Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 17 mai 2012

  2   [Déclaration liminaire de l'Accusation]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes

  7   dans le prétoire et à l'extérieur de ce prétoire.

  8   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 10   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre

 11   Ratko Mladic.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Je vois que la composition des équipes n'est pas exactement la même

 14   qu'hier, Monsieur McCloskey. Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

 15   présenter les membres de votre équipe pour l'Accusation ?

 16   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président, et

 17   bonjour à vous. Bonjour à MM. les Juges. J'ai, à mes côtés, M. Dermot

 18   Groome, M. Vanderpuye, Camille Bibles, ainsi que Mme Janet Stewart.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je vois qu'en revanche,

 20   votre équipe est exactement la même qu'hier.

 21   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges. Me Branko Lukic par la Défense, accompagné de Me Miodrag Stojanovic,

 23   de Milos Saljic, et de M. Radovan Djurdjevic.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Monsieur McCloskey, c'est vous qui poursuivez la déclaration liminaire.

 26   Donc, je vous en prie, si vous êtes prêt.

 27   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie.

 28   L'expulsion et les meurtres et assassinats de la population non-serbe de


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  1   Bosnie, qui vous ont été décrits hier par M. Groome, ne s'est pas arrêtée

  2   en 1993 ou en 1994. Sur une période de cinq jours seulement, entre le 12 et

  3   le 16 juillet 1995, les forces armées de Radovan Karadzic et Ratko Mladic

  4   ont expulsé la population civile de Srebrenica et ont tué plus de 7 000

  5   hommes et garçons de Srebrenica.

  6   Les meurtres se sont poursuivis bien après le 16 juillet. De 17 juillet, et

  7   ce, pendant l'automne de l'année 1995, la VRS a continué à capturer et tuer

  8   les Musulmans de Srebrenica, alors qu'ils essayaient vainement de retrouver

  9   leur chemin à travers les bois de la Bosnie orientale.

 10   Le 1er novembre de cette année, la VRS avait éliminé la population

 11   musulmane de Srebrenica et l'avait expulsée de la Bosnie orientale

 12   alors que les femmes, enfants, et vieillards qui survivaient ou

 13   vivaient à peine péniblement dans les camps de réfugiés étaient laissés

 14   complètement anéantis en proie à un espoir quasiment absolu sans leurs

 15   pères, frères, maris, fils, et grands-pères.

 16   C'était un génocide et cela restera un génocide.

 17   Vous allez petit à petit assimiler les éléments de preuve relatifs à ce

 18   crime, et je suis absolument sûr que vous parviendrez à la même conclusion.

 19   Aujourd'hui, le 17 mai 2012, après quelque 17 années d'enquête, les

 20   éléments de preuve relatifs à ce crime sont absolument accablants et

 21   irréfutables.

 22   En deux mots, plus de 7 000 garçons et hommes assassinés, les corps de 5

 23   977 ont été exhumés dans des charniers liés à Srebrenica. La plupart

 24   d'abord de ces personnes ont été identifiées grâce aux analyses ADN.

 25   Vous verrez 11 hommes absolument étonnants quittant bien que mal ont réussi

 26   à s'extraire du carnage et à se frayer un chemin jusqu'à un lieu sûr. Grâce

 27   à leur aide et grâce à l'imagerie aérienne, nous avons trouvé la grande

 28   majorité des charniers de Srebrenica et nous les avons exhumés.


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  1   Nous avons perquisitionné les commandements de la VRS et nous y avons

  2   trouvé les registres relatifs aux véhicules, les dossiers d'excavation, qui

  3   indiquaient la date, le lieu, le nom du véhicule, et de l'opérateur qui ont

  4   travaillé sur de nombreux sites où se trouvaient ces charniers. Nous avons

  5   également les opérateurs de ces machines qui ont creusé les charniers et

  6   enterré les victimes.

  7   Nous avons certains des soldats qui ont véritablement exécuté les victimes

  8   ainsi que les officiers qui supervisaient ces exécutions, tout comme les

  9   documents et les dossiers ont figuré les noms des prisonniers musulmans et

 10   leur sort. Nous avons des conversions radio interceptées de soldats et

 11   d'officiers de la VRS qui parlaient de ces meurtres. Nous avons également

 12   la vidéo ou les extraits vidéo de deux de ces exécutions.

 13   Donc tout soit bien clair. Le crime ne sera pas la priorité essentielle de

 14   l'Accusation. Cette affaire porte essentiellement sur un élément : La

 15   responsabilité pénale individuelle d'un homme, le commandant Ratko Mladic.

 16   Mais il est évident que Mladic n'a pas commis ces crimes en faisant

 17   cavalier seul.

 18   En juillet 1995, Mladic s'en ait remis à quelques officiers de l'état-major

 19   général qui lui ont fourni les conseils, les expertises, et l'encadrement

 20   nécessaire pour concevoir et mettre en œuvre l'expulsion de Srebrenica et

 21   le génocide.

 22   Pour que le travail soit accompli, Mladic a pu compter sur les généraux

 23   Tolimir, Gvero, et Miletic. Certes, il y avait d'autres généraux au sein de

 24   l'état-major général, mais ces trois généraux étaient présents, et étaient

 25   impliqués et, de ce surcroît, étaient des collaborateurs proches de Mladic.

 26   Ils savaient à quel point il était atroce de forcer une population à

 27   quitter sa patrie, et comment il était atroce d'assassiner, et pourtant ils

 28   ont joué le rôle jusqu'au bout.


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  1   A Srebrenica, le général Mladic et son état-major général ont compté sur

  2   les généraux Zivanovic et Krstic, commandant et commandant adjoint du Corps

  3   de la Drina, pour qu'ils expulsent et assassinent les Musulmans de

  4   Srebrenica.

  5   A leur tour, l'état-major général et le général Krstic ont fait appel aux

  6   commandants de Brigade du Corps de la Drina, le colonel Pandurevic, le

  7   commandant Obrenovic, le colonel Blagojevic, et le commandant adjoint de la

  8   police spéciale M. Borovcanin ainsi que d'autres commandants, pour faire

  9   subir une défaite aux forces musulmanes, expulser la population musulmane,

 10   et assassiner les hommes en âge de porter les armes de Srebrenica.

 11   Le commandant Obrenovic a plaidé coupable devant ce Tribunal. Le 10e

 12   Détachement du Sabotage de l'état-major général a exécuté plus de mille

 13   victimes. Le soldat de ce 10e Détachement de Sabotage, Drazen Erdemovic, a

 14   plaidé coupable pour sa participation à ces crimes, il viendra témoigner.

 15   La majorité du travail accompli et de la supervision de ce travail, de son

 16   organisation et de sa mise en œuvre, est une tâche qui a été confiée aux

 17   officiers de la sécurité, qui ont en fait mis en œuvre l'expulsion de la

 18   population musulmane de Srebrenica, et le meurtre des hommes en âge, aptes

 19   à porter les armes. Pour diriger et superviser les organes de la sécurité

 20   de la VRS, nous avions le général Zdravko Tolimir ainsi que son subordonné

 21   direct, le colonel Ljubo Beara.

 22   Pour le commandement du Corps de la Drina, il y avait le lieutenant-colonel

 23   Vujadin Popovic; pour le commandement de la Brigade de Bratunac, le

 24   capitaine Momir Nikolic; et pour le commandement de la Brigade de Zvornik,

 25   le lieutenant Drago Nikolic, Milorad Trbic.

 26   Momir Nikolic a plaidé coupable de tous ces crimes, et viendra bientôt

 27   déposer en l'espèce.

 28   Voici les hommes et les forces qui ont commis ces crimes. En 1995, il n'y


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  1   avait plus de paramilitaires. Il n'y avait plus de groupes civils, il n'y

  2   avait plus de forces extérieures, il n'y avait que la VRS et une unité des

  3   forces de police conjointe du ministère de l'Intérieur, connu sous le nom

  4   des forces du MUP.

  5   Ce sont des crimes qui sont gravés dans l'histoire terrible de la guerre de

  6   Bosnie. Il faut savoir que ces crimes n'ont jamais fait l'objet, n'ont

  7   jamais véritablement été contestés. Nous allons nous intéresser aux

  8   éléments de preuve qui permettent d'établir un lien entre le général

  9   Mladic, ses hommes, et ces crimes.

 10   Mladic se trouvait sur le terrain et commandait Potocari, Bratunac, Sandici

 11   ainsi que d'autres lieux où ces crimes ont été commis, à partir du 11

 12   janvier, et ce, pendant tout l'après-midi du 14 juillet, Mladic était de

 13   service, commandait et contrôlait la VRS, tout en s'occupant d'affaire

 14   d'état lors de son séjour à Belgrade, à partir de la soirée du 14 juillet,

 15   et ce, jusqu'au soir du 16 juillet, au moment où il est revenu en Bosnie.

 16   Il ne s'agit pas d'une armée qui était complètement hors de contrôle ou qui

 17   était contrôlée par quelqu'un d'autre. Il s'agissait seulement d'une arme

 18   strictement contrôlée depuis le haut, aurait réussi ainsi à assassiner plus

 19   de 7 000 personnes en quatre jours.

 20   La VRS était une armée de métier, une armée qui avait une chaîne de

 21   commandement disciplinée et dynamique. La VRS a exécuté ces ordres de

 22   meurtre avec une discipline absolument incroyable, une organisation, une

 23   efficacité militaire hors pair, a capturé, et a détenu, transporté et

 24   inhumé plus de 7 000 hommes et garçons. Dans un premier temps, dans le

 25   secret le plus total, par rapport au monde extérieur, ce qui constitue un

 26   tour de force, une brutalité impressionnante.

 27   Il était important d'indiquer que les survivants des exécutions de

 28   Srebrenica ont fourni certains éléments de preuve des plus précieux à


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  1   propos de l'organisation, de l'efficacité de l'opération de meurtre. Ils

  2   ont tous vécu la même chose, ils ont été capturés ou se sont rendus en

  3   grand nombre, leurs biens leur ont été confisqués, ils ont ensuite été

  4   détenus dans des véhicules ou à l'intérieur de bâtiment. Ils ont été

  5   transportés dans des convois vers des écoles ou des bâtiments municipaux,

  6   dans Bratunac ou Zvornik, ou dans leurs environs. Ils ont ensuite été

  7   transportés dans des véhicules, dans des sites d'exécution essentiellement

  8   isolés, qui se trouvaient tout près, et ont été exécutés de façon la plus

  9   sommaire par des pelotons d'exécution et enterrés par de lourdes machines

 10   de terrassement, le jour de leur mort ou un ou deux jours après.

 11   Donc lorsque vous entendrez et écouterez les moyens de preuve

 12   présentés par ces survivants, il est important de bien comprendre le sort

 13   de ces victimes. Mais également nous devons en quelque sorte aller ou

 14   transcender cette horreur et ces atrocités, et nous intéresser au système

 15   qui sous-tendait cette efficacité militaire qui émane de leur déposition.

 16   Les éléments de preuve qui prouvent que Mladic commandaient les soldats qui

 17   ont commis ces crimes ne représentent qu'une partie des moyens de preuve

 18   prouvant la culpabilité de Mladic. Nous allons également prouver que, lors

 19   de la commission de certains de ces crimes, Mladic, lui-même, se trouvait

 20   sur le terrain, et il y a personnellement participé.

 21   Il faut savoir que les éléments de preuve qui permettent d'établir

 22   ces liens viennent essentiellement de trois sources principales :

 23   Les documents. La plupart des ordres criminels pendant cette guerre

 24   ont été donnés oralement. Qui plus est, la plupart des documents pertinents

 25   et importants ont été soit détruits, soit dissimulés. Toutefois, il existe

 26   certains documents de la VRS et du MUP qui sont absolument capitaux, que

 27   nous avons pu récupérer qui nous permettront d'exposer ce crime ainsi que

 28   le rôle joué par le général Mladic.


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  1   Nous avons des conversations interceptées. Le texte de conversations

  2   radio interceptées qui ont été prises par l'armée de la BiH, alors qu'ils

  3   écoutaient les conversations de la VRS, vous entendrez ou on vous

  4   expliquera le processus utilisé par l'armée de la BiH, et je suis sûr que

  5   vous trouverez, considèrerez ces éléments de preuve fiables et crédibles.

  6   Nous avons également les témoignages. Car de nombreux témoins de la

  7   VRS qui ont participé à ces crimes, qui les ont suivis de très près

  8   viendront témoigner dans ce procès, et fourniront des moyens de preuve

  9   importants qui impliquaient le général Mladic; toutefois, nombreux sont les

 10   témoins, parmi les témoins de la VRS qui n'ont pas relaté toute la vérité,

 11   et qui parfois peut-être auront -- présenteront une version qui ne sera pas

 12   entièrement véridique. Dans certains cas, le but étant d'éviter de

 13   s'incriminer ou même d'incriminer d'autres personnes. Donc nous vous

 14   demanderons d'être très attentifs à ces témoins. Il faudra que leurs droits

 15   conformément aux droits du TPIY leur soient expliqués.

 16   Mais lorsque vous évaluerez les moyens de preuve, il sera important

 17   de voir quels sont les éléments de preuve qui sont corroborés par d'autres

 18   éléments de preuve, lorsque vous procèderez à une évaluation critique de

 19   leur déposition. Mais je pense que vous finirez par considérer à quel point

 20   ces moyen de preuve sont précieux, parce qu'ils vous permettront de

 21   comprendre depuis l'intérieur l'opération menée par Mladic, et dans la

 22   plupart des cas, ils vous permettront de dénuer les choses, et de discerner

 23   la vérité des mensonges.

