Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 32740

  1   Le lundi 9 mars 2015

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans ce prétoire

  6   et à l'extérieur du prétoire.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

  9   s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   J'ai quelques questions préliminaires à aborder.

 12   Maître Lukic, je pense que vous nous devez toujours une réponse.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président. Je vous

 14   souhaite bonjour.

 15   En ce qui concerne D899, les Juges de la Chambre nous ont demandé de nous

 16   enquérir de la date et de l'endroit où cette vidéo a été tournée. Cette

 17   vidéo qui est la nôtre, eh bien, c'est un extrait du document 65 ter 22615,

 18   téléchargé en tant que pièce en vertu de l'article 65 ter par le Procureur.

 19   Cet extrait comporte la cote 1D03160. Il ne s'agit que d'un extrait qui va

 20   de la 14e minute, 35 secondes, jusqu'à la 16e minute et 9 secondes de la

 21   même vidéo.

 22   Je me suis entretenu avec M. Traldi, et nous en sommes arrivés à la

 23   conclusion que cette partie-là de la vidéo a été enregistrée le 5 août

 24   1992, parce qu'on voit Mme Marshall sur l'enregistrement. C'est sur la base

 25   de son apparition dans la vidéo qu'on en est arrivés à la conclusion que la

 26   vidéo a dû être tournée le 5 août 1992.

 27   C'est tout ce que nous pouvons vous dire à ce sujet, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic.


Page 32741

  1   Il y avait aussi quelques questions préliminaires que le Procureur

  2   voulait soulever.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

  4   Eh bien, je vous dois une réponse quant au calendrier concernant la

  5   présentation des moyens de preuve au mois de mai et au mois de juin. Donc,

  6   nous allons vérifier cela, ceci nous pose aucun problème. Bon, à

  7   l'exception faite que les Juges souhaitent commencer au mois de mai et

  8   continuer jusqu'au bout, eh bien, si vous voulez le faire comme cela, donc,

  9   aller jusqu'au bout de la nouvelle présentation de moyens de l'Accusation,

 10   nous allons peut-être avoir un problème avec un témoin qui ne va pas être

 11   disponible. Donc, je pense que, de toute façon, on pourrait résoudre le

 12   problème en commençant un peu plus tard, parce qu'il est donc disponible au

 13   mois de juin.

 14   Donc, si vous voulez, on peut commencer au mois de mai et ensuite

 15   reprendre ce témoin au mois de juin. Voilà, c'est la situation. Donc, de

 16   toute façon, de façon générale, je peux vous dire que le mois de mai ou le

 17   mois de juin nous convient.

 18   Ensuite, j'ai voulu répondre par rapport à la demande de la Défense

 19   d'avoir donc une pause à Pâques. Eh bien, nous n'avons pas vraiment de

 20   positions à ce sujet, mais il y a quand même une question concernant le

 21   calendrier qui n'a pas tenu compte de cette pause éventuelle que l'on

 22   prendrait à Pâques. Il s'agit des visioconférences qui nous restent à faire

 23   par rapport à la région de Banja Luka.

 24   Et donc, par exemple, si ces témoins doivent voyager à peu près au moment

 25   de Pâques et c'est cela qui apparemment inquiétait M. Lukic, eh bien, ils

 26   pourraient rester sur les lieux et la visioconférence pourrait avoir lieu

 27   vendredi, par exemple. Et de toute façon, ce sont les seuls témoins qui

 28   posent problème éventuellement.


Page 32742

  1   Mais, de toute façon, je ne veux pas me prononcer là-dessus. Je pense

  2   que d'une façon ou d'une autre, même si l'on doit avoir cela à l'esprit

  3   quand on pense au calendrier, je pense que tout cela est faisable.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que vous avez une

  5   réponse par rapport à ce dernier point soulevé par M. Tieger ?

  6   M. LUKIC : [interprétation] Je me suis entretenu avec M. Tieger ce matin et

  7   j'ai dit que j'allais faire tout ce que je peux pour arranger cela.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Eh bien, de toute façon, on

  9   réfléchit toujours à votre demande.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Et en ce qui concerne le premier point soulevé

 11   par le Procureur, je pense qu'il est clair pour tout le monde que la

 12   Défense n'a absolument pas eu le temps de s'occuper de cette nouvelle

 13   partie des éléments de preuve du Procureur qu'il lui reste à présenter,

 14   donc, la réouverture de la présentation du Procureur, et donc nous allons

 15   demander que même si ce n'est pas un problème pour M. Tieger de faire sa

 16   nouvelle présentation de moyens de preuve au mois de mai ou au mois de

 17   juin, eh bien, nous allons demander que le procès soit interrompu pour

 18   avoir du temps pour nous préparer pour ce segment-là de notre travail.

 19   Parce que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour nous préparer. Et

 20   puis, d'un point de vue technique, pour commencer, il faudrait que l'on

 21   demande au Greffe de nous permettre de présenter des témoins experts pour

 22   répondre aux dires du Procureur déjà. Mais, tout d'abord, nous devons voir

 23   aussi de quoi il s'agit.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, cela fait si longtemps que l'on

 25   parle de cela, donc si vous allez présenter des arguments, je voudrais

 26   quand même savoir -- les Juges voudront savoir ce que vous avez fait

 27   jusqu'à présent, parce que ces experts, on connaît leurs noms depuis des

 28   années, il y a des experts qui sont très bien connus, surtout en ce qui


Page 32743

  1   concerne leur domaine d'expertise, et cetera. Donc, les Juges se demandent

  2   qu'est-ce que vous avez fait jusqu'à présent, parce que vous auriez pu vous

  3   attendre à ce que cette nouvelle présentation des moyens de preuve de

  4   l'Accusation se fasse à peu près au mois de mai ou au mois de juin cette

  5   année.

  6   Donc, faites vos arguments, Maître Lukic, mais dites-nous clairement

  7   ce que vous avez fait jusqu'à présent. Parce que demander un ajournement

  8   juste parce qu'il vous reste encore des choses à faire, parce que vous

  9   n'avez peut-être pas fait tout ce que vous auriez dû faire, il faudrait

 10   qu'on réfléchisse à cela aussi. Voilà.

 11   Je ne veux pas insister là-dessus pour l'instant, et je ne me lance

 12   pas dans des conclusions d'ores et déjà, mais je vous dis ce que je

 13   m'attends à entendre de votre part si vous entendez encore faire des

 14   arguments à ce sujet, surtout au sujet du calendrier.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, nous n'avons pas eu la possibilité de

 16   faire quoi que ce soit d'autre que de nous occuper de la présentation de

 17   moyens de preuve de la Défense. C'est tout ce que nous avons fait. Nous

 18   n'avons pas de ressources pour faire quoi que ce soit de plus que cela. Ce

 19   que nous faisons et tout ce que nous faisons, c'est de préparer notre

 20   Défense.

 21   Et toutes nos ressources, toutes les personnes qui travaillent dans

 22   l'équipe de la Défense sont chargées de travail à outrance et vous avez pu

 23   remarquer vous-même que nous étions à peine en mesure de présenter nos

 24   moyens de preuve. Ne parlons pas de parler de la nouvelle présentation de

 25   preuves de la part du Procureur.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, cela fait un moment que

 27   l'on parle de ces nouveaux éléments de preuve qui vont être présentés par

 28   le Procureur. Vous auriez dû tenir compte de cela. Donc, de toute façon, il


Page 32744

  1   va y avoir un retard dans tout cela. Cela concerne aussi la charge de

  2   travail qui vous incombe.

  3   Mais bon, on ne va pas parler en détail de tout cela maintenant. J'ai voulu

  4   tout simplement attirer votre attention sur le fait que les Juges vont

  5   peut-être réfléchir à certains points, et je vous en ai informé. Donc,

  6   j'attends maintenant d'entendre des arguments à l'avenir, donc, des deux

  7   parties.

  8   S'il n'y a pas d'autres questions préliminaires, je vais demander que l'on

  9   fasse entrer le témoin dans le prétoire.

 10   Bon, je voudrais soulever quand même un point brièvement. Si j'ai bien

 11   compris, la Défense doit encore soumettre six [comme interprété] rapports

 12   d'experts : deux des experts en balistique; un d'un historien; et un d'un

 13   médecin légiste expert; et puis un rapport d'un expert en communications

 14   radio.

 15   Est-ce que la Défense peut informer la Chambre qu'en est-il de ces

 16   rapports, est-ce qu'ils sont prêts, est-ce qu'ils sont écrits ?

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On peut aussi entendre la réponse plus

 19   tard aujourd'hui, Maître Lukic.

 20   Bonjour, Monsieur Solaja.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Solaja, je voudrais vous

 23   rappeler que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous

 24   avez prononcée au début de votre déposition, à savoir que vous allez dire

 25   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Et M. Traldi va continuer

 26   avec son contre-interrogatoire.

 27   Allez-y, Monsieur Traldi.

 28   M. TRALDI : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.


Page 32745

  1   LE TÉMOIN : MILOS SOLAJA [Reprise]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   Contre-interrogatoire par M. Traldi : [Suite]

  4   Q.  [interprétation] Je vous souhaite bonjour, Monsieur.

  5   R.  Bonjour, Monsieur le Procureur.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Est-il possible d'avoir le document 65 ter

  7   32144.

  8   Q.  Donc, ce que l'on voit ici, c'est l'entretien ou l'interview du général

  9   Talic, et c'est vous qui l'avez interrogé.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Et je vais vous demander d'examiner la

 11   deuxième page en anglais et la première colonne de la première page en

 12   B/C/S, la première question en caractère gras. Et je vais demander aussi

 13   que l'on agrandisse cette partie-là du texte.

 14   Q.  Et on voit que vous posez la question au général au sujet de

 15   l'opération Corridor, et j'ai quelques questions très brèves à vous poser à

 16   ce sujet.

 17   Tout d'abord, dans votre question, vous avez fait référence à quelque

 18   chose que vous avez appelé l'intention monstrueuse de couper une grande

 19   majorité des Serbes de leur patrie. Quand vous parlez de "la mère patrie",

 20   vous parlez de la Serbie, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Dans sa réponse, et c'est au niveau de la cinquième ligne en anglais,

 23   le général Talic dit :

 24   "Notre peuple a réussi à faire quelque chose que n'ont pas réussi à faire

 25   de nombreuses générations depuis la bataille du Kosovo jusqu'au jour

 26   d'aujourd'hui, à savoir de créer un espace de vie unique pour le peuple

 27   serbe."

 28   Et donc, quand il parle de cet espace de vie unique pour le peuple serbe,


Page 32746

  1   il fait référence au territoire contrôlé par la VRS ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et dans la phrase suivante, il dit qu'il s'agissait là d'une opération

  4   décisive pour le peuple serbe de Krajina qui avait été séparé de leur mère

  5   patrie et menacés d'une disparition complète. Tout d'abord, quand il parle

  6   des "Krajinas", au pluriel, il parle aussi bien de la Krajina de Knin que

  7   de la Krajina de Bosnie ?

  8   R.  Oui, exact, il n'y en a pas d'autre.

  9   Q.  Et puis, dans l'article de Krajiski Vojnik, on dit que le peuple serbe

 10   dans la RAK et dans la Krajina de Knin était menacé d'une disparition

 11   totale, qu'ils se battaient pour leur survie pure et simple ?

 12   R.  Oui, c'est exact.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier du

 14   document 65 ter 32144.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 65 ter 32144 va être versé au dossier

 17   en tant que pièce P7000 --

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la suite.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est versé au dossier.

 20   M. TRALDI : [interprétation]

 21   Q.  Maintenant, je voudrais vous demander de parler des événements de Banja

 22   Luka. Tout d'abord, vous avez parlé du départ des Croates et des Musulmans

 23   de Banja Luka dans votre déclaration, et vous dites qu'il s'agissait là de

 24   départ organisé par les autorités civiles et que la VRS n'a pas pris part à

 25   ce processus. En réalité, le 1er Corps de la Krajina considère que les

 26   autorités civiles doivent s'appliquer davantage pour organiser le départ de

 27   la population musulmane et croate de Banja Luka; est-ce exact ?

 28   R.  Non. Non, nous n'avons jamais reçu de telles instructions.


Page 32747

  1   M. TRALDI : [interprétation] Est-il possible d'avoir le document P3714. Là,

  2   nous avons un rapport du combat du 1er Corps de la Krajina en date du 28

  3   juillet 1992. Et je vais demander de voir la deuxième page en B/C/S et la

  4   première page en anglais. La page suivante en B/C/S, excusez-moi.

  5   Q.  Au point 3, on peut lire :

  6   "Dans la ville de Banja Luka et dans les autres grandes villes, il y a une

  7   demande accrue, et l'organisation, du départ des Croates et des Musulmans.

  8   Nous considérons que les autorités municipales et régionales devraient

  9   s'appliquer davantage à cette tâche."

 10   Donc, c'était bien la position du 1er Corps de la Krajina, à savoir que les

 11   autorités municipales devraient fournir encore davantage d'efforts pour

 12   organiser le départ des Musulmans et des Croates ?

 13   R.  Ecoutez, je n'ai pas eu accès à ce document. Je ne suis pas au courant

 14   de ce document. C'est un document confidentiel, et moi je n'ai jamais eu

 15   affaire avec de tels documents et je n'ai jamais reçu de telles

 16   instructions.

 17   Q.  Les Juges de la Chambre ont entendu dire qu'au cours de la guerre, des

 18   dizaines de milliers de Musulmans et de Croates ont quitté la municipalité

 19   de Banja Luka. Vous avez entendu parler de cela, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Maintenant, je voudrais parler de votre discussion --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Attendez. Avant de faire cela.

 23   Monsieur Soloja, peut-être que le problème tient du fait, en partie, qu'on

 24   vous ait demandé quelle a été la position du 1er Corps de la Krajina, et

 25   vous avez répondu : "Ecoutez, nous n'avons jamais reçu de telles

 26   instructions." On ne vous a pas demandé si vous aviez reçu de telles

 27   instructions, on vous a demandé quelle a été la position adoptée par le 1er

 28   Corps de la Krajina.


Page 32748

  1   Si vous ne le savez pas ou bien si vous ne disposez pas d'information

  2   complète à ce sujet, vous pouvez nous le dire tout simplement, parce que

  3   vous n'avez pas répondu clairement et précisément à la question posée.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, ce qu'on voit dans ce document, c'est

  5   une information quotidienne régulière qui faisait partie de la chaîne du

  6   commandement. De telles informations ne nous parvenaient pas. Donc la seule

  7   chose qui était importante pour nous, c'était de connaître la position

  8   officielle, et officiellement on ne nous a jamais dit qu'il fallait

  9   transférer la population. Donc nous n'avons jamais reçu de telles

 10   instructions, nous n'avons pas écrit à ce sujet, et d'ailleurs vous le

 11   voyez quand vous lisez le contenu de cette publication.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, vous n'avez peut-être pas

 13   eu accès à toutes les informations pour être en mesure de répondre à cette

 14   question en toute connaissance de cause, n'est-ce pas ? Bon.

 15   Vous pouvez continuer, Monsieur Traldi.

 16   M. TRALDI : [interprétation]

 17   Q.  Maintenant, je voudrais parler de votre déposition au sujet des

 18   autorités civiles dans la zone de Banja Luka. Donc les Juges de la Chambre

 19   ont entendu des moyens de preuve concernant la rhétorique utilisée par

 20   certaines autorités de la RAK, surtout M. Brdjanin. Notamment, il aurait

 21   dit en public que seulement un millier de Musulmans âgés pourront rester à

 22   Banja Luka pour balayer les rues de la ville. Est-ce que vous avez entendu

 23   dire cela ?

 24   R.  Ecoutez, je n'ai pas été présent pendant cette période la plus

 25   critique. Mais je ne l'ai pas entendu personnellement. Et je n'ai pas pu

 26   vraiment suivre les médias parce que je n'ai pas eu de contact avec les

 27   médias. Vous savez, je n'ai pas été présent. Je n'étais pas sur les lieux

 28   jusqu'au 28 juillet 1992.


Page 32749

  1   Q.  Vous êtes resté à Banja Luka. C'est là que vous avez été basé ensuite

  2   jusqu'à la fin de la guerre, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, et je suis né à Banja Luka.

  4   Q.  Bon, les Juges ont entendu dire qu'en 1994 - et là je fais référence à

  5   la pièce P6976 - au niveau d'un rassemblement, M. Brdjanin a dit que les

  6   non-Serbes étaient une insulte au territoire serbe, à la terre serbe. Vous

  7   avez dû entendre cette déclaration, n'est-ce pas ?

  8   R.  Ecoutez, c'était un rassemblement du parti. Je n'en faisais pas partie.

  9   Les gens qui habitaient dans la Republika Srpska, ils ne pouvaient

 10   pratiquement pas aller vivre ailleurs.

 11   Q.  Mais vous n'avez pas mentionné M. Brdjanin ou les termes qu'il a

 12   employés dans votre déclaration ?

 13   R.  Non. Je n'ai pas eu de contact avec lui, parce qu'il a représenté

 14   toujours des structures civiles.

 15   Q.  Mais vous avez tout de même mentionné M. Predrag Radic. Dans le

 16   paragraphe 34 de votre déclaration, vous avez dit que Radic voulait

 17   empêcher les Musulmans de quitter Banja Luka. Donc j'ai quelques questions

 18   à vous poser. Tout d'abord, il est exact, n'est-ce pas, que vous avez dit

 19   qu'il y avait quelques dirigeants politiques qui voulaient empêcher les

 20   Musulmans de partir, et dans votre déclaration vous n'avez pas inclus les

 21   points de vue exprimés par les leaders politiques qui demandaient que les

 22   Musulmans partent ?

 23   R.  Oui, c'est exact. C'est tout simplement parce que j'ai eu de très bons

 24   contacts avec M. Radic, je connaissais très bien ses positions, et j'en ai

 25   parlé dans ma déclaration concernant le départ non seulement des Musulmans

 26   mais aussi des Croates. Je savais ce qu'il disait, il disait qu'après la

 27   guerre, le territoire de l'ex-Yougoslavie allait être reconstruit à nouveau

 28   de toutes les façons possibles et imaginables, y compris économiquement, et


Page 32750

  1   d'ailleurs cela s'est avéré très vrai. Et je n'ai pas eu d'autres contacts

  2   avec les autres représentants des autorités civiles.

  3   Q.  Donc vous avez parlé des opinions de M. Radic. Vous tirez vos

  4   conclusions sur la base de ces contacts et vous arrivez à la conclusion que

  5   c'était un homme honorable, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, absolument.

  7   Q.  Donc, un homme honnête aussi, n'est-ce pas, d'après vous ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Les Juges ont entendu dire M. Radic, car il a déposé dans l'affaire

 10   Krajisnik, et il a dit, par exemple, que le président Karadzic et que

 11   Momcilo Krajisnik l'ont accusé de ne pas avoir expulsé les non-Serbes de

 12   Banja Luka et qu'à cause de cela, beaucoup trop de non-Serbes sont restés

 13   sur le territoire de la municipalité et il fallait les soigner et les

 14   nourrir. Etiez-vous au courant de ces positions adoptées par les dirigeants

 15   de la Republika Srpska, les positions adoptées concernant le comportement

 16   de M. Radic envers les non-Serbes ?

 17   R.  Il a été exposé à des pressions sans cesse, des pressions des

 18   autorités. C'était quelqu'un de très raisonnable, il a toujours essayé

 19   d'adoucir les coins, et je sais qu'il a eu des problèmes.

 20   Q.  Quand vous parlez des gens au sommet de la politique, vous faites

 21   référence à qui exactement ?

 22   R.  A des gens qui faisaient partie des autorités au sommet de la région ou

 23   de la république qui n'étaient pas contents avec son travail.

 24   Q.  Mais citez-moi un exemple, surtout les gens au niveau de la république,

 25   au sommet de la république ?

 26   R.  Mais écoutez, je ne me suis pas vraiment penché sur cette question-là,

 27   mais je sais qu'il y a eu des tensions.

 28   Q.  M. Radic a dit qu'à cause de ces pressions, il n'a pas pu ouvertement


Page 32751

  1   aider les non-Serbes, même s'il voulait le faire. Est-ce que vous étiez au

  2   courant de cela ?

  3   R.  C'est ce qu'il disait. Il le disait, mais il les aidait. Et il a aidé

  4   un grand nombre de personnes. Il pouvait les aider de cette façon-là, parce

  5   qu'il y a eu de grandes pressions d'exercées, donc il ne pouvait pas en

  6   parler ouvertement. Parce que c'était la période de la guerre, les méthodes

  7   démocratiques n'avaient pas une grande valeur à l'époque.

