Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 30 avril 2015

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le prétoire

  6   et à l'extérieur du prétoire.

  7   Madame la Greffière, pouvez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. C'est l'affaire numéro IT-09-92-T, le Procureur contre

 10   Ratko Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 12   Je pense que la Défense voulait poser des questions préliminaires.

 13   M. STOJANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Dans un

 14   délai de 48 heures, on nous a demandé de dire notre position pour ce qui

 15   est d'un document. Il s'agit du témoignage du Témoin Grujo Boric, 65 ter

 16   32447. J'aimerais à présent informer la Chambre que la Défense n'a pas

 17   d'objection concernant le versement de ce document au dossier.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons rendre la décision

 19   concernant le versement de ce document en temps utile.

 20   Est-ce que la Défense est prête à citer à la barre son témoin suivant, si

 21   j'ai bien compris, c'est M. Ratko Nikolic ?

 22   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, on peut faire entrer le témoin

 24   dans le prétoire.

 25   Mademoiselle Melikian, c'est vous qui allez procéder au contre-

 26   interrogatoire du témoin ?

 27   Mme MELIKIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Nikolic.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de commencer votre déposition,

  4   selon notre Règlement de procédure et de preuve, vous devez prononcer la

  5   déclaration solennelle dont le texte vous est remis par M. l'Huissier. Je

  6   vous invite à donner lecture de cette déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : RATKO NIKOLIC [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Veuillez vous

 12   asseoir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Nikolic, Me Stojanovic va

 15   d'abord vous poser des questions. Me Stojanovic se trouve à votre gauche.

 16   Et il est conseil de Défense de M. Mladic.

 17   Maître Stojanovic, vous avez la parole.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Interrogatoire principal par M. Stojanovic :

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 21   R.  Bonjour, Monsieur.

 22   Q.  Je vous prie de décliner votre identité pour que cela soit consigné au

 23   compte rendu, et parlez lentement, s'il vous plaît.

 24   R.  Je m'appelle Ratko Nikolic.

 25   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre où et quand vous êtes né ?

 26   R.  Au village d'Opravdici, le 12 juillet 1945.

 27   Q.  Je vous prie de dire si vous avez fini des écoles.

 28   R.  J'ai fini l'école élémentaire, qui a duré huit ans.


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  1   Q.  Avez-vous fait le service militaire ? Et si oui, quand et où ?

  2   R.  J'ai fait mon service militaire de 1964 à 1967, 11 mois à Gnjilane et

  3   sept mois à Skopje.

  4   Q.  Est-ce que vous avez travaillé avant l'éclatement de la guerre au

  5   printemps 1992 ?

  6   R.  Oui. J'avais été employé dans l'entreprise 21 mai à Rakovica, près de

  7   Belgrade. Dans une organisation de cette entreprise qui se trouvait à Mali

  8   Zvornik.

  9   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre dans quelle république se trouve la ville

 10   de Mali Zvornik ?

 11   R.  Cette ville se trouve en République de Serbie.

 12   Q.  Quel était votre travail dans cette entreprise ? Quel était votre

 13   travail ?

 14   R.  J'étais en charge de sécuriser l'entreprise. J'étais réceptionniste.

 15   Q.  Disposiez-vous d'une arme en tant que réceptionniste ?

 16   R.  Nous disposions d'une arme et nous la transmettions d'une équipe à

 17   l'autre.

 18   Q.  Au moment où la guerre a éclaté sur le territoire de la Bosnie-

 19   Herzégovine et dans le village dans lequel vous habitiez, est-ce que vous

 20   avez été mobilisé ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre pourquoi vous n'avez pas été mobilisé à

 23   ce moment-là, à savoir en 1992 ? Pourquoi l'armée ne vous a pas mobilisé ?

 24   R.  On ne m'a pas mobilisé puisque tout ouvrier devait être enregistré

 25   auprès de son organisation de travail sur le territoire de la municipalité

 26   où cette organisation se trouvait. C'est là-bas où tout ouvrier devait être

 27   enregistré auprès du SUP également et auprès de l'entreprise où il

 28   travaillait.