 24   Il y a deux crimes atroces qui correspondent aux accusations pour

 25   Srebrenica : Le déplacement forcé de la population musulmane, le 12 et le

 26   13 juillet, la détresse et les décès qui se s'en sont ensuivis, et ainsi

 27   que les meurtres et assassinats des milliers de garçons et hommes musulmans

 28   de Bosnie, tout cela revenait en fait à l'élimination de la population


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  1   musulmane de Srebrenica et au génocide.

  2   Pour ce qui est du mouvement forcé ou des déplacements forcés plutôt

  3   des 12 et 13 juillet. Cela ne s'est pas passé dans un vide. Il faut savoir

  4   qu'il fallait faire beaucoup plus que fournir des bus et des camions pour

  5   le transport. Cela incluait notamment : resserrer l'étau autour des

  6   enclaves en limitant l'approvisionnement des biens de première nécessité;

  7   terroriser la population civile par des activités de tireurs embusqués et

  8   des bombardements; attaquer la population civile durant l'assaut sur les

  9   enclaves, et finalement s'assurer que tous les civils soient placés dans

 10   des bus et des camions.

 11   Pour ce qui est des meurtres de masses, il faut savoir qu'à part

 12   égale, nous retrouvons ces différentes actions : La capture des milliers de

 13   Musulmans qui se sont enfuis de Srebrenica lorsqu'elle est tombée, lorsque

 14   l'enclave est tombée; le transport de victimes vers les sites de détention;

 15   la détention des victimes sur des sites de détention avant l'exécution; le

 16   transport des victimes vers les sites d'exécutions; l'exécution de ces

 17   victimes, et enfin le fait que les cadavres, qu'on se soit débarrassé de

 18   ces cadavres ou qu'on ait enterré les victimes.

 19   Afin de comprendre Srebrenica et d'identifier le rôle joué par

 20   Mladic, je vais fournir une chronologie des événements et évoquer

 21   rapidement certains des moyens de preuve les plus importants qui impliquent

 22   Mladic lui-même. 

 23   Car il est important de comprendre certains des éléments de contexte

 24   historique pour la zone de Srebrenica, qui est connue sous différents noms,

 25   la vallée de la Drina, la Podrinje et la Région de Birac.

 26   Tel que M. Groome vous l'a expliqué la guerre a véritablement éclaté

 27   en Bosnie orientale dans le nord, à Bijeljina, et s'est propagée vers le

 28   sud jusqu'à Zvornik et Bratunac. Cette guerre a été faite et la population


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  1   a été littéralement terrorisée avec en corollaire les meurtres, l'expulsion

  2   de la population musulmane.

  3   A la fin de 1992, les forces -- ou plutôt, en novembre 1992, MM. Karadzic

  4   et Mladic ont exposé leur plan criminel pour la Bosnie orientale, à savoir

  5   la directive 4. M. Groome vous en a parlé.

  6   Je ne reviendrai pas là-dessus, mais je voulais que vous compreniez que le

  7   Corps de la Drina a adapté la directive 4. Le 24 novembre 1992, le général

  8   Zivanovic a envoyé à toutes ses brigades ces mots, ces mots importants qui

  9   servaient de base à leurs plans de combat et à leurs opérations, et je vais

 10   maintenant vous présenter le document en question. Alors pour ce qui est

 11   des -- dans les régions pertinentes :

 12   "Lancer une attaque en utilisant le gros des troupes et la majorité de

 13   notre matériel pour infliger les pertes les plus élevées possibles à

 14   l'ennemi, pour l'épuiser, pour les diviser ou pour les forcer à se rendre,

 15   et forcer la population locale musulmane à abandonner la zone de Cerska,

 16   Zepa, Srebrenica et Gorazde."

 17   Il s'agit d'un ordre de nettoyage ethnique à Srebrenica en termes simples.

 18   Vous avez ensuite les attaques de la VRS sur la population civile musulmane

 19   dans les zones indiquées par cet ordre et cela se retrouve dans les

 20   rapports des Nations Unies et a été vécu par de nombreux témoins musulmans

 21   en l'espèce.

 22   Au début du printemps de l'année 1993, les Musulmans se sont enfuis face à

 23   ce massacre et se sont rassemblés dans la zone de Srebrenica, ce qui a créé

 24   un désastre et une catastrophe humanitaire importante, dont nous verrons

 25   quelques extraits maintenant sur la vidéo, nous voyons le général Morillon

 26   qui sort de son véhicule pour s'adresser à la foule.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. McCLOSKEY : [interprétation] Peu de temps après le Conseil de sécurité


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  1   des Nations Unies a adopté la résolution 819, qui crée la zone sûre,

  2   l'enclave de Srebrenica. J'aimerais maintenant que la planche numéro 3 soit

  3   affichée. Vous voyez que le Conseil de sécurité :

  4   "Condamne et rejette les actions délibérées des Serbes de Bosnie qui

  5   souhaitent forcer l'évacuation de la population civile de Srebrenica et des

  6   zones avoisinantes à Srebrenica… ce qui s'inscrit dans la campagne odieuse

  7   générale de 'nettoyage ethnique' …"

  8   Les Nations Unies ont agi avec les meilleures intentions du monde mais ont,

  9   malheureusement, créé une bombe à retardement qui avait été déclanchée

 10   parce qu'ils ont envoyé trop peu de soldats à Srebrenica pour protéger la

 11   population musulmane, pour désarmer l'armée musulmane. Ce qui fait que les

 12   Nations Unies n'ont pas été en mesure de protéger la population musulmane

 13   et que les enclaves étaient entourées par une armée qui était supérieure à

 14   l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui, toutefois, n'a pas désarmé.

 15   Pendant le reste de l'année 1993 et l'année 1994, une situation extrêmement

 16   instable, une situation qui a fini par devenir insoutenable, a évolué dans

 17   l'enclave de Srebrenica, avec la VRS qui avait posté ses tireurs embusqués

 18   et qui bombardait l'enclave et les forces de l'ABiH qui se trouvaient à

 19   l'intérieur de l'enclave et qui organisaient des opérations à l'extérieur

 20   de l'enclave, parfois tout simplement pour chercher des vivres, mais

 21   d'autres fois dans le cadre d'une politique menée par l'armée de Bosnie-

 22   Herzégovine afin d'attaquer des villages et des positions militaires, et

 23   ce, pour contraindre la VRS à garder ses soldats autour de l'enclave pour

 24   empêcher que des renforts de la VRS ne soient envoyés sur le front de

 25   Sarajevo.

 26   En 1994, le souhait exprimé par les dirigeants serbes de Bosnie, souhait

 27   qui consistait à nettoyer les enclaves des Musulmans, ne s'est pas

 28   volatilisé, et ce n'est que grâce à la très faible présence des Nations


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  1   Unies que la VRS a été tenue à distance. Vous avez, dans un premier temps,

  2   les Canadiens, qui ont été suivis par un contingent de l'armée

  3   néerlandaise, connu sous le nom de Bataillon néerlandais.

  4   Vous vous souviendrez que l'extrait vidéo que M. Groome vous a montré hier,

  5   nous y voyons le général Mladic qui conduisait avec un de ses sympathisants

  6   canadiens dans la zone de Zepa le 15 août 1995. Dans cette vidéo, voilà ce

  7   que Mladic révèle à M. Lesic. Il lui indique pourquoi les enclaves sont

  8   encore musulmanes. Alors je ne vais pas vous remontrer cet extrait vidéo,

  9   mais je vais vous demander de bien vouloir prendre connaissance des propos

 10   de Mladic. Il lui dit :

 11   "Filme ça sans aucun problème. Que les Serbes voient ce que nous leur avons

 12   fait, comment nous nous sommes occupés de ces Turcs. A Podrinje, nous les

 13   avons anéantis, les Turcs. Si les Américains et les Anglais, les Ukrainiens

 14   et les Canadiens à Srebrenica, et maintenant ce sont les Néerlandais, ne

 15   les protégeaient pas, ils auraient disparu de cette zone depuis très, très

 16   longtemps."

 17   Des propos qui ont été tenus le 15 août 1994. En 1994, les intentions de la

 18   VRS vis-à-vis de Srebrenica et de Zepa ont été énoncées très clairement

 19   dans un rapport officiel destiné à ses troupes, et ce, par le commandant de

 20   la Brigade de Bratunac peu de temps après que le général Mladic lui a rendu

 21   une visite. Nous voyons donc la partie qui nous intéresse où il est indiqué

 22   :

 23   "Nous devons parvenir à notre objectif final, qui est d'avoir une Podrinje

 24   entièrement serbe…

 25   "Nous devons continuer à armer, à former, à discipliner et à préparer

 26   l'armée de la RS pour qu'elle puisse exécuter cette tâche essentielle -

 27   l'expulsion des Musulmans de l'enclave de Srebrenica.

 28   "Il n'y aura pas de retraite lorsque nous arriverons à l'enclave de


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  1   Srebrenica, nous devons continuer à avancer. Il faut que la vie de l'ennemi

  2   soit rendue absolument insupportable et que leur séjour temporaire dans

  3   cette enclave soit impossible pour qu'ils puissent quitter l'enclave en

  4   masse aussi rapidement que possible lorsqu'ils se seront rendus compte

  5   qu'ils ne peuvent pas survivre là-bas."

  6   Une fois de plus, nous voyons cette déclaration délibérée, intentionnelle,

  7   il y est question d'expulser la population musulmane, et toute la

  8   population musulmane de Srebrenica.

  9   Il y a des éléments de phrase et des mots qui ont été répétés quelque huit

 10   mois plus tard par l'état-major général et le président Karadzic et qui

 11   figurent maintenant dans la directive 7.

 12   Le 8 mars 1995, le président Karadzic assigne la directive numéro 7 qui

 13   avait été rédigée par l'état-major général et qui avait été approuvée par

 14   Mladic. Tout comme les autres directives, la directive 7 fournissait des

 15   instructions à chacun des corps de la VRS en matière d'objectifs militaires

 16   pour la période à venir, et les différents corps devaient en quelque sorte

 17   suivre les instructions données.

 18   Alors, pour le Corps de la Drina, je voudrais vous montrer trois

 19   instructions importantes. Voilà la première :

 20   "Par des opérations de combat planifiées et bien conçues, il faudra créer

 21   une situation insoutenable, une situation d'insécurité totale qui ne

 22   présentera aucun espoir de survie ou de vie pour les habitants de

 23   Srebrenica et de Zepa."

 24   Là, nous retrouvons quasiment les mêmes mots que ceux qui avaient été

 25   prononcés par le commandant de la Brigade de Bratunac huit mois auparavant.

 26   Il est évident que l'accent est mis sur le fait que la survie ou la vie

 27   doit devenir impossible pour les populations musulmanes de Srebrenica et de

 28   Zepa.


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  1   La directive se poursuit et précise et identifie une tactique qui devra

  2   être prise en considération pour rendre la vie insoutenable dans les

  3   enclaves. Voilà ce qui est dit :

  4   "… par la délivrance planifiée et discrètement restrictive de permis,

  5   réduire et limiter l'appui logistique de la FORPRONU aux enclaves ainsi que

  6   l'approvisionnement en ressources matérielles à la population musulmane, en

  7   les rendant absolument tributaires de notre bonne volonté tout en invitant

  8   la condamnation de la communauté internationale et de l'opinion publique

  9   internationale."

 10   Voici un plan insidieux qui est mis en place et nous pouvons en

 11   constater les résultats pour le Bataillon néerlandais et la population

 12   civile. C'est Mladic qui assume la responsabilité qui s'occupe de ce

 13   processus, et vous verrez ces initiales sur de nombreux documents originaux

 14   de convois par lesquels les vivres sont refusés aux enclaves.

 15   Troisièmement :

 16   "Au cas où les forces de la FORPRONU quittent Zepa et Srebrenica, le

 17   commandement du Corps de la Drina planifiera une opération intitulée Jadar

 18   dont l'objectif sera de briser et détruire les forces musulmanes dans ces

 19   enclaves et de libérer une fois pour toute la Région de la vallée de la

 20   Drina …"

 21   Cela montre et démontre qu'alors que Karadzic et Mladic souhaitaient

 22   créer des conditions atroces pour les Musulmans dans les enclaves,

 23   lorsqu'ils ont rédigé la directive, leur but n'était pas d'assumer le

 24   contrôle ou la prise des enclaves du fait de la présence des forces des

 25   Nations Unies dans des enclaves.

 26   Mais comme vous le constaterez, leurs objectifs vont rapidement se

 27   modifier.

 28   Le Corps de la Drina a considéré de façon absolument littérale cette


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  1   directive, et le 20 mars 1995 le général Zivanovic remet à ses brigades le

  2   libellé exact de la directive 7, et voilà ce qu'il leur dit :

  3   "Grâce à des opérations planifiées et bien conçues, il faudra créer

  4   une situation insoutenable, une situation d'insécurité totale qui ne

  5   laissera aucun espoir de survie ou de vie pour les habitants de Srebrenica

  6   et de Zepa."

  7   Evidemment, après cette directive 7, le Corps de la Drina a commencé

  8   à planifier une opération de combat contre l'enclave de Srebrenica. Elle

  9   était intitulée Krivaja 95, porte la date du 2 juillet 1995 et avait comme

 10   date de départ prévue le 6 juillet.

