Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 10 juillet 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire et à l'extérieur.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   Il y a deux questions préliminaires. Maître Lukic, si j'ai bien compris,

 12   vous avez l'intention de passer 50 minutes pour l'interrogatoire principal

 13   de M. Kecmanovic. Votre demande est accordée.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Brièvement, Monsieur le Président, et bonjour.

 16   Pour la deuxième fois cette semaine, nous avons reçu une liste des pièces à

 17   conviction mise à jour pour un témoin le matin même où il était prévu qu'il

 18   dépose. C'était hier matin. En l'espèce, le document supplémentaire qui a

 19   été ajouté fait 62 pages en B/C/S, 77 en anglais, et il semble que la

 20   dernière page en B/C/S manque si l'on compare les deux versions. J'aimerais

 21   juste demander une explication de cette notification tardive et pourquoi ce

 22   document sera utilisé pour ce témoin.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire

 24   quelle est la cote du document supplémentaire ?

 25   M. TRALDI : [interprétation] C'est la Déclaration islamique, cote 65 ter

 26   1D00172.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez une explication,

 28   Maître Lukic ?


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne parlez pas à voix haute, Monsieur

  3   Mladic, maintenant ou pendant le reste de la journée. Jamais. Veuillez

  4   continuer, Maître Lukic.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Ce document a été téléchargé dans le système

  6   sous la cote 1D172. Je pense qu'il y est depuis un certain temps en vue

  7   d'interroger ce témoin. Je me suis rendu compte que je devrais discuter de

  8   la question avec ce témoin, vu qu'il était présent à Sarajevo avec Alija

  9   Izetbegovic et ce, pendant longtemps, et je me suis dit qu'il pouvait nous

 10   éclairer sur la question. Mais si l'Accusation a besoin de davantage de

 11   temps, nous n'avons pas d'objection à cela.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comprends bien que vous ayez

 13   besoin de temps supplémentaire, mais vous auriez pu le prévoir.

 14   Monsieur Traldi, je m'adresse à vous, je pense que ce document n'est pas

 15   complètement nouveau pour l'Accusation. Est-ce bien exact ?

 16   M. TRALDI : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Ce n'est

 17   pas un nouveau document.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons permettre à

 19   Me Lukic de faire référence au document, mais nous consignons au compte

 20   rendu que vous avez soulevé une objection quant à la notification tardive -

 21   - pas la communication tardive, mais la notification tardive.

 22   M. TRALDI : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, et une

 23   objection sur les évolutions possibles quant à l'utilisation de ce

 24   document.

 25   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 26   M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais ajouter une chose. A plusieurs

 27   reprises, l'Accusation a déjà modifié sa liste la veille de la déposition

 28   du témoin.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, c'est peut-être la raison pour

  2   laquelle nous sommes relativement souples sur la question, Maître Lukic.

  3   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous savons qu'il s'agit là de quelque

  5   chose qui, en outre, n'est pas complètement inconnu pour l'Accusation.

  6   Faisons entrer le témoin dans le prétoire. En attendant, je vais en

  7   profiter pour consigner les points suivants au compte rendu.

  8   Suite aux réponses de l'Accusation aux requêtes de la Défense en

  9   application de l'article 92 du Règlement pour Milutin Vukicic datée du 1er

 10   juillet et pour Milan Pejic datée du 10 juin 2014, l'Accusation a demandé

 11   que des parties de ces déclarations de témoin, en tout cas pour le Témoin

 12   Vukicic et le Témoin Pejic, soient retirées car elles contiennent des

 13   éléments de preuve tu quoque. Les Juges de la Chambre aimeraient inviter la

 14   déclaration à répondre, soit oralement, soit par écrit, aux objections de

 15   l'Accusation telles que reprises dans les réponses susmentionnées au plus

 16   tard mercredi 16 juillet.

 17   Je continue. Le 15 mai, la Défense a déposé une requête en conformité

 18   à l'article 92 ter du Règlement demandant d'admettre une déclaration du

 19   Témoin Milorad Sehovac et plusieurs pièces associées. Le 27 mai,

 20   l'Accusation a déposé sa réponse et ne s'est pas opposée à ladite requête,

 21   mais s'est opposée à l'admission de certaines pièces connexes. Le 4 juin,

 22   la Défense a déposé une demande d'autorisation de réponse avec la réponse

 23   en annexe. Les Juges de la Chambre font droit à la réponse.

 24   Ensuite, dans sa réponse du 29 mai de cette année, l'Accusation s'est

 25   opposée à l'admission des pièces connexes reprises dans la liste 65 ter

 26   sous les cotes 1D02057 et 1D02058 et a demandé à la Défense de corriger et

 27   de télécharger les documents dans le prétoire électronique. Dans sa

 28   réponse, la Défense a déclaré que les cotes exactes pour la liste 65 ter


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  1   des documents citée plus haut au paragraphes 52 et 53 des déclarations sont

  2   1D02527 et 1D2528. Les Juges de la Chambre aimeraient savoir si

  3   l'Accusation fait objection aux documents correctement identifiés.

  4   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Les interprètes n'ont pas reçu copie

  5   des décisions qui viennent d'être rendues oralement.

  6   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kecmanovic. Avant de

  8   déposer, le Règlement exige que vous prononciez une déclaration solennelle.

  9   Le texte vous en est remis par M. l'Huissier. Je vous invite à la

 10   prononcer.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je déclare solennellement que je

 12   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : NENAD KECMANOVIC [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place, Monsieur

 16   Kecmanovic. Vous allez tout d'abord être interrogé par Me Lukic, qui se

 17   trouve à votre gauche. C'est le conseil de M. Mladic.

 18   Maître Lukic, je suppose que vous conclurez votre interrogatoire pendant ce

 19   premier volet d'audience, s'il n'y a pas trop d'interruptions.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Oui, je l'espère, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 22   Interrogatoire principal par M. Lukic :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur.

 24   R.  Bonjour.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Je vais demander à l'huissier de bien vouloir

 26   remettre la déclaration au Pr Kecmanovic.

 27   Je demande l'affichage du document 1D1633. Il s'agit d'une copie de la

 28   déclaration du témoin.


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-être que vous pourriez demander

  2   au témoin de décliner son identité pour que cela soit consigné au compte

  3   rendu.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Très bien.

  5   Q.  Professeur, vous venez de l'entendre. J'ai oublié de vous demander de

  6   décliner votre identité.

  7   R.  Nenad Kecmanovic.

  8   Q.  Merci. Vous avez à l'écran et vous avez également reçu une copie de

  9   votre déclaration. S'agit-il bien de votre signature ?

 10   R.  Oui.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Je demande l'affichage de la dernière page.

 12   Vous avez à l'écran la dernière page de la déclaration.

 13   Q.  Est-ce que vous reconnaissez votre signature ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir cette déclaration avant de

 16   la signer ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous avez fourni cette déclaration à la Défense du président Karadzic

 19   et à celle du général Mladic également; est-ce bien exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-il exact que nous avions convenu de retirer le paragraphe 54 de la

 22   déclaration dans l'affaire Karadzic car vous êtes censé déposer en qualité

 23   de témoin de fait sur la municipalité de Prijedor, qui était un élément

 24   dans l'affaire Karadzic, mais vous n'avez pas d'information personnelle

 25   quant à ces événements ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui, est-ce que vos

 28   réponses, en substance, seraient les mêmes ?


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  1   R.  Oui.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement au

  3   dossier de ce document.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a une correction qui

  5   a été apportée dans l'affaire Karadzic et je ne pense pas qu'elle se trouve

  6   ici. C'est au paragraphe 8. On fait référence au parti du témoin ici, je

  7   pense, et on l'a traduit comme étant le Parti radical serbe, le SRS, plutôt

  8   que le SRSJ, et j'aimerais avoir quelques explications à ce sujet.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Professeur, vous vous souvenez que dans l'autre affaire, il y a eu

 11   quelque confusion sur les abréviations utilisées ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  C'était le Parti radical serbe, mais quel était en fait le véritable

 14   nom de votre parti ?

 15   R.  L'abréviation est exactement la même, SRS, mais c'était l'Alliance des

 16   forces de la réforme, et la confusion est partie de là.

 17   Q.  Merci.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1633 reçoit la cote D556,

 20   Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, je suppose qu'à part

 22   cette observation vous n'avez pas d'objection, et voilà pourquoi le

 23   document est admis au dossier.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Et je remercie mon confrère d'avoir soulevé ce

 25   point-là et de m'avoir donné l'occasion de corriger cela.

 26   J'aimerais à présent donner lecture de la déclaration du Pr Kecmanovic.

 27   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Les interprètes n'ayant pas reçu

 28   copie du document, nous lui demandons de bien vouloir lire lentement ce


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  1   résumé de déclaration.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez entendu la demande des

  3   interprètes, Maître Lukic ?

  4   M. LUKIC : [interprétation] Oui. Ce résumé est bref, donc je pense que cela

  5   ne gênera pas outre mesure les interprètes dans leurs cabines.

  6   Nenad Kecmanovic était membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine à

  7   partir du mois d'avril 1992, lorsque les représentants politiques serbes

  8   ont quitté cet organe, jusqu'en juillet 1992. Nenad Kecmanovic déposera sur

  9   la crise politique en Bosnie-Herzégovine qui a ouvert la voie à la guerre.

 10   Dans sa déposition, il parlera des divisions du pouvoir politique en

 11   Bosnie-Herzégovine après les premières élections pluripartites. En outre,

 12   il nous parlera des liens qui existaient entre le SDS, le SDA et le HDZ,

 13   ainsi que l'armement des Musulmans et des Croates avant que la guerre

 14   n'éclate.

 15   Nenad Kecmanovic déposera sur la présidence de Bosnie-Herzégovine après le

 16   début du conflit et nous parlera également des plans de paix. Et le Pr

 17   Kecmanovic déposera sur la situation et les événements qui se sont déroulés

 18   à Sarajevo avant et après la guerre.

 19   Voici donc le résumé de la déclaration. J'aimerais à présent, si vous me le

 20   permettez, Messieurs les Juges, interroger le Pr Kecmanovic.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous autorisons à l'interroger.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Professeur, nous n'allons pas être trop longs, mais nous avons besoin

 24   d'aborder quelques questions. Tout d'abord, quelle a été la chronologie de

 25   la création des différents partis en Bosnie-Herzégovine en fonction des

 26   appartenances ethniques ?

 27   R.  Le premier parti qui a été formé a été le Parti de l'Action

 28   démocratique, ensuite l'Union démocratique croate, et enfin le Parti


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  1   démocratique serbe.

  2   Q.  Merci.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D172, s'il

  4   vous plaît.

  5   Q.  Professeur, nous allons voir la Déclaration islamique à l'écran dans

  6   quelques instants. Connaissez-vous ce document ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Qui l'a rédigé ?

  9   R.  Alija Izetbegovic.

 10   Q.  Comment a-t-il été perçu par les non-Musulmans en Bosnie-Herzégovine ?

 11   R.  Ils étaient très préoccupés en raison des différents éléments de cette

 12   déclaration. Par exemple, on y fait référence à l'impossibilité de réunir,

 13   de concilier l'Islam et les institutions non musulmanes, ainsi que le fait

 14   que les Musulmans, tant qu'ils seront une minorité dans un Etat, devront

 15   s'adapter à la constitution, aux lois, et au moment où les Musulmans

 16   deviendraient une majorité, ils pourraient alors imposer un ordre musulman

 17   ou une théocratie musulmane où la minorité jouirait de droits limités. En

 18   fait, c'est assez comparable à l'Empire ottoman qui régnait en Bosnie

 19   lorsque les non-Musulmans jouissaient de droits d'un moindre niveau que les

 20   Musulmans -- que la communauté musulmane.

 21   La déclaration a été publiée pour la deuxième fois en 1990. C'est

 22   important. La première publication avait eu lieu 20 ans auparavant. Et lors

 23   de cette première publication, Izetbegovic était inconnu, il était

 24   manutentionnaire dans une entreprise de construction. Il avait quelques

 25   connaissances juridiques. Il s'occupait de tâches administratives. Mais au

 26   moment de la deuxième publication, M. Izetbegovic était déjà le dirigeant

 27   du groupe ethnique le plus nombreux en Bosnie-Herzégovine, je parle là de

 28   termes assez relatifs. En outre, la population musulmane en Bosnie-


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  1   Herzégovine à l'époque avait le taux de natalité le plus important. Là, en

  2   conséquence, la communauté musulmane était prépondérante si on la comparait

  3   aux deux autres groupes ethniques. Et en qualité du dirigeant du groupe qui

  4   grandissait le plus rapidement, il a publié cette déclaration -- il a

  5   republié cette déclaration, en fait, et avait proposé que la population

  6   musulmane impose une théocratie musulmane, qui était assez terrifiante pour

  7   un groupe minoritaire tel que les Serbes.

  8   Q.  A votre avis, comment Alija Izetbegovic voyait-il l'évolution des

  9   Serbes dans la Bosnie ?

 10   R.  Comment les voyait-il ? Eh bien, je pense qu'il se disait que leur

 11   expansion serait limitée. Moi, je l'ai constaté déjà lorsque j'étais membre

 12   de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Je travaillais à un document du

 13   programme qui était censé expliquer les objectifs de la Bosnie-Herzégovine.

 14   Ce document, que j'ai initié avec quelques collègues dans la présidence,

 15   reprend ou se concentre, plutôt, sur la création d'une maison des peuples

 16   en Bosnie-Herzégovine, notamment la parité au sein de la présidence de

 17   Bosnie-Herzégovine avec droit de veto. Et cette maison des peuples serait

 18   représentée au parlement. Au niveau de la présidence, il y aurait une

 19   représentation égalitaire et un droit de veto.

 20   Les premières moutures de cette plateforme, comme on l'a appelée, ont été

 21   distribuées aux autres membres de la présidence, et lors des discussions

 22   Izetbegovic s'y est opposé, arguant que le texte montrait clairement que

 23   les Musulmans étaient une majorité en Bosnie-Herzégovine. Je lui ai répondu

 24   en lui disant que c'était la seule façon pour la Bosnie-Herzégovine de

 25   fonctionner, que tous les trois peuples constitutifs avaient besoin d'être

 26   sur un pied d'égalité. Autrement, l'Etat serait inacceptable pour les deux

 27   autres peuples sans cette condition préalable. Mais malgré mon explication,

 28   il s'y est quand même opposé, et nous avons ajouté qu'il s'agissait là de


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  1   la tradition qui avait existé à l'époque lorsque de tels mécanismes ne

  2   pouvaient pas être rédigés de façon institutionnelle mais étaient quand

  3   même mis en pratique. On tenait toujours compte de la répartition ethnique,

  4   même dans les institutions qui n'étaient pas directement liées à la

  5   politique. Par exemple, l'école de sciences politiques où je travaillais,

  6   le doyen là-bas était toujours choisi en fonction de la clé de répartition

  7   ethnique. En d'autres mots, les trois appartenances ethniques avaient leurs

  8   représentants, il y avait une rotation au sein de l'école, même chose pour

  9   l'Université de Sarajevo et d'autres universités dans le pays, même s'il y

 10   en avait moins à l'époque. Mais le principe était le même, quoi qu'il en

 11   soit.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous vous concentrer sur les

 13   questions, Professeur. Et je m'adresse à Me Lukic, veuillez diriger votre

 14   témoin pour qu'il se concentre sur les questions qu'on lui pose.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   Q.  Professeur, parlez-nous d'Uma.

 17   R.  Uma, en fait, c'est quelque chose qu'Izetbegovic mentionne dans la

 18   Déclaration islamique. A un moment, il dit que les Etats créés en fonction

 19   de l'appartenance ethnique de petite taille et de taille moyenne ne sont

 20   pas suffisamment forts pour devenir des acteurs politiques, mais que

 21   c'était la foi qui unissait le peuple musulman. Il parle d'Uma, qui est une

 22   sorte de communauté musulmane qui sera au-dessus de l'Etat, qui serait une

 23   sorte d'organisation faîtière englobant les Musulmans depuis le Maroc

 24   jusqu'en Indonésie. Et cela était censé être une alliance culturelle et

 25   politique.

 26   Q.  Et qu'en était-il du statut des Serbes en Croatie à l'autonome 1990 ?

 27   R.  Eh bien, pour résumer les choses, les Serbes ont été effacés de la

 28   constitution. Jusqu'à ce moment-là, il s'agissait d'une population


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  1   constitutive de la Croatie. Ensuite, ils ont été exclus de la constitution

  2   et ont obtenu le statut de minorité ethnique.

  3   Q.  Et en quoi cela a-t-il influencé le raisonnement et les activités des

  4   Serbes de Bosnie ?

  5   R.  A l'époque, c'était un pays uni, malgré ce processus déjà en marche de

  6   désintégration, et les Serbes de Bosnie s'inquiétaient que la même chose ne

  7   se répète en Bosnie-Herzégovine étant donné qu'ils représentaient également

  8   une minorité ethnique. Et donc, on pouvait s'attendre naturellement à ce

  9   que cela traverse l'esprit de la population en Bosnie-Herzégovine.

 10   Q.  Qu'en est-il des frontières internes en ex-Yougoslavie ? Quelles

 11   étaient-elles, quelle était leur nature, et je voudrais me concentrer sur

 12   les républiques, là ?

 13   R.  Oui. Pendant toute la période de l'entre-deux guerres, nous avons créé

 14   des frontières administratives ou frontières internes qui n'avaient pas de

 15   caractère étatique. Elles se fondaient sur des conventions et on les

 16   traitait comme telles jusque dans les années 1960. Au moment où ces

 17   frontières avaient été créées à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et

 18   lorsque la paix régnait après 1945, plusieurs possibilités ont été

 19   proposées qui ont été abandonnées par la suite. Par exemple, la Bosnie-

 20   Herzégovine, dans l'une de ces variantes, aurait pu devenir une troisième

 21   province autonome au sein de la Serbie et faire partie du leaderat [phon]

 22   communiste. Et le représentant de cette variante n'a pas été entendu par

 23   les autres membres du leaderat. Un autre dirigeant dans le groupe

 24   d'opposition s'appelait Djilas, et lui était plutôt en faveur d'une Bosnie-

 25   Herzégovine séparée, d'une république séparée.

 26   Q.  Pour ceux qui ne savent pas, quelle était l'origine ethnique de Milos

 27   Vicaj [phon] ?

 28   R.  Il était Juif.


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  1   Q.  Rankovic ? Vous en avez parlé à la page 12, ligne 10.

