Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 27 novembre 2006

  2   [L'accusé est absent]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 11 heures 21.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav

  9   Seselj.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 11   J'aimerais qu'il y ait d'abord les présentations de la part de

 12   l'Accusation.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour

 14   l'Accusation, M. Dan Saxon, Mlle Melissa Pack. Mon nom est Hildegard Uertz-

 15   Retzlaff, et nous avons à nos côtés Ana Katalinic, notre commis à

 16   l'affaire.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et pour la Défense ?

 18   M. HOOPER : [interprétation] Nous sommes des conseils commis d'office,

 19   David Cooper et moi-même, M. Andreas O'Shea et notre commis à l'affaire,

 20   Mlle Lea Kulinowski.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Hooper.

 22   L'accusé n'est pas présent à l'occasion de la Conférence préalable au

 23   procès ce matin. La Chambre a été informée des raisons de son absence, de

 24   ce fait la Chambre estime que de son avis, il convient de continuer même en

 25   l'absence de l'accusé. Toutefois, avant qu'il ne soit rendu une décision

 26   finale à ce sujet, je voudrais savoir si l'une quelconque des parties

 27   aurait des arguments à présenter à ce sujet. Si c'est le cas, vous êtes

 28   conviés à le faire.


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  1   Madame Uertz-Retzlaff.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hooper.

  4   [Le conseil de la Défense se concerte]

  5   M. HOOPER : [interprétation] Ce matin, nous avons compris que l'Accusation

  6   était censée présenter son discours liminaire, c'est un point ou un élément

  7   que M. Seselj pourra voir au niveau du compte rendu d'audience, au niveau

  8   de l'enregistrement vidéo ou audio qui pourront lui être fournis, nous

  9   n'avons pas d'objection du tout à fournir à ce sujet.

 10   Nous sommes préoccupés en raison de l'état de santé du Dr Seselj. Ce

 11   n'est pas un homme si jeune et nous avons cru comprendre que de par le

 12   passé, compte tenu des activités qui ont été les siennes en Serbie, voire

 13   en ex-Yougoslavie, il aurait souffert de périodes de temps d'emprisonnement

 14   et, dans certaines de ces périodes d'emprisonnement, il a également fait

 15   des grèves de la faim pendant assez longtemps. Ce n'est pas une personne si

 16   jeune et nous sommes préoccupés par son état de santé. Nous comprenons

 17   parfaitement bien le fait qu'il a été examiné par le Dr Falke à l'unité de

 18   détention. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait notamment de

 19   sa perte de poids considérable. C'est là un élément dont il convient de

 20   tenir compte et c'est là l'un des points qui devrait être communiqué aux

 21   Juges de la Chambre parce que, pour autant que j'ai cru le comprendre, il

 22   est en train de faire une grève de la faim, selon les dires de M. le

 23   Greffier. C'est l'un des éléments clés dans de telles circonstances, c'est

 24   une perte de poids considérable qui implique des risques considérables pour

 25   sa santé.

 26   Je ne sais pas quel est le régime qui est actuellement en vigueur aux

 27   fins de permettre à la Chambre de prendre connaissance de la situation dans

 28   laquelle se trouve le Dr Seselj. Nous croyons comprendre que c'est le


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  1   Greffier qui obtient des rapports au quotidien et nous croyons savoir

  2   également que cela est véhiculé vers les Juges de la Chambre.

  3   C'est tout ce que j'aurais à dire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Hooper. Je comprends par

  5   cela que vous n'avez pas d'objection à formuler pour ce qui est de voir les

  6   Juges de la Chambre continuer en l'absence de l'accusé, du moins pour ce

  7   qui est de la journée d'aujourd'hui, comme vous l'avez dit. Je me propose

  8   de revenir aux quelques propos que vous avez tenus tout à l'heure.

  9   Avant que de rendre une décision, la Chambre se propose de poursuivre en

 10   l'absence de l'accusé, j'ai cru comprendre que l'Accusation allait entamer

 11   ses propos liminaires. Je ne suis toutefois pas certain du tout, Maître

 12   Hooper, du fait que M. Seselj ait exprimé auparavant un souhait aux fins de

 13   reporter à plus tard ces discours liminaires. Ce que je voulais dire, ce

 14   que vous devez avoir eu à l'esprit, c'est que nous puissions entendre les

 15   discours liminaires et que M. Seselj puisse être présent demain dans la

 16   salle d'audience afin qu'il fasse sa déclaration non présentée sous

 17   serment, à moins que vous, en votre qualité de conseil commis d'office,

 18   vous préféreriez que ces déclarations de M. Seselj soient reportées à plus

 19   tard.

 20   M. HOOPER : [interprétation] Oui, bien entendu, la Défense a cette option

 21   qui est celle de demander à ce que ce soit reporté à plus tard une fois que

 22   nous aurons entendu le discours liminaire de l'Accusation.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes.

 24   M. HOOPER : [interprétation] Dans cette situation, en la situation

 25   présente, je ne peux pas faire ce discours liminaire parce que je ne

 26   voudrais pas m'interférer dans ce que M. Seselj avait pris comme position

 27   puisqu'il avait estimé qu'il était de son droit de faire cette déclaration

 28   à un moment qui lui semblerait être opportun.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je voudrais dire, c'est que M.

  2   Seselj, suivant la décision prise par la Chambre, peut faire cette

  3   déclaration sans prêter serment au début. Il a également le droit, ou

  4   plutôt la Défense a le droit de tenir un discours liminaire. Comme je l'ai

  5   déjà précisé ce matin, M. Seselj n'est pas momentanément en situation de

  6   s'adresser directement à la Chambre. Bien entendu, s'il souhaite participer

  7   à ce qui se passe, il peut passer par vous pour le faire. Nous nous

  8   attendons à ce que cette déclaration liminaire soit faite par l'Accusation.

  9   Soit que nous ayons par la suite l'occasion d'entendre la déclaration

 10   non faite sous serment par M. Seselj, ou alors s'il ne souhaite pas

 11   comparaître et s'il ne souhaite pas faire la déclaration susmentionnée,

 12   nous pourrons commencer à entendre les témoignages au début décembre.

 13   M. HOOPER : [interprétation] Oui. La position à ce moment-ci, et les Juges

 14   de la Chambre le savent, c'est que nous n'avons pas eu du tout de contacts

 15   entre nous-mêmes et le Dr Seselj. Je ne vois pas de modifications

 16   imminentes de la situation telle qu'elle se présente. Nous nous proposons

 17   d'essayer d'établir un contact cet après-midi. Ce que j'ai cru comprendre,

 18   c'est que l'on ne s'attend pas du tout à ce que l'Accusation en termine

 19   avec son discours liminaire dès aujourd'hui, si je ne me trompe pas.

 20   Toujours est-il que nous allons de façon évidente poursuivre demain. Dans

 21   le cadre du temps imparti, peut-être pourrions-nous nous repencher sur la

 22   situation, bien que je ne pense pas que nous soyons à présent en position

 23   de tenir un discours liminaire. Peut-être pourrions-nous en reparler demain

 24   --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes.

 26   M. HOOPER : [interprétation] -- peut-être à la lumière de ce que nous

 27   allons apprendre aujourd'hui. De façon évidente, le Dr Seselj sera convié,

 28   si audience il y a demain, d'être présent.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr.

  2   M. HOOPER : [interprétation] Nous allons, bien entendu, essayer de mettre à

  3   profit toute l'opportunité pour le contacter.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Les Juges de la Chambre estiment

  5   que non seulement M. Seselj a le droit, mais les Juges de la Chambre

  6   souhaiteraient que M. Seselj soit présent dans la salle d'audience parce

  7   que cela servirait au mieux les intérêts de la justice.

  8   Ceci étant tiré au clair, je tiens à informer les parties en présence que

  9   si nous venions à ne pas avoir suffisamment de temps, Madame Uertz-

 10   Retzlaff, vous auriez la possibilité de continuer demain. Demain, nous

 11   pourrions ne pas siéger toute la matinée. Nous devrons interrompre après la

 12   deuxième pause, probablement. Etant donné que M. Seselj se verra attribuer

 13   un certain temps, nous pourrions continuer vendredi dans l'après-midi, non

 14   pas mercredi, non pas jeudi, mais vendredi dans l'après-midi.

 15   C'est alors que je rendrai une décision de la Chambre pour ce qui est de la

 16   continuation de la procédure en l'absence de l'accusé.

 17   Les Juges de la Chambre ont constaté que l'accusé avait parfaitement

 18   conscience du fait que ce procès allait commencer aujourd'hui. L'accusé a

 19   communiqué une demande, quoi qu'il ne l'ait fait pas directement à la

 20   Chambre, visant à faire modifier certaines décisions prises auparavant par

 21   les Juges de la Chambre. Parmi ces décisions, il y en a qui requièrent une

 22   voie légale pour ce qui est de les contester, ces voies sont encore

 23   accessibles à l'accusé. De façon apparente, l'accusé cherche à exercer des

 24   pressions visant à faire réaliser ses demandes en refusant de prendre la

 25   nourriture qui lui est servie par l'unité de détention des Nations Unies.

 26   Cela a résulté, d'après ce que les Juges de la Chambre ont compris, par une

 27   détérioration de son état de santé.

 28   L'absence de l'accusé est due sinon à cette décision délibérée de ne pas


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  1   comparaître, du moins à son état physique détérioré, mais cela ne saurait

  2   être accepté par les Juges de la Chambre comme raison d'ajournement d'un

  3   démarrage de ce procès.

  4   En sus de cette décision-là, la Chambre exprime son regret de voir l'accusé

  5   absent dès le démarrage du procès, et comme je l'ai dit tout à l'heure, les

  6   Juges de la Chambre expriment leurs préoccupations dues par les

  7   conséquences de la décision de l'accusé de refuser de prendre la nourriture

  8   qui lui est servie à l'UNDU et de prendre ses médicaments, chose qui est

  9   préjudiciable à sa condition physique.

 10   Les Juges de la Chambre encouragent l'accusé à emprunter une voie de

 11   droit s'il cherche à contester les décisions rendues par les Juges de la

 12   Chambre de première instance, décisions déjà prises.

 13   En réponse à l'une des questions que vous avez évoquée, Maître

 14   Hooper, la Chambre convie le Greffe à informer de façon régulière, à des

 15   intervalles réguliers, de toute évolution de la situation concernant la

 16   condition ou l'état physique de l'accusé. Au cas où il y aurait besoin d'en

 17   débattre ultérieurement dans ce prétoire, nous allons prêter une oreille

 18   attentive à ce que vous direz ou à ce que dira l'Accusation, voire encore

 19   prendrons-nous nous-mêmes l'initiative de soulever la question. La Chambre

 20   confie tout d'abord le soin de prendre soins de l'état de santé de l'accusé

 21   aux autorités médicales qui se trouvent présentes à l'unité de détention

 22   ainsi que le Greffe de ce Tribunal.

 23   Ceci étant pris en considération en guise de question préliminaire,

 24   Madame Uertz-Retzlaff, je vous convierais à faire votre discours liminaire

 25   au nom de l'Accusation.

 26   [Déclaration liminaire de l'Accusation]

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Messieurs les Juges, cette affaire tire ses origines dans le


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  1   processus de désintégration de l'ex-Yougoslavie et de l'émergence de 

  2   nouveaux Etats indépendants dont la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

  3   Ceci est une affaire portant sur les leaders serbes parmi lesquels

  4   figurent l'accusé Vojislav Seselj, en Serbie-et-Monténégro tout comme en

  5   Croatie et en Bosnie-Herzégovine, leaders qui ont résisté à ce processus et

  6   insisté pour que leur vision d'un Etat à l'intention de tous les Serbes,

  7   une nouvelle Yougoslavie, ou comme l'a dit l'accusé, une Grande-Serbie se

  8   devrait de prévaloir à tout prix. Comme il y avait de moins en moins de

  9   chances de voir se réaliser leurs objectifs par des négociations, lesdits

 10   chefs politiques ont eu recours à une politique de la violence en évoquant

 11   des comptes non réglés de longue date aux fins d'instiller la haine ou la

 12   peur parmi leur population et de les inciter à commettre des violences à

 13   l'encontre de leurs voisins. Cette politique ethnocentrique est devenue la

 14   politique de la séparation où la souffrance de l'ennemi, à savoir de la

 15   population croate et musulmane tout comme des autres non-Serbes, a été

 16   considérée comme étant un prix élevé mais nécessaire pour ce qui est de la

 17   réalisation de l'aboutissement à l'objectif d'un nouvel Etat serbe. Ces

 18   événements ont été regrettables et le terme de "nettoyage ethnique" est

 19   devenu un terme utilisé de façon commune.

