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2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Madame la
6 Greffière, veuillez, je vous prie, citer le numéro de l'affaire.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
8 de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
10 Est-ce que l'Accusation est prête pour ce qui est de citer à comparaître
11 son témoin suivant ?
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est le cas.
13 Bonjour.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bonjour.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Il y a des questions préliminaires que
16 nous avons voulu aborder avec la Chambre pour attirer l'attention des Juges
17 sur celles-ci, il s'agit des arrangements d'interprétation simultanée pour
18 ce témoin. Je ne sais pas si les Juges de la Chambre sont au courant.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vais vous expliquer les choses.
20 Nous savons que si nous avons des interprétations dans les deux sens, nous
21 ne pouvons siéger que trois heures et demie aujourd'hui, et l'une des
22 options à examiner en présence du témoin, étant donné que nous avons été
23 informés du fait qu'il parlait fort bien l'anglais, c'était de faire en
24 sorte qu'il écoute les questions en anglais pour répondre ensuite à ces
25 questions dans sa langue maternelle. Si l'on fonctionne ainsi et si l'on ne
26 fait qu'une interprétation dans un sens, nous allons fonctionner ainsi
27 jusqu'à 2 heures et quart, à condition, bien sûr, que le témoin se trouve
28 bien à l'aise avec cette solution.
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1 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Je me
2 suis entretenu avec le témoin, et il est d'accord pour ce qui est de cette
3 façon de procéder. Mais s'il y a une difficulté de compréhension, nous
4 avons convenu de lui demander de nous l'indiquer et ensuite on s'arrangera
5 pour l'accommoder.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Je vais lui présenter le sujet une
7 fois de plus lorsqu'il sera entré dans le prétoire.
8 Veuillez faire entrer ce témoin dans le prétoire, je vous prie.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. Est-ce que vous pourriez mettre
11 vos écouteurs sur les oreilles et vous connecter sur le canal anglais pour
12 le moment. Puis-je vous convier, je vous prie, d'enlever votre casquette,
13 si cela ne vous dérange pas. Merci.
14 Monsieur Abdel-Razek, je vous prie d'abord de vous asseoir. Je voudrais
15 aborder un certain nombre de sujets avec vous avant que de passer au
16 témoignage. D'après ce que nous avons appris, vous maîtrisez assez bien
17 l'anglais, vous le comprenez.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons également été informés du
20 fait que vous préféreriez répondre aux questions dans votre langue à vous,
21 c'est-à-dire en arabe.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons des interprètes pour l'arabe
24 qui peuvent interpréter dans les deux sens, c'est-à-dire dans l'arabe et
25 depuis l'arabe vers l'anglais, mais si vous écoutez les questions en
26 anglais et si vous répondez dans votre langue à vous, on pourrait siéger
27 aujourd'hui suivant l'organisation normale de nos séances. Mais si vous
28 voulez que tout ce qui est dit en anglais vous soit interpréter en arabe,
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1 nous n'allons pouvoir travailler que pendant une durée de temps limitée
2 puisque cela requiert plus d'effort de la part des interprètes à notre
3 disposition.
4 A vous, bien entendu, de choisir en toute liberté, mais si vous dites que
5 cela ne vous dérange pas d'entendre les questions en anglais et d'y
6 répondre dans votre propre langue, cela nous permettrait de fonctionner de
7 façon plus efficace. Mais si cela ne vous arrange pas, veuillez nous le
8 dire et nous allons, dans ce cas-là, assurer l'interprétation dans les deux
9 sens.
10 Alors, il se peut que de toute façon une partie des questions qui vous sont
11 posées se doivent d'être interprétées dans votre langue si M. Lukic va
12 poser ses questions dans sa langue, mais toujours est-il que -- est-ce que
13 l'approche que nous venons d'exposer, à savoir vous faire écouter en
14 anglais et vous faire répondre en arabe, vous semble acceptable ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela me semble O.K. Je crois que nous pouvons
16 procéder de la sorte.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Avant que de commencer à
18 témoigner, le Règlement requiert de votre part une déclaration solennelle.
19 Nous avons appris aujourd'hui que le texte en arabe de la déclaration
20 solennelle n'est pas exactement le même que celui qui est fourni en
21 anglais. Le texte arabe ajoute un élément religieux.
22 Or, si vous êtes plus à l'aise pour ce qui est de rajouter l'élément
23 religieux dans la déclaration solennelle, cela ne pose pas de problème,
24 puisque c'est de toute façon en accord avec notre Règlement. Mais si vous
25 vous le voulez, en anglais, vous pouvez lire la déclaration solennelle, qui
26 se lit de la sorte : "Je déclare solennellement que je dirai la vérité,
27 toute la vérité et rien que la vérité." Donc, il n'y a aucun élément
28 religieux qui y est évoqué. Alors, si vous préférez procéder de la sorte,
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1 cela nous arrangerait, et je vous recommande d'ailleurs de faire votre
2 déclaration solennelle en anglais.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, vous pouvez juste répéter après
5 moi.
6 Je déclare solennellement.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que je dirai la vérité.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Que je dirai la vérité.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toute la vérité.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Toute la vérité.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Et rien que la vérité.
14 LE TÉMOIN : HUSEIN ALY ABDEL-RAZEK [Assermenté]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant nous pouvons commencer avec
17 l'interrogatoire au principal.
18 Vous serez d'abord interrogé par M. Vanderpuye, qui est le conseil de
19 l'Accusation.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je suis prêt, Monsieur le Président. Puis-
21 je commencer ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez commencer, en effet.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
24 Messieurs les Juges. Bonjour au conseil de la Défense. Bonjour, Général
25 Mladic.
26 Interrogatoire principal par M. Vanderpuye :
27 Q. [interprétation] Et bonjour à vous, Général Abdel-Razek. Je sais que
28 vous avez déjà témoigné devant ce Tribunal, et comme le Président de la
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1 Chambre vous l'a déjà indiqué, les circonstances aujourd'hui vont être
2 quelque peu différentes pour ce qui est des arrangements de
3 l'interprétation simultanée. Si je dis quelque chose ou si dans le courant
4 de votre témoignage il venait à y avoir des éléments que vous ne
5 comprendriez pas, veuillez nous le faire savoir afin que nous puissions y
6 remédier.
7 Alors, pour que les choses soient clairement consignées au compte rendu, je
8 vous prie de nous dire votre nom et prénom.
9 R. Je suis général de division Husein Aly Abdel-Razek.
10 Q. Merci.
11 R. A la retraite.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je voudrais qu'on vous montre la pièce 65
13 ter 28433.
14 Q. En attendant que ce soit affiché sur nos écrans, Monsieur, je voudrais
15 vous poser la question suivante : est-ce que vous vous souvenez d'avoir
16 fait une déclaration et signé une déclaration en votre qualité de témoin à
17 la date du 16 juillet 2002 ?
18 R. Oui, je me souviens de cela.
19 Q. Est-ce que vous reconnaissez le document qui est affiché au prétoire
20 électronique ? Et je voudrais que l'on descende vers le bas de la page pour
21 le moment. Merci.
22 R. Je me souviens d'avoir fait cette déclaration, en effet.
23 Q. Fort bien. Est-ce que vous reconnaissez votre signature au bas de la
24 page ?
25 R. Oui, c'est la mienne.
26 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous passions à
27 la page 30 du prétoire électronique.
28 Q. Comme vous pouvez le voir ici, il s'agit d'un document annexe qui suit
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1 votre déclaration et qui est daté du 16 juillet 2002. Il est fait référence
2 à certains compléments et modifications à apporter à la déclaration qu'on a
3 vue tout à l'heure. Vous souvenez-vous d'avoir signé ce document aussi ?
4 R. Oui, c'est moi qui ai fait ces corrections et qui ai signé.
5 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur cette
6 déclaration et d'y apporter des rectifications avant que de venir témoigner
7 ici aujourd'hui ?
8 R. Oui.
9 Q. Et est-ce que vous pouvez confirmer que cette déclaration et les
10 rectificatifs apportés a posteriori se trouvent être exacts et conformes à
11 la vérité ?
12 R. Oui.
13 Q. Général, est-ce que votre déclaration rédigée et corrigée de façon
14 précise et juste reflète ce que vous diriez aujourd'hui si vous deviez
15 répondre aux mêmes questions ?
16 R. Absolument.
17 Q. Fort bien.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais
19 demander le versement au dossier de la pièce 28433.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 18433 [comme interprété] va
22 devenir la pièce à conviction P293, Messieurs les Juges.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est versé au dossier.
24 Monsieur Abdel-Razek, j'ai remarqué que vous répondiez fort bien en anglais
25 et que vous avez même un très bon anglais. Vous pouvez vous servir de votre
26 propre langue pour répondre aux questions si vous êtes plus à l'aise, mais
27 si vous préférez parler l'anglais, et je crois que votre anglais est tout à
28 fait bon, bien sûr, vous pouvez continuer à répondre en anglais. Donc,
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1 faites comme cela vous arrange.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Vanderpuye.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le
5 Président, je voudrais demander le versement au dossier des pièces
6 connexes. Devrais-je les énumérer ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, si c'est la liste que nous
8 avons sous les yeux, si la même liste qui est en vigueur, je voudrais que
9 vous me suiviez. 09387 de la liste 65 ter, Madame la Greffière.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P294, Messieurs les
11 Juges.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis vient le P294, qui est déjà versé
13 au dossier. Le 09388.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la pièce P295.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et elle est versée au dossier. Puis
16 ensuite le P09389.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça deviendra la pièce P296.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versée au dossier. Puis le 09390.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira maintenant de la pièce P297.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versée au dossier. Maintenant le 11208.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela deviendra la pièce P298, Messieurs
22 les Juges.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est versé au dossier. Le document
24 suivant, vous ne demandez pas son versement, Monsieur Vanderpuye ?
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Pas en
26 ce moment-ci.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis ensuite nous avons un clip vidéo.
28 Alors, est-ce que vous avez l'intention, Monsieur Vanderpuye --
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1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, j'ai l'intention de le montrer au
2 témoin puis de demander le versement au dossier.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, ces pièces connexes seront
4 versées au dossier une fois que vous les aurez montrées au témoin.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est exact.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Je crois que nous avons abordé
7 toutes ces questions.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'ai un petit résumé dont je voudrais
11 donner lecture, et ensuite je poserai mes questions au général.
12 A compter du 21 août 1992 au 20 février 1993, le général Abdel-Razek
13 se trouvait être commandant du secteur de la FORPRONU à Sarajevo. Il a
14 rencontré les dirigeants militaires et civils en cette qualité-là pour ce
15 qui est des parties belligérantes, y compris, entre autres, Radovan
16 Karadzic, le général Galic, et le général Mladic.
17 Les observateurs militaires des Nations Unies ont présenté
18 régulièrement des rapports au général Abdel-Razek pour ce qui est des
19 pilonnages de Sarajevo effectués par les forces des Serbes de Bosnie. Il a
20 reçu également des rapports concernant des victimes civiles qui sont
21 survenues du fait de ces bombardements et du fait des tirs de tireurs
22 embusqués. Le général Abdel-Razek a également eu l'occasion de voir en
23 personne et de suivre en personne les cas de figure où il y a eu
24 bombardement et pilonnage sans distinction de zones habitées par des
25 civils.
