Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 26 février 2009

  2   [Jugement]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Il

  7   s'agit de l'affaire IT-05-87-T, le Procureur contre Milan Milutinovic et

  8   consorts.

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je souhaiterais que les parties se

 10   présentent, en commençant par M. Hannis.

 11   M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je suis Tom Hannis

 12   au nom du bureau du Procureur. Je suis accompagné aujourd'hui de notre

 13   commis à l'affaire, M. Reid, de Mme Kravetz, Mme Neeman, et des autres

 14   membres de mon équipe.

 15   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Maître O'Sullivan.

 17   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bonjour. Je suis Me Eugène O'Sullivan et

 18   avec Slobodan Zecevic, je représente M. Milutinovic.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

 20   Maître Fila.

 21   M. FILA : [interprétation] Je suis Me Fila. Je suis ici pour représenter

 22   Nikola Sainovic, et je suis ici avec mon co-conseil.

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Maître Visnjic.

 25   M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je

 26   fais partie de l'équipe de Défense de M. Ojdanic, et je suis ici avec les

 27   membres de mon équipe.

 28   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

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  1   Maître Ackerman.

  2   M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Me John

  3   Ackerman pour le général Pavkovic avec Aleksander Aleksic.

  4   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Maître Cepic.

  6   M. CEPIC : [interprétation] Je suis le conseil de la Défense du général

  7   Lazarevic, et je suis ici avec M. Milan Petrovic.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

  9   Maître Lukic.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis Me

 11   Lukic avec Me Ivetic et Me Zorko, et nous représentons les intérêts de M.

 12   Lukic.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

 14   La Chambre de première instance est réunie aujourd'hui pour rendre

 15   son jugement dans l'affaire le Procureur contre Milan Milutinovic, Nikola

 16   Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic et Sreten

 17   Lukic. Je vais maintenant vous donner lecture du résumé des conclusions de

 18   la Chambre de première instance qui figurent dans le jugement; toutefois,

 19   seul fait autorité l'exposé des conclusions de la Chambre que l'on trouve

 20   dans le jugement écrit dont les copies seront disponibles à l'issue de

 21   l'audience.

 22   La Chambre de première instance souhaite, en premier lieu, exprimer sa

 23   reconnaissance envers les différents conseils, le personnel du Greffe et de

 24   la Chambre, les interprètes et les sténotypistes, ainsi que toutes les

 25   personnes qui ont contribué au bon déroulement de ce procès.

 26   Le jugement est un document assez long, illustrant ainsi l'ampleur et la

 27   complexité de cette affaire. Le procès a commencé le 10 juillet 2006, et a

 28   pris fin le 27 août 2008. Au cours des débats, la Chambre de première

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  1   instance a entendu la déposition de 235 témoins et a versé au dossier

  2   quelque 3 400 [comme interprété] pièces à conviction.

  3   La longueur du procès, le nombre très important d'éléments de preuve,

  4   ainsi que l'étendue du jugement résultent en grande partie du nombre et de

  5   la nature des accusations contenues dans l'acte d'accusation. Les accusés

  6   sont tenus pénalement responsables pour tous les modes de participation

  7   visés aux articles 7(1) et 7(3) du Statut du Tribunal pour leur rôle

  8   présumé dans des crimes qui auraient été commis entre le 1er janvier et le

  9   20 juin 1999, au Kosovo par les forces de la République fédérale de

 10   Yougoslavie et la République de Serbie, appelées les forces de la RFY et de

 11   la Serbie.

 12   Il est allégué en particulier que les accusés sont responsables

 13   d'expulsion, un crime contre l'humanité, il s'agit du chef 1; de transfert

 14   forcé en tant qu'autres actes inhumains, un crime contre l'humanité, chef

 15   2; de meurtre et/ou assassinat, un crime contre l'humanité et une violation

 16   des lois ou coutumes de la guerre, chefs 3 et 4; et de persécution, un

 17   crime contre l'humanité, chef 5.

 18   D'après l'acte d'accusation les accusés ont participé ainsi que

 19   d'autres à l'entreprise criminelle commune en vue de modifier l'équilibre

 20   ethnique au Kosovo et permettre à la RFY et aux autorités serbes de

 21   continuer à exercer leur contrôle sur cette province. L'Accusation allègue,

 22   en outre, que l'objectif de l'entreprise criminelle commune devait être

 23   réalisée à travers une campagne généralisée et systématique de terreur et

 24   de violence contre la population albanaise du Kosovo, notamment les

 25   différents crimes repris dans chaque chef de l'acte d'accusation.

 26   Au chef 1, l'acte d'accusation énonce de quelle manière l'expulsion des

 27   Albanais du Kosovo de 13 municipalités réparties sur le territoire du

 28   Kosovo a été effectuée au début de l'année 1999, les villes et les villages

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  1   en question sont mentionnés. Il est important de noter que ces descriptions

  2   contiennent également des informations sur les meurtres, la destruction de

  3   biens, le vol, les violences sexuelles, les passages à tabac et autres

  4   formes de violence qui, d'après l'Accusation, ont contribué au climat de

  5   peur et d'oppression créé par les forces serbes et les forces de la RFY

  6   afin de faciliter l'expulsion de la population albanaise du Kosovo. Aux

  7   chefs 3 et 4, un certain nombre d'assassinats sont allégués dans différents

  8   endroits du Kosovo. Finalement, au chef 5, l'Accusation avance que les

  9   forces de la RFY et de la Serbie ont mené une campagne de persécution

 10   contre la population albanaise du Kosovo, notamment sous la forme de

 11   meurtre, de violence sexuelle, de destruction arbitraire et d'endommagement

 12   d'édifices consacrés à la religion. Toutefois, les actes précis d'expulsion

 13   et de transfert forcé décrits aux chefs 1 et 2 ne sont pas repris au chef 5

 14   comme mode de persécution, comme l'a indiqué la Chambre de première

 15   instance pendant le procès.

 16   A l'époque, des crimes allégués, Milan Milutinovic était président de la

 17   République de Serbie; Nikola Sainovic était vice-premier ministre de la

 18   République fédérale de Yougoslavie ou de la RFY; Dragoljub Ojdanic était

 19   chef d'état-major général de l'armée yougoslave connue sous le nom de VJ;

 20   Nebojsa Pavkovic était le commandant de la 3e Armée de la VJ; Vladimir

 21   Lazarevic, était le commandant du Corps de Pristina de la VJ; et Sreten

 22   Lukic était à la tête du ministère serbe de l'Intérieur chargé du Kosovo,

 23   appelé état-major du MUP. L'acte d'accusation allègue que chaque accusé a

 24   participé à l'entreprise criminelle commune et dans leurs rôles respectifs,

 25   ils ont exercé l'autorité et/ou le contrôle effectif sur la VJ et des

 26   forces du MUP impliquées dans la commission des crimes allégués. Ils

 27   auraient également planifié, incité à commette, ou encore ordonné, ou de

 28   toute autre manière aidé et encourager ces crimes.

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  1   Après la Conférence préalable au procès qui s'est tenue le 7 juillet 2006,

  2   la Chambre de première instance a rendu une ordonnance en application de

  3   l'article 73 bis du Règlement de procédure et de preuve, qui n'a pas permis

  4   à l'Accusation de présenter ses moyens s'agissant de trois lieux de crimes

  5   allégués dans l'acte d'accusation. Une fois le jugement terminé, la Chambre

  6   ordonne aux parties de présenter leurs arguments par écrit dans un délai de

  7   15 jours sur la façon dont il faut procéder eu égard à ces accusations.

  8   Le jugement se divise en quatre volumes. Le premier volume énonce les

  9   règles de droit applicables en l'espèce et les conclusions de la Chambre

 10   sur la question des structures politiques et constitutionnelles de la RFY

 11   et de la Serbie, le conflit armé qui est le sujet de l'acte d'accusation et

 12   les différentes forces en présence, ainsi que les efforts diplomatiques

 13   pour résoudre le conflit. Dans le deuxième volume, la Chambre énonce ses

 14   conclusions sur la question des crimes qui auraient été commis entre les

 15   mois de mars et juin 1999 au Kosovo par les forces de la RFY et de la

 16   Serbie. Dans le troisième volume, la Chambre présente ses conclusions sur

 17   la question de la responsabilité pénale individuelle des six accusés. Le

 18   quatrième volume contient les annexes du jugement ainsi qu'une analyse des

 19   éléments de preuve portant sur plus de 800 victimes de meurtres citées

 20   nommément dans la liste présentée en annexe à l'acte d'accusation.

 21   Je vais en premier lieu aborder les conclusions de la Chambre de première

 22   instance qui porte sur les crimes qui auraient été commis par les forces de

 23   la RFY et de la Serbie. Je note que dans le jugement la Chambre cite des

 24   noms de lieux au Kosovo à la fois en serbe et en albanais; toutefois, en

 25   lisant ce résumé je ne citerai que la version serbe.

 26   La Chambre conclut qu'une crise politique a éclaté au Kosovo à la fin des

 27   années 1980, s'est poursuivie dans les années 1990, et a débouché sur un

 28   conflit armé qui a mis en présence les forces de la RFY et de la Serbie,

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  1   les forces de l'Armée de libération du Kosovo ou l'UCK, à partir du milieu

  2   de l'année 1998. Pendant le conflit armé, il y eut des incidents au cours

  3   desquels un usage disproportionné et indiscriminé de la force a été fait

  4   par la VJ et le MUP, ce qui a provoqué l'endommagement de biens appartenant

  5   à des civils, le déplacement de la population, et la mort de civils. Malgré

  6   les efforts pour mettre fin à la crise, comme l'envoi sur le terrain, entre

  7   autres, de la Mission internationale de vérification au Kosovo, le conflit

  8   s'est poursuivi jusqu'au 24 mars 1999 et au-delà de cette date, lorsque les

  9   forces de l'OTAN ont entamé leur campagne de bombardements aériens contre

 10   des cibles en RFY. Cette campagne a pris fin le 10 juin 1999, et les forces

 11   de la RFY et de la Serbie ont été retirées du Kosovo. Certains passages du

 12   jugement analysent les éléments de preuve se rapportant aux efforts

 13   ostensibles de négociation entre les Albanais du Kosovo et la RFY et les

 14   autorités serbes en 1998 et 1999, les différents accords conclus en octobre

 15   1998, par la suite, l'évolution de la situation et la participation des

 16   interlocuteurs internationaux pour tenter de résoudre la crise qui a

 17   débouché sur la conférence du Rambouillet en France en février 1999.