 11   Mais avant que nous ne commencions à nous intéresser à l'attaque

 12   contre Srebrenica, j'aimerais vous présenter deux cartes, deux cartes qui

 13   vous permettront de vous familiariser avec les villes importantes de la

 14   zone et avec sa topographie.

 15   Voici une carte représentant les zones dans corps d'armée de la VRS

 16   et vous pouvez voir que la zone du Corps de la Drina épouse les contours de

 17   la Bosnie, avec la rivière Drina comme frontière entre la Bosnie et la

 18   Serbie; elle est figurée en marron clair cette zone.

 19   Passons à la carte suivante.

 20   C'est celle du Corps de la Drina montrant les délimitations des

 21   différentes brigades, ainsi que les frontières des enclaves de Srebrenica,

 22   et Zepa, et Gorazde. Vous pouvez voir que Srebrenica et Zepa sont proches

 23   l'une de l'autre, ce qui est important. Vous relèverez également sur cette

 24   carte la ligne noire qui court dans le cadran supérieur gauche, et

 25   correspond approximativement à la ligne de front, qui est située à 50

 26   kilomètres à vol d'oiseau du bord de l'enclave de Srebrenica, et c'est la

 27   direction que l'armée musulmane et les hommes musulmans prendront, comme

 28   nous le verrons plus tard.


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  1   Alors l'attaque contre Srebrenica à présent, l'un des objectifs de Krivaja

  2   95 était d'attaquer les forces de l'ABiH pour les couper de l'enclave de

  3   Zepa et empêcher les deux enclaves de céder l'une l'autre en les séparant.

  4   Des forces bosniennes avaient lancée des attaques contre les Serbes se

  5   trouvant à l'extérieur tant de l'enclave de Srebrenica que de celle de

  6   Zepa, par conséquent, cet objectif, celui de mettre un terme à l'activité

  7   de l'armée musulmane était un objectif militaire légitime.

  8   Cependant, Krivaja 95 avait également un autre objectif qui n'avait rien de

  9   légitime, et consistait à attaquer les civils musulmans et les postes

 10   d'observation des Nations Unies, ou OP, afin de pousser la population

 11   musulmane à se concentrer dans le petit noyau urbain de l'enclave et de

 12   déclencher un désastre humanitaire, comparable à celui de 1993.

 13   Les postes d'observation des Nations Unies étaient de petits cabanons

 14   surélevés, fortifiés au moyen de sacs de sable et dotés d'un petit nombre

 15   d'hommes. Ces OP étaient situés sur le périmètre extérieur, le cercle

 16   extérieur de la frontière de l'enclave.

 17   Je voudrais maintenant passer au plan d'attaque lui-même, et montrer

 18   comment le général Zivanovic a formulé les objectifs que je viens

 19   d'évoquer, je cite :

 20   "… séparer les enclaves de Zepa et Srebrenica et les réduire à leurs zones

 21   urbaines."

 22   "… créer les conditions d'une élimination des enclaves."

 23   "Séparer les enclaves de Zepa et Srebrenica" était un objectif militaire

 24   légitime, l'objectif légitime dont j'ai parlé; qui consistait à empêcher

 25   les forces bosniennes des deux enclaves de survenir en aide les unes aux

 26   autres et de lancer des attaques vers l'extérieur des enclaves.

 27   Cependant, "réduire les enclaves à leurs noyaux urbains" signifiait

 28   attaquer les périmètres de l'enclave, chacune des enclaves, conquérir du


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  1   territoire en avançant vers le centre-ville et en comprimer les frontières

  2   jusqu'à leur faire épouser celles de la petite agglomération de Srebrenica.

  3   Ceci devait conduire près de 40 000 habitants qui vivaient dans l'enclave à

  4   s'entasser dans un centre-ville étroit mesurant à peu près un kilomètre sur

  5   deux. Cela devait provoquer un désastre humanitaire, en tout point

  6   comparable à celui de 1993 et dont nous avons eu un bref aperçu dans un

  7   enregistrement vidéo.

  8   Par la même, il s'agissait de "créer les conditions pour l'élimination de

  9   l'enclave," c'est-à-dire les conditions du troisième objectif, mais cela ne

 10   signifiait pas prendre le contrôle de l'ensemble de l'enclave. Comme vous

 11   vous en souviendrez, prendre l'ensemble de l'enclave n'a été envisagé dans

 12   la directive numéro 7 qu'en cas de départ de la FORPRONU.

 13   Alors je voudrais maintenant passer à une représentation graphique

 14   illustrant la façon dont a été conçu le développement de la crise.

 15   Sur cette carte vous voyez les frontières de l'enclave en violet ainsi que

 16   les positions approximatives des postes d'observation tout autour de

 17   l'enclave elles sont désignées par des lettres dans la terminologie

 18   militaire. OP F était connu comme étant le poste d'observation Foxtrot pour

 19   les forces du Bataillon néerlandais.

 20   Vous pouvez également remarquer le petit rectangle en couleur claire qui

 21   correspond à la zone urbaine réduite de Srebrenica, 1 kilomètre sur 2

 22   kilomètres, avec un rétrécissement à son milieu. La zone à l'intérieur du

 23   tracé en violet présente une largeur d'environ 25 kilomètres, et c'est là

 24   que vivaient des milliers de personnes, très à l'écart du noyau urbain.

 25   Avec l'attaque de la VRS et son déploiement dans l'enclave, ces personnes

 26   ont été contraintes de se déplacer vers la zone urbaine où se trouvait une

 27   petite base du Bataillon néerlandais. C'est ce qui était prévu et c'est

 28   évidemment ce qui s'est passé.


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  1   Alors, avant d'en arriver là, je voudrais relever encore une chose,

  2   Srebrenica se trouve environ à 5 kilomètres de Potocari par la route

  3   principale, et il y a 5 kilomètres encore de Potocari à Bratunac, c'est une

  4   route importante de Bratunac vers Kravica, en passant à côté de Glogova,

  5   puis Sandici, Konjevic Polje, Nova Kasaba, et Milici. Les lignes rouges de

  6   Jaglici et Susnjari à partir d'où les hommes musulmans sont partis, nous

  7   emmènerons vers une autre partie de mon exposé.

  8   Avant d'en arriver là, je voudrais vous présenter la carte réelle de la VRS

  9   et élaborer, en même temps, que le plan d'attaque écrit, cette carte montre

 10   l'approbation du plan par Mladic en personne, nous pouvons par sa signature

 11   dans le coin supérieur gauche.

 12   Vous pouvez voir sur cette diapositive les limites de l'enclave par un

 13   tracé à la main en lignes bleues et rouges. Les lignes -- ou plutôt, le

 14   tracé bleu représente les lignes de l'ABiH et le tracé rouge celle de la

 15   VRS.

 16   Non seulement Mladic a autorisé lui-même cette opération. Il a également

 17   annoté la carte et a signé l'aboutissement de la prise de contrôle du 10

 18   [comme interprété] juillet en apposant sa signature et en traçant

 19   sommairement une croix en travers de l'enclave, et en ajoutant également la

 20   mention manuscrite : Ceci était serbe et, maintenant, c'est serbe. Alors

 21   vous vous rappellerez les mots de M. Groome sur ce sujet.

 22   Concernant l'attaque, elle a commencé le 6 juillet. Le 7 juillet, un

 23   rapport d'observateur militaire des Nations Unies relève que l'offensive de

 24   la VRS semble s'intensifier continuellement et se concentrer davantage sur

 25   des cibles civiles dans la ville de Srebrenica et à Potocari, et il y a

 26   plusieurs victimes civiles et ceci devait se poursuivre à partir du 7

 27   juillet.

 28   Du 7 juillet au 9 juillet, la VRS a pris le contrôle de postes


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  1   d'observation clefs du Bataillon néerlandais et pris en otage plusieurs

  2   soldats néerlandais à Bratunac. La VRS a continué à repousser et à défaire

  3   les forces bosniennes, dont le leader, Naser Oric, avait été transféré hors

  4   de l'enclave des semaines auparavant conjointement avec un certain nombre

  5   de commandants importants.

  6   Au soir du 9 juillet, la VRS était en position de prendre le contrôle de la

  7   ville de Srebrenica, en effet il n'y avait pas eu de bombardement de l'OTAN

  8   et le Bataillon néerlandais était totalement dépassé par la supériorité

  9   numérique de la VRS et dans l'incapacité de l'arrêter. Au soir du 9 juillet

 10   donc, le plan a subi une modification, la VRS est passée de la création de

 11   conditions pour l'élimination de l'enclave à l'investissement du cœur de

 12   l'enclave lui-même et à sa prise. Ceci peut être retrouvé dans une

 13   communication adressée par le général Tolimir au général Krstic, qui

 14   commandait l'attaque.

 15   Je cite :

 16   "Le président de la République est satisfait des résultats des opérations

 17   de combat autour de Srebrenica et a donné son accord à la poursuite des

 18   opérations aux fins de la prise de Srebrenica, du désarmement des bandes de

 19   terroristes musulmans et de la démilitarisation complète de l'enclave de

 20   Srebrenica."

 21   Cette référence au fait que le président a "donné son accord à la poursuite

 22   des opérations aux fins de la prise de Srebrenica" signifie que Mladic

 23   avait proposé à son commandant suprême une poursuite de l'attaque et que

 24   Karadzic a donné son accord et a autorisé l'action proposée. C'est ainsi

 25   que fonctionne la chaîne de commandement au sein de la VRS.

 26   Mladic était pleinement conscient du succès de la VRS à Srebrenica, comme

 27   nous pouvons le voir dans l'ordre suivant émis par lui le 10 juillet.

 28   Je cite :


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  1   "Suite à la situation nouvellement survenue autour de l'enclave de

  2   Srebrenica et au succès de la VRS sur cette partie du front, la séparation

  3   des enclaves et la réduction de la zone entourant Srebrenica, et afin de

  4   verrouiller l'enclave de Zepa et d'améliorer la position technique de nos

  5   forces autour de l'enclave…

  6   "Le commandement du Corps de la Drina planifiera et lancera une offensive…

  7   autour de l'enclave de Zepa…"

  8   Donc, à ce moment, Mladic est pleinement conscient des objectifs

  9   pratiquement accomplis de l'opération Krivaja 95 et il donne l'ordre de

 10   planifier une attaque de Zepa. Je passe maintenant à la chute de l'enclave.

 11   Au matin du 11 juillet, le Bataillon néerlandais s'était replié, les Unités

 12   de l'armée de Bosnie-Herzégovine s'étaient effondrées, et la plupart des

 13   hommes valides de Srebrenica étaient partis en direction du nord-ouest de

 14   l'enclave vers les village de Jaglici et Susnjari dans une tentative de se

 15   soustraire à la furie de la VRS.

 16   Nombre de résidents de Srebrenica avaient encore un souvenir vivace de ce

 17   qu'il était advenu de leur famille et de leurs voisins en 1992 et 1993 dans

 18   des localités telles que Bratunac, ainsi que cela a été décrit précédemment

 19   par M. Groome. Ils craignaient à bon droit pour leur vie.

 20   Les femmes, les enfants, les hommes âgés, ainsi qu'un certain nombre

 21   d'hommes valides ont rassemblé quelques effets personnels et se sont frayés

 22   un chemin d'une façon ou d'une autre pour parvenir jusqu'aux bases des

 23   Nations Unies : L'une d'entre elles se trouvait à Srebrenica et était

 24   connue sous le nom de Compagnie Bravo, et il y avait également la base

 25   principale des Nations Unies à Potocari qui se trouvait à cinq kilomètres

 26   au nord de Srebrenica.

 27   Je voudrais vous présenter une brève séquence vidéo montrant à quoi

 28   rassemblait le centre même de Srebrenica à la base de la Compagnie Bravo le


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  1   11 juillet, à mesure que la VRS s'approchait de la ville par le sud.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation]  Ces images présentent une similarité

  4   remarquable avec celles de la vidéo de Srebrenica en 1993 que nous avons

  5   déjà visionnée, la même chose est en train de se passer. Si vous étudiez

  6   ces vidéos, vous verrez que le sentiment de terreur est tout à fait

  7   palpable. Très peu nombreux étaient ceux qui étaient restés dans la ville

  8   de Srebrenica. La plupart des habitants ont parcouru à pied les cinq

  9   kilomètres jusqu'à la base de Potocari et certains d'entre eux, comme vous

 10   avez pu le voir, ont été en mesure de monter à bord de véhicules de l'ONU.

 11   Ce jour-là, le 11 juillet, des appareils de l'OTAN ont fini par arriver et

 12   ont largué quelques bombes à proximité des soldats de la VRS en train

 13   d'avancer produisant très peu d'effet. En effet, à ce moment-là, il était

 14   trop tard. La VRS était arrivée si près de la ville et de ce qui restait

 15   des effectifs des Nations Unies que tout bombardement important était

 16   impossible. De plus, la VRS avait pris en otage plusieurs soldats du

 17   Bataillon néerlandais et menaçait de les tuer sur l'OTAN procédait à

 18   davantage de frappes aériennes.

