 1990 et à partir de la mise

2 en place d'une démocratie parlementaire multipartite.

3 Q. Ce jour-là, le président Milutinovic - comment pourrais-je m'exprimer -

4 est parvenu à un compromis avec ses opposants politiques les plus acharnés.

5 Il est parvenu à trouver une solution qui a évité un bain de sang en

6 Serbie.

7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais faire

8 objection et faire inscrire cette objection au compte rendu d'audience. La

9 nature de mon objection est la même que celle que j'ai déjà soulevée eu

10 égard à l'introduction de la lettre provenant de feu le président Djindjic.

11 Je ne pense pas que ceci ait un quelconque rapport avec les éléments de

12 l'acte d'accusation. Je crois comprendre que ce qui vient de se dire peut

13 avoir un éventuel rapport avec les circonstances atténuantes, mais je ne

14 crois pas que ce soit pertinent par rapport à l'acte d'accusation.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est pertinent par rapport aux

16 circonstances atténuantes, donc cela doit être entendu par la Chambre.

17 Veuillez poursuivre, Maître Zecevic.

18 M. ZECEVIC : [interprétation]

19 Q. Professeur, vous avez entendu ma question. Ce jour-là, le président

20 Milutinovic a-t-il été l'homme qui a trouvé un compromis avec ses opposants

21 politiques les plus acharnés et a trouvé une solution qui a évité le bain

22 de sang en Serbie ?

23 R. A cette occasion, suite à une condamnation faite par le gouvernement de

24 Serbie, c'était conforme à la constitution et à la législation en vigueur

25 de l'assemblée nationale, mais qui n'était plus légitime à cause du nouvel

26 équilibre des pouvoirs, d'après la constitution, ce gouvernement disposait

27 encore de son mandat, qui n'avait pas expiré, ainsi que les différentes

28 assemblées.

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1 Le président Milutinovic s'est entretenu avec les dirigeants de

2 l'opposition ainsi que le président de la république, M. Kostunica, qui

3 était le garant de cet accord. Il a décrété que le gouvernement en place

4 allait démissionner. C'était tout à fait conforme à la constitution et à la

5 législation en vigueur. Rien n'aurait pu, aux termes de la constitution,

6 être opposé à ce que le gouvernement souhaitait faire.

7 Ce gouvernement allait démissionner. Il y aurait un gouvernement de

8 transition qui serait élu par les signataires de cet accord. Le

9 gouvernement proposerait ainsi au président de dissoudre l'assemblée

10 nationale. Le président dissoudrait ensuite l'assemblée nationale et la

11 nouvelle assemblée serait élue, ce qui serait légitime par rapport au

12 nouveau parti politique et l'équilibre des pouvoirs serait en place.

13 L'assemblée, à son tour, élirait alors son propre gouvernement. C'était

14 l'assemblée qui avait été élue le 23 décembre, et cette assemblée a élu un

15 cabinet, et M. Zoran Djindjic est resté premier ministre. Donc, le mandat

16 de l'assemblée était toujours le même.

17 Q. Veuillez poursuivre. Je vous demande de bien vouloir ralentir, s'il

18 vous plaît.

19 R. Le mandat de l'assemblée du gouvernement était toujours en place. Leur

20 mandat n'ayant pas expiré, ceci était important parce qu'il pouvait y avoir

21 une position politique importante, et cette opposition pouvait devenir de

22 plus en plus forte, afin d'empêcher ceci, une décision a été prise afin

23 d'empêcher ce risque-là et de faire en sorte qu'il puisse y avoir une

24 passation de pouvoir au sein de la République de Serbie, et que ceci se

25 ferait de façon tout à fait légitime. J'étais vice-premier ministre de ce

26 gouvernement, et le premier ministre était Mirko Marijanovic, il a donné sa

27 démission le 16 octobre parce qu'un accord avait été conclu.

28 Donc au terme de la constitution, d'après la constitution de 1990,

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1 une fois que le premier ministre démissionne, le mandat de l'ensemble du

2 gouvernement cesse d'être appliqué; c'était le vice-premier ministre de ce

3 gouvernement. J'étais vice-premier ministre de ce gouvernement. Un

4 gouvernement provisoire a été élu. J'ai proposé au président de dissoudre

5 l'assemblée. Le président a dissout l'assemblée et de nouvelles élections

6 parlementaires se sont organisées. Ceci était le signe que le président de

7 la République de Serbie et le président de la République fédérale de

8 Yougoslavie incarnaient l'unité de l'Etat, d'après les termes de la

9 constitution. D'une certaine façon il s'agissait d'instances ou d'organes

10 tout à fait légitimes après l'assemblée. Ils ont proposé que les autorités

11 en place, car on estimait que cela posait un problème de légitimité, qu'ils

12 devaient interrompre leur mandat pour permettre à d'autres forces

13 politiques d'être élues par les nouvelles instances gouvernementales.

14 Donc, vous m'avez posé une question à propos du président

15 Milutinovic, nous constatons qu'il s'agit là d'éléments importants de sa

16 personnalité que j'ai déjà évoqués.

17 Q. Juste une dernière question, s'il vous plaît. Cette transition

18 s'est faite conformément aux lois en vigueur à l'époque, n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Il y a une passation de pouvoir qui s'est faite conformément à la

20 constitution de l'époque qui était en vigueur à ce moment-là. Cette

21 constitution est restée en vigueur pendant six ans encore. Ce n'était pas

22 la constitution de Milosevic comme on l'a appelée. Elle est restée en

23 vigueur pendant six ans encore, et elle est restée en vigueur pendant toute

24 la durée du mandat du nouveau gouvernement. Ce n'est que l'année dernière

25 au mois de novembre 2006 que la Serbie a adopté une nouvelle constitution.

26 Q. Monsieur le Professeur, merci beaucoup.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je n'ai plus

28 de questions à poser à ce témoin.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, il y a deux

2 intercalaires qui n'ont pas été traduits, je crois, intercalaire 17 et

3 intercalaire 80. Vous avez lu les passages pertinents dans l'intercalaire

4 numéro 17. C'est le Pr qui les a lus. Donc, c'est inutile de les faire

5 traduire vers l'anglais.

6 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais l'intercalaire numéro 17, je

8 crois que nous devrions disposer d'une traduction, me semble-t-il, peut-

9 être que ceci pourrait être marqué aux fins d'identification.

10 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous attendons la

11 traduction pour l'instant.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, ce sera marqué aux fins

13 d'identification en attendant la traduction.

14 M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une autre question que je souhaite

16 évoquer à propos des pièces. Vous n'avez pas évoqué toutes les pièces.

17 Donc, quel est le statut des pièces que vous avez omis de présenter ?

18 M. ZECEVIC : [interprétation] Comme le témoin en a parlé dans sa

19 déclaration 92 ter, je souhaitais --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la déclaration 92 ter

21 énumère tous les éléments cités ici ?

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils sont énumérés paragraphe

24 après paragraphe, ou est-ce que vous vous reposez, dans une certaine

25 mesure, sur les annexes qui constituent l'index à la fin ?

26 M. ZECEVIC : [interprétation] L'annexe représente cette même liste, sauf

27 qu'elle ne comporte pas de numéros d'intercalaire.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais dans sa déclaration 92 ter, il

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1 parle de tous ces derniers.

2 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui. Il évoque tous les documents qui sont

3 contenus sur cette page.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup. Avant même d'arriver à

5 l'annexe ?

6 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est exact.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

8 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zecevic, pouvez-vous me

11 rappeler ce qu'est la pièce 1D671, s'il vous plaît ? Est-ce qu'il s'agit là

12 de l'article de Politika ?

13 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, mais --

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que ceci doit

15 être traduit ?

16 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je crois que

17 l'autre pièce qu'il a montrée est la version anglaise de l'article de

18 Politika. Simplement, l'article de Politika comporte les signatures.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ces circonstances-là, je crois

20 que la situation reste en l'état. Autrement dit, ces pièces sont versées

21 sans pour autant que vous ayez besoin de remettre une traduction.

22 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, parce que le

23 document précédemment admis, dans l'ouvrage du professeur, on cite ici dans

24 ce texte l'ensemble de la déclaration tout en anglais. C'est simplement

25 pour les besoins de la photographie, c'est pour avoir les signatures, c'est

26 la pièce 1D18. Merci.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

28 Je crois qu'il s'agit d'un moment opportun maintenant pour faire la pause,

Page 13243

1 nous allons faire une pause pour le déjeuner.

2 Monsieur le Professeur, veuillez quitter le prétoire encore une fois en

3 présence de l'Huissier et nous reprendrons à 13 heures 45, lorsque vous

4 allez être contre-interrogé par M. Hannis.

5 [Le témoin quitte la barre]

6 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 42.

7 --- L'audience est reprise à 13 heures 46.

8 [Le témoin vient à la barre]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

10 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Contre-interrogatoire par M. Hannis :

12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur Markovic.

13 Je m'appelle Tom Hannis. Je vais vous poser un certain nombre de questions.

14 Je vais vous poser des questions à propos de votre rapport, mais puisque

15 vous avez encore le classeur rouge devant vous, je vais vous poser un

16 certain nombre de questions sur les décrets qui ont été adoptés pendant la

17 guerre. Je vous demande de bien vouloir vous reporter aux intercalaires

18 numéros 92 à 95 dans votre classeur rouge. Il s'agit des pièces 1D144,

19 1D147, 1D150, et 1D153. Vous les connaissez, Monsieur le Professeur ?

20 R. Oui.

21 Q. Ces quatre décrets, le texte de ces décrets qui ont été adoptés, ainsi

22 que les raisons à l'appui de ces décrets ont été remises par votre

23 intermédiaire à M. Milutinovic pour qu'il puisse les signer et les adopter;

24 c'est exact ? C'est ainsi que cela se passait ?

