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1 Le mardi 26 avril 2005

2 [Audience d'appel]

3 [Audience publique]

4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.

6 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Bonjour. Bonjour à tous, à

7 l'Accusation, conseil de la Défense, à l'appelant, M. Jokic, et à tout le

8 personnel d'appui pour l'audience.

9 Pour commencer, je voudrais demander à Mme Krystal Thompson, la Greffière

10 d'audience, d'appeler la cause de ce matin.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame la Présidente,

12 Messieurs les Juges. C'est l'affaire IT-01-42/1-A, le Procureur contre

13 Miodrag Jokic.

14 M. LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci. Merci, Madame

15 Thomson. Je voudrais maintenant demander qui représente les parties. Pour

16 commencer, la Défense.

17 M. NIKOLIC : [interprétation] Bonjour, Madame la Présidente, Messieurs les

18 Juges, bonjour mes collègues. Mon nom est Zarko Nikolic. A ma droite se

19 trouvent Mme Jelena Nikolic et M. Eugene O'Sullivan. Aujourd'hui, nous

20 comparaissons pour l'appelant, Miodrag Jokic.

21 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie.

22 Maintenant pour l'Accusation.

23 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Il y a un problème technique. Je

24 n'entends pas.

25 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Monsieur le Juge

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1 Guney, est-ce que cela fonctionne maintenant ?

2 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation]Non. Non, pas encore.

3 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Madame Thompson, est-ce que

4 vous pourriez nous dire où nous en sommes, s'il vous plaît, Madame la

5 Greffière.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Madame la Présidente, le

7 technicien est en train de venir sur le champ. Il va rentrer dans la salle

8 d'audience tout de suite.

9 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Monsieur le Juge Guney,

10 est-ce que vous entendez maintenant ?

11 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Oui.

12 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Pour l'Accusation, s'il

13 vous plaît, Monsieur Farrell.

14 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Madame la Présidente. Bonjour, Madame

15 la Présidente, Messieurs les Juges. Bonjour. Je suis Norman Farrell et je

16 comparais pour l'Accusation avec Marie-Ursula Kind et Mme Susan Grogan,

17 pour l'Accusation.

18 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci. Monsieur Jokic,

19 j'espère que vous pouvez entendre les débats ?

20 L'APPELANT : [interprétation] Je peux entendre les débats. Merci.

21 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci. L'affaire que nous

22 sommes saisis aujourd'hui, est le Procureur contre Miodrag Jokic. Il s'agit

23 d'un appel interjeté par rapport au jugement portant condamnation qui a été

24 rendu par la Chambre de première instance le 18 mars 2004. Lors d'une

25 audience consacrée au plaidoyer le 27 août 2003, M. Jokic a plaidé coupable

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1 pour des chefs d'accusation découlant des événements qui ont eu lieu en

2 Croatie lorsque les forces de l'armée populaire yougoslave, sous le

3 commandement notamment de Miodrag Jokic, ont bombardé la vieille ville de

4 Dubrovnik le 6 décembre 1991. Cette attaque n'a pas été ordonnée par M.

5 Jokic, mais il avait connaissance du bombardement illicite, illégal et il

6 n'a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher ou atténuer ou arrêter

7 l'attaque, et pour punir ceux qui étaient directement responsables ou pour

8 prendre des mesures de disciplinaires.

9 A la suite de ce bombardement, deux civils ont été tués et trois civils ont

10 été blessés. De nombreux bâtiments ont été détruits, y compris des

11 bâtiments religieux ou à vocation caritative, éducative ou faisant partie

12 des bâtiments consacrés aux arts et aux sciences, ainsi que de monuments

13 historiques.

14 Sur la base d'un accord de plaidoyer confidentiel, la Chambre de

15 première instance a prononcé une reconnaissance de culpabilité en vertu de

16 l'Article 7(1) et 7(3) du Règlement contre M. Jokic pour six chefs

17 d'Accusation de violation des lois et coutumes de la guerre conformément

18 aux dispositions de l'Article 3 du Statut, y compris le chef d'Accusation

19 numéro 1, meurtre; chef d'Accusation 2, traitement cruel; chef d'Accusation

20 3, attaque illicite contre les civils; chef d'Accusation 4, dévastation non

21 justifiée par des nécessités de caractère militaire; chef d'Accusation 5,

22 attaque illicite contre des objectifs civils; et chef d'Accusation 6,

23 destruction ou dommage volontaire portée à des institutions religieuses, de

24 charité et d'éducation ou bâtiments consacrés aux arts, sciences, monuments

25 historiques et œuvres d'arts des sciences.

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1 La Chambre de première instance a condamné M. Jokic à sept ans

2 d'emprisonnement le 18 mars 2004. M. Jokic a interjeté appel de cette

3 condamnation. Ce matin, nous allons entendre les arguments des deux

4 parties, mais avant de donner la parole au conseil, je voudrais brièvement

5 résumer les motifs sur lesquels se fond l'appel de la Défense tels que

6 présentés dans ces conclusions écrites.

7 En déposant son acte d'appel le 16 avril 2004, M. Jokic a

8 initialement soulevé sept motifs d'appel. Le 30 juin, il a retiré le motif

9 d'appel numéro 4. Le premier moyen d'appel est que la Chambre de première

10 instance s'est référée à des questions qui sortent du cadre de l'acte

11 d'accusation ou des faits contenus, les faits reconnus.

12 Le deuxième motif d'appel est que la Chambre de première instance

13 s'est trompée en ayant recours aux dispositions du code criminel de

14 l'ancienne République socialiste fédérale de Yougoslavie, qui n'aurait pas

15 été applicable au type de peines que des juridictions de l'ex-Yougoslavie

16 auraient pu prononcer pour des crimes comparables à ceux dont M. Jokic a

17 été reconnu coupable.

18 Dans son troisième moyen d'appel, M. Jokic soutient que la Chambre de

19 première instance s'est pourvoyée en se fondant essentiellement sur les

20 circonstances atténuantes qu'on a entre les parties au lieu d'établir des

21 circonstances atténuantes sur la balance de probabilité.

22 Son cinquième motif d'appel, M. Jokic soutient que la Chambre de

23 première instance s'est trompée en appréciant les circonstances atténuantes

24 et en n'examinant pas les circonstances ou les considérations

25 extraordinaires de santé et de famille qui équivalent à des circonstances

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1 exceptionnelles.

2 Dans le sixième moyen d'appel, M. Jokic affirme que la Chambre de

3 première instance s'est trompée en ne tenant pas compte de la totalité des

4 éléments de preuve en ce qui concerne sa moralité et son professionnalisme.

5 Notamment, ce qui concerne le septième motif d'appel, l'appelant

6 demande que la Chambre d'appel examine, en tant que circonstance

7 atténuante, sa coopération tendue avec l'Accusation après le jugement

8 portant condamnation.

9 Je voudrais rappeler aux parties les critères applicables pour ce qui

10 est de la révision de peine prononcée. Les dispositions pertinentes

11 concernant le prononcé des peines sur les Articles 23 et 24 du Statut, et

12 les Articles 100 et 106 du Règlement de procédure et de preuve, selon

13 l'Article 25 du Statut, ce n'est pas un nouveau procès. Un appel ne

14 constitue pas un nouveau procès. Le rôle de la Chambre d'appel est limité à

15 corriger les erreurs de droit qui invalident la décision ou une erreur de

16 fait qui a entraîné un délit de justice.

17 Les chambres de première instance ont le pouvoir discrétionnaire très

18 vaste d'ajuster les peines pour convenir aux circonstances individuelles de

19 l'accusé et la gravité du crime. En général, les chambres d'appel ne

20 réviseront pas les peines prononcées à moins que la Chambre de première

21 instance n'ait commis une erreur manifeste en exerçant son pouvoir

22 discrétionnaire. Une décision de la Chambre de première instance, par

23 exemple, peut être modifiée en appel si l'appelant démontre que la Chambre

24 de première instance a commis une erreur pour ce qui est de l'évaluation,

25 ou en tenant compte ce qu'elle n'aurait pas du prendre en considération ou

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1 en nommer tant de pouvoir de considération ce qu'elle aurait du retenir.

2 Avant de poursuivre, je vais demander aux parties de bien vouloir

3 préciser d'être très précis dans leurs exposés concernant les motifs

4 d'appel dans leurs réponses et leurs répliques. Conformément à ce qui est

5 dit dans la dernière ordonnance portant calendrier du 14 mars, les conseils

6 de la Défense auront jusqu'à 30 minutes pour présenter leurs arguments

7 oraux. L'Accusation aura jusqu'à 30 minutes pour répondre aux conclusions

8 de l'appelant. Le conseil de la Défense aura dix minutes pour répondre à la

9 réponse de l'Accusation et l'appelant aura dix minutes pour faire une

10 intervention personnelle s'il le souhaite.

11 S'il n'y a pas de questions qui se posent d'emblée, nous allons

12 entendre pour commencer le conseil de M. Jokic.

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bonjour Madame la Présidente, bonjour

14 Messieurs les Juges, bonjour mes estimés collègues de l'Accusation. Vous

15 avez indiqué, Madame la Présidente, qu'il y a six motifs ou moyens d'appel

16 que nous avons évoqués. Je vais traiter du premier, du troisième, du

17 cinquième, du sixième, et du septième moyen d'appel. Me Nikolic présentera

18 ses conclusions sur le deuxième moyen d'appel, et avec votre permission,

19 Madame la Présidente, avant la fin de l'audience aujourd'hui, M. Jokic

20 souhaiterait faire une brève déclaration à la Chambre d'appel.

21 Je passe maintenant au premier moyen d'appel. Le premier moyen d'appel de

22 l'appelant est que la Chambre de première instance a commis une erreur de

23 droit, en décidant que l'appelant est responsable des événements antérieurs

24 au 6 décembre 1991. Nous disons que la Chambre a commis une erreur en

25 allant au-delà de ce qui est spécifiquement contenu dans le deuxième acte

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1 d'accusation modifié, et l'accord de plaidoyer entre le Procureur et M.

2 Jokic. Ces pièces de procédure limitent expressément et sans équivoque les

3 limites de la responsabilité de l'appelant pour son comportement en ce qui

4 concerne le 6 décembre 1991.

5 Les erreurs commises par la Chambre de première instance dans le

6 jugement portant condamnation ont consisté à ne pas suivre le droit

7 applicable, et à commettre une erreur manifeste, à savoir qu'une Chambre de

8 première instance ne saurait aller au-delà de ce qui est contenu dans un

9 accord de plaidoyer en ce qui concerne les faits de l'espèce et

10 l'appréciation en droit desdits faits.

11 La Chambre de première instance s'est fourvoyée du point de vue du droit en

12 prenant en considération des événements qui étaient allégués, une conduite

13 qui était alléguée en octobre et novembre 1991 lorsqu'elle a pris ces

14 décisions, et s'est déterminée en ce qui concerne la responsabilité de

15 l'appelant. Nous disons que cette erreur de droit a eu une forte influence

16 sur l'analyse et la motivation de la Chambre de première instance

17 lorsqu'elle a imposé une peine de sept ans à l'appelant.

18 Nous suggérons qu'une Chambre, qui aurait jugé comme il convenait,

19 aurait imposé une peine moins grave à l'appelant. Votre Chambre est

20 maintenant à même de corriger cette erreur commise par la Chambre de

21 première instance, et de réduire la peine de l'appelant en fonction de

22 cela. Il y a accord entre les parties que l'erreur commise par la Chambre

23 de première instance va à l'essentiel, au cœur du degré de responsabilité

24 personnelle de l'appelant. Il est convenu que ceci doit avoir eu un effet

25 sur la sentence, sur la décision, et que la Chambre d'appel devrait exercer

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1 son pouvoir discrétionnaire dans la mesure où cette erreur a eu pour

2 résultat une peine excessive. Cette peine devrait être ajustée en fonction

3 de cet argument.