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  1   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre où vous vous étiez enregistré à ce

  2   moment-là ?

  3   R.  J'étais enregistré dans la municipalité de Mali Zvornik.

  4   Q.  Au début de la guerre, est-ce que vous habitiez dans votre village ou

  5   est-ce que vous habitiez à Mali Zvornik ?

  6   R.  Jusqu'à l'année 1992, je voyageais au travail. Je pense jusqu'au mois

  7   d'août, au moment où des barrages étaient érigés sur la route pour Zvornik.

  8   Après quoi, je ne pouvais plus voyager. J'avais un frère, et pendant encore

  9   un mois j'ai travaillé. Après quoi, l'entreprise, le directeur de

 10   l'entreprise nous a dit de rentrer chez nous, de ne plus travailler, et

 11   nous recevions une somme minimale à titre de salaire. C'est parce que

 12   c'était la guerre. Non seulement moi-même, mais également la plupart

 13   d'autres ouvriers ne pouvaient plus continuer à travailler et ils restaient

 14   chez eux.

 15   Q.  Quand êtes-vous arrivé dans votre village d'Opravdici pour y rester de

 16   façon permanente ?

 17   R.  Je pense que c'était à partir du mois d'août.

 18   Q.  Aux fins du compte rendu, je vous prie de dire en quelle année c'était.

 19   R.  C'était en août 1993. C'est en 1993 où il y avait des incendies. Nous

 20   avons été brûlés. C'était en août 1992. Excusez-moi.

 21   Q.  Encore une fois, dites-nous en quelle année c'était ?

 22   R.  C'était en 1992.

 23   Q.  Quelle était la composition ethnique de votre village d'Opravdici ?

 24   R.  C'était un village serbe. Le village d'Opravdici était un village

 25   serbe.

 26   Q.  Est-ce que le village d'Opravdici fait partie d'un plus grand village

 27   serbe ?

 28   R.  Oui, ça fait partie d'un village serbe plus grand. Il y avait à peu


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  1   près une centaine de foyers, de maisons.

  2   Q.  Quel est le village voisin par rapport à votre village où se trouve le

  3   centre de ce village plus grand ?

  4   R.  C'est le village de Kravica.

  5   Q.  Et quelle était la composition ethnique du village de Kravica ?

  6    R.  C'était un village serbe.

  7   Q.  Est-ce que vous avez vu à un moment donné ou est-ce que vous-même, vous

  8   avez été engagé à un moment donné concernant les activités de protection et

  9   de défense de votre village ?

 10   R.  Oui. J'étais engagé pour être de permanence, en quelque sorte, dans mon

 11   village. Mon village se trouve à moins d'un kilomètre du village de

 12   Kravica. Nous devions un peu surveiller la venue des personnes qu'on ne

 13   connaissait pas, puisque dans le village il n'y avait que des femmes et des

 14   personnes âgées.

 15   Q.  Est-ce qu'à l'époque vous disposiez d'armes lorsque vous vous rendiez à

 16   ces activités ?

 17   R.  Un homme plus âgé avait un fusil de chasse qu'il portait de temps en

 18   temps, et moi je n'avais rien comme arme.

 19   Q.  A partir du mois d'août 1992 jusqu'au mois de janvier 1993, est-ce qu'à

 20   la proximité de votre village et du village de Kravica il y avait des

 21   combats ?

 22   R.  Oui, il y avait des combats étant donné que des forces musulmanes

 23   attaquaient de la direction de Srebrenica, et tous les villages avoisinants

 24   étaient incendiés par ces forces. Et ils ont tué tous ceux qui s'y

 25   trouvaient.

 26   Q.  Où à l'époque les hommes valides de votre village ont-ils été engagés ?

 27   Où ils se trouvaient sur la ligne de front ?

 28   R.  Ils se trouvaient autour des villages. Etant donné que Kravica se


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  1   trouve dans des montagnes et dans une zone forestière, on leur a tendu des

  2   embuscades, à ces villageois qui montaient la garde, pour pouvoir entrer

  3   dans le village.

