Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 23 janvier 2014

  2   [Jugement en appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 29.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-05-87-A, le Procureur contre Nikola

 10   Sainovic, Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic, et Sreten Lukic.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 12   Je demande aux parties de bien vouloir se présenter. Nous allons commencer

 13   par l'Accusation.

 14   M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Peter Kremer,

 15   Daniela Kravitz au nom du bureau du Procureur, et nous sommes assisté

 16   aujourd'hui de notre commis à l'affaire, Colin Nawrot.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

 18   La Défense, à présent.

 19   M. FILA : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Toma Fila

 20   et M. Petrovic, conseil de la Défense de M. Sainovic.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 22   M. ALEKSIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges.

 23   Aleksandar Aleksic au nom de M. Pavkovic.

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 25   M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Au nom de

 26   la Défense du général Lazarevic, Mihajlo Bakrac, M. Cepic, et Milan

 27   Petrovic.

 28   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Dan

  2   Ivetic, accompagné de Branko Lukic et notre assistant, M. Milenko Dundjer,

  3   au nom de Sreten Lukic.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

  5   Avant de commencer, est-ce que toutes les parties peuvent entendre les

  6   débats dans une langue qu'elles comprennent ?

  7   Monsieur Sainovic.

  8   L'APPELANT SAINOVIC : [interprétation] Oui, je peux suivre, Monsieur le

  9   Président.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous rasseoir.

 11   Monsieur Pavkovic.

 12   L'APPELANT PAVKOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président,

 13   j'entends ma langue.

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 15   Monsieur Lazarevic.

 16   L'APPELANT LAZAREVIC : [interprétation] J'entends bien.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 18   Et Monsieur Lukic.

 19   L'APPELANT LUKIC : [interprétation] Moi aussi.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

 21   La Chambre d'appel est réunie aujourd'hui conformément à l'ordonnance

 22   portant calendrier délivrée le 15 novembre 2013 et en vertu de l'article

 23   117(D) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pour rendre son

 24   arrêt dans l'affaire le Procureur contre Nikola Sainovic, Nebojsa Pavkovic,

 25   Vladimir Lazarevic, et Sreten Lukic.

 26   Conformément à la pratique du Tribunal, je ne vais pas donner lecture de

 27   l'intégralité du texte de l'arrêt, à l'exception du dispositif, mais je me

 28   contenterai de résumer les questions essentielles soulevées en appel et les


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  1   conclusions principales de la Chambre d'appel. Ce résumé oral ne constitue

  2   pas l'arrêt officiel de la Chambre d'appel; le seul texte qui fait autorité

  3   est l'arrêt écrit de la Chambre d'appel, dont des copies seront à

  4   disposition des parties à l'issue de l'audience.

  5   Dans la version écrite de l'arrêt, lorsqu'il est fait référence aux

  6   toponymes, les versions albanaises et bosniaques, croates, serbes sont

  7   utilisées. Dans le cadre du résumé d'aujourd'hui, j'utiliserai uniquement

  8   la version bosniaque, croate, serbe.

  9   Rappel des faits.

 10   Les événements à l'origine de cette affaire ont eu lieu entre le mois de

 11   mars et le mois de juin 1999 et portent sur le déplacement forcé de la

 12   population albanaise du Kosovo. La Chambre de première instance a conclu

 13   que suite aux bombardements de l'OTAN le 24 mars 1999, une campagne de

 14   violence a été lancée contre la population civile albanaise du Kosovo,

 15   pendant laquelle de nombreux Albanais du Kosovo ont été contraints de

 16   partir. Des meurtres et des violences sexuelles ont eu lieu et des mosquées

 17   ont été détruites intentionnellement. La Chambre de première instance a

 18   conclu que les bombardements de l'OTAN et le conflit armé en cours entre,

 19   d'une part, l'Armée de libération du Kosovo, l'ALK, et d'autre part, les

 20   forces de la République fédérale de Yougoslavie, la RFY, et de la Serbie

 21   n'étaient pas la raison principale du départ de centaines de milliers

 22   d'Albanais du Kosovo. La Chambre de première instance a conclu que les

 23   actions délibérées des forces de l'armée de la RFY et de la Serbie pendant

 24   la campagne de violence avaient provoqué le départ d'au moins 700 000

 25   Albanais du Kosovo.

 26   En outre, la Chambre de première instance a conclu que "pendant la période

 27   des crimes allégués dans l'acte d'accusation", une entreprise criminelle

 28   commune a existé, dont l'objectif principal était de chasser de force,


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  1   aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du Kosovo, la population

  2   albanaise du Kosovo au moyen d'une campagne systématique et généralisée de

  3   terreur et de violence. La Chambre de première instance a conclu que cela

  4   avait eu lieu pour permettre aux autorités de la RFY et aux autorités

  5   serbes de continuer à exercer un contrôle sur le Kosovo. La Chambre de

  6   première instance a également conclu que même si les crimes d'expulsion et

  7   de transferts forcés entraient dans le cadre de l'objectif commun, les

  8   crimes de meurtre, en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre,

  9   et de meurtres et de persécutions ayant pris la forme de meurtres, de

 10   violences sexuelles et la destruction et l'endommagement de biens religieux

 11   en tant que crimes contre l'humanité débordaient du cadre de l'objectif

 12   assigné à l'entreprise criminelle commune.

 13   Pendant la période couverte par l'acte d'accusation, M. Sainovic était

 14   vice-premier ministre de la RFY; M. Pavkovic était le commandant de la 3e

 15   Armée de l'armée yougoslave ou la VJ; M. Lazarevic était le commandant du

 16   Corps de Pristina de la VJ; et M. Lukic était à la tête de l'état-major du

 17   ministère serbe de l'Intérieur à Pristina, appelé état-major du MUP. Je les

 18   nommerai collectivement "les appelants". La Chambre de première instance a

 19   conclu que MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic avaient participé à l'entreprise

 20   criminelle commune, car chacun d'entre eux avait partagé l'intention de

 21   contraindre la population albanaise du Kosovo de quitter le territoire et

 22   car ils ont largement contribué à l'entreprise criminelle commune. Eu égard

 23   aux crimes qui débordent du cadre de l'objectif commun, la Chambre de

 24   première instance a conclu que MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic auraient pu

 25   raisonnablement prévoir que des meurtres, assassinats et des persécutions

 26   allaient être commis aux moyens de meurtres et de destruction ou dans des

 27   logements de biens religieux. En outre, la Chambre de première instance a

 28   conclu que M. Pavkovic, mais pas MM. Sainovic et Lukic, aurait pu


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  1   raisonnablement prévoir les persécutions commises ayant pris la forme de

  2   violences sexuelles.

  3   La Chambre de première instance a condamné M. Sainovic pour avoir

  4   commis, en participant à l'entreprise criminelle commune, des expulsions,

  5   d'autres actes inhumains (transfert forcé), des assassinats et persécutions

  6   en tant que crimes contre l'humanité et des meurtres en tant que violation

  7   des lois ou coutumes de la guerre. Il a été condamné à 22 ans

  8   d'emprisonnement.

  9   La Chambre de première instance a condamné M. Pavkovic pour avoir

 10   commis, en participant à l'entreprise criminelle commune, des expulsions,

 11   d'autres actes inhumains (transfert forcé), des assassinats et des

 12   persécutions en tant que crimes contre l'humanité ainsi que des meurtres en

 13   tant que violation des lois ou coutumes de la guerre. Il a été condamné à

 14   22 ans d'emprisonnement.

 15   La Chambre de première instance a condamné M. Lukic pour avoir

 16   commis, en participant à l'entreprise criminelle commune, des expulsions,

 17   d'autres actes inhumains (transfert forcé), des assassinats et des

 18   persécutions en tant que crimes contre l'humanité ainsi que des meurtres en

 19   tant que violation des lois ou coutumes de la guerre. Il a été condamné à

 20   22 ans d'emprisonnement.

 21   La Chambre de première instance a condamné M. Lazarevic pour avoir

 22   aidé et encouragé les crimes d'expulsion et autres actes inhumains,

 23   transfert forcé, en tant que crimes contre l'humanité auxquels la VJ a

 24   participé. La Chambre de première instance a acquitté M. Lazarevic pour

 25   avoir aidé et encouragé l'assassinat en tant que crime contre l'humanité,

 26   le meurtre en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre et les

 27   persécutions ayant pris la forme d'assassinat en tant que crime contre

 28   l'humanité. Il a été condamné à 15 ans d'emprisonnement.


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  1   Chaque appelant a fait appel de sa déclaration de culpabilité et de

  2   sa peine. Le bureau du Procureur, ci-après l'Accusation, a formulé six

  3   moyens d'appel contre l'acquittement de chaque appelant concernant certains

  4   chefs d'accusation et leurs peines.

  5   La Chambre d'appel a entendu les exposés des parties du 11 au 15 mars

  6   2013.

  7   Je vais à présent passer aux arguments des appelants et de

  8   l'Accusation, en commençant par ceux concernant les erreurs alléguées quant

  9   au droit à un procès équitable.

 10   Erreur alléguée quant au droit à un procès équitable.

 11   MM. Pavkovic et Lukic avancent que leur droit à un procès équitable

 12   n'a pas été respecté en raison du manque de temps et des facilités

 13   nécessaires à la préparation de leur défense. Suite à une évaluation

 14   d'ensemble de la gestion du procès par la Chambre de première instance, la

 15   Chambre d'appel conclut que MM. Pavkovic et Lukic ont disposé de

 16   suffisamment de temps et de facilités pour préparer leur défense.