4 Deuxièmement, l'appelant est respectueusement d'accord avec l'analyse et

5 les conclusions de l'Accusation en ce qui concerne les faits de l'arrêt

6 récemment rendu par la Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic en ce qui

7 concerne l'Article 7(1) et 7(3) du Statut. Je me réfère plus

8 particulièrement aux paragraphes 91 et 92 de l'arrêt d'appel sur l'affaire

9 Blaskic.

10 A notre avis, Madame la Présidente, Messieurs les Juges, l'appelant

11 devrait être condamné sur la base des éléments qui se sont produits le 6

12 décembre 1991 seulement. Son plaidoyer de culpabilité, en ce concerne à la

13 fois l'Article 7(3) et l'Article 7(1), qui était d'aider et d'encourager, a

14 été fait par rapport à une conduite identique. D'après la jurisprudence

15 Blaskic, il appartient à la Chambre de requalifier la conduite de

16 l'appelant, et de le condamner sur une base plus appropriée de

17 responsabilité. Selon la perspective de l'appelant, il a toujours considéré

18 sa carence en tant que commandant, conformément aux dispositions de

19 l'Article 7, paragraphe 3, comme reflétant, traduisant exactement sa

20 responsabilité le 6 décembre 1991.

21 Je passe maintenant au troisième moyen d'appel.

22 Le troisième moyen d'appel de l'appelant est que la Chambre de

23 première instance a commis une erreur de droit en décidant que dans le cas

24 d'accord de plaidoyer, la Chambre de première instance se fondera

25 essentiellement sur des circonstances atténuantes sur lesquelles les

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1 parties se sont mises d'accord, que ce soit dans l'accord de plaidoyer ou

2 au cours de l'audience consacrée au prononcé de la peine. Nous suggérons

3 que la Chambre de première instance a commis une erreur dans ce sens, que

4 les circonstances atténuantes doivent être établies en évaluant les

5 probabilités, en ce qui concerne les -- D'après l'accord de plaidoyer, les

6 parties ne s'étaient pas mises d'accord sur une sentence et une peine

7 appropriée qui aurait lieu d'imposer à l'appelant. Les circonstances

8 atténuantes concernent directement la question du choix d'une peine

9 appropriée. Les parties n'étaient pas d'accord en ce qui concerne les

10 circonstances atténuantes qui auraient pu être plaidées devant la Chambre

11 de première instance, et n'ont pas, non plus, présenté les mêmes

12 circonstances atténuantes aux fins d'examen par la Chambre de première

13 instance.

14 Les circonstances atténuantes suivantes ont été présentées par

15 l'appelant uniquement en ce qui concerne son atténuation, son âge.

16 Aujourd'hui, M. Jokic a 70 ans. Sa conduite avant et ainsi qu'après la

17 commission de l'infraction le 5 décembre 1991 -- il avait fait un accord

18 verbal sur un cessez-le-feu avec le ministre des Affaires étrangères de

19 Croatie. Le 6 décembre 1991, jour de l'événement, Jokic avait envoyé un

20 radiogramme à ce ministre pour présenter des excuses concernant le

21 bombardement de la vieille ville. Le 7 décembre 1991, l'appelant et le

22 ministre croate avaient finalement mis au point un accord complet de

23 cessez-le-feu. Ceci a eu pour résultat des actes qui ont eu pour effet de

24 changer les événements et d'améliorer le cours des événements.

25 En outre, à l'audience, nous avons présenté à la Chambre de première

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1 instance des éléments de preuve concernant les activités de l'appelant

2 après ce comportement criminel. En 1993, l'appelant a eu des activités

3 politiques en Serbie, dans l'opposition, dans le nouveau Parti démocratique

4 serbe. Ces tâches essentielles dans ce parti politique étaient de réformer

5 les forces armées yougoslaves et de prendre les démarches nécessaires vers

6 la mise en œuvre d'un partenariat pour la paix. Nous disons que ces

7 facteurs sont établis en ce qui concerne un équilibre des probabilités.

8 Si la Chambre avait suivi la voie correcte en ce qui concerne le

9 droit à examiner la totalité des circonstances atténuantes avancées par

10 l'appelant en évaluant les probabilités, à ce moment-là, la Chambre aurait

11 correctement évalué et apprécié les circonstances atténuantes plaidées par

12 l'appelant et les auraient vues sous un jour différent. Nous disons que

13 cette erreur a consisté dans le fait de ne pas attacher un poids suffisant

14 à la totalité des facteurs des circonstances atténuantes établies par

15 l'appelant. Il a démontré ses circonstances personnelles et

16 professionnelles, et son intégrité et sa moralité. Votre Chambre est

17 maintenant en mesure de corriger l'erreur qui a été commise par la Chambre

18 de première instance. Vous pouvez apprécier la totalité de l'ensemble de

19 ces éléments de preuve atténuants, et réduire la peine en fonction de cela.

20 Concernant le cinquième motif d'appel, nous disons que la Chambre de

21 première instance a commis une erreur de droit et de fait lorsqu'elle a

22 abusé de son pouvoir discrétionnaire en ne prenant pas en considération les

23 circonstances extraordinaires de famille et de santé de l'appelant, qui

24 correspondent à des circonstances exceptionnelles. Les éléments de preuve

25 sont que les circonstances familiales de l'appelant ont été correctement

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1 présentées à la Chambre de première instance, sous la forme de l'annexe E

2 confidentielle par rapport aux mémoires relatifs au prononcé de la peine.

3 Cet élément de preuve n'a pas été contesté par l'Accusation. Ces éléments

4 de preuve ont été précédemment plaidés et acceptés par la Chambre de

5 première instance en ce qui concerne la demande de l'appelant en vue d'une

6 mise en liberté provisoire à la suite de son plaidoyer de culpabilité.

7 Le fait que ces éléments ont été décrits par la Chambre de première

8 instance, je cite : "comme constituant des circonstances extraordinaires

9 concernant sa santé et sa famille."

10 Pour apprécier les éléments à décharge dans la peine, c'était une

11 erreur. Il était déraisonnable que la Chambre de première instance ne

12 tienne pas compte de ces éléments de preuve ou qu'elle conclut que les

13 circonstances familiales de l'appelant n'étaient pas exceptionnelles. On

14 suggère que sur la base du critère de caractère raisonnable, aucune

15 personne raisonnable n'aurait accepté l'appréciation de la Chambre de

16 première instance en ce qui concerne les éléments de preuve concernant les

17 circonstances familiales de l'appelant. Le fait que la Chambre de première

18 instance n'ait pas correctement apprécié et examiné les éléments de preuve

19 a abouti à un déni de justice. Cette erreur a une influence considérable

20 sur l'appréciation par la Chambre de première instance des éléments à

21 décharge, et a eu pour résultat une peine trop sévère. Nous vous prions de

22 bien vouloir corriger cette erreur en réduisant la peine de l'appelant.

23 Au niveau du sixième moyen d'appel, nous disons que la Chambre de première

24 instance a fait une erreur de droit et de fait, aurait abusé de son pouvoir

25 discrétionnaire en ne prenant pas en considération la totalité des éléments

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1 de preuve présentés à la fois par l'Accusation et la Défense, en ce qui

2 concerne la moralité et le professionnalisme de l'appelant. Ces éléments de

3 preuve n'ont pas été contestés devant la Chambre de première instance. On

4 avait présenté les éléments suivants à la Chambre. En 1990, l'appelant

5 s'était présenté comme favorable à une solution pacifique par rapport à la

6 dislocation de l'ex-Yougoslavie. Le contre-amiral Pogacnik avait déposé

7 devant la Chambre de première instance, sur le fait que lui-même et

8 l'appelant avaient voté comme étant les deux seuls membres de la JNA au 14e

9 Congrès de la Ligue des Communistes, le dernier congrès de la Ligue des

10 Communistes ayant voté pour une solution pacifique après la dislocation de

11 la Yougoslavie.

12 D'autres témoins ont témoigné devant la Chambre, en disant que l'appelant

13 avait accepté sa responsabilité d'officier. Il ne s'est pas défendu, il n'a

14 pas défendu ses camarades officiers. Ces éléments de preuve sont qu'il est

15 le premier officier de l'ancienne JNA qui se soit rendu volontairement au

16 Tribunal. Ceci a été fait avant que ne soient passées les dispositions

17 juridiques concernant la coopération avec le Tribunal. Il a pleinement

18 rempli les conditions voulues pour une mise en liberté provisoire, et les

19 conditions posées par les autres ordonnances de la Chambre de première

20 instance. Nous disons que la Chambre n'a pas donné, attribué un poids

21 suffisant à ces éléments. Sa moralité, son professionnalisme constituent

22 des circonstances atténuantes qui, si elles avaient été appréciées et

23 avaient reçu un poids suffisant, auraient abouti au prononcé d'une peine

24 moins sévère. Votre Chambre est à même de corriger cette erreur.

25 Le septième moyen d'appel.

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1 Nous demandons que la Chambre de première instance examine la coopération

2 étendue de l'appelant avec le bureau du Procureur, notamment après la date

3 du jugement portant condamnation. L'appelant a déposé en tant que témoin de

4 l'Accusation dans l'affaire le Procureur contre Strugar, affaire IT-01-42-

5 T. Conformément aux dispositions de l'Article 101-7, les dispositions

6 disent que les circonstances atténuantes peuvent comprendre une coopération

7 substantielle avec le bureau du Procureur par la personne condamnée, avant

8 ou après le prononcé de la peine, et de la reconnaissance de culpabilité.

9 Dans l'affaire Kupreskic, la Chambre d'appel a estimé que dans les cas qui

10 conviennent, la Chambre d'appel peut considérer une coopération

11 substantielle postérieure à une condamnation, une coopération avec le

12 Procureur comme étant un élément à décharge, une circonstance atténuante.

13 Le Procureur a reconnu que la déposition de l'appelant dans le procès

14 Strugar était d'une vaste portée, et était réelle et véritable. Nous disons

15 que la question de la coopération doit être déterminée en évaluant à la

16 fois la quantité et la qualité de renseignements fournis par l'appelant au

17 bureau du Procureur, dans l'affaire Strugar.

18 Nous disons que cette déposition, telle qu'elle est décrite dans nos

19 conclusions écrites, abouti à une coopération substantielle pour laquelle

20 la Chambre pourrait envisager de réduire la peine sur cette base.

21 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, conformément à ce qui a été dit

22 dans l'affaire Kupreskic, il n'est pas allégué que la Chambre de première

23 instance s'est fourvoyée d'une manière ou d'une autre, toutefois, dans les

24 circonstances de la présente affaire, il est soumis que dans l'intérêt de

25 la justice, c'est une affaire dans laquelle il serait approprié que la

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1 Chambre intervienne, pour réduire la peine de l'appelant sur la base de sa

2 déposition dans le procès Strugar.

3 Telles sont les conclusions. Mon collègue Me Nikolic va vous présenter le

4 deuxième moyen d'appel.

5 M. NIKOLIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, voici nos

6 arguments pour ce qui est du deuxième motif d'appel. Dans son jugement, la

7 Chambre de première instance dit ceci : "Les Chambres de première instance

8 peuvent avoir recours à la grille générale de peine applicable en ex-

9 Yougoslavie s'agissant d'infractions comparables à celles dont a été

10 reconnu coupable l'appelant." Il s'agit du paragraphe 104 du jugement. En

11 espèce, la Chambre de première instance a tenu compte de la section 16 du

12 code pénal de la RSFY, comme ceci est dit au paragraphe 111 du jugement.