 19   Dans l'après-midi du 11 juillet, Mladic et ses forces ont donc pénétré dans

 20   la ville de Srebrenica. Ils l'ont trouvée pratiquement vide. Les femmes,

 21   les enfants et les personnes âgées s'étaient rendus à Potocari, alors que

 22   les hommes en état de porter les armes étaient partis à travers bois pour

 23   gagner le secteur de Jaglici pour s'y rassembler et entamer une marche de

 24   50 kilomètres en direction de Tuzla.

 25   Mladic lui-même est entré dans la ville accompagné du général Zivanovic,

 26   surnommé Zile, et du général Krstic, surnommé Krle. Ceci a été enregistré,

 27   et dans le cadre de ces propos liminaires, j'ai sélectionné de brefs

 28   extraits de cet enregistrement vidéo qui vous sera présenté dans son


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  1   intégralité pendant le procès.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   M. McCLOSKEY : [interprétation] Le commentaire de Mladic lorsqu'il parle de

  4   rébellion contre les Dahis est probablement une référence à la révolte des

  5   Serbes de 1804 contre les mercenaires turcs, à savoir les Turcs connus sous

  6   le nom de Dahis. Au cours des cinq jours suivants et après cette

  7   inquiétante [inaudible] les soldats de Mladic ont capturé et

  8   systématiquement assassinés des milliers d'hommes et de garçons de

  9   Srebrenica.

 10   Au soir du 11 juillet, environ 15 000 hommes valides, accompagnés de

 11   quelques femmes et enfants, se sont donc mis en route à travers bois,

 12   traversant la frontière septentrionale de l'enclave pour essayer de gagner

 13   le secteur de Tuzla, environ 25 000 femmes, enfants et personnes âgées sont

 14   allés à Potocari, tentant de se mettre à l'abri, à la base des Nations

 15   Unies, qui s'y trouvaient. Tout d'abord, je souhaiterais parler des

 16   événements à Potocari, et Bratunac, qui se sont déroulés au cours des deux

 17   jours suivants.

 18   Au soir du 11 juillet, les femmes, les enfants et les personnes

 19   âgées, y compris parmi eux au moins 1 000 d'hommes valides, sont parvenus

 20   jusqu'à Potocari dans l'espoir d'être en sécurité à la base du Bataillon

 21   néerlandais qui s'y trouvait. Ce jour-là, les forces du Bataillon

 22   néerlandais contrôlaient toujours le secteur de Potocari, alors que la VRS

 23   était en train d'attendre jusqu'au matin du 12 pour pénétrer dans Potocari.

 24   Le soir du 11, il s'est tenu deux réunions à l'hôtel Fontana de

 25   Bratunac. La première à 8 heures du soir, entre Mladic et le commandant des

 26   forces néerlandaises, le colonel Karremans, et la seconde réunissant

 27   Mladic, Karremans et un Musulman, un représentant musulman que les soldats

 28   néerlandais avaient choisi dans la foule sur instruction de Mladic.


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  1   Mladic a dominé chacune des réunions. Il n'y a eu aucune négociation,

  2   aucun échange. Mladic contrôlait tout. Je voudrais vous présenter un bref

  3   extrait d'enregistrement vidéo de la première réunion pour donner un aperçu

  4   de la façon faire de Mladic et du contrôle qu'il exerçait. Vous verrez

  5   Mladic s'adresser directement au colonel Karremans, qui fait face à la

  6   caméra.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. McCLOSKEY : [interprétation] Après avoir cessé de crier, Mladic a

  9   continué à invectiver les officiers du Bataillon néerlandais -

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, dois-je comprendre que

 11   vous apprécieriez une courte pause ? J'ai vu que vous faisiez signe. Oui.

 12   Dans ce cas, nous allons ménager une courte pause de cinq minutes et

 13   poursuivre à 10 heures.

 14   --- La pause est prise à 9 heures 55.

 15   --- La pause est terminée à 10 heures 03.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. McCloskey, veuillez poursuivre.

 17   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Après que Mladic a cessé de crier sur les officiers du Bataillon

 19   néerlandais, il a continué à les invectiver et à les intimider en faisant

 20   des allusions à la vie et à la mort, et en demandant à Karremans s'il

 21   souhaitait revoir ses enfants.

 22   Mladic a exigé que Karremans trouve un représentant musulman et le fasse

 23   venir à l'hôtel à ses côtés le soir même. Karremans a réussi à trouver un

 24   instituteur local, Nesib Mandzic, qui acceptait de jouer ce rôle de

 25   représentant des Musulmans.

 26   Je ne vous montrerai pas l'enregistrement vidéo de la deuxième

 27   réunion, mais je vous présenterai plutôt une image fixe qui en est

 28   extraite, où l'on peut voir Nesib Mandzic encore jeune.


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  1   Pendant cette réunion, un cochon a été égorgé juste en dessous de la

  2   fenêtre à côté de laquelle ils étaient assis, les cris de l'animal n'en

  3   finissaient pas de retentir, ajoutant à l'intimidation des officiers du

  4   Bataillon néerlandais. A un moment de la réunion, Mladic s'est tourné plus

  5   particulièrement vers Nesib Mandzic et lui a dit :

  6   "Pour prendre une décision en tant qu'homme et en tant que

  7   commandant, j'ai besoin d'avoir une position claire des représentants de

  8   votre peuple : est-ce que vous voulez survivre, rester ou disparaître. Je

  9   suis préparé à recevoir demain, à 10 heures, une délégation de

 10   représentants musulmans avec lesquels je discuterais de la façon de sauver

 11   vos peuples de l'enclave."

 12   Mladic poursuit, en disant :

 13   "Nesib, l'avenir de votre peuple est entre vos mains. Fais venir les gens

 14   qui peuvent garantir la remise des armes et sauver ton peuple de la

 15   destruction, tout est entre tes mains. Fais venir des gens importants, les

 16   notables d'ici …"

 17   Ici, nous pouvons voir que Mladic est obsédé par le sauvetage et la

 18   destruction du peuple musulman. Il ne s'agit pas simplement de paroles en

 19   l'air pour la caméra, puisque c'est ce soir même que Mladic et ses

 20   officiers ont pour la première fois pris des décisions portant sur le plan

 21   d'assassiner les hommes et les garçons musulmans.

 22   Comme je l'ai déjà dit, au moins 1 000 hommes musulmans valides ont

 23   accompagné leurs familles à Potocari. Tôt le matin du 11 juillet, la VRS

 24   depuis ces positions surplombant Potocari pouvait voir des centaines et des

 25   centaines d'hommes valides parmi la foule présente à Potocari. Momir

 26   Nikolic avait reçu cette information et l'a transmise le long de la chaîne.

 27   Le général Mladic, le général Krstic et d'autres officiers de haut rang

 28   étaient présents ensemble, à l'hôtel Fontana. Ils ont décidé soit ce même


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  1   soir, soit tôt le lendemain matin qu'en entrant dans Potocari, et en

  2   prenant le contrôle de la population qui s'y trouvait le lendemain, le 12

  3   juillet, ils séparaient tous les hommes et les garçons, âgés de 16 à 60 ans

  4   et les retiendraient à Bratunac pour qu'ils y soient exécutés.

  5   Mladic a tenu une troisième réunion à l'hôtel Fontana, à 10 heures du

  6   matin, le 12, et son plan meurtrier a commencé à se révéler lors de cette

  7   réunion.

  8   Je ne vais pas vous présenter l'enregistrement vidéo maintenant, mais je

  9   préférais vous montrer plutôt une image fixe, une photographie devant

 10   l'hôtel Fontana, juste avant la réunion.

 11   A gauche, tout à fait à gauche, on voit Momir Nikolic; à côté de lui,

 12   Radislav Jankovic; puis en allant vers la droite, un gardien de la

 13   sécurité; et tout à fait à droite, Vujadin Popovic.

 14   A 10 heures du matin, lors de cette réunion, Mladic a dit, aux officiers du

 15   Bataillon néerlandais et aux représentants musulmans présents, à peu près

 16   la même chose que ce qu'il avait dit à M. Mandzic, la nuite précédente, je

 17   cite :

 18   "Comme je l'ai dit, à cet homme hier, vous pouvez soit survivre soit

 19   disparaître. Pour votre survie, j'exige que tous les hommes armés même ceux

 20   qui ont commis des crimes, et ils sont nombreux de l'avoir fait, des crimes

 21   contre notre peuple, remettre leurs armes à la VRS."

 22   Vous le verrez dire cela dans l'enregistrement vidéo pendant le

 23   procès.

 24   J'en viens à la partie essentielle, Mladic a également dit à ce

 25   groupe lors de la troisième réunion qu'il procèderait à une inspection de

 26   tous les hommes dont l'âge était compris entre 16 et 60 ans, afin de

 27   déterminer s'il s'agissait de criminels de guerre. Cette affirmation a été

 28   coupée dans l'enregistrement vidéo que nous avons reçu, mais les officiers


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  1   du Bataillon néerlandais s'en sont souvenu très clairement et déposeront en

  2   indiquant que Mladic a bien dit cela.

  3   A partir de ces propos, il est tout à fait clair que Mladic et ses

  4   officiers les plus haut placés avaient réfléchi à ce qu'il convenait de

  5   faire des hommes et des garçons valides de Srebrenica, bien avant le matin

  6   de cette réunion, et qu'au matin du 12 juillet, ils avaient décidé de les

  7   séparer de leurs familles, ainsi que Mladic l'avait déclaré.

  8   Mais leur décision ne se résume pas à cela. Après la fin de cette réunion,

  9   le lieutenant-colonel Popovic a brièvement rencontré Momir Nikolic à

 10   l'extérieur de l'hôtel. Il lui a dit que les hommes valides de Potocari

 11   allaient être séparés de leurs familles et tuer. Popovic a demandé à

 12   Nikolic de lui fournir les sites dans les alentours qui seraient appropriés

 13   pour les exécutions. Nikolic déposera à ce sujet et indiquera qu'il a dit,

 14   à ce moment, à Popovic que la vieille mine de Sase serait un bon endroit

 15   pour faire cela tout comme l'usine locale de brique.

 16   Au début de l'après-midi du 12 juillet, les forces de la VRS et du MUP

 17   avaient gagné Potocari et pris le contrôle de l'enclave du secteur, ils

 18   tenaient aussi sur leur contrôle la masse de civils musulmans. Peu après la

 19   prise de Potocari, les autocars et les camions sont arrivés de toute la

 20   Bosnie, la VRS et le MUP ont alors entamé le processus consistant à faire

 21   monter les femmes et les enfants à bord d'autocars qui les emmèneraient

 22   vers des territoires contrôlés par les Musulmans et à séparer et détenir

 23   les hommes et les garçons musulmans pour les exécuter.

 24   Il est significatif, qu'il y ait eu peu ou pas du tout d'inspection des

 25   hommes et des garçons. Leurs papiers d'identité et leurs effets personnels

 26   leur ont été confisqués et ont été jetés. Aucune liste de noms n'a été

 27   dressée et il n'y avait aucun effort notable d'identifier qui que ce soit.

 28   Les hommes n'ont reçu aucun vivre, aucun soin médical, ils ont reçu très


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  1   peu d'eau, et ont été entassés dans des bâtiments sous la canicule à 40

  2   degrés dans des conditions effroyables, dans lesquelles nombre d'entre eux

  3   ont été battus et certains ont été tués.

  4   Vous entendrez d'un fonctionnaire local qui devait enlever plus de 50 corps

  5   répartis à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment à Bratunac à quels

  6   endroits ils étaient détenus. Le fait qu'il n'y ait eu aucun enregistrement

  7   et qu'aucune procédure même élémentaire n'ait été suivie, ajoutée aux

  8   conditions terribles du traitement qui leur aura été infligés, ne peut

  9   signifier qu'une seule chose au 12 juillet Mladic n'avait aucune intention

 10   de laisser ces hommes survivre.

 11   Mladic était présent à Potocari et à Bratunac les 12 et 13 juillet alors

 12   que la séparation, et la détention, et les assassinats étaient en train de

 13   se produire. Ces hommes en avaient la charge, y compris le colonel Beara et

 14   le lieutenant-colonel Jankovic. Au cours des 12 et 13 juillet, la VRS et le

 15   MUP, les forces de la VRS et du MUP ont chassé environ 30 000 femmes,

 16   enfants, et personnes âgées vers des territoires contrôlés par les

 17   musulmans, et détenu plus 1 000 hommes et garçons musulmans à Bratunac, y

 18   compris des garçons de moins de 15 ans et des hommes âgés de 65 à 70 ans.

 19   Je vais maintenant vous donner un très bref aperçu d'une partie de ce qui

 20   se passait à Potocari les 12 et 13 juillet. Vous verrez des gens terrifiés

 21   et des alignements d'hommes après qu'ils avaient été séparés, et ceci n'est

 22   qu'une petite partie de ce qui s'est réellement passé là-bas. Nous ne

 23   pourrons jamais en mesurer toute l'horreur. Je voudrais que nous

 24   visionnions ce court extrait.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. McCLOSKEY : [interprétation] Dans cette dernière séquence, vous avez pu

 27   voir à la fin qu'il n'y avait plus que des hommes qui avaient été séparés

 28   et envoyés d'un côté de l'alignement d'autocars. Mladic était à Potocari


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  1   s'adressant à la population et organisant le transport. Dans un ordre du

  2   Corps de la Drina du 12 juillet, le général Zivanovic se réfère à un ordre

  3   de Mladic aux fins d'obtenir 50 autocars. Donc Mladic, en même temps qu'il

  4   posait pour la caméra, travaillait aussi et commandait ces effectifs à

  5   Potocari.

  6   Au début de l'après-midi du 12 juillet, Mladic a eu une conversation radio

  7   qui a été interceptée nous en avons le texte et je voudrais le présenter :

  8   "X : Oui, général.