26 En compagnie d'autres représentants officiels des Nations Unies, le
27 général Abdel-Razek a protesté en raison de ces tirs contre les civils et
28 de ces tirs de tireurs embusqués et des cibles qui ont été désignées par
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1 les missions humanitaires, et il l'a fait auprès des représentants des
2 Serbes de Bosnie tant du point de vue militaire qu'au niveau civil. Les
3 représentants officiels des Nations Unies ont écrit au président Karadzic,
4 au général Mladic, au général Galic, à Mme Plavsic, à MM. Krajisnik et
5 Koljevic, qui ont nié de façon routinière toute responsabilité pour ce qui
6 est de cette conduite. Ils ont affirmé que les forces du gouvernement de
7 Bosnie ont pilonné leur propre peuple pour susciter une intervention
8 internationale et ils ont indiqué que la VRS agissait en autodéfense. Le
9 général Galic a dit au général Abdel-Razek que si les civils continuaient à
10 traverser l'aéroport, on continuerait à leur tirer dessus.
11 Lors des contacts avec le général Galic et avec le Corps de Sarajevo-
12 Romanija, le général Abdel-Razek a observé qu'une chaîne de commandement
13 fonctionnait, qu'il fonctionnait bien. Le personnel de ce Corps avait l'air
14 professionnel, bien équipé et bien entraîné. Le général Abdel-Razek a pu
15 conclure que Galic était un soldat qui évidemment opérait sur les ordres de
16 ses supérieurs pour ce qui est des tirs et des pilonnages.
17 Les responsables des Serbes de Bosnie étaient francs pour ce qui est
18 de la politique de nettoyage ethnique. Krajisnik a clairement dit, ainsi
19 que Plavsic, mais Plavsic a reconnu que cette politique n'est pas
20 acceptable au niveau de la communauté internationale. Elle a posé la
21 question au général Abdel-Razek pourquoi la FORPRONU n'envoyait pas ses
22 hommes de Sarajevo. M. Karadzic, après la Conférence de Londres, a dit
23 explicitement au général Abdel-Razek que les Musulmans devaient être
24 déplacés des territoires serbes, et que les Serbes devaient quitter les
25 territoires musulmans. Il a répété la même chose en janvier 1993 lorsqu'on
26 lui a posé ouvertement la question ce qu'il voulait. Karadzic a dit au
27 général Abdel-Razek, en présence de Krajisnik, Plavsic et des généraux
28 Mladic et Gvero, la chose suivante : "Si nous ne profitons pas de cette
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1 occasion, nous ne pourrons pas le faire encore une fois … les Musulmans
2 seraient transférés du territoire serbe, puisque nous ne pouvons pas vivre
3 ensemble." Le général Abdel-Razek a donc noté que ces responsables étaient
4 présents, ainsi que l'accusé.
5 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
6 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Général, pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait à partir du moment
8 où vous avez fait cette déclaration pour ce qui est de votre profession et
9 de votre carrière professionnelle, et cette déclaration, vous l'avez faite
10 en 2002.
11 R. Oui. Je travaillais en tant que conseiller militaire au Koweït au
12 moment où j'ai fait cette déclaration. Je pense que c'était en 2002.
13 Ensuite, j'ai été convoqué pour témoigner dans l'affaire du général Galic.
14 Et j'ai continué à travailler au Koweït jusqu'à l'année 2011, et je suis
15 retourné en Egypte après les événements qui sont passés là-bas.
16 Dès mon retour en Egypte, j'ai été demandé de travailler en tant que
17 conseilleur au ministre de la Défense, et c'est ce que je fais à présent.
18 Q. Merci, Mon Général. J'aimerais maintenant, très brièvement, parler de
19 votre engagement à Sarajevo. Pouvez-vous nous dire brièvement ce que vous
20 faisiez en tant que commandant du secteur de Sarajevo ? Quelles étaient vos
21 activités quotidiennes ?
22 R. Habituellement, nous nous occupions des questions quotidiennement, des
23 questions concernant nos activités quotidiennes. D'abord, on avait des
24 briefings avec le commandant du secteur qui duraient à peu près une demi-
25 heure. Et pendant ce briefing, nous nous penchions sur tous les événements
26 majeurs. Ensuite, d'après un plan bien défini, je confiais des tâches, je
27 donnais des instructions, et le secteur chargé des opérations préparait
28 cela. Ce secteur était sous le commandement du chef de l'état-major du
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1 secteur. Cela comprenait habituellement des activités qui devaient être
2 exécutées ce jour-là.
3 Après cela, nous nous rendions dans nos sections respectives pour examiner
4 des rapports d'observateurs, pour répondre à des appels téléphoniques que
5 nous recevions et pour envoyer des avertissements aux parties
6 belligérantes, ou pour répondre à des demandes concernant des entretiens ou
7 des réunions. Nous envoyions également des rapports au commandement
8 supérieur à Zagreb.
9 Après avoir rassemblé toutes les informations, jusqu'à 18 heures d'après-
10 midi, j'organisais une réunion avec mon assistant; avec le chef de l'état-
11 major; avec le chef des opérations; avec le chef de la police; avec les
12 représentants du SMO; avec le représentant des observateurs militaires. Et
13 nous examinions de divers rapports et des informations que nous recevions.
14 Je ne sais pas si c'est clair jusqu'ici ? Il y avait d'autres affaires
15 civiles dont nous nous occupions.
16 Q. Merci.
17 R. Ensuite, nous rédigions le rapport pour l'envoyer à Zagreb, et c'était
18 toutes les 12 heures que nous envoyions ce rapport qui parlait de
19 différentes activités dans notre secteur. Nous envoyions ce rapport et nous
20 recevions des instructions concernant nos activités principales, concernant
21 d'autres questions, et nous suivions tous les événements qui se passaient
22 avant l'envoi du rapport suivant le lendemain matin. Nous travaillions en
23 équipes, et j'aimerais dire que tous ces rapports étaient le résultat des
24 efforts déployés par les membres de l'équipe.
25 C'était le côté pratique de nos activités. Et nous nous occupions également
26 de certaines choses de nature urgente, par exemple, des plaintes ou des
27 problèmes concernant l'hôpital. Par exemple, lorsqu'il n'y avait plus de
28 carburant ou lorsqu'il n'y avait plus d'électricité, lorsqu'il y avait des
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1 coupures d'électricité. Et concernant ces types de demandes, nous
2 répondions rapidement d'habitude, puisque l'hôpital ainsi que la maternité
3 avaient besoin de carburant, d'électricité, et cetera.
4 Q. Permettez-moi de vous poser la question concrète concernant la source
5 des informations sur laquelle vous vous appuyiez pour rédiger ces rapports.
6 Vous avez dit qu'il s'agissait du résultat des efforts déployés par
7 plusieurs personnes, mais pour ce qui est des informations sur lesquelles
8 vous vous appuyiez concernant ces rapports, et lorsque vous vous rendiez à
9 des réunions avec les responsables des Serbes de Bosnie, avec d'autres
10 responsables, quelle était la source de ces informations que vous utilisiez
11 en premier lieu ?
12 R. Les observateurs internationaux représentaient notre source
13 d'information principale. Nous utilisions également les informations que
14 nous recevions des officiers de liaison de différentes factions. Ces
15 officiers de liaison nous fournissaient également des informations en nous
16 disant que certains événements se sont produits dans certaines régions, et
17 cetera. Et dans de tels cas, par exemple, nous envoyions parfois quelqu'un
18 pour vérifier ces informations puisque, selon nos expériences jusque-là, il
19 y a eu trop d'allégations de ce type, et c'est pour cela que nous envoyions
20 quelqu'un du département des affaires civiles ou des opérations pour
21 vérifier la véracité de ces informations ou nous demandions à des
22 observateurs internationaux se trouvant à la proximité de la région en
23 question de faire cela.
24 Et j'espère que ce que je vais dire maintenant sera clair. Je sais
25 qu'il y avait beaucoup de discussions concernant ce que j'ai dit par
26 rapport au fait que parfois nous recevions des informations des médias.
27 Nous étions entourés des médias, des gens qui travaillaient pour les
28 médias, des journalistes, parce que les journalistes se déplaçaient
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1 partout, et les journalistes habituellement venaient jusqu'à nous pour nous
2 donner des informations. Mais nous comparions ces informations avec les
3 informations que nous recevions des observateurs internationaux, et c'était
4 comme cela que nous opérions.
5 Q. Merci beaucoup. Permettez-moi de vous poser la question suivante, est-
6 ce que vous vous êtes fié aux informations pendant que vous étiez dans le
7 secteur Sarajevo, est-ce que vous vous êtes fié sur les informations
8 provenant d'autres sources, telles que les Nations Unies ainsi que d'autres
9 sources, pour savoir de quoi il s'agissait concernant le conflit dans ce
10 pays ?
11 R. Comme je l'ai déjà dit, avant cette mission-là je travaillais à Angola,
12 et je devais retourner en Egypte, dans mon pays. Pourtant, un an plus tard,
13 j'ai reçu une demande du secrétaire général -- excusez-moi, ce n'était pas
14 une demande, c'était une notification. Il m'a informé, dans la lettre
15 rédigée par M. Goulding, du fait que le secrétaire général voulait que je
16 devienne le commandant du secteur Sarajevo et de remplacer le général
17 MacKenzie dans ce secteur, qui était le général du Canada. Il m'a dit
18 qu'ils avaient contacté l'autorité égyptienne et que les autorités
19 égyptiennes étaient d'accord concernant cela. Le secrétaire général voulait
20 savoir si j'étais intéressé par cette désignation à ce poste. Bien sûr,
21 nous sommes soldats, et lorsque quelqu'un me dit que l'Egypte était
22 d'accord ou acceptait cette désignation, alors c'est fait, et j'ai pris
23 contact avec M. Goulding, avec M. Annan pour obtenir des informations
24 concernant la situation en Yougoslavie, la situation en général, et la
25 situation qui prévalait à Sarajevo en particulier.
26 Q. Monsieur le Général, je n'ai pas l'intention de vous interrompre dans
27 votre témoignage, mais j'aimerais savoir si vous avez reçu des documents
28 pour pouvoir vous préparer concernant votre mission en Bosnie ?
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1 R. J'ai reçu des rapports, des rapports détaillés, concernant la situation
2 en Yougoslavie en général. Il y avait des informations concernant le
3 conflit politique, donc les informations concernant cette période de temps-
4 là, à partir du moment où il y a eu le conflit politique jusqu'à la période
5 où nous devions aller là-bas. M. Goulding m'a également dit qu'il n'y
6 avait plus de vols ce jour-là et que d'énormes efforts ont été déployés
7 pour que les vols reprennent.
8 Q. J'aimerais vous montrer un document.
9 Il s'agit du document 3345 sur la liste 65 ter, et en attendant que le
10 document soit affiché à l'écran, il serait peut-être plus facile pour vous
11 -- si vous voulez, bien sûr, de retirer vos casques pour m'écouter en
12 anglais, ou si vous ne suivez pas l'interprétation en arabe, il serait
13 peut-être plus simple pour vous de répondre à mes questions.
14 R. Je vais continuer comme cela.
15 Q. Reconnaissez-vous le document qui est affiché à l'écran dans le
16 prétoire électronique, le document daté du 28 août 1992. Il s'agit du
17 document du Conseil économique et social, ce qu'on peut voir à l'en-tête du
18 document. J'aimerais qu'on vous montre la page 2 du document. Dans les deux
19 versions, en anglais et en B/C/S, au point 1(A), on peut lire comme suit :
20 "Observations concernant la situation des droits de l'homme dans des
21 régions visitées." Sous (A) : "La politique du nettoyage ethnique." Dites-
22 nous si c'était quelque chose à quoi vous avez fait référence dans votre
23 déclaration ? Vous devez répondre à cette question pour que cela soit
24 consigné au compte rendu.