25 R. Ceci est formulé par le gouvernement lorsque le gouvernement siégeait,

26 le gouvernement de Serbie, parce que le gouvernement est celui qui émet les

27 propositions. Moi, en tant que vice-premier ministre, je l'ai signé au nom

28 du gouvernement, et dans la lettre d'accompagnement, vous pouvez voir que

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1 le gouvernement de la République de Serbie, lors de sa 83e session dans

2 l'avril 1999 a formulé les propositions suivantes. Donc, c'est le

3 gouvernement qui les a formulées. Moi, je l'ai signé par la suite. Ce texte

4 a ensuite été remis au président Milutinovic pour qu'il puisse promulguer

5 le texte, texte qui a été promulgué et annoncé dans le journal officiel.

6 Q. Lorsque vous dites que c'est le gouvernement qui se réunissait en

7 séance pour traiter toujours des questions, de combien de personnes voulez-

8 vous parler ? Est-ce qu'il s'agit de cinq vice-premiers ministres et le

9 premier ministre ou est-ce qu'il s'agit d'un groupe plus important de

10 personnes ?

11 R. Ceci représentait l'ensemble du gouvernement, qui était composé d'une

12 trentaine de membres. Lorsqu'il y avait des séances plénières, le

13 gouvernement adoptait toutes les décisions. C'était la seule façon de

14 fonctionner. Le gouvernement ne pouvait adopter des décisions que lorsqu'il

15 y avait le quorum nécessaire.

16 Q. Dans les 15 premiers jours, est-ce qu'ils se sont rencontrés tous les

17 jours, les 15 premiers jours du bombardement de l'OTAN ?

18 R. En règle générale, le gouvernement se réunissait une fois par semaine,

19 mais toutes les fois que cela s'avérait nécessaire, ils se réunissaient

20 plus souvent. D'après mon souvenir, il y avait des séances deux ou trois

21 fois par semaine à ce moment-là, parce que le pays était bombardé. C'était

22 dangereux pour le gouvernement de se réunir souvent.

23 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit où les réunions se sont tenues ?

24 R. Au début, les sessions se tenaient à Nemanjina numéro 11, dans le

25 bâtiment où siégeait le gouvernement. Mais étant donné que ce bâtiment a

26 été bombardé ou détruit, les sessions ultérieures se sont tenues dans le

27 bâtiment de la Banque nationale de Serbie.

28 Q. Les décrets, il semble que ceci soit une lettre de couverture envoyée

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1 au président Milutinovic. Je crois qu'une lettre de couverture, une page de

2 garde, a été préparée, une lettre de couverture pour chacun des quatre

3 décrets différents. Donc, on a dessiné un cercle ici autour du chiffre 1.

4 Je pense que cela se rapporte au décret en question, n'est-ce pas ? Vous

5 souvenez-vous comment ceci a été fait ?

6 R. Oui, c'est exact. Il y avait une lettre d'accompagnement, une lettre de

7 couverture qui accompagnait le décret, et ensuite il y avait -- les

8 différentes raisons étaient évoquées.

9 Q. Et la date que vous trouvez en haut de la page ici, c'est celle du 6

10 avril. Je suppose que ceci est la date à laquelle ceci a été signé et date

11 à laquelle ceci aurait été remis au président Milutinovic ?

12 R. C'est le jour où j'ai signé la lettre. Je ne sais pas si ceci a été

13 remis au président Milutinovic le jour même. Je ne sais pas.

14 M. IVETIC : [interprétation] Il s'agit plutôt d'une question technique et

15 moins d'une objection. Si le conseil de l'Accusation va évoquer de très

16 nombreux documents, il serait utile d'avoir les numéros de ces documents,

17 car aucun des conseils de la Défense ne disposent des documents qui sont en

18 possession de l'Accusation ou du témoin. Je crains que nous allions nous y

19 perdre si nous essayons de retrouver les documents, puisqu'il y a des

20 documents très nombreux ici qui sont cités si nous devons chercher dans le

21 système électronique.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que M. Hannis vous a donné à

23 la fois les numéros de pièce et les numéros des intercalaires. Pour

24 l'instant, nous n'avons évoqué que les premiers documents. Je suis sûr

25 qu'il va également donner la référence aux autres documents.

26 M. HANNIS : [interprétation] 1D144 est le document que nous avons à l'écran

27 en ce moment. Les lettres sont identiques, comme je l'ai dit, et les quatre

28 documents qui sont énumérés sur 1 des pages, le numéro 2 est entouré d'un

Page 13246

1 cercle dans le document 1D144. Et les autres ont un chiffre, 1, 3 et 4 à

2 l'intérieur d'un cercle, mais le texte est le même.

3 Q. Monsieur Markovic, vous ne savez pas quand ces derniers auraient été

4 remis au président Milutinovic, si c'était le jour même ou plus tard ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Savez-vous de quelle manière ceci était remis au président et par qui ?

7 R. Je ne sais pas cela avec certitude. Je ne peux que vous livrer des

8 conjectures. Il s'agit là de questions techniques, et en général le vice-

9 premier ministre n'est pas au courant de ce genre de chose.

10 Q. Par rapport aux endroits où le gouvernement se réunissait lors de ses

11 séances, où se trouvait le bureau du président Milutinovic ? Dans le même

12 bâtiment ou peut-être dans l'immeuble d'à côté, à côté ?

13 R. Le bureau du président Milutinovic était toujours dans le même endroit,

14 et cet endroit-là n'a pas été bombardé. C'était dans la rue Andricev Venac.

15 Ce bâtiment n'était pas très loin du bâtiment du gouvernement qui a été

16 bombardé, et il était un peu plus loin de la Banque nationale de Serbie,

17 qui est l'endroit où le gouvernement a siégé par la suite.

18 Q. Votre signature se trouve apposée sur ces quatre lettres de couverture.

19 A gauche du texte, il semblerait qu'il y ait une autre signature ainsi que

20 la date du 6 avril. Est-ce que vous voyez cela dans votre version ?

21 R. Oui, je le vois, je le vois.

22 Q. C'est la signature de qui ?

23 R. Je ne peux pas déchiffrer cela. Je ne peux pas vous le dire avec

24 certitude parce que la signature n'est pas lisible.

25 Q. Vous souvenez-vous si oui ou non cette signature se trouvait sur le

26 document au moment où vous l'avez signé ?

27 R. Je ne pense pas que la signature se trouvait à cet endroit-là au moment

28 où j'ai signé le document.

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1 Q. Est-ce que je peux vous poser cette question : en tant que vice-premier

2 ministre, vous ne devez pas vous-même physiquement préparer ces documents ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Vous savez qui a fait cela ? Je veux parler de ces quatre documents.

5 R. Ceci était fait par le secrétariat du gouvernement, conformément à une

6 décision qui avait été prise par le gouvernement lors d'une de ses séances.

7 Q. Vous souvenez-vous du nom de la personne qui a fait ce travail ?

8 R. A ce moment-là, Zivka Knezevic était la secrétaire du gouvernement, et

9 Mira Djurekovic était la secrétaire adjointe. Je ne pense pas qu'il

10 s'agisse de signatures de ces dernières.

11 Q. Savez-vous à quel moment ces quatre décrets ont été publiés au journal

12 officiel ?

13 R. J'avais le texte sous les yeux il y a quelques jours lorsque je l'ai

14 interprété ici devant les Juges de la Chambre. Je ne peux pas vous dire à

15 quel moment exactement ceci a été publié ou rendu public, mais je l'avais

16 entre les mains lorsque j'ai été interrogé dans le cadre de

17 l'interrogatoire principal par le conseil de la Défense et les Juges de la

18 Chambre.

19 Q. Nous allons y revenir, mais avant cela je souhaite que nous parlions de

20 la pièce 144, qui se trouve à l'intercalaire 92. La deuxième page de ce

21 document est le texte du décret en tant que tel, qui évoque la question des

22 cartes d'identité lorsqu'un état de guerre a été déclaré. La date ici est

23 celle du 31 mars 1999, et on y voit le nom du président Milutinovic. Est-ce

24 que c'est ce qui figure également sur votre exemplaire -- non, excusez-

25 moi, excusez-moi. Quand j'ai dit que c'était le numéro 144, je vous ai

26 donné la cote. Cela se trouve à l'intercalaire 92. Est-ce que vous l'avez

27 trouvé, ce document ? Je crois que cela se trouve à la deuxième page.

28 R. Oui.

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1 Q. Quant au décret lui-même, il porte le nom dactylographié du président

2 Milutinovic, et il est en date du 31 mars 1999, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, c'est exact. Mon explication à ce sujet, c'est oui. Oui, ici aussi

4 on voit la date du 6 avril. Je pensais que le gouvernement s'était réuni et

5 avait ensuite envoyé ceci au président Milutinovic, mais je vois qu'il y a

6 une date différente qui apparaît ici.

7 Q. Oui, c'était la question que je voulais vous poser. Pourquoi voit-on la

8 date du 31 mars 1999 sur le décret, six jours avant la date qui figure sur

9 la lettre d'accompagnement ?

10 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous l'expliquer, mais il faut vérifier

11 à quel moment ce décret a été publié au journal officiel de la République

12 de Serbie. Voyez-vous, le pays était en guerre à l'époque. Il était

13 impossible de respecter tout à fait les règlements en matière de documents,

14 et cetera. Le secrétariat avait été déplacé dans un autre bâtiment. Il est

15 possible que des erreurs aient été commises, car l'administration ne

16 travaillait pas dans une situation, un environnement habituel. Il y avait

17 des attaques aériennes, et cetera.

18 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous examinions la

19 pièce P993.

20 Q. Est-ce que vous avez le document à l'écran ? Je suis désolé, mais je

21 n'ai pas de copie papier à vous fournir.