 18   Peu conteste que de très nombreuses personnes du Kosovo ont quitté leurs

 19   maisons pendant les bombardements de l'OTAN, dont un nombre important qui a

 20   passé la frontière pour se rendre en Albanie et en Macédoine. Des preuves

 21   documentaires et des témoins présentés à la fois par l'Accusation et la

 22   Défense ont confirmé ce déplacement rapide de la population, pour

 23   l'essentiel, des Albanais du Kosovo. Par exemple, une série de rapports

 24   envoyés par l'état-major du MUP au quartier général du MUP à Belgrade entre

 25   le 24 mars et le 1er mai 1999, a enregistré le nombre d'Albanais du Kosovo

 26   qui traversaient la frontière à ce moment-là. D'après ces rapports, au

 27   cours de la première semaine des bombardements de l'OTAN, plus de 300 000

 28   Albanais du Kosovo sont entrés en Albanie et en Macédoine. A la date du 6

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  1   avril, ce chiffre avait doublé, et le 1er mai, il avait atteint 715 158.

  2   L'Accusation avance que des centaines de milliers d'Albanais du Kosovo ont

  3   fui la province en raison des actions violentes et coercitives menées par

  4   les forces de la RFY et de la Serbie, qui avaient lancé une campagne de

  5   terreur et de violence contre les Albanais du Kosovo afin de les chasser de

  6   leurs maisons et de les contraindre à passer la frontière. Cette thèse a

  7   été étayée par les témoignages concordant d'un bon nombre de témoins

  8   albanais du Kosovo, ainsi que par d'anciens membres de la VJ et du MUP

  9   cités à la barre par l'Accusation. Toutefois, les témoins cités à la barre

 10   par la Défense ont toujours nié qu'il y avait une quelconque expulsion

 11   organisée des Albanais du Kosovo de leurs maisons, et un bon nombre d'entre

 12   eux ont donné d'autres raisons pour expliquer le déplacement en masse de la

 13   population albanaise du Kosovo qui passait la frontière en direction de

 14   l'Albanie et de la Macédoine, notamment les bombardements de l'OTAN et les

 15   actions de l'UCK.

 16   La Chambre de première instance est sensible au fait que dans certaines

 17   régions du Kosovo, que ce soit dans les 13 municipalités citées dans le

 18   jugement ou dans d'autres régions, les habitants auraient pu quitter leurs

 19   maisons pour d'autres raisons, telles que des mots d'ordre de l'UCK, ou le

 20   désir d'être à l'écart des combats entre l'UCK et les forces de la RFY et

 21   de la Serbie, ou même, parce que l'OTAN bombardait des cibles proches de

 22   chez eux. Toutefois, même si la Défense avance dans ses arguments que

 23   c'étaient là les principales raisons de ce déplacement en masse de la

 24   population à l'intérieur du Kosovo et au-delà de ses frontières en

 25   direction de l'Albanie et de la Macédoine, aucun des Albanais du Kosovo

 26   venu témoigner n'a cité les bombardements de l'OTAN comme étant une des

 27   causes de leur départ. Et ce n'est que dans une partie de la municipalité

 28   de Vucitrn et une autre partie de la municipalité de Suva Reka que la

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  1   Chambre a constaté que la population partait en raison des actions de

  2   l'UCK. Les témoins albanais du Kosovo qui ont témoigné sur leur propre

  3   expulsion ainsi que sur celle d'un grand nombre d'autres personnes

  4   représentait un échantillon assez large de cette communauté, en général,

  5   sans aucun lien entre eux, hormis le fait d'avoir été des victimes. Il est

  6   difficile d'imaginer qu'ils aient pu inventer des récits aussi détaillés et

  7   cohérents sur les événements qu'ils ont vécus et dont ils ont été les

  8   témoins oculaires.

  9   En outre, les bombardements de l'OTAN ont touché des cibles sur l'ensemble

 10   de la RFY, et la ville de Belgrade a le plus souffert des destructions,

 11   d'après ce qu'a déclaré l'ancien commandant de l'armée de l'air et de la

 12   défense de l'air de la VJ. Pourtant, les habitants n'ont pas quitté

 13   Belgrade ou d'autres régions de la RFY comme l'ont fait en très grands

 14   nombres les personnes qui ont fui le Kosovo. Par conséquent, la Chambre de

 15   première instance conclut que la raison du déplacement en masse des

 16   Albanais du Kosovo n'était pas les bombardements de l'OTAN.

 17   Même si un conflit armé se poursuivait sans relâche entre l'UCK et les

 18   forces de la RFY et de la Serbie, en même temps que les bombardements

 19   aériens de l'OTAN, la Chambre n'estime pas pour autant que ce conflit a été

 20   la cause de la fuite de centaines de milliers d'Albanais du Kosovo entre la

 21   fin du mois de mars et le début du mois de juin 1999. Le conflit entre

 22   l'UCK et la VJ et le MUP a commencé au milieu de l'année 1998 et s'est

 23   intensifié au cours des mois de juillet, août et septembre. Même si

 24   beaucoup d'Albanais du Kosovo ont été déplacés à ce moment-là, la plupart

 25   d'entre eux sont restés à l'intérieur des frontières du Kosovo, et

 26   l'arrivée massive aux frontières, qui a commencé le 24 mars 1999,

 27   n'existait pas. La Chambre rappelle, en outre, que même si à différents

 28   moments et dans différents endroits l'UCK était une force qu'il fallait

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  1   prendre au sérieux, ses membres étaient peu nombreux par rapport aux

  2   effectifs de la VJ et du MUP déployés au Kosovo entre mars et juin 1999.

  3   Elle ne disposait pas non plus du matériel lourd qu'avaient les forces

  4   armées de l'Etat.

  5   Les témoins albanais du Kosovo dont le témoignage a porté sur leurs propres

  6   expériences ainsi que sur celles de leur famille, amis et voisins pendant

  7   les quelques semaines entre le 24 mars et le début du mois de juin 1999,

  8   ont, dans l'ensemble, présenté un récit cohérent sur la peur qui régnait

  9   dans les villes et les villages du Kosovo, non pas en raison des

 10   bombardements de l'OTAN, mais plutôt en raison des actions menées par la

 11   VJ, le MUP et les forces rattachées à celles-ci et qui les accompagnaient.

 12   Parmi les 13 municipalités citées dans l'acte d'accusation, la Chambre

 13   conclut que les forces de la RFY et de la Serbie ont délibérément chassé

 14   des Albanais du Kosovo de leurs maisons, soit en leur ordonnant de partir,

 15   soit en créant un climat de terreur pour les obliger à partir. Alors que

 16   ces personnes quittaient leurs maisons et se rendaient soit à l'intérieur

 17   du Kosovo, soit en direction de ses frontières, un bon nombre d'entre elles

 18   a continué à faire l'objet de menaces, de mauvais traitements, de vols et

 19   d'autres sévices. En beaucoup d'endroits, les hommes ont été séparés des

 20   femmes et des enfants; leurs véhicules ont été volés ou détruits; leurs

 21   maisons incendiées délibérément; de l'argent leur a été extorqué; et ils

 22   ont été contraints à remettre leurs papiers d'identité.

 23   Par conséquent, la Chambre de première instance conclut qu'il existait une

 24   vaste campagne de violence dirigée contre la population civile albanaise du

 25   Kosovo pendant les frappes aériennes de l'OTAN, menée par les forces

 26   placées sous le contrôle de la RFY et des autorités de Serbie, campagne au

 27   cours de laquelle il y a eu des incidents de meurtre, de violence sexuelle

 28   et de destruction intentionnelle de mosquées. Ce sont les actions

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  1   délibérées de ces forces au cours de cette campagne qui ont provoqué le

  2   départ d'au moins 700 000 Albanais du Kosovo pendant cette courte période

  3   allant de la fin du mois de mars au début du mois de juin 1999. Les efforts

  4   déployés par le MUP visant à dissimuler le meurtre des Albanais du Kosovo,

  5   en transportant les corps dans d'autres régions de la Serbie, exposés en

  6   détail dans le jugement, indiquent également que de tels meurtres avaient

  7   un caractère criminel.

  8   Je vais brièvement évoquer quelques constatations de la Chambre à l'égard

  9   des différents lieux des crimes. A la fin du mois de mars 1999, il régnait

 10   dans la ville de Pec, à l'ouest du Kosovo, un climat d'une extrême violence

 11   - et je parle de la ville de Pec - un climat d'une violence extrême, lourd

 12   de menaces, qui avait été créé par la police et les forces militaires qui

 13   incendiaient les maisons, tiraient des coups de feu et maltraitaient la

 14   population albanaise locale. Un nombre considérable d'habitants de la ville

 15   se sont ainsi enfuis ou ont reçu l'ordre de quitter leurs maisons. Certains

 16   d'entre eux ont été placés à bord d'autocars et conduits en direction de la

 17   frontière albanaise. Lorsque ces Albanais du Kosovo sont revenus à Pec

 18   après le conflit, ils ont constaté qu'un bon nombre de leurs maisons

 19   avaient été incendiées, alors que les maisons appartenant aux Serbes de la

 20   ville n'avaient pas été touchées.