25 R. Concernant cette question et avant d'y répondre, j'aimerais tirer une
26 chose au clair. Dans des divers programmes des Nations Unies et au sein des
27 agences des Nations Unies dans le monde entier, nous avons reçu beaucoup de
28 rapports concernant ce qui se passait au sein des agences des Nations Unies
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1 et des missions concernant la coopération, la coordination, et également la
2 réaffectation de certains membres du personnel de ces missions. Nous
3 recevions toutes ces informations et nous pouvions suivre les événements en
4 Yougoslavie. Et permettez-moi d'être franc avec vous pour vous dire que
5 j'étais très attristé après avoir vu ce qui s'était passé en Yougoslavie,
6 puisque c'était le pays qui avait de bons rapports avec mon pays, avec
7 l'Egypte. Et lorsque j'ai été nommé au poste du commandant du secteur
8 Sarajevo, j'étais triste puisque ce n'était pas ma volonté. J'ai voulu
9 retourner en Egypte pour reprendre ma carrière là-bas dans mon pays, mais
10 lorsque j'ai reçu ces ordres, j'ai dû obéir. Il y avait trop de rapports
11 concernant le nettoyage ethnique dans les médias, et c'était dans les
12 rapports autres que les rapports que nous recevions des Nations Unies. Dans
13 ces rapports aussi, il était dit que le nettoyage ethnique se passait dans
14 trop de régions. Ce n'était pas quelque chose de nouveau pour moi. Je
15 savais que le nettoyage ethnique se passait avant d'être venu à Sarajevo.
16 Lorsque j'ai rencontré l'ambassadeur de Serbie en Angola, qui était mon
17 ami, nous avons parlé de cela, et il m'a dit que la réalité était
18 différente par rapport à ce qu'on pouvait lire dans les rapports, mais
19 beaucoup d'autres autres ambassadeurs lui disaient : "Mais c'est quelque
20 chose qui se passe actuellement." C'était quelque chose qui était connu.
21 Tout le monde était au courant de cela. C'était quelque chose qui se
22 passait même avant mon arrivée à Sarajevo, et tout le monde était au
23 courant de cela.
24 Q. Regardez la page 4 de ce document, le paragraphe 7. Je pense que c'est
25 à la page 4 dans les deux versions.
26 Au paragraphe 7, on peut lire : "Le rapporteur spécial a été en mesure de
27 rassembler des témoignages crédibles concernant la politique du nettoyage
28 ethnique ainsi que concernant la méthodologie appliquée pour atteindre ce
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1 but. D'après ces témoignages reçus, il s'agit de la politique qui est
2 appliquée de façon ouverte sur le territoire dans les régions de la Bosnie-
3 Herzégovine et de la Croatie contrôlées par les Serbes."
4 Est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu voir pendant que vous étiez
5 à Sarajevo ?
6 R. J'ai entendu parler de ce comité ou conseil puisque cela se passait au
7 moment où je suis arrivé là-bas. Concernant les instructions que j'ai
8 reçues du général Nambiar avant mon arrivée à Sarajevo, selon ces
9 instructions, je devais lui envoyer des rapports, et dans ces rapports il y
10 avait beaucoup de questions concernant cela. Je lui ai demandé quels
11 étaient les défis majeurs. J'ai voulu savoir son point de vue en tant que
12 commandant des forces, et il a parlé de pilonnages des civils --
13 Q. Il faut que je vous arrête là.
14 Excusez-moi, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Abdel-Razek, j'ai vu que vous
16 vouliez nous parler de vos expériences, mais vous ne répondez pas de façon
17 précise à des questions. Nous n'avons pas beaucoup de temps. La dernière
18 question de M. Vanderpuye était la question concernant ce que vous avez lu
19 au paragraphe 7 tout à l'heure, si cela correspond à ce que vous avez vu
20 quand vous étiez à Sarajevo.
21 Donc, nous souhaitons savoir si cela correspond à ce que vous avez pu voir.
22 Vous n'avez pas besoin de lui raconter toute l'expérience, puisque votre
23 déposition dans ce cas serait beaucoup trop longue. Donc, tout simplement,
24 on vous demande si ce que vous avez vu correspond à ce qui est écrit là. Et
25 vous pouvez répondre par un oui ou par un non, cela suffit. Si M.
26 Vanderpuye a besoin d'en savoir plus, il va vous poser la question.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
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1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Donc, Monsieur le Témoin, est-ce que cela correspond vraiment à ce que
3 vous avez vu, à votre expérience ?
4 R. Oui.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] Maintenant, je vais passer à la page 10 en
6 B/C/S et à la page 8 en anglais, paragraphe 40. Ça, c'est la page en
7 anglais.
8 Q. Donc, ici, on peut lire :
9 "La plus grande menace pour la vie vient à présent du pilonnage de la
10 population civile et des tirs sur les civils assiégés dans la ville. En
11 plus, il existe le risque qu'un grand nombre de civils meurent du manque de
12 nourriture, de la maladie, et cetera, à moins que le siège ne soit levé
13 avant l'arrivée de l'hiver."
14 En ce qui concerne cette menace que représentent les tirs pour la
15 population civile, est-ce que ce paragraphe correspond à ce que vous avez
16 vécu à Sarajevo ?
17 R. Oui.
18 Q. Maintenant, je vais vous montrer un autre paragraphe, c'est le
19 paragraphe 48, page 10 en anglais. Ici, on peut lire :
20 "Les plus grosses difficultés par rapport à ce qui se passe à Sarajevo
21 viennent du fait que les bureaux de la FORPRONU et de l'UNHCR ainsi que les
22 véhicules soient pris pour cible des tireurs embusqués et des tirs tout
23 simplement."
24 Est-ce que cela correspond à votre expérience ?
25 R. Oui.
26 Q. Maintenant, le paragraphe 58 -- donc, ici, on peut lire, c'est sous
27 l'intitulé "Recommandations" :
28 "L'artillerie lourde sur le territoire de Bosnie-Herzégovine doit
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1 être immédiatement neutralisée. Il faut les grouper sous le contrôle de la
2 FORPRONU, si nécessaire."
3 Et ensuite, on peut lire :
4 "La mise en œuvre des accords adoptés lors de la Conférence de
5 Londres sont indispensables à cet égard."
6 Est-ce que vous étiez au courant de cela, de cette recommandation ?
7 R. Eh bien, quand je suis arrivé à Sarajevo pour la première fois,
8 la Conférence de Londres venait de se terminer. Le général Nambiar m'a
9 appris que les Serbes souhaitaient effectivement accepter de collectionner
10 toutes les armes, qu'ils étaient prêts à permettre cela, donc toutes les
11 armes dans une même région, de sorte que les Nations Unies puissent les
12 contrôler. Mais dans les faits, cela ne s'est pas produit.
13 Q. Très bien.
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vais demander que cette pièce
15 soit versée au dossier.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 03345 devient la pièce
18 P299.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est versée au dossier. Vous pouvez
20 poursuivre.
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Dans votre déclaration, à plusieurs endroits, vous avez dit que vous
23 avez rencontré assez régulièrement les dirigeants des parties
24 belligérantes. Et je voudrais attirer votre attention sur les rencontres
25 que vous avez eues avec les dirigeants serbes, le président Karadzic, le
26 général Mladic, Biljana Plavsic, et cetera. Dans le paragraphe 60 de votre
27 déclaration, vous avez parlé donc de problèmes évoqués, y compris le
28 pilonnage du quartier général des Nations Unies et des installations des
Page 3593
1 Nations Unies, les tirs sur les civils, et cetera. Pourriez-vous nous dire
2 à combien de reprises vous avez évoqué ce problème avec les dirigeants
3 serbes ?
4 R. Cela s'est produit souvent, très souvent. Quand je suis arrivé la
5 première fois, le pilonnage et les tirs de tireurs embusqués se
6 produisaient de façon régulière. Cela était donc courant au cours des deux
7 premiers mois après mon arrivée. Au début de l'année 1993, il y en a eu
8 moins, car de nombreux diplomates et de nombreux dignitaires des Nations
9 Unies, M. Owen, M. Vance, venaient assez souvent, et nous, de notre côté,
10 on essayait donc d'améliorer la situation qui prévalait à Sarajevo. Parce
11 que quand on savait qu'il allait y avoir les visites des dignitaires
12 étrangers, eh bien, la situation se calmait. Les tirs étaient assez
13 fréquents, et il y en a eu beaucoup au cours des trois mois après mon
14 arrivée. Il y a eu des tirs pratiquement quotidiens. Nous avons des
15 rapports au sujet de gens tués et blessés.
16 Q. Et comment faisiez-vous, est-ce que vous vous adressiez plutôt aux
17 dirigeants civils ou militaires ?
18 R. Les deux.
19 Q. En ce qui concerne les questions posées, est-ce que vous les posiez
20 aussi aux dirigeants militaires ou aux dirigeants civils, et est-ce que les
21 résultats étaient différents ?
22 R. Ce qui a été dit dans les réunions était assez encourageant. J'ai
23 entendu beaucoup de promesses. L'ambiance qui prévalait dans ces réunions
24 était toujours très positive. Le problème se passait sur le terrain. Sur le
25 terrain, vous aviez les milices, les gens qui n'étaient pas disciplinés,
26 qui ne suivaient pas ces ordres, ces instructions, et ils étaient armés.
27 Donc, la situation sur le terrain était complètement différente de ce dont
28 nous avions convenu ou bien dont nous avions discuté lors de nos réunions.
Page 3594
1 Q. Vous avez parlé des ordres, des instructions, et du fait que des gens
2 sur le terrain n'étaient pas disciplinés. Ils ne se conformaient pas à ces
3 ordres et à ces instructions. Pourriez-vous nous dire à quoi vous faites
4 référence exactement ?
5 R. Comme je l'ai déjà dit, même les dirigeants des factions belligérantes
6 parlaient de la présence des gens en civil mais armés qui empêchaient le
7 mouvement des convois des Nations Unies dans certaines zones. A une des
8 réunions avec le général Galic, justement je parlais de cela, et je pense
9 qu'il m'avait dit à l'époque qu'on lui avait dit que toutes les personnes
10 qui ne respectaient pas les ordres donnés par les militaires -- eh bien, on
11 lui a demandé de mettre une fin à cette situation. Mais la situation
12 restait comme elle était. Il n'arrivait à le faire. Il y avait beaucoup
13 d'individus qui provoquaient cette situation parfaitement chaotique. Et
14 vous savez, c'est une question de guerre civile, un problème lié à la
15 nature même des guerres civiles. La situation est pareille partout.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, je dois intervenir à nouveau.
17 On vous a demandé si vous avez pu remarquer une différence sur le terrain.
18 Il s'agissait de la question au sujet du pilonnage et de tirs embusqués,
19 alors que vous parlez de votre liberté de la circulation à vous en tant
20 qu'observateurs militaires. Je pense que M. Vanderpuye voulait savoir avant
21 tout si la situation après les réunions était différente qu'avant, surtout
22 la situation au niveau de pilonnage.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant les réunions, on réussissait à se
24 mettre d'accord sur des conclusions positives, du genre assurer la liberté
25 du fonctionnement et la liberté de la circulation pour les Nations Unies.