22 R. Oui, je le vois.

23 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche à l'écran la page

24 où figurait la mention cartes d'identité. C'était la première page en

25 anglais. Je ne sais pas quel est son numéro de référence dans le système e-

26 court.

27 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez la page de couverture qui

28 accompagne cette édition du journal officiel ?

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1 R. Oui.

2 Q. Je ne suis pas très fort en cyrillique, mais il me semble que c'est

3 quand même le 7 avril 1999 ?

4 R. Oui, effectivement, 7 avril 1999.

5 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que nous examinions le tout dernier

6 page du document.

7 Q. C'est au paragraphe 306 que l'on trouve la loi portant sur les cartes

8 d'identité ?

9 R. Oui.

10 Q. Ici, au journal officiel, nous voyons que la date qui y figure dans ce

11 texte est celle du 31 mars 1999. J'aimerais vous poser une question sur la

12 manière dont les choses se passent. Vous-même et le gouvernement, avez

13 proposé ce décret et l'avez transmis au président Milutinovic, que fait-il

14 à ce moment-là concrètement ? Est-ce qu'il signe le décret ? Savez-vous ce

15 qui se passe entre le moment où le décret est envoyé par vos soins et le

16 moment où il est publié au journal officiel ?

17 R. Une fois que le texte est envoyé par le gouvernement, le président

18 Milutinovic signe le décret et le décret est ensuite envoyé aux fins de

19 publication au journal officiel. C'est l'itinéraire que suit un décret dans

20 le cadre du système que nous appliquons avant d'être publié.

21 Q. Où se trouve concrètement l'exemplaire signé par le président ? Est-ce

22 que l'on conserve ce document dans les archives de l'Etat ? Où se trouve ce

23 document ?

24 R. Sur ce point, je ne peux que formuler des hypothèses. Je suppose que ce

25 document est conservé dans les archives du gouvernement.

26 Q. [aucune interprétation]

27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de répéter la fin de sa

28 réponse.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, il y a eu un problème.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semble que les interprètes n'aient

3 pas entendus la dernière partie de votre réponse. Pourriez-vous répéter,

4 Monsieur le Témoin ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est fort probable que ce document est

6 conservé dans les archives du gouvernement ainsi que dans les archives du

7 président de la république. Mais je n'ai pas de connaissance particulière

8 en la matière s'agissant de toutes ces démarches administratives. Ce

9 n'était pas là du ressort des membres du cabinet, du gouvernement. C'était

10 le secrétaire qui s'en occupait.

11 M. HANNIS : [interprétation]

12 Q. S'agissant du document 1D144, le décret relatif aux documents

13 d'identité, cartes d'identité. Savez-vous qui a rédigé ce décret ? Ce n'est

14 pas vous, n'est-ce pas ?

15 R. Non, non. Les textes des décrets, de tous les actes, de tous les textes

16 sont préparés par les ministères concernés, en l'occurrence le ministère de

17 l'Intérieur.

18 Q. Savez-vous qui aurait pu au sein du ministère de l'Intérieur rédigé ce

19 document-ci ?

20 R. Vraisemblablement --

21 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Professeur.

23 Maître Ivetic.

24 M. IVETIC : [interprétation] Le témoin nous a dit ces derniers jours que

25 tout ce qui a trait au ministère de l'Intérieur ne relève pas de sa

26 compétence. Or, la question qui vient de lui être posée sort largement de

27 son champ de compétence.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais le témoin est tout à fait en

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1 droit de nous faire savoir ce qu'il sait. Il peut tout à fait faire la

2 différence entre une telle réponse et une hypothèse qu'il formulerait. Nous

3 allons l'entendre.

4 Professeur, savez-vous qui au ministère a pu rédiger ce texte ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans tous les ministères, il existait un

6 service chargé des règlements, des textes réglementaires. Ce service était

7 chargé d'établir les projets de texte ou adoptés par le gouvernement, ou

8 les projets de loi préparés par le gouvernement avant de les soumettre à

9 l'assemblée nationale. Il existait donc un service qui rédigeait les

10 règlements, les textes réglementaires, mais uniquement ceux qui relevaient

11 de la compétence du ministère concerné.

12 Il y avait, d'autre part, un secrétariat du gouvernement chargé des textes

13 juridiques, chargé de la législation, tout projet de texte devait être

14 communiqué à ce secrétariat. Je parle de tout texte qui était soumis au

15 gouvernement lors de ces réunions, les réunions du Conseil des ministres.

16 Ce secrétariat devait vérifier que le texte en question était conforme à la

17 constitution et aux dispositions juridiques, et voir si c'était un texte

18 qui était valable du point de vue juridique. Il ne s'agissait pas de porter

19 un jugement, cependant, sur la teneur même des textes présentés.

20 M. HANNIS : [interprétation]

21 Q. J'imagine que les motifs qui expliquent l'existence ou la raison d'être

22 d'un décret, d'un texte, sont préparés par le même bureau, par les mêmes

23 personnes qui ont rédigé le décret, ou est-ce que c'est un service distinct

24 qui s'en charge, qui se charge de rédiger les motivations ?

25 R. C'est le service qui est chargé de préparer un projet de texte de

26 règlement qui est également chargé de préparer le texte motivant ledit

27 décret ou le projet de texte.

28 Q. Quand on regarde ce décret en particulier et les autres également, on a

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1 le sentiment qu'ils s'appliquent sur la totalité du territoire de la

2 République de la Serbie, y compris au Kosovo-Metohija ?

3 R. C'est exact. Au terme de la constitution, la République de Serbie est

4 un territoire unique. Tout règlement, toute réglementation adoptée par

5 l'Etat de Serbie est valable sur tout le territoire de la république.

6 Q. Hier, me semble-t-il, vous avez évoqué les changements qui ont eu lieu,

7 les différences qui existent entre cette loi-ci et la loi précédente qui

8 portait sur les cartes d'identité.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il s'agit, en l'occurrence, de la

10 pièce P1832. J'aimerais qu'elle soit affichée à l'écran.

11 Q. Il s'agit de l'intercalaire 27, mais je ne sais pas si c'est

12 l'intercalaire du classeur bleu ou du classeur rouge. Me Zecevic peut peut-

13 être nous le dire.

14 R. Cela ne figure pas dans ce classeur.

15 Q. J'espère que je ne me suis pas trompé en prenant note du numéro du

16 document.

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Si vous me permettez d'intervenir, Monsieur

18 le Président, ce document figure à l'intercalaire 28.

19 M. HANNIS : [interprétation] Classeur rouge ou classeur bleu ?

20 M. ZECEVIC : [interprétation] Bleu.

21 M. HANNIS : [aucune interprétation]

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un classeur gris, il n'est pas bleu, il

23 n'est pas rouge non plus, il est gris.

24 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est l'intercalaire 28 du classeur gris.

25 M. HANNIS : [interprétation]

26 Q. Toutes mes excuses, je suis le seul à avoir un classeur bleu. Vous

27 l'avez trouvé ?

28 R. Oui.

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1 Q. Vous nous avez expliqué qu'une des modifications apportées, c'est qu'on

2 a fait baisser la limite d'âge, qui est passée de 18 ans à 14 ans, n'est-ce

3 pas ? C'est bien cela ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez également expliqué, me semble-t-il, qu'il y avait une

6 modification dans les démarches à entreprendre au cas où on n'ait plus de

7 carte d'identité ? J'aimerais que vous examiniez l'article 23 de l'ancien

8 texte de loi, pièce 1832, P1832, intercalaire 28.

9 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que pour ce qui est du document que

10 nous avons ici à l'écran, c'est la dernière page. J'aimerais aussi qu'on

11 affiche la version anglaise du document. C'était à la page 5.

12 Q. Avez-vous trouvé le document ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que je comprends bien cette loi ? Il me semble comprendre que

15 l'ancienne loi s'appliquait sur tout le territoire de la république, en

16 dehors des provinces autonomes et du territoire de la Vojvodine. Si je

17 comprends bien, si je lis bien ce texte, il ne s'appliquait pas au Kosovo-

18 Metohija.

19 R. Vous avez tout à fait raison. Il s'agit d'une loi qui a été adoptée en

20 1974, ceci conformément à la constitution de 1974. On avait effectivement

21 mis en place un régime particulier avec division des pouvoirs législatifs,

22 entre d'une part la République de Serbie, et les provinces. Il est fait

23 référence ici à l'article 301 de la constitution de la République

24 socialiste fédérale de Serbie, mais à partir de 1990, cette constitution ne

25 s'est plus appliquée. La constitution de 1974 compte 136 articles, donc, il

26 est impossible qu'il y ait eu un article 301.

27 Je crois que la loi sur les cartes d'identité a été remplacée par une

28 autre, qui était conforme à la constitution de 1990. Cette loi-ci a été

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1 adoptée en 1974, alors que s'appliquait la constitution de la République

2 socialiste de Serbie. On voit ici le nom du journal officiel de la

3 République socialiste de Serbie, c'était toujours une république

4 socialiste. En 1990, la république est devenue la République de Serbie, et

5 avec l'adoption de la nouvelle constitution, la constitution de 1974 a

6 cessé de s'appliquer. La loi que nous avons ici a été adoptée alors

7 qu'était en vigueur la constitution 1974. Il a fallu la rendre conforme à

8 la nouvelle constitution de 1990. Je ne sais pas exactement dans quelle

9 édition du journal officiel cette loi a été publiée, mais sinon, vous avez

10 tout à fait raison.

11 Q. Après la création de la République fédérale de Yougoslavie, savez-vous

12 s'il existait une carte d'identité nationale qui était la même pour tout le

13 monde, que ce soit la Serbie ou le Monténégro ? Ou bien est-ce que dans

14 chacune de ces républiques, on avait des cartes d'identité qui étaient

15 différentes ? Savez-vous quelles étaient les dispositions juridiques à cet

16 égard ?