 21   Dans la municipalité de Decani, au sud de Pec, des événements semblables se

 22   sont déroulés dans le village de Beleg à la fin du mois de mars 1999. Les

 23   habitants albanais du Kosovo ont été rassemblés par la police et les

 24   membres de la VJ, notamment des réservistes, et certains hommes ont été

 25   tués. Un important groupe composé essentiellement de femmes et d'enfants

 26   albanais du Kosovo a été détenu et maltraité. Certaines de ces femmes ont

 27   subi des violences sexuelles, certains hommes ont fait l'objet de sévices

 28   corporels. Le lendemain, la plupart des personnes du groupe ont reçu

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  1   l'ordre de se rendre en Albanie, et ceux qui sont restés n'ont plus jamais

  2   donné signe de vie.

  3   Au sud de Decani, dans la ville de Djakovica, il régnait un climat de

  4   terreur créé par la police et les forces de la VJ dès le début de la

  5   campagne de bombardement de l'OTAN. Ces forces ont sélectionné des

  6   bâtiments qu'elles ont pillés et incendiés. Les forces du MUP ont tué des

  7   Albanais qui habitaient le village, notamment un groupe de femmes et

  8   d'enfants dans un sous-sol de la rue Milos Gilic au début du mois d'avril.

  9   Par voie de conséquence, un nombre important d'Albanais du Kosovo ont fui

 10   la ville et se sont rendus en direction de la frontière albanaise que

 11   certains ont franchie. Pendant leur voyage, les forces de la VJ et du MUP

 12   leur ont retiré leurs papiers d'identité. Les habitants albanais du Kosovo

 13   de ces villages dans la municipalité de Djakovica étaient également chassés

 14   de leurs maisons par l'armée et la police en avril 1999, en particulier

 15   lors d'une opération conjointe connue sous le nom de Reka ou vallée de

 16   Caragoj à la fin du mois. Au cours de cette opération, un certain nombre

 17   d'Albanais du Kosovo ont été tués par les membres de la police et de la VJ,

 18   et les corps d'au moins 287 personnes portées disparues à Meja et dans ses

 19   environs au moment des faits ont été découverts plus tard dans la fosse

 20   commune de Batajnica, près de Belgrade.

 21   Il n'est pas contesté qu'une opération d'envergure a été menée par la VJ et

 22   le MUP à la fin du mois de mars 1999, dans un secteur qui recouvre certains

 23   régions des municipalités de Prizren, Suva Reka et Orahovac au sud ouest du

 24   Kosovo. Au cours de cette opération, le 25 mars 1999, les habitants

 25   albanais du Kosovo, du village de Pirane, municipalité de Prizren, ont fui

 26   leurs maisons suite au pilonnage du village et à l'incendie des maisons par

 27   les forces de la VJ et du MUP. Le même jour, les forces du MUP et de la VJ

 28   ont attaqué le village de Celina, qui se trouve dans la municipalité

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  1   d'Orahovac, en pillant et en mettant le feu à la plupart des maisons du

  2   village. Ces forces ont terrorisé les habitants du village, ont tué un

  3   certain nombre de personnes. Des personnes de Celina qui avaient fui leurs

  4   maisons et qui s'étaient réfugiées dans les bois à proximité ont été

  5   rassemblées par la suite et dépouillées de leurs objets de valeur et de

  6   leurs papiers d'identité. Certains d'entre eux ont été victimes de sévices

  7   et ont été envoyés en direction de la frontière albanaise. Les membres du

  8   MUP ont également détruit délibérément la mosquée le 28 mars 1999, un jour

  9   de fête musulmane.

 10   Le jour où Celina et Pirane étaient attaqués, à proximité il y avait Bela

 11   Crkva, dans la municipalité d'Orahovac, qui a également été pris pour cible

 12   par les forces de la VJ et du MUP qui ont pilonné le village et incendié

 13   les maisons, provoquant ainsi la fuite de ces habitants. Au cours de cette

 14   attaque, les forces de police ont tué brutalement un certain nombre

 15   d'hommes, de femmes et d'enfants qui avaient formé des groupes et qui

 16   s'étaient cachés dans le lit de la rivière. Le village de Mala Krusa, au

 17   sud de Celina et de Bela Crkva, et au nord de Pirane, fût également

 18   encerclé par les forces de la VJ et du MUP le 25 mars 1999, et le MUP est

 19   alors entré dans le village, il a pillé et incendié les maisons avec l'aide

 20   de quelques Serbes de la région. Les habitants albanais du Kosovo de ce

 21   village sont allés se cacher dans une région boisée, ils ont été plus tard

 22   rassemblés. On a dit aux femmes et aux enfants qu'ils devaient se rendre en

 23   Albanie. Plus de 110 hommes ont été dépouillés de leurs objets de valeur et

 24   de leurs papiers d'identité, maltraités, et ensuite enfermés dans une

 25   grange et des membres de la police locale ont tiré sur eux, après quoi la

 26   grange a été incendiée. Huit d'entre eux seulement ont survécu.

 27   Dans la même époque, les habitants de Dusanovo, un quartier de la ville de

 28   Prizren, ont été chassés de chez eux, frappés, menacés, dépouillés et

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  1   envoyés en direction de l'Albanie. Plus tard, en avril 1999, les personnes

  2   qui avaient été déplacées de Pirane pendant l'opération et qui s'étaient

  3   réfugiées non loin de là à Srbica ont également reçu l'ordre de quitter le

  4   village et de se rendre en Albanie.

  5   Au cours de cette opération survenue à la fin du mois de mars 1999, les

  6   forces spéciales de police se sont engagées dans la ville de Suva Reka et

  7   de ses environs. Le 26 mars, les hommes du MUP local ont pris pour cible

  8   des membres de la famille Berisha. Ils ont tué 45 hommes, femmes et enfants

  9   près de leurs maisons, alors que ces personnes fuyaient en passant devant

 10   un arrêt de bus et qu'elles s'étaient réfugiées à l'intérieur d'une

 11   pizzeria. Les corps de la majorité de ces personnes ont été retrouvés plus

 12   tard dans la fosse commune de Batajnica, près de Belgrade. Dans les jours

 13   qui ont suivi les meurtres, la mosquée de Suva Reka fût endommagée, et de

 14   nombreux habitants albanais du Kosovo, de la ville, qui étaient restés, ont

 15   quitté leur domicile au moment où la police mettait le feu à leurs maisons,

 16   volait leur argent et leurs objets de valeur et leur donnait l'ordre de

 17   partir en Albanie.

 18   A la fin du mois de mars et en avril 1999, des civils albanais du Kosovo

 19   ont été contraints de quitter des villages dans la municipalité de Srbica

 20   au centre du Kosovo. Le 26 mars, le village de Turicevac a été bombardé, et

 21   ses habitants ont formé un convoi et sont partis vers l'est en direction de

 22   Tusilje. Les forces du MUP et de la VJ sont alors arrivées à Tusilje, et un

 23   autre convoi a été formé et a commencé à prendre la direction de Klina.

 24   Pendant la même période environ, un grand nombre de personnes déplacées

 25   s'est rassemblé dans un champ à la périphérie du village d'Izbica. Les

 26   forces de police ont encerclé le groupe, ont donné l'ordre aux femmes et

 27   aux enfants d'aller en Albanie et ont retenu les hommes. Ils ont ensuite

 28   constitué deux groupes d'hommes, les ont alignés et ont tiré sur eux, en

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  1   tuant au moins 89. Vers la mi-avril, un groupe de femmes détenu par les

  2   forces de la VJ ou du MUP dans le village de Kozica, après son

  3   bombardement, a été amené à Cirez. Au moins quatre de ces femmes ont subi

  4   des violences sexuelles, et huit d'entre elles ont ensuite été tuées alors

  5   qu'elles étaient jetées dans trois puits. A la fin du mois d'avril, une

  6   autre offensive s'est déroulée près de Baks, dans les environs de Cirez.

  7   Pendant cette attaque, un large groupe d'Albanais du Kosovo a été détenu et

  8   a subi des sévices.

  9   Dès le début de la campagne de l'OTAN, la police a ciblé et dans certain

 10   cas tué des notables Albanais du Kosovo dans la ville de Kosvoska

 11   Mitrovica, au nord de la province. Les demeures des Albanais du Kosovo ont

 12   également été brûlées par la police, et un grand nombre d'Albanais du

 13   Kosovo ont été expulsés de certains quartiers de la ville. Par la suite,

 14   certains sont revenus dans la ville et l'ont quittée à nouveau au début

 15   d'avril dans des bus allant au Montenegro. A la mi-avril 1999, de nombreux

 16   Albanais du Kosovo qui vivaient où étaient temporairement hébergés à Zabare

 17   et dans d'autres villages avoisinants ont été contraints de former des

 18   convois et de quitter le Kosovo par des forces du MUP et de la VJ, qui ont

 19   commencé à brûler des maisons dans les villages. Nombreuses furent les

 20   personnes qui durent parcourir à pied le Kosovo jusqu'au sud, vers la

 21   frontière albanaise, et qui, de surcroît, ont été victimes de vols et de

 22   sévices en chemin.

 23   Le 27 mars 1999, les forces de la VJ et du MUP ont brûlé des maisons et au

 24   moins une mosquée dans la ville de Vucitrn, et ont expulsé les Albanais du

 25   Kosovo de la ville. Les forces du MUP ont également volé et fait subir des

 26   sévices aux Albanais du Kosovo d'un large convoi qui se déplaçait des

 27   villages de la municipalité de Vucitrn vers le sud. Dans la nuit du 2 mai

 28   1999, les forces du MUP ont tué au moins deux personnes du convoi, qui

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  1   ensuite était dirigé vers certains bâtiments avoisinants où les membres du

  2   convoi ont été retenus pendant la nuit. Le lendemain, une autre personne du

  3   groupe a été tuée, et le MUP a enjoint aux femmes, aux enfants et aux

  4   personnes âgées de poursuivre leur route vers l'Albanie. Ils ont détenu et

  5   fait subir des sévices aux Albanais du Kosovo en âge de porter les armes

  6   pendant environ trois semaines dans la prison de Smrekovnica avant de les

  7   forcer à franchir la frontière vers l'Albanie.