  8   Q.  Vous faites référence à la destruction de mosquées dans votre

  9   déclaration écrite. Dans sa déposition, lui a déclaré que des membres de la

 10   direction des Serbes de Bosnie ainsi que leurs émissaires l'avaient

 11   critiqué en raison du fait que les mosquées de Banja Luka étaient toujours

 12   debout. Etiez-vous au courant de cela ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Dans ce contexte, Monsieur --

 15   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

 16   questions sur ce sujet, à moins que les Juges de la Chambre aient d'autres

 17   questions à poser.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais il y a un point que j'aimerais

 19   traiter rapidement avec le témoin.

 20   Monsieur le Témoin, vous avez dit avoir été très proche de M. Radic. M.

 21   Radic a déclaré avoir été critiqué par M. Krajisnik et par M. Karadzic. Il

 22   ne vous a jamais parlé des critiques qui lui étaient adressées de la part

 23   de ces deux hommes ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il était préférable que ce genre de chose

 25   ne soit pas rendu public. Et, de façon générale, il était préférable de ne

 26   pas être informé de ce genre de chose.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous étiez proche de lui, il est

 28   possible qu'il vous ait dit : Voilà ce qui est arrivé, mais ne le publiez


Page 32752

  1   pas. Ce qui n'est pas rare dans le monde du journalisme, n'est-ce pas ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, non, nous n'agissions pas ainsi pour des

  3   raisons professionnelles, puisque les contacts que j'avais avec lui étaient

  4   purement privés. Il était impossible à l'époque de publier ce genre de

  5   chose.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le magazine "Le Soldat de Krajina", nous

  8   avons publié des critiques, y compris concernant la plus haute direction de

  9   la Republika Srpska. Je pourrais évoquer l'interview du ministre chargé des

 10   anciens combattants, Predrag Djokanovic, qui a ouvertement critiqué Radovan

 11   Karadzic au sujet d'un certain nombre de questions. Mais pour des raisons

 12   de sécurité personnelle, ce genre d'article était très rare.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est exactement cette raison qui

 14   m'intéresse - vous avez déclaré avoir été très proche de lui, vous avez

 15   déclaré que ces conversations étaient privées - vous n'avez jamais cherché

 16   à vérifier ou M. Radic ne vous a jamais dit que ces reproches lui étaient

 17   adressés par M. Karadzic et/ou par M. Krajisnik ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Il souhaitait probablement protéger autrui,

 19   pas seulement moi, d'ailleurs. C'est la raison sans doute pour laquelle il

 20   ne m'a jamais parlé de cela ouvertement.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela signifie également, n'est-ce pas,

 22   que vous n'avez aucune raison de mettre en doute ce que M. Radic nous a

 23   déclaré plus tard, ce qu'il a pu nous déclarer dans des déclarations ou des

 24   témoignages, à savoir qu'il était au même niveau que M. Karadzic et M.

 25   Krajisnik ? Vous n'avez aucune raison de douter de l'exactitude de ces

 26   renseignements, n'est-ce pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai aucune raison de mettre en doute

 28   ses déclarations. C'était un homme particulièrement honorable.


Page 32753

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Monsieur Traldi.

  2   M. TRALDI : [interprétation]

  3   Q.  Nous en restons au sujet des autorités civiles de Banja Luka. A ce

  4   sujet, vous décrivez le démantèlement de la cellule de Crise de la RAK aux

  5   paragraphes 26 à 28 de votre déclaration écrite. Alors, une fois que cette

  6   cellule de Crise de la RAK a été démantelée, ses membres qui occupaient des

  7   positions élevées au sein du gouvernement et de l'armée ont tous conservé

  8   leurs postes, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et, paragraphe 27, vous dites que Miro Mladjenovic, le rédacteur en

 11   chef de "Glas", vous a demandé de publier un article. Mladjenovic était

 12   rédacteur en chef de "Glas", n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui. Mais tout cela était dû à des motifs tout à fait différents.

 14   Q.  Eh bien --

 15   R.  Les cellules de Crise n'avaient aucune incidence sur ce genre de

 16   décision.

 17   Q.  La décision a été prise par la présidence de Guerre de la RAK et

 18   confirmée par l'assemblée municipale de Banja Luka, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, en tant que fondateur officiel du magazine.

 20   Q.  Et le président de la présidence de Guerre de la RAK, vous rappelez-

 21   vous qui c'était ?

 22   R.  Je crois que la RAK avait un gouvernement, pas une présidence de

 23   Guerre. Une assemblée et un gouvernement.

 24   Q.  Le président de l'assemblée c'était bien Vojo Kupresanin,

 25   n'est-ce pas?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  Et qui était vice-président ?

 28   R.  Je ne me rappelle pas.


Page 32754

  1   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

  2   32201, je vous prie.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Une question, je vous prie, est-ce que ce

  4   document figure sur la liste ?

  5   M. TRALDI : [interprétation] Nous avons envoyé une liste mise à jour

  6   vendredi en appelant particulièrement l'attention de tout lecteur sur notre

  7   courriel concernant ce document.

  8   Q.  Sur la droite de la page en B/C/S, nous voyons un article intitulé :

  9   "Comment supprimer les traces ?" Et nous voyons que cet article a comme

 10   sous-titre : "Banja Luka, 10 juillet." Il commence par les mots suivants :

 11   "Deux autonomes de haut rang ont tenu hier une conférence de presse

 12   sélective à laquelle n'étaient indiqués que les médias de publication, la

 13   Radio de Banja Luka et la Télévision de Banja Luka."

 14   Alors, est-ce que ceci vous rafraîchit la mémoire quant à l'identité du

 15   vice-président de l'assemblée ?

 16   R.  Oui, maintenant, effectivement. Mais je n'ai pas le sentiment que

 17   c'était Brdjanin, parce que c'est surtout M. Kupresanin qui exerçait le

 18   pouvoir.

 19   Q.  Eh bien, nous voyons s'agissant du rôle exercé par M. Kupresanin, nous

 20   voyons que M. Brdjanin parle de ce que l'on peut lire au bas de la colonne

 21   en B/C/S, en employant les mots suivants :

 22   "Un ministre de l'Information du gouvernement de la RAK sera nommé bientôt,

 23   et dans l'intervalle ses fonctions seront exercées par Vojo Kupresanin, qui

 24   accomplira, j'en suis sûr, un magnifique travail."

 25   Est-ce que Mladjenovic avait déjà servi en tant que ministre de

 26   l'Information de la RAK par le passé ?

 27   R.  Si je me souviens bien, oui. Mais j'aurais un détail à rajouter. Le

 28   gouvernement de la RAK n'a jamais été nommé au complet. Ce gouvernement ne


Page 32755

  1   possédait que quatre ministres officiellement mis en place. Je ne sais pas

  2   exactement quels étaient leurs portefeuilles, mais je sais que le

  3   gouvernement n'a jamais été complet.

  4   Q.  M. Kupresanin et M. Brdjanin étaient tous deux membres de la cellule de

  5   Crise de la RAK, n'est-ce pas ?

  6   R.  Pour Brdjanin, je réponds par l'affirmative; pour Kupresanin, je ne

  7   sais pas.

  8   Q.  Donc, ce que je vous propose, c'est que les membres de la cellule de

  9   Crise de la RAK, selon ce que vous avez dit dans votre déposition, ont

 10   conservé leurs postes au sein du gouvernement et de l'armée, alors que

 11   Mladjenovic a été licencié, limogé, et qu'il y a des éléments importants

 12   permettant de se forger l'opinion que le démantèlement de la cellule de

 13   Crise a eu lieu alors que vous n'en avez pas informé la Chambre dans votre

 14   déclaration écrite. Vous n'avez pas, donc, décrit les événements dans leur

 15   intégralité. Ceci est la vérité, n'est-ce pas ?

 16   R.  Eh bien, je n'étais pas concerné. Je n'ai pas suivi de très près

 17   l'ensemble de ces événements qui avaient un lien direct avec la RAK de la

 18   Krajina et qui, d'ailleurs, ont eu lieu après la suppression de la cellule

 19   de Crise. La cellule de Crise a été créée simplement par certaines

 20   personnes en raison de leurs positions officielles, mais il y avait un

 21   grand danger que cette cellule de Crise risque de devenir un pouvoir

 22   extérieur au système. C'est la raison pour laquelle personnellement j'ai

 23   participé en tant que journaliste à laisser de côté les éléments qui

 24   n'étaient pas intégralement partie du système, c'est-à-dire du processus de

 25   prise de décision. Je pense que nous avons réussi dans ce sens et que ceci

 26   a été très utile dans la période en question.

 27   Je vous rappellerais simplement que la Republika Srpska a vu le jour après

 28   la décision, ou plutôt, après qu'il ait été démontré que les trois groupes


Page 32756

  1   ethniques ne pouvaient pas s'accorder sur l'avenir de la Bosnie-

  2   Herzégovine.

  3   Q.  Monsieur --

  4   R.  Ce n'était que le début de la création des institutions.

  5   Q.  Monsieur, je me dois de vous interrompre. Vous sortez largement du

  6   champ de la question que je vous ai posée. Je veux simplement vous poser

  7   une question de suivi. Dites-vous dans votre déposition que d'une certaine

  8   façon la cellule de Crise de la RAK, dont faisaient partie des dirigeants

  9   importants de l'assemblée de la RAK, le commandant du 1er Corps d'armée et

 10   le chef du centre de Sécurité de Banja Luka, que d'une certaine façon

 11   c'était une institution extérieure au système, qui n'en faisait pas partie

 12   ? Est-ce que c'est ce que vous dites dans votre déposition ?

 13   R.  Oui.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 15   au dossier de ce document.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 32201 devient la pièce

 18   P7192.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise au dossier.

 20   M. TRALDI : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur, pour poursuivre, vous déclarez qu'il n'y avait pas de camps

 22   dans lesquels des Musulmans et des Croates étaient enfermés à Banja Luka,

 23   et vous parlez ensuite de Manjaca. Les personnes détenues à Manjaca étaient

 24   manifestement musulmanes et croates, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est exact. Mais lorsque je dis Banja Luka, je parle de camps qui

 26   auraient été créés par les instructions officielles de la municipalité de

 27   Banja Luka. Or, Manjaca était une institution dont  l'organisation relevait

 28   de la Republika Srpska. Donc, juridiquement, le lieu où Manjaca se trouvait


Page 32757

  1   n'avait pas d'importance.

  2   Q.  J'ai encore des questions de suivi sur Manjaca très précisément. Vous

  3   déclarez dans votre déclaration écrite que ce camp a été fermé en novembre

  4   1992. C'est peut-être un détail, mais en fait, le camp a été fermé en

  5   décembre 1992, n'est-ce pas ?

  6   R.  Je pense que c'était peut-être en décembre, mais peut-être aussi fin

  7   novembre. Je me rappelle qu'il ne faisait pas très froid à ce moment-là,

  8   donc peut-être.

  9   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 10   numéro 32032.

 11   Q.  Il s'agit d'une lettre de Radovan Karadzic adressée à Daniel Schiffer,

 12   dont vous parlez dans votre déclaration écrite. Au premier paragraphe de

 13   cette lettre, le président Karadzic évoque la visite d'Elie Wiesel, dont

 14   vous parlez également dans votre déclaration écrite. Et dans l'extrait

 15   pertinent au milieu du troisième paragraphe, nous lisons ce qui suit :

 16   "En l'honneur de la visite de M. Wiesel et de ses collaborateurs en

 17   Yougoslavie et en Republika Srpska et à l'occasion de notre Noël orthodoxe,

 18   nous avons la volonté de libérer tous les prisonniers de Manjaca si la

 19   communauté internationale et le CICR sont prêts à les accepter et à les

 20   transporter dans des pays tiers."

 21   Les dirigeants des Serbes de Bosnie ont conditionné la fermeture de Manjaca

 22   au transport des détenus qui seraient libérés vers des pays tiers, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui.

 25   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 26   au dossier du document 65 ter numéro 32032.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le document


Page 32758

  1   32032 devient la pièce P7913.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise au dossier.

  3   M. TRALDI : [interprétation]

  4   Q.  Parlons maintenant de Prijedor --

  5   M. TRALDI : [interprétation] Je crains qu'il y ait eu une erreur dans la

  6   numérotation du dernier document versé au dossier.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro correct est P7193 pour le

  8   dernier document versé au dossier.

  9   M. TRALDI : [interprétation]

 10   Q.  Alors, parlons maintenant de Prijedor. Est-ce que vous avez été en

 11   poste à Prijedor ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Vous n'avez jamais --

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Une précision. Le document 65 ter

 15   était bon. Nous n'avons pas plusieurs versions, si je ne m'abuse.

 16   M. TRALDI : [interprétation] Je dis pour la deuxième fois qu'en page 19,

 17   ligne 7, j'ai été consigné au compte rendu d'audience comme ayant parlé du

 18   document 65 ter numéro 30232 et, en tout cas, j'avais l'intention de parler

 19   du document 32032, numéro que j'ai déjà utilisé lorsque j'ai demandé

 20   l'affichage du document. Toutes mes excuses pour une quelconque ambiguïté

 21   dont j'aurais pu être l'auteur.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, désormais il est confirmé que le

 23   document 65 ter numéro 32032 est devenu la pièce P7193.

 24   M. TRALDI : [interprétation]

 25   Q.  Vous venez de dire, Monsieur, que vous n'avez jamais été en poste à

 26   Prijedor. Vous n'avez pas participé à quel que combat que ce soit à cet

 27   endroit, n'est-ce pas ?

 28   R.  C'est exact. Je ne m'y suis jamais trouvé.


Page 32759

  1   Q.  Vous n'avez pas non plus servi dans les rangs de la 5e ou de la 43e

  2   Brigade de la VRS, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Donc, lorsque vous déclarez au paragraphe 46 de votre déclaration

  5   écrite : "Il y a eu aucun déploiement organisé de soldats à Prijedor", vous

  6   n'aviez aucune idée du fait que ceci était conforme ou non conforme à la

  7   vérité, n'est-ce pas ?

  8   R.  J'aimerais pouvoir relire le paragraphe 46 de ma déclaration.

  9   Q.  Il s'agit du dernier paragraphe de la déclaration écrite du témoin.

 10   R.  En tant que chef de la section des transmissions, je faisais partie

 11   d'une unité d'artillerie qui avait une dimension plus importante.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La déclaration du témoin est la pièce

 13   D924.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Au sein de cette unité se trouvaient des

 16   soldats qui venaient de toutes les régions de la Krajina de Bosnie et, en

 17   particulier, de Prijedor. Nous étions stationnés au sud de Banja Luka au

 18   moment où le soulèvement de Prijedor a eu lieu avec les combats qui l'ont

 19   accompagné. La majorité des soldats originaires de Prijedor s'est emparée

 20   de ses armes et a pris la route de Prijedor de sa propre initiative sans

 21   demander la moindre autorisation, l'excuse pour eux étant que leurs

 22   familles se trouvaient à Prijedor. Cette action n'était pas autorisée. Mais

 23   le motif qui les a poussés était si fort que personne n'a pu les empêcher

 24   d'agir ainsi.

 25   M. TRALDI : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur, essayons d'être bien précis. Compte tenu du fait que vous

 27   avez déclaré qu'il n'y avait aucun déploiement organisé de soldats à

 28   Prijedor, aucun ordre militaire relatif à un tel déploiement, dans une


Page 32760

  1   tentative de déterminer ce que vous saviez exactement, vous saviez quel a

  2   été le comportement d'un certain nombre de soldats de la brigade

  3   d'artillerie. Vous n'avez aucune connaissance personnelle quant au fait que

  4   des brigades avaient été basées à Prijedor ou, en tout cas, quant au fait

  5   que des événements militaires ont eu lieu à Prijedor en dehors de

  6   l'événement que vous venez d'évoquer qui s'est déroulé à la fin du mois de

  7   mai, n'est-ce pas ?

  8   R.  Non, je n'ai aucune autre information que celle concernant le départ

  9   des soldats sur leur propre initiative.

 10   Q.  Alors, vendredi -- ou, plutôt, jeudi dernier, nous nous sommes arrêtés

 11   alors que nous parlions d'une visite à Prijedor. J'aimerais que nous nous

 12   concentrions sur les visites effectuées à Prijedor pendant le reste de

 13   votre déposition. D'abord, vous dites être allé à Omarska. Vous saviez,

 14   parce que le centre de presse --

 15   R.  Oui, en tant que membre d'un groupe de journalistes.

 16   Q.  Ceci, en raison du fait que le centre de presse suivait les

 17   publications des médias internationaux, comme vous l'avez dit dans votre

 18   déposition jeudi dernier, vous saviez que des articles avaient été écrits

 19   au sujet des terribles conditions de vie à Omarska et dans d'autres camps

 20   avant la visite effectuée par vous, n'est-ce pas ?

 21   R.  Ces articles étaient très superficiels. Ils reprenaient dans leur

 22   grande majorité des rumeurs et ce genre de chose. En fait, nous avons

 23   entendu parler de la plupart de ces événements après que Radovan Karadzic a

 24   participé à la Conférence de Londres, où il y en a beaucoup été question.

 25   Q.  Monsieur, je comprends que dans votre réponse, vous dites : Oui, vous

 26   saviez qu'il y avait des articles concernant les terribles conditions

 27   d'existence dans les camps avant la visite effectuée par vous,

 28   n'est-ce pas?


Page 32761

  1   R.  Nous avions très peu d'information et aucun élément de preuve valable.

  2   Q.  La Chambre de première instance a entendu des témoignages selon

  3   lesquels le commandant du 1er Corps d'armée savait, à l'époque de votre

  4   visite, qu'avant votre visite, plus d'un millier de visiteurs avaient été

  5   transportés d'Omarska à Manjaca et que certains d'entre eux avaient trouvé

  6   la mort devant le camp de Manjaca. Je viens d'évoquer le commandant du 1er

  7   Corps de Krajina, donc vous étiez au courant de ces événements ?

  8   R.  Je n'étais pas au courant de cela à l'époque des faits. J'en ai entendu

  9   parler un peu plus tard.

 10   Q.  Vous êtes assis aujourd'hui sur cette chaise de témoin. Vous savez,

 11   n'est-ce pas, que dans ce contexte, pratiquement tous les prisonniers

 12   d'Omarska ont été transportés d'Omarska à Manjaca avant votre visite,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  D'après ce que je sais, oui.

 15   Q.  Quel était le nombre approximatif de prisonniers que vous avez vus à

 16   Omarska lorsque vous vous y êtes trouvé ?

 17   R.  Je ne peux pas le dire précisément parce que nous les avons simplement

 18   vus passer alors qu'ils sortaient du réfectoire après le déjeuner. Il était

 19   impossible de les dénombrer.

 20   Q.  Et vous saviez que lors de la visite précédente de journalistes à

 21   Omarska, ces journalistes avaient été empêchés d'enregistrer un certain

 22   nombre de choses, n'est-ce pas ?

 23   R.  Je ne le savais pas à l'époque, car la visite a duré très, très peu de

 24   temps, deux jours à peine.

 25   Q.  Avez-vous vu des prisonniers d'un âge avancé lors de votre visite ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Avez-vous vu des prisonniers malades ?

 28   R.  Non. Mais notre visite a été très courte, si bien que je n'ai pas eu la


Page 32762

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 32763

  1   possibilité de prêter attention aux détails. Nous sommes allés participer à

  2   une conférence de presse organisée par M. Drljaca.

  3   Q.  Vous avez également parlé d'un certain nombre de visites à Manjaca.

  4   Vous savez qu'une visite de journalistes a eu lieu à Manjaca à peu près le

  5   même jour, et que le transfert des prisonniers d'Omarska n'a pas pu être vu

  6   par les journalistes qui n'avaient pas reçu l'autorisation de le voir,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Non. Je n'ai pas été informé de cela, parce que tout cela s'est passé à

  9   Manjaca où je n'étais pas présent. Donc, je n'ai pas pu en avoir

 10   connaissance.

 11   Q.  La Chambre a entendu des témoins selon lesquels votre supérieur

 12   immédiat, le lieutenant-colonel Milutinovic, faisait partie de cette

 13   visite. Il ne vous a pas dit que des journalistes s'étaient vus interdire

 14   de voir les prisonniers transférés d'Omarska ?

 15   R.  Il ne me l'a pas dit personnellement. Je ne me rappelle même pas si

 16   nous avons discuté de cela, parce que nous n'étions pas présents sur les

 17   lieux à l'époque. Donc, j'ai peut-être raté quelque chose, à moins qu'il y

 18   ait d'autres raisons pour mon absence d'informations, le fait que je n'en

 19   ai pas entendu parler.

