Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 16 janvier 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 34.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire et dans les pièces adjacentes.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

  9   le Juge. Affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   Avant de commencer avec l'audition du témoin, M. le Juge Fluegge est absent

 12   aujourd'hui pour deux raisons, d'un côté pour des raisons personnelles, et

 13   d'autre part pour des raisons liées à ses obligations officielles relatives

 14   au Tribunal, il sera absent pendant peu de temps. Le Juge Moloto et moi-

 15   même avons estimé qu'il était dans l'intérêt de la justice de continuer

 16   aujourd'hui en son absence. Et nous allons, par conséquent, tenir notre

 17   audience en application de l'article 15 bis.

 18   J'ai été informé du fait qu'aucune question préliminaire ne devait être

 19   abordée et j'indique, par conséquent, que le témoin peut être introduit

 20   dans le prétoire. Entre-temps, je tiens à préciser la chose suivante : le

 21   28 décembre de l'année dernière, l'Accusation a déposé sa requête

 22   confidentielle en application de l'article 92 ter concernant le Témoin

 23   RM157. La Défense a demandé le 11 janvier dernier une prorogation du délai

 24   de sept jours afin de répondre à cette requête qui était particulièrement

 25   volumineuse, elle comportait 215 pages. Et le témoin est prévu dans la

 26   semaine du 28 janvier. Nous faisons droit à cette requête.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Selmanovic. M'entendez-


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  1   vous dans une langue que vous comprenez ?

  2   Je continue de parler pour que l'on puisse tester le système.

  3   Mme L'HUISSIÈRE : [interprétation] Je vous entends parfaitement bien.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Selmanovic, est-ce que vous

  5   m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Selmanovic, je tiens à vous

  8   rappeler que la déclaration solennelle que vous avez prononcée avant de

  9   commencer votre déposition s'applique toujours.

 10   LE TÉMOIN : MUNIRA SELMANOVIC [Reprise]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre là où nous nous

 13   sommes interrompus. Monsieur Traldi, il me semble que la dernière chose

 14   dont nous avons parlé était le fait d'ajouter le document 28614 de la liste

 15   65 ter. Et je pense que nous avons réglé la question du document 28613.

 16   Monsieur Stojanovic, vous alliez nous dire si vous continuiez de vous

 17   opposer à l'ajout de ce document.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Nous n'allons pas opposer d'objection

 19   puisque nous allons nous servir de ce document nous aussi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 21   Vous vouliez ajouter ce document et vous vouliez en demander le versement,

 22   Monsieur Traldi, n'est-ce pas ?

 23   M. TRALDI : [interprétation] Oui, tout à fait, et je réitère ma demande en

 24   ce moment.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Monsieur le Greffier, le

 26   document 28614.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Devient la cote P726.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est versé au dossier.


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  1   Monsieur Traldi, veuillez continuer.

  2   Interrogatoire principal par M. Traldi : [Suite]

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Est-ce que vous vous souvenez, lorsque nous nous sommes interrompus

  6   lundi, nous étions en train de parler d'une liste de noms que vous et Mme

  7   Muniba Colic avez dressée ?

  8   R.  Oui, je m'en souviens.

  9   Q.  Une question de plus au sujet de cette liste pour que le compte rendu

 10   soit clair. Est-ce que vous avez composé cette liste ensemble avant de

 11   rencontrer le bureau du Procureur ou était-ce 

 12   après ?

 13   R.  C'était avant.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande l'affichage

 15   du document 19610 de la liste 65 ter. C'est un document qui n'a pas besoin

 16   d'être davantage identifié. Il vient du tribunal cantonal de Sarajevo et il

 17   porte la date du mois de septembre 2000.

 18   Q.  Madame, il est question de ce document au paragraphe 23 de la pièce

 19   P717, page 7 des versions anglaises et B/C/S. Vous y parlez de l'exhumation

 20   d'une fosse commune à Ivan Polje. Est-ce que vous étiez présente pendant

 21   cette exhumation ?

 22   R.  Oui, j'ai été présente pendant trois jours. Pendant deux jours ils ont

 23   essayé de le faire, mais cela n'a pas eu lieu, et finalement, le troisième

 24   jour, vers la fin de la journée, ça a eu lieu. Ils ont trouvé des restes.

 25   On nous a invités à nous approcher. Je me suis approchée, et on m'a demandé

 26   : Madame, quels étaient les vêtements que portaient votre enfant ? C'était

 27   un tee-shirt noir, rouge et blanc, et puis il avait un jean et il avait une

 28   chaîne. Et puis, ils ont pris un sac et ils ont dit que personne n'avait le


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  1   droit de toucher quoi que ce soit. Ils ont dit qu'ils allaient tout me

  2   remettre, et ils m'ont présenté les objets un par un. J'ai reconnu les

  3   vêtements, et ils me disaient : Mais là, il y a une balle. Et puis, ils

  4   m'ont dit : Voilà, tout est déchiré au dos. Votre fils a été touché à la

  5   tête et à la poitrine. Voilà, c'est tout. Je n'ai pas à ajouter quoi que ce

  6   soit. Et j'affirme que c'était vraiment comme ça que cela s'est passé.

  7   Q.  Madame, en bas de la page 2 en anglais, une description est faite du

  8   site de la fosse commune. Je vais vous donner lecture de quelques petits

  9   extraits. Vous allez nous dire si cela correspond bien à ce que vous avez

 10   vu ce jour-là. Donc le rapport nous dit la chose suivante, il nous dit :

 11   "Il y avait des détritus partout.

 12   "Une partie d'une forme allongée et arrondie pouvait être distinguée au

 13   milieu des corps."

 14   Ils arrivent à la conclusion que :

 15   "C'étaient des restes d'une mosquée détruite qui se trouvait là."

 16   Et cela se situe à Ivan Polje. Est-ce que cela décrit bien la scène ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir l'extrait que

 18   vous avez lu ?

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous n'arrivons pas à le voir.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que le texte en B/C/S est

 21   le même.

 22   M. TRALDI : [interprétation] En B/C/S, c'est en bas de la page 2 que

 23   commence le texte et puis il continue en page 3.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   M. TRALDI : [interprétation]

 26   Q.  Je vous repose ma question pour le compte rendu d'audience. Est-ce que

 27   cela décrit bien la scène que vous avez vue ce jour-là ?

 28   R.  Oui. C'était une vallée, et il y avait là plein de déchets. Et il y


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  1   avait des parties de notre mosquée. Beaucoup de temps s'est passé, on n'a

  2   rien appris sur eux, et puis on a laissé tomber. Mais comme ce sont nos

  3   enfants, c'était mon fils, c'était mon mari, donc on a déclaré leur absence

  4   à la commission chargée de rechercher des personnes disparues, et puis on a

  5   essayé. Et puis, à chaque fois qu'on allait à Sokolac, on est toujours

  6   allés dans cette vallée; ce n'était pas loin de la route principale. Oui,

  7   c'est vrai. C'était comme ça.

  8   Q.  Madame, j'ai trois questions très précises à vous poser au sujet de

  9   cette exhumation. Premièrement, les noms de ces personnes qui figurent dans

 10   le rapport d'exhumation, est-ce que ces noms vous ont été lus avant que

 11   vous ne veniez déposer ici ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce que vous avez reconnu ces noms comme correspondant aux noms de

 14   personnes que vous avez vues pour la dernière fois le 22 septembre 1992 ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Le rapport mentionne Osman Sestic. Est-ce que vous pensez qu'il

 17   s'appelle Osman Sestic comme cela figure dans la déclaration que vous nous

 18   avez fournie ?

 19   R.  Osman Sejtic [phon] et Osman Selmanovic. Il y a deux hommes sur

 20   lesquels vous pouvez m'interroger.

 21   Q.  Je vois. Merci, Madame, je pense que vous avez répondu.

 22   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je

 23   demande que l'on verse au dossier le document 19610 de la liste 65 ter en

 24   tant que document public.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P727.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P727 est versée au dossier.

 28   M. TRALDI : [interprétation]


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  1   Q.  Et enfin, Madame, je voudrais que l'on parle de ce qui s'est passé à

  2   Metaljka le 22 septembre 1992. Milenko Koprivica est un soldat que vous

  3   avez mentionné lundi. Les gens de Novoseoci le connaissaient-ils ?

  4   Connaissaient-ils sa famille ?

  5   R.  Milan, je n'ai pas compris son nom de famille. Comment l'avez-vous dit

  6   ?

  7   Q.  Milenko Koprivica. Excusez ma prononciation.

  8   R.  Milenko Koprivica -- Nikola Koprivica.

  9   Q.  Et parmi les gens de Novoseoci, y en avait-il qui le connaissaient ou

 10   qui connaissaient sa famille ?

 11   R.  On ne connaissait pas sa famille, mais avec Namira Ocuz -- en fait, je

 12   l'ai connu par elle, parce que leurs enfants allaient ensemble à l'école.

 13   Elle a mentionné Milenko Koprivica. Et elle lui a demandé quelque chose,

 14   d'aider pour son enfant qui n'avait que 15 ans. Elle lui a demandé d'aller

 15   le chercher.

 16   Q.  Son enfant, c'était Damir, qui avait 15 ans, il est mentionné dans

 17   votre déclaration ?

 18   R.  Oui, Damir.

 19   Q.  Et votre fils, il avait quel âge à l'époque ?

 20   R.  Il avait fêté son 18e anniversaire.

 21   Q.  Et est-ce que vous lui avez également demandé de laisser votre fils

 22   rester avec vous ?

 23   R.  J'ai demandé cela, mais je n'ai pas réussi à l'obtenir.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire par vos propres mots ce qui s'est passé

 25   ?

 26   R.  On était tous à Metaljka. Quand on nous a dit qu'on allait partir en

 27   autocar pour Sarajevo, ils nous ont dit qu'ils allaient nous prendre. Moi,

 28   je me suis rapprochée de mon enfant pour le prendre avec moi. Ils ont dit :


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  1   Non, Madame. Vous, vous allez à Sarajevo, et votre mari et vos enfants et

  2   tous les autres, ils restent pour travailler.

  3   Q.  Madame Selmanovic, au paragraphe 20 de la pièce P717, vous dites qu'à

  4   partir du moment où vous êtes montée à bord de l'autocar, ils vous ont

  5   emmenée à Hresa, et puis vous avez marché à Sarajevo. Alors, votre père, il

  6   était à bord de cet autocar également. Pouvait-il marcher, lui, également

  7   jusqu'à Sarajevo ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Et comment est-il arrivé à Sarajevo, alors ?

 10   R.  Non, il ne pouvait pas marcher et on l'avait battu. Et en plus, il

 11   était handicapé, donc on l'a porté pour le faire descendre de l'autocar.

 12   Moi-même et une autre femme qui m'a aidée, on l'a apporté, puis au bout

 13   d'un moment on ne pouvait plus. Donc, une voisine m'a donnée une

 14   couverture, je l'ai enveloppé de cette couverture. Et puis, il y avait des

 15   gens qui nous ont suivis. Ils avaient un bout de moquette sur laquelle on a

 16   pu le placer. Et puis, on descendait de Hresa, et on nous a dit, les

 17   villageois nous disaient : Vous ne pouvez pas le laisser là, et on nous a

 18   dit : Il faut laisser personne, et là vous allez arriver sur des

 19   barricades. Et on a traversé. En fait, il n'y avait que des épines, des

 20   buissons au milieu de la route. Il y a eu des tirs, puis les gens ont

 21   commencé à fuir. Et cette voisine, elle est restée toute seule, et elle m'a

 22   dit : Mais je ne vais pas t'abandonner, toi et ton père. Je lui ai dit :

 23   Ecoute, toi, t'as trois enfants, vas-y. Et moi et mon père, on verra bien

 24   ce qui adviendra de nous. Puis il y a eu des tirs. J'étais au milieu, au

 25   plein milieu de la route. Je ne pouvais pas quitter ces endroits. Puis deux

 26   soldats sont arrivés, ils ont pris mon père, ils l'ont placé dans les haies

 27   en disant : C'est là que vous allez attendre. Donc, je suis restée pendant

 28   quelque temps, et deux autres soldats sont arrivés. Ils nous ont fait


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  1   entrer dans une maison.

  2   Ils ont transporté mon père à l'intérieur, et j'ai vu qu'il y avait des

  3   femmes à nous et avec des enfants en bas âge, puis une voiture est venue

  4   chercher mon père.

  5   Q.  Madame, une toute dernière question très concrète, Madame Selmanovic.

  6   Votre père, est-ce qu'il a résidé par la suite à Sarajevo jusqu'à la fin de

  7   la guerre ?

  8   R.  Le 12e jour à partir de mon arrivée à Sarajevo en 1992, mon père est

  9   décédé.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec

 11   mon interrogatoire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Traldi.

 13   Maître Stojanovic, est-ce que vous êtes prêt ? Pouvez-vous commencer à

 14   contre-interroger le témoin ?

 15   Madame Selmanovic, c'est Me Stojanovic qui va vous contre-interroger. Il

 16   défend M. Mladic.

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Contre-interrogatoire par M. Stojanovic :

 19   Q.  [interprétation] Madame Selmanovic, je n'ai que quelques questions pour

 20   vous, et avant de commencer, au nom de toute l'équipe de la Défense, je

 21   tiens à vous faire part de nos profondes condoléances pour les pertes que

 22   vous avez subies. Je vous invite à examiner le document que nous avons vu à

 23   l'instant, P726, Monsieur le Président. Et vous allez voir, Madame, une

 24   liste. Il s'agit de la liste dont nous avons parlé il y a quelques

 25   instants.

 26   Après l'exhumation de l'an 2000, combien de temps s'est-il passé avant que

 27   l'on ne dresse cette liste ? Ou plus précisément, à quel moment est-ce que

 28   vous avez fait cette liste avec votre ami ?


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  1   R.  Je pense que vous avez aussi la liste précédente, mais je n'arrivais

  2   pas à me rappeler les noms de Pasic, Celo; et de Colic, Hasib; de Catic,

  3   Adem; et de Hodzic, Ismet. Ces quatre, je n'arrivais pas à me rappeler

  4   leurs noms.

  5   Q.  Mais vous êtes bien d'accord avec moi pour dire qu'après l'exhumation,

  6   à un moment donné vous avez fourni une autre liste au Procureur, et tous

  7   les noms que l'on voit ici ne figuraient pas ?

  8   R.  Oui, c'est vrai, c'est exact.

  9   Q.  Et cette liste-ci, vous l'avez dressée juste avant de venir déposer ici

 10   en l'espèce dans cette affaire-ci ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Je vous demande cela, parce que j'ai besoin que vous nous disiez parmi

 13   ces gens-là, qui ne sont pas de votre village ?

 14   R.  Selmanovic Amir, fils de Memis. Puisque là, nous avons deux Amir. Donc,

 15   celui-là.

 16   Q.  On ne s'est peut-être pas bien compris. Parmi les noms qui figurent

 17   ici, qui ne vivait pas dans le village de Novoseoci avant la guerre en 1992

 18   ?

 19   R.  Parmi ces gens-là, on vivait tous dans le village de Novoseoci. Les

 20   Selmanovic, les Ocuz, les Karic, les Sefkic [phon], les Kabas. Et les

 21   Pasic, c'étaient nos beaux-frères, nos gendres. C'était la famille de nos

 22   maris, et Bajro, lui aussi, Vatres, il vivait avec sa sœur.

 23   Q.  Hadzic [phon], Ismet ?

 24   R.  Hodzic Ismet.

 25   Q.  Est-ce qu'il vivait avec sa famille ?

 26   R.  Avec la famille Karic, avec ses Colic.

 27   Q.  Et eux, où est-ce qu'ils vivaient jusqu'en 1992 ?

 28   R.  A Kovalj, Nezim Colic. Ce sont ses oncles et sa famille.


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  1   Q.  A quelle distance ce village se trouve-t-il de Novoseoci ?

  2   R.  A peu près, peut-être 8 à 10 kilomètres. Je ne sais pas exactement.

  3   C'est vers Rogatica, Kovani [phon].

  4   Q.  Pouvez-vous, s'il vous plaît, dire aux Juges de la Chambre où se trouve

  5   l'endroit où on a exhumé à Ivan Polje ?

  6   R.  C'est à Ivan Polje. Quand on va de chez nous, sur la gauche vers

  7   Hrabro, ce n'est pas loin de la route, peut-être 500 mètres, tout au plus.

  8   Q.  Cet endroit est à quelle distance de Metaljka, de l'endroit où vous

  9   avez été séparée de vos proches ?

 10   R.  A peu près un kilomètre.

 11   Q.  Mis à part le corps de votre époux, sur cette liste, est-ce qu'il y a

 12   d'autres personnes qui n'ont pas été retrouvées dans cette fosse commune ?

 13   R.  Le corps de mon époux a été retrouvé, mais de l'autre côté de cette

 14   fosse, et c'est uniquement l'année dernière qu'il a été retrouvé. Il ne

 15   nous manque qu'Amir Selmanovic encore.

 16   Q.  A ce jour, son corps n'a pas été retrouvé ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Vous ne savez pas non plus quand ces personnes ont été tuées ?

 19   R.  Non, nous ne savons pas quand ces personnes ont été tuées.

 20   Q.  Et vous ne savez pas non plus qui les a tuées ?

 21   R.  Non, je ne sais pas qui les a tuées.

 22   Q.  Les personnes qui sont venues dans votre village et qui, du meilleur de

 23   votre souvenir, vous avez nommées comme étant les personnes s'étant

 24   trouvées là ce jour-là, appartenaient-elles à la police de réserve ou à

 25   l'armée ?

 26   R.  J'ai vu des membres de l'armée. Pour ce qui est de la police, je ne le

 27   sais pas.

 28   Q.  Comment pouvez-vous dire qu'il s'agissait de membres de l'armée ?


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  1   Comment pouvez-vous reconnaître les membres de l'armée ?

  2   R.  Non, moi j'ai vu les membres de l'armée ce jour-là.

  3   Q.  Et qu'est-ce qui vous a permis de conclure qu'il s'agissait de soldats

  4   ?

  5   R.  C'étaient les uniformes vert olive et les uniformes de camouflage qui

  6   m'ont permis de conclure cela.

  7   Q.  Si vous le savez, dites-nous qui est Pajic, Momcilo, si vous l'avez

  8   connu avant la guerre ?

  9   R.  [aucune interprétation]

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  Pajic, Momcilo était géomètre avant la guerre à Sokolac.