 17   S'agissant des autres griefs de M. Lukic, la Chambre d'appel conclut que la

 18   Chambre de première instance n'a commis aucune erreur dans ses décisions

 19   pertinentes et a été impartiale.

 20   Erreurs alléguées sur l'acte d'accusation.

 21   Je vais à présent aborder les arguments des parties concernant les

 22   erreurs alléguées sur l'acte d'accusation.

 23   M. Sainovic fait valoir que la Chambre de première instance a eu tort

 24   de le condamner pour avoir été le coordinateur politique de la VJ et des

 25   forces du MUP au Kosovo au motif que cette allégation n'était pas

 26   suffisamment expliquée dans l'acte d'accusation. La Chambre d'appel conclut

 27   que le terme "coordinateur politique" ne constitue pas un fait essentiel en

 28   soi qui aurait dû être expliqué dans l'acte d'accusation et, en


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  1   conséquence, rejette le recours de M. Sainovic à cet égard.

  2   M. Lazarevic avance que la Chambre de première instance n'était pas

  3   fondée à conclure qu'il était responsable de l'expulsion et du transfert

  4   forcé commis dans la région du village de Cirez dans la municipalité de

  5   Srbica, arguant que ces actes ont eu lieu en dehors de la période précisée

  6   dans l'acte d'accusation. La Chambre d'appel estime que le cadre temporel

  7   repris au paragraphe 72(C) de l'acte d'accusation, lu conjointement avec

  8   les allégations dans le chapeau du même paragraphe, précise suffisamment la

  9   période des actes. La Chambre d'appel conclut dès lors que l'acte

 10   d'accusation a correctement informé M. Lazarevic de la date des crimes

 11   reprochés et rejette son recours dans la mesure où il allègue que l'acte

 12   d'accusation est entaché d'un vice de forme.

 13   M. Lukic fait valoir que la Chambre de première instance s'est 

 14   trompée en le tenant responsable du meurtre de victimes qui n'étaient pas

 15   énumérées dans l'acte d'accusation. Après examen des arguments des parties,

 16   la Chambre d'appel conclut que seul quatre victimes de meurtre citées par

 17   M. Lukic ne sont pas nommément citées dans les annexes à l'acte

 18   d'accusation. Au vu des circonstances en l'espèce, notamment le grand

 19   nombre de victimes alléguées, l'éloignement de M. Lukic des meurtres

 20   commis, et étant donné que les annexes de l'acte d'accusation n'avaient pas

 21   pour objectif de fournir des listes exhaustives, la Chambre d'appel conclut

 22   que l'absence du nom des victimes ne porte pas pour autant vice de forme de

 23   l'acte d'accusation. En conséquence, la Chambre d'appel rejette la partie

 24   du recours de M. Lukic y afférent.

 25   L'Accusation soutient que la Chambre de première instance a commis

 26   une erreur en concluant que les expulsions et le transfert forcé repris au

 27   paragraphe 72 de l'acte d'accusation n'étaient pas des modes de persécution

 28   visés au chef 5. La Chambre d'appel conclut que l'Accusation n'a pas


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  1   soulevé d'objection sur l'interprétation de l'acte d'accusation par la

  2   Chambre de première instance alors qu'elle aurait pu raisonnablement le

  3   faire. Elle conclut de surcroît que l'Accusation a renoncé à son droit de

  4   soulever cet argument en appel. La Chambre d'appel rejette dès lors le

  5   recours de l'Accusation formé à cet égard.

  6   La Chambre d'appel fait remarquer que les crimes d'expulsion et

  7   autres actes inhumains, transfert forcé, commis à Tusilje dans la

  8   municipalité de Srbica le 29 mars 1999 ne sont pas précisés dans l'acte

  9   d'accusation. L'acte d'accusation était dès lors entaché d'un vice, vice

 10   qui n'a pas été purgé par la suite. La Chambre d'appel conclut que

 11   l'omission des événements de Tusilje et le manque d'information qui en

 12   découle ont lésé les appelants et ont sensiblement compromis leur capacité

 13   à préparer leur défense. En conséquence, la Chambre d'appel infirme les

 14   déclarations de culpabilité de MM. Sainovic, Pavkovic, Lazarevic et Lukic

 15   relatives aux événements de Tusilje le 29 mars 1999.

 16   Erreurs alléguées relatives à l'élément moral requis et formulé dans

 17   le chapeau de l'article 5 du Statut.

 18   M. Pavkovic conteste plusieurs conclusions de la Chambre de première

 19   instance portant sur l'élément moral requis pour crime contre l'humanité et

 20   formulé dans le chapeau de l'article 5 du Statut. La Chambre d'appel estime

 21   que pour répondre à l'élément moral requis et formulé dans le chapeau de

 22   l'article 5 du Statut du Tribunal, l'accusé doit avoir eu connaissance

 23   d'une attaque contre la population civile et ses actes ont dû faire partie

 24   de l'attaque, ou du moins il doit avoir pris le risque que ses actes en

 25   fassent partie. Pour les raisons invoquées dans l'arrêt, la Chambre d'appel

 26   ne relève aucune erreur dans les conclusions de la Chambre de première

 27   instance à ce sujet. En conséquence, la Chambre d'appel rejette le recours

 28   de M. Pavkovic à cet égard.


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  1   Crimes sous-jacents.

  2   Dans les 13 municipalités où des crimes précis sont reprochés, la

  3   Chambre de première instance a conclu que pendant le printemps 1999, les

  4   forces de la RFY et de la Serbie avaient déplacé délibérément et de force

  5   les civils albanais du Kosovo, à l'intérieur du territoire et en dehors de

  6   ses frontières. La Chambre de première instance a également conclu que

  7   pendant le déplacement forcé de la population albanaise du Kosovo, les

  8   forces de la RFY et les forces serbes avaient tué au moins 600 personnes,

  9   détruit ou endommagé des mosquées, et infligé des violences sexuelles à des

 10   Albanaises du Kosovo.

 11   MM. Lazarevic et Lukic contestent les conclusions de la Chambre de première

 12   instance relatives au déplacement forcé commis par les forces de la RFY et

 13   les forces serbes. La Chambre d'appel conclut que, hormis deux

 14   emplacements, MM. Lazarevic et Lukic n'ont pas pu démontrer que la Chambre

 15   de première instance avait commis une erreur dans ses conclusions. Pour la

 16   ville de Kacanik et le village de Turicevac uniquement, la Chambre d'appel

 17   conclut qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement conclure que la

 18   seule déduction que l'on puisse raisonnablement faire est que les membres

 19   des forces de la VJ pour la ville de Kacanik et ceux de la VJ et du MUP

 20   pour Turicevac ont provoqué le déplacement de la population. En

 21   conséquence, la Chambre d'appel fait droit aux arguments que M. Lazarevic

 22   avance et infirme sa déclaration de culpabilité pour les événements de la

 23   ville de Kacanik. La Chambre d'appel infirme également les déclarations de

 24   culpabilité de MM. Sainovic, Pavkovic, Lazarevic et Lukic concernant les

 25   événements de Turicevac.

 26   L'Accusation a interjeté appel de l'acquittement de M. Lazarevic prononcé

 27   par la Chambre de première instance relatif aux villages de trois

 28   municipalités. A cet égard, l'Accusation affirme que la Chambre de première


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  1   instance a commis une erreur car elle n'a pas appliqué ses propres

  2   conclusions selon lesquelles dans ces municipalités la VJ avait participé à

  3   l'expulsion et au transfert forcé en tant que crimes contre l'humanité.

  4   Dans le volume 2 du jugement, la Chambre de première instance a conclu que

  5   les Albanais du Kosovo de villages se trouvant dans les municipalités de

  6   Kosovska Mitrovica, Prizren et Urosevac avaient été chassés de force par

  7   les forces du MUP et de la VJ. En revanche, dans le volume 3 du jugement,

  8   la Chambre de première instance n'a pas tenu M. Lazarevic responsable pour

  9   avoir aider et encourager les crimes de déplacement forcé dans ces

 10   villages, expliquant que le MUP les avait commis sans la participation de

 11   la VJ. Rappelant qu'un jugement doit se lire dans son intégralité, la

 12   Chambre d'appel conclut que la déclaration de la Chambre de première

 13   instance dans le volume 3 était une omission et qu'en conséquence, elle

 14   s'est trompée car elle n'a pas appliqué sa propre conclusion factuelle

 15   selon laquelle la VJ avait participé à la commission des crimes. Dès lors,

 16   la Chambre d'appel fait en partie droit à l'appel de l'Accusation.

 17   Cependant, la Chambre d'appel, le Juge Ramaroson étant en désaccord, ne

 18   prononcera pas de nouvelles déclarations de culpabilité en appel.

 19   La Chambre de première instance a en outre conclu que pendant leurs

 20   opérations de déplacement forcé de la population civile albanaise du

 21   Kosovo, les forces de la VJ et du MUP avaient tué au moins 600 personnes au

 22   total. M. Lukic conteste plusieurs conclusions de la Chambre de première

 23   instance relatives à ces meurtres, notamment l'identification des victimes

 24   et la cause du décès.