26 Mais à chaque fois que l'on revenait sur le terrain, on voyait que sur le
27 terrain la situation était complètement différente de ce qu'on avait
28 convenu, pour les raisons que je viens de mentionner.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part cette discussion que vous
2 avez eue par rapport au meilleur rapport, vous avez aussi parlé de la
3 question des tirs et du pilonnage.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela a changé après que vous
6 en ayez parlé au cours des réunions ? Est-ce qu'il y a eu moins de tirs,
7 moins de pilonnage ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. La situation n'a jamais changé, les
9 choses continuent à se produire de la façon dont elles se produisaient
10 avant, en dépit des accords. Et à chaque fois que je revenais les voir, ils
11 disaient qu'eux de l'autre côté, ils ont fait ceci ou cela et qu'ils
12 étaient obligés de se venger, de riposter, de sorte qu'aucune des deux
13 parties ne respectaient les accords, qu'il s'agisse des accords passés
14 entre les parties belligérantes ou bien d'autres accords. Et puis, de toute
15 façon, les forces sur le terrain ne suivaient pas ces ordres ou ces
16 recommandations. Les pilonnages continuaient.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation]
18 Q. Je vais vous demander de vous concentrer sur des questions bien
19 précises. Vous avez beaucoup parlé des entraves à la liberté de la
20 circulation de vos propres forces, et moi, je vais vous demander de vous
21 concentrer tout particulièrement sur la question des pilonnages et des tirs
22 embusqués. Est-ce que vous avez parlé concrètement avec le général Galic de
23 cela, par écrit ou oralement ?
24 R. A chaque fois que nous nous sommes rencontrés, et c'était fréquent,
25 nous avons parlé de cela.
26 Q. Est-ce que vous avez posé des objections ou fait part de vos
27 protestations quant à ces incidents au-delà du général Galic, directement
28 au président Karadzic ou bien au général Mladic ?
Page 3596
1 R. J'en ai parlé souvent lors des réunions que j'ai pu avoir avec M.
2 Karadzic et en présence du général Mladic et de Momcilo Krajisnik et de Mme
3 Plavsic aussi. Nous avons souvent parlé de cela avec ces gens au sujet de
4 ces nombreux problèmes, y compris les problèmes que cela posait aux civils,
5 les menaces pour leurs vies, la vie des civils.
6 Q. Très bien.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] Le moment est venu pour prendre la pause.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause de 20
9 minutes à peu près. Et puis, moi, je vous appelle M. Abdel-Razek, et je ne
10 suis pas impoli, c'est comme cela que je m'adresse à tous les témoins. Je
11 préfère ne pas évoquer leur grade.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la deuxième fois que je témoigne devant
13 vous, Monsieur le Président. Je me souviens de vous très bien.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça, c'est une autre question. Donc, nous
15 allons prendre une pause à présent. Vous pouvez suivre l'huissier.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.
17 [Le témoin quitte la barre]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause, et
19 reprendre à 11 heures moins 10.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
21 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire venir le témoin dans le
23 prétoire.
24 Alors, la Chambre a cru comprendre que pour des raisons d'ordre médical, le
25 témoin ne peut pas poursuivre sa déposition au-delà de 12 heures 30. Par
26 conséquent, nous nous demandons de quelle façon nous allons employer le
27 temps qui nous restera après le départ du témoin et avant son retour
28 demain.
Page 3597
1 M. GROOME : [interprétation] Je souhaite informer la Chambre que nous avons
2 été informés par la Section des Témoins et des Victimes que le témoin
3 suivant, RM081, ne pourra pas débuter sa déposition aujourd'hui.
4 Et nous aurons davantage de détails lors de la pause suivante.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a effectivement reçu la même
6 information. Nous nous pencherons sur cette question au cours de la pause
7 suivante.
8 [Le témoin vient à la barre]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, à vous.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Général, je souhaite vous présenter un certain nombre de documents.
12 Pour commencer le document 10632 de la liste 65 ter. Alors, pour commencer,
13 est-ce que vous reconnaissez ce document, Général ? Alors je vous vois
14 froncer les sourcils, avez-vous du mal à le déchiffrer ?
15 R. Non. Pas de problème.
16 Q. Est-ce que vous le reconnaissez ?
17 R. Oui.
18 Q. Il y est question des armes lourdes en BiH. Et cela est envoyé par
19 Goulding à Nambiar, en date du 28 août 1992, dans la suite de la Conférence
20 de Londres. Alors, passons à la page suivante, il est question du
21 déploiement des armes lourdes. Il est dit que :
22 "Les armes, une fois regroupées, passeront sous supervision des
23 Nations Unies, sous la supervision des observateurs des Nations Unies, et
24 cette supervision sera continue."
25 Alors, est-ce que ceci correspond bien à votre compréhension des
26 choses, à vos informations que vous aviez quant à ce qui était censé
27 devenir les armes lourdes des Serbes de Bosnie ?
28 R. D'après ce dont je me souviens, ceci a été envoyé par M. Goulding au
Page 3598
1 général Nambiar, et d'autres documents semblables ont été envoyés pour
2 copie à notre commandement. Nambiar m'a également fait part et m'a dit que
3 la situation apparaissait comme encourageante et qu'il y avait une forme
4 d'accord. Conformément à ce que M. Goulding lui avait dit précédemment, à
5 savoir que M. Karadzic et le Dr Koljevic s'étaient engagés à faire
6 regrouper les armes lourdes en des endroits précis et que ces armes soient
7 placées sous contrôle et supervision des Nations Unies.
8 Q. [aucune interprétation]
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement de
10 ce document.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 10632 reçoit la cote
13 P300.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il est versé au dossier.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation]
16 Q. Je voudrais maintenant vous présenter le document 10633 de la liste 65
17 ter. Comme vous pouvez le voir, il est indiqué qu'il s'agit d'un télégramme
18 ou d'un câble codé, un câble crypté, émanant de M. Goulding, en date du 14
19 septembre 1992, il s'agit d'une réunion avec le Dr Karadzic et le colonel
20 Siber, il est indiqué rapport du secteur de Sarajevo. Alors, est-ce que ce
21 document, vous le connaissez ?
22 R. Eh bien, le rapport que je lui ai envoyé concernant cette réunion ?
23 Q. Oui. Pouvons-nous passer à la seconde page. Je voudrais vous poser
24 quelques questions. Vous pouvez ici remarquer votre nom dans la colonne de
25 droite du tableau, qui est en haut de cette page et, qui nous indique les
26 représentants d'où émane ceci, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Et ensuite vous voyez la discussion qui a eu lieu, la rencontre, au
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1 point 1(a), et suivant. Alors, pouvez-vous confirmer que c'est bien là une
2 réunion que vous avez eue avec le Dr Karadzic ?
3 R. Oui.
4 Q. Et s'agissait-il des armes lourdes dont il était question dans le
5 document précédent ainsi que l'accord ou, en tout cas, ce que vous
6 considériez comme un accord quant à la façon dont on réglerait la question
7 de ces armes lourdes ?
8 R. Les armes lourdes devaient être rassemblées en des endroits supervisés
9 par les Nations Unies, et c'était là le sujet principal dont nous avons
10 discuté.
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
12 demander le versement de ce document.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 10633 reçoit la cote P301,
15 Monsieur les Juges.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P301 est versée au dossier.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Q. Général, dans votre déclaration en ce qui concerne ce qui est advenu de
19 cet accord portant sur les armes lourdes, vous nous indiquez qu'en réalité
20 elles n'ont jamais été placées sous contrôle et supervision des Nations
21 Unies; est-ce exact ?
22 R. Oui. Je le confirme.
23 Q. Dans votre déclaration, vous dites que selon vous ceci était le
24 résultat d'une décision prise par la direction des Serbes de Bosnie,
25 décision contraire à l'accord précédent; est-ce exact ?
26 R. Oui.
27 Q. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en était ? Au paragraphe 28 de
28 votre déclaration, vous dites que le général Mladic se trouvait en arrière-
Page 3600
1 plan de la décision du président Karadzic concernant la consignation des
2 armes lourdes.
3 R. En fait, ce que M. Karadzic a dit était très clair pendant la
4 Conférence de Londres, et ce que le général Nambiar m'a dit était également
5 très clair. La lettre envoyée par M. Goulding au général Nambiar était elle
6 aussi très claire, tous, autant qu'ils étaient, estimaient qu'il y avait
7 des raisons d'être optimistes. Cependant, nous avons alors découvert que
8 l'explication avancée par le Dr Karadzic était complètement différente de
9 ce qu'il avait déclaré pendant la Conférence de Londres, et de ce à quoi il
10 s'était engagé pendant les négociations de Genève. Il s'était engagé à
11 respecter un certain nombre de choses. Il m'a dit ouvertement que les
12 Musulmans étaient trop nombreux, et je cite : "Nous n'avons aucun autre
13 moyen que ces armes." Et il m'a dit que ces armes lourdes devraient être
14 rassemblées dans un certain nombre d'endroits et que les Nations Unies
15 devraient, alors, en assurer le contrôle sur place. Et une fois que les
16 choses se sont développées à ce niveau, je crois pouvoir dire qu'il
17 s'agissait, en fait, d'une conception purement militaire qui était sous-
18 jacente à cette position, et qui est venue s'ajouter, en fait, à sa propre
19 position qui était différente, par conséquent. Lorsque nous parlons de
20 sujets militaires, il faudrait toujours mentionner le sommet de
21 l'hiérarchie et la chaîne de commandement.
22 Q. J'imagine que d'après vos estimations, il s'agissait du général Mladic.
23 R. Oui.
24 Q. Quant à votre expérience en tant que général, votre longue expérience
25 au sein des forces armées, je voudrais vous poser la question suivante : en
26 fait, concernant les interactions entre les instances les plus haut placées
27 de l'armée, et la branche politique en Bosnie, quelle est votre estimation
28 de la nature de cette interaction pendant la période où vous étiez présent
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1 ?
2 R. Je pouvais voir qu'il y avait coopération, accord et même harmonisation
3 entre le commandement militaire et la direction politique ou le
4 commandement même politique. Je les ai également informés de tous les
5 sujets que je m'apprêtais à aborder avec eux. Ils avaient donc la
6 possibilité de préparer et de coordonner leurs déclarations, leurs
7 positions et leurs réponses concernant les sujets que j'annonçais comme
8 étant ceux à aborder. Je vous confirme aujourd'hui qu'il y avait
9 interaction entre ces deux branches et que cette interaction était tout à
10 fait harmonieuse.
11 Q. Vous avez également évoqué il y a quelques instants la chaîne de
12 commandement, et dans votre déclaration, au paragraphe numéro 58, vous
13 relevez que le général Mladic était redouté de ses subordonnés, car il
14 insistait très particulièrement sur le respect de la discipline, qu'il
15 était donc très respecté par ses soldats. Est-ce que vous pourriez nous
16 dire si c'est là quelque chose que vous avez eu l'occasion d'observer
17 personnellement quand vous étiez cantonné à Sarajevo ?
18 R. …et je répète toujours que c'est là ma propre impression personnelle.
19 Q. Je suis désolé, mais une partie de votre réponse n'a pas été consignée,
20 alors --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Allez-y, Monsieur Vanderpuye.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Je me demande si vous ne pourriez pas peut-être répéter votre réponse.
24 R. Je souhaiterais dire la chose suivante : en tant que soldats, nous
25 pouvons dire que tel ou tel leader est un leader fort, et s'il est respecté
26 -- et nous pouvons dire s'il est notamment respecté par ses soldats et si
27 ses soldats lui sont loyaux. Je crois que le général Mladic appartenait à
28 cette catégorie de commandants militaires. C'était un commandant très
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1 persuasif. Il avait une personnalité charismatique, et les officiers qui
2 parlaient de lui le faisaient toujours de façon respectueuse. Lorsqu'il se
3 déplaçait, il était toujours entouré de ses officiers, et je crois qu'en
4 tant que soldat, il est très peu probable que nous nous trompions dans
5 notre interprétation de ce qu'est la personnalité d'un commandant
6 militaire.