17 R. La République de Serbie avait sa propre loi sur les cartes d'identité,

18 même chose au Monténégro, dans la République du Monténégro. Il faut savoir

19 que lorsqu'il se présente un examen, les étudiants dans notre pays doivent

20 présenter non seulement leurs cartes d'étudiant, mais également une carte

21 d'identité, ce qui fait que j'ai pu me rendre compte par moi-même de visu

22 que les cartes d'identité étaient différentes.

23 Q. Merci. C'est tout ce que j'avais à vous demander sur ce point.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Monsieur Hannis. Je ne

25 comprends pas très bien. Quelle était la nature de la loi sur les cartes

26 d'identité entre 1990 et 1999 ? Est-ce que vous, vous avez une idée sur la

27 question ?

28 M. HANNIS : [interprétation] Non, pas pour l'instant.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

2 M. HANNIS : [interprétation]

3 Q. J'ai encore quelques questions à vous poser au sujet des décrets. Il me

4 semble que vous avez dit qu'il y a eu 16 décrets en tout proclamés pendant

5 les 78 jours de l'état de guerre, où le président Milutinovic était en

6 droit de rendre des décrets, puisque l'assemblée nationale ne pouvait pas

7 se réunir à cause de la guerre. Il y a quatre décrets qui relevaient de

8 votre compétence, parce qu'il s'agissait de domaines juridiques dont vous

9 étiez responsable, dont vous étiez chargé, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Je pense que les 12 autres décrets émanaient d'un autre vice-premier

12 ministre, M. Seselj, qui était responsable des affaires économiques et des

13 affaires y afférentes. Est-ce que, selon vous, c'était bien le cas ? Qui

14 était les trois autres vice-premiers ministres au sein du gouvernement en

15 mars et avril 1999 ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

16 R. Je m'en souviens. Il y avait le Pr Milovan Bojic. Il y avait, bien

17 entendu, M. Seselj, moi aussi, mais je ne me souviens pas. Je suis déjà

18 très fatigué. Nous avons lu hier la partie pertinente du journal officiel.

19 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

20 M. HANNIS : [aucune interprétation]

21 M. ZECEVIC : [interprétation] La pièce a été présentée ce matin dans le

22 prétoire. Nous avons sa cote.

23 M. HANNIS : [interprétation] Je pensais -- mais peut-être que je me trompe

24 -- que sur la pièce que nous avons vue, il y avait cinq noms, mais pas

25 celui de M. Seselj. Il y a peut-être une erreur de ma part.

26 M. ZECEVIC : [interprétation] Les deux extraits du journal officiel de 1999

27 et 1998, avec les noms des membres du gouvernement et des vice-présidents,

28 ont été présentés.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous le numéro de référence ?

2 M. ZECEVIC : [interprétation] Un instant, je vous prie.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce serait très utile.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est la pièce 1D260.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous donner un

7 numéro d'intercalaire ?

8 M. ZECEVIC : [interprétation] Un instant, je vous prie. Toutes mes excuses,

9 Monsieur le Président. Excusez-moi, je n'arrive pas à le retrouver, mais

10 pourtant je suis convaincu de l'avoir présenté ce matin au témoin.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela y est, j'ai trouvé. Tomislav Nikolic,

12 Dragomir Tomic; Milovan Bojic; moi-même, Ratko Markovic. Tomislav Nikolic,

13 Dragomir Tomic et Vojislav Seselj. Numéro 7. J'ai été membre de deux

14 gouvernements, donc il est très difficile pour moi de me souvenir

15 exactement des personnes qui étaient membres de l'un ou de l'autre.

16 M. HANNIS : [interprétation]

17 Q. Merci. Parmi les personnes que vous avez nommées, j'ai entendu les noms

18 de M. Tomic, de M. Bojic et de M. Nikolic. Vous souvenez-vous du

19 portefeuille de chacun d'entre eux ?

20 R. M. Bojic était chargé des affaires sociales, de la culture, du système

21 de santé, et cetera; enfin, tout ce qui n'avait pas trait à l'économie. M.

22 Nikolic, si je en m'abuse, était chargé des entreprises publiques, et M.

23 Tomic, quant à lui, était chargé du commerce.

24 Q. Merci. J'ai encore un volet de questions à vous poser au sujet de ces

25 quatre décrets. Quel était le processus qui était suivi avant votre

26 signature ? Avant la signature, avant l'adoption ? Est-ce qu'on en parlait

27 au conseil des ministres ou est-ce qu'on se contentait simplement de signer

28 le document ? Comment cela fonctionnait ? Comment parvenait-on à décider

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1 que le texte était propre à être adopté en tant que décret, décret adopté

2 en temps de guerre ?

3 R. Cela se passait comme dans tout organe collectif. Le travail

4 s'effectuait de la même façon au sein du gouvernement. Le gouvernement

5 avait un ordre du jour confirmé à l'avance. Pour chaque point de l'ordre du

6 jour, il y avait un certain nombre de documents à examiner. Un débat était

7 mené au préalable qui donnait suite à une décision. Il y avait

8 transcription en sténotypie de toutes les réunions du gouvernement. Dès

9 lors que la décision était prise, c'est le vice-ministre responsable du

10 domaine en question qui apposait sa signature au nom du gouvernement. Nous

11 venons de voir qu'il existait cinq vice-présidents, et j'ai également dit

12 que c'était les premiers ministres qui étaient chargés de déterminer

13 quelles seraient les responsabilités particulières de chacun d'entre eux au

14 sein du gouvernement. La loi régissant l'action du gouvernement ou loi

15 régissant l'action des ministères ne dit rien des responsabilités

16 particulières et de leurs responsabilités.

17 Q. Vous avez dit que les choses fonctionnaient comme dans tout organe

18 collectif, mais qui votait sur ces questions particulières ? Est-ce qu'il

19 fallait qu'il y ait un accord unanime pour que ce processus s'engage ou

20 est-ce que c'est vous qui pouviez prendre la décision définitive parce que

21 vous étiez responsable de ce domaine particulier ? Comment est-ce que cela

22 fonctionnait ?

23 R. Le processus de prise de décisions au sein du gouvernement était régi

24 par la loi, par les procédures qui régissaient le travail du gouvernement.

25 Les décisions se prenaient en général par consensus, et dans les deux

26 gouvernements auxquels j'ai participé, il s'agissait de gouvernements de

27 coalition, ce qui implique qu'il fallait un consensus de toutes les parties

28 concernées pour qu'une décision se prenne. Donc, chaque fois que les

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1 membres du gouvernement assistaient à une réunion, ils avaient le droit de

2 participer au débat. Aucune réunion du gouvernement ne pouvait se tenir

3 sans qu'un certain quorum soit réuni.

4 Q. Vous rappelez-vous quel était le quorum qui avait cours pour les

5 réunions du gouvernement ?

6 R. Le quorum était la majorité du nombre total de membres du gouvernement.

7 Q. Excusez-moi d'insister, mais pour que tout soit clair. Lorsque vous

8 dites membres du gouvernement, cela incluait les cinq vice-premiers

9 ministres ainsi que le premier ministre et les ministres représentant de

10 chacun des républiques, n'est-ce pas ?

11 R. C'est tout à fait cela. Cela inclut également les ministres sans

12 portefeuille. Le nombre de ces ministres sans portefeuille était toujours

13 très limité. Il n'y en avait que quelques-uns, et c'est le chef du

14 gouvernement qui leur disait quel serait leur travail, alors que les autres

15 ministres voyaient leurs responsabilités définies dans la loi régissant le

16 travail des ministères. C'est la loi régissant le travail des ministères

17 qui contenait toutes les dispositions détaillées relatives au travail que

18 chacun des ministres devait accomplir au sein du gouvernement. Par

19 conséquent, il y avait des ministres qui étaient à la tête de ministères,

20 ainsi que des ministres sans portefeuille.

21 Q. Vous rappelez-vous quel était le nombre des ministres sans portefeuille

22 au sein du gouvernement en mars/avril 1999 ?

23 R. Nous pouvons en trouver le nombre dans la décision relative à la

24 formation du gouvernement dont nous parlions tout à l'heure. Je vous

25 demande un instant. Excusez-moi.

26 Q. Il n'y a aucun problème.

27 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est l'intercalaire 7 dans le classeur

28 rouge.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je confonds toujours les classeurs rouges et

2 gris.

3 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Maître Zecevic.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, j'ai le texte sous les yeux, et je vois

5 écrit que, s'agissant du deuxième gouvernement auquel j'ai participé, il y

6 avait sept ministres sans portefeuille. Dans le premier des deux

7 gouvernements auxquels j'ai participé, leur nombre était inférieur. Il

8 était de trois. Mais cela aussi, je peux le vérifier. Voilà, je le vois

9 écrit ici. Au sein du premier gouvernement auquel j'ai participé, il y

10 avait trois ministres sans portefeuille, et dans le deuxième gouvernement

11 auquel j'ai participé, il y en avait sept. Donc, sept ministres sans

12 portefeuille, et 23 ministres à la tête d'un ministère, ainsi que cinq

13 vice-premiers ministres et un premier ministre, ce qui fait au total 36

14 membres du gouvernement en 1998.

15 M. HANNIS : [interprétation]

16 Q. Professeur, vous avez dit que les ministres sans portefeuille étaient

17 choisis. Mais qui est-ce qui les choisissait ? Le premier ministre ?