 20   Q.  Vous avez déclaré jeudi dernier que vous êtes allé en personne à

 21   Keraterm. Quelles parties du camp avez-vous visitées ?

 22   R.  Si je me souviens bien, uniquement la partie avant du camp, c'est là

 23   que nous a emmené le colonel Arsic et il ne s'y trouvait pratiquement rien.

 24   Certains journalistes ont même déplacé des caisses pour regarder dans les

 25   environs, mais n'ont rien trouvé.

 26   Q.  Les Juges de la Chambre ont entendu des témoins selon lesquels le

 27   commandant du 1er Corps de Krajina a été informé du fait que deux semaines

 28   plus tôt, à peu près, un massacre de prisonniers avait eu lieu au camp de


Page 32764

  1   Keraterm. En avez-vous été informé personnellement ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Et les journalistes n'ont pas été amenés dans les salles où les

  4   prisonniers avaient été détenus avant ce massacre, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne sais pas dans quelles salles les prisonniers étaient détenus.

  6   C'est la seule fois où je suis allé à Keraterm, et nous y sommes allés en

  7   groupe.

  8   Q.  Donc, les journalistes n'ont pas été amenés dans des salles où on

  9   aurait pu voir, par exemple, des impacts de balles sur les portes ou sur

 10   les murs ou les plafonds au-dessus de leurs têtes ?

 11   R.  Nous n'avons pas vu cela.

 12   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 13   suis sur le point de me pencher sur un document qui m'occupera encore

 14   pendant 10 à 15 minutes, mais je regarde l'horloge, et je pense qu'il

 15   serait préférable de faire la pause maintenant.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Commençons par faire la pause.

 17   Monsieur Solaja, nous allons faire une pause de 20 minutes, et nous

 18   souhaitons que vous reveniez dans cette salle d'audience après la pause.

 19   Vous pouvez maintenant suivre M. l'Huissier.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président.

 23   C'est le problème du lundi matin, je le crains. J'aimerais apporter

 24   quelques précisions au sujet de ce que j'ai déjà dit en rapport avec la

 25   visioconférence de Banja Luka.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Simplement que ce sont des témoins de la

 28   Défense qui avaient l'intention de demander une visioconférence et j'ai


Page 32765

  1   peut-être suggéré par inadvertance que le problème de cette visioconférence

  2   avait déjà été résolu. Donc, tout ce que j'ai dit n'était, en fait, que des

  3   hypothèses, la requête a été déposée et il y avait des fondements

  4   suffisants pour y faire droit.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous êtes en train de dire que le

  6   calendrier, c'est-à-dire le fait de placer cette visioconférence un

  7   vendredi ou en tout cas la semaine dont vous avez parlé de façon à répondre

  8   à certaines préoccupations de la Défense concernait les préoccupations des

  9   témoins qui devaient témoigner, n'est-ce pas ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Oui, cette partie était exacte. Mais, encore

 11   une fois, tout cela partait du principe que les fondements nécessaires

 12   existaient.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est consigné au compte rendu

 14   d'audience. Je vous remercie. Nous reprenons à 11 heures moins 10.

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 16   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, veuillez poursuivre.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Je demanderais à ce que l'on affiche 03327 de la liste 65 ter, s'il vous

 21   plaît.

 22   Q.  On voit ici un communiqué de presse intitulé : "La République serbe de

 23   Bosnie-Herzégovine et son gouvernement." Ce document porte la date du 7

 24   août 1992. Au début, on voit qu'il s'agit d'une réponse à une diffusion de

 25   CNN du 6 août sur la situation des prisonniers d'Omarska.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela étant, il s'agit du 6 août 1882,

 27   en tout cas dans la version anglaise de ce document.

 28   M. TRALDI : [interprétation] Effectivement, dans la version anglaise, on


Page 32766

  1   voit "1882" et "1992" dans la version en B/C/S. Nous veillerons à ce que

  2   cette erreur soit rectifiée. Je vous remercie, Monsieur le Juge.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on affiche la page 4

  5   de la version en anglais, et 3 de la version en B/C/S.

  6   Q.  On voit le nom du premier ministre, M. Djeric, au bas du document. Dans

  7   le deuxième paragraphe de cette page en anglais, on lit ceci :

  8   "Il est indéniable que les salles d'Omarska ne sont pas équipées pour le

  9   séjour d'un nombre important d'individus et qu'il n'existe pas suffisamment

 10   d'installations sanitaires et autres."

 11   Vous saviez, n'est-ce pas, que le jour de votre visite le gouvernement de

 12   la Republika Srpska avait reconnu préalablement qu'il y avait eu trop de

 13   prisonniers à Omarska compte tenu de l'espace et des installations

 14   sanitaires disponibles ?

 15   R.  Le gouvernement a fait part de son point de vue sur la question, mais

 16   ce que je vois dans ce document c'est que c'est plutôt un projet plutôt

 17   qu'un document final. Je ne l'ai jamais vu. J'ai vu que l'on a supprimé un

 18   certain nombre de lignes, de paragraphes, je ne peux donc pas affirmer

 19   qu'il s'agit bel et bien d'un document.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est bien un document, vous pouvez

 21   entretenir des doutes quant à son statut, s'il s'agit d'un projet ou d'une

 22   version finale, Monsieur le Témoin. Cela étant, la question était de savoir

 23   si vous saviez que le jour de votre visite, le gouvernement de la Republika

 24   Srpska avait reconnu préalablement qu'il y avait trop de prisonniers à

 25   Omarska. Avez-vous eu connaissance de ce fait, indépendamment des remarques

 26   que vous avez à faire sur le document ?

 27   L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent avoir du mal à entendre le témoin.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter


Page 32767

  1   votre réponse à la question de savoir si vous étiez informé du fait que le

  2   gouvernement de la Republika Srpska avait admis au préalable cette

  3   situation ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai appris dans les médias.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Traldi.

  6   M. TRALDI : [interprétation]

  7   Q.  Nous voyons plus bas dans le même document ce que continue à dire le

  8   communiqué de presse, à savoir que le ministère de l'Intérieur de la

  9   République serbe de Bosnie-Herzégovine avait délivré un ordre consistant à

 10   "libérer sans délai les personnes détenues à Omarska âgées de plus de 60

 11   ans, les blessés graves et les personnes malades, à l'exception des

 12   personnes faisant l'objet de procédures pénales urgentes…"

 13   Saviez-vous également donc, l'aviez-vous appris dans les médias avant votre

 14   visite que des personnes âgées, des blessés graves et des personnes

 15   malades, entre autres, étaient détenues à Omarska, par exemple ?

 16   R.  Non, cela ne figurait pas dans la presse.

 17   Q.  Et le fait que des personnes âgées, des blessés graves ou encore des

 18   personnes malades figuraient parmi ceux qui avaient été transférés

 19   d'Omarska à Manjaca avant votre visite, figurait parmi les raisons qui ont

 20   fait que les journalistes n'ont pas été autorisés à rencontrer les

 21   prisonniers d'Omarska lors de la première visite à Manjaca, n'est-ce pas ?

 22   R.  Cela n'est pas apparu dans la presse non plus.

 23   M. TRALDI : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 24   document.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président --

 27   L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent ne pas non plus entendre la

 28   Greffière d'audience.


Page 32768

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P7194, versée

  2   audience dossier.

  3   Monsieur le Témoin, je reviens à votre dernière réponse, et ce n'est pas la

  4   première fois que vous faites réponse d'ailleurs. Vous dites : "Ce n'est

  5   pas non plus dans la presse". Les questions qui vous sont adressées visent

  6   à obtenir de votre part des informations quant à la connaissance

  7   personnelle que vous aviez des choses. Elles visent éventuellement à

  8   révéler un certain ouï-dire, des informations indirectes que vous auriez

  9   obtenues, mais elles ne visent pas à savoir si oui ou non vous avez lu ces

 10   informations ou obtenu ces informations de la presse. La réponse était de

 11   savoir si le fait que les personnes âgées, les blessés graves et des

 12   personnes malades figuraient parmi les personnes transférées d'Omarska à

 13   Manjaca avant votre visite, figurait parmi les raisons ayant poussé à

 14   interdire l'accès des journalistes aux prisonniers d'Omarska lors de leur

 15   première visite à Manjaca. Pourriez-vous répondre à cette question ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en ai pas eu connaissance.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 18   Question suivante, s'il vous plaît.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Merci.

 20   Q.  J'en viens maintenant à Trnopolje. Je demanderais à Mme Stewart de bien

 21   vouloir passer une vidéo qui correspond au numéro 22393c de la liste 65

 22   ter.

 23   M. TRALDI : [interprétation] Nous allons la montrer deux fois afin que l'on

 24   nous confirme l'exactitude de la traduction. Je le précise aux fins du

 25   compte rendu.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

 28   "Trnopolje a changé. Il y a maintenant des aliments et de la nourriture,


Page 32769

  1   même si les queues sont longues, et les autorités serbes fournissent

  2   également un abri et des vêtements. Et la barrière en fil de fer barbelé

  3   qui a choqué le monde a été supprimée. Et tout ceci s'est fait juste avant

  4   l'arrivée simultanée de la Croix-Rouge et de nos caméras. Pour certains,

  5   les conditions ici se sont améliorées. Ces réfugiés se trouvent dans des

  6   conditions plus sûres, mais la Croix-Rouge n'a pas encore été autorisée à

  7   entrer dans les autres camps et nos visites sont surveillées de près."

  8   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. TRALDI : [interprétation]

 10   Q.  Dans votre déclaration, vous dites qu'il n'y avait pas de fil de fer

 11   barbelé à Trnopolje. Vous savez, après avoir suivi ce que disait la presse

 12   étrangère à propos des événements dans la RAK, que ce fil de fer barbelé

 13   avait été retiré avant la visite des journalistes ?

 14   R.  Je n'ai pas vu de fil de fer, je n'ai pas eu connaissance de son

 15   existence. Et je ne le vois pas non plus dans cette vidéo, et j'aimerais

 16   savoir d'ailleurs quand cette vidéo a été réalisée.

 17   Q.  Ce que je vous dis, Monsieur, c'est ceci, vous saviez que lors de la

 18   visite précédente il y avait un fil de fer barbelé. Vous dites dans votre

 19   déclaration que vous n'en avez pas vu lorsque vous vous êtes rendu sur

 20   place. En fait, vous dites de manière implicite qu'il y avait eu

 21   préparation pour donner une image plus acceptable du camp avant cette

 22   nouvelle visite ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

 24   M. LUKIC : [interprétation] La question a été posée et a reçu réponse. Le

 25   témoin a dit ce qu'il savait. Par ailleurs, le témoin a demandé quand cette

 26   vidéo avait été tournée, je pense que c'est une question légitime, et je

 27   pense que cette information devrait lui être communiquée.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question a été posée en partie, mais


Page 32770

  1   -- oui, la question a été posée, et dans une certaine mesure, elle a reçu

  2   réponse en partie, donc, seulement. Mais M. Traldi a ajouté un élément à sa

  3   question, à savoir la teneur de la déclaration du témoin, et M. Traldi,

  4   lui, fait, par ailleurs, part de sa thèse sur la question. Il me paraît

  5   donc que cette question est tout à fait recevable.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Oui, mais --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, Maître Lukic, s'il vous

  8   plaît.

  9   Monsieur Traldi, si vous dites au témoin qu'en réalité il décrivait les

 10   préparatifs effectués pour projeter une image plus acceptable du camp, je

 11   vous inviterais de bien vouloir indiquer à quel moment ceci est intervenu

 12   de façon à ce que le témoin puisse s'y retrouver plus facilement.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je vais reformuler ma question, Monsieur le

 14   Président.

 15   Q.  Vous avez suivi ce que disait la presse internationale, vous saviez que

 16   les journalistes ont filmé le fil de fer barbelé lors de leur visite

 17   antérieure à Trnopolje. Ce que je vous dis, c'est ceci : le fait qu'il n'y

 18   en ait pas eu au moment où la vidéo que nous venons d'examiner a été

 19   filmée, le fait que vous-même n'ayez pas vu de fil de fer barbelé lors de

 20   votre visite, n'est en fait que le résultat des préparatifs effectués après

 21   la première visite le 5 et avant celle du 7 afin de polir l'image du camp

 22   de Trnopolje à l'intention de la communauté internationale. C'est bien

 23   exact, n'est-ce pas ?

 24   R.  Je n'ai pas eu connaissance de l'existence de fil de fer barbelé à

 25   Trnopolje avant le 5 ou le 5. Je sais simplement qu'il y avait un vieux

 26   grillage qui aurait pu être vu comme du fil de fer barbelé. Mais, à ma

 27   connaissance, il n'y avait pas d'enclos véritable. Même dans les médias

 28   internationaux, d'ailleurs nous avons suivi ce que ces médias ont rapporté


Page 32771

  1   par la suite, il n'est pas mentionné de fil de fer barbelé. Il aurait été

  2   bon que l'on puisse voir l'intégralité de cette vidéo, si c'est

  3   effectivement la position défendue par le Procureur.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a vu l'essentiel de ces

  5   images, nous n'allons donc pas les repasser. Nous connaissons l'état de la

  6   discussion concernant l'existence de fil de fer que l'on voit, d'ailleurs,

  7   dans d'autres parties de cette vidéo.

  8   Veuillez poursuivre, Monsieur Traldi.

  9   M. TRALDI : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de

 10   cet extrait.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que pour la deuxième fois M.

 12   Mladic essaie d'attirer l'attention de son conseil afin de se concerter

 13   avec lui et à haute voix. Je lui demanderais de bien vouloir faire la

 14   chose, s'il souhaite le faire, en silence à partir de maintenant.

 15   Madame la Greffière, pouvez-vous nous donner une cote, s'il vous plaît ?

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le document

 17   22393c devient la pièce P7195.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P7195 est versée au dossier.

 19   M. TRALDI : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, voici ce que j'avance : à Keraterm, ces journalistes n'ont

 21   pas pu pénétrer dans une salle où un massacre avait été commis peu de temps

 22   auparavant; à Omarska, la plupart des prisonniers avaient été évacués; à

 23   Trnopolje, le fil de fer barbelé avait disparu. J'avance donc que cette

 24   visite était un exercice de propagande qui visait à dissimuler la vérité

 25   qui s'était faite jour peu de temps auparavant dans les médias à propos des

 26   conditions terribles qui régnaient dans ces camps. C'était bien là la

 27   véritable nature de cette visite, n'est-ce pas ?

 28   R.  A ma connaissance, c'est le président Karadzic qui avait donné son


Page 32772

  1   accord à la tenue de cette visite, à Londres, je crois, lors de discussions

  2   avec des représentants étrangers. Je ne sais pas s'ils avaient accepté

  3   puisqu'ils considéraient qu'il s'agissait là d'un outil de propagande. J'ai

  4   fait le même travail avec ces journalistes que celui que j'avais fait

  5   auparavant. Il y avait beaucoup de médias étrangers qui étaient présents.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Je n'ai plus de question à poser à ce témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.

  8   Avant -- Maître Lukic, si vous avez d'autres questions à poser à ce témoin.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Allez-y.

 11   Nouvel interrogatoire par M. Lukic :

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Solaja. Rebonjour.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  J'aimerais revenir avec vous sur un certain nombre de questions qui ont

 15   été abordées avec M. Traldi de la partie adverse.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Nous allons commencer par la pièce P7191.

 17   Q.  Dans ce texte, le général Talic parle de la création du corridor, de

 18   l'opération Corridor, de son importance. Cette Chambre a entendu parler de

 19   ces 12 bébés qui sont morts du fait d'un manque d'oxygène. Avez-vous une

 20   connaissance personnelle de cet événement, du décès de ces bébés ? Répondez

 21   par oui ou par non. Et si vous répondez par l'affirmative, je vous poserai

 22   d'autres questions.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  A-t-on cherché à obtenir de l'oxygène vers Banja Luka ?

 25   R.  On a demandé à ce que de l'oxygène soit envoyé par voie aérienne de

 26   Belgrade à Banja Luka. Toutefois, à l'époque, une résolution des Nations

 27   Unies était en vigueur, résolution instaurant une zone d'exclusion

 28   aérienne, et l'avion en question n'a pas été autorisé de se rendre de


Page 32773

  1   Belgrade à Banja Luka. Le Dr Ilic était directeur de l'hôpital à l'époque,

  2   et il a personnellement demandé au président de la présidence de Bosnie-

  3   Herzégovine, Alija Izetbegovic, d'autoriser ce transport et il a également

  4   essayé de parler à Franjo Tudjman, le président de la Croatie. Toutefois,

  5   l'oxygène n'est jamais arrivé à Banja Luka, parce qu'à l'époque Banja Luka

  6   - Bosanski Brod, Modrica, Doboj, Knin, et cetera - était isolée

  7   physiquement du reste du monde.

  8   Q.  Je ne sais pas si tout figure bien au compte rendu, tout ce que vous

  9   venez de dire. Quelle a été la réponse d'Alija Izetbegovic ?

 10   R.  Il n'a pas donné de réponse. C'est ce que le Dr Ilic a affirmé dans le

 11   film qui a été réalisé sur cet événement, car le treizième bébé a survécu,

 12   bien qu'il se soit trouvé dans un état critique.

 13   Q.  Et qu'a-t-on demandé à Alija Izetbegovic ?

 14   R.  Eh bien, on lui a demandé de prendre cette décision, à savoir que de

 15   l'oxygène soit envoyé à Banja Luka. Et pas seulement de l'oxygène,

 16   d'ailleurs, d'autre matériel médical. Du matériel de dialyse, notamment.

 17   Q.  Merci.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Examinons maintenant la pièce P3714.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant, Monsieur le Témoin,

 20   comment avez-vous obtenu ces informations ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette partie de la Bosanski Krajina et de la

 22   Krajina serbe était physiquement coupée du reste. J'y habitais à l'époque,

 23   j'avais été blessé, et ils ont dû m'emmener en vélo chez le médecin. Il n'y

 24   avait plus de carburant. Il n'y avait plus d'aliments et il y avait de

 25   nombreuses autres nécessités qui n'étaient pas satisfaites.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question était de savoir comment vous

 27   aviez obtenu ces informations concernant le problème de fourniture

 28   d'oxygène. Comment l'avez-vous su ? Qui vous l'a dit ?


Page 32774

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai appris il y a deux ans dans ce film

  2   "Un souffle de vie" qui a été réalisé et qui portait justement sur cet

  3   incident, et le Dr Ilic témoigne à ce sujet. Et le secrétaire général de

  4   l'époque, Boutros Boutros-Ghali, a également participé, et j'ai apporté la

  5   dernière évaluation.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant. Maître Lukic, en effet, nous

  7   avons entendu des éléments à propos de cet incident. Mais demander au

  8   témoin de bien vouloir résumer ce qu'il aurait appris dans un reportage de

  9   la télévision il y a deux ans n'aide pas beaucoup la Chambre.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'en avais entendu

 11   parler déjà avant.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai demandé comment vous l'aviez

 13   appris et vous m'avez dit : Je l'ai appris il y a deux ans. Mais vous

 14   n'avez pas eu de connaissances directes de l'événement, n'est-ce pas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'information fiable. Si, le Dr Ilic

 16   m'en a parlé directement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, pourquoi ne pas me l'avoir dit

 18   lorsque je vous ai posé la question de savoir d'où vous tiriez

 19   l'information ? Quand avez-vous rencontré le Dr Ilic ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons travaillé ensemble à l'époque, dans

 21   les années 1990. Je travaillais au sein du système sanitaire, j'y étais

 22   conseiller. Toutefois, je pensais que les informations publiques étaient

 23   plus fiables.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas à vous de juger de la

 25   fiabilité des informations dont vous disposez. Votre rôle consiste à nous

 26   informer sur les connaissances directes et l'expérience qui sont les

 27   vôtres. Ceci jette une lumière supplémentaire --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie de votre conseil, Monsieur le


Page 32775

  1   Président. Je n'ai aucune expérience devant un tribunal.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien compris.

  3   Maître Lukic, poursuivez.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, à l'époque, les médias en ont-ils parlé ?

  6   R.  Bien entendu. Cela a fait les gros titres. Toutefois, la presse n'est

  7   pas allée bien loin. A l'époque, il n'y avait pas d'électricité. Les gens

  8   écoutaient les nouvelles à l'aide de petits transistors…

  9   Q.  Merci.

 10   M. LUKIC : [interprétation] P3714, je demanderais à ce qu'on l'affiche à

 11   l'écran, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après le compte rendu, vous aviez

 13   demandé 3174.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi, 3714.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "14". Eh bien, peut-être qu'il y a une

 16   erreur au compte rendu, page 33, ligne 23.