13 Cette section 16 du code pénal de la RSFY peut s'imposer de deux façons :

14 il peut y avoir ordre donné en vue de l'exécution d'un acte ou il peut y

15 avoir également, et c'est la deuxième possibilité, commission directe

16 personnelle de l'acte. De telles infractions, et c'est tout à fait

17 justifié, sont punissables de peines très lourdes allant jusqu'à 15 ans

18 d'emprisonnement. Il est également possible d'avoir une peine de 20 ans en

19 lieu et place de la peine de mort. Nous pensons que la Chambre de première

20 instance n'a pas bien appliqué le droit lorsqu'elle a tenu compte ou

21 qu'elle a consulté la section 16 du code pénal de la RSFY. Elle fait

22 référence dans son jugement aux Articles 142, 148 et 151 de ce code pénal.

23 L'appelant n'a pas été accusé de l'une ou de l'autre de ces formes de

24 responsabilité. Il n'a pas donné l'ordre que des actes soient commis, et

25 lui-même n'a pas participé directement à de tels actes.

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1 En vertu du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie,

2 l'appelant a été accusé d'être un complice, en s'appuyant sur le deuxième

3 acte d'accusation modifié, parce qu'il n'aurait pas veillé à ce que

4 s'applique les mesures adéquates et nécessaires pour empêcher, diminuer ou

5 arrêter le pilonnage de la vieille ville de Dubrovnik, le 6 décembre 1991,

6 pilonnage qui s'est poursuivi dans la soirée. Le code pénal de la RSFY

7 reconnaît cette forme d'aide et d'encouragement, et ceci est visé à

8 l'Article 24 de ce code. Je vais vous le citer rapidement, voici ce qu'il

9 dit : "L'individu ayant eu la volonté d'aider ou d'encourager à la

10 commission d'une infraction pénale sera puni comme s'il en avait été

11 l'auteur direct, même s'il est possible d'infliger une peine plus légère."

12 Au paragraphe 2 du même article, les modes de responsabilité, en tant que

13 personne ayant aidé et encouragé, sont décrits comme étant des actes

14 directs. En vertu de l'Article 7(1) du Statut du Tribunal, l'appelant a

15 encouru une responsabilité de complice, et la forme de commission de

16 l'infraction pénale, c'est l'omission, le fait de ne pas agir.

17 L'Article 24. Nous parlons ici du code pénal de la RSFY, cet Article 24 en

18 matière d'aide, d'encouragement ou de complicité ne prévoit pas que ce type

19 d'activité soit commis par une omission en tant que tel. Il n'est pas

20 possible d'être complice en vertu des Articles 142, 148, et 151 si cette

21 forme d'aide se fait sous la forme d'une omission du fait de ne pas agir ou

22 de ne pas prendre de mesures.

23 D'après les critères appliqués dans ce Tribunal, une personne encourt

24 la responsabilité pénale en vertu de l'Article 7(1) du Statut non seulement

25 pour le fait d'avoir commis des actes, mais aussi pour le fait de ne pas

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1 avoir commis cet acte. Cette erreur de droit provient du fait que la

2 Chambre de première instance a consulté le code pénal de la RSFY, alors que

3 la base des faits ne sont pas comparables et que ceci ne peut pas se

4 comparer aux actes dont on a accusé l'appelant, et ceci avait été fait

5 conformément aux normes appliquées dans ce Tribunal.

6 Un autre effet de cette erreur de droit, c'est qu'en appliquant

7 l'Article 24 du Statut du Tribunal, la Chambre s'est fourvoyée par rapport

8 aux Articles 142, 148, et 151 du code pénal de la RFSY, à appliquer plutôt

9 ces articles, et ceci a abouti au fait que la Chambre de première instance

10 a posé une peine excessive.

11 Si elle avait bien interprété le droit yougoslave s'agissant des

12 modes de perpétration, l'appelant, qui, en vertu de l'acte d'accusation

13 dressé contre lui, a vu ses actes qualifiés en vertu du 7(1), comme étant

14 une absence de commission. Mais normalement, on n'aurait pas dû conclure

15 que cela était comparable à ce qui est visé par la section XVI du code

16 pénal yougoslave pour ce qui est de la grille applicable en matière de

17 peine. Ceci, cette erreur de droit, a eu pour effet l'imposition d'une

18 peine très lourde.

19 Je vais m'arrêter ici pour ce qui est du deuxième motif, mais je ne

20 change pas de position. Prenons une hypothèse. Même si la Chambre de

21 première instance avait bien consulté le droit yougoslave des Articles 142,

22 148, et 151, elle a fait une autre erreur, parce qu'en fait, la Chambre de

23 première instance aurait dû tenir compte de l'Article 24 du code yougoslave

24 qui prévoit le fait d'aider et d'encourager comme étant une forme de

25 commission parce que l'appelant a été reconnu coupable du fait d'avoir aidé

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1 et pas d'avoir commis directement. En vertu du droit yougoslave, une

2 personne qui aide à la commission d'un acte peut bénéficier d'une peine

3 plus légère. C'est la pratique qui était en vigueur dans les tribunaux

4 yougoslaves. Le fait que la Chambre de première instance n'ait pas bien

5 appliqué la section XVI du code pénal, notamment au paragraphe 111 du

6 jugement première instance, sans l'application de l'Article 24 qui

7 permettrait d'atténuer la peine, ceci a eu pour effet qu'une peine trop

8 lourde a été affligée à l'appelant.

9 De cette façon, la Défense vient de vous présenter ses arguments

10 s'agissant de ce motif d'appel, et voici mes conclusions. Partant des

11 arguments que nous avons présentés, nous demandons respectueusement à la

12 Chambre de réduire la peine infligée à l'appelant qui était de sept ans.

13 Conformément aux arguments que nous avons présentés par écrit dans notre

14 mémoire, dans le mémoire déposé par l'appelant, mes arguments qui avaient

15 déjà été présentés par la Chambre de première instance, on nous disait que

16 la peine à réserver à l'accusé ne devrait pas être supérieur à deux ans.

17 Nous demandons à la Chambre d'appel d'intervenir pour corriger l'erreur de

18 faits et les erreurs de droits commises par la Chambre de première

19 instance, telles que mentionnées dans les motifs 1, 2, 3, 5 et 6, et

20 d'intervenir, d'accepter la déposition de l'appelant dans le procès Strugar

21 en tant que circonstance atténuante, comme nous l'avons dit dans le

22 septième motif d'appel. Merci.

23 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie. Y

24 a-t-il des questions ? Le Juge Shahabuddeen souhaite poser des questions.

25 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître O'Sullivan, vous

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1 parlez du fait qu'il a eu une double condamnation en vertu des Articles

2 7(1) et 7(3) du Statut, et vous avez fait référence au procès Blaskic. Vous

3 faites valoir, si je vous ai bien compris, qu'il n'est pas possible de

4 condamner deux fois un même individu. J'ai examiné l'acte d'appel que vous

5 avez déposé. Pourriez-vous m'indiquer l'endroit dans l'acte d'appel où vous

6 abordez la question ?

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Ceci ne se

8 trouve pas dans l'acte d'appel parce que l'arrêt Blaskic, il a été rendu

9 après le dépôt de notre acte, parce que l'arrêt Blaskic a été rendu le 29

10 juillet 2004, et l'acte d'appel et le mémoire que nous avons déposés

11 étaient avant cette date.

12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous demandez à

13 modifier l'acte d'appel ? Est-ce qu'on peut considérer que ceci est un

14 motif supplémentaire ?

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous étions d'accord avec

16 l'Accusation, l'Accusation ayant soulevé cette question, étant notre

17 réponse à la réponse de l'Accusation, nous l'avons mentionnée.

18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous y voyez

19 une difficulté de nature procédurale, à savoir que vous présentez un

20 argument qui n'est pas contenu dans votre acte d'appel ?

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, et aux motifs

22 suivants. Parce que le droit a changé avec l'arrêt Blaskic, le 29 juillet

23 20004, et nous vous demandons d'exercer votre pouvoir discrétionnaire pour

24 harmoniser le droit en vigueur dans ce Tribunal, en l'espèce, puisque nous

25 avons une conduite, un comportement similaire, comme c'est dit dans l'arrêt

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1 Blaskic, qui peut entraîner deux modes de responsabilité en vertu du 7(1)

2 et du 7(3) mais pas les deux.

3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Mais

4 moi, je vous parlais d'une question d'honnêteté dans la procédure, aussi de

5 la question de l'élégance des écritures. Est-ce que vous aviez l'intention

6 d'ajouter ce motif dans votre acte d'appel ?

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je vous comprends et je vous reçois

8 tout à fait. Nous avons pensé, Monsieur le Juge, que la réponse donnée par

9 l'Accusation et que dans la réplique, en fait, c'est ce que nous avions

10 fait, mais je comprends que nous n'avons modifié de façon formelle et

11 officielle notre acte d'appel.

12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je m'intéresse maintenant

13 à ce que vous avez dit qui était tout à fait intéressant, celles d'actes

14 précédents intervenus, je pense, au mois d'octobre. Vous faites valoir que

15 la Chambre de première instance a, en fait, tenu compte de cet élément

16 lorsqu'elle a prononcé sa peine à l'encontre de l'appelant.

17 Mais je vois que l'accord sur le plaidoyer nous dit que l'appelant va

18 plaider coupable par rapport au deuxième d'acte d'accusation modifié. Ce

19 deuxième acte d'accusation modifié, est-ce qu'il inclut une référence à ces

20 actes précédents ? Je parle ici du paragraphe 8 du deuxième acte

21 d'accusation modifié qui se rapporte "du 23 octobre 1991, au 6 décembre

22 1991, la ville de Dubrovnik a été touchée par des centaines d'obus tirées

23 par les forces de la JNA." Puis, il y a votre accord sur le plaidoyer. Une

24 certaine confusion règne dans mon esprit. Je me demande pourquoi, au

25 paragraphe 11 ainsi qu'au paragraphe 12 de l'accord sur le plaidoyer, je me

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1 demande, disais-je, pourquoi, là, de façon précise, on fait référence à ces

2 actes. Voulez-vous que je les lise, les paragraphes 11 et 12 de l'accord

3 sur le plaidoyer ? Vous connaissez ces paragraphes, n'est-ce pas ?

4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Là, on fait référence à ces

6 actes précédents. Alors, quelle était l'intention de l'appelant lorsqu'il a

7 inclus les paragraphes 11 et 12 dans l'accord sur le plaidoyer ? Si la

8 Chambre de première instance n'avait pas ou n'était pas censé tenir compte

9 de ces événements précédents ?

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je fais une distinction entre le fait de

11 prendre connaissance d'événements précédents et le passage dans l'acte

12 d'accusation où il plaide coupable. L'acte d'accusation présente les

13 éléments essentiels aux paragraphes 13 et 21, qui limitent son comportement

14 criminel aux événements du 6 décembre 1991. L'appelant a également plaidé

15 coupable partant du paragraphe 16 ainsi que du paragraphe 23 de l'acte

16 d'accusation au regard de l'Article du Statut 7(3) pour le même

17 comportement.

18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mais je vais vous demander : la

19 Chambre de première instance, dans quelle mesure, de quelle façon devait-

20 elle prendre connaissance de ces deux paragraphes de l'accord sur le

21 plaidoyer qui font référence à ces actes précédents ? Est-ce que la Chambre

22 était censée donner un effet quelconque à ces paragraphes ?

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je dirais que ces paragraphes n'ont pas

24 d'effet sur son comportement criminel.

25 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Alors, on aurait pu les enlever

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1 de l'accord sur le plaidoyer.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Ils sont là en tant que contexte général,

3 mais pas comme étant la base d'un comportement criminel.

