Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 15569

  1   Le vendredi 23 août 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Messieurs les Juges.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 10   J'ai cru comprendre que la traduction de la transcription de la vidéo qu'on

 11   nous a passée hier vient d'être rajoutée. Merci --

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oh non, plutôt, c'était le CV du témoin

 14   présent. Merci.

 15   La Chambre a également été informée du fait que l'Accusation avait un sujet

 16   à évoquer à titre préliminaire.

 17   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous

 18   et à toutes.

 19   Ceci a à voir avec notre organigramme pour la semaine prochaine. Les

 20   raisons, je peux vous les expliquer à huis clos partiel si les Juges de la

 21   Chambre veulent l'entendre, M. Jose Baraybar n'est pas même de venir à La

 22   Haye la semaine prochaine comme prévu pour ce qui est de son témoignage. Ce

 23   qui fait que l'organisation de la semaine prochaine se présentera comme

 24   suit : RM174, et ensuite RM021. Nous nous efforcons de retrouver un témoin

 25   alternatif susceptible d'être cité à comparaître vers la fin de la semaine

 26   prochaine. La personne qui vit le plus près d'ici et qui sera le plus

 27   probablement disponible, c'est M. John Clark, et je voulais évoquer la

 28   question avec la Chambre et la Défense pour voir s'il y avait possibilité


Page 15570

  1   de le faire. Si oui, nous allons contacter M. Clark ce matin pour voir s'il

  2   est à même de venir.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je me suis

  4   entretenu avec M. Groome avant l'audience de ce matin et je l'ai informé du

  5   fait que pour la semaine prochaine, nous ne pouvons pas être souples parce

  6   que M. Ivetic doit se soumettre à une intervention chirurgicale. Donc Me

  7   Stojanovic et moi, nous ne pouvons pas couvrir un nouveau témoin et nous

  8   préparer de façon appropriée pour le contre-interrogatoire.

  9   De même, je tiens à vous informer que d'après notre organisation de

 10   l'emploi du temps, il ne sera pas possible de continuer avec RM074. C'est

 11   un témoin que je suis censé interroger moi-même, mais je ne peux pas

 12   l'interroger dès qu'on en aura terminé avec M. Donia. Nous avons besoin

 13   d'une pause, et étant donné que nous avions prévu que M. Baraybar allait

 14   venir, et celui que je devais interroger moi-même, et le troisième témoin

 15   c'était M. Stojanovic qui était censé en être chargé.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons voir…

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, vous avez dit 074, mais vous

 19   vouliez dire 174, n'est-ce pas ?

 20   M. GROOME : [interprétation] Oui, c'est 174, Monsieur le Juge.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que je pensais.

 22   M. LUKIC : [interprétation] 174.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel, je vous

 26   prie.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel]


Page 15571

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 28   Monsieur Lukic, ce témoin, M. Donia, était censé terminer son témoignage


Page 15572

  1   aujourd'hui. Y a-t-il quelque possibilité que ce soit de vous voir terminer

  2   son contre-interrogatoire ?

  3   M. LUKIC : [interprétation] Je ne peux pas vous le promettre, mais je vais

  4   faire de mon mieux.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais cela risque de nécessiter un

  6   peu plus de temps pour vous. Et il serait peut-être à envisager de ne pas

  7   travailler lundi afin que vous puissiez vous préparer pour le Témoin 174.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, cela résoudrait le problème parce que

  9   j'aurais trois journées d'affilée pour me préparer aux fins du contre-

 10   interrogatoire du témoin suivant. Et cela nous permettrait de combler le

 11   temps pour la semaine prochaine parce que je voulais justement vous

 12   demander de m'accorder deux heures de plus pour l'interrogatoire de ce

 13   témoin.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ça ferait deux témoins en quatre

 15   jours et vous auriez du temps supplémentaire pour le Témoin 174.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Certainement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, la Chambre est toujours

 18   hésitante pour ce qui est de commencer l'audition d'un témoin sans pour

 19   autant savoir si, à la fin de la semaine, il nous manquera 15 à 30 minutes.

 20   Mais étant donné que nous avons un nouvel organigramme pour la semaine

 21   prochaine, sans la présence de M. Baraybar, la Chambre voudrait que les

 22   parties en présence s'engagent au niveau de ce programme tel que convenu

 23   afin que les choses se matérialisent et que nous n'ayons pas des témoins en

 24   suspens ou restant pour la semaine d'après.

 25   Vous pouvez aborder la chose avec la partie adverse.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Certainement. La semaine prochaine, je crois,

 27   est prévue comme une semaine plus courte, 14 heures de travail. Donc, si M.

 28   Baraybar pouvait venir -- bien sûr, j'espère qu'il ira mieux, mais sans


Page 15573

  1   lui, je ne pense pas -- je ne suis pas sûr que l'on pourra terminer les

  2   deux témoins d'ici à la fin de la semaine si on ne travaille pas lundi.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ecoutez, mettez-vous ensemble avec

  4   M. Groome, travaillez sur l'organisation de l'emploi du temps et engagez-

  5   vous les uns et les autres.

  6   M. GROOME : [interprétation] Je peux dire aux Juges de la Chambre que même

  7   sans M. Baraybar, nous avons estimé notre temps à dix heures et demie la

  8   semaine prochaine. Et même si M. Lukic obtient du temps supplémentaire, je

  9   ne suis pas certain que nous puissions terminer la semaine prochaine si

 10   nous ne siégeons pas lundi.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si nous ne siégeons pas lundi.

 12   Mais on va essayer de faire de la sorte quand même.

 13   Que l'on fasse, à présent, entrer le témoin dans le prétoire.

 14   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   [Le témoin vient à la barre]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Donia.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être n'est-il pas nécessaire de

 20   vous le rappeler, mais toujours est-il que je vous rappelle que vous êtes

 21   encore tenu par la déclaration solennelle que vous avez faite au tout début

 22   de votre témoignage.

 23   C'est Me Lukic qui va continuer son contre-interrogatoire.

 24   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   Contre-interrogatoire par M. Lukic : [Suite]

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur.

 28   R.  [aucune interprétation]


Page 15574

  1   Q.  Vous avez hésité pour ce qui était de répondre en B/C/S; j'ai pu le

  2   remarquer.

  3   R.  Oui. Bonjour.

  4   Q.  Nous allons revenir quelque peu vers des questions de nature générale.

  5   Il s'agit d'un domaine que j'ai trouvé dans les transcriptions que j'ai

  6   examinées partant de ce que vous nous avez dit hier. Et j'ai remarqué qu'à

  7   chaque fois, on a remarqué que vous avez toujours témoigné contre un Serbe

  8   ou un Croate mis en accusation et que vous n'avez jamais témoigné contre un

  9   Musulman mis en accusation devant ce Tribunal.

 10   Est-ce bien exact ?

 11   R.  C'est exact.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir au niveau

 13   du langage utilisé ? Parce que vous avez voulu demander au témoin, avec

 14   cette formulation-là, pour savoir si le témoin a témoigné contre un Serbe.

 15   Le témoignage ne se fait pas contre un accusé. Le témoignage vise à faire

 16   entendre la vérité. Je suppose que c'est ainsi que vous avez voulu formuler

 17   les choses --

 18   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que ce n'est pas la même chose que

 20   de dire que l'on a témoigné contre quelqu'un. Enfin, j'imagine que vous

 21   avez compris la chose en répondant.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président, c'est

 23   exact.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  De par le passé, vous vous êtes ouvertement prononcé, et vous avez

 27   affirmé que Slobodan Milosevic était coupable de ce qui lui était reproché

 28   dans l'acte d'accusation; est-ce bien exact ?


Page 15575

  1   R.  Probablement. Je n'ai pas de souvenir concret pour ce qui est d'avoir

  2   utilisé ces termes-là, mais ça ne me surprendrait pas que de voir que cela

  3   est bien exact.

  4   Q.  Il a été question d'une cinquantaine d'individus qui ont signé un

  5   courrier relatif à la culpabilité de Slobodan Milosevic; vous en souvenez-

  6   vous de cela ?

  7   R.  Je me souviens d'avoir signé une lettre. Je ne me souviens pas de la

  8   teneur concrète de ladite lettre. Et s'agissant maintenant de cette

  9   conclusion relative à la culpabilité de Slobodan Milosevic, il en va de

 10   même.

 11   Q.  Fort bien. Est-ce qu'il est exact de dire que dans vos rapports vous

 12   avez parlé de général Mladic ? Et surtout dans les rapports qui ont été

 13   rédigés pour les besoins de ce Tribunal ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce qu'il est également exact de dire que vous estimez que le

 16   général Ratko Mladic est coupable de ce qui lui est reproché à l'acte

 17   d'accusation ?

 18   R.  Je ne le sais pas. Ce n'est pas à moi d'en juger et je préfèrerais ne

 19   pas rendre de jugement.

 20   Q.  Fort bien. Dans vos rapports ou préparatifs aux fins de rédiger des

 21   rapports, vous ne vous êtes pas entretenu avec les principaux acteurs,

 22   Alija Izetbegovic, Ejub Ganic, Radovan Karadzic ?

 23   R.  Eh bien, je me suis entretenu quelque peu avec Ganic, de façon très

 24   brève et sans entrer dans moult détails.

 25   S'agissant des deux autres personnes, mis à part les échanges que j'ai eus

 26   pendant 24 heures avec M. Karadzic, je ne me suis pas entretenu avec lui ou

 27   avec M. Milosevic.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lukic, excusez-moi de vous


Page 15576

  1   interrompre.

  2   C'est fait référence à une lettre, et le témoin a dit qu'il ne s'en

  3   souvenait pas. Est-ce que vous avez l'intention de faire verser cette

  4   lettre au dossier ?