  4   Q.  Monsieur Nikolic, pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez à Noël

  5   orthodoxe, à la date du 7 janvier 1993 ?

  6   R.  J'étais chez moi, dans ma maison, au village d'Opravdici. A la veille,

  7   je m'occupais de préparer l'eau-de-vie, puisque le 7 janvier c'est notre

  8   fête, Noël orthodoxe, donc j'ai préparé l'eau-de-vie. Et le 7 janvier, nous

  9   avons célébré cette fête. Ce jour-là, il y avait l'attaque contre le

 10   village de Kravica et contre d'autres villages avoisinants. Kravica a été

 11   attaqué de quatre directions et tous les autres villages avoisinants.

 12   Q.  Essayez de répondre à des questions que je vous ai posées.

 13   Pouvez-vous dire à la Chambre, pour autant que vous vous en

 14   souveniez, quand cette attaque contre votre village de Kravica a commencé

 15   le 7 janvier ?

 16   R.  Cette attaque a commencé au moment où mon épouse s'est levée, vers 5

 17   heures et demie, pour préparer du pain, nous l'appelons Cesnica. Moi, je

 18   restais à dormir encore un peu. Et je ne savais pas ce qui se passait. Je

 19   n'ai rien entendu. Lorsque mon épouse est entrée dans ma chambre pour me

 20   dire "Ratko, lève-toi. Nous sommes en train d'être attaqués de tous les

 21   sens." "Marija, comment cela ?" Elle m'a dit de sortir devant la maison.

 22   Ce que j'ai fait. Le village de Sikovici, un des villages avoisinants,

 23   était déjà en feu. Ils criaient : "Egorgez-les vivants, brûlez-les," et

 24   cetera.

 25   Q.  Qu'est-ce que vous avez fait à ce moment-là ?

 26   R.  Rien. J'avais deux maisons. Nous n'osions sortir. Il y avait des balles

 27   qui sifflaient de partout. Entre les deux maisons, il y avait une entrée au

 28   rez-de-chaussée. Mon épouse est entrée dans la maison et j'ai été blessé à


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  1   ce moment-là. Une balle m'a touché dans la jambe gauche et je suis entré

  2   dans la maison par la suite. Mon épouse m'a donné un morceau de chiffon

  3   pour bander la plaie. Et à ce moment-là, je lui ai dit : "Marija, sauve-

  4   toi, cours. Et moi, je vais rester, je vais périr."

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourrais-je vous

  6   demander de ralentir votre débit un peu pour que les interprètes soient en

  7   mesure d'interpréter vos propos.

  8   Et, Maître Stojanovic, je vous prie de ménager une courte pause entre vos

  9   questions et les réponses du témoin.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Est-ce que votre épouse, Marija, a réussi à quitter la maison ?

 12   R.  Oui, elle s'est sauvée en courant à travers les bois vers la Drina,

 13   vers la Serbie, puisqu'il y avait d'autres réfugiés qui quittaient Kravica,

 14   donc elle les a rejoints, ces réfugiés.

 15   Q.  Et qu'est-il advenu de vous-même ?

 16   R.  Je suis resté dans mon village. Je ne suis pas parti du village.

 17   Puisque je voulais rester où tout ce que je possédais se trouvait. Dans mon

 18   hameau, il y avait cinq maisons. Il n'y avait personne d'autre, il n'y

 19   avait pas d'hommes. Et je suis resté encore cinq jours après cela dans mon

 20   hameau.

 21   Q.  Il faut que je vous arrête là pour quelques instants. Où étiez-vous

 22   pendant ces cinq jours ? Où étiez-vous caché ?

 23   R.  Il y a des bois près de ma maison. Il y avait un tronc d'un arbre qui

 24   était creux, et à côté de cet arbre il n'y a pas de sentier, il n'y a pas

 25   de route. Et c'est à l'intérieur de ce tronc que je me cachais pendant

 26   toute la journée, j'étais assis là.

 27   Q.  Comment viviez-vous ? Comment vous débrouillez-vous pour ce qui est des

 28   vivres ?