4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Si vous le voulez bien, nous

5 allons prendre le compte rendu d'audience du 4 décembre 2003. Lors de cette

6 audience, il a été fait référence à cette question précisément. Le

7 substitut intervenait, et a dit ceci, à la page 200 : "Le manquement en

8 tant que commandant a été tel qu'il a aidé et encouragé les événements qui

9 se sont produits le 6 décembre en l'occurrence." Il faisait référence à des

10 actes précédents, et il dit qu'ils ont contribué à aider ou encourager à la

11 commission des événements du 6.

12 Puis vous, vous intervenez à la page 206 de ce compte rendu d'audience pour

13 dire ceci. Donc, le substitut était intervenu, vous vous êtes alors

14 intervenu pour dire ceci : "Mon estimé confrère de l'Accusation a établi le

15 contexte qui nous amène ici aujourd'hui." Est-ce que vous avez d'une

16 quelconque façon fait objection à ce qu'avait dit le substitut, à savoir

17 que les actes antécédents de l'accusé avaient aidé et encouragé à la

18 commission de ce qui s'était passé le 6 ?

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] La façon dont j'ai compris les conclusions

20 de l'Accusation ce jour-là était tout à fait conforme avec l'accord sur le

21 plaidoyer, avec l'acte d'accusation de qu'il n'y avait pas de contestation

22 s'agissant des actes dont M. Jokic plaidait coupable, à savoir, uniquement

23 ce du 6 décembre. C'est repris dans l'acte d'accusation, et le libellé de

24 l'acte d'accusation se retrouve intégralement dans l'accord sur le

25 plaidoyer pour ce qui est de l'accord entre les parties, qui était tout à

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1 fait clair, à savoir que seul les événements, seul le comportement du 6

2 décembre, avait entraîné la responsabilité pénale de M. Jokic, et c'est de

3 cela qu'il plaidait coupable. Donc, à mon avis, il n'y avait pas de

4 mésentente entre les parties. Il n'était pas nécessaire d'intervenir.

5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous comprends. Merci, Maître

6 O'Sullivan.

7 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Madame le Juge Mumba ?

8 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie. En fait, ma question

9 serait une question de suivie. Je remercie le Juge Shahabuddeen d'avoir

10 fourni les détails. J'ai une question d'ordre générale portant sur un point

11 de droit en matière de déclaration de culpabilité ou de plaidoyer de

12 culpabilité.

13 Notre expérience dans diverses affaires de ce Tribunal m'amène à vous

14 demander ceci : lorsqu'il y a un accord sur le plaidoyer de culpabilité,

15 est-ce que les Chambres de première instance devraient être claires et

16 précises quant aux faits convenus, convenus et admis par une personne

17 accusée, faits qu'il mentionne dans son accord sur le plaidoyer ? De cette

18 façon, il serait possible d'éviter d'accuser ou de condamner une personne

19 au-delà de ce qu'il a reconnu comme étant des faits qu'il a commis ou qu'il

20 aurait omis de faire et d'exécuter au moment des faits.

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Ma réponse --

22 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Est-ce que vous seriez d'accord ?

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je peux répondre très brièvement. Ce sera

24 un oui très net.

25 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] A ce moment-là, il est très important,

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1 s'agissant des plaidoyers de culpabilité, il est important que les avocats

2 soient très précis dans leurs rédactions des tels plaidoyers, et soient

3 très précis lorsqu'ils demandent à leurs clients des instructions pour

4 savoir exactement ce dont la personne plaide coupable. Ceci rendrait la

5 tâche des Chambres de première instance bien plus facile.

6 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci. Monsieur le Juge

7 Schomburg, vous avez la parole.

8 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'ai une question d'ordre

9 procédurale. Vous avez demandé à la Chambre de première instance de tenir

10 compte de la déposition qu'a fait votre client dans le procès Strugar. Bien

11 sûr, vous avez reconnu que la Chambre de première instance n'aurait pas pu

12 tenir compte de cette déposition, puisque cette déposition dans le procès

13 Strugar a été fait après le jugement de première instance.

14 Corrigez-moi si je me trompe, mais je pense qu'on n'a pas demandé

15 l'application de l'Article 115, élément de preuve supplémentaire afin de

16 présenter des détails sur la portée de ces éléments supplémentaires.

17 Cependant, n'est-il pas exact de dire que partant de l'accord sur le

18 plaidoyer, on a quand même tenu compte du fait que votre client allait à

19 l'avenir, et notamment dans le procès Strugar, comparaître en tant que

20 témoin ? Et que ceci avait déjà été pris en compte par la Chambre de

21 première instance en tant que circonstance atténuante. Il s'agissait de la

22 coopération à venir avec le Tribunal. Merci.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Deux choses, Monsieur le Juge. Tout

24 d'abord, nous avons effectivement déposé des écritures en application de

25 l'Article 115, le 21 juin 2004, s'agissant de la déposition de M. Jokic

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1 dans le procès Strugar. Mais, cette requête a été rejetée. Le septième

2 motif d'appel portait sur un point de droit. La jurisprudence de ce

3 Tribunal, et nous avons parlé de l'arrêt Blaskic à cet égard, définit une

4 coopération substantielle comme étant un examen par les Juges de fait par

5 la Chambre de première instance pour ce qui est à la fois de la qualité et

6 de la quantité à des aspects qualitatifs et quantitatifs de la coopération

7 avec le Tribunal. Mais effectivement, étant donné que cette déposition

8 s'est faite plus tard, et qu'elle a duré deux semaines dans le procès

9 Strugar, nous disons que si vous regardez ce qui s'est passé dans les

10 faits, M. Jokic s'est acquitté de cette obligation, obligation qu'il avait,

11 Monsieur le Juge. Nous disons, bien sûr, pour ce qui est de la qualité et

12 de la quantité de sa coopération substantielle, il est certain qu'elle

13 aurait dû convaincre les Juges, et que la Chambre d'appel devrait en tenir

14 compte, d'après l'arrêt Kupreskic aussi, et de l'article 101 du Règlement.

15 Il avait l'obligation de coopérer, et nous disons qu'il l'a fait et qu'on

16 devrait le compenser pour cela.

17 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Madame le Juge Mumba ?

18 Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] J'aimerais poser une autre question.

19 S'agissant de la procédure suivie, vous savez que des événements se

20 produisent dans ce Tribunal, ceux qui plaident coupable soit déposent dans

21 un autre procès avant leur condamnation, ou après cette condamnation, ils

22 vont souvent déposer dans un autre procès, donc c'est la forme de

23 coopération qu'il y a avec le Procureur.

24 Maintenant, j'aimerais savoir : au moment de l'audience en appel, il y a

25 déjà preuve et consignation dans les dossiers du Tribunal que l'appelant a

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1 déposé une ou plusieurs fois, et a, ce faisant, aidé le Procureur après

2 condamnation.

3 Ma question est : quelle devrait être la procédure juridique à

4 suivre ? Est-ce qu'un conseil devrait faire une demande en application du

5 115 ou est-ce que le conseil devrait dire qu'il faut simplement dresser un

6 constat judiciaire, je parle de la Chambre d'appel ici ?

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Cela dépend du moment où est

8 intervenu la déposition.

9 Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je dis après condamnation, parce que

10 ce qui se passe après la condamnation doit faire l'objet d'une procédure,

11 il faut faire une demande. Il faut que la Chambre d'appel puisse en prendre

12 acte.

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je dirais que la coopération après

14 condamnation peut présenter deux catégories : la première, c'est la

15 situation où la coopération après condamnation en première instance se fait

16 avant la Chambre d'appel ou avant l'audience en appel, donc là, on s'appuie

17 sur l'arrêt Kupreskic. Mais une personne pourrait continuer à coopérer plus

18 tard encore. A ce moment-là, la seule possibilité qui nous est réservée,

19 c'est la révision.

20 Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Non, je voulais que vous vous limitiez

21 à une situation où on est après la condamnation en première instance, mais

22 avant l'audience en appel.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Mais c'est là que nous sommes aujourd'hui,

24 et nous disons que si la Chambre de première instance avait pu bénéficier

25 des éléments dont dispose aujourd'hui la Chambre d'appel, cela aurait dû

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1 être considéré comme une circonstance atténuante, parce qu'avant, c'était

2 quelque chose d'abstrait. L'obligation qu'avait l'appelant, c'était qu'il

3 devait collaborer. C'était pris en compte dans le jugement en première

4 instance, mais aujourd'hui dans les faits, il y a eu coopération complète

5 et importante, allant très loin, et conforme à la vérité. Nous disons que

6 la qualité de cette coopération doit être prise en compte par la Chambre

7 d'appel, comme la Chambre de première instance l'aurait fait, si, avant

8 d'être condamné en première instance, l'appelant avait témoigné dans

9 d'autres procès. Vous avez le loisir d'exercer ce pouvoir discrétionnaire

10 qui est le vôtre maintenant.

11 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci, Maître O'Sullivan.

12 Monsieur Farrell vous avez la parole.

13 M. FARRELL : [interprétation] Avec votre autorisation, Madame la

14 Présidente, je vais donner d'abord la parole à Mme Kind, qui va traiter des

15 motifs trois : circonstances atténuantes, cinq : santé et situation

16 familiale et six : bonne moralité et professionnalisme. Si vous êtes

17 d'accord, je traiterai du premier, deuxième et septième motif, pour

18 terminer la conclusion de l'Accusation.

19 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Vous avez la parole.

20 Mme KIND : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Présidente,

21 Messieurs les Juges. Avec votre permission, je vais essayer d'être assez

22 brève pour laisser suffisamment de temps à mon collègue, M. Farrell.

23 Premièrement, en ce qui concerne le troisième moyen d'appel, l'Accusation

24 soutient que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur de

25 droit, et n'a pas appliqué un critère erroné pour l'établissement des

Page 339

1 facteurs de circonstances atténuantes par rapport à la peine. Le jugement

2 fait apparaître que la Chambre de première instance a pris en considération

3 toutes les circonstances atténuantes plaidées par l'appelant,

4 indépendamment de savoir si l'Accusation avait pris position en ce qui

5 concernait une circonstance particulière ou non.

6 Au paragraphe 69 du jugement, la Chambre fait référence à tous les facteurs

7 présentés par chacune des parties, et cette référence qui est faite dans la

8 note de ma page numéro 100, il n'y a pas de base dans le jugement pour

9 laquelle la Chambre de première instance aurait pris en considération des

10 facteurs atténuants, facteurs que les deux parties avaient présentés pour

11 exclure d'autres facteurs qui avaient été examinés par la Chambre de

12 première instance.

13 La Chambre de première instance a très soigneusement examiné tous les

14 facteurs en particulier, aussi en ce qui concerne les circonstances

15 particulières de l'appelant.

16 Quant au poids attaché à ces facteurs individuels, la Chambre de

17 première instance a un pouvoir discrétionnaire étendu, et la charge repose

18 sur l'appelant de démontrer qu'un erreur manifeste s'est glissée dans

19 l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Chambre. L'Accusation considère

20 que l'appelant n'a pas réussi à le faire.

21 Tous les facteurs sur lesquels l'appelant a eu une contestation en ce

22 qui concerne le troisième moyen d'appel, à savoir son âge, sa conduite

23 avant l'infraction, pendant et après la commission des infractions, ainsi

24 que les circonstances de famille exceptionnelles de l'appelant, ont été

25 pris en considération, ont reçu le poids voulu dans l'appréciation de la

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1 Chambre de première instance. L'Accusation fait savoir qu'il appartient au

2 pouvoir discrétionnaire de la Chambre de donner un poids limité aux

3 circonstances personnelles, compte tenu de la gravité des crimes pour

4 lesquels l'appelant avait accepté ses responsabilités, ainsi qu'en

5 comparant avec d'autres circonstances qui étaient plus directement liées à

6 la culpabilité de l'appelant, et qui selon nous, sont plus directement

7 liées à la culpabilité de l'appelant, tel que le fait qu'il a plaidé

8 coupable et qu'il a exprimé des remords sincères en paroles et en actes, et

9 on a estimé qu'il avait donné une coopération substantielle. Voilà ce qui a

10 guidé la Chambre de première instance, et non pas le fait de savoir si

11 l'Accusation avait pris position sur un élément particulier aussi.