  8   Dans la ville de Pristina, centre administratif du Kosovo, s'est répété le

  9   mode d'expulsion des Albanais du Kosovo. Nombreuses sont les personnes qui

 10   ont été directement expulsées de leurs foyers, alors que d'autres

 11   s'enfuyaient par peur de la violence ambiante provoquée par les forces de

 12   la RFY et de la Serbie. L'expulsion de Pristina a été effectuée de façon

 13   organisée, avec des centaines d'Albanais du Kosovo dirigées vers la gare

 14   ferroviaire et à bord de trains bondés qui les emmenaient vers la frontière

 15   macédonienne. Au cours de cette opération, au moins trois Albanaises du

 16   Kosovo ont fait l'objet de violences sexuelles de la part de membres de la

 17   VJ et du MUP.

 18   Les villageois de Zegra et de Prilepnica, dans la municipalité de Gnjilane,

 19   ont aussi été chassés de force de leurs domiciles. A Zegra, la VJ, le MUP,

 20   et autres forces irrégulières, notamment des civils serbes locaux, ont fait

 21   partir les résidents albanais du Kosovo en les menaçant, les rouant de

 22   coups et en les tuant à la fin du mois de mars 1999. De nombreuses

 23   personnes déplacées se sont rendues en Macédoine. A leur retour chez elles

 24   à la fin du conflit, elles ont découvert que la plupart des maisons

 25   d'Albanais du Kosovo dans le village avaient plus ou moins été brûlées et

 26   endommagées, alors que les maisons d'habitants serbes étaient intactes. Aux

 27   alentours de la même période, dans les environs, la mosquée de Vlastica a

 28   été incendiée par les réservistes de la VJ et du MUP local, alors qu'à

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  1   Vladovo, des maisons étaient pillées et brûlées, et leurs habitants se sont

  2   enfuis et sont partis vers la Macédoine, escortés par les forces du MUP et

  3   de la VJ. Les habitants de Prilepnica ont d'abord reçu l'ordre de quitter

  4   le village le 6 avril, puis à nouveau le 13 avril 1999.

  5   Dans la municipalité d'Urosevac, au sud-ouest de Gnjilane, les villages ont

  6   également fait l'objet d'attaques à la fin du mois de mars et pendant le

  7   mois d'avril 1999. A Sojevo, la VJ, la police et d'autres personnes armées

  8   oeuvrant de concert avec elles ont incendié des maisons et tué plusieurs

  9   personnes, alors que les habitants du cru ont été forcés de voyager dans

 10   des convois vers la ville d'Urosevac. Certaines de ces personnes ont

 11   poursuivi leur route en bus jusqu'à la frontière macédonienne. Au début du

 12   mois d'avril, environ 1 000 personnes déplacées sont arrivées à Mirosavlje.

 13   Lorsque les forces militaires se sont approchées de Mirosavlje, ses

 14   habitants et les autres personnes qui s'y étaient réfugiées ont formé des

 15   convois et sont allés vers la ville d'Urosevac et ont pris la route du sud

 16   jusqu'à la frontière macédonienne. Toujours au début d'avril, le village de

 17   Staro Selo a été occupé par les forces de la VJ, qui y sont restées

 18   quelques jours puis ont reparti en brûlant des maisons au moment de leur

 19   départ. Peu de temps après, un groupe de volontaires de la VJ est arrivé

 20   dans le village et a donné l'ordre aux villageois de creuser des tranchées,

 21   a confisqué des véhicules et extorqué de l'argent aux habitants. Les

 22   villageois ont quitté leurs foyers par peur et ont marché jusqu'à la ville

 23   d'Urosevac. Plus tard, ils furent nombreux à monter dans des trains qui les

 24   transportèrent à la frontière macédonienne.

 25   En dernier lieu, dans la municipalité de Kacanik, au sud du Kosovo, dans la

 26   région limitrophe de la Macédoine, les Albanais du Kosovo ont été chassés

 27   de la ville et des villages avoisinants dès le début de la campagne

 28   aérienne de l'OTAN. Les forces de la VJ et du MUP ont attaqué Kotlina le 24

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  1   mars, et ont envoyé les femmes et les enfants du cru par camion et à pied

  2   vers la ville de Kacanik. D'autres villageois qui avaient échappé aux

  3   recherches ont fui en direction de la Macédoine au moment de l'attaque.

  4   Quelques jours plus tard, les forces de la VJ et du MUP sont entrées dans

  5   la ville de Kacanik et ont tiré en direction des maisons à partir de

  6   positions dans une usine locale. Le lendemain, les habitants de ce quartier

  7   de la ville ont décidé de quitter leur domicile par crainte des forces du

  8   MUP et ont voyagé à pied jusqu'en Macédoine. En avril 1999, des unités de

  9   la VJ et du MUP sont entrées dans le village de Vata et y ont pillé des

 10   maisons. Le 21 mai 1999, les forces de la VJ et du MUP ont attaqué Stagovo,

 11   et le 25 mai, Dubrava. Les habitants de Dubrava ont décidé d'aller en

 12   Macédoine parce qu'ils savaient et craignaient ce qui s'était passé dans

 13   d'autres villages. Les femmes, les hommes âgés et les enfants ont formé un

 14   convoi, pendant que les hommes plus jeunes se cachaient dans les bois

 15   alentour. Plusieurs personnes ont essuyé des tirs près de Reka, dans les

 16   environs de Dubrava, au moment de cette attaque, notamment un enfant qui

 17   est décédé et un garçon de 12 ans grièvement blessé. Outre les éléments de

 18   preuve afférent aux lieux de crimes précis indiqués dans l'acte

 19   d'accusation, la Chambre a également entendu des éléments de preuve portant

 20   sur les caractéristiques générales de la violence et de l'intimidation à

 21   l'encontre de la population albanaise du Kosovo, et ce, de la part de

 22   témoins qui étaient membres des forces de la VJ et du MUP au Kosovo à cette

 23   période. Par exemple, trois anciens membres de la VJ, qui ont témoigné sous

 24   couvert de mesures de protection, ont admis qu'ils avaient eu un rôle dans

 25   l'expulsion d'Albanais du Kosovo de leurs foyers pendant la campagne de

 26   l'OTAN. D'autres témoins de la VJ et du MUP ont décrit leur participation à

 27   l'assassinat et/ou meurtres de civils albanais du Kosovo et à d'autres

 28   actes criminels. 

Page 27510

  1   La Chambre de première instance a repris les éléments juridiques

  2   constitutifs des crimes reprochés dans l'acte d'accusation par rapport aux

  3   faits prouvés eu égard à chacune des 13 municipalités, et la Chambre de

  4   première instance conclut que les crimes suivants; expulsion, un crime

  5   contre l'humanité; autres actes inhumains, transfert forcé, un crime contre

  6   l'humanité; assassinat et/ou meurtre, une violation des lois ou coutumes de

  7   la guerre et un crime contre l'humanité; meurtre, violence sexuelle et

  8   destruction ou endommagement arbitraire d'édifices consacrés à la religion,

  9   comme modes de persécution pour des motifs d'appartenance ethnique, ont été

 10   commis par les forces de la VJ et du MUP dans de nombreux lieux allégés

 11   dans l'acte d'accusation. Toutefois, un certain nombre d'allégations n'ont

 12   pas été corroborées par les faits ou ne correspondent pas à un ou plusieurs

 13   éléments juridiques constitutifs, comme l'exécution d'au moins 17 personnes

 14   à Kotlina le 24 mars 1999 ou vers cette date; et la destruction délibérée

 15   de plusieurs mosquées. Ces chefs d'accusation n'ont pas été retenus.

 16   La Chambre de première instance constate également que dans le cas de

 17   certains lieux de crimes pour lesquels il y avait un nombre important de

 18   chefs de meurtres et/ou d'assassinats, et une liste de noms de victimes

 19   alléguées dans une annexe de l'acte d'accusation, l'Accusation n'a pas

 20   fourni de moyen de preuve convaincant prouvant que toutes les victimes

 21   nommées faisaient partie des morts; cependant, la Chambre est convaincue

 22   que les forces de la VJ et/ou du MUP ont tué un nombre considérable de

 23   personnes, tel que cela a été allégué.

 24   Je vais maintenant brièvement énoncer les conclusions de la Chambre eu

 25   égard à chaque accusé.

 26   Milan Milutinovic était président de Serbie en 1998 et 1999, et l'essentiel

 27   des moyens de preuve à charge et à décharge se rapportait à la nature ainsi

 28   qu'à la portée des pouvoirs que lui conférait cette fonction. Le jugement

Page 27511

  1   présente l'analyse faite par la Chambre des dispositions pertinentes de la

  2   constitution serbe, d'autres législations pertinentes de la déposition du

  3   témoin portant sur ces dispositions. La Chambre conclut qu'en tant que

  4   président de Serbie, Milutinovic n'exerçait pas de contrôle individuel

  5   direct sur la VJ, une institution fédérale. Son rôle officiel par rapport à

  6   la VJ était un rôle de membre ex officio du conseil suprême de la Défense,

  7   ou CSD, organe composé du président de la RFY, Slobodan Milosevic, et des

  8   présidents de la Serbie-et-Monténégro, qui prenait des décisions

  9   stratégiques vis-à-vis de la VJ. Toutefois, l'analyse des comptes rendus

 10   des séances du CSD, versée au dossier, n'indique pas que le plan commun

 11   allégué par l'acte d'accusation a été formulé ou mis en œuvre. En outre, il

 12   n'existe pas de preuve directe de réunions du CSD après le 23 mars 1999,

 13   veille de la campagne aérienne de l'OTAN; bien que la Chambre soit

 14   convaincue que Milutinovic et le président de la RFY, Milosevic, ont

 15   continué à se réunir durant les bombardements de l'OTAN et ont conservé le

 16   commandement officiel de la VJ par l'entremise du CSD ou d'un organe

 17   semblable connu sous le nom de commandement Suprême. Les éléments de preuve

 18   n'indiquent toutefois pas que Milutinovic a participé à l'exercice du

 19   commandement de la VJ après le 23 mars 1999. La Chambre conclut aussi que

 20   dans la pratique, Milosevic, parfois appelé le commandant suprême, était la

 21   personne qui avait l'autorité réelle sur la VJ pendant la campagne de

 22   l'OTAN.