  9   Mladic : Est-ce que les autocars et les camions sont partis ?

 10   X : Oui.

 11   Mladic : Quand ?

 12   X : Il y a dix minutes.

 13   Mladic : Bien, excellent. Continuez à suivre la situation. Ne laissez pas

 14   de petits groupes d'entre eux se faufiler. Ils ont tous capitulé et se sont

 15   rendus et nous allons tous les évacuer - ceux qui le veulent et ceux qui ne

 16   veulent pas."

 17   Les Musulmans n'avaient absolument aucun choix. Ils allaient tous être

 18   expulsés par Mladic.

 19   Le soir du 12 juillet, Mladic a organisé un dîner avec les commandants de

 20   brigades pour célébrer leur succès à Srebrenica. Lors de ce dîner, Mladic a

 21   émis des ordres destinés aux commandants de brigades afin que ces derniers

 22   préparent leurs effectifs à marcher sur Zepa dès le lendemain et qu'ils

 23   entament immédiatement des préparatifs pour l'attaque de l'enclave de Zepa.

 24   Je voudrais maintenant revenir sur ces quelque 15 000 hommes musulmans qui

 25   avaient quitté l'enclave dans la soirée du 11 juillet pour  essayer de se

 26   frayer un chemin à travers des territoires contrôlés par les Serbes pour

 27   gagner d'autres territoires contrôlés par les Musulmans près de Tuzla. Sur

 28   ces 15 000, il est probable qu'un tiers des hommes étaient armés et


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  1   ouvraient la voie en tête de colonne. Nous considérons que près de la

  2   moitié de ces hommes ont réussi à gagner l'enclave et à traverser la route

  3   goudronnée Bratunac-Konjevic Poje-Milici le 12 juillet avant que les forces

  4   serbes n'aient l'occasion de fortifier la route en y postant soldats et

  5   véhicules blindés. Il s'agit là de la route sur laquelle j'ai brièvement

  6   attiré votre attention il y a quelques instants.

  7   C'est quelque 7 000 hommes ont fini par parvenir dans le secteur de Nezuk

  8   où après de nombreuses heures de combat intense contre les forces de la

  9   Brigade de Zvornik un corridor a été ouvert et le passage a été possible

 10   pour des milliers de Musulmans de Srebrenica. Ceci s'est passé le 16

 11   juillet après qu'au moins 40 morts aient été infligées aux Serbes.

 12   Je voudrais maintenant vous montrer une représentant graphique sur une

 13   carte du chemin parcouru par la colonne.

 14   Pour commencer voyons le curseur qui est à Jaglici pour vous montrer

 15   comment avance la colonne, elle avance vers Nova Kasaba, Konjevic Polje, et

 16   Cerska, en traversant la rivière Drinjaca vers Hadzici et la ville de

 17   Nezuk, qui se situe sur le territoire qui est entre les mains des

 18   Musulmans. La ligne mauve entre Nezuk et Hadzici représente la ligne de

 19   confrontation et c'est là qu'il y a eu des combats très intenses qui ont

 20   éclaté le 15 et le 16 juillet entre la colonne musulmane et les forces

 21   serbes vers Tuzla.

 22   Alors reparlons maintenant du 12 juillet, parlons des Musulmans qui n'ont

 23   pas réussi à traverser la route goudronnée. Alors ils se sont retrouvés

 24   coincés derrière ce mur de forces serbes qui déployaient le long de la

 25   route entre Kravica, Konjevic Polje, et Nova Kasaba. Tout comme les hommes

 26   et les garçons de Potocari, ils allaient mourir et très rapidement on les

 27   exécutera sommairement.

 28   En fin d'après-midi le 12 juillet, la police spéciale de la RS, agissant


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  1   sous les ordres de Mladic, a déployé des hommes le long de cette route et a

  2   piégé jusqu'à 6 000 personnes de la colonne qui n'a pas réussi à traverser

  3   la route asphaltée.

  4   Dans la matinée du 13 juillet, nombre de ces hommes piégés ont été capturés

  5   le long de la route ou bien ils se sont rendus. Des exécutions en masse

  6   organisées commencent dans la matinée du 13 juillet, à ce moment-là, 15

  7   prisonniers musulmans ont été emmenés à abord d'autocars depuis quelques

  8   kilomètres de l'endroit où on les a capturés le long de la route et ils

  9   sont exécutés sommairement par un peloton d'exécution sur les rives de la

 10   rivière Jadar. Nous avons un survivant de ce massacre, vous entendrez sa

 11   déposition.

 12   Pendant la journée du 13, à peu près 5 à 6 000 Musulmans ont été capturés

 13   et ils ont été gardés dans des groupes assez importants dans les prairies

 14   près des villages de Sandici, Konjevic Polje et Nova Kasaba.

 15   Je me propose de vous montrer un extrait vidéo bref de quelques Musulmans

 16   capturés dans le secteur de Sandici, près d'un entrepôt, d'un grand

 17   entrepôt près du village de Kravica.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous venez de voir Ramo Osmanovic qui

 20   appelle son fils Nermin pour qu'il sorte des bois, il a été forcé à le

 21   faire par le soldat du MUP. Ramo et son fils Nermin, tous les deux, ils ont

 22   été tués par les forces de Mladic et ils sont enterrés dans les charniers

 23   et leurs restes ont été retrouvés et identifiés.

 24   Les exécutions organisées se sont poursuivies tard dans l'après-midi du 13,

 25   environ 1 000 Musulmans ont été assassinés dans l'entrepôt qui se situe

 26   près du village de Kravica.

 27   La même personne qui a filmé Ramo a enregistré également une partie des

 28   exécutions qui ont eu lieu à l'entrepôt de Kravica. Je vais vous montrer


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  1   ces images avec un ralenti que nous avons ajouté à la fin. Le caméraman se

  2   trouve dans la voiture qui avance devant l'entrepôt de Kravica. Vous verrez

  3   des corps entassés devant l'entrepôt, il va y avoir des témoins qui

  4   confirmeront cela. On entend des coups de feu également.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] En début de soirée du 13 juillet, il y

  7   avait plus de mille Musulmans détenus dans la ville de Bratunac et il y en

  8   avait jusqu'à 5 000 le long de la route asphaltée. A ce moment-là, le plan

  9   change, Mladic et Karadzic décident de déplacer les prisonniers vers le

 10   secteur de Zvornik pour les assassiner loin de la FORPRONU et des ONG

 11   déployées à Potocari et à Bratunac.

 12   Vous verrez une conversion interceptée entre Karadzic et le chef du parti

 13   politique de Bratunac, Miroslav Deronjic, qui parlent du déplacement des

 14   prisonniers vers les entrepôts, pour les placer loin de Bratunac, et Momir

 15   Nikolic vous donnera les détails de ce plan.

 16   En fin d'après-midi du 13, Mladic finalement revient de Bratunac vers son

 17   poste de commandement de Crna Rijeka, et il avance le long de la route en

 18   passant par Kravica, Sandici, Konjevic Polje, Nova Kasaba, et le long de

 19   cette route il y a beaucoup d'hommes musulmans qui sont détenus par groupe.

 20   Mladic s'est arrêté et il leur a adressé la parole et leur a promis qu'ils

 21   allaient être échangés, et peu après avoir parlé aux Musulmans de la

 22   prairie de Sandici, plusieurs centaines de prisonniers ont été emmenés à

 23   l'entrepôt de Kravica qui n'était pas loin et y ont été assassinés. Pendant

 24   que Mladic était en présence du groupe de prisonniers de Nova Kasaba, un

 25   Musulman, qui faisait partie de cette masse de personnes, a été tué par

 26   balle en présence de Mladic. La police militaire de Nova Kasaba a commencé

 27   à faire des listes de Musulmans ce jour-là; cependant, lorsque Mladic est

 28   arrivé pour parler à ce groupe, il a donné l'ordre à la police militaire


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  1   d'arrêter de dresser ces listes, donc indication très claire qu'il n'y

  2   aurait pas d'échange. Comme tous les autres se trouvant le long de la

  3   route, tous les hommes de Nova Kasaba ont été transportés à Bratunac, puis

  4   jusqu'à Zvornik, et c'est là qu'ils ont tous été assassinés.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans les quelques minutes qui suivent,

  6   est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, trouver un moment qui vous

  7   semble opportun pour faire une interruption d'audience ?

  8   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, nous pouvons le faire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ferons une pause et nous

 10   reprendrons à 11 heures.

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

 12   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 13    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, vous avez la

 14   parole.

 15   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci.

 16   Dans la soirée du 13 juillet, Mladic quitte la zone de Srebrenica. Il

 17   s'arrête au niveau du commandement du Corps de la Drina, basé à Vlasenica.

 18   Il organise une petite cérémonie-là, en annonçant la promotion du général

 19   Krstic, en tant que commandant du Corps de la Drina, et il annonce le

 20   départ à la retraite du général Zivanovic.

 21   Ensuite, Mladic continue vers son QG de Crna Rijeka, près de Han Pijesak,

 22   et Mladic et Tolimir quittent le chef, se séparent du chef de sécurité de

 23   l'état-major principal, le colonel Beara à Bratunac dans la soirée du 13,

 24   et Beara a passé beaucoup de temps, ce soir-là, à organiser l'enterrement

 25   de 1 000 hommes qui ont été tués à l'entrepôt de Kravica, ce jour-là.

 26   Beara a également supervisé les premiers déplacements de prisonniers

 27   de Bratunac, vers les écoles dans le secteur de Zvornik, dans la soirée du

 28   13. Le premier groupe de prisonniers, qui sont arrivés à l'école dans


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  1   Orahovac, est arrivé tard dans la soirée du 13; cependant, la grande

  2   majorité des hommes détenus à Bratunac ont été gardés à Bratunac pendant la

  3   nuit pour être transportés le 14.

  4   Alors Mladic passe la nuit à son poste de commandement, il reste au

  5   QG le 14, une partie de la journée, il travaille avant de se rendre à

  6   Belgrade, cet après-midi-là.

  7   Dans la matinée du 14 juillet, des milliers de Musulmans détenus dans

  8   des bâtiments et des véhicules de Bratunac ont été transportés dans un très

  9   grand convoi vers el secteur de Zvornik, où ils ont été placés dans des

 10   écoles, des bâtiments publics à Orahovac, Petkovci, Rocevic et Pilica.

 11   Nous avons une carte qui nous permet ainsi de voir de quels endroits

 12   il s'agit. Alors cette carte nous permettra de comprendre où se situent ces

 13   villes, les unes par rapport aux autres et par rapport à la ligne de front.

 14   Cela est de nouveau représenté par cette ligne épaisse mauve, et vous voyez

 15   aussi les flèches rouges qui montrent comment avance la colonne musulmane.

 16   La VRS commence avec les exécutions organisées et systématiques dans

 17   un champ près de l'école d'Orahovac, dans l'après-midi du 14 juillet. Les

 18   assassinats sont en cours alors que Mladic se déplace en voiture de Crna

 19   Rijeka vers Belgrade, il passe par Zvornik, vous voyez la route qui longe

 20   la Drina, il passe à dix kilomètres du site d'exécution d'Orahovac avant de

 21   quitter la route principale et traverser le pont sur la Drina, donc sur la

 22   -- part sur la droite vers Belgrade.

 23   L'exécution de jusqu'à 1 000 personnes à Orahovac s'est terminée tard

 24   dans la soirée du 14. Les exécutions ont commencé à minuit, à l'école de

 25   Petkovci, donc c'est au nord d'Orahovac, et c'est là que également jusqu'à

 26   1 000 personnes ont été assassinées par le peloton d'exécution et cela

 27   s'est poursuivi tout au long de la nuit.

 28   Pendant la journée du 15, les exécutions ont continué, des centaines


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  1   de Musulmans ont été assassinés, les Musulmans détenus à l'école de

  2   Rocevic. On les a transportés sur l'héberge de la Drina, qui se trouve

  3   juste à côté, et ils ont été exécutés près de la ville de Kozluk, et nous

  4   avons un des bourreaux qui viendra déposer en l'espèce.

  5   Dans la matinée du 15, Beara n'avait plus d'hommes pour mener à bien

  6   ces exécutions, et il a appelé les généraux Zivanovic et Krstic. Il demande

  7   qu'on lui envoie une escouade de Visegrad qui aurait -- en disant que le

  8   commandant aurait ordonné qu'elle soit envoyée. Lorsqu'il dit "commandant,"

  9   il veut dire Mladic. Vous verrez une conversation interceptée, une

 10   référence directe au fait que c'est Mladic qui ordonne qu'un groupe de

 11   soldats soit envoyé à Beara, les 12 et 13.

 12   Alors une des raisons pour lesquelles Beara n'a pas d'hommes dans la

 13   zone de Zvornik, c'est parce qu'ils s'y sont déployés pour la défense

 14   contre la colonne de Musulmans de Srebrenica, qui arrive vers leurs

 15   arrières, et des ressources de la Brigade de Zvornik sont déjà utilisées

 16   dans le cadre de l'opération meurtrière, beaucoup de ces ressources. Nous

 17   pouvons voir cela dans le rapport de combat de Vinko Pandurevic.