12 Comme ceci apparaît au paragraphe 103 du jugement, la Chambre de

13 première instance a attaché le poids qui convient à chacun des éléments à

14 décharge, à chacune des circonstances atténuantes. Par conséquent,

15 l'Accusation soutient qu'il n'y a pas d'erreur manifeste lorsque la Chambre

16 de première instance a exercé son pouvoir discrétionnaire, et je dois vous

17 référer à nos conclusions plus détaillées dans notre mémoire, au niveau des

18 réponses aux paragraphes 4.38 jusqu'à 4.67, en ce qui concerne le troisième

19 moyen d'appel.

20 A moins qu'il y ait des questions, je vais maintenant passer au cinquième

21 moyen d'appel, qui a trait aux circonstances particulières concernant la

22 famille de l'appelant. L'Accusation soumet que la Chambre de première

23 instance a considéré les circonstances particulières relatives à la famille

24 de l'appelant, comme étant des circonstances atténuantes en vue du prononcé

25 de la peine, et je voudrais qu'il soit bien clair qu'en aucun cas

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1 l'Accusation ne veut minimiser le fait que ces circonstances sont

2 spécifiques, mais notre position est que la Chambre de première instance

3 était parfaitement consciente des circonstances particulières en l'espèce,

4 et les a pris en considération.

5 Ceci est reflété dans le jugement. Par exemple au paragraphe 69,

6 lorsque la Chambre de première instance a indiqué quelles étaient les

7 circonstances atténuantes plaidées par l'appelant, et s'est référée aux

8 conclusions faites par l'appelant dans son mémoire ainsi que lors de

9 l'audience consacrée au prononcé de l'appel, également, au paragraphe 97 du

10 jugement de la Chambre de première instance, lorsque la Chambre de première

11 instance a considéré le fait qu'il était marié et avait deux filles qui

12 étaient adultes là encore. Il a été fait référence aux conclusions

13 présentées par l'appelant. Egalement au paragraphe 98, [comme interprété]

14 il y a des références spécifiques au plaidoyer des témoins que l'appelant

15 avait fait déposer, et qui ont dit dans leurs dépositions qu'il avait une

16 conduite exemplaire. Par la suite au paragraphe 101, les circonstances

17 individuelles concernant l'appelant ont été prises en considération. Là

18 encore, en ce qui concerne les conclusions, il a été fait référence aux

19 conclusions présentées.

20 L'Accusation soutient que la Chambre de première instance n'est pas tenue

21 d'entrer dans davantage de détails. Elle doit également prendre en

22 considération, ce qui a déjà été dit par les conseils pour l'appelant, en

23 ce qui concerne les points spécifiques concernant la famille, qui ont été

24 traités dans les écritures confidentielles, de façon à ce que les

25 possibilités de la Chambre de première instance y fasse référence dans un

Page 342

1 jugement public soient limitées.

2 Comme l'a déjà fait remarquer le conseil de l'appelant, la Chambre de

3 première instance était pleinement consciente des éléments relatifs à ce

4 qui a été plaidé en ce qui concerne la mise en liberté provisoire, compte

5 tenu des circonstances spécifiques de la famille.

6 En ce qui concerne le poids qui a été attaché par la Chambre de première

7 instance, l'Accusation fait valoir qu'il appartenait au pouvoir

8 discrétionnaire de la Chambre de première instance de conclure que, par

9 rapport à l'évaluation de la gravité des infractions commises, et compte

10 tenu des autres circonstances atténuantes en ce qui concerne plus

11 directement la culpabilité de l'appelant, un poids plus limité avait été

12 attribué aux circonstances propres à la famille, ainsi que d'autres

13 facteurs considérés comme étant des circonstances personnelles.

14 En conclusion, l'Accusation soutient que l'appelant n'a pas démontré que la

15 Chambre de première instance n'a pas pris en considération les

16 circonstances spéciales au niveau de la famille comme circonstance

17 atténuante, ou a abusé de son pouvoir discrétionnaire. L'Accusation prie

18 les membres de la Chambre d'appel d'examiner les paragraphes 4.68 à 4.89 du

19 mémoire, en réponse de l'Accusation pour des détails concernant cette

20 question.

21 Juste quelques mots concernant le sixième moyen d'appel, en ce qui concerne

22 la moralité et le professionnalisme de l'appelant. L'Accusation fait valoir

23 que le jugement reflète bien que la Chambre de première instance a pris en

24 considération la totalité des éléments de preuve qui étaient présentés par

25 l'appelant, en ce qui concerne sa moralité et son professionnalisme; et que

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1 ceci a été bien reflété dans la décision qui a été prise. Elle ne soutient

2 pas que la Chambre de première instance n'a pas pris en considération ces

3 facteurs, ce qui est important en l'occurrence, et que tous les éléments de

4 preuve présentés ont été pris en considération.

5 L'Accusation fait valoir que le jugement rendu par la Chambre de première

6 instance montre clairement, sous cette rubrique des circonstances

7 personnelles, qu'il est fait référence à la moralité et au

8 professionnalisme, mais que des aspects concernant les circonstances

9 atténuantes plaidées par l'appelant à l'appui de cet élément, ont été

10 prises en considération en ce qui concerne par exemple, la coopération de

11 l'appelant. Les facteurs sur lesquels la Chambre de première instance a

12 également fondé ses conclusions se trouvent au paragraphe 114, en ce qui

13 concerne l'importance exceptionnelle qui s'y rattachait, en raison de tous

14 les éléments de preuve qui étaient soumis à la Chambre de première

15 instance. Là encore, je voudrais respectueusement vous prier de vous

16 référer au mémoire en réponse de l'Accusation, paragraphe 4.90 et 4.111

17 pour plus de détails.

18 Au sujet de questions que vous pourrez poser, je voudrais donner la parole

19 à mon collègue M. Farrell.

20 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci beaucoup, Madame

21 Kind. Monsieur Farrell, vous avez la parole.

22 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges. Je vais

23 réagir à certaines des conclusions déjà entendues, et dans la mesure du

24 possible à celles des questions posées par vous, Mesdames et Messieurs les

25 Juges, s'agissant des motifs d'appel.

Page 344

1 Commençons par le premier motif. Il faut aborder à mon avis deux questions

2 qui sont peut-être d'ordre plus procédural. Apparemment ceci n'a pas été

3 reconnu dans le mémoire de l'Accusation, mais le premier motif concerne la

4 condamnation, et non pas la peine. Nous demandons une modification de la

5 condamnation -- en fait qu'il y a eu conclusion de responsabilité en vertu

6 du 7(1) pour des actes qui étaient en dehors de la période couverte par

7 l'acte d'accusation, et la condamnation pour le 7(1) ne peut pas être

8 maintenue. Qu'est-ce que ceci a comme incidence pour autant que ce soit

9 retenu; c'est que les actes du 6 sont des actes de commission dont on

10 aurait pu reconnaître l'appelant coupable. La question qui se pose est

11 celle de savoir si la peine serait différente, si on enlève la base de

12 culpabilité qu'on a retenue pour le 7(1) s'agissant des actes commis le 6.

13 Deuxième question, si vous ôtez la base de la responsabilité en vertu du 7,

14 pour le fait d'aider, d'encourager, pour les actes antérieurs aussi, que

15 vous reste t-il ? Il reste les actes du 6 décembre. La Chambre ne reconnaît

16 l'appelant coupable que des actes du 6, en vertu du 7(3) du Statut, pas en

17 vertu du 7(1). Je lis le jugement de la Chambre de première instance comme

18 suit : la Chambre de première instance a scindé ses conclusions en

19 déclarant l'accusé en partie coupable pour les actes antérieurs aussi, en

20 vertu du 7, et en partie coupable pour les actes du 6, en vertu du 7(3). Si

21 vous enlevez la base de la responsabilité, en vertu du 7(1), pour les actes

22 antérieurs au 6, le 6 est correct, comme l'Accusation a concédé. Ceci a

23 pour résultat que la seule chose qui demeure ou qui est maintenue, c'est la

24 conclusion de responsabilité en vertu du 7(3) pour les actes du 6 décembre.

25 Ma lecture du jugement est que la Chambre de première instance n'a pas

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1 reconnu l'appelant coupable pour les actes du 6, en vertu du 7(1), le fait

2 d'aider et d'encourager. Alors, ceci constitue un dilemme pour la Chambre,

3 parce que l'appelant a plaidé coupable en vertu du mode de responsabilité

4 7(1) et 7(3) pour ses actes et omissions, mais uniquement pour les actes du

5 6. Vu ce qu'a fait la Chambre de première instance, il a été reconnu

6 coupable uniquement en application de l'Article 7(3).

7 Par conséquent, vu le plaidoyer de culpabilité, la Chambre d'appel --

8 effectivement, il a été accepté -- elle pourrait décider si le 7(1) ou le

9 7(3) s'applique pour les faits reconnus par l'appel, et la base de

10 responsabilité qu'il reconnaît. La Chambre peut décider que c'est peut-être

11 plus approprié de maintenir simplement la responsabilité ou l'implication

12 du 7(3) s'agissant uniquement des actes qui furent commis le 6 décembre.

13 Permettez-moi de revenir à l'accord de plaidoyer et à l'acte d'accusation,

14 pour poser une question tout à fait valable soulevée par le Juge

15 Shahabuddeen, pour expliquer simultanément en partie les concessions faites

16 par l'Accusation. Permettez-moi de vous demander de consulter l'accord sur

17 le plaidoyer, ainsi que l'acte d'accusation si vous les avez sous les yeux,

18 sinon je vais vous citer le passage. J'ai d'ailleurs une copie de l'accord

19 sur le plaidoyer et de l'acte d'accusation pour vous, si vous ne l'avez pas

20 apporté, sinon je peux simplement vous renvoyer au passage pertinent.

21 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Faites simplement

22 référence.

23 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Madame la Présidente.

24 Je pense que la difficulté dans laquelle s'est trouvée la Chambre de

25 première instance provient de ce qu'on trouve dans l'accord sur le

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1 plaidoyer, et je reconnais que sans doute il y a eu méprise à cause des

2 conclusions de l'Accusation, mentionnée d'ailleurs par le Juge Shahabuddeen

3 à la page 200 des conclusions en matière de fixation de la peine.

4 Mais si les actes antérieurs au 6 décembre ne pouvaient pas être pris comme

5 base de responsabilité, c'est d'après l'Accusation pour les motifs suivants

6 : dans l'accord sur le plaidoyer, au paragraphe 3 de celui-ci, il est

7 d'abord fait référence à sa responsabilité uniquement pour les événements

8 qui sont survenus le 6 décembre 1991. Puis, comme l'a signalé le Juge

9 Shahabuddeen, à partir du paragraphe 11 et jusqu'au paragraphe 14, on

10 énonce des faits concernés par l'accord sur le plaidoyer.

11 Si vous prenez maintenant l'acte d'accusation, permettez-moi de le

12 consulter avec vous, au paragraphe 5, celui-ci dit : "tous les actes et

13 omissions" - et j'insiste sur le terme omissions - "tous les actes et

14 omissions mis à charge de Miodrag Jokic se sont produits le 6 décembre ou

15 vers cette date."