 12   Q.  Est-ce qu'à un moment donné il a quitté son poste et il est parti à

 13   Sokolac ?

 14   R.  Lorsqu'il nous a rassemblés sur ce pré, Metaljka, c'est ensuite qu'il

 15   est parti à Sokolac.

 16   Q.  Et combien de temps est-il resté ?

 17   R.  De 20 à 30 minutes, environ.

 18   Q.  Et voici ce que je voudrais vous demander : est-ce que pendant ces 20 à

 19   30 minutes pendant lesquelles vous vous êtes absentée pour aller chercher

 20   votre père, lorsque vous êtes revenue donc avec votre père, l'homme dont

 21   vous avez mentionné le nom tout à l'heure, était-il déjà de retour de

 22   Sokolac ?

 23   R.  Il était déjà de retour. Il avait donné l'ordre pour que les femmes,

 24   les enfants et les personnes invalides aillent à Sarajevo et que toutes les

 25   personnes qui étaient valides pouvaient rester pour effectuer des travaux.

 26   Q.  Combien de temps après cette information les autocars sont-ils arrivés,

 27   les autocars qui vous ont emmenés à Hresa ?

 28   R.  Les autobus sont venus nous chercher environ 20 à 30 minutes ensuite.


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  1   Q.  Et quelle a été la durée du trajet que vous avez fait à pied à

  2   l'endroit où se trouvaient les autocars depuis Metaljka ?

  3   R.  Nous avons marché environ moins de 15 minutes. C'était tout près, mais

  4   je devais également aider mon père et une autre femme a aidé également. Et

  5   plus tard --

  6   L'INTERPRÈTE : Les interprètes notent qu'ils n'ont pas tout à fait saisi.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, les interprètes demandent que

  8   l'on effectue une pause entre les questions et les réponses.

  9   Et, Madame Selmanovic, pourriez-vous ménager une toute petite pause.

 10   Attendez quelques secondes après que Me Stojanovic ait terminé de vous

 11   poser la question avant de répondre. Pourriez-vous répéter, je vous prie,

 12   la dernière partie de votre réponse. Ce que nous voyons ici, au compte

 13   rendu d'audience, c'est ceci :

 14   "Plus tard, mon mari m'a aidée à l'aider dans une brouette pour le

 15   transporter."

 16   Alors, qu'est-ce que vous avez dit par la suite ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai emmené mon père à l'autocar, et ensuite

 18   il m'a aidée à placer mon père à bord de l'autocar.

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 20   Q.  Merci. Qui a dit à votre mari qu'il ne pouvait pas monter à bord de

 21   l'autobus avec vous ?

 22   R.  C'était l'un des soldats. Je ne le connaissais pas, mais c'était un

 23   soldat qui portait un uniforme vert olive.

 24   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que le témoin se rapproche

 25   des micros.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Selmanovic, pourriez-vous vous

 27   rapprocher du microphone, s'il vous plaît.

 28   Veuillez poursuivre, je vous prie.


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  1   M. STOJANOVIC : [interprétation]

  2   Q.  Peut-on continuer, Madame Selmanovic ?

  3   Eh bien, ma question était la suivante : du meilleur de votre souvenir,

  4   s'agissait-il d'autocars civils ?

  5   R.  Je ne me souviens pas de quel type d'autocars il s'agissait. Je ne

  6   pouvais pas vraiment observer dans cette situation dans laquelle je me

  7   trouvais. J'étais en état de choc. Et donc, j'ai emmené mon père, je l'ai

  8   placé sur le plancher de l'autobus. Et je suis entrée et je me suis assise,

  9   et mon père était à côté de moi.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Pourrait-on, je vous prie, afficher P720

 11   dans le prétoire électronique.

 12   Q.  Et avant que ce document ne soit affiché à l'écran, j'aimerais vous

 13   poser la question suivante, Madame Selmanovic : à ce moment-là, votre mari

 14   est-il resté sur la route lorsque vous êtes partie, ou bien est-ce qu'il a

 15   été emmené avant que vous ne partiez ?

 16   R.  Mon mari est resté sur cette route. Ils l'ont expulsé de l'autobus et

 17   il est resté là. Donc la dernière fois que je l'ai vu c'est lorsqu'ils

 18   l'ont expulsé de l'autobus et je ne l'ai plus jamais revu.

 19   Q.  Et devant vous, vous avez l'acte de décès que vous avez remis au bureau

 20   du Procureur. J'aimerais vous demander : sur la base de quoi est-ce qu'en

 21   1999 vous a-t-on remis cet acte de décès pour votre mari ?

 22   R.  J'avais demandé d'obtenir la pension de mon mari, étant donné que mon

 23   mari travaillait.

 24   Q.  Est-ce que vous vous rappelez si on a présenté le cas devant un

 25   tribunal, parce qu'à ce moment-là il y avait une procédure à suivre pour

 26   qu'il puisse être déclaré décédé, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui. Il y avait des procédures qui étaient à suivre. Nous devions

 28   revenir au bureau du registraire pour les décès, et par la suite nous avons


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  1   obtenu les documents qui nous ont permis d'établir que je pouvais faire

  2   partie de cette procédure concernant la pension.

  3   Q.  Nous avons une date dans ce document, nous avons un mois et une année,

  4   ainsi que l'heure du décès, et ce qui a été établi c'était le 22 septembre

  5   1992. Est-ce que vous voyez cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Qui a donné cette information au tribunal quant à cette date ?

  8   R.  C'est moi, avec des témoins.

  9   Q.  Vous avez donc donné ces informations sur la base du fait que c'est ce

 10   jour-là que vous l'avez vu pour la dernière fois, n'est-ce pas, mais vous

 11   ne savez pas s'il a été tué ce jour-là ?

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Stojanovic, sur la version en

 14   anglais de ce certificat, je ne vois pas l'heure. Pourriez-vous, je vous

 15   prie, nous indiquer à quel endroit voit-on l'heure sur ce document ?

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Dans la version B/C/S, Monsieur le Juge,

 17   dans la rubrique qui est indiquée ici, il est indiqué :

 18   "Jour, mois, année et heure du décès."

 19   Je crois qu'en anglais on y voit "heure", alors que dans la rubrique

 20   s'agissant de l'heure du décès, nous n'apercevons pas l'heure du décès,

 21   effectivement, ni en B/C/S ni en anglais.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vois bien la mention "heure",

 23   mais je ne vois pas à quelle heure il est décédé. Vous avez posé une

 24   question au témoin lui demandant : Comment avez-vous pu établir l'heure du

 25   décès aux autorités, comment avez-vous pu donner l'heure du décès aux

 26   autorités ? Mais je ne vois pas d'heure inscrite ici. Est-ce que c'est

 27   mentionné en B/C/S ? Est-ce que vous l'avez en B/C/S ?

 28   M. STOJANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, ni en B/C/S ni en


Page 6829

  1   anglais, mais c'est seulement dans la rubrique dont j'ai donné lecture.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, très bien, mais vous ne

  3   pouvez pas donner suite à cette question parce que l'heure du décès n'a pas

  4   été donnée, n'est-ce pas ?

  5   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, vous avez raison, Monsieur le Juge.

  6   Merci de votre aide et merci de cet éclaircissement.

  7   Q.  Madame Selmanovic, je vous ai demandé si vous vous souveniez que

  8   c'étaient des informations que vous aviez données vous-même sur la base de

  9   la date à laquelle vous l'avez vu pour la dernière fois ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Mais un si grand nombre d'années depuis tellement tragiques, vous ne

 12   savez toujours pas à l'heure actuelle à quel moment il a été tué

 13   exactement, il a trouvé la mort, vous ne le savez pas ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Et vous n'avez pas reçu d'information non plus sur le fait qu'il ait pu

 16   être emmené quelque part pour effectuer des travaux et que par la suite il

 17   ait trouvé la mort ?

 18   R.  Non, je n'ai pas eu d'information là-dessus, je ne sais pas s'il a été

 19   emmené quelque part pour effectuer des travaux, mais je l'ai vu ce jour-là

 20   pour la dernière fois, comme je l'ai mentionné.

 21   Q.  Madame Selmanovic, est-ce que les autorités de Bosnie-Herzégovine, et

 22   tout particulièrement est-ce que le bureau du procureur de Bosnie-

 23   Herzégovine vous a-t-il appelée pour donner une déclaration concernant les

 24   événements et dans le cadre de procédures menées par rapport à cet

 25   événement ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et vous avez mentionné également ces personnes que vous l'avez vu pour

 28   la dernière fois le 22 septembre 1992 dans votre village ?


Page 6830

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Je vous remercie. Je voudrais que l'on examine ensemble un autre

  3   document.

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Et je demanderais, Monsieur le Président,

  5   que l'on affiche P718. Pourrait-on voir la page 2 en B/C/S et en version

  6   anglaise, s'il vous plaît, c'est le dernier paragraphe qui m'intéresse.

  7   Q.  Il s'agit, en l'occurrence, d'un document émanant du commandement de la

  8   2e Brigade de Romanija du 28 juillet 1992. Madame, dans ce rapport qui est

  9   envoyé au commandement du Corps de Sarajevo-Romanija, par la 2e Brigade de

 10   Romanija, on y lit :

 11   "A l'intérieur de ce territoire dans les villages de Micivode, Raktitnica,

 12   Kramer Selo et Novoseoci, il y a un certain nombre d'extrémistes qui, pour

 13   l'instant, sont pacifiques. Ils ne causent pas de problèmes à la population

 14   serbe, mais ils sont tenus sous contrôle."

 15   J'aimerais donc vous demander pour commencer : est-ce que tout près de

 16   votre village --

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   Q.  -- est-ce que les villages suivants, Micivode, Raktitnica et Kramer

 19   Selo se trouvent près de votre village ?

 20   R.  Non, Micivode se trouve en direction de Han Pijesak. Raktitnica n'est

 21   pas très loin de Rogatica. Non, ces villages ne sont pas proches de notre

 22   village. C'étaient les villages serbes, Jelosaljevici [phon], Pavici

 23   [phon], et cetera, qui étaient les plus rapprochés, les villages serbes qui

 24   étaient les plus rapprochés de votre village.

 25   Q.  Est-ce que vous savez si on a effectué la sécurité du village et si on

 26   a monté la garde devant ces villages en 1992 ?

 27   R.  Ce que je peux vous dire, c'est que mon mari et les autres étaient

 28   informés. Ils venaient de Sokolac, et on les a informés qu'il n'y avait


Page 6831

  1   absolument pas de problèmes et qu'ils pouvaient continuer à vivre et à

  2   travailler. Mais je n'ai pas d'autre information.

  3   Q.  Et qui organisait ces gardes villageoises, d'après votre connaissance ?

  4   R.  Les gardes villageoises, je ne sais pas, je ne sais pas si quelqu'un

  5   montait la garde. Mais ils venaient et ils parlaient avec nos hommes, nos

  6   gens, et ils nous disaient qu'il n'était pas nécessaire de quitter le

  7   village et que l'on pouvait vivre librement. Mais je ne suis pas tout à

  8   fait sûre qu'il y ait eu effectivement des gardes villageoises qui

  9   montaient la garde.

 10   Q.  Est-ce que les autorités de Sokolac ou de Rogatica, ont-ils demandé que

 11   les hommes en âge de porter les armes répondent à l'appel ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Est-ce que votre feu mari, en 1992, a-t-il reçu un appel, une

 14   convocation pour reprendre les armes ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Je demanderais que l'on examine ensemble le document qui porte

 17   l'indication 65 ter 06862.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu

 19   d'audience, nous n'avons pas reçu une liste de documents que la Défense

 20   entend employer pour montrer au témoin, mais ce document se trouvait

 21   initialement sur notre liste. Donc, je ne vais pas élever d'objection à ce

 22   que ce document soit utilisé, mais à l'avenir je crois qu'il serait propice

 23   d'avoir une liste.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic.

 25   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne sais pas

 26   s'il s'agit d'une omission, mais j'ai informé l'Accusation que nous

 27   n'allions nous servir que de documents qui se trouvent sur leur liste.

 28   Donc, ce ne sont que de documents qui sont les leurs. Donc, ce document se


Page 6832

  1   trouve également sur la liste de l'Accusation. Et je crois que nous avons

  2   envoyé un courriel à cet égard, mais si ce courriel n'a pas été reçu, je

  3   vous présente mes excuses.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, si les documents se

  5   trouvent sur votre liste, l'objectif d'informer l'Accusation de l'emploi de

  6   certains documents semble être quelque peu superflu.

  7   M. TRALDI : [interprétation] C'est pourquoi je ne vais pas élever

  8   d'objection quant à ceci.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Je n'ai pas reçu la communication que

 11   mentionne Me Stojanovic, mais je suis tout à fait sûr qu'il s'agit d'une

 12   exception.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, apparemment, la Défense n'entend

 14   pas utiliser de documents ne se trouvant pas sur votre liste. Veuillez

 15   poursuivre, s'il vous plaît.

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.

 17   Q.  Nous avons maintenant le document du commandement du Corps de Sarajevo-

 18   Romanija du 27 juillet 1992, et je demanderais que l'on se concentre tout

 19   particulièrement sur le deuxième paragraphe dans lequel on lit, entre

 20   autres :

 21   "Dans le village de Novoseoci, au sud de Sokolac, éloigné de 5 à 6

 22   kilomètres de Glasinacko Polje, on a procédé à une reddition d'armes et de

 23   moyens léthaux aux représentants de la 2e Brigade de Romanija. La remise

 24   d'armes a été effectuée selon l'accord, mais il est estimé que l'ensemble

 25   des armes n'ont pas été rendues."

 26   Alors, j'aimerais vous demander ceci, Madame Selmanovic : est-ce que

 27   vous avez entendu parler du fait qu'il y avait des armes dans votre village

 28   ?


Page 6833

  1   R.  Oui. Je sais qu'ils étaient venus et qu'ils avaient rassemblé les

  2   personnes à un certain endroit et qu'ils ont discuté des armes que les gens

  3   pouvaient remettre. Il y avait certaines personnes qui avaient des armes,

  4   des fusils de chasse. C'est ce que mon mari m'a dit. C'est ceci que je peux

  5   vous dire, que les personnes avaient remises leurs armes. Et pour le reste,

  6   je ne sais pas quoi vous dire.

  7   Q.  Merci.

  8   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que ce

  9   document soit versé au dossier. Il s'agit du document de la Défense qui

 10   porte le numéro 06862 du document 65 ter.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, objections ?

 12   M. TRALDI : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce D130, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D130 sera versée au dossier.

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 17   Q.  Madame Selmanovic, je vais conclure avec la question suivante : après

 18   la guerre et après la mise en œuvre des lois sur les biens, votre maison

 19   vous a été remise ?

 20   R.  Ma maison m'a été rendue, effectivement, mais elle n'est pas en bon

 21   état.

 22   Q.  Est-ce que vous avez possession de votre maison ?

 23   R.  Oui. Ce sont mes enfants. Oui.

 24   Q.  Est-ce que les habitants du village de Novoseoci, sont-ils revenus ?

 25   R.  La population du village de Novoseoci sont en train de demander des

 26   dons. Je ne sais pas si les personnes sont réellement revenues vivre dans

 27   le village. Je ne sais pas s'ils essayaient d'obtenir des dons par la

 28   municipalité de Sokolac. Je ne sais pas que personne -- qui quelconque est


Page 6834

  1   retourné vivre dans ce village.

  2   Q.  Madame Selmanovic, je vous remercie. Je suis vraiment désolé si mes

  3   questions aient pu vous causer de la peine. Je suis réellement désolé.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Stojanovic.

  5   Monsieur Traldi, est-ce que vous avez des questions supplémentaires à poser

  6   au témoin ?

  7   M. TRALDI : [interprétation] Oui, très brièvement, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  9   Nouvel interrogatoire par M. Traldi :

 10   Q.  [interprétation] Au compte rendu d'audience, page 20 du compte rendu

 11   d'audience d'aujourd'hui, Me Stojanovic vous a demandé une question

 12   concernant les armes à Novoseoci. Question très simple : est-ce que vous

 13   savez si les armes qui avaient été gardées dans votre village après la

 14   reddition d'armes en juillet 1992, y a-t-il eu encore d'armes dans votre

 15   village, donc ?

 16   R.  Non, je n'ai pas cette information.

 17   Q.  Au compte rendu d'audience d'aujourd'hui à la page 18, Me Stojanovic

 18   vous a posé des questions concernant les gardes villageoises, et vous avez

 19   dit que certaines personnes étaient venues dans votre village pour vous

 20   assurer que tout était correct et que la population, que les habitants

 21   n'étaient pas obligés de quitter le village. Lorsque vous avez répondu à

 22   cette question, est-ce que vous aviez en tête les gardes serbes ou

 23   bosniennes ?

 24   R.  Non. Je parlais de Serbes qui étaient venus, je n'ai pas parlé de

 25   gardes villageoises. J'ignorais, en fait, l'existence de gardes

 26   villageoises et que l'on montait la garde. Je ne sais pas. Mon mari ne m'en

 27   avait pas parlé non plus. Personne ne m'en a parlé.

 28   Q.  Au compte rendu d'audience d'aujourd'hui, à la page 11, compte rendu


Page 6835

  1   d'audience temporaire donc d'aujourd'hui, Me Stojanovic vous a demandé si

  2   vous saviez si les hommes de Novoseoci avaient été tués par qui. J'aimerais

  3   vous demander si la dernière fois que vous avez vu votre fils et votre

  4   mari, étaient-ils libres ou étaient-ils placés sous le contrôle de

  5   quelqu'un ?

  6   R.  Voici ce que je peux vous dire : nous tous, mes autres villageois, moi-

  7   même, mon enfant et mon mari, nous étions tous regroupés sur un pré appelé

  8   Metaljka. Mon mari, qui m'a aidée à placer mon père dans l'autobus, est

  9   resté là, et mon fils, et je n'ai plus eu connaissance de leur sort par la

 10   suite.

 11   Q.  Lorsque vous les avez vus pour la dernière fois, pouvaient-ils se

 12   déplacer librement ou y avait-il quelqu'un qui les empêchait de se déplacer

 13   librement ?

 14   R.  Pendant que les gens travaillaient quelque part jusqu'au mois de mai,

 15   ils pouvaient se déplacer. Et plus tard, nous, les femmes, nous allions des

 16   fois à Sokolac, mais il n'y avait pas d'obstacles. D'autres venaient et ils

 17   disaient --

 18   Q.  Excusez-moi, je dois vous interrompre, Madame, mais je vous pose une

 19   question très précise qui porte sur la dernière fois vous avez vu votre

 20   mari et votre fils le 22 septembre. A ce moment-là, ce jour-là, ce moment-

 21   là, étaient-ils libres ou étaient-ils placés sous le contrôle de quelqu'un

 22   ?