 25   La Chambre d'appel estime que seuls sont fondés les arguments de M. Lukic

 26   portant sur les meurtres commis pendant l'opération de la vallée de la Reka

 27   dans la municipalité de Djakovica. M. Lukic soutient plus précisément que

 28   parmi les 287 victimes qui ont été tuées pendant l'opération de la vallée


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  1   de Reka, d'après la Chambre de première instance, certaines auraient pu

  2   être des combattants. La Chambre d'appel relève que la Chambre de première

  3   instance n'a pas déterminé si pour chaque victime, au moment du décès, il

  4   s'était agi de civils ne participant pas activement aux hostilités ou s'ils

  5   étaient hors de combat. La Chambre d'appel estime qu'en l'absence de

  6   suffisamment d'éléments de preuve sur les circonstances et le statut de

  7   chaque victime, la Chambre de première instance n'était pas fondée à

  8   conclure que les 287 meurtres au cours de l'opération de la vallée de Reka

  9   constituaient un assassinat en tant que crime contre l'humanité et un

 10   meurtre en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre. Après

 11   examen des éléments de preuve pertinents, la Chambre d'appel est convaincue

 12   qu'il a été établi au-delà de tout doute raisonnable que 13 victimes

 13   n'avaient pas participé activement aux hostilités au moment du décès. Dès

 14   lors, la Chambre d'appel infirme les déclarations de culpabilité de MM.

 15   Pavkovic et Lukic pour meurtre et assassinat au titre des articles 3 et 5

 16   du Statut s'agissant des 274 Albanais du Kosovo sur les 287 qui ont été

 17   assassinés. La Chambre d'appel rejette les autres griefs de M. Lukic

 18   relatifs aux conclusions de la Chambre de première instance sur les

 19   meurtres et assassinats.

 20   Eu égard aux conclusions de la Chambre de première instance sur les

 21   violences sexuelles commises, l'Accusation soutient que la Chambre de

 22   première instance a eu tort de ne pas conclure que les viols de K31, K14 et

 23   K62 à Pristina avaient été commis dans une intention discriminatoire et,

 24   partant, constituaient des persécutions. La Chambre de première instance a

 25   conclu que l'Accusation n'avait pas présenté d'élément de preuve permettant

 26   de déduire l'intention discriminatoire qui animaient les auteurs des viols,

 27   bien qu'elle ait conclu que les forces de la VJ et du MUP avaient commis

 28   les viols pendant l'opération visant à chasser un grand nombre d'Albanais


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  1   du Kosovo de la ville de Pristina. La Chambre d'appel estime que la Chambre

  2   de première instance n'a pas tenu compte comme il se doit du contexte des

  3   viols et qu'elle a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'aucun élément

  4   de preuve ne permettait de déduire l'intention discriminatoire des auteurs.

  5   La Chambre d'appel est convaincue que la seule conclusion possible que l'on

  6   puisse raisonnablement tirer des éléments de preuve présentés lors du

  7   procès est que des membres de la VJ et du MUP étaient animés d'une

  8   intention discriminatoire lorsqu'ils ont violé ces trois femmes et que ces

  9   actes constituent des persécutions en tant que crime contre l'humanité. La

 10   Chambre d'appel accueille donc, en partie, le recours de l'Accusation.

 11   Entreprise criminelle commune.

 12   Je vais à présent évoquer les arguments de MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic

 13   concernant leur responsabilité pénale individuelle dans l'entreprise

 14   criminelle commune. Je vais commencer par me pencher sur leurs griefs

 15   relatifs à l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune et

 16   j'aborderai ensuite leurs arguments sur leur participation à l'entreprise

 17   criminelle commune. L'existence d'un projet, dessein ou objectif commun.

 18    MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic font valoir que c'est à tort que la

 19   Chambre de première instance a conclu qu'elle était convaincue au-delà de

 20   tout doute raisonnable que les membres de l'entreprise criminelle commune

 21   avaient partagé un objectif commun pendant la période des crimes reprochés

 22   dans l'acte d'accusation qui consistait à avoir commis ces crimes ou y

 23   avoir participé en vertu du Statut, et que cet objectif commun visait à

 24   déplacer de force plusieurs Albanais du Kosovo, sur le territoire du Kosovo

 25   et en dehors de ses frontières.

 26   La Chambre d'appel fait remarquer que la Chambre de première instance a

 27   rendu ses conclusions sur les crimes commis et reprochés dans l'acte

 28   d'accusation lors d'événements qui ont eu lieu entre le 24 mars et la fin


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  1   du mois de mai 1999. En conséquence, la Chambre d'appel comprend que la

  2   conclusion de la Chambre de première instance sur l'existence de l'objectif

  3   commun est liée à la période où les crimes ont été commis, à savoir du 24

  4   mars jusqu'à la fin du mois de mai 1999.

  5   La Chambre d'appel rappelle que même si la Chambre de première instance a

  6   déduit l'existence de l'objectif commun de plusieurs facteurs, elle a

  7   accordé plus de poids au scénario des déplacements forcés d'Albanais du

  8   Kosovo et à la confiscation de leurs documents d'identité. MM. Sainovic,

  9   Pavkovic et Lukic n'ont pas pu démontrer que la Chambre de première

 10   instance avait commis une erreur dans son examen des éléments de preuve à

 11   propos de ces deux facteurs. La Chambre d'appel conclut que les éléments de

 12   preuve relatifs à ces deux facteurs suffisent pour qu'un juge du fait

 13   raisonnable conclut que la seule déduction que l'on puisse raisonnablement

 14   faire est qu'un objectif commun existait et rejoint aussi la conclusion de

 15   la Chambre de première instance. La Chambre d'appel rejette dans leur

 16   intégralité les arguments de MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic concernant la

 17   conclusion de la Chambre de première instance sur l'existence de l'objectif

 18   commun.

 19   L'existence et l'autorité du commandement conjoint.

 20   Je vais maintenant passer aux arguments de MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic

 21   à propos d'une entité connue sous le nom de commandement conjoint pour le

 22   Kosovo-Metohija, ou, plus simplement, le commandement conjoint. La Chambre

 23   de première instance a conclu qu'un organe connu sous le nom de

 24   commandement conjoint avait vu le jour aux environs de juin 1998. Il se

 25   composait de représentants politiques et de membres de la VJ et du MUP. Il

 26   exerçait une influence sur les forces de la VJ et du MUP au Kosovo et a

 27   participé à coordonner ces forces au deuxième semestre 1998 et au premier

 28   semestre 1999. La Chambre de première instance a tenu compte des rôles


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  1   respectifs de MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic dans la coordination des

  2   forces de la VJ et du MUP par le biais du commandement conjoint pour

  3   déduire leur intention et leur contribution à l'objectif commun de

  4   l'entreprise criminelle commune. Pour les raisons expliquées dans l'arrêt,

  5   la Chambre d'appel, le Juge Tuzmukhamedov étant en désaccord, conclut que

  6   MM. Sainovic, Pavkovic et Lukic n'ont pas pu démontrer que la Chambre de

  7   première instance avait commis une erreur dans ses conclusions sur

  8   l'existence et l'autorité du commandement conjoint. La Chambre d'appel, le

  9   Juge Tuzmukhamedov étant en désaccord, rejette dès lors leurs arguments à

 10   cet égard.

 11   Participation de M. Sainovic à l'entreprise criminelle commune.

 12   Je passe maintenant aux arguments de M. Sainovic qui contestent les

 13   conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles il aurait

 14   contribué de manière importante à l'objectif commun de l'entreprise

 15   criminelle commune et qu'il partageait l'intention de déplacer par la force

 16   une partie de la population albanaise du Kosovo. Dans le cadre de son

 17   évaluation de la participation de M. Sainovic à l'entreprise criminelle

 18   commune, la Chambre de première instance a conclu qu'il disposait de

 19   pouvoirs de facto étendus, tant sur les forces de la VJ que sur celles du

 20   MUP au Kosovo, et qu'il constituait un lien crucial entre le président de

 21   la RFY de l'époque, Slobodan Milosevic, qui se trouvait à Belgrade, et les

 22   unités de la VJ et du MUP qui se trouvaient au Kosovo. La Chambre de

 23   première instance a conclu que le rôle de M. Sainovic était, par

 24   conséquent, celui de coordinateur politique des forces au Kosovo.

 25   La Chambre d'appel, le Juge Tuzmukhamedov étant en désaccord, conclut que

 26   M. Sainovic n'a pas montré que la Chambre de première instance avait commis

 27   une erreur en concluant qu'il était l'un des plus proches collaborateurs et

 28   un des hommes de confiance de Slobodan Milosevic en 1999. La Chambre


Page 726

  1   d'appel conclut également que M. Sainovic n'a pas montré que la Chambre de

  2   première instance avait commis une erreur dans ses conclusions concernant

  3   son rôle de dirigeant durant les réunions du commandement conjoint en 1998,

  4   ni durant sa participation aux réunions en 1998 durant lesquelles le plan

  5   pour la lutte contre le terrorisme a été discuté, ni à son poste de

  6   président de la commission de coopération avec la MVK, ni dans ses contacts

  7   avec Ibrahim Rugova, ni dans le cas de sa participation à la réunion de

  8   l'état-major du MUP du 4 avril 1999. La Chambre d'appel, le Juge

  9   Tuzmukhamedov étant en désaccord, a conclu également que M. Sainovic

 10   n'avait pas montré que la Chambre de première instance avait commis une

 11   erreur dans ses conclusions concernant la réunion du 9 mai 1999 avec M.

 12   Milosevic, la réunion du 7 mai 1999 à l'état-major du MUP, et la réunion du

 13   commandement conjoint du 1er juin 1999. La Chambre d'appel, le Juge

 14   Tuzmukhamedov étant en désaccord, ne retient pas non plus les arguments de

 15   M. Sainovic concernant son rôle de liaison et d'influence sur les forces de

 16   la VJ et du MUP. La Chambre d'appel conclut également que M. Sainovic n'a

 17   pas montré que la Chambre de première instance avait commis une erreur de

 18   droit en constatant qu'il pouvait faire des propositions, des suggestions

 19   et donner des instructions.