16 En fait, l'acte d'accusation se limite à des faits très précis, et on dit

17 effectivement que les actes ou omissions se limitent au 6. Au paragraphe 5,

18 on dit: les omissions se sont produites le 6 décembre, et pas celles qui se

19 seraient produites en octobre ou au mois de novembre.

20 Puis, si vous prenez à partir du paragraphe 8 de l'acte d'accusation, là on

21 parle des faits à la base de la cause, et repris dans l'acte d'accusation.

22 Si vous prenez le chef énoncé en tant que tel, les chefs, plus exactement,

23 1 à 3, le paragraphe 10 dit ceci : le Procureur reprend en y faisant

24 référence des allégations formulées auparavant au paragraphes 1 à 9. Ceci

25 évoque les événements qui vont du mois d'octobre au mois de décembre. C'est

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1 la base à partir de laquelle la Chambre peut estimer qu'elle était

2 responsable pour des actes antérieurs au 6 décembre. Cependant, si vous

3 prenez les paragraphes concernés par ce chef, on a le paragraphe 11, c'est

4 le 6; 12, c'est son état de connaissance; 13, c'est le 6; 14, aussi; puis,

5 vous avez le paragraphe 15, qui dit ceci, je le cite : "Par les

6 informations qu'il détenait, et par ses actes et omissions décrites aux

7 paragraphes 11 à 14," et on dit qu'il est responsable du fait de ceci et de

8 cela, alors que les précédents ne parlent que des événements survenus le 6.

9 Autre chose, si vous prenez le paragraphe 16, la responsabilité, en fait,

10 en cause du 7(3), est subsidiaire. Cela n'a peut-être pas été dit

11 clairement à la Chambre, mais c'était à titre subsidiaire qu'on évoquait le

12 7(3) pour les actes du 6, et non pas en tant que responsabilité partielle.

13 Il y a même une base en vertu du 7(1) ou à titre subsidiaire en vertu du

14 7(3); mais les actes antérieurs ne devraient pas être scindés pour savoir

15 lesquels relevaient du 7(1) ou du 7(3). Je comprends le passage, au

16 paragraphe 200 de nos conclusions, est causé par une méprise. Nous nous

17 sommes basés sur l'acte d'accusation, et les parties ont pensé que ceci

18 devaient se limiter aux actes et omissions. La Chambre de première instance

19 a peut-être trouvé que c'était, là, une séparation artificielle. Mais le

20 tout n'est pas de savoir si les parties se sont entendues sur une certaine

21 chose que n'a pas accueilli la Chambre de première instance. En fait, c'est

22 limité par l'acte d'accusation lui-même, non pas par l'accord entre les

23 parties. La seule question qui se pose est celle de savoir si on reprend

24 dans l'acte d'accusation des actes et des omissions en dehors du 6

25 décembre. Si je lis bien l'acte d'accusation, ce n'est pas le cas, or

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1 c'était la base de l'accord, en dépit des conclusions présentées à la page

2 200 dans ces conclusions écrites par l'Accusation.

3 Alors, quelle est la pertinence des actes antérieurs au 6 ou des omissions

4 antérieures au 6 ? L'Accusation fait valoir que ce sont des actes

5 pertinents, et qu'on peut s'appuyer sur ces actes antérieurs au 6, quand on

6 voit l'élément moral de la responsabilité le matin du 6, en vertu du 7(1)

7 ou du 7(3). Nous l'avons constaté dans le mémoire de l'Accusation, la

8 Chambre de première instance Strugar, partant d'un argument similaire

9 présenté par l'Accusation, a accepté l'idée que les informations

10 antérieures au 6 aviseraient un supérieur du fait que des crimes

11 susceptibles d'être commis -- je me reprends. Que des informations

12 antérieures informeraient un supérieur du fait que des crimes pourraient

13 être commis, vu le comportement antérieur des subordonnés ou des

14 antécédents de mauvais traitement, vu qu'il y avait déjà eu des pilonnages,

15 l'amiral Jokic devait être conscient des dégâts qui pouvaient être causés.

16 Par conséquent, le matin du 6, tôt le matin, lorsqu'on informe de

17 l'attaque, il connaît la nécessité d'agir sur-le-champ, et il est informé

18 de ce qui pourrait être les mesures raisonnables et nécessaires pour

19 empêcher la commission. Il devrait savoir qu'il doit agir vite parce qu'il

20 a déjà des connaissances antérieures.

21 C'est comme cela, à mon avis, que l'Accusation a présenté l'acte

22 d'accusation, et l'a étayé. Dans l'accord sur le plaidoyer, c'était la base

23 de l'accord pour ce qui est du premier motif d'accord d'appel entre les

24 parties.

25 Je veux parler maintenant de l'incidence que ceci pourra avoir sur la

Page 349

1 peine, à moins que vous ayez des questions dès maintenant.

2 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Monsieur le Juge

3 Schomburg ?

4 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Question difficile que celle-ci.

5 C'est surtout une question de droit. Applique-t-on le 7(1), le 7(3), ou les

6 deux. La façon dont je lis le jugement, c'est qu'il renvoie aux actes et

7 omissions du 6 décembre uniquement. Vous avez déclaré dans l'acte

8 d'accusation, il y a, en fait, une façon subsidiaire de plaider le 7(1) ou

9 le 7(3). Vous ai-je bien compris ? Est-ce que vous dites maintenant que vu

10 l'évolution de la jurisprudence de notre tribunal, lorsqu'une

11 responsabilité est engagée en vertu du 7(1), il ne peut pas avoir aussi

12 responsabilité en vertu du 7(3) ou vice versa ? Comment allez-vous

13 qualifier en droit ces actes ? Est-ce que c'est la responsabilité du

14 supérieur hiérarchique qui est ici engagé, ou est-ce que c'est davantage

15 responsabilité pour commission ou omission parce que l'appelant avait peut-

16 être le devoir d'intervention, et que le fait de ne pas être intervenu peut

17 être qualifié comme responsabilité en vertu du 7(1) pour commission et

18 omission [comme interprété] ?

19 M. FARRELL : [interprétation] Si je vous ai bien compris, voici comment je

20 répondrais. Je pense qu'il y a en fait trois formes hypothétiques de

21 responsabilité. La première est visée par le 7(1). Elle n'exige pas qu'il y

22 ait le fait d'aider et d'encourager et ne nécessite pas le devoir d'agir.

23 Aider et encourager, c'était qu'en sa qualité de commandant, il peut

24 continuer de ne pas prendre des mesures, ce qui encourage ses effectifs à

25 dire qu'il y aura sanction. Cela est la responsabilité en vertu du 7(1).

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1 Cela n'est pas nécessairement tributaire du fait de savoir s'il a ce

2 devoir, mais en tous les cas, les effectifs se sont encouragés par

3 quelqu'un qui est leur supérieur.

4 Il peut y avoir des exemples d'aider et d'encourager où il n'y a pas

5 de rapport supérieur-inférieur. Des gens se rassemblent, forment un groupe,

6 décident de commettre une infraction grave; de viol, par exemple. Ils sont

7 tous là, à observer, et les actes de ceux qui sont là, à regarder pendant

8 que quelqu'un commet une agression sexuelle peut être vu comme étant un

9 encouragement au viol. Il y a un procès, une affaire au Canada, je peux

10 vous la citer si vous voulez. Il n'y a pas nécessité d'un rapport au

11 supérieur-inférieur ou une forme de responsabilité supérieure. C'est qu'on

12 perçoit certains actes comme étant des encouragements à autrui pour qu'il

13 poursuive son acte. Evidemment, si on est commandant, étant -- son

14 commandant, il a peut-être encouragé en ne sanctionner pas. Deuxième

15 question, c'est celle de savoir si oui ou non un commandant, par ses

16 omissions, peut au fond se rendre coupable en vertu du 7(1), parce que

17 l'omission va entraîner la commission de l'acte. Je n'y ai pas

18 véritablement réfléchi, mais l'arrêt Blaskic semble la reconnaître cette

19 possibilité comme une éventualité. Là où la responsabilité visée par le

20 7(1) est possible pour omission à partir des faits, mais il faudrait le

21 devoir d'agir, d'après l'arrêt Blaskic. Ce serait pertinent à ce moment là.

22 Le commandant a le devoir d'agir, et ce serait pertinent.

23 Ce sont là, comment dire, des actes de commission. Je n'ai pas

24 d'autres mots. En vertu du 7(1), parce qu'on encourage, on cause, on

25 contribue à ce que certains événements se produisent. Deux possibilités.

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1 D'après le 7(3), c'est une forme différente de responsabilité. Vous le

2 savez parfaitement, Monsieur le Juge, où là, c'est avantage de

3 responsabilité pénale d'un commandant, vu les circonstances spécifiques

4 dans lesquelles un commandant se trouve en temps de guerre, vu le droit

5 international humanitaire et parce qu'il n'aurait pas agi. A ce moment là,

6 c'est une responsabilité. Il a le devoir d'agir, ce qui est prévu par les

7 Articles 86 et 87 du premier protocole additionnel par le 7(3), et le

8 manquement à l'obligation d'agir entraîne la responsabilité pénale.

9 M. JUGE SHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie.

10 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Le Juge Shahabuddeen, s'il

11 vous plaît.

12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous soumets

13 ceci : la question de la double condamnation en application des alinéas

14 7(1) et 7(3) du Statut. En fait, elle a comme pivot la question du manque

15 de logique. Il y a le fait d'ordonner un acte et le fait d'être condamné

16 pour ne pas avoir empêché ou sanctionné la commission dudit acte. Elle

17 présuppose qu'en fait l'accusé, il est participant du crime principal, et

18 on dit, ce n'est pas logique de dire s'il est particeps au même crime il

19 est en même temps responsable parce qu'il n'a pas empêché que soit exécuté

20 ce que ce même homme a ordonné. Il n'a pas puni l'auteur non plus. Est-ce

21 que ce concept du manque de logique sur lequel s'appuie cette hypothèse,

22 est-ce que ceci aurait une application dans un cas où l'appelant est

23 condamné pour avoir aidé et encouragé ? Parce que si je me souviens bien de

24 la jurisprudence, lorsque vous avez le fait d'aider et d'encourager, on ne

25 dit pas que vous étiez particeps au crime principal, simplement que vous

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1 étiez au courant du fait que l'auteur avait l'intention de commettre cet

2 acte. Que me répondez-vous à cela ?

3 M. FARRELL : [interprétation] Vous parlez du manque de logique. Je sais

4 qu'il y a la jurisprudence du Tribunal dans l'arrêt Blaskic à cet égard.

5 Cela revient, au fond, à mon humble avis, à l'une ou l'autre chose. Si vous

6 prenez comme facteur décisif la participation en tant que 7(1), le fait

7 d'aider et d'encourager c'est une autre forme de participation visée par le

8 7(1), similaire d'ordonner. Vous êtes participant. Vous faites, vous

9 commettez cet acte en encourageant. Vous prenez des mesures pour veiller à

10 ce que l'acte en question soit accompli. Si c'est là le critère retenu, la

11 responsabilité pour le fait d'aider et d'encourager en vertu du 7(1) ne

12 serait pas logique, vu de concert avec le 7(3), parce que si vous donnez un

13 ordre on ne peut pas vous juger responsable pour un acte qui a été commis

14 et responsable en vertu du 7(3) pour ne pas avoir arrêté quelque chose que

15 vous auriez encouragé.

16 Je pense que le facteur décisif, et excusez-moi si je n'ai pas réfléchi

17 suffisamment à la question.

