Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 31 août 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Madame la Greffière, veuillez citer le numéro de l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  8   C'est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 10   Pour autant que je sache, il n'y a pas de points préalables à aborder en ce

 11   début d'audience, nous pouvons donc poursuivre la déposition du témoin à huis

 12   clos.

 13   Maître Stojanovic, pourriez-vous nous donner une indication du temps dont vous

 14   pensez avoir encore besoin afin que les personnes qui nous écoutent en soient

 15   informées.

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je crois, Monsieur le Juge, que ceci sera tout

 17   à fait conforme à ce que j'avais annoncé, c'est-à-dire environ 45 minutes, une

 18   heure au maximum.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Passons donc à huis clos.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le

 21   Président.

 22   [Audience à huis clos]

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 13  Pages 2005-2029 expurgées. Audience à huis clos.

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 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 16   Maître Lukic, nous allons prendre une pause, et ce sera une pause brève, puisque

 17   nous n'avons siégé que pendant une heure à la différence du calendrier normal où

 18   nous avons un volet d'une heure et demie puis une pause de 30 minutes. Donc nous

 19   nous en tenons à notre calendrier habituel en ce moment.

 20   L'Accusation souhaite-elle ajouter quelque chose -- je vois que M. Mladic

 21   souhaite vous consulter, Maître Lukic.

 22   L'Accusation est-elle prête à citer à la barre le témoin suivant ?

 23   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des mesures de protection ont été accordées à

 25   ce témoin. C'est le Témoin RM083.

 26   M. GROOME : [interprétation] Il n'y a pas de mesures de protection d'accordées.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ah, excusez-moi. Il s'agit en fait du Témoin

 28   RM053.


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  1   Maître Lukic, vous pouvez profiter de la pause pour vous consulter avec votre

  2   client.

  3   Nous allons faire une pause maintenant.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

  5   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez faire venir le témoin dans le

  7   prétoire, s'il vous plaît.

  8   M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, permettez-moi de profiter de

  9   l'occasion de vous présenter un nouveau membre de l'Accusation, qui vient dans

 10   le prétoire pour la première fois, il s'agit de M. Edward Jeremy, et c'est lui

 11   qui interrogera le témoin suivant.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous souhaite la bienvenue, Monsieur

 13   Jeremy.

 14   M. JEREMY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, vous avez besoin de

 16   quelque 45 minutes pour interroger ce témoin. Et je me demande s'il sera

 17   possible d'en finir avec son contre-interrogatoire pendant le volet suivant de

 18   l'audience ?

 19   M. LUKIC : [interprétation] Nous avons estimé que nous aurons besoin de deux

 20   heures pour contre-interroger ce témoin.

 21   Donc j'imagine qu'il nous sera possible d'en finir avec son témoignage

 22   avant la fin de la séance d'aujourd'hui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous serions reconnaissants de procéder

 24   ainsi.

 25   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, avant de faire entrer

 26   le témoin dans la salle d'audience, j'aimerais aborder quelques sujets

 27   préliminaires.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.


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  1   M. JEREMY : [interprétation] D'abord, pour ce qui est faits jugés, nous nous

  2   appuyons sur les faits jugés suivants : 460, 461, 463, 465, 468, 469, 470, 471,

  3   472, 473, 476, 478, 487 et 1006.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Les chiffres que vous venez de citer

  5   sont en concordance avec la liste que nous avons déjà.

  6   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être quelques questions

  7   de mon interrogatoire se recouperont-elles avec les faits jugés, si tel est le

  8   cas, je le signalerai aux Juges de la Chambre de façon à ce que vous puissiez

  9   vous débrouiller dans mon interrogatoire.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il faut essayer d'éviter des

 11   situations de ce type dans la mesure du possible.

 12   M. JEREMY : [interprétation] Pour ce qui est des documents associés, il y en n'a

 13   pas. Mais je vais peut-être demander le versement au dossier de quelques autres

 14   documents présentés au témoin pendant l'interrogatoire principal.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Jeremy.

 16   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 17   M. JEREMY : [aucune interprétation] --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, si vous voulez ajouter quelque chose,

 19   vous pouvez le faire, mais je préfère m'adresser d'abord au témoin.

 20   Bonjour, Monsieur Medic. Pouvez-vous m'entendre dans une langue que vous

 21   comprenez ?

 22   Je vois que vous hochez affirmativement de la tête, mais il faut fournir une

 23   réponse verbale.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Medic, avant d'entamer votre

 26   déposition, il faut d'abord prononcer la déclaration solennelle.

 27   Donc je vous invite à prononcer la déclaration solennelle, le texte vient

 28   de vous être remis par l'Huissier.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

  2   toute la vérité et rien que la vérité.

  3   LE TÉMOIN : ADIL MEDIC [Assermenté]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Medic. Vous pouvez vous

  6   asseoir.

  7   Monsieur Medic, M. Jeremy sera le premier à vous interroger. Il s'agit d'un

  8   représentant de l'Accusation.

  9   Monsieur Jeremy, s'il y a des questions préliminaires qu'il est indispensable

 10   d'aborder, intégrez-les dans votre interrogatoire.

 11   Vous avez la parole, Monsieur Jeremy,

 12   Interrogatoire principal par M. Jeremy :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez décliner votre identité pour

 14   les besoins du compte rendu d'audience.

 15   R.  Je m'appelle Adil Medic. Je suis né dans le village de Sanica dans la

 16   municipalité de Kljuc.

 17   Q.  Monsieur Medic, est-il exact que vous avez fourni une déclaration écrite

 18   préalable au bureau du Procureur du TPIY et que vous avez déjà déposé dans une

 19   affaire précédente ?

 20   R.  J'ai fait les deux, c'est exact.

 21   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, avant de vous présenter la

 22   déclaration préalable du témoin, et je parle maintenant de la déclaration de

 23   1996, les numéros de paragraphe n'y sont pas inclus. Quant à la dernière

 24   déclaration du témoin, les numéros des paragraphes ont été ajoutés à la main par

 25   un membre du bureau du Procureur, et c'est une telle version de la déclaration

 26   qui a été téléchargée dans le système du prétoire électronique.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que nous pourrons nous servir

 28   de cette déclaration avec les paragraphes, les numéros de paragraphe ajoutés à


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  1   la main, si cela ne pose pas de problème à Me Lukic.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Non. Puisque les numéros ont été ajoutés, je n'ai

  3   rien contre. D'ailleurs j'ai fait la même chose moi-même. J'ai ajouté les

  4   numéros page par page. Donc, je vais essayer de suivre l'interrogatoire, même si

  5   je n'ai pas en ma possession la version de l'Accusation.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   Et puis en même temps vous pouvez montrer votre version à l'écran, si elle a

  8   déjà été téléchargée dans le système.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 11   M. JEREMY : [interprétation] Et pour ce qui est de la déclaration préalable, je

 12   signale que je me référerai à plusieurs reprises au cours de mon interrogatoire

 13   à la déclaration de 1996 faite par M. Medic, ainsi qu'à sa déclaration de 2001.

 14   Et pour aider M. Medic dans ses réponses, j'aimerais lui remettre une version

 15   imprimée de sa déclaration.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, celle où les numéros de paragraphe ont

 17   été ajoutés.

 18   M. JEREMY : [interprétation] Tout à fait.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 20   Veuillez remettre à M. Medic une version imprimée des deux déclarations.

 21   M. JEREMY : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Medic, avez-vous fourni une déclaration au bureau du Procureur que

 23   vous avez signée le 31 janvier 1996 ?

 24   R.  Oui, à Sarajevo.

 25   Q.  Et avez-vous également fait une autre déclaration que vous avez signée le 9

 26   novembre 2001 et dans laquelle vous avez apporté un certain nombre de

 27   corrections à la déclaration signée le 31 janvier 1996 ?

 28   R.  Oui. J'ai apporté un certain nombre de corrections, qui étaient de nature


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  1   techniques; elles ne portent pas vraiment sur la substance. Il est peut-être

  2   tout à fait logique que ce genre d'erreurs puisse se produire.

  3   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite que le document

  4   28356 de la liste 65 ter soit affiché à l'écran. Il s'agit de la déclaration

  5   faite par M. Medic le 31 janvier 1996. Et j'aimerais présenter au témoin la

  6   version anglaise de la déclaration.

  7   Q.  Monsieur Medic, une fois le document affiché à l'écran, veuillez examiner la

  8   signature qui figure en bas de la page 1 du document; est-ce là votre signature

  9   ?

 10   R.  Oui.

 11   M. JEREMY : [interprétation] Passons maintenant à la dernière page de la

 12   déclaration. C'est la page 11 dans le système du prétoire électronique.

 13   Q.  Monsieur Medic, ce que nous voyons en haut de la page, est-ce votre

 14   signature ?

 15   R.  Oui.

 16   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Juge, je souhaite demander l'affichage

 17   du document 28357. Il s'agit d'une déclaration supplémentaire de M. Medic faite

 18   le 9 novembre 2001. Cette fois j'aimerais qu'on montre au témoin la version

 19   B/C/S de la déclaration.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est ma signature aussi.

 21   M. JEREMY : [interprétation]

 22   Q.  Juste pour confirmer, Monsieur Medic, la signature qui figure à la page 1 du

 23   document, c'est bien votre signature ?

 24   R.  Certainement.

 25   M. JEREMY : [interprétation] Passons à la page 3 dans le système du prétoire

 26   électronique, s'il vous plaît.

 27   Q.  Monsieur Medic, est-ce bien votre signature ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Monsieur Medic, avez-vous eu l'occasion de passer en revue et de lire votre

  2   déclaration du 31 janvier 1996 et votre déclaration préalable du 9 novembre 2001

  3   avant de venir déposer aujourd'hui pendant la séance du récolement ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Lorsqu'on envisage ces deux déclarations préalables dans leur ensemble, est-

  6   ce qu'il y a des modifications, des corrections, des altérations que vous

  7   souhaitiez apporter à l'une ou à l'autre de ces deux déclarations ?

  8   R.  Il n'y a qu'un seul terme qui pose problème lorsqu'il est question du sort

  9   subi par Omer Filipovic. Je pense que la date qui est citée est erronée. Le

 10   reste est exact, compte tenu des corrections déjà apportées.

 11   Q.  Quelle est la date que vous souhaitez préciser au sujet de M. Omer Filipovic

 12   ?

 13   R.  Omer Filipovic a trouvé la mort entre le 28 et le 29 juillet. Je pense que

 14   la date qui est citée dans le document est la date du lendemain.

 15   Q.  Merci, Monsieur Medic.

 16   Si aujourd'hui je vous posais des questions semblables à celles qui vous ont été

 17   posées au moment où vous avez fait votre déclaration, vos réponses auraient-

 18   elles été les mêmes ?

 19   R.  Absolument.

 20   Q.  Vous venez de prononcer la déclaration solennelle, confirmez-vous le

 21   caractère véridique et l'exactitude de ces deux déclarations préalables

 22   envisagées dans leur ensemble ?