 18   Pandurevic dit, en plus ce qui constitue un fardeau supplémentaire

 19   pour nous, c'est un grand nombre de prisonniers qui se trouvent dans les

 20   différentes écoles de la zone couverte par la brigade ainsi que

 21   l'obligation d'assurer la sécurité et l'aménagement du terrain. Ce

 22   commandement ne peut pas s'occuper de l'ensemble de ces problèmes, ne peut

 23   pas continuer à le faire, parce que nous n'avons ni le matériel ni d'autres

 24   ressources. Si personne ne s'en occupe, je vais être obligé de les laisser

 25   partir.

 26   Lorsqu'il parle de l'aménagement du terrain, en fait, il emploie le terme

 27   "asanacija" en serbe, et donc comme vous le savez, il s'agit du terme

 28   militaire utilisé par la JNA pour désigner l'enlèvement, l'évacuation des


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  1   morts, et tout ce qui reste après la bataille.

  2   Donc Pandurevic dit ici qu'il a cette charge incroyable qui est de

  3   garder et d'ensevelir les Musulmans qui sont dans les écoles.

  4   Au moment où il l'écrit le 15, tous les Musulmans d'Orahovac sont morts,

  5   tous les Musulmans de Petkovci sont morts, et on est en train d'assassiner

  6   les Musulmans de Kozluk probablement le processus était encore en cours à

  7   ce moment-là. Cela veut dire que 1 500 Musulmans sont gardés par les forces

  8   de Pandurevic dans le secteur de Pilica, environ 1 500 Musulmans.

  9   Puis il continue en disant :

 10   "Ce commandement ne peut pas s'occuper de ces problèmes, ne peut pas

 11   continuer à le faire, parce qu'il n'a ni le matériel ni d'autres

 12   ressources. Et si personne n'assume cette responsabilité, je vais être

 13   obligé de les laisser partir."

 14   Alors je suis sûr que, lorsqu'il dit ce qu'il dit, donc qu'il va être

 15   obligé de laisser partir les prisonniers de Pilica. Je suis sûr qu'il ne le

 16   pense pas, mais je suis sûr aussi que ses supérieurs l'ont écouté, parce

 17   que le 16 juillet, Beara obtient une unité de l'état-major principal du 10e

 18   Détachement de Sabotage qui, avec les autres, assassine 1 500 Musulmans, ce

 19   jour-là, à la ferme de Branjevo près de Pilica et à la maison de culture de

 20   Pilica.

 21   Au moment où la nuit tombe le 16 juillet, plus de 7 000 Musulmans, des

 22   hommes et des garçons, ont été tués par la VRS et les forces du MUP.

 23   Comme je l'ai déjà dit, le général Mladic se déplace pour Belgrade le 14.

 24   Il va à Belgrade souvent pour travailler et cela ne l'empêche pas de garder

 25   le commandement et le contrôle de la VRS pendant qu'il est en déplacement.

 26   Depuis la soirée du 14 juillet jusqu'à la soirée du 16 juillet, Mladic a

 27   des réunions de travail à la VRS. Il a des réunions avec des officiers de

 28   la FORPRONU, des représentants internationaux, ceux qui apportent le


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  1   soutien qui se trouve à l'étranger, et ces réunions se retrouvent dans les

  2   notes de ses carnets.

  3   Le 16 juillet, Mladic se rend à un mariage avec son épouse.

  4   Mais au cours de cet après-midi, en fait, il rencontre des supporters

  5   canadiens et il va à l'hôpital des vétérans de Belgrade, à l'Académie

  6   militaire de Belgrade. Nous avons une vidéo où on voit Mladic en uniforme

  7   au téléphone à recevoir des rapports de Zepa et de la brigade de Zvornik.

  8   Dans cette première vidéo, nous avons Mladic et son épouse à l'Académie

  9   militaire de Belgrade.

 10   Puis ensuite Mladic se lève et il va au téléphone, il est toujours à

 11   l'Académie militaire de Belgrade.

 12   Vous allez voir cette vidéo pendant le procès et entendre le général Mladic

 13   pendant qu'il parle de la situation à Zepa. Il mentionne Vinko, donc c'est

 14   Vinko Pandurevic, et nous venons de voir son rapport sur la situation, la

 15   situation qui est celle de sa brigade.

 16   Alors, dans la soirée du 16, Mladic revient au commandement de l'état-major

 17   principal à Crna Rijeka. Il rencontre les généraux Miletic et Tolimir, et

 18   ce soir-là, le général Mladic donne des ordres à l'officier de sécurité de

 19   l'état-major principal, à savoir le colonel Keserovic, de se rendre dans la

 20   zone de Bratunac le 17 juillet, et de commander les unités qui cherchent

 21   les Musulmans qui sont restés, dans ceux qui sont sortis de Srebrenica.

 22   Keserovic va dans la zone de Bratunac le lendemain. En fin de journée du

 23   17, la VRS et les forces du MUP, qui ont conduit ces recherches, ont

 24   capturé 150 Musulmans. Peu de temps après, ces hommes ont été transportés à

 25   un endroit isolé dans la vallée de Cerska, exécutés là-bas, et cela

 26   n'aurait pas pu avoir lieu sans un ordre explicitement donné par Mladic.

 27   Alors, lorsque vous avez entendu parler des exhumations, vous vous poserez

 28   peut-être la question qui est de savoir si les restes que l'on trouve dans


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  1   les charniers ne viennent pas des victimes de combat, et non pas victimes

  2   qui ont été exécutées. Alors c'est une idée absurde.

  3   Premièrement, vous vous rappellerez que beaucoup de survivants ont pu

  4   raconter ce qui s'est passé, ont raconté ce qui s'est passé avec des

  5   centaines d'hommes et de garçons tués.

  6   Vous pouvez voir une image de la ferme de Branjevo le lendemain des

  7   meurtres, Drazen Erdemovic et d'autres survivants en parleront. Nous voyons

  8   ici un champ couvert de cadavres et les survivants vous raconteront

  9   exactement ce récit-là. Erdemovic a estimé qu'environ 1 200 personnes ont

 10   été tuées à la ferme de Branjevo à cet endroit précis, vous voyez que les

 11   Etats-Unis ont marqué "corps," "cadavres," en annotant l'image. Il y a une

 12   excavatrice également aux fins d'annotation que c'est là que l'excavatrice

 13   a creusé. Donc 150 corps ont été trouvés au fond d'un très grand charnier

 14   ici.

 15   Alors, deuxièmement, un nombre de victimes dans les charniers ont été

 16   trouvés avec les yeux bandés et les mains attachées, ou bien les deux. Donc

 17   nous avons ici une image du charnier de Kozluk. C'est une image de

 18   l'horreur créée par Mladic. Nous voyons ce qui reste une fois que l'on a

 19   dégagé ce qui recouvrait les cadavres.

 20   Voyons maintenant l'image 32, l'image d'une des victimes qui porte de

 21   manière très évidente un bandeau sur les yeux, et cet homme n'a pas pu

 22   mourir au combat, périr au combat.

 23   Nous avons l'image suivante. Nous avons les mains attachées derrière le dos

 24   de la victime.

 25   Troisièmement, la VRS ne se serait jamais aventurée dans les bois où il y

 26   avait encore des Musulmans armés et n'y serait jamais allée pour évacuer

 27   les corps des Musulmans morts. C'était des bois très denses, la zone était

 28   à nombre d'endroits minée. Il n'y avait pas de raison pour que la VRS


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  1   utilise ses ressources précieuses en effectif et en équipement pour aller

  2   évacuer les restes des Musulmans et pour aller les enterrer à des endroits

  3   comme Orahovac, Petkovci, Kozluk ou Branjevo.

  4   Comme je l'ai dit au début, les meurtres se sont poursuivis au-delà du 16

  5   juillet dans les endroits tels de Snagovo le 19, Vesna le 23 juillet,

  6   Trnovo vers le 25, et d'autres endroits que nous ne connaîtrons jamais.

  7   A l'automne de l'année 1995, Mladic et Karadzic décident d'exhumer les

  8   charniers énormes près d'Orahovac, Petkovci, Kozluk, Branjevo et Kravica et

  9   d'éparpiller les restes humains dans plus de 30 charniers de plus petite

 10   taille dans des droits isolés et cachés où ils pensent, espèrent, que

 11   l'OTAN ou ce Tribunal ne le trouveront jamais. Le général Mladic a approuvé

 12   les quantités absolument impressionnantes de carburant nécessaire pour

 13   cette mission.

 14   Donc nous avons ici un document signé par le général Mladic qui déclare :

 15   "Par la présente, j'approuve que cinq tonnes de diesel D-2 soient données

 16   pour mener à bien des travaux de génie… le secteur de logistique de l'état-

 17   major principal de l'armée de la Republika Srpska fournira le carburant à

 18   la caserne Standard de Zvornik, au capitaine Milorad Trpic."

 19   C'est une erreur de frappe, en fait. Il s'agit du capitaine Milorad Trbic.

 20   Il est l'officier de sécurité, vous vous rappellerez, de la brigade de

 21   Zvornik et il était responsable de superviser cela, vous entendrez des

 22   preuves à l'appui pendant le procès.

 23   Alors, grâce à des images aériennes et les témoignages des survivants, la

 24   plupart des charniers secondaires ont été identifiés, exhumés. Les fosses

 25   d'origine et les fosses secondaires, on a pu établir les liens entre elle

 26   grâce à l'analyse par l'ADN, grâce au fait qu'on a retrouvé des parties de

 27   corps des mêmes individus dans les deux fosses différentes.

 28   Alors, maintenant, pour conclure, je voudrais vous montrer un dernier


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  1   extrait vidéo. Nous avons l'obligation de démontrer l'intention délictueuse

  2   et cette vidéo nous permettra de connaître ce qui se passe dans l'esprit du

  3   général Mladic.

  4   Après la chute de Srebrenica, de nombreux Musulmans de Srebrenica

  5   sont allés à Zepa, y compris la victime et Témoin RM274, victime

  6   d'exécution dans l'entrepôt de Kravica. Les 25 et 26 juillet, la VRS s'est

  7   emparée de la ville de Zepa et a expulsé la population musulmane, y compris

  8   le Témoin 274 qui était blessé.

  9   Mladic lui-même, avec les généraux Krstic -- et avec le général

 10   Gvero, le général Krstic, et le colonel Pandurevic, a supervisé le départ

 11   de ces Musulmans. Je voudrais vous montrer ce qu'une Musulmane a dit à ce

 12   sujet; cela vous permettra de comprendre.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige. Je voudrais vous montrer ce

 15   que Mladic a dit aux Musulmans qui partaient de Zepa, en particulier ceux

 16   qui étaient identifiés comme hommes valides.

 17   M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous pouvez voir, dans cette vidéo, que

 18   Mladic s'est posé la question du sort de ces quelques hommes qui se

 19   trouvent à bord de ces autocars et il estimaient que c'était lui le

 20   propriétaire de leurs vies, qu'ils avaient le droit de vie ou mort sur eux.

 21   Mais le 25 juillet, nombre récits d'atrocités de Srebrenica, qui commencent

 22   à être rapportés dans la presse, et Mladic ne peut plus se comporter de

 23   manière aussi cavalière. Il a le secret de Srebrenica à cacher et il ne

 24   peut plus tuer les jeunes hommes de manière -- impunément, parce que le

 25   monde suit d'une manière très attentive ce qui se passe.

 26   Alors, maintenant, je voudrais que l'on revienne vers une victime, vers les

 27   propos d'une femme de Srebrenica, Mirsada Malagic, qui a déposé dans un

 28   procès précédent.


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  1   Vers la fin de sa déposition, elle est revenue après le week-end et voilà

  2   ce qu'elle a déclaré à Chambre de première instance :

  3   "Hier après-midi, je suis sortie un petit peu pour visiter votre ville. Ce

  4   qui m'a impressionnée surtout c'est un monument que nous avons visité,

  5   c'est une statue, c'est une femme qui attend les marins qui ne sont jamais

  6   revenus, et je dois dire que c'est quelque chose qui m'a profondément

  7   touchée. Je voudrais à tout prix emporter -- pouvoir emporter cela en

  8   Bosnie. Et c'est peut-être une comparaison, comment dire, on pourrait nous

  9   comparer nous les mères et femmes de Srebrenica qui avons passé tant

 10   d'années à attendre et à espérer. On pourrait se tourner vers ces forêts

 11   désertes. Où nous avons vu partir nos fils qui ne sont jamais revenus et au

 12   sujet desquels nous n'avons jamais rien appris de manière définitive, sont-

 13   ils morts, sont-ils en vie, où ont-ils été enterrés. Il y a beaucoup de

 14   mères qui sont mortes depuis, et je suppose que pour toutes les autres ce

 15   sera la même chose c'est parce que de jour en jour il y a de moins en moins

 16   d'espoir."

 17   Mirsada viendra déposer en l'espèce. Mirsada a perdu son mari, Salko; ses

 18   deux fils, Elvir et Admir, Admir n'avait que 16 ans; son beau-père, Omer;

 19   les deux frères de Salko, Osman et Dzafer; et son neveu, Samir, et cela n'a

 20   rien d'extraordinaire. De nombreuses personnes ont perdu encore davantage.