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  1   R.  Je sortais un peu de ce tronc la nuit tombée, je ramassais quelques

  2   pommes de terre que quelqu'un avait laissées. Je faisais le feu en

  3   utilisant quelques branches sèches. Et c'est comme cela que je vivais

  4   pendant ces cinq jours.

  5   Q.  Pendant ces cinq jours, est-ce que vous avez vu des soldats ennemis à

  6   la proximité de vos maisons ?

  7   R.  Oui, je les ai vus. D'abord, mon village, dans mon village et à la

  8   proximité de mon village, j'ai vu qu'ils pillaient tout. D'abord, c'était

  9   ma maison qui avait été pillée. Dans la soirée lorsque je suis arrivé, j'ai

 10   vu qu'ils chargeaient des vivres, du blé, sur les tracteurs, puisque moi

 11   j'avais beaucoup de blé que je n'avais pas utilisé. Le bétail également,

 12   ils ont pillé le bétail. Après quoi, ils ont tout incendié. Sept bâtiments

 13   que je possédais dans l'enceinte de ma maison ont été incendiés.

 14   Q.  Est-ce qu'ils vous ont vu à un moment donné ?

 15   R.  Le cinquième jour, je suis sorti du tronc de cet arbre et je suis venu

 16   près de ma maison pour voir s'il y avait quelqu'un. Je n'ai rien entendu.

 17   Je ne faisais pas trop attention, et à un moment donné ils ont dit :

 18   "Arrête-toi." Je me suis arrêté et je pensais que c'était la fin. Et

 19   lorsque je me suis retourné, j'ai vu sept fusils qui étaient pointés vers

 20   moi, vers mon dos.

 21   Q.  Quel était l'aspect de ces sept hommes qui vous ont arrêté ?

 22   R.  Ils portaient des uniformes de camouflage de couleur blanche. Ils ne se

 23   sont pas présentés par leurs vrais prénoms. Ils s'appelaient entre eux,

 24   Mico, Dragan, et cetera. Non pas Omer, Hasim, mais plutôt Mico, Dragan, en

 25   utilisant d'autres prénoms. Peut-être parce qu'ils ne voulaient pas que

 26   quelqu'un les reconnaisse.

 27   Q.  Après qu'ils vous aient arrêté, dans quelle direction vous êtes parti ?

 28    R.  Dans la direction de Kravica, puisque mon village se trouve à une


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  1   distance d'un kilomètre de Kravica.

  2   Nous sommes arrivés jusqu'au village de Kravica, ils ont commencé à me

  3   gifler, en me disant Chetnik. Et ensuite, nous nous sommes dirigés vers

  4   Konjevic Polje, et je connaissais cette région puisque je voyageais avec

  5   des Musulmans vers Zvornik tous les jours lorsque nous travaillions. Ils me

  6   connaissaient, et moi aussi je les connaissais. Pendant 25 ans, je

  7   voyageais en empruntant ce chemin pour aller au travail.

  8   Et il y avait un autocar qui est arrivé. Ils m'ont reconnu, ils m'ont

  9   demandé : "Ratko, comment se fait-il que tu sois ici ?" Et cet autocar

 10   s'est arrêté. Il y avait une foule de femmes et d'enfants. Dans cet

 11   autocar, un homme, un moustachu, est descendu. Il avait un fusil

 12   automatique sur le dos. Par la suite, j'ai appris qu'il s'agissait de Zulfo

 13   Tursunovic.

 14   Q.  Il faut que je vous arrête là, Monsieur le Témoin.

 15   Pouvez-vous dire à la Chambre où se trouve cet endroit où vous êtes arrivé

 16   sur la route ?

 17   R.  C'est un village qui s'appelle Lolici, à 3 kilomètres de Kravica, dans

 18   la région d'Osmace et dans la direction de Konjevic Polje.

 19   Q.  Après que cet autocar est arrivé et après que l'homme que vous avez

 20   appris qu'il s'appelait Zulfo Tursunovic est descendu de l'autocar, dites-

 21   nous ce qui s'est passé par la suite ?