  5   M. LUKIC : [interprétation] Ça sort d'un compte rendu. Je n'ai pas la

  6   lettre en tant que telle.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Parce que la question était plutôt

  8   suggestive. Il n'y a rien d'erroné à cela. Mais la Chambre, bien entendu,

  9   souhaiterait voir la teneur de cette lettre d'une façon ou d'une autre. A

 10   moins qu'il n'y ait une contestation d'évoquée à ce sujet pour ce qui est

 11   de la teneur de ladite lettre.

 12   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, en ce moment-ci, je n'ai

 13   aucune idée de la chose à laquelle on fait référence.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, Monsieur Lukic, peut-être

 15   pourriez-vous fournir à la Chambre la teneur de ce courrier.

 16   Si ce n'est pas le cas, bien entendu, ce serait une question qui

 17   serait dénuée de fondement factuel.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons essayer de

 19   trouver cela dans les comptes rendus.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Veuillez continuer, je vous

 21   prie.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Est-ce que nous pouvons tomber d'accord pour dire que vous ne vous êtes

 24   jamais entretenu avec qui que ce soit de ceux qui avaient représenté les

 25   idées du SDS ?

 26   R.  Non, je ne serais pas d'accord avec cette affirmation. Je n'arrive pas

 27   à présent à me rappeler des gens avec qui je me suis entretenu. Je n'ai pas

 28   interviewé à titre formel qui que ce soit, mais je me suis entretenu avec


Page 15577

  1   un certain nombre de personnes au fil de toutes ces années.

  2   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Lukic de répéter sa question

  3   parce qu'il n'a pas parlé dans le micro.  

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous êtes convié à répéter

  5   votre question et à parler dans le micro.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Hm-hm.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez vous souvenir d'un nom d'un membre du SDS avec

  8   lequel vous vous seriez entretenu ?

  9   R.  Ça, c'est une question tout à fait différente de celle que vous m'avez

 10   posée tout à l'heure, parce que vous m'aviez posé la question au sujet de

 11   ceux qui partageaient les points de vue du SDS. Alors, en tout état de

 12   cause, je n'arrive pas à me souvenir de quelque nom concret que ce soit,

 13   mais j'ai entendu personnellement bon nombre d'opinions de cette nature-là

 14   d'exprimées en ma présence.

 15   Q.  Docteur, nous avons vu que vous vous êtes basé sur les journaux

 16   s'agissant de vos sources, et vous avez surtout utilisé "Oslobodjenje" de

 17   Sarajevo. J'aimerais vous demander si vous êtes d'accord pour dire que les

 18   journaux en Bosnie-Herzégovine étaient particulièrement biaisés pour ce qui

 19   est de la période avant la guerre et pendant la guerre ?

 20   R.  Je pense que la plupart de ces journaux étaient devenus nationalistes

 21   pendant la guerre. Je ne dirais pas qu'il s'agissait de quelque chose qui

 22   avait eu lieu avant la guerre. Le journal "Glas", par exemple, qui est

 23   devenu plus tard "Srpski Glas", était le genre de journal où l'on a pu voir

 24   un changement d'orientation très clair. Mais presque chaque quotidien

 25   avait, d'une certaine manière, pris une certaine direction, qu'il s'agisse

 26   d'une direction ethnique ou multiethnique.

 27   Q.  Est-il exact que "Oslobodjenje", ce quotidien, a eu également une

 28   publication qui était publiée sur le territoire serbe, et c'est justement


Page 15578

  1   en raison des politiques que "Oslobodjenje" avait adoptées avant la guerre

  2   ?

  3   R.  Je pense que s'agissant de "Oslobodjenje" à Pale, c'est un peu plus

  4   tard dans le courant de la guerre, je crois que c'était en 1994, si je ne

  5   m'abuse. Il était devenu très clair à ce moment-là qu'ils essayaient

  6   d'imiter ou de profiter du nom, en fait, "Oslobodjenje" de Sarajevo, car il

  7   y avait un quotidien à Sarajevo qui s'appelait ainsi.

  8   Et je pense qu'étant donné le nombre de journalistes serbes qui sont

  9   restés dans "Oslobodjenje" à Sarajevo pendant la guerre ou pendant une

 10   partie de la guerre, de toute manière, je devrais dire que je ne crois pas

 11   que la réaction ait été exclusivement nationale s'agissant des personnes

 12   qui l'ont créé.

 13   Q.  Conviendriez-vous que "Oslobodjenje" était un quotidien officiel

 14   ou porte-parole officiel du parti d'Alija Izetbegovic ? Il s'agit du

 15   quotidien officiel de ce parti ?

 16   R.  Non, ce n'est pas le cas. Ça n'a jamais été le cas.

 17   Q.  Avez-vous jamais vu dans "Oslobodjenje" un texte s'agissant de la

 18   période dont nous parlons, un texte positif sur un Serbe ou un texte

 19   parlant d'un homme politique serbe de manière positive ?

 20   R.  Oui, un très grand nombre d'articles. Et je crois qu'il était devenu

 21   clair comme de l'eau de roche lorsque l'on lisait "Oslobodjenje", surtout

 22   avant le mois d'avril 1992, avant le 6 avril 1992, il était très apparent

 23   que l'engagement du quotidien était de donner une voie égale aux trois

 24   groupes nationaux, aux trois partis de manière égale. Et ceci avait été

 25   fait soit par le truchement de commentaires où il y avait un très grand

 26   nombre d'articles qui apparaissaient au "Oslobodjenje" et venaient de

 27   "Tanjug" de Belgrade, et très souvent ces articles étaient publiés mot pour

 28   mot. Et donc, pour ce qui est de la période avant la guerre, je suis


Page 15579

  1   persuadé que "Oslobodjenje" donnait la même voie aux dirigeants des trois

  2   groupes.

  3   Q.  Ce qui, bien sûr, n'était pas le cas pendant la guerre, n'est-ce pas ?

  4   R.  L'orientation de "Oslobodjenje" avait changé son champ, changé de

  5   direction, et ce, de manière radicale à partir du 6 avril. Il ne s'agissait

  6   pas tellement de sentiment anti-Serbe qui les animait, mais il s'agissait

  7   plutôt de sentiment anti-SDS. C'était surtout un point de vue qui se

  8   propageait à Sarajevo et qui était profondément opposé aux attaques et au

  9   siège de Sarajevo.

 10   Q.  Chaque journal a également une politique, n'est-ce pas, et cette

 11   politique est toujours celle d'être complètement indépendante et neutre,

 12   n'est-ce pas ? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Vous souvenez-vous avoir déclaré une fois, à une occasion, que vous

 15   pensiez ne pas connaître de quotidien qui soit complètement neutre, non

 16   biaisé ?

 17   R.  Je ne me souviens pas d'avoir déclaré cela.

 18   Q.  A la page 10 de votre ouvrage dans le prétoire électronique, vous

 19   mentionnez Stipe Mesic. Pourriez-vous nous dire quelle était la position

 20   adoptée par Stipe Mesic, le dernier président de la Yougoslavie avant son

 21   démantèlement ? Etait-il pour que cet Etat demeure intact ou a-t-il

 22   travaillé, à titre de président, pour que la Yougoslavie soit désagrégée,

 23   se démantèle ?

 24   R.  Eh bien, sa position était d'être opposé à la continuation de la

 25   Yougoslavie, et je crois qu'il a très clairement déclaré dans son livre

 26   qu'il était en faveur du démantèlement de la Yougoslavie.

 27   Mais je ne crois pas que ses actions au sein de la présidence étaient

 28   dirigées afin d'atteindre cet objectif précis. Je crois qu'il était en


Page 15580

  1   faveur d'un processus selon lequel la Yougoslavie serait démantelée, mais

  2   de manière pacifique.

  3   Q.  En raison de ses positions, la Serbie était contre sa nomination en

  4   tant que président de l'Etat. Néanmoins, ceci est arrivé à la suite des

  5   pressions de la Communauté européenne ?

  6   R.  Oui, il a été nommé à ce poste à la suite d'une négociation avec la

  7   Communauté européenne, c'est exact.

  8   Q.  Mais la Communauté européenne avait adopté le point de vue selon lequel

  9   Mesic devait devenir président de l'Etat, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. La Communauté européenne et ses négociateurs avaient le sentiment

 11   que la succession qui avait eu lieu au cours de la dernière décennie

 12   dictait que Mesic devait être confirmé à son poste de président, et ceci

 13   devait avoir lieu le 8 octobre plutôt que le 15 octobre [comme interprété],

 14   comme ce fut le cas au cours des années précédentes, lorsque la date de la

 15   présidence devait être respectée.

 16   Q.  Je demanderais que l'on affiche la page 10 du prétoire électronique de

 17   votre ouvrage qui porte la cote D1999.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] P1999.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Je crois avoir dit P, effectivement. Nous

 20   n'avons pas autant de documents chez nous pour ce qui est de la cote D. Je

 21   vous remercie, Monsieur le Juge.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il n'y a pas de quoi.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Il s'agira donc de la pièce P1999, page 10 dans

 24   le prétoire électronique en B/C/S et page 11 en anglais.

 25   Q.  Vous mentionnez ici, Monsieur, que : Dans la plupart des cas, vous

 26   dites, la JNA gardait le contrôle sur le territoire contesté ou elle

 27   remettait le contrôle de ce territoire aux autorités locales serbes.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la partie que vous êtes en


Page 15581

  1   train de lire, s'il vous plaît ?

  2   M. LUKIC : [interprétation] C'est la page 11 dans le prétoire électronique

  3   et la page 7 en version papier. C'est la première ligne de cette page :

  4   "Mais dans la plupart des cas, la JNA gardait le contrôle du territoire

  5   contesté ou remettait aux autorités locales l'autorité, manifestant ainsi

  6   un changement graduel vers le nationalisme serbe."

  7   Q.  J'aimerais savoir si, d'après vous, la JNA était en train de s'emparer

  8   des villages croates, les gardait et les remettait aux mains des Croates,

  9   ou s'agissait-il de terres serbes et de villages serbes ?