  2   R.  Serbe. Si vous voulez bien, je souhaite rajouter quelque chose. On

  3   savait comment ces frontières internes étaient traitées. Par exemple, une

  4   partie de la Bosnie-Herzégovine dans la première variante, qui a été

  5   officiellement adoptée, une partie du Monténégro, Herceg Novi, qui est une

  6   ville côtière de Monténégro, était perçue comme faisant partie de la

  7   Bosnie-Herzégovine. Après son adoption un an plus tard, le dirigeant de

  8   Monténégro, Blazo Jovanovic, a demandé au chef communiste de la Bosnie-

  9   Herzégovine, Djuro Pucar, il lui a demandé, étant donné que le territoire

 10   de Monténégro était peu important, de leur donner la ville de Herceg Novi

 11   et les environs, et Djuro Pucar a accédé à sa demande. Et c'est ce qui a

 12   été fait par la suite, et ensuite ça a été rendu légitime officiellement.

 13   Q.  Merci. Est-ce qu'Alija Izetbegovic pensait que la paix était plus

 14   importante que la séparation de la Bosnie-Herzégovine de l'ex-Yougoslavie ?

 15   R.  Ah, vous faites référence indirectement à la déclaration tant citée

 16   qu'il a faite devant l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine. Il aurait dit

 17   qu'il serait en faveur de la souveraineté, même si ça voulait dire qu'il y

 18   aurait eu la guerre.

 19   Q.  Merci. Savez-vous quelque chose au sujet des visites effectuées par

 20   Alija Izetbegovic à d'autres pays en 1991 ? Vous rappelez-vous sa première

 21   visite ?

 22   R.  Oui, oui. Sa première visite était à Ankara, il s'est rendu d'abord en

 23   Turquie. Et ce dont on se souvient de cette visite et qui, en fait, a

 24   provoqué un incident est la chose suivante : pendant son séjour, il a

 25   demandé au nom de la Bosnie-Herzégovine de pouvoir rejoindre la conférence

 26   de l'Organisation islamique ou de l'Organisation islamique internationale,

 27   même si les deux autres partis en Bosnie-Herzégovine n'avaient pas donné le

 28   feu vert de le faire. Cela a donné lieu à un incident, puisque Nikola


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  1   Koljevic, qui -- lorsqu'il s'agissait de la division interne des tâches et

  2   des responsabilités au sein de la présidence, il s'occupait des affaires

  3   étrangères, mais en fait, il n'en avait pas été informé, et la présidence

  4   non plus. Mais Izetbegovic, lorsqu'il a entendu leurs objections, il a

  5   donné l'explication assez naïve en disant : J'avais compris que, avec la

  6   répartition des tâches, les Musulmans auraient la présidence, les Serbes

  7   l'assemblée et les Croates le gouvernement, qui est une explication tout à

  8   fait naïve de son action.

  9   Q.  Merci. Très rapidement, une question là-dessus. Est-ce que vous

 10   connaissez M. Zulfikarpasic ?

 11   R.  Oui, je le connaissais à titre personnel, ainsi que M. Izetbegovic et

 12   d'autres personnalités imminentes impliquées dans ces développements. En ce

 13   qui concerne Zulfikarpasic, tout à fait au début, il était impliqué dans la

 14   création du SDA, du parti politique musulman. Il faisait partie des

 15   dirigeants. C'était un des deux vice-présidents de ce parti. Il était

 16   important parce que lors du régime communiste, il a aidé les dissidents

 17   musulmans. Il payait leurs frais juridiques pour la défense, par exemple,

 18   d'Izetbegovic devant les tribunaux. Il a créé l'institut islamique à

 19   Zurich, qui était comme un refuge pour les dissidents Musulmans.

 20   Il est apparu à Sarajevo la veille du retour du système multipartite.

 21   Il m'a contacté car il avait une idée de créer un parti politique

 22   multiethnique. Il en serait le dirigeant. On m'a proposé le poste de vice-

 23   président pour les Serbes. Je ne sais pas qui il avait en tête pour les

 24   Croates.

 25   Même s'il avait rendu pas mal de services à Izetbegovic, il s'est séparé de

 26   lui assez rapidement en citant comme raisons du conservatisme et du

 27   fanatisme religieux, c'est ce qu'il a expliqué, au sein du SDA. Ensuite, il

 28   a créé son propre parti politique, qui n'avait rien d'islamique ou de


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  1   musulman. Ce parti s'appelait le parti musulman bosniaque. C'était un parti

  2   séculaire. Mais bon, ils n'ont pas remporté énormément de succès lors des

  3   élections. Une partie de l'élite musulmane a rejoint ce parti, mais les

  4   électeurs de base ne s'y intéressaient pas énormément.

  5   En même temps, il était l'un des dirigeants musulmans qui étaient le plus

  6   en faveur d'une solution pacifique pour la Bosnie-Herzégovine. Il faisait

  7   partie de quelque chose qui malheureusement n'a pas réussi, c'est-à-dire

  8   trouver un arrangement avec les Serbes en Bosnie, avec Slobodan Milosevic.

  9   Cet accord a deux titres : l'acte d'accord historique, c'est le premier

 10   titre; et le deuxième titre c'est l'initiative de Belgrade. L'idée était

 11   que la Bosnie-Herzégovine devait continuer à faire partie de ce qui restait

 12   de la Yougoslavie et serait sur un pied d'égalité avec la Serbie et le

 13   Monténégro, qui avaient choisi de rester au sein de la Yougoslavie

 14   Une des solution proposées était qu'Izetbegovic devienne le premier

 15   président de ce qui restait de la Yougoslavie. Alija Izetbegovic était en

 16   faveur de cette initiative, mais la veille de sa publication il y a une

 17   conférence télévisée qui a été organisée. J'y étais en tant que

 18   représentant des partis de l'opposition, et Izetbegovic était censé revenir

 19   d'un voyage. Il est arrivé et il a dit, en direct à la télévision, que le

 20   SDA souhaitait se retirer de l'accord.

 21   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Il va falloir accélérer un peu, donc je

 22   vous demande de donner des réponses un peu plus courtes. Nous savons très

 23   bien que les professeurs parlent encore plus que les avocats.

 24   Très rapidement, est-ce que vous voulez bien nous dire ce qui s'est passé

 25   en octobre 1991 dans la vie politique de la Bosnie-Herzégovine ?

 26   R.  C'est probablement un des tournants. Je suppose que vous parlez de la

 27   proclamation de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. C'était en quelque

 28   sorte un prélude à des événements qui allaient donner lieu au démantèlement


Page 23812

  1   de la Bosnie-Herzégovine et donner lieu à la guerre. L'indépendance de la

  2   Bosnie-Herzégovine a été proclamée nonobstant l'opposition des députés

  3   serbes à l'assemblée. Pour la première fois, le mécanisme du fonctionnement

  4   du parlement de Bosnie-Herzégovine a été rompu, et c'était le conseil

  5   d'égalité nationale. C'était quelque chose qui devait se substituer à la

  6   chambre des peuples qui fonctionnait conformément au principe suivant : si

  7   une délégation s'opposait à une proposition qui était soumise, cette

  8   proposition était supprimée. Pour la première fois, le SDA et le HDZ ont

  9   ignoré les demandes des Serbes de le supprimer. Ils ont ignoré le fait que

 10   des députés ont quitté l'assemblée, et la décision sur l'indépendance de la

 11   Bosnie-Herzégovine a été adoptée.

 12   Ce n'était pas seulement cet événement qui était marquant, mais l'important

 13   à retenir est que le principe de l'égalité ethnique a été violé. La

 14   population et les députés serbes de Bosnie ont constaté qu'il s'agissait

 15   d'un tournant dans la vie politique. Le climat était radicalement changé,

 16   une des trois nations constitutives devenaient moins égales et il risquait

 17   d'y avoir violation systématique des mécanismes d'égalité.

 18   Q.  Quelle a été la majorité lors du vote ?

 19   R.  Je ne m'en souviens pas.

 20   Q.  Est-ce que c'était la majorité des deux tiers ?

 21   R.  Non. Ce n'était pas non plus le cas dans les votes qui ont suivis et

 22   qui sont nécessaires pour de telles décisions qui s'appliquent aussi au

 23   référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Je sais

 24   pertinemment que le résultat était 64 % en faveur de la sécession de la

 25   Bosnie-Herzégovine. On avait besoin, bien sûr, de 66 % pour obtenir la

 26   majorité des deux tiers. C'est vraiment incroyable de voir comment il était

 27   possible de procéder à une telle violation, c'était tellement flagrant

 28   mathématiquement parlant. Et la communauté internationale l'a ignoré aussi,


Page 23813

  1   y compris la Commission Badinter et les institutions européennes, qui ont

  2   toutes choisi d'ignorer ce qui s'est passé.

  3   Q.  Immédiatement après, quelle a été la réaction du HDZ, en octobre 1991,

  4   où ils ont voté conjointement avec le SDA en faveur de l'indépendance de la

  5   BiH ?

  6   R.  Eh bien, je pourrais vous répondre en donnant pas mal d'exemples, mais

  7   je vais essayer d'être bref. C'était une action tactique de la part du HDZ,

  8   c'est ainsi que je vois les choses, et ils ont déployé la même tactique par

  9   la suite aussi. D'un côté, ils montraient la solidarité avec le SDA, mais

 10   en même temps ils restaient en symétrie par rapport à ce que faisaient les

 11   Serbes. Il y a quelques semaines, ils ont commencé à créer des districts

 12   autonomes croates; par exemple, le District autonome de Herceg-Bosna et un

 13   autre, HAO, de la Bosnie centrale, où il y avait dans la population de

 14   fortes concentrations de Croates.

 15   Q.  Vous avez expliqué que le droit au veto était très courant dans la vie

 16   politique de la Bosnie-Herzégovine. Lorsque Koljevic et Plavsic ont quitté

 17   la présidence, vous avez été coopté pour devenir membre de la présidence.

 18   Est-ce que vous avez essayé de faire en sorte que la règle de consensus et

 19   le droit au veto soient 

 20   introduits ?

 21   R.  C'était la précondition pour que je devienne membre de la présidence,

 22   parce que plus tôt on avait déjà démontré qu'il y avait systématiquement

 23   des tendances à procéder à un vote pas vraiment égalitaire. Donc, c'est

 24   pour cela que les représentants serbes ont quitté la présidence. C'est pour

 25   cela. Et j'ai demandé qu'il y ait un système de consensus qui impliquait

 26   qu'il y avait effectivement le droit d'opposer son veto. J'ai imposé une

 27   autre condition aussi, c'est que tous les membres de la présidence gèlent

 28   leurs fonctions au sein des partis politiques. Et la troisième demande


Page 23814

  1   était que le gouvernement soit changé. Le gouvernement était incompétent.

  2   Mais mon premier souci était qu'il y ait de veto et que la prise de

  3   décision soit sur base de consensus. Izetbegovic a eu 15 jours pour y

  4   réfléchir, ensuite il a accepté les conditions, mais par la suite il les a

  5   systématiquement violées. Et si vous voulez, je peux vous en citer quelques

  6   exemples.

  7   Q.  Aujourd'hui, est-ce que le même principe s'applique aujourd'hui dans la

  8   vie politique en Bosnie-Herzégovine ?

  9   R.  Mais je l'ai indiqué dès le départ, j'ai intégré ce principe dans la

 10   plateforme que je favorisais. Je parle du mois de juin 1992. Le principe, à

 11   l'époque, a été accepté par tout le monde. Et même aujourd'hui, dans la vie

 12   politique, on évoque ce principe comme une solution qui aurait pu prévenir

 13   la guerre.

 14   Dans les documents de l'accord de Dayton, ce principe, le même

 15   principe qui avait été intégré à la plateforme que je défendais à l'époque,

 16   ce même principe y figure. Même si la présidence aujourd'hui est

 17   tripartite, il est nécessaire d'arriver à un consensus afin de décider de

 18   toutes les questions les plus importantes.

 19   Q.  Merci. Le mandat de M. Izetbegovic avait-il une date d'expiration ?

 20   R.  Pour commencer, Alija Izetbegovic n'est pas devenu le président de la

 21   présidence d'une façon légale. C'était Fikret Abdic qui avait recueilli le

 22   plus grand nombre de voies. Mais bon, je ne vais pas approfondir cette

 23   question. Je peux revenir dessus si vous le souhaitez. En tout cas,

 24   Izetbegovic est devenu président, et son mandat était censé être d'un an.

 25   Parce qu'en fait, sa fonction était d'être le président de la présidence,

 26   d'être primus inter pares. Et puis, la possibilité existait de renouveler

 27   son mandat pour une autre année. Mais comme nous le savons, même après

 28   l'expiration de ce délai, il a continué à exercer ses fonctions, et il a


Page 23815

  1   continué à le faire tout au long de la guerre, contrairement à la

  2   constitution.

  3   D'après la constitution, il aurait dû être remplacé dès 1992 par le

  4   représentant de la population d'appartenance ethnique croate. Donc, c'est

  5   de cette façon que fonctionnait le système. En fonction de l'appartenance

  6   ethnique, on faisait la relève.

  7   Q.  Merci. Passons maintenant à la reconnaissance internationale de

  8   différentes républiques.

  9   Jusqu'à quel moment la Commission de Badinter était-elle censée

 10   prendre sa décision quant à l'indépendance de la Croatie et la Slovénie et

 11   les conditions nécessaires pour y arriver ?

 12   R.  Je ne me souviens plus exactement.

 13   Q.  Cette décision, donc, était censée être reprise par la Commission de

 14   Badinter, mais à quel moment l'Allemagne a-t-elle reconnu la Slovénie et la

 15   Croatie ?

 16   R.  Cela s'est produit à Maastricht, lors d'une réunion au niveau européen.

 17   D'après les informations disponibles à l'époque et d'après les documents

 18   que j'ai pu étudier à la suite, l'Allemagne a en quelque sorte fait chanter

 19   ses partenaires. C'était une décision forcée à laquelle les Américains se

 20   sont opposés. Mais l'Allemagne a imposé la reconnaissance de ces deux

 21   républiques comme une condition préalable à toute autre discussion.

 22   Q.  Et qu'en est-il du référendum qui a eu lieu le 29 février et le 1er

 23   mars 1992 ? Mis à part les pourcentages que vous avez déjà indiqués en

 24   expliquant que la majorité des deux tiers n'a pas été respectée, est-ce

 25   qu'il y a eu d'autres irrégularités lors du vote ?

 26   R.  Oui. Le vote n'était pas légitime. D'une certaine façon, le Parti

 27   démocratique serbe, même à l'époque - le Parti démocratique serbe ou le

 28   Mouvement national serbe - avait déjà exprimé sa volonté politique quant à


Page 23816

  1   l'avenir de la Bosnie-Herzégovine lors d'une plébiscite qui avait été

  2   organisé au préalable en suivant les mêmes mécanismes qui sont appliqués

  3   lors de l'organisation d'un référendum. La majorité des Serbes et quelques

  4   représentants des autres groupes ethniques se sont prononcés en faveur

  5   d'une Bosnie-Herzégovine qui resterait dans le cadre de Yougoslavie, et

  6   cela, à plus de 90 %. Par conséquent, cet autre référendum qui a été

  7   organisé par la suite, les Serbes l'ont tout simplement boycotté. Ils ne se

  8   sont pas présentés aux urnes, mis à part quelques cas de figure

  9   individuels.

 10   Q.  La Commission de Badinter avait formulé des conditions nécessaires pour

 11   organiser le référendum. Ces conditions ont-elles été remplies ? Qu'en

 12   savez-vous et de quoi vous souvenez-vous ?

 13   R.  Je pense que la Commission Badinter avait prévu que la population

 14   appartenant aux trois groupes ethniques devait se prononcer en faveur de

 15   l'indépendance pour que celle-ci soit réalisable.

 16   Q.  Qu'en est-il du gouvernement qui a proclamé l'indépendance le 3 mars

 17   1992, ce gouvernement comprenait-il des représentants des trois groupes

 18   ethniques ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et les représentants du groupe ethnique serbe ont-ils voté en faveur de

 21   l'indépendance ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Dites-nous maintenant quelques mots très brièvement au sujet du projet

 24   de Cutileiro. Ce projet prévoyait-il une division de la Bosnie-Herzégovine

 25   ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et les autres projets de paix prévus pour la Bosnie-Herzégovine, est-ce

 28   qu'ils prévoyaient, eux aussi, une division de la Bosnie-Herzégovine ?


Page 23817

  1   R.  Eh bien, écoutez, c'est fort intéressant du point de vue de ce qui se

  2   passe aujourd'hui en Bosnie-Herzégovine sur le plan politique. On

  3   stigmatise toute idée de division. On décrit la division comme une épreuve

  4   qui détruirait la Bosnie-Herzégovine, qui la ferait imploser. Mais j'ai

  5   suivi la question de près, d'autant plus que j'ai participé activement à la

  6   vie politique. Dès le projet Cutileiro et lors des discussions qui ont été

  7   menées, et même les partis de l'opposition ont participé, il a été question

  8   de la division. Je me souviens d'un représentant britannique qui s'appelait

  9   -- il est mort par la suite, mais il s'appelait Darwin, c'est pourquoi j'ai

 10   retenir son nom. Et ce qui vaut pour le projet Cutileiro vaut pour tous les

 11   autres projets qui ont suivi, celui de Vance-Owen, celui du Groupe du

 12   contact, et finalement les accords de Dayton. Tous ces accords approchent

 13   la question de la division comme quelque chose de tout à fait naturel. A

 14   l'époque, personne ne parlait d'une Bosnie unifiée. Et même les

 15   représentants de la population musulmane évoquaient cette possibilité comme

 16   une possibilité tout à fait légitime. On sait pertinemment qu'Izetbegovic

 17   avait pratiquement accepté l'accord de Lisbonne, qui avait des dispositions

 18   de ce type. Et ensuite, soudainement, la division a commencé à se présenter

 19   comme quelque chose qui était complètement contraire aux intérêts du peuple

 20   musulman, et même que toute idée de division, si elle était avancée,

 21   menaçait toute la Bosnie de destruction.

 22   Dans certains des accords qui avaient été proposés, on prévoyait même

 23   la séparation de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine, et ce sujet a

 24   été beaucoup débattu entre les Musulmans et les Croates parce que la

 25   possibilité que le groupe ethnique croate rejoigne la Croatie a également

 26   été évoquée.

 27   Q.  Que s'est-il passé le 4 avril 1992 dans le cadre de ce contexte

 28   préalable à la guerre ?