 23   R.  Oui, certainement.

 24   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, en application de l'article 92

 25   ter, je souhaite demander le versement au dossier de la déclaration préalable de

 26   M. Medic faite le 31 janvier 1996, qui porte la cote 28356 de la liste 65 ter,

 27   ainsi que le versement au dossier de sa déclaration préalable du 9 novembre 2001

 28   qui porte la cote 28357 de la liste 65 ter.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, quelle sera

  2   la cote de la déclaration de 1996.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28356 deviendra la pièce P154,

  4   Monsieur le Juge.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  6   Qu'en est-il de la déclaration supplémentaire de 2001.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28357 deviendra la pièce P155,

  8   Monsieur le Juge.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admis au dossier.

 10   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Jeremy.

 11   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre permission je

 12   voudrais donner lecture d'un bref résumé de la déclaration préalable de M.

 13   Medic.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 15   M. JEREMY : [interprétation] Adil Medic était économiste de profession qui

 16   travaillait pour l'Association islamique en 1981 [comme interprété]. Cette

 17   association faisait partie d'un groupe d'organisations humanitaires qui se soit

 18   réuni pour établir le Corps musulman en 1992 une fois la guerre éclatée en

 19   Bosnie-Herzégovine. M. Medic a été choisi pour dirigeant d'une commission mise

 20   sur pied par cette organisation collective. La commission s'occupait du camp de

 21   Manjaca, et notamment de tous les problèmes liés aux prisonniers. Le 18 juin

 22   1992, M. Medic s'est rendu au camp de Manjaca sur une invitation du général

 23   Talic. M. Medic décrit les conditions de vie horribles qui prévalaient dans le

 24   camp. Les prisonniers n'avaient pas suffisamment de nourriture, n'avaient pas de

 25   quoi se vêtir, et les maladies sévissaient. M. Medic a parlé à un prisonnier qui

 26   s'appelait Omer Filipovic, qui lui a dit que les prisonniers étaient

 27   régulièrement roués de coups. M. Medic a appris à la fin du mois de juillet 1992

 28   qu'Omer Filipovic et Esad Bender ont été roués à coups et sont morts par suite


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  1   de ces coups dans le camp de Manjaca.

  2   Le 22 juin 1992, M. Medic a assisté à une réunion organisée entre les

  3   représentants des Musulmans et les membres de la VRS, y compris le général

  4   Talic. Lors de cette réunion, M. Medic a informé le général Talic des conditions

  5   de vie inadéquates qui prévalaient dans le camp de Manjaca où on faisait subir

  6   des mauvais traitements aux civils. Au total, M. Medic a rendu 25 visites

  7   humanitaires au camp de Manjaca.

  8   M. Medic a également fourni son assistance aux survivants du massacre qui

  9   s'est produit au mont de Vlasic où les prisonniers ont été alignés dans un

 10   précipice, puis on leur a tiré dans le dos. Finalement, M. Medic a été arrêté et

 11   il a été transféré à la prison de Mali Logor dans la ville de Banja Luka où il a

 12   été roué de coups à deux occasions différentes. Il a été mis en liberté le 29

 13   novembre 1995.

 14   Ceci est la fin de mon résumé.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, veuillez procéder aux questions.

 16   M. JEREMY : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Medic, aux paragraphes 1 à 3 de votre déclaration de 1996, pièce

 18   P154, page 2 dans le système du prétoire électronique dans les deux versions

 19   linguistiques, vous présentez un résumé de votre biographie professionnelle. Si

 20   je vous ai bien compris, vous avez pris votre retraite en 1990 et puis vous avez

 21   travaillé à titre de volontaire au sein de différentes organisations

 22   humanitaires. Avez-vous poursuivi d'autres activités professionnelles après

 23   avoir signé votre déclaration de 1996 ?

 24   R.  Oui. Plus tard au mois d'août 1996, une association a été mise sur pied en

 25   Bosnie-Herzégovine, elle était enregistrée auprès des autorités compétentes.

 26   Pendant six années, j'ai exercé les fonctions du vice-président de cette

 27   association, par la suite, j'ai travaillé comme éditeur au centre de recherche

 28   et de documentation rattaché à cette organisation. J'ai participé aux recherches


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  1   qui ont été lancées et j'éditais les textes rédigés par d'autres collègues. J'y

  2   ai travaillé pendant neuf années.

  3   Q.  Au paragraphe 6 de votre déclaration de 1996, la pièce P154, pages 2 et 3

  4   dans le système du prétoire électronique dans les deux versions linguistiques,

  5   vous décrivez votre première visite au camp de Manjaca au mois de juin 1992 sous

  6   escorte militaire.

  7   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, le fait jugé 460 indique

  8   :

  9   "Le camp de Manjaca était dirigé par la police militaire bosno-serbe placé

 10   sous le commandement du 1er Corps de la Krajina et du colonel Bozidar Popovic,

 11   qui était le commandant du camp."

 12   C'est pourquoi je ne poserai pas d'autre question à ce sujet.

 13   Q.  Monsieur Medic, je vais toutefois vous poser une série de questions de

 14   nature générale concernant vos expériences personnelles vécues au camps de

 15   Manjaca.

 16   Pour commencer, j'aimerais vous montrer un plan du camp de Manjaca.

 17   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-on afficher le document

 18   28058 de la liste 65 ter. C'est une esquisse qui montre le plan du camp de

 19   Manjaca.

 20   Q.  Monsieur Medic, reconnaissez-vous l'esquisse qui vient d'être affichée à

 21   l'écran ?

 22   R.  Il lui manque simplement sa deuxième partie. Je ne sais pas pourquoi. Parce

 23   qu'en fait, ce schéma figurait sur une feuille de papier au format A3, et l'on y

 24   voyait également les bâtiments administratifs.

 25   Ici, on ne voit que les écuries dans lesquelles se trouvaient les détenus,

 26   ainsi que l'emplacement de la cuisine.

 27   Q.  Alors, pour les parties du camp que nous pouvons voir, est-ce qu'il est

 28   possible de dire que la description qui en est faite sur ce croquis est exacte


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  1   et précise ?

  2   R.  Oui, absolument. L'auteur a bien fait son travail.

  3   Q.  Monsieur Medic, dans le paragraphe numéro 8 de votre déclaration de 1996,

  4   pièce P154, page 3 dans le prétoire électronique dans les deux langues, vous

  5   décrivez un certain nombre d'endroits se trouvant au camp de Manjaca. Je

  6   voudrais que vous nous indiquiez sur le croquis affiché à l'écran l'emplacement

  7   de ces différents lieux, et je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir

  8   fournir au témoin un feutre de couleur rouge à cet effet.

  9   Monsieur Medic, sans pour le moment annoter ce croquis, est-ce que vous y voyez

 10   la cuisine du camp ?

 11   R.  Oui. C'est le premier bâtiment à gauche, du côté gauche. C'était ce qu'on

 12   appelait la cuisine de campagne, si vous voulez. C'est là qu'on préparait la

 13   nourriture, et c'est là que les prisonniers venaient manger.

 14   Q.  Je vous prie de bien vouloir indiquer cet emplacement au moyen du chiffre 1.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Et, encore une fois, sans pour le moment porter la moindre annotation, est-

 17   ce que vous pouvez voir sur ce croquis les trois écuries où se trouvaient les

 18   prisonniers ?

 19   R.  Oui. Les trois premières écuries étaient pleines de prisonniers. Les

 20   prisonniers ou les détenus s'y trouvaient, mais à la date du 18 juin, ils n'y

 21   étaient pas, en fait, il n'y avait pas les trois autres écuries à la date du 18.

 22   Q.  Pouvez-vous marquer la première des écuries où vous avez procédé à une

 23   visite à l'aide du chiffre 2.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Et utilisez maintenant le chiffre 3, s'il vous plaît, pour indique la

 26   deuxième écurie que vous avez visitée.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Et pourriez-vous maintenant utiliser le chiffre 4 pour indiquer


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  1   l'emplacement de la troisième écurie, celle que vous n'avez pas visitée.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Au paragraphe 10 de votre déclaration de 1996, pièce P154, page 3 dans le

  4   prétoire électronique, vous évoquez une conversation avec Omer Filipovic,

  5   prisonnier au camp de Manjaca. Sans procéder à la moindre annotation, est-ce que

  6   vous pouvez voir sur ce croquis l'endroit où s'est déroulée cette conversation

  7   avec Omer Filipovic ?

  8   R.  C'était à l'extérieur de ce complexe très simple où se trouvaient les

  9   prisonniers. A peu près ici, là où il y a les bâtiments de petite taille. Et en

 10   face dans une clairière.

 11   Q.  Veuillez utiliser le chiffre 5 pour indiquer l'emplacement que vous venez de

 12   décrire.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Enfin, au paragraphe numéro 21 de votre déclaration de 1996, pièce P154,

 15   page 5, vous dites qu'en août 1992, des prisonniers du camp d'Omarska ont été

 16   transférés à Manjaca.

 17   Encore une fois, ne faites aucune annotation pour le moment. Est-ce que sur le

 18   croquis vous pouvez voir les écuries où ces prisonniers d'Omarska se trouvaient

 19   ?

 20   R.  C'est dans la seconde rangée, derrière celle que j'ai déjà annotée. Donc

 21   c'est exactement le même ensemble de bâtiments. Mais c'en est une deuxième

 22   série.

 23   Q.  Veuillez utiliser le chiffre 6 pour nous indiquer cette partie du camp.

 24   R.  Vous voulez que j'indique l'ensemble de cette zone ?

 25   Q.  Oui.

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement

 28   de cette pièce telle qu'annotée par le témoin en tant que pièce suivante de


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  1   l'Accusation.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 28058 annoté par le

  4   témoin reçoit la cote P156, Messieurs les Juges.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il est versé au dossier.

  6   M. JEREMY : [interprétation]

  7   Q.  Au paragraphe numéro 6 de votre déclaration de 1996, pièce P154, pages 2 et

  8   3, vous dites que lors de votre première visite au camp de Manjaca, vous avez

  9   demandé à l'un des soldats qui vous escortaient, le colonel Tepsic, si les

 10   prisonniers détenus au camp étaient exclusivement des Croates et des Musulmans.

 11   Et vous indiquez qu'en réponse, le colonel Tepsic vous a dit que tous les

 12   prisonniers du camp étaient des prisonniers de guerre.

 13   Au paragraphe numéro 21 de votre déclaration, page 5 dans le prétoire

 14   électronique, vous dites qu'à un moment donné il y a eu 4 500 prisonniers à

 15   Manjaca. A votre avis, quelle proportion de tous ces hommes qui ont transité par

 16   le camp de Manjaca était des prisonniers de guerre ?

 17   R.  Je me suis rendu en visite à Manjaca en compagnie d'officiers à la tête

 18   desquels se trouvait le colonel Tepsic. Alors lorsque cela a été mon tour de

 19   parler, la première question que j'ai posée était celle de savoir si nous nous

 20   trouvions au centre de rassemblement de civils de Manjaca. Et lui, ne cessait de

 21   répéter : Non, Monsieur Medic nous sommes au camp de prisonniers de Manjaca sous

 22   le commandement du 1er Corps de Krajina.