 10   Qu'entendez-vous par là lorsque vous parlez de "territoire contesté" ? Et

 11   pourriez-vous nous citer un exemple, s'il vous plaît.

 12   R.  Je ne crois pas que l'on n'ait jamais vu des cas où la JNA s'est

 13   trouvée sur ce secteur avant le conflit entre les forces de sécurité

 14   croates et la police serbe du cru -- ait eu un conflit, ou les autorités

 15   politiques du cru serbe.

 16   Donc ils agissaient conformément à leur politique de l'époque, qui

 17   consistait à séparer les parties belligérantes, c'est-à-dire de séparer les

 18   parties qui étaient en contradiction. Et dans la plupart des cas dont j'ai

 19   connaissance, les villages en question étaient habités par des Serbes.

 20   Q.  A la page 12 de la version anglaise dans le prétoire électronique, au

 21   troisième paragraphe; et il s'agit de la page 12,  troisième paragraphe en

 22   B/C/S également. Dans la première ligne, vous dites :

 23   "Le 22 juin 1991, les assemblées de ces deux républiques ont adopté une

 24   déclaration de manière simultanée sur l'indépendance qui a présenté un

 25   problème direct pour la JNA et le gouvernement fédéral."

 26   Dans le cadre de vos recherches, est-ce que vous avez trouvé des textes

 27   qui, conformément à ces déclarations, contestaient la constitution ?

 28   R.  Il y a une pléthore de textes émis par la présidence de Yougoslavie qui


Page 15582

  1   arguaient qu'il s'agissait de quelque chose qui était anticonstitutionnel

  2   et illégal, et c'était un leitmotiv fondamental ou à la base du rapport

  3   entre la République de Serbie et le Monténégro avec les négociateurs. Et,

  4   de même, il y avait un très grand nombre de personnes qui disaient que des

  5   référendums qui ont eu lieu avant et que ces textes, en fait, provenaient

  6   des Etats croates et slovènes.

  7   Q.  Dans la phrase qui suit, vous dites :

  8   "Deux jours plus tard, la JNA a pris les mesures pour assurer les passages

  9   frontaliers internationaux en Slovénie et les aéroports… affirmant qu'ils

 10   étaient placés sous une juridiction fédérale."

 11   Ces passages frontaliers et les aéroports faisaient-ils partie de la

 12   juridiction fédérale, effectivement ?

 13   R.  Eh bien, en fin de compte, il s'agit là d'une question juridique. Il

 14   s'agit de revendications constitutionnelles qui étaient en contradiction

 15   avec les Slovènes et la Yougoslavie. Et je ne voudrais vraiment pas essayer

 16   de résoudre cette question.

 17   Si vous parlez de l'administration des autorités fédérales, je dirais

 18   que oui, effectivement, c'était le cas. Parce que ces derniers étaient

 19   placés sous l'administration des autorités fédérales, et les passages

 20   frontaliers et les gardes se trouvant sur les passages frontaliers

 21   faisaient certainement partie du système fédéral plutôt que de faire partie

 22   du système slovène.

 23   Q.  C'est une action, en fait, des forces slovènes qui a précédé ceci. Et,

 24   en fait, ces dernières avaient pris ces passages frontaliers; est-ce que

 25   c'est exact ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  La guerre en Slovénie a été de courte durée. Dans votre travail, avez-

 28   vous également trouvé des informations indiquant que la JNA n'avait même


Page 15583

  1   pas doté ses soldats de quantités appropriées de munitions ?

  2   R.  J'ai lu cette affirmation moi aussi. Je n'ai aucune raison de la

  3   remettre en doute.

  4   Q.  Merci. Alors, en page 12 de la version en B/C/S dans le prétoire

  5   électronique, page 13 en anglais, premier paragraphe, première ligne

  6   figurant sur cette page dans la version anglaise, vous dites :

  7   "Après son humiliation en Slovénie, la JNA en Croatie a abandonné sa

  8   stratégie de retenue et a commencé à se ranger ouvertement du côté des

  9   nationalistes serbes."

 10   Est-il exact qu'à cette époque-là déjà, des attaques ont commencé à être

 11   lancées contre les casernes de la JNA ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  La JNA ne sortait pas de ses casernes. Elle n'attaquait personne,

 14   n'est-ce pas ? Au contraire, elle restait à l'intérieur de ses casernes et

 15   elle s'y défendait, y compris en ouvrant le feu sur les forces croates qui

 16   attaquaient les casernes en question ?

 17   R.  Eh bien, on ne peut pas répondre de façon simpliste à cette question.

 18   Je décris ici une évolution dans la politique à la fin de l'été 1991.

 19   La mise sous blocus des casernes de la JNA par les forces croates est

 20   antérieure à cela. Dans les cas où les casernes ont été facilement prises

 21   par les forces de sécurité croates, et cela a été le cas assez souvent, les

 22   armes et le matériel, dans ces cas-là, ont été confisqués par les forces

 23   croates, ce qui a alimenté l'effort de guerre croate du point de vue de

 24   nombreux observateurs.

 25   Quant aux casernes plus grandes, elles n'ont pas tant été attaquées

 26   qu'assiégées, encerclées, et elles sont restées dans cette situation

 27   pendant un certain temps, plutôt que d'être soumises à une attaque de

 28   grande envergure ou une attaque au plein sens du terme visant à en prendre


Page 15584

  1   le contrôle.

  2   Q.  Monsieur le Témoin, vous connaissez la situation, et je ne suis pas du

  3   tout insatisfait de votre réponse. J'attends simplement que

  4   l'interprétation s'achève pour pouvoir poser ma question suivante.

  5   R.  Merci.

  6   Q.  Est-il exact que dans ces casernes qui étaient encerclées, on a

  7   débranché l'approvisionnement en électricité et en eau et on a interrompu

  8   également l'approvisionnement en vivres ?

  9   R.  Cela a certainement été interrompu, oui, et je crois que le général

 10   Mladic lui-même en a fait état devant l'assemblée des Serbes de Bosnie. Je

 11   reconnais qu'en effet, cela a bien été le cas.

 12   Q.  Est-ce que dans vos recherches vous avez retrouvé également

 13   l'information selon laquelle la JNA avait confié une arme à toutes les

 14   personnes qui avaient répondu à l'appel de mobilisation, indépendamment de

 15   leur indépendance ethnique ?

 16   R.  Eh bien, je crois que vous -- j'aimerais savoir en fait de quelle

 17   période vous parlez, en premier lieu, et si vous parlez de la Bosnie ou de

 18   la Croatie.

 19   Q.  A quelque moment que ce soit. Que l'on parle de 1991 ou de 1992. Avant

 20   le début de la guerre en Bosnie, c'est cette période qui m'intéresse. La

 21   JNA a-t-elle jamais refusé de donner une arme à qui que ce soit au motif

 22   qu'il appartiendrait au groupe ethnique croate ou musulman ? Avez-vous

 23   jamais retrouvé une information allant en ce sens ?

 24   R.  Non. La JNA distribuait des armes de deux façons différentes.

 25   L'une consistait à donner des armes aux réservistes mobilisés, et ces

 26   réservistes mobilisés ont effectivement été incorporés avant l'automne de

 27   1991 et comprenaient nombre de Musulmans et de Croates.

 28   Effectivement, des armes leur ont été distribuées indépendamment de


Page 15585

  1   leur identité ou de leur appartenance ethnique.

  2   Mais l'autre processus qui était en cours était un processus beaucoup

  3   plus furtif, en quelque sorte. Par le truchement des conseils locaux du

  4   SDS, des armes ont été remises directement à des entités serbes organisées,

  5   qu'il s'agisse du parti politique en lui-même ou, dans certains cas,

  6   d'unités paramilitaires ou de formations paramilitaires locales. Il y a eu

  7   de tels cas également. Ou encore, qu'il s'agisse de leurs dirigeants.

  8   Q.  Lorsqu'il est question de l'armement des Serbes en dehors des

  9   structures de la JNA, il en est donc question, mais quelle en était ou

 10   quelle pouvait en être la finalité alors qu'il était notoirement connu que

 11   tout un chacun pouvait se présenter, répondre à l'appel à la mobilisation

 12   et se voir remettre une arme en devenant un membre de la JNA ? Quel intérêt

 13   avait la JNA à organiser une distribution d'armes de cette sorte alors que

 14   quiconque qui répondait à l'appel pouvait recevoir une arme ?

 15   R.  Eh bien, ceci faisait partie de ce qui était planifié, ou en tout cas

 16   souhaité, ne serait-ce que par les autorités de Belgrade, et qui consistait

 17   à fournir des armes aux Serbes du cru hors du cadre de la JNA. Le but était

 18   de renforcer leur capacité de résistance, voire de conquête, de certaines

 19   zones ou secteurs au détriment des forces de sécurité croates. Et il

 20   s'agissait en définitive de renforcer et d'alimenter les forces serbes en

 21   Bosnie.

 22   Donc c'était un processus très différent. De nombreux Serbes du cru

 23   en Croatie et en Bosnie étaient très soupçonneux à l'égard de la JNA et

 24   souhaitaient en fait que celle-ci devienne beaucoup plus rapidement qu'elle

 25   ne l'est véritablement devenue une armée serbe. C'est cette méfiance de

 26   leur part qui est à l'origine de leur désir de se procurer leurs propres

 27   armes hors du cadre de la JNA, et ces requêtes ont été honorées, et parfois

 28   des deux façons, aussi bien à l'intérieur de la JNA que par les


Page 15586

  1   gouvernements de Serbie et de Yougoslavie.

  2   Q.  Merci. En page 14 de votre rapport dans le prétoire électronique,

  3   en ligne numéro 5 dans la version anglaise, le premier paragraphe se

  4   trouvant en page 14 de la version en B/C/S.

  5   Vous dites que la présence de la police croate à Kijevo et Vrlika,

  6   deux bourgades ayant une population majoritairement croate et se trouvant

  7   sur la route reliant Knin à Sinj, représentait une perturbation

  8   inacceptable sur les axes de circulation permettant à la JNA de gagner le

  9   sud, qui était les axes vitaux pour elle. 