Page 23818

  1   R.  Vous parlez du 6 avril ? Je ne comprends pas. Je ne me souviens pas que

  2   quelque chose soit arrivé le 4.

  3   Q.  Alija Izetbegovic a-t-il lancé un appel général de mobilisation à un

  4   moment donné ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Savez-vous si cet appel a été lancé le 4 ou le 6 ?

  7   R.  Il a été lancé le 4.

  8   Q.  Est-ce qu'il y a eu des contacts de la partie serbe avec M. Izetbegovic

  9   ?

 10   R.  Concernant cette décision ?

 11   Q.  Oui.

 12   R.  Oui. Les représentants serbes ont demandé que cette décision soit

 13   annulée. Parce que ce qu'elle voulait dire, en termes pratiques, c'est que

 14   la guerre était entamée en Bosnie-Herzégovine, et c'est la raison pour

 15   laquelle le président Karadzic et les autorités de la Republika Srpska ont

 16   insisté pour ne pas prendre certaines mesures. Parce que c'était un premier

 17   pas vers l'état de guerre et le début de la guerre qui a par la suite

 18   éclaté en Bosnie-Herzégovine.

 19   Q.  A cette même époque, qui s'est opposé à la démilitarisation de

 20   Sarajevo; vous en souvenez-vous ?

 21   R.  Ecoutez, c'était Ejup Ganic qui a affiché la position la plus radicale

 22   à cet égard. C'était un personnage éminent sur la scène politique

 23   bosniaque. Il s'était présenté aux élections et il avait été élu en tant

 24   que Yougoslave, donc il ne s'était pas exprimé en fonction de division

 25   ethnique. Mais comme c'était l'homme le plus respecté de la ville, de façon

 26   officieuse, il remplissait les fonctions de l'adjoint de M. Izetbegovic.

 27   Et il s'était opposé à l'accord d'Ohrid, qui avait été passé entre la JNA

 28   et les dirigeants politiques de la Bosnie. Il s'agissait d'assurer une


Page 23819

  1   situation où la JNA resterait sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine

  2   pour une période de cinq ans tout en respectant l'autorité de nouveaux

  3   dirigeants de la Bosnie-Herzégovine. Puis cette période serait suivie d'un

  4   démantèlement qui restait à définir par la suite. Donc, j'ai participé, en

  5   fait, à ces débats. Je suis rendu aux réunions à Belgrade où, lors des

  6   réunions, on a essayé de définir tous les paramètres. Le chef de l'état-

  7   major général a été présent lui aussi, ou était-il déjà le ministre de la

  8   Défense ? Il y avait Alija Izetbegovic, il y avait Branko Kostic, président

  9   de la Yougoslavie, et puis l'hôte, Kiro Gligorov.

 10   Ce projet d'accord a été refusé, même si Alija Izetbegovic avait participé

 11   aux préparatifs, parce qu'Ejup Ganic a insisté là-dessus. Il ne souhaitait

 12   pas que la situation soit pacifiée. Il pensait que cela ne fonctionnait pas

 13   en faveur des Musulmans et en faveur des objectifs qu'ils visaient. Il

 14   pensait que les Musulmans avaient besoin que Sarajevo soit placée sous un

 15   siège pour que les Musulmans puissent se présenter comme des victimes dans

 16   les yeux du monde entier.

 17   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Je n'ai plus de questions à vous poser

 18   en ce moment.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci à vous, Maître Lukic.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaite tout simplement demander le

 21   versement au dossier du document 1D172. En fait, il faut lui attribuer la

 22   cote provisoire parce que j'ai cru comprendre que quelque chose manquait à

 23   la dernière page du document.

 24   M. TRALDI : [interprétation] C'est l'impression que j'ai eue en parcourant

 25   le document. Mais je n'ai pas d'objection à soulever si l'on attribue une

 26   cote provisoire.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons examiné la page de garde et

 28   la photographie. C'est tout ce que nous avons vu de ce document. Et le


Page 23820

  1   témoin nous a dit que le document lui semblait pertinent, donc je me

  2   demande s'il est vraiment nécessaire d'étudier les 77 pages, alors que le

  3   témoin n'a parlé de la chose que pendant quelques minutes. Bien sûr, cela

  4   fait partie du dossier.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Mais nous avons parlé de quelques différents

  6   extraits du document, même si je n'ai pas affiché les pages pertinentes,

  7   mais le témoin les a commentés. Nous pouvons peut-être sélectionner

  8   seulement ces pages-là.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, veuillez, s'il vous plaît,

 10   préparer un extrait qui comprendrait tous les extraits pertinents, parce

 11   que sinon il va falloir que nous lisions le document au complet, les 77

 12   pages, alors que la plupart se présentent hors de contexte pour nous. Mais,

 13   en tout cas, il n'y a pas de désaccord quant à l'existence du document.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Non, nous ne sommes pas en désaccord sur ce

 15   point.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la teneur n'est pas mise en question

 17   non plus.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Nous sommes d'accord sur ce point, et nous

 19   pouvons discuter avec la Défense quant aux extraits qui doivent être admis

 20   au dossier.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Si vous pouvez sélectionner

 22   les extraits, Maître Lukic, auxquels le témoin s'est référé dans sa

 23   déposition, il serait bon d'arriver à un accord avec l'Accusation.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, le document recevra une cote

 26   provisoire pour le moment. Je ne sais pas s'il est nécessaire de compléter

 27   la dernière page puisqu'elle ne fait pas partie des extraits pertinents,

 28   mais en attendant que les parties au procès arrivent à un accord, le


Page 23821

  1   document concerne la déposition de ce témoin et c'est pourquoi il est censé

  2   être lu par les Juges.

  3   Madame la Greffière.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D172 recevra la cote D557,

  5   Messieurs les Juges.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D557 reçoit une cote

  7   provisoire.

  8   Monsieur Kecmanovic, nous allons faire une pause de 20 minutes. Vous pouvez

  9   suivre M. l'Huissier.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de faire une pause, je voudrais me

 13   pencher sur une question qui concerne des pièces connexes en vertu de la

 14   requête 92 ter relative au Témoin Milorad Sehovac. La Défense a demandé le

 15   versement au dossier de 21 pièces connexes pour ce témoin. Les Juges de la

 16   Chambre rappellent les parties au procès que la Chambre refuse d'être

 17   submergée par les pièces connexes. Cela concerne la longueur des documents

 18   concernés ainsi que leur nombre total. Les Juges de la Chambre rappellent

 19   qu'ils préfèrent qu'on demande le versement au dossier de documents pendant

 20   la déposition du témoin dans le prétoire puisque cela permet au témoin

 21   d'expliquer les documents et de les commenter.

 22   Nous allons maintenant faire une pause et nous allons reprendre nos travaux

 23   à 11 heures moins cinq.

 24   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

 25   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles.

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, un peu plus tôt ce

 28   matin, la Chambre nous a demandé si on avait une objection en ce qui


Page 23822

  1   concerne les documents correctement identifiés, ces documents associés avec

  2   le Témoin Milorad Sohic [comme interprété]. Nous n'avons pas d'objection

  3   puisque ces documents ont maintenant été correctement identifiés. Et nous

  4   avons la référence : 1D02527 et 1D02528.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Ceci est consigné au compte

  6   rendu.

  7   Maître Lukic, d'après mon souvenir des observations faites en ce qui

  8   concerne le nombre de pièces associées au Témoin Sehovac, bon, ça revient à

  9   vous inviter à réduire le nombre de pièces associées et de les traiter dans

 10   le cadre de l'examen du témoin et de faire comme nous avons fait avec

 11   l'Accusation. Je sais que vous y avez fait référence de temps à autre.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Je ne me rappelle pas exactement la procédure

 13   lors des arguments présentés par l'Accusation.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela a été fait à plusieurs reprises --

 15   M. TRALDI : [interprétation] Oui, oui, à plusieurs reprises.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à plusieurs reprises.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Je me rappelle d'un témoin avec une soixantaine

 18   de documents.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne dis pas qu'il n'y a pas

 20   d'exceptions justifiées, mais l'idée de base est qu'il y ait un nombre

 21   limité, un nombre restreint, et on pourrait admettre de modifier ce nombre

 22   en fonction de la situation.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre. Monsieur Traldi,

 25   est-ce que vous êtes prêt à contre-interroger M. Kecmanovic ?

 26   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kecmanovic, vous allez être

 28   contre-interrogé par M. Traldi, conseil de l'Accusation, qui est à votre


Page 23823

  1   droite.

  2   Contre-interrogatoire par M. Traldi :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Vous avez soumis des rapports d'expert dans deux affaires devant ce

  6   Tribunal, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  L'affaire Kvocka et l'affaire Simic, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, c'était il y a longtemps.

 10   Q.  Vous avez également déposé en tant qu'expert dans l'affaire Simic,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Mais dans vos rapports, les informations fournies étaient, autant que

 14   vous le sachiez, précises et véridiques, n'est-ce pas ?

 15   R.  Dans certains cas, que j'ai signalés, par exemple, lorsqu'on mentionne

 16   certaines localités, j'ai reçu ces informations de la part d'autres

 17   personnes. Donc, c'étaient des informations de deuxième main, pour ainsi

 18   parler. Pendant toute la période juste avant la guerre et pendant les

 19   premiers mois de la guerre, j'étais à Sarajevo, donc je n'avais pas de

 20   connaissances des zones à l'extérieur de Sarajevo, au fond des champs. Ma

 21   propre expérience, je veux dire. De façon générale, j'ai évalué la

 22   situation dans le contexte politique.

 23   Q.  Je comprends que vous êtes en train d'essayer d'expliquer comment vous

 24   avez obtenu certains types d'information. Mais ma question était tout

 25   simplement de savoir si les informations que vous avez fournies dans ces

 26   rapports sont, d'après vous, précises et véridiques et est-ce que c'est

 27   votre évaluation de la situation ? Quelle que soit la source de vos

 28   informations.


Page 23824

  1   R.  Oui, vous avez raison.

  2   Q.  Vous avez également fait une déclaration à l'équipe de Défense de

  3   Karadzic, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Je souhaite maintenant attirer votre attention sur un paragraphe de

  6   votre déclaration dans l'affaire Karadzic qui n'est pas repris dans la

  7   déclaration dans cette affaire-ci. Dans le paragraphe 54 de la déclaration

  8   --

  9   M. TRALDI : [interprétation] Et je voudrais que l'on affiche à l'écran la

 10   pièce 30943 de la liste 65 ter. C'est la page 28 en anglais et le bas de la

 11   page 20 en B/C/S. C'est donc la déclaration faite par M. Kecmanovic à la

 12   Défense Karadzic.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Voulez-vous bien agrandir la version en serbe.

 14   M. TRALDI : [interprétation] C'est en bas de la page à gauche, juste après

 15   le mot "Prijedor".

 16   Et je lis ce paragraphe :

 17   "En ce qui concerne le rapport d'expert pour Prijedor, que j'ai rédigé pour

 18   une autre affaire" - et il faut passer à la page suivante très rapidement

 19   en B/C/S, en haut de la page - "et dans ce rapport, j'ai parlé d'un

 20   incident pendant lequel deux policiers serbes ont été tués, je maintiens ce

 21   que j'ai rédigé dans mon rapport qui dit que les meurtres ont donné lieu à

 22   une répression terrible de la part de l'armée et de la police serbes, qui a

 23   culminé dans l'expulsion de la population musulmane, non seulement de ce

 24   village-là, mais aussi des villages avoisinants, et on a mis le feu aux

 25   maisons musulmanes. Dans mon rapport, j'ai également décrit ce qui s'est

 26   passé à Omarska et Keraterm, j'ai dit que les conditions dans ces endroits

 27   étaient humainement inacceptables. J'ai également dit que des crimes de

 28   guerre avaient été commis contre des individus et des groupes de


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  1   prisonniers là. Je souhaite également rajouter que j'ai obtenu mes

  2   connaissances par rapport à ces événements pendant des tâches effectuées

  3   conjointement avec d'autres experts, ces experts étant mieux informés que

  4   moi en ce qui concerne ce qui s'est passé au niveau local. Je n'ai pas de

  5   connaissances directes de ces événements et je n'y ai pas participé non

  6   plus."

  7   Q.  Est-ce que, Monsieur, vous maintenez toujours ce que vous avez écrit

  8   dans ce document ?

  9   R.  Mes conclusions étaient fondées sur ce que je dis là-dedans, c'est-à-

 10   dire j'ai dit que je n'ai pas de connaissances personnelles. C'étaient des

 11   informations que j'ai obtenues de la part d'autres personnes.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce qui a été marqué dans la

 13   déclaration, Monsieur le Témoin. La question est de savoir si vous

 14   maintenez ce que vous avez dit, y compris ces lignes-là.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement ce que j'ai dit, oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Traldi.

 17   M. TRALDI : [interprétation]

 18   Q.  Je pense que pour le compte rendu il est important d'obtenir une

 19   réponse à la question que j'ai posée à l'origine, c'est-à-dire est-ce que

 20   vous maintenez le paragraphe que je viens de vous lire à haute voix de

 21   votre déclaration Karadzic ? Et je parle du paragraphe entier.

 22   R.  Pas entièrement. Seulement la conclusion.

 23   Q.  Donc, vous ne maintenez pas ce que vous avez rédigé dans le rapport

 24   d'expert que vous avez préparé pour l'autre affaire ? C'est-à-dire, pour

 25   l'affaire Kvocka ?

 26   R.  Entre-temps, j'ai entendu d'autres informations, puisque j'ai passé pas

 27   mal de temps sur le territoire de la Republika Srpska. Des personnes du

 28   terrain m'avaient dit que ce n'était pas tout à fait comme cela avait été


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  1   indiqué auparavant.

  2   Q.  Donc, cela s'est produit depuis que vous avez fait cette déclaration

  3   dans l'affaire Karadzic ? Parce qu'en 2012, vous avez maintenu ce que vous

  4   aviez rédigé dans le rapport.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Eh bien, nous allons aborder les différents points. Est-ce que vous ne

  7   dites plus maintenant qu'il y avait une répression terrible de la part de

  8   l'armée et de la police serbes à Prijedor ?

  9   R.  Dans la mesure que c'est inévitable pendant des conditions de guerre.

 10   Q.  Est-ce que vous contestez le fait que les conditions à Omarska et

 11   Keraterm étaient inhumaines ?

 12   R.  Eh bien, dans des camps de prisonniers, autant que je sache, l'on ne

 13   rencontre pas énormément de principe d'humanité parce que, par définition,

 14   un camp de prisonniers n'est pas très humain. Et les conditions dans ces

 15   camps reflètent cet état des faits. Et je le dis sur la base de ce que je

 16   suppose être le cas, car moi-même je n'ai passé beaucoup de temps dans de

 17   tels camps.

 18   Q.  Vous avez déposé sous serment que des atrocités se sont produites dans

 19   ces camps, n'est-ce pas ?

 20   R.  Eh bien, j'ai déposé sous serment, mais entre-temps il s'est écoulé

 21   beaucoup de temps, et entre-temps j'ai obtenu d'autres informations, j'ai

 22   eu d'autres connaissances qui donnent une sorte de relativisation des

 23   informations que j'avais déjà données, parce que c'étaient des informations

 24   indirectes. En ce qui concerne ce que je sais moi-même sur la base de mon

 25   expérience personnelle, cela ne change pas. Mais ce que j'ai obtenu de la

 26   part d'autres personnes entre-temps, cela peut changer si j'apprends autre

 27   chose entre-temps. Donc, c'est pour cela que j'ai changé mon avis.

 28   Q.  Nous allons examiner les sources d'information que vous aviez à


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  1   l'époque où vous avez déposé dans l'affaire Karadzic. Vous aviez reçu des

  2   rapports lorsque vous étiez membre de la présidence BiH, n'est-ce pas ?

  3   R.  Eh bien, je ne peux pas prendre en compte comme informations

  4   pertinentes des informations que j'ai reçues en tant que membre de la

  5   présidence, parce que ces informations constituaient une sorte de

  6   propagande de guerre. Mais si vous m'accorder le temps nécessaire, je peux

  7   vous expliquer comment la présidence fonctionnait en réalité et pas en

  8   théorie. Les informations sur lesquelles vous insistez, je les ai obtenues

  9   par la suite à Belgrade de la part de quelqu'un qui habitait Belgrade à

 10   l'époque. Je peux vous donner son nom, malheureusement il n'est plus en

 11   vie, mais il est originaire du territoire. Il avait l'habitude d'y aller et

 12   de se rendre de nouveau à Belgrade, et cetera.

 13   Q.  Donc, encore une fois, vous n'avez pas donné une réponse directe à la

 14   question, mais j'en déduis qu'il est vrai de dire que vous avez reçu des

 15   rapports lorsque vous étiez membre de la présidence BiH, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. Nous avions reçu les informations et nous ne pouvions pas y faire

 17   confiance à 100 %. Je l'ai même dit dans ma déclaration. Les informations

 18   que nous obtenions provenaient principalement de Sefer Halilovic, qui à

 19   l'époque était chef de l'état-major de l'ABiH. En plus, il était membre de

 20   la présidence de Guerre. Donc, il nous donnait ces informations qui

 21   disaient que l'armée serbe commettait des atrocités abominables et que les

 22   civils musulmans ont connu un nombre de fatalités très importantes. Et en

 23   ce qui concerne la partie militaire du rapport, il disait tout le temps que

 24   l'ABiH remportait des succès extraordinaires. C'était tellement peu

 25   plausible que même Alija Izetbegovic lui a demandé de soumettre des

 26   rapports plus réalistes. On l'entendait parler tout le temps d'atrocités

 27   abominables commises contre les civils musulmans par l'armée serbe et des

 28   réussites constantes de l'ABiH contre l'agresseur. Bien sûr, cela ne


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  1   pouvait pas être la vérité absolue. Ce qui voulait dire, en général, qu'on

  2   ne pouvait pas faire confiance à ce qu'on entendait.

  3   Q.  Donc, pour répondre simplement à la question posée : Oui, vous avez

  4   reçu des rapports, mais vous avez décidé de ne pas y faire confiance, de ne

  5   pas s'y fier ?