 20   Je vais me référer à la pièce à conviction 4299 [comme interprété],

 21   un rapport du rapporteur spécial de la Commission des Nations Unies aux

 22   droits de l'homme daté du 27 octobre 1992. Monsieur le Président, ma

 23   collègue Mme Katalinic va toujours vous montrer les pièces à conviction

 24   dont je parle sur les écrans.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous n'avons toujours

 26   pas ces pièces à conviction. J'imagine que nous avons des numéros ERN à cet

 27   effet. D'après ce que j'ai cru comprendre, là je suis assez novice en

 28   matière d'affichage électronique, mais dès que vous aurez à présenter un


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  1   document nouveau, j'aimerais que vous nous communiquiez un numéro

  2   d'identification afin que cette pièce soit versée au dossier et devienne

  3   une pièce à conviction.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons

  5   pas de e-court, d'affichage électronique aujourd'hui, mais nous pouvons

  6   procéder par le système d'affichage électronique de la salle d'audience, et

  7   je crois que c'est le bouton ELMO que vous devriez presser devant vous.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois avoir mal compris, parce que

  9   j'ai cru comprendre que l'affichage électronique allait commencer

 10   immédiatement; or, cela ne sera le cas que le deuxième jour.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Si vous appuyez le bouton ELMO qui

 12   est le bouton du rétroprojecteur --

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai des problèmes pratiques, mais

 15   ils viennent d'être surmontés.

 16   Maître Hooper.

 17   M. HOOPER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Peut-être

 18   est-ce là une question que j'aurais dû évoquer dès le début, mais comme le

 19   Dr Seselj n'est pas là, et d'après ce que j'ai pu comprendre, il y a des

 20   installations qu'il pourrait utiliser aux fins de suivre la procédure

 21   d'aujourd'hui. Je ne sais pas si cela se rapporte également aux pièces à

 22   conviction. J'ai cru comprendre qu'il pouvait suivre par vidéo à distance,

 23   mais je ne sais si --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui a été proposé à M. Seselj, pour

 25   autant que je m'en souvienne, c'était de faire en sorte que là où il

 26   recevait les enregistrements vidéo de la procédure en cours, que cela lui

 27   soit mis à disposition, c'est là que l'on pourra également lui montrer tout

 28   ce qui sera présenté sur le rétroprojecteur. Mais cela ne signifie pas


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  1   qu'il pourra toujours garder cela sous son propre contrôle. C'est là une

  2   question qui implique des préoccupations liées à la sécurité et dont a tenu

  3   compte le Greffe. Mais tout ce qui est visible sur nos écrans est également

  4   visible pour M. Seselj.

  5   M. HOOPER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Madame Uertz-

  7   Retzlaff.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous voyez sur vos écrans le rapport

  9   du Rapporteur spécial aux Nations Unies à la tête de la Commission des

 10   Nations Unies aux droits de l'homme, daté du 27 octobre 1992. Au paragraphe

 11   6, il dit : "L'objectif principal du conflit militaire en Bosnie-

 12   Herzégovine vise à faire établir des régions ethniquement homogènes. Les

 13   nettoyages ethniques ne font pas figure de conséquences de la guerre, mais

 14   plutôt d'objectif et l'objectif dans une grande mesure a déjà été réalisé

 15   au travers d'exécutions, de passages à tabac, de viols et de destruction de

 16   maisons, ainsi qu'au moyen de menaces."

 17   Alors le rapport se réfère également à la Bosnie-Herzégovine, et, au

 18   paragraphe 17, il est fait état de conditions de vie intenables à Sarajevo,

 19   il est fait état d'une fosse commune à Vukovar au paragraphe 18 et il fait

 20   état du nettoyage ethnique de non-Serbes en Vojvodine au paragraphe numéro

 21   22 du même rapport. Je reviendrai auxdits événements ultérieurement.

 22   Vojislav Seselj, aux côtés d'autres personnes, a poursuivi l'objectif

 23   de la création d'un Etat serbe homogène au travers de campagnes massives de

 24   persécutions dans des parties de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de

 25   la Serbie elle-même, incluant des exécutions, détentions, déportations,

 26   transferts forcés, pillages, destruction de sites religieux et rasage de

 27   villages ou de hameaux entiers.

 28   Dans cette affaire, l'accusé, Vojislav Seselj, a été un homme


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  1   politique informé, éduqué, un professeur, un homme qui a su calculer, un

  2   nationaliste serbe aux extrêmes, un maître de la manipulation politique

  3   dissimulée derrière une rhétorique patriotique.

  4   A l'occasion de son témoignage dans l'affaire Milosevic, il a dit à

  5   son propre sujet, je me réfère ici à notre pièce à conviction 2828 ainsi

  6   qu'à la session qui s'est tenue le 31 août 2005, où il a dit : "Il n'y a

  7   pas de maître à scandales dans la vie politique serbe qu'au fil de ces 15

  8   dernières années. Quand j'ai besoin de ce type de scandales pour des

  9   intérêts politiques, j'étais la personne qui était à même de le faire de la

 10   façon la plus habile." Vous pouvez le voir au transcript, au compte rendu

 11   d'audience 43 500.

 12   Il a également dit à l'occasion du contre-interrogatoire qu'il a eu

 13   recours à des contrevérités lorsqu'il a conduit une guerre de propagande

 14   politique. Vous pouvez le retrouver aux pages 43 807 et 43 443.

 15   Il a même reconnu que bon nombre de ses déclarations à l'occasion des

 16   événements pertinents pour l'acte d'accusation pouvaient bien ressembler à

 17   une incitation à la guerre. Vous pouvez retrouver cela à la page 43 385 du

 18   compte rendu de l'affaire Milosevic.

 19   Permettez-moi également de vous montrer de quelle façon Vojislav

 20   Seselj s'était présenté lui-même à l'occasion des événements. Vous pouvez

 21   le voir ici en train de porter un couvre-chef serbe avec une cocarde et un

 22   fusil à la main. Il s'agit de la pièce à conviction 632.

 23   A l'occasion des événements pertinents pour ce qui est de l'acte

 24   d'accusation, l'accusé se trouvait être président du Parti radical serbe,

 25   du SRS. C'était une personnalité charismatique conduisant une politique

 26   ultranationaliste visant à promouvoir une Grande-Serbie homogène le long de

 27   ses frontières occidentales suivant une ligne notoirement connue, à savoir

 28   celle de Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica.


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  1   En sus, Vojislav Seselj était à la tête du Mouvement chetnik-serbe,

  2   un mouvement qui, d'après le statut du Parti radical serbe, était membre

  3   collectif de ce même parti et qui était l'aile militaire du SRS pendant le

  4   conflit. En réalité, on pourrait le considérer comme une armée du parti.

  5   Dans l'ordre que nous voyons sur nos écrans à présent, Vojislav Seselj

  6   s'est qualifié - je me réfère notamment à l'ordre 124 datée du 13 mai 1993

  7   - il s'est qualifié de "seul Vojvoda chetnik serbe directement impliqué

  8   dans le mouvement de libération en cours pour la libération du peuple serbe

  9   dans la meilleure des traditions des Chetniks serbes."

 10   A la dernière page du document, il signe comme étant le président de

 11   l'administration patriotique centrale du Mouvement chetnik-serbe, qui est

 12   l'organe le plus éminent dudit mouvement. Pièce à conviction 2015.

 13   Le SRS, à savoir le Mouvement de chetnik-serbe et les volontaires,

 14   avait considéré que c'était leur commandant.

 15   Dans le courant de la présentation de cette affaire, vous allez

 16   entendre des témoignages de la part de témoins et ainsi que voir des

 17   documents concernant les organes du Parti radical serbe et du Mouvement

 18   chetnik-serbe, les deux s'étant situés à Belgrade et dans certaines régions

 19   et étant impliqués dans les événements. Je me réfèrerai aux structures et

 20   aux individus lorsque je parlerai de différents sites.

 21   En ce point-ci, nous voulons dire qu'en dépit de ces organes du SRS

 22   et du Mouvement chetnik-serbe, il n'y avait qu'un seul leader pour les

 23   deux, à savoir Vojislav Seselj. L'accusé se trouvait être informé des

 24   moindres détails de ce qui concernait lesdits organes. C'est lui qui

 25   prenait toutes les décisions. C'était, de par sa nature, un autocrate qui

 26   prenait ses décisions de façon indépendante. Lorsqu'il communiquait avec

 27   les personnes appartenant à son parti ou à ce mouvement, il le faisait en

 28   élevant la voix, en rendant évident que ce qu'il proposait devait être


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  1   réalisé à tout prix.

  2   Dans la présentation de ses éléments de preuve, l'Accusation se

  3   propose de prouver qu'entre autres, Vojislav Seselj avait conduit une

  4   politique visant à expulser les non-Serbes des territoires que l'on disait

  5   être des terres serbes. L'accusé non seulement s'était employé en faveur de

  6   l'expulsion des non-Serbes de certains territoires et non seulement avait-

  7   il incité son audience à en faire de même, mais en sus, il a recruté et a

  8   endoctriné des volontaires pour mettre sur pied une armée du parti qui, de

  9   façon brutale, a réalisé cet objectif. Par ses rhétoriques extrémistes,

 10   l'accusé a attiré bon nombre de jeunes gens qui se sont portés volontaires

 11   et qui ont rejoins d'autres milliers de volontaires du SRS qui ont

 12   participé au conflit en Croatie et Bosnie-Herzégovine, bon nombre d'entre

 13   eux ayant été indisciplinés, violents et même ayant adopté des conduites

 14   criminelles.

 15   L'Accusation se propose de présenter des preuves par écrit et des preuves

 16   verbales indiquant que les discours radicaux de l'accusé avaient non

 17   seulement exercé leur influence au niveau des volontaires au sein du SRS et

 18   du Mouvement chetnik-serbe, mais aussi au niveau des autres volontaires,

 19   des réservistes, des soldats réguliers de la JNA de la VJ et des Serbes

 20   locaux en instillant la haine et la peur.

 21   En sus, nous allons entendre que ces discours radicaux ont également

 22   eu un effet immédiat très important auprès des non-Serbes. Après avoir

 23   entendu les menaces de l'accusé, bon nombre d'entre eux, de ces non-Serbes,

 24   avaient quitté leurs maisons par peur pour leurs vies. Mon collègue, M.

 25   Saxon, va vous parler des aspects de la conduite criminelle de l'accusé

 26   dans le détail ultérieurement.

 27   Toutefois, l'accusé et ses associés au sein du SRS et du Mouvement chetnik-

 28   serbe ont pris part au financement et à l'approvisionnement, au transfert


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  1   et à la conduite des actions des volontaires qui ont participé aux côtés

  2   des autres forces serbes à la persécution des non-Serbes. Dans ce procès,

  3   vous aurez l'occasion d'entendre des témoignages et recevoir une

  4   documentation qui démontreront qu'en sus de la subordination desdits

  5   volontaires au commandant militaire normalement sur place aux niveaux des

  6   sites de conflits, les volontaires se sont trouvés très souvent au sein

  7   d'unités commandées par le SRS, de détachements ou de pelotons qui

  8   présentaient des rapports non seulement aux commandements militaires mais

  9   également aux instances politiques de l'accusé au niveau de ses bureaux du

 10   parti à Belgrade.

 11   Les chefs d'accusions à l'encontre de Vojislav Seselj dans cet acte

 12   d'accusation modifié et amendé portent sur des crimes contre l'humanité,

 13   sur des persécutions, déportation et actes inhumains de transfert forcé. Il

 14   y a six chefs d'accusation portant sur des violations des lois et coutumes

 15   de la guerre, puis il y a meurtre, torture, traitement cruel, destruction

 16   des villages et destruction intentionnelle de sites dédiés au cule

 17   religieux.

 18   L'Accusation affirme que l'accusé en application de l'article 7 (1) du

 19   Statut est responsable desdits crimes puisqu'il a planifié, ordonné, commis

 20   ou encouragé à commettre et planifier la préparation et l'exécution de

 21   ceux-ci.