 23   R.  Lorsque j'ai vu mon fils pour la dernière fois sur cette prairie

 24   appelée Metaljka, je ne sais pas s'il était libre. Je ne sais pas s'il

 25   était libre ou pas, parce que l'armée était autour de lui.

 26   M. TRALDI : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Traldi.


Page 6836

  1   Madame Selmanovic, étant donné que la Chambre n'a pas de questions pour

  2   vous, et étant donné que la Défense n'a pas demandé de vous poser des

  3   questions supplémentaires, ceci met fin à votre déposition ici devant ce

  4   Tribunal. J'aimerais vous remercier sincèrement d'être venue et d'avoir

  5   répondu à toutes les questions qui vous ont été posées, des questions sur

  6   les événements qui se sont déroulés et sur lesquels il a sans doute été

  7   difficile de déposer. Alors, je vous souhaite un très bon voyage et bon

  8   retour à la maison. Vous pouvez maintenant suivre Mme l'Huissière.

  9   [Le témoin se retire]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause

 11   maintenant.

 12   L'Accusation est-elle prête à appeler son prochain témoin après la pause ?

 13   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause, et nous

 15   allons reprendre à 11 heures moins 10.

 16   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 17   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'Accusation est prête pour

 19   ce qui est de commencer avec le témoin suivant ?

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Oui, nous

 21   sommes prêts pour ce qui est de citer le témoin suivant.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, alors qu'on amène le témoin dans le

 23   prétoire.

 24   Madame Bibles, est-ce que vous avez expliqué l'article 15 bis au témoin ou

 25   pas ?

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors le témoin a donc connaissance

 28   du fait que demain il y aura trois Juges une fois de plus ?


Page 6837

  1   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je m'en excuse, je

  2   pensais à une autre règle. Je ne l'ai pas informé de ceci.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne l'avez pas informé ? Bon. Alors

  4   je vais le lui expliquer brièvement.

  5   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, pendant que le témoin

  6   est en train d'être amené dans le prétoire, je voudrais aborder un bref

  7   sujet. Nous avons réduit le nombre des pièces connexes, et nous estimons

  8   qu'il serait utile de faire en sorte que la demande soit faite à ce sujet à

  9   la fin du témoignage de ce témoin --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, on va en parler à la fin, tout

 11   comme on va parler du versement en application de la déclaration en

 12   application du 92 ter.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Rose.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne commenciez à

 17   témoigner, le Règlement de procédure et de preuve requiert de votre part la

 18   lecture d'une déclaration solennelle, et le texte vous en est fourni par

 19   l'huissier. Alors je vous prie de faire cette déclaration solennelle.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 21   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22   LE TÉMOIN : MICHAEL ROSE [Assermenté]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Rose.

 25   Veuillez vous asseoir. Je m'adresse à vous en disant "M. Rose". La Chambre

 26   s'adresse aux témoins par leur nom de famille, sans titre et sans grade. Il

 27   ne s'agit pas d'un manque de respect pour ce qui est des titres et rangs

 28   qui sont les vôtres.


Page 6838

  1   Madame Bibles, vous pouvez commencer avec l'interrogatoire de ce témoin.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Interrogatoire principal par Mme Bibles :

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous pouvez nous

  5   décliner votre nom et prénom.

  6   R.  Je m'appelle Michael Rose.

  7   Q.  Général, vous étiez un commandant de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine

  8   à compter du 5 janvier 1994 jusqu'au 23 janvier 1995, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Partant de votre travail pendant cette période de temps, est-ce que

 11   vous avez déjà fourni des témoignages pour ce qui est de ce que vous avez

 12   pu voir et vivre là-bas, et ce, ici devant le Tribunal pénal international

 13   ou le Tribunal international de 

 14   justice ?

 15   R.  Oui, à trois reprises.

 16   Q.  Vous êtes également l'auteur du livre qui s'appelle : "Le combat pour

 17   la paix" ?

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur la déclaration

 20   datée du 26 mars 2009 ainsi que les pièces connexes qui ont fait de vos

 21   déclarations une seule et unique déclaration ?

 22   R.  Oui, c'est le cas.

 23   Q.  Puisque nous sommes en train de parler tous les deux l'anglais, je vais

 24   essayer de faire des pauses entre les questions et réponses et je vais

 25   essayer de ralentir. Je vais vous demander d'essayer d'en faire de même.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je demanderais à ce

 27   qu'on nous montre tout d'abord la page 1 de la version anglaise d'un

 28   document de la liste 65 ter qui porte la référence 28619.


Page 6839

  1   Q.  Général, une fois que ce document sera affiché sur l'écran devant vous,

  2   j'aimerais que vous vous penchiez sur la signature qui figure en bas de

  3   page et nous dire si vous reconnaissez cette signature.

  4   R.  Oui, je la reconnais.

  5   Q.  Et à qui appartient cette signature ?

  6   R.  C'est la mienne.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander à

  8   ce que l'on nous affiche à présent la page 53 de ce document en version

  9   anglaise.

 10   Q.  Alors, est-ce que vous reconnaissez la signature en bas de page ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  De qui est cette signature ?

 13   R.  C'est la mienne aussi.

 14   Q.  A la relecture de ce document, est-ce que vous avez remarqué qu'il y a

 15   des paraphes à chaque page ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et les paraphes sont de qui ?

 18   R.  C'est les miens.

 19   Q.  A la relecture de cette déclaration, est-ce que vous avez relevé des

 20   modifications ou des rectifications auxquelles il faudrait procéder ?

 21   R.  Non.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Je désire attirer l'attention des Juges de la

 23   Chambre sur les paragraphes 150, 151 et 167.

 24   Q.  Est-ce que vous avez remarqué que ces paragraphes portent la date de

 25   1992 ?

 26   R.  Oui, je ne l'avais pas remarqué à l'époque, mais il faudrait entendre

 27   et lire "1994".

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Eh bien, Messieurs les Juges, je crois qu'il


Page 6840

  1   faudrait procéder aux rectificatifs appropriés s'agissant de ces trois

  2   paragraphes. Parce qu'il apparaît clairement qu'il s'agit d'erreurs de

  3   frappe.

  4   Q.  Alors, si maintenant je devais vous poser les mêmes questions

  5   concernant les sujets abordés, est-ce que vous apporteriez les mêmes

  6   réponses que celles qui se trouvent dans votre 

  7   déclaration ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Alors, puisque vous avez fait votre déclaration solennelle, est-ce que

 10   je peux vous demander de confirmer que les informations figurant dans ce

 11   document se trouvent être précises et conformes à la vérité ?

 12   R.  Au meilleur de mes connaissances, c'est le cas.

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, étant établis ces

 14   fondements élémentaires, je demanderais à ce que ce document 28619 soit

 15   versé au dossier.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une cote lui sera attribuée une fois que

 17   nous aurons entendu s'il y a des objections de la part de la Défense pour

 18   ce qui est de le faire à la fin.

 19   Monsieur le Greffier, quelle serait la cote qui serait accordée à cette

 20   déclaration de témoin ?

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] P728, Messieurs les Juges.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P728 est marqué à des fins

 23   d'identification.

 24   Vous pouvez continuer.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais donner lecture

 26   d'un bref résumé de la déclaration de ce témoin à des fins d'information du

 27   public.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Madame Bibles.


Page 6841

  1   Mme BIBLES : [interprétation] Le général Michael Rose était le commandant

  2   des forces de protection des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine à compter

  3   de janvier 1994 à janvier 1995.

  4   Le général Rose est arrivé à Sarajevo à la date du 23 janvier 1994 avec

  5   pour mission de faciliter les acheminements d'aide humanitaire et d'aider à

  6   réaliser une solution pacifique à la guerre. Lorsqu'il est arrivé à

  7   Sarajevo, il a trouvé une ville qui n'avait ni lumière, ni eau, ni

  8   électricité. Il a été mis au courant des tirs de tireurs embusqués et de

  9   pilonnage sans discernement faits par les Serbes de Bosnie en direction des

 10   civils dans le centre de la ville, y compris des décès d'enfants qui ont

 11   été tués lorsqu'ils jouaient au toboggan dans la neige. Le général Rose a

 12   souvent évoqué le sujet des tirs de tireurs embusqués auprès du général

 13   Mladic et de M. Karadzic et des différents dirigeants des Serbes de Bosnie,

 14   et il a adressé le sujet du libre accès des convois humanitaires. Le

 15   général Rose a constaté que les Serbes de Bosnie avaient bloqué l'arrivée

 16   de l'aide humanitaire et la fourniture de services communaux dans le but de

 17   réaliser des objectifs politiques et en réponse à des activités des

 18   Bosniens ou de l'OTAN.

 19   En février, et ce, après le 5 février 1995, après le pilonnage du marché de

 20   Markale à Sarajevo, le général Rose a fait installer un cessez-le-feu avec

 21   une zone d'exclusion de 20 kilomètres pour ce qui est des armes lourdes. Ce

 22   cessez-le-feu a été pour l'essentiel efficace, et pour le reste de l'année

 23   en cours, cela a cessé. Mais les tirs de tireurs embusqués ont continué en

 24   août 1994 lorsque les parties au conflit ont abouti à un accord pour ce qui

 25   est de mettre un terme à ces tirs de tireurs embusqués, et cela s'est soldé

 26   par une diminution des tirs de tireurs embusqués dans les semaines qui ont

 27   suivi. En automne 1994, il y a eu une détérioration de la situation en

 28   Bosnie avec l'augmentation des pilonnages et des incidents de tirs de


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  1   tireurs embusqués à Sarajevo, avec des restrictions au niveau des

  2   fournitures de services communaux et de l'arrivée de l'aide humanitaire

  3   jusqu'à la cessation des hostilités signées par les parties le 31 décembre

  4   1994.

  5   Le général Rose a entretenu des relations avec les commandants des Serbes

  6   de Bosnie, le général Mladic notamment, et il a remarqué que les décisions

  7   avaient été prises aux niveaux les plus élevés et que c'était le général

  8   Mladic et M. Karadzic qui se trouvaient au sommet de la pyramide qui

  9   contrôlait les forces des Serbes de Bosnie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est que maintenant que

 11   l'interprétation française a pris fin. Alors, je vous demande de ralentir.

 12   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, je vais le faire, Monsieur le Président.

 13   Alors, ils étaient au sommet de la pyramide qui contrôlait les forces des

 14   Serbes de Bosnie. Le général Rose a indiqué que le général Mladic avait la

 15   possibilité d'exercer son contrôle à l'égard des pilonnages et des tirs de

 16   tireurs embusqués à Sarajevo et que le siège a été utilisé par les

 17   dirigeants des Serbes de Bosnie aux fins d'exercer des pressions à l'égard

 18   des Nations Unies, de la communauté internationale et des Musulmans de

 19   Bosnie. Le général Rose a confirmé que du point de vue militaire, rien ne

 20   se produisait sans le savoir et l'autorisation du général Mladic.

 21   Messieurs les Juges, ceci met un terme à la lecture du résumé. Est-ce que

 22   je peux passer à mes questions ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez le faire, Madame

 24   Bibles.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous fais savoir que

 26   nous avons fait une estimation de deux heures pour ce qui est de

 27   l'interrogatoire principal, mais nous estimons qu'il nous en faudra bien

 28   moins.


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  1   Q.  Général, je voudrais attirer votre attention sur vos rencontres et vos

  2   négociations avec la direction des Serbes de Bosnie au niveau politique et

  3   militaire. Est-ce que vous pouvez, je vous prie, nous décrire s'il y a eu

  4   des sujets dont il a constamment été question au fil de l'année 1994 à

  5   l'occasion des réunions.

  6   R.  Oui, il y a eu des sujets qui ont été abordés à chaque 

  7   fois : la démilitarisation de Sarajevo, et ce, suite au retrait des armes

  8   lourdes; puis ensuite l'acheminement des convois d'aide humanitaire vers

  9   différentes enclaves, y compris celle de Sarajevo; le maintien des

 10   fournitures des services communaux dans les enclaves; et notre objectif

 11   final devait conduire à une cessation des hostilations [phon] à long terme

 12   pour aboutir à la paix.

 13   Q.  Mais en résultante des réunions que vous avez eues avec vos

 14   interlocuteurs sur ce sujet, est-ce que vous avez développé un aperçu de la

 15   situation politique et militaire telle qu'elle se présentait en début 1994

 16   ?

 17   R.  Oui, c'est bien le cas. C'est à ce moment-là que les Serbes avaient

 18   contrôlé à peu près 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine, y compris

 19   le territoire qui se trouvait à seulement 75 mètres de l'endroit où se

 20   trouvait la présidence du gouvernement des Bosniens à Sarajevo. Et ils

 21   avaient une prédominance militaire dans le pays jusqu'en 1994. Ils avaient

 22   donc la possibilité de contrôler la circulation des convois qui

 23   approvisionnaient 2 700 000 personnes qui dépendaient de cette aide

 24   humanitaire pendant l'année en question.

 25   Q.  Pendant l'année 1994, est-ce qu'il y a eu un changement de la situation

 26   politique et militaire ?

 27   R.  Cette situation politique et militaire a évolué de façon dramatique en

 28   1994 lorsqu'il y a eu un accord qui est connu comme étant l'accord de


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  1   Washington entre la partie croate et la partie bosnienne au conflit, donc

  2   deux parties au conflit ont créé une fédération et cela a modifié

  3   l'équilibre stratégique du point de vue militaire et du point de vue

  4   politique à l'égard des Serbes de Bosnie, ce qui fait qu'ils n'étaient plus

  5   avantagés. Et il est devenu évident que les Nations Unies - et les Serbes

  6   de Bosnie - ont compris la chose, à savoir qu'ils avaient connu un déclin

  7   politique et militaire et que la situation allait se détériorer de plus en

  8   plus pour eux.

  9   Q.  Etant donné votre expérience des réunions et des négociations que vous

 10   avez eues jusqu'à ce changement de la situation, est-ce que vous avez

 11   développé ou mis en place une façon de vous entendre pour ce qui était des

 12   objectifs poursuivis par les Serbes de Bosnie du point de vue territorial

 13   et autre ?

 14   R.  Oui, j'ai compris qu'ils voulaient avoir un territoire continu sous

 15   forme de Republika Srpska; et deuxièmement, ils voulaient des parties de

 16   Sarajevo et ils voulaient avoir un total de 51 % sous le contrôle des

 17   Serbes et 49 % sous le contrôle de la Fédération.

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez déterminer s'il y a eu des secteurs autour de

 19   Sarajevo où les Serbes de Bosnie avaient voulu les rendre entièrement

 20   placés sous le contrôle des Serbes ?

 21   R.  Oui, en particulier Grbavica [comme interprété].

 22   Q.  Et par analogie, est-ce qu'il y a eu des secteurs de la Bosnie où vous

 23   avez déterminé que la direction des Serbes de Bosnie avait voulu que ce

 24   soit entièrement serbe ?

 25   R.  Oui. Ils étaient tout à fait déterminés pour ce qui était d'exercer un

 26   contrôle à l'égard de Srebrenica, Zepa et Gorazde.

 27   Q.  Vous avez décrit --

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Et je précise à l'attention des Juges que ça


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  1   se trouve au paragraphe 20 de la déclaration.

  2   Q.  Alors, vous avez parlé de la situation où l'on avait cherché à

  3   faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, et on avait fait de cela

  4   une mission de la FORPRONU. Est-ce que vous avez pu constater si les Serbes

  5   de Bosnie avaient intérêt à faciliter le déplacement de ces convois en 1994

  6   ?

  7   R.  Eh bien, les Serbes de Bosnie ont de façon évidente considéré que le

  8   déplacement de ces convois d'aide humanitaire vers les enclaves était

  9   contraire à leurs objectifs stratégiques et ils voulaient exercer des

 10   pressions politiques à l'égard du gouvernement bosnien afin de les faire

 11   signer un accord de paix sous les conditions des Serbes ou selon des termes

 12   ou des conditions qui les arrangeraient, ce qui fait que les Serbes de

 13   Bosnie avaient utilisé ceci comme un instrument pour exercer une pression à

 14   l'égard du gouvernement de Bosnie pour aboutir à la signature d'un traité

 15   de paix.

 16   Q.  Est-ce que vous avez pu constater quelle était la tactique utilisée ?

 17   R.  Oui. Il y a eu des tactiques qui consistaient à bloquer physiquement

 18   les convois ou alors des mesures bureaucratiques pour ce qui était des

 19   listings des biens transportés. Et si l'on, par exemple, avait constaté

 20   qu'au niveau du manifeste il y avait une conserve de petits pois de plus

 21   par rapport à ce qui se trouvait dans le camion, cela créait problème. Et

 22   il était tout à fait impossible de se conformer à la totalité des exigences

 23   que j'avais formulées.

 24   Est-ce que je suis en train de parler trop vite ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, vous êtes très près de cette

 26   rapidité, et si vous avez un peu de compassion pour ce qui est des

 27   sténotypistes et des interprètes, je vous convie à ralentir quelque peu.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie.


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  1   Mme BIBLES : [interprétation]

  2   Q.  Est-ce que vous avez évoqué vos préoccupations s'agissant de cette

  3   tactique à l'occasion des réunions que vous avez tenues ?

  4   R.  Souvent.

  5   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que l'on se

  6   penche sur la pièce 65 ter 08162, et tout d'abord c'est la page 1 qu'il

  7   nous faut dans les deux versions.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la mesure du possible, est-ce que

  9   vous pouvez aussi nous indiquer à quelle partie de la déclaration cela se

 10   rapporte-t-il.

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Au paragraphe 182, et je m'excuse de ne pas

 12   l'avoir dit.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Grand merci.

 14   Mme BIBLES : [interprétation]

 15   Q.  Alors, je vous demande de vous pencher sur cette page et de nous

 16   indiquer si vous reconnaissez ce document.

 17   R.  Oui, je le reconnais.

 18   Q.  Je voudrais vous demander de vous pencher sur le paragraphe 3, avant

 19   que nous ne nous penchions sur la page suivante.

 20   R.  Je viens de le lire.

 21   Q.  Alors je pense qu'il s'agit de la page 2 en version B/C/S. Lorsque l'on

 22   se penche sur le sous-paragraphe (b), est-ce que ceci reflète exactement ce

 23   que vous avez indiqué dans vos déclarations, pour autant que vous en

 24   souveniez ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que maintenant nous pouvons nous pencher sur la page 2 de la

 27   version anglaise. Et j'attire une fois de plus votre attention sur le reste

 28   du paragraphe 3.