 23   En 1998 et au début de l'année 1999, Milutinovic a participé aux

 24   négociations avec les représentants de la communauté albanaise du Kosovo,

 25   et à ceux engagés grâce aux bons offices de la communauté internationale,

 26   pour essayer de résoudre la crise du Kosovo. La Chambre a analysé les

 27   volumineux moyens de preuve relatifs à ces négociations et n'est pas

 28   convaincue que ces moyens de preuve déterminent que Milutinovic avait une

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  1   attitude obstructionniste visant l'échec des négociations comme l'a avancé

  2   l'Accusation. Les moyens de preuve à charge n'ont pas non plus convaincu la

  3   Chambre que Milutinovic avait une relation personnelle ou professionnelle

  4   étroite avec Milosevic, ou qu'il détenait une influence considérable au

  5   sein du Parti socialiste de Serbie, le principal parti politique de

  6   l'époque. Plusieurs de ces allégations font partie de la thèse de

  7   l'Accusation à propos de la participation de Milutinovic à des événements

  8   qui n'ont pas été prouvés.

  9   Milutinovic a assisté à un certain nombre de réunions en 1998 et au début

 10   de 1999, au cours desquelles il a été question de la situation au Kosovo.

 11   Certaines de ces réunions ont d'ailleurs eu lieu au Kosovo. La Chambre

 12   conclut qu'il était relativement bien informé de la situation et qu'il

 13   était conscient que des actes criminels avaient été commis par les forces

 14   de la VJ et du MUP au Kosovo, à la fin en 1998 et au début de l'année 1999,

 15   principalement par ces contacts avec les diplomates étrangers, les

 16   négociateurs et les observateurs. Néanmoins, les représentants de l'Etat

 17   lui disaient aussi que des mesures étaient prises pour tous crimes commis

 18   au Kosovo.

 19   La Chambre conclut qu'en tant que président de Serbie, Milutinovic avait

 20   des pouvoirs qui potentiellement lui aurait permis de surveiller de façon

 21   considérable le travail des ministères du gouvernement serbe, surtout celui

 22   du ministère de l'Intérieur, mais les moyens de preuve ne permettent pas de

 23   déterminer qu'il y a eu une interaction approfondie entre Milutinovic et le

 24   MUP pendant la période pertinente, et ses pouvoirs de facto sur le MUP

 25   n'étaient pas importants. Il a édicté plusieurs décrets pendant l'état

 26   d'urgence entré en vigueur le 23 mars 1999. Cependant, pour les raisons

 27   énoncées de façon détaillée dans le jugement, la Chambre n'est pas en

 28   mesure de tirer des conclusions qui lui seraient défavorables d'après les

Page 27513

  1   moyens de preuve relatifs à ces décrets.

  2   En sus de son poste de vice-premier ministre de la RFY, Nikola Sainovic

  3   était le président de la commission de la RFY pour la coopération avec la

  4   Mission de vérification au Kosovo de l'OSCE, organe créé à la suite de

  5   plusieurs accords conclus en octobre 1998 par la RFY, les autorités serbes

  6   et la communauté internationale. L'acte d'accusation allègue qu'il était le

  7   représentant personnel pour le Kosovo du président de la RFY, Milosevic, et

  8   qu'il était à la tête d'un organe appelé le commandement conjoint, qui

  9   avait autorité sur les forces de la VJ et du MUP déployées au Kosovo en

 10   1998 et au début de 1999 jusqu'à la fin de la campagne aérienne de l'OTAN.

 11   L'Accusation et la Défense de Sainovic ont consacré beaucoup de temps lors

 12   du procès à des questions relatives à l'existence, aux pouvoirs et au

 13   fonctionnement du commandement conjoint. Ces éléments de preuve font

 14   l'objet d'une analyse détaillée dans le volume 1 du jugement. La Chambre

 15   conclut qu'un organe connu par certains comme le commandement conjoint a

 16   été créé au milieu de l'année 1998 afin de coordonner les activités de la

 17   VJ, du MUP, et des autres organes d'Etat qui participaient au conflit du

 18   Kosovo. Des notes de réunions du commandement conjoint, tenues entre les

 19   mois de juillet et octobre 1998, prises par l'un des participants, ont été

 20   retenues comme élément de preuve et ont donné un aperçu de la nature de cet

 21   organe. Ces notes révèlent que Sainovic participait activement aux réunions

 22   du commandement conjoint, tout comme les accusés Pavkovic et Lukic, et, à

 23   une occasion, Lazarevic. En effet, Sainovic donnait des instructions lors

 24   de ces réunions, notamment à propos de questions relatives aux activités de

 25   la VJ et du MUP. Il existe des preuves directes d'une seule réunion du

 26   commandement conjoint en juin 1999, mais les ordres militaires étaient émis

 27   avec l'en-tête du commandement conjoint afin d'assurer la coopération et la

 28   coordination des forces du MUP et de la VJ.

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  1   Sainovic a également assisté à plusieurs réunions de haut niveau relatives

  2   à la situation au Kosovo en 1998 et 1999 et était souvent présent au

  3   Kosovo, à la fois en 1998 et pendant la campagne aérienne de l'OTAN. Le

  4   président de la RFY, Milosevic, a contribué à son envoi au Kosovo à partir

  5   de l'été 1998, ainsi qu'à sa nomination à la présidence de la commission

  6   pour la coopération avec la Mission de vérification au Kosovo en octobre

  7   1998, ce qui lui a permis de continuer à avoir des contacts avec les

  8   membres de la VJ et du MUP au Kosovo et avec les observateurs

  9   internationaux qui s'y trouvaient. Ses contacts avec les accusés Pavkovic,

 10   de la VJ, et Lukic, du MUP, ont, par conséquent, continué sans

 11   interruption.

 12   Sainovic a fréquemment rencontré Milosevic en 1998 et au début de

 13   1999, tout comme il lui parlait au téléphone. Et plusieurs témoins ont fait

 14   état de la nature des liens entre les deux hommes. Au vu de ces moyens de

 15   preuve, la Chambre conclut que Sainovic était l'un des collaborateurs les

 16   plus proches de Milosevic qui avait toute confiance en lui, ce qui l'a

 17   amené à assumer un rôle prépondérant au commandement conjoint et à la

 18   commission pour la coopération avec la MVK. C'était un dirigeant puissant

 19   au sein du gouvernement de la RSFY qui non seulement transmettait les

 20   informations à Milosevic et communiquait les instructions de Milosevic à

 21   ceux qui se trouvaient au Kosovo, mais également exerçait une grande

 22   influence sur les événements dans la province et était habilité à prendre

 23   des décisions.

 24   Sainovic a rencontré l'ancien dirigeant politique des Albanais du

 25   Kosovo, Ibrahim Rugova pendant les frappes aériennes de l'OTAN à une

 26   période où Rugova était de fait assigné à résidence. La Chambre ne

 27   considère pas ces réunions comme de véritables tentatives de négociation en

 28   vue d'une solution à la situation au Kosovo, mais plutôt comme une campagne

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  1   caractérisée par des menaces envers la sécurité personnelle de Rugova et de

  2   ses collaborateurs, campagne conçue pour montrer que les autorités serbes

  3   et de la RSFY se réunissait avec les Albanais du Kosovo, et ce, dans

  4   l'espoir que cela aboutirait à la fin des bombardements de l'OTAN. Sainovic

  5   a participé à cette campagne sciemment et délibérément.

  6   La Chambre conclut également que Sainovic était extrêmement bien informé

  7   des événements au Kosovo en 1998, tout comme en 1999, et qu'il était

  8   conscient que des actes criminels avaient été commis par les forces de la

  9   VJ et du MUP au Kosovo en 1998 et en 1999, y compris pendant les frappes

 10   aériennes de l'OTAN. Sainovic a omis de faire usage de son autorité

 11   considérable au Kosovo et n'a pas personnellement pris d'initiative pour

 12   garantir la fin d'un tel comportement criminel.

 13   Dragoljub Ojdanic est devenu chef de l'état-major général, la plus

 14   haute fonction de la VJ à la fin de l'année 1998, et a remplacé Momcilo

 15   Perisic, qui avait été relevé de son commandement par Milosevic. Avant

 16   cette promotion, il avait été chef adjoint de l'état-major général. En tant

 17   que chef de l'état-major général, Ojdanic n'était subordonné qu'aux

 18   autorités civiles à qui le commandement général avait été conféré, à savoir

 19   le conseil de la Défense suprême. La Chambre est convaincue qu'en tant que

 20   chef d'état-major général, Ojdanic exerçait le commandement et le contrôle

 21   de toutes les unités des organes de la VJ. Il a travaillé étroitement avec

 22   le président de la RSFY avant et pendant la campagne aérienne de l'OTAN et

 23   a exercé de facto, ainsi que de jure, son autorité sur la VJ. Il n'exerçait

 24   toutefois pas de contrôle direct sur les forces du MUP engagées au Kosovo

 25   en dépit des ordres pour le rattachement du MUP à la VJ émis en avril 1999.

 26   En sa qualité de chef de l'état-major général, Ojdanic a assisté aux

 27   réunions du CSD et participait activement aux discussions. Les moyens de

 28   preuve ne permettent pas de déterminer qu'il faisait partie de l'organe

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  1   connu comme commandement conjoint, mais il était au fait de son existence

  2   et acceptait ses opérations.