 22   R.  On m'a fait monter dans l'autocar, où il y avait à peu près une

 23   quinzaine de leurs soldats. Naser Oric s'y trouvait également.

 24   Q.  Est-ce qu'il y avait d'autres prisonniers à bord de cet autocar ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Et dans quelle direction vous a-t-on emmené ?

 27   R.  Dans le village de Jezercica [phon], à 2 kilomètres de Kravica,

 28   puisqu'à gauche il y a Bratunac, et nous ne sommes pas partis vers


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  1   Bratunac. L'autocar s'est arrêté et nous sommes partis à travers les

  2   collines à pied, vers Bjeceva. Et lorsque nous sommes descendus vers

  3   Potocari Rijeka, un autre autocar nous attendait. Nous sommes montés à bord

  4   de cet autocar; eux aussi. Et nous sommes partis pour Srebrenica.

  5   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre où on vous a d'abord emmené ? Dans quel

  6   bâtiment dans la ville de Srebrenica ?

  7   R.  Dans l'ancien bâtiment du poste de police à Srebrenica.

  8   Q.  Pendant combien de temps êtes-vous resté dans ce bâtiment ?

  9   R.  Nous sommes restés dans ce bâtiment jusqu'au début de l'attaque contre

 10   Skelani.

 11   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre, pour autant que vous en souveniez, quand

 12   cette attaque s'est produite contre Skelani ?

 13   R.  Je pense que c'était le 16 janvier. Je me souviens bien de l'attaque

 14   contre Skelani puisqu'ils ont emmené cinq hommes arrêtés à Skelani, ils les

 15   ont emmenés dans la prison à Srebrenica.

 16   Q.  Nous ne connaissons pas beaucoup de détails concernant l'attaque contre

 17   Skelani, et j'aimerais que vous nous disiez en quelle année cela s'est

 18   produit ? Le 16 janvier de quelle année ?

 19   R.  C'était le 16 janvier 1993.

 20   Q.  Qui a attaqué Skelani ?

 21   R.  D'après ce qu'ont dit les hommes qui ont été emmenés - par exemple,

 22   Ilija, que je connaissais - c'était Naser Oric. Et pour ce qui est de ses

 23   commandants, je ne les connais pas.

 24   Q.  Pendant ce temps-là, pendant que vous étiez au poste de police à

 25   Srebrenica, est-ce qu'on vous a interrogé et est-ce que vous avez fait une

 26   déclaration ?

 27   R.  Oui. Le lendemain, un homme m'a fait sortir. Je ne le connaissais pas.

 28   Il m'a demandé ce que je possédais comme bétail, comme vivres, et cetera.


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  1   Et sur la table se trouvait du sel, un pistolet et un couteau. D'abord, il

  2   m'a posé la question pour savoir à quoi sert un couteau. J'ai haussé les

  3   épaules et j'ai dit pour préparer de la nourriture pour des gens, et

  4   cetera. Il m'a dit : "Non. Pour vous, les Serbes, cela sert à faire des

  5   croix." Et il a dit encore quelque chose, mais je ne me souviens pas quoi

  6   exactement, puisque cela s'est passé il y a longtemps.

  7   Q.  Bien. Je vais vous poser une autre question maintenant. A ce moment-là,

  8   au poste de police, pendant ces quelques jours que vous êtes resté au poste

  9   de police à Srebrenica, est-ce qu'on vous a posé la question pour savoir si

 10   vous étiez soldat ou civil ?

 11   R.  Non. Puisque j'avais des vêtements civils, je n'avais aucune

 12   obligation. Personne ne m'a cherché. Je ne portais pas d'uniforme. Je

 13   portais des vêtements comme les vêtements que je porte aujourd'hui. Et le

 14   lendemain, au poste de police, on m'a fait déshabiller, on m'a apporté une

 15   paire de bottes qui étaient endommagées et une chemise qui n'avait pas de

 16   manches.

 17   Q.  Est-ce qu'il s'agissait de policiers ou de militaires qui vous

 18   gardaient dans ce bâtiment ?