 20   Bien que la Chambre d'appel ait conclu que la Chambre de première

 21   instance avait commis une erreur en s'appuyant sur la présence de M.

 22   Sainovic à la réunion du 13 avril 1999 avec Zlatomir Pesic, elle a conclu,

 23   le Juge Tuzmukhamedov étant en désaccord, que l'erreur de la Chambre de

 24   première instance n'avait aucun impact sur ses conclusions selon

 25   lesquelles, en 1999 M. Sainovic aurait contribué à assurer la liaison entre

 26   la VJ et le MUP, d'une part, et M. Milosevic, d'autre part.

 27   De plus, la Chambre de première instance, le Juge Tuzmukhamedov étant

 28   en désaccord, a jugé que M. Sainovic n'avait pas prouvé que la Chambre de


Page 727

  1   première instance avait commis une erreur en montrant qu'il avait des

  2   pouvoirs étendus sur la VJ et sur les forces du MUP et qu'il avait agi en

  3   tant que coordinateur politique, tant en 1998 et 1999, et que sa

  4   contribution à l'objectif commun était importante.

  5   La Chambre de première instance a également conclu que M. Sainovic

  6   était au courant des déplacements et des crimes qui avaient lieu au Kosovo

  7   en 1998 et avait continué à obtenir des informations sur la commission de

  8   ces crimes, y compris les déplacements forcés, et ceci, pendant toute

  9   l'année 1999. La Chambre d'appel a considéré qu'un juge des faits

 10   raisonnable aurait pu conclure que M. Sainovic avait partagé l'intention de

 11   procéder au déplacement forcé de parties de la population albanaise du

 12   Kosovo en 1999. Et la Chambre d'appel confirme les conclusions de la

 13   Chambre de première instance, à savoir que les déclarations de M. Sainovic

 14   insistant sur la prévention et sur le fait que les crimes soient punis,

 15   n'étaient, en fait, qu'une façade.

 16   Par conséquent, la Chambre de première instance, le Juge

 17   Tuzmukhamedov étant en désaccord, confirme les conclusions de la Chambre de

 18   première instance, à savoir que M. Sainovic avait participé à l'entreprise

 19   criminelle commune.

 20   M. Sainovic conteste les conclusions de la Chambre de première

 21   instance, à savoir qu'il était responsable des crimes de meurtres en tant

 22   que violation des lois ou coutumes de la guerre et de meurtres et de

 23   persécution par le biais de meurtres et de dégradation de biens religieux

 24   en tant que crimes contre l'humanité au titre de l'entreprise criminelle

 25   commune de troisième catégorie. La Chambre d'appel a conclu qu'en arrivant

 26   à ses conclusions, la Chambre de première instance a appliqué à tort un

 27   niveau de prévisibilité plus élevé que nécessaire en vue du critère

 28   juridique qui convient. De plus, la Chambre d'appel conclut que la Chambre


Page 728

  1   de première instance, en évaluant si M. Sainovic avait la possibilité de

  2   prévoir la commission de meurtres, a conclu à tort qu'il était au courant

  3   de crimes commis à plusieurs endroits.

  4   Néanmoins, au vu des autres constatations factuelles de la Chambre de

  5   première instance et en appliquant le critère juridique qui convient, la

  6   Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord, est néanmoins convaincue

  7   qu'à compter du 7 mai 1999, M. Sainovic avait la possibilité de prévoir que

  8   des crimes pouvaient être commis et qu'il a délibérément pris ce risque.

  9   Par conséquent, la Chambre d'appel fait droit, en partie, à l'appel de M.

 10   Sainovic, et annule ses condamnations pour crimes de meurtre commis le 7

 11   mai 1999, au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième

 12   catégorie. La Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord, confirme la

 13   condamnation de M. Sainovic pour crimes de meurtre commis aux environs du

 14   25 mai 1999 à Dubrava au titre de l'entreprise criminelle commune de

 15   troisième catégorie. La Chambre d'appel a conclu également que M. Sainovic

 16   n'a pas montré qu'il existait des erreurs dans les constatations factuelles

 17   utilisées par la Chambre de première instance pour conclure qu'il avait la

 18   possibilité de prévoir des persécutions par le biais de la destruction ou

 19   de la dégradation de biens religieux et qu'il avait délibérément pris ce

 20   risque. Etant donné qu'un niveau de prévisibilité plus élevé était atteint,

 21   un niveau de prévisibilité moindre est forcément atteint également. Par

 22   conséquent, les arguments de M. Sainovic ne sont pas retenus.

 23   Participation de M. Pavkovic à l'entreprise criminelle commune.

 24   Je passe maintenant aux arguments de M. Pavkovic qui contestent les

 25   conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles il aurait

 26   contribué de manière importante à l'objectif commun de l'entreprise

 27   criminelle commune et qu'il aurait partagé l'intention de déplacer par la

 28   force la population albanaise du Kosovo. Il conteste également les


Page 729

  1   conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles les crimes

  2   commis tant par la VJ que le MUP lui seraient imputables.

  3   En parvenant à ses conclusions, la Chambre de première instance a considéré

  4   que pendant toute la période durant laquelle les crimes ont été commis, M.

  5   Pavkovic a, entre autres, ordonné et soutenu les opérations menées par la

  6   VJ au Kosovo, y compris les opérations conjointes avec le MUP, et qu'il a

  7   mobilisé les troupes et les a commandées durant ces opérations. La Chambre

  8   de première instance a également considéré que M. Pavkovic avait contribué

  9   à la création et au maintien d'un climat d'impunité en ne signalant pas

 10   suffisamment les crimes commis par les forces qu'il contrôlait et en ne

 11   prenant pas de mesures efficaces suite à leur signalement, ce qui a

 12   encouragé la commission de crimes par les forces qui étaient sous le

 13   contrôle des membres de l'entreprise criminelle commune. De plus, la

 14   Chambre de première instance a considéré l'étroite relation de travail

 15   qu'entretenait M. Pavkovic avec Slobodan Milosevic en 1998 et 1999, ce qui

 16   lui permettait de contourner la chaîne de commandement de la VJ. La Chambre

 17   de première instance a également constaté que M. Pavkovic était au courant

 18   des crimes commis par les membres de la VJ et du MUP et des allégations y

 19   afférent en 1998 et 1999.

 20   La Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance a commis une

 21   erreur en concluant que M. Pavkovic avait contribué à l'entreprise

 22   criminelle commune, avant l'existence de l'objectif commun, et ce, en

 23   participant au processus d'armement de la population non albanaise et au

 24   désarmement de la population albanaise du Kosovo, et en déployant des

 25   forces de la VJ supplémentaires au Kosovo en violation des accords négociés

 26   en octobre 1998. Néanmoins, la Chambre d'appel considère que la conclusion

 27   globale de la Chambre de première instance, selon laquelle M. Pavkovic

 28   aurait contribué de manière significative à l'ECC, n'est pas affectée par


Page 730

  1   ces erreurs, étant donné que la conclusion de la Chambre de première

  2   instance est basée sur un nombre important d'autres éléments de preuve, y

  3   compris les autres comportements de M. Pavkovic, qui ont continué jusqu'en

  4   1999.

  5   Les autres arguments de M. Pavkovic n'ont pas montré que la Chambre de

  6   première instance avait commis une erreur en concluant qu'il avait

  7   contribué de manière significative à l'objectif commun de l'entreprise

  8   criminelle commune et qu'il partageait l'intention de déplacer par la force

  9   la population albanaise du Kosovo. Ses arguments à cet égard ne sont, par

 10   conséquent, pas retenus.

 11   De plus, M. Pavkovic n'a pas montré que la Chambre de première instance a

 12   commis une erreur en concluant que les crimes commis tant par les forces de

 13   la VJ que du MUP lui aient imputables au titre de l'entreprise criminelle

 14   commune de première catégorie. Ses arguments à cet égard ne sont également

 15   pas retenus.

 16   Par conséquent, la Chambre d'appel confirme les constatations de la Chambre

 17   de première instance selon lesquelles M. Pavkovic a participé à

 18   l'entreprise criminelle commune.

 19   De plus, M. Pavkovic conteste également les conclusions de la Chambre de

 20   première instance selon lesquelles il serait responsable des crimes de

 21   meurtre en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre, ainsi que

 22   de meurtre et persécution, y compris au moyen de meurtre, et d'agression

 23   sexuelle, et de destruction, de dégradation de biens religieux, qui

 24   constituent des crimes contre l'humanité au titre de l'entreprise

 25   criminelle commune de troisième catégorie.

 26   Comme ceci l'a déjà été mentionné au sujet de M. Sainovic, la Chambre

 27   d'appel conclut qu'en parvenant à ses conclusions concernant l'entreprise

 28   criminelle commune de troisième catégorie, la Chambre de première instance


Page 731

  1   a appliqué à tort un niveau de prévisibilité plus élevé que nécessaire en

  2   vertu du critère juridique qui convient. La Chambre d'appel a conclu que M.

  3   Pavkovic n'a montré aucune erreur dans les constatations factuelles sur

  4   lesquelles la Chambre de première instance s'était basée pour arriver à sa

  5   conclusion sur la prévisibilité des crimes en question et sur les risques

  6   qu'il avait pris. En conséquence, la Chambre d'appel considère que l'erreur

  7   de droit commise par la Chambre de première instance au sujet du niveau de

  8   prévisibilité n'a aucun impact sur la condamnation de M. Pavkovic. Les

  9   autres arguments présentés par M. Pavkovic n'ont pas non plus permis de

 10   montrer que la Chambre de première instance avait commis une erreur en

 11   constant que ces crimes qui ne rentraient pas dans le cadre de l'objectif

 12   commun lui étaient imputables. En conséquence, la Chambre d'appel rejette

 13   les arguments de M. Pavkovic au sujet de sa responsabilité au titre de

 14   l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie.