 22   Lorsqu'il s'agit du terme de "perpétration", l'Accusation affirme que

 23   l'accusé a physiquement commis des crimes de persécution et je me réfère là

 24   au chef numéro 1, parce qu'il a directement et publiquement incité à

 25   dénigrer les autres dans ses discours de Vukovar, Mali Zvornik, et

 26   Hrtkovci; en outre s'agissant des chefs 10 et 11 portant sur la déportation

 27   et les transferts forcés en corrélation avec le discours qu'il a tenu à

 28   Hrtkovci.


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  1   De surcroît, quand l'Accusation emploie le terme de "commettre",

  2   l'Accusation fait référence à sa participation à une entreprise criminelle

  3   commune dont l'objectif c'était de faire partir par la force et de manière

  4   permanente les Croates, les Musulmans et les autres non-Serbes de vastes

  5   zones de Croatie et de Bosnie-Herzégovine qui étaient présentées comme

  6   Serbes et on voulait les faire partir en commettant des crimes.

  7   L'Accusation présentera des éléments de preuve établissant le fait

  8   que les crimes qui sont identifiés à l'acte d'accusation entraient dans le

  9   cadre de l'objectif de l'entreprise criminelle commune. L'Accusation estime

 10   que les crimes d'expulsion et de transfert forcé constituent l'objectif

 11   commun de l'entreprise criminelle commune et que ceci est le cas dès le

 12   départ. Alors que les autres crimes, tels le crime de meurtre, de

 13   détention, de torture, de passages à tabac, d'agressions sexuelles et de

 14   destruction de biens s'inscrivaient dans le cadre de l'entreprise

 15   criminelle commune dès le départ ou sont apparus plus tard vu les

 16   circonstances, mais peu importe. L'Accusation démontrera que ces crimes ont

 17   été adoptés par les membres de l'entreprise criminelle commune pendant les

 18   événements et incorporés au plan criminel. Les éléments de preuve

 19   montreront que l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune n'a

 20   jamais évolué, mais qu'en revanche le modus operandi lui a évolué et qu'en

 21   réalité tous les crimes qui figurent à l'acte d'accusation sont devenus les

 22   moyens criminels par lesquels les membres de l'entreprise criminelle

 23   commune cherchaient à atteindre leur objectif pendant toute la période

 24   couverte par l'Accusation.

 25   Subsidiairement, l'acte d'accusation fait valoir que les crimes

 26   énumérés dans certains des chefs de l'acte d'accusation étaient la

 27   conséquence naturelle et prévisible de l'exécution de l'entreprise

 28   criminelle commune et que Vojislav Seselj avait pleinement conscience des


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  1   conséquences épouvantables qu'aurait la mise en œuvre de l'objectif de

  2   l'entreprise criminelle commune pour les populations non-serbes résidant

  3   dans les zones concernées.

  4   Je souhaiterais à cet effet citer un extrait d'une interview accordée

  5   par l'accusé le 24 mai 1991, ici je fais référence à la pièce 569. Il

  6   revenait de Bosnie-Herzégovine où il avait rencontré Radovan Karadzic

  7   notamment, il déclare la chose suivante, je cite :

  8   "Nous avons déjà déployé plusieurs groupes chetniks à Zagreb ainsi

  9   que dans d'autres villes en Croatie, des groupes qui ont reçu une formation

 10   dans le domaine des activités terroristes et de sabotage. Si on commence à

 11   massacrer les civils serbes, les Chetniks frapperont à Zagreb ainsi que

 12   dans d'autres agglomérations croates et ceci avec toutes leurs forces. Vous

 13   savez quand on se venge, quand on agit en représailles, la vengeance est

 14   aveugle. Il y aurait des victimes innocentes mais que peut-on y faire. Il

 15   faut que les Croates y réfléchissent. Nous, nous n'allons pas frapper en

 16   premier, mais s'ils frappent, peu nous importera où atterrissent nos coups.

 17   A moins que l'armée ne désarme immédiatement les Oustachi beaucoup de sang

 18   va être versé."

 19   "Dans une interview accordée à la radio B92, le 30 septembre 1993," il

 20   s'agit de la pièce 772, "un auditeur demande à Seselj s'il n'est jamais

 21   préoccupé par la population non-Serbe qui est innocente et qui souffre de

 22   ses convictions, des convictions développées par Seselj. Seselj répond :

 23   'Mais pourquoi est-ce que je me sentirais coupable. Il y a tellement de

 24   Serbes innocents qui ont souffert pendant cette guerre et moi il faudrait

 25   que je m'inquiète de ceux qui appartiennent à un peuple ennemi, s'il y a un

 26   d'entre eux devait éventuellement souffrir. Vous savez la guerre c'est une

 27   période de bouleversements, de difficultés et en temps de guerre moi ce

 28   dont je me préoccupe au plus haut point, ce sont les membres de mon


Page 853

  1   peuple.'"

  2   Vojislav Seselj a participé à l'entreprise criminelle commune avec toutes

  3   les personnes et tous les groupes qui sont énumérés au paragraphe 8 de

  4   l'acte d'accusation. Il s'agissait en l'occurrence d'une entreprise

  5   criminelle commune de grande envergure impliquant un très grand nombre de

  6   personnes. On trouvait un groupe central à Belgrade avec des hommes

  7   politiques, tels que l'accusé ainsi que Slobodan Milosevic, des membres de

  8   la présidence de la RSFY, des hauts gradés de la JNA t de la VJ ainsi que

  9   du MUP serbe. Il y avait également des groupes très actifs dans certaines

 10   régions précises, telles que la Région autonome de la Krajina en Croatie

 11   dont Milan Martic ainsi que Milan Babic qui a plaidé coupable ici même au

 12   Tribunal; dans la SAO de la Slavonie orientale, on trouvait un groupe de

 13   durs particulièrement actifs avec Goran Hadzic, Radovan Stojicic, alias

 14   Badza; et en Bosnie-Herzégovine, les participants les plus actifs étaient

 15   Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik et Biljana Plavsic qui elle aussi a

 16   plaidé coupable devant le Tribunal pénal international.

 17   Au niveau local, on trouvait dans les municipalités des acteurs de

 18   l'entreprise criminelle commune avec notamment Zeljko Raznjatovic, alias

 19   Arkan, ainsi que ceux qu'on appelait les Vojvoda, qui étaient très proches

 20   de l'accusé. Je donnerai plus tard plus de détails au sujet de cette

 21   composante locale de l'entreprise criminelle commune quand j'évoquerai ces

 22   régions.

 23   L'Accusation n'est pas en mesure, d'ailleurs elle n'y est pas tenue

 24   en l'espèce, d'identifier tous les membres de l'entreprise criminelle

 25   commune nommément. Les éléments de preuve que nous  présenterons

 26   démontreront que l'accusé en était membre et qu'il avait suffisamment de

 27   contacts et de liens étroits avec les personnes qui ont commis ces crimes

 28   dans la poursuite de cet objectif commun ou qu'il a incité d'autres


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  1   criminels à agir ainsi.

  2   Aujourd'hui, l'histoire de la désintégration de l'ex-Yougoslavie est fort

  3   bien connue et je ne veux pas m'y attarder. Je ne vais pas non plus évoquer

  4   les détails de la mise en œuvre et de la structure de l'entreprise

  5   criminelle commune dans les territoires concernés. Je souhaiterais vous

  6   renvoyer à ces sujets à notre mémoire préalable au procès.

  7   Je vais plutôt ici examiner l'ensemble des objectifs de l'entreprise

  8   criminelle commune pour certains territoires en particulier, notamment les

  9   objectifs de l'accusé et l'implication que cela a eu sur les grands

 10   événements politiques qui ont eu lieu.

 11   Vojislav Seselj lui n'avait aucun doute quant à son objectif. Il s'agissait

 12   de créer une Grande-Serbie homogène. Nous allons entendre beaucoup de

 13   témoins qui nous dirons que cela était le cas. Seselj lui-même a estimé que

 14   l'idée que la Grande-Serbie c'était la raison du SRS jusqu'à ce jour, je

 15   vous renvoie à sa déposition dans Milosevic page 42 887.

 16   La théorie de la Grande-Serbie est décrite par l'accusé dans de

 17   nombreux discours, je n'en citerai qu'un, celui du 4 août 1990,  pièce 776.

 18   Je cite :

 19   "Nous les mettons en garde que jamais, à aucun prix, nous ne

 20   permettrons à cet Etat croate d'être mis en place, un Etat croate qui

 21   comprendrait une population serbe. Nous ne permettrons jamais qu'un

 22   territoire serbe quel qu'il soit, qu'une localité serbe quelle qu'elle

 23   soit, qu'une église détruite, qu'un village détruit, et cetera, se trouve

 24   en dehors des frontières de l'Etat serbe."

 25   Puis il ajoute :

 26   "Ce sont les Croates qui ont délimité les frontières".

 27   Il fait également référence à la victoire de Tudjman dans les

 28   élections en disant :


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  1   "Cette victoire a montré que la majorité des Croates sont favorables

  2   au mouvement Oustacha, tout comme les Croates avaient soutenus le régime de

  3   Pavelic en masse. Nous n'avons aucune illusion quant à la nature

  4   intrinsèque des Croates, nous n'avons aucune illusion quant à leurs

  5   objectifs ultimes. Si bien que nous ne négocierons pas avec eux. Car ces

  6   négociations et ces compromis pourris se sont toujours faits au dépend des

  7   intérêts nationaux serbes. S'agissant de nos territoires, s'agissant de nos

  8   tombes, de nos cimetières, nous ne négocierons avec personne, avec qui que

  9   ce soit dans le monde entier."

 10   Je vais maintenant vous montrer le programme du Mouvement chetnik-serbe,

 11   pièce 2018. Dans le programme du Mouvement chetnik-serbe datant de 1990, on

 12   trouve les objectifs suivants : Premièrement, restauration d'un Etat serbe

 13   libre démocratique et indépendant dans les Balkans dans lequel se

 14   retrouveront tous les peuples serbes, toutes les populations serbes et tous

 15   les territoires serbes y compris la République de Serbie, la République de

 16   la Macédoine serbe, le Monténégro serbe, la Bosnie serbe, l'Herzégovine

 17   serbe, la Dubrovnik serbe, la Lika serbe, le Kordun serbe, la Banija serbe,

 18   la Slavonie serbe et la Baranja serbe.

 19   C'est un objectif pratiquement identique, l'objectif numéro que l'on

 20   retrouve dans le manifeste du SRS de février 1991. Il s'agit de la pièce

 21   2019, on y retrouve le premier objectif. On voit que le texte est reproduit

 22   à l'identique et est complètement semblable mais il n'y a qu'un changement

 23   puisqu'on trouve que la "Dalmatie serbe" a été ajoutée à la liste des

 24   territoires.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, un instant. Vous

 26   avez commencé à lire un passage, vous avez ensuite sauté quelques lignes

 27   pour reprendre la lecture un peu plus bas. Quand vous donnez lecture de

 28   plusieurs extraits d'un texte, il faut penser que M. Seselj risque,


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  1   lorsqu'il visionnera la vidéo, de ne pas bien comprendre où vous en êtes.

  2   Il serait mieux que vous l'indiquiez si vous lisez deux extraits qui ne

  3   sont pas situés l'un à côté de l'autre, que vous expliquiez que vous avez

  4   sauté quelques lignes, afin que le contexte soit clair et que M. Seselj

  5   puisse suivre l'enregistrement vidéo de la présente audience.

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous faites référence à son

  7   discours ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, le programme politique, vous avez

  9   parlé de cet objectif numéro 1, vous l'avez lu, mais vous vous êtes

 10   interrompue et vous avez sauté quelques lignes. Si on vous écoute, on ne

 11   sait pas que vous avez lu deux lignes, sauté quelques lignes puis repris

 12   votre lecture.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, je comprends bien, je ne le

 14   referai pas.

 15   Vojislav Seselj dans ses nombreux discours a évoqué les frontières

 16   occidentales de cet Etat serbe comme étant constituées par la ligne

 17   Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica. Vous avez à l'écran une carte qui

 18   porte cote 1891, vous voyez une ligne noire. C'est la ligne qui relie ces

 19   localités que je viens de mentionner, on peut ainsi définir et voir à

 20   l'écran le territoire invoqué par l'accusé lorsqu'il évoque une Grande-

 21   Serbie.

 22   L'accusé ainsi que ses collaborateurs ne revendiquaient pas seulement

 23   les territoires dans lesquels les Serbes représentaient la majorité de la

 24   population, ils revendiquaient également des zones telles que celle de

 25   Dubrovnik ainsi que d'autres endroits en Croatie ou en Bosnie-Herzégovine

 26   où les Serbes étaient en réalité en minorité. Pour ce faire, on évoquait

 27   les souffrances des Serbes pendant la Seconde Guerre mondiale - ceci aussi

 28   bien l'accusé que d'autres le faisait - non seulement pour susciter la


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  1   crainte au sein de la population serbe mais aussi pour contester le droit à

  2   des territoires historiques de la part des populations qui étaient nées sur

  3   ces territoires.

  4   Je vous renvoie à la page 437 ou plutôt 275 -- 43 275 du compte rendu

  5   d'audience de la déposition de l'accusé dans Milosevic.

  6   "Le SRS a réalisé une carte de la Grande-Serbie, à partir de cette

  7   carte, carte que nous avons publiée à de très nombreuses reprises en page

  8   couverture de notre magazine, on peut dire que la frontière occidentale de

  9   la Grande-Serbie est constituée par la ligne Karlobag-Ogulin-Virovitica. Il

 10   n'y a pas là uniquement des territoires où les Serbes sont en majorité. Il

 11   y a également là de nombreux territoires où les Croates, les Macédoniens et

 12   les Musulmans sont en majorité."