18 M. JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Non.

19 M. FARRELL : [interprétation] Si le facteur décisif, ce sont les éléments

20 visés par le 7(1), et dans ce facteur décisif, en vertu du 7(1), c'est que

21 vous devriez être animé de l'attention délictueuse spécifique, l'attention

22 d'ordonner ce crime, il ne serait donc pas logique de vous punir parce que

23 vous auriez empêché que vos propres ordres ne soient pas respectés. Si vous

24 avez cette attention particulière, à ce moment-là, le fait d'aider et

25 d'encourager, a une intention moindre, il y aurait peut-être une

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1 distinction. Mais ce n'est pas très logique, parce que le critère Blaskic,

2 pour le fait, on ordonne qu'un acte soit commis ou vous ordonnez quelque

3 chose, vous savez que ceci va peut-être entraîner un résultat. Il y a en

4 fait ces deux dolus eventualis vous ordonnez à cette forme. Ou vous savez

5 ce que cela va donner. Vous avez l'intention ou vous savez qu'il est

6 probable, vu cet ordre, qu'un crime ou un acte va se commettre. Si vous

7 prenez ces deux formes, la dernière est une forme moindre de mens rea

8 d'attention délictueuse pour ce qui est de la connaissance qu'on a de la

9 plus grande probabilité. Il me semblerait illogique de ne pas être reconnu

10 coupable pour une forme moindre de 7(1). Vous ne pouvez pas être tenu

11 coupable pour le 7(3) parce que c'est une forme d'ordre, mais à ce moment-

12 là vous pourriez être retenu coupable pour le 7(1). C'est tout ce que je

13 peux faire.

14 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Voici comment je comprends

15 vos arguments : Vous pensez que le fait d'aider et d'encourager est au fond

16 assimilable au fait d'ordonner.

17 M. FARRELL : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Puis vous prenez cette

19 question du manque de logique que vous étudiez sous cet ordre ?

20 M. FARRELL : [interprétation] Oui, sous forme d'aide et

21 d'encouragement.

22 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Si on voulait établir une

23 distinction entre le 7(1), aider et encourager, le 7(3) ordonner, est-ce

24 qu'il ne demeurerait ce manque de logique ?

25 M. FARRELL : [interprétation] En fonction de la distinction. Je ne

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1 peux pas aller jusqu'au bout de mon raisonnement. Mais s'il y avait une

2 distinction, il n'y aurait pas de maque de logique parce qu'on ne peut pas

3 participer en 7(1) et être responsable parce qu'on n'aurait pas empêché

4 cette participation, le 7(3). Mais s'il y a une distinction, à ce moment

5 là, il n'y a plus d'absence de logique.

6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Prenons un autre aspect de

7 votre argumentation tout à fait érudite et savante. Se pose la question des

8 actes antécédents, antérieurs au 6, ceux d'octobre. C'est consigné dans le

9 dossier le substitut en première instance a dit que l'omission du

10 commandant était-elle qu'il avait aidé et encouragé aux événements du 6,

11 ceci se trouve à la page 200 du compte rendu. Mais je tiens compte de ce

12 que vous avez dit, à savoir que le conseil allait peut-être mal parler, pas

13 bien exprimer sa pensée, mais c'est quand même ce qui est consigné au

14 dossier de l'espèce. Mais à la page 198, il est tout à fait clair et il dit

15 que ceci n'est pas repris dans le chef d'accusation. C'est tout à fait

16 clair. Il dit voilà, ce comportement, c'est le fait d'aider et

17 d'encourager, mais cela ne relève pas du chef retenu contre l'accusé.

18 Y aurait-il une quelconque raison de penser que la Chambre de

19 première instance aurait abordé cette question différemment ? Je vous l'ai

20 dit le conseil de la Défense a marqué son accord avec la position adoptée

21 par l'Accusation, avec le contexte présenté par l'Accusation. Puis, vous

22 prenez le paragraphe 57 du jugement portant condamnation. Prenez la

23 première phrase. C'est la Chambre de première instance qui parle et qui dit

24 : "L'accord sur le plaidoyer et les conclusions présentées ultérieurement

25 indiquent que les parties considèrent que Miodrag Jokic est responsable des

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1 événements du 6 décembre 1991, au regard pour partie de l'Article 7(1) et

2 pour partie de son Article 7(3)." La Chambre de première instance est

3 limpide la question se borne à l'examen de son comportement criminel le

4 6 décembre.

5 Si vous prenez la première phrase du paragraphe 58, voici ce qu'elle

6 dit : "une partie des agissements de Miodrag Jokic, en particulier certains

7 de ses actes et omissions avant le bombardement par les forces de la JNA,

8 le 6 décembre 1991, dans les circonstances particulières de l'espèce, sont

9 à juste titre qualifiés de complicité, dans la mesure où ils ont eu un

10 effet déterminant sur la perpétration des crimes en cause." Attachez-vous à

11 ce terme : "crimes". Apparemment, la Chambre de première instance fait une

12 distinction entre les crimes dont elle est saisie et les actes précédents.

13 Comment réagissez-vous à cela, est-ce que la Chambre de première instance

14 avait à l'esprit que sa compétence en matière de sanction se limitait aux

15 crimes en tant que tels commis le 6, alors que les actes antérieurs

16 n'étaient pertinents que dans la mesure où ils expliquaient ces crimes ?

17 M. FARRELL : [interprétation] Dans ces termes généraux, je serais assez

18 d'accord. Mais permettez moi de dire ceci : la première question qui se

19 pose, et je fais un peu marche arrière, c'est celle de savoir si la Chambre

20 a conclu qu'il avait été complice par ses omissions antérieures, donc

21 complice des actes et des crimes commis en novembre; là c'est très clair,

22 c'est non. Si vous vous concentrez sur le terme "crimes", effectivement, à

23 juste titre on s'intéresse aux crimes du 6 décembre. A mon avis, la Chambre

24 de première instance a dit voilà : nous n'allons pas examiner les crimes

25 antérieurs, ce qui est d'avis en guise de complicité pour les crimes

Page 356

1 antérieurs. Ce qui nous intéresse ce sont uniquement les crimes du 6

2 décembre. Là nous sommes tout à fait d'accord.

3 Puis la Chambre de première instance s'est demandée ce qu'elle peut

4 voir comme élément ayant contribué aux actes du 6. Elle a examiné ces actes

5 antérieurs, et je le concède, c'est tout à fait conforme avec nos

6 conclusions en matière de fixation de la peine. Puis, on dit que la

7 contribution, qui serait constitutive de complicité, ce sont des actes

8 antérieurs, mais se limitent aux crimes dont il est accusé pour le 6, c'est

9 comme cela que je lis le jugement, et c'est tout à fait conforme, Monsieur

10 le Juge, si je ne me trompe pas avec ce que vous avez dit.

11 La difficulté, c'est que si on fait une lecture au sens strict de

12 l'acte d'accusation, on dit qu'il n'est responsable que des omissions

13 survenues le 6, et pas pour les omissions survenues avant le 6. Par

14 conséquent, la Chambre était face à un dilemme : qu'allait-elle faire des

15 actes antérieurs au 6 décembre ? A mon humble avis, il se peut que ce ne

16 soit pas tout à fait la Chambre de première instance, mais elle aurait

17 essayé de donner un certain sens au fait qu'il y avait pour les mêmes

18 faits, invocation des Articles 7(1) et 7(3) -- omissions du 6. La Chambre a

19 scindé ceci pour voir quels étaient les éléments qui relevaient du 7(1) et

20 ceux qui relevaient du 7(3).

21 De la façon dont je lis l'acte d'accusation, la Chambre aurait pu

22 examiner les actes antérieurs, comme étant des éléments de contexte

23 intervenant pour informer l'accusé de la nécessité ou des raisons de savoir

24 pourquoi il devait agir le 6. Mais il ne peut pas être tenu responsable, vu

25 la portée très limitée de l'acte d'accusation lui-même, pour les actes

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1 antérieurs, parce qu'ils ne font pas partie de l'actus reus en tant que

2 tel. Ils interviennent pour établir le contexte dans lequel l'accusé avait

3 alors connaissance le matin du 6, lorsqu'il apprend de l'obligation qu'il

4 avait de faire quelque chose, vu ce qu'il savait auparavant.

5 Mme LA JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Il ne me reste plus qu'a vous

6 dire ceci, Monsieur Farrell : la question n'est pas simple, et je vous suis

7 reconnaissant des précisions que vous avez apportées. Je vois là qu'il y a

8 conformité avec la Défense, je vous remercie.

9 M. FARRELL : [aucune interprétation]

10 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Il vous reste quelques

11 minutes.

12 M. FARRELL : [interprétation] Vu le peu de temps qui reste, je vais

13 simplement vous présenter notre thèse, pour ce qui est des autres motifs,

14 et je répondrai à d'éventuelles questions.

15 Si la Chambre d'appel reconnaît que la Chambre de première instance a tenu

16 compte de son degré de participation en tant que mode de responsabilité, en

17 tant que partie de l'actus reus pour des événements antérieurs au 6, à ce

18 moment-là l'Accusation le concède, ce n'était pas reprendre une partie de

19 l'acte d'accusation dans la mesure où la Chambre a tenu compte des

20 événements avant le 6, comme étant des éléments intervenant dans la gravité

21 de l'infraction, ce que la Chambre a fait au paragraphe 41 à 55, section

22 consacrée à la gravité. A ce moment-là effectivement, sa gravité serait

23 inférieure dans une certaine mesure, d'avantage que si c'est limité au 6.

24 Est-ce que ceci a un effet sérieux sur la peine infligée ? Non.

25 Les crimes dont il a été accusé, ce sont les mêmes crimes, les mêmes

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1 infractions, il n'y en a pas de supplémentaires. Il n'est pas reconnu de ce

2 fait responsable d'autres infractions, il n'y a pas un base différente, et

3 si vous prenez ce que le Chambre a utilisé comme facteur, elle n'a pas tenu

4 compte des actes antérieurs comme étant des éléments aggravants, elle n'a

5 pas tenu compte d'un aspect de continuité, elle n'a pas dit que cela

6 s'était passé sur une période assez longue.

7 Elle s'est intéressée uniquement aux éléments du 6. Là, il a été à

8 juste titre reconnu coupable, et aux omissions ou contributions parce

9 qu'il n'a pas pris des mesures le 6.

10 Pour ce qui est du deuxième motif d'appel, la position de la Défense

11 est que les articles 142 et 148 ne sont pas applicables, parce qu'ils ne

12 correspondent pas à la responsabilité criminelle, pour ce qui est d'aider

13 et d'encourager, ou la responsabilité des supérieurs, la responsabilité

14 hiérarchique, qui suit les lignes de l'Article 7, paragraphe 3. Si je

15 comprends leur proposition, c'est que puisqu'il n'y a pas de base pour la

16 responsabilité du supérieur, ou pour aider et encourager dans le contexte

17 de l'espèce, il n'y également pas de condamnation pour lesquelles la

18 Chambre de première instance pourrait tirer des directives, et que cette

19 sentence de 5 à 15 ans serait ce qui a été conclu en vertu de l'Article 142

20 du code pénal yougoslave, qui serait ainsi inapplicable. L'Accusation

21 répond à ce moment-là; je vais essayer de le résumer; pour commencer, les

22 lois de l'ex-Yougoslavie sont considérées comme étant les directives

23 générales, il n'est pas nécessaire à mon avis de trouver exactement les

24 dispositions parallèles, ayant exactement les mêmes modes de

25 responsabilités pour déterminer ensuite quelle est la peine qui serait

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1 prononcée sur cette base. L'approche est de nature comparative, qui exige

2 que la Chambre examine d'une façon générale ces dispositions, et pour voir

3 si oui ou non ce type de comportement est considéré comme criminel.