 10   Alors, je voudrais vous demander au sujet de ce passage : est-ce que

 11   c'était l'existence même de ces villages qui constituait un obstacle ou

 12   bien s'agissait-il des barrages routiers mis en place qui empêchaient la

 13   JNA de circuler normalement et de communiquer normalement avec une partie

 14   de son contingent et de ses unités ?

 15   R.  Je crois que c'était les deux. Et j'ajouterais un troisième

 16   facteur qui était le renforcement des forces de sécurité croates, dont le

 17   général Mladic fait état dans ses carnets. L'ensemble de ces trois facteurs

 18   a été considéré comme représentant une menace au bon fonctionnement et à la

 19   fluidité de cet axe de circulation pour la JNA.

 20   Q.  Mais vous avez retrouvé également des éléments d'information

 21   relatifs à des barrages routiers mis en place le long de ces routes, n'est-

 22   ce pas, autour de ces deux villages ou villes ?

 23   R.  Oui. En fait, je m'appuie sur toute une série de sources et de

 24   récits dans cette partie de mon travail, y compris les travaux de Srdjan

 25   Radulovic et ainsi que les écrits du général Mladic lui-même, et ce qu'ont

 26   rapporté d'autres observateurs. Tous font état de barrages routiers qui ont

 27   été utilisés, au moins occasionnellement, dans ce secteur.

 28   Q.  Passons ensuite à la page numéro 15 dans le prétoire électronique


Page 15587

  1   dans les deux versions, paragraphe numéro 3 en anglais, paragraphe numéro 2

  2   en B/C/S. Vous dites :

  3   "La JNA a pris en charge un nouveau rôle, le rôle de la partie qui

  4   prend l'initiative de l'attaque."

  5   Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que ces attaques avaient

  6   pour finalité l'extraction du personnel qui se trouvait dans les casernées

  7   encerclées ?

  8   R.  Pas pour ces attaques particulières, pour autant que je le sache. Parce

  9   que si c'est bien de Kijevo que vous parlez, je n'ai pas compris qu'il y

 10   avait quoi que ce soit d'encerclé ou d'assiégé à Kijevo, si c'est ce dont

 11   vous parlez.

 12   Quant à ces opérations, pour autant que je puisse le déterminer, elles

 13   n'étaient pas conçues pour lever le blocus imposé aux soldats de la JNA qui

 14   se trouvaient dans des casernes assiégées en zone urbaine.

 15   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que dans des zones urbaines,

 16   comme à Zadar ou à Split, il était impossible de rejoindre les casernes si

 17   les axes de circulation n'étaient pas libres pour la circulation ? Qu'il

 18   n'aurait pas, donc, été possible de libérer la caserne de la JNA assiégée à

 19   Zadar et de libérer les soldats qui s'y trouvaient ?

 20   R.  Eh bien, oui, c'est la définition même d'un "siège".

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, toute la question de savoir si

 23   c'était simplement l'existence de ces localités ou autre chose, en fait, si

 24   je relis le paragraphe correspondant au compte rendu, tout ce au sujet de

 25   quoi vous avez interrogé le témoin a déjà reçu une réponse. Il s'agit des

 26   postes de contrôle. Il s'agit de leur incapacité de circuler librement. Il

 27   s'agit des forces de sécurité croates.

 28   Alors, tout ceci y est déjà expliqué. Et ensuite, vous posez la question de


Page 15588

  1   savoir si c'était la seule existence du village ou de la bourgade qui était

  2   un obstacle. Bien entendu, ce n'est pas ce que le rapport dit. Mais tout ce

  3   que vous avez demandé a déjà reçu une réponse -- si ce n'est pas 100 %,

  4   c'est au moins 80 à 90 % des réponses qui se trouvent dans ce paragraphe.

  5   Donc je suis un peu préoccupé par l'impression que vous me donnez d'être en

  6   train de recueillir à nouveau des éléments de preuve dont nous disposons

  7   déjà dans le rapport. Veuillez poursuivre en gardant ceci à l'esprit.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Pour nous, il était crucial de mettre en lumière les raisons pour

 10   lesquelles on en vient à lancer des attaques. Des attaques qui n'ont pas

 11   pour finalité de réaliser une conquête ou de prendre un certain territoire,

 12   mais qui ont une finalité différente. Et je crois que ceci n'est pas inclus

 13   dans le présent travail du témoin.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les faits au sujet desquels vous avez

 15   posé vos questions ne sont pas les mêmes. Ces faits figurent dans le

 16   rapport.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Vous dites ensuite que les objectifs militaires et stratégiques de la

 19   JNA coïncidaient avec les buts politiques des Serbes du cru armés. Est-ce

 20   que vous seriez d'accord pour dire qu'il y avait en fait un objectif

 21   unique, à savoir maintenir l'existence de l'Etat commun et empêcher qu'il

 22   ne se désagrège ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Vous ne seriez pas d'accord pour dire cela ?

 25   R.  Non. Je crois que mon point de vue à ce sujet correspondrait plutôt à

 26   la citation du général Kadijevic sur laquelle je me suis appuyé. Il s'agit

 27   de la description de ce processus de transition à la fin de l'été 1991, ce

 28   passage où il explique les rapports entre l'engagement de la JNA envers la


Page 15589

  1   Yougoslavie et la façon dont elle finit par prendre fin et cause pour les

  2   forces serbes locales.

  3   Et, de mon point de vue, ceci est extrêmement bien exprimé, c'est une

  4   déclaration très claire du cheminement de la JNA, une explication très

  5   claire de ce cheminement.

  6   Q.  Voulez-vous dire que les Serbes et la JNA ne souhaitaient pas préserver

  7   la Yougoslavie ? Je ne comprends pas très bien votre réponse.

  8   R.  Non. Je crois que nous pourrions peut-être essayer de retrouver ce

  9   passage. Je n'arrive pas à le retrouver. Mais nous pourrions peut-être

 10   reprendre la déclaration du général Kadijevic. De mon point de vue, nous y

 11   trouvons de façon exacte la réponse à votre question, et je l'ai incluse

 12   dans ce rapport.

 13   Q.  Ensuite, dans une autre partie, vous parlez de l'attaque lancée contre

 14   Dubrovnik. Quel est le rôle du général Mladic dans cette attaque contre

 15   Dubrovnik, si, toutefois, il y en a eu un ?

 16   R.  Je ne sais pas.

 17   Q.  Vous parlez des combats aux environs de Vukovar. Est-ce que vous seriez

 18   d'accord pour dire qu'à Vukovar non plus, le général Mladic n'a joué aucun

 19   rôle ?

 20   R.  Je ne sais pas.

 21   Q.  Nous avons examiné l'année 1991, et même si le titre de votre rapport

 22   concerne "Sarajevo" --

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, je crois que M. Mladic est en

 24   train d'essayer d'indiquer à Me Stojanovic qu'il a quelque chose à lui

 25   dire, ou alors peut-être nous indique-t-il qu'il est temps de faire la

 26   pause.

 27   Peut-être conviendrait-il justement de faire la pause à ce stade.

 28   Mais, tout d'abord, je vais demander à M. l'Huissier d'accompagner M.


Page 15590

  1   Donia.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons donc faire une pause et nous

  4   reprendrons à 10 heures 50.

  5   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

  6   --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin

  8   dans le prétoire, s'il vous plaît.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Lukic.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Docteur Donia, nous allons très brièvement nous attarder, avant que de

 13   passer à Sarajevo, sur les autres rapports que vous avez rédigés, parce

 14   qu'il n'y avait pas que ceux relatifs à Sarajevo.

 15   Vous avez trouvé une donnée, et j'aimerais savoir comment vous avez

 16   appris comment la guerre avait commencé en Bosnie ? Que s'est-il passé à

 17   Sijekovac le 25 mars 1992 ?

 18   R.  Il y a là deux questions différentes. C'est peut-être lié l'une à

 19   l'autre comme question, mais je me propose de répondre d'abord à la

 20   deuxième des questions posées. A Sijekovac, et il me semble que c'était le

 21   29 mars 1992, ou peut-être deux ou trois jours avant ou deux ou trois jours

 22   après, un groupe de paramilitaires croate a traversé la Sava - Sijekovac,

 23   c'est une municipalité qui se trouve à la frontière même de la Croatie - et

 24   ce groupe s'est attaqué à ladite municipalité l'arme au poing. Il y a eu un

 25   nombre considérable de personnes qui ont été tuées. Et, en substances, ils

 26   ont détruit le village et ils ont rebroussé le chemin. Et il y a eu

 27   plusieurs débats pour ce qui est de savoir qui était ciblé, qui étaient les

 28   victimes, combien de victimes il y a eu. A mon avis, ça n'a pas été établi


Page 15591

  1   de façon convaincante, et d'après tout ce que j'ai pu voir, on n'a pas non

  2   plus déterminé les motifs. On savait certainement qu'il y avait une guerre

  3   pratiquement terroriste entre les Serbes et Croates nationalistes,

  4   notamment, dans la région. C'était particulièrement dirigé contre les

  5   institutions culturelles de l'un et de l'autre des deux groupes, avec des

  6   explosions d'engins explosifs, et il se peut que cela ait été des

  7   représailles. Cela peut avoir été généré par d'autres forces ou d'autres

  8   éléments. Mais ce qui est indubitable, c'est que ce groupe de

  9   paramilitaires croate est venu dans le secteur et a lancé l'attaque que

 10   vous avez mentionnée.