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  1   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise ont demandé à ce que

  2   tous les autres micros soient éteints alors qu'ils ne sont pas en

  3   utilisation.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai lu le texte.

  5   Mme BIBLES : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que ce document décrit de façon précise et exacte la discussion

  7   telle que vous vous en souvenez, celle du 12 décembre ?

  8   R.  Oui.

  9   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation demande le

 10   versement au dossier de cette pièce 08162.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vers qui dois-je me tourner pour voir

 12   s'il y a des objections ? Monsieur Lukic.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P729, Messieurs

 16   les Juges.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors ce P729 est versé au dossier.

 18   Mme BIBLES : [interprétation] Nous pouvons maintenant enlever ce document

 19   de nos écrans. Merci.

 20   Q.  Alors, étant donné la situation que vous nous avez décrite pour ce qui

 21   est des convois évoqués à l'occasion de cette réunion qui s'est tenue vers

 22   la fin de 1994, est-ce que vous savez nous dire si vous aviez conscience de

 23   l'impact que ça avait eu au niveau de la population qui vivait dans ces

 24   enclaves, et notamment les enclaves de l'est ?

 25   R.  L'impact était plutôt négatif. Ils étaient dépendants au quotidien non

 26   seulement des vivres, mais aussi des approvisionnements médicaux pour

 27   survivre, et en particulier pendant les mois de l'hiver. Parce que lorsque

 28   l'on mettait une halte à l'acheminement des convois, ils en pâtissaient de


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  1   façon pratiquement immédiate.

  2   Q.  Passons maintenant à Sarajevo. Et je vous renvoie vers le paragraphe

  3   201 de votre déclaration qui parle du contexte des pilonnages de Sarajevo

  4   par les Serbes de Bosnie. Et vous indiquez :

  5   "La réponse habituelle de la part de la direction des Serbes de Bosnie pour

  6   ce qui est des protestations qui s'élevaient au sujet des pilonnages, c'est

  7   que cela se faisait en riposte aux attaques lancées par l'armée des

  8   Musulmans de Bosnie."

  9   Vous avez accepté le fait que ces effectifs des Bosniens avaient tiré vers

 10   l'extérieur de Sarajevo. Puis ensuite, vous déclarez la chose suivante :

 11   "La disproportion de la riposte des Serbes de Bosnie met en doute la

 12   crédibilité de cet argument justifiant les ripostes."

 13   Alors, pourquoi avez-vous considéré que les ripostes des Serbes de Bosnie

 14   étaient disproportionnées ?

 15   R.  Eh bien, il suffisait de se pencher sur des quartiers tels que Dobrinja

 16   qui ont été totalement détruits. Les gens vivaient dans des caves pour

 17   survivre. Alors, s'il y avait un chat qui traversait la rue, cela générait

 18   un début de tir d'artillerie. La réponse était donc forcément

 19   disproportionnée.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, puis-je vous demander de

 21   parler de disproportionnalité [phon]; c'est bien cela ?

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Continuez, je vous prie.

 24   Mme BIBLES : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre à quel point a été

 26   effectif ce traité de cessez-le-feu datant de février 1994, et est-ce que

 27   cela a bel et bien diminué les pilonnages au niveau de Sarajevo pour le

 28   reste de l'année 1994 ?


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  1   R.  En arriver à faire en sorte que soient retirées les armes lourdes de

  2   Sarajevo, cela a transformé la vie des gens à Sarajevo et ça leur a donné

  3   espoir pour ce qui est de voir revenir une paix plus à long terme, mais ces

  4   espoirs ont été trompés et déçus vers la fin de 1994. Parce que pendant

  5   l'été 1994, on avait rétabli les approvisionnements en électricité. L'eau

  6   était réacheminée. Les trams ont recommencé à circuler. Il y avait de

  7   grands convois qui arrivaient par voie terrestre de l'Europe vers Sarajevo

  8   pour remplir les entrepôts de vivres. Et la vie a semblé reprendre une

  9   tournure normale pour les gens de Sarajevo, et cela était la résultante de

 10   la cessation de la présence de ces armes lourdes dans les environs de

 11   Sarajevo.

 12   Q.  Lorsque vous avez négocié ce cessez-le-feu de février, et plus tard

 13   lorsqu'il a été négocié cet accord de cessation des tirs de tireurs

 14   embusqués, est-ce que vous savez nous dire à quel niveau de l'armée des

 15   Serbes de Bosnie les décisions avaient été prises ?

 16   R.  Toutes les décisions étaient prises au sommet à Pale par les autorités

 17   civiles et les autorités militaires, l'une représentée par M. Karadzic et

 18   l'autre par le général Mladic.

 19   Q.  Général, compte tenu de ce que vous venez de nous dire, est-ce que ces

 20   négociations ont eu lieu -- étant donné qu'elles ont eu lieu au niveau le

 21   plus élevé, est-ce que ça vous a permis de vous faire une idée de la

 22   capacité des niveaux élevés de l'armée des Serbes de Bosnie et du

 23   commandement des Serbes de Bosnie pour ce qui était de contrôler les tirs

 24   de tireurs embusqués à Sarajevo ?

 25   R.  A notre avis, il y avait un contrôle absolu à l'égard de tout tireur

 26   embusqué, et il n'était pas autorisé à tirer à moins d'avoir été autorisé à

 27   le faire et l'inverse était tout à fait vrai aussi.

 28   Q.  Alors, pour en revenir à l'accord de cessez-le-feu, au paragraphe 44,


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  1   vous avez décrit l'aboutissement à un accord de cessez-le-feu. Et vous

  2   décrivez dans le paragraphe suivant, le paragraphe 45, que vous avez

  3   vérifié l'efficience de cet accord de cessez-le-feu, et vous avez fait

  4   remarquer qu'il y a eu une cessation des pilonnages. Alors, est-ce que vous

  5   pouvez brièvement nous décrire à quel point vous avez été convaincu à

  6   l'époque, et même maintenant dans une certaine mesure, de cette capacité

  7   des Nations Unies pour ce qui était de définir le fait de savoir si ces

  8   armes lourdes ont bel et bien été retirées de la zone d'exclusion de 20

  9   kilomètres ?

 10   R.  Bien entendu, les Nations Unies ne se faisaient pas d'illusion pour ce

 11   qui est des deux parties et du retrait total des armes lourdes à

 12   l'extérieur de la zone d'exclusion de 20 kilomètres autour de Sarajevo ou

 13   pour ce qui est du cas des effectifs du gouvernement de Bosnie pour ce qui

 14   est de ne plus les avoir utilisées. Mais le fait est que ça n'a pas été

 15   utilisé, et c'est ce qui était important. Bien entendu, du côté des Serbes

 16   de Bosnie, ils ont tout simplement restitué les armes qui étaient caduques

 17   et dont ils n'avaient plus besoin pour les mettre aux points de

 18   rassemblement. Nous avons eu des éléments de preuve, parce que nous avons

 19   découvert au moins un char T55 qui avait été dissimulé, donc la majeure

 20   partie des armes lourdes avaient été dissimulées pour pouvoir être

 21   utilisées par la suite.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que l'on

 23   nous montre sur nos écrans la pièce 65 ter 19674. Page 1 dans les deux

 24   versions.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est en corrélation avec… ?

 26   Mme BIBLES : [interprétation] C'est en corrélation avec certaines pièces à

 27   conviction non connexes qui ne se trouvent pas dans la déclaration mais que

 28   nous avons dit que nous allions utiliser.


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  1   Q.  Nous avons la première page de ce document qui s'affiche et qui suggère

  2   des méthodes permettant de vérifier le respect du cessez-le-feu tout en

  3   maintenant les armes lourdes au sein de cette zone. Est-ce que la manière

  4   dont s'est articulée cette proposition correspond à votre expérience, à ce

  5   que vous venez de nous décrire par rapport à l'identification des armes

  6   lourdes bosno-serbes ?

  7   R.  Oui, tout à fait, cela reflète très bien notre point de vue.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Voilà, c'est très bien, c'est la page qu'il

  9   nous faut. Monsieur le Président, nous allons demander le versement du

 10   document 19674.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P730.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P730 est versée au dossier.

 14   Mme BIBLES : [interprétation]

 15   Q.  Je voudrais que l'on parle à présent du mois d'août 1994. Après la

 16   signature de l'accord antitireur embusqué, est-ce qu'il y a eu une

 17   amélioration de la situation sur ce plan à Sarajevo ?

 18   R.  Il y a eu une amélioration immédiate et tout à fait claire même si, à

 19   la fin, ni l'une ni l'autre partie n'ont respecté l'accord. Mais au moins

 20   pendant un mois il y a eu une amélioration tout à fait sensible.

 21   Q.  J'attire votre attention à présent sur la question des enclaves.

 22   Dans votre déclaration - paragraphe 65 jusqu'au paragraphe 101 - vous

 23   décrivez l'offensive lancée par les Bosno-Serbes sur Gorazde. Pourriez-vous

 24   nous décrire, s'il vous plaît, à quel stade on en était avec les

 25   négociations visant un accord de paix global au moment où cette offensive a

 26   été lancée ?

 27   R.  Eh bien, à ce moment-là, les Nations Unies étaient en train de négocier

 28   avec les parties belligérantes un accord de cessation d'hostilités à long


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  1   terme, et l'accord avancé par les deux parties était de savoir si Gorazde

  2   allait faire partie du plan de cessez-le-feu global ou s'il fallait tout

  3   d'abord résoudre la question de Gorazde puis ensuite aborder la question du

  4   plan de paix global. Et du côté de Sarajevo, on souhaitait que Gorazde soit

  5   résolu avant d'engager des discussions à long terme sur un cessez-le-feu

  6   permanent. La partie serbe, en revanche, souhaitait exactement l'opposé, et

  7   il était absolument impossible de passer un accord. Et c'était à ce stade

  8   qu'effectivement il y a eu des pressions qui se sont exercées sur le

  9   gouvernement bosnien, et c'est à ce moment-là que les Bosno-Serbes ont

 10   lancé une offensive sur l'enclave de Gorazde.

 11   Q.  Alors, est-ce que vous avez eu l'occasion d'être en contact avec le

 12   général Mladic pendant l'opération de Gorazde ?

 13   R.  Plusieurs fois, nous nous sommes parlés au téléphone.

 14   Q.  Pourriez-vous nous préciser un peu plus en détail - je pense que cela

 15   figure au paragraphe 86 - ce qui en est de vos appels à la direction bosno-

 16   serbe, comment est-ce que cela a fini par vous mettre en contact avec le

 17   général Mladic par téléphone ?

 18   R.  Ecoutez, je pense qu'il faudrait que j'explique un peu plus en détail.

 19   Les Bosno-Serbes, et d'ailleurs l'ensemble des pays du pacte de Varsovie,

 20   avaient tendance à placer sous écoute les téléphones et de se servir de

 21   communications par radio. Donc tous les messages que nous passions, en

 22   fait, étaient passés par des communications téléphoniques fixes au général

 23   Mladic qui était sur la ligne de front. Et nous avons découvert que quelque

 24   était le numéro de téléphone qu'on composait à Pale, eh bien, finalement,

 25   on parlait toujours directement au général Mladic. Tout simplement, ils

 26   faisaient passer cette communication par leur centrale de telle façon

 27   qu'ils nous mettaient directement en contact avec le général Mladic.

 28   Q.  Alors, est-ce que vous pouvez nous dire s'il vous a été possible de


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  1   savoir où il se trouvait physiquement pendant ces communications, à savoir

  2   le général Mladic ?

  3   R.  Non, pas vraiment, mais d'après ce qu'on voyait à la télévision, il

  4   était près de Gorazde et il était à la tête de l'attaque.

  5   Q.  Au paragraphe 85 de votre déclaration, vous donnez plusieurs exemples

  6   nous montrant le contrôle exercé par le général Mladic des événements sur

  7   le terrain. Est-ce que vous avez des exemples nous permettant de voir que

  8   le général Mladic n'a pas exercé le contrôle total des forces bosno-serbes

  9   pendant l'offensive de Gorazde ?

 10   R.  Il a exercé le contrôle total, comme on aurait pu s'y attendre.

 11   Q.  Saviez-vous si le général Mladic était sur le champ de bataille, est-ce

 12   qu'il était sur le terrain le 10 avril 1994 ?

 13   R.  Oui, certainement.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Le document 65 ter 08996, s'il vous plaît,

 15   est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran. Ce document comporte une page.

 16   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous savez qu'aucune

 18   consultation ne devrait se dérouler pendant les débats. Est-ce que vous

 19   pouvez, s'il vous plaît, vous rapprocher de M. Mladic pour voir pour quelle

 20   raison il a demandé un moment. Mais, s'il vous plaît, n'engagez pas de

 21   conversation plus approfondie. Cela devrait se dérouler pendant les pauses.

 22   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pouvez-vous nous informer

 24   de la situation.

 25   Nous allons continuer. Maître Lukic --

 26   M. LUKIC : [interprétation] Mon client m'a donné quelques brèves consignes

 27   sur la manière de suivre la déposition du général Rose.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez que vous ne devriez pas faire


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  1   ça en plein débat. Vous devriez faire cela pendant les pauses.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, s'il vous

  4   plaît, rappeler au général Mladic les règles qui s'appliquent dans ce

  5   prétoire.

  6   Veuillez continuer, Madame Bibles.

  7   Mme BIBLES : [interprétation]

  8   Q.  J'attire votre attention sur les déclarations du général Mladic au

  9   paragraphe 7 de ce document, plus précisément à l'endroit où il dit : "'Les

 10   Turcs doivent disparaître de ces secteurs.'" Est-ce que cette prise de

 11   position que l'on trouve dans ce document correspond à ce que le général

 12   Mladic vous a fait comprendre de ses intentions par rapport à cette

 13   offensive ?

 14   R.  A l'époque, le général Mladic nous disait qu'il était en train de

 15   récupérer le territoire perdu, le territoire qui avait été initialement

 16   occupé par les Serbes, et je pense que c'est en 1993 qu'ils ont été chassés

 17   de leurs foyers, et que c'était cela son objectif d'après lui. Et à

 18   l'époque, nous avions tendance à penser qu'effectivement ils voulaient

 19   simplement récupérer les anciens secteurs serbes, qu'ils ne voulaient pas

 20   s'engager dans les parties musulmanes de Gorazde.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, est-ce que je peux

 22   demander une précision.

 23   Monsieur Rose, on vous a demandé si vous saviez si oui ou non le général

 24   Mladic était sur le champ de bataille le jour du 10 avril 1994, et vous

 25   avez répondu :

 26   "Oui, très certainement, il l'aurait été." Qu'est-ce qui vous permet

 27   d'arriver à cette conclusion-là, qu'il l'a été en effet ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, les Nations Unies n'avaient pas


Page 6856

  1   de moyens de rassembler du renseignement, et nous dépendions de l'OTAN pour

  2   cela. Donc il nous fallait supposer un certain nombre de choses, et cela

  3   aurait été typique du général Mladic de se placer à la tête de l'attaque

  4   lui-même et de ne pas s'absenter au moment où une offensive de grande

  5   envergure allait se produire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est une appréciation sur la base

  7   de l'expérience des événements passés de la manière dont le général Mladic

  8   exerçait le commandement et le contrôle --

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Madame Bibles.

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Nous demandons le versement du document 08996

 14   de la liste 65 ter.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur le Greffier.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P731.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P731 est versée au dossier.

 18   Mme BIBLES : [interprétation]

 19   Q.  Général, dans plusieurs paragraphes de votre déclaration, vous parlez

 20   des demandes adressées à l'OTAN de lancer des frappes aériennes en réponse

 21   à cette offensive bosno-serbe de Gorazde. Votre relation de travail avec le

 22   général Mladic a-t-elle connu une modification suite à ces frappes

 23   aériennes ?

 24   R.  Oui, il y a eu un changement radical, donc pendant les six semaines qui

 25   allaient suivre ou voire même pendant deux mois. Même pendant les

 26   négociations à Genève, où il y a eu participation de la partie serbe, il a

 27   refusé de s'adresser directement au personnel de la FORPRONU, et il passait

 28   par le truchement du colonel Tolimir. Et je pense qu'il a adopté la


Page 6857

  1   position à ce moment-là que les Nations Unies étaient entrées dans la

  2   guerre contre la Serbie, même si nous essayions de le convaincre que nous

  3   nous contentions simplement de faire en sorte que les convois puissent

  4   passer et d'assurer le retrait des armes lourdes conformément à l'accord et

  5   de faire respecter l'accord sur la démilitarisation de la zone du mont

  6   Igman. Nous n'étions pas en train de faire la guerre. Je pense qu'ils en

  7   pensaient à ce stade que la communauté internationale s'était rangée au

  8   côté de leurs adversaires.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire, de manière générale, si les forces

 10   bosno-serbes ont agi contre les membres des Nations Unies et contre les

 11   agents humanitaires, suite à des frappes aériennes ?

 12   R.  Tout de suite après les frappes aériennes, les Bosno-Serbes arrêtaient

 13   tous les convois, ils confisquaient les convois sur leur territoire. Ils

 14   n'avaient cesse de le faire et ils ont pris des otages. C'était la pratique

 15   normale après les frappes aériennes.

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, je demande l'affichage

 17   du document 14676 de la liste 65 ter. Monsieur le Président, Monsieur le

 18   Juge, le document 14676 correspond au paragraphe 96 de la déclaration.

 19   Q.  Je vous invite à jeter un coup d'œil sur ce document et, en

 20   particulier, de vous concentrer sur le paragraphe 4.

 21   R.  Hm-hm.

 22   Q.  Par rapport au fait que le général Mladic se réfère à l'emploi de la

 23   FORPRONU et des organisations humanitaires dans le cadre d'un combat

 24   antiaérien, comment est-ce que vous comprenez cela ?

 25   R.  Je pense qu'il s'agit de placer les otages à proximité de leurs

 26   positions militaires. C'est ce qui leur permettrait de dissuader l'OTAN de

 27   lancer des frappes aériennes contre ces positions.

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, nous


Page 6858

  1   demandons le versement du document 14676.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis en train d'essayer de repérer la

  3   date sur le document.