 13   Ce n'est pas un hasard si cette carte où l'on voit la ligne Karlobag-

 14   Ogulin-Karlovac-Virovitica est très semblable aux territoires ou présente

 15   un territoire très semblable à celui que revendiquait le Mouvement chetnik-

 16   serbe avant et pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale. Vous

 17   avez ici une carte des Balkans à l'écran et vous pouvez voir que c'est la

 18   même, cette carte que je viens de définir que celle qui a été publiée dans

 19   le magazine du parti Velika Srbija. Il s'agira de la pièce 2004.

 20   L'accusé ainsi que tous ses partisans se considéraient comme les

 21   successeurs de l'ancien Mouvement nationaliste serbe. S'agissant des

 22   volontaires du SRS, un document qui s'intitule "Organisations militaires

 23   fondamentales des volontaires du parti radical serbe" a été adopté par le

 24   conseil exécutif du SRS en juin 1991. Il s'agit de la pièce 1261. Je

 25   voudrais vous renvoyer simplement au paragraphe 3 de la pièce en question.

 26   On peut y lire la chose suivante, je cite :

 27   "Les volontaires du Parti radical serbe s'inscrivent dans le cadre de la

 28   tradition honorable patriotique des volontaires et des Chetniks, des


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  1   rébellions de libération serbes, des soulèvements et des guerres

  2   entreprises dans cet objectifs jusqu'à la fin 1918, ainsi que dans le cadre

  3   de l'organisation chetnik de 1902 à 1918 et des Serbes chetniks pendant la

  4   Deuxième Guerre mondiale." Je m'interromps, mais le texte, lui, se poursuit

  5   bien entendu.

  6   L'Accusation va présenter des éléments de preuve dont les preuves apportées

  7   par des experts sur la signification de ce mouvement et son objectif, à

  8   savoir la mise en place par des moyens de violence d'un Etat serbe

  9   homogène.

 10   D'autres membres de l'entreprise criminelle commune n'utilisaient pas le

 11   terme de "Grande-Serbie", mais des témoins vont nous démontrer que Slobodan

 12   Milosevic insistait pour que les Serbes restent dans un seul et même Etat.

 13   Il a déclaré que les divisions de la Yougoslavie entre plusieurs Etats qui

 14   contraignaient le peuple serbe à vivre dans des Etats souverains séparés

 15   étaient complètement hors de question. Officiellement, Milosevic semblait

 16   avoir été en faveur de l'ancienne Yougoslavie pendant une certaine période

 17   de l'année 1992 [comme interprété].

 18   Or, pour l'accusé Seselj, l'ex-Yougoslavie fédérale n'était qu'une solution

 19   intérimaire dans le cadre de la lutte pour la Grande-Serbie.

 20   Cependant, en juin 1991, Milosevic et les membres serbes et monténégrins de

 21   la présidence de la RSFY poursuivaient ou appelaient de leur vœu la

 22   création d'un nouvel Etat serbe, et ils discutaient du redéploiement de la

 23   JNA le long des nouvelles frontières serbes de la Yougoslavie. C'est ainsi

 24   que l'a décrit Borisav Jovic dans son ouvrage intitulé "Les derniers jours

 25   de la RSFY". Il s'agira en l'espèce de la pièce 1869. Il a également écrit

 26   dans cet ouvrage, je cite : "En travaillant à la destruction et au

 27   démantèlement de la Yougoslavie, la Croatie et la Bosnie travaillent à la

 28   création d'une Grande-Serbie."


Page 859

  1   J'aimerais vous présenter maintenant une autre carte.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, j'essaie de vous

  3   suivre et de suivre également l'ensemble des cartes que vous nous

  4   présentez. Permettez-moi d'attirer votre attention sur la chose suivante.

  5   Vous semblez avoir adopté ce que je considère comme une mauvaise habitude

  6   du côté de l'Accusation, c'est-à-dire de projeter les cartes en même temps

  7   que vous parlez. Si vous examinez les cartes 14 et 15, vous voyez que c'est

  8   la même zone. Il y a projection simultanée de deux cartes, si bien que de

  9   ce fait, il est complètement impossible de procéder à des analyses, quelles

 10   qu'elles soient, à des mesures. Veuillez ne pas utiliser de cartes

 11   projetées; montrez-nous des cartes dont on voit la totalité, ce qui nous

 12   permet de nous faire une idée de l'échelle, de la dimension. J'espère que

 13   vous comprenez où je veux en venir.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je ne crois pas. Je ne suis pas trop

 15   sûre.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous regardez les pièces 14 et 15,

 17   vous voyez que la pièce 14 est une véritable carte, tandis que pour ce qui

 18   concerne l'autre carte, elle est très différente. On voit que le nord et le

 19   sud sont présentés dans une police de caractères qui est inférieure, alors

 20   que pour l'est et l'ouest, c'est le contraire. Cela, c'est dû à une

 21   certaine technique de projection, si bien que ces deux cartes de Bosnie-

 22   Herzégovine, elles finissent par ne plus se ressembler. Si bien qu'à ce

 23   moment-là, il est très difficile de procéder à une comparaison entre deux

 24   cartes de la même région. Peut-être pourrez-vous y réfléchir.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, merci beaucoup de ces

 26   observations.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit d'une carte qui a été


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  1   publiée le 22 octobre 1991 dans le magazine Epoha. Il s'agit de la pièce

  2   2880. Il s'agit d'une carte qui porte sur le territoire visé dans le cadre

  3   de la recherche d'une nouvelle Yougoslavie dominée par les Serbes, ceci

  4   date d'octobre 1991, il s'agissait des objectifs des dirigeants serbes

  5   réunis autour de Slobodan Milosevic.

  6   La légende est en cyrillique, mais je peux vous aider à vous y retrouver

  7   dans cette carte. Si vous examinez le territoire qui porte le numéro 1,

  8   c'est le territoire qui correspond à la SAO de la Krajina. C'est ce qui est

  9   indiqué ici. S'agissant maintenant du numéro 2, vous avez là la Slavonie

 10   occidentale. Le numéro 3, quant à lui, est un numéro qui permet de

 11   reconnaître la Slavonie occidentale, le Baranja et le Srem occidental;

 12   numéro 4, corridor de la Posavina; numéro 6, République de Dubrovnik. La

 13   ligne courbe qui se trouve sur la partie ouest de la carte, à l'extrémité

 14   de la carte, c'est une fois encore la ligne Karlovag-Ogulin-Karlovac-

 15   Virovitica, et dans l'article d'Epoha, cette ligne est désignée comme la

 16   frontière occidentale optimale des comtés serbes. Ceci, en octobre, c'était

 17   l'état du plan de l'entreprise criminelle commune, la manière dont il avait

 18   évolué.

 19   Comme on peut le voir dans la carte où transparaissent les objectifs de

 20   Milosevic et si on pense à la carte précédente avec le territoire de la

 21   Grande-Serbie, on voit que c'est pratiquement identique.

 22   Les éléments de preuve que nous allons produire montreront que

 23   pendant la période concernée, les membres de l'entreprise criminelle

 24   commune dans cette région s'inscrivaient tout à fait dans la ligne de

 25   Slobodan Milosevic ainsi que de Vojislav Seselj. Les éléments de preuve que

 26   nous produirons détermineront que les dirigeants serbes des SAO de Croatie

 27   en collaboration avec les membres de l'entreprise criminelle commune à

 28   Belgrade ont mis en place une des structures politiques, policières et


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  1   militaires qui se sont lancées dans une guerre destinée à obtenir des

  2   territoires permettant d'établir les frontières occidentales d'un nouvel

  3   Etat. L'un de ceux qui a participé à cette opération, c'était l'accusé, qui

  4   était personnellement présent sur ces territoires du début à la fin. Il

  5   était présent le 25 juillet 1990, lors d'une réunion qui a eu lieu à Srb, à

  6   côté de Knin, au cours de laquelle Milan Babic ainsi que d'autres

  7   dirigeants du SDS de la Krajina ont établi une assemblée serbe et un

  8   Conseil national serbe et ont proclamé la déclaration de la souveraineté de

  9   l'autonomie de la nation serbe en Croatie. Vojislav Seselj était présent au

 10   cours des premiers affrontements violents à Plitvice dans la SAO de la

 11   Krajina le 31 mars 1991. Les hommes de Seselj ont été impliqués dans les

 12   actes de violence commis à Borovo Selo le 2 mai 1991 en Slavonie orientale.

 13   L'accusé était présent à Vukovar avant la chute de cette ville entre les

 14   mains des forces serbes. Il était également à Vocin en Slavonie

 15   occidentale. Les preuves démontreront qu'il était en contact permanent avec

 16   les dirigeants serbes croates dans toutes les régions autonomes en

 17   question. L'accusé a même apporté son soutien à Milan Babic, et ceci,

 18   c'était à la fin 1991, contre le plan Vance-Owen, mais plus tard il s'est

 19   rallié à un pouvoir plus grand, celui de Slobodan Milosevic.

 20   Evoquons rapidement les dirigeants militaires qui ont participé à

 21   l'entreprise criminelle commune. L'Accusation montrera par des éléments de

 22   preuve écrits et par la venue de témoins, que l'armée en la personne des

 23   généraux de la JNA au sein de l'état-major principal n'était pas au départ,

 24   au début de la désintégration de la Yougoslavie, favorable à un nouvel Etat

 25   serbe, mais qu'ils souhaitaient que l'ancienne Yougoslavie continue à

 26   exister. Cependant, en juillet 1991, avec le départ de la Slovénie, les

 27   généraux ont fait pression sur Milosevic ainsi que sur les membres serbes

 28   et monténégrins de la présidence -- ou plutôt, on a fait pression sur eux


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  1   et ils ont abandonné l'idée d'une Yougoslavie unitaire et ils ont fait

  2   monter toutes les forces armées vers les futures frontières d'un nouvel

  3   Etat dominé par les Serbes le long des lignes que nous venons d'évoquer

  4   précédemment.

  5  Lorsque les dirigeants serbes et monténégrins, le 1er octobre 1991, ont pris

  6   le pouvoir au sein de la présidence de la RSFY, pris le contrôle du conseil

  7   suprême de la JNA, la JNA a officiellement pris le parti pour les

  8   dirigeants serbes. Dans un rapport du 1er octobre 1991, pièce 3009, ils ont

  9   mis en garde le gouvernement croate et les autres organes de pouvoir en

 10   leur faisant savoir qu'ils prendraient des mesures de représailles face à

 11   toute action militaire croate.

 12   Les événements du 1er octobre révèlent la coordination existant avec

 13   l'entreprise criminelle commune. Ce jour-là, non seulement les dirigeants

 14   serbes, mais également les dirigeants de la JNA ont agi. Ce jour-là, les

 15   dirigeants monténégrins ont agi en coordination et ont mobilisé leur unité

 16   de police spéciale pour l'attaque de Dubrovnik qui a débuté le lendemain.

 17   Je vous demanderais de vous pencher rapidement sur l'ordre du 1er octobre

 18   qui constitue la pièce à conviction 3008 dans lequel Momcilo Bulatovic

 19   mobilise la police en vue de l'attaque contre Dubrovnik. Le Parti radical

 20   serbe de Belgrade a agi dans ce cadre également. Vous voyez dans ce

 21   document, vous voyez cette décision qui date du 1er octobre 1991, qui est

 22   une décision de la cellule de Crise du Parti radical serbe, pièce à

 23   conviction 1959. Dans le procès-verbal de cette réunion, on lit ce qui suit

 24   : "Suite aux propositions émanant du Vojvoda V. Seselj et M. Ljubisa

 25   Petkovic et conformément à la situation politique qui règne actuellement

 26   dans le pays, il a été décidé de transformer le nom de la cellule de Crise

 27   du Parti radical serbe, qui s'appellera désormais cellule de Guerre du

 28   Parti radical serbe."


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, ce n'est pas la

  2   page 2 du document, celle que nous avons déjà vue et qui était totalement

  3   illisible. Je ne sais pas quel est le document, la pièce 3008 dans laquelle

  4   M. Bulatovic mobilise les forces de police.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vois.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai vu le document précédent. Je n'ai

  7   pas la moindre idée de quel document vous parlez en ce moment.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je suis

  9   désolée. Il s'agit de l'ordre du 1er octobre 1991. Vous voyez au paragraphe

 10   1 --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais qu'on l'affiche sur les

 12   écrans.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit du paragraphe numéro 1.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ordre de mobilisation. Au paragraphe

 16   2, vous verrez --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donnez-moi quelques instants pour que le

 18   texte apparaisse à l'écran.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Revenons au paragraphe 1.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On voit les paragraphes 1 et 2 ensemble.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, je pense que c'est ce qu'il y a

 22   de mieux. Vous voyez que la police spéciale est mobilisée, et au paragraphe

 23   2, il est fait référence au front de Dubrovnik.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout en bas de la page, on voit le nom

 25   de M. Bulatovic.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, M. Bulatovic. L'autre ordre, je

 27   demande qu'il soit agrandi à l'écran et moins difficile à lire. Il s'agit

 28   du procès-verbal qui a été rédigé par le secrétaire du Parti radical serbe,


Page 864

  1   et vous voyez au paragraphe 1 qu'il est fait référence --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le texte dont il a été fait

  3   lecture, nous avons pu suivre sans difficulté. Ce n'était pas le cas du

  4   document précédent.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Les éléments de preuve démontreront

  8  qu'à l'époque, à savoir le 1er octobre 1991, Vojislav Seselj et ses associés

  9   au sein du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe coopéraient

 10   déjà entièrement avec la JNA et les dirigeants régionaux en matière de

 11   recrutement, de transfert et d'engagement de volontaires sur le front,

 12   notamment dans les régions de Vukovar et de Dubrovnik.