  3   La Chambre conclut qu'Ojdanic était informé des violations des accords

  4   d'octobre survenues à la fin de 1998 et au début de 1999 et qu'il les

  5   approuvait. De surcroît, il avait connaissance de la contribution de la VJ

  6   dans l'armement de la population civile non albanaise au Kosovo. Il a

  7   soutenu la nomination à des postes de haut niveau de membres de la VJ qui,

  8   soit étaient partisans des activités de la VJ au Kosovo tels que l'accusé

  9   Pavkovic, soit ne leur opposait tout simplement aucune objection et savait

 10   qu'étaient relevés de leur commandement les officiers hauts gradés de la VJ

 11   qui contestaient l'utilisation faite de la VJ au Kosovo.

 12   Pendant la montée en puissance de la campagne aérienne de l'OTAN et

 13   lors de sa durée, Ojdanic a donné des ordres pour que la VJ exécute des

 14   opérations

 15   sur l'ensemble du Kosovo, notamment en appui au MUP. Il a aussi mobilisé

 16   des unités supplémentaires de la VJ qui ont été déployées au Kosovo pendant

 17   la période où la majorité des crimes constatés par la Chambre comme ayant

 18   été commis ont eu lieu.

 19   Grâce au système de communication d'informations de la VJ, Ojdanic

 20   était quotidiennement bien informé de la situation qui prévalait sur le

 21   terrain au Kosovo, avant et pendant les frappes aériennes de l'OTAN. En

 22   1998 et 1999, des informations précises sur l'usage disproportionné et

 23   indiscriminé de la force par des unités de la VJ et du MUP lui ont été

 24   transmises. Il savait également que les volontaires incorporés dans les

 25   rangs de la VJ pendant les bombardements de l'OTAN avaient participé à des

 26   actes criminels. Il a pris quelques mesures pour réagir aux rapports qu'il

 27   recevait. Il a, par exemple, donné des ordres pour que soit respecté le

 28   droit humanitaire international, a mobilisé le système de justice militaire

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  1   et envoyé des officiers supérieurs de l'administration de la sécurité

  2   enquêter. Néanmoins, il a continué à donner l'ordre à la VJ de participer à

  3   des opérations militaires avec le MUP au Kosovo.

  4   En 1998, Nebojsa Pavkovic était le commandant du corps de la VJ de

  5   Pristina qui avait la responsabilité du territoire du Kosovo. A la fin de

  6   cette année, il a été nommé commandant de la 3e Armée qui comprenait le

  7   Corps de Pristina et le Corps de Nis. Ces deux fonctions lui conféraient le

  8   contrôle de jure et de facto des unités qui lui étaient subordonnées, ainsi

  9   qu'un rôle central dans la planification et l'exécution des activités de la

 10   VJ au Kosovo en coordination avec le MUP. A cet effet, la Chambre a entendu

 11   des éléments de preuve convaincants indiquant qu'en 1998 il préconisait un

 12   plus grand rôle pour la VJ au Kosovo et avait donné le ton en proposant des

 13   activités précises de la VJ et du MUP. Il avait un accès direct auprès du

 14   président de la RSFY, Milosevic, qui se ralliait à ses propositions et les

 15   adoptait en dépit des protestations d'autres membres de la VJ. Lorsqu'il

 16   était commandant du Corps de Pristina, Pavkovic s'était heurté à son

 17   supérieur direct, qui était à l'époque le commandant de la 3e Armée, et

 18   avait manifestement eu des différends avec le chef d'état-major de l'époque

 19   à propos de l'utilisation de la VJ au Kosovo. Ces deux hommes furent par la

 20   suite démis de leurs fonctions et Pavkovic devint le commandant de la 3e

 21   Armée. 

 22   La Chambre conclut qu'en 1998, Pavkovic a contribué à armer la population

 23   civile non albanaise du Kosovo tout en désarmant les Albanais du Kosovo. En

 24   dépit de la connaissance qu'il avait des divisions et de l'animosité

 25   causées au Kosovo par la fracture ethnique. En sa qualité de commandant du

 26   Corps de Pristina, en 1998, Pavkovic a donné de nombreux ordres de

 27   déploiement d'unités de la VJ, souvent dans le cadre d'opérations menées

 28   conjointement avec le MUP. Il était informé des allégations d'usage

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  1   disproportionné et indiscriminé de la force de la part de la VJ et du MUP

  2   au Kosovo, notamment en raison de sa participation à de nombreuses réunions

  3   du commandement conjoint au cours desquelles il y eut des discussions

  4   approfondies sur la situation au Kosovo. Mais il a pourtant continué à

  5   engager ces unités.

  6   La Chambre conclut aussi qu'en tant que commandant du Corps de Pristina

  7   d'abord, puis de commandant de la 3e Armée, Pavkovic a contribué

  8   personnellement à la violation des accords d'octobre à la fin de 1998 et au

  9   début de 1999. Quand il est devenu commandant de la 3e Armée, il a fait

 10   venir au Kosovo des unités d'appoint destinées à renforcer la VJ en dépit

 11   des accords et il a envoyé une brigade à l'intérieur du Kosovo alors

 12   qu'Ojdanic lui avait expressément ordonné le contraire.

 13   Au cours de la période qui a mené aux bombardements de l'OTAN et pendant

 14   ceux-ci, Pavkovic qui était commandant de la 3e Armée a continué à donner

 15   des ordres d'engagement des unités de la VJ au Kosovo. Notamment les

 16   régions où la Chambre de première instance a conclu à la commission de

 17   crimes par des forces de la VJ et du MUP. Au cours de cette période, il a

 18   également continué à travailler en étroite collaboration avec le président

 19   de la RFY Milosevic. Il n'avait cependant pas de contrôle direct sur les

 20   forces du MUP engagées au Kosovo en dépit des ordres de rattachement du MUP

 21   à la VJ émis en avril 1999.

 22   En 1998 et en 1999, Pavkovic a passé la plupart du temps au Kosovo. En

 23   1998, en raison de sa participation aux réunions du commandement conjoint

 24   et à d'autres réunions, en raison du système régulier de communication des

 25   informations en vigueur dans la VJ et de ses missions d'inspection des

 26   unités de la VJ déployées dans tout le Kosovo, il avait une connaissance et

 27   une compréhension détaillée de la situation sur le terrain, et des

 28   activités de ses forces et des forces du MUP.

Page 27519

  1   Cette connaissance englobait le fait de savoir que la VJ, comme le MUP,

  2   avait commis des crimes dont le déplacement forcé d'Albanais du Kosovo, des

  3   meurtres et des violences sexuelles. La Chambre a en effet conclu que

  4   Pavkovic, alors qu'il savait que des actes criminels avaient été commis au

  5   Kosovo par des membres de la VJ, il n'a pas toujours pleinement rendu

  6   compte de la situation, il a parfois minimisé la gravité des méfaits

  7   criminels qu'il mentionnait dans les rapports et comptes rendus qu'il

  8   envoyait à l'état-major du commandement Suprême. Même si Pavkovic a parfois

  9   donné des ordres enjoignant à respecter le droit international humanitaire

 10   au cours de ces opérations, la Chambre estime que ces ordres ne

 11   constituaient pas des mesures sincères visant à limiter le nombre

 12   d'infractions commises au Kosovo.

 13   Lorsque Pavkovic est devenu commandant de la 3e Armée à la fin de 1998,

 14   Vladimir Lazarevic, qui avait été son chef d'état-major dans le Corps de

 15   Pristina, l'a remplacé au poste de commandant du Corps de Pristina. Dans

 16   l'exercice de ses fonctions, Lazarevic a été en poste au Kosovo à Djakovica

 17   dans un premier temps, puis à Pristina et dans ses environs. Quand il était

 18   chef d'état-major du Corps de Pristina, il comptait dans ses attributions

 19   la surveillance de la frontière nationale entre le Kosovo et l'Albanie. Il

 20   a également contribué à l'exécution d'opérations conjointes de la VJ et du

 21   MUP dans cette zone au cours du second semestre de 1998. La Chambre conclut

 22   qu'en 1998, Lazarevic avait connaissance du fait que des actes criminels

 23   étaient commis contre des civils et des biens appartenant à des civils

 24   pendant les opérations de la VJ et du MUP au Kosovo. Il savait aussi que

 25   cela avait provoqué le déplacement d'un nombre considérable de civils.

 26   Après avoir été nommé commandant du Corps de Pristina, Lazarevic avait de

 27   jure et de facto le contrôle des unités qui lui étaient subordonnées, dont

 28   les unités régulières de la VJ, et à compter du début du mois d'avril 1999,

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  1   les unités militaires territoriales. Il n'avait pas le contrôle direct des

  2   unités du MUP engagées au Kosovo. Les éléments de preuve démontrent la

  3   participation significative de Lazarevic à la planification et à

  4   l'exécution des opérations menées conjointement au Kosovo par la VJ et le

  5   MUP de mars à juin 1999, notamment dans des lieux où la Chambre a conclu à

  6   la conclusion de crimes. Il a poursuivi sa participation alors qu'il savait

  7   que ces crimes avaient été commis. Cependant, à la différence de Pavkovic,

  8   Lazarevic ne participait pas au processus de prise de décisions politiques

  9   qui se faisait généralement à Belgrade, pas plus qu'il n'en avait forcément

 10   connaissance. Il n'a pas non plus participé aux réunions de haut niveau qui

 11   se tenaient à Belgrade.