 23   Lorsque nous avons visité les différentes écuries, il était tout à fait apparent

 24   qu'il s'agissait exclusivement de civils. Certains étaient pieds nus, certains

 25   n'avaient que des sandales, d'autres étaient en maillot de corps. Personne parmi

 26   les quelque 800 prisonniers qui se trouvaient dans les écuries ne portait

 27   d'uniforme. La conclusion logique qui s'imposait était que nous étions en

 28   présence de civils.


Page 2044

  1   Q.  Au cours des 25 visites que vous avez rendues au camp, n'avez-vous jamais

  2   rencontré un prisonnier qui ne soit ni Musulman ni Croate ?

  3   R.  Non. Lors des conversations que j'ai eues avec les prisonniers, comme ils

  4   les appelaient, or les prisonniers normalement ils sont capturés sur le front,

  5   alors que les détenus, eux, étaient des personnes qui ont été emmenées de chez

  6   eux ou de leurs champs, eh bien, lors de ces conversations ils m'ont informé

  7   qu'il y avait quelque 85 % de Musulmans dans le camp, et environ 15 % de

  8   Croates. Personne n'a jamais mentionné la présence de Serbes, et je n'en ai pas

  9   vu moi-même.

 10   Q.  Avant de vous poser quelques brèves questions au sujet de l'accès que vous

 11   aviez aux prisonniers à Manjaca, je voudrais vous présenter un bref

 12   enregistrement vidéo de la visite de Paddy Ashdown, un homme politique

 13   britannique au camp de Manjaca.

 14   M. JEREMY : [interprétation] Il s'agit du document numéro 22302B de la liste 65

 15   ter, Messieurs les Juges, Mme Stewart va maintenant le diffuser. Des

 16   transcriptions de la bande-son de ces enregistrements vidéo sont disponibles

 17   dans le prétoire électronique sous le même numéro, et les cabines

 18   d'interprétation se sont vues remises une copie également.

 19   Malheureusement la bande-son est de mauvaise qualité, mais pour ceux qui

 20   n'entendront pas suffisamment bien, il y a des sous-titres en anglais qui ont

 21   été ajoutés par l'Accusation. Les sous-titres qui apparaissent éventuellement en

 22   B/C/S ne sont pas du fait de l'Accusation.

 23   Madame Stewart, veuillez diffuser cet enregistrement, s'il vous plaît.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]  

 26   "Paddy Ashdown a interrompu ses vacances et s'est rendu en visite en un lieu

 27   [inaudible] kilomètres. Il a vu là des conditions dans lesquelles, les

 28   conditions dans lesquelles les hommes étaient maintenues qui étaient pires que


Page 2045

  1   celles réservées à des animaux. La plupart étaient arrivés il y a trois jours du

  2   camp d'Omarska. Sur leurs visages se lisaient les souvenirs qu'ils n'osaient

  3   même pas évoquer en présence des gardes. Paddy Ashdown a eu l'autorisation de

  4   rester seul à seul pendant cinq minutes avec les prisonniers. Bien que les

  5   conditions aient été effroyables sur place, elles étaient déjà bien meilleures

  6   que de là d'où ils venaient. Le commandant a promis à Paddy Ashdown qu'il

  7   pourrait voir ce qu'il voulait, mais à la fin, on lui a quand même dit que ce

  8   n'était pas possible. Même la visite de M. Ashdown a été limitée à une demi-

  9   heure, et il n'a pu discuter qu'avec un petit nombre de prisonniers. A son

 10   départ, il a déclaré que malgré les apparences, il semblait que ce camp ait été

 11   dirigé en bon ordre.

 12   Il s'est dit, horrifié, des conditions dans lesquelles les prisonniers y

 13   vivaient. Et il a déclaré que la divulgation dans les médias des conditions de

 14   vie dans ce camp allait sans doute représenter une grande avancée.

 15   En l'absence des gardes, certains des prisonniers lui avaient confié que

 16   les conditions étaient bien pires dans le camp d'où ils venaient.

 17   Et tout ce que ces hommes ont souffert, est malheureusement resté

 18   inexprimé.

 19   Manjaca est un camp militaire entre Bosnie du nord, contrôlé par les

 20   Serbes. Les autorités disent, qu'il s'y trouve 3 500 prisonniers, y compris un

 21   millier originaire du camp d'Omarska, de sinistre réputation. Les images de ces

 22   détenus hâves ont horrifié la communauté internationale, et les pressions

 23   exercées ont permis que plusieurs centaines soient transférés de ce camp vers

 24   Manjaca.

 25   Nous avons maintenant assez de nourriture, dit cet homme. Nous n'avons pu

 26   nous entretenir qu'avec deux détenus, et les soldats ont immédiatement voulu

 27   savoir ce que nous leur demandions.

 28   C'est l'un des camps, nous disent certains, et le président des Serbes de


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  1   Bosnie, en fait, a proposé de céder le contrôle de tous les camps et de

  2   permettre l'accès au camp.

  3   La résolution proposée des Nations Unies, donnera l'approbation au moyen

  4   nécessaire pour l'accès au camp. Même si Karadzic, en personne, a donné son

  5   approbation à notre visite, les journalistes ne se sont vu accorder qu'une demi-

  6   heure pour estimer la situation, et nous avons rapidement été escortés par les

  7   soldats. On nous a permis de filmer très peu d'images et de poser encore moins

  8   de questions. Le commandant affirme que les conventions de Genève sont

  9   respectées mais les prisonniers avec lesquels ils ont discuté affirment d'être

 10   des civils. Ils vivent dans des écuries où ils passent leur jour et leur nuit,

 11   entassés comme des animaux. Ils ne peuvent quitter cet endroit que pendant très

 12   peu de temps pour recevoir un très modeste ratio de soupe et de pain. Christiane

 13   Amanpour, CNN, Manjaca, en Bosnie du nord."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je note que nous disposons maintenant de

 16   l'anglais et du français au compte rendu, le B/C/S figure en sous-titre.

 17   Monsieur Lukic, s'il y a des problèmes avec les sous-titres en B/C/S, la Chambre

 18   devrait en être informée, mais nous avons un compte rendu complet en tout état

 19   de cause.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai pas remarqué le moindre problème, j'ai pu

 21   suivre aussi bien le B/C/S que l'anglais.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 23   Veuillez poursuivre, Monsieur Jeremy.

 24   M. JEREMY : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Medic, est-ce que les images que nous voyons dans cet

 26   enregistrement vidéo nous montrent bien le camp de Manjaca ?

 27   R.  Oui, c'est le camp de Manjaca. Bien entendu, c'est l'intérieur qui compte.

 28   Le peu qu'on a vu de l'extérieur, ça correspond à ce que nous avons vu sur le


Page 2047

  1   croquis, il y a quelques instants.

  2   Q.  Est-ce que ces images décrivent de façon exacte le camp de Manjaca, est-ce

  3   qu'elles le montrent sous son véritable jour ?

  4   R.  Cet enregistrement est de très mauvaise qualité, et l'on ne peut pas y voir

  5   la situation réelle, parce que cela n'a pas été tourné d'une façon qui aurait

  6   permis de tout voir. De voir, par exemple, toutes les personnes présentes au-

  7   delà de celles qui sont à portée de l'objectif de la caméra. Nous ne pouvons pas

  8   voir à quoi ressemblaient tous ces hommes, dont certains étaient déjà dans un

  9   état d'épuisement très avancé, et hâves.

 10   M. JEREMY : [interprétation] Je voudrais maintenant demander, Messieurs les

 11   Juges, à Mme Stewart de faire un arrêt sur image à 38 secondes et un dixième.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   M. JEREMY : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous connaissez la personne en uniforme qui

 15   fait face à la caméra du côté droit de l'image ?

 16   R.  Il n'y a pas le moindre doute quant au fait qu'il s'agit du lieutenant-

 17   colonel Bozidar Popovic, le commandant du camp. C'est en tout cas ainsi qu'on

 18   nous l'a présenté lorsque nous avons eu un entretien avec lui. Je ne parlerais

 19   pas de négociations mais d'entretiens, parce que parler de négociations suppose

 20   que l'on soit sur un pied d'égalité. Et, en fait, on lui a reconnu un quelconque

 21   mérite d'avoir été à la tête de ce camp, si bien qu'il est devenu plus tard

 22   colonel. Il a été promu, bien qu'il ait déjà été à la retraite pendant trois ans

 23   à ce moment-là.

 24   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande maintenant le

 25   versement de ce document en tant que pièce de l'Accusation.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document devient la pièce à conviction

 28   numéro P157, Messieurs les Juges.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P157 est donc versée au dossier.

  2   M. JEREMY : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Medic, je vais maintenant vous poser quelques questions à propos

  4   des prisonniers que vous avez rencontrés au camp de Manjaca.

  5   Au paragraphe numéro 10 de votre déclaration de 1996, pièce P154, page numéro 3

  6   dans le prétoire électronique, vous dites avoir parlé à Omer Filipovic au cours

  7   du mois qui a précédé son décès, et ce, au cours de votre première visite à

  8   Manjaca en juin 1992. Vous dites, je cite :

  9   "Il m'a informé de ce qui leur est arrivé dès le moment de leur arrestation. Il

 10   m'a fait un rapport tellement détaillé que j'ai été immédiatement convaincu

 11   qu'il n'allait pas pouvoir survivre s'il devait rester dans ce camp mais qu'il

 12   allait être tué."

 13   Monsieur Medic, je voudrais vous poser une question de suivi concernant ce que

 14   je viens de lire. Lorsque Omer Filipovic vous a décrit les conditions de vie

 15   dans le camp, est-ce qu'à part vous-même, il y avait qui que ce soit d'autre qui

 16   écoutait ce qu'il était en train de vous dire ?

 17   R.  J'étais accompagné de trois autres hommes qui faisaient partie de notre

 18   délégation. Je peux vous donner leurs noms si c'est nécessaire. Et les officiers

 19   qui nous accompagnaient et avec lesquels nous parlions aussi, des officiers qui

 20   nous accompagnaient dans notre visite, étaient également avec nous. C'est donc

 21   devant eux aussi qu'Omer Filipovic racontait tout ce qui s'était passé depuis

 22   leur entrée dans le camp, où les prisonniers étaient systématiquement roués de

 23   coups au moment de leur enregistrement. Il a décrit leurs conditions de vie :

 24   sans eau, sans sanitaire, la façon dont ils étaient battus, de façon tout à fait

 25   arbitraire parfois, la façon dont ils étaient choisis et dont ils vivaient sans

 26   linge, sans lits. Je pouvais voir les traces de coups qu'avait reçus Omer parce

 27   qu'il avait des tâches de sang sur sa chemise, et il a dit tout cela devant le

 28   colonel Tepsic, devant le lieutenant-colonel Bozidar Popovic et le lieutenant-


Page 2049

  1   colonel Bosko Amidzic, et il y avait encore un officier dont j'ai oublié le nom.