 21   Aujourd'hui, il reste 1 500 hommes et garçons de Srebrenica qui ne sont pas

 22   revenus et qui ne reviendront jamais. Les vies perdues de ces victimes et

 23   les vies marquées à jamais de ceux qui ont survécu. Cela porte un nom c'est

 24   le génocide de Bosnie. Notre devoir est de ne jamais l'oublier.

 25   Merci.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur McCloskey.

 27   Monsieur Groome, pensez-vous que vous serez en mesure d'en terminer dans 45

 28   minutes, environ ?


Page 516

  1   M. GROOME : [interprétation] Oui, je le pense.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, alors il se peut que nous n'ayons

  3   pas besoin de faire une autre pause. Il se peut que nous puissions donc

  4   terminer les déclarations liminaires à 12 heures et quart.

  5   Monsieur Groome, je vous en prie.

  6   M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, M. Mladic

  7   n'est pas traduit en justice aujourd'hui et n'est pas accusé d'avoir été un

  8   piètre soldat, ou un commandant médiocre. En fait, nombreux sont les

  9   personnes qui le considéraient comme un dirigeant de la VRS extrêmement

 10   compétent et efficace, un redoutable adversaire sur le champ de bataille.

 11   Il est ici aujourd'hui parce qu'il a utilisé son expérience et ses

 12   compétences de soldat, son autorité de chef et les a appliquées à la

 13   commission des crimes. Les crimes recensés dans l'acte d'accusation commis

 14   contre les populations non-serbes de Bosnie s'inscrivaient tous dans un

 15   effort uni et avaient un lien avec l'objectif criminel commun. Alors il

 16   faut savoir, en fait, que, dans le cadre d'un procès, il faut bien entendu

 17   opérer une dissection des crimes, mais ces crimes ont été vécus comme un

 18   seul et même traumatisme par la population de Bosnie. Il importe donc que

 19   les crimes soient compris ainsi que leur lien les uns avec les autres.

 20   C'est la raison pour laquelle l'Accusation commencera son premier volet, le

 21   premier volet de sa présentation des moyens à charge en vous présentant un

 22   aperçu des crimes, une présentation qui vous permettra de comprendre le

 23   lien entre les crimes et le rôle joué par M. Mladic dans la commission de

 24   ces crimes.

 25   Les autres volets de la présentation des moyens à charge se concentreront

 26   sur les éléments individuels en l'espèce. L'acte d'accusation énonce quatre

 27   entreprises criminelles communes qui englobent ces crimes.

 28   Vous voyez maintenant le résumé de ces quatre entreprises criminelles


Page 517

  1   communes.

  2   Donc, dans un premier temps la première entreprise criminelle commune

  3   consiste à expulser de façon permanente les Musulmans de Bosnie et les

  4   Croates de Bosnie des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie, il

  5   s'agit d'une campagne qui inclut le crime du génocide dans certaines

  6   municipalités. Ce objectif criminel commun et global était la base dont

  7   émanaient les autres entreprises criminelles communes. Cet objectif

  8   criminel commun de base se retrouve dans les ambitions territoriales et

  9   démographiques exprimées par les dirigeants des Serbes de Bosnie. Les trois

 10   autres entreprises criminelles communes émanent, essentiellement, de cette

 11   première entreprise criminelle commune.

 12   La deuxième entreprise criminelle commune et le bombardement criminel

 13   persistant et les tirs embusqués contre les civils de Sarajevo, afin de

 14   susciter leur terreur et de l'entretenir.

 15   La troisième entreprise criminelle commune est la prise des forces de

 16   maintien de la paix des Nations Unies ainsi que des observateurs qui sont

 17   pris otages et utilisés comme boucliers humains.

 18   Puis, en dernier lieu, l'élimination des Musulmans de Srebrenica, le

 19   génocide des Musulmans de Srebrenica qui a été organisé par les exécutions

 20   des garçons plus âgés et des hommes et par l'expulsion des femmes et des

 21   enfants de l'enclave.

 22   Pour toutes les périodes reprises dans l'acte d'accusation, il faut savoir

 23   que les membres des entreprises criminelles communes partageaient un

 24   objectif commun qui était d'expulser de façon permanente les non-Serbes de

 25   ces zones de Bosnie-Herzégovine, et ce, par le biais des moyens criminels.  

 26   Le ciment qui les liait, qui harmonisait leur contribution individuelle et

 27   qui assurait, qu'ils ont travaillé de concert vers cet objectif commun,

 28   était cet objectif criminel partagé. Outre la participation de M. Mladic à


Page 518

  1   ces entreprises criminelles communes, l'Accusation affirme qu'il a

  2   également planifié, incité à commettre et ordonné les crimes recensés dans

  3   l'acte d'accusation. Ce document ainsi que le mémoire préalable au procès

  4   de l'Accusation, énoncent les différentes responsabilités criminelles de

  5   façon plus détaillée.

  6   Il faut savoir qu'il y a deux aspects que l'on retrouve dans cette affaire,

  7   et qui sont les deux clés de voûte de l'acte d'accusation de cette affaire,

  8   et qui permet d'établir chacun des modes de responsabilité pénale décrit

  9   dans l'acte d'accusation.

 10   Nous avons dans un premier temps, l'autorité de Mladic et ses capacités en

 11   tant que commandant. Il commandait de façon absolue les personnes qui ont

 12   commis directement les crimes de l'acte d'accusation. Son seul supérieur

 13   était Radovan Karadzic. L'autorité de Ratko Mladic lui donnait les moyens

 14   et la capacité de commettre ces crimes odieux, et il a exercé cette

 15   autorité afin de planifier et d'ordonner les crimes de l'acte d'accusation.

 16   La deuxième clé de voûte est le fait qu'il savait que les crimes qu'il

 17   avait planifiés ou ordonnés, étaient d'aller bien exécuter tels qu'il

 18   l'avait prévu. La VRS a hérité d'une structure du commandement parfaitement

 19   opérationnelle, et d'un système de communication de la JNA. Depuis les

 20   premières heures de son existence, depuis son premier jour de commandant,

 21   les chaînes de communication de l'état-major principal vers les soldats

 22   individuels, et la structure hiérarchique de l'état-major général vers les

 23   différents soldats sur le terrain, a parfaitement fonctionné.

 24   Pour comprendre l'état d'esprit de Mladic, pour comprendre comment lui,

 25   comprenait son autorité, je vous demanderais de bien vouloir prendre en

 26   considération deux extraits de manuel de la JNA. Ces passages résument ce

 27   qui lui a été dit à propos de son autorité et de sa capacité pour commander

 28   et contrôler lorsqu'il se trouvait dans la JNA. Le passage ou l'extrait que


Page 519

  1   vous avez est extrait d'un texte de la JNA à propos du commandement et du

  2   contrôle, et voilà ce qui y est indiqué :

  3   "A ce moment, il faut absolument établir une distinction entre le contrôle

  4   et le commandement. Ces deux notions sont très souvent confondues et

  5   utilisées l'une pour l'autre. Toutefois, le contrôle et le commandement ne

  6   sont absolument pas synonymes. Il y a des différences dans le travail que

  7   cela représente. Le commandement est une forme, une fonction du contrôle

  8   qui n'existe que dans le cadre d'une organisation militaire. Le

  9   commandement met en œuvre et exécute le contrôle. Il comprend le droit de

 10   prendre des décisions et d'assigner des tâches. Il est mis en œuvre par

 11   différents instruments de commandement, à savoir des ordres, 'naredjenja,

 12   naredbe,' des commandements, des directives et des instructions. Elles ne

 13   peuvent être données que par des officiers supérieurs et non pas par des

 14   états-majors, des commandements, des administrations ou d'autres

 15   structures."

 16   Donc cet extrait indique, de façon très, très claire, aux jeunes officiers,

 17   que la structure du commandement ne soit absolument pas être confondue avec

 18   la personne qui a le contrôle, un officier subordonné ne peut obtenir ces

 19   instructions que de la part d'un officier supérieur.

 20   L'ancien commandant des forces britanniques, le général Sir Richard Dannatt

 21   décrit cela dans son rapport d'expert. Cela se fonde sur le modèle

 22   soviétique, et est préféré ou privilégié par les armes qui ont des

 23   conscrits. Comme il l'indique au paragraphe 28 de son rapport :

 24   "Il s'agit d'un système qui est particulièrement bien compris par les

 25   personnes élevées et éduquées dans une société communiste ou une société

 26   étatique. La flexibilité que cela octroie aux commandants subordonnés

 27   notamment au niveau plus bas du commandement est limité."

 28   La planche numéro 3, nous décrit le même concept mais vu du point de


Page 520

  1   vue du commandement, je cite :

  2   "Le commandant commanderait et contrôlerait les unités subordonnées,

  3   les institutions qui correspondent à la responsabilité qui lui est

  4   attribuée."

  5   Toute autorité est dérivée. Dans le contexte de la VRS, comme le

  6   général Dannatt le décrira lorsqu'il viendra déposer, dans le contexte de

  7   la VRS, disais-je, ce principe signifie que les commandants supérieurs de

  8   l'armée doivent indiquer avec précision les tâches qui seront exécutées par

  9   les soldats placés sous leur autorité.

 10   La planche 4 est un extrait du rapport du général Dannatt. Il tire

 11   des conclusions, compte tenu de son expérience, de son expertise, et compte

 12   tenu du fait qu'il a pris en considération, analyser des documents

 13   pertinents, et je cite :

 14   "Le général Mladic était le commandant de l'état-major général de

 15   l'armée serbe de Bosnie, la VRS, le nouveau le plus élevé de commandement,

 16   responsable de la planification et de la conduite du conflit au niveau

 17   stratégique militaire."

 18   Cela se poursuit. Je souligne que ceci est envisagé du point de vue

 19   militaire. La référence, qui est faite ici, est une référence à la

 20   responsabilité militaire et non pas à la responsabilité pénale. Le général

 21   Dannatt dit, je cite :

 22   "Le point essentiel c'est que, si les tâches peuvent être déléguées,

 23   la responsabilité globale, en revanche, ne peut jamais être déléguée."

 24   L'affirmation par Mladic du commandement effectif de ces troupes sera

 25   exposée en l'espèce, élément de preuve, à l'appui.

 26   La planche qui s'affiche maintenant contient des éléments de la

 27   déposition de Pyers Tucker, assistant militaire au commandant des forces de

 28   la FORPRONU. Il était en contact régulier avec le personnel de la VRS, et


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  1   ce à tous les échelons y compris celui de Mladic, et il a indiqué dans sa

  2   déposition, je cite :

  3   "Le général Mladic ne cherche guère à cacher le fait que rien sur la

  4   partie de la Bosnie-Herzégovine contrôlée par les Serbes de Bosnie ne

  5   pouvait se produire ou ne se produirait sans son approbation spécifique. Il

  6   était très clair que c'était lui qui prenait toutes les décisions

  7   importants sur le plan militaire."

  8   L'Accusation établir également ceci au moyen d'exemples concrets

  9   montrant que Mladic donnait directement des ordres à ceux qui allaient

 10   exécuter les crimes. Sur la planche numéro 6, nous trouvons un extrait

 11   d'une conversation interceptée du 28 mai 1992, au cours de laquelle Mladic

 12   donne des instructions, elle dirige les tirs de ces artilleurs. Voici le

 13   déroulement de ces extraits, et je cite, Mladic commence par dire à

 14   l'artilleur :

 15   "Tire sur Velusici."

 16   Réponse de l'artilleur :

 17   "Velusici ?"

 18   Réponse de Mladic :

 19   "Oui, Velusici."

 20   Vukasinovic répond :

 21   "Alors oui.

 22   Mladic poursuit :

 23   "Tire sur Velusici et aussi sur Pofalici. Il n'y a pas beaucoup de

 24   population serbe là-bas, tire là-bas, autour de la rue Dobrovoljacka, et

 25   vers le haut jusqu'à la rue Humska."

 26   Vukasinovic demande une confirmation.

 27   "Autour de la rue Humska."

 28   Mladic confirme :


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  1   "Oui, et sur la route Djure Djakovic aussi, jusque là-bas, et utilise

  2   des tirs de reconnaissance pour qu'ils ne puissent pas dormir, pour que

  3   nous les rendions fous."

  4   Je vais demander que nous entendions la bande audio correspondant à

  5   cette conversation, et je demande aux interprètes de ne pas interpréter

  6   pour que nous entendions juste la voix de Mladic.

  7   [Diffusion de la cassette audio]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, ceci n'a pas été

  9   traduit en français. Alors il ne s'agit pas d'élément de preuve, donc c'est

 10   peut-être d'une importance relative. Mais il semble y avoir quelques

 11   difficultés avec votre rythme de lecture, donc, je vous prie de bien

 12   vouloir ralentir, avant que la Défense ait une position différente quant à

 13   ce qui est affiché en ce moment même à l'écran en anglais. Je suppose que

 14   vos transparents seront remis de toute façon à la Défense.

 15   M. GROOME : [interprétation] En effet.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, puisque nous

 17   sommes au stade des propos liminaires, je vous prie de poursuivre.

 18   M. GROOME : [interprétation] L'intention de Mladic de terroriser la

 19   population musulmane de ces quartiers apparaît très clairement lorsque nous

 20   entendons les mots qu'il utilise en s'adressant à ces artilleurs. M.

 21   McCloskey a déjà exposé la façon dont Mladic exerçait son autorité pour

 22   commettre les massacres de Srebrenica. L'Accusation établira au moyen

 23   d'élément de preuve fiable et crédible que Mladic exerçait son autorité de

 24   commandant, ou planifier, ordonner et participer aux crimes retenus dans

 25   l'acte d'accusation.