 17   Veuillez poursuive.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  Ce document vous a également été présenté.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Nous avons besoin de la page 2 dans la version

 21   en anglais et de la page 3 dans la version en B/C/S. C'est un document du

 22   commandant du 1er Corps de la Krajina qui date du 28 juillet 1992. Excusez-

 23   moi, c'est la page précédente qui m'intéresse dans la version en anglais.

 24   Il nous faut le numéro 3.

 25   Q.  Vous voyez ici ce numéro 3, le paragraphe 3. On vous a posé des

 26   questions à ce sujet. Voici ce que dit ce paragraphe :

 27   "Dans la ville de Banja Luka et autres villes de taille importante, la

 28   demande devient de plus en plus pressante en faveur d'un départ de la


Page 32776

  1   population croate et musulmane, et la chose s'organise."

  2   Savez-vous d'où venaient ces demandes appelant au départ de cette

  3   population ?

  4   R.  Je crois que cela venait de citoyens appartenant aux groupes ethniques

  5   croate et musulman. Beaucoup avaient peur de ne plus pouvoir vivre

  6   convenablement.

  7   Q.  Et avez-vous quelle que information que ce soit sur la manière dont ce

  8   départ a été organisé ? Ou était-il désorganisé ? Comment quittait-on la

  9   Krajina ?

 10   R.  C'était tout à fait désorganisé, les choses étaient absolument

 11   impossibles parce que tant que le couloir n'a pas été percé, nous étions

 12   enfermés de toutes parts. Et la peur de la mort était aussi forte car on

 13   craignait qu'il n'y ait plus rien à manger, parce que l'on se fichait bien

 14   des Serbes, des Croates ou des Musulmans ou de qui que ce soit d'autre. La

 15   seule possibilité de se déplacer, c'était le long du couloir vers la Serbie

 16   ou par Gradiska et enfin pour arriver en Croatie. C'était le seul moyen.

 17   Q.  Merci.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Examinons maintenant le document P6976.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question avant de laisser de côté ce

 20   sujet.

 21   Avez-vous une explication qui nous ferait comprendre pourquoi ce document

 22   ne parle que des Croates et des Musulmans et de leur départ ? Cela signifie

 23   que les Serbes ne craignaient pas pour leur vie à l'époque à Banja Luka ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes n'avaient pas le droit de partir.

 25   Ils ne pouvaient partir que de façon illégale, ou par la petite porte

 26   pouvaient-ils obtenir les papiers nécessaires au départ, car c'est la

 27   Republika Srpska qui s'est autoproclamée compétente pour ce territoire. En

 28   revanche, la Republika Srpska n'a jamais forcé les Croates et les Musulmans


Page 32777

  1   de rester ou bien de rejoindre l'armée. Parfois, ils l'ont rejointe tout de

  2   même de façon volontaire.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc les Serbes n'avaient pas le droit

  4   de partir pourquoi, sur la base de quoi ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ils ne pouvaient pas voyager

  6   librement et ils étaient tous obligés de participer au travail des

  7   institutions ou bien de faire partie de l'armée qui a mobilisé les Serbes

  8   dans l'armée à l'époque. Parce que c'était la guerre, la mobilisation était

  9   obligatoire, même si on n'avait pas encore proclamé à l'époque un état de

 10   guerre proprement dit.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci concerne peut-être les gens qui

 12   tombaient sous le coup de la mobilisation, mais ici on parle des Croates,

 13   des Musulmans, de la population au sens large du terme, et je vous ai posé

 14   la question au sujet des Serbes, pas au sujet des Serbes aptes à combattre.

 15   Ils n'avaient pas le droit de voyager ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, les femmes, les personnes

 18   âgées, n'avaient pas le droit de voyager ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Les seuls qui avaient le droit de voyager

 20   étaient ceux qui devaient voyager pour leur travail ou bien s'ils avaient

 21   besoin de soins médicaux.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Croates et les Musulmans, est-ce

 23   qu'ils avaient le droit de voyager, eux ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Librement ? Non. Mais ils voulaient partir

 25   vers des pays tiers. Mais ils n'étaient pas obligés de le demander.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout ceci n'explique pas pourquoi ce

 27   rapport de combat quotidien parle exclusivement des Croates et des

 28   Musulmans, alors que vous dites que les Serbes ne pouvaient pas voyager non


Page 32778

  1   plus. J'essaie de comprendre pourquoi ce document ne parle pas de toute la

  2   population qui souhaite partir, mais parle uniquement de la population

  3   croate et musulmane.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, vous savez, les Serbes ne demandaient

  5   pas souvent de partir, ou, plutôt, ils ne le demandaient pas du tout.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comment le savez-vous ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vivais là-bas à l'époque, enfin je vis

  8   depuis toujours là-bas. J'ai toujours vécu là-bas.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Lukic.

 10   M. LUKIC : [interprétation]

 11   Q.  Je vais essayer de vous poser encore quelques questions à ce sujet.

 12   Pourriez-vous me dire de quelle façon un Serbe pouvait partir ? Que devait-

 13   il obtenir pour partir vers la Serbie ?

 14   R.  Il fallait qu'il ait une bonne raison pour partir, parce que la Serbie

 15   aussi a une politique d'immigration qui ne permettait pas facilement aux

 16   gens de s'y installer, qu'il fallait qu'il y ait une raison bien forte. Ils

 17   pouvaient peut-être partir pour une raison médicale, il fallait qu'ils

 18   prouvent que ce besoin dépassait les moyens de la Republika Srpska.

 19   Q.  Fallait-il avoir des documents pour cela, des permis ?

 20   R.  Oui, il fallait avoir des permis spéciaux pour cela. On n'avait pas de

 21   passeports, on ne pouvait pas faire de passeports, vu que la Republika

 22   Srpska n'était pas un pays reconnu par la communauté internationale. Et

 23   c'était un facteur qui limitait nos moyens, donc les Serbes ne pouvaient

 24   partir que s'ils disposaient de documents spécifiques répondant à un besoin

 25   spécifique.

 26   Q.  Autrement dit -- ou plutôt, je vais vous demander d'examiner avec moi

 27   le document P6976.

 28   Dans ce document, M. Brdjanin parle aussi. Vous allez voir qu'il parle un


Page 32779

  1   peu plus loin dans le texte. Mon collègue vous a déjà montré ce document. A

  2   la première page, vous pouvez voir que M. Radic parle. Et vous avez dit à

  3   son sujet que c'était un homme intègre et honnête. Voici ce qu'il dit ici.

  4   La septième ligne à peu près. On voit donc qu'il fait un discours. Voici ce

  5   qu'il dit :

  6   "Les victimes de cette guerre sont nos enfants. Les victimes de l'autre

  7   guerre étaient nos frères, nos sœurs, nos pères et nos mères. Les victimes

  8   de la guerre d'avant cela étaient nos grands-pères et nos pères, et de la

  9   guerre d'avant encore, nos arrière-grands-pères. Mais l'objectif de tous

 10   était de vivre avec son peuple avec l'aide du Dieu, rien d'autre, en

 11   harmonie, en reconnaissant aux autres peuples exactement les mêmes droits."

 12   Vous étiez un journaliste et au cours de votre travail, ne vous est-il

 13   jamais arrivé que l'on vous demande de dire que les autres peuples ne

 14   devaient pas vivre avec les Serbes dans la Republika Srpska ?

 15   R.  Non, on ne nous a jamais donné cette instruction. Je dirais même que la

 16   Republika Srpska avait proclamé que c'était un pays des citoyens. Et je

 17   pense que dans la constitution, on dit que cette concession a été adoptée

 18   par le peuple serbe et les autres peuples vivant sur le territoire de

 19   l'Etat.

 20   Q.  Ici, on voit la date du 21 août 1994. Et on dit que le rassemblement de

 21   Srpska Sloga [phon] a été diffusé sur les ondes. Ce rassemblement a eu lieu

 22   à Banja Luka. Au bout de deux années de guerre, M. Radic dit que les autres

 23   peuples jouissent des mêmes droits que le peuple serbe. Est-ce que vous

 24   savez s'il a changé d'avis avant la fin de la guerre ?

 25   R.  Non. Et c'est pour cela, entre autres, que le 2 janvier 1996, il a été

 26   reçu par le président Bill Clinton comme l'un des hommes politiques les

 27   plus raisonnables, les plus modérés de la Republika Srpska.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Maintenant, on va voir un document 65 ter


Page 32780

  1   11306. Je ne sais pas si ceci figure déjà parmi les pièces à conviction.

  2   Ici, on a parlé des cellules de Crise qui n'existent plus. Il nous faut la

  3   page 3, deuxième paragraphe en anglais. Et en B/C/S, la troisième colonne,

  4   le deuxième paragraphe.

  5   Q.  Il s'agit de la conférence de presse du ministre de la Défense, Bogdan

  6   Subotic, publiée dans la publication "Glas" le 17 juillet 1992, donc au

  7   début de la guerre.

  8   Ici, on début du deuxième paragraphe, la troisième colonne, on peut

  9   lire :

 10   "A l'intérieur des frontières de la République serbe de Bosnie-

 11   Herzégovine vont rester tous les citoyens qui acceptent ce pays, cet Etat

 12   comme leur Etat et qui vont tous jouir des mêmes droits de citoyens."

 13   L'auteur de cette conférence de presse est M. Solaja.

 14   R.  C'est moi-même.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire qui lisait cette publication, "Glas" ?

 16   R.  C'est une publication qui existait depuis 50 ans à l'époque, on pouvait

 17   l'acheter dans des kiosques. Tout le monde lisait "Glas" à l'époque.

 18   Q.  Et en ce qui concerne "Krajiski Vojnik" ?

 19   R.  "Krajiski Vojnik" c'était la publication du 1er Corps de la Krajina. Il

 20   était distribué dans les unités, mais on pouvait aussi l'acheter dans des

 21   kiosques parce qu'il était présent dans les points de vente.

 22   Q.  Et qui était le lecteur de base de "Krajiski Vojnik" ?

 23   R.  Tout le monde. Bon, j'ai dit que c'était tout d'abord une publication

 24   destinée aux soldats du 1er Corps de la Krajina, mais ce n'était pas de la

 25   propagande. C'était un moyen d'information, un moyen d'informer les soldats

 26   des informations importantes. C'était notre approche, parce qu'on s'était

 27   dit qu'il n'était pas besoin de propager la propagande auprès de ces

 28   soldats, qu'il fallait leur dire la vérité. Nous voulions dépeindre les


Page 32781

  1   faits tels qu'ils se sont produits. On n'était pas là comme un instrument

  2   de la propagande politique, on était là pour informer des faits.

  3   Q.  Merci.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Maintenant, je vais demander à voir P7192.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous voulez verser le

  6   dernier document ?

  7   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Parce qu'il était sur la

  8   liste.

  9   M. TRALDI : [interprétation] Pas d'objection.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document va recevoir la cote D925.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D925 est versé au dossier.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Lukic, peut-on vérifier le

 14   numéro ? Parce que vous avez dit 79…

 15   M. LUKIC : [interprétation] Je demande à voir le document 7192.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Voilà.

 18   Q.  Je suis en train de vous montrer ce document vraiment pour vous

 19   rafraîchir la mémoire. Il s'agit là du remplacement du rédacteur en chef de

 20   "Glas". A la page 17 du compte rendu d'aujourd'hui, ligne 12, vous avez dit

 21   que la Republika Srpska venait d'être créée à la suite d'un processus au

 22   cours duquel les trois groupes ethniques n'ont pas réussi à se mettre

 23   d'accord sur l'avenir de Bosnie-Herzégovine. Moi, je l'ai entendu dire, ce

 24   n'est pas quelque chose qui se trouve dans le compte rendu d'audience. Est-

 25   ce que vous vous souvenez de ce que vous avez dit par la suite au sujet de

 26   la création des institutions ?

 27   R.  Le système fédéral des institutions yougoslaves s'est dissolu, et le

 28   système du fonctionnement des institutions de la République socialiste de


Page 32782

  1   Bosnie-Herzégovine ne fonctionnait plus non plus. Sur une partie du

  2   territoire, où il y avait donc une administration territoriale auto-

  3   organisée, les unités locales ont commencé à fonctionner, et c'est comme

  4   cela que la Republika Srpska a été créée avec une constitution, et ceci, à

  5   partir de 1992. Donc les cellules de Crise et la RAK, c'étaient des phases

  6   intermédiaires en attendant que les institutions se mettent en place.

  7   Q.  Et est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la raison du

  8   remplacement du rédacteur en chef de "Glas" ?

  9   R.  Je ne sais pas. Je pense que cela n'avait rien à voir avec cela. Il est

 10   arrivé souvent qu'on remplace des gens à leurs postes, surtout quand il

 11   s'agit de ce genre de postes.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 13   Pourriez-vous nous dire, alors, quelle a été la raison de son

 14   remplacement ? Quels étaient les problèmes internes éventuels ? De quoi

 15   s'agissait-il ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient les problèmes qui prévalaient à

 17   l'intérieur du Parti démocratique serbe. Il s'agissait d'une question de

 18   lutte pour le pouvoir à l'intérieur du parti. Et c'étaient vraiment des

 19   luttes internes qui n'avaient rien à voir avec les événements externes,

 20   avec la situation. Il s'agissait de problèmes personnels, je dirais, et un

 21   des problèmes les plus graves était d'établir qui était la personne grâce à

 22   laquelle l'on a réussi à percer le corridor, et des gens se sont auto-

 23   appropriés cette qualité.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit "Je pense". Maintenant, je

 25   vous ai posé une question très précise au sujet justement de ce rédacteur

 26   en chef. Est-ce qu'il a fait quelque chose qui n'est pas bien ? Est-ce que

 27   les autres ont dit qu'il a fait quelque chose qui n'est pas bien ? Est-ce

 28   que vous savez quelle a été la situation le concernant, lui ?


Page 32783

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il disait que c'est grâce à lui

  2   qu'on a pu percer le corridor. Mais que je sache, c'était une opération de

  3   l'armée de la Republika Srpska, et il y a eu des divergences politiques au

  4   niveau du SDK, justement, qui était au pouvoir. Mais vous savez, je n'ai

  5   jamais été membre du parti, donc je n'ai jamais été versé dans ces choses-

  6   là.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous dites que vous pensiez qu'il

  8   s'est vanté que c'était grâce à lui et d'autres cercles que l'on a pu

  9   percer le corridor. Mais pourquoi vous dites cela ? Le saviez-vous ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je l'ai dit sur la base de ce que

 11   l'on écrivait ces jours-là dans "Glas", où l'on disait que ce sont les

 12   paramilitaires qui ont percé le corridor. Je pense que c'est justement lui

 13   qui disait cela. Alors que de l'autre côté, il était clair qu'il s'agissait

 14   là d'une grande opération militaire. Mais vous savez, moi, je n'ai eu accès

 15   qu'à des rumeurs parce que ces cercles politiques, les cercles du parti,

 16   étaient assez fermés.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous ne savez pas du tout si cela

 18   avait quoi que ce soit à voir avec la dissolution de la cellule de Crise,

 19   parce que vous n'aviez pas vraiment d'information directe à ce sujet ? Ce

 20   que vous savez, cela relève de rumeurs ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître Lukic.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 24   Q.  Je vais vous donner lecture de quelque chose qui figure au compte

 25   rendu d'audience et vous me dites si c'est bien écrit. A la page 44, ligne

 26   21, on peut lire :

 27   "…je pense que c'est lui qui disait cela, qui disait que c'étaient grâce

 28   aux paramilitaires."


Page 32784

  1   Est-ce que c'est lui qu'il disait ou bien ce n'est pas lui qui le

  2   disait ?

  3   R.  Non, ce n'est pas lui qui le disait. C'était une conviction reliée

  4   auprès d'un certain nombre d'hommes politiques du SDS.

  5   Q.  Merci. Maintenant, nous allons examiner le document P7193. C'est

  6   une lettre qui a été envoyée à Daniel Salvatore Schiffer par M. Radovan

  7   Karadzic. On y dit que les Serbes sont prêts à libérer tous les prisonniers

  8   de Manjaca si la Croix-Rouge internationale est prête à les accueillir et

  9   les envoyer vers des pays tiers. Est-ce que vous savez ce que les

 10   prisonniers à Manjaca voulaient obtenir ?

 11   R.  Ils ont demandé à partir vers des pays tiers. Je pense qu'un grand

 12   nombre d'entre eux sont partis à Londres par avion, en partant de Banja

 13   Luka. Je pense que c'étaient des blessés, des gens qui n'étaient pas en

 14   bonne santé, parce que Daniel Schiffer est venu à l'époque et c'est en sa

 15   présence que le camp a été fermé.

 16   Q.  D'où tenez-vous cette information, à savoir que ce sont les gens

 17   enfermés à Manjaca qui avaient demandé cela ?

 18   R.  Je le dis sans doute parce qu'ils sont partis à Londres par avion.

 19   C'était un gros avion russe.

 20   Q.  Mais vous, personnellement, vous avez parlé avec les gens de Manjaca de

 21   cela ou non ?

 22   R.  Non, je n'ai pas eu la possibilité de leur parler de cela. A l'époque,

 23   ce n'était pas vraiment quelque chose qui m'intéressait. Vous savez,

 24   c'était une époque très chargée d'avènements, et on avait beaucoup d'autres

 25   choses à faire.

 26   Q.  Merci.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Il y a encore deux documents qui m'intéressent.

 28   Il y en a un que nous allons pouvoir terminer avant la pause. P7194. Dans


Page 32785

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 32786

  1   ce document, c'est la quatrième page en anglais qui nous intéresse et la

  2   troisième page en B/C/S.

  3   Q.  Donc c'est le document où il y a des choses biffées. On parle des

  4   conditions qui prévalaient dans Omarska et qui n'étaient pas adéquates,

  5   qu'il n'y avait pas des conditions sanitaires, d'hygiène, et cetera, et

  6   qu'il y avait pas mal de gens là-dedans. Et dans la suite du paragraphe, on

  7   peut lire :

  8   "Cependant, nous sommes obligés de les utiliser, entre autres parce que

  9   l'autre partie n'est absolument pas intéressée à procéder à un échange de

 10   prisonniers."

 11   Vous avez travaillé dans le journal du 1er Corps de la Krajina, est-ce que

 12   c'est grâce à cela que vous avez pu avoir des informations indiquant que la

 13   partie adverse n'était pas intéressée par un échange éventuel ?

 14   R.  Bon, à l'époque, le journal n'était même pas publié. Le premier numéro,

 15   qui avait le numéro 11, n'est sorti qu'au mois de novembre.

 16   Q.  Merci. 

 17   M. LUKIC : [interprétation] Maintenant, je vais demander à avoir le

 18   document P7195.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de faire cela. Bien sûr que nous

 20   voyons qu'il y a pas mal de choses écrites à la main ici, et le témoin a

 21   parlé de cela. Mais les Juges de la Chambre voudraient savoir quel est

 22   vraiment le statut de ce document ? Qu'est-ce qu'en pensent les parties ?

 23   M. TRALDI : [interprétation] Ce que je peux vous dire, c'est que nous

 24   l'avons reçu d'une source média plutôt du gouvernement de la Republika

 25   Srpska. Il a été envoyé tel quel. Et il s'agit de l'agence SRNA.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on sait qui a écrit cela ?

 27   Est-ce que le document est arrivé tel quel ou bien est-ce qu'ils ont ajouté

 28   ces choses ajoutées à la main ?


Page 32787

  1   M. TRALDI : [interprétation] Je ne connais pas la réponse. Je peux poser la

  2   question et vous répondre le plus rapidement possible.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai bien remarqué que vous n'avez cité

  4   que les parties qui n'ont pas été biffées dans l'original.

  5   Maître Lukic, est-ce que vous avez quoi que ce soit à ajouter à ce sujet ?

  6   Parce que tout à l'heure je pense que vous n'avez pas soulevé d'objection

  7   quant au versement éventuel de ce document, et il nous manque encore des

  8   informations pour évaluer la valeur probante de ce document.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Je ne l'ai pas fait parce que j'ai bien vu qu'à

 10   la première page il y avait un sceau.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais quelle est votre position par

 12   rapport à ce document, alors ? Est-ce que ce texte a été donné à l'agence

 13   de presse avec ces annotations ou sans les annotations ?

 14   M. LUKIC : [interprétation] Nous n'avons pas de connaissances à ce sujet.

 15   Nous ne savons pas si cela a été fait en amont ou après.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné que vous interrogez le

 17   témoin en ce moment en rapport avec ce document, vous admettez qu'il s'agit

 18   d'un article de presse qui a été émis, avec ou sans les annotations, à un

 19   certain moment ?