  2   Donc, eux aussi écoutaient ce que disait Omer Filipovic tout comme moi.

  3   D'autres qui leur étaient subordonnés, des soldats ou plutôt des policiers - je

  4   ne sais plus comment cela s'appelle - enfin, en tout cas, aucun d'eux, aucun de

  5   leurs subordonnés, n'étaient directement sur place et ne pouvaient donc entendre

  6   ce qu'Omer Filipovic disait.

  7   Q.  Très bien. Pourquoi avez-vous considéré, Monsieur Medic, qu'Omer Filipovic

  8   allait être tué en raison du récit qu'il vous a fait des conditions de vie dans

  9   le camp ?

 10   R.  C'était mon sentiment, mon intuition, si vous voulez bien que je le précise

 11   ainsi. Et, ainsi que je l'ai rédigé mon rapport le lendemain, j'ai estimé qu'il

 12   ne pourrait se taire jusqu'à ce qu'on le tue. Il a été agent de police avant la

 13   guerre. Il était également responsable municipal, il était enseignant d'histoire

 14   et de géographie. Il était présent d'un petit parti, qui était le MBO, je crois.

 15   Donc il était un dirigeant né, qui, à mon sens, a estimé qu'il avait la

 16   responsabilité de déclarer au nom de tous les autres ce qui se passait. Il était

 17   physiquement et mentalement sain, solide. Son comportement général et le

 18   sentiment de responsabilité qu'il avait envers les autres ont fait qu'il a

 19   décidé de relater tous ces éléments.

 20   Mais je savais que cette action est porteuse de conséquences, et je

 21   connaissais ses antécédents avant la guerre, et j'étais certain qu'il ne

 22   s'arrêterait de déclarer, qu'il continuerait à parler et qu'il serait un jour

 23   tué.

 24   Q.  Monsieur Medic, j'aimerais vous poser des questions finales quant à ce

 25   que vous considérez avoir été l'objectif du camp de Manjaca.

 26   Au paragraphe 21 de votre déclaration de 1996, pièce P154, à la page du

 27   prétoire électronique 5, vous déclarez :

 28   "Le 1er août 1992, Vukelic m'a déclaré, en face des écuries, que sur


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  1   environ 2 000 prisonniers du camp, moins de 200 avaient quoi que ce soit à voir

  2   quant au conflit armé."

  3   Monsieur Medic, vous avez rendu environ 25 visites au camp de Manjaca en

  4   1992. Vous avez passé neuf ans à œuvrer pour une association de détenus de ce

  5   camp et vous avez préparé un ouvrage relatant leur expérience. Si le colonel

  6   Vukelic avait effectivement raison en vous disant que parmi ces 2 000

  7   prisonniers du camp, seuls 200, et peut-être moins, avaient quoi que ce soit

  8   affaire quant au conflit armé, et fondé sur votre expérience exhaustive du camp

  9   de Manjaca, quelles conclusions avez-vous été en mesure de tirer quant à

 10   l'objectif de l'incarcération de civils bosniens et croates au camp de Manjaca ?

 11   R.  Le matin de ce jour-là, lorsque Omer Filipovic a été tué, donc la

 12   veille, avec son ami, Bender --

 13   M. LUKIC : [interprétation] Désolé.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Je crois que ceci appelle des conclusions, et

 16   monsieur, comme j'en suis averti, n'est pas un expert. Donc je présente une

 17   objection à cette question.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jeremy.

 19   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je demande tout simplement

 20   au témoin ses observations factuelles.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas ce que vous avez fait. Mais si

 22   c'est votre intention, je vous demanderais de reformuler cette question.

 23   M. JEREMY : [interprétation] Je vais reformuler.

 24   Q.  Monsieur Medic, fondé sur vos observations factuelles du camp, pourquoi les

 25   civils bosniens et croates se trouvaient-ils au camp de Manjaca ?

 26   R.  La position officielle de certains responsables des autorités serbes était

 27   que pas plus de 5 % de Musulmans pouvaient rester. C'était donc la déclaration

 28   publique. Ce n'est pas mon opinion. Et à cette fin, il était nécessaire d'épurer


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  1   la région, d'éliminer les Musulmans et, par la suite, la population croate. Pour

  2   procéder à cette épuration -- et vous pouvez poser une objection à mes

  3   observations si vous le souhaitez. Pour ce faire, donc, trois choses ont été

  4   réalisées en l'occurrence : d'aucuns ont été tués, d'autres ont été incarcérés

  5   dans des camps et d'autres encore ont été chassés. Pour faire en sorte que ce

  6   soit plus facile, il était nécessaire de priver tous ces hommes de leurs

  7   dirigeants, d'emprisonner Omer Filipovic et d'autres intellectuels, soit les

  8   mettre en prison ou les tuer ou encore les chasser. Il était nécessaire

  9   d'éliminer les gens de renom. Dans les petites communautés, il y a toujours des

 10   personnalités en vue, et il faut également les éliminer.

 11   Et troisièmement, il était nécessaire d'éliminer ceux qui étaient aisés et qui

 12   représentaient la sécurité dans ces communautés. Donc ils ont été éliminés

 13   également. Ils ont été les premiers à être éliminés, soit par incarcération, par

 14   exécution ou par expulsion. Le but, à mon sens, était d'épurer la région pour

 15   éliminer les Musulmans et, par la suite, les Croates de ces régions. Je peux

 16   revenir à ma propre municipalité où je suis né, Sanica. Une personne sur dix a

 17   été tuée; une personne sur cinq a été envoyée à Manjaca; et le restant a été

 18   expulsé de Sanica.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jeremy, je ne pense pas qu'il me

 20   soit nécessaire de vous rappeler que vous arrivez à la conclusion de vos 45

 21   minutes.

 22   M. JEREMY : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Jeremy.

 24   Monsieur Medic, vous allez maintenant passer au contre-interrogatoire qui sera

 25   mené par Me Lukic. Me Lukic est conseil de la Défense.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaite avoir quelques instants pour consulter

 27   mon client.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez bien faire en sorte que ce


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  1   soit court, procédez donc.

  2   [Le conseil de la Défense se concerte] 

  3   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, désolé, bien sûr, ma langue m'a

  5   fourchée, vous n'êtes pas conseil de l'Accusation, mais bien de la Défense.

  6   Donc, contre-interrogatoire de Me Lukic, conseil de la Défense.

  7   Contre-interrogatoire par M. Lukic :

  8   Q.  [interprétation] Monsieur Medic, bon après-midi. Je vais vous poser les

  9   questions en B/C/S et vous répondrez dans la même langue, donc si vous voulez

 10   bien faire une brève pause entre les questions et les réponses, et ce, aux fins

 11   des interprètes.

 12   R.  Bien.

 13   Q.  Merci. Etes-vous saisi de votre déclaration ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pourrions-nous passer au paragraphe 5. Vous déclarez :

 16   "Talic, son exigence, a signifié que l'armée avait pris la responsabilité du

 17   camp de Manjaca."

 18   Etait-ce la seule preuve à ce moment-là ?

 19   R.  A ce moment-là, c'était le seul fait avéré. Mais lorsque je suis arrivé à

 20   Manjaca, lorsque le colonel Tepsic, qui y avait été envoyé par le général Talic

 21   avec d'autres officiers, a déclaré que c'était un camp de prisonniers de guerre

 22   sous le commandement du 1er Corps de la Krajina, il est devenu évident à ce

 23   moment-là que l'armée était responsable de ce camp.

 24   Si je puis ajouter mon propre commentaire, j'estime que cette déclaration de sa

 25   part et tout notre entretien ne nous ont pas permis d'aller plus loin à Omarska

 26   et Trnopolje.

 27   Q.  Je vous poserai la question sur Omarska et Trnopolje par la suite.

 28   Vous déclarez au paragraphe 8 :


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  1   "Les cuisines préparaient des aliments qui, je crois, ne sont jamais arrivés

  2   jusqu'aux prisonniers."

  3   Les prisonniers ont été alimentés, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Selon vous, si ces aliments ne venaient pas des cuisines, d'où venaient-ils

  6   ?

  7   R.  J'ai tout simplement fait ce commentaire. Je ne voulais pas dire qu'ils ne

  8   mangeaient pas du tout. Ce que je voulais dire, c'est qu'ils ne mangeaient pas

  9   ces aliments-là parce que j'ai vu, et mon père était boucher, j'ai vu de la

 10   viande découpée et je ne pense pas que cette viande ait été destinée aux

 11   prisonniers.

 12   Q.  Lorsque j'attends, ce n'est pas parce que je ne conviens pas de votre

 13   réponse. Mais j'attends simplement l'interprétation.

 14   Toutefois, vous n'aviez aucun aperçu de ce que les prisonniers consommaient de

 15   fait ?

 16   R.  De façon opérationnelle, non; mais par la suite, oui.

 17   Q.  Au paragraphe 8 --

 18   M. LUKIC : [interprétation] Pourrions-nous l'afficher au prétoire électronique,

 19   liste 65 ter 13876.

 20   Q.  Cette image, Monsieur Medic, a trait à une partie de votre déclaration.

 21   Vous dites que quelques-uns d'entre eux avaient des couvertures. La plupart

 22   étaient à même le béton nu.

 23   Dans cette photo, pour autant que je le vois, tout un chacun, jusqu'au dernier,

 24   dispose d'une couverture. Vous êtes-vous rendu à l'intérieur de cet

 25   établissement ?

 26   R.  N'oubliez pas que j'ai passé 15 jours à l'inauguration officielle du camp,

 27   comme le colonel Tepsic l'avait appelée. Le camp a été ouvert le 3 juin, et je

 28   m'y suis rendu le 18. La situation alors était que très peu de personnes


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  1   disposaient de couvertures. Cette photo a été prise bien plus tard, je présume.

  2   Je sais qu'un jour les conditions étaient légèrement meilleures, et l'on avait

  3   reçu davantage de fournitures, y compris des couvertures. Je parlais d'une

  4   époque antérieure lorsque je m'y trouvais.

  5   Q.  Vous conviendrez que cette photographie ne concorde pas avec votre

  6   déclaration au paragraphe 8 ?

  7   R.  Je peux en convenir, mais cette photo a été prise par la suite.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je poser une question.

  9   Monsieur Medic, pourriez-vous nous indiquer où se trouvent les couvertures qui,

 10   selon le conseil, sont sur la photo ? Je ne les vois pas.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous regardons bien la même chose sur l'écran,

 12   vous verrez des articles de couleur différente entre les chaussures -- l'image

 13   vient de disparaître.

 14   Elle vient de revenir.

 15   Vous voyez que ce sont là des couvertures, semble-t-il. Je présume que c'est la

 16   Croix-Rouge internationale qui les a apportées, et la Croix-Rouge internationale

 17   y est venue lors de la deuxième moitié du mois de juillet, c'est-à-dire un mois

 18   après mon propre séjour à ce camp.