 19   R.  Ils portaient des vêtements civils. Il s'agissait probablement de leur

 20   police qui assurait la garde de prisonniers.

 21   Q.  Suite au 16 janvier 1993, où avez-vous été transféré ?

 22   R.  Nous étions au nombre de quatre, et puis cinq autres personnes ont été

 23   amenées, et c'est alors que nous avons été transférés dans un endroit qui

 24   se trouvait entre le tribunal et la mairie et qui avant était utilisé comme

 25   entrepôt, et c'est là qu'ils nous ont enfermés à clé.

 26   Q.  Veuillez dire aux Juges de la Chambre quel était le nombre de

 27   prisonniers qui étaient enfermés ?

 28   R.  Eh bien, nous étions quatre au poste de police, puis cinq autres


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  1   personnes ont été amenées, donc au total nous étions neuf.

  2   Q.  Essayez de vous souvenir, si vous le pouvez, et dites aux Juges de la

  3   Chambre si vous vous souvenez des noms ou des prénoms des prisonniers qui

  4   étaient avec vous ?

  5   R.  Je m'en souviens bien. Lorsque j'ai été emmené à Srebrenica, j'ai

  6   trouvé Popovic qui avait été capturé avant moi et amené à Srebrenica. Mico

  7   Milovanovic était là aussi, du village de Sase. Mico et Popovic ont été tué

  8   là à Srebrenica devant mes propres yeux. Et je sais le moment précis où

  9   cela s'est passé. Ensuite, il y avait Drago, un homme âgé, qui avait plus

 10   de 80 ans. Et un autre homme qui a été emmené à l'hôpital puisqu'il avait

 11   subi des blessures aux deux jambes, mais je ne me souviens plus de son nom.

 12   Il a été emmené. Ils l'ont emmené à l'hôpital. Puisqu'il ne pouvait pas se

 13   lever pour marcher, il se déplaçait sur ses genoux.

 14   Q.  Et savez-vous ce qui est arrivé à cet homme âgé qui s'appelait Drago ?

 15   R.  Drago est mort des suites des coups qu'il a reçus le lendemain.

 16   Q.  Et pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous vous souvenez des

 17   personnes qui ont été emmenées après l'attaque lancée par l'ABiH contre le

 18   village de Skelani --

 19   R.  Je me rappelle Ilija, qui a été échangé au même moment que moi. Je me

 20   rappelle Stanoje, qui était paralysé. Il ne pouvait pas s'enfuir. Ses deux

 21   jambes étaient immobiles, la jambe gauche comme la jambe droite. Il a été

 22   échangé. Puis, il y avait un autre homme, je ne me souviens plus de son

 23   nom, qui accompagnait Kostadin et qui est mort. Je veux dire, il est mort

 24   des suites des coups qu'il a reçus. Et les deux hommes âgés ont été

 25   échangés le 14 février -- non, plutôt, le 27 février ou avant le 27

 26   février. Les femmes, les enfants et cet homme âgé qui s'appelait Stanoje.

 27   Q.  Et dans quelles conditions étiez-vous enfermé ?

 28   R.  Eh bien, par terre c'était du béton. Nous avions deux ou trois petites


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  1   fenêtres, 50 centimètres sur 50 centimètres. Il y avait une grille, mais il

  2   n'y avait pas de verre pour fermer ces fenêtres. Et nous avions une seule

  3   couette. Nous avions l'habitude de nous asseoir par terre et de nous

  4   couvrir la tête en se servant de cette couette. Sinon, il n'y avait rien

  5   d'autre.

  6   Q.  A un moment donné, vous avez mentionné des femmes et des enfants. De

  7   quoi s'agit-il exactement ?

  8   R.  Eh bien, lorsque nous sommes arrivés sur place, nous avons constaté

  9   qu'il y avait 14 femmes et quatre enfants dans la pièce d'à côté, qui se

 10   trouvait à notre gauche. Et je me souviens de ce petit garçon qui

 11   s'appelait Branko, qui avait environ huit ans. Je l'ai vu à deux reprises.