 15   Participation de M. Lukic à l'entreprise criminelle commune.

 16   Je passe maintenant aux arguments de M. Lukic qui contestent les

 17   conclusions de la Chambre de première instance au sujet de son rôle en tant

 18   que chef de l'état-major du MUP, de sa participation et de sa contribution

 19   à la mise en œuvre de l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune

 20   et de l'intention qu'il partageait de déplacer par la force une partie de

 21   la population albanaise du Kosovo.

 22   La Chambre de première instance a conclu que M. Lukic a contribué de

 23   manière significative à l'entreprise criminelle commune, étant donné qu'il

 24   était, de facto, le commandant des forces du MUP déployées au Kosovo du

 25   milieu de l'année 1998 au milieu de l'année 1999, l'intermédiaire entre

 26   ceux qui établissaient les plans à Belgrade et ceux qui étaient sur le

 27   terrain au Kosovo. En outre, il participait directement au processus de

 28   planification et s'assurait que les opérations au quotidien soient menées


Page 732

  1   par les différentes forces du MUP conformément à ces plans.

  2   La Chambre d'appel considère que la Chambre de première instance a commis

  3   une erreur en concluant que M. Lukic avait contribué à l'entreprise

  4   criminelle commune avant l'existence de l'objectif commun puisqu'il avait

  5   participé au processus d'armement de la population non albanaise et au

  6   désarmement de la population albanaise du Kosovo. Néanmoins, la Chambre

  7   d'appel considère que la conclusion de la Chambre de première instance,

  8   selon laquelle M. Lukic avait contribué de manière significative à

  9   l'entreprise criminelle commune, n'est pas affectée par cette erreur, étant

 10   donné que la conclusion de la Chambre de première instance est basée sur un

 11   nombre important d'autres éléments de preuve, y compris le comportement de

 12   M. Lukic en tant que chef de l'état-major du MUP, qui a duré jusqu'en 1999.

 13   La Chambre d'appel a conclu que M. Lukic n'avait pas montré que la Chambre

 14   de première instance avait commis une erreur dans ses autres constatations

 15   concernant l'autorité de l'état-major du MUP, son rôle en tant que chef de

 16   celui-ci et sa contribution à l'entreprise criminelle commune.

 17   Les autres arguments de M. Lukic n'ont pas montré que la Chambre de

 18   première instance avait commis une erreur en concluant que M. Lukic

 19   partageait l'intention avec les autres membres de l'ECC de déplacer par la

 20   force la population albanaise, et la Chambre de première instance a

 21   notamment considéré les informations qu'avait reçues M. Lukic tant en 1998

 22   qu'en 1999. Compte tenu des conclusions de la Chambre de première instance

 23   selon lesquelles M. Lukic était au courant des allégations graves

 24   d'activités criminelles de diverses forces au Kosovo durant le second

 25   semestre de l'année 1998, et selon lesquelles M. Lukic avait reçu des

 26   informations sur la commission de crimes et sur le départ massif de la

 27   population civile en 1999, la Chambre d'appel considère que les conclusions

 28   de la Chambre de première instance sur les connaissances qu'avait M. Lukic


Page 733

  1   des crimes qui étaient commis sont raisonnables au vu de la totalité des

  2   éléments de preuve. La Chambre d'appel ne retiendra pas le reste des

  3   arguments de M. Lukic concernant les conclusions de la Chambre de première

  4   instance au sujet de l'intention partagée de déplacer par la force une

  5   partie de la population albanaise du Kosovo.

  6   Par conséquent, la Chambre d'appel confirme les conclusions de la Chambre

  7   de première instance selon lesquelles M. Lukic a participé à l'entreprise

  8   criminelle commune.

  9   M. Lukic conteste également la conclusion de Chambre de première instance

 10   selon laquelle il serait responsable au titre de l'entreprise criminelle

 11   commune de troisième catégorie pour des crimes de meurtre en tant que

 12   violation des lois ou coutumes de la guerre, ainsi que de meurtre et de

 13   persécution, y compris au moyen de meurtre et de destruction ou de

 14   dégradation de biens religieux en tant que crimes contre l'humanité. Comme

 15   ceci a déjà été développé au sujet de MM. Sainovic et Pavkovic, la Chambre

 16   d'appel conclut qu'en parvenant à ses conclusions concernant l'entreprise

 17   criminelle commune de troisième catégorie, la Chambre de première instance

 18   a appliqué à tort un niveau de prévisibilité plus élevé que nécessaire en

 19   vertu du critère juridique qui convient. De plus, la Chambre d'appel a

 20   conclu qu'en tentant d'évaluer si M. Lukic pouvait prévoir la commission de

 21   meurtres, la Chambre de première instance a commis une erreur en se basant

 22   sur les informations qu'il avait reçues au sujet de l'incident de Gornje

 23   Obrinje.

 24   Au vu des autres constatations factuelles de la Chambre de première

 25   instance et en appliquant le critère juridique qui convient, la Chambre

 26   d'appel fait droit en partie à l'appel de M. Lukic concernant sa

 27   responsabilité peur meurtre au titre de l'entreprise criminelle commune de

 28   troisième catégorie et annule sa condamnation pour crime de meurtre en tant


Page 734

  1   que violation des lois ou coutumes de la guerre, ainsi que de meurtre et

  2   persécution, y compris au moyen de meurtre en tant que crime contre

  3   l'humanité pour la période antérieure au 1er avril 1999 inclus, au titre de

  4   l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie.

  5   La Chambre d'appel confirme les condamnations de M. Lukic pour un crime de

  6   meurtre en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre commis à

  7   Korenica Meja le 27 avril 1999, à proximité de Gornja Sudimlja, et en

  8   relation avec le convoi des 2 et 3 mai 1999, ainsi qu'à Dubrava aux

  9   environs du 25 mai 1999, au titre de l'entreprise criminelle commune de

 10   troisième catégorie. La Chambre d'appel conclut également que M. Lukic n'a

 11   pas montré que la Chambre de première instance avait commis une erreur au

 12   sujet de sa responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune de

 13   troisième catégorie pour la destruction ou la dégradation de biens

 14   religieux.

 15   Appel de l'Accusation par rapport à l'entreprise criminelle commune de

 16   troisième catégorie.

 17   J'en viens maintenant à l'appel de l'Accusation concernant l'acquittement

 18   de MM. Sainovic et Lukic pour les persécutions par le biais d'agressions

 19   sexuelles commises à Beleg, Cirez et Pristina au titre de l'entreprise

 20   criminelle commune de troisième catégorie, et l'acquittement de M. Pavkovic

 21   pour les persécutions par le biais d'agressions sexuelles commises à

 22   Pristina au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième

 23   catégorie.

 24   En ce qui concerne MM. Sainovic et Lukic, l'Accusation avance que la

 25   Chambre de première instance a commis une erreur de droit en appliquant un

 26   critère juridique incorrect pour l'élément moral de l'entreprise criminelle

 27   commune de troisième catégorie. L'Accusation demande à la Chambre d'appel

 28   d'appliquer le critère juridique qui convient aux faits en l'espèce et de


Page 735

  1   condamner MM. Sainovic et Lukic pour persécution par le biais d'agressions

  2   sexuelles. En ce qui concerne M. Pavkovic, l'Accusation avance que la

  3   Chambre d'appel devrait le condamner pour persécution par le biais

  4   d'agressions sexuelles commises à Pristina au titre de l'entreprise

  5   criminelle commune de troisième catégorie.

  6   Comme ceci a déjà été expliqué au sujet de l'appel de MM. Sainovic,

  7   Pavkovic et Lukic, la Chambre d'appel a conclu que la Chambre de première

  8   instance avait commis une erreur de droit en concluant que pour invoquer

  9   une responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième

 10   catégorie, l'accusé devait être en mesure de prévoir que le crime allait

 11   être commis. Le critère juridique qui convient pour l'élément moral de

 12   l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie est le fait que

 13   l'accusé puisse prévoir qu'un tel crime pourrait être commis par un membre

 14   de l'entreprise criminelle commune ou par une ou plusieurs personnes

 15   utilisées par l'un quelconque des membres de l'entreprise criminelle

 16   commune afin de mener à bien l'élément matériel des crimes constituant

 17   l'objectif commun, l'accusé ayant délibérément pris le risque qu'un tel

 18   crime pourrait être commis en se joignant à l'entreprise ou en continuant à

 19   y participer. La Chambre d'appel a ainsi appliqué le critère juridique

 20   qu'il convient pour l'élément moral de l'entreprise criminelle commune de

 21   troisième catégorie aux éléments de preuve en l'espèce. Pour ce qui est de

 22   M. Sainovic, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord, conclut

 23   que l'accusé pouvait prévoir que des persécutions par le biais d'agressions

 24   sexuelles pourraient être commises à Beleg, Cirez et Pristina et qu'il a

 25   délibérément pris ce risque. En ce qui concerne M. Lukic, la Chambre

 26   d'appel a conclu que l'accusé pouvait prévoir que les persécutions par le

 27   biais d'agressions sexuelles pourraient être commises à Beleg, Cirez et

 28   Pristina et qu'il a délibérément pris ce risque. Pour ce qui est de M.


Page 736

  1   Pavkovic, la Chambre d'appel a conclu que l'accusé pouvait prévoir que des

  2   persécutions par le biais d'agressions sexuelles pourraient être commises à

  3   Pristina et qu'il a délibérément pris ce risque.

  4   Par conséquent, la Chambre d'appel fait droit à l'appel de

  5   l'Accusation pour les parties idoines et conclut, le Juge Liu étant en

  6   désaccord pour ce qui est de M. Sainovic, que la Chambre de première

  7   instance a commis une erreur en ne concluant pas que MM. Sainovic et Lukic

  8   étaient coupables de persécution par le biais d'agressions sexuelles, qui

  9   constitue un crime contre l'humanité, à Beleg, Cirez et Pristina. La

 10   Chambre d'appel conclut également que la Chambre de première instance a

 11   commis une erreur en ne concluant pas que M. Pavkovic était coupable à

 12   Pristina de persécution par le biais d'agressions sexuelles, qui constitue

 13   un crime contre l'humanité. Cependant, la Chambre d'appel, Mme la Juge

 14   Ramaroson étant en désaccord, se refuse de prononcer de nouvelles

 15   condamnations en appel.