 19   J'étais à l'intérieur de cet établissement la première fois et la dernière fois.

 20   Plus jamais à part cela.

 21   J'espère que je l'ai bien expliqué. Vous voyez la couleur différente. Entre les

 22   chaussures, vous voyez le béton, alors que là ce sont les couvertures.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si vous demandez au témoin si

 24   quelque chose n'est pas dans le droit fil de sa déclaration, vous conviendrez

 25   avec moi que les dates sont tout à fait pertinentes. Donc, ce que vous voyez sur

 26   la photo peut être différent de ce que le témoin aura vu ce jour-là précisément.

 27   Donc vous vous servez de cette photo ici au prétoire pour être en mesure de

 28   suivre votre suggestion de dichotomie. Est-ce que nous savons quand cette photo


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  1   a été prise ?

  2   M. LUKIC : [interprétation] Non, je l'ignore.

  3   Mais le témoin nous a dit qu'il est entré une fois. Et lorsqu'il est entré, et

  4   cela ne veut pas dire que les conditions étaient les mêmes par la suite. Donc je

  5   pense que le témoin a expliqué ce qu'il sait, et je suis satisfait de cette

  6   déclaration.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci. Si vous voulez bien continuer.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Monsieur Medic, au paragraphe 9 de votre déclaration, vous déclarez :

 10   "Les blessures que j'ai vues sur eux venaient de bastonnades et de balles

 11   d'armes."

 12   Vous parlez des blessures que vous avez vues sur les personnes que vous avez

 13   vues à Manjaca. Vous n'avez pas de formation médicale ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Vous avez eu la possibilité de converser en privé avec ces personnes, hors

 16   de la présence des gardes ?

 17   R.  C'étaient là des conversations superficielles, tout particulièrement avec M.

 18   Filipovic. C'était le seul qui était allongé dans toute la salle. Et l'autre

 19   personne dont j'ai parlé, que je connais la chose par cœur, était debout sur ses

 20   béquilles, et sa jambe était bandée sans doute en raison d'une blessure par

 21   balle. J'ai parlé à l'autre homme, et ses blessures provenaient des bastonnades

 22   qu'il avait reçues. Et je me suis inquiété de la chose.

 23   Lorsque le garde entrait, quel que soit son grade, vous deviez vous lever et

 24   mettre vos mains sur la tête. Cela s'appliquait à tout l'établissement où se

 25   trouvaient les détenus.

 26   Q.  Merci. Nous allons faire une pause incessamment.

 27   Une autre question : avez-vous eu la possibilité de converser avec les

 28   prisonniers en privé, hors de la présence des gardes ?


Page 2057

  1   R.  Mon contact avec Mohammed Filipovic était tel que les officiers qui étaient

  2   présents ne pouvaient entendre notre conversation.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic --

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, il faut que vous sachiez que

  6   l'accusé, donc, a un morceau de papier qu'il branle dans l'air. On voit que

  7   quelque chose y est écrit, il y a une année, et c'est de la période de Deuxième

  8   Guerre mondiale, et d'autres années sont indiquées également.

  9   La Chambre va se pencher sur la façon à laquelle elle va répondre à ce

 10   comportement de votre client, qui a un comportement inapproprié qui pourrait

 11   provoquer certaines conséquences.

 12   D'abord, il faut que le témoin sorte du prétoire.

 13   Nous allons faire la pause maintenant, et nous reprenons dans 20 minutes à peu

 14   près.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   [La Chambre de première instance se concerte]      

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire la pause maintenant, et

 18   nous allons reprendre à 12 heures 25.

 19   --- L'audience est suspendue à 12 heures 03.

 20   --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La conduite de M. Mladic que j'ai décrite

 22   juste avant la pause a été observée par l'un des Juges de la Chambre. Cela a été

 23   remarqué par des agents de sécurité ainsi que par d'autres membres du personnel.

 24   Et lorsque j'ai lu à propos de sa conduite avant la pause, M. Mladic a hoché la

 25   tête pour confirmer cela. C'est quelque chose qui est arrivé aujourd'hui à

 26   plusieurs reprises. Montrer quelques lignes sur un morceau de papier qu'on

 27   pouvait lire de loin, est-ce que ça a été montré avec l'intention de montrer

 28   cela aux Juges ou au public dans la galerie du public, ou pour que les caméras


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  1   puissent enregistrer cela, c'était en tout cas un comportement inapproprié.

  2   La Chambre a décidé de prendre une mesure pour que l'ordre soit respecté dans le

  3   prétoire. M. Mladic va être éloigné du prétoire pour ce qui est du reste du

  4   témoignage de ce témoin.

  5   Maintenant, il faut baisser les stores et faire une petite pause, une

  6   pause d'une minute. Après quoi, nous allons revenir dans le prétoire pour

  7   pouvoir entendre le témoignage de ce témoin.

  8   --- La pause est prise à 12 heures 35.

  9   --- La pause est terminée à 12 heures 39.

 10   [L'accusé est absent]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire entrer le

 12   témoin dans le prétoire.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bienvenue à nouveau dans le prétoire,

 16   Monsieur Medic. La pause a duré quelque peu plus longtemps que prévu.

 17   Maître Lukic, vous pouvez poursuivre.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  Monsieur Medic, avant la pause, nous avons parlé des gens avec lesquels vous

 20   vous êtes entretenu à Manjaca. Est-ce que ces gens étaient habillés pendant

 21   qu'ils vous parlaient ?

 22   R.  Oui. Bien sûr, ils n'étaient pas nus, mais ils n'étaient pas complètement

 23   habillés.

 24   Q.  Parfois, nous, les Juristes, posons des questions qui sont un peu --

 25   R.  A mon avis, bizarres.

 26   Q.  Dans le compte rendu dans l'affaire Brdjanin, à la page 

 27   2 262, du 26 février 2003, on vous a posé la question pour savoir si Mohammed

 28   Filipovic vous a dit quand il avait été passé à tabac, et votre réponse était


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  1   non.

  2   Est-ce que vous maintenez toujours cette réponse ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Lorsqu'on a parlé des vivres, de la nourriture que les détenus mangeaient,

  5   j'aimerais vous poser une question par rapport à cela.

  6   A l'époque en Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il y avait la pénurie de vivres et

  7   d'autres produits de première nécessité, donc il n'y avait pas assez de

  8   vêtements, de chaussures, médicaments, et cetera ?

  9   R.  C'était tout au début de la guerre. Dans la région de Banja Luka, il n'y

 10   avait toujours pas de pénurie de ces produits. Et quant à cela, on vivait

 11   normalement. Il y avait assez de nourriture et de vêtements, mais il n'y avait

 12   pas assez de médicaments. Par exemple, je sais qu'à l'époque on avait des

 13   problèmes pour ce qui est de l'éthanol, de l'alcool médical.

 14   Q.  Est-ce qu'il y avait assez d'électricité, de gaz, d'eau ? Est-ce qu'il y

 15   avait des coupures pour ce qui est de l'approvisionnement en eau, électricité et

 16   gaz ?

 17   R.  Il n'y avait pas de problème pour ce qui est de l'eau. D'après moi, il y a

 18   eu des coupures d'électricité qui ont été faites de façon délibérée. Il y avait

 19   aussi des alertes fictives. Et cela faisait partie de la stratégie, c'est ce que

 20   le général Talic m'a dit. Il m'a dit : Tu es civil, tu ne peux pas comprendre

 21   ces choses-là.

 22   Q.  On a parlé du paragraphe 10 de votre déclaration, et par rapport à la teneur

 23   de ce paragraphe, j'aimerais vous poser la question suivante : vous avez parlé

 24   d'Omer Filipovic dans ce paragraphe et vous avez corrigé la date aujourd'hui.

 25   Vous avez dit qu'il a été tué par une batte de baseball. Quelle est la source de

 26   vos informations par rapport à cela ?

 27   R.  J'ai appris cela en m'entretenant à des détenus par la suite, des détenus

 28   qui étaient avec lui.


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  1   Q.  Vous avez parlé de la découverte du cadavre d'Omer Filipovic au paragraphe

  2   11, et vous avez dit :

  3   "J'ai demandé qu'on me donne un exemplaire de constatation de décès et le

  4   rapport du médecin légiste de l'hôpital de Banja Luka. On m'a donné ces

  5   documents, les documents que j'ai demandés, mais cet homme qui m'a donné ces

  6   documents m'a dit qu'il fallait que je fasse attention pour ne pas découvrir son

  7   nom. L'un des médecins de Sanski Most, Dr Sabanovic, a signé l'un de ces

  8   certificats de décès."

  9   Permettez-moi de vous poser la question suivante : le Dr Sabanovic est Musulman

 10   ?

 11   R.  Oui. Il était détenu à Manjaca.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  Il a signé ce certificat de décès, mais il n'a fait que constater le décès,

 14   et non pas la cause du décès. La cause du décès, en partie, est décrite dans le

 15   rapport du médecin légiste que j'ai eu de façon clandestine, pour ainsi dire.

 16   Q.  A propos de cela, pouvez-vous nous dire aujourd'hui qui vous a fourni ce

 17   document ? Et pour le faire, nous pouvons passer à huis clos partiel également.

 18   R.  Je pense que ce n'est pas un élément essentiel. Ce rapport, je l'ai obtenu

 19   au département de médecine légale. Je n'ai pas pu l'obtenir dans la rue. Et pour

 20   ce qui est de la constatation du décès ou du certificat de décès, je l'ai obtenu

 21   au commandement du 1er Corps de la Krajina. A la commission de ce corps, donc

 22   c'était là-bas où j'ai obtenu ce document de façon officielle.

 23   Q.  Permettez-moi de vous poser des questions pour vérifier certaines choses

 24   pour ce qui est, par exemple, du nom de la personne qui vous a fourni ce

 25   document. Nous devons mener notre propre enquête là-dessus pour établir la

 26   vérité.

 27   R.  Ce rapport de médecin légiste m'a été pris dans ma mallette au moment où on

 28   m'a arrêté. Parce que j'avais un exemplaire de ce certificat sur moi au moment


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  1   où ils m'ont arrêté en 1995, le 1er mars 1995. Donc celui qui m'a arrêté, il l'a.

  2   Q.  Mais nous ne l'avons pas.

  3   R.  J'en suis désolé.

  4   Q.  Pouvez-vous nous dire qui vous a fourni ce document ?

  5   R.  Cela n'est pas important, parce que cet homme qui était Serbe vit maintenant

  6   à l'étranger. Il est parti.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Medic, pour savoir si Me Lukic

  8   obtiendra quelque chose ou pas pour ce qui est de vos réponses, ce n'est pas

  9   l'essentiel de cela. Il vous a demandé de nous dire le nom de cette personne.

 10   S'il y a une raison pour laquelle vous considérez que ce nom ne pourrait pas

 11   être dit publiquement, nous pouvons passer à huis clos partiel. Mais maintenant

 12   je vous invite à répondre à la question de Me Lukic.