 26   Je passe maintenant à la seconde clé de voûte de notre cause, la

 27   connaissance qu'avait Mladic du fait que ses ordres aient été exécutés, et

 28   du fait que les crimes qu'il avait conçu étaient réellement commis.


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  1   La planche numéro 7 représente un autre passage de ses carnets militaires

  2   deux semaines après qu'il a ordonné l'exécution de masse des hommes de

  3   Srebrenica. Ici, il enregistre la teneur d'une réunion avec Slobodan

  4   Milosevic et le général Momcilo Perisic, chef de l'état-major général de la

  5   VJ. Il note que Milosevic dit la chose suivante : "Srebrenica et Zepa nous

  6   ont fait beaucoup de tort," il s'agit d'une référence tout à fait claire à

  7   l'indignation croissante de la communauté internationale face aux

  8   informations qui lui parvenaient après la prise des deux zones de sécurité

  9   et les exécutions de masse qui s'étaient produites immédiatement après.

 10   La planche suivante donne un autre exemple de la façon dont Mladic a

 11   consigné dans ses carnets des informations sur les crimes. Le passage que

 12   nous voyons est daté du 14 octobre. Il y note les propos tenus par Momcilo

 13   Krajisnik lui disant :

 14   "Vogosca - la section d'intervention a détruit l'hôtel - et ils violent

 15   tout le monde sans la moindre distinction.

 16   "Le commandant Miladin - ils ont tout pillé à Vogosca."

 17   L'Accusation présentera d'amples éléments de preuve indiquant que Mladic

 18   était pleinement conscient des crimes commis par ses soldats et que c'était

 19   son intention de voir ses soldats commettre de tels crimes.

 20   Je reviens vers le rapport de Dannatt sur cette planche numéro 11 [comme

 21   interprété], où il se penche sur le problème suivant :

 22   "Les commandants les plus haut placés, tels que Mladic et Krstic, dont j'ai

 23   étudié le parcours, étaient des officiers de métier officiellement formés à

 24   l'exercice des fonctions de commandement et d'état-major. En bref, la VRS

 25   était une machine de guerre organisée, cohérente, et disciplinée.

 26   "Les rapports circulaient correctement dans les deux sens de la hiérarchie

 27   au sein de l'armée, et permettaient aux commandants de prendre des

 28   décisions bien informées."


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  1   Sur la planche numéro 10 qui apparaît maintenant devant vous figure un

  2   autre rapport émanant du 1er Corps de la Krajina. L'auteur dit ici :

  3   "Une chose est sûre : Nous commençons déjà à sentir ce que nous coûte le

  4   sang inutilement versé des Musulmans."

  5   Nous avons là une évaluation franche non seulement les Musulmans ont été

  6   tués sans objet, mais une telle tuerie absolument inutile allait à

  7   l'encontre des intérêts mêmes des Serbes.

  8   Messieurs les Juges, les crimes retenus dans l'acte d'accusation se sont

  9   produits non seulement, parce que Mladic les a planifiés et les a ordonnés

 10   mais également parce qu'il a soutenu leurs auteurs qui étaient tout à fait

 11   consentants. Au cours des trois années précédentes, ces auteurs avaient

 12   commis des crimes semblables en utilisant le même modus operandi contre des

 13   non-Serbes. Ils connaissaient la façon dont Mladic faisait la guerre et ils

 14   savaient qu'on attendait d'eux qu'ils utilisent les mêmes méthodes. La

 15   façon dont il a utilisé son autorité et sa position de dirigeant pour

 16   commettre des crimes et pour permettre la commission de crimes par des

 17   soldats qui s'en remettaient à lui pour qu'il les dirige ne représente pas

 18   uniquement un échec moral inexcusable et l'échec de sa direction, il

 19   représente également un encouragement à la commission des crimes.

 20   Quant à Srebrenica, Mladic présente une Défense d'alibi. Le 23 janvier

 21   dernier, M. Mladic a fait part de son intention d'invoquer une Défense

 22   d'alibi. Au paragraphe 6 de cette écriture, la Défense affirme que M.

 23   Mladic n'était par conséquent pas en position de commettre ou d'aider et

 24   encourager la commandant de quelques crimes que ce soit entre les 14 et 17

 25   juillet 1995. M. Mladic affirme qu'il est parti pour Belgrade dans l'après-

 26   midi du 14, il a été présent lors des réunions avec les négociateurs

 27   internationaux le 15, et puis il s'est rendu à un mariage le 16. Il affirme

 28   que puisqu'il n'était pas présent physiquement dans la zone de Srebrenica


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  1   pendant certaines des exécutions en masse, je cite :

  2   "Il n'était donc pas en position de commettre ou d'aider ou

  3   encourager la commission des crimes allégués retenus à l'acte d'accusation

  4   pour les journées du 14 au 17 juillet 1995."

  5   L'Accusation accepte que M. Mladic s'est trouvé à Belgrade, effectivement,

  6   qu'il est parti de Srebrenica le 14 juillet, qu'il était présent lors de

  7   plusieurs réunions le 15, des réunions avec la direction serbe et avec des

  8   négociateurs internationaux. L'Accusation accepte effectivement le fait --

  9   l'affirmation qu'il se soit rendu à un mariage et qu'il se soit rendu dans

 10   un hôpital militaire.

 11   L'Accusation n'accepte pas le fait; cependant, qu'il n'était pas au courant

 12   de ce qui se passait. L'Accusation n'accepte pas et je cite :

 13   "Le fait qu'il n'aurait pas été en position de commettre le crime

 14   allégué."

 15   Avant de quitter Srebrenica, Mladic a mis en branle, sous le contrôle de

 16   ses officiers subordonnés, une opération bien organisée, à grande échelle,

 17   opération d'assassinat de plus de 7 000 hommes et garçons en l'espace de

 18   quelques jours ainsi que des départs forcés de plus de 30 000 femmes,

 19   enfants, et personnes âgées du territoire.

 20   Le 15 juillet 1995, l'opération meurtrière avance à plein régime à

 21   Srebrenica. Mladic rencontre plusieurs représentants internationaux. Entre

 22   deux de ses réunions, le général Rupert Smith et le général de Lapresle ont

 23   une conversation séparée avec Mladic. Mladic note ce que le général Smith

 24   lui a dit pendant l'entretien qu'ils ont eu. Ce qu'il note au point 4 de ce

 25   que Smith lui a dit a à voir avec les événements de Srebrenica.

 26   Nous voyons cela à la planche numéro 11 :

 27   "Le traitement de la population de Srebrenica et de Zepa - il y a des

 28   rumeurs faisant état d'atrocités, de massacres, et de viol."


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  1   Donc c'est de sa propre main que Mladic note que le général Rupert Smith

  2   l'a informé de ces rumeurs parlant d'atrocités, de massacres, et de viol

  3   qui seraient commis à Srebrenica. Alors que fait Mladic suite à cela ? Il

  4   se rend le lendemain matin à un mariage. Nous avons des photographies de

  5   Mladic au mariage et à la fête. Donc, pendant que ces hommes sont tués, le

  6   fait que Mladic était à Belgrade pendant que ces hommes ont été tués ne

  7   signifie pas qu'il n'avait pas l'intention qu'ils soient tués, ça ne

  8   signifie pas qu'il n'a pas mis en branle l'opération meurtrière, cela ne

  9   l'excuse pas de sa responsabilité pénale pour avoir ordonné et mis en

 10   branle cette opération massive meurtrière. Le jour même où Mladic assiste

 11   au mariage, au moment même où cette photographie est prise, en l'espace de

 12   cette seule journée plus de 1 500 hommes et garçons sont tués, assassinés,

 13   à la ferme de Branjevo.

 14   Nous avons une autre photographie qui nous montre l'exhumation de ce

 15   site. Pendant que Mladic est souriant au mariage et, pendant tout ce temps-

 16   là, sait que des hommes innocents sont tués.

 17   Alors, pendant ce procès, vous entendrez parler de cette conversation entre

 18   le général Clark et Slobodan Milosevic quelques semaines plus tard, lorsque

 19   Clark demande si Milosevic avait la possibilité d'arrêter ce bain, et je

 20   cite les propos de Milosevic -- ou plutôt, ce que dit M. Clark :

 21   "Monsieur le Président, vous dites que vous avez une très grande influence

 22   sur les Serbes de Bosnie, et bien alors à ce moment-là comment est-ce que

 23   vous avez pu laisser le général Mladic tuer tous ces gens de Srebrenica ?"

 24   Le général Clark note ce que M. Milosevic lui a dit, je cite :

 25   "Et bien, Général Clark, j'ai mis en garde Mladic pour qu'il ne le fasse

 26   pas, mais il ne m'a pas écouté."

 27   Milosevic a reconnu au général Clark qu'il avait parlé à Mladic, soit

 28   pendant, soit avant les massacres, qu'il a prévenu Mladic, mis en garde


Page 527

  1   Mladic de ne pas le faire, mais que Mladic n'a pas suivi ce que Milosevic

  2   lui a dit.

  3   Alors Mladic s'est rendu à des réunions et à un mariage au moment où le

  4   crime qu'il a ordonné avait lieu, mais cela ne l'absout pas de la

  5   responsabilité de ce crime. Comme le note le général Dannatt :

  6   "Le commandement et la responsabilité ne peuvent pas être séparés."

  7   Aujourd'hui, M. Mladic est protégé par la présomption d'innocence, une

  8   protection dont il bénéficiera tout au long du procès et des délibérations

  9   de la Chambre. Aujourd'hui, je m'engage au nom de notre équipe du bureau du

 10   Procureur, je m'engage devant la Chambre de première instance et M. Mladic

 11   que l'Accusation présentera sa cause d'une manière équitable, équilibrée.

 12   La prochaine fois que je prendrai la parole devant vous, ce sera à la fin

 13   de ce procès. Entre-temps, vous aurez entendu les éléments de preuve

 14   présentés par l'Accusation et tout élément de preuve que M. Mladic aura

 15   souhaité présenter à la Chambre. Lorsque je reprendrez la parole devant

 16   vous de cette manière à la fin, je vous demanderai de donner au peuple de

 17   Bosnie ce qu'ils ont attendu pendant si longtemps, de donner à tous les

 18   habitants de la Bosnie - qu'ils soient Bosnien, Croate, Serbe ou simplement

 19   citoyen de Bosnie - de leur donner la vérité sur ce que Mladic a fait à ce

 20   pays beau et si complexe, de leur donner la vérité sur ce que Ratko Mladic

 21   a fait au peuple de Bosnie.

 22   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation sera prête à citer

 23   son premier témoin en fonction des instructions de la Chambre. Je vous

 24   remercie.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, M. Groome.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette audience était prévue pour que

 28   nous entendions les propos liminaires de l'Accusation. Ceci dit, si l'une


Page 528

  1   ou l'autre des parties estime nécessaire de porter à notre attention une

  2   question de nature urgente, je l'invite à le faire, bien que ceci n'ait pas

  3   été prévu…

  4   Monsieur Groome.

  5   M. GROOME : [interprétation] Non, pas pour ce qui nous concerne, Monsieur

  6   le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Je suis pris par surprise, Monsieur le

  9   Président, mais je crois que la question urgente que j'avais à l'esprit

 10   sera abordée au cours de la réunion de cet après-midi consacrée à l'article

 11   65 ter.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Evidemment, mais je me demandais s'il

 13   n'y avait pas autre chose --

 14   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- qui se serait présenté et que vous

 16   souhaiteriez porter à notre attention. Je suis au courant de cette question

 17   qui est toujours pendante.

 18   Alors avant que nous ne levions l'audience, je voudrais aborder quelques

 19   sujets qui ne prendront pas beaucoup de temps. Pour commencer, le 10 mai

 20   2012, la Défense, par voie informelle, a demandé l'autorisation de la

 21   Chambre pour faire intervenir un collaborateur juridique qualifié dans le

 22   cadre du contre-interrogatoire des témoins afin que ce collaborateur mène

 23   les contre-interrogatoires.

 24   Le jour suivant, le 11 mai, la Chambre a fait droit à la requête de la

 25   Défense. Cette dernière ainsi que la décision de la Chambre sont, par la

 26   présente, consignées au compte rendu.

 27   La Chambre va maintenant se prononcer quant au début de la présentation des

 28   moyens à charge par l'Accusation, présentation initialement prévue pour


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  1   commencer le 29 mai 2012.

  2   Compte tenu des erreurs importantes commises par l'Accusation dans la

  3   communication de ses pièces, que la Chambre a déjà évoqué hier, les Juges

  4   informent par la présente les parties qu'ils ont décidé de surseoir au

  5   début de la présentation des moyens à charge. La Chambre est toujours en

  6   train de collecter des informations quant à la portée de cette erreur et à

  7   l'ensemble de ses conséquences. La Chambre compte annoncer la date du début

  8   de la présentation des éléments à charge par l'Accusation dès que possible.

  9   Ce qui conclut ce que les Juges avaient à dire sur ce point, et compte tenu

 10   de cela, nous allons lever l'audience d'aujourd'hui sine die, et les

 11   parties seront informées de la façon dont nous procéderons par la suite.

 12   L'audience est levée.

 13   --- L'audience est levée à 11 heures 58, sine die.

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