 13   Les objectifs poursuivis par l'entreprise criminelle commune, eu égard aux

 14   territoires serbes de Croatie, ont-ils été atteints ? Malheureusement, oui.

 15   Nous entendrons des témoins, y compris un témoin expert qui parlera des

 16   transformations démographiques survenues dans les régions autonomes serbes

 17   de Croatie, transformations par lesquelles les régions réclamées ont été

 18   vidées de leurs habitants non-serbes et en particulier de leurs habitants

 19   croates.

 20   La frontière occidentale le long de la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-

 21   Virovitica n'a pas été totalement réalisée en raison de la résistance

 22   opposée par les forces croates, mais l'a presque été.

 23   Seselj en personne déclare, le 6 mars 1992, dans une interview à la

 24   télévision de Belgrade ce qui suit :

 25   "Je suis d'avis que nous ne sommes pas parvenus à réaliser la

 26   frontière occidentale idéale qui était la nôtre sur la ligne Karlobag-

 27   Ogulin-Karlovac-Virovitica. Nous n'avons pas réussi à atteindre Karlobag,

 28   mais nous sommes arrivés tout près de l'ancien pont de Maslenicki, à


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  1   quelques kilomètres à peine de Karlobag. Nous ne sommes par parvenus à

  2   atteindre Ogulin, mais nous sommes tout près d'Ogulin. Nous ne sommes pas

  3   parvenus à atteindre Karlovac, mais nous tenons les faubourgs de Karlovac.

  4   Nous ne sommes pas parvenus à atteindre Virovitica, mais nous tenons les

  5   faubourgs de Pakrac, en tout cas une partie de Pakrac et des parties de la

  6   Slavonie occidentale."

  7   J'aimerais maintenant vous montrer une carte, la carte de la RSK, qui

  8   constitue la pièce 2829. Elle est assez difficile à lire, mais si vous

  9   suivez les lignes en brun --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire quelle est la

 11   cote, le numéro de ce document dans la liasse ?

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est la pièce 2829 -- dans la

 13   liasse, c'est le numéro 10.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il y a une légende, et la traduction

 16   de cette légende se trouve dans le document 10A.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous voyez les hauts faits réalisés

 19   dans les régions autonomes serbes en Slavonie orientale, en Slavonie

 20   occidentale et dans la Karjina.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] A la fin de 1991, compte tenu de la

 23   situation politique et militaire sur le terrain, l'entreprise criminelle

 24   commune s'est recentrée sur la Bosnie-Herzégovine. Dans une conférence

 25   organisée par ce qu'il restait de la présidence à Belgrade le 3 janvier

 26   1992, conférence à laquelle assistaient des représentants et des dirigeants

 27   des régions autonomes serbes de Croatie, les Bosno-serbes et les membres du

 28   Parti radical serbe ainsi que d'autres partis serbes ont établi une carte


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  1   légèrement révisée qui constitue la nouvelle cible à atteindre. Cette carte

  2   a été publiée dans le magazine Epoha le 7 janvier 1992 et constituera la

  3   pièce 1879.

  4   Si nous nous penchons sur les territoires qui figurent en bleu clair dans

  5   cette carte, nous voyons que ce sont les territoires dont ils cherchaient à

  6   s'emparer à cette époque-là. Vous voyez que la République de Dubrovnik ne

  7   figure plus dans cette carte, la République de Dubrovnik ne figure plus en

  8   bleu clair dans cette carte. La Slavonie occidentale est désormais en bleu

  9   foncé, n'est plus considérée comme faisant partie des objectifs poursuivis

 10   par le plan.

 11   Il y a un point sur lequel j'aimerais mettre l'accent. Vous voyez le mot

 12   Krajina écrit à plusieurs reprises sur la carte.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande un agrandissement sur les

 14   écrans, de façon à permettre à ceux qui regardent les images vidéo de

 15   suivre plus facilement.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, très bien. Vous voyez le mot

 17   "Krajina" à l'endroit où je place mon marqueur. Il s'agit de l'ancienne SAO

 18   de Krajina qui, plus tard, deviendra la RSK. Tout en haut, vous voyez

 19   également le mot "Krajina" qui est écrit. A cet endroit, il fait référence

 20   à la Slavonie orientale, à la Baranja et au Srem occidental, qu'il importe

 21   de ne pas confondre avec la région autonome serbe de Krajina qui se trouve

 22   en Bosnie. Vous voyez aussi le corridor de Posavina que l'on appelle "SAO

 23   de Semberija."

 24   Sur la carte, voilà, c'est ici, c'est le corridor qui constitue un lien

 25   entre les territoires situés en Bosnie et les territoires situés en Croatie

 26   avec la Serbie.

 27   Je n'en dirai pas plus à ce stade du procès sur ce point; nous y

 28   reviendrons pendant le procès.


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  1   Le 9 janvier 1992, l'assemblée serbe de Bosnie a proclamé la création de la

  2   République serbe de Bosnie-Herzégovine. Eu égard à ces territoires, il a

  3   été déclaré qu'il comprenait des zones où les Serbes étaient minoritaires

  4   sur le plan numérique en raison du génocide subi par les Serbes durant la

  5   Seconde Guerre mondiale. Ce document constituera la pièce 3012. Je vous

  6   rappelle que c'est la même terminologie qui est utilisée par Seselj

  7   lorsqu'il parle des lieux qui tracent, qui déterminent le tracé des

  8   frontières.

  9   Les éléments de preuve que l'Accusation produira démontreront que

 10   pendant toute la période visée à l'acte d'accusation, les dirigeants serbes

 11   de Serbie et de Bosnie ont poursuivi pratiquement les mêmes objectifs en

 12   Bosnie-Herzégovine. Seselj avait des contacts avec les dirigeants serbes de

 13   Bosnie, il en a eu pendant toute la durée visée à l'acte d'accusation, il

 14   les a même soutenus en 1993 dans leur opposition à Milosevic eu égard au

 15   plan Vance-Owen.

 16   Je vais maintenant vous citer un exemple qui constitue la pièce 3012

 17   [comme interprété].

 18   "Nous pensons que personne n'a le droit d'accepter l'ultimatum qui

 19   figure au plan Vance-Owen au nom du peuple serbe, s'agissant des frontières

 20   internes du territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine. Nous pensons en

 21   particulier que personne n'a le droit de donner aux Croates le corridor qui

 22   se trouve entre la Krajina de Bosnie et la Semberija, personne n'a le droit

 23   de le donner aux Croates, aux Musulmans ou à la FORPRONU au nom du peuple

 24   serbe. Le Parti radical serbe maintient ses positions, à savoir que la

 25   seule frontière ferme et juste du territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine ne

 26   peut que se situer au niveau des lignes de front qui ont été prises."

 27   Sur cette question, l'accusé va finalement se séparer de Slobodan

 28   Milosevic, en tout cas temporairement, et c'est la raison pour laquelle


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  1   l'Accusation a réduit la portée de l'acte d'accusation à la période située

  2   entre le 1er août 1991 et septembre 1993.

  3   Mais revenons à 1992, le 12 mai 1992, durant la 16e Séance de

  4   l'assemblée serbe, Radovan Karadzic définit les six objectifs stratégiques

  5   poursuivis par les Serbes de Bosnie, mais ces objectifs n'étaient pas

  6   encore fermement établis à l'époque.

  7   En mai 1992, ils ont été mis en œuvre sans pitié dans plusieurs

  8   municipalités par recours à la force de la part du Parti radical serbe et

  9   des volontaires du Mouvement chetnik-serbe en particulier, et ce, à

 10   Bosanski Samac, Bijeljina, Brcko et Zvornik, entre autres.

 11   Quels étaient ces objectifs ? Je vais maintenant vous montrer la

 12   pièce 74, où figure le texte dans lequel sont stipulés ces objectifs.

 13   D'abord, établir les frontières de l'état séparant le peuple serbe des deux

 14   autres communautés ethniques.

 15   Deuxièmement, créer un corridor entre la Semberija et la Krajina.

 16   Troisièmement, créer un corridor dans la vallée de la Drina, à savoir

 17   éliminer la Drina en tant que frontière séparant deux Etats peuplés de

 18   serbes.

 19   Quatrièmement créer une frontière au niveau de la Una et de la

 20   Neretva.

 21   Cinquièmement, diviser la ville de Sarajevo en une partie serbe et

 22   une partie musulmane et établir, mettre en place des autorités officielles

 23   dans ces deux parties.

 24   Sixièmement, garantir l'accès à la mer de la Republika Srpska.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, je vois, d'après

 26   ce que vous nous avez montré sur les écrans, que ce document était signé de

 27   M. Krajisnik. Pourriez-vous indiquer clairement chaque fois quelle est la

 28   dénomination exacte de l'assemblée dont vous parlez ? L'assemblée serbe


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  1   peut en effet être soit l'assemblée de la République de Serbie, soit

  2   l'assemblée de la Republika Srpska.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, Monsieur le Président --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous dire clairement de quelle

  5   assemblée il s'agit ?

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit de l'assemblée serbe de

  7   Bosnie.

  8   Lors de cette même séance de l'assemblée, le 12 mai 1992, Karadzic

  9   s'exprime sur le premier objectif en expliquant qu'il implique de "nous

 10   séparer de ceux qui sont nos ennemis qui ont utilisé toutes les

 11   possibilités, en particulier durant notre siècle, toutes les possibilités

 12   de nous attaquer et qui continueront à agir de même s'ils restent à nos

 13   côtés au sein d'un seul et même Etat."

 14   S'agissant du deuxième objectif, il dit : "Le deuxième objectif stratégique

 15   constitue à créer un corridor entre la Semberija et la Krajina et que cet

 16   objectif est d'une importance stratégique extrême pour le peuple serbe en

 17   raison de son incidence sur les Etats peuplés par les Serbes. En effet,

 18   l'alliance des Etats serbes n'est pas réalisable si nous ne créons pas ce

 19   corridor."

 20   Monsieur le Président, je vais maintenant vous montrer une carte dont vous

 21   avez dit que vous deviez la revoir, mais j'ai prévu de la montrer un peu

 22   plus tard. Il est indiqué sur cette carte quels sont les objectifs

 23   poursuivis et évoqués par Karadzic. Cette carte constitue la pièce 3007. La

 24   séance de l'assemblée dont je viens de parler est évoquée dans la pièce

 25   241.

 26   Lors d'une séance de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, je parle

 27   maintenant de la l'assemblée officielle de Bosnie-Herzégovine tenue le 15

 28   octobre 1991, celle-ci s'est penchée sur un programme dans lequel est


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  1   évoquée la situation de la Bosnie-Herzégovine à l'avenir au sein de la

  2   Yougoslavie. Radovan Karadzic déclare ce qui suit, à savoir :

  3   "Ceci est la voie que vous souhaitez voir prendre à la Bosnie-

  4   Herzégovine; c'est la même autoroute d'enfer et de douleur qui a déjà été

  5   empruntée par la Slovénie et la Croatie. Ne pensez pas que vous n'allez pas

  6   plonger la Bosnie-Herzégovine dans l'enfer et faire risquer au peuple

  7   musulman une éventuelle extinction."

  8   J'aimerais maintenant citer ce que Seselj a mis par écrit eu égard

  9   aux non-Serbes, et ce, en examinant le document 1261, qui est tiré d'un

 10   chapitre de son ouvrage intitulé "Objectifs centraux de Sinisa

 11   Aksentijevic, Philippics", sous le titre "Traitement de non-Serbes dans le

 12   processus d'unification." L'accusé déclare ce qui suit au sujet de la

 13   population non-serbe qui vivrait dans un nouvel Etat serbe. Je cite :

 14   "Ceci reviendrait inévitablement à créer un état civil, l'état de

 15   citoyens serbes égaux en droits (leur loyauté est implicite) avec des

 16   membres d'autres nations, d'autres minorités ethniques et d'autres groupes.