  6   M. LUKIC : [interprétation] Objection. Je pense que le témoin a précisé : A

  7   l'époque, je ne pouvais pas me fier à ces éléments d'information. Il n'a

  8   pas dit que c'est une décision qu'il a prise aujourd'hui et

  9   rétrospectivement.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, le témoin a dit qu'il

 11   recevait ces rapports. Sur ce point-là, vous avez raison. Puis le témoin a

 12   dit qu'il ne pouvait pas vraiment s'appuyer sur ces rapports, qu'il ne

 13   pouvait pas y faire confiance. Alors, donnez-moi, s'il vous plaît, un

 14   instant. Un instant, s'il vous plaît.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être puis-je vous aider. Page 31, ligne 9,

 16   la réponse du témoin : "Nous recevions des informations auxquelles nous ne

 17   pouvions absolument pas faire confiance."

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, Monsieur Kecmanovic, par conséquent,

 19   vous ne vous êtes pas appuyé sur ces informations lorsque vous avez rédigé

 20   votre rapport en 2012 ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre,

 23   Maître Traldi. En fait, Monsieur le Témoin, vous ne vous appuyez toujours

 24   pas sur ces éléments d'information en déposant ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Traldi.

 27   M. TRALDI : [interprétation]

 28   Q.  J'aimerais que nous nous penchions sur quelques extraits des procès-


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  1   verbaux des séances de la présidence bosniaque de l'époque.

  2   M. TRALDI : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le document

  3   30954 de la liste 65 ter. C'est un extrait tiré de la 133e séance qui s'est

  4   tenue le 30 juin 1992.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, permettez-moi de poser

  6   une question supplémentaire concernant les déclarations précédentes du

  7   témoin.

  8   M. TRALDI : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vos informations, vous

 10   les avez obtenues de la part d'une personne qui se trouvait à Belgrade et

 11   qui entre-temps est décédée. Pourriez-vous nous indiquer de quelle personne

 12   il s'agit ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette personne s'appelle Bosko Baskot.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Et à quel moment est-il

 15   décédé ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est mort l'année dernière. Il était fort

 17   âgé.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les parties au procès pourraient peut-

 19   être vérifier la date de décès de cette personne.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Nous allons étudier la question, Monsieur le

 21   Président. J'aimerais que nous passions à la page 7 de la version anglaise,

 22   qui correspond à la page 14 de la version B/C/S.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. J'ajoute simplement qu'il s'agit

 24   d'un cadre communiste qui avait joué un rôle assez important jusqu'à la mi-

 25   guerre à peu près. C'est un personnage éminent dans la vie publique.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai tout simplement demandé à

 27   quel moment il est mort. Veuillez continuer.

 28   M. TRALDI : [interprétation]


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  1   Q.  En haut de la page dans la version anglaise, nous voyons l'extrait qui

  2   nous intéresse. Et je crois que le même extrait figure en bas de la page

  3   dans la version B/C/S. C'est vous qui vous exprimez, et vous parlez des

  4   Serbes détenus à Sarajevo. Vous dites :

  5   "En toute sincérité, plus les cas de cette nature se multiplient, plus nous

  6   les tolérons de façon tacite, plus nous acceptons une anarchie qui est

  7   caractéristique pour l'autre côté" --

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Où cela se trouve-t-il ?

  9   M. TRALDI : [interprétation] C'est en haut de la page.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  "… de l'autre côté où les crimes commis sont, bien sûr, bien pires,

 13   comme le génocide, et cetera. Toutefois, cela ne représente pas une excuse

 14   pour nous, il faut que nous établissions l'état de droit dans les zones qui

 15   se trouvent sous notre contrôle."

 16   Lorsque vous parlez de l'autre partie, c'était en fait la partie serbe à

 17   l'époque, n'est-ce pas ?

 18   R.  Cela concerne la partie serbe aussi bien que la partie croate, parce

 19   qu'à l'époque, vous savez --

 20   Q.  Donc, ces propos se rapportent à la partie serbe comme à la partie

 21   croate; ai-je raison de l'affirmer ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci de cette précision. Donc, il semblerait qu'à cette époque vous

 24   évoquiez les crimes, y compris le génocide, commis par les Serbes et, comme

 25   vous venez de le préciser, par les Croates. Donc, ma question pour vous

 26   sera la suivante : est-ce que vous vous appuyez sur les rapports que vous

 27   receviez en votre qualité du membre de la présidence de la BiH ou

 28   recueilliez-vous également des informations d'autres sources ?


Page 23832

  1   R.  Dans les médias, à la radio, nous pouvions suivre les rapports de

  2   chaînes radio internationales, et à l'époque elles évoquaient le chiffre de

  3   300 000 victimes d'appartenance ethnique musulmane dès les premiers mois de

  4   la guerre. Et comme ces informations provenaient d'un niveau international,

  5   elles avaient l'air beaucoup plus convaincantes et beaucoup plus

  6   plausibles. Quand on se trouve sur place, la plupart des informations sont

  7   impossibles à vérifier. Et je pense, en revanche, que par la suite les

  8   organisations internationales aussi bien que les organisations musulmanes

  9   ont constaté que le nombre de victimes ne s'élevait pas à 300 000, surtout

 10   pas au début de la guerre, mais qu'il était de 

 11   100 000 pour tous les Serbes, Croates et Musulmans tout au long de la

 12   guerre. Mais, bien sûr, à l'époque, il fallait décider soi-même ce qu'on

 13   souhaitait croire et ce qu'on refusait de croire.

 14   Q.  Ma question était simplement de savoir si vous vous appuyiez sur les

 15   rapports que vous receviez en tant que membre de la présidence ou si vous

 16   consultiez également d'autres sources ? Alors, je comprends très bien que,

 17   en votre qualité de membre de la présidence, vous receviez des rapports,

 18   mais j'imagine que vous vous informiez aussi en consultant d'autres sources

 19   concernant ces crimes commis contre les Musulmans; ai-je raison de

 20   l'affirmer ?

 21   R.  Lorsque les informations étaient mutuellement cohérentes, alors, bien

 22   sûr, j'avais tendance à y croire.

 23   Q.  Et l'une de ces façons dont ces informations se présentaient comme

 24   cohérentes concernait les rapports sur des atrocités commises à grande

 25   échelle contre la population musulmane dans de nombreuses parties de la

 26   Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui. Après ma sortie de Sarajevo, j'ai commencé à obtenir des éléments

 28   d'information plus crédibles. C'est pourquoi je vous ai cité à titre


Page 23833

  1   d'exemple ce nombre total de victimes. Il s'est avéré par la suite que les

  2   chiffres qui circulaient à l'époque étaient erronés,

  3   Q.  Mais pendant 20 ans, depuis le moment où vous avez quitté la présidence

  4   jusqu'au moment où vous avez déposé dans l'affaire Karadzic, le fait que

  5   vous ayez continué à étudier les informations crédibles n'a pas changé

  6   votre point de vue sur les actes inhumains, sur les crimes qui ont été

  7   commis dans les camps, y compris Keraterm et Omarska; ai-je raison de

  8   l'affirmer ?

  9   R.  Mais je vous en ai déjà parlé. Je vous ai expliqué que par la suite

 10   j'ai appris que ces hypothèses avaient été exagérées, et c'est pourquoi

 11   maintenant j'affiche une attitude qui est quelque peu différente.

 12   Q.  Mais lorsque je vous ai posé des questions au sujet de ce paragraphe

 13   dans votre déclaration Karadzic, je ne vous ai pas posé de questions sur le

 14   nombre concret de victimes dans chaque camp particulier. Je vous ai demandé

 15   de façon générale si vous mainteniez votre conclusion, la conclusion que

 16   vous avez avancée à plusieurs occasions, à savoir que des crimes avaient

 17   été commis sur le territoire de la municipalité de Prijedor, y compris dans

 18   ces deux camps-là. Donc, est-ce que vous êtes en train de nous dire que les

 19   choses que vous aviez entendues étaient exagérées et qu'il n'y a pas eu de

 20   crimes de commis ?

 21   R.  Je dis que les informations ont été exagérées.

 22   Q.  Donc, vous êtes toujours d'accord avec le fait que des crimes ont été

 23   commis dans ces deux établissements et, plus généralement, sur le

 24   territoire de la municipalité de Prijedor ?

 25   R.  Oui, oui.

 26   Q.  Au sein de la présidence, les personnes qui évoquaient les crimes

 27   commis contre les non-civils [comme interprété], y compris les crimes

 28   contre les personnes détenues dans les camps, ces personnes ne se


Page 23834

  1   réduisaient pas uniquement à vous et au général Halilovic. Il y avait aussi

  2   un autre représentant serbe, l'autre représentant serbe, M. Mirko

  3   Pejanovic, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   M. TRALDI : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 10 de

  6   la version anglaise, qui correspond à la page 17 de la version B/C/S. Cela

  7   figure en haut de la page dans la version anglaise.

  8   Q.  M. Pejanovic dit dans la partie qui nous intéresse :

  9   "Je pense que notre réaction n'est pas appropriée compte tenu que le nombre

 10   de camps destinés aux Musulmans sur le territoire de la république est en

 11   augmentation. Nous n'investissons pas suffisamment d'efforts pour

 12   encourager le public en Bosnie-Herzégovine ou au niveau international pour

 13   réagir."

 14   Donc, M. Pejanovic, ici, informe la présidence de ces faits et il débat au

 15   sein de la présidence de l'augmentation du nombre de camps destinés aux

 16   Musulmans sur le territoire de Bosnie-Herzégovine; ai-je raison de

 17   l'affirmer ?

 18   R.  Oui.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

 20   versement au dossier de ce document.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30954 recevra la cote

 23   P6657, Messieurs les Juges.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, quelle est la longueur

 25   de ce document ?

 26   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je ne m'en souviens pas

 27   comme cela. Nous sommes en train de vérifier.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un document assez long et je me


Page 23835

  1   demande si nous aurons besoin de la totalité du document.

  2   M. TRALDI : [interprétation] La version B/C/S fait 20 pages et la version

  3   anglaise un petit peu moins, 12 pages, je pense.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Douze pages, et cette partie porte sur

  5   les extraits sur lesquels vous avez posé des questions au témoin ?

  6   M. TRALDI : [interprétation] Oui, je me suis concentré sur les parties qui

  7   m'intéressaient le plus, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pas d'objection.

  9   Madame la Greffière, quelle serait la cote ? Ah, pardon, nous avons déjà

 10   reçu une cote. C'est la P6657. La pièce est admise au dossier.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Le 30 juin, était-ce la première fois que quelqu'un d'autre que vous ou

 13   que M. Halilovic, le général Halilovic, ayez discuté des camps pour les

 14   non-Serbes en Bosnie-Herzégovine à la présidence ?

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le 30 juin de quelle année, Monsieur

 16   Traldi ?

 17   M. TRALDI : [interprétation] 1992, Monsieur le Juge. En fait, c'est ce qui

 18   est repris dans l'extrait que nous venons de regarder. Toutes mes excuses.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 20   M. TRALDI : [interprétation]

 21   Q.  Je vais reposer ma question. Le 30 juin 1992, on en parle dans

 22   l'extrait que nous avons vu à l'instant, à cette date-là, ce n'était pas la

 23   première fois que quelqu'un d'autre que vous, quelqu'un d'autre que le

 24   général Halilovic, ait discuté des camps pour les non-Serbes en Bosnie-

 25   Herzégovine à la présidence ?

 26   R.  Probablement pas. Mais je ne m'en souviens pas précisément.

 27   M. TRALDI : [interprétation] Je demande le document 30945 de la liste 65

 28   ter, s'il vous plaît. C'est le compte rendu de la 117e séance de la


Page 23836

  1   présidence de Bosnie-Herzégovine datée du 12 juin 1992. Page 2, s'il vous

  2   plaît.

  3   Q.  Nous voyons là la liste des présents, et pour les membres de la

  4   présidence nous voyons votre nom, n'est-ce pas ?

  5   R.  Hm-hm.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Passons à la page 3 dans les deux langues,

  7   s'il vous plaît.

  8   Q.  Le titre, "Items 1 and 2", points 1 et 2, "taska" en B/C/S, j'aimerais

  9   attirer votre attention sur la partie qui nous parle de Musir Brkic :

 10   "Le Dr Musir Brkic a expliqué la différence qui existait entre une menace

 11   de guerre immédiate qui a lieu pour l'instant en Bosnie-Herzégovine et la

 12   proclamation de l'état de guerre et a mis l'accent sur le gros problème

 13   relatif aux civils arrêtés qui sont emmenés vers Pale et d'autres camps."

 14   A cette époque-là, Pale se trouvait en territoire serbe, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Il parlait des camps qui étaient tenus par les Serbes, n'est-ce pas ?

 17   R.  Probablement.

 18   Q.  Et il parlait des civils non serbes qui avaient été arrêtés et qui

 19   étaient détenus là-bas, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, oui.

 21   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement

 22   de ce document, 30945 de la liste 65 ter.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Objection. Ce document est très long et ce seul

 24   extrait devrait être versé.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne le savons pas encore. Et

 26   j'allais le demander, Maître Lukic.

 27   M. TRALDI : [interprétation] En fait, il s'agit du compte rendu. Il fait

 28   quatre pages en B/C/S et cinq en anglais.


Page 23837

  1   M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai pas les documents pour le contre-

  2   interrogatoire, donc je ne sais pas.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous pourrez revenir sur

  4   la question de la longueur du document si, en l'étudiant, vous vous rendez

  5   compte que c'est effectivement le cas.

  6   Madame la Greffière, quelle serait la cote ?

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30945 reçoit la cote P6651

  8   [comme interprété], Messieurs les Juges.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est admis au dossier. Veuillez

 10   continuer.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, vous avez suggéré que ces allégations n'étaient que de la

 13   propagande ?

 14   R.  En fait, vous avez insisté sur des propos de Musir Brkic, mais il faut

 15   aussi tenir compte de la chose suivante : Mirko Pejanovic est resté à la

 16   présidence pendant toute la durée de son existence parce que, notamment, il

 17   avait un autre point de vue que le mien. Et moi, j'ai quitté la présidence,

 18   Pejanovic y est resté. Et vous remarquerez probablement que j'ai insisté

 19   des mauvais traitements des Serbes à Sarajevo et j'en ai parlé parce que

 20   j'ai constaté ces choses immédiatement.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas ce dont nous parlons. Nous

 22   parlons de la question de savoir si ces rapports étaient de la propagande,

 23   c'est ce que vous aviez affirmé, et pas de la façon dont vous avez répondu

 24   à cette propagande, pas d'autre chose, en fait. Concentrez-vous sur ce que

 25   M. Traldi vient de vous demander, à savoir si ces allégations constituaient

 26   de la propagande ou pas, parce que vous les avez appelées ainsi tout à

 27   l'heure.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, la question était de


Page 23838

  1   savoir quel était mon niveau de confiance dans les informations qui étaient

  2   fournies. Et ces informations étaient des informations de deuxième main

  3   parce que je ne me trouvais pas à Pale.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, encore une fois, vous voulez

  5   apporter votre propre déclaration. Alors, je vais vous relire la question :

  6   "Monsieur, vous avez suggéré que ces allégations étaient de la propagande,

  7   n'est-ce pas ?"

  8   C'était la question. Rien d'autre. Répondez à la question, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé, mais je n'ai pas

 11   entendu votre réponse, Monsieur Kecmanovic.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'avais pas confiance dans ces

 13   informations, parce que pour moi c'était de la propagande.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En conséquence, la réponse est oui. La

 15   question n'était pas de savoir si vous aviez confiance en ces informations,

 16   mais plutôt si vous les considériez comme de la propagande. Donc, vous

 17   dites oui au fait que c'était de la propagande. Voilà la réponse à la

 18   question.

 19   Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage du document 09723 de la

 21   liste 65 ter, s'il vous plaît.

 22   Il s'agit de l'analyse du fonctionnement du MUP de Republika Srpska et des

 23   détails sur ses activités à venir, datée du 11 juillet 1992.

 24   Je demande la page 2 dans les deux langues, s'il vous plaît.

 25   Q.  Au deuxième paragraphe, au début nous voyons :

 26   "Les personnes suivantes ont participé à la réunion…"

 27   Mico Stanisic et puis d'autres personnes. Il s'agit là bien de

 28   représentants officiels du ministère de l'Intérieur de Republika Srpska ?


Page 23839

  1   R.  Quelle était la question ?

  2   Q.  Les noms que l'on voit sont tous des noms de représentants du ministère

  3   de l'Intérieur de Republika Srpska ? Mico Stanisic, Cedo Kljajic, Slobodan

  4   Skipina, pour en citer quelques-uns ?

  5   R.  Certains noms me disent quelque chose.

  6   Q.  Mais vous connaissez Mico Stanisic, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  C'était le ministre de l'Intérieur ?

  9   R.  Pendant un moment, je pense.

 10   Q.  Mais cette période de temps, ce moment, incluait le 11 juillet lorsque

 11   la réunion a eu lieu ?

 12   R.  Je ne peux pas vous l'affirmer. Je ne sais pas.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Page 8 en anglais, s'il vous plaît. Je pense

 14   que c'est la page 9 pour le B/C/S. Le haut de la page 8 pour la version

 15   anglaise.

 16   Q.  Nous voyons une partie des remarques de M. Zupljanin, qui ont commencé

 17   quelques pages plus tôt. Et nous voyons :

 18   "L'armée et les cellules de Crise, présidences de Guerre, exigent de réunir

 19   un maximum de Musulmans et de laisser ces camps non définis entre les mains

 20   des Affaires intérieures. Les conditions dans ces camps sont piètres. Il

 21   n'y a pas d'aliments. Certaines personnes ne répondent pas aux normes

 22   internationales car, notamment, les centres de concentration ne sont pas

 23   adaptés ou pour d'autres raisons."

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous devriez indiquer au témoin où il

 25   doit regarder dans la version B/C/S.

 26   M. TRALDI : [interprétation] Je ne maîtrise pas le cyrillique, Monsieur le

 27   Juge, donc donnez-moi quelques instants.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, est-ce que 


Page 23840

  1   vous avez retrouvé le passage dont M. Traldi vient de vous donner lecture ?

  2   Est-ce que vous avez retrouvé le --

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'écran, je vois :

  4   Plusieurs milliers de poursuites n'ont pas été terminés, les

  5   tribunaux ne fonctionnent pas, et cetera. Conformément au règlement sur les

  6   compétences des tribunaux, et cetera, et cetera.

  7   M. TRALDI : [interprétation] Eh bien, je pense que nous avons la mauvaise

  8   page en B/C/S. J'en suis désolé, Messieurs les Juges. Peut-être à la page

  9   8, alors, pour la version en B/C/S ? Et je crois qu'il s'agit là du

 10   deuxième point.