18 R. Non, ils étaient choisis selon les mêmes modalités que les ministres à

19 la tête d'un ministère. C'était le parlement, l'assemblée du peuple, qui

20 les nommait à leur poste, sur proposition du premier ministre. Mais la

21 différence entre eux et les ministres à la tête d'un ministère résidait en

22 ce qu'ils ne se voyaient pas octroyer un domaine de responsabilité

23 particulier prescrit par la loi. Les responsabilités qui leur incombaient

24 étaient définies par le premier ministre. Il arrivait, par exemple, au

25 premier ministre de charger un ministre sans portefeuille de s'occuper de

26 problèmes d'autogestion, et à d'autres moments il le chargeait de s'occuper

27 d'autres questions qui étaient éventuellement liées à un problème survenu

28 récemment. Mais en tout cas, leur principal interlocuteur était le premier

Page 13261

1 ministre.

2 Q. Eu égard aux quatre décrets portant sur la sécurité intérieure, les

3 cartes d'identité, vous rappelez-vous si des débats ont eu lieu à ce sujet

4 ?

5 R. Je ne me souviens pas qu'un débat ait eu lieu. Peut-être ceci est-il

6 simplement dû au fait que je n'ai pas participé à ces débats. Mais encore

7 une fois, je répète que les circonstances prévalant à l'époque dans le pays

8 étaient tout à fait extraordinaires. Il était difficile de se déplacer dans

9 le pays. Le secrétariat du gouvernement était dans un bâtiment différent de

10 celui où le gouvernement se réunissait. Les ministres avaient à affronter

11 toutes sortes de difficultés pour arriver jusqu'au bâtiment où se tenaient

12 les réunions du gouvernement. Toute communication normale entre les membres

13 du gouvernement à l'époque était pratiquement impossible en raison de la

14 guerre.

15 Q. Je comprends. Merci beaucoup. Passons à autre chose. J'aimerais

16 maintenant vous interroger au sujet de votre rapport d'expert. Vous avez

17 dit toutefois, Professeur, il y a quelques instants, que vous étiez

18 fatigué. Est-ce que nous pouvons poursuivre ou est-ce que vous souhaiteriez

19 une pause ?

20 R. Non, je vous remercie. Je préfère poursuivre. Je ne tiens pas à

21 interrompre le travail de la Chambre. Quant à mon âge, c'est mon problème.

22 Q. J'ai un problème très semblable, Professeur. Votre rapport d'expert -

23 je ne sais pas quel est le numéro de ce rapport dans votre classeur. Je

24 crois que c'est le numéro 1 dans le classeur vert. Dans l'introduction de

25 votre rapport - et il s'agit de la pièce 1D682, je l'indique pour le compte

26 rendu d'audience - à la première page de votre rapport, nous lisons :

27 "L'institution que représentait le président de la république était la

28 question la plus litigieuse dans les débats politiques et débats entre

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1 experts à l'époque, et immédiatement après l'adoption de la constitution de

2 la République de Serbie en 1990."

3 Et vous remarquez également : "A l'époque, la République de Serbie a

4 inauguré la fonction de chef d'Etat exécutif." Est-ce que vous parlez du

5 président lorsque vous parlez de chef d'Etat exécutif; c'est bien cela ?

6 R. Oui, vous avez tout à fait raison.

7 Q. D'accord. Mais si je comprends bien ce que vous avez dit au cours de

8 votre déposition jusqu'à présent, ce dernier n'était pas un responsable

9 exécutif ?

10 R. S'agissant des pouvoirs qui étaient les siens, il ne se distinguait pas

11 du président de la république tel qu'on le trouve dans les systèmes

12 constitutionnels où le président est nommé à son poste par le parlement. Il

13 n'avait pas de pouvoirs effectifs, comme c'est normalement le cas dans les

14 républiques parlementaires telles l'Italie ou l'Allemagne, où les

15 présidents n'ont pas de grands pouvoirs réels. C'était la même chose pour

16 le président de la République de Serbie, même s'il était directement élu

17 par les citoyens au scrutin direct et qu'il pouvait donc être privé de ses

18 fonctions ou réinvesti dans ses fonctions par ces mêmes citoyens, et que

19 c'était lui qui exerçait les responsabilités les plus importantes sur le

20 plan démocratique. Mais les pouvoirs du président n'étaient vraiment pas à

21 un niveau comparable. C'est la raison pour laquelle les théoriciens ne

22 considèrent pas la Serbie comme un pays semi-présidentiel.

23 M. ZECEVIC : [interprétation] Si je puis aider mon collègue de

24 l'Accusation, je dirais qu'à mon avis il a été induit en erreur par une

25 interprétation inexacte, et d'ailleurs la question a été évoquée par les

26 Juges de la Chambre le premier jour de la déposition de ce témoin. En

27 effet, le mot original utilisé en serbe est "inokosan." Nous nous sommes

28 efforcés de trouver la traduction précise de ce mot qui a été interprété en

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1 anglais par le mot "sole" ou chef d'Etat, ou quelque chose comme cela. En

2 tout cas, nous en avons parlé au premier jour de la déposition de ce

3 témoin. Nous avons indiqué qu'à notre avis "inokosan," s'il est traduit par

4 "executive," est mal traduit.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, peut-être pourriez-vous

6 nous dire quelle est la différence entre le rôle du président avant 1990 et

7 le rôle du président à partir de 1990.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] En vertu de la constitution de 1974, la Serbie

9 n'avait pas de président de la république. Elle avait une présidence, qui

10 était un organe collectif. C'était un organe composé de plusieurs membres

11 qui avait pour fonction de diriger l'Etat qu'était la République de Serbie.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que ceci répond bien à la

13 question qui vient d'être évoquée, car finalement ce ne sont pas les

14 détails qui importent. Ce qui importe, c'est de se concentrer sur la

15 réalité des pouvoirs exercés par le président à partir de 1990.

16 Monsieur Hannis.

17 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Décrivant la controverse ou le débat suscité par le début du mise en

19 œuvre de la constitution, et plus précisément par ce qu'était le rôle du

20 président, vous avez dit que certains critiques de la constitution

21 affirmaient que les pouvoirs dévolus au président en vertu de la nouvelle

22 constitution étaient exagérément importants, n'est-ce pas ?

23 R. Exact.

24 Q. Et ces mêmes critiques ont considéré que cette nouvelle constitution

25 faisait de l'institution qu'était le président de la république

26 l'institution la plus importante de Serbie, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ce

27 que certains en pensaient ?

28 R. En 1990, lorsque la nouvelle constitution de la République de Serbie a

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1 été adoptée, le système multipartite n'en était qu'à ses débuts dans la

2 République de Serbie, et à cette époque-là la constitution, celle de 1990,

3 s'est concentrée sur la fonction de président de la république, et c'est la

4 raison pour laquelle cette fonction a été à l'origine des plus vives

5 critiques. Car il a été dit que cette fonction avait été créée sur mesure

6 pour Slobodan Milosevic à l'époque. C'est une des raisons principales des

7 critiques qui ont été formulées à l'époque. Il s'agit plutôt d'une querelle

8 politique que d'un débat objectif et argumenté reposant sur des arguments

9 réels.

10 Q. Pouvez-vous nous dire quelles étaient ces critiques, et qui étaient ces

11 critiques ? S'agissait-il d'académiciens, de professeurs de droit, de

12 personnes très instruites qui comprenaient bien la loi et la constitution ?

13 Nous ne parlons pas, n'est-ce pas, de critiques émanant de l'opinion

14 publique en général ?

15 R. C'est exact. Je l'ai dit d'ailleurs dans mon rapport d'expert. J'ai

16 cité leurs propos. J'ai cité le texte publié par ces critiques de la

17 nouvelle constitution à l'époque. Il s'agit de personnes très éduquées,

18 très instruites, qui s'exprimaient avant tout pour des raisons politiques,

19 alors que les arguments raisonnés étaient laissés de côté. Ces personnes

20 ont critiqué l'institution que représentait le président de la République.

21 La meilleure façon de répondre à votre question consiste à rappeler ce qui

22 s'est passé avec M. Djindjic en 1997 - et je l'ai déjà cité ici dans ma

23 déposition - à savoir que sa fonction n'impliquait aucune responsabilité

24 particulière, que le président de la république ne pouvait même pas nommer

25 à son poste le premier ministre ou le désigner sur la base de son choix

26 personnel, et qu'il ne pouvait pas non plus, sur son initiative

27 personnelle, dissoudre l'assemblé. Donc, il ne s'agissait en fait que d'une

28 fonction symbolique. A l'époque, M. Djindjic était un des dirigeants de

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1 l'opposition. Telles étaient les critiques qu'il émettait, et c'est donc

2 lui qui a dit qu'il ne se présenterait pas comme candidat à cette fonction.

3 Dès que le président Milosevic a cessé d'exercer les fonctions de président

4 de la république, toutes les critiques par rapport à sa fonction ont cessé.

5 Ce que j'ai écrit dans mon rapport d'expert, c'est que seul des auteurs de

6 manuels de droit constitutionnel et des professeurs de droit se sont

7 occupés de ces questions. L'opinion publique, de façon générale, s'est très

8 vite désintéressée de cette discussion portant sur la fonction du président

9 de la république.

10 Q. D'accord. Je suppose que j'ai quelque mal à saisir exactement la nature

11 de cette controverse, mais il me semble - je ne sais pas si j'ai raison -

12 peut-être pourriez-vous regarder un document. Mais en tout cas, il me

13 semble qu'il est écrit dans ce document que, si l'on compare les fonctions

14 du président de la république et de l'assemblée nationale ou du

15 gouvernement, il ne faut pas que les rapports entre les deux changent quel

16 que soit le président. Est-ce que vous seriez d'accord avec cela ?

17 R. Je suis tout à fait d'accord. A l'époque, le président avait les mêmes

18 pouvoirs que le président Boris Tadic en vertu de la constitution, Boris

19 Tadic étant le président actuel. Donc, les pouvoirs de l'un et de l'autre

20 étaient les mêmes. Mais c'est la personnalité de Slobodan Milosevic, le

21 magnétisme exercé par lui, qui a porté une différence. Les critiques se

22 sont centrés sur cette fonction particulière pour obtenir politiquement que

23 Slobodan Milosevic soit démis de ses fonctions. C'était là le but de tous

24 ces critiques qui critiquaient la fonction du président de la république.