 13   Encore une fois, je vous dis que si vous considérez qu'il y a une raison pour

 14   laquelle vous considérez que c'est quelque chose de confidentiel, nous pouvons

 15   passer à huis clos partiel à votre demande.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est confidentiel puisque cet homme

 17   m'a dit de ne pas dire comment j'ai obtenu ce document. Je le connais. Il vit à

 18   l'étranger depuis longtemps. En 1993, il est parti du pays. Et je pense que ce

 19   n'est pas pertinent. Le nom de la personne qui m'a donné le document n'est pas

 20   pertinent, mais je vous dis que cela s'est passé ainsi et que le document

 21   existe.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que vous insistez à

 23   obtenir la réponse à cette question, dans quel cas j'aimerais consulter mes

 24   collègues.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. GROOME : [interprétation] Puis-je dire quelque chose qui pourrait être utile

 27   à Me Lukic. M. Sabanovic, il est témoin dans cette affaire. Si M. Lukic veut se

 28   pencher plus là-dessus, il peut le faire. Nous pouvons donc accorder le statut


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  1   du témoin 92 ter.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Ce n'est pas la personne --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'abord, il faut passer à huis clos partiel.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le

  6   Président.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 27   Monsieur Lukic, compte tenu du temps que nous avons perdu, de façon générale,

 28   nous avons fait plusieurs pauses brèves à la demande de M. Mladic. Mais puisque


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  1   nous avons commencé un peu plus tard, nous n'allons plus faire de pause jusqu'à

  2   14 heures 15. Cela fait pratiquement deux heures. Donc, si vous pouvez en venir

  3   à la fin de votre contre-interrogatoire dans ce laps de temps, nous vous serions

  4   reconnaissants.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Monsieur Medic, avez-vous rédigé un rapport à ce sujet et avez-vous remis ce

  7   rapport ?

  8   R.  Je crois être une personne efficace et, par conséquent, je m'applique à

  9   tenir des notes où je consigne tout ce que je fais. Donc j'ai rédigé un rapport

 10   de cinq pages dactylographiées et je l'ai remis.

 11   Q.  Mais ce document peut-il être retrouvé ?

 12   R.  Malheureusement, je n'en sais rien. Ce document m'a également été confisqué

 13   au moment où j'ai été placé en état d'arrestation le 1er mars 1995.

 14   Q.  J'aimerais revenir sur le sujet d'Omer Filipovic à présent.

 15   Au paragraphe 11, vous indiquez qu'il avait été arrêté parce qu'il se

 16   trouvait à la tête de l'organisation bosno-musulmane à Kljuc. Or, nous affirmons

 17   qu'il a été arrêté parce qu'il se trouvait à la tête de l'état-major de la

 18   Défense territoriale de Kljuc. Et le 27 mai 1992, les forces de la Défense

 19   territoriale, de la TO, ont monté une attaque contre les soldats désarmés qui

 20   revenaient chez eux après avoir fait leur service militaire. Lors de cet

 21   incident, six personnes ont été blessées légèrement et 29 ont été blessées

 22   sérieusement.

 23   Etes-vous d'accord avec cette thèse de la Défense ?

 24   R.  Je ne peux pas me prononcer. Je ne suis ni d'accord ni en désaccord. Je ne

 25   sais rien sur cet incident. Je sais ce qu'Omer faisait avant la guerre, je vous

 26   l'ai déjà indiqué fort clairement et je peux vous le redire, il enseignait

 27   l'histoire et la géographie. Et, par ailleurs, il était le vice-président de la

 28   municipalité à titre volontaire et aussi le président de son parti.


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  1   Q.  Mais avez-vous déjà entendu parler de cet incident ?

  2   R.  J'ai entendu après coup qu'il y a eu un incident d'une espèce ou d'une

  3   autre. Toutefois, moi, j'avais été proclamé non apte au service militaire. Et

  4   donc, ce n'est pas ce genre de détail qui m'intéressait à l'époque.

  5   Q.  Et avez-vous entendu dire que ce même jour, le 27 mai 1992, une unité

  6   commandée par Omer Filipovic a assassiné l'adjoint du commandant du poste de

  7   police à Kljuc ? Deux policiers ont été blessés lors de cet incident, et tout

  8   ceci s'est passé non loin du village de Krasulje.

  9   R.  Je sais que le commandant de la police à Kljuc était à l'époque M. Atif

 10   Dzafic. Et je sais qu'il a fait partie des prisonniers que j'ai trouvés sur

 11   place dans le camp de Manjaca.

 12   Q.  Je vous serais reconnaissant de répondre à mes questions.

 13   R.  Mais je vous dis ce que j'en sais.

 14   Q.  Donc vous ne savez rien au sujet de cet incident ?

 15   R.  Exact.

 16   Q.  Et savez-vous que le même jour, les unités armées de la TO ont fait exploser

 17   l'antenne satellite de télévision à Banja Luka dans le village de Ramici ? Vous

 18   souvenez-vous que pendant une certaine période il n'y a pas eu de programmes de

 19   télévision diffusés ?

 20   R.  C'est ce que vous dites. Monsieur, excusez-moi, mais ne me posez pas de

 21   questions sur les choses militaires puisque je n'en sais absolument rien.

 22   Q.  Eh bien, à ce moment-là, vous n'avez qu'à dire que vous n'en savez rien, et

 23   nous passerons à un autre sujet. Merci.

 24   Au paragraphe 12 de votre déclaration préalable, vous dites :

 25   "Le lendemain, j'ai vu Vukelic à Manjaca. Il n'a jamais évoqué cette affaire

 26   même si je suis convaincu qu'il savait que ces deux personnes avaient été

 27   tuées."

 28   Donc ce n'est qu'une hypothèse que vous avancez. Il n'a jamais rien dit


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  1   d'explicite à ce sujet, je pense, à Vukelic ?

  2   R.  Il est vrai que j'avais déjà un pressentiment très prononcé que quelque

  3   chose avait dû se passer à Manjaca, puisque les gardiens se comportaient d'une

  4   manière différente. Ils étaient très silencieux. Ils se comportaient d'une

  5   manière très discrète, et c'est pourquoi j'ai demandé si le colonel Vukelic se

  6   trouvait à la caserne et on m'a dit de remonter vers la caserne, qui se trouvait

  7   à une distance de 500 ou 600 mètres par rapport à la prison.

  8   Q.  Monsieur, vous avez déjà répondu à ma question. Donc il n'a jamais prononcé

  9   ces paroles explicitement ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Je vous demande pardon, mais il faut avancer plus vite.

 12   R.  Oui, il m'a rien dit explicitement, mais j'ai été convaincu qu'il était au

 13   courant de cet incident.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît, tous

 15   les deux.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de me l'avoir signalé.

 17   M. LUKIC : [interprétation]

 18   Q.  Au paragraphe 15 de votre déclaration préalable, vous décrivez la

 19   composition de la délégation. Et quand vous parlez de délégation de la VRS, vous

 20   évoquez le colonel Osman Selak comme faisant partie de cette délégation.

 21   A l'époque, Osman Selak était membre de la VRS. Quel grade avait-il ?

 22   R.  Le grade de colonel.

 23   Q.  M. Osman Selak a-t-il par la suite participé activement aux travaux de

 24   Merhamet ?

 25   R.  Il n'a pas été très actif. Mais nous nous rencontrions de temps en temps et,

 26   de temps en temps, il venait nous voir à Merhamet. Mais je ne dirais pas que

 27   c'est un membre particulièrement actif de l'association.

 28   Q.  Dans ce même paragraphe, vous dites que Mladic a toujours été très plaisant


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  1   dans tous ses contacts personnels et qu'il faisait toujours beaucoup de

  2   promesses, mais que ses promesses n'étaient jamais réalisées.

  3   Lors de l'affaire Brdjanin, en répondant à une question du Juge, vous avez

  4   expliqué qu'en disant ceci vous pensiez à des questions d'autre type, parce que

  5   tous les accords auxquels on est arrivé au sujet du camp de Manjaca, des

  6   prisonniers de Manjaca, de la remise de l'aide humanitaire à Manjaca ont été

  7   respectés. Ceci figure à la page du compte rendu d'audience 2 276, et la date

  8   pertinente c'est le 26 février 2002.

  9   Est-ce que vous affirmez toujours la même chose au jour d'aujourd'hui ?

 10   R.  Je confirme ce que j'ai dit à l'époque.

 11   Q.  Au paragraphe 17, vous évoquez le camp d'Omarska. Vous dites : Le général

 12   Talic n'a jamais dit que l'armée avait quoi que ce soit à voir avec ce camp.

 13   Compte tenu du fait que vous avez entrepris des recherches après les événements,

 14   êtes-vous d'accord avec moi pour dire que le général Talic avait bien raison de

 15   faire une telle déclaration et qu'en effet, l'armée n'avait rien à voir avec ce

 16   camp ?

 17   R.  Comme diraient les soldats, le camp se trouvait dans la zone de

 18   responsabilité du 1er Corps de la Krajina. On en déduit logiquement que l'armée a

 19   dû être impliquée dans l'existence de ce camp.

 20   Q.  Mais est-ce que c'est l'armée qui contrôle les villes ou les villages, ou

 21   est-ce plutôt la police qui s'en charge, si vous le savez ? Si vous ne le savez

 22   pas, tant pis.

 23   R.  Permettez-moi de vous dire ce que j'en pense. La police ne jouait qu'un rôle

 24   de second rang par rapport à l'armée, à mon avis.

 25   Q.  Bon, ça c'est une autre question, nous n'allons pas approfondir le sujet.

 26   Au paragraphe 18 de votre déclaration préalable, vous parlez de la remise

 27   de l'aide humanitaire que vous avez organisée par le biais de l'association

 28   Merhamet.


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  1   Alors si j'ai bien fait le décompte de vos visites, l'aide humanitaire a

  2   été livrée à 49 reprises au camp de Manjaca par le biais de votre organisation.

  3   Ai-je raison de l'affirmer ?

  4   R.  Oui, c'est exact. Nous avions un registre où nous consignions toutes

  5   les visites que nous rendions au camp, et toute aide humanitaire livrée.

  6   Q.  Et à chaque fois, vous deviez obtenir une permission pour pouvoir

  7   livrer de l'aide humanitaire, et ces permissions vous ont été accordées, chaque

  8   fois que vous les demandiez, n'est-ce pas ?

  9   R.  Nous étions tenus de demander une permission chaque fois que nous

 10   voulions livrer de l'aide humanitaire. Cela n'implique pas nécessairement que la

 11   permission nous a toujours été accordée. La permission était écrite sur un bout

 12   de papier, où on disait : Permis de circuler pendant les actions de combat. Et

 13   toutes les personnes, y compris le chauffeur, devaient disposer d'un permis de

 14   ce type qui comportait leurs noms.

 15   Et il fallait redemander cette permission à chaque reprise. On le faisait

 16   au QG du Corps de la Krajina, on s'adressait au service de sécurité, si

 17   j'utilise la bonne terminologie, et c'était le colonel Bogovic, qui était

 18   l'assistant du chef du service de sécurité, et on devait s'adresser à un certain

 19   Pasic. J'ai retenu son nom, parce que c'est un voisin à moi qui portait le même

 20   nom. Donc c'était l'un des officiers, et c'est lui qui s'occupait de ces permis.