 16   Aide et encouragement.

 17   Condamnation de M. Lazarevic pour aide et encouragement.

 18   Je passe maintenant aux arguments de M. Lazarevic qui conteste les

 19   conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles il

 20   remplirait les critères d'élément matériel et moral d'aide et

 21   d'encouragement à la commission des crimes d'expulsion et d'autres actes

 22   inhumains, transfert forcé.

 23   En se référant à l'arrêt Perisic, M. Lazarevic avance que la Chambre

 24   de première instance a commis une erreur en ne déterminant pas si les actes

 25   et les omissions allégués visaient précisément à aider les expulsions et le

 26   transfert forcé et en concluant ainsi qu'il avait aidé et encouragé à

 27   commettre ces crimes.

 28   La Chambre d'appel est en désaccord avec le raisonnement de l'arrêt


Page 737

  1   Perisic selon lequel les arrêts en appel dans les affaires Mrksic et

  2   Sljivancanin d'une part, et Lukic et Lukic d'autre part, soutiennent que la

  3   notion de visée précisément est une composante de l'élément matériel de

  4   l'aide et de l'encouragement. Pour les raisons exposées dans le jugement,

  5   la Chambre d'appel considère que les arrêts dans l'affaire Mrksic,

  6   Sljivancanin, et dans l'affaire Lukic et Lukic d'une part, et l'arrêt dans

  7   l'affaire Perisic d'autre part, présentent des raisonnements divergents

  8   quant à la question de savoir si la notion de visée précisément est une

  9   composante de l'élément matériel de l'aide et de l'encouragement. La

 10   Chambre d'appel rappelle que lorsqu'elle est confrontée à des décisions

 11   antérieures divergentes, elle se doit de déterminer quelle décision elle va

 12   suivre ou si elle va se distancer des deux décisions pour des raisons

 13   impérieuses dans les intérêts de la justice. Au vu de la divergence de

 14   raisonnement entre les jugements, la Chambre d'appel, le Juge Tuzmukhamedov

 15   étant en désaccord, va déterminer l'approche qui convient.

 16   A cette fin, la Chambre d'appel a examiné attentivement la

 17   jurisprudence du Tribunal et du TPIR ainsi que le droit coutumier

 18   international et a conclu, le Juge Tuzmukhamedov étant en désaccord, que la

 19   notion de visée précisément n'est pas un élément de la responsabilité au

 20   titre de l'aide et de l'encouragement. En conséquence, la Chambre d'appel,

 21   le Juge Tuzmukhamedov étant en désaccord, rejette l'approche adoptée dans

 22   l'arrêt Perisic étant donné qu'elle est en conflit direct et patent avec la

 23   jurisprudence qui prévaut au niveau de l'élément matériel de la

 24   responsabilité au titre de l'aide et de l'encouragement ainsi qu'avec le

 25   droit coutumier international en la matière.

 26   Au vu de ce qui vient d'être exposé, la Chambre d'appel conclut qu'en

 27   évaluant l'élément matériel de l'aide et de l'encouragement, la Chambre de

 28   première instance n'était pas tenue de déterminer si les actions de M.


Page 738

  1   Lazarevic visaient précisément à aider, encourager ou fournir un soutien

  2   moral à la commission de crimes par la VJ. Ainsi, ces arguments inverses ne

  3   sont pas retenus.

  4   M. Lazarevic avance également que la Chambre de première instance a commis

  5   une erreur en concluant qu'il avait fourni une aide pratique, un

  6   encouragement et un soutien moral aux forces de la VJ engagées dans le

  7   transfert forcé et que son comportement avait eu un effet important sur la

  8   commission de crimes. Il conteste tout d'abord les conclusions de la

  9   Chambre de première instance concernant son implication et sa participation

 10   à la planification et à l'exécution des opérations conjointes du MUP et de

 11   la VJ au Kosovo en 1999. La Chambre d'appel conclut qu'en évaluant la

 12   conduite de M. Lazarevic, la Chambre de première instance a commis une

 13   erreur en se basant sur la promulgation de l'ordre Grom 3 aux unités du

 14   Corps de Pristina le 7 février 1999, étant donné qu'au moment où cet ordre

 15   a été donné, il ne disposait pas de l'élément moral qui convient.

 16   Cependant, au vu des autres éléments de preuve auxquels s'est fiée la

 17   Chambre de première instance, la Chambre d'appel conclut que cette erreur

 18   n'a pas de conséquence sur la conclusion de la Chambre de première instance

 19   au sujet de la participation de M. Lazarevic à la planification et à

 20   l'exécution des opérations conjointes au Kosovo.

 21   M. Lazarevic reproche également à la Chambre de première instance d'avoir

 22   conclu qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour s'assurer que

 23   les crimes graves commis par la VJ fassent l'objet d'une enquête en bonne

 24   et due forme et que, par son omission, il avait donc aidé et encouragé le

 25   déplacement forcé auquel ont procédé les forces de la VJ. La Chambre

 26   d'appel considère que le fait que M. Lazarevic n'a pas pris des mesures

 27   visant à enquêter sur le déplacement forcé et à prendre les sanctions qui

 28   s'imposaient a peut-être eu un effet sur la capacité du parquet militaire


Page 739

  1   de poursuivre les responsables, mais il ne peut à lui seul permettre de

  2   conclure à la responsabilité pour aide et encouragement. Afin que l'élément

  3   matériel de l'aide et de l'encouragement soit établi, il faut démontrer que

  4   cette omission a largement contribué au déplacement forcé. La Chambre

  5   d'appel considère qu'en l'absence d'une analyse en ce sens dans le jugement

  6   et compte tenu des circonstances de l'espèce, que Vladimir Lazarevic ait

  7   manqué ou non à son obligation de prendre des mesures supplémentaires pour

  8   signaler les crimes, enquêter à leur sujet ou engager des procédures

  9   disciplinaires, aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement conclure au-

 10   delà de tout doute raisonnable que son omission avait eu un effet important

 11   sur la campagne de déplacement forcé. En conséquence, la Chambre d'appel

 12   conclut que la Chambre de première instance a commis une erreur en jugeant

 13   que M. Lazarevic avait aidé et encouragé le déplacement forcé en manquant à

 14   son obligation de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les

 15   crimes graves commis par la VJ fassent dûment l'objet d'une enquête.

 16   M. Lazarevic fait en outre grief à la Chambre de première instance d'avoir

 17   conclu que ses tournées d'inspection auprès des unités de la VJ apportaient

 18   des encouragements et un soutien moral aux forces de la VJ participant au

 19   déplacement forcé. La Chambre d'appel rappelle que les encouragements et le

 20   soutien moral ne peuvent constituer une contribution importante au crime

 21   que lorsque l'auteur principal en a conscience. La Chambre d'appel conclut

 22   que la Chambre de première instance a commis une erreur en jugeant que la

 23   seule déduction qui puisse être raisonnablement faite est que l'inspection

 24   par M. Lazarevic des unités du Corps de Pristina apportait des

 25   encouragements et un soutien moral aux auteurs des crimes. Le comportement

 26   de M. Lazarevic à cet égard ne pouvait donc pas constituer une aide et un

 27   encouragement apportés à l'expulsion et au transfert forcé de la population

 28   par les forces de la VJ.


Page 740

  1   Cependant, la Chambre d'appel considère que les erreurs identifiées n'ont

  2   aucune incidence sur la conclusion finale de la Chambre de première

  3   instance selon laquelle M. Lazarevic a apporté une aide matérielle aux

  4   membres de la VJ prenant part au transfert forcé et à l'expulsion et que

  5   cette aide a eu un effet important sur la perpétration des crimes. La

  6   Chambre d'appel rappelle que la Chambre de première instance a conclu que

  7   M. Lazarevic avait participé à la planification et à la mise en œuvre des

  8   opérations conjointes menées par la VJ et avait, en conséquence, largement

  9   contribué à la commission des crimes par la VJ puisqu'il avait apporté une

 10   aide aux soldats qui avaient exécuté les actes sur le terrain, organisé et

 11   équipé des unités de la VJ et fourni des armes, notamment des chars, pour

 12   aider à commettre ces actes.

 13   M. Lazarevic soutient également que la Chambre de première instance a

 14   commis une erreur en concluant qu'il se trouvait dans l'état d'esprit

 15   requis pour l'expulsion et le transfert forcé, crimes commis par la VJ. M.