 17   Si un tel Etat devrait être formé, d'autres nations, d'autres minorités

 18   ethniques et d'autres groupes ne devraient pas dépasser en nombre 8 % de la

 19   population totale. Ils ne devront pas dépasser ce pourcentage dans quelque

 20   région d'importance ou dans quelque région ou dans quelque unité

 21   administrative et il ne devra pas y avoir possibilité de modifier ce

 22   pourcentage grâce à un accroissement de la natalité."

 23   Le texte est, bien sûr, plus complexe, mais je me contenterai de

 24   cette citation pour le moment.

 25   Bien entendu, ceci rendait indispensable le déplacement d'un nombre

 26   important de non-Serbes. La division ethnique sur le terrain demandée par

 27   Karadzic et Seselj impliquait l'expulsion des non-Serbes des territoires

 28   qu'ils réclamaient. Même dans les territoires dominés par les Serbes, les


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  1   hameaux musulmans et croates devaient être déplacés et les non-Serbes

  2   chassés pour assurer une homogénéité de ces territoires. Est-ce que ces

  3   objectifs ont été réalisés ? Malheureusement, oui.

  4   J'aimerais maintenant vous montrer deux cartes dont parlera plus en

  5   détail le Dr Tabeau, un témoin expert de l'Accusation. La première est une

  6   carte de la Bosnie-Herzégovine où on voit la population ethniquement

  7   minoritaire et vous voyez que ceci constitue un patchwork de plusieurs

  8   municipalités. Tout cela sur la base du recensement de 1991. Vous voyez en

  9   particulier le corridor de Posavina tout en haut qui serait peuplé en

 10   partie de Croates et en partie de populations mixtes. Ce serait un

 11   territoire où toutes les populations seraient mêlées.

 12   Je vous montre maintenant une autre carte dont parlera également Mme

 13   Tabeau. Vous y voyez les effets du conflit par le biais notamment de

 14   territoires clairement divisés en fonction de l'appartenance ethnique.

 15   Les forces serbes ont mis en œuvre le plan en Croatie et en Bosnie-

 16   Herzégovine et c'étaient les mêmes dans tous ces territoires, avec quelques

 17   différences mineures liées aux circonstances sur le terrain. Ce sont ces

 18   mêmes forces qui pour l'essentiel ont été responsables des crimes commis.

 19   Les éléments de preuve que nous produirons permettront de démontrer

 20   au-delà de quelque doute que ce soit que les événements survenus dans les

 21   municipalités, villes et villages ne l'ont pas été au hasard et n'ont pas

 22   constitué des actes spontanés dus à quelques individus mais ont bien été le

 23   résultat d'une politique poursuivie par l'accusé et d'autres par le biais

 24   de l'application de leurs objectifs par les forces sous leur contrôle ou

 25   sous leur influence.

 26   Parlons maintenant des crimes commis dans des villes particulières et

 27   dans des municipalités bien précises.

 28   Au début, je dirais ce qui suit : De nombreux procès ont déjà eu lieu


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  1   devant ce Tribunal qui ont traités en détail de ces crimes. Des témoins

  2   oculaires de ces crimes, pour la plupart des victimes, ont parlé de ce qui

  3   s'était passé et de leurs souffrances.

  4   En l'espèce, il ne me sera pas nécessaire de reprendre en détail de

  5   si nombreux éléments de preuve. Certains événements criminels notoires tels

  6   l'assassinat des hommes à l'hôpital de Vukovar, les exactions subies par

  7   les victimes dans les camps un peu partout en Bosnie-Herzégovine sont de

  8   notoriété publique et ont déjà fait l'objet de jugements. En l'espèce,

  9   l'Accusation présentera des faits qui seront0 pour la plupart soumis à la

 10   Chambre sous forme écrite. La présente affaire sera centrée sur les

 11   structures mises en place pour commettre les crimes en question et sur le

 12   lien qui sera établi entre ces structures et l'accusé.

 13   J'aimerais que nous parlions d'abord des événements de Vukovar. Je

 14   vous montre une carte de Vukovar. Pièce à conviction 3127, où on voit les

 15   différents endroits dont vous entendrez parler par les témoins. Ici,

 16   l'hôpital de Vukovar; Velepromet ici, un complexe commercial; la caserne de

 17   la JNA; et tout en bas, Ovcara.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Madame Uertz-

 19   Retzlaff, pouvez-vous me dire de combien de temps vous aurez besoin à peu

 20   près ? Je pense à la pause.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'en suis arrivée à la moitié de mon

 22   exposé à peu près.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je propose que nous fassions la pause

 24   maintenant. Nous reprendrons à 13 heures 05 pour 40 minutes

 25   supplémentaires.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Suspension jusqu'à 13 heures 05.

 28   --- L'audience est suspendue à 12 heures 42.


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  1   --- L'audience est reprise à 13 heures 07.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, vous pouvez

  3   poursuivre.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Avant la pause, nous avions sous les yeux une carte, un plan de Vukovar,

  6   avec un certain nombre de lieux spécialement désignés sur ce plan qui

  7   constitue le plan numéro 19 dans votre liasse de documents.

  8   Le 18 novembre 1991, Vukovar est tombée entre les mains des Serbes,

  9   des forces serbes. Un homme âgé et sa femme, craignant le pire, ont pris le

 10   chemin de l'hôpital pour y chercher refuge. Le lendemain, les hommes non-

 11   serbes ont été emmenés par les forces serbes, ils ont subi des menaces et

 12   des insultes en chemin pour finalement arriver à la ferme d'Ovcara. Les

 13   soldats les ont frappés et soumis à toutes sortes de cruauté. Certaines de

 14   ces personnes ont été tuées immédiatement à l'arrivée devant le hangar.

 15   L'homme âgé de tout à l'heure, qui témoignera en l'espèce, a survécu avec

 16   un certain nombre d'autres personnes parce qu'il connaissait

 17   personnellement l'un des soldats et que ce dernier lui a sauvé la vie. Les

 18   autres personnes, 260 hommes environ et quelques femmes, ont été

 19   assassinées et inhumées dans une fosse commune.

 20   Qu'est-ce que cet événement a à voir avec l'accusé ? L'Accusation produira

 21   des éléments de preuve écrits et verbaux indiquant qu'en 1991, l'accusé

 22   avait décidé que le Parti radical serbe enverrait le plus grand nombre

 23   possible de volontaires à Vukovar. Les volontaires du Parti radical serbe

 24   et du Mouvement chetnik-serbe envoyés à Vukovar ont été placés sous le

 25   commandement de Milan Lancuzanin, surnommé Kameni, qui commandait le

 26   détachement Leva Supoderica, et qui ont été placés sous les ordres de la

 27   Défense territoriale et de la JNA.

 28   Vous voyez ici un document qui constitue la pièce 1415. C'est une lettre


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  1   envoyée par le chef de la cellule de Guerre du Parti radical serbe en date

  2   du 9 novembre 1991.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est tout à fait illisible pour moi.

  4   Je la vois à l'écran, mais --

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous pourrons y remédier en

  6   surlignant --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, le document est plus

  8   lisible si on l'affiche grâce au système e-court et pas simplement à la

  9   vidéo.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En effet.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, je me demande quel va

 12   être le format dans lequel ce document sera soumis à l'accusé. Par

 13   conséquent, je continue à regarder la vidéo, vous devrez veiller à

 14   effectuer des agrandissements de façon à permettre à chacun de suivre,

 15   aussi bien ceux qui regardent les images vidéo que ceux qui utilisent le

 16   système e-court.

 17   Revenons à la vidéo.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous voyez que c'est une lettre

 19   adressée par le chef de la cellule de Guerre du Parti radical serbe.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant. Il faut que cela apparaisse

 21   sur nos écrans, après quoi je verrai les images vidéo. Peut-on déplacer le

 22   document. Je demande l'aide des techniciens.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Voilà, il est affiché.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, pas si on se sert du système vidéo.

 25   Voilà. Nous y sommes. Un agrandissement, s'il vous plaît, pour que nous

 26   puissions lire les parties pertinentes du texte.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Vous voyez le corps du texte. On

 28   constate que cette lettre émane de la cellule de Guerre du Parti radical


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  1   serbe et qu'elle est adressée au commandant du détachement Leva Supoderica.

  2   Dans cette lettre, il est question du fait que les volontaires sont placés

  3   sous les ordres de la Défense territoriale de Vukovar.

  4   Au premier paragraphe, je me concentrerai surtout sur les premier et

  5   deuxième paragraphes, il est fait mention de deux autres membres du Parti

  6   radical serbe, à savoir Branislav Vakic, originaire de Nis, qui est nommé

  7   commandant et Slobodan Katic dont il est fait mention dans ce texte comme

  8   étant un commandant.

  9   Je ne vais pas rentrer dans le détail de ce document maintenant.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'une fois qu'il aura été

 11   versé au dossier dans ces deux versions du point de vue de la langue,

 12   chacun pourra lire ce document.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] L'Accusation produira des témoignages

 16   de soldats qui parleront de la coordination entre Kameni et les commandants

 17   de la Défense territoriale et de la Brigade des Gardes de la JNA à Vukovar.

 18   L'accusé en personne a déclaré à la télévision de Benkovac le 23 novembre

 19   1991, pièce 734, que : "Kameni, notre principal commandant à Vukovar,

 20   planifie ses actions avec le commandant de l'armée dans la soirée et

 21   exécute ses actions le lendemain. L'armée ne disposait pas d'effectifs

 22   suffisants pour s'emparer de toutes les maisons une par une en raison des

 23   désertions. Voilà ce qu'ont dit nos hommes."

 24   Quelques jours avant le massacre d'Ovcara, l'accusé est venu à Vukovar pour

 25   inspecter les volontaires et leur remonter le moral. Il a participé à une

 26   réunion avec la Défense territoriale et les commandants de la JNA. Au cours

 27   de cette visite à Vukovar, il a dit ce qui suit, je cite :

 28   "Nous sommes tous une seule et même armée. Cette guerre est un test majeur


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  1   pour les Serbes. Ceux qui réussiront ce test deviendront des vainqueurs.

  2   Les déserteurs ne doivent pas rester impunis. Pas un seul Oustachi ne doit

  3   quitter Vukovar vivant."

  4   Les soldats ont fait ce que Seselj leur demandait de faire. Lorsque les

  5   forces serbes ont occupé la ville des centaines de Croates ont été tués par

  6   les forces serbes. Parmi les auteurs des assassinats à Vukovar et à Ovcara,

  7   ainsi qu'ailleurs dans la ville de Vukovar, il y avait les volontaires du

  8   Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe commandé par Kameni.

  9   Je vais maintenant vous montrer une photo qui constitue la pièce

 10   2442. On y voit l'accusé dans Vukovar en ruine. A sa gauche, l'homme qui a

 11   un couvre-chef sur la tête est Kameni, à savoir Lancuzanin, commandant du

 12   détachement Leva Supoderica.

 13   Nous entendrons des témoins qui étaient présents à la ferme d'Ovcara,

 14   à l'hôpital de Vukovar, à la caserne et ailleurs nous dire que les

 15   volontaires du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe commandés

 16   par Kameni voulaient se venger de ceux qui se trouvaient à l'hôpital de

 17   Vukovar. Les éléments de preuve démontreront que de nombreux volontaires du

 18   Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe ont participé aux

 19   assassinats massifs commis à Ovcara. Nous entendrons des témoins nous dire

 20   que Kameni était un associé très proche de l'accusé. Il avait directement

 21   accès à l'accusé et lui rendait compte personnellement.

 22   Kameni a récemment été condamné à 20 ans d'emprisonnement à Belgrade

 23   pour sa participation dans les atrocités commises à la ferme d'Ovcara.

 24   Je vous montre maintenant une photo de Kameni. C'est celui que l'on

 25   voit au regard du numéro 8.

 26   Maintenant, une autre photo qui montre Branislav Vakic, dont j'ai

 27   parlé tout à l'heure, dont le nom figure également dans un document que

 28   vous venez de voir. Le nom de "Vakic" est suivi d'un point d'interrogation.


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  1   Ceci est dû à une étape antérieure de l'enquête. Des témoins que vous aurez

  2   devant vous ont permis d'identifier tout à fait clairement cet homme.

  3   L'accusé, le 13 mai 1993, a promu Kameni et Vakic au rang de Vojvoda

  4   chetniks pour leurs hauts faits pendant les combats de Vukovar et ailleurs.