 11   Pour répondre à la deuxième de vos questions, s'agissant de savoir ce qui a

 12   généré la guerre en Bosnie, eh bien, je dirais que beaucoup d'encre a coulé

 13   à ce sujet et il est très difficile de dire cela en termes raisonnablement

 14   brefs. Mais en termes généraux, je dirais qu'il y avait une force militaire

 15   qui l'emportait de loin, qui était la JNA, et toute une série de factions

 16   politiques qui souhaitaient mobiliser leurs adeptes aux fins d'aboutir à

 17   une indépendance de la Bosnie-Herzégovine; et les objectifs politiques qui

 18   étaient ceux du SDS et des adeptes serbes voulaient l'empêcher en créant

 19   leur propre Etat, et à cette fin, ils se sont joints à la JNA pour prendre

 20   le contrôle à l'égard de bon nombre d'unités de la JNA. Les hostilités ont

 21   été la réflexion de ce qui s'était produit et il y a eu une asymétrie des

 22   forces et de la "munition" [comme interprété] politique utilisée de part et

 23   d'autre.

 24   Q.  Merci de cette répondre plutôt longue.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais

 26   interrompre pour un instant, Monsieur Lukic.

 27   Docteur Donia, vous nous avez parlé des "ambitions politiques de chaque

 28   parti", et vous avez même parlé de "munitions" ? On a consigné "munitions".


Page 15592

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai parlé d'"ambitions".

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  3   M. LUKIC : [interprétation]

  4   Q.  Avant le massacre de Sijekovac, y a-t-il eu dans la région des conflits

  5   armés, quels qu'ils soient, ou est-ce que c'est des civils qui ont péri à

  6   Sijekovac ?

  7   R.  Une fois de plus, il s'agit de deux questions.

  8   La première partie de la question était celle de savoir s'il y avait

  9   eu des conflits armés dans le secteur. Oui, il y en a eu. Et je décrirais

 10   la situation, en termes généraux, comme une situation qui se traduisait par

 11   des conflits armés épisodiques datant de l'automne 1991 en Bosnie, et

 12   c'étaient des secteurs qui se trouvaient juste à côté de la zone de guerre

 13   en Croatie --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, je vous prie d'éteindre

 15   votre micro et de baisser la voix, je vous prie.

 16   Veuillez continuer, Maître Lukic.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Et il y a eu des épisodes d'assassinats,

 18   d'agissements terroristes, d'escarmouches, qui ont connu une escalade, et

 19   puis il y a eu construction de barrages à différents endroits. Et tout ceci

 20   a connu une accélération au cours des trois premiers mois de 1992. Donc on

 21   peut dire qu'il y a eu des activités militaires et des conflits, mais de

 22   faible intensité.

 23   Et, excusez-moi, quel était le deuxième volet de votre 

 24   question ?

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  Je vous ai demandé aussi si ceux qui ont été à Sijekovac étaient des

 27   civils ?

 28   R.  Ah oui, absolument.


Page 15593

  1   Q.  A présent, nous allons passer à la partie où vous parlez de Sarajevo.

  2   Evolution, vote. C'est le début de tout ce qui a suivi.

  3   M. LUKIC : [interprétation] En page 21, deuxième ligne de la version

  4   anglaise. Et il nous faut en B/C/S la page 20, paragraphe 2.

  5   Q.  Vous y décrivez cette rue où il y a une voie qui va vers l'est et une

  6   autre qui va vers l'ouest. Et dans la partie ouest, ça s'appelait rue des

  7   Brigades de prolétaires. Vers Marin Dvor, il y avait une autre rue qui

  8   s'appelait rue de Vojvoda Putnik.

  9   Ces rues-là ne s'appellent plus comme cela. On a changé les noms de

 10   rues à Sarajevo, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui. Littéralement, chaque rue a reçu un nom nouveau.

 12   Q.  Ça a été fait pendant la durée de la guerre encore ? On a commencé à

 13   l'époque et ça s'est terminé par la suite ?

 14   R.  Je pense en fait que cela s'est terminé en grande partie dès

 15   1993. Du moins, pour ce qui est de l'année 1993, il y a des plans de rues

 16   de ville qui avaient des noms nouveaux. Mais ça avait commencé en fin 1991

 17   déjà.

 18   Q.  Tous les noms de rue avec des noms serbes ont été changés, n'est-ce pas

 19   ?

 20   R.  Tous les noms de rue ont été changés. Certaines rues ont désormais

 21   porté des noms d'intellectuels et d'hommes de science qui étaient des

 22   Serbes; mais en substance, tous les noms de rue qui existaient jusque-là,

 23   c'étaient des héros de la révolution de la Deuxième Guerre mondiale, datant

 24   donc de la période socialiste. Ça a été changé, et on a donné à ces rues

 25   toutes sortes de noms. On a pris des noms d'unité, des noms d'autres

 26   individus qui ont joué un rôle important dans l'histoire de Sarajevo ou

 27   alors des noms tout à fait autres, des noms d'institutions ou que sais-je.

 28   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que l'on a


Page 15594

  1   pratiquement donné rien que des noms musulmans à ces rues ?

  2   R.  Comme je l'ai dit, non, je ne serais pas d'accord avec vous pour ce qui

  3   est de ces noms de rue musulmans.

  4   Q.  Les plaques bleues portant les noms des rues ont été remplacées par des

  5   plaques vertes. On a mis une couleur qui, en Bosnie, est placée en

  6   corrélation avec les Musulmans. Et toutes les plaques portant les noms de

  7   rue à Sarajevo sont de couleur verte désormais, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est vert. Et je serais aussi d'accord pour dire qu'en Bosnie, la

  9   couleur verte - et dans beaucoup d'autres endroits - est une couleur

 10   utilisée par les Musulmans sur leurs drapeaux. Et, en fait, en substance,

 11   cela symbolise l'Islam.

 12   Q.  Penchons-nous brièvement sur la page 24 de votre rapport.

 13   M. LUKIC : [interprétation] En version anglaise, c'est le dernier

 14   paragraphe. Et en version B/C/S, c'est aussi à la page 24, dernier

 15   paragraphe.

 16   Q.  Là, vous nous dites que le candidat du SDA, Ejub Ganic, a occupé la

 17   septième place dans la présidence dans la catégorie "autres groupes

 18   ethniques". Parce qu'il s'était prononcé comme étant Yougoslave au

 19   recensement de 1981.

 20   Ejub Ganic est l'un des plus éminents des membres du SDA; êtes-vous

 21   d'accord ?

 22   R.  Non, ça, c'est une caractérisation qui émane de vous, pas de moi.

 23   Q.  Est-il exact de dire que le parti du SDA a donné des instructions à

 24   l'électorat pour qu'à la place numéro 7, là où il y avait le groupe

 25   yougoslave, il s'agissait pour ces membres de voter en faveur d'Ejub Ganic

 26   ?

 27   R.  Oui, "instruire" ou "donner instruction". Vous savez, toutes les

 28   formations politiques nationalistes avaient demandé à leur électorat de


Page 15595

  1   voter pour leur candidat pour cette septième place. Pour les Serbes, on en

  2   avait proposé un. Pour les Croates, on avait fait une nomination autre.

  3   Enfin, chacun avait sa catégorie et chacun avait casé quelqu'un de son côté

  4   dans cette catégorie. Donc le SDA, oui, a demandé à ses membres de voter

  5   pour Ganic en tant que candidat de ce parti.

  6   Q.  Il était possible de voir immédiatement de quelle façon ce principe un

  7   homme, une voix fonctionne en Bosnie ? Et il était maintenant clair que les

  8   Musulmans pouvaient l'emporter sur toute autre personne en Bosnie à moins

  9   de n'utiliser un autre mécanisme de protection en Bosnie-Herzégovine, de

 10   protection pour ce qui est des intérêts nationaux ?

 11   R.  Cela n'était pas clair, à prime abord, lors de cette élection.

 12   Q.  Vous avez entendu parler de la catégorie constitutionnelle, des peuples

 13   constitutifs, de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ? Vous en avez entendu

 14   parler ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Aujourd'hui, en Bosnie-Herzégovine, il existe le principe de la défense

 17   des intérêts nationaux, n'est-ce pas ?

 18   R.  Faites-vous référence au parlement ? Si c'est le cas, oui.

 19   Q.  Donc, avant la guerre et après la guerre, on a adopté le principe selon

 20   lequel il est important d'avoir une sorte de contrôle en Bosnie-Herzégovine

 21   pour ce qui est de l'élection démocratique selon le principe d'un homme,

 22   une voix. Seriez-vous d'accord avec 

 23   moi ?

 24   R.  Oui. Le système consistant à choisir les membres de la présidence

 25   n'était clairement pas fondé sur le principe d'un homme, une voix, et je

 26   crois que l'on peut débattre à savoir si les élections à l'assemblée

 27   avaient été menées de cette manière-là. Mais il est certain qu'à

 28   l'assemblée, on avait déjà quadruplé, d'une certaine manière, les


Page 15596

  1   affiliations nationales.

  2   Q.  Dans votre ouvrage, vous parlez d'un très grand nombre de déclarations

  3   de Karadzic et Koljevic concernant la séparation de Sarajevo et de la

  4   population. Et vous parlez ici de la période du 16 avril 1992. Et ce, à la

  5   page 29 de votre ouvrage.

  6   Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que le général Mladic

  7   n'était pas en Bosnie-Herzégovine à l'époque ?

  8   R.  Non, du meilleur de ma connaissance, il n'était pas là.

  9   Q.  Quel est le moment-clé, d'après vous, qu'est-ce qui a fait en sorte --

 10   quel est le moment déterminant où l'on a compris qu'un conflit allait

 11   éclater à Sarajevo ?

 12   R.  Je ne sais pas s'il y a eu un tel moment. Dépendamment de la manière

 13   dont on évalue l'importance de ces diverses opérations militaires, je dois

 14   dire que le conflit n'a pas commencé à Sarajevo. Le conflit, on pourrait le

 15   dire, a commencé au mois octobre 1991 dans un village qui a fait l'objet

 16   d'une attaque par la JNA, un village qui se trouve être à la frontière de

 17   la Croatie. Mais on peut également dire qu'il y a eu d'autres incidents

 18   frontaliers qui ont déclenché la guerre. On pourrait également dire que la

 19   guerre a commencé le 1er avril, avec la première incursion de

 20   paramilitaires à Bijeljina.