 21   Et puis de façon générale, le colonel Gojko Vujinovic confirmait que le permis

 22   devait nous être remis.

 23   Q.  Merci.

 24   Et tout ceci a eu une influence positive sur les conditions qui

 25   prévalaient au camp de Manjaca, n'est-ce pas ?

 26   R.  Bien évidemment. Si vous êtes en train de vous noyer et quelqu'un vous

 27   donne une petite paille, la situation est toute différente.

 28   Q.  Merci. Au paragraphe 19, vous dites, et je cite :


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  1   "J'ai transféré cette information, elle concernait les trois hommes de

  2   Kljuc qui ont perdu la vie le 8 août, non loin de Manjaca. Ils s'appelaient,

  3   Daut, l'un d'entre eux s'appelait Daut, nom de famille inconnu, et son frère

  4   s'appelait Kemal, nom de famille inconnu."

  5   Comment avez-vous appris comment ces personnes s'appelaient ?

  6   R.  Eh bien, c'était une coïncidence étrange. Mais Kemal, en fait, travaillait

  7   dans une entreprise, dans le quartier d'une entreprise où j'étais directeur. Il

  8   était en fait le garçon chef. Mais en fait ce qui est cité comme son nom de

  9   famille n'était pas son véritable nom de famille, c'était tout simplement un

 10   surnom qu'on lui donnait. Je ne me souviens plus de son véritable nom de

 11   famille, mais c'est quelqu'un que je connaissais personnellement alors que son

 12   frère, lui, je ne le connaissais pas.

 13   Voulez-vous que je vous explique comment ces noms ont été retrouvés ?

 14   Q.  Mais seulement si vous les connaissez. Sinon, passons à un autre sujet.

 15   R.  Il y a toute une histoire à raconter.

 16   Q.  Je voudrais juste savoir leurs noms. Comment vous avez fait la connaissance

 17   de ces personnes, ce n'est pas pertinent à mes yeux.

 18   Passons maintenant au paragraphe 20, où vous dites qu'il y a eu des prisonniers

 19   plus jeunes de 18 ans et plus âgés de 60 ans, et qu'ils ont été mis en liberté.

 20   Ils étaient au total de 105.

 21   Par ailleurs, les gens ont été mis en liberté, les prisonniers de Manjaca

 22   ont été mis en liberté au mois d'août 1992. Le savez-vous ? Un groupe de

 23   prisonniers a été mis en liberté. C'est la Croix-Rouge qui les a amenés.

 24   R.  Oui, je le sais. Je n'ai pas participé à ces événements. Mon association n'a

 25   pas pris une part active non plus.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Messieurs, vous ne ménagez pas de pause entre

 27   les questions et les réponses et, par conséquent, le compte rendu d'audience

 28   risque d'être incomplet.


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  1   Donc je pense que tout à l'heure le témoin a dit : "Un groupe de

  2   prisonniers a été mis en liberté."

  3   Ou alors c'est vous qui l'avez dit, Maître Lukic.

  4   M. LUKIC : [interprétation] C'est moi qui l'ai dit.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est vous qui l'avez dit puisqu'à un moment

  6   donné, je ne savais plus, je ne distinguais plus entre les questions et les

  7   réponses.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Messieurs les Juges.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Gardez à l'esprit le fait que nous

 10   n'écoutions que l'interprétation, que nous ne pouvons pas vous écoutez en

 11   direct.

 12   Vous pouvez poursuivre.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Est-il vrai également que 500 personnes aient été transférées vers le camp

 15   de Batkovic en Bosnie du nord ? Le savez-vous ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et plus tard, ils ont été échangés contre les prisonniers serbes, donc les

 18   Musulmans et les Croates ont été échangés contre les Serbes; ai-je raison de

 19   l'affirmer ?

 20   R.  Ces 500 prisonniers ont été transférés depuis le camp de Manjaca vers le

 21   camp de Batkovici au moment où on a commencé à démanteler le camp de Manjaca. Je

 22   pense que son démantèlement a commencé le 14 décembre.

 23   Q.  Très bien. Un instant, s'il vous plaît. Vous pouvez poursuivre maintenant.

 24   R.  Un grand nombre de personnes qui faisaient partie de ce groupe ont été en

 25   effet échangés, c'est ce que j'ai appris par la suite. Le dernier échange a eu

 26   lieu à Travnik ou dans une localité près de Travnik qui s'appelle Turbe; 158

 27   personnes ont été échangées, et j'ai été présent lors de cet échange. Ces 158

 28   prisonniers de Manjaca ont été échangés ensemble avec 32 personnes qui venaient


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  1   de Tunjisce ou de Luka, je n'en suis plus sûr. Cet échange a eu lieu le 10

  2   octobre 1993. En d'autres mots, ces personnes avaient passé un an et demi dans

  3   les camps.

  4   Q.  Egalement, vous ne savez pas combien de temps avaient passé les prisonniers

  5   de l'autre côté dans des camps différents ?

  6   R.  Non, mais j'ai bien remarqué qu'il s'agissait de soldats.

  7   Q.  Pourriez-vous nous redire où l'échange a eu lieu ?

  8   R.  A Turbe. Donc les prisonniers sortaient dans l'autobus pour monter à bord

  9   dans l'autre autobus, et c'est comme ça qu'ils circulaient d'un autobus à

 10   l'autre.

 11   Q.  A quelle date l'échange a eu lieu ?

 12   R.  Le 10 octobre 1993.

 13   Q.  Merci. Au paragraphe 21, les deux dernières phrases, vous dites :

 14   "Je ne connaissais qu'un soldat, qu'un militaire de métier qui était

 15   prisonnier à Manjaca."

 16   Est-ce que vous avez connaissance des combats qui se déroulaient sur le

 17   territoire de la municipalité de Prijedor ? Nous avons dit que nous ne

 18   parlerions pas de questions militaires, mais c'était un fait de notoriété

 19   publique, n'est-ce pas ?

 20   R.  [aucune interprétation] 

 21   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la réponse.

 22   M. LUKIC : [interprétation]

 23   Q.  Je ne parle pas d'un individu particulier. Je parle des faits en général.

 24   R.  J'étais au courant du fait qu'il y avait des victimes en général, mais je ne

 25   connaissais pas de cas en particulier ou individuel. La première localité

 26   concernée par cela était Srebrenica, et je ne savais rien d'individus qui

 27   auraient été tués.

 28   Q.  Au paragraphe numéro 24, vous parlez de la prison à Stara Gradiska. Vous


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  1   dites que le 1er Corps de Krajina l'a très probablement utilisée, cette prison.

  2   Est-ce que vous savez que la prison à Gradiska -- ou plutôt, est-ce que vous

  3   parlez de la prison de Gradiska en Croatie ou de celle de Gradiska en Bosnie-

  4   Herzégovine ?

  5   R.  La prison de Stara Gradiska se trouve en Croatie.

  6   Q.  Dans ce cas-là, nous n'irons pas plus loin.

  7   R.  Mais les hommes faits prisonniers et originaires de Kljuc ont été placés à

  8   Stara Gradiska dans un premier temps avant d'être transférés à Manjaca. Et parmi

  9   eux, Hilmo aussi, celui qui a essayé de se trancher la gorge lui-même lorsqu'il

 10   s'est vu dans un miroir. Il avait passé un certain temps à Stara Gradiska avant

 11   d'être transféré à Manjaca.

 12   Q.  Il s'est mutilé lui-même, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, mais c'était après avoir retrouvé l'usage de ses jambes, après quatre

 14   jours, après s'être relevé --

 15   Q.  Où avait-il été opéré ?

 16   R.  A l'hôpital à Banja Luka.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous répéter votre dernière réponse,

 18   de quel hôpital s'agissait-il ?

 19   M. LUKIC : [interprétation]

 20   Q.  Je vous ai demandé, Monsieur le Témoin, dans quel hôpital il avait été

 21   opéré. Votre réponse n'a pas été consignée. Pourriez-vous la répéter, s'il vous

 22   plaît ?

 23   R.  C'était à Banja Luka. Il y a deux hôpitaux à Banja Luka. Il y a le vieil

 24   hôpital et le nouvel hôpital. Les deux constituent le centre hospitalier de

 25   Banja Luka. Hilmo a essayé de se trancher lui-même la gorge à l'ancien hôpital,

 26   mais il a été opéré au nouvel hôpital.

 27   Q.  Alors, au paragraphe numéro 28, vous parlez de Ljubija. Sur le territoire de

 28   la commune locale de Ljubija, est-il exact de dire que la majorité de la


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  1   population appartenait au groupe ethnique croate ?

  2   R.  Je n'en suis pas sûr. Je sais que Donja Ljubija, également appelée Islam,

  3   comporte une population majoritairement musulmane.

  4   Q.  Quand je parle de la communauté locale de Ljubija, je pense également aux

  5   hameaux et aux villages environnants.

  6   R.  Je ne sais pas. Mais je sais que la partie appelée Islam est exclusivement

  7   ou était exclusivement peuplée de Musulmans.

  8   Q.  Merci. Bien qu'il s'agisse d'une question d'ordre militaire, savez-vous que

  9   les Croates de ce secteur ont rejoint en masse les rangs de la VRS ?

 10   R.  Eh bien, s'ils ont rejoint les rangs de la VRS, ils ne l'ont certainement

 11   pas fait de leur propre gré, parce que je sais avec certitude, pour avoir voyagé

 12   sur le terrain avec un prêtre qui officiait du côté de Ljubija, qu'auprès un

 13   mois, on l'a retrouvé lui complètement mutilé.

 14   Q.  Comment s'appelait-il ?

 15   R.  Je ne sais plus, mais je sais qu'il y avait un autre prêtre qui officiait au

 16   sein de l'association Caritas à Banja Luka, le prêtre Martanovic [phon], qu'on a

 17   retrouvé mort. Et ses parents ont été retrouvés également morts noyés au fond

 18   d'un puits.

 19   Q.  Concernant le caractère volontaire ou non de la participation de ces Croates

 20   au sein de cette unité, il s'agissait d'hommes armés. Est-ce que vous pouvez

 21   dire que des volontaires ont pris les armes de leur propre gré ? Il s'agissait

 22   d'hommes qui défendaient leurs foyers.

 23   Est-ce que vous le saviez ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Au paragraphe numéro 33, vous parlez de Koricanske Stijene.

 26   Est-ce que vous savez à quel groupe appartenaient les exécutants des meurtres à

 27   Koricanske Stijene ? A quel groupe ils appartenaient ? Non pas à quel groupe

 28   ethnique, mais à quel groupe ? Est-ce qu'il s'agissait de policiers ?


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  1   R.  Oui, des policiers de Prijedor.

  2   Q.  Merci. Savez-vous que des survivants de ces meurtres ont été retrouvés par

  3   des soldats et ont été emmenés à l'hôpital ?