  4   Mme BIBLES : [interprétation] Le document ne semble pas porter de date.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P732.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux replacer ce document dans

  8   le contexte, s'il vous plaît ? Les Nations Unies n'ont jamais eu

  9   l'intention de lancer des frappes aériennes de très grande envergure. Nous

 10   nous sommes servis d'une force minimale pour assurer le passage des

 11   convois, et cetera. Les renseignements qu'avaient recueillis les Bosno-

 12   Serbes étaient que l'OTAN avait lancé des frappes aériennes massives, mais

 13   c'était erroné.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette explication.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Nous pouvons enlever ce document des écrans.

 16   Le paragraphe 1 nous parle du 19 avril 1994.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Quant à savoir si le document est

 18   daté de cette date-là, ça c'est une autre chose, mais cela nous replace un

 19   petit peu dans un contexte temporel.

 20   Monsieur le Greffier, quelle serait la cote ? Ah, oui. Oui, vous avez déjà

 21   donné la cote. Il s'agit du document P732, et cette pièce a conviction est

 22   versée au dossier.

 23   Madame Bibles, veuillez continuer.

 24   Mme BIBLES : [interprétation]

 25   Q.  Sur la base de ce que vous avez pu observer dans le cadre de votre

 26   mission, est-ce que vous êtes arrivé à la conclusion sur la capacité du

 27   général Mladic de contrôler les événements sur le terrain ?

 28   R.  Il a certainement joué un rôle central quant au plan de bataille, et,


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  1   par conséquent, il contrôlait totalement toute avancée ou retrait de leur

  2   côté, de son côté.

  3   Q.  Alors, pendant votre mission en 1994, est-ce que vous avez eu

  4   l'occasion d'observer l'interaction du général Mladic avec ses subordonnés

  5   militaires ?

  6   R.  Nous avons eu amples occasions de voir comment il gérait ses relations

  7   avec ses subordonnés. Pendant de nombreuses réunions que nous avons eues

  8   avec lui, il était souvent accompagné de ses subordonnés. Ils semblaient le

  9   respecter entièrement, et, de toute évidence, ils étaient entièrement

 10   placés sous le commandement du général Mladic.

 11   Q.  Est-ce que vous avez jamais rencontré une situation dans laquelle un

 12   membre de l'armée bosno-serbe a réagi contrairement aux ordres du général

 13   Mladic ou en s'opposant au général Mladic ?

 14   R.  Jamais.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie. J'en ai terminé avec mes

 16   questions.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Bibles.

 18   Maître Lukic, il nous reste encore dix minutes avant la pause, mais avant

 19   que vous ne puissiez commencer votre contre-interrogatoire, je précise à

 20   l'attention de M. Rose.

 21   Monsieur Rose, vous allez peut-être être surpris de ne voir que deux Juges.

 22   L'un de nous, M. le Juge Fluegge, a eu des raisons urgentes de s'absenter.

 23   C'est la raison pour laquelle nous ne sommes que deux. Il nous rejoindra

 24   dès demain, et il aura eu accès à l'ensemble du compte rendu d'audience

 25   d'aujourd'hui, si cela est nécessaire, à l'enregistrement audio et vidéo.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si vous êtes prêt, vous

 28   pouvez commencer.


Page 6860

  1   Monsieur Rose, vous allez être contre-interrogé par M. Lukic, qui défend M.

  2   Mladic.

  3   Contre-interrogatoire par M. Lukic :

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

  5   R.  Bonjour.

  6   Q.  Vous avez sur vous un exemplaire de votre déclaration ?

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Il ne me reste plus qu'à retrouver mon exemplaire à moi. Nous allons

  9   commencer par le paragraphe 22. Ici, vous parlez de Dobrinja. Vous dites

 10   que le secteur de Dobrinja était quasiment encerclé. En réalité, Dobrinja

 11   avait une issue en passant par le mont de Mojmilo, une issue, une

 12   communication avec les autres parties de la ville de Sarajevo; est-ce exact

 13   ?

 14   R.  Cela est possible.

 15   Q.  Dobrinja était, en effet, en communication avec le reste des

 16   territoires placés sous le contrôle des autorités de Sarajevo, des

 17   autorités musulmanes. La preuve en est qu'une partie du tunnel, à savoir

 18   d'un côté le tunnel qui passait sous l'aéroport ressortait à Dobrinja. Le

 19   saviez-vous ?

 20   R.  Les Nations Unies n'avaient pas de connaissance officielle quant à ce

 21   tunnel à l'époque. Il nous faudrait une carte pour pouvoir déterminer à

 22   quel point Dobrinja était, oui ou non, encerclé.

 23   Q.  Vous nous dites qu'officiellement vous n'aviez pas connaissance de

 24   l'existence de ce tunnel. Mais, en fait, vous étiez au courant de

 25   l'existence de ce tunnel. On ne pouvait pas l'ignorer si on était à

 26   Sarajevo.

 27   R.  Tout à fait, il y a eu des rumeurs faisant état de l'existence d'un

 28   tunnel, mais du côté gouvernemental bosnien, on n'a pas divulgué


Page 6861

  1   l'emplacement de ce tunnel.

  2   Q.  Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Rose, est-ce que je peux

  4   demander une précision. Vous nous dites qu'il y a eu des rumeurs faisant

  5   état de l'existence de ce tunnel, mais vous nous dites que la partie

  6   gouvernementale bosnienne a gardé les informations sur l'emplacement de ce

  7   tunnel pour elle-même.

  8   Alors, il y a là deux éléments, l'existence et puis --

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et l'emplacement.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, est-ce que vous pouvez nous

 13   expliquer les deux éléments. Donc, est-ce que le gouvernement bosnien n'a

 14   pas divulgué l'existence.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il n'a pas divulgué l'existence du

 16   tunnel.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et par conséquent --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et par conséquent, n'a pas divulgué son

 19   emplacement.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 21   M. LUKIC : [interprétation]

 22   Q.  Dans les rapports que vous avez reçus de vos subordonnés et que vous

 23   avez rédigés, est-ce que vous faites état de l'existence du tunnel sous la

 24   piste de l'aéroport ?

 25   R.  Non, pas pour autant que je le sache.

 26   Q.  Alors, au paragraphe 23 de votre déclaration, vous dites :

 27   "De manière générale à l'époque, on a considéré, d'après ce que j'en ai

 28   appris, que les Bosno-Serbes bombardent aveuglement les civils au centre-


Page 6862

  1   ville. Il est également vrai qu'il y a eu des bombardements de temps à

  2   autre contre les Bosno-Serbes dans des endroits tels que Grbavica. Il y a

  3   eu des tirs embusqués qui ont été dominants pendant cette période, par les

  4   deux parties."

  5   La FORPRONU ne connaissait ni la puissance, ni la structure, ni le

  6   déploiement des unités, des bâtiments, des commandements du 1er Corps de

  7   l'ABiH à Sarajevo; est-ce que cela est exact ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que je peux avoir

 10   une précision de la première ligne du paragraphe 23. Cela commence par la

 11   phrase suivante :

 12   "De la manière dont j'en ai été informé, la position généralement adoptée à

 13   l'époque…"

 14   Alors, comme je ne suis pas un anglophone de naissance, je ne sais pas

 15   comment je dois interpréter cela, "la position générale à l'époque," à

 16   l'époque où on m'a briefé ou la position générale à l'époque d'après la

 17   manière dont j'ai été briefé ? Alors, lequel des deux ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois, Monsieur le Président. Je suis

 19   arrivé à Sarajevo en janvier 1994, et avant d'arriver ainsi qu'une fois

 20   arrivé sur place, j'ai été briefé souvent. Et d'après ce qu'on m'a dit dans

 21   le cadre de ces briefings - et d'ailleurs, d'après ce que j'ai pu voir

 22   partout sur place - c'est que Sarajevo avait, pendant deux années, subi des

 23   bombardements lourds.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Et continuait de subir des bombardements.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, les deux, vous vous référez à la

 27   teneur de ces briefings et également à ce que vous avez observé à l'époque,

 28   même s'il est difficile de voir d'où vient cette position générale ?


Page 6863

  1   LE TÉMOIN : [chevauchement]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Alors, Mon Général, la FORPRONU ne connaissait pas le déploiement des

  5   unités, des bâtiments, des commandements du 1er Corps de l'ABiH. Par

  6   conséquent, ils ne pouvaient pas savoir ce qui était ciblé par les Serbes,

  7   était-ce des bombardements aveugles ou non dans Sarajevo, n'est-ce pas ?

  8   R.  Là encore, si je replace cette question dans son contexte, les Nations

  9   Unies se sont déployées en Bosnie-Herzégovine pour faciliter

 10   l'approvisionnement en aide humanitaire, et le déploiement des forces des

 11   Nations Unies s'est fait initialement grâce à l'accord passé entre les

 12   parties belligérantes. Il ne s'agissait pas d'une mission militaire. Les

 13   Nations Unies n'étaient pas présentes sur place en leur capacité militaire.

 14   Par conséquent, ils n'avaient pas de capacité leur permettant de recueillir

 15   du renseignement. Elles s'employaient à faciliter l'approvisionnement en

 16   aide humanitaire et à ramener la paix. Elles n'étaient pas en position

 17   d'avoir des renseignements détaillés militaires sur la puissance, les

 18   déploiements, les intentions des parties belligérantes quelles qu'elles

 19   soient.

 20   Q.  Je vous remercie. Il est très brièvement fait mention de tireurs

 21   embusqués dans ce paragraphe, le 6 octobre 2010 -- 1D549, s'il vous plaît,

 22   pour commencer, est-ce qu'on peut l'afficher dans le prétoire électronique.

 23   Il s'agit d'une transcription, d'un procès-verbal du procès contre M.

 24   Karadzic. Il nous faut la page 17 dans le prétoire électronique. Page 7

 25   336, s'il vous plaît, lignes 13 à 17.

 26   Général, voyez que le Juge Kwon vous pose ici une question et vous demande

 27   la chose suivante :

 28   "Général, vous pouvez confirmer ce qui est affirmé dans cette feuille


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  1   d'information; à savoir que vous pensez que Ganic a organisé sa police

  2   secrète pour diriger l'activité des tireurs embusqués contre les tramways

  3   ?"

  4   Et puis, vous répondez :

  5   "Certainement, c'était ce que nous pensions à l'époque, Monsieur, oui."

  6   Je vous demande si vous maintenez aujourd'hui cette partie-là de votre

  7   déclaration ?

  8   R.  Oui, tout à fait.

  9   Q.  A l'époque, vous dites qu'il y avait trois parties belligérantes. Est-

 10   ce que lors des briefings l'on vous a informé que les Serbes en Bosnie-

 11   Herzégovine faisaient le tiers de la population et qu'en Bosnie-Herzégovine

 12   avant la guerre, ils avaient également en Bosnie-Herzégovine le tiers du

 13   pouvoir ?

 14   R.  Oui, ceci m'a été relayé lors de mon briefing, effectivement.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je regarde l'heure, et je

 16   ne sais pas si vous souhaitez que l'on prenne une pause maintenant.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Nous pouvons prendre une pause à présent,

 18   Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous prendrons une pause.

 20   Et nous reprenons nos travaux à midi 15, et seulement après que le

 21   témoin ait quitté le prétoire.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   --- L'audience est suspendue à 11 heures 52.

 24   --- L'audience est reprise à 12 heures 16.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire entrer le témoin dans le

 26   prétoire, s'il vous plaît.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si vous êtes prêt, vous


Page 6865

  1   pouvez continuer.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Peut-on continuer, Général ?

  4   R.  Oui, tout à fait.

  5   Q.  La raison pour laquelle je vous ai posé cette question relative au

  6   pourcentage de Serbes et pourcentage de Serbes ayant tenu le pouvoir, est-

  7   il exact que la FORPRONU ne traitait que le côté musulman comme étant le

  8   représentant officiel de Bosnie-Herzégovine ?

  9   R.  Je crois que c'était le cas, effectivement.

 10   Q.  Et les Serbes étaient plutôt traités comme des insurgés; est-ce exact ?

 11   R.  Les Nations Unies avaient reconnu l'Etat de Bosnie-Herzégovine en 1992.

 12   Mais ils n'ont jamais reconnu l'existence de la Republika Srpska.

 13   Q.  A l'époque ?

 14   R.  Oui, effectivement à l'époque.

 15   Q.  Suis-je en droit de dire - ce que vous avez d'ailleurs déclaré à la

 16   page 722 le 6 octobre 2010 lorsque vous avez témoigné dans l'affaire

 17   Karadzic - les forces occidentales n'ont pas compris la nature du conflit

 18   qui s'est déroulé en Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  Il me faudrait voir le passage à l'écran, et je dois absolument voir le

 20   contexte avant de répondre à votre question.

 21   M. LUKIC : [interprétation] Pourrait-on afficher dans le prétoire

 22   électronique 1D549. Page 41 dans le prétoire électronique. C'est la page 7

 23   322 dont nous avons besoin --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la page que vous avez

 25   mentionnée se trouve à la page 3 dans le prétoire électronique.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

 27   Président. Il nous faudrait avoir la dernière ligne de cette page, s'il

 28   vous plaît -- en fait, nous avons besoin des lignes 16 à 19, je suis


Page 6866

  1   désolé. Toutes mes excuses.

  2   Q.  Voyez-vous, Général, à l'écran ce qui est indiqué :

  3   "Est-ce que c'est ce que j'ai dit, c'était une observation de votre part, à

  4   savoir qu'il y avait un manque de compréhension de la part des

  5   gouvernements occidentaux concernant la nature et les objectifs du conflit

  6   ?"

  7   Vous avez répondu par l'affirmative. Vous avez dit :

  8   "Oui, cela est vrai."

  9   Est-ce que vous êtes d'accord également avec cette affirmation

 10   aujourd'hui ?

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais poser une question à

 12   Me Lukic. Maître Lukic, je vous demanderais de bien comprendre quelle est

 13   la question qui lui a été posée. Parce que la réponse "c'est exact", est-ce

 14   que c'est exact ? Et c'est que vous avez dit ou bien est-ce que ça répond à

 15   la question à savoir que les gouvernements occidentaux n'avaient pas très

 16   bien compris, n'avaient pas beaucoup de compréhension. Je ne comprends pas

 17   très bien à quoi répond le témoin ici lorsqu'il dit c'est exact.

 18   M. LUKIC : [interprétation]

 19   Q.  Pourriez-vous expliquer, je vous prie, justement votre répondre

 20   au Juge Moloto et au Président de la Chambre ?

 21   R.  Ma compréhension aujourd'hui de cette déclaration-ci, c'est qu'il y

 22   avait certaines personnes à l'Occident, à l'Ouest, l'OTAN,  souhaitaient

 23   utiliser plus de force pour résoudre la guerre en Bosnie-Herzégovine, plus

 24   de force que ne l'estimait nécessaire les forces du maintien de la paix des

 25   Nations Unies. Je crois qu'il n'a pas très bien compris ce que les forces

 26   du maintien de la paix pouvaient faire et ne pouvaient pas faire concernant

 27   l'emploi de la force. Et, justement, c'est à ceci que je fais référence.

 28   Q.  Merci.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la lecture de ce passage, il me semble

  2   que les parties vous citaient un extrait de votre livre et l'on vous

  3   demandait si effectivement vous pouviez confirmer vos observations, vos

  4   sentiments.

  5   Et donc, pour que vous sachiez pour que la Chambre comprenne un

  6   élément si isolé du témoignage, il nous faudrait également voir le

  7   contexte, il faudrait voir ce que disent les pages pertinentes du livre.

  8   Donc, nous n'avons pas le contexte, si je comprends bien, la page 3 du

  9   livre qui, au tout début, dit ceci, il s'agit peut-être d'une observation

 10   en guise d'introduction. Mais afin que la Chambre puisse comprendre

 11   pleinement cette partie du témoignage et la confirmation que nous fait M.

 12   Rose aujourd'hui, la Chambre voudrait pouvoir avoir accès aux pages

 13   précédentes à la page, par exemple 3, de la session de cette journée-là où

 14   il a témoigné ou peut-être les deux pages précédentes, également la partie

 15   pertinente du livre dans lequel le témoin a fait ces observations-ci.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour nous cela, en fait,

 17   est suffisant. Ce que le général a confirmé aujourd'hui, cela nous

 18   satisfait tout à fait.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous avons besoin du contexte

 20   pour mieux comprendre. Si quelque chose vous suffit à vous, ne veut pas

 21   dire que cela nous suffit à nous, bien sûr, n'est-ce pas. Alors, pourriez-

 22   vous, je vous prie, préparer, faire en sorte que nous puissions recevoir

 23   les deux autres pages également. Donc, les préparer et nous les faire

 24   communiquer afin que nous puissions avoir le contexte. Je ne sais pas si

 25   nous avons encore besoin de la confirmation en guise de 92 ter, mais il

 26   faut vous assurer que la Chambre ait un contexte de cette partie-là du

 27   témoignage, y compris les pages pertinentes du livre.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre à ce moment-là.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  3   Q.  Mon Général, j'aimerais vous demander de nous concentrer sur le

  4   paragraphe 28 de votre déclaration. Ici, on parle de l'acheminement de

  5   l'aide humanitaire de différentes façons. Et, tout d'abord, on parle de

  6   l'acheminement d'aide humanitaire par avion à Tuzla. C'est-à-dire que l'on

  7   planifiait d'ouvrir un aéroport afin que l'on puisse faciliter

  8   l'acheminement de l'aide humanitaire. Vous avez déclaré que cet aéroport

  9   n'était pas ouvert un an après que vous ayez quitté la Bosnie-Herzégovine;

 10   est-ce que c'est exact ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  Vous avez dit dans le dernier paragraphe que :

 13   "…le président Izetbegovic a effectivement déclaré un peu plus tard

 14   qu'il était plus enclin à avoir 10 000 Bosniens mourir de sang que

 15   d'accepter qu'un seul Serbe ne soit présent sur le territoire bosnien."

 16   Est-ce que c'est exact de dire que l'une des raisons principales pour

 17   lesquelles cet aéroport n'a pas été ouvert était justement le fait que le

 18   côté musulman n'avait pas accepté des contrôleurs serbes à l'aéroport qui

 19   contrôleraient ce qui est acheminé à la population ?

 20   R.  Ce n'est pas exactement ce sur quoi portait la discussion. Le côté

 21   serbe souhaitait avoir des inspecteurs, non pas des contrôleurs, mais dans

 22   inspecteurs qui seraient là pour examiner le cargo qui arrivait pour

 23   s'assurer qu'il n'y avait pas d'armes dans le cargo qui seraient envoyées

 24   au côté musulman. Donc, il s'agissait d'inspecteurs et non pas de

 25   contrôleurs, et c'était justement l'objection que faisait valoir le côté

 26   musulman, à savoir qu'ils n'allaient pas permettre la présence

 27   d'inspecteurs serbes.