 21   Donc je ne serais pas d'accord avec vous pour dire que c'est le 6 avril que

 22   ces événements bien précis ont pu déclencher la guerre. Il y a certainement

 23   eu d'autres incidents, en fait, qui ont été à l'origine du début de la

 24   guerre.

 25   Q.  Merci bien. Pour ce qui est maintenant de Sarajevo même.

 26   Vous avez connaissance d'un incident, c'est-à-dire d'un meurtre, qui s'est

 27   déroulé le 1er mars 1992, et c'est à ce moment-là que l'on a tué le père

 28   d'un homme qui était en train de se marier à Sarajevo.


Page 15597

  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Le nom de cette personne était Nikola Gardovic, n'est-ce pas, et il a

  3   été tué lors du mariage de son fils ?

  4   R.  Oui. Et je crois qu'un prêtre orthodoxe serbe a également été blessé.

  5   Q.  C'est exact. Le prêtre, Radenko Mitrovic, a été blessé; alors que

  6   Nikola Gardovic, qui a été tué, était également un prêtre orthodoxe, n'est-

  7   ce pas ?

  8   R.  Je ne savais pas que Gardovic était prêtre, mais je suis prêt à

  9   l'accepter, effectivement, si vous le dites.

 10   Q.  Est-il exact que les représentants serbes au MUP, après cet incident,

 11   ont demandé que l'on arrête le meurtrier ? Avez-vous trouvé cela dans les

 12   documents que vous avez examinés ?

 13   R.  Il ne s'agissait pas seulement de représentants du MUP. Mais également,

 14   les dirigeants politiques du SDS l'avaient demandé et ce, d'une manière

 15   très claire, haut et fort. Et, en fait, je crois qu'un mandat d'arrêt avait

 16   été émis pour son arrestation. Un mandat d'arrêt a été émis à son encontre.

 17   Q.  Nous allons en parler un petit peu plus tard.

 18   Mais j'aimerais savoir si vous saviez que le quotidien "Oslobodjenje"

 19   ou que le journaliste Rasim Cerimagic a écrit un article à la suite de ce

 20   meurtre. Et il a dit dans son article : Que faisaient les mariés serbes à

 21   Bascarsija ?

 22   R.  J'ai examiné la couverture de "Oslobodjenje" de cet événement, et il y

 23   a eu un très grand nombre d'articles bien différents au cours des cinq

 24   jours qui ont suivi l'incident. Je ne me souviens pas de ce dont vous me

 25   parlez. J'ai toutefois entendu d'autres Musulmans de Bosnie soulever cette

 26   question, justement, et en employant exactement ces mêmes termes.

 27   Q.  Vous avez sûrement vu dans le document que vous avez examiné que le

 28   meurtrier s'appelait Ramiz Celo ?


Page 15598

  1   R.  C'était le suspect principal. Il a été traduit devant la justice et

  2   accusé de ce meurtre en 2007. Donc un très grand nombre d'années se sont

  3   passées entre ces agissements et le moment où il a été traduit devant la

  4   justice. Et je crois que le premier jour de son procès, il a pu bénéficier

  5   d'une libération provisoire et il a été tué par un assassin, qui, je crois,

  6   était d'origine albanaise, dans le cadre de règlement de comptes et que son

  7   meurtre n'a rien à voir avec ce crime-là.

  8   Je crois que nous ne pouvons pas dire de manière définitive qu'il

  9   s'agissait du meurtrier, mais sur la base des éléments de preuve présentés

 10   lors du premier jour de son procès et d'après les présomptions, c'était

 11   sans doute lui le meurtrier.

 12   Q.  Avez-vous eu l'occasion de voir un programme à la télévision d'Etat de

 13   Sarajevo au mois d'août 1992, programme dans lequel Ramiz Delalic, Celo,

 14   explique de quelle manière il a tué cet homme ?

 15   R.  Je n'ai pas vu ce programme, mais je crois que ce programme, cet

 16   extrait, a fait partie des éléments de preuve lors de ce premier jour de

 17   procès en 2007.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, est-ce que cette question

 19   est contestée, s'agissant de ce meurtre qui s'est déroulé à Bascarsija ?

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Je ne crois pas, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, une question toute simple

 22   ou deux petites questions toutes simples auraient pu suffire pour obtenir

 23   la confirmation de ce témoin d'un événement qui ne semble pas du tout être

 24   contesté par les parties.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce rapport, en fait,

 26   parle du début du conflit --

 27   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 28   M. LUKIC : [interprétation] -- et donc, nous sommes en train d'essayer


Page 15599

  1   d'établir à quel moment le conflit a-t-il débuté.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais le témoin nous a dit que le témoin

  3   n'a pas commencé à Sarajevo, et si vous lui aviez posé la question d'une

  4   autre manière -- ou peut-être pourrais-je moi-même lui poser une question :

  5   est-ce que vous pourriez nous dire, Monsieur, si ce meurtre a suscité

  6   d'autres violences ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, c'était la dernière journée du

  8   référendum sur l'indépendance, et la très grande majorité des Croates et

  9   des Musulmans avaient voté en faveur de l'indépendance alors que les Serbes

 10   avaient boycotté ce vote. Donc, dans le courant des dernières heures de ce

 11   vote, cet événement a eu lieu et il semblerait que cet incident ait pu

 12   précipiter l'incident selon lequel le SDS avait érigé des barricades autour

 13   de la ville et coupé la circulation autour de la ville.

 14   Eh bien, je dois vous dire que cela a coïncidé avec le fait que le

 15   SDS a essayé de présenter les arguments selon lesquels il s'agissait d'une

 16   réponse spontanée s'agissant de ce meurtre à Bascarsija.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, il est peut-être clair par

 18   cette question que la Chambre, en fait, n'est pas du tout intéressée au

 19   rôle que cela ait pu avoir. En fait, vous entrez dans un très grand nombre

 20   de détails qui ne sont peut-être pas nécessaires. Posez des questions au

 21   témoin, oui, effectivement, mais essayez de les poser de manière à ce que

 22   l'on ne parle pas du début de la guerre seulement. Puisque cette affaire

 23   englobe beaucoup plus d'éléments que seulement le début de la guerre.

 24   M. LUKIC : [interprétation]

 25   Q.  Je vous remercie, Docteur Donia, pour la réponse que vous avez apportée

 26   à l'Honorable Juge Orie. C'était justement un certain nombre des questions

 27   futures que j'allais poser, c'est-à-dire j'allais établir un lien entre

 28   l'érection des barricades et du meurtre qui a eu lieu.


Page 15600

  1   Ramiz Delalic, Celo, était le commandant de la police militaire des forces

  2   armées de Bosnie-Herzégovine dans la municipalité de Stari Grad; est-ce

  3   exact ?

  4   R.  Eh bien, tout d'abord, c'était un gangster, et je dois dire que c'était

  5   l'un des gangsters les plus puissants et qui avaient le plus d'influence

  6   dans ce milieu, et c'est lui qui a entrepris d'effectuer la défense de

  7   Sarajevo et il a été engagé dans des activités de combat avec la JNA et les

  8   autorités locales serbes. Et la plupart de ces nominations -- c'est-à-dire,

  9   plusieurs d'entre eux, en fait, avaient occupé des postes tels, par

 10   exemple, des postes de commandement de police. La plupart de ces derniers,

 11   de ces gangsters, étaient tirés du gouvernement, en fait, et cela avait

 12   causé une grande pression en raison de l'avantage que ces postes leur

 13   donnaient dans le cadre de leurs diverses activités, y compris, par

 14   exemple, la lutte pour la défense de la ville.

 15   Q.  Vous dites que cet élément de preuve, c'est-à-dire cet extrait vidéo

 16   dans lequel il confirme avoir tué cette personne -- est-ce que vous savez

 17   s'il a dit qu'il ne s'est pas caché après le meurtre puisque le meurtre a

 18   été organisé de concert avec la police de Sarajevo ?

 19   R.  Quelle est la question, excusez-moi ?

 20   Q.  Non, je voulais savoir si vous étiez au courant de ce fait qu'il avait

 21   lui-même avoué qu'il avait organisé le meurtre de Gardovic de concert avec

 22   la police de Sarajevo, la partie musulmane de la police de Sarajevo ?

 23   R.  Je n'ai pas vu cette vidéo moi-même et je ne sais pas ce qu'il a

 24   exactement déclaré dans cette vidéo. Je sais qu'il avait déclaré avoir été

 25   le meurtrier, mais je ne sais pas ce qu'il a dit d'autre en dehors de cela.

 26   Q.  A l'époque, le MUP, le ministère de l'Intérieur, était toujours

 27   conjoint, c'est-à-dire qu'il englobait des membres de nationalité

 28   musulmane, serbe, ainsi que des membres de nationalité croate, n'est-ce pas


Page 15601

  1   ?

  2   R.  Oui, c'est le cas, effectivement.

  3   Q.  Est-il exact de dire, ou est-ce que vous avez rencontré ces

  4   affirmations dans les documents que vous avez parcourus, que le MUP était

  5   au cœur, en réalité, des forces armées musulmanes qui se sont formées plus

  6   tard, donc que les Serbes avaient rejoint la JNA, alors que les Musulmans

  7   avaient rejoint le MUP, et que c'est ainsi qu'ils ont principalement pu

  8   avoir leurs armes ?

  9   R.  Eh bien, je pense que la Défense territoriale était -- le fondement

 10   était la base sur laquelle l'ABiH avait été créée, plutôt que le MUP. Le

 11   MUP a certainement joué un rôle, surtout après que les Serbes s'y soient

 12   retirés - et je crois que c'était le 30 mars - sous la direction de Momcilo

 13   Mandic, qui était l'adjoint du ministre du MUP. Et je pense que c'était

 14   plutôt la Défense territoriale, plutôt que le MUP, qui se trouvait au cœur

 15   de cette force de combat. 