 11   Q.  Est-ce que cela correspond à la version anglaise dont je vous ai donnée

 12   lecture, Monsieur ?

 13   M. LUKIC : [interprétation] Je regarde l'original en B/C/S et je voudrais

 14   soulever une objection quant à la traduction.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, un instant, Maître Lukic. Si

 16   vous désirez discuter de la véracité du contenu de la traduction, je

 17   préfèrerais le faire en l'absence du témoin.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être que le témoin pourrait donner lecture

 19   de ce qu'il voit en B/C/S et il y aura interprétation.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Cela ne me convient pas [comme interprété] --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez qu'une vérification de la

 22   traduction ne se fait pas généralement par lecture de l'original et écoute

 23   de l'interprétation. Donc, Monsieur Traldi, est-ce que vous auriez la

 24   possibilité d'en discuter plus tard ou demander au témoin de quitter le

 25   prétoire quelques instants ?

 26   M. TRALDI : [aucune interprétation]

 27   M. LUKIC : [interprétation] D'ailleurs, je n'ai pas le document dans la

 28   liste.


Page 23841

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi ?

  2   M. TRALDI : [interprétation] C'est au bas de la page 2. En tout cas, Mme

  3   Stewart m'a informé que c'était au bas de la page 2 dans notre liste.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Désolé, je me suis trompé. Je ne l'avais pas

  5   vu.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Peut-être que nous pourrions à présent --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Demandez au témoin, alors, Monsieur

  8   Traldi, de donner lecture du texte dans sa langue, et nous pourrons traiter

  9   de la fidélité de la traduction plus tard.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Très bien.

 11   Q.  Monsieur, pourriez-vous lire le deuxième paragraphe qui commence par

 12   "L'armée et les cellules de Crise," s'il vous plaît.

 13   R.  Oui, je vois le paragraphe à présent.

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez le lire à haute voix, Monsieur. Je pense que

 15   c'est le paragraphe qui commence par "Vojska".

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si le témoin nous donne

 17   lecture d'un morceau qui pourrait faire l'objet d'une objection, veuillez

 18   nous le faire savoir. Parce que, vous savez, il y a une procédure en place,

 19   et on ne peut pas corriger les traductions écrites en écoutant

 20   l'interprétation. Maître Lukic, je sais que vous avez voulu attirer notre

 21   attention sur un problème de traduction, mais je ne sais pas quel est ce

 22   problème précisément. Le témoin peut peut-être donner lecture et puis Me

 23   Lukic nous dire quels sont ses doutes.

 24   M. TRALDI : [interprétation]

 25   Q.  Alors, pouvez-vous nous lire la première phrase, Monsieur ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, cela vous va ?

 27   M. LUKIC : [interprétation] Moi, c'est la deuxième partie du paragraphe qui

 28   me pose problème.


Page 23842

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, lisons la première phrase dans un

  2   premier temps.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] "L'armées et les cellules de Crise, les

  4   présidences de Guerre, exigent de réunir un maximum de Musulmans et de

  5   laisser ces camps non définis entre les mains des Affaires intérieures. Les

  6   conditions dans ces camps sont piètres. Il n'y a pas d'alimentation.

  7   Certaines personnes ne respectent pas les normes internationales, notamment

  8   parce que les centres de concentration ne sont pas adaptés ou pour d'autres

  9   raisons."

 10   Dois-je continuer ?

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Non, je pense que dans votre enthousiasme, dans votre lancée, vous avez

 13   lu plus que ce que nous vous avions demandé.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, ce sont des centres de

 16   concentration ou des centres de rassemblement, "collection" ou

 17   "concentration" en anglais ?

 18   M. TRALDI : [interprétation] Je pense qu'il faudrait demander au service

 19   CLSS de procéder à une vérification.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela parle de centres.

 21   M. LUKIC : [interprétation] Cette traduction ou, en tout cas,

 22   l'interprétation que l'on a entendue a été la bonne, pas la traduction

 23   écrite.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons quand même

 25   demander une vérification, mais nous pouvons continuer pour l'instant.

 26   M. TRALDI : [interprétation]

 27   Q.  Donc, Monsieur, je voudrais attirer votre attention sur une autre

 28   partie. On y dit dans le document que l'armée et les cellules de Crise, les


Page 23843

  1   autorités politiques, avaient exigé de réunir un maximum de Musulmans dans

  2   les camps qui bénéficiaient de conditions assez piètres. Pouvez-vous le

  3   confirmer ?

  4   R.  Ce rapport émane du camp serbe.

  5   Q.  Oui, comme je l'ai fait remarquer, il s'agit d'une partie des

  6   commentaires de M. Zupljanin.

  7   R.  Oui, alors c'est probablement authentique.

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, apparemment vous voulez faire

 10   autre chose que de vous contenter de répondre aux questions. La question

 11   était la suivante. M. Traldi vous a demandé de vous concentrer sur ce

 12   rapport, et ce rapport nous dit que "l'armée et les cellules de Crise, les

 13   présidences de Guerre, avaient exigé de réunir un maximum de Musulmans dans

 14   les camps qui bénéficiaient de piètres conditions."

 15   M. Traldi vous a demandé de confirmer que c'est bien ce que ce paragraphe

 16   reprend. Alors, oui ou non ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce qu'il dit. Je viens de vous en

 18   donner lecture.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà. Donc, c'est bien ce que le

 20   document nous dit. Veuillez continuer.

 21   M. TRALDI : [interprétation]

 22   Q.  Et cela a eu lieu plus ou moins au même moment où vous receviez des

 23   rapports similaires en tant que membre de la présidence de Bosnie-

 24   Herzégovine ?

 25   R.  Il y avait énormément de différences.

 26   Q.  Non, mais, Monsieur, je vous ai demandé si c'était pendant cette

 27   période-là que vous aviez reçu des rapports similaires ? Nous en avons vus

 28   datés du mois de juin, et cela a eu lieu avant la mi-juillet, première


Page 23844

  1   moitié du mois de juillet ?

  2   R.  Mais il y a une différence. Dans les rapports, nous --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne vous invitons pas à comparer les

  4   rapports, Monsieur. Monsieur Traldi, est-ce que vous pourriez préciser

  5   votre question, qu'entendez-vous par "des rapports similaires" ?

  6   S'agissait-il de rapports similaires sur les conditions de détention des

  7   non-Serbes ? Avez-vous reçu des rapports similaires, pas similaires dans

  8   leur contenu mais similaires pendant cette période ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends vraiment pas votre question,

 10   Monsieur.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Alors, je vais essayer de simplifier les choses. Ce rapport est bien

 13   daté du 11 juillet ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et il nous parle de la détention d'un grand nombre de Musulmans, n'est-

 16   ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et nous avons vu préalablement que le 12 juin et le 30 juin, vous aviez

 19   reçu des rapports à la présidence de Bosnie-Herzégovine concernant la

 20   détention de civils musulmans, n'est-ce 

 21   pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et vous avez déclaré que pendant le mois de juin, vous receviez

 24   d'autres rapports de la sorte de la part des médias, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et c'est la raison pour laquelle, lors de la réunion du 30 juin, vous

 27   étiez au courant et vous avez discuté des crimes qui étaient en train

 28   d'être commis par le camp serbe, n'est-ce pas ?


Page 23845

  1   R.  On ne parle pas de crimes dans ce que je viens de vous lire. On parle

  2   de conditions inhumaines.

  3   Q.  Alors, vous estimez que des conditions inhumaines, ce ne sont pas des

  4   crimes ? Avoir des centres de détention des civils sont détenus dans des

  5   conditions inhumaines ne constitue pas un crime ?

  6   R.  En fait, je ne peux pas vous donner mon avis personnel à ce sujet. Ce

  7   que j'essaie de dire, c'est que si ce rapport émane de la police serbe et

  8   parle de son propre comportement, alors il est crédible. Mais je ne sais

  9   pas ce que la police a fait. La police sait ce qu'elle a fait.

 10   Q.  Mais vous n'écartez pas que les commentaires de M. Zupljanin soient de

 11   la propagande ?

 12   R.  Voyez-vous, étant donné qu'ils étaient en train de parler de leurs

 13   actions, je me ridiculiserais si je vous disais qu'ils étaient en train de

 14   mener une propagande contre eux-mêmes. Si M. Zupljanin a déclaré cela, je

 15   pense qu'il parlait des activités de son organisation, de son institution.

 16   Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous auriez pu répondre

 18   simplement à la question en disant : Non, je n'écarte pas la possibilité

 19   que ces commentaires soient de la propagande.

 20   M. TRALDI : [interprétation]

 21   Q.  Pour clore ce point, Monsieur, dans votre déclaration, vous parlez des

 22   informations que vous aviez sur les centres de détention qui étaient tenus

 23   par les Musulmans et dans lesquels des Serbes étaient détenus, n'est-ce pas

 24   ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Mais vous ne parlez pas des informations que vous aviez sur des centres

 27   de détention qui étaient tenus par les Serbes dans lesquels les Musulmans

 28   et les Croates étaient détenus ?


Page 23846

  1   R.  Je vous le répète, je me trouvais à Sarajevo. Et à Sarajevo, ce n'était

  2   pas les Serbes qui mettaient les Musulmans dans les camps, mais c'était le

  3   contraire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, la question portait sur les

  5   informations que vous aviez sur les centres de détention tenus par les

  6   Serbes. Est-ce que cela se retrouve dans votre déclaration ou pas ? C'était

  7   cela la question. Peut-être qu'il y avait de très bonnes raisons justifiant

  8   que vous n'ayez pas abordé cela dans votre déclaration, parce que cela n'a

  9   jamais eu lieu.

 10   Monsieur Mladic, encore un mot et vous souffrirez des conséquences. Vous

 11   savez de quoi je parle. Le dernier mot que vous avez prononcé était "da",

 12   donc j'en conclus que vous avez bien compris ce que je viens de vous dire.

 13   Et c'est vraiment la dernière fois. Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 14   M. TRALDI : [interprétation]

 15   Q.  Alors, je vais vous reposer la question, Monsieur : vous ne parlez pas

 16   des informations dont vous disposiez sur les centres de détention tenus par

 17   les Serbes dans lesquels les Musulmans et des Croates étaient détenus dans

 18   votre déclaration, n'est-ce pas ? Oui ou non ?

 19   R.  Je ne peux parler que de ce que je sais.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, dernière fois. Vous

 21   êtes un homme intelligent. Ecoutez attentivement la question, je vous prie.

 22   Autrement, vous courez le risque suivant : si vous ne répondez pas aux

 23   questions que l'Accusation vous pose et que vous tournez autour du pot

 24   indéfiniment, votre déposition, l'intégralité de votre déposition, n'aura

 25   aucune valeur ou très peu. Soyez-en conscient. Outre cela, vous avez le

 26   devoir de répondre aux questions et de ne pas commenter des choses que l'on

 27   ne vous a pas demandées. Est-ce clair ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Croyez-moi, il est très difficile de


Page 23847

  1   m'exprimer de la sorte. Je n'y suis pas habitué. En fait, je ressens le

  2   besoin de vous expliquer les choses.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'êtes pas ici pour nous expliquer

  4   quoi que ce soit, à moins que cette explication vous soit demandée dans une

  5   question. Alors, la question était de savoir si dans votre déclaration vous

  6   abordez les informations à votre disposition sur les centres de détention

  7   tenus par les Serbes où d'autres ethnies, musulmane et/ou croate, étaient

  8   détenues ? Est-ce que vous l'avez abordé dans votre déclaration ? Ensuite,

  9   lors des questions supplémentaires, Me Lukic aura largement l'occasion de

 10   vous demander des explications supplémentaires s'il en ressent le besoin.

 11   Donc, ne commencez pas à nous expliquer ce qui ne vous semble pertinent.

 12   Contentez-vous de répondre à la question. Et si vous n'y êtes pas habitué,

 13   c'est le moment de vous y habituer. Donc, nous attendons un "oui" ou "non"

 14   de votre part.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande une cote

 18   provisoire pour ce document en attendant la révision de la part du service

 19   CLSS.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 9723 reçoit la cote P6659,

 22   Messieurs les Juges.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P6659 reçoit une cote

 24   provisoire en attendant vérification de la part du service CLSS.

 25   Nous allons faire une pause.

 26   Monsieur Kecmanovic, l'huissier va vous faire sortir du prétoire. Et

 27   nous aimerions vous revoir dans 20 minutes.

 28   [Le témoin quitte la barre]


Page 23848

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à midi 20.

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 23.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je pense que j'avais fixé

  5   comme date butoir le 16 juillet pour la question tu quoque. Se peut-il que

  6   l'un de ces deux témoins pourrait être appelé à apparaître avant le 16 ?

  7   Dans ce cas-là, bien sûr, nous aimerions  avoir votre réponse plus tôt.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Mon collègue vient de me dire qu'il devrait y

  9   être le 15.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, dans ce cas-là, effectivement,

 11   on aimerait avoir votre réponse d'ici lundi. C'est le 14.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je devrais dire votre réponse.

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15  

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Passons maintenant à Sarajevo --

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si vous avez l'intention de passer à

 20   Sarajevo, j'aimerais néanmoins poser une question par rapport à ce dont on

 21   a parlé avant la suspension d'audience.

 22   M. TRALDI : [interprétation] Allez-y, bien sûr, Monsieur le Juge.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez dit que

 24   vous avez reçu les informations de la part d'une personne qui s'appelait

 25   Bosko Baskot. Où est-ce que vous l'avez rencontré ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le connaissais déjà avant la guerre à

 27   Sarajevo.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Désolé. Je voulais dire où est-ce que


Page 23849

  1   vous l'avez rencontré ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] A Belgrade.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Qu'est-ce qu'il vous a dit par

  4   rapport à Keraterm ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] A ma demande, il a rédigé un texte et je suis

  6   intervenu là-dedans.

  7   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Je l'ai inséré dans mon

  8   rapport.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Que vous a-t-il dit par rapport à

 10   Keraterm ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'en avons pas parlé. Etant donné que

 12   l'équipe de la Défense dans cette affaire-là m'a demandé de dire quelque

 13   chose sur Prijedor, et étant donné que je n'avais pas de connaissances

 14   directes, je me suis adressé à M. Bosko Baskot et je lui ai demandé de me

 15   rédiger un texte court pour expliquer ou pour exprimer sa perception, et

 16   j'ai tout simplement inclus son texte dans mon rapport.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans quel rapport ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas où cela apparaît pour la

 19   première fois. Je ne m'en souviens plus. Je ne me rappelle pas dans quelle

 20   affaire c'était.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez dit plus tôt que vous

 22   l'aviez rencontré après avoir déposé dans l'affaire Karadzic; est-ce exact

 23   ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il y a eu un malentendu. J'ai dit

 25   qu'après l'affaire Karadzic, j'étais à Banja Luka .Et pendant que j'y

 26   étais, j'avais entendu dire de la part de certaines personnes que les

 27   choses n'étaient pas exactement telles que présentées par Bosko dans ses

 28   écrits et ce que j'avais intégré dans mon texte. Disons que cela avait été


Page 23850

  1   un peu exagéré.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'en déduis que d'autres personnes

  3   vous ont parlé. Vous avez dit que vous avez entendu dire "de la part de

  4   certaines personnes." Qui sont ces personnes ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je ne m'en souviens pas précisément. Ce

  6   n'étaient pas vraiment des conversations ciblées, telles que j'avais eues

  7   avec M. Baskot, mais en passant je rencontrais différentes personnes.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pouvez-vous me donner un nom ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous ne vous souvenez pas des noms,

 11   mais les informations que vous avez obtenues de leur part étaient tellement

 12   importantes que vous avez changé votre déclaration dans l'affaire Karadzic

 13   et ce que vous déclarez dans cette affaire; c'est bien cela ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, j'étais présent lors de ces

 15   conversations. Il n'y avait pas vraiment de question spécifique posée pour

 16   obtenir une réponse ou une explication. C'étaient tout simplement des

 17   conversations, parfois dans des cafés. Je ne me suis jamais rendu chez

 18   quelqu'un pour le voir, pour lui poser une question spécifique, et personne

 19   n'est venu me voir non plus. C'était une conversation entre différentes

 20   personnes et c'est quelque chose qui est ressorti dans la conversation.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup. Je n'ai plus de

 22   questions.

 23   M. TRALDI : [interprétation]

 24   Q.  Je souhaite poser plusieurs questions pour faire suite aux questions

 25   posées par M. le Juge. Tout d'abord, si je vous disais que c'était le

 26   rapport que vous aviez rédigé dans l'affaire Kvocka, est-ce que cela vous

 27   rafraîchit un peu la mémoire ?

 28   R.  Oui.


Page 23851

  1   Q.  Deuxièmement, est-ce que vous avez noté dans ce rapport qu'il y avait

  2   une section qui avait été rédigée par quelqu'un d'autre qui n'avait pas été

  3   révisée par vous ?

  4   R.  Je ne pense pas avoir dit une telle chose.

  5   Q.  Mais c'est ce que vous venez de dire maintenant, n'est-ce pas ?

  6   R.  Soyons précis en ce qui concerne ce que j'ai dit. J'ai dit que j'avais

  7   demandé à Bosko Baskot de rédiger cette partie, et bien sûr que je l'ai lue

  8   avant de l'inclure dans mon texte.

  9   Q.  Je vais poser une question plus spécifique. Dans ce rapport, est-ce que

 10   vous avez constaté qu'une section avait été rédigée par quelqu'un d'autre ?

 11   R.  Croyez-moi, je ne m'en souviens pas.

 12   Q.  Nous l'avons et nous allons pouvoir vérifier. Vous avez dit que vous

 13   l'avez lue. Est-ce que vous l'avez éditée, modifiée ?

 14   R.  Je ne m'en souviens pas. C'était il y a un certain nombre d'années.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Je pense que je n'ai plus de questions par

 16   rapport à cet aspect, sauf, bien sûr, si les Juges souhaitent poser des

 17   questions.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'aimerais vous poser une question

 19   un peu plus pertinente, si vous voulez bien. Ai-je bien compris dans ce que

 20   vous dites que vous avez présenté un rapport d'expert dont une partie avait

 21   été rédigée par une tierce personne, sans le signaler à qui que ce soit et

 22   sans avoir correctement vérifié le contenu et la véracité de ce que M.