7 Q. Vous avez été en mesure, pendant que vous étiez présent, de faire une
8 estimation semblable concernant le général Gvero ?
9 R. Oui. En discutant de ces sujets avec mes interlocuteurs, j'ai toujours
10 été en mesure de relever ce type de caractéristiques.
11 Q. Est-ce que dans vos échanges avec le -- alors, vous avez donc interagi
12 également avec le général Galic. Est-ce que vous pourriez nous dire quoi
13 que ce soit du professionnalisme, ou éventuellement du manque du
14 professionnalisme du général Galic, tel que vous avez pu l'observer pendant
15 que vous étiez à Sarajevo ?
16 R. S'agissant du général Galic, je l'ai trouvé comme suit : il me semble
17 qu'il s'agissait là d'un commandant qui obéissait aux ordres et les
18 exécutait tels que reçus. Alors, s'agissant d'essayer de le conduire vers
19 un autre secteur, je ne pense pas qu'il serait à même de me contacter à ce
20 sujet, mais c'était, à mon avis, un commandant qui obéissait aux ordres.
21 C'était donc, en somme, un officier de carrière.
22 Q. Je voudrais vous montrer une pièce à conviction qui est le 65 ter 9648.
23 Comme vous pouvez le voir, il s'agit d'un ordre émanant du commandant du
24 Corps de Sarajevo-Romanija, le général Galic, et s'agissant de ces unités
25 subordonnées au sein du corps, il leur donne des ordres pour ce qui est de
26 la façon dont ils doivent se servir des armes, et il interdit l'utilisation
27 de certaines armes, à savoir de certains calibres, à partir du 10 octobre
28 1990 [comme interprété] et au-delà. Vous pouvez voir que l'ordre, lui, est
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1 daté du 10 octobre 1992.
2 R. Oui.
3 Q. Alors, tout d'abord, pouvez-vous vous rappeler -- et d'après l'ordre en
4 question, ces armes lourdes qui sont énumérées ici sont censées ne pas être
5 utilisées à partir de la date indiquée. Est-ce que ceci coïncide avec la
6 façon dont vous avez compris l'ordre en question ?
7 R. Ce document a suivi des protestations et des plaintes très véhémentes
8 formulées par nous-mêmes, mais ça n'a pas été respecté longtemps. D'après
9 mes souvenirs, il a dit qu'il avait donné cet ordre, mais qu'il appartenait
10 aussi à la partie adverse de se conformer à ce qui avait été convenu. En
11 tout état de cause, cet ordre n'a jamais été respecté.
12 Q. Merci.
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais
14 demander le versement au dossier de cette pièce.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi. Bon. Madame la Greffière.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 09648 deviendra la pièce à
17 conviction P302, Messieurs les Juges.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce P302 est versé au dossier.
19 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors je
20 voudrais que nous montrions à présent au témoin la pièce 65 ter 10738.
21 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document, Général ? On y indique qu'il
22 s'agit d'une note à l'intention de M. Thornberry. Est-ce que vous savez qui
23 est ce Thornberry ?
24 R. Oui.
25 Q. Et c'est daté du 8 octobre 1992. Il est dit que ce matin-là, il a
26 contacté M. Ahtisarri dans son bureau de Genève pour lui faire part de ce
27 qui suit.
28 R. D'habitude, ce type de document était envoyé par le bureau chargé des
Page 3605
1 affaires civiles, et c'est un subordonné à M. Thornberry qui rédigeait ce
2 type de rapports pour me les communiquer, afin que nous puissions aborder
3 les problèmes de nature humanitaire, soit d'un point de vue militaire, soit
4 d'un point de vue de carence d'équipement.
5 Q. Et qui était-ce, en réalité, cette personne ?
6 R. A l'époque, en octobre, il me semble que c'était M. Abdel-Razek Adnan.
7 Q. Et il a été question ici, au paragraphe 1, de deux journées avant que
8 vous ne voyiez l'ordre donné par le général Galic. Il est dit :
9 "A Sarajevo, il y a eu des carences d'eau et d'électricité qui ont incité
10 la population à des limites et à des extrêmes pour ce qui est du taux et de
11 niveau de tolérance, avec bien du désespoir et de l'agressivité."
12 Alors, est-ce que ceci coïncide avec vos observations à l'époque ?
13 R. Oui. Comme je l'ai dit, les pilonnages pendant ces trois premiers mois
14 suite à mon arrivée à Sarajevo étaient très lourds. Cela a généré bien des
15 problèmes, et cela a affecté les civils à un point assez important, ce qui
16 fait que c'est l'ambiance qui prévalait à l'époque.
17 Q. Merci.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que ce
19 document soit versé au dossier.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame la Greffière.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 10738 deviendra la pièce
22 P303, Messieurs les Juges.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce P303 est donc versé au dossier.
24 Veuillez continuer, Monsieur Vanderpuye.
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
26 que l'on montre à présent au témoin la pièce 65 ter 9389, et je crois que
27 c'est déjà une pièce à conviction qui se trouve être la pièce P296.
28 Q. Peut-être pouvez-vous reconnaître ce document aussi. Il s'agit d'un
Page 3606
1 télégramme émanant du général Nambiar envoyé à M. Goulding, et, en pièce
2 jointe, il y a un courrier obtenu de la part du général Mladic. La date de
3 ce document est celle du 15 septembre 1992. Et si on nous montre la page
4 suivante, je serai à même de vous montrer la partie qui m'intéresse. Merci.
5 Alors Général, s'agissant de ce document, je voudrais d'abord vous
6 demander pourquoi ceci est-il envoyé au général Mladic plutôt qu'au général
7 Galic ou quelqu'un d'autre que vous aviez eu l'occasion de contacter dans
8 le secteur de Sarajevo ?
9 R. Il y a eu beaucoup d'actes de violence dans différentes parties du
10 secteur, et, d'habitude, c'est le commandant des troupes qui envoyait un
11 courrier signé par ses soins au cas où la violence ne se limiterait qu'à un
12 secteur concret. Dans ce cas concret, le commandant dudit secteur, sur sa
13 propre initiative ou partant des instructions obtenues de la part du
14 commandant des troupes, en général, entamerait ou aborderait la question.
15 Il s'adresserait au responsable des troupes, ou commandant des troupes,
16 pour ce qui est de parler des violences. Mais les pilonnages étaient
17 nombreux et les actes de violence étaient chose commise à grande échelle
18 dans bien des secteurs. Et dans ce cas-là, on s'adressait au commandant le
19 plus haut placé.
20 Q. Pour ce qui est de ce qui est abordé aux paragraphes 3 et 4, et en
21 particulier au paragraphe 3, il est dit :
22 "Permettez-moi de vous faire part de ma préoccupation profonde du fait des
23 pilonnages indiscriminés, c'est-à-dire des pilonnages sans distinction
24 aucune de cibles de civils à Sarajevo et à Bihac, hier."
25 Et c'est daté du 15 septembre. Au paragraphe 4, il est dit que :
26 "Il est à regretter que ceci est loin d'être conforme à l'esprit des
27 accords de Londres."
28 Alors, est-ce que ceci correspond à l'expérience que vous avez eue et à ce
Page 3607
1 que vous avez pu observer dans le secteur de Sarajevo ?
2 R. Oui.
3 Q. Merci, Général. Je vais passer à un autre sujet.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander
5 quelque chose, Monsieur Vanderpuye. S'agissant de la liste des documents où
6 il est dit que le général Satish Nambiar a envoyé une lettre à Ratko Mladic
7 au sujet des pilonnages de Sarajevo, c'est une lettre qui est envoyée par
8 M. Nambiar à M. Goulding et non pas à Mladic. Et j'aimerais que le témoin
9 nous dise quelque chose au sujet de ce qui figure en bas de la page. On
10 parle du "général de corps d'armée, Ratko Mladic". Est-ce que vous avez une
11 idée des raisons pour lesquelles son nom se trouve être mentionné au bas de
12 cette page-ci ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que nous appelons une circulaire. Par
14 exemple, si M. Nambiar envoie un message quelconque à un haut gradé, nous
15 obtenons une copie dudit document. Le secteur concerné reçoit donc une
16 copie. S'il s'agit de questions qui sont liées aux différents aspects des
17 accords, la copie en question est envoyée aux personnes concernées au
18 niveau des Nations Unies, et il s'agissait là de M. Goulding. Une autre
19 copie était aussi envoyée à M. Vance et à M. Owen. C'est ainsi que les
20 documents ont été véhiculés et qu'ils ont circulé dans le cadre des Nations
21 Unies.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire par là
23 que ces documents circulaient parmi les officiers de la FORPRONU mais n'ont
24 pas été envoyés aux gens à l'extérieur de la FORPRONU; c'est bien cela ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, si vous vous penchez sur le nom de
26 la personne à laquelle la lettre est adressée, on voit que la lettre
27 commence par "Mon cher Général." Cette lettre a été envoyée par M. Nambiar,
28 et c'est lui qui l'a signée. Et c'est adressé à M. Mladic. Une copie a été
Page 3608
1 envoyée pour information, mais le courrier est directement adressé au
2 général Mladic en personne. Et si vous vous penchez sur la teneur, celle-ci
3 est censée éclairer votre lanterne à ce sujet.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Peut-être pourrais-je passer à la page de
5 garde pour aider le Juge.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci pour cet éclaircissement.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la page de garde, ça parle de
8 deux lettres. Est-ce qu'on peut aussi voir celle du 10 septembre ?
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crains fort que cela ne soit pas porté
10 sur la liste de mes pièces à conviction, Monsieur le Président. Mais s'il
11 s'agit de la lettre du 10 septembre, obtenue de la part du général Mladic
12 en réplique, nous ne l'avons pas.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. La lettre est datée du 10
14 septembre, et apparemment elle serait reçue de la part du général Mladic.
15 Ce que vous êtes en train de nous présenter, c'est la réponse.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, la réponse.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi n'avons-nous pas l'autre
18 lettre pour savoir et comprendre à quoi est-ce que l'on est en train de
19 répondre ?
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est une bonne question, Monsieur le
21 Président, et je vais essayer de la trouver pour voir de quoi il s'agit.
22 Toujours est-il que j'aimerais demander le versement au dossier --
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est déjà versé au dossier.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bon. Nous allons voir entre-temps s'il
25 sera possible de retrouver l'autre document.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
27 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
28 Je souhaite maintenant montrer un clip vidéo. Il s'agit de la pièce 65 ter
Page 3609
1 22385A.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 M. VANDERPUYE : [interprétation]
4 Q. Avant que de présenter un enregistrement audio autre, je voudrais vous
5 demander si vous reconnaissez les prises de vue qu'on a vues à l'instant ?
6 R. Oui.
7 Q. Avez-vous pu reconnaître quelqu'un ?
8 R. On a pu voir M. Owen, le général Morillon et moi-même. Et nous étions
9 en présence de la présidence, puis nous sommes allés à Pale, on y a été
10 reçus par M. Karadzic. Il y avait là aussi le Dr Koljevic ainsi que le
11 général Mladic. Par la suite, M. Krajisnik, M. Momcilo Krajisnik, nous a
12 rejoints.
13 Q. Merci.
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais
15 demander le versement au dossier de ce clip.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, vous ne voulez pas
17 vous référer aux propos qu'on a entendus ?
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pas pour ce qui est de cette partie-ci.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Madame la Greffière.