25 Car à l'époque le président n'avait pas plus de pouvoirs que les présidents

26 qui lui ont succédé par la suite. Mais étant donné sa personnalité, son

27 charisme, le débat s'est développé et les critiques de la constitution de

28 1990 se sont concentrés sur la fonction du président de la république parce

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1 que c'est lui qui détenait cette fonction.

2 Q. Mais Professeur, en tant que juriste et en tant qu'expert du droit

3 constitutionnel, en tant qu'auteur de constitutions, conviendrez-vous avec

4 moi que ce qu'essaient, en général, d'éviter les auteurs de constitutions,

5 c'est qu'un document comptant plus de 1 000 articles ne cerne pas de la

6 façon la plus précise que ce soit les règlementations qui vont s'appliquer

7 par la suite, parce que si un tel document est rédigé de façon très souple,

8 en maintenant toute sorte d'ambiguïtés, c'est le meilleur moyen pour qu'à

9 l'avenir il ne soit pas nécessaire d'amender la constitution toutes les six

10 semaines ou tous les six mois ? Est-ce que ce n'est pas en partie le défi

11 auquel les auteurs de constitutions sont confrontés, à savoir, d'une part

12 cerner précisément les objectifs, et d'autre part rester suffisamment

13 souples ?

14 R. Oui, précisément, tel est bien le défi. Les auteurs de constitution --

15 tous les auteurs de constitutions doivent garder cela à l'esprit, c'est-à-

16 dire l'équilibre entre les deux extrêmes. A savoir, la nécessité de rédiger

17 un texte détaillé, et si le texte est trop détaillé, la constitution n'aura

18 qu'une durée de vie assez brève, ou le choix de rédiger une constitution où

19 il ne figureront que des principes, ce qui permettra à celle-ci d'avoir une

20 durée de vie plus longue. L'une des raisons pour laquelle la constitution

21 américaine est toujours valable après plus de 200 ans d'existence, c'est

22 précisément que les rédacteurs de cette constitution ont choisi la deuxième

23 option.

24 Q. Pratiquement toute constitution comporte un certain degré d'ambiguïté.

25 Ceci est dû au fait que les juristes constitutionnels ne peuvent avoir

26 recours à rien d'autre qu'à la langue pour rédiger la constitution.

27 R. C'est exact. C'est exact. Je suis d'accord avec vous.

28 C'est la pratique de l'application de la constitution qui répond ou qui

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1 lève ces ambiguïtés, c'est la jurisprudence, l'interprétation faite de la

2 constitution par l'accord constitutionnel dans ces décisions qui lève les

3 ambiguïtés.

4 Q. Selon la pratique que je connais moi-même aux Etats-Unis, c'est en

5 partie à cause de l'ambiguïté que l'on trouve dans le texte d'une

6 constitution que le rôle du président peut être considéré comme plus ou

7 moins important selon la personnalité qui occupe cette fonction, parce que

8 le président ne peut que travailler avec un texte ambigu par nature, à

9 savoir la constitution. Conviendriez-vous avec moi que ce qui s'est ce qui

10 se passe dans la vie réelle, s'agissant du rapport qui lit le président à

11 la constitution ?

12 R. Absolument. Je suis d'accord, c'est la raison pour laquelle en Amérique

13 les présidents sont si importants, si grands, même si leur pouvoir

14 aujourd'hui est très semblable à celui qu'ils avaient en vertu de la

15 constitution de 1777, mais simplement, certains d'entre eux ont une

16 personnalité forte, et laissent une empreinte plus importante durant leur

17 présidence. Par ailleurs, il y a des présidents qui sont passés inaperçus,

18 s'agissant de l'influence exercée par eux en dehors du fait qu'ils ont

19 exercé leur mandat pendant le temps prescrit par la constitution.

20 Q. Merci, Professeur. En raison de cela, n'est-ce pas là une raison qui a

21 justifié les critiques véhémentes de l'époque, censées sonner l'alarme,

22 parce que M. Milosevic avait une forte personnalité et exerçait cette

23 fonction ?

24 R. Précisément, c'est la raison de tout cela. C'était une personne très

25 charismatique, également un dirigeant de parti politique. Donc, un

26 président de la république, s'il n'a pas un parti politique puissant

27 derrière lui, est assez handicapé. Je parle d'un président qui ne serait

28 pas le dirigeant d'un parti politique. Il ne peut pas avoir la même aura

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1 qu'un président qui est le dirigeant d'un parti politique important.

2 Q. Merci beaucoup. Autre chose dans l'introduction de votre rapport

3 d'expert, vous évoquez cette controverse, vous dites que : "Ceux qui

4 contestaient la nouvelle constitution ne préconisaient pas que le président

5 soit plus fort, mais simplement qu'il ait des pouvoirs plus étendus qu'un

6 monarque dans un système de monarchie constitutionnelle parlementaire."

7 Pourriez-vous nous donner un exemple de monarchie constitutionnelle

8 parlementaire ? Est-ce que vous pensiez à la reine Elisabeth d'Angleterre ?

9 R. Bien, si nous examinons les pouvoirs du président de la république en

10 vertu de la constitution de 1990, et compte tenu des explications déjà

11 fournies, je dirais simplement qu'il ne pouvait exercer certains pouvoirs

12 parce que la constitution fédérale réservait ces pouvoirs à l'Etat fédéral.

13 Certains des pouvoirs ne pouvaient être exercés parce qu'il existait des

14 lois qui n'avaient pas encore été votées et qui limitaient encore

15 l'exercice de ces pouvoirs. Si l'on compare ces pouvoirs à ceux de la reine

16 d'Angleterre, c'est à peu près la même chose, la reine d'Angleterre ne peut

17 décider par elle-même de l'identité du premier ministre, et elle ne peut

18 pas non plus dissoudre le parlement. Elle ne peut pas non plus refuser un

19 projet de loi qui a été voté par le parlement. Je me souviens que la

20 dernière reine d'Angleterre à l'avoir fait était la reine Anne en 1707,

21 c'est elle qui a été le dernier monarque britannique à avoir rejeté un

22 projet de loi.

23 Q. D'accord, Professeur. Mais s'agissant des pouvoirs du président en

24 vertu de l'article 83 de la constitution, de la dernière constitution,

25 paragraphe 12, nous voyons une disposition qui se lit comme suit, je cite :

26 "Le président peut conduire d'autres affaires dans le respect de la

27 constitution."

28 Est-ce que ceci n'est pas une façon pour le président de se rattraper un

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1 peu par rapport à son manque de pouvoirs effectifs vis-à-vis du

2 gouvernement et de l'assemblée nationale ? Est-ce que ce n'est pas une

3 façon de formuler les choses de façon, peut-être, un peu plus générale,

4 mais tout de même assez semblable ?

5 R. Ce que l'on veut dire ici, c'est que les pouvoirs du président ne sont

6 pas concentrés. Ils ne sont pas énumérés jusqu'au dernier dans l'article

7 83, mais qu'on en retrouve dans d'autres articles, notamment aux articles

8 84, 85, 89 et 132, paragraphe 1 de la constitution. Il n'y a aucun autre

9 endroit où il est question des pouvoirs du président. Cette disposition

10 implique qu'une loi ne peut pas accorder ou priver le président de ses

11 pouvoirs, et nous avons vu ce qui s'est passé avec la loi qui donnait une

12 certaine autorité au président, un moment est arrivé où cette loi a été

13 rejetée par la Cour constitutionnelle. Elle a cessé d'exister. Elle a été

14 abrogée.

15 Q. Très bien, j'ai une question sur ce sujet. Vous dites, je cite : "Dans

16 le respect de la constitution," cela signifie dans le respect des pouvoirs

17 présidentiels tels qu'ils sont définis aux articles 84 à 89, ou 84, 85, 89

18 et 132 de la constitution. Mais si tel était le cas, pourquoi est-ce que

19 dans ce paragraphe 12, on ne dirait pas simplement, je cite : "Et conduire

20 d'autres affaires dans le respect des articles 84, 85, 89 et 132 de la

21 constitution ?" Ce qui ôterait tout doute.

22 R. Vous avez raison. On pourrait le dire de cette façon également. C'est

23 une façon de parler, un problème technique, si vous voulez, sur le plan

24 juridique. Il est plus concis d'utiliser le libellé que vous venez de

25 proposer, mais on peut aussi préconiser l'emploi de ce qui a été adopté. La

26 question ici est une question de préférence de la part du rédacteur du

27 texte.

28 Q. Vous faisiez partie de la commission constitutionnelle qui a rédigé la

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1 constitution, n'est-ce pas ?

2 R. [aucune réponse verbale]

3 Q. Cette commission comptait combien de membres ?

4 R. Cette commission constitutionnelle était un organe important sur le

5 plan numérique. La commission constitutionnelle comptait plusieurs dizaines

6 de membres, mais une instance de taille inférieure a été créée, qui a été

7 baptisée comité de coordination de la commission et qui comptait entre 10

8 et 12 membres. C'est elle qui a rédigé le projet de constitution adopté par

9 la suite par la commission constitutionnelle, avant d'être soumis à

10 l'assemblée pour discussion ultérieure en 1990.

11 Q. Pourriez-vous nous en dire un peu plus de la façon dont cela s'est

12 passé ? Le comité de coordination en faisiez-vous partie ?