 23   Baskot avait écrit ? Ai-je bien compris que c'est ce que vous êtes en train

 24   de nous dire ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous voulez bien, Monsieur le Président,

 26   j'aimerais répondre avec quelques explications plutôt que de me contenter

 27   de dire "oui" ou "non", parce que c'est quelque chose dont je me souviens

 28   bien. C'était un rapport d'expert d'ordre général. Lorsque je l'ai fait,


Page 23852

  1   par contre, l'équipe de la Défense m'a demandé, si possible, d'inclure la

  2   référence à la localité qui était importante pour cette affaire-là. Je leur

  3   ai dit que je n'avais pas de connaissances directes moi-même mais que je

  4   pouvais demander à quelqu'un qui provenait de cette région.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Je ne

  6   m'intéresse pas du tout aux discussions que vous auriez pu avoir avec

  7   quelque Défense que ce soit. Ce qui m'intéresse est de savoir si vous avez

  8   soumis un rapport dont une partie n'avait pas été écrite par vous-même

  9   mais, néanmoins, sous votre nom, faisant partie de votre rapport, sans

 10   avoir pu vérifier la véracité de ce qui avait été rédigé par cette autre

 11   personne et sans avoir donné la moindre indication que quelqu'un d'autre

 12   avait écrit cette partie-là. C'est la seule chose qui m'intéresse,

 13   [inaudible] le reste.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je faisais confiance à cette personne et j'ai

 15   inclus le texte comme si c'était mon texte.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, la réponse est "oui" parce

 17   que -- je n'ai pas demandé d'explication. Vous l'avez donné parce que vous

 18   aviez confiance en cette autre personne.

 19   Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je reviens à une des questions posées

 21   par le Juge Fluegge.

 22   Monsieur le Témoin, le Juge Fluegge vous a demandé ce que M. Baskot vous a

 23   dit et vous avez dit qu'il ne vous a rien dit, que vous n'en aviez pas

 24   parlé, qu'il a rédigé un texte pour vous. Qu'est-ce qu'il a écrit dans ce

 25   texte ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui se trouve dans le rapport.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est quoi ? Dites-nous ce que c'est.

 28   Qu'est-ce qu'il a écrit ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] On l'a vu il y a une minute à l'écran.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous faites référence à la déclaration

  3   que nous avions vue à l'écran. Monsieur Traldi, est-ce que cela fait partie

  4   du rapport ?

  5   M. TRALDI : [interprétation] Non, Monsieur le Président, cela fait partie

  6   de la déclaration du témoin dans l'affaire Karadzic qui parle du rapport.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord. Donc, pouvez-vous nous

  8   dire exactement ce que M. Baskot vous a dit, Monsieur le Témoin, ou ce

  9   qu'il a écrit ? Est-ce que vous pouvez reproduire ici maintenant ce qu'il

 10   avait dit ? Ou écrit ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a quelques instants, vous aviez à l'écran

 12   ce qui était écrit et il y avait la phrase.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons jamais vu ce rapport. Est-

 14   ce exactement la même chose, si vous dites que ce qui vous a été montré

 15   comme faisant partie de votre déclaration dans l'affaire Karadzic, je

 16   voudrais savoir si c'est exactement, littéralement la même chose que ce que

 17   nous pourrions trouver dans votre rapport ? Est-ce exactement la même chose

 18   ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le crois. Je n'en suis pas sûr, mais je

 20   pense que oui. Je n'ai tout simplement pas le texte qui en parle. Je pense

 21   que M. le Procureur détient le matériel concernant l'affaire Kvocka.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez rédigé

 24   un rapport, vous avez obtenu des informations de plusieurs sources, dont M.

 25   Baskot. Nous ne souhaitons pas lire tout le rapport pour savoir ce qui a

 26   été écrit par M. Baskot. Pourquoi est-ce que vous avez tellement de mal à

 27   nous dire exactement ce que vous a dit M. Baskot ou ce qu'il vous a écrit ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je sache, c'est vous qui avez le


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  1   texte, n'est-ce pas ?

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Répondez à ma question, s'il vous

  3   plaît. Ne vous adressez pas au Procureur. Dites-nous exactement ce que

  4   Baskot vous a dit ou a écrit pour vous.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement ce que nous avions vu à l'écran il

  6   y a une heure, qui se terminait par --

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce que nous avions à l'écran, on nous

  8   a dit, n'est pas le rapport dont vous parlez. M. Traldi vient de nous le

  9   dire.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, de mémoire, je vais faire de mon

 11   mieux --

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et c'est il y a une dizaine d'années, je

 14   crois. Ces incidents négatifs -- bien, disons que dans sa note, je pense

 15   qu'on commence par donner une explication du fait que deux policiers serbes

 16   avaient été tués par, si je ne m'abuse, un groupe organisé musulman. Donc,

 17   il y avait deux policiers serbes qui avaient été assassinés. Ensuite, il y

 18   a eu de la répression de la population musulmane à Prijedor. Donc, cela

 19   concerne Prijedor. Et il avait rajouté qu'il y avait différentes formes de

 20   répression. C'est ce dont je me souviens. Quand je parle de répression, je

 21   veux dire contre la population musulmane, bien sûr.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, les Juges

 24   souhaiteraient recevoir, de votre part ou de la part de Me Lukic, les

 25   extraits pertinents du rapport qui a été reproduit et qui a été soumis dans

 26   l'affaire Kvocka.

 27   Oui, Maître Lukic.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Je peux vous donner les cotes 65 ter


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  1   immédiatement.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans notre affaire ?

  3   M. LUKIC : [interprétation] Oui, dans notre affaire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  5   M. LUKIC : [interprétation] 1D2002 et 1D2003, et l'on voit très clairement

  6   que les textes sont différents. Je suppose que, et peut-être que le Pr

  7   pourrait nous le dire aussi, je pense que l'autre partie est quelque chose

  8   qui a été rajouté au rapport expert d'origine.

  9   M. TRALDI : [interprétation] Pour être tout à fait clair --

 10   M. LUKIC : [interprétation] Si je ne m'abuse.

 11   M. TRALDI : [interprétation] -- si j'ai bien compris, 1D2002 est un extrait

 12   du rapport d'expert de l'affaire Kvocka. Nous avons téléchargé tout le

 13   rapport sous la cote 30955. Et 1D2003, sauf si j'ai mal lu quelque chose,

 14   c'est le rapport du témoin dans l'affaire Simic. Mais je veux bien procéder

 15   à une vérification de ces informations.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Nous allons le vérifier auprès de M.

 17   Kecmanovic. Je ne le sais pas moi-même.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Les numéros des affaires sont indiqués, ce qui

 19   facilite les choses.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Est-ce qu'il s'agit de

 21   rapports longs -- ou est-ce que les parties peuvent nous dire où trouver

 22   dans ces rapports les sections pertinentes par rapport au changement de sa

 23   déposition --

 24   M. TRALDI : [interprétation] Je propose que l'on essaie de le faire pendant

 25   la suspension d'audience, Monsieur le Président, si vous voulez bien.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, j'ai une dernière

 27   question pour le témoin. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus

 28   d'information concernant la personne -- non, finalement, je n'en ai pas


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  1   besoin. Veuillez continuer.

  2   M. TRALDI : [interprétation]

  3   Q.  J'ai encore une question là-dessus, Monsieur le Témoin. Les

  4   informations que vous avez incluses dans le rapport Kvocka, même si vous ne

  5   les aviez pas vérifiées, vous pensiez que c'était suffisamment fiable pour

  6   être fourni devant un tribunal, c'était votre perception en tant qu'expert,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  C'était une partie très petite du rapport, 5 %, ou de toute façon moins

  9   de 10 %, si je ne m'abuse, et la personne qui l'a fait pour moi était

 10   quelqu'un à qui je faisais confiance.

 11   Q.  Donc, pour le compte rendu, je vous demande si, en tant qu'expert, vous

 12   pensiez que c'était suffisamment fiable pour être présenté devant un

 13   tribunal ?

 14   R.  De la même façon que j'ai utilisé d'autres sources, je pensais que

 15   c'était tout à fait approprié.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite vous poser des questions sur

 17   d'autres sources. Est-ce qu'il y a d'autres parties de votre rapport qui

 18   ont été rédigées par d'autres personnes sans que vous n'indiquiez le fait

 19   que ces parties aient été écrites par d'autres personnes et non pas par

 20   vous-même ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'y avait pas d'autres parties, parce

 22   que le rapport concerne la situation générale de Sarajevo que je

 23   connaissais bien. Mais cette partie concernait un endroit que je ne

 24   connaissais pas bien. Et c'est pour cela que j'ai procédé de cette façon.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 26   M. TRALDI : [interprétation]

 27   Q.  Dans votre rapport dans l'affaire Simic, qui parle de Bosanski Samac,

 28   il y a des sections qui concernent les événements qui ont eu lieu dans


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  1   cette municipalité. Est-ce que vous les avez rédigées vous-même ou est-ce

  2   que c'est à quelqu'un d'autre qui connaissait mieux Bosanski Samac que vous

  3   avez demandé de les rédiger pour vous ?

  4   R.  Dans cette affaire-là, j'ai parlé à des personnes qui venaient de cette

  5   localité.

  6   Q.  Donc, pour le compte rendu, votre réponse est que vous avez rédigé ces

  7   sections-là vous-même ?

  8   R.  Oui. J'ai consulté les personnes qui étaient sur le terrain parce que

  9   je n'y avais pas vécu moi-même.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, si vous avez fini là-

 11   dessus, j'aimerais pour ma part poser une question supplémentaire.

 12   Avez-vous enregistré quelque part les conversations, les entretiens

 13   que vous avez eus avec des personnes dans l'affaire 

 14   Simic ? Donc, avec qui vous avez parlé, qu'est-ce qu'ils vous ont dit,

 15   qu'est-ce que vous avez utilisé comme source pour les informations

 16   contenues dans votre rapport ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas sûr. J'avais, bien sûr, une

 18   sorte d'archives, mais je ne sais pas si je l'ai encore chez moi à

 19   Belgrade. Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous dire oui ou non. Je n'en

 20   suis pas sûr.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que dans le rapport vous avez

 22   clairement indiqué le type de sources que vous aviez utilisées ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'ai pas donné la bibliographie non

 24   plus. C'est de cette façon qu'un expert fait son rapport. Ce n'est pas une

 25   publication scientifique où il faut que je donne des citations, la

 26   bibliographie, et cetera.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a eu des conversations

 28   dans des cafés, et cetera, qui ont été utilisées comme source d'information


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  1   ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai rencontré ces personnes dans des endroits

  3   différents, là où ça les arrangeait de me rencontrer, et parfois c'était

  4   dans des cafés, oui.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et pensez-vous que -- enfin, vous

  6   avez dit que cette partie des sources que vous aviez utilisées, c'était

  7   dans le cadre de conversations que vous avez eues avec des gens du coin

  8   dans des cafés ou des bars, par exemple ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, c'était il y a très longtemps. Je

 10   ne me rappelle pas les détails. J'ai parlé avec un certain nombre de

 11   personnes.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas ça ma question, mais nous

 13   allons pouvoir vérifier dans le rapport.

 14   Enfin, encore une question. Vous avez dit que :

 15   "… ce n'est pas une publication scientifique où il faudrait que

 16   j'indique la bibliographie et des citations, et cetera."

 17   Est-ce que vous êtes d'accord avec moi quand je vous dis que des citations,

 18   indiquer la bibliographie, et cetera, est important du point de vue de la

 19   transparence et permet au lecteur de vérifier la véracité des sources

 20   utilisées ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord. Mais j'ai été retenu par la

 22   Défense. J'ai fait ce qu'on m'a demandé de faire conformément à leurs

 23   attentes. Et la Défense ne m'a pas demandé de préparer mon rapport d'expert

 24   de cette façon-là.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pensez-vous qu'il est tout aussi

 26   important pour un tribunal d'avoir des informations transparentes qui

 27   permettraient de vérifier la véracité des sources ? Ou pensez-vous que cela

 28   n'a aucune importance ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Croyez-moi, je ne sais pas. Je ne suis pas un

  2   expert juridique. J'ai tout simplement discuté avec la Défense et j'ai

  3   acquiescé à leur demande en ce qui concerne le rapport formel.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  5   Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et merci, Madame

  7   Stewart.

  8   Q.  Je souhaiterais maintenant passer à Sarajevo, et ma première question

  9   est la suivante. Vous avez parlé dans votre déposition des centres de

 10   détention pour des Serbes. Vous n'avez pas parlé de centres de détention où

 11   étaient détenus des Musulmans et des Croates. Mais vous avez entendu parler

 12   de centres de détention où il y avait des Serbes, vous en avez entendu

 13   parler de la part d'autres personnes, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, non. Je le savais moi-même.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  Excusez-moi. Pas dans chacun des cas, mais pour un grand nombre d'entre

 17   eux j'avais des connaissances directes moi-même.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir les paragraphes

 19   45 et 46 de la déclaration du témoin à l'écran, s'il vous plaît. Il s'agit

 20   de la pièce D556. Toute la section est utile à partir de 44, donc si on

 21   peut regarder toute la page en B/C/S à gauche.

 22   Q.  Au paragraphe 46, à mon avis, vous suggérez que vous êtes en mesure de

 23   parler personnellement d'une prison privée qui se trouvait dans l'hôtel

 24   Zagreb, dans le sous-sol; mais moi, je vous suggère qu'au paragraphe 45 --

 25   R.  Non, cela ne s'est pas passé à Zagreb. Cela s'est passé dans un hôtel

 26   qui s'appelait l'hôtel Zagreb.

 27   Q.  Nous sommes d'accord sur ce point. Mais moi, je vous suggère qu'au

 28   paragraphe 45 vous parlez de façon générale de prisons privées, et vous y


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  1   dites :

  2   "Sur la base des informations qui nous ont été fournies par les personnes

  3   qui venaient demander notre aide au quotidien, nous avons présenté les

  4   complaintes formulées par les citoyens serbes," et puis vous les citez dans

  5   votre déclaration, et ensuite vous soulignez que "le gouvernement a formé

  6   une commission mixte qui était censée s'occuper du problème."

  7   Ma question serait la suivante : au moins une partie des éléments

  8   d'information que vous fournissez ici font partie de l'ouï-dire ? Vous les

  9   avez appris par ouï-dire au niveau de ces complaintes formulées par les

 10   citoyens serbes ?

 11   R.  Ces gens venaient dans les locaux de la présidence et, en tant que

 12   victimes, ils racontaient de leur propre bouche ce qui leur était arrivé.

 13   Q.  Donc, leur récit parlait de leur expérience personnelle. Mais pour

 14   vous, ce n'étaient pas des connaissances directes que vous aviez, vous

 15   l'appreniez par ouï-dire ?

 16   R.  Les personnes qui avaient vécu l'expérience eux-mêmes venaient dans les

 17   locaux de la présidence et parlaient de ce qui leur était arrivé.

 18   Q.  Donc, en fait, il faut comprendre votre réponse de façon légèrement

 19   différente. En fait, vous n'aviez pas de connaissances directes

 20   personnelles ? Vous parlez des expériences vécues par d'autres personnes,

 21   que vous n'avez pas vécues personnellement, vous n'aviez rien vu, rien

 22   senti, rien entendu vous-même.

 23   R.  Mais qu'est-ce que vous insinuez, que je n'ai pas été personnellement

 24   une victime ?

 25   Q.  Je veux dire tout simplement que vous nous relayez les propos de

 26   quelqu'un d'autre.

 27   R.  Je vous répète ce que d'autres ont dit.

 28   Q.  Et cela vaut pour votre déclaration préalable aussi bien que pour votre


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  1   déposition orale.

  2   R.  Vous êtes en train de s'engager dans un jeu logique, il faut définir ce

  3   qui fait partie de connaissances directes ou indirectes.

  4   Q.  Je préfère laisser tout jeu de côté, qu'il s'agisse de logique ou

  5   d'autre chose. Je voudrais que nous nous concentrions sur la question très

  6   simple que je vous ai posée. Vous parlez des expériences vécues par

  7   d'autres et non pas par vous, n'est-ce pas ?

  8   R.  En effet.

  9   Q.  Et vous reproduisiez ce que vous avez entendu dire au sujet des centres

 10   de détention destinés aux Serbes, mais vous ne reproduisez pas ce que vous

 11   avez entendu dire en ce qui concerne les centres de détention destinés aux

 12   Musulmans et aux Croates ?

 13   R.  Mais il y a une grosse différence entre les deux. Dans ce cas de figure

 14   particulier, j'ai pu le voir de mes propres yeux, je suis allé à l'hôtel

 15   Europe et à plusieurs autres endroits où j'ai pu voir ces prisons de mes

 16   yeux. Les personnes qui y avaient subi de mauvais traitements venaient

 17   directement chez moi pour m'en parler. Tandis que dans la ville elle-même

 18   il n'y avait pas de victimes musulmanes, dans le sens où des individus

 19   auraient été arrêtés et détenus, qu'une enquête serait entamée à leur égard

 20   sans motif, et il n'y a pas eu de mauvais traitements. Donc, il n'y avait

 21   pas de victimes de ce type parmi les Musulmans dans la ville de Sarajevo.

 22   Q.  Passons aux choses que vous avez vécues dans la ville de Sarajevo. Vous

 23   avez vécu les bombardements à partir d'avril et de mai 1992, les

 24   bombardements qui ont été dirigés contre Sarajevo ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Les citoyens de Sarajevo étaient terrorisés par ces bombardements ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et vous-même, vous ressentiez une peur intense ?


Page 23863

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous, comme tous les autres citoyens, aviez peur d'y trouver la mort,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Ecoutez, je n'avais pas exactement peur de perdre ma vie, mais en tout

  5   cas nous passions nos jours dans la terreur, exposés au danger. Mais chaque

  6   fois que les bombardements commençaient, on se mettait à l'abri dans des

  7   maisons, dans des sous-sols. Il était rare que des maisons soient

  8   détruites, et de façon générale les bâtiments fournissaient un abri assez

  9   suffisant même si les obus pouvaient pénétrer par les fenêtres. Quant aux

 10   abris qui se trouvaient dans les sous-sols, ils étaient satisfaisaient. Par

 11   ailleurs, les personnes s'occupaient de leurs affaires quotidiennes. Mais

 12   oui, on était tous exposés au danger à ces moments-là.

 13   Q.  Et si par hasard vous veniez à vous trouver dans la rue au moment du

 14   bombardement, certainement, vous avez dû avoir peur de perdre la vie ?

 15   R.  Oui, dans des cas de figure de ce type, on s'abritait dans le bâtiment

 16   le plus proche pour éviter le danger le plus immédiat.