 12   Maintenant, c'est un homme. Et lui, ils le laissaient sortir de la pièce un

 13   petit peu de temps en temps.

 14   Q.  Et qu'est-ce qui s'est passé avec ce groupe de femmes et d'enfants ?

 15   R.  Ils ont été échangés au mois de février. Les femmes, les enfants et

 16   l'homme paralysé, l'homme âgé, Stanoje. Il avait des problèmes au niveau de

 17   ses bras et de ses jambes.

 18   Q.  Et pendant que vous étiez enfermé dans ce petit espace, est-ce que vous

 19   avez été interrogé à quelque moment que ce soit ?

 20   R.  Non, jamais.

 21   Q.  Quelqu'un a-t-il vérifié si vous étiez soldat ou civil ?

 22   R.  Non, jamais. Rien du tout.

 23   Q.  Avez-vous eu l'occasion de voir qui dirigeait les hommes qui assuraient

 24   votre sécurité ? Qui était leur commandant ?

 25   R.  Eh bien, dans la soirée, lorsqu'ils changeaient d'équipes, ils me

 26   faisaient sortir de la pièce puisque nous n'avions rien à manger. Vraiment,

 27   au niveau de la nourriture, c'était vraiment une torture que nous avons

 28   subie. On nous donnait trois ou quatre bouchées de blé et trois ou quatre


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  1   cuillères de quelque chose qui n'était même pas cuit, qui n'était pas salé,

  2   qui n'était pas gras. Enfin, il n'y avait rien dans ce repas qu'on nous

  3   donnait. Et dans la soirée, au moment où ils changeaient d'équipes, il y

  4   avait un homme qui me disait : "Viens, Nikolic, sors de là, parlons un

  5   peu." Et il m'a dit : "Ici, tu recevras moins de coups qu'ailleurs."

  6   Ensuite, il a allumé le feu, puisqu'il faisait très froid à Srebrenica à ce

  7   moment-là; il faisait moins 10 ou moins 15 degrés. Et nous n'avions pas de

  8   vêtements. Et alors, il me parlait. Il était du village de Suceska, c'était

  9   vraiment un brave homme. Je dois l'avouer, il faut le dire. Il m'a apporté

 10   un petit bout de pain de maïs et me disait : "Viens, Nikolic. Mange ceci.

 11   Je ne peux pas t'apporter davantage puisque moi-même je n'ai pas

 12   suffisamment à manger."

 13   Q.  Est-ce qu'on vous rouait de coups pendant que vous vous y trouviez ?

 14   R.  On nous rouait de coups tous les jours. Chaque personne qui entrait

 15   dans la pièce nous rouait de coups. Il y avait deux hommes qui nous

 16   battaient régulièrement. Ils portaient de grosses lunettes, des barbes, et

 17   ils n'arrêtaient pas de nous battre. Nous avions des cicatrices partout.

 18   Vous voyez ici, ici et aussi sur ma gauche ?

 19   Et quand ils ont voulu échanger les femmes le lendemain, le 7, dans la

 20   soirée, à un moment donné au cours de la nuit, trois hommes sont entrés.

 21   Les sentinelles les ont laissés passer, et ce sont les sentinelles qui les

 22   ont encouragés à nous battre, à nous rouer de coups. Ils ont ouvert la

 23   porte, et ils se servaient d'une sorte de dispositif fait de carton, et ils

 24   ont commencé à nous battre l'un après l'autre. J'ai tous les documents

 25   médicaux qui m'ont été donnés pour le confirmer par des médecins. Mes côtes

 26   ont été cassées. Ils nous forçaient d'enlever nos vêtements, et comme nous

 27   perdions conscience, ils nous jetaient sur une pile, ils nous amassaient.

 28   Ensuite, ils apportaient de l'eau froide qu'ils versaient sur nous. C'est


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  1   ainsi que les choses se passaient.