 20   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La situation est claire. Je vous

 22   remercie.

 23   Veuillez procéder.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que nous sommes

 25   arrivés à l'heure de la pause, mais nous pouvons en terminer en quelques

 26   minutes…

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, terminez en quelques minutes,

 28   je vous prie.


Page 32788

  1   M. LUKIC : [interprétation] Nous avons besoin de l'affichage de la pièce

  2   P7195. Il s'agit d'une transcription de vidéo.

  3   Q.  On vous dit qu'entre le 5 et le 7, les fils de fer barbelé ont été

  4   retirés. La journaliste Penny Marshall avait déjà dit qu'au moment où elle

  5   filmait ces images à la date du 7 août 1992, la visite était strictement

  6   supervisée. Vous voyez ce passage ? Je vous demande, par conséquent, si les

  7   journalistes pouvaient parler en toute liberté aux personnes qui se

  8   trouvaient à Trnopolje ou si les journalistes étaient toujours escortés par

  9   quelqu'un, par une ou plusieurs personnes en armes ? Quelle a été votre

 10   impression ? Cette visite était-elle strictement supervisée ?

 11   R.  Tous les journalistes s'exprimaient librement. Il y avait 40

 12   journalistes à Trnopolje. Ils remplissaient un autobus entier. Il y avait

 13   aussi une escorte, mais cette escorte était là uniquement afin de les

 14   escorter pour garantir la sécurité des journalistes. Et pourrais-je ajouter

 15   encore quelques mots ?

 16   La Serbie et la Republika Srpska étaient soumises à des sanctions des

 17   Nations Unies et à un embargo à ce moment-là, et l'attitude de la

 18   population vis-à-vis de tout ce qui pouvait être qualifié "d'étranger"

 19   était particulièrement négative. Je l'ai indiqué dans ma déclaration

 20   écrite. Notre intention principale était de sauvegarder les journalistes de

 21   façon à ce que rien de négatif ne leur arrive. Je puis dire avec fierté,

 22   d'ailleurs, qu'aucune menace à la sécurité physique des journalistes ne

 23   s'est produite dans notre secteur. Il y avait des voitures civiles qui

 24   circulaient devant et derrière l'autobus.

 25   Q.  Encore un point. S'agissant de ce que vous savez de ces zones de

 26   sécurité encerclées par des fils de fer barbelé, quelle est la zone que

 27   vous avez pu voir de vos yeux à la date du 7 ?

 28   R.  Je ne me rappelle pas de fil de fer barbelé. Je me rappelle d'une


Page 32789

  1   clôture en fil de fer. N'importe qui pouvait voir dans certains coins un

  2   peu de fil de fer barbelé au-dessus d'une clôture. Tout ça était ancien et

  3   rouillé. Je sais que la zone entière, en tout cas, n'était pas clôturée à

  4   l'aide de fil de fer barbelé. Il y avait une clôture qui était déjà très

  5   ancienne, qui datait d'avant. Il y avait là une école ou un centre de

  6   jeunesse et, en général, ce genre d'installations était encerclé par des

  7   fils de fer.

  8   Q.  Quelle était la hauteur de cette clôture ?

  9   R.  Cela dépendait. La plupart du temps, la hauteur était faible et, dans

 10   certains coins, elle était un peu plus élevée, probablement dans les coins

 11   qui faisaient face à la forêt. Mais je veux dire, je ne sais pas. Tout cela

 12   s'était fait beaucoup de temps auparavant. Je n'y ai pas vraiment réfléchi

 13   de façon détaillée.

 14   Q.  Lorsque vous dites "plus faible" pour la hauteur, de combien plus

 15   faible ?

 16   R.  Nos clôtures mesurent en général un mètre, un mètre 20 de haut. C'est

 17   classique chez nous dans nos régions, c'est à peu près ce que faisait tout

 18   le monde.

 19   Q.  Et quelles étaient les parties qui n'étaient pas encerclées du tout par

 20   la clôture ?

 21   R.  Il y en avait plus de la moitié, à mon avis.

 22   Q.  Je vous remercie, Monsieur Solaja. C'étaient toutes les questions que

 23   j'avais à vous poser.

 24   R.  Je vous remercie également.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est possible que j'aie quelques

 26   brèves questions à ajouter.

 27   Tout d'abord, voici ma première question : finalement, lorsque vous vous

 28   êtes trouvé sur place le 7 août, si je vous ai bien compris, est-ce que


Page 32790

  1   vous avez vu quelque part du fil de fer barbelé ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me suis trouvé sur place qu'une fois.

  3   Et, pour autant que je le sache, je n'en ai pas vu. Je n'ai pas vu de

  4   clôtures en fil de fer barbelé. Je n'ai pas vu cela. Chez nous, c'est assez

  5   classique de faire des clôtures surplombées par une rangée de fil de fer

  6   barbelé. Mais moi, je n'en ai pas vu, si vous comprenez ce que je veux

  7   dire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Monsieur le Témoin, je ne vous

  9   demande pas d'évoquer des faits. Je vous demande simplement si vous avez

 10   vu, pas dans votre jardin personnel, mais si là-bas vous avez vu du fil de

 11   fer barbelé lorsque vous étiez à Trnopolje le 7 août ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pourtant, vous avez fait des

 14   commentaires sur le fait que le fil de fer barbelé était rouillé. Alors,

 15   sur quoi fondez-vous votre connaissance quant au caractère rouillé du fil

 16   de fer barbelé ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais d'une clôture métallique, du fil de

 18   fer --

 19   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, il a parlé de fil de fer. Si on a dit

 20   fil de fer barbelé, c'est une erreur qu'il convient de corriger.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends qu'il y a peut-être eu

 22   malentendu sur ce point. Bien. Tout est clair.

 23   Encore un point. Je cherche un éclaircissement au sujet du paragraphe 31 de

 24   votre déclaration.

 25   Paragraphes 30 et 31 de votre déclaration écrite.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Qui est devenu la pièce D924.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai déjà introduit ma question. Vous

 28   nous avez dit qu'il n'y avait pas de camps à Banja Luka en expliquant que,


Page 32791

  1   quel que soit l'endroit où ces camps aient pu se situer, ils n'étaient pas

  2   organisés par les autorités de Banja Luka. Puis, au paragraphe 30, vous

  3   dites qu'il y avait un fait terrible, à savoir que plusieurs cas de

  4   meurtres ont eu lieu qui n'ont été discutés ouvertement que plus tard. Et

  5   puis, un peu plus loin dans le texte, vous dites que vous êtes au courant

  6   d'un certain nombre de meurtres.

  7   Au paragraphe 31, ensuite, vous déclarez :

  8   "Même à l'époque, tout cela a été résolu et il a été prouvé que la

  9   motivation était la cupidité."

 10   Alors j'essaie de comprendre de quels meurtres exactement vous

 11   parlez. Les deux meurtres auxquels vous faites référence, je crois, ne sont

 12   pas des meurtres qui sont évoqués dans l'acte d'accusation. Dans l'acte

 13   d'accusation, nous trouvons un certain nombre d'incidents dans lesquels,

 14   parfois, un certain nombre de personnes ont été tuées, et ce nombre varie

 15   d'un incident à l'autre.

 16   Alors, puisque vous parlez de meurtres ici, est-ce que vous parlez

 17   d'une zone bien circonscrite ou est-ce que vous parlez de meurtres qui

 18   intégreraient les meurtres incluent par le Tribunal dans les actes

 19   d'accusation et dans les charges retenues contre l'accusé ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je connais deux cas. J'ai connu

 21   personnellement ces personnes et la police chargée d'empêcher le crime a

 22   déclaré que ces meurtres étaient liés à des vols.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ceci concerne deux cas de meurtres,

 24   mais pas de façon générale les meurtres qui aient été commis dans cette

 25   période dans l'ensemble de la zone élargie ou proche de Banja Luka,

 26   Prijedor et Sanski Most. Vous n'expliquez aucun autre meurtre que les deux

 27   que vous venez d'évoquez précisément ici. Vous ai-je bien compris ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez compris correctement. Ce sont les


Page 32792

  1   cas dont j'ai eu connaissance.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   Monsieur Traldi, quelques questions supplémentaires ?

  4   M. TRALDI : [interprétation] Très rapidement, Monsieur le Président. Cinq

  5   minutes ou moins.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, continuez pendant cinq minutes.

  7   Veuillez procéder.

  8   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Traldi :

  9   Q.  [interprétation] D'abord, Monsieur, vous avez évoqué des prisonniers de

 10   Manjaca dont vous avez déclaré qu'ils avaient été emmenés à bord d'un avion

 11   jusqu'au Royaume-Uni. Les prisonniers, au moment de la fermeture de

 12   Manjaca, étaient un millier qui ont été envoyés en Croatie par bus et

 13   plusieurs centaines qui ont été transférés à Batkovic et à Kula dans le

 14   cadre du système créé par les Serbes de Bosnie et dissimulés à la Croix-

 15   Rouge, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je suis au courant du convoi qui a pris la direction de la Croatie,

 17   mais je ne suis pas au courant de ce que vous avez dit pour les autres

 18   camps. Et je crois que ce n'est pas réaliste, car la Croix-Rouge a tenu des

 19   dossiers très précis. Et Schweizer est quelqu'un que j'ai connu, un

 20   représentant de la Croix-Rouge.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, on ne vous a pas

 22   interrogé pour connaître votre avis sur le caractère réaliste de quoi que

 23   ce soit. Nous vous avons compris comme ayant déclaré que vous étiez au

 24   courant du transport vers la Croatie et que vous ne saviez rien des autres

 25   transports. Vous avons-nous bien compris ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez très bien compris.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Monsieur Traldi.

 28   M. TRALDI : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage en tant que


Page 32793

  1   dernier élément du document 65 ter numéro 02362.

  2   Q.  Il s'agit du procès-verbal de la 22e Séance de l'assemblée des Serbes

  3   de Bosnie qui a rapport avec le commentaire que vous avez fait dans les

  4   questions supplémentaires concernant la nature civile de l'Etat bosno-serbe

  5   et avec la référence que vous avez faite à des Serbes et d'autres

  6   populations désignées dans la constitution.

  7   M. TRALDI : [interprétation] Page 77 sur les écrans, je vous prie. Bas de

  8   la page pour la version anglais. Et page 75, bas de la page, pour la

  9   version B/C/S.

 10   Q.  Nous voyons en bas de page et à la fin de ce qui est défini comme étant

 11   les remarques faites par le président de l'assemblée, que nous sommes

 12   arrivés au point 10 de l'ordre du jour, il s'agit d'un projet de loi

 13   relevant d'un citoyen et de quelqu'un qui porte le nom de Milojevic, qui

 14   s'exprime. Il décrit ici dans la version anglaise la grande importance de

 15   ce projet de loi pour l'Etat. Et si nous passons à la page suivante pour la

 16   version anglaise, nous lisons ce que dit Milojevic qui décrit son souci par

 17   rapport à ce projet de loi dans les mots suivants :

 18   "D'abord, il y a contravention avec la constitution. L'article premier de

 19   la constitution stipulant : 'La Republika Srpska est l'état du peuple

 20   serbe.' Point final."

 21   Alors, est-ce que vous étiez au courant de cette position, que la Republika

 22   Srpska était l'Etat du peuple serbe ?

 23   R.  Il s'agit là d'un député qui s'exprime et je ne saurais m'identifier à

 24   ses propos. C'est sa position personnelle, et il y a là une assemblée qui

 25   formule une position générale.

 26   Q.  Et votre position consiste-t-elle à dire que la constitution de la

 27   Republika Srpska ne parle pas uniquement de l'Etat d'un peuple serbe ?

 28   R.  Est-ce que vous pourriez être plus clair dans votre question ? Je ne


Page 32794

  1   l'ai pas comprise ?

  2   Q.  Absolument. Ce que je vous dis, c'est que cet homme n'est pas en train

  3   de présenter une position personnelle. Il déclare que l'article premier de

  4   la constitution stipule que la Republika Srpska est l'Etat du peuple serbe.

  5   Donc, il est censé citer la constitution. Vous êtes au courant de

  6   l'existence de cette disposition dans la constitution également, n'est-ce

  7   pas ?

  8   R.  Compte tenu de ce que j'ai dit précédemment, j'ai parlé de ce peuple et

  9   d'autres citoyens également.

 10   Q.  Ensuite, il ajoute :

 11   "Les citoyens de la Republika Srpska obtiendront la citoyenneté de la

 12   Republika Srpska, ce qui implique que ce sera le cas de tout le monde, et

 13   il ajoute ensuite : 'Je pense qu'il faudrait parler des Serbes.'"

 14   M. TRALDI : [interprétation] Excusez-moi. Sur l'écran, il serait bon de

 15   revenir à la page précédente en anglais et passer à la page suivante en

 16   B/C/S. Je n'ai pas été assez précis dans mes demandes de pages, et je vous

 17   prie de m'en excuser.

 18   Donc, au paragraphe 3 en B/C/S, nous voyons que cet homme évoque le fait

 19   que les Serbes ne pourraient pas immédiatement obtenir la citoyenneté de

 20   Slovénie ou de Croatie, et qu'en Croatie, c'est le Parlement qui décide

 21   quels Musulmans sont en droit d'accéder à la citoyenneté. Ensuite, il

 22   demande que la loi soit modifiée et que les projets soient annulés. Et si

 23   nous regardons un peu plus bas, nous voyons les remarques de M. Krajisnik

 24   dans la partie qui nous intéresse, qui se trouve au milieu, et il déclare :

 25   "C'est la raison pour laquelle nous avons décidé que la citoyenneté devait

 26   revenir aux Serbes, puisque notre république est une république civile."

 27   Un peu plus bas, nous voyons les propos de M. Milijanovic, qui déclare :

 28   "Je pense que nous avons besoin de faire un effort pour que le texte de


Page 32795

  1   cette loi soit aussi court et clair que possible."

  2   Si nous passons à la page suivante en anglais, dont je demande l'affichage.

  3   Et nous voyons au bas de la page en B/C/S' que le président déclare :

  4   "L'objection de M. Milijanovic et sa proposition sont valables."

  5   Page suivante en B/C/S, je vous prie. Donc, la loi est renvoyée au

  6   ministère en charge de son amélioration.

  7   Q.  Et la vérité, c'est que la constitution évoque la Republika Srpska

  8   comme étant l'Etat du peuple serbe dans son article premier et que la

  9   politique de citoyenneté a été conçue pour promouvoir la citoyenneté serbe

 10   et que, selon les propos de M. Krajisnik, la citoyenneté doit être serbe

 11   parce que la république est serbe, n'est-ce pas ?

 12   R.  Eh bien, je peux vous présenter ici ma position personnelle, le cas

 13   échéant, à savoir que je ne suis pas au courant de ce débat au Parlement à

 14   l'époque, qui a eu lieu très trop le 23 ou le 24 avril 1992. Donc, d'après

 15   ce que je vois dans cet article concernant les Serbes et les autres

 16   citoyens, ces autres citoyens existaient et faisaient l'objet du débat.

 17   Donc, je maintiens ma position selon laquelle la constitution rend compte

 18   de la position selon laquelle le pays était le pays de Serbes et d'autres

 19   citoyens. Et, après tout, c'est ce qui figure également dans la

 20   constitution moderne. Je pense que le Parlement est en train de discuter et

 21   que cette discussion ne peut pas aboutir à une conclusion. Et je

 22   demanderais simplement qu'on me montre ce que j'aurais dû voir à l'époque.

 23   Il s'agit simplement d'un débat parlementaire et, finalement, il est censé

 24   mener à certaines décisions.

 25   Q.  Eh bien, ici, nous avons vu que cette discussion a conduit à un renvoi

 26   du projet de loi. Je vais maintenant vous poser une dernière question, qui

 27   est la suivante : parler des Serbes et des autres, en ne désignant que les

 28   Serbes par leurs noms, donne bien une priorité aux Serbes, n'est-ce pas ?


Page 32796

  1   R.  Je ne serais pas d'accord avec vous sur ce point.

  2   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

  3   demanderais que ce procès-verbal de la séance de l'assemblée soit

  4   enregistré aux fins d'identification. Nous chercherons un accord sur ce

  5   point avec la Défense. De même, parce que cela a été discuté dans cette

  6   séance de l'assemblée et en raison également des réponses fournies par le

  7   témoin aux questions supplémentaires, j'admets que je n'ai pas vérifié le

  8   statut de la constitution, mais nous vérifierons si l'article premier

  9   comporte bien le libellé évoqué avant de revenir devant la Chambre.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Compte tenu des derniers commentaires,

 11   j'invite le témoin à s'expliquer brièvement sur les raisons qui font qu'il

 12   n'est pas d'accord avec M. Traldi pour dire que les Serbes ont une primauté

 13   dans le texte tel que cité.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est la façon classique dont un

 15   préambule de constitution est rédigé, à savoir que selon la constitution,

 16   en tout cas, tous les citoyens jouissent de droits égaux.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, j'aimerais qu'un

 18   numéro soit donné à cette partie du procès-verbal de la séance de

 19   l'assemblée.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document devient, Monsieur le

 21   Président, Messieurs les Juges, la pièce P7196.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enregistré aux fins d'identification.

 23   Monsieur Solaja, ceci met un point final à votre déposition. La Chambre

 24   tient à vous remercier vivement d'avoir couvert une si longue distance pour

 25   venir jusqu'à La Haye répondre à toutes les questions qui vous ont été

 26   posées par les deux parties, ainsi que par les Juges de la Chambre, et la

 27   Chambre vous souhaite un bon retour à votre domicile. Vous pouvez sortir de

 28   la salle en suivant M. l'Huissier.


Page 32797

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.

  3   M. TRALDI : [interprétation] Quelques mots pour garantir qu'il n'y ait

  4   aucune question évoquée au compte rendu d'audience qui n'ait pas trouvé

  5   réponse. J'ai rapidement vérifié le texte de la constitution, à savoir la

  6   pièce P3007 et donc, nous de demanderons pas à procéder davantage sur ce

  7   point à l'avenir.

  8   [Le témoin se retire]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous allons faire une pause. Nous

 10   reprendrons nos débats à midi 35.

 11   --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.

 12   --- L'audience est reprise à 12 heures 36.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, j'aimerais évoquer

 14   brièvement une partie des questions de calendrier soulevées récemment. La

 15   question la plus urgente concerne la semaine suivant la Pâque orthodoxe,

 16   c'est-à-dire la semaine, Maître Lukic, du lundi 13 avril.

 17   La Chambre a réfléchi à la possibilité d'utiliser le jeudi et le

 18   vendredi. Des suggestions assez semblables ont été faites par l'Accusation.

 19   Nous avons décidé que nous n'allions siéger ni le jeudi ni le vendredi. En

 20   d'autres termes, nous ne siégerons aucune journée de cette semaine. Cela ne

 21   veut pas dire qu'il s'agira d'une semaine chômée, car vous aviez demandé

 22   une semaine -- en tout cas, du temps supplémentaire afin de vous préparer à

 23   la réouverture de la présentation des moyens à charge.

 24   Nous n'avons pas encore vu vos écrites à ce sujet, mais nous

 25   envisagions de libérer la semaine en question de toutes les manières. Cela

 26   signifie donc que vous disposerez d'un délai supplémentaire pour vous

 27   préparer à ce qui nous attendra après la semaine en question. Nous verrons

 28   par la suite -- si nous prolongerons cette période, nous statuerons sur la


Page 32798

  1   question en fonction des arguments des parties.

  2   Autre question de calendrier, elle concerne la semaine qui débutera

  3   le 26 mai. Il me semble que nous avons déjà traité de cette question. Il

  4   n'aura pas d'audience au cours de cette semaine-là, même si l'on siégera un

  5   vendredi supplémentaire lors de la première semaine du mois de juin. Pas de

  6   modification par rapport à la décision que nous avions prise à cet égard.

  7   La Défense est-elle prête à poursuivre ?

  8   M. IVETIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. La

  9   Défense appelle à la barre M. Bojan Subotic. Pas de mesure de protection

 10   pour ce témoin, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on fasse

 12   entrer le témoin dans le prétoire.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Subotic.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant d'entamer votre déposition, le

 17   Règlement exige de votre part que vous prononciez la déclaration solennelle

 18   qui vous est tendue par M. l'Huissier.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Je déclare solennellement que je dirai

 20   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   LE TÉMOIN : BOJAN SUBOTIC [Assermenté]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous asseoir, Monsieur Subotic.