 17   Q.  Et il arrivait que des personnes soient tuées ou blessées lors des

 18   bombardements pendant que vous vous trouviez à Sarajevo, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et des personnes ont été blessées et tuées lors des bombardements qui

 21   ont eu lieu au mois de mai 1992 ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et ces bombardements se sont poursuivis au mois de juin 1992, et là

 24   encore, des personnes ont été tuées et blessées ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  L'artillerie serbe a détruit la partie centrale de Sarajevo, la vieille

 27   ville, n'est-ce pas ?

 28   R.  On ne peut pas dire que la vieille ville a été détruite. Moi-même,


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  1   j'habitais justement dans ce quartier. Il y a eu beaucoup de bâtiments qui

  2   ont été touchés, beaucoup de façades qui ont été endommagées, mais on ne

  3   peut pas vraiment parler de la destruction du centre-ville. J'y ai passé

  4   toute ma vie, y compris cette période de la guerre. Il ne s'agissait pas de

  5   projectiles capables de détruire des bâtiments.

  6   Q.  Je ne vais pas couper les cheveux en quatre et me disputer au sujet de

  7   la terminologie exacte, mais vous-même avez écrit que "l'artillerie serbe

  8   qui était plus puissante a largement endommagé le centre-ville de

  9   Sarajevo," n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Je suis désolé d'être obligé d'intervenir, mais

 12   c'est lié à la traduction. La traduction ou l'interprétation a été

 13   différente tout à l'heure --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agit-il d'un texte qui existe

 15   dans les deux langues ?

 16   M. TRALDI : [interprétation] Malheureusement, pour ce qui est de ce

 17   rapport, le bureau du Procureur ne dispose que d'un exemplaire en anglais.

 18   Je ne dispose pas de l'original en B/C/S.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on voir de quel rapport il s'agit

 20   exactement ?

 21   M. TRALDI : [interprétation] Nous pouvons présenter la page concrète, si

 22   vous croyez que cela peut être utile, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si, bien évidemment, le document

 24   est téléchargé dans le prétoire électronique.

 25   M. TRALDI : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, afficher le

 26   document 30955 de la liste 65 ter. Alors, en B/C/S, nous n'avons que

 27   l'extrait qui concerne directement la municipalité de Prijedor. Et nous

 28   avons un rapport complet en anglais. J'aimerais que l'on affiche la page 29


Page 23865

  1   dans la version anglaise, s'il vous plaît.

  2   Je n'ai pas noté dans quel paragraphe cette phrase apparaît. Est-il

  3   possible de passer à la page suivante, s'il vous plaît -- ou, en fait,

  4   avant de le faire, excusez-moi, un instant, s'il vous plaît.

  5   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  6   M. TRALDI : [interprétation] Cela se trouve en haut de la page numéro 30.

  7   Et nous voyons le chiffre 29 qui figure en bas de la page, c'est ce qui a

  8   semé la confusion dans mon esprit et dans mes notes.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donnez lecture très lentement de ce

 10   passage et Me Lukic va suivre l'interprétation.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Je m'intéresse à la phrase numéro 2 :

 12   "L'artillerie serbe qui était plus puissante a ravagé la partie

 13   centrale de la vieille ville."

 14   Ce n'est que ce bout de phrase qui m'intéresse.

 15   M. LUKIC : [interprétation] De quel paragraphe s'agit-il en anglais,

 16   excusez-moi ?

 17   M. TRALDI : [interprétation] C'est le premier paragraphe, la deuxième

 18   phrase. Je peux relire pour que vous puissiez suivre l'interprétation.

 19   "L'artillerie serbe qui était plus puissante a ravagé la partie

 20   centrale de Sarajevo et la vieille ville."

 21   M. LUKIC : [interprétation] Mais on ne peut pas comparer avec la version

 22   B/C/S puisque ce n'est pas le même texte qui y figure à la page affichée.

 23   M. TRALDI : [aucune interprétation]

 24   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin n'a qu'à écouter très

 26   attentivement ce que M. Traldi est en train de nous lire au sujet de la

 27   puissante artillerie serbe.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Mais, Messieurs les Juges, aujourd'hui dans


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  1   l'interprétation, "laid waste" en anglais, a été interprété vers le B/C/S

  2   de deux façons différentes, et c'est peut-être cela qui a semé la

  3   confusion.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous êtes content pour ce qui est

  5   de la traduction -- plutôt, de l'interprétation ? Si vous êtes satisfait de

  6   la dernière interprétation fournie, je peux demander à M. Traldi de relire

  7   encore une fois.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Mais je suis très rarement l'interprétation

  9   vers le B/C/S. Je l'ai juste par hasard à ce moment-là.

 10   M. TRALDI : [interprétation] M. Lukic peut suivre pendant que je donne

 11   lecture encore une fois.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, s'il vous plaît.

 13   M. TRALDI : [interprétation] "L'artillerie serbe qui était plus puissante a

 14   ravagé la partie centrale de la ville et la vieille ville."

 15   M. LUKIC : [interprétation] Mais c'est une troisième interprétation que

 16   nous entendons maintenant, alors que M. Traldi n'arrête pas de répéter un

 17   seul et même terme.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au cours de la pause suivante, nous

 19   allons vérifier la traduction et l'interprétation. Et nous serons

 20   reconnaissants au service CLSS de bien vouloir nous aider puisque c'est

 21   justement le genre de situation que nous souhaitons éviter parce que

 22   l'interprétation n'est pas la même chose que la traduction. Ce n'est pas la

 23   même chose d'interpréter directement et de rester assis à son bureau

 24   entouré de dictionnaires en vérifiant attentivement chaque détail, mais

 25   peut-être qu'il sera possible de vérifier cet extrait pendant la pause

 26   suivante puisqu'il ne s'agit que d'une seule ligne.

 27   Alors, Monsieur Traldi, j'espère que le CLSS va être en mesure de nous

 28   aider.


Page 23867

  1   M. TRALDI : [interprétation] Je l'espère. Je préfèrerais ne pas interpréter

  2   moi-même.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est très sage de votre part.

  4   Monsieur l'Huissier -- nous allons faire une pause, Monsieur le Témoin.

  5   Nous vous reverrons dans 20 minutes.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

  8   reprenons nos travaux à 13 heures 30.

  9   --- L'audience est suspendue à 13 heures 11.

 10   --- L'audience est reprise à 13 heures 35.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons que l'on

 12   fasse entrer le témoin dans le prétoire, les Juges de la Chambre sont très

 13   reconnaissants au service CLSS, qui a bien voulu nous aider. Mais il nous

 14   reste toujours un problème, à savoir que nous ne disposons pas de

 15   l'original. Alors, nous pourrions nous pencher sur la version anglaise du

 16   document pour voir s'il existe une traduction vérifiée en B/C/S de cette

 17   partie du texte. Et par la suite, Maître Lukic, vous pouvez vérifier si

 18   cela correspond à l'original en B/C/S, qui n'est pas disponible en ce

 19   moment. Et l'Accusation, si j'ai bien compris la situation, n'y a pas

 20   accès, mais sans doute l'original doit se trouver quelque part dans les

 21   archives de l'affaire Kvocka.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Mais moi, j'ai travaillé dans cette affaire.

 23   Bien évidemment, comme j'ai quitté mon poste vers la fin de l'affaire, je

 24   ne saurais rien dire sur le rapport de M. Kecmanovic.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais tôt ou tard, il doit être possible

 26   de retrouver un exemplaire complet de ce rapport en B/C/S. Mais pour le

 27   moment, nous allons nous appuyer sur la traduction anglaise.

 28   M. LUKIC : [interprétation] L'une des premières choses que je fais toujours


Page 23868

  1   lors de mes entretiens avec les témoins, c'est de savoir quelle est la

  2   meilleure traduction pour les termes utilisés. Alors, il faut dire que M.

  3   Traldi, ici, s'est servi dans toutes ses lectures d'un seul et même terme,

  4   à savoir "ravagé".

  5   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  6   M. LUKIC : [interprétation] Alors, dans l'interprétation vers le B/C/S, on

  7   a d'abord dit "la ville a été rasée," ensuite on a dit qu'elle a été

  8   "endommagée". Lors de la première interprétation, le témoin dit "non". Et

  9   puis M. Traldi a repris les mêmes termes, mais dans l'interprétation le

 10   témoin a entendu la question, "La ville a-t-elle été endommagée," et à cela

 11   il a répondu par "oui". Voilà ce qui s'est passé.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, nous allons laisser la chose de

 13   côté. M. Traldi peut maintenant poser sa question. Dans dix ou 15 minutes,

 14   nous aurons des orientations fournies par le service CLSS -- mais,

 15   évidemment, sans retrouver l'original, nous ne pouvons savoir si la

 16   traduction sera absolument fidèle.

 17   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Traldi.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   [Le témoin vient à la barre]

 20   M. TRALDI : [interprétation] Avant de recevoir une traduction vérifiée de

 21   cette phrase, je vais poser quelques autres questions mais qui concernent

 22   toujours la même page du rapport. J'aimerais donc qu'on la réaffiche à

 23   l'écran.

 24   Q.  Alors, l'artillerie serbe était plus puissante que l'artillerie

 25   musulmane ?

 26   R.  Oui.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il faut éliminer la version B/C/S de

 28   l'écran puisque, de toute façon, nous n'avons pas la page qu'il nous faut.


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  1   M. TRALDI : [interprétation] Très bonne idée, Monsieur le Juge.

  2   Q.  Je répète ma question : les Musulmans ne représentaient pas une menace

  3   pour l'artillerie serbe et ses positions sur les pourtours de la ville,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Si, ils pouvaient représenter une menace. Cela se voit clairement sur

  6   l'exemple de Grbavica. La partie de Sarajevo qui était contrôlée par les

  7   Serbes. Grbavica a été détruite même si elle n'a pas été détruite dans la

  8   même mesure que le centre-ville. Mais quand j'y suis allé, je pouvais voir

  9   que le niveau de destruction était très élevé. Ou, plutôt, le niveau

 10   d'endommagement, le niveau de dégâts qui ont été infligés. Ce serait un

 11   terme plus exact. Et, par ailleurs, il y avait un échange de tirs des deux

 12   côtés.

 13   Q.  Très bien. J'aimerais vous poser quelques questions de suivi. Pour

 14   commencer, vous dites que le niveau de destruction était très élevé.

 15   Parlez-vous de Grbavica ou du centre-ville ?

 16   R.  Des deux.

 17    Q.  Et vous dites que Grbavica n'a pas été détruite dans la même mesure

 18   que le centre-ville --

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Donc, par conséquent --

 21   R.  Non, non. En fait, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que les deux

 22   quartiers de la ville ont été détruits. Les deux quartiers font partie de

 23   la zone urbaine. Pale est un peu plus loin, mais Grbavica fait partie

 24   intégrante de la ville de Sarajevo.

 25   Q.  Alors, approfondissons un peu ces questions géographiques. Aux lignes

 26   21 et 22 à la page du compte rendu d'audience provisoire 79 [comme

 27   interprété] --

 28   R.  Je peux expliquer si vous le souhaitez.


Page 23870

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, s'il vous plaît,

  2   n'interrompez pas M. Traldi. Attendez qu'il vous pose la question pour y

  3   répondre par la suite.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Aux lignes 21 et 22 de la version provisoire

  5   du compte rendu d'audience, page 69 --

  6   M. LUKIC : [interprétation] Je suis vraiment désolé. Mais je souhaite que

  7   l'enregistrement audio soit vérifié. Je pense que le témoin a dit le

  8   contraire de ce qui est enregistré dans le compte rendu d'audience. C'est

  9   au moins ce que j'ai entendu.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons voir. De quelle page s'agit-il ?

 11   M. LUKIC : [interprétation] Page 69, lignes 21 et 22, ou plutôt, la fin de

 12   la ligne 21.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Traldi, il faut peut-être

 14   reposer la même question au témoin :

 15   "Les Musulmans n'étaient pas capables de représenter une menace pour

 16   l'artillerie serbe qui avait ses positions sur le pourtour de la ville,

 17   n'est-ce pas ?"

 18   C'était là votre question. Et nous lisons la réponse suivante :

 19   "Si, ils pouvaient représenter une menace. On peut le voir clairement sur

 20   l'exemple de Grbavica. Par exemple, cette partie de Sarajevo était

 21   contrôlée par les Serbes. Grbavica a néanmoins été détruite même si elle

 22   n'a pas été détruite dans la même mesure que le centre-ville."

 23   Voilà ce que nous pouvons lire à l'écran. Voilà ce qui a été consigné dans

 24   le compte rendu.

 25   M. TRALDI : [interprétation] Oui.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-nous dire si ce que M. le Président vient de

 27   vous lire correspond à ce que vous avez dit ?

 28   R.  Mes propos ne sont pas rendus précisément. Puis-je répéter ma réponse ?


Page 23871

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Le centre-ville de Sarajevo couvre un

  3   territoire plus large, plus important. Grbavica se trouvait aussi dans la

  4   ville même de Sarajevo, sauf que c'est un quartier plus petit. Et dans ce

  5   quartier qui était plus petit, tous les dégâts infligés étaient plus

  6   visibles que les dégâts infligés dans la zone du centre-ville qui était

  7   plus large, et les dégâts étaient éparpillés par-ci, par-là.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que le témoin compare

  9   Grbavica d'une part avec l'ensemble de la ville. Il ne compare pas Grbavica

 10   et la vieille ville.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Je vous ai très concrètement demandé de faire

 12   une comparaison entre Grbavica et Bascarsija, le quartier de Bascarsija.

 13   C'était là le sens de ma question.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut être très précis lorsqu'on parle

 15   de la vieille ville, parce qu'on peut dire la vieille ville et penser à

 16   l'ancien centre-ville, y compris le quartier de Bascarsija, ou alors on

 17   peut penser à la municipalité de Stari Grad, qui veut dire vieille ville.

 18   Donc, à chaque fois qu'on parle de "vieille ville", il faut être très

 19   attentif et très précis et définir à quoi on pense au juste.

 20   Alors, d'après que j'ai compris, Monsieur Traldi, vous souhaitez que le

 21   témoin compare les dégâts infligés à Grbavica d'une part et dans l'ancien

 22   centre-ville, y compris le quartier de Bascarsija; ai-je raison de

 23   l'affirmer ?

 24   M. TRALDI : [interprétation] Tout à fait.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous comparer les dommages subis

 26   par ces deux parties de la ville, s'il vous plaît, Grbavica d'une part et

 27   le quartier de Bascarsija d'autre part ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Grbavica a subi des dommages plus


Page 23872

  1   importants puisque c'était un quartier plus petit, et donc tous les tirs

  2   étaient concentrés sur un territoire plus restreint. Quant au quartier de

  3   Bascarsija, où j'habitais moi-même, les dégâts étaient de moindre

  4   importance.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parlez-vous de Stari Grad dans le sens

  6   du centre-ville de la vieille ville --

  7   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de la vieille cité. Vous ne pensez

  9   pas à la municipalité toute entière de Stari Grad ou de la vieille ville.

 10   Vous parlez exclusivement du centre-ville le plus restreint et qui était le

 11   plus densément populeux. Donc, veuillez comparer ces deux quartiers-là,

 12   s'il vous plaît.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Les dégâts étaient plus visibles à Grbavica

 14   que dans la vieille cité. Et je ne parle pas de la municipalité de Stari

 15   Grad, je pense du centre-ville dans le sens le plus restreint de ce terme,

 16   y compris le quartier de Bascarsija.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de poser une question :

 18   les dégâts étaient plus visibles malgré le fait que l'artillerie serbe

 19   était plus puissante ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas compris le sens de

 21   votre question.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La phrase qui vous a été lue commence

 23   par les mots suivants : "L'artillerie serbe qui était plus puissante a

 24   ravagé," et cetera. Donc, lorsque vous avez utilisé ces termes,

 25   "L'artillerie serbe qui était plus puissante ou qui  avait des moyens

 26   supérieurs," supérieurs par rapport à quoi ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Par rapport à l'artillerie qui existait dans

 28   le centre-ville, qui était utilisée dans le centre-ville.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et voilà ma question de suivi : donc,

  2   malgré le fait que l'artillerie serbe ait été plus puissante, elle a

  3   infligé moins de dégâts que cette artillerie du côté opposé et qui,

  4   pourtant, lui était inférieure ? Oui ou non ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  6   [La Chambre de première instance se concerte] 

  7    M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai pas entendu votre réponse,

  8   Monsieur.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le témoin a répondu par

 10   "non". Vous pouvez poursuivre, Monsieur Traldi.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, en répondant à la question que je vous ai posée il y a

 13   quelques instants, vous avez dit : Oui, les Musulmans pouvaient représenter

 14   une menace pour l'artillerie serbe qui avait ses positions sur le pourtour

 15   de la ville, et puis vous avez évoqué Grbavica. Pensiez-vous à Grbavica en

 16   tant qu'un quartier de la ville, ou vouliez-vous dire que c'était là que

 17   l'artillerie serbe avait ses positions ?

 18   R.  Je ne sais pas si les positions de l'artillerie serbe s'y trouvaient,

 19   mais je sais que depuis Sarajevo on prenait le quartier de Grbavica pour

 20   cible, depuis le centre-ville.

 21   Q.  Donc, permettez-moi de vous poser la question que j'ai l'intention de

 22   vous poser et de le faire d'une façon très précise. L'armée musulmane

 23   n'était pas en mesure de représenter une menace pour les positions

 24   d'artillerie serbe qui étaient situées sur les collines autour de la ville,

 25   sur le pourtour de la ville, n'est-ce pas ?

 26   R.  D'après mes connaissances, je signale cependant que je ne suis pas un

 27   spécialiste en matière militaire, je pense qu'ils ont représenté une menace

 28   pour ces positions. Tout simplement, la distance qui séparait les deux


Page 23874

  1   côtés était la même de quelque côté que vous l'envisagiez. Donc, si les uns

  2   pouvaient faucher les autres, alors le vice-versa s'appliquait aussi.

  3   Q.  Si nous examinons votre rapport d'expert, qui est toujours affiché à

  4   l'écran, et en laissant de côté toute question de géométrie ou

  5   d'artillerie, la dernière phrase du premier paragraphe commence par les

  6   mots suivants :

  7   "Bien évidemment, même lorsque les armes ont commencé à arriver en

  8   quantités plus importantes depuis des pays islamiques," puis vous expliquez

  9   les différentes façons dont ces armes ont été livrées, et vous finissez en

 10   disant, "cela n'a pas été suffisant pour que l'armée musulmane représente

 11   une menace pour les positions d'artillerie serbe qui étaient situées sur

 12   les collines autour de la ville."