 16   Lazarevic fait valoir que la Chambre de première instance a eu tort de

 17   conclure que compte tenu de la connaissance qu'il avait des faits et des

 18   crimes survenus en 1998, il savait que s'il donnait l'ordre à la VJ de

 19   s'engager au Kosovo en 1999, cela risquerait de donner lieu à un usage

 20   excessif de la force et au déplacement forcé. La Chambre d'appel fait

 21   observer que la Chambre de première instance n'a pas conclu que la

 22   population albanaise du Kosovo avait été déplacée de force en 1998. Compte

 23   tenu des informations que M. Lazarevic avait reçues en 1998, il avait tout

 24   au plus conscience de la probabilité que la VJ utiliserait la force de

 25   manière excessive ou indiscriminée ou commettrait d'autres crimes s'il lui

 26   donnait l'ordre de s'engager au Kosovo en 1999. Cependant, la Chambre

 27   d'appel considère qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement

 28   conclure, sur la base de cette seule connaissance, que la seule déduction


Page 741

  1   qui puisse être raisonnablement faite est que Vladimir Lazarevic savait que

  2   la VJ procèderait à des déplacements forcés s'il lui donnait l'ordre de

  3   s'engager au Kosovo en 1999. En conséquence, la Chambre d'appel estime que

  4   la Chambre de première instance a commis une erreur sur ce point.

  5   Cependant, pour les raisons exposées dans l'arrêt, la Chambre d'appel

  6   estime qu'un juge du fait aurait pu raisonnablement conclure que la seule

  7   déduction qui puisse être raisonnablement faite au vu des éléments de

  8   preuve est qu'à partir du 24 mars 1999, lorsque les premiers crimes ont été

  9   commis à Pristina, M. Lazarevic avait conscience de la campagne de terreur,

 10   de violence et de déplacement forcé menée par les forces de la VJ et du MUP

 11   à l'encontre des Albanais du Kosovo. En conséquence, la Chambre d'appel

 12   rejette les parties de l'appel présenté par M. Lazarevic sur ce point.

 13   Dès lors, la Chambre d'appel confirme la conclusion de la Chambre de

 14   première instance selon laquelle M. Lazarevic a aidé et encouragé

 15   l'expulsion et les actes inhumains (transfert forcé).

 16   Appel de l'Accusation concernant M. Lazarevic.

 17   Je vais à présent évoquer l'appel interjeté par l'Accusation contre

 18   l'acquittement de M. Lazarevic du chef d'assassinat, un crime contre

 19   l'humanité; de meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre; et

 20   de persécution, un crime contre l'humanité.

 21   La Chambre de première instance a conclu que les meurtres n'étaient pas des

 22   objectifs visés de la campagne organisée et menée par la VJ et le MUP. Pour

 23   cette raison, et même si elle a conclu que M. Lazarevic savait que dans

 24   certains cas des membres de la VJ tuaient des Albanais du Kosovo, la

 25   Chambre de première instance a jugé qu'il ne savait pas que les forces de

 26   la VJ et du MUP se rendaient dans les lieux des crimes afin de commettre

 27   des meurtres.

 28   L'Accusation soutient qu'en concluant que M. Lazarevic n'était pas coupable


Page 742

  1   d'avoir aidé et encouragé les meurtres, la Chambre de première instance a

  2   commis une erreur de droit s'agissant de l'élément moral requis pour l'aide

  3   et l'encouragement. La Chambre d'appel estime que la Chambre de première

  4   instance a appliqué un critère exigeant que M. Lazarevic ait connaissance

  5   des éléments essentiels des crimes commis, y compris l'état d'esprit de

  6   leurs auteurs. La Chambre d'appel est donc convaincue que la Chambre de

  7   première instance a appliqué le critère juridique qui convient.

  8   A titre subsidiaire, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première

  9   instance a commis une erreur de fait en concluant que M. Lazarevic n'était

 10   pas coupable d'avoir aidé et encouragé les meurtres. Toutefois, la Chambre

 11   d'appel estime que l'Accusation n'a pas démontré en quoi la Chambre de

 12   première instance avait commis une erreur en concluant que M. Lazarevic ne

 13   se trouvait pas dans l'état d'esprit requis. En conséquence, la Chambre

 14   d'appel rejette la partie de l'appel présenté par l'Accusation sur ce point

 15   et confirme que M. Lazarevic n'est pas coupable d'avoir aidé et encouragé

 16   des meurtres.

 17   La peine.

 18   Je vais à présent examiner la question de la peine. Les Appelants et

 19   l'Accusation ont fait appel des peines prononcées par la Chambre de

 20   première instance.

 21   Après avoir examiné soigneusement les arguments des parties, la Chambre

 22   d'appel estime fondés les arguments de l'Accusation, de M. Sainovic et de

 23   M. Lukic, selon lesquels la Chambre de première instance n'a pas

 24   personnalisé les peines, ainsi que les arguments de M. Lukic concernant

 25   l'appréciation de la reddition de ce dernier en tant que circonstances

 26   atténuantes. En conséquence, la Chambre d'appel accueille, en partie, les

 27   appels de l'Accusation, de M. Sainovic et de M. Lukic. La Chambre d'appel

 28   rejette les autres moyens d'appels soulevés par les Appelants et


Page 743

  1   l'Accusation concernant la peine.

  2   Je vais à présent évoquer l'incidence des conclusions tirées par la

  3   Chambre d'appel sur la peine.

  4   La Chambre d'appel rappelle qu'elle a non seulement tiré des conclusions

  5   concernant les appels des parties relatifs à la peine, mais aussi infirmait

  6   pour chacun des Appelants certaines déclarations de culpabilité prononcées

  7   en première instance. La Chambre d'appel considère que compte tenu des

  8   circonstances en l'espèce, de la gravité des crimes dont les Appelants sont

  9   tenus responsables et du principe de proportionnalité, une réduction

 10   limitée de la peine infligée à M. Sainovic, M. Lazarevic et M. Lukic

 11   s'impose.

 12   Dispositif.

 13   Je vais à présent donner lecture du dispositif dans son intégralité.

 14   Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'article 25 du

 15   Statut et des articles 117 et 118 du Règlement, vu les écritures

 16   respectives des parties et les arguments qu'elles ont présentés lors du

 17   procès en appel tenu du 11 au 15 mars 2013, siégeant en audience publique.

 18   Monsieur Sainovic, veuillez vous lever.

 19   Concernant Nikola Sainovic, accueille, en partie, le quatrième [comme

 20   interprété] moyen d'appel soulevé par M. Sainovic et infirme les

 21   déclarations de culpabilité prononcées contre lui pour avoir commis, en

 22   participant à une entreprise criminelle commune, le meurtre, une violation

 23   des lois ou coutumes de la guerre, l'assassinat et les persécutions, les

 24   crimes contre l'humanité à Bela Crkva, à Mala Krusa, dans la ville de Suva

 25   Reka, à Izbica, dans la ville de Djakovica, à Korenica, et à Meja, et près

 26   de Gornja Sudimlja; chef 3 en partie, chef 4 en partie et chef 5 en partie.

 27   Accueille la branche du moyen d'appel 7(3) soulevé par M. Sainovic

 28   concernant l'appel.


Page 744

  1   Rejette pour le surplus, les Juges Liu et Tuzmukhamedov étant en désaccord,

  2   l'appel de Nikola Sainovic.

  3   Infirme d'office les déclarations de culpabilité prononcées contre Nikola

  4   Sainovic en tant que participant à une entreprise criminelle commune pour

  5   expulsions et actes inhumains, transferts forcés, des crimes contre

  6   l'humanité commis à Tuslija; chef 1 en partie et chef 2 en partie.

  7   Infirme les déclarations de culpabilité prononcées contre M. Sainovic en

  8   tant que participant à une entreprise criminelle commune pour expulsion et

  9   actes inhumains, transfert forcé, des crimes contre l'humanité commis à

 10   Turicevac - chef 1 en partie et chef 2 en partie - la branche du moyen

 11   d'appel 1(f) soulevée par M. Lazarevic ayant été accueilli en partie.

 12   Confirme, les Juges Liu et Tuzmukhamedov étant en désaccord, les autres

 13   déclarations de culpabilité prononcées contre Nikola Sainovic pour les

 14   chefs 1 à 5.

 15   Accueille en partie, les Juges Liu et Tuzmukhamedov étant en désaccord, les

 16   troisième et quatrième moyens d'appel soulevés par l'Accusation, et

 17   conclut, les Juges Liu et Tuzmukhamedov étant en désaccord, que la Chambre

 18   de première instance a eu tort de dire que M. Sainovic n'était pas coupable

 19   d'avoir commis, en participant à une entreprise criminelle commune, des

 20   persécutions, un crime contre l'humanité ayant pris la forme de violences

 21   sexuelles à Beleg, Cirez et Pristina. Chef 5 en partie. Mais s'abstient le

 22   Juge Ramaroson, la Juge Ramaroson étant en désaccord de prononcer de

 23   nouvelles déclarations de culpabilité contre lui sur ce point.

 24   Accueille en partie le sixième moyen d'appel soulevé par l'Accusation

 25   concernant la peine.

 26   Rejette, pour le surplus, l'appel de l'Accusation contre M. Sainovic.

 27   Annule la peine de 22 ans d'emprisonnement et prononce une peine de 18 ans

 28   d'emprisonnement, le temps passé en détention préventive étant à déduire de


Page 745

  1   la durée totale de la peine comme le prévoit l'article 101(C) du Règlement.

  2   Monsieur Sainovic, vous pouvez vous asseoir.

  3   Monsieur Pavkovic, veuillez vous lever.

  4   Concernant Nebojsa Pavkovic.

  5   Rejette l'appel soulevé par Nebojsa Pavkovic dans son intégralité.

  6   Infirme d'office les déclarations de culpabilité prononcées contre M.

  7   Pavkovic en tant que participant à une entreprise criminelle commune pour

  8   expulsion et actes inhumains, transfert forcé, en tant que crimes contre

  9   l'humanité commis à Tuslija; chef 1 en partie et chef 2 en partie.