 24   Monsieur Subotic, en général, les écouteurs bougent moins si vous les

 25   placez bien sur le dessus de votre tête. Monsieur Subotic, c'est Me Ivetic,

 26   que vous voyez à votre gauche, qui va vous poser les premières questions.

 27   Me Ivetic est un des représentants de la Défense de M. Mladic.

 28   Maître Ivetic, allez-y.


Page 32799

  1   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Interrogatoire principal par M. Ivetic :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je demanderais à ce que vous

  4   décliniez votre identité afin qu'elle figure au compte rendu d'audience.

  5   R.  Je m'appelle Bojan Subotic.

  6   Q.  Avez-vous eu la possibilité de faire une déclaration écrite aux membres

  7   du conseil de la Défense de M. Mladic ?

  8   R.  Oui.

  9   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche à l'écran le

 10   document 1D01645 dans le système du prétoire électronique.

 11   Q.  Monsieur, je vous demanderais de bien vouloir examiner la version

 12   originale en serbe de ce document et nous dire à qui appartient la

 13   signature qui figure à la première page de ce document.

 14   R.  C'est la mienne.

 15   Q.  Je remarque qu'il y a une différence dans l'année de naissance entre la

 16   version en B/C/S et la version en anglais. Pourriez-vous nous préciser

 17   quelle est exactement votre date et votre année de naissance ?

 18   R.  Ma date de naissance exacte est le 12 décembre 1972. C'est la version

 19   serbe qui est correcte, l'autre est fausse.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Je demanderais maintenant à ce que l'on

 21   affiche la dernière page de ces deux versions.

 22   Q.  On y voit une signature. Pourriez-vous me dire à qui elle appartient ?

 23   R.  C'est également la mienne.

 24   Q.  Et la date qui est inscrite ici correspond-elle au souvenir que vous

 25   avez de la date à laquelle vous avez signé cette déclaration ?

 26   R.  Oui, je crois que c'est la bonne, oui. Oui, c'était en juin,

 27   effectivement.

 28   Q.  Après avoir signé cette déclaration, avez-vous eu la possibilité de la


Page 32800

  1   relire afin de vérifier que les propos qui étaient repris étaient

  2   effectivement ce que vous aviez tenus ?

  3   R.  J'ai eu la possibilité de l'examiner en diagonale. J'y ai constaté

  4   quelques coquilles ou que la chronologie des événements n'était pas

  5   nécessairement respectée, mais globalement tout y était.

  6   Q.  Bien. Examinons certaines de ces coquilles avec vous brièvement.

  7   Deuxième page, dans les deux langues au paragraphe numéro 1, je constate

  8   que la traduction en anglais comporte une erreur dans la date de naissance.

  9   Il faut remplacer 1965 par 1972 conformément à la version serbe de cette

 10   déclaration, comme nous l'avons fait précédemment ?

 11   R.  En effet, vous avez raison.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La version chargée est 1972, si je ne

 13   m'abuse. Ah oui, autant pour moi, pardon, excusez-moi, autant pour moi.

 14   Veuillez poursuivre.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Examinons maintenant la troisième page dans

 16   les deux langues.

 17   Q.  Paragraphes 11 et 12, dans quel ordre ces deux paragraphes devraient-

 18   ils se trouver pour refléter de manière exacte la chronologie des

 19   événements qui sont décrits ?

 20   R.  Il me semble que les paragraphes 11 et 12 devraient être inversés. Le

 21   paragraphe 11 devrait devenir le 12, et inversement. D'après ce dont je me

 22   souviens et d'après ce que j'ai dit au moment de la prise de ma

 23   déclaration, c'est dans cet ordre-là que ces deux paragraphes devrait se

 24   trouver. Peut-être qu'il y a eu inversement des deux paragraphes au moment

 25   où ma déclaration a été dactylographiée, je ne sais pas, mais j'ai parlé de

 26   la rencontre avec mon commandant, donc il faut remplacer le paragraphe 11

 27   par le 12, et le 12 par le 11.

 28   Q.  Bien. A l'exception de ces corrections, êtes-vous prêt à confirmer le


Page 32801

  1   reste de la déclaration tel que rédigé ?

  2   R.  Oui, pour ce que je vois à l'écran, oui.

  3   Q.  Bien. Si je devais vous reposer les mêmes questions aujourd'hui dans le

  4   prétoire sur les mêmes sujets que ceux abordés dans votre déclaration

  5   écrite, vos réponses seraient-elles essentiellement les mêmes que celles

  6   que l'on peut lire dans votre déclaration écrite ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Vous avez prononcé une déclaration solennelle qui vous contraint à dire

  9   la vérité aujourd'hui. Cela signifie-t-il que ce qui figure dans votre

 10   déclaration est également le reflet de la vérité ?

 11   R.  Oui.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 13   nous aimerions demander le versement au dossier du document 1D01645, il

 14   s'agit de la pièce suivante de la Défense. Aucun document n'est rattaché à

 15   cette déclaration.

 16   Mme HASAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pas

 17   d'objection.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, cote, s'il vous

 19   plaît ?

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D926.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D926 est versée au dossier.

 22   Maître Ivetic, j'aimerais toutefois revenir sur la chronologie des

 23   paragraphes 11 et 12.

 24   Vous dites que 12 doit passer avant le 11, mais au paragraphe 11, on

 25   vous donne pour instruction de procéder à une patrouille dans le secteur

 26   situé le long, et cetera, et au paragraphe 12, eh bien, la première phrase

 27   c'est  : "Pendant la patrouille, j'ai essuyé des tirs constants…". Si nous

 28   modifions l'ordre de ces paragraphes et que nous commençons par le 12, eh


Page 32802

  1   bien, on va trouver l'ordre de patrouiller après la conduite de la

  2   patrouille, ce qui n'est pas tout à fait clair dans mon esprit. Alors,

  3   pouvez-vous essayer de préciser les choses, comment pouvez-vous procéder à

  4   une patrouille dont l'ordre n'est donné que plus tard ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parlais que des consignes que m'a

  6   données mon commandant. Le paragraphe 11 dit qu'il était déjà là. Or, ce

  7   n'est pas le cas, à l'époque un soldat m'a dit qu'il  avait téléphoné et

  8   qu'il m'avait demandé de rester sur place, de reconstituer mon stock de

  9   munition, et de continuer à patrouiller. J'étais donc déjà en train de

 10   patrouiller, et je faisais l'objet de tirs nourris. Donc avant de

 11   rencontrer mon commandant, j'ai obtenu ce message par l'intermédiaire d'un

 12   autre soldat, et c'est ce que j'ai dit ici.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le soldat en question vous a dit

 14   qu'il avait téléphoné pour vous dire de rester sur place et de reconstituer

 15   votre stock de munitions, mais le voit-on quelque part aux paragraphes 11

 16   et 12 ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, relire tout cela ? Vous avez le

 17   texte à l'écran, je suppose comme nous.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Les paragraphes 11 et 12 ne mentionnent

 19   pas le soldat. Le soldat dont je parle, c'est un soldat qui se trouvait

 20   occuper la réception du bâtiment dans lequel je me suis replié lorsque j'ai

 21   pu fuir face à l'embuscade dans laquelle je me suis retrouvé avec mes

 22   hommes. L'intention était de récupérer le soldat en question, et de nous

 23   replier vers Milici, parce que j'étais confronté à une force, à un

 24   adversaire d'une taille considérable. Toutefois, ce soldat m'a fait savoir

 25   que le commandant, mon commandant, le commandant Malinic, lui avait dit que

 26   je ne devais pas bouger et qu'il arriverait sur place rapidement.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais au paragraphe 12, je lis que

 28   vous avez pris un groupe de 10 à 15 soldats musulmans, et qu'avec eux, vous


Page 32803

  1   êtes parti vers le commandement du bataillon. Alors, qu'avez-vous fait ?

  2   Vous êtes-vous replié ou avez-vous escorté des soldats prisonniers ou, en

  3   tout cas, des soldats qui s'étaient rendus et qui étaient désarmés au

  4   commandement du bataillon ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Au paragraphe 11, lorsque ce soldat me

  6   communiquait l'information dont il disposait, j'ai reconstitué mon stock de

  7   munitions et j'ai entendu que vers le stade, vers Konjevic Polje, des tirs

  8   importants avaient lieu. Je m'y suis rendu avec cinq soldats dans un

  9   véhicule de combat blindé, et je me suis retrouvé pris en embuscade. J'ai

 10   été touché, je ne sais plus trop avec quoi, mais mon véhicule de combat a

 11   été mis hors d'action. Et pendant cette embuscade, au cours de cette

 12   confrontation entre moi et les soldats musulmans, ces 13 ou 14 soldats, eh

 13   bien, au final donc, ils se sont rendus. Je ne sais pas combien ils étaient

 14   exactement, je ne les ai pas emmenés à la caserne ou à l'école, mais j'ai

 15   appelé un soldat de première classe, je ne sais plus quel était son nom

 16   pour venir les chercher, et j'avais aussi un homme blessé, et j'ai demandé

 17   à ce que l'on envoie chercher une ambulance.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il ne s'agit donc pas seulement de

 19   modifier la chronologie mais d'ajouter une quantité assez considérable

 20   d'informations à ces paragraphes. Alors, voyons où se trouve l'ambulance --

 21   aux paragraphes 11 et 12, dites-vous, en quel que endroit que ce soit que

 22   vous avez été blessé et que l'on a appelé une ambulance ? Je ne vois aucune

 23   référence à tout cela dans les paragraphes 11 et 12.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas moi qui ai été blessé; l'un

 25   de mes hommes. Et j'ai appelé ce sergent première classe qui était sur

 26   place je lui ai dit de venir et de s'occuper des prisonniers et, dans le

 27   même temps, je lui ai demandé d'entrer en contact avec le service médical

 28   de Milici, et c'est vrai que je n'en parle pas dans ma déclaration, mais


Page 32804

  1   c'est vrai que j'avais un soldat blessé sur les bras et j'ai sollicité une

  2   aide médicale pour lui. Toutefois, cette aide médicale n'est jamais

  3   arrivée. Et c'est moi qui ai transporté ce soldat blessé jusqu'à ce

  4   sergent.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et quand avez-vous alors parlé aux

  6   soldats qui s'étaient rendus ? Vous ne les avez pas accompagnés jusqu'au

  7   commandement du bataillon. Quand leur avez-vous parlé ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur place là où ils s'étaient rendus.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'essaie simplement de comprendre

 10   le changement dans l'ordre des paragraphes que vous recommandez.

 11   Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Je vais donner lecture du résumé de la

 13   déclaration.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Bojan Subotic est devenu membre de du 65e

 16   Régiment de Protection motorisée de la VRS en décembre 1992 et a occupé

 17   divers postes, y compris celui de commandant de la section antiterroriste

 18   et de la police militaire.

 19   Il se souvient qu'au cours de la première moitié du mois de juillet 1995,

 20   alors qu'il se trouvait de permanence au commandement du Bataillon de la

 21   Police militaire à Nova Kasaba, une femme s'est présentée à eux pour dire

 22   que sa maison et les environs de chez elle était plein de soldats

 23   musulmans. Il s'est rendu sur place avec un autre soldat, et s'est retrouvé

 24   pris en embuscade, a essuyé des tirs musulmans, et a dû appeler un véhicule

 25   blindé pour se replier. A son avis, il se trouvait là environ 1 000 soldats

 26   ennemis équipés de dizaines de mitrailleuses.

 27   Ayant entendu des tirs de mitrailleuse et de mortiers provenant de la

 28   direction de Konjevic Polje, il est parti vers ce secteur dans le véhicule


Page 32805

  1   blindé car s'y trouvaient de nombreux civils. Son véhicule a essuyé des

  2   tirs et il a tiré des gaz lacrymogènes vers les bois. Les soldats musulmans

  3   se sont rendus à lui et lui ont parlé de conflit interne entre ceux qui

  4   avaient voulu se rendre et les commandants musulmans qui ne les avaient pas

  5   laissés faire et qui tuaient ceux qui faisaient part de leur souhait de se

  6   rendre. Il a utilisé le haut-parleur du véhicule pour appeler les Musulmans

  7   à se rendre et d'autres Musulmans ont suivi ce conseil.

  8   Trois des Musulmans en question ont été blessés et leurs plaies ont été

  9   pansées. Subotic, par radio, est entré en communication avec le

 10   commandement afin de demander une ambulance et une aide de façon à sauver

 11   leur vie puisqu'il restait encore des mouvements et des tirs d'hommes

 12   musulmans dans les bois. Même les soldats de la FORPRONU tiraient vers la

 13   forêt pour repousser l'attaque.

 14   Le témoin a finalement pénétré les bois avec les Musulmans et a été le

 15   témoin d'une vision horrible; plus de 500 personnes étaient mortes. Il a

 16   évacué certains des blessés qu'il a pu trouver. Toutes les personnes

 17   blessées et toutes celles qui s'étaient rendues se sont retrouvées au stade

 18   de football de Nova Kasaba. Il est allé leur apporter 100 à 150 miches de

 19   pain et toute la nourriture qui se trouvait sur la base.

 20   A un moment donné le général Mladic a parlé aux hommes, s'est fait

 21   applaudir des Musulmans. Il leur a dit que tout le monde serait logé et

 22   nourri et échangé contre les prisonniers serbes. Il a ordonné qu'ils soient

 23   transportés en toute sécurité dans des autocars vers Bratunac où les

 24   autorités civiles se chargeraient d'eux.

 25   Le témoin a escorté une colonne d'autocars transportant ces Musulmans vers

 26   l'école Vuk Karadzic de Bratunac où il les a remis aux représentants de la

 27   police civile.

 28   Voilà qui conclut la lecture de ce résumé de la déclaration du témoin.


Page 32806

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous des questions supplémentaires

  2   à poser au témoin, Maître Ivetic ?

  3   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Bien. Examinons la page 2 dans les deux

  6   versions.

  7   Q.  Et plus particulièrement le paragraphe 6. Monsieur Subotic, j'aimerais

  8   tout d'abord que vous nous parliez de cette femme qui s'est présentée à

  9   vous en disant que sa maison était pleine de Musulmans. La connaissiez-vous

 10   déjà ?

 11   R.  Oui, je la connaissais.

 12   Q.  A quel groupe ethnique appartenait-elle ?

 13   R.  Je pense qu'elle était Serbe. Oui, effectivement, elle était Serbe.

 14   Q.  Et où se trouvait sa maison ?

 15   R.  Elle était à l'ouest de notre commandement, à 200 à 300 mètres du

 16   bâtiment du commandement, c'est-à-dire l'école.

 17   Q.  Et que vous a-t-elle dit comment a-t-elle remarqué la présence de ces

 18   soldats musulmans chez elle et aux environs de sa maison ?

 19   R.  A l'époque, je me trouvais à la réception du commandement. Il devait

 20   être 7 heures, 7 heures et demie du matin, juste après le petit déjeuner.

 21   Elle est arrivée en courant, pieds nus et en état de panique. Et nous nous

 22   sommes dits que quelque chose avait dû lui arriver à elle ou à ses enfants,

 23   car il y avait eu plusieurs incidents au cours desquels, eh bien, les

 24   voisins étaient venus. Parfois il nous arrivait de nous occuper d'enfants

 25   pendant la nuit s'ils avaient de la température ou ce genre de chose, et

 26   c'est ce que je me suis dit lorsqu'elle est arrivée. Et lorsqu'elle a

 27   commencé à nous parler, elle nous a dit qu'ils étaient en train -- enfin

 28   ils étaient chez eux et soudain sa maison s'est retrouvée pleine de Turcs,


Page 32807

  1   et par cela elle entendait Musulmans. C'est comme cela que j'ai compris ce

  2   qui se passait. Elle a ajouté que ses enfants étaient restés dans la

  3   maison. Et elle ne me l'a pas dit à moi tout seul, elle l'a dit à d'autres

  4   également.

  5   Q.  Au paragraphe 7, vous dites que vous avez été pris en embuscade alors

  6   que vous vous rendiez chez elle. Pourriez-vous nous parler de cette

  7   embuscade et nous dire précisément ce qui s'est passé ?

  8   R.  Je n'ai pas reçu l'interprétation.

  9   Q.  Eh bien, je recommence. Au paragraphe 7, vous dites que vous avez été

 10   pris en embuscade alors que vous vous rendiez chez elle. Pouvez-vous nous

 11   dire exactement comment les choses se sont passées ?

 12   R.  Lorsqu'elle est arrivée pour dire que sa maison était pleine de

 13   Musulmans, j'étais donc dans la zone de réception. J'ai pris un soldat avec

 14   moi et nous sommes partis en patrouille de reconnaissance afin de voir si

 15   ce qu'elle disait était vrai, et j'ai ordonné à deux autres soldats de

 16   s'installer dans le véhicule de combat blindé et de se tenir prêts, contact

 17   mis, puisque c'est l'une des règles de travail de la police militaire.

 18   Je suis donc partir vers chez elle, c'est à environ 200 mètres, il y a une

 19   rivière qui s'appelle Jadar, et il y a un coude dans cette rivière. Et en

 20   traversant, j'ai vu qu'effectivement il y avait de nombreux soldats. Je ne

 21   savais pas qui ils étaient, je ne voyais pas leurs insignes, mais ces

 22   soldats m'ont tiré dessus. Il s'agissait de mitrailleuses. Même d'un

 23   mortier de 60 millimètres, un petit mortier d'infanterie.

 24   Q.  Au paragraphe 8, vous dites que vous avez vu environ 1 000 soldats

 25   musulmans, et vous avez estimé qu'ils étaient équipés de dizaines de

 26   mitrailleuses. Comment se fait-il que vous ayez pu voir tout cela ?

 27   R.  Eh bien, évidemment, j'ai moi aussi ouvert le feu lorsqu'ils ont

 28   commencé à me tirer dessus et mon soldat, celui qui m'accompagnait


Page 32808

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 32809

  1   également, mais nous n'avions pas beaucoup de munitions. Entre la rivière

  2   et la maison, il y a environ 150 mètres. Il se trouve que j'avais des

  3   jumelles, je les avais toujours avec moi. Elle nous avait dit qu'il y avait

  4   des hommes dans les bois, j'ai pris mes jumelles, et pendant un bref

  5   interlude j'ai commencé à rétorquer. Ils n'ont pas cessé les tirs; cela

  6   étant, ils ont commencé à se replier vers les bois. Ils n'avançaient pas

  7   donc vers moi. Ils sortaient de chez elle, puisqu'ils étaient à

  8   l'intérieur, comme elle l'avait dit, et ils ont commencé à se replier vers

  9   les bois.

 10   J'ai observé la situation pendant 15 à 20 secondes avec mes jumelles et il

 11   m'a semblé qu'il y avait environ 1 000 hommes. Je ne pourrais pas vous

 12   donner le chiffre exact. Bon, je suis allé assister à des matchs de foot,

 13   j'ai fréquenté les stades, mais je ne suis pas en mesure de vous donner une

 14   estimation précise de ce genre de foule. Je dirais 1 000 environ. Et j'ai

 15   compté 30 à 40 mitrailleuses. Et je peux faire la différence entre un fusil

 16   mitrailleur normal et une mitrailleuse. Et, à mon avis, il y avait environ

 17   50 mitrailleuses parmi ces 1 000 hommes. Ce groupe -- enfin, ce n'est pas

 18   vraiment un groupe, c'est une brigade.

 19   Q.  Et, à part cela, ils avaient d'autres types d'armement ?

 20   R.  Oui. Ils avaient des fusils, automatiques, semi-automatiques, armes

 21   caractéristiques des troupes d'infanterie. Ils avaient des grenades à main

 22   en poche, comme nous d'ailleurs. Donc ils avaient ces grenades dans leurs

 23   poches dans leurs gilets. Nous aussi, nous étions prêts à intervenir. Je

 24   pense que c'étaient des grenades de ce type. Il ne s'agissait pas

 25   d'armement plus lourd, à mon avis.

 26   Q.  Bien.

 27   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant passer à la page 3 dans

 28   les deux langues, paragraphes 10 et 11.


Page 32810

  1   Q.  Pourriez-vous nous dire comment et à quel moment vous avez pu entrer en

  2   contact avec le commandant Malinic et à quel moment il est arrivé à cet

  3   endroit ?