 28   Q.  Mais quelle est la différence entre un contrôleur et un inspecteur ?


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24  

25  

26  

27  

28  


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  1   R.  Eh bien, le contrôleur est là pour contrôler l'ensemble du flux d'aide

  2   arrivée à Tuzla, mais un inspecteur inspecte ce qui se passe directement-

  3   là.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, les dernières deux minutes

  5   et demie ne sont qu'une répétition de ce qu'on l'on retrouve également au

  6   paragraphe 28. Outre la confusion supplémentaire qui a été créée avec les

  7   termes "contrôleurs" et "inspecteurs", il n'y a absolument rien de nouveau

  8   ici. Alors, je vous demanderais de ne pas répéter ce qui figurait déjà ici

  9   au compte rendu et ne mettez pas en exergue ce que vous estimez étant

 10   important.

 11   Alors, veuillez poursuivre, je vous prie, Maître Lukic.

 12   Q.  Est-ce que vous croyez ce que disait Alija Izetbegovic concernant un

 13   Sarajevo multiethnique qui était avancé par le côté musulman à l'époque ?

 14   R.  Je ne sais pas de quelle déclaration vous parlez exactement,

 15   déclaration du président Izetbegovic.

 16   Q.  Nous avons lu un extrait de votre déclaration qu'Izetbegovic était plus

 17   enclin de voir 10 000 Musulmans mourir de faim plutôt que d'accepter la

 18   présence d'un seul Serbe sur le territoire bosnien. Donc, je voudrais

 19   parler précisément de Sarajevo. A ce moment-ci, est-il exact de dire que le

 20   gouvernement musulman qui se trouvait à Sarajevo, en réalité, n'était pas

 21   du tout désireux, n'était pas en faveur d'une société multiethnique ? C'est

 22   ma question.

 23   R.  Il n'y a absolument pas de preuve à cet effet. La question relative à

 24   l'inspecteur à Tuzla était une question qui portait sur la souveraineté.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de préciser quelque chose.

 26   Je crois, Maître Lukic, que je comprends ce que vous êtes en train de

 27   demander au témoin. Donc, dans la dernière partie :

 28   "… le président Izetbegovic avait dit qu'il était prêt à voir 10 000


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  1   musulmans mourir de famine plutôt que d'accepter la présence d'un seul

  2   Serbe sur le territoire bosnien."

  3   Je crois que ce que Me Lukic souhaiterait savoir, c'est de voir si

  4   vous croyez que le président Izetbegovic était réellement sérieux lorsqu'il

  5   n'acceptait pas la multiethnicité à Sarajevo.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque le président Izetbegovic a fait cette

  7   déclaration, je crois qu'il aurait dû dire "à ce moment-ci" sur le

  8   territoire bosnien. Ce qu'il disait : Je n'accepterais pas que des

  9   inspecteurs serbes soient présents à Tuzla sur le territoire bosnien. Mais

 10   il n'a pas fait une déclaration plus large concernant ses points de vue sur

 11   une multiethnicité en Bosnie-Herzégovine.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que c'est la

 13   question que vous vouliez poser et est-ce que c'est la réponse que vous

 14   vouliez également obtenir ?

 15   M. LUKIC : [interprétation] Oui, effectivement.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Est-ce que vous aviez des informations selon lesquelles les Serbes et

 19   les Croates souhaitaient quitter la partie de Sarajevo qui était placée

 20   sous le contrôle des effectifs musulmans ?

 21   R.  Nous n'avons pas eu aucun élément de preuve selon lequel les Serbes ou

 22   les Croates souhaitaient partir, quoique je crois que certains Croates

 23   avaient quitté le territoire sans notre connaissance. Car une fois que la

 24   Fédération a été créée, ils étaient libres de partir; mais les Serbes, non,

 25   effectivement, ce n'était pas le cas pour eux.

 26   Q.  Merci. Je souhaiterais attirer votre attention sur le paragraphe 30 de

 27   votre déclaration. Ce qui m'intéresse tout particulièrement, c'est les deux

 28   dernières phrases. Vous y dites :


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  1   "Mon concept de la démilitarisation comprenait qu'à la fin du cessez-le-

  2   feu, les deux parties retirent leurs armes en dehors d'un certain point.

  3   Mais le président Izetbegovic n'était pas en faveur à une

  4   démilitarisation."

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Mais qu'en est-il de Ganic et qu'en est-il de Salajdzic ? Qu'en est-il

  7   d'autres personnes qui étaient au sommet des autorités musulmanes, est-ce

  8   qu'eux étaient en faveur d'une démilitarisation de Sarajevo ?

  9   R.  Non. Leur point de vue était qu'ils étaient une nation souveraine

 10   reconnue par les Nations Unies et qu'ils avaient pleinement le droit de

 11   placer des soldats aux endroits où ils le souhaitaient sur leur propre

 12   territoire et ils n'allaient pas accepter la démilitarisation. Bien sûr,

 13   ils étaient également inquiets du fait qu'une démilitarisation pourrait

 14   geler la ligne de conflit et qu'à ce moment-là, de fait, elle deviendrait

 15   une frontière internationale.

 16   Q.  Nous allons aborder ces sujets un peu plus tard, mais à ce moment-ci

 17   j'aimerais vous poser la question suivante, vous demander : est-il exact

 18   que le côté musulman était intéressé à prolonger la guerre ou les activités

 19   de combat ?

 20   R.  Au cours de l'année 1994, je crois que le côté du gouvernement bosnien

 21   avait abandonné le processus de paix parce qu'ils avaient été armés par les

 22   Américains et d'autres et ils avaient également été formés, et ils avaient

 23   eu espoir de pouvoir reprendre un territoire perdu par la force des armes.

 24   Et ceci a particulièrement -- c'était donc dans leur intérêt, comme ils

 25   l'avaient vu, de revenir à la guerre. Et en ce qui me concerne, c'était une

 26   erreur, car il aurait fallu des décennies pour reprendre les territoires

 27   perdus par la force des armes. Et nous avons répété ceci souvent au

 28   président Izetbegovic et au vice-président Ganic.


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  1   Q.  Vous savez que je ne suis pas insatisfait de votre réponse, mais

  2   j'attends que l'interprétation soit terminée. C'est la raison pour laquelle

  3   je ménage des pauses aussi longues.

  4   Je souhaiterais que l'on affiche maintenant le paragraphe 31. Vous dites

  5   dans ce paragraphe que :

  6   "Les Serbes de Bosnie voulaient un cessez-le-feu qui commence avec la

  7   démilitarisation de Sarajevo."

  8   Et dans la dernière phrase, vous dites :

  9   "Ils ont proposé que la FORPRONU installe des observateurs qui

 10   observeraient les armes lourdes de leur côté comme une mesure pour pouvoir

 11   construire la confiance qui pourrait représenter une première étape dans le

 12   désir d'arriver à un cessez-le-feu."

 13   Vous avez donné une explication pour les raisons pour lesquelles les

 14   Musulmans étaient contre une démilitarisation de Sarajevo et contre la

 15   cessation des hostilités, mais à l'époque, est-ce que vous aviez des

 16   connaissances concrètes quant à ce que M. Warren Zimmermann avait promis à

 17   Alija Izetbegovic ? Est-ce que la FORPRONU détenait des informations sur

 18   les accords conclus entre les Américains d'une part et le côté musulman à

 19   Sarajevo d'autre part ?

 20   R.  Non, nous n'avions jamais eu de telles informations.

 21   Q.  Merci. Je voudrais maintenant vous poser la question suivante : est-il

 22   exact que les Croates également étaient en faveur de la cessation des

 23   hostilités et la fin de la guerre pendant que vous étiez en Bosnie-

 24   Herzégovine ?

 25   R.  Après l'accord de Washington, je n'ai pas eu beaucoup d'échanges avec

 26   le côté croate, et donc je n'ai pas beaucoup d'informations sur leur

 27   position.

 28   Q.  Merci. Etant donné que vous nous avez dit que les Américains armaient


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  1   le côté musulman, est-ce que vous déteniez des informations sur la

  2   provenance de ces armes ? Est-ce que vous saviez, par exemple, si les armes

  3   venaient de l'Iran, des Etats-Unis ? Est-ce que vous saviez d'où venaient

  4   ces armes ?

  5   R.  Non, pas du tout. Et je devrais probablement changer ce que j'ai dit,

  6   que nous étions "conscients" ou que nous "savions". Nous savions qu'il y

  7   avait des rumeurs que ceci était en train d'arriver. Nous avions quelques

  8   éléments de preuve indirects selon lesquels, par exemple, les soldats de

  9   Bosnie se présentaient en uniforme de style américain. Mais de quelle façon

 10   cet équipement provenait en Bosnie-Herzégovine, cela, nous ne le savions

 11   pas. Car, effectivement, l'OTAN contrôlait l'espace aérien et ils ne nous

 12   communiquaient pas d'informations de ce type.

 13   Q.  Vous ne contrôliez pas non plus les routes terrestres, donc vous ne

 14   saviez pas si les armes provenaient par le biais des autoroutes non plus ?

 15   R.  C'est exact. Nous étions une organisation qui facilitait l'acheminement

 16   de l'aide humanitaire. Nous n'avions pas un pouvoir militaire.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche dans le

 18   prétoire électronique le document 8137 65 ter.

 19   Q.  Général, reconnaissez-vous le type de document que ceci représente ?

 20   R.  Oui, tout à fait.

 21   Q.  Qui a envoyé ce fax ? Pourriez-vous nous le dire, et à qui ce fax a-t-

 22   il été envoyé ? C'est un fax du 31 janvier 1994.

 23   R.  A prime abord, il semblerait que ce fax passait par Zagreb et Belgrade,

 24   mais il n'est pas sur la liste de distribution, d'après ce que je vois.

 25   Q.  Justement, c'est ce qui m'a surpris. Mais vous nous confirmez donc

 26   vous-même également que vous n'aviez jamais reçu ce fax même s'il s'agit

 27   d'une réunion qui s'est déroulée entre vous-même, le Dr Radovan Karadzic et

 28   le général Mladic, n'est-ce pas ?


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  1   M. LUKIC : [interprétation] En fait, j'aimerais que l'on affiche la

  2   page 2 afin de permettre au général de voir qu'il est également l'un des

  3   participants.

  4   Q.  C'est le point 4 qui m'intéresse tout particulièrement, et vous

  5   pouvez voir que ces points portent sur vous.

  6   R.  Oui, c'est tout à fait exact, et j'étais présent à cette réunion.

  7   Q.  Au point 4, on peut lire que vous avez proposé que l'on essaie de

  8   trouver des moyens pour que l'on puisse séparer les effectifs, et l'on y

  9   dit également que le Dr Karadzic était d'accord, qu'il était enthousiasmé

 10   par cette proposition, mais qu'il pensait que les Musulmans n'allaient pas

 11   être d'accord et que ceci allait à l'encontre de leur stratégie

 12   internationale de propagande selon laquelle Sarajevo était démontrée comme

 13   étant une ville de victimes. On y voit également que la réaction du général

 14   Mladic était également positive, mais qu'il était plus prudent et qu'il

 15   disait qu'il fallait procéder étape par étape. Là encore, c'est une

 16   situation où vous proposez une cessation des hostilités à Sarajevo. Vous

 17   souvenez-vous à ce moment-là quelles ont été les réactions des

 18   représentants des autorités musulmanes de Sarajevo ?

 19   R.  Je ne m'en souviens pas. Cela fait pratiquement 20 ans que l'événement

 20   a eu lieu, mais maintenant je vous dirais que je m'attendrais à ce qu'ils

 21   n'acceptent pas ce type de suggestion, parce que cela aurait été typique de

 22   la période.

 23   Q.  Très bien. Vers la fin de la page, nous voyons qu'il est question de --

 24   L'INTERPRÈTE : Inaudible pour l'interprète.

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  -- et il est question de préoccupations légitimes serbes, à savoir que

 27   l'aéroport pourrait être utilisé pour passer en contrebande du matériel,

 28   mais aussi que ce qui préoccupait les Serbes était que la partie musulmane


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  1   risquait d'abattre un avion onusien et qu'on allait le reprocher aux

  2   Serbes. Aujourd'hui, est-ce que vous vous souvenez quelle a été l'issue de

  3   ces négociations portant sur l'aéroport de Tuzla ?

  4   R.  Comme vous venez de le décrire, le résultat final a été négatif. Nous

  5   n'avons jamais pu avancer sur la question de l'ouverture de l'aéroport de

  6   Tuzla pendant cette année que j'ai passée en Bosnie-Herzégovine.

  7   Q.  Au point 8, le Dr Karadzic propose non seulement l'ouverture de

  8   l'aéroport de Tuzla, mais aussi l'ouverture de l'aéroport de Banja Luka;

  9   donc, d'un aéroport qui se situe sur le territoire qui est sous le contrôle

 10   des forces bosno-serbes. Y a-t-il jamais eu ouverture de cet aéroport-là,

 11   de l'aéroport de Banja Luka, pendant toute la durée de votre mission en

 12   Bosnie-Herzégovine ?

 13   R.  Non, cela n'a pas eu lieu.

 14   Q.  Parlons maintenant du mois de février 1994. J'aborde le paragraphe 35

 15   de votre déclaration.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'ai vu dans la

 17   déclaration 92 ter qu'il manquait une page de ce rapport.

 18   Qu'est-ce qui a été fait - Madame Bibles - pour compléter les informations

 19   relatives à cette réunion ? Nous avons le procès-verbal, mais il n'est pas

 20   complet.

 21   Mme BIBLES : [interprétation] En deux mots, Monsieur le Président, je dois

 22   vous dire que nous ne savons pas où se trouvent les pages qui manquent. Ce

 23   serait les paragraphes 1 et 2 du procès-verbal qui manquent à en juger

 24   d'après le document. Le témoin confirme que ce que l'on trouve dans le

 25   document correspond à sa mémoire de ce qui s'est passé lors de la réunion.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je vous ai demandé de savoir quels

 27   efforts vous aviez déployés pour compléter ce document, pour nous procurer

 28   la version intégrale. Si vous ne pouvez pas répondre, faites-nous savoir ce


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  1   qui en est dès que vous pourrez.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Oui. Tout à fait.

  3   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  4   M. LUKIC : [interprétation]

  5   Q.  Donc vous parlez d'une attaque par mortier à Dobrinja, à Sarajevo,

  6   c'est le paragraphe 35. Vous dites que vous avez demandé qu'une analyse du

  7   cratère soit faite et que sans aucun doute possible il s'est avéré suite à

  8   cette analyse que les forces bosno-serbes étaient à l'origine de ce tir.

  9   Nous aurons nombre de spécialistes en balistique qui viendront déposer à ce

 10   sujet. J'aimerais savoir si vous êtes au courant du fait que l'analyse de

 11   cet incident n'est pas terminée. Savez-vous qu'il n'y a jamais eu de

 12   finalisation, enfin, on n'a jamais terminé cette analyse-là ?

 13   R.  Il est particulièrement difficile d'identifier le point de départ d'un

 14   projectile en se basant sur une analyse de cratère. Lorsqu'il y a cinq

 15   mortiers dans un axe, il est facile d'identifier la direction. Mais la

 16   distance, c'est moins facile à déterminer. Plus vous avez de projectiles,

 17   plus cela devient facile. Et à l'époque, je peux confirmer que nous avons

 18   estimé que le projectile est venu du côté serbe.

 19   Q.  Connaissez-vous personnellement les résultats de cette analyse ? Est-ce

 20   que vous savez où ces gens-là ont reçu les informations ? Est-ce que vous

 21   savez que c'est 28 jours après l'incident qu'ils ont commencé leur analyse

 22   ? Le savez-vous ?

 23   R.  Généralement, une enquête se situe à deux niveaux. Vous avez sur-le-

 24   champ une analyse qui était faite par le génie de l'armée française, et

 25   eux, ils avaient de l'expérience dans ce domaine; et puis ensuite, dans une

 26   deuxième phase, on procédait à une enquête plus détaillée, et c'était

 27   l'équipe de Zagreb qui s'en chargeait. Je ne peux pas me rappeler

 28   maintenant, vu le temps qui s'est passé, à quel moment l'équipe de Zagreb


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  1   est venue. D'ailleurs, je ne me souviens même pas si cette équipe est

  2   intervenue sur place.

  3   Q.  Merci. 1D548, s'il vous plaît, dans le prétoire électronique. C'est

  4   votre déposition du 5 octobre 2010. Page 69 dans le prétoire électronique.

  5   Page 7 309 du compte rendu d'audience, il s'agit du procès contre M.

  6   Karadzic. C'est la page dont nous avions besoin. Lignes 4 à 7, et ensuite

  7   11 à 18. Avez-vous relu votre réponse ? Je n'aurai qu'une question très

  8   brève à vous poser par rapport à cette partie-là de votre déposition, à

  9   savoir : La FORPRONU ne disposait pas de moyens développés sur le plan

 10   technique et il n'était pas possible de tirer des conclusions fiables sur

 11   la provenance des projectiles, des obus.

 12   R.  On parle de deux périodes de temps, du marché de Markale et de

 13   Dobrinja. A ce moment-là, il n'y avait pas de radar permettant de repérer

 14   les mortiers. Mais avec l'automne, les Nations Unies avaient positionné des

 15   radars permettant d'identifier l'emplacement des mortiers, ce qui a apporté

 16   une grande précision à l'identification des positions de tir. Et comme je

 17   l'ai décrit avant cela, c'était un exercice imprécis.

 18   Q.  Je vous remercie. Au paragraphe 36, Général, paragraphe 36 de votre

 19   déclaration, vous dites, au sujet de Dobrinja, au sujet de ce quartier-là,

 20   vous dites, et je cite l'avant-dernière phrase :

 21   "Les Serbes l'ont entièrement encerclé et ils tiraient directement sur ce

 22   quartier, au point que ses habitants étaient forcés de vivre dans leurs

 23   sous-sols, dans leurs caves."

 24   Général, est-il exact de dire que Dobrinja était à la fois un endroit où

 25   les forces musulmanes avaient des positions très fortes, c'était quasiment

 26   un bunker musulman ?

 27   R.  Pas pour autant que je le sache.

 28   Q.  Est-il exact de dire que Dobrinja était encerclé de trois côtés et que


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  1   d'aucune manière les Serbes n'ont pu s'emparer de la moitié du quartier qui

  2   était entre les mains des Musulmans ? En fait, les Serbes ne tenaient

  3   qu'une moitié de ce quartier. Est-il possible que ce quartier n'a pas été

  4   fortifié à ce point-là et qu'en dépit de cela les Serbes n'auraient pas pu

  5   s'en emparer ?