13 R. Oui, j'étais membre du comité de coordination. Le président du comité

14 de coordination était M. Slobodan Vucetic qui a été également le dernier

15 président de la Cour constitutionnelle de Serbie, et c'est ce comité de

16 coordination composé d'un certain nombre d'experts qui a rédigé le projet

17 de constitution littéralement. Puisque j'étais au sein de ce comité de

18 coordination la personne la plus spécialisée en droit constitutionnel,

19 puisque je faisais du droit constitutionnel depuis de nombreuses années, on

20 m'a demandé de faire partie de ce comité et de m'occuper de la structure de

21 la constitution. Durant les réunions du comité de coordination, nous

22 cherchions des solutions à tous les problèmes qui se posaient.

23 Q. Qui dirigeait la commission constitutionnelle ?

24 R. C'était le président de l'assemblée nationale, c'est-à-dire Zoran

25 Sokolovic, à l'époque, le président en exercice.

26 Q. Est-ce que c'est lui a fait le travail de rédaction ?

27 R. Non, c'était dû à une raison très simple, à savoir qu'il était diplômé

28 d'agronomie, donc ce n'était pas un expert en droit. Il y avait au sein du

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1 comité de coordination des personnes qui étaient plus spécialisées en

2 écriture et en rédaction.

3 Q. Quel était le rôle du comité de coordination vis-à-vis de la commission

4 constitutionnelle ? Est-ce que c'est le comité de coordination qui était

5 chargé de la rédaction, de la présentation, de la relecture du texte, ou

6 est-ce que c'est la commission constitutionnelle qui se chargeait de cela ?

7 R. Notre rôle au comité de coordination consistait à élaborer le texte

8 destiné à être examiné par la commission constitutionnelle. Nous étions un

9 groupe de travail. Je me souviens que les réunions duraient souvent

10 jusqu'au milieu de la nuit ou même jusqu'à l'aube. Il est vrai que cette

11 constitution n'est pas très longue, puisqu'elle ne comporte que 136

12 articles, mais il fallait formuler tout cela, et il fallait, avant de

13 choisir un libellé, en discuter, examiner diverses possibilités, et se

14 mettre d'accord. Donc, c'est le comité de coordination qui a fait le plus

15 gros du travail en la matière.

16 Quant à la commission constitutionnelle, elle a sans doute fait des

17 propositions d'amendements du point de vue de la rédaction, mais elle ne

18 s'est pas occupée de la rédaction initiale.

19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi, j'aurais une

20 question à poser au témoin.

21 Est-ce que vous respectiez des normes précises eu égard à la

22 rédaction de la constitution, et est-ce que vous aviez mis au point, entre

23 vous, des normes sur lesquelles vous vous étiez entendus entre vous, et de

24 quelle façon avez-vous tenu compte des aspects politiques en appliquant ces

25 normes dans la rédaction de la constitution ? Donc, je vous demande quelles

26 étaient ces normes, si elles existaient, et si vous pourriez nous les

27 décrire rapidement. Je vous remercie, Professeur.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, nous sommes partis de l'histoire de

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1 la Serbie, compte tenu de la période dans laquelle nous étions en train de

2 travailler. Nous nous sommes efforcés de mettre de côté le système

3 d'autogestion socialiste qui avait existé jusqu'à ce moment-là. Nous étions

4 convaincus que la constitution devait être modifiée, bien entendu, en

5 respectant la culture serbe, c'est-à-dire ses traditions politiques,

6 historiques, l'historique de ses constitutions précédentes, parce que la

7 Serbie avait une histoire très riche du point de vue de l'évolution de sa

8 constitution. Elle a adopté sa première constitution dès 1835. Nous étions

9 convaincus, eu égard à tous ces aspects, que c'est la constitution de la 5e

10 République française de 1958 qui pouvait être notre meilleur guide. Donc,

11 s'agissant de l'organisation des pouvoirs, les grandes idées développées

12 dans la constitution élaborée par nous venaient de la constitution

13 française de 1958.

14 Quant au comité de coordination et à celui a dirigé le travail accompli par

15 lui, il a été dit il y a quelques instants que ce comité de coordination

16 était présidé par M. Slobodan Vucetic. C'est lui qui présidait les

17 réunions, et les membres du comité de coordination travaillaient sous sa

18 direction. Mais le travail a été un travail d'équipe. La rédaction de la

19 constitution a donc été un travail d'équipe. Les journalistes et autres

20 rédacteurs ont beaucoup simplifié les choses par la suite, en ne cessant de

21 dire que j'étais le seul auteur de la constitution, ce qui est évidemment

22 impossible. Plusieurs personnes ont participé à la rédaction de la

23 constitution.

24 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Mais, Monsieur, est-ce que vous avez

25 consulté les différents groupes ethniques qui composaient la population du

26 pays ? Est-ce que vous avez tenu compte des courants politiques, des idées

27 politiques exprimées par l'opinion ? Est-ce que vous les avez intégrés dans

28 la constitution ? Je vous remercie.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument. La commission constitutionnelle

2 était une commission à l'ancienne, si je puis me permettre cette

3 expression, c'est-à-dire, une commission très comparable à ce qui existait

4 dans la Yougoslavie autogérée socialiste, où on prêtait beaucoup

5 d'attention à la nécessité de respecter l'égalité entre les nations, entre

6 les groupes ethniques, ce qu'on appelait les nations et les nationalités

7 dans la Yougoslavie de l'époque et qui signifie les minorités ethniques. A

8 l'époque, tous les organismes constitués l'étaient sur la base d'une

9 représentation paritaire. Dans tous les organismes officiels, il y avait

10 des représentants des diverses communautés ethniques et des diverses

11 minorités nationales. Au sein de la commission constitutionnelle, cette

12 parité a été respectée. Je ne me souviens plus exactement maintenant, étant

13 donné que pas mal de temps s'est écoulé depuis, quels étaient les nombres

14 exacts, mais je me souviens qu'il y avait un Albanais, M. Tefki Lugixhi

15 [phon], qui faisait partie de cette commission. Il y avait également

16 d'autres groupes ethniques représentés au sein de la commission

17 constitutionnelle. Bien entendu, un autre critère de choix pour faire

18 partie de cette commission était la profession exercée ou le domaine de

19 spécialisation, mais les opinions politiques de chacun étaient bien

20 connues. C'est dans ces conditions que ces diverses personnes ont participé

21 aux débats.

22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que vous régliez les questions

23 par vote majoritaire à la commission ou est-ce que vous vous contentiez

24 d'un débat ? Je vous remercie. C'était ma dernière question.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Au sein de la commission constitutionnelle,

26 nous prenions toujours nos décisions à l'issue d'un vote à la majorité.

27 Mais le président, M. Sokolovic, s'efforçait toujours d'obtenir un

28 consensus, c'est-à-dire, l'accord de tous, de façon à ce que personne ne

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1 puisse être vaincu par le vote de la majorité. Des efforts importants ont

2 été déployés pour satisfaire chacun au maximum et toujours trouver un

3 compromis. Vous le verrez, cette constitution emploie parfois des termes

4 assez archaïques qui ne signifient plus grand-chose dans la vie

5 d'aujourd'hui. Par exemple, le mot "narodnost." C'est un terme qui

6 concernait les minorités ethniques, et il a été conservé dans le texte

7 parce que l'on a estimé que le mot "minorité" aurait été un mot offensant.

8 Donc, ce terme archaïque est demeuré dans le texte. Tous les étrangers

9 n'ont cessé de se demander ce que voulait dire ce terme et ils en

10 exigeaient la traduction. C'est un terme qui est synonyme de minorités

11 nationales, mais qui permet de ne pas offenser les sentiments de ces

12 minorités nationales, d'où son maintien dans le texte.

13 Puis, dans le préambule déjà, par exemple, le préambule de la constitution,

14 vous verrez qu'il est question de l'évolution historique et de la co-

15 existence quotidienne de toutes les populations et toutes nationalités et

16 de tous les peuples de Serbie.

17 M. HANNIS : [interprétation]

18 Q. Professeur, vous avez dit que le vote se faisait en général à la

19 majorité et que le président s'efforçait, avant un vote, d'obtenir un

20 consensus. Je suppose que parfois cela n'était pas possible, qu'il était

21 impossible d'obtenir un consensus sur certains passages de la constitution.

22 Donc, qui était le dernier arbitre dans ces cas-là ? Est-ce que c'était la

23 majorité à l'issue du vote ou est-ce que le président avait un pouvoir

24 supérieur aux membres qui l'entouraient ? Est-ce qu'il pouvait trancher par

25 un oui ou un non sur une question controversée ? Comment est-ce que cela

26 fonctionnait ? Est-ce que c'est le vote majoritaire qui tranchait ? Je vous

27 le demande.

28 R. C'est le vote majoritaire qui décidait. Je ne me souviens plus

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1 exactement quels ont été les chapitres de la constitution concernés, mais

2 j'ai un exemple en tête, l'article déclarant l'égalité entre divers modes

3 de propriété. On voit une énumération des différents modes de propriété,

4 avec notamment la propriété de l'Etat. Ceci est l'article 56.

5 Il y en avait parmi les membres du comité qui souhaitaient supprimer

6 l'expression propriété de la société. Je me souviens très bien de qui

7 voulait la suppression de cette expression. Le Pr Budimir Kosutic, par

8 exemple, qui faisait partie de la commission constitutionnelle, était

9 favorable à la suppression de cette expression. Un vote a eu lieu, et nous

10 avons décidé de maintenir l'expression propriété de la société comme

11 signifiant propriété de l'Etat, car c'était la réalité de l'époque. Nous

12 étions convaincus que le marché était un critère qui permettrait de

13 déterminer quels étaient exactement les modes de responsabilité qui

14 continueraient à exister et quels étaient les modes de responsabilité qui

15 disparaîtraient à l'avenir. Dans la nouvelle constitution, on ne trouve

16 plus cette expression de "propriété sociale."

17 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi ?