  4   R.  Mon commandant de bataillon, le commandant Malinic, il a été présent

  5   tout le temps. Cependant, au moment où cette femme est venue nous voir,

  6   quand je suis tombé dans l'embuscade, il n'était pas là. Je pense qu'il

  7   était à ce moment-là à Milici - une ville pas loin de Nova Kasaba - donc, à

  8   ce moment-là, avec deux autres officiers, ils sont allés prendre leur petit

  9   déjeuner. Quand j'ai appelé un blindé de transport de troupes pour nous

 10   faire sortir de l'embuscade, eh bien, il est arrivé en tirant sur le

 11   bosquet, sur les soldats de l'ennemi. Moi et ce soldat qui était avec moi,

 12   nous nous sommes retirés. Et je me suis dit qu'il fallait peut-être que je

 13   prenne le soldat qui était à l'entrée, les deux soldats hollandais qui

 14   avaient été à l'école, quelques cuisiniers et un autre soldat qui était en

 15   train de se retirer vers Milici, parce que j'ai vu que j'étais attaqué par

 16   une force assez importante.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez ralentir.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] En arrivant à l'accueil pour faire ce que je

 19   voulais faire, le soldat qui était à l'accueil m'a dit que le commandant

 20   Malinic était appelé au téléphone, et il m'a dit qu'il fallait que je

 21   trouve des munitions et que je l'attende là-bas. Je l'ai fait. Mais en

 22   essayant de me procurer des munitions, même ainsi que ce blindé de

 23   transport de troupes, on avait à peu près deux parures de combat, pas plus,

 24   parce qu'on était là pour assurer la sécurité de l'école. Donc j'ai entendu

 25   des tirs de mitrailleuse -- enfin, des combats très importants au niveau de

 26   Konjevic Polje et du stade de Nova Kasaba.

 27   Je me suis dit qu'il avait la population civile qui vivait dans la région,

 28   qu'il y avait des enfants et des vieillards là-bas. En ayant cela à


Page 32811

  1   l'esprit, moi et mes quatre soldats et ce blindé de transport de troupes,

  2   je me suis dirigé en direction de ce village. J'ai dit au soldat à

  3   l'accueil où j'allais. Je lui ai dit qu'il fallait d'abord un contact radio

  4   et qu'il fallait qu'il m'informe de l'arrivée de l'aide, donc, du

  5   commandant Malinic.

  6   M. IVETIC : [interprétation]

  7   Q.  Que s'est-il passé quand vous êtes parti vers la région de Konjevic

  8   Polje et du stade Nova Kasaba, à l'intérieur de ce blindé de transport de

  9   troupes ?

 10   R.  Après avoir traversé le point à Nova Kasaba, j'ai été touché. Le tir

 11   est venu du bosquet. Donc, c'étaient des tirs de mitrailleuse. Mais moi,

 12   j'ai été touché par une balle d'une arme antiblindée. Donc mon blindé était

 13   endommagé, mais légèrement, de sorte que je pouvais continuer à avancer. Ce

 14   sont les pneus qui ont été endommagés.

 15   Q.  Par rapport aux événements dans le paragraphe 12, où vous dites que

 16   l'on a tiré vers les bois six bidons de gaz lacrymogène, est-ce que vous

 17   pouvez nous dire à quel moment cela est-il arrivé, parce que vous avez dit

 18   que l'on vous a tiré dans le pneu de votre blindé de transport de troupes ?

 19   A quel moment ces événements se sont produits ?

 20   R.  Eh bien, justement à ce moment-là, parce que j'ai dit à mes soldats de

 21   sortir du blindé de transport de troupes pour éviter d'essuyer d'autres

 22   tirs. Mais j'ai aussi ordonné de tirer six grenades de gaz lacrymogène de

 23   ce véhicule en direction du bosquet, parce qu'on nous a tiré dessus à

 24   partir de cet endroit-là. Et vous savez, ce gaz lacrymogène, en fait, il

 25   fait partie intégrante de l'équipement de tout blindé de transport de

 26   troupes.

 27   Q.  Pourriez-vous parler plus lentement.

 28   Donc vous avez commencé à nous raconter comment on vous a tiré


Page 32812

  1   dessus, pourquoi vous disposiez de ce gaz lacrymogène, et vous avez dit que

  2   ces bidons de gaz faisaient partie, en fait, de l'équipement.

  3   R.  Mais non, ce ne sont pas vraiment des "bidons". Ce sont des paquets de

  4   40 millimètres, des récipients de 40 millimètres de ce gaz que vous trouvez

  5   dans tout blindé de transport de troupes, et leur utilisation est pour

  6   disperser les manifestations, et c'est utilisé par la police militaire.

  7   Bon, ils peuvent mettre hors combat, hors état d'action les gens, sans pour

  8   autant être mortel.

  9   Q.  Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez décidé d'utiliser ces gaz

 10   lacrymogène ? Quel était votre motif ?

 11   R.  Eh bien, j'ai décidé de faire cela pour deux raisons. Tout d'abord, je

 12   n'avais pas vraiment d'armes lourdes pour me défendre mis à part la

 13   mitrailleuse montée sur le blindé de transport de troupes, et nous avions

 14   aussi nos fusils. Et puis, aussi, le gaz lacrymogène, vous savez,

 15   immobilise l'ennemi. Et puis, j'ai voulu me couvrir aussi, j'ai voulu créer

 16   de la fumée, parce que j'ai bien compris qu'il fallait vraiment sortir de

 17   là, et j'ai voulu gagner du temps.

 18   Q.  Et tout cela a duré combien de temps avant que vous ne puissiez

 19   rejoindre votre base à l'école ?

 20   R.  Donc je suis parti de l'école, mon soldat a été blessé, il y a eu cette

 21   embuscade, et ensuite on a tiré le gaz lacrymogène. Mais tout cela n'a pas

 22   duré plus qu'une heure et demie, deux heures. Je ne me souviens pas

 23   exactement de cela.

 24   Q.  En ce qui concerne les événements que vous avez décrits dans le

 25   paragraphe 11, pourriez-vous nous dire ces événements dont on vient de

 26   parler - à savoir, le tir de grenade du gaz lacrymogène et tous ces

 27   événements qui ont duré à peu près une heure et demie ou deux heures - où

 28   est-ce qu'on les situe dans le temps par rapport aux événements décrits


Page 32813

  1   dans le paragraphe 11, à savoir le contact avec Malinic ?

  2   R.  Cette femme est venue à l'entrée à 7 heures et demie à peu près. Moi,

  3   je suis entré en contact pour la première fois avec le commandant Malinic

  4   après la capture de ces 15 soldats musulmans. Donc, tout cela a eu lieu à

  5   10 heures, 10 heures 30.

  6   Q.  Et si l'on examine à présent -- mais tout d'abord, pouvez-vous nous

  7   dire comment se fait-il que ces dix à 15 premiers soldats musulmans se sont

  8   rendus à vous ?

  9   R.  Après avoir tiré les grenades du gaz lacrymogène en direction du

 10   bosquet, le tir de l'ennemi s'est pratiquement arrêté. Bon, ils ont été

 11   anéantis par le gaz. Sans doute qu'ils n'avaient pas de masques. Quand je

 12   suis sorti pour voir dans quelle mesure mon véhicule était endommagé, et

 13   puis j'ai voulu aussi secourir le soldat touché par une balle, ce groupe

 14   s'est rendu en sortant de sous le pont de la rivière Jadar. Ils sont sortis

 15   avec leurs bras en l'air de sous le pont.

 16   Q.  Vous avez pris, donc, le haut-parleur et vous avez appelé les autres

 17   Musulmans à se rendre. A quel moment cela s'est-il produit, surtout quand

 18   on situe cela par rapport au moment où l'on endommagé le blindé de

 19   transport de troupes et au moment où vous avez utilisé le gaz lacrymogène ?

 20   A quel moment vous avez appelé pour la première fois les Musulmans à se

 21   rendre ?

 22   R.  Eh bien, ils ont commencé à se rendre avant même que j'en donne

 23   l'ordre. Ils sont sortis sur la route à côté du blindé de transport de

 24   troupes, et ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai compris qu'il s'agissait de

 25   soldats musulmans, parce que j'ai bien vu ce qui était écrit sur leurs

 26   brassières. Parce que je ne savais même pas qui nous tirait dessus.

 27   Car au cours des combats du matin, les forces de la FORPRONU ont tiré

 28   en direction du bosquet. On ne savait vraiment pas qui nous a attaqués. En


Page 32814

  1   parlant avec eux après qu'ils se sont rendus, après un quart d'heure à peu

  2   près, ils m'ont expliqué qu'en réalité, nous avons été attaqués par toute

  3   la 28e Division, donc la division de Srebrenica.

  4   Q.  Et vous avez utilisé à quel moment ce haut-parleur ? A ce moment-

  5   là ou un peu plus tard ? Avant ou après avoir eu des contacts avec le

  6   commandant Malinic, vous-même personnellement ?

  7   R.  J'ai utilisé ce haut-parleur immédiatement. Ce sont les soldats

  8   musulmans qui m'ont demandé de le faire, parce qu'ils m'ont dit qu'il y

  9   avait encore des gens dans les collines qui voulaient se rendre. Ils

 10   m'avaient même donné leurs noms, leurs prénoms. Moi, je me suis rappelé que

 11   je pouvais les appeler à venir se rendre parce que j'avais ce haut-parleur.

 12   Tout d'abord, je leur ai dit de ne pas nous tirer dessus puisqu'il y avait

 13   aussi leurs hommes qui étaient chez nous, et donc j'ai commencé à appeler

 14   les noms qu'ils m'ont donnés. Bon, est-ce qu'ils nous ont donné les noms

 15   des membres de leurs familles ou de leurs camarades ? Je ne sais pas. Donc

 16   je commençais à utiliser le haut-parleur déjà à ce moment-là.

 17   Q.  Si on examine le paragraphe 16 de la déclaration - et c'est la

 18   page 4 en serbe qui m'intéresse - donc, ces soldats, est-ce qu'ils vous ont

 19   parlé de leurs commandants qui étaient en train de tuer les gens qui

 20   voulaient se rendre ? Est-ce qu'ils vous ont donné des détails, des

 21   informations, au sujet de l'identité de leurs commandants ?

 22   R.  Ce premier groupe, non. En revanche, le deuxième groupe qui s'est

 23   rendu, ils m'ont parlé de leurs commandants. Ils ont parlé d'un certain

 24   Tursunovic. C'était leur chef, leur commandant, je ne sais pas. Ils se sont

 25   plaints de ce type.

 26   Q.  Bien.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que je peux vous

 28   poser une question.


Page 32815

  1   Tout à l'heure, vous avez parlé des forces de la FORPRONU, et vous avez dit

  2   :

  3   "…deux de ces soldats, il y en a un qui a tiré en direction du bois car

  4   nous ne savions pas qui était en train de nous attaquer."

  5   Mais ils se trouvaient où exactement, ces soldats de la FORPRONU ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient chez nous dans le commandement du

  7   bataillon, là où j'étais, au même endroit.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ils sont restés au sein du

  9   commandement ou sont-ils partis à un moment donné ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont passé toute la journée au

 11   commandement. Ils ont ouvert le feu au moment où j'étais en train de me

 12   réapprovisionner en munitions. Au cours de la première attaque, ce matin-

 13   là, nous étions tous en train de boire du café au niveau de la réception.

 14   Et quand on a commencé à nous tirer dessus à partir du bois, moi je suis

 15   allé auprès de la rivière, ensuite j'ai réussi à sortir de là, et quand je

 16   suis revenu, tout le bâtiment était sous le tir.

 17   Un de ces soldats nous a demandé une arme. Je lui ai donné mon fusil. Il

 18   était dans les tranchées au niveau de la réception avec mon soldat, et ils

 19   tiraient ensemble, tous les deux, parce que nous ne savions pas qui nous

 20   tirait dessus. Tout ce que l'on savait, c'est que l'on nous tirait dessus

 21   depuis ce bosquet.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ils sont restés au niveau du

 23   commandement. Ils ne se sont jamais mis dans un véhicule avec vous et vos

 24   hommes ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Ils sont restés dans le

 26   commandement.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi étaient-ils dans le

 28   commandement ? Pourquoi les soldats de la FORPRONU se trouvent au milieu de


Page 32816

  1   votre commandement ? Pourquoi, que faisaient-ils là-bas ? Prendre le petit

  2   déjeuner avec vous ? Boire du café avec vous ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils sont venus nous voir la veille et nous ont

  4   demandé de l'aide. Ils avaient des problèmes avec nos soldats -- ou des

  5   paramilitaires. Bon, ils disaient que c'étaient des paramilitaires. Ils ont

  6   dû leur prendre leurs armes, leurs véhicules. Donc, la veille de cet

  7   incident, ils sont venus nous voir, on les a reçus et ils nous ont demandé

  8   de l'aide. Ils nous ont demandé de les aider, de les protéger ainsi que

  9   leur équipement.

 10   Deux véhicules sont arrivés. Cependant, pendant la nuit, un véhicule

 11   est parti avec deux ou trois membres de la FORPRONU, alors que ce véhicule

 12   avec deux autres membres sont restés dans la base. On a joué aux cartes

 13   ensemble, on a mangé. Je ne sais pas pourquoi ils étaient venus exactement,

 14   mais je sais qu'ils avaient demandé de l'aide à la police militaire.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sont-ils venus avec un véhicule de

 16   l'ONU ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ont-ils utilisé ce véhicule ? Est-ce

 19   que vous avez utilisé ce véhicule un moment donné ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais oui. Ce véhicule était garé avec nos

 21   armes, et leurs armes étaient dans le véhicule. Le véhicule était fermé à

 22   clé. Ils avaient la clé du véhicule. Je sais qu'il y en avait un qui

 23   voulait aller chercher son arme dans le véhicule, mais le tir était si

 24   intense qu'il est sûr qu'il n'aurait pas survécu à cette traversée. C'est

 25   pour cela qu'il m'a demandé de lui donner mon arme.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand j'ai demandé "si l'on a utilisé ce

 27   véhicule", j'ai voulu vous demander si qui que ce soit l'a utilisé ou l'a

 28   conduit quelque part ?


Page 32817

  1   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il est resté là, que vous le sachiez,

  3   pendant toute la période ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le véhicule est resté là-bas même après

  5   leur départ. Ils ne se sentaient pas en sécurité dans ce véhicule, parce

  6   que ce n'était pas un véhicule blindé. Donc ils voulaient être transportés

  7   à bord de notre véhicule blindé, c'est pour cela que je les ai accompagnés,

  8   alors qu'ils nous ont laissé leur véhicule.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ils vous ont laissé leur véhicule. Ils

 10   vous ont fait cadeau de ce véhicule…

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais non, non, ce n'était pas un cadeau. Ils

 12   ont reçu un certificat de mon commandant, et munis de ce certificat, de ce

 13   reçu, ils ont laissé le véhicule dans notre commandement. Ils ont peut-être

 14   reçu, je ne sais pas ce que c'était, une espèce de certificat parce qu'ils

 15   ne voulaient pas voyager à bord de ce véhicule parce que cet axe de

 16   communication, Nova Kasaba-Konjevic Polje-Potocari, faisait l'objet de

 17   combat et ils ne se sentaient pas en sécurité dans ce véhicule, si j'ai

 18   bien compris, donc ils voulaient voyager à bord d'un véhicule blindé

 19   jusqu'à Potocari. Et ils voulaient être escortés.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je posais ces questions parce que

 21   soudain la FORPRONU est apparue dans votre déposition et je ne savais pas

 22   très bien comment comprendre cette apparition soudaine.

 23   Maître Ivetic, je vous prie.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Une précision que j'aimerais demander

 25   au témoin, je vous prie.

 26   Monsieur le Témoin, vous avez évoqué le deuxième groupe de soldats

 27   musulmans qui s'est rendu à vous et à votre unité, en déclarant que ces

 28   hommes avaient prononcé un nom ou quelque chose qui ressemblait à leur chef


Page 32818

  1   ou leur commandant. Pouvez-vous répéter le nom de ce commandant ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je les ai bien compris à ce

  3   moment-là, et j'en ai bien gardé le souvenir, ils ont prononcé le nom d'un

  4   certain Tursunovic, ils l'appelaient souvent Tursun, Tursunovic, qui

  5   semblait être un commandant important. Maintenant, son prénom, je ne sais

  6   vraiment pas. Mais pour l'essentiel, ils ont prononcé Tursunovic.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Maître Ivetic.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Eh bien, pour en terminer sur la FORPRONU, puisque nous avons commencé

 11   à en parler, page 7 de la déclaration écrite du témoin dans les deux

 12   langues, paragraphe 39 de cette déclaration, vous y dites avoir escorté ces

 13   hommes jusqu'à votre base à Potocari. Alors, ma première question est la

 14   suivante : qui vous a demandé d'escorter ces hommes jusqu'à Potocari ?

 15   R.  L'ordre que j'ai reçu est venu de mon commandant, le commandant

 16   Malinic. Il m'a demandé de préparer ce matin-là un blindé pour accomplir ma

 17   mission, et ce blindé c'était un transport de troupes, ma mission

 18   consistant à escorter deux membres de la FORPRONU qui retournaient à leur

 19   base à Potocari. Qui lui a donné cet ordre et lui a demandé d'agir ainsi,

 20   je ne le sais vraiment pas.

 21   Q.  A qui est-ce que vous avez remis les représentants du personnel de la

 22   FORPRONU à votre arrivée à Potocari ?

 23   R.  Eh bien, moi, je ne les ai remis à personne. Nous sommes arrivés à leur

 24   base où un officier nous attendait. Et je me rappelle qu'il avait des

 25   moustaches. Est-ce que c'était un soldat ou pas ? Il avait un uniforme de

 26   camouflage et il portait des moustaches. Il faisait quelque chose, je ne

 27   sais pas quoi exactement. Ils nous ont dit au revoir, et je me souviens

 28   même qu'il a prononcé le mot "au revoir" en serbe. Ils nous ont remercié et


Page 32819

  1   ils sont restés à leur base de Potocari. Quant à nous, nous sommes

  2   retournés à notre base.

  3   Q.  J'aimerais que nous passions à la page 4 dans les deux langues,

  4   paragraphe 22 de votre déclaration écrite. Vous dites dans ce paragraphe

  5   avoir donné aux Musulmans qui se trouvaient dans le stade des vivres que

  6   vous aviez à la caserne et vous être fourni du pain dans les magasins, 100

  7   à 150 miches de pain. Est-ce que le fait d'avoir commandé ce pain dans ces

  8   magasins a eu quelque conséquence ?

  9   R.  Oui. Plusieurs groupes se sont rendus à moi ce jour-là. Et le plus gros

 10   problème, c'était un problème d'eau, parce que ce jour-là il faisait

 11   vraiment une chaleur insupportable. Je ne me rappelle pas avoir jamais vécu

 12   une chaleur pareille de toute ma vie. Et le deuxième problème, c'étaient

 13   les vivres. Nous avions du pain et quelques rations pour 48 heures, donc je

 14   me souviens très bien que nous les avons partagés avec eux. Et le

 15   commandant Malinic m'a donné l'ordre de me rendre à Pilica. En utilisant

 16   mon laissez-passer officiel de policier militaire, j'ai pu donc ainsi

 17   obtenir du pain dans les boulangeries. Ce jour-là, je suis donc allé à

 18   Milici, je suis rentré 15 à 20 minutes plus tard, il était déjà entre midi

 19   et 13 heures, et il n'y avait pas beaucoup de pain parce qu'en général le

 20   pain se vend plutôt le matin.

 21   J'ai obtenu 150 à 200 miches de pain, je les ai données aux prisonniers de

 22   guerre, qui les ont partagées entre eux. Maintenant, je ne sais pas

 23   exactement, mais deux ou trois ans plus tard, le bureau du procureur de la

 24   ville de Vlasenica m'a demandé à venir parce qu'une plainte au pénal avait

 25   été déposée contre moi. J'étais accusé de m'être emparé de pain chez les

 26   propriétaires de ces boulangeries parce qu'il est fort probable que mon

 27   armée n'avait jamais remboursé les boulangeries pour les pains que j'avais

 28   reçus, et j'ai été incapable de produire des récépissés de paiement. Ce


Page 32820

  1   jour-là, le jour où je me suis procuré les pains, la seule chose que

  2   j'avais, c'était mon laissez-passer officiel avec un numéro, donc c'était

  3   mon numéro personnel. Je suis allé au bureau du procureur de Vlasenica,

  4   j'ai raconté toute cette histoire, et à partir de là plus personne ne m'a

  5   convoqué.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais que l'huissier aide le

  7   témoin à ajuster ses écouteurs. Ils ne sont pas en place correctement.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Passons maintenant au paragraphe 23, page

  9   suivante de l'original serbe de la déclaration du témoin.

 10   Q.  A ce niveau de votre déclaration, Monsieur, vous dites que le seul

 11   problème que vous aviez par rapport aux Musulmans qui se trouvaient dans le

 12   stade de Nova Kasaba, c'était que certains civils d'appartenance ethnique

 13   serbe venaient dans le stade et protestaient. Pouvez-vous nous dire ce que

 14   faisaient exactement ces civils serbes ?