 10   Infirme les déclarations de culpabilité prononcées contre M. Pavkovic en

 11   tant que participant à une entreprise criminelle commune pour expulsion et

 12   actes inhumains, transfert forcé en tant que crimes contre l'humanité

 13   commis à Turicevac, chef 1 en partie et chef 2 en partie, la branche du

 14   moyen d'appel 1(f) soulevée par M. Lazarevic ayant été accueillie en

 15   partie.

 16   Infirme les déclarations de culpabilité prononcées contre Nebojsa Pavkovic

 17   en tant que participant à une entreprise criminelle commune pour meurtre,

 18   en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre, et assassinat et

 19   persécution ayant pris la forme de meurtre, en tant que crime contre

 20   l'humanité s'agissant de 274 des 287 Albanais du Kosovo tués à Korenica,

 21   Meja et alentour pendant l'opération de la vallée de la Reka, chef 3 en

 22   partie, chef 4 en partie et chef 5 en partie, le moyen d'appel Q soulevé

 23   par M. Lukic ayant été accueilli en partie.

 24   Confirme les autres déclarations de culpabilité prononcées contre M.

 25   Pavkovic pour les chefs 1 à 5.

 26   Accueille en partie le quatrième moyen d'appel soulevé par l'Accusation et

 27   conclut que la Chambre de première instance a eu tort de dire que M.

 28   Pavkovic n'est pas coupable d'avoir commis, en participant à une entreprise


Page 746

  1   criminelle commune, des persécutions en tant que crimes contre l'humanité,

  2   ayant pris la forme de violences sexuelles à Pristina, chef 5 en partie,

  3   mais s'abstient, Mme la Juge Ramaroson étant en désaccord, de prononcer de

  4   nouvelles déclarations de culpabilité contre lui sur ce point.

  5   Accueille en partie le sixième moyen d'appel soulevé par l'Accusation

  6   concernant la peine.

  7   Rejette, pour le surplus, l'appel de l'Accusation concernant M.

  8   Pavkovic.

  9   Confirme la peine de 22 ans d'emprisonnement prononcée, le temps

 10   passé en détention préventive étant à déduire de la durée totale de la

 11   peine, comme le prévoit l'article 101(C) du Règlement.

 12   Monsieur Pavkovic, vous pouvez vous asseoir.

 13   Monsieur Lazarevic, veuillez vous lever.

 14   Concernant Vladimir Lazarevic, accueille en partie les branches du

 15   moyen d'appel 1(f) et 1(i) soulevé par Vladimir Lazarevic, et infirme les

 16   déclarations de culpabilité prononcées contre lui pour avoir aidé et

 17   encouragé l'expulsion et les actes inhumains, transfert forcé, en tant que

 18   crimes contre l'humanité commis à Turicevac et dans la ville de Kacanik;

 19   chef 1 en partie et chef 2 en partie.

 20   Accueille en partie les branches du moyen d'appel 3(e), 3(h) et 3(i)

 21   soulevé par Vladimir Lazarevic, et infirme les conclusions de la Chambre de

 22   première instance selon lesquelles : un, en manquant à son obligation de

 23   prendre les mesures qui s'imposaient pour enquêter sur les crimes et punir

 24   les responsables, il a apporté une contribution importante au transfert

 25   forcé, et à l'expulsion, crime commis par la VJ; et deux, ses tournées

 26   d'inspection auprès des unités de la VJ ont apporté des encouragements et

 27   un soutien moral aux forces de la VJ participant au déplacement forcé.

 28   Rejette pour le surplus l'appel de M. Lazarevic.


Page 747

  1   Infirme d'office les déclarations de culpabilité prononcées contre M.

  2   Lazarevic pour avoir aidé et encouragé l'expulsion et les actes inhumains,

  3   transfert forcé en tant que crime contre l'humanité commis à Tusilje; chef

  4   1 en partie, et chef 2 en partie.

  5   Confirme les autres déclarations de culpabilité prononcées contre

  6   Vladimir Lazarevic pour les chefs 1 et 2.

  7   Accueille en partie le cinquième moyen d'appel soulevé par

  8   l'Accusation et conclut que la Chambre de première instance a eu tort de

  9   dire que M. Lazarevic n'était pas coupable d'avoir aidé et encouragé

 10   l'expulsion et les actes inhumains, transfert forcé, en tant que crimes

 11   contre l'humanité à Zabare, Dusanovo, Sojevo, Staro Selo, et Mirosavlje,

 12   chef 1 en partie, et chef 2 en partie, mais s'abstient, Mme la Juge

 13   Ramaroson en étant en désaccord, de prononcer de nouvelles déclarations de

 14   culpabilité contre lui sur ce point.

 15   Accueille en partie le sixième moyen d'appel soulevé par l'Accusation

 16   concernant la peine.

 17   Rejette pour le surplus l'appel de l'Accusation contre M. Lazarevic.

 18   Annule la peine de 15 ans d'emprisonnement et prononce une peine de

 19   14 ans d'emprisonnement, le temps passé en détention préventive étant à

 20   déduire de la durée totale de la peine comme le prévoit l'article 101(C) du

 21   Règlement.

 22   M. Lazarevic, vous pouvez vous asseoir.

 23   Monsieur Lukic, veuillez vous lever.

 24   Concernant Sreten Lukic.

 25   Accueille en partie la branche du moyen d'appel O(1)(e) et le moyen

 26   d'appel Q soulevé par Sreten Lukic, et infirme les déclarations de

 27   culpabilité prononcées contre lui pour avoir commis, en participant à une

 28   entreprise criminelle commune, le meurtre en tant que violation des lois ou


Page 748

  1   coutumes de la guerre, l'assassinat, les persécutions ayant pris la forme

  2   d'un meurtre en tant que crimes contre l'humanité à Bela Crkva, à Mala

  3   Krusa, dans la ville de Suva Reka, à Izbica, et dans la ville de Djakovica,

  4   et s'agissant de 274 des 287 Albanais du Kosovo tués à Korenica, Meja, et

  5   alentour pendant l'opération de la vallée de la Reka; chef 3 en partie,

  6   chef 4 en partie, et chef 5 en partie.

  7   Accueille en partie les branches du moyen d'appel KK(3) et KK(1)

  8   soulevé par M. Lukic concernant la peine.

  9   Rejette pour le surplus l'appel de M. Lukic.

 10   Infirme d'office les déclarations de culpabilité prononcées contre M.

 11   Lukic en tant que participant à une entreprise criminelle commune pour

 12   l'expulsion et les actes inhumains, transfert forcé, en tant que crimes

 13   contre l'humanité à Tusilje; chef 1 en partie, et chef 2 en partie.

 14   Infirme les déclarations de culpabilité prononcées contre M. Lukic en

 15   tant que participant à une entreprise criminelle commune pour expulsion et

 16   actes inhumains, transfert forcé, en tant que crimes contre l'humanité

 17   commis à Turicevac; chef 1 en partie, chef 2 en partie, la branche du moyen

 18   d'appel 1(f) soulevé par M. Lazarevic étant été accueilli en partie.

 19   Confirme les autres déclarations de culpabilité prononcées contre M.

 20   Lukic pour les chefs 1 à 5.

 21   Accueille en partie les troisième et quatrième moyens d'appel

 22   soulevés par l'Accusation et conclut que la Chambre de première instance a

 23   eu tort de dire que M. Lukic n'était pas coupable d'avoir commis, en

 24   participant à une entreprise criminelle commune, des persécutions ayant

 25   pris la forme de violence sexuelle en tant que crimes contre l'humanité à

 26   Beleg, Cirez et Pristina, chef 5 en partie, mais s'abstient, Mme la Juge

 27   Ramaroson étant en désaccord, de prononcer de nouvelles déclarations de

 28   culpabilité contre lui sur ce point.


Page 749

  1   Accueille en partie le sixième moyen d'appel soulevé par l'Accusation

  2   concernant la peine.

  3   Rejette pour le surplus l'appel de l'Accusation concernant M. Lukic.

  4   Annule la peine de 22 ans d'emprisonnement et prononce une peine de

  5   20 ans d'emprisonnement, le temps passé en détention préventive étant à

  6   déduire de la durée totale de la peine, comme le prévoit l'article 101(C)

  7   du Règlement.

  8   Monsieur Lukic, vous pouvez vous asseoir.

  9   Dit qu'en accord avec l'article 118 du Règlement, que le présent

 10   arrêt est exécutoire immédiatement.

 11   Ordonne conformément aux articles 103(C) et 107 du Règlement, que les

 12   Appelants resteront sous la garde du Tribunal jusqu'à ce que soient

 13   arrêtées les dispositions nécessaires pour leur transfert vers l'état dans

 14   lequel ils purgeront leur peine.

 15   Le Juge Liu Daqun joint une opinion partiellement dissidente et une

 16   déclaration.

 17   La Juge Arlette Ramaroson joint une opinion dissidente.

 18   Le Juge Bakhtiyar Tuzmukhamedov joint une opinion dissidente.

 19   Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous distribuer des

 20   exemplaires de l'arrêt aux parties.

 21   Je vous remercie.

 22   Avant de conclure, je voudrais saisir cette occasion pour remercier

 23   tous ceux qui ont contribué à l'organisation efficace de ce procès, et je

 24   voudrais les remercier pour leurs efforts constructifs.

 25   Cette audience de la Chambre d'appel du Tribunal pénal international

 26   pour l'ex-Yougoslavie est levée.

 27   --- L'audience est levée à 10 heures 57.

 28