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela répond à votre

19 question ?

20 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je pense.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela répond au premier tiers. Merci.

22 M. HANNIS : [interprétation] J'ai une autre question.

23 Q. Professeur, sur les 136 articles de la constitution, est-ce qu'il y en

24 avait auxquels vous étiez opposé, pour lesquels vous aviez une opposition

25 personnelle, une objection personnelle ?

26 R. Oui. Par exemple, je n'étais pas d'accord avec le maintien du terme

27 "narodnost," synonyme de minorité ethnique. J'étais également opposé au

28 libellé relatif au fait qu'un député représente les citoyens du territoire

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1 qui l'ont élu, article 86. Mais les anciennes mentalités étaient encore

2 très vivaces. Donc, l'expression mandat librement exercé était inacceptable

3 à l'époque. C'est la raison pour laquelle il a été estimé qu'un député

4 devrait être lié aux électeurs qui l'avaient élu, et peut-être ai-je été

5 opposé également à d'autres formules qui sont restés dans le texte de la

6 constitution.

7 Q. Merci. Je souhaite revenir à l'article 83, numéro 12 en fait, sur les

8 pouvoirs du président, et cette phrase qui englobe tout un petit peu : "de

9 mener les affaires conformément au texte de la constitution." J'avais

10 proposé une alternative dans la manière de formuler les choses, mais vous

11 avez dit que c'était la version que l'on préférait. Conviendrez-vous avec

12 moi, Monsieur le Professeur, qu'ici on peut présenter un argument ? Il y a

13 une certaine ambiguïté, et un président fort pourrait arguer du fait que,

14 moi, je l'entends comme étant en mon pouvoir de faire tout ce que je

15 souhaite faire au regard de la constitution, et rien ne m'empêche de le

16 faire. Est-ce que vous comprenez ma question ?

17 R. Oui, je comprends bien. Je pense que cela ne serait pas possible. Il ne

18 peut qu'exercer les pouvoirs dont il est investi de façon explicite par la

19 constitution. Ce n'est pas le pouvoir dont il dispose par rapport à

20 l'esprit de la constitution et sa position vis-à-vis de la constitution,

21 parce que sa responsabilité à l'égard de la constitution est importante

22 dans la mesure où il n'a pas le droit de l'enfreindre. Il ne peut être

23 démis de ses fonctions que si on constate qu'il a effectivement violé la

24 constitution, et à ce moment-là, cela doit spécifier de manière précise

25 qu'il a exercé un pouvoir dont il n'était pas investi par la constitution.

26 Tous les pouvoirs dont il est investi doivent être définis de manière

27 précise. Il n'y a pas de pouvoirs que l'on peut assumer. D'emblée, on ne

28 peut pas donner une interprétation de cela. Le président de la république a

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1 un certain pouvoir. Par exemple, il y a le pouvoir de lancer une procédure

2 juridique. La constitution est tout à fait claire à cet égard. Le président

3 n'a pas ce droit-là. Il n'a pas le droit de s'adresser directement au

4 parlement.

5 Ce paragraphe à l'article 83 signifie qu'au-delà des pouvoirs dont il

6 dispose, il ne dispose que des pouvoirs qui sont précisés de manière

7 explicite dans la constitution. Il ne peut pas assumer d'autres pouvoirs.

8 Q. Je me souviens du début de votre déposition. Vous avez parlé de

9 la promotion du général Lukic. Je suppose que le président disposait d'un

10 certain pouvoir au regard de la constitution jusqu'au jour où la Cour

11 constitutionnelle en a décidé autrement, n'est-ce pas ?

12 R. Une correction que je souhaite apporter. Cela n'est pas que c'est

13 quelque chose qu'il pensait, mais la loi sur les différents grades des

14 membres du ministère de l'Intérieur lui donnait ce pouvoir aux articles 6

15 et 10. Le président disposait donc de ce pouvoir. En vertu de ces articles,

16 le président de la république a exercé ce pouvoir, ce droit, jusqu'au jour

17 où la Cour constitutionnelle a décrété que le président de la république ne

18 peut pas exercer ce pouvoir, car il est contraire à la constitution. La

19 constitution évoque cette question-là. Le président n'a ce pouvoir que - si

20 vous vous reportez à la décision prise par la Cour constitutionnelle - le

21 président ne dispose que des pouvoirs qui sont indiqués nommément dans la

22 constitution. C'est la raison pour laquelle, dans ces dispositions, les

23 pouvoirs dont est investi un président, si ces pouvoirs ne figurent pas

24 dans la constitution, il s'agit à ce moment-là d'éléments

25 inconstitutionnels.

26 Q. Merci beaucoup. Je vais y revenir un peu plus tard. Mais dans

27 votre déposition de lundi - je crois que ceci était à la page 12 877 du

28 compte rendu - vous avez parlé de la situation en 1990 lorsque la

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1 constitution a été adoptée, qu'il y avait un risque de sécession de la part

2 de certaines républiques. Vous avez indiqué que la constitution de la

3 Serbie avait, en quelque sorte par anticipation, évoqué la possibilité d'un

4 vide au plan constitutionnel et avait déjà mis en place les attributs ou

5 caractéristiques d'un Etat indépendant que serait la Serbie. Pourriez-vous

6 nous expliquer quels étaient ces attributs ou caractéristiques d'un Etat

7 indépendant ? Est-ce qu'à ce moment-là il s'agit de l'armée, des affaires

8 étrangères ? Est-ce cela dont vous vouliez parler ?

9 R. Oui, c'est exactement cela que j'ai évoqué. Une unité fédérale n'a pas

10 sa propre politique étrangère dans aucun pays du monde; elle ne dispose pas

11 non plus d'un ministère des Affaires étrangères et ne peut être représentée

12 sur la scène internationale au sein d'organisations comme les Nations

13 Unies; et ne peut pas disposer de sa propre armée non plus. Donc, il s'agit

14 là des pouvoirs annexes qui étaient l'apanage du président de la

15 république, et d'autres qui figurent à l'article 72 de la constitution, qui

16 précisaient quelles étaient les compétences de la Serbie.

17 Cet article 72 est tout à fait atypique, et cet article a été créé

18 précisément en raison de la situation qui était celle de la Serbie à

19 l'époque. C'était dans l'éventualité d'une sécession. Ils ne souhaitaient

20 pas qu'il y ait un vide juridique et des compétences auxquelles personne ne

21 pouvait répondre. C'est la raison pour laquelle ceci est énuméré. Ces

22 derniers sont énumérés à l'article 72, bien que certains de ces points

23 relèvent de la juridiction de la fédération. La constitution de la Serbie,

24 à l'article 135, indique clairement que tout ce qui relève de la compétence

25 de la fédération est précisé, et tout ce qui relève de la compétence de la

26 Serbie sera appliqué conformément à la constitution de la fédération. Et

27 c'est la constitution fédérale qui a la primauté ici. Ce qui est tout à

28 fait normal en tout pays du monde. C'est une situation un petit peu

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1 atypique dans laquelle se trouvait la Serbie à ce moment-là. Et c'est la

2 raison pour laquelle la constitution de la Serbie avait de telles

3 dispositions.

4 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Professeur. J'ai d'autres questions à vous

5 poser à propos de l'article 135.

6 Vous avez parlé de la Serbie comme étant une unité fédérale. Vous vouliez

7 dire que la Serbie faisait partie de la fédération yougoslave; c'est cela

8 que vous vouliez dire ?

9 R. Oui, tout à fait.

10 Q. Provinces autonomes et unités fédérales aussi ?

11 R. Non, ce n'était pas le cas. Les provinces autonomes ne sont pas des

12 unités fédérales. On le voit très bien à l'article 2 de la constitution de

13 la République fédérale socialiste de la Yougoslavie de 1974. A cet article-

14 là, on peut lire ceci : La RSFY comporte six unités fédérales et précise

15 lesquelles, sans pour autant nommer les deux provinces autonomes. Les

16 provinces autonomes faisaient partie de la Serbie en tant qu'unités

17 fédérales.

18 A l'article 2 de la constitution de 1974, l'organisation de la fédération

19 yougoslave était ainsi établie. Elle était composée de six unités

20 fédérales. Une des ces six avait en son sein deux provinces autonomes. Nous

21 avons le texte de la constitution de 1974, et si vous le souhaitez je peux

22 vous le lire ici puisque j'ai mon propre exemplaire.

23 Q. Mais je crois que nous en avons terminé.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous rappeler ceci,

25 Monsieur le Professeur, s'il vous plaît : savez-vous si un amendement a été

26 apporté à la constitution de 1990, amendement pour lequel un référendum

27 aurait été nécessaire ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si on souhaitait amender cette

2 constitution, combien de temps faudrait-il, dans les grandes lignes, pour

3 pouvoir terminer ce processus ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] En tenant compte des délais et de la loi sur

5 le référendum, et si l'assemblée travaillait rapidement, cela prendrait au

6 moins deux mois, parce que les amendements devaient être adoptés aux deux

7 tiers de la majorité des voix. Ensuite, il y avait un référendum où il

8 fallait que tous les électeurs soient inscrits, et c'était aussi un vote à

9 la majorité. Donc, il fallait organiser le référendum et il fallait un

10 certain temps pour cela. Il fallait au moins deux mois pour terminer tout

11 ceci, en tout cas en ce qui concerne la constitution de 1990.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 L'audience est levée pour aujourd'hui. Votre contre-interrogatoire se

14 poursuivra demain matin à 9 heures. Dans l'intervalle, je vous demande de

15 bien vouloir quitter le prétoire escorté par l'huissier.

16 [Le témoin quitte la barre]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'audience est levée jusqu'à 9 heures

18 demain matin.

19 --- L'audience est levée à 15 heures 31 et reprendra le vendredi 10 août

20 2007, à 9 heures 00.

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