 16   Q.  En parlant de Sarajevo : en tant que ville, après le conflit, elle a

 17   commencé à être séparée le long des lignes 

 18   ethniques ?

 19   R.  Je pourrais dire que Sarajevo a été séparée le long des lignes

 20   ethniques, mais par la force. Ce processus a pris un certain nombre de

 21   temps et était accompagné par divers niveaux de violence. Il n'y a pas eu

 22   spontanément un démantèlement le long des lignes ethniques.

 23   Q.  Conviendriez-vous que les Musulmans avaient pris par la force des

 24   parties de la ville où ils étaient majoritaires ? Est-ce exact, par

 25   exemple, qu'on expulsait des Serbes de certains SUP et ce, de la partie qui

 26   était contrôlée par les Musulmans, donc des SUP qui se trouvaient dans les

 27   parties de la ville contrôlées par les Musulmans ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous éclairer ma lanterne :


Page 15602

  1   lorsque vous employez le mot "SUP", est-ce que vous parlez de SUP ou de

  2   souks ?

  3   M. LUKIC : [interprétation] Le SUP est une petite unité organisationnelle

  4   émanant du MUP. L SUP couvre normalement une municipalité, mais le SUP peut

  5   couvrir également plus qu'une municipalité.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui -- lorsque je dis oui, en fait,

  7   c'était parce que j'étais quelque peu perplexe quant à votre question

  8   précédente. Vous avez parlé de parties de la ville et de structures de la

  9   police. Vous avez également fait -- donc la première, en fait, représentait

 10   une référence géographique, alors que l'autre représentait une organisation

 11   plutôt autre.

 12   Donc je ne sais pas si le témoin a compris votre question.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En fait, le SUP est le MUP junior, si

 14   vous voulez, d'une certaine façon. C'était la police, mais au niveau local.

 15   Je ne dirais pas, en réalité, que votre question n'est pas une bonne

 16   représentation de ce qui s'est réellement passé. Je serais d'accord,

 17   effectivement, pour dire qu'il y avait des endroits où les forces

 18   musulmanes avaient expulsé des Serbes et ont pris le contrôle. Mais, en

 19   réalité, ceci a eu lieu principalement -- à l'exception de quelques

 20   offensives dans des quartiers du ouest, la police était scindée en deux et

 21   ils ont essayé en fait de consolider les territoires dans la ville. C'était

 22   le chemin le plus commun, d'une certaine manière, et c'est en réponse à

 23   votre question quant à la séparation ethnique et lorsque j'ai dit qu'il y

 24   avait beaucoup de violence au cours d'une période assez prolongée.

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  En page 37 de la version B/C/S, 35 de la version anglaise, dernière

 27   ligne, dernier paragraphe - si nous pouvons l'avoir à l'écran - vous avez

 28   dit, je cite :


Page 15603

  1   "En revendiquant des territoires où vivaient des Serbes et qui entouraient

  2   pratiquement le centre de la ville, le SDS a jeté les fondements militaires

  3   d'un encerclement et d'un siège militaire de Sarajevo."

  4   Donc il est un fait, n'est-ce pas, que les terres entourant Sarajevo

  5   étaient la propriété quasi exclusive de Serbes ? Je parle des municipalités

  6   rurales et des villages entourant Sarajevo.

  7   R.  Non.

  8   Q.  Donc cette phrase figurant dans votre rapport n'est pas exacte ?

  9   R.  Eh bien, je dois dire qu'en l'examinant maintenant, je me rends compte

 10   qu'il y a un modal [phon] qui n'est pas tout à fait clair. Ce que je

 11   voulais dire dans cette phrase, c'est que c'est de cette façon que le SDS a

 12   établi sa base territoriale, une base territoriale qui encerclait

 13   pratiquement le centre-ville. Ce n'étaient pas des terres ou des secteurs

 14   habités par les Serbes qui encerclaient quasiment le centre-ville, et je

 15   regrette que cela puisse faire l'objet de cette interprétation.

 16   C'était clairement différent. Ce n'était clairement pas le cas. Ce

 17   n'est pas comme vous le dites. Lorsque l'on traversait ces différents

 18   secteurs à partir de 1991, si l'on en regarde l'évolution démographique, eh

 19   bien, il y avait des secteurs qui étaient de population purement serbe, il

 20   y avait des zones qui étaient peuplées exclusivement de Musulmans et il y

 21   avait de larges secteurs qui étaient peuplés par les différents groupes

 22   ethniques, par tout ou partie des groupes ethniques, parce que c'était le

 23   développement urbain de la ville dans les années 1970 et 1980. Et cette

 24   pratique qui s'était installée de construire des maisons secondaires

 25   également, qui concernait pratiquement tout le monde dans la ville.

 26   Donc je crois que ce que vous dites n'est pas exact. Je sais que

 27   c'est l'un des mythes fondateurs de la croyance nationale des Serbes de

 28   Bosnie selon laquelle il y avait un anneau de villages serbes tout autour


Page 15604

  1   de la ville elle-même peuplée de Musulmans, mais ce n'est tout simplement

  2   pas le cas.

  3   Q.  Et le référendum du 29 février et du 1er mars au cours duquel les

  4   Croates ont voté, les Musulmans également ont voté, eh bien, ils se sont

  5   exprimés, n'est-ce pas, pour une sécession de la Yougoslavie, c'est-à-dire

  6   pour l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

  7   Alors, comment expliquez-vous dans le contexte historique que d'un

  8   côté, ils ne souhaitaient pas vivre avec les Serbes de Serbie, mais qu'ils

  9   prétendaient souhaiter vivre avec les Serbes de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce

 10   que nous avons là deux différents types de Serbes ?

 11   R.  Je ne vois pas là de distinction pertinente ou significative. Le

 12   scrutin des 29 et 30 et du 1er portait sur une option politique qui avait

 13   fait l'objet de débat depuis longtemps et qui était soutenue par les partis

 14   nationaux des Croates et des Musulmans à l'époque.

 15   Je ne crois pas que cela ait quoi que ce soit à voir avec le souhait

 16   de ces gens de s'entendre, de coopérer ou d'avoir parmi eux des Serbes. Et,

 17   en réalité, je crois qu'aussi bien les Serbes, qui sont nombreux à être

 18   restés à Sarajevo pendant la guerre, que de nombreux croates et Musulmans

 19   qui ont voté à ce référendum étaient tous en faveur de la poursuite d'une

 20   coexistence et d'une vie en commun des trois peuples à Sarajevo.

 21   Q.  Alors, bien entendu, nous ne pouvons pas, dans ce contexte, parler que

 22   de Sarajevo. Nous devons avoir à l'esprit l'ensemble de la Bosnie-

 23   Herzégovine.

 24   En page 37, nous avons cet intitulé qui est assez caractéristique.

 25   Vous dites, et je cite : "La détermination simultanée de la Bosnie en

 26   faveur de l'indépendance et des Serbes pour une sécession, octobre 1991 à

 27   avril 1992."

 28   Nous voyons ici que vous séparez la Bosnie des Serbes : vous parlez de la


Page 15605

  1   prise de position de la Bosnie d'une part, et d'autre part, de séparatisme

  2   serbe. Alors, pourquoi est-ce que vous excluez ceci ? Est-ce que les Serbes

  3   de Bosnie font partie de la Bosnie pour vous, ou non ?

  4   R.  Eh bien, un petit nombre d'entre eux étaient en faveur de cette

  5   indépendance. Mais pour répondre à votre question, en substance, je dirais

  6   que ces deux mouvements ont interagi, cela ne fait aucun doute, et dans une

  7   certaine mesure, ils ont réagi l'un à l'autre. Alors, on pourrait toujours

  8   débattre de la question de savoir qui a commencé, mais il est hors de doute

  9   que ce mouvement en faveur de l'indépendance qui était soutenu par les

 10   parties musulmane et croate constituait dans une large mesure une réponse à

 11   ce que ceux-ci avaient observé des agissements du régime de Milosevic dans

 12   les tentatives de celui-ci pour étendre son commandement et son contrôle de

 13   la Yougoslavie. Ceci était déjà présent depuis longtemps.

 14   Et il avait parmi les Serbes de Bosnie, au moins dans la branche

 15   politique du SDS, une tendance à s'allier à ce mouvement parce que cela

 16   constituait une raison supplémentaire pour eux d'envisager de faire le pas

 17   vers l'indépendance. D'un autre côté, à mesure qu'ils débattaient de cette

 18   indépendance et qu'ils s'engageaient dans cette direction, comme je l'ai

 19   indiqué hier, cela a également conduit le SDS à constituer un Etat distinct

 20   spécifiquement serbe en territoire bosnien.

 21   Q.  Dans votre rapport, vous dites que les Serbes étaient en faveur du

 22   statut quo; est-ce que vous vous en souvenez ? La partie précédente.

 23   R.  Je ne sais pas exactement. Est-ce que vous pourriez me donner une

 24   référence, un numéro de page ?

 25   Q.  Je n'arrive pas à le retrouver maintenant. Mais, croyez-moi, vous avez

 26   dit dans une partie de votre rapport antérieure à ce que nous examinons

 27   maintenant que les Serbes étaient en faveur du statu quo. Mais le statu

 28   quo, cela présuppose le fait de rester au sein du même Etat, n'est-ce pas,


Page 15606

  1   et de ne pas rechercher des changements ? C'était la partie croate et la

  2   partie musulmane qui ne cessaient de prendre des initiatives. Alors que

  3   pour les Serbes, eh bien, leur intérêt, ce qui leur convenait, c'était que

  4   rien ne change.