  5   Les photos que vous avez vues émanent de la cérémonie de nomination de ces

  6   Vojvoda.

  7   Je vous montre maintenant le document dont j'ai parlé tout à l'heure.

  8   Il s'agit de l'ordre de promotion numéro 124. Vous voyez en haut du

  9   document le numéro de l'ordre 124, et au regard du numéro 3, vous voyez que

 10   Branislav Vakic est promu. On lui octroie le grade de "commandant chetnik."

 11   Ce sont les mots utilisés dans ce paragraphe qui se lit comme suit, je cite

 12   : "En avril 1991, il était à Borovo Selo. Il a participé à la libération de

 13   Vukovar en tant que commandant adjoint de l'unité de volontaires Leva

 14   Supoderica. Il a également commandé l'unité chetnik serbe en Herzégovine

 15   serbe au mois de mai et juin 1992." Des références sont faites à un certain

 16   nombre d'autres lieux et notamment à Mostar.

 17   Au numéro 10 maintenant, vous allez voir une description donnée de Milan

 18   Lancuzanin, surnommé Kameni, et j'attire votre attention sur le fait qu'il

 19   est mentionné comme étant le meilleur des meilleurs, à savoir un excellent

 20   commandant de ce détachement appelé Leva Supoderica.

 21   Ce que l'ordre ne dit pas et ce que les éléments de preuve vont démontrer

 22   c'est qu'à chaque fois que ces deux Vojvoda ont été actifs sur le terrain,

 23   il y a eu exécution de non-Serbes. Ces deux-là ne sont pas les seuls

 24   auteurs de crimes contre l'humanité promus par l'accusé, en l'occurrence le

 25   13 mai 1993. Nous y viendrons ultérieurement.

 26   Topola, un autre volontaire du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-

 27   serbe qui a été surnommé Topola, a également été présent à cette ferme

 28   d'Ovcara. Il a tué des Croates ailleurs dans Vukovar, y compris les


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  1   installations de Velepromet, la caserne de la JNA qui a été utilisée par

  2   les forces serbes comme lieu de détention pour les Croates et non-Serbes.

  3   Lors de la chute de Vukovar, Topola et d'autres volontaires du Parti

  4   radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe ont emmené des détenus de la

  5   pièce où ils étaient gardés et les ont exécutés. C'est un chef d'accusation

  6   distinct qui figure au chapitre de Vukovar.

  7   D'autres éléments de preuve ont montré Seselj qui  -- quand on a montré à

  8   Seselj les crimes commis par Topola, il a dit tout simplement : "Que

  9   voulez-vous que j'y fasse ? Désarmez-le et envoyez-le chez lui. Il est

 10   fatigué."

 11   Il a également trouvé des excuses pour ce qui est d'autres associés qui lui

 12   ont rapporté des crimes commis par des autorités serbes à Belgrade. Par la

 13   suite, il a envoyé Topola comme volontaire en Bosnie-Herzégovine et par la

 14   suite celui-ci a également encore commis des crimes contre des non-Serbes.

 15   Je vais maintenant vous montrer une carte de la Slavonie occidentale, la

 16   localité de Vocin et de Podravska Slatina. C'est la carte 2 du registre,

 17   comme vous pouvez le voir, Podravska Slatina se trouve à l'est de

 18   Virovitica.

 19   En se penchant sur la carte en question, vous verrez de façon évidente que

 20   si Seselj et les autres auteurs de l'entreprise criminelle commune avait

 21   souhaité établir des frontières de la Grande-Serbie le long de la ligne

 22   Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, il s'agissait de contrôler la

 23   municipalité de Podravska Slatina. S'ils avaient souhaité une Grande-Serbie

 24   homogène, il s'agissait d'expulser une population croate qui, par exemple,

 25   rien qu'à Vocin comptait quelque 1 500 habitants. C'est ce qui a été fait

 26   entre août et décembre 1991, lorsque les forces serbes ont placé Vocin sous

 27   leur contrôle.

 28   Qui est-ce qui établit le lien entre l'accusé et ces événements ? La


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  1   JNA n'avait pas disposé d'effectifs pour les envoyer dans cette partie-là

  2   de la Slavonie occidentale et n'a pas souhaité le faire. Des éléments de

  3   preuve vont montrer que d'autres membres de l'entreprise criminelle

  4   commune, entre autres Slobodan Milosevic, n'avaient pas prêté une grande

  5   attention à la Slavonie occidentale. C'était l'accusé qui a été

  6   particulièrement intéressé par la prise desdits territoires.

  7   Au long de l'automne 1991, le Parti radical serbe a envoyé des

  8   centaines et des centaines de volontaires en Slavonie occidentale. Si

  9   Seselj ne les avait pas envoyés là-bas et s'ils n'avaient pas terrorisé la

 10   population non-serbe qui s'y trouvait, les souffrances des Croates ainsi

 11   que des Serbes auraient pu être évitées.

 12   L'Accusation ne se propose pas de fournir des éléments de fait en

 13   guise de preuve, mais elle se propose de montrer quel est le lien étroit

 14   qui existe la coordination faite par le SRS et la TO en Slavonie

 15   occidentale et dans d'autres lieux.

 16   Je me propose à cet effet de vous montrer quatre documents.

 17   Le premier des documents est une requête émanant de la Défense

 18   territoriale de la Slavonie occidentale datée du 12 octobre 1991 demandant

 19   au QJ du Parti radical serbe à Belgrade de fournir des volontaires.

 20   Le document suivant est en réalité une réaction émanant du Parti

 21   radical serbe, à savoir que son état-major de Guerre, datée du 16 octobre

 22   approuvant l'envoi de volontaires mais exigeant des instructions techniques

 23   au sujet de leur installation, et ainsi de suite.

 24   Le document suivant -- j'ai oublié de préciser qu'il s'agit de la

 25   pièce à conviction 1413.

 26   La pièce suivante est la pièce 1414. Une fois de plus c'est une

 27   lettre émanant de la TO de la Slavonie occidentale destinée au Parti

 28   radical serbe, datée du 19 octobre 1991, répondant aux aspects techniques


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  1   soulevés dans le courrier précédent. Quelques jours plus tard, les

  2   volontaires ont fini par être envoyés avec leurs commandants appartenant au

  3   Parti radical serbe et au Mouvement chetnik-serbe.

  4   Je propose à présent de vous montrer le document suivant. Il s'agit

  5   de la pièce à conviction 2144. En réalité c'est une autorisation datée du

  6   24 octobre 1991. Zoran Rankic, le chef adjoint de l'état-major du SRS, qui

  7   informe le QG de la TO de Podravska Slatina pour faire savoir que Radovan

  8   Novacic est la personne autorisée au nom des volontaires du Parti radical

  9   serbe et de ses unités pour coordonner les activités avec eux.

 10   Ces documents au cours des deux semaines en question, y compris les

 11   volontaires et commandants, montrent que l'on a répondu à la requête de la

 12   TO, et on donne comme exemple la "coopération" qu'il y a eu entre le QG du

 13   Parti radical serbe, la JNA et les autorités locales durant le conflit en

 14   Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

 15   Dans ce contexte, je me réfère une fois de plus à l'organisation

 16   militaire qui a été mise en place pour ce qui est des volontaires du Parti

 17   radical serbe. Je vous ai déjà montré un document brièvement, je me réfère

 18   notamment à la pièce 1261. S'agissant de laquelle je voudrais

 19   particulièrement attirer votre attention sur la règle numéro 7 où il est

 20   dit que : "Les volontaires du Parti radical serbe sont engagés dans les

 21   combats et autres activités de combat de façon indépendante ou en tant que

 22   partie intégrante des unités de la JNA, de l'armée de la Republika Srpska

 23   ou de l'armé des Serbes de la Krajina serbe conformément au planning

 24   approuvé par le commandement des armées susmentionnées."

 25   "Les unités de volontaires sont engagées dans ces armées dans leur

 26   intégralité et elles sont placées sous l'autorité des commandants des

 27   volontaires, à moins qu'il y ait des exceptions de prévues."

 28   A ce sujet, le commandant des volontaires exerce son autorité aux


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  1   fins de coordonner l'utilisation, l'organisation de la sécurité et le

  2   fonctionnement des unités de volontaires.

  3   Nous allons maintenant passer au paragraphe 11, où il est fourni un

  4   descriptif du commandement de la structure hiérarchique du commandement du

  5   Parti radical serbe comme il est décrit ci-après : 

  6   "Les volontaires sont organisés par organes de commandements des

  7   forces de volontaires et leurs unités et selon les activités de combat."

  8   C'est Vojislav Seselj qui se trouve à la tête de ce commandement

  9   patriotique.

 10   Des témoins vont dire que le Parti radical serbe a transféré des

 11   volontaires de son parti vers différentes lignes de front. Pour ce qui est

 12   de la population locale, les volontaires étaient tous les mêmes. Leur

 13   présence a créé une ambiance de peur en raison des pillages, des menaces,

 14   des abus et des exécutions de civils. Ce qui est important c'est qu'ils

 15   étaient tous considérés comme étant des Chetniks et ils établissaient entre

 16   leur présence et l'objectif de celle-ci un lien qui était celui de créer

 17   une Grande-Serbie.

 18   Une fois de plus en corrélation avec Vocin en novembre 1991, l'accusé

 19   a visité la localité de Vocin et s'est rencontré avec ses volontaires.

 20   Après la rencontre avec Seselj, les volontaires sont devenus plus agressifs

 21   et il y a eu augmentation très nette du nombre de crimes commis à

 22   l'encontre de civils croates.

 23   En général, les volontaires du Parti radical serbe et du Mouvement

 24   chetnik-serbe étaient notoirement connus pour leur brutalité et leur

 25   cruauté. L'Accusation de propose de fournir bon nombre de documents émanant

 26   de militaires, de la police et des organisations non gouvernementales pour

 27   montrer que la réputation du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-

 28   serbe ne se basait pas seulement sur des mythes mais sur des faits.


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  1   Je vais vous donner un exemple en provenance de Croatie. C'est une

  2   lettre de "Helsinki Watch" datée du 21 janvier 1992. Il s'agit de la pièce

  3   à conviction 1418. Je voudrais attirer votre attention sur la page numéro

  4   2, paragraphe 3 où l'on dit ce qui suit :

  5   "Le gouvernement serbe a fermé l'oeil et dans certains cas a apporté son

  6   soutien à la création d'au moins trois mouvements paramilitaires en Serbie

  7   qui étaient destinés à opérer en Croatie. D'après ce que l'on a appris le

  8   plus brutal de ces groupes était conduit par Vojislav Seselj, le chef du

  9   Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe. Le groupe des

 10   paramilitaires à Seselj s'appelle des Chetniks et ils opèrent tout au large

 11   de la Croatie."

 12   Les deux autres groupes sont des groupes appelés les hommes à Arkan

 13   et les hommes à Mirko Jovic qui sont également appelés les Aigles blancs.

 14   Je vais passer maintenant à un exemple en provenance de Bosnie-Herzégovine.

 15   Je me réfère notamment à la pièce à conviction 1339. Il est question d'un

 16   rapport rédigé par l'état-major de la VRS, le 28 juillet 1992, il est

 17   intitulé "Informations portant sur les formations paramilitaires sur le

 18   territoire de la République serbe de Bosnie-Herzégovine." On y dit ce qui

 19   suit, je cite :

 20   "Cela est pour la plupart du temps constitué ou composé d'individus à

 21   qualité morale très médiocre, c'étaient des personnes qui ont été

 22   poursuivies pour crimes, pour meurtres, pillages, vols et ce genre

 23   d'activités. Ce sont des criminels pathologiques que les circonstances ont

 24   fait émerger à la surface. Dans bon nombre de ces formations, il a été

 25   constaté que l'on étalait la haine vis-à-vis des populations non-serbes et

 26   que l'on a, sans réserve aucune, manifesté des éléments de comportement

 27   génocidaire vis-à-vis des autres. Un autre élément parle de liens très

 28   fréquents entre les paramilitaires et leurs dirigeants.


Page 883

  1   "Ce qu'ils ont en commun c'est qu'ils n'ont pas directement participé

  2   au combat. Ils viennent après les unités régulières de la Republika Srpska

  3   en Bosnie-Herzégovine, suite à quoi ils pillent et exécutent la population

  4   civile innocente."

  5   Dans ce rapport, on identifie bon nombre desdits groupes, l'un des

  6   groupes était "Seseljevci" ou les hommes à Seselj qui est un terme

  7   fréquemment utilisé pour les volontaires du Parti radical serbe et du

  8   Mouvement chetnik-serbe.

  9   L'Accusation se propose de fournir des éléments de preuve démontrant

 10   que l'accusé Seselj était très au courant du type de personnes qui

 11   rejoignaient les rangs des volontaires du SRS ou du Mouvement chetnik-serbe

 12   et qu'il a aidé à transférer ces volontaires dans les régions en question.