  6   R.  Comme je l'ai déjà expliqué, les Nations Unies n'étaient pas en

  7   position de procéder à des analyses détaillées, que ce soit au niveau

  8   stratégique ou même au niveau tactique par rapport au rapport de force et

  9   le déploiement des forces sur le terrain. Et comme vous l'avez déjà

 10   signalé, l'expression "complètement encerclé" était peut-être exagérée

 11   puisqu'il y avait une route cachée qui passait par Dobrinja depuis

 12   l'aéroport vers le centre de Sarajevo, mais c'était une route qui était

 13   très étroite. Et effectivement, Dobrinja était encerclé.

 14   Q.  Mais Dobrinja débouche sur le mont Mojmilo, qui était entre les mains

 15   des forces musulmanes, et c'est en passant par Dobrinja, en réalité, qu'il

 16   y avait un lien entre le mont Igman et Sarajevo, que Sarajevo avait un

 17   contact direct avec ces routes qui passent par le mont Igman, parce qu'il y

 18   avait ce chemin qui passait par Dobrinja sous la piste de l'aéroport vers

 19   la partie de Sarajevo qui était contrôlée par les Musulmans ?

 20   R.  Comme je l'ai déjà dit, nous n'avions pas de connaissances précises sur

 21   les voies cachées qui menaient à Sarajevo à l'époque. Ce que vous êtes en

 22   train d'affirmer, cela est peut-être possible, mais bien sûr il y a eu

 23   d'autres négociations et des accords où des choses ont été passées d'un

 24   côté et de l'autre de la ligne sans que les Nations Unies le sachent, et

 25   cela aurait pu être un de ces exemples.

 26   Q.  La FORPRONU, elle aussi, a emprunté les routes qui passent par le mont

 27   Igman ?

 28   R.  Oui, c'est exact.


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  1   Q.  Saviez-vous que ces routes étaient employées également par les forces

  2   musulmanes pour approvisionner leurs forces armées se trouvant dans la

  3   ville même de Sarajevo ?

  4   R.  Pas pour autant qu'on savait.

  5   Q.  Je vous remercie. Je voudrais aborder le paragraphe 37 à présent. Ici,

  6   vous dites :

  7   "Le lendemain, le 5 février 1994 … un massacre a eu lieu à Sarajevo…", vous

  8   dites que "un seul projectile de mortier a été tiré sur le marché de

  9   Markale, pas loin de la présidence."

 10   Alors Markale et cet obus unique feront l'objet de nombreuses enquêtes et

 11   expertises dans cette affaire, faites par des témoins oculaires et par des

 12   experts en balistique. Je ne voudrais donc pas vous importuner avec des

 13   questions de balistique maintenant, mais je voudrais établir un lien entre

 14   ce paragraphe-ci et le paragraphe 38, donc le paragraphe suivant de votre

 15   déclaration où vous soulignez vous-même que :

 16   "Le général Milovanovic a envoyé un message par télécopie proposant la

 17   constitution d'une commission mixte d'experts militaires chargée de

 18   déterminer la provenance de cette attaque."

 19   Je vous demande : cette commission n'a jamais été mise sur pied, n'est-ce

 20   pas ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Est-ce qu'il a été question de constituer une commission mixte composée

 23   des représentants de la partie serbe, partie musulmane et de la FORPRONU ?

 24   Vous en souvenez-vous ?

 25   R.  Je ne m'en souviens pas, mais du côté bosnien de Sarajevo, on aurait

 26   certainement refusé la présence d'experts serbes sur leur territoire, si on

 27   avait demandé cela.

 28   Q.  Il y a eu deux commissions qui ont été créées. Il y en a une qui s'est


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  1   rendue sur place immédiatement, et puis il y en a une autre qui est arrivée

  2   plus tard de Zagreb; est-ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pendant la première enquête, il y a eu participation des représentants

  5   des autorités musulmanes et ce sont eux qui ont recueilli la preuve sur

  6   place; est-ce exact ?

  7   R.  Il me semble que c'est vrai.

  8   Q.  Et la deuxième commission qui, elle, est arrivée de Zagreb, à son tour,

  9   a en fait utilisé les preuves ayant été rassemblées tout de suite après

 10   l'incident lui-même; exact ?

 11   R.  Oui, là encore, c'est ce qui s'est passé, je pense.

 12   Q.  Avez-vous formulé des protestations, savez-vous qu'en partie des

 13   preuves ont disparu ou ont été écartées tout de suite après la première

 14   enquête ?

 15   R.  J'en ai certainement discuté avec le génie français, à savoir ils n'ont

 16   pas pu mettre la main sur l'ensemble des éléments parce que du côté

 17   gouvernemental de Sarajevo, donc du côté bosnien, on avait enlevé un

 18   certain nombre d'éléments du site avant leur arrivée. Alors, quant à savoir

 19   si par la suite ils ont pu avoir accès à ces éléments, ça je ne sais pas.

 20   Q.  Merci. Vous dites au paragraphe 40 de votre déclaration, dans la

 21   dernière phrase de ce paragraphe :

 22   "J'ai suggéré que l'on profite de la situation pour mettre sur pied une

 23   zone d'exclusion totale pour les armes lourdes, de 20 kilomètres de

 24   Sarajevo."

 25   Il s'agit, en fait, d'utiliser de manière constructive cet événement,

 26   cet incident de Markale; est-ce exact ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Juste une petite question avant que cette zone d'exclusion totale ne


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  1   soit créée. Avant et après cela, les Musulmans avaient des effectifs plus

  2   importants; est-ce exact ? D'ailleurs, je vous demande si vous le savez. Si

  3   vous ne le savez pas, dites-le-moi.

  4   R.  Non.

  5   Q.  Merci. Est-il exact que la démilitarisation de Sarajevo, en fait,

  6   devait comprendre le retrait de l'ensemble des effectifs en armes de

  7   Sarajevo, que Sarajevo devait devenir une zone désarmée, et que la partie

  8   musulmane n'a pas accepté cela ?

  9   R.  Il me semble que vous amalgamez deux points ici. D'un côté, il y a le

 10   retrait des armes lourdes. Les deux parties l'ont accepté mais ne l'ont pas

 11   respecté; et puis, il y a une deuxième question qui est la question de la

 12   démilitarisation, on en a déjà parlé, et sur ce point-là, la partie

 13   musulmane n'était pas favorable à la démilitarisation et ne voulait pas

 14   accepter cela.

 15   Q.  Lorsque vous nous dites que cet accord sur le retrait d'armes lourdes

 16   n'a pas été respecté, vous voulez nous dire qu'en partie cela n'a pas été

 17   respecté, que certaines pièces n'ont pas été remises, n'ont pas été placées

 18   aux points de regroupement, ou que cet accord n'a pas du tout été respecté

 19   ?

 20   R.  Aucune des parties ne l'a respecté à 100 %. Les deux parties ont

 21   triché, les deux parties ont caché leurs armes lourdes en partie dans la

 22   zone d'exclusion.

 23   Q.  Nous allons aborder cette question plus en détail par la suite, mais

 24   maintenant, tout de suite, je voudrais vous demander la chose suivante :

 25   les Serbes ont utilisé des armes qui étaient regroupées aux points de

 26   regroupement lorsque les forces musulmanes les ont attaqués; exact ?

 27   R.  C'est ce qu'affirmaient les Bosno-Serbes lorsqu'ils venaient reprendre

 28   leurs armes aux points de regroupement.


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  1   Q.  Ils disaient qu'ils n'avaient pas d'autres armes et qu'il fallait bien

  2   qu'ils se servent de celles-là, n'est-ce pas ?

  3   R.  C'était leur affirmation. Bien sûr, c'était plutôt politique que

  4   militaire, et en particulier parce que ce que nous pensions, c'était qu'ils

  5   avaient caché des armes et qu'en fait, ils auraient pu les utiliser, celles

  6   qu'ils avaient cachées.

  7   Q.  N'était-il pas dangereux pour les Serbes de se servir des armes qui

  8   étaient placées sous le contrôle des Nations Unies ? Est-ce que cela ne les

  9   exposait pas aux frappes potentielles lancées par l'OTAN ?

 10   R.  Si, tout à fait.

 11   Q.  Merci. Très brièvement, parlons de la démilitarisation de Sarajevo, si

 12   vous voulez bien. Il ne s'agit plus de points de regroupement d'armes

 13   lourdes. Au paragraphe 42, vous dites :

 14   "Le président Izetbegovic a déclaré qu'il n'accepterait jamais que son

 15   infanterie soit retirée de Sarajevo…"

 16   Alors, ce que j'essaie de comprendre et ce que j'essaie d'entendre de vous

 17   ici est : est-ce que la FORPRONU a accepté cette prise de position par le

 18   président Izetbegovic et quelle a été la suite des événements du côté de la

 19   FORPRONU ? A-t-on déployé des efforts néanmoins pour démilitariser

 20   Sarajevo, ou est-ce qu'on a renoncé à cela ?

 21   R.  Il nous a fallu accepter sa position telle qu'elle a été formulée à ce

 22   moment-là, mais cela ne nous a pas empêchés de continuer de déployer des

 23   efforts pour démilitariser la situation. Cela faisait partie de nos efforts

 24   visant à rétablir la paix de manière permanente en Bosnie-Herzégovine.

 25   Q.  Vous est-il jamais arrivé de menacer le président Izetbegovic, lui

 26   avez-vous dit que l'OTAN allait effectuer des frappes contre ses forces à

 27   lui ?

 28   R.  Oui, il m'est arrivé de faire cela.


Page 6884

  1   Q.  Nous allons voir plus tard si vous auriez pu traduire cela dans les

  2   faits ou non. Là, sur le moment, je pense qu'il nous faudra faire une

  3   pause.

  4   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est à peu près le moment, à un

  6   moment depuis le début de ce volet d'audience. Nous allons reprendre à 13

  7   heures 35, mais nous allons attendre tout d'abord que le témoin ait quitté

  8   le prétoire.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   --- L'audience est suspendue à 13 heures 13.

 11   --- L'audience est reprise à 13 heures 36.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre apprécierait que vous cessiez

 13   ces conversations à voix haute pendant que les Juges de la Chambre entrent

 14   dans le prétoire, Monsieur Mladic.

 15   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux

 16   profiter de ce laps de temps pour informer la Chambre de deux choses ? Je

 17   me suis entretenu avec M. Lukic au sujet de RM009. M. Lukic a considéré

 18   qu'il avait besoin de quatre heures pour ce témoin, et l'Accusation

 19   envisage de réduire de 15 minutes son temps, ça nous donnerait quatre

 20   heures et quart -- ou quatre heures 45 minutes pour ce témoin. Donc nous

 21   allons attendre la décision des Juges de la Chambre pour ce qui est

 22   d'organiser notre emploi du temps.

 23   Et pour ce qui est de cette pièce P723, il s'agit d'une pièce publique

 24   d'hier, la première page de cette pièce montre que le témoignage vidéo n'a

 25   pas de valeur probante pour cette affaire, donc la Chambre a donné

 26   ordonnance pour ce qui est d'enlever la première page. Je vous remercie.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, il y aura donc cette pièce P723


Page 6885

  1   qui sera le même document sans la première page.

  2   Maître Lukic, pouvez-vous continuer ?

  3   M. LUKIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  5   M. LUKIC : [interprétation]

  6   Q.  Général, pouvons-nous continuer ?

  7   R.  Oui, allez-y.

  8   Q.  Penchons-nous maintenant sur le paragraphe 43 de votre déclaration.

  9   Vous y dites que vous avez rencontré le commandant adjoint de l'ABiH, le

 10   général Divjak, et ça se trouve vers la fin du paragraphe :

 11   "…pour vous entretenir au sujet d'un cessez-le-feu. Et, miraculeusement, il

 12   a accepté que ce traité de cessez-le-feu soit respecté."

 13   Alors, je voudrais qu'on nous affiche au prétoire électronique le 1D549.

 14   Général, c'est le texte de votre témoignage du 6 octobre 2010 dans

 15   l'affaire Karadzic. Je voudrais seulement vous rafraîchir la mémoire à cet

 16   effet. Nous avons besoin de la page 20, vers le bas de la page, c'est-à-

 17   dire la partie qui commence à partir de la ligne 14. Et il nous faudra la

 18   page 21 pour les quatre premières lignes de cette page-là. Alors, revenons

 19   à la page précédente un instant. Je m'en excuse. Revenons donc vers cette

 20   page 20 pour que le général ait le temps d'en prendre connaissance.

 21   Nous voyons ici, Général, que c'est vous qui précisez que le général

 22   "…'Divjak avait été hésitant pour ce qui était de signer cet accord de

 23   cessez-le-feu, et partant de là, il a estimé que la proposition des Nations

 24   Unies n'était pas liée à quelque accord politique à long terme que ce

 25   soit.'" Et puis, on voit --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lukic, il me semble à première

 27   vue qu'il s'agit là d'une citation. Alors ça fait partie de la question --

 28   on y viendra. Alors vous avez dit "comme vous l'avez dit" -- non, c'est


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  1   apparemment "comme vous l'avez écrit", et cité d'un accusé dans ce

  2   contexte, n'est-ce pas ?

  3   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, et je m'en excuse.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Alors, après cette partie introductive datée du 6 octobre 2010, vous

  7   avez évoqué le fait que vous aviez indiqué à Divjak qu'à Markale, l'obus

  8   qui a explosé le 5 février 1995, que cet obus était venu des positions

  9   musulmanes et que vous aviez pu le déterminer. Et tout de suite après cela,

 10   il a changé d'opinion et a accepté de signer l'accord, le traité. Alors,

 11   quelle est l'impression que vous vous êtes faite ? Est-ce qu'il savait que

 12   véritablement cet obus était bel et bien venu des positions musulmanes ou

 13   est-ce qu'il avait des doutes à ce sujet, il s'en doutait ?

 14   R.  Eh bien, il apparaît clairement que si cette information venait à être

 15   rendue publique, elle aurait détérioré ou porté des dégâts, des préjudices

 16   à la partie de la Bosnie-Herzégovine. Comme je l'ai dit, cette première

 17   investigation a été incomplète, cela a été la première opinion formulée par

 18   les analystes français, à savoir que cela pouvait très bien être venu du

 19   côté du gouvernement de la Bosnie et que cela avait été tiré à partir d'un

 20   bâtiment, puis ensuite ça été rejeté comme possibilité. Mais ça a été utile

 21   à ce moment-là parce que cela a fait pression à l'égard de Divjak, qui a

 22   fini par signer l'idée du cessez-le-feu.

 23   Q.  Merci. Nous avons dit que nous n'allions pas entrer dans des détails

 24   techniques à ce sujet maintenant. Général --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux vérifier les choses

 26   pour être tout à fait précis.

 27   Alors, ce qui est cité dans ce que vous avez rédigé dans le livre, est-ce

 28   que c'est la toute première investigation qui aurait révélé que ça avait


Page 6887

  1   été tiré par la partie musulmane; alors que votre témoignage d'aujourd'hui

  2   pour ce qui est de cette investigation première qui dit que c'était

  3   incomplet ou est-ce que la première opinion formulée par l'analyste

  4   français avait dit que cela pouvait très bien être tiré du côté du

  5   gouvernement de la Bosnie. Mais ce n'est pas tout à fait la même chose,

  6   parce qu'une fois on disait que ça venait du côté musulman, et l'autre fois

  7   on dit que ça pouvait très bien venir du côté musulman. Alors, quelle est

  8   la présentation précise de ce qu'a dit cet analyste français ? Que c'était

  9   venu ou que ça pouvait être venu du côté musulman ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, d'après mes souvenirs c'était - et là

 11   je ne m'en souviens peut-être pas au mieux - mais si j'ai rédigé quelque

 12   chose dans le livre, ça devrait définitivement être ce qui initialement a

 13   été le cas parce qu'au début ils étaient sûrs, et que c'était l'opinion qui

 14   datait de l'époque.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Et par la suite, on a dit qu'il y avait des

 17   doutes pour ce qui est de la certitude de l'endroit à partir duquel la

 18   bombe a été tirée.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça me vient à l'esprit - et je m'adresse

 20   aux deux parties - quand on parle de ce que ce rapport a dit, il en va de

 21   même pour ce qui est du pilonnage de Dobrinje le 4 février, parce que tout

 22   ne se trouve pas dans les pièces à conviction. Mais excusez-moi de ne pas

 23   tout avoir à l'esprit à chaque fois que nous entendons des témoignages pour

 24   ce qui est de tant de rapports de faits à ce sujet.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] La Chambre va entendre des éléments de preuve

 26   additionnels au sujet de ces rapports, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Merci.

 28   Continuez, Monsieur Lukic.


Page 6888

  1   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Alors, penchons-nous sur ce que nous dit ce paragraphe 46, vous parlez

  3   du 12 février 1994 : 

  4   "Le général Milovanovic a envoyé un fax pour protester auprès du

  5   gouvernement de Bosnie pour ce qui était de violations dudit cessez-le-

  6   feu…"

  7   M. LUKIC : [interprétation] Et je voudrais qu'au prétoire électronique on

  8   nous affiche le 1D552 à cet effet. Nous avons besoin --

  9   Q.  Vous voyez ici la version anglaise. Le commandement du Corps de

 10   Sarajevo-Romanija, rapport de combat ordinaire daté du 9 avril 1994. Donc

 11   on était entré dans le mois d'avril. Alors il nous faut en B/C/S la page 2,

 12   et en version anglaise la page 4.

 13   Général, est-ce qu'à cette époque-là vous aviez obtenu des informations

 14   disant que les convois des Nations Unies transportaient à bord de leurs

 15   véhicules des armes et munitions pour les forces musulmanes ?

 16   R.  Des allégations ont souvent été faites à ce sujet, mais à ma

 17   connaissance les Nations Unies n'ont jamais transporté ni armes ni

 18   munitions pour les forces du gouvernement bosnien.

 19   Q.  Mais dans ce document, il est dit que vers 20 heures 30 le 8 avril

 20   1994, on a inspecté un convoi d'aide humanitaire destiné à Sarajevo, sept

 21   camions et une jeep, à l'occasion de quoi il a été trouvé de grosses

 22   quantités de munitions pour des Brownings et du matériel sanitaire, chose

 23   qui n'était pas sur la liste des marchandises transportées.