4 Comme elle a été indiquée par l'arrêt rendu par la Chambre dans

5 l'affaire Blaskic récemment ou par l'arrêt de la Chambre dans l'affaire

6 Dragan Nikolic, elle cause des différentes très importantes entre les

7 systèmes pénaux de l'Accusation nationale, de la nature, de la portée et

8 l'étendue des infractions jugées devant le Tribunal international, ne

9 permet pas une application automatique des pratiques en matière de prononcé

10 de peine, et ne permet pas de les répliquer de façon exacte, notamment en

11 ce qu concerne les modes de responsabilité par rapport aux crimes. Je

12 voudrais dire que ceci évidemment est parfaitement logique si vous regardez

13 la décision rendue par la Chambre de première instance, notamment le

14 jugement de la Chambre de première instance dans l'affaire Nikolic, vous

15 verrez que chacune de ces Chambres reconnaît qu'il n'y a pas de crimes

16 prévus dans le code pénal de la SFRY, en particulier pour des crimes contre

17 l'humanité, et non pas les éléments concernant un comportement généralisé

18 systématique, mais les Chambres de première instance, dans ces trois cas,

19 ont dit qu'elle reconnaissait qu'il n'y avait pas de crime spécifique

20 contre l'humanité dans le code yougoslave, mais nous voyons qu'il y avait

21 un comportement analogue ou similaire. Je soutiens que la Chambre de

22 première instance a eu raison d'agir comme elle l'a fait dans cette

23 circonstance.

24 En ce qui concerne les arguments qui ont trait, à savoir, si oui ou

25 non le droit de l'ex-Yougoslavie aurait considéré leurs comportements comme

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1 criminels, à mon avis, la Chambre devrait aller dans cette direction

2 spécifique. La Chambre de première instance était saisie des Articles 142,

3 148 et 151. Maintenant, avec le code complet devant nous, je comprends

4 qu'il y a une disposition qui en fait concerne le fait d'aider et

5 d'encourager, à savoir l'Article 24, et que ceci a été évoqué par mon

6 confrère, à savoir si oui ou non l'Article 24 s'appliquerait de façon

7 stricte, à cause de son interprétation de cet Article 24, qui

8 s'appliquerait uniquement à des actes positifs, et non pas à des omissions,

9 et par conséquent, une application différente de l'Article 7(1). Ceci nous

10 amène à regarder les règles auxquelles il est fait référence par la Chambre

11 de première instance, la réglementation applicable en temps de guerre,

12 l'Article 21 qui parle des obligations, et ceci constituerait une forme de

13 devoir tel qu'il répondrait aux exigences de l'Article 24 pour ce qui est

14 d'aider et d'encourager. Enfin, je relève qu'il y a un Article 30 qui dit

15 que le code yougoslave interprète la commission comme incluant également

16 les omissions, là où il y a devoir d'agir. Si tel est le cas à ce moment-

17 là, il y a un cadre général qui est semblable au nôtre, il n'est pas peut-

18 être exactement le même, mais les modes de pensée peuvent être considérés

19 comme étant différents, mais en fin de compte, la question est de savoir si

20 oui ou non il y a quelque chose de comparable qui permette de donner

21 quelques directives à la Chambre. A cet égard, je voudrais soutenir qu'il

22 n'y a pas eu d'erreur commise par la Chambre de première instance, pour ce

23 qui était de rechercher des dispositions analogues ou similaires.

24 Enfin, en ce qui concerne le chef d'accusation 7, la question de savoir

25 comment il a été tenu compte de la coopération après la condamnation,

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1 j'aurais trois remarques à faire et un commentaire supplémentaire.

2 Le premier point que la Chambre d'appel devrait examiner comme étant des

3 éléments de preuve supplémentaires, c'est qu'il n'y a pas d'allégations

4 dans ce mémoire selon lequel la Chambre de première instance aurait commis

5 une erreur. Par conséquent, il n'y a pas d'allégation d'erreur par la

6 Chambre de première instance, en ce qui concerne le fait de ne pas avoir

7 pris en considération la conduite prévue, après le prononcé de la peine,

8 mais le chef d'accusation 7 dépend de savoir si votre Chambre prend en

9 considération les éléments de preuve supplémentaires, à partir desquels

10 vous pourriez déterminer si oui ou non, la quantité et la qualité de

11 coopération est plus grande que celle qui avait été prise en considération

12 par la Chambre de première instance. Cela, c'est le premier point.

13 Deuxièmement, il n'y a pas de documentation à ce sujet qui vous permette de

14 vous déterminer là-dessus -- la requête visant à autoriser les éléments de

15 preuve supplémentaires a été rejetée. Par conséquent, vous n'êtes saisi

16 d'aucun document sur lequel vous pourriez exercer un examen de ce genre.

17 Le deuxième point --

18 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Monsieur Farrell, je

19 voudrais vous dire que vous n'avez plus que trois minutes.

20 M. FARRELL : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Présidente. Le

21 deuxième point, c'est que la portée et la nature de la déposition était

22 prévue, à la fois par l'Accusation et par la Chambre de première instance.

23 Troisièmement, votre Chambre, dans sa décision concernant les

24 éléments de preuve supplémentaires, a conclu que la preuve de la

25 coopération et de l'application des termes de l'accord de plaidoyer, qui

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1 était compris dans les questions concernant le comportement après le

2 prononcé de la peine, est une question qui avait déjà été prise en

3 considération par la Chambre de première instance.

4 Le commentaire supplémentaire que je voudrais faire a trait à la

5 question posée par Mme la Juge Mumba, en ce qui concerne une question de

6 procédure. Dans des situations dans lesquelles il y a un comportement après

7 le prononcé de la peine, et qui permettrait à la Chambre d'appel de le

8 prendre en considération, à mon avis, le comportement après la prononcé de

9 la peine que vous pourriez prendre en considération pourrait être seulement

10 de deux types, notamment, s'il n'y avait pas eu application, si l'intéressé

11 n'avait pas coopéré comme il était prévu dans l'accord de plaidoyer. Si tel

12 était le cas, je dirais qu'à ce moment-là, ceci devrait être interprété

13 vertu de l'Article 115, Madame la Juge Mumba, et pas par le fait d'un

14 constat judiciaire. Je pense que la Chambre d'appel, dans l'affaire

15 Nikolic, a récemment décidé que c'était une question de décision judiciaire

16 et non pas de preuve, et que ce n'était pas une base d'admissibilité pour

17 les éléments de preuve qui seraient portés devant la Chambre, et qui

18 doivent correspondre aux critères de recevabilité, et ensuite la question

19 se pose de la façon dont c'est présenté.

20 Excusez-moi, je suis désolé d'avoir pris si longtemps.

21 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] C'était très exactement 30

22 minutes. Je suis informé par le fait que le technicien doit changer la

23 bobine d'enregistrement. Donc, nous allons nous arrêter pendant une minute.

24 Je voudrais demander aux interprètes s'ils ont besoin d'une suspension ou

25 si nous pouvons poursuivre.

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1 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

2 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous pouvons reprendre, Madame la

4 Présidente.

5 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

6 Maintenant je m'adresse à mes collègues; voulez-vous poser des questions ?

7 M. LE JUGE O'SULLIVAN : [interprétation] Vous avez maintenant 10 minutes.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Madame la Présidente. Je

9 souhaiterais simplement faire une remarque. La Chambre a eu la possibilité

10 d'avoir des conclusions écrites complètes, présentées par les parties sur

11 toutes les questions dans les mémoires initiaux et originaux, et une

12 réponse et une réplique. Je voudrais simplement inviter la Chambre a

13 reconnaître qu'en ce qui concerne le premier moyen d'appel, en ce qui

14 concerne la portée de l'acte d'accusation et de l'accord de plaidoyer,

15 l'erreur que nous avons identifiée dans nos conclusions écrites, était une

16 erreur de droit qui a eu une incidence directe sur la culpabilité au pénal

17 de M. Jokic, et par conséquent, a eu une incidence directe sur la peine qui

18 a été prononcée à son encontre. J'invite la Chambre, lorsqu'elle examinera

19 l'ensemble de la documentation du dossier, de reconnaître que l'Accusation

20 a reconnu cette erreur, que cette erreur est essentielle et va au cœur du

21 degré de responsabilité personnelle, que l'Accusation reconnaît et constate

22 également que cette conclusion a dû avoir une incidence sur la peine

23 prononcée.

24 Ce sont les seules remarques supplémentaires que je souhaite faire,

25 et avec voter permission, Monsieur Jokic souhaiterait maintenant s'adresser

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1 brièvement à la Chambre.

2 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie.

3 Monsieur Jokic, vous avez maintenant dix minutes pour vous adresser à

4 la Chambre. Je dois vous rappeler que la dernière conférence de mise en

5 état s'est tenue le 18 novembre 2004, et que conformément aux dispositions

6 de l'Article 65 bis (B) du Règlement, la prochaine conférence de mise en

7 état devrait avoir lieu 120 jours plus tard. L'appel a été prévu comme

8 devant avoir lieu le 14 mars. Toutefois, en raison de l'absence de l'un des

9 Juges, l'audience a été reportée. Après avoir consulté les conseils de

10 l'appelant, il a été confirmé qu'il n'y avait pas de question à évoquer au

11 titre de l'Article 65 bis (B).

12 Néanmoins, vous pouvez maintenant, si vous le souhaitez, saisir cette

13 occasion pour exprimer toute préoccupation que vous pourriez avoir

14 concernant l'appel, les conditions de détention et votre santé. Vous avez

15 la parole.

16 L'APPELANT : [interprétation] Je n'ai aucun grief de cette nature à

17 présenter, Madame la Présidente. Je voudrais simplement m'adresser à vous

18 en ce qui concerne mon appel.

19 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, je suis maintenant encore

20 plus convaincu du fait que ma reconnaissance de culpabilité pour les

21 événements du 6 décembre de 1991 à Dubrovnik, est l'expression de la

22 conscience de l'humanité et de la responsabilité pour les victimes civiles

23 et pour les destructions de monuments culturels dans la vieille ville de

24 Dubrovnik. En tout état de cause, c'était la chose qu'il convenait de

25 faire. C'est la chose honorable à faire.

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1 Je crois que seul le fait de faire face à ces responsabilités peut

2 conduire à une réconciliation et à une coexistence pour les peuples qui se

3 trouvent sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Je regrette profondément

4 toutes les pertes en soldats et en civils qui ont été victimes des deux

5 côtés et qui sont morts à la suite des actions de certains officiers qui se

6 trouvaient sous mon commandement et des unités qui m'étaient subordonnées

7 et qui ont ainsi violé les lois et coutumes de la guerre.

8 Par-dessus tout cela, je suis profondément conscient de ma propre

9 responsabilité de ne pas avoir pu assurer des conditions qui auraient pu

10 empêcher le bombardement de la vieille ville, et après que ce bombardement

11 ait eu lieu, pour ne pas avoir fait procédé à une enquête qui convenait

12 afin de punir les auteurs.

13 J'espère et je crois que l'exemple que je donne en acceptant ma

14 responsabilité pourra servir de modèle à d'autres et pourra aider toutes

15 les personnes de bonnes volontés à restaurer la confiance et la coopération

16 dans le territoire de l'ex-Yougoslavie.

17 Madame la Présidente et Messieurs les Juges, je vous remercie de votre

18 attention.

19 Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

20 Vous pouvez vous asseoir, Monsieur Jokic.

21 Je vous remercie pour tout ce que vous avez dit. Nous avons fini d'entendre

22 les plaidoiries en l'espèce, et je voudrais exprimer ma reconnaissance à

23 tous, conseils, interprètes et tous le personnel qui a aidé à l'audience

24 pour l'aide qui a été donnée à la Chambre.

25 Je lève la séance et la Chambre va examiner, va délibérer en vue de son

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1 arrêt qui sera rendu en temps utile.

2 --- L'audience d'appel est levée à 11 heures 27.

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