 12   Au cours du procès, l'élément central du litige concernant la

 13   responsabilité pénale imputable à Sreten Lukic a porté sur la nature et

 14   l'étendue des pouvoirs de l'organe appelé "état-major du ministère serbe de

 15   l'Intérieur chargé du Kosovo-Metohija," l'état-major du MUP, dont il était

 16   le chef. La Défense de Lukic a cité plusieurs témoins qui sont venus dire

 17   que l'état-major du MUP était un organe chargé de fonctions logistiques,

 18   sans autorité ni pouvoir réel sur les forces du MUP déployées au Kosovo en

 19   1998 et en 1999. Ces témoignages sont en contraste frappant avec la teneur

 20   des décisions établissant cet organe et définissant ces attributions, mais

 21   aussi avec bon nombre d'éléments du dossier qui révèlent le rôle joué par

 22   l'état-major du MUP en 1998 et pendant le premier semestre de 1999.

 23   Certains témoins ont également attribué à l'état-major du MUP et à Sreten

 24   Lukic, son chef, un degré d'autorité plus élevé sur les différentes forces

 25   du MUP stationnées au Kosovo que ne semble l'indiquer la Défense de Lukic.

 26   Dans le jugement, la Chambre se livre à une analyse détaillée de tous les

 27   éléments de preuve concernant l'état-major du MUP, et conclut que celui-ci

 28   a effectivement joué un rôle significatif dans la planification,

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  1   l'organisation, le contrôle et la direction des actions menées par diverses

  2   forces du MUP au Kosovo.

  3   La Chambre est convaincue que l'état-major du MUP était un organe-clé en

  4   1998 comme en 1999, un organe doté d'une grande autorité sur les unités

  5   relevant du département de la sécurité publique du MUP, dont des unités

  6   spéciales de la police lorsque celles-ci étaient déployées au Kosovo, même

  7   si cet organe ne remplaçait pas les chaînes de commandement existant dans

  8   les différents secrétariats et unités du MUP.

  9   L'état-major du MUP était en liaison avec la VJ pour assurer pleinement la

 10   coordination des activités du MUP et de la VJ au Kosovo, de même qu'il

 11   jouait un rôle important dans la planification des opérations conjointes de

 12   la VJ et du MUP. Il faisait également le lien avec l'état-major ou le QG,

 13   le quartier général du MUP à Belgrade auquel il rendait régulièrement

 14   compte.

 15   La Chambre est convaincue qu'en sa qualité de chef de l'état-major du MUP,

 16   Lukic était investi d'une grande autorité sur les forces du MUP répondant à

 17   l'état-major du MUP. Il était effectivement perçu comme étant le commandant

 18   des forces du MUP au Kosovo par les diplomates étrangers et les

 19   observateurs à qui il avait affaire au Kosovo et qu'il rencontrait dans des

 20   réunions à titre de représentant du MUP.

 21   C'était aussi un participant régulier aux réunions du commandement conjoint

 22   et à d'autres réunions de haut niveau à Belgrade notamment.

 23   En conséquence, la Chambre conclut que Lukic était le commandant de facto

 24   des forces du MUP au Kosovo du milieu de l'année 1998 au milieu de l'année

 25   1999, et la courroie de transmission entre les actions menées sur le

 26   terrain par le MUP au Kosovo et les plans et politiques globaux décidés à

 27   Belgrade.

 28   Les éléments de preuve établissent que Lukic avait une connaissance

Page 27522

  1   détaillée des événements survenant au Kosovo à mesure qu'ils se

  2   produisaient, et qu'il était aussi informé des crimes reprochés aux membres

  3   du MUP au Kosovo.

  4   Toutefois, la Chambre n'est pas convaincue par les éléments qui lui ont été

  5   soumis pour prouver que Lukic aurait participé à la dissimulation de ces

  6   crimes en faisant clandestinement transporter les corps de civils du Kosovo

  7   dans d'autres parties de la Serbie.

  8   Après avoir procédé à cette description succincte des conclusions de la

  9   Chambre relatives à chacun des accusés, je passe maintenant à nos

 10   conclusions en ce qui concerne l'entreprise criminelle commune visée à

 11   l'acte d'accusation et la participation que celui-ci retient contre chacun

 12   d'eux.

 13   Les éléments de preuve les plus déterminants à l'appui de la thèse de

 14   l'existence d'un objectif commun qui serait de modifier l'équilibre

 15   ethnique au Kosovo pour que les autorités de la RSFY et de Serbie gardent

 16   le contrôle de la province. Ce sont les éléments établissant qu'une

 17   campagne généralisée de violence a été menée contre la population albanaise

 18   du Kosovo de mars à juin 1999, et qu'un déplacement massif de cette

 19   population en a résulté. Cette campagne, elle a été conduite de façon

 20   organisée à l'aide de moyens considérables fournis par l'Etat. La Chambre a

 21   entendu de nombreux témoins qui ont déclaré qu'on leur avait enjoint de

 22   quitter le Kosovo et de partir en Albanie ou en Macédoine, et qu'ils

 23   avaient été forcés d'abandonner leurs pièces d'identité à leur point de

 24   départ, en route ou à la frontière, pièces qui ne leur ont jamais été

 25   restituées.

 26   Avant de conclure à l'existence d'un objectif commun, à savoir le recours à

 27   la violence et à la terreur afin de forcer un nombre significatif

 28   d'Albanais du Kosovo à abandonner leurs foyers et à passer la frontière

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  1   pour permettre aux autorités de l'Etat de garder le contrôle du Kosovo, la

  2   Chambre a également pris en considération les facteurs suivants : les

  3   événements qui ont abouti au conflit, le fait d'armer les civils non-

  4   albanais du Kosovo, tout en désarmant les Albanais du Kosovo; la rupture

  5   des négociations cherchant à mettre un terme à la crise au Kosovo au moment

  6   où les accords d'octobre étaient violés par la RFY et les autorités serbes;

  7   la dissimulation des corps d'Albanais du Kosovo tués par les forces de la

  8   VJ et du MUP.

  9   La Chambre n'est, cependant, pas convaincue que les meurtres, les violences

 10   sexuelles, ou la destruction ou l'endommagement de biens religieux font

 11   partie de l'objectif commun. Elle examinera uniquement la question de

 12   savoir si ces crimes étaient raisonnables prévisibles dans le cadre de la

 13   réalisation de l'objectif commun en ce qui concerne chacun des accusés.

 14   Après avoir établi que des hauts responsables de la RFY et de la Serbie

 15   avaient cet objectif commun et qu'ils étaient à même de le réaliser par

 16   l'entreprise des diverses forces qu'ils avaient sous leur autorité, la

 17   Chambre a examiné la question de savoir si chacun des accusés avait

 18   volontairement participé à l'entreprise criminelle commune, et y avaient

 19   une contribution substantielle et partageaient l'intention de commettre les

 20   crimes ou infractions qui constituaient l'objectif de l'entreprise.

 21   La Chambre n'est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Milan

 22   Milutinovic a contribué de façon significative à l'entreprise criminelle

 23   commune. La Chambre n'accepte pas la thèse voulant que Milutinovic avait

 24   l'obligation juridique d'agir pour empêcher les événements survenus au

 25   Kosovo, au seul motif de son serment d'entrée en fonction en l'absence de

 26   pouvoir de jure et de facto significatif. De plus, la Chambre ne se propose

 27   pas d'accepter la thèse selon laquelle sa contribution par omission serait

 28   significative, étant donné qu'il n'avait pas d'autorité sur les forces qui

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  1   ont commis ces crimes. La Chambre n'est pas non plus convaincue que

  2   Milutinovic partageait l'intention d'user de moyens criminels, comme

  3   l'expulsion et le transfert forcé, pour que les autorités de l'Etat

  4   conservent le contrôle du Kosovo.

  5   La Chambre est convaincue que Nikola Sainovic avait des pouvoirs de facto

  6   considérables sur le MUP comme sur la VJ opérant au Kosovo, et qu'il était

  7   le coordinateur politique de ces forces. La Chambre est convaincue qu'il a

  8   apporté une contribution significative à l'entreprise criminelle commune et

  9   qu'il en était même un des membres essentiels. Après examen de tous les

 10   éléments de preuve, la Chambre conclut que la seule déduction raisonnable

 11   est que Sainovic avait l'intention de déplacer par la force une partie de

 12   la population albanaise du Kosovo, tant à l'intérieur du Kosovo qu'en la

 13   faisant sortir, et de modifier ainsi l'équilibre ethnique dans la province

 14   et assurer le maintien du contrôle qu'en avaient les autorités de l'Etat.

 15   La Chambre conclut également que le meurtre de civils albanais du Kosovo,

 16   commis par des forces de la VJ et du MUP en exécution du plan criminel

 17   commun, était raisonnablement prévisible pour Sainovic, comme l'était aussi

 18   la destruction ou l'endommagement de biens religieux, plus précisément de

 19   mosquées. Cependant, par décision de la majorité des Juges, la Chambre ne

 20   conclut pas qu'il pouvait prévoir que des violences sexuelles allaient être

 21   commises.

 22   La Chambre conclut que même si de nombreux éléments de preuve viennent

 23   appuyer la thèse de l'Accusation selon laquelle Dragoljub Ojdanic était

 24   favorable au fait que les forces de la VJ et du MUP commettent des crimes

 25   dans tout le Kosovo dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique

 26   visant les Albanais du Kosovo, il n'a pas été prouvé au-delà de tout doute

 27   raisonnable qu'il partageait l'intention de garantir le maintien du

 28   contrôle de l'Etat sur la province au moins de l'expulsion et du transfert

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  1   forcé d'une partie significative de la population albanaise du Kosovo. La

  2   Chambre estime, cependant, qu'il a, par les actions qu'il a menées sans

  3   discontinuer au commandement des forces de la VJ qui lui étaient

  4   subordonnées, il a aidé concrètement, encouragé et soutenu moralement les

  5   membres de la VJ dont les intentions de commettre des expulsions et des

  6   transferts forcés lui étaient connues. Son comportement a eu un effet

  7   important sur le fait que des membres de la VJ ont effectivement commis de

  8   tels crimes dans certains des lieux mentionnés dans l'acte d'accusation.