 15   R.  Eh bien, ils étaient des habitants de la région, disons de la région

 16   élargie de Nova Kasaba. Ils étaient une cinquantaine. Oui, c'est ça, à peu

 17   près 50. Et parmi eux, il y avait à peu près dix ou 15 hommes en âge de

 18   porter les armes, et puis il y avait aussi des enfants, des vieillards et

 19   des femmes. Donc nous avions un problème. Lorsque nous transférions des

 20   soldats musulmans qui avaient été faits prisonniers, ces personnes nous

 21   posaient un problème. D'abord, elles commençaient à jeter des pierres ou

 22   des briques sur les prisonniers, tout ce qu'elles pouvaient trouver sur la

 23   route aussi. Et ensuite, il nous fallait les aligner, et j'ai trouvé du gaz

 24   lacrymogène pendant que ces personnes étaient en train de jeter ces objets.

 25   Ces personnes menaçaient aussi, elles juraient, et cetera, mais nous avons

 26   réussi à les arrêter. En tout cas, nous avons réussi à leur faire cesser

 27   leurs activités et ils n'ont plus touché aux prisonniers et ont cessé de

 28   leur jeter des objets sur le corps.


Page 32821

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous comprenons que vous avez besoin de

  2   50 à 60 minutes. Soixante minutes, disons, que vous aviez besoin au départ,

  3   donc 20 minutes à partir de maintenant. Bien entendu, il conviendrait de

  4   poursuivre jusqu'à 13 heures 55, après quoi nous avons 20 minutes de pause,

  5   mais cela nous amènerait à la fin de la journée d'aujourd'hui. Quoi qu'il

  6   en soit, j'aimerais que, lorsque vous reprendrez votre contre-

  7   interrogatoire, vous sachiez qu'il vous reste dix minutes.

  8   Je ne suis pas tout à fait certain du temps dont vous aurez encore

  9   besoin.

 10   M. IVETIC : [interprétation] Puis-je avoir 18 minutes, Monsieur le

 11   Président ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dix-huit ?

 13   M. TRALDI : [interprétation] Dix-huit, oui, 1-8.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ah, j'avais lu 38 minutes au compte

 15   rendu.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Dix-huit à 20 minutes. Cela dépendra des

 17   questions qu'il me reste à poser.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Dix-huit minutes. Eh bien,

 19   veuillez vous consulter avec M. Mladic. Nous poursuivrons éventuellement

 20   pendant 18 minutes avant de lever l'audience d'aujourd'hui. Nous pouvons

 21   aussi faire la pause et travailler 20 minutes après. C'est à vous

 22   qu'appartient la décision.

 23   M. IVETIC : [interprétation] J'ai été autorisé à poursuive, donc c'est ce

 24   que nous allons faire.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Nous conclurons donc

 26   l'interrogatoire principal aujourd'hui et lèverons l'audience un peu plus

 27   tôt que d'habitude.

 28   Veuillez procéder.


Page 32822

  1   M. IVETIC : [interprétation]

  2   Q.  J'aimerais maintenant que nous passions aux paragraphes 18 et 19 de

  3   votre déclaration.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Page 1 de la version serbe, je crois. Oui.

  5   Q.  A ce niveau du texte, vous parlez du moment où vous êtes allé dans ce

  6   bosquet et où vous avez vu l'horrible spectacle de 500 soldats morts. Tout

  7   d'abord, pouvez-vous nous décrire la disposition géographique du terrain à

  8   l'endroit où se trouvaient ces cadavres ?

  9   R.  Eh bien, cela se trouvait à 3- ou 400 mètres de la route principale qui

 10   relie Nova Kasaba à Konjevic Polje. Et je crois, sur la base de mes

 11   souvenirs d'aujourd'hui, que le village s'appelait Jela, mais je n'en suis

 12   pas tout à fait sûr. C'était sur la droite de la route. Là, il y a des

 13   cours d'eau, des ruisseaux. Le terrain est très irrégulier, très compliqué.

 14   Donc il y a ces ruisseaux, il y a des bosquets, des bois, des ronces. Et en

 15   grimpant sur 200 mètres à peu près, on arrive jusqu'à un bois très touffu.

 16   Au bout de 200 mètres, on trouve une clairière. Quand vous traversez la

 17   clairière, sur la droite, vous voyez un cours d'eau assez important, et

 18   c'est là que j'ai mis le pied sur les premiers cadavres.

 19   Q.  Par rapport à ce que vous avez dit un peu plus tôt dans votre

 20   déclaration lorsque vous parliez des tirs intenses que vous avez entendus

 21   venir de plusieurs directions, est-ce que l'une de ces directions est celle

 22   où vous vous trouviez ? Un de ces endroits d'où vous avez entendu

 23   auparavant des échanges de tirs fournis ?

 24   R.  Oui, c'est de cette direction que j'avais entendu des tirs très nourris

 25   dans la matinée, et je ne comprenais pas très bien ce qui était en train de

 26   se passer. J'étais chef de patrouille ce jour-là, je patrouillais sur cette

 27   bande de terrain, et je savais qu'il n'y avait pas d'unité militaire

 28   suffisamment fournie de notre côté qui se trouvait là. Donc je ne


Page 32823

  1   comprenais pas très bien d'où provenaient ces tirs. Et plus tard, mes

  2   doutes ont été confirmés par tout ce qui s'est passé.

  3   Q.  Pourriez-vous décrire la façon dont les cadavres étaient disposés; est-

  4   ce qu'ils étaient tous au même endroit ? Et si ce n'était pas le cas, sur

  5   quelle étendue de terrain étaient-ils dispersés, ces 500 corps que vous

  6   avez vus ?

  7   R.  Eh bien, ils n'étaient pas tous au même endroit. Ils couvraient un

  8   rayon de 3-, 4-, voire 500 mètres. Je ne sais pas exactement. Je ne me

  9   rappelle pas parfaitement. Ils étaient dispersés en plusieurs endroits.

 10   Quelquefois il y avait deux corps l'un à côté de l'autre, quelquefois dix,

 11   quelquefois 50. Mais j'ai vu aussi des blessures très irrégulières sur

 12   leurs corps, comme si ces blessures avaient été causées par des obus ou des

 13   obus à fragmentation qui les auraient touchés comme si quelqu'un avait jeté

 14   des grenades dans leur direction. Et il y avait peu de ces cadavres qui

 15   avaient été touchés par des armes d'infanterie. Donc, quoi qu'il en soit,

 16   ils étaient dispersés en plusieurs lieux dans un rayon de 3-, 400 mètres.

 17   Lorsque je me suis rendu à cet endroit, j'étais accompagné de deux

 18   prisonniers musulmans parce que je ne connaissais pas ce lieu auparavant.

 19   Donc ce sont eux qui m'ont emmenés à cet endroit. Et en agissant ainsi, en

 20   me rendant là, je violais le code de police militaire parce que je n'aurais

 21   pas dû laisser le véhicule blindé et la patrouille là où je les ai laissés.

 22   Et si quelqu'un vous parle de la présence de 200 personnes, il n'est pas

 23   absolument nécessaire de les croire sur parole.

 24   Q.  Est-ce que vous avez des indications quant à la longueur du secteur

 25   couvert par ces cadavres ?

 26   R.  C'était un jour très chaud et on sentait déjà une odeur très

 27   désagréable. Donc ces cadavres devaient dater de la nuit précédente ou de

 28   la matinée. A certains endroits, j'ai vu du sang qui était déjà coagulé; à


Page 32824

  1   d'autres endroits, j'ai vu du sang qui n'était pas encore coagulé. Donc ils

  2   devaient être là depuis six, sept, huit, voire dix heures. Je ne suis pas

  3   spécialiste, je ne suis pas un expert, je ne suis pas anthropologue. Mais

  4   cela avait dû se passer pendant la nuit ou au début de la journée, les

  5   blessures infligées à ces hommes.

  6   Q.  A votre retour, est-ce que quelque chose vous est arrivé ?

  7   R.  Nous avons découvert cinq ou six survivants, des soldats à eux qui

  8   avaient été blessés mais étaient toujours vivants. Nous avons pansé leurs

  9   plaies. J'ai dit aux deux prisonniers qui m'avaient emmené sur place qu'ils

 10   n'étaient pas trop lourds et donc qu'ils pourraient peut-être les porter,

 11   et j'en ai porté un autre avec l'aide d'un autre soldat. Nous en avons

 12   laissé deux derrière nous. Plus tard, nous avons envoyé des gens les

 13   chercher. Mon blindé m'a appelé par radio pour me dire qu'un groupe de 200

 14   hommes s'étaient rendus à eux, et j'ai ordonné à mes hommes de les escorter

 15   jusqu'au stade en décidant de prendre un raccourci pour atteindre moi-même

 16   le stade, mais alors que nous transportions ces hommes, les soldats

 17   musulmans m'ont fait prisonnier. Ils étaient moins de dix derrière eux, il

 18   y en avait 200 de plus, et ils étaient venus de la clairière dont j'ai

 19   parlé il y a un instant. Ils m'ont dit de laisser tomber mon fusil, ce que

 20   j'ai fait, bien entendu.

 21   A ce moment-là, l'un des prisonniers que j'avais envoyé transporter

 22   les blessés est revenu et il leur a dit que je les avais aidés. J'ai

 23   déclaré que qu'un grand nombre d'hommes s'était rendu et s'ils souhaitaient

 24   en faire autant ils pouvaient me suivre. J'ai demandé si je pouvais

 25   reprendre mon arme en leur disant qu'ils pouvaient me suivre s'ils le

 26   souhaitaient, ce qu'ils ont fait. A ce jour, il n'est pas clair à mes yeux,

 27   j'ai beaucoup de mal encore aujourd'hui à comprendre exactement ce qui

 28   s'est passé, mais ces hommes m'ont suivi et sont arrivés au stade de Nova


Page 32825

  1   Kasaba. Ils ont jeté leurs armes, ici et là. A ce moment-là, nous n'avons

  2   pas de force suffisante pour les désarmer par la force et les sécuriser, et

  3   tout cela était contraire aux règlements de la police militaire, mais nous

  4   avons eu de leur part une bonne coopération sur ce point.

  5   Q.  J'aimerais maintenant vous interroger au sujet du moment où le général

  6   Mladic est arrivé au stade de Nova Kasaba. Cela commence à la page 5 de la

  7   version anglaise de votre déclaration, page 6 en serbe, à partir du

  8   paragraphe 29.

  9   D'abord, Monsieur, étiez-vous présent pendant toute la visite du général

 10   Mladic pendant tout le temps où il est resté sur place ce jour-là ?

 11   R.  Oui. Au moment où le général Mladic est arrivé au stade, j'étais en

 12   train de descendre vers le stade avec les prisonniers qui s'étaient rendus.

 13   Et pendant toute sa visite, je ne suis pas allé ailleurs. Donc, pendant

 14   tout ce temps, j'étais à 3 ou 4 mètres de lui, à peu près.

 15   Q.  Pendant le temps où le général Mladic a été présent dans le stade de

 16   Nova Kasaba, alors que vous vous trouviez à 3 à 4 mètres de lui, vous est-

 17   il arrivé de voir ou d'entendre dire que quelqu'un avait été tué à cet

 18   endroit-là, c'est-à-dire dans le stade de Nova Kasaba pendant que le

 19   général Mladic était présent ?

 20   R.  Non, ça, non. Pendant que le général Mladic était présent, je réponds,

 21   non, et de toute façon, je n'ai pas entendu dire que quelqu'un avait été

 22   tué à cet endroit-là. Oui, c'est vrai il y a eu un décès, mais c'était

 23   celui d'une femme qui a tué un prisonnier avec un fusil de chasse. Ça, j'ai

 24   oublié de le dire, ça s'était passé le matin, au moment où j'ai subi cette

 25   embuscade sur le pont, une femme est arrivée, elle portait un fusil de

 26   chasse et a déclaré qu'elle avait tué un Musulman qui avait pénétré dans sa

 27   maison. Mais je ne suis pas au courant que qui que ce soit se soit mêlé des

 28   affaires des prisonniers, dont la sécurité était assurée par la police


Page 32826

  1   militaire. Nous n'autorisions même pas nos civils à s'approcher de nos

  2   prisonniers. Nous agissions de la façon la plus professionnelle qui soit.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, une précision dont

  4   j'aurais besoin de la part du témoin.

  5   Vous avez déclaré, Monsieur, qu'au moment où vous avez subi l'embuscade,

  6   une femme s'est approchée avec un fusil de chasse. Ce n'était pas la même

  7   femme que celle dont vous avez déjà parlé qui était venue rendre compte du

  8   fait que des Musulmans encerclaient sa maison ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas la même femme. Je

 10   connaissais aussi cette autre femme. Je pense qu'elle s'appelait Pogaca ou

 11   quelque chose comme cela, c'était son nom de famille. Elle vivait aussi

 12   tout près de l'école, mais ce n'était pas la même femme.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 14   M. IVETIC : [interprétation]

 15   Q.  Maintenant, au paragraphe 30 de votre déclaration écrite, vous dites

 16   que le général Mladic a donné l'ordre d'assurer la sécurité du transfert

 17   des prisonniers aux autorités civiles, et que ces prisonniers devaient être

 18   transportés par autobus. Est-ce que le général Mladic a donné d'autres

 19   ordres quant à la manière de traiter les prisonniers ?

 20   R.  Eh bien, à l'arrivée du général Mladic, pour vous dire la vérité, moi-

 21   même et mon commandant pensions que quelque chose n'allait pas parce que

 22   nous n'avions pas la possibilité d'assurer la sécurité nécessaire à sa

 23   personne. Est-ce qu'il les connaissait ou est-ce qu'il leur a demandé de se

 24   présenter, je ne sais pas, mais il leur a parlé d'Alija et de la guerre, et

 25   ils se sont levés, et ont applaudi. Il leur a dit qu'ils seraient échangés,

 26   qu'ils devaient nous obéir, nous, les policiers militaires, et il leur a

 27   dit aussi et nous a dit qu'il fallait que nous assurions strictement la

 28   sécurité des prisonniers, que certains autobus allaient arriver dans une


Page 32827

  1   heure à peu près et qu'ils devaient signer un document de leurs noms, et

  2   qu'ensuite ils seraient remis entre les mains de la police civile de

  3   Bratunac. C'est ce que j'ai entendu, et à ce moment-là, j'ai vu cela

  4   lorsque le général Mladic était présent dans le stade.

  5   Q.  Pendant toutes les activités dont nous venons de parler, les diverses

  6   attaques et embuscades, donc pendant cette journée, est-ce qu'à quel que

  7   moment que ce soit vous avez été informé de l'existence d'une opération

  8   menée par la VRS contre la ville de Srebrenica, et éventuellement de ses

  9   résultats ?

 10   R.  Non, je n'avais aucune information de ce genre. Je ne pense pas que mon

 11   commandant, le commandant Malinic, ait eu des informations davantage que

 12   moi parce qu'il ne m'aurait sans doute pas laissé seul avec cinq hommes

 13   pour assurer seul la sécurité d'une école. J'étais jeune officier à cette

 14   époque-là, sergent, j'étais tacticien, et pas spécialiste de la stratégie.

 15   Donc, je n'avais pas d'information sur ce qui était en train de se passer.

 16   La première chose que j'ai apprise personnellement, c'est lorsque nous

 17   emmenions ces cinq hommes prisonniers, eux m'ont dit que toute la division

 18   était venue contre moi.

 19   Q.  Monsieur, il est inscrit au compte rendu d'audience que vous avez parlé

 20   de "ces cinq hommes", est-ce que c'est bien ce que vous avez dit, cinq

 21   prisonniers ?

 22   R.  Quinze prisonniers.

 23   Q.  Je vous remercie de répondre à mes questions, au nom de moi-même et de

 24   mon client, le général Mladic, vous avez nos remerciements.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis arrivé au terme

 26   de mon interrogatoire principal.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Ivetic.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une question brève concernant le


Page 32828

  1   paragraphe 31 de votre déclaration écrite. Je demande l'affichage de la

  2   page suivante de la version anglaise sur les écrans.

  3   Vous dites :

  4   "J'ai dit et utilisé les haut-parleurs pour dire aux Musulmans sur le

  5   terrain qu'ils devaient se placer en ordre, en rang, avant d'entrer dans

  6   les autobus."

  7   Et plus loin dans votre déclaration, vous dites qu'ils ont obéi à cet

  8   ordre, qu'ils ont pénétré dans les autobus de façon ordonnée en trouvant

  9   eux-mêmes où s'asseoir, et qu'il leur avait été dit de boire un peu d'eau

 10   avant de monter à bord des autobus. Où était l'eau qu'ils pouvaient boire ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions à ce moment-là dans le stade de

 12   football de Nova Kasaba. Après que le général Mladic ait dit qu'il fallait

 13   prendre soin des prisonniers, il s'est retourné vers moi personnellement et

 14   a dit : "Jeune homme, veuillez à ce que chaque prisonnier arrive à

 15   Bratunac", et c'est ce dont je me suis assuré plus tard. Ils ont bu de

 16   l'eau. Il y avait là la rivière qui s'appelle Jadar, à 50 ou 60 mètres de

 17   distance. Nous les avons laissés boire de l'eau et se rafraîchir parce que

 18   la journée allait être très pénible en raison de la chaleur.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pour

 21   aujourd'hui, Monsieur Subotic. Nous aimerions vous revoir demain, dans

 22   cette même salle à 9 heures 30 du matin. Mais avant que vous ne quittiez la

 23   salle, j'aimerais vous donner instruction de ne parler à personne --

 24   M. IVETIC : [interprétation] Nous avons des visioconférences --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ah, oui, oui, des visioconférences.

 26   J'étais sur le point d'en parler en fait.

 27   Donc, nous ne continuerons pas l'audition de votre déposition demain en

 28   raison de ces visioconférences qui ont été programmées auparavant. Mais je


Page 32829

  1   vous donne instruction, quoi qu'il arrive et quel que ce soit le temps de

  2   la reprise de votre audition dont vous seriez informé par la Section

  3   chargée des Victimes et des Témoins, donc je vous donne instruction de ne

  4   parler avec personne, de ne communiquer d'aucune façon avec qui que ce soit

  5   au sujet de votre déposition, qu'il s'agisse du témoignage que vous avez

  6   fait aujourd'hui ou du témoignage que vous vous apprêtez à faire dans un

  7   avenir proche.

  8   Si vous m'avez bien compris, vous pouvez sortir de la salle en

  9   suivant M. l'Huissier.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai compris. Je vous remercie.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Ivetic, vous avez raison, c'est

 13   sans doute parce qu'on est lundi matin, mais il y a encore ce point assez

 14   court dont il faut que nous parlions. Est-ce que c'est vous qui avez

 15   planifié un certain nombre de témoins de la Défense qui devraient témoigner

 16   par visioconférence cette semaine ? Tout le monde est au courant que pour

 17   ce faire il faut un certain nombre de préparatifs et pas mal de temps et

 18   d'efforts ainsi que des moyens matériels qui rendent possible ces

 19   visioconférences.

 20   Nous aimerions entendre les deux parties pour savoir si elles

 21   estiment que le calendrier prévu pour l'audition des témoins cette semaine

 22   peut être respecté. Si le calendrier actuellement en place n'est pas

 23   réalisable, la Chambre aimerait entendre des propositions alternatives de

 24   la part des parties afin que les dépositions par visioconférence puissent

 25   s'achever à la fin de cette semaine, y compris, si cela est nécessaire, de

 26   travailler vendredi. Mais je vous prie de bien vouloir trouver un moyen de

 27   façon à ce que les efforts qui ont été consentis pour organiser ces

 28   témoignages par visioconférence ne soient pas gaspillés.


Page 32830

  1   Et puis, je n'insiste pas sur l'obtention d'une réponse immédiatement. Mais

  2   s'il y a quoi que ce soit que les parties considèrent que les Juges

  3   devraient savoir et que nous pourrions souhaiter savoir, quelque chose qui

  4   perturberait le calendrier, n'hésitez pas dans ce cas à approcher les Juges

  5   de la Chambre, y compris cet après-midi.

  6   Bien. Nous allons suspendre pour la journée et reprendrons demain, 10 mars,

  7   à 9 heures 30, dans cette même salle d'audience, mais nous entendrons des

  8   auditions de témoin par visioconférence.

  9   Suspension de l'audience pour la journée.

 10   --- L'audience est levée à 13 heures 57 et reprendra le mardi, 10 mars

 11   2015, à 9 heures 30.

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28