 13   Donc, ce que vous avez indiqué dans ce rapport, c'est que même après

 14   avoir reçu des armes supplémentaires, l'armée musulmane ne représentait pas

 15   une menace pour l'artillerie serbe et ses positions, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je devrais voir la phrase.

 17   Q.  C'est la dernière phrase du premier paragraphe.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous comprenez l'anglais, Monsieur ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je la voudrais en B/C/S.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne l'avons pas en B/C/S pour

 21   l'instant. Mais vous comprenez l'anglais ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vais vous lire lentement

 24   l'intégralité de la phrase. Je cite :

 25   "Bien sûr, même lorsque des armes ont commencé à arriver en grandes

 26   quantités de pays musulmans, dans des contenants d'aide humanitaire qui

 27   avaient atterris à l'aéroport de Sarajevo contrôlé par les Nations Unies,

 28   et ce, librement, ou même lorsqu'ils avaient creusé un passage 'secret'


Page 23875

  1   sous la piste de l'aéroport, ces armes n'ont pas suffi pour que l'armée

  2   musulmane menace les emplacements de l'artillerie serbe qui se trouvaient

  3   sur des collines entourant les limites de la ville."

  4   Donc, même lorsque ces quantités nombreuses sont arrivées, ils n'ont pas

  5   été capables, et par "ils" j'entends l'armée musulmane, de menacer les

  6   emplacements de l'artillerie serbe qui se trouvaient sur la collines.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends votre question à présent. En

  8   fait, la menace est liée à la percée du cercle placé autour de la ville.

  9   Les forces musulmanes à Sarajevo essayaient constamment de percer ce cercle

 10   qui avait été placé autour de Sarajevo, cette artillerie qui s'y trouvait.

 11   Et dans ce sens-là, j'ai dit que cela ne suffisait pas. Ils avaient

 12   continué à essayer mais n'y étaient pas parvenus pendant toute la durée de

 13   la guerre. Donc, même les armes qui sont arrivées n'ont pas aidé à cet

 14   égard-là.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Nous avons reçu de la part du service CLSS une

 16   traduction de la phrase en question et je vais demander à l'huissier de

 17   bien vouloir distribuer une copie à la Défense.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que, étant donné cela, nous ne

 19   pourrons pas conclure la déposition du témoin aujourd'hui. Essayez peut-

 20   être de localiser la version en B/C/S. Je ne veux pas dire par là que nous

 21   allons conclure maintenant, mais au moins lorsque le témoin aura eu la

 22   possibilité de vérifier tout cela.

 23   M. TRALDI : [interprétation]

 24   Q.  Mais vous n'avez pas une copie de votre rapport d'expert dans l'affaire

 25   Kvocka sur vous ?

 26   R.  Non.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je crois que cela peut se retrouver

 28   dans les archives du Tribunal. Est-ce que c'était une pièce à conviction


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  1   dans l'affaire Kvocka --

  2   M. LUKIC : [interprétation] Non, en l'espèce ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je parle de l'affaire Kvocka.  

  4   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que le professeur était un témoin

  5   expert pour la Défense, donc à décharge.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, donc on devrait retrouver ce

  7   rapport.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, moi, j'ai quitté cette affaire-là

  9   avant la fin --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne m'adresse pas à vous. Je voudrais

 11   juste savoir si ce rapport a été admis au dossier. Si c'est le cas, eh

 12   bien, nous disposons d'une version électronique quelque part ou d'une

 13   version papier, et donc nous pourrions remettre la main dessus pour éviter

 14   toute discussion inutile.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Bon, nous sommes dans une situation quelque

 16   peu inhabituelle, Monsieur le Président. Nous avons vraiment fouillé toutes

 17   les bases de données électroniques sans retrouver ce document, et même

 18   chose pour retrouver ce document avant la déposition du témoin dans

 19   l'affaire Karadzic.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et on ne l'a pas retrouvé ?

 21   M. TRALDI : [interprétation] Oui. On ne le retrouve pas dans le système de

 22   base de données judiciaire, pour vous donner un exemple. En tout cas, la

 23   version B/C/S n'y est pas.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et une copie papier ? Si c'est une pièce

 25   à conviction ?

 26   M. TRALDI : [interprétation] Je ne me suis pas penché sur les archives,

 27   donc nous le regarderons ce soir.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, continuez et essayez de


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  1   retrouver cela dans les archives.

  2   M. TRALDI : [interprétation] Peut-être que Me Lukic peut confirmer qu'il a

  3   eu la possibilité de revoir cette traduction qui lui a été transmise ?

  4   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que c'est l'acception la plus extrême

  5   possible que l'on a choisie pour les termes utilisés --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour votre affaire ?

  7   M. LUKIC : [interprétation] Non, pas pour mon affaire. Je veux dire que

  8   cette traduction n'est pas appropriée.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il y a eu vérification, alors si

 10   vous voulez revérifier, nous en entendrons davantage demain.

 11   Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 12   M. TRALDI : [interprétation] Très bien. Nous pourrions peut-être distribuer

 13   une copie aux interprètes, s'ils n'en ont pas, et ils pourront en donner

 14   lecture au témoin.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas encore informé les

 16   interprètes de cela. Passez à un autre sujet en attendant, Monsieur Traldi.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Très bien.

 18   Q.  Alors, parlant de l'équilibre des forces qui se trouvaient autour de

 19   Sarajevo, vous avez dit que l'artillerie serbe était plus puissante. Est-il

 20   exact que la VRS avait également un avantage numérique en termes d'armes

 21   qui avaient été reprises de la JNA ?

 22   R.  Elle avait des officiers qui étaient mieux instruits et elle avait un

 23   meilleur commandant.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, on vous a posé des questions

 25   sur les armes. Un commandant, ce n'est pas une arme. Un niveau

 26   d'instruction, ce n'est pas une arme. Donc, répondez à la question, s'il

 27   vous plaît.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que la question est mal formulée.


Page 23878

  1   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  2   M. LUKIC : [interprétation] On devrait d'abord lui demander s'il sait ce

  3   qui a été laissé à la VRS et ce qui a été laissé à l'ABiH.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon --

  5   M. LUKIC : [interprétation] On lui demande de comparer quelque chose.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, le témoin parle de

  7   personnes. Mais même si la question a mal été formulée, elle portait sur

  8   des armes.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, nous soulevons une objection quant à

 10   la formulation de la question.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous auriez dû commencer par

 12   là.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Toutes mes excuses.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, pourriez-vous poser

 15   quelques questions de contexte au témoin pour savoir ce qu'il en sait.

 16   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 33 du

 17   document.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Concentrons-nous sur le bas de la page, s'il

 20   vous plaît.

 21   Je vais encore vous en donner lecture. Il s'agit toujours du rapport

 22   d'expert du témoin, et le paragraphe qui se trouve juste au-dessus du titre

 23   "the NATO intervention…" en anglais nous dit, à la dernière phrase :

 24   "Leur avantage en armes reprises de la JNA et dans un corps d'officiers

 25   instruits dans l'une des meilleures armées de la région a donné au général

 26   Ratko Mladic un avantage considérable sur le champ de bataille, alors que

 27   les Croates et plus particulièrement les Musulmans étaient devenus le camp

 28   le plus faible pour lequel le reste du monde très fort avait l'obligation


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  1   morale d'aider à survivre."

  2   Q.  Donc, voilà le fondement de ma question. Ma question est la suivante,

  3   Monsieur : est-ce que la VRS avait un avantage en termes d'armes reprises

  4   de la JNA ou pas ?

  5   R.  Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais vous demander de formuler votre

  6   affirmation sous la forme d'une question. Si cela ne vous dérange pas, bien

  7   sûr.

  8   Q.  Alors, je vais vous répéter la question : la VRS avait un avantage en

  9   armes qu'elles avaient reprises de la JNA, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est ce que j'ai écrit, oui.

 11   Q.  Et cela fait partie du rapport que vous avez rédigé ?

 12   R.  Oui.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je pense que les interprètes ont obtenu la

 14   traduction qui nous a été envoyée par le service CLSS, donc revenons à la

 15   page 30, s'il vous plaît, en haut de la page.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, à titre d'information, les

 17   Juges de la Chambre viennent d'être informés des trois différentes versions

 18   qui existaient.

 19   Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Alors, je vais vous relire la deuxième phrase,

 21   tout en haut du paragraphe :

 22   "L'artillerie serbe plus puissante a ravagé le centre-ville et la vieille

 23   ville."

 24   Q.  Est-il exact que c'est bien ce qui s'est passé ?

 25   R.  Cela est arrivé, mais les termes utilisés, "endommager", "détruire",

 26   "ravager", ont une mesure plus importante ou moins importante les uns par

 27   rapport aux autres. Mais oui, en l'essence, c'est cela.

 28   Q.  Et les forces serbes ont bombardé de façon aléatoire Sarajevo à partir


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  1   des collines avoisinantes, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je pense que dans l'affaire Krajisnik il y a eu un malentendu sur cette

  3   question, justement. A Sarajevo, on ne pouvait pas distinguer les

  4   détonations entrantes et sortantes, et quelque qu'était l'explosion que

  5   nous ayons entendue, nous pensions que les tirs provenaient du camp serbe.

  6   Ce n'est que plus tard que nous nous sommes rendu compte que ce n'était pas

  7   le cas.

  8   Autre chose, cela n'a pas été rédigé comme un rapport à l'attention

  9   du Tribunal. Donc, c'est un document qui pourrait être imprécis dans

 10   quelques passages.

 11   Q.  Parlons de vos propos dans l'affaire Krajisnik, justement sur la

 12   question que je viens de vous poser.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage du document 30941.

 14   Q.  C'est votre déposition dans l'affaire Krajisnik.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Page 173, au bas de la page.

 16   Q.  M. Tieger vous a posé une question qui commence à la dernière phrase de

 17   cette page :

 18   "N'est-il pas exact et n'avez-vous pas déclaré précédemment que" - et nous

 19   devons passer à la page suivante - "les forces serbes ont bombardé de façon

 20   aléatoire Sarajevo à partir des collines avoisinantes ? Nous revenons à

 21   cette question."

 22   Votre réponse : "Oui. C'était mon impression."

 23   Vous avez bien déclaré cela ?

 24   R.  J'insiste, c'était mon impression parce que j'étais quelqu'un qui, à

 25   l'époque, avait vécu et avait résidé à Sarajevo, et c'est la raison pour

 26   laquelle je dois vraiment insister sur cette différence entre une

 27   impression et un fait.

 28   Q.  Et c'est ce que vous avez vécu ?


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  1   R.  C'était mon impression.

  2   Q.  Mais cette impression correspondait à ce que vous aviez vécu dans le

  3   sens où votre ville était bombardée de façon aléatoire et que cela vous

  4   terrifiait, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est ce que l'on voit là, oui. Et je vous répondrais : Oui, bien sûr.

  6   Comment pourrait-il s'agir autrement ?

  7   Q.  Alors, pour terminer aujourd'hui j'aimerais passer à un autre sujet lié

  8   à Sarajevo. Et peut-être que si nous sommes rapides, nous pourrons passer à

  9   un autre sujet. Mais au paragraphe 52 de votre déclaration, vous affirmez

 10   que le général MacKenzie a formulé des allégations sur les tirs de

 11   Musulmans sur leur propre population à Sarajevo. Et au paragraphe 52, je

 12   cite, vous avez dit :

 13   "Je n'ai pas lu le livre de MacKenzie et je ne sais pas ce qu'il présentait

 14   pour étayer cela."

 15   Est-ce exact ?

 16   R.  Je n'avais pas besoin de lire le livre de MacKenzie. Je me trouvais à

 17   Sarajevo lorsqu'il a fait cette déclaration lors d'une conférence de

 18   presse.

 19   Q.  Donc, d'après votre réponse, j'en déduis que vous n'avez pas lu son

 20   livre.

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Je vous pose la question parce que dans votre déposition dans l'affaire

 23   Krajisnik il y a huit ans, on vous a demandé si vous étiez au courant que

 24   le général MacKenzie avait nié, à la fois dans son livre et dans ses

 25   entretiens qui avaient été octroyés, donc si le général MacKenzie avait nié

 26   avoir suggéré tout cela, parce que vous le répétiez dans votre déclaration.

 27   Et vous aviez répondu que vous n'aviez pas lu son livre et que vous ne

 28   saviez pas ce qu'il avait déclaré.


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  1   Donc, ma question est la suivante : vous ne savez toujours pas au

  2   jour d'aujourd'hui ce que le général MacKenzie a dit dans son livre ?

  3   R.  Je sais ce qu'il a déclaré lorsqu'il se trouvait à Sarajevo à l'époque,

  4   et cette déclaration qu'il a faite a provoqué un grand mécontentement chez

  5   les politiques musulmans qui se trouvaient dans la salle. Maintenant,

  6   savoir ce qu'il a déclaré plus tard dans sa vie, je ne sais pas. Et je ne

  7   sais pas ce qu'il a écrit dans son livre.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était simple : est-ce que

  9   vous êtes au courant de ce que le général MacKenzie a écrit dans son livre

 10   ? Qu'a-t-il dit dans son livre ? Pourquoi ne répondez-vous pas à la

 11   question ? Donc, est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous ne

 12   savez pas ce qu'il a écrit dans son livre ? Dites-le-nous, s'il vous plaît,

 13   oui ou non ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, ça aurait vraiment été la

 16   réponse que nous aurions pu entendre dès le début. Veuillez continuer.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Je demande la page 159 du même document, s'il

 18   vous plaît. Lignes 16 et suivantes.

 19   Q.  On vous a posé la question suivante :

 20   "C'est tout à fait faux, et vous le savez, Monsieur. Le général MacKenzie

 21   s'est creusé la tête, à la fois dans son livre et dans les entretiens qu'il

 22   a accordés, pour établir clairement qu'il n'était pas en mesure d'affirmer

 23   que les forces musulmanes de Bosnie étaient responsables de ces atrocités.

 24   Vous le savez."

 25   Et dans la réponse, vous aviez déclaré que vous n'aviez pas lu son livre et

 26   que vous ne saviez pas ce qu'il avait déclaré, mais que vous vous souveniez

 27   d'un entretien qu'il avait accordé à Sarajevo pendant la guerre. Donc, à ce

 28   moment-là, on vous disait que vous étiez en train de mal interpréter son


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  1   point de vue sur la base de son livre et de ses entretiens après la guerre,

  2   et vous n'avez pas vérifié les choses pour voir si cela était vrai huit ans

  3   plus tard ?

  4   R.  Messieurs les Juges, j'aimerais intervenir. Je ne saurais accepter ce

  5   genre de discussion sur ce point. Je suis venu ici de façon volontaire, de

  6   mon propre gré, pour aider le Tribunal. J'avais déjà déposé devant le

  7   Tribunal et j'avais été remercié d'avoir apporté mon aide au Tribunal.

  8   Aujourd'hui, l'Accusation avance que je suis conscient d'avoir déclaré que

  9   je n'étais pas au courant.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends, Monsieur, que vous ne

 11   soyez pas à l'aise et que vous soyez mécontent de ce qui est en train de se

 12   passer. S'il faut intervenir, la Défense le fera. La Défense vous a cité à

 13   la barre comme témoin, et il revient aux Juges de la Chambre de contrôler

 14   et de superviser les interrogatoires des témoins. Si nous estimons que

 15   quelque chose se passe et que cela ne devrait pas avoir lieu, nous

 16   interviendrons. Si nous passons à côté de quelque chose, Me Lukic

 17   interviendra. Et la meilleure façon d'aider les Juges de la Chambre, et

 18   apparemment c'est ce que vous avez dit que vous vouliez faire, c'est de

 19   répondre aux questions, après avoir attentivement écouté les réponses

 20   [comme interprété] que l'on vous pose. Voilà ce que l'on attend de vous.

 21   Monsieur Traldi, je vous repasse la parole.

 22   M. TRALDI : [interprétation]

 23   Q.  Eh bien, je pense que vous vous souvenez de la question, Monsieur. Mais

 24   je vais la répéter tout de même. Vous n'avez pas vérifié les choses pour

 25   voir si ce que vous aviez dit du général MacKenzie et de son point de vue

 26   était exact pendant les huit années qui se sont écoulées depuis votre

 27   déposition dans l'affaire 

 28   Krajisnik ?


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  1   R.  Il y a un instant, vous avez dit que je savais tout cela et que j'étais

  2   au courant que j'avais affirmé que je ne savais pas. Maintenant, vous me

  3   posez une question complètement différente.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez répondre à la question. Est-ce

  5   que vous avez vérifié les choses pendant ces huit années ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas vérifié les choses. Je

  7   n'avais pas besoin de le faire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà la réponse à la question.

  9   Monsieur Traldi.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Je vais passer à un autre sujet, donc peut-

 11   être que nous devrions lever l'audience pour aujourd'hui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience.

 13   Monsieur, avant que vous ne quittiez le prétoire, je dois vous rappeler que

 14   vous n'avez le droit de communiquer avec quiconque de votre déposition,

 15   passée ou à venir, et nous aimerions vous revoir demain matin.

 16   Et j'aimerais que vous réfléchissiez à ces quelques mots : veuillez

 17   répondre aux questions. Vos réponses, leur pertinence et les explications

 18   éventuellement nécessaires sont laissées à la discrétion des parties, et

 19   dans une moindre mesure aux Juges de la Chambre. En qualité de témoin, vous

 20   avez le devoir de répondre aux questions. Le reste est entre les mains de

 21   la Défense, de l'Accusation et des Juges de la Chambre. Veuillez garder

 22   cela à l'esprit, car les Juges de la Chambre ont remarqué que dans 60 à 70

 23   % des cas, soit vous ne répondiez pas directement à la question, soit vous

 24   ajoutiez énormément d'éléments sur lesquels ont ne vous avait pas posé de

 25   question. Il y aura des questions de suivi si vous n'êtes pas suffisamment

 26   clair, par l'Accusation ou par la Défense.

 27   Nous aimerions vous revoir demain matin à 9 heures 30. Veuillez suivre M.

 28   l'Huissier.


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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience pour aujourd'hui.

  3   Nous reprendrons demain, vendredi 11 juillet, à 9 heures 30, dans ce même

  4   prétoire, la salle d'audience numéro I.

  5   --- L'audience est levée à 14 heures 16 et reprendra le vendredi 11 juillet

  6   2014, à 9 heures 30.

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