 24   A l'époque, avez-vous été mis au courant de cet incident ou de cette

 25   accusation formulée par le commandement des Serbes de Bosnie ?

 26   R.  A ma connaissance, je n'ai jamais été mis au courant de ceci au sujet

 27   de cet incident. Il est certain que j'aurais été informé, et si ça avait

 28   été le cas, je m'en souviendrais à présent.


Page 6889

  1   Q.  Je vous prie de m'accorder un petit instant. Alors, est-ce que vous

  2   seriez d'accord avec moi pour dire que les positions des forces musulmanes

  3   en 1994 s'étaient améliorées de façon dramatique, non seulement en raison

  4   des accords de Washington, mais aussi en raison du fait que ces effectifs

  5   avaient reçu et recevaient constamment de grosses quantités d'armes ?

  6   R.  Nous avons certainement remarqué que les effectifs du gouvernement de

  7   Bosnie avaient amélioré leur potentiel, mais de là à savoir comment ils le

  8   faisaient et d'où venaient ces munitions et ce matériel, eh bien, je dirais

  9   que nous n'en avons pas été informés de façon directe. Notre rôle avait

 10   simplement consisté à faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, et

 11   non pas d'intervenir et agir en tant que garants d'un embargo sur les

 12   hommes qui relevaient de la responsabilité de l'OTAN, et non pas de nous-

 13   mêmes ?

 14   Q.  Merci. Je voudrais passer maintenant au mois de mars 1994. Penchez-vous

 15   sur le paragraphe 55 de votre déclaration. Alors, il est question de mars

 16   1994. Il y a eu signature d'accords-cadres à Washington, ce qui a permis de

 17   favoriser les Musulmans de Bosnie ainsi que les Croates de Bosnie. Alors,

 18   dans cette documentation, y a-t-il une contribution de votre part pour ce

 19   qui est de la signature de ces accords de Washington au 18 mars 1994 ?

 20   R.  J'étais la personne qui a présidé cette réunion près de Zagreb où les

 21   deux parties avaient été emmenées, et c'étaient mes propos qui étaient ceux

 22   qui ont défini cet accord, mais il s'agissait en fait d'un accord politique

 23   qui avait déjà été conclu. Mais je devais administrer le cessez-le-feu, la

 24   signature du cessez-le-feu, et la séparation des effectifs, et cetera. Donc

 25   c'est ce qui se passe normalement après les hostilités.

 26   Q.  Les territoires placés sous le contrôle de Fikret Abdic étaient-ils

 27   compris dans cette Fédération ?

 28   R.  Non.


Page 6890

  1   Q.  Dans cette Fédération, les lignes définissant les territoires ne sont

  2   pas définies, n'est-ce pas, dans cet accord, ou est-ce que je me trompe ?

  3   R.  Non, les lignes n'étaient pas clairement indiquées. Il n'y avait pas de

  4   lignes.

  5   Q.  La signature de cet accord s'est déroulée peu de temps après une

  6   période d'hostilités, de combats, qui s'est déroulée entre les Musulmans et

  7   les Croates; est-ce exact ?

  8   R.  Je ne me souviens pas si effectivement ceci a été le cas. Mais

  9   effectivement, pendant la période pendant laquelle j'étais en Bosnie-

 10   Herzégovine, qui était un mois ou deux peut-être, ils se sont livrés à des

 11   activités de combat, effectivement.

 12   Q.  Les combats entre les Musulmans et les Croates se sont principalement

 13   déroulés en 1993, date à laquelle vous n'étiez plus en Bosnie-Herzégovine,

 14   et donc vous n'êtes pas au fait de tous les détails. Nous acceptons donc

 15   que vous ne connaissiez pas tous les détails. Au paragraphe 56, vous dites

 16   que :

 17   "Le 3 mars 1994, j'ai participé à une réunion avec le général Mladic à

 18   Lukavica. Lors de cette réunion, il a dit que la réunion ait lieu avec le

 19   gouvernement bosnien afin d'établir un accord de paix global."

 20   Ma question est donc la suivante : est-il exact que ce n'était ni la

 21   première fois ni la dernière fois d'entendre ou d'avoir ce genre de

 22   proposition par le général Mladic ou par l'armée de la VRS ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   Q.  Au paragraphe 59, on parle de l'ouverture du pont de Grbavica. Vous

 25   dites en date du 7 mars que vous avez eu "une réunion avec le général

 26   Ganic, M. Muratovic, le général Delic, et le général de brigade Karavelic

 27   dans la présidence." Vous dites qu'un "accord a été conclu sur l'ouverture

 28   du pont de Grbavica," et si je ne m'abuse, ce pont avait été fermé depuis


Page 6891

  1   le début de la guerre. Y avait-il des problèmes du côté serbe pour ce qui

  2   est de l'ouverture de ce pont ?

  3   R.  Non, les objections sont venues de M. Ganic.

  4   Q.  Merci.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche le paragraphe

  6   61, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais poser une question entre-

  8   temps, Maître Lukic.

  9   Vous avez dit que le général Mladic avait à plusieurs reprises

 10   proposé -- ou que, tout du moins, le côté des Serbes de Bosnie avait

 11   proposé un accord de paix global. S'agissait-il là d'une proposition

 12   ouverte, c'est-à-dire, mettons-nous d'accord sur la paix ? Ou bien, est-ce

 13   que ceci portait sur le statu quo ou autre chose ? Pourriez-vous nous

 14   donner un petit peu plus d'information sur la façon dont la proposition a

 15   été faite, est-ce que c'était une proposition ouverte, si vous vous en

 16   souvenez.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une proposition générale, ouverte,

 18   elle était toujours sur la table, chaque fois que nous rencontrions le côté

 19   serbe.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sans aucune condition, sans aucune

 21   proposition concernant le contenu ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Voilà, c'est cela.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. LUKIC : [interprétation]

 25   Q.  J'aimerais vous poser une question suite à la question qui a été posée

 26   par le Juge Orie. Indépendamment des raisons, est-ce que vous vous êtes

 27   forgé l'opinion que le côté serbe, chaque fois qu'il proposait cela,

 28   souhaitait la fin de la guerre, sincèrement ?


Page 6892

  1   R.  Je suis tout à fait certain qu'ils souhaitaient que la guerre se

  2   termine pendant qu'ils avaient une position avantageuse. Et après 1994, je

  3   crois qu'ils avaient dépassé le point culminant, comme Clausewitz l'a

  4   appelé, cette position allait détériorer, et donc c'était dans leur intérêt

  5   d'essayer de chercher une paix ou d'assurer une paix en 1994. Et les

  6   événements qui se sont déroulés plus tard ont prouvé que cette évaluation

  7   était exacte.

  8   Q.  J'aimerais maintenant vous demander une autre question relative à celle

  9   qui a été posée par le Président de cette Chambre, M. le Juge Orie. Vous

 10   dites que la proposition était ouverte. Est-ce que ceci veut dire que la

 11   proposition n'était pas du tout assortie de conditions ?

 12   R.  A l'époque de l'attaque contre Gorazde, le côté serbe souhaitait que

 13   l'incident et que le retrait des troupes autour de Gorazde fassent partie

 14   de l'accord global, alors que les Serbes de Bosnie avaient dit que c'était

 15   une condition. Mais du côté du gouvernement bosnien, ils avaient dit qu'ils

 16   souhaitaient que ceci soit fait de façon séparée avant d'arriver à un

 17   accord à long terme.

 18   Q.  Suis-je en droit de dire que pendant que vous étiez en Bosnie-

 19   Herzégovine, presque toutes, sinon pas toutes, les actions d'offensive

 20   provenaient du côté bosnien et que c'étaient eux qui étaient intéressés à

 21   poursuivre la guerre ?

 22   R.  Je crois que ce point de vue est un petit peu trop extrême. Ailleurs en

 23   Bosnie, non pas dans la région où nous étions déployés, il y avait

 24   également d'autres activités, mais de façon générale, l'intérêt des Serbes

 25   de Bosnie était d'assurer la paix et l'intérêt du côté du gouvernement

 26   bosnien était de continuer la guerre.

 27   Q.  Merci bien, Général.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, et M. Rose, je suis en


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  1   train de relire le page 77, ligne 2, et ce qui suit. Et surtout à la ligne

  2   3, on peut lire après "l'attaque contre Gorazde, là, bien sûr, le côté

  3   serbe a souhaité que l'incident et le retrait des troupes soit fait, et

  4   cetera, autour de Gorazde, et que ceci devait faire partie de l'accord

  5   global, alors que les Serbes de Bosnie disent qu'il s'agissait d'une

  6   condition."

  7   Je ne comprends pas le "whereas" en anglais, donc, alors que.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le côté du gouvernement bosnien souhaitait

  9   traiter cet accord, cet incident à Gorazde de façon séparée. Il ne serait

 10   pas correct de dire que le côté serbe de Bosnie voulait simplement avoir un

 11   accord global selon lequel Gorazde allait faire partie de cet accord.

 12   Donc, c'était une question de séquence pour ce qui est du côté du

 13   gouvernement serbe. C'est toujours le point épineux d'ailleurs.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour cette explication.

 15   M. LUKIC : [interprétation]

 16   Q.  Général, au paragraphe 61 de votre déclaration, on parle d'une autre

 17   région en Bosnie-Herzégovine, on parle de Bihac. Et vous dites ici, on

 18   parle du 12 mars 1994, et vous dites, je cite :

 19   "Le Bataillon français à Bihac a demandé que l'on procède

 20   immédiatement à des attaques aériennes contre un char serbe T55 qui avait

 21   tiré sur le QG du 5e Corps de l'armée bosnienne au centre-ville."

 22   J'aimerais savoir si on a demandé que l'aviation de l'OTAN agisse en

 23   raison de ceci ?

 24   R.  La demande de frappes aériennes venait toujours des effectifs des

 25   Nations Unies sur le terrain, ça n'a jamais été initié par l'OTAN. Le seul

 26   moment où l'OTAN pouvait tirer, c'était seulement en guise d'autodéfense.

 27   Q.  Mais est-ce que l'attaque a eu lieu ?

 28   R.  Non, dans ce cas-ci, non, parce que le char se déplaçait de son point


Page 6894

  1   dissimulé. Donc, l'OTAN n'a pas pu identifier le char et le cibler. Donc,

  2   la mission a été abandonnée.

  3   Q.  D'après-vous, est-ce que le QG du 5e Corps était une cible militaire

  4   légitime ?

  5   R.  Eh bien, je crois que, comme dans toute guerre, cela aurait été le cas.

  6   Q.  Mais, donc est-ce qu'on aurait pu demander des frappes aériennes de

  7   l'OTAN menées contres les positions serbes même lorsque les effectifs

  8   serbes agissaient sur des objectifs légitimes ?

  9   R.  Oui, bien sûr, parce qu'ils tiraient dans une zone densément peuplée et

 10   parce que les enclaves avaient été des zones dans lesquelles les combats

 11   n'étaient pas censés avoir lieu. Le fait que le QG était situé à cet

 12   endroit-là ne voulait pas dire qu'eux-mêmes, nécessairement, procédaient à

 13   des opérations de combat dans cette zone qui était densément peuplée.

 14   Q.  Ceci eut lieu peu de temps après les attaques des forces musulmanes

 15   contre les effectifs serbes ou les positions serbes, et les Serbes à ce

 16   moment-là, en guise de contre-attaque, ont repoussé les forces musulmanes

 17   et, dans le cadre de cette contre-attaque, ils ont également tiré sur le

 18   QG. Est-ce que j'ai raison de dire cela ?

 19   R.  Je ne crois pas que je puisse faire de commentaires là-dessus. Tout ce

 20   que je me souviens, c'est qu'il y avait un char qui pouvait sortir de sa

 21   cachette et, pour nous, il semblait que ceci était un incident isolé.

 22   Q.  Si les effectifs musulmans tiraient depuis un point peu habité sur les

 23   positions serbes, est-ce que dans ce cas-là les Serbes avaient le droit de

 24   tirer ce point duquel on tirait, même si ce point duquel on tirait se

 25   trouvait dans une zone peuplée ? Quelle était la position de la FORPRONU à

 26   cet égard ?

 27   R.  La position de la FORPRONU, bien sûr, était que personne ne devait

 28   tirer depuis une zone habitée et ne devait pas faire en sorte que la


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  1   population civile soit prise dans les activités de combat, mais c'est ce

  2   qui est quand même arrivé en Bosnie-Herzégovine, mais comme je dis, dans

  3   toutes les guerres vous avez le droit à l'autodéfense et à riposter. Mais

  4   la réponse doit être proportionnée.

  5   Q.  Justement, lorsque l'on parle des proportions, nous avons vu, par

  6   exemple, dans des situations de guerres comme en Afghanistan, un avion

  7   britannique tire sur un combattant portant une Kalachnikov et lance sur lui

  8   une bombe de 500 kilogrammes. Est-ce qu'il s'agit d'une attaque

  9   proportionnée ? Et qui établissait ce qui était proportionné ? Quelles sont

 10   les règles militaires prescrivant les proportions adéquates ?

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous êtes en train de

 12   donner un exemple émanant d'un conflit armé bien différent de celui qui

 13   nous intéresse, et vous demandez au témoin de vous écrire une thèse sur

 14   plusieurs questions. Pourriez-vous, je vous prie, vous concentrer sur les

 15   questions qui nous intéressent. Je ne sais pas si vous avez expressément et

 16   si vous avez voulu sélectionner ou penser à un avion britannique et c'est

 17   la raison pour laquelle vous avez cité votre exemple, mais nous sommes

 18   plutôt intéressés à ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine à l'époque.

 19   Mais je vois que M. Mladic s'est levé et souhaite avoir un contact

 20   avec le conseil. Les règles sont très claires quant aux consultations, mais

 21   s'il a une question très spécifique qui doit être abordée, nous allons de

 22   toute façon lever l'audience en quatre minutes. Cela aurait pu être écrit

 23   sur une petite feuille de papier. Il n'était pas nécessaire de consulter

 24   son conseil.

 25   Maître Lukic, veuillez procéder.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Je voulais savoir s'il y a un endroit précis où

 27   l'on peut retrouver le principe des proportions.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez fait référence au


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  1   principe des proportions. Très bien, j'ai compris. Alors, où est-ce que

  2   vous pouvez trouver les sources, mais je pense également que vous vouliez

  3   également savoir ce qui est proportionné, savoir ce qui n'est pas

  4   proportionné.

  5   Mais il ne nous reste que trois minutes, M. Rose.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, voyez-vous, bien évidemment dans

  7   chaque circonstance, il vous faut user de votre jugement. Mais, par

  8   exemple, pour appeler des tirs d'artillerie à Sarajevo et d'engager toute

  9   une artillerie contre un mortier qui a été tiré depuis Sarajevo aurait été

 10   considéré comme étant des tirs disproportionnés, puisque, de toute façon,

 11   vous avez inévitablement causé des victimes civiles dans ce cas-là. Si, par

 12   exemple, un obus de mortier placé sur un bâtiment tel un hôpital et que

 13   vous attirez des tirs et que vous détruisez l'hôpital, ceci consisterait à

 14   être quelque chose de disproportionné.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais avoir des précisions,

 16   Monsieur Rose. Vous avez parlé d'une bombe sur un hôpital. Il semblerait

 17   que vous incluez dans ce concept des dégâts collatéraux. Donc, je ne

 18   comprends pas très bien si vous parlez de dégâts collatéraux ou bien est-ce

 19   que vous parlez de la question de la proportionnalité. L'exemple qui vous a

 20   été donné d'une bombe de 500 tonnes et maintenant d'un aéronef britannique

 21   lancée contre un soldat était quelque chose qui a été fait à l'encontre

 22   d'une personne. Donc un soldat portant une Kalachnikov sans avoir de dégâts

 23   collatéraux autour de lui, pour moi c'est un exemple de proportionnalité.

 24   Mais si vous parlez d'un hôpital peuplé de personnes, de malades, vous

 25   semblez introduire le concept de proportionnalité, de dégâts collatéraux.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle vraiment de dégâts collatéraux, parce

 27   que la décision d'employer une bombe de 500 kilogrammes contre un soldat,

 28   contre une personne, c'est vraiment disproportionné pour ce qui est du


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  1   point de vue des contribuables. Mais lorsque vous parlez de la loi de la

  2   guerre, à ce moment-là vous parlez des dégâts collatéraux, et l'exemple que

  3   j'ai donné de nouveau illustre ceci. Par exemple, si quelqu'un place un

  4   obus de mortier sur un hôpital et tire un obus de mortier et que vous y

  5   répondez avec un barrage de tirs d'artillerie, ceci pourrait causer à ce

  6   moment-là un très grand nombre de victimes collatérales et donc, à ce

  7   moment-là, il s'agirait de tirs disproportionnés.

  8   Q.  Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'avais dit déjà tout à

 10   l'heure qu'il ne nous restait que trois minutes. Eh bien, ces trois minutes

 11   se sont écoulées entre-temps.

 12   Maintenant, Maître Lukic, j'aimerais vous dire que vous avez employé

 13   -- en fait, vous avez utilisé quatre heures -- il vous reste encore quatre

 14   heures des six heures que vous avez demandées. De combien de temps --

 15   M. LUKIC : [interprétation] J'ai demandé sept heures.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci veut dire que vous n'allez

 17   pas pouvoir conclure votre contre-interrogatoire demain, si j'ai bien

 18   compris, mais à ce moment-là, vous allez pouvoir certainement terminer dans

 19   le premier volet d'audience de la journée qui suivra.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Fort probablement, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons lever l'audience,

 22   Monsieur Rose, et nous aimerions vous revoir demain matin à 9 heures 30

 23   dans cette même salle d'audience, qui est la salle d'audience numéro III.

 24   J'espère que vous êtes préparé à rester encore un petit peu. Il vous faudra

 25   peut-être rester encore une demi-journée supplémentaire.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis tout à fait préparé et prêt à rester.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois également vous demander de ne

 28   pas vous entretenir avec qui que ce soit sur ce que vous avez dit


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  1   aujourd'hui ou sur les dépositions que vous allez faire dans les journées à

  2   venir.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends tout à fait.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci. Vous pouvez maintenant

  5   suivre l'Huissier hors du prétoire.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour

  8   aujourd'hui, et nous reprendrons nos travaux demain, jeudi, le 17 janvier à

  9   9 heures 30 dans cette même salle d'audience, la salle d'audience numéro

 10   III.

 11   --- L'audience est levée à 14 heures 15 et reprendra le jeudi, 17 janvier

 12   2013, à 9 heures 30.

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