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce 23385A deviendra la pièce à
21 conviction P304, Messieurs les Juges.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est versé au dossier.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Maintenant, je voudrais qu'on nous montre
24 le 65 ter 22385B. Et je crois que nous avons une transcription de cette
25 partie-ci du clip vidéo.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, en attendant que la
27 vidéo nous soit montrée, je suis en train de me pencher sur l'heure. Nous
28 sommes à une heure et demie de votre temps.
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1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur. Et je suis tout près de la
2 fin de mes questions.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Si vous êtes tout près, allez-y.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Oui, bonjour. Bien de plaisir à vous rencontrer.
7 Karadzic : Bienvenue.
8 Koljevic : Bienvenue à la Republika Srpska."
9 Et Karadzic présente Mladic.
10 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
11 M. VANDERPUYE : [interprétation]
12 Q. On vient de s'arrêter au point 16:04. Est-ce que vous reconnaissez
13 l'individu qui vient au milieu de l'écran et qui se trouve à droite de
14 David Owen ?
15 R. Cette réunion s'est tenue le lendemain, puisque le premier jour on n'a
16 pas réussi à en finir avec cette réunion. C'est pour cela que nous l'avons
17 rencontré une deuxième fois.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je puis vous interrompre là.
19 La question que j'ai posée était pour savoir qui était la personne qui se
20 tenait à droite par rapport à M. Owen, et je suppose que M. Vanderpuye a
21 voulu faire référence à la personne au béret bleu.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est M. Koljevic. Le Dr Koljevic.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation]
24 Q. Tout à fait à droite à l'écran ?
25 R. [aucune interprétation]
26 Q. En partant du côté gauche…
27 R. David Owen, général Morillon, Dr Karadzic, Dr Koljevic.
28 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce qu'on peut continuer.
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1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne pense pas que la transcription
2 soit complète. Monsieur Vanderpuye, pouvez-vous éclaircir cela. C'est parce
3 que le nom d'une personne y manque.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation]
5 Q. Est-ce que vous vous avez vu vous-même dans cet extrait vidéo qu'on
6 vient de visionner ?
7 R. Est-ce qu'on peut regarder à nouveau depuis le début ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va le faire.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est M. Owen qui tend la main à M. Karadzic.
11 C'est Dr Koljevic et le général Mladic, et c'est moi-même.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Aux fins du compte rendu, on s'est arrêté
13 à 16:7, 16 secondes 7. Il s'agit de la référence concernant le général
14 Abdel-Razek. Est-ce qu'on peut continuer à regarder l'extrait vidéo.
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est M. Owen.
17 Je me tiens à sa gauche. C'est la salle de réunion. Les représentants des
18 Nations Unies se trouvent du côté droit, et je peux voir sur cet arrêt sur
19 image le commandant Rida, le secrétaire spécial; ensuite moi-même; à ma
20 droite se trouve M. Owen; et ensuite, à côté de lui, le général Morillon.
21 Et de l'autre côté se trouve M. Karadzic et à sa gauche, le général Mladic.
22 Je ne peux pas identifier la personne à qui il parle.
23 Q. Merci, Général.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce qu'on peut continuer à regarder la
25 vidéo.
26 [Diffusion de la cassette vidéo]
27 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
28 "Owen : Je me suis rendu à l'hôpital à Sarajevo aujourd'hui, et c'était une
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1 image très, très dépressive. Je ne m'attendais pas à ce que j'aille dans
2 une pièce de soins intensifs ces jours-ci et j'ai vu qu'un obus l'a touché.
3 Il s'agit d'une pièce pour les soins intensifs. Je suis allé comme ça. Je
4 n'ai pas prévenu, je ne l'ai dit à personne. Je n'ai pas pris des
5 journalistes avec moi.
6 Morillon : Une erreur, puisque, donc, cela a été revu. C'était dans
7 le cas de cessez-le-feu."
8 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que cela
10 soit versé au dossier.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez que la
12 transcription soit versée ?
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je n'ai pas [comme interprété] l'intention
14 de m'appuyer sur la transcription.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, nous devrions regarder encore une
16 fois et il faut que cela nous soit interprété. C'est la pratique dans ce
17 prétoire.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juste un instant. Les interprètes
20 veulent s'adresser à nous.
21 L'INTERPRÈTE : Monsieur le Président, c'est M. Owen, Lord Owen, qui parle
22 en anglais. Est-ce que nous devons interpréter cela ? Et dans la
23 transcription, il y a une erreur. Il est dit "annoncé" au lieu de "pas
24 annoncé". Et Lord Owen a dit : "Je suis allé là-bas et je n'ai pas annoncé
25 ma visite."
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il faut que cela soit vérifié avec
27 la Défense, et je remercie les interprètes pour cette information.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
Page 3613
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il faut que cela soit
2 interprété à l'accusé. Je sais que je ne regarde pas la bonne cabine, mais
3 c'est la raison pour laquelle j'ai demandé que cela soit visionné la
4 deuxième fois.
5 Donc, Monsieur Vanderpuye, il faut que vous vérifiiez la transcription pour
6 voir si le mot "annoncé" doit être remplacé par les mots "non annoncé".
7 Vérifiez cela avec la Défense.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Owen : Je suis allé à l'hôpital à Sarajevo aujourd'hui, et la situation
11 est très, très dépressive. Je ne m'attendais pas que ces jours j'allais me
12 rendre dans la pièce de soins intensifs et j'ai vu qu'un obus l'a touché.
13 Il s'agissait d'une pièce de soins intensifs. Je suis allé là-bas comme
14 cela. Je n'ai pas annoncé ma visite. Je n'ai parlé à personne de cette
15 visite. Je n'ai pas pris des journalistes avec moi. Je suis allé comme un
16 médecin y était allé.
17 Morillon : … erreur. Dans le cas de la cessation --"
18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que j'ai entendu le mot "non
20 annoncé" en anglais.
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] En effet.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'erreur semble être à cet endroit-là de
23 la transcription.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demande
25 le versement au dossier de cette vidéo avec la transcription corrigée.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir la cote.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22385B deviendra la pièce
28 P305.
Page 3614
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela sera marqué aux fins
2 d'identification en attendant la transcription exacte.
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 J'aimerais montrer le document suivant au témoin.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez dit que vous aviez
6 presque fini avec votre interrogatoire.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'ai encore deux documents à lui montrer.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez d'être le plus efficace
9 possible. Continuez.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. Peut-on montrer au témoin
11 maintenant le document 3771 sur la liste 65 ter. On ne voit rien sur nos
12 écrans. Ah, ça y est. Merci.
13 Q. Monsieur le Général, il s'agit du rapport du 30 septembre 1992, et
14 comme vous pouvez voir, le titre dit : "Les Serbes procèdent au nettoyage
15 ethnique dans la capitale de Bosnie."
16 Dans le deuxième paragraphe du document, il est dit qu'à peu près 150
17 personnes ont été obligées de quitter leurs domiciles à Grbavica, et la
18 police de Bosnie a estimé qu'il s'agissait de 300 personnes -- de 200
19 personnes.
20 Est-ce que vous avez soulevé cette question en parlant aux
21 responsables des Serbes de Bosnie à un moment donné ?
22 R. Oui. Nous avons mentionné cela à plusieurs reprises en parlant
23 avec M. Galic et avec Mme Plavsic.
24 Q. J'aimerais qu'on passe à la page 2 du document. Vous pourrez y
25 voir votre nom qui figure au milieu de la page, où il est écrit que :
26 "Le général de brigade égyptien Abdel-Razek a parlé au QG des
27 responsables des Serbes de Bosnie à Lukavica, à leur le QG militaire,
28 pendant plusieurs heures mercredi, Lukavica qui se trouve au sud de la
Page 3615
1 capitale de Bosnie."
2 R. Oui.
3 Q. Il s'agissait de réapprovisionnement en électricité et en eau, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Oui, Monsieur Vanderpuye.
6 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que ce
7 document soit versé au dossier.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De quoi il s'agit ici exactement,
9 Monsieur Vanderpuye ? Il est dit dans l'en-tête qu'il s'agit de 45 de 500.
10 De quoi il s'agit ?
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Il s'agit d'un communiqué de presse.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un communiqué de presse. Bien.
13 Quelle sera la cote accordée à cette pièce.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P306.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. J'aimerais qu'on montre au témoin
17 le document 65 ter --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est décrit comme étant un rapport pour
19 ce qui est des médias ou de la presse. Est-ce que c'est la même chose qu'un
20 communiqué de presse ?
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien
22 compris, il s'agit du même type de document. Il s'agit d'un rapport portant
23 sur les événements comme on peut le voir dans la presse.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et qui est M. Paul Basken ?
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je ne le sais pas, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est un fonctionnaire des
27 Nations Unies ?
28 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, il n'était pas fonctionnaire des
3 Nations Unies.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il ne s'agissait pas d'une
5 objection, mais j'aimerais savoir exactement de quel type de document il
6 s'agit. Ce ne m'est pas tout à fait clair.
7 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est pour cela que
8 j'ai posé la question au témoin, la question concernant les faits dont il
9 s'agit ici, pour savoir si c'est exact ou pas, et pour pouvoir demander le
10 versement au dossier de ce document.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Monsieur Vanderpuye.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. Peut-on montrer au témoin à présent
13 le document 3773, sur la liste 65 ter.
14 Q. C'est le document qui porte la date du 30 septembre 1992, juste comme
15 le rapport de presse ou le communiqué de presse que nous venons de voir, et
16 on voit en haut il s'agit du rapport du CIVPOL des Nations Unies pour le
17 secteur de Sarajevo. Etiez-vous au courant de ce rapport, Monsieur le
18 Général ?
19 R. Oui.
20 Q. Il s'agit de l'expulsion des citoyens musulmans de Grbavica. Et, entre
21 parenthèses, il est dit qu'ils ont été expulsés du territoire occupé par
22 les Serbes.
23 Et si nous regardons le bas de la page, je pense que nous pouvons
24 commencer sur cette page en B/C/S et passer à la page suivante, où il est
25 question qu'à 16 heures 45, 25 personnes étaient arrivées avec leurs
26 bagages de Grbavica, que 300 civils musulmans ont été expulsés par les
27 Serbes pendant le même jour de la région de Grbavica, que 150 d'entre eux
28 se sont rassemblés à l'hôtel Bristol. Est-ce qu'il s'agit du même événement
Page 3618
1 que l'événement décrit dans le communiqué de presse ?
2 R. Oui, je m'en souviens.
3 Q. Il est écrit ici que le rapport provient du secteur Sarajevo.
4 S'agissait-il d'une partie de votre structure, de votre unité, de votre
5 commandement ?
6 R. Oui. M. Adnan s'est rendu là-bas. Je pense que le commandant Rida était
7 avec lui. Il était notre secrétaire. Ils se sont rendus là-bas pour pouvoir
8 vérifier ce qui s'était passé.
9 Q. Merci.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
11 document, Monsieur le Président. Et je suis arrivé à la fin de mon
12 interrogatoire principal. Je n'ai plus de temps, d'ailleurs.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, quelle sera la cote
14 de ce document.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30773 [comme interprété]
16 deviendra la pièce avec la cote P307.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Le document est versé au dossier.
18 Merci, Monsieur Vanderpuye. Qui procèdera au contre-interrogatoire de
19 ce témoin ?