  5   R.  Sur le plan pratique et en réalité, ils désiraient des changements, en

  6   réalité. Et lorsqu'ils ont commencé à se lancer dans ces activités visant à

  7   provoquer des scissions ou des séparations après le 15 octobre 1995 [comme

  8   interprété], à un moment donné lors d'une séance de l'assemblée, lorsqu'il

  9   s'est agi de la stratégie consistant à tailler le territoire des secteurs

 10   devant rester dans le giron de la Yougoslavie, de les tailler sur mesure -

 11   qui était en fait la voie idéologique qui était à l'origine de tout ceci -

 12   eh bien, l'un des délégués présents s'est levé et a dit : Pourquoi nous

 13   retirons-nous de quelque partie du territoire que ce soit ? Si nous sommes

 14   en faveur du statu quo, alors nous n'avons rien à faire.

 15   Et le dirigeant a expliqué qu'il fallait prendre ces mesures de façon

 16   urgente pour sauver le peuple serbe.

 17   Q.  Vous n'avez pas répondu à ma question --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-il possible que nous soyons en

 19   présence d'un malentendu ? A savoir que Me Lukic est en train de se référer

 20   à la situation antérieure au 15 octobre, en disant que les Serbes étaient

 21   tout à fait satisfaits de rester dans le giron d'une Yougoslavie qui

 22   comprenait la Serbie et la Bosnie-Herzégovine dans une forme de fédération

 23   pendant cette période; alors que, d'un autre côté, votre réponse à cette

 24   question semble concerner la période qui s'étend après le 15 octobre 1991

 25   et les événements consécutifs à cette date, lorsque quelqu'un a demandé :

 26   Ne pouvons-nous pas conserver le statu quo ? Et que, suite à cela, les

 27   dirigeants ont expliqué que ce n'était pas possible.

 28   Maître Lukic, est-ce que j'ai mis le doigt sur quelque chose de pertinent


Page 15607

  1   ou bien je me fourvoie ?

  2   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi, mon attention était retenue par M.

  3   Mladic qui, manifestement, ne se sent pas très bien --

  4   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  5   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pouvons faire une pause maintenant.

  7   Nous sommes un peu en avance --

  8   M. LUKIC : [interprétation] Nous avons cinq minutes d'avance.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cinq minutes.

 10   Mais est-ce que vous pourriez vous repencher sur les derniers échanges,

 11   peut-être revoir le compte rendu correspondant, afin de vous assurer qu'il

 12   n'y a pas de malentendu.

 13   En tout cas, nous allons demander à M. Donia de sortir de la salle

 14   d'audience, accompagné de l'huissier.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et nous allons maintenant faire une

 17   pause pour reprendre à 12 heures 05.

 18   --- L'audience est suspendue à 11 heures 44.

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 09.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je vois que vous êtes

 21   debout.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Oui. J'ai été informé de la nécessité de faire

 23   savoir aux Juges de la Chambre la situation au niveau de l'état de santé de

 24   Mladic. Il se sent très mal à présent. Il a le tournis. Tout tourne autour

 25   de lui. Il n'est pas en mesure de suivre le procès du tout. Et il a des

 26   fourmis dans son bras droit et dans sa jambe droite. Il n'est pas en mesure

 27   de se porter. Il vient d'être porté dans ce prétoire par les gardiens.

 28   Et je ne pense pas qu'il soit en mesure de continuer.


Page 15608

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons été informés du fait qu'un

  2   docteur l'a vu et lui a pris sa pression artérielle, et il dit que sa

  3   pression est quelque peu plus basse que d'habitude.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Oui, elle est par trop basse, sa tension

  5   artérielle. Et c'est la raison pour laquelle il a autant de tournis.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, pression trop basse. Et le médecin

  7   a dit que c'est probablement le fait d'une perte de poids.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Oui, c'est ce qu'on m'a dit également. On me

  9   l'a fait savoir par le biais de l'Unité de détention.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Bien sûr, s'il y a une perte de

 11   poids significative du poids de vue médical, on devrait s'attendre à

 12   l'obtention d'un rapport médical. Mais je vais voir s'il y a quelque chose…

 13   M. LUKIC : [interprétation] Je crois que le rapport en fait état, en effet.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi voir. Le dernier rapport

 15   obtenu par nous date du 21 août. Et… je n'y vois rien de mentionné à ce

 16   sujet. Je dois dire que cela me surprend, étant donné que c'est très

 17   important pour ce qui est de son état de santé présent.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   [Le conseil la Défense se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, nous avons bien entendu ce

 21   que vous nous avez dit. Nous avons également entendu ce que M. Mladic a dit

 22   au sujet de la façon dont il se sent. La question est tout à fait simple :

 23   si M. Mladic n'est pas à même de continuer à être présent, nous devrions

 24   lever l'audience, à moins qu'il ne préfère que nous poursuivions en son

 25   absence. Je veux dire qu'il devrait être présent pour ce qui est de son

 26   procès. Nous avons pris au sérieux ce droit de façon appropriée.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Puis-je lui parler, à M. Mladic ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.


Page 15609

  1   [Le conseil la Défense se concerte]

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Oui. M. Mladic vient de me dire qu'il n'était

  5   pas à même de poursuivre, et il souhaite entendre le reste du témoignage de

  6   M. Donia. Mais pour le moment, il ne peut pas suivre l'évolution du procès.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, nous allons devoir lever

  8   l'audience. C'est tout à fait simple.

  9   Je vais demander à ce que le témoin soit amené dans le prétoire afin

 10   que nous puissions lui expliquer ce qui se passe. Ensuite, Maître Lukic,

 11   vous allez avoir un peu plus de temps à votre disposition pour ce qui est

 12   de vos préparatifs en vue du témoin suivant. Je ne sais pas si vous vous

 13   êtes entretenu avec M. Groome sur ce point-là. La Chambre entend commencer

 14   l'audition du témoin suivant mardi, et non pas lundi, ce qui va vous donner

 15   l'opportunité d'avoir plus de temps pour ce qui est de l'organisation de

 16   votre contre-interrogatoire à venir.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   [Le témoin vient à la barre]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous attendons à ce que le contre-

 20   interrogatoire du Dr Donia puisse prendre fin lundi. A moins que les choses

 21   n'évoluent autrement. Les Juges de la Chambre, bien entendu, souhaiteraient

 22   obtenir le plus rapidement possible un rapport médical au sujet de la santé

 23   de l'accusé, et même pendant le week-end.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Je proposerais plus encore que ceci. Je me suis

 25   entretenu avec mon collègue M. Stewart [comme interprété].

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons d'abord avec le témoin. Docteur,

 27   nous nous sommes entretenus avec M. Mladic. Il ne se sent pas bien du tout.

 28   Il n'est pas à même de poursuivre aujourd'hui.


Page 15610

  1   Et la question que je vais vous poser, c'est de savoir si vous pouvez vous

  2   mettre à notre disposition lundi prochain ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je suis disponible

  4   lundi et mardi de la semaine prochaine. Et après, j'ai des obligations

  5   autres de l'autre côté de l'océan Atlantique.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  7   Maître Lukic, vous vouliez aborder une question --

  8   M. LUKIC : [interprétation] En effet. Mon éminent confrère m'a fait savoir

  9   que pour ce qui est du Témoin RM021, ça pourrait être organisé après le

 10   témoignage du Dr Donia lundi, mais j'ai cru comprendre --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc on pourra intervertir les témoins -

 12   -

 13   M. LUKIC : [interprétation] On aura du temps entre le Dr Donia et le témoin

 14   suivant.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la question est de savoir si on

 16   pourrait remplacer le Témoin RM021 et le RM164 [comme interprété].

 17   M. GROOME : [interprétation] Je ne suis pas capable de vous le dire à

 18   présent. Mais je ferai savoir à M. Lukic et aux Juges de la Chambre quelle

 19   a été l'issue des négociations.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Alors, nous allons entendre une

 21   décision définitive sur le fait de savoir si mardi nous serons à même de

 22   commencer à auditionner le Témoin 174.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Ça va nous être difficile. Même les trois

 24   journées devant nous se trouvent être plutôt courtes pour nos préparatifs.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu. Mais nous allons

 26   interrompre nos travaux, si nécessaire, et nous n'allons pas travailler la

 27   journée entière de lundi. En tout état de cause, j'estime qu'il est très

 28   important de savoir comment organiser le contre-interrogatoire. Et nous


Page 15611

  1   avons suivi la façon dont le contre-interrogatoire du Dr Donia s'est

  2   effectué. Il y a eu des éléments qui auraient pu être écourtés. Mais bon,

  3   en tout état de cause, si l'Accusation est à même d'intervertir RM021 pour

  4   faire venir le RM174, il se peut que nous puissions reprendre nos travaux

  5   plus tard dans la journée de mardi.

  6   Nous allons devoir lever l'audience maintenant, Monsieur Donia. Vous allez

  7   être escorté hors de ce prétoire par M. l'Huissier.

  8   Et on reprendra lundi matin.

  9   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais comme j'ai l'habitude de le

 11   faire, vous n'êtes pas censé vous entretenir au sujet de votre témoignage

 12   déjà fourni ou du témoignage à venir avec qui que ce soit.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, vous pouvez suivre

 15   l'huissier.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour la

 18   journée d'aujourd'hui et nous allons reprendre nos travaux lundi, 26 août,

 19   à 9 heures 30 du matin. Je ne sais pas si c'était prévu dans ce prétoire-ci

 20   ou si c'était -- enfin, je pense que c'est plutôt la salle d'audience

 21   numéro III.

 22   Monsieur Groome, je vois que vous êtes debout.

 23   M. GROOME : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais je viens

 24   de recevoir des informations au sujet de l'intervertissement de l'ordre des

 25   témoignages. Malheureusement, le Témoin RM021 ne vient que tard dans

 26   l'après-midi du lundi, donc ça ne va pas être possible.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Maintenant que cette information

 28   nous a été communiquée, on se penchera là-dessus.


Page 15612

  1   Et nous allons reprendre lundi, 9 heures 30.

  2   L'audience est levée.

  3   --- L'audience est levée à 12 heures 21 et reprendra le lundi 26 août

  4   2013, à 9 heures 30.

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28