  9   Toutefois, la Chambre conclut qu'Ojdanic ne savait pas que des membres de

 10   la VJ avaient l'intention de tuer ou de se livrer à des violences sexuelles

 11   sur des civils albanais du Kosovo ou encore d'endommager ou de détruire des

 12   biens religieux.

 13   La Chambre conclut que Nebojsa Pavkovic avait une grande autorité de

 14   commandement de jure et de facto sur les forces de la VJ au Kosovo en 1998

 15   et en 1999. Il occupait, de l'avis de la Chambre, un poste influent,

 16   notamment en raison de sa participation au commandement conjoint. Il ne

 17   fait aucun doute que sa contribution à l'entreprise criminelle commune a

 18   été significative, puisqu'il a utilisé les forces de la VJ à sa disposition

 19   pour terroriser et brutalement expulser les civils albanais du Kosovo de

 20   leurs foyers.

 21   La Chambre conclut également que la seule déduction raisonnable résultant

 22   de l'examen de l'ensemble du dossier est que Pavkovic avait l'intention

 23   d'imposer par la force le déplacement de la population albanaise du Kosovo

 24   afin de garantir le maintien du contrôle des autorités de l'Etat sur la

 25   province. De plus, la Chambre estime que dans ces circonstances, il pouvait

 26   prévoir qu'allaient être commis meurtres, violences sexuelles, destructions

 27   et endommagements intentionnels de mosquées par les forces de la VJ et du

 28   MUP en exécution de ces ordres.

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  1   La Chambre conclut que même si de nombreux éléments de preuve viennent

  2   appuyer la thèse de l'acte d'accusation selon laquelle Vladimir Lazarevic

  3   était favorable au fait que les forces de la VJ et du MUP commettaient des

  4   crimes dans tout le Kosovo dans le cadre d'une attaque généralisée et

  5   systématique visant les Albanais du Kosovo, il n'a pas été prouvé au-delà

  6   de tout doute raisonnable qu'il partageait l'intention de garantir le

  7   maintien du contrôle de l'Etat sur la province au moyen de l'expulsion et

  8   du transfert forcé d'une partie significative de la population albanaise du

  9   Kosovo. La Chambre estime, cependant, que par les actions qu'il a menées

 10   sans discontinuer au commandement des forces de la VJ qui lui étaient

 11   subordonnées, il a aidé concrètement, encouragé et soutenu moralement les

 12   membres de la VJ dont les intentions de commettre des expulsions et des

 13   transferts forcés lui étaient connues. Son comportement a eu un effet

 14   important sur le fait que des membres de la VJ ont effectivement commis de

 15   tels crimes dans certains des lieux mentionnés dans l'acte d'accusation.

 16   Toutefois, la Chambre conclut que Lazarevic ne savait pas que des membres

 17   de la VJ avaient l'intention de tuer ou de se livrer à des violences

 18   sexuelles sur les civils albanais du Kosovo ou encore d'endommager ou de

 19   détruite des biens religieux.

 20   La Chambre conclut que Sreten Lukic avait une grande autorité sur les

 21   unités du MUP déployées au Kosovo en 1998 et en 1999, et qu'il était

 22   responsable de la planification, de l'organisation, du contrôle et de la

 23   direction des activités du MUP dans la province. Il a également travaillé

 24   en étroite collaboration avec les dirigeants de la VJ et d'autres organes

 25   de l'Etat et a participé à des réunions de haut niveau afin de discuter de

 26   la situation au Kosovo. Au vu de tous les éléments de preuve, la Chambre

 27   conclut que Lukic était effectivement un membre important de l'entreprise

 28   criminelle commune et qu'il a contribué de manière significative à

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  1   l'entreprise criminelle commune du fait qu'il contrôlait les forces du MUP

  2   et a participé à sa réalisation. La Chambre conclut aussi que la seule

  3   déduction raisonnable est que Lukic partageait l'intention d'imposer par la

  4   force le déplacement de la population albanaise du Kosovo afin de garantir

  5   le maintien du contrôle des autorités d'Etat sur la province. La Chambre

  6   conclut, en outre, que le meurtre de civils albanais du Kosovo, commis par

  7   des forces de la VJ et du MUP en exécution du plan commun, était

  8   raisonnablement prévisible pour Lukic, comme l'était aussi la destruction

  9   ou l'endommagement de biens religieux, plus précisément, de mosquées.

 10   Cependant, par décision de la majorité des Juges, la Chambre ne conclut pas

 11   qu'il pouvait prévoir que des violences sexuelles allaient être commises.

 12   Je viens de parler à deux reprises de la question de la majorité. Le

 13   Juge Chowhan joint une opinion décidante sur la question du caractère

 14   prévisible des violences sexuelles concernant Sainovic et Lukic.

 15   Pour fixer les peines à imposer aux accusés en l'espèce, la Chambre de

 16   première instance a tenu compte de tous les éléments dont elle avait été

 17   saisie, y compris des éléments reçus cette semaine.

 18   Je vais maintenant demander à Monsieur Milutinovic de se lever.

 19   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre de première

 20   instance vous déclare, Milan Milutinovic, non coupable en application des

 21   articles 7(1) et 7(3) du Statut des chefs 1 à 5 de l'acte d'accusation.

 22   Conformément à l'article 99(A) du Règlement, la Chambre ordonne votre

 23   remise en liberté immédiate dès que seront terminées toutes les formalités

 24   d'usage, sans préjudice de la possibilité d'engager une procédure suite à

 25   la conclusion tirée par la Chambre de première instance numéro III dans le

 26   dernier paragraphe du jugement par rapport aux trois autres lieux de crimes

 27   mentionnés dans l'acte d'accusation.

 28   Vous pouvez vous rasseoir.

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  1   Monsieur Sainovic, veuillez vous lever.

  2   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre vous déclare,

  3   Nikola Sainovic, coupable des chefs 1 à 5 de l'acte d'accusation par

  4   commission en tant que membre de l'entreprise criminelle commune en

  5   application de l'article 7(1) du Statut. La Chambre de première instance

  6   vous condamne à une peine unique de 22 ans d'emprisonnement. Le temps que

  7   vous avez passé en détention préventive sera déduit de la durée de la

  8   peine. En application de l'article 103(C) du Règlement, vous resterez sous

  9   la garde du Tribunal en attendant que soient prises toutes les dispositions

 10   relatives à votre transfert dans l'état où vous purgerez votre peine.

 11   Veuillez vous rasseoir.

 12   Monsieur Ojdanic, veuillez vous lever.

 13   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre de première

 14   instance vous déclare, Dragoljub Ojdanic, coupable des chefs 1 et 2 de

 15   l'acte d'accusation, pour avoir aidé et encouragé, en application de

 16   l'article 7(1) du Statut, et non coupable des chefs 3 à 5 de l'acte

 17   d'accusation, en application des articles 7(1) et 7(3) du Statut. La

 18   Chambre de première instance vous condamne à une peine unique de 15 ans

 19   d'emprisonnement. Le temps que vous avez passé en détention préventive sera

 20   déduit de la durée de la peine. En application de l'article 103(C) du

 21   Règlement, vous resterez sous la garde du Tribunal en attendant que soient

 22   prises toutes les dispositions relatives à votre transfert dans l'état où

 23   vous purgerez votre peine.

 24   Veuillez vous rasseoir.

 25   Monsieur Pavkovic, veuillez vous lever.

 26   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre de première

 27   instance vous déclare, Nebojsa Pavkovic, coupable des chefs 1 à 5 de l'acte

 28   d'accusation, par commission en tant que membre de l'entreprise criminelle

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  1   commune, en application de l'article 7(1) du Statut. La Chambre de première

  2   instance vous condamne à une peine unique de 22 ans d'emprisonnement. Le

  3   temps que vous avez passé en détention préventive vous sera déduit de la

  4   durée de la peine. En application de l'article 103(C) du Règlement, vous

  5   resterez sous la garde du Tribunal en attendant que soient prises toutes

  6   les dispositions relatives à votre transfert dans l'état où vous purgerez

  7   votre peine.

  8   Veuillez vous rasseoir.

  9   Monsieur Lazarevic, veuillez vous lever.

 10   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre de première

 11   instance vous déclare, Vladimir Lazarevic, coupable des chefs 1 et 2 de

 12   l'acte d'accusation, pour avoir aidé et encouragé, en application à

 13   l'article 7(1) du Statut, et non coupable des chefs 3 à 5 de l'acte

 14   d'accusation, en application des articles 7(1) et 7(3) du Statut. La

 15   Chambre de première instance vous condamne à une peine unique de 15 ans

 16   d'emprisonnement. Le temps que vous avez passé en détention préventive sera

 17   déduit de la durée de la peine. En application de l'article 103(C) du

 18   Règlement, vous resterez sous la garde du Tribunal en attendant que soient

 19   prises toutes les dispositions relatives à votre transfert dans l'état où

 20   vous purgerez votre peine.

 21   Veuillez vous rasseoir.

 22   Monsieur Lukic, veuillez vous lever.

 23   En raison des motifs que je viens de résumer, la Chambre de première

 24   instance vous déclare, Sreten Lukic, coupable des chefs 1 à 5 de l'acte

 25   d'accusation, par commission en tant que membre de l'entreprise criminelle

 26   commune, en application de l'article 7(1) du Statut. La Chambre de première

 27   instance vous condamne à une peine unique de 22 ans d'emprisonnement. Le

 28   temps que vous avez passé en détention préventive sera déduit de la durée

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  1   de la peine. En application de l'article 103(C) du Règlement, vous resterez

  2   sous la garde du Tribunal en attendant que soient prises toutes les

  3   dispositions relatives à votre transfert dans l'état où vous purgerez votre

  4   peine.

  5   Veuillez vous rasseoir.

  6   L'audience est levée.

  7   --- L'audience du Jugement est levée à 15 heures 48.

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