20 M. PETRUSIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
21 les Juges. C'est moi qui poserai des questions à ce témoin dans le cadre du
22 contre-interrogatoire.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr nous connaissons votre
24 nom. Maître Petrusic, la Chambre est encline à continuer à siéger jusqu'à
25 12 heures 30, et de ne pas faire de brève pause, puisque aujourd'hui nous
26 n'allons pas travailler après 12 heures 30 puisque le témoin suivant n'est
27 pas prêt à commencer son témoignage. Et pour ce qui est de ce témoin et de
28 son témoignage, nous devons nous arrêter à 12 heures 30 aujourd'hui.
Page 3619
1 Monsieur Abdel-Razek, est-ce que vous êtes disponible demain ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, Me Petrusic, vous pouvez
4 continuer.
5 Monsieur Abdel-Razek, Me Petrusic se trouve à votre gauche, et il fait
6 partie de l'équipe de la Défense de M. Mladic.
7 Mais avant cela, Maître Petrusic, pouvez-vous nous dire de combien de temps
8 vous allez avoir besoin pour votre contre-interrogatoire ?
9 M. PETRUSIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vais répondre
10 à cette question. Mais j'aimerais savoir si demain nous allons travailler
11 de la même façon, à savoir jusqu'à 12 heures 30. Je vous demande cela
12 puisque j'adopterais mon contre-interrogatoire à cela pour pouvoir
13 permettre à l'Accusation de poser des questions supplémentaires demain.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrusic, merci. Vous pouvez
15 poursuivre.
16 Contre-interrogatoire par M. Petrusic :
17 Q. [interprétation] Monsieur le Général, pouvez-vous nous dire brièvement,
18 pour ce qui est des informations que vous avez obtenues dans votre pays, de
19 l'ambassadeur de l'ancienne Yougoslavie à l'époque, vous étaient utiles ou
20 étaient véridiques par rapport à la situation que vous avez vue lorsque
21 vous êtes arrivé à Sarajevo ?
22 R. Par rapport à cette question, à l'époque je n'étais pas en Egypte.
23 J'étais en Angola, et j'étais en charge des missions d'observateurs. Et
24 pendant que j'étais en Angola, j'avais beaucoup de contacts, y compris les
25 contacts avec l'ambassadeur de la Serbie en Angola, et j'ai voulu savoir
26 quelle était la situation, j'ai voulu qu'il me dise cela, qu'il me dise des
27 choses concernant le contexte politique. Nous avions des réunions
28 régulières dans les locaux de son ambassade ou de l'ambassade de l'Egypte
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1 en Angola, et nous discutions de ces choses-là après. Sur la base de ces
2 discussions ou sur la base des rapports de médias, ainsi que sur la base de
3 ce que j'ai reçu de M. Goulding et de M. Annan, j'ai réussi à rassembler
4 les informations concernant la situation sur le terrain.
5 Q. Mon Général, j'aimerais qu'on parle d'abord des paragraphes 1838 et
6 106. Et dans ces paragraphes, il s'agit de vos efforts concernant la
7 résolution des questions humanitaires concernant l'approvisionnement de la
8 ville en électricité et en eau, et en gaz également. Et dans ce contexte,
9 j'aimerais vous poser la question suivante : saviez-vous que même avant
10 votre arrivée à Sarajevo, il y avait des problèmes concernant ces questions
11 humanitaires dans la région de Sarajevo ?
12 R. En arrivant à Sarajevo, les problèmes existaient déjà, j'ai pu le
13 constater, mais ils n'existaient pas partout dans la ville. Dans certaines
14 régions, il y avait de l'eau, de l'électricité. Cependant, à cause des
15 pilonnages violents, la situation a commencé à se détériorer. L'hiver
16 s'approchait, il allait faire froid, et ceci a aggravé les problèmes, et
17 c'est pour cela que l'on a débattu de la question à tous les niveaux. Ceci
18 étant dit, ces problèmes existaient avant mon arrivée.
19 Q. Est-ce que vous avez pu apprendre, au gré de ces conversations, que le
20 réseau de transmission de l'électricité, aussi bien au niveau de la
21 Republika Srpska qu'au niveau de Sarajevo, se trouvait principalement sur
22 le territoire contrôlé par l'armée de la Republika Srpska ?
23 R. Il s'agissait ici d'une question technique. J'ai demandé à M. Ganic et
24 à Mme Plavsic de nommer des experts qui allaient travailler avec les
25 experts des Nations Unies - il s'agit des professionnels, des ingénieurs -
26 pour essayer de résoudre ce problème, qu'il s'agissait des problèmes
27 concernant la région entre Sarajevo et Ilidza.
28 Je me souviens de cet endroit, de cette région. Ils nous disaient que
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1 les lignes de haute tension pourraient être réparées, et qu'on allait
2 pouvoir restaurer l'adduction en eau, même l'électricité, et cetera.
3 Et moi, j'ai demandé qu'un groupe technique de travail soit créé, et
4 ce groupe de travail a travaillé avec beaucoup de succès. A l'époque où
5 j'ai été le commandant du secteur, plusieurs parties m'ont remercié pour
6 avoir réussi à rétablir l'électricité, l'eau. Mais à chaque fois que le
7 conflit éclatait à nouveau, toutes nos solutions, toutes nos solutions
8 devenaient caduques.
9 M. PETRUSIC : [interprétation] Par rapport à cela, je vais demander le
10 document 1D330. Il s'agit de la page 3 en B/C/S, et page 2 en anglais.
11 Q. Et je vais vous demander d'examiner le paragraphe 4 en anglais, où on
12 dit : "Il faut réparer les transmissions portables." Avez-vous vu cela ?
13 C'est le troisième paragraphe en partant d'en bas sur cette page-là. Mon
14 Général, avez-vous retrouvé ce paragraphe ?
15 R. Non, pas encore. Quatrième page, vous dites ?
16 Q. C'est le troisième paragraphe en partant d'en bas qui commence par :
17 "Que l'on répare les installations de relais."
18 R. Oui, je l'ai trouvé.
19 Q. Donc ici, c'est le transcript de la session de travail du gouvernement
20 de la Republika Srpska, et cette session a eu lieu immédiatement avant
21 votre arrivée. Peut-on arriver à la conclusion qu'avant votre arrivée, le
22 gouvernement de la Republika Srpska, le problème d'approvisionnement en
23 électricité était posé au niveau le plus élevé ? Le gouvernement en a
24 débattu. Cela prouve à quel point ils ont pris au sérieux le problème. Est-
25 ce que vous êtes d'accord avec cela ?
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Petrusic, est-ce que vous
27 souhaitez que le témoin vous fasse part de la conclusion à laquelle il
28 arrive en examinant ce document, puis nous ne savons pas si le témoin
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1 possède des connaissances personnelles à ce sujet. Si vous souhaitez
2 attirer l'attention des Juges là-dessus, eh bien, ceci peut être fait
3 autrement. Vous pouvez verser ce document tout simplement. Mais si vous
4 demandez au témoin de lire quelque chose, alors qu'il n'a aucune
5 connaissance là-dessus, qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse ? Qu'il
6 confirme que ce qui est écrit dans le document, que c'est écrit dans le
7 document ? Si c'est cela que vous demandez, eh bien, cela pose problème.
8 Monsieur Vanderpuye, est-ce que vous avez une objection quant à la
9 possibilité de verser ce document au dossier ? Parce qu'on voit dans ce
10 document qu'à une certaine date, à un certain niveau, on a parlé de
11 certaines questions.
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Non. Je suis d'accord avec ce que dit M.
13 Petrusic au sujet de ce document.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il s'agit d'un compte rendu. Donc,
15 si le témoin sait quelque chose à ce sujet, vous pouvez lui poser la
16 question. Mais s'il n'a pas de connaissance à ce sujet, vu qu'il n'a pas
17 d'objection, nous pouvons examiner ce qui a été dit dans ce document. Il
18 s'agit d'un compte rendu d'audience du 8 août 1992, le compte rendu de la
19 session de travail du gouvernement de la Republika Srpska de la Bosnie-
20 Herzégovine.
21 M. PETRUSIC : [interprétation] Bien. Moi, j'ai voulu montrer au général le
22 document. Ce document montre clairement que l'intention du gouvernement des
23 Serbes de Bosnie de résoudre le problème existait même avant que le général
24 ne s'attelle à la résolution de ce problème.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous êtes en train de déposer et
26 vous parlez des intentions des autres. Ce qui ressort de ce document est
27 que cette question a fait l'objet d'un débat. Mais vous devriez, tout
28 simplement, demander au témoin s'il est au courant de cela, s'il a des
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1 informations à ce sujet. Parce que si vous lui demandez de lire le document
2 et de tirer ses conclusions, mais ce n'est pas au témoin de parler des
3 intentions des uns ou des autres. Vous devez poser une question au témoin.
4 M. PETRUSIC : [interprétation] Oui.
5 Q. Mon Général, est-ce que vous avez des connaissances quelconques au
6 sujet des activités entreprises par le gouvernement de la Republika Srpska
7 pour résoudre le problème du manque de l'électricité ?
8 R. Monsieur, je suis en mesure de confirmer ce qui suit : à l'occasion de
9 toutes les réunions que j'ai pu avoir Mme Plavsic, M. Karadzic, qu'il
10 s'agisse de réunions qui ont eu lieu uniquement avec moi ou en présence de
11 MM. Morillon, Goulding, ou Owen, eh bien, à l'occasion de toutes ces
12 réunions, nous entendions des éléments positifs. Moi, je me souviens très
13 bien que M. Karadzic disait que c'était bien sa ville, sa ville à lui, et
14 qu'il voulait que sa ville soit bien approvisionnée en électricité et en
15 eau. Mais de l'autre côté on s'est rendu compte de ceci; par exemple, il
16 voulait réparer les lignes téléphoniques, mais tout cela, vous savez, il
17 fallait le prendre avec un grain de sel. Vous aviez leurs intentions, qui
18 étaient de bonnes intentions. Mais des deux côtés, vous aviez le pouvoir
19 d'exercer le contrôle sur certains services communaux, et c'est évident que
20 cette question a été au cœur de leur conflit. Donc, ils avaient de bonnes
21 intentions, mais ce qui importait c'étaient les actes, car les gens qui
22 habitaient dans la ville souffraient à cause du manque d'eau,
23 d'électricité, et cetera, la FORPRONU y compris.
24 Donc, c'est vrai, pour répondre à votre question, l'intention était
25 là, ils nous ont fourni les techniciens, des professionnels. J'ai organisé
26 une réunion au niveau de l'aéroport, j'ai assisté à une réunion, et ils ont
27 fait quelque chose, mais en même temps les militaires ont continué à tirer,
28 y compris sur les techniciens, et surtout du côté serbe. Le feu venait
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1 surtout du côté serbe. C'est une information que j'ai reçue et qui vient
2 d'un rapport des observateurs de l'ONU et aussi des rapports de cette
3 commission technique. Il y avait des Français là-dedans. Et ils ont bien
4 confirmé qu'on leur a tiré dessus. Donc, oui, effectivement, cela entravait
5 nos facultés d'action, d'intervention, même si de temps en temps nous avons
6 réussi à rétablir l'eau et l'électricité.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris, est-
8 ce que vous vouliez demander au témoin s'il était au courant des efforts
9 fournis par le gouvernement pour résoudre ce problème avant même son
10 arrivée sur le terrain ? Est-ce que c'est cela que vous vouliez lui
11 demander ? Parce qu'à votre place, j'aurais interrompu le témoin parce
12 qu'il n'était pas en train de répondre à la question posée. Il vous parlait
13 de ses expériences personnelles au lieu de parler de ce qu'il savait ou ne
14 savait pas.
15 Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez si les autorités ont essayé de
16 faire quoi que ce soit avant votre arrivée ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que le problème était très complexe.