 13   Tant les membres du Parti radical serbe que les dirigeants locaux ont

 14   informé l'accusé ainsi que ses associés au bureau du Parti radical serbe à

 15   Belgrade concernant le comportement cruel des volontaires sur le terrain.

 16   D'après les informations recueillies, l'accusé a montré une grande

 17   indifférence vis-à-vis de ces comportements.

 18   L'accusé était pleinement au courant des événements sur le front parce que

 19   son équipe dans la région et à Belgrade l'a constamment tenu informé. A

 20   l'occasion de ses visites sur les lignes de front en Croatie et en Bosnie,

 21   l'accusé a pu voir de ses yeux les destructions et les dégâts occasionnés

 22   par les forces serbes vis-à-vis des installations musulmanes ou croates.

 23   En sa qualité d'homme politique de haut niveau et membre du parlement

 24   serbe, l'accusé a pu recevoir un grand nombre d'informations. N'oublions

 25   pas qu'un grand nombre de ces informations a également été publié par les

 26   médias concernant les opérations militaires et les crimes perpétrés.

 27   Nous allons maintenant nous référer à ce qui s'est passé en Bosnie-

 28   Herzégovine, en particulier Bosanski Samac, Bijeljina et Brcko.


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  1   J'ai déjà mentionné le discours de Radovan Karadzic daté du 12 mai

  2   1992 où il a souligné l'importance cruciale qu'avait le corridor et

  3   qu'avait le maintien d'un contrôle vis-à-vis du corridor. La direction

  4   serbe en Serbie et en RSK était pleinement consciente de l'importance de ce

  5   corridor de la Posavina pour établir le lien avec la mère patrie en Serbie.

  6   Les membres de cette entreprise criminelle commune sur les territoires et

  7   institutions impliqués dans le planning de préparation et exécution de ces

  8   opérations militaires du corridor ont impliqué également la participation

  9   de l'accusé Seselj. Je me propose de vous montrer la carte numéro 2 du

 10   registre où vous pourrez voir que Bosanski Samac et Brcko et Bijeljina se

 11   trouvent au niveau dudit corridor. Vous pourrez y voir également que la

 12   localité de Zvornik avait également beaucoup d'importance pour ce qui est

 13   de ce corridor et du lien à établir avec la rivière Drina.

 14   Les trois municipalités en question avant la guerre avaient une population

 15   majoritaire, par exemple à Bosanski Samac, une majorité croate; à Brcko,

 16   musulmane; et à Bijeljina, il y avait une majorité serbe. Toutefois, aux

 17   trois endroits en question, il s'est produit la même chose. A partir

 18   d'avril 1992, les non-Serbes ont été expulsés par la force desdites

 19   municipalités.

 20   L'Accusation ne se propose pas de citer à comparaître tous les témoins

 21   relatifs aux faits incriminés. Elle se propose de parler des événements en

 22   termes généraux et de présenter des éléments de preuve disant que l'attaque

 23   vis-à-vis de la population non-serbe a commencé en Bosnie-Herzégovine à

 24   Bijeljina et que cela a constitué un modèle pour les autres municipalités.

 25   Des trois municipalités que nous avons mentionnées tout à l'heure et les

 26   autorités locales ont demandé à la direction des Serbes de Bosnie d'envoyer

 27   des volontaires dans lesdites municipalités. En effet, des volontaires du

 28   Parti radical serbe sont effectivement venus pour participer aux attaques,


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  1   aux toutes premières attaques dans les différentes localités et ont

  2   participé aux crimes qui y ont été perpétrés.

  3   A Bosanski Samac, l'état-major de Guerre du Parti radical serbe y a envoyé

  4   des volontaires conduits par Srecko Radovanovic, surnommé Debeli. Vous

  5   allez voir sa photo sur la pièce à conviction 3117 -- ou plutôt non 3017.

  6   Il se trouve à droite.

  7   A Brcko et à Bijeljina, c'est Mirko Blagojevic qui était chargé des

  8   volontaires du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe. Vous

  9   pouvez le voir sur cette photo, il porte le couvre-chef typiquement serbe

 10   avec la cocarde.

 11   Les volontaires du Parti radical serbe se sont battus aux côtés de la JNA,

 12   de la TO des Serbes de Bosnie, des membres du ministère de l'Intérieur et

 13   des Tigres d'Arkan.

 14   L'Accusation va présenter des éléments de preuve démontrant que l'accusé a

 15   été informé des événements violents dans lesdites municipalités et il a

 16   promu les personnes que j'ai mentionnées au rang de Vojvoda. Il y a, je

 17   vous ai déjà montré, un ordre de promouvoir certaines personnes, par

 18   exemple Debeli qui est un surnom. Le surnommé Debeli figure au numéro 15,

 19   Srecko Radovanovic est mentionné comme colonel chetnik chargé de

 20   l'organisation et de l'entraînement des unités chetniks. Il est mentionné

 21   comme ayant participé aux événements en Croatie à partir d'avril 1992, par

 22   la suite il a été impliqué en Bosnie entre autres à Bosanski Samac et à

 23   Brcko. Au numéro 2, sur la même liste, on peut voir le nom de Mirko

 24   Blagojevic qui est mentionné au sujet de toute la région de la Semberija,

 25   plus particulièrement en corrélation avec Bijeljina, Zvornik et Brcko.

 26   Je vous ai déjà montré où se trouvait Zvornik et à quel point il revêtait

 27   de l'importance pour l'objectif lié au corridor et sa communication avec la

 28   rivière Drina. Les événements de cette municipalité illustrent bien le


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  1   modèle de fonctionnement qui a été mis en œuvre dans la Bosnie-Herzégovine

  2   toute entière.

  3   Pour établir leur contrôle vis-à-vis de Zvornik, les membres de cette

  4   entreprise criminelle commune visaient à expulser particulièrement la

  5   population musulmane qui constituait 59 % de la population de Zvornik en

  6   1991. Dès mars 1992, les Serbes de Bosnie ont établi une force de la police

  7   à Zvornik, ont déclaré qu'il s'agissait d'une municipalité serbe et ils se

  8   sont apprêtés à lancer une attaque contre Zvornik.

  9   En début avril, les forces serbes se sont attaqués aux Musulmans et

 10   Croates qui vivaient dans de petites villes et villages ainsi que dans de

 11   petits hameaux et qui n'avaient aucun objectif militaire. Des Croates et

 12   des Musulmans ont été maltraités et exécutés pendant cette attaque, suite à

 13   cela une campagne de persécution a eu lieu.

 14   La population non-serbe, essentiellement les hommes, ont été arrêtés et

 15   acheminés ailleurs. La population non-serbe essentiellement constituée

 16   d'hommes a été mise dans des installations de détention. Les conditions de

 17   détention étaient horribles. Bon nombre des détenus ont été battus,

 18   torturés et tués et on les a contraint à des travaux forcés. Des milliers

 19   de non-Serbes, essentiellement musulmans, ont été expulsés de leurs

 20   municipalités respectives. Leurs maisons ont été pillées et détruites. Il

 21   en a été ainsi pour ce qui est des sites religieux et culturels.

 22   Vous pouvez vous référer maintenant à la carte de Zvornik, on y a

 23   joint des photos des installations de détention.

 24   L'Accusation se propose de montrer des éléments de preuve de Drinjaca

 25   et du massacre de 88 hommes musulmans au foyer de la culture à la date du

 26   30 et 31 mai 1992; il a été tué 150 personnes à l'Ecole technique de

 27   Karakaj entre le 7 et le 9 juin; et il y a eu un massacre de 150 hommes

 28   musulmans dans une localité --


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  1   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ces chiffres ne font qu'illustrer

  3   l'extraordinaire brutalité à laquelle a été exposée la population non-serbe

  4   de Zvornik.

  5   Pourquoi l'accusé est-il accusé de ces crimes-là ? En mars 1992, il a

  6   tenu un discours à Mali Zvornik qui se trouve juste de l'autre côté de la

  7   rivière Drina, face à Zvornik où il a dit : "Chers frères chetniks,

  8   particulièrement vous qui êtes de l'autre côté de la Drina, vous êtes les

  9   plus braves. Nous allons purifier la Bosnie de tout ce qu'il y a d'impur et

 10   nous leur montrerons le chemin à prendre pour aller là où ils doivent

 11   aller."

 12   En avril 1992, Branko Grujic, président de la cellule de Crise de

 13   Zvornik, a demandé aux volontaires du Parti radical serbe de venir à

 14   Zvornik, l'accusé a personnellement fait droit à cette requête. Nous allons

 15   entendre des témoins qui vont parler de ces volontaires du Parti radical

 16   serbe de Loznica commandés par Dragan Cvetinovic à Zvornik. Par la suite,

 17   des Serbes locaux se sont joints aux volontaires du SRS et du Mouvement

 18   chetnik-serbe.

 19   Nous allons entendre des témoignages disant que le SRS/SCP et leurs

 20   volontaires ont participé à la prise de Zvornik et se sont battus aux côtés

 21   des Tigres d'Arkan, de la TO et des effectifs de la police. Les volontaires

 22   du Parti radical serbe et du SCP étaient commandés par Miroslav Vukovic,

 23   surnommé Cele. Tant Miroslav Vukovic que Dragan Cvetinovic ont été promus

 24   par l'ordre que vous avez déjà eu l'occasion de voir. M. Vukovic se trouve

 25   au numéro 5. Il y est désigné comme étant commandant des unités du

 26   Mouvement chetnik-serbe et du Parti radical serbe en Slavonie orientale,

 27   Baranja et Srem occidental. Il est également mentionné au niveau de la

 28   Slavonie de l'est. Au numéro 16, on peut voir Dragan Cvetinovic qui est


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  1   mentionné comme étant le commandant des Chetniks de Loznica. Nous avons

  2   également des photographies des deux personnes en question. L'une de ces

  3   photos constitue la pièce à conviction 306 [comme interprété]. Nous pouvons

  4   voir au milieu le dénommé Miroslav Vukovic. Nous avons également la

  5   photographie de Cvetinovic. On peut le voir aux côtés de Mirko Blagojevic.

  6   L'Accusation se propose de fournir des éléments de preuve indiquant

  7   que les volontaires du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe

  8   ont pris part à des exécutions en masse que j'ai mentionnées.

  9   Bon nombre de témoins vont se référer aux crimes commis par le groupe

 10   des Guêpes jaunes et l'Accusation fournira des témoignages indiquant que ce

 11   qu'il est convenu d'appeler les Guêpes jaunes, conduits par les frères

 12   Vuckovic, étaient également des volontaires du Parti radical serbe et du

 13   Mouvement chetnik-serbe. Ils ont rejoint les rangs du SRS en 1991 et ils

 14   ont été endoctrinés par la propagande de haine émanant de Seselj. Ils

 15   s'étaient déjà battus en Croatie et le QG du Parti radical serbe de

 16   Belgrade les a envoyés à Zvornik.

 17   En fin de compte, l'Accusation fournira des éléments de preuve

 18   montrant qu'il y a eu une campagne de persécution à Zvornik et que l'accusé

 19   a constamment été saisi d'informations concernant les événements de Zvornik

 20   et les pillages qui y ont eu lieu.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, je suis en train

 22   de regarder l'heure. Il est deux heures moins quart.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, en effet.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous devons finir pour aujourd'hui.

 25   Pour ce qui me concerne, vous avez parlé pendant 1 heure 40 minutes, ce qui

 26   signifie qu'il vous reste encore 50 minutes pour la journée de demain. Cela

 27   vous fournira un total de deux heures et demie.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, s'agissant de ce j'ai dit, mais


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  1   il y a --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Mais l'Accusation a demandé

  3   deux heures et demie pour son discours liminaire. Le 8 novembre, à la

  4   Conférence de mise en état, je crois avoir dit que l'Accusation ne devrait

  5   pas prendre plus de deux heures et demie pour ses propos liminaires, ce qui

  6   signifie 150 minutes. Vous avez mis à profit 100 minutes jusqu'à présent;

  7   il vous reste 50 minutes.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est

  9   exact. Je vous ai mal entendu. J'ai cru entendre 15 minutes et je me suis

 10   demandée comment finir en 15 minutes. Excusez-moi, mais 50 minutes me

 11   convient.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, 50 minutes. Nous allons

 13   continuer demain matin à 9 heures dans ce même prétoire, vous allez avoir

 14   de quoi aller jusqu'à 10 heures moins dix pour finaliser vos propos

 15   liminaires. En fonction de la présence de M. Seselj au prétoire ou pas,

 16   nous pourrions entendre sa déclaration faite non sous serment et nous

 17   pourrions faire une pause, comme je l'ai dit, pour reprendre dans l'après-

 18   midi de vendredi.

 19   L'audience est levée.

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 28 novembre

 21   2006, à 9 heures 00.

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