  4   R.  Je n'en ai pas connaissance, mais je sais que le juge d'instruction qui

  5   s'est rendu sur place pour enquêter a été mis à l'écart par les soldats. C'était

  6   un juriste du nom de Jankovic. Il est maintenant avocat à Banja Luka.

  7   Q.  Merci. Au paragraphe numéro 37, vous parlez de l'arrestation de membres de

  8   l'association Merhamet. Ces arrestations ont été le fait de la police civile,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. Mais on nous a remis entre les mains de l'armée.

 11   Q.  Vous avez été détenus à la prison militaire de Mali Logor, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, à la prison militaire.

 13   Q.  Mais c'était principalement des Serbes qui y étaient emprisonnés, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Oui, des criminels et des meurtriers serbes, des Serbes qui faisaient

 16   l'objet d'enquête. Bien sûr, les conditions de vie des Serbes au sein de ce camp

 17   étaient totalement différentes des conditions de vie des Musulmans et des

 18   quelques Croates qui pouvaient s'y trouver.

 19   Q.  Très bien. Voyons maintenant les paragraphes 49 et 50. Vous parlez de Sadik

 20   Ceric, un prisonnier.

 21   R.  Non, Sadika Ceric, c'était une femme.

 22   Q.  Excusez-moi, c'était donc une femme.

 23   R.  Il avait deux femmes.

 24   Q.  Elle vous a dit que si Banja Luka était attaquée, que la prison allait être

 25   démantelée et que tous les détenus ou prisonniers non-serbes allaient être

 26   exécutés. Vous a-t-elle dit, Sadika Ceric, par qui elle avait entendu dire ça ?

 27   R.  Non. Mais la disposition des cellules était ainsi faite qu'on pouvait

 28   souvent entendre les conversations des policiers, surtout ceux qui étaient en


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  1   isolement, parce que la cellule d'isolement n'avait pas de fenêtre, mais elle

  2   avait une porte en bois avec des barreaux. Et ce qui se passait, c'est qu'on

  3   laissait la porte entr'ouverte parce qu'il n'avait aucune source de ventilation

  4   ni de lumière naturelle. Et c'est elle qui m'a dit ça; moi, je ne l'ai pas

  5   entendu personnellement.

  6   Q.  Donc, elle, elle ne savait pas qui était à l'origine de ces propos ?

  7   R.  Je ne peux pas vous le dire.

  8   Q.  Merci. Nous allons bientôt terminer. Je ne vais pas abuser davantage de

  9   votre patience.

 10   Est-ce que vous savez que la Cour suprême de la République de Serbie a rendu un

 11   arrêt au terme duquel Zeljko Bulatovic, Sinisa Teodorovic et Zoran Gajic ont été

 12   condamnés pour leur participation au mauvais traitement infligé aux détenus de

 13   Manjaca, qui ont donc été roués de coups, et pour le meurtre d'Omer Filipovic et

 14   -- aidez-moi pour le nom de l'autre personne qui a été tuée ?

 15   R.  C'était Esad Bender.

 16   Q.  Etes-vous au courant de cet arrêt ?

 17   R.  Non. Mais je sais très bien qui était Bulatovic.

 18   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. C'est tout ce que je voulais vous demander. Merci

 19   d'avoir répondu à mes questions.

 20   R.  Je vous en prie.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître. Afin d'éviter des difficultés

 22   à l'avenir, Maître, vous vous êtes référé au paragraphe 49 de la déclaration du

 23   témoin, n'est-ce pas, lorsque vous avez évoqué les propos de Sadika Ceric disant

 24   que si Banja Luka était attaquée, la prison serait démantelée et tous ces

 25   détenus non serbes seraient exécutés, n'est-ce pas ?

 26   M. LUKIC : [interprétation] Je crois que c'est le paragraphe 50.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oh. Oui, alors je vois qu'au compte rendu

 28   c'est 49.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être que j'ai fait un lapsus.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je voulais simplement éviter qu'à

  3   l'avenir vous utilisiez une numérotation qui serait la vôtre propre et qui

  4   différerait de celle de l'Accusation.

  5   M. LUKIC : [interprétation] J'essaie d'utiliser la numérotation proposée par

  6   l'Accusation.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  8   Alors -- je vais d'abord consulter mes collègues.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, votre micro est branché.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais au paragraphe 50 il n'est pas dit

 12   que les prisonniers serbes seraient exécutés, mais que tous les prisonniers non-

 13   serbes allaient être exécutés. C'est une différence assez lourde de sens.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, excusez-moi si je me suis trompé à la

 15   lecture. C'est effectivement ce que dit le paragraphe numéro 50.

 16   Les Juges n'ont pas d'autres questions à vous poser.

 17   Monsieur Jeremy, avez-vous des questions supplémentaires ?

 18   M. JEREMY : [interprétation] Juste quelques questions.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 20   Nouvel interrogatoire par M. Jeremy :

 21   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, en page 64 du compte rendu, on vous a

 22   demandé à combien de reprises vous avez eu personnellement l'occasion de vous

 23   rendre en visite au camp de Manjaca. Juste pour être absolument sûr que votre

 24   réponse est clairement consignée, je vais vous redemander à combien de reprises

 25   vous avez eu personnellement l'occasion de visiter le camp de 

 26   Manjaca ?

 27   R.  Les 15 premières fois, j'ai accompagné mes collaborateurs. A chaque fois,

 28   les 15 premières fois, c'est de cette façon que j'ai essayé de les amener sur


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  1   place et de les introduire, mes collaborateurs, afin qu'ils puissent ensuite s'y

  2   rendre sans moi. Et les fois suivantes, je n'étais présent à leurs côtés qu'une

  3   fois sur deux ou trois.

  4   Donc c'était 25 fois à peu près en tout. Mais en tout cas, sur ces quelque 25

  5   visites, il y en a eu 15 qui étaient les toutes premières où j'étais présent à

  6   chaque fois.

  7   Q.  Monsieur Medic, au contre-interrogatoire, on vous a posé des questions en

  8   page numéro 70 du compte rendu sur votre arrestation. Vous en parlez aux

  9   paragraphes 37 à 52 de votre déclaration. Vous décrivez votre arrestation et

 10   votre emprisonnement au début de 1995, ainsi que l'arrestation d'un certain

 11   nombre de dirigeants importants. Alors, très brièvement, en quelques mots, de

 12   quoi avez-vous été accusé à ce moment-là ?

 13   R.  C'est la direction de l'association Merhamet qui a été arrêtée et uniquement

 14   elle, c'est-à-dire les cinq personnalités les plus importantes qui étaient à sa

 15   tête. Moi, j'ai été arrêté le jour suivant parce que je n'appartenais pas à

 16   cette direction. On nous a accusés d'espionnage. Quant à ceux qui ont été

 17   arrêtés à Sanski Most, Prijedor et Banja Luka, le plus jeune d'entre eux avait

 18   42 ans et le plus âgé avait 72 ans. Et c'était un groupe tout à fait mixte, du

 19   point de vue de leurs professions, de l'âge, du sexe. Ceux de Prijedor ont été

 20   traduits en justice, ou plutôt, ont comparu à six reprises et aucun jugement n'a

 21   été rendu contre eux. Nous de Banja Luka, c'est à trois reprises qu'on nous a

 22   fait comparaître, mais à chaque fois ils ont trouvé un moyen de reporter les

 23   débats qui n'ont même pas commencé. Dans mon cas, il y a eu report parce que ces

 24   hommes en uniforme blanc étaient toujours présents - je ne sais pas qui ils

 25   étaient - une organisation internationale, je crois. 

 26   Et, en substance, on nous a accusés d'espionnage, une accusation qui n'a jamais

 27   été prouvée. On n'a jamais avancé même le commencement d'une preuve.

 28   Q.  Pour être certain, ni vous ni qui que ce soit de direction supérieure de


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  1   Merhamet n'avez été condamné de quoi que ce soit ?

  2   R.  Non. Non, personne n'a été condamné, ni nous qui venions de Banja Luka, ni

  3   d'autres qui venaient de Sanski Most et de Prijedor.

  4   Q.  Dernière question : quelle incidence cette incarcération et arrestation de

  5   la direction supérieure de Merhamet a eu sur la population qui est restée à

  6   Banja Luka en 1995 ?

  7   R.  Notre arrestation était dans le droit fil de ce dont nous avons parlé tout à

  8   l'heure, l'épuration de non-Serbes de divers secteurs; dans notre cas, la région

  9   de Banja Luka.

 10   D'ailleurs, ceux qui sont demeurés jusqu'en 1995 y ont été dans l'intention de

 11   ne jamais partir de Banja Luka.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé --

 13   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais que vous écoutiez la question du

 15   juriste. La question était : Quel impact ceci a-t-il eu sur la population qui

 16   demeurait à Banja Luka en 1995 ? Votre réponse à cette question serait très

 17   utile.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Après notre arrestation, pas un seul convoi n'a

 19   quitté Banja Luka ni la région de Banja Luka pour obtenir des secours. Ceci a

 20   été une façon très efficace de faire en sorte que le restant de la population

 21   parte car, comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait des carences de tout.

 22   Plus d'approvisionnement en arrivait et plus de lettres non plus. Nous les

 23   apportions auparavant, bien sûr, vérifiées ou contrôlées par les autorités

 24   serbes.

 25   Le restant de la population est donc parti. Et ceci a été le résultat de notre

 26   arrestation. Plus un seul convoi n'a pu arriver après notre arrestation.

 27   M. JEREMY : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Jeremy.


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  1   Maître Lukic, des questions supplémentaires ?

  2   M. LUKIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci vient donc conclure votre déposition,

  4   Monsieur Medic, ici même. J'aimerais vous remercier d'être venu à La Haye et

  5   d'avoir répondu à toutes les questions qui vous ont été présentées par les

  6   parties et par les Juges de la Chambre, et j'aimerais vous souhaiter un bon

  7   retour.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci mille fois.

  9   [Le témoin se retire]

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, une question qui reste en

 12   suspens. La Chambre préférerait que vous la régliez si vous le souhaitez dans

 13   une demande orale, c'est-à-dire les réunions de programmation qui ont été

 14   proposées par M. Groome. Je ne sais pas si vous voulez aborder cette question

 15   plus avant ou --

 16   M. LUKIC : [interprétation] Au fond, nous ne nous y opposons pas.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous souhaitez déposer des requêtes à cet

 18   effet, nous les entendrons lundi, car la Chambre préférerait lever l'audience.

 19   Le retrait de M. Mladic du prétoire était pour cette audience pendant la

 20   déposition de ce témoin. Donc, que M. Mladic revienne au prétoire lundi matin.

 21   Monsieur Groome.

 22   M. GROOME : [interprétation] Rien du côté du Procureur, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Rien du Procureur.

 24   Et rien de la Défense.

 25   Nous levons donc l'audience et reprendrons lundi, le 3 septembre, à 9 heures et

 26   demi, et je crois que nous sommes au même prétoire.

 27   Nous levons donc la séance.

 28   --- L'audience est levée à 13 heures 39 et reprendra le lundi, 3 septembre


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  1   2012, à 9 heures 30.

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