18 C'est un problème très complexe --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez si le gouvernement
20 a essayé de résoudre ce problème avant votre arrivée ? Est-ce que vous
21 savez quoi que ce soit à ce sujet ? Est-ce qu'il y a eu des discussions
22 dans ce sens ? Est-ce que quoi que ce soit a été fait ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, en arrivant, j'ai pu constater que
24 le problème était là, et j'ai appris qu'il y a eu des efforts, des
25 tentatives, des deux côtés pour essayer de réparer les lignes électriques,
26 les lignes de haute tension, les tuyaux d'adduction d'eau. Mais à cause des
27 violences, toutes ces tentatives ont échoué. Donc, il y a eu des
28 tentatives. Moi, j'ai pris cela comme un point de départ pour établir une
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1 commission d'experts, un groupe de travail composé de gens d'origines
2 différentes, qui allait donc continuer à œuvrer dans ce sens.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, vous n'avez pas de
4 connaissance personnelle. Vous avez tout simplement entendu parler de cela.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous pouvez poursuivre, Monsieur
7 Petrusic.
8 M. PETRUSIC : [interprétation]
9 Q. Eh bien, nous allons passer à un sujet complètement différent, Mon
10 Général, à présent. Vous êtes arrivé à Sarajevo le 21 août. Dans les
11 premiers jours après votre arrivée, est-ce que vous avez été informé de la
12 situation qui prévalait au niveau des différentes unités militaires qui
13 existaient dans la région de Sarajevo, il s'agit là principalement des
14 unités contrôlées par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Excusez-moi, je n'ai pas très bien compris la question.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous répéter la question.
17 M. PETRUSIC : [interprétation]
18 Q. Mon Général, en arrivant à Sarajevo, est-ce que qui que ce soit vous a
19 informé de la composition des unités ou des unités déployées dans la région
20 de Sarajevo et qui relevaient de la compétence et de la responsabilité du
21 gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?
22 R. Quand je suis arrivé à Zagreb, j'ai assisté à une réunion d'information
23 organisée par le général Nambiar. On a examiné la carte, on a parlé de la
24 situation sur le terrain et on a parlé aussi du rapport des forces, des
25 forces qui se trouvaient dans le secteur de Sarajevo. On en a parlé. Moi,
26 j'ai eu suffisamment de temps pour m'informer de la situation alors que
27 j'étais encore à Zagreb. Ensuite, en arrivant sur le terrain, j'y suis
28 arrivé dans la soirée, eh bien, j'ai demandé qu'une réunion d'information
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1 se tienne pour discuter de la situation dans le secteur. Nous avons discuté
2 pendant deux heures à peu près pour déterminer où se trouvent les forces
3 bosniennes, où se trouvent les forces serbes, où se trouvent les positions
4 de l'ONU, leurs observateurs, et cetera, quels sont les objectifs les plus
5 importants dans le secteur, où se trouvent les problèmes les plus
6 importants, les plus brûlants. C'est parfaitement normal qu'un commandant
7 soit informé de la situation avant de prendre ses fonctions. Donc,
8 effectivement, j'étais informé de la situation. Je disposais d'une carte,
9 je l'ai utilisée souvent, je l'ai étudiée souvent pour bien connaître le
10 déploiement des différentes forces. Et puis aussi, j'ai suivi le mouvement
11 de tous les véhicules, surtout les véhicules de l'ONU à l'intérieur du
12 secteur.
13 Q. Est-ce que le commandement du 1er Corps de l'ABiH était basé à Sarajevo
14 ?
15 R. Je ne m'en souviens pas. Mais je me rappelle du quartier général du 1er
16 commandement -- du commandement du 1er Corps. J'ai eu une réunion avec le
17 commandant là-bas, mais je ne me rappelle pas où cela se trouvait.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, premièrement, vous confirmez que
19 le commandement ou le quartier général était à Sarajevo.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous ne savez pas où cela se
22 trouvait exactement.
23 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était un peu ambiguë. Parce
25 que dans la question vous semblez vous limiter à cette possibilité, à
26 savoir que le commandement se soit trouvé à Sarajevo, et vous demandez au
27 témoin de confirmer.
28 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Question suivante, s'il vous plaît.
2 M. PETRUSIC : [interprétation]
3 Q. Est-ce que vous connaissiez le déploiement de cette unité dans le
4 secteur de Sarajevo sous le commandement du gouvernement de Bosnie-
5 Herzégovine ?
6 R. Oui. Mais c'était du point de vue des Nations Unies. Par exemple,
7 lorsque d'un côté vous voyez qu'il y a un bataillon dans un secteur ou que
8 l'on vous dit nous avons là un bataillon; d'un autre côté, si vous
9 souhaitiez avoir un peu plus de détails, vous n'y aviez pas accès. Nous
10 n'avions pas davantage de détails parce que nous n'étions pas sur la ligne
11 de front. Mais nous pouvions confirmer qu'à un endroit se trouvaient les
12 forces d'une partie et qu'à un autre se trouvaient les forces d'une autre
13 partie. Cependant, nous n'avions pas connaissance de façon précise de la
14 position de chaque unité, parce que nous n'avions suffisamment de
15 personnel.
16 Q. Est-ce que dans la ville même il y avait une unité militaire déployée ?
17 Est-ce que vous avez eu l'occasion d'observer la présence d'une telle unité
18 militaire dans la ville ?
19 R. A l'intérieur de la ville, et notamment dans le secteur où j'étais
20 actif, il y avait des postes militaires ou des postes de contrôle. Nous
21 étions en mesure de déterminer, par exemple, qu'il s'agissait d'un poste
22 militaire où les hommes étaient munis d'armes légères, ou alors il y avait,
23 par exemple, un véhicule blindé. Et nous les voyions circuler à l'intérieur
24 de la ville, mais il ne s'agissait pas, en fait, de positions militaires au
25 sens strict, d'un point de vue militaire strictement. Je n'ai pas vu
26 d'effectif militaire ni d'armement. Il y avait des forces à l'intérieur de
27 la ville, mais l'essentiel des effectifs étaient déployés à l'extérieur de
28 cette dernière. Et nous étions, par exemple, en mesure de suivre les
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1 bombardements opérés par l'une ou l'autre des parties.
2 Q. Est-ce que les unités armées commandées par le gouvernement de Bosnie-
3 Herzégovine, et qui étaient déployées sur le pourtour de la ville,
4 contrôlaient également un certain nombre de positions dominantes qui se
5 trouvaient en hauteur autour de la ville de Sarajevo ?
6 R. Ce que je peux confirmer, c'est la chose suivante : ils avaient des
7 mortiers, et j'ai vigoureusement objecté à cela lorsque je me suis
8 entretenu avec M. Ganic et le colonel Siber. Il était le représentant
9 militaire du gouvernement. Je lui ai dit que l'on s'approchait trop du
10 bâtiment des PTT, du bâtiment du commandement, avec des tirs à partir de
11 cette position, et ensuite ils sont partis.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] La situation c'était celle-là, mais il n'y
14 avait pas d'artillerie lourde ou de chars à l'intérieur de la ville.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Abdel-Razek, je vous prie de
16 bien vouloir vous concentrer en répondant sur la question qui est posée. La
17 question posée était celle de savoir s'il y avait des soldats de l'armée du
18 gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui tenaient des positions élevées
19 autour de la ville. C'était la question.
20 Vous nous en avez dit beaucoup, mais pour moi, la question de savoir s'il y
21 avait ou non de telles positions élevées n'est toujours pas claire. Est-ce
22 que vous pourriez y répondre.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je sais qu'il y avait des forces
24 déployées autour de la ville et qu'il y avait des forces des deux parties.
25 Concernant les forces de la présidence, il y avait des effectifs à
26 l'intérieur de la ville et également sur le pourtour de la ville. Cela, je
27 le sais très bien. Cependant, ils n'avaient pas d'armes lourdes. Mais ils
28 avaient de nombreuses armes. Cela, je peux le confirmer.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quant aux forces de la présidence, est-
2 ce qu'elles tenaient également des positions élevées autour de la ville ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas de positions élevées. Pas dans les
4 montagnes, qui étaient dominées par les forces serbes.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître, je surveille
6 également l'heure.
7 Monsieur Abdel-Razek, vous en avez terminé pour aujourd'hui. Nous
8 souhaitons vous revoir demain matin à 9 heures 30. Et je vous donne pour
9 instruction de ne parler à quiconque de votre déposition, qu'il s'agisse de
10 celle d'aujourd'hui ou celle que vous vous apprêtez à donner demain.
11 Vous pouvez dès maintenant suivre M. l'Huissier.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
13 [Le témoin quitte la barre]
14 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant. Oui, Maître.
16 M. PETRUSIC : [interprétation] Je vais m'efforcer de poser des questions
17 auxquelles le témoin sera en mesure de répondre très rapidement pendant la
18 journée d'audience de demain. Cependant, si le cours du contre-
19 interrogatoire continue à être celui qu'il a été aujourd'hui, je ne suis
20 pas sûr que j'y arriverai.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, c'est à vous qu'il appartient de
22 remettre le témoin sur la voie. Je l'ai fait à plusieurs reprises après que
23 le témoin continuait de répondre avec une réponse qui s'étendait déjà sur
24 20 ou 30 lignes de compte rendu. Alors, c'est quelque chose que vous pouvez
25 faire de deux façons. Vous pouvez poser des questions claires, concrètes,
26 portant sur les faits. Ou bien, si le témoin s'égare et s'éloigne de la
27 direction que vous voulez lui indiquer, vous pouvez essayer de le remettre
28 sur la voie. Bien entendu, si vous le faites vous-même, vous serez en
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1 mesure d'obtenir ce que vous avez prévu pour demain.
2 Alors, nous allons lever l'audience -- Monsieur Groome.
3 M. GROOME : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président.
4 Puisque la limitation de temps que nécessite le témoin correspond à peu
5 près aux limitations qui sont propres à l'interprétation lorsqu'elle est
6 faite dans les deux sens, je suggère que demain nous poursuivions peut-être
7 avec un mode de fonctionnement qui permettrait une meilleure compréhension
8 des questions. Parce qu'il me semble que le témoin écoute l'interprétation
9 anglaise de ses propres propos, et peut-être que nous pourrions aller plus
10 vite.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, c'est quelque chose que nous
12 pouvons considérer. Mais à ce que je sais, je ne suis pas au courant de
13 contraintes qui seraient les mêmes pour le témoin que celles qui
14 s'appliquent aux interprètes. Peut-être que cela accélèrera un peu les
15 choses. Mais en tout cas, pour le moment, Maître, je n'ai pas encore
16 consigné au compte rendu que vous avez raison de supposer que le témoin
17 pourra rester à l'audience jusqu'à 12 heures 30. Et si le témoin suivant
18 pouvait être prêt juste après, cela nous permettrait de gagner du temps.
19 M. GROOME : [interprétation] Nous n'avons pas d'information à ce sujet,
20 Monsieur le Président. En tout cas, nous n'avons pas d'information
21 indiquant que le témoin suivant ne serait pas disponible. Donc,
22 l'Accusation est prête si la Défense l'est aussi, et je crois qu'elle
23 l'est.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, j'aurais préféré que le témoin
25 suivant démarre dès aujourd'hui, mais cela n'est pas possible.
26 Nous levons donc l'audience pour reprendre demain, vendredi, 5
27 octobre à 9 heures 30 en salle d'audience numéro I.
28 --- L'audience est levée à 12 heures 32 et reprendra le vendredi, 5 octobre
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1 2012, à 9 heures 30.
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