  2   Alors, quand je suis redevenu conscient, je ne sais pas à quel moment cela

  3   s'est produit, je tremblais et j'ai retrouvé une couette que j'ai mis sur

  4   ma tête. Et je me suis assis contre le mur. Lorsque l'aube est venue, j'ai

  5   regardé autour de moi et j'ai vu que Kostadin Popovic était mort, ainsi que

  6   cet autre homme qui était venu de Skelani. Ils étaient morts tous les deux.

  7   Vers 10 heures du matin, je ne sais pas l'heure exacte, Zulfo Tursunovic,

  8   le commandant, est venu. Par la suite, j'ai appris que c'était lui le

  9   commandant. Il s'est promené un petit peu en portant un fusil automatique

 10   sur sa poitrine, il avait cette petite moustache, et il disait : "Mais

 11   qu'est-ce qui vous est arrivé ?" Alors, qu'est-ce que je pouvais lui

 12   répondre ? Est-ce que je pouvais vraiment lui dire : "On nous a roués de

 13   coups l'un après l'autre" ? Je ne connaissais même pas le nom des personnes

 14   qui nous avaient battus et je savais que ces personnes me battraient de

 15   nouveau dès qu'ils seraient partis.

 16   Ensuite, deux autres hommes sont venus par la suite et ils ont fait

 17   sortir les deux cadavres.

 18   Q.  Je vais vous interrompre pour vous demander si vous avez pu demander

 19   l'aide des médecins à cause des blessures que vous avez subies ?

 20   R.  Nous avons demandé qu'un médecin vienne nous voir, mais cela n'a servi

 21   à rien. Ma jambe était toute enflée. Mais personne n'a voulu nous examiner.

 22   Q.  Dites-moi si à un moment donné vous avez appris que vous alliez être

 23   échangé ?

 24   R.  Non, jamais.

 25   Q.  Et combien de temps êtes-vous resté dans cette pièce ?

 26   R.  Nous y sommes restés jusqu'au moment où l'échange a eu lieu, à la fin

 27   du mois de février.

 28   Q.  Veuillez dire aux Juges de la Chambre à combien de reprises on a essayé


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  1   d'effectuer cet échange ?

  2   R.  On a essayé de l'effectuer à deux reprises, et la troisième fois j'ai

  3   été finalement échangé.

  4   Q.  Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblaient ces tentatives d'échange qui

  5   ont essuyé un échec ?

  6   R.  Ilija a été roué de coups un soir, c'est l'homme qui a été échangé en

  7   même temps que moi. Ensuite, on l'a amené à l'hôpital. J'imagine qu'il ne

  8   pouvait pas parler, il ne pouvait pas marcher. A l'hôpital, il n'a pas

  9   vraiment reçu de traitement, puisqu'ils n'avaient pas de médicaments, ils

 10   n'avaient rien du tout. En tout cas, Ilija se trouvait à l'hôpital. Et

 11   ensuite, cet homme qui n'avait pas de bras est entré dans la pièce. Par la

 12   suite, j'ai appris qu'il était surnommé Mis. Puis, Jakov, de Kalabaca, qui

 13   a été amené par Naser, il y a passé sept mois. Naser les a fait venir à

 14   Srebrenica pour nous joindre dans notre prison, quatre hommes et une femme,

 15   Andja. Et il a dit : "Voyons voir." Il nous a regardés. Tous les hommes

 16   étaient couchés par terre, et il a dit : "Bon, voyons qui est capable de se

 17   lever." Moi, j'ai réussi à me soulever un petit peu. Et il a dit :

 18   "Nikolic, tu vas être échangé."

 19   Q.  Dans quelle partie de la pièce vous teniez-vous ? Où étiez-vous

 20   couché ?

 21   R.  Eh bien, un peu partout dans la pièce. Nous nous couchions contre le

 22   mur. Deux ou trois d'entre nous partagions une seule couette parce qu'il

 23   n'y avait pas beaucoup de couettes, et nous essayions tout simplement de

 24   nous couvrir la tête un petit peu. Mais sinon, il n'y avait rien. Le

 25   plancher était en béton. Il n'y avait rien du tout. La pièce était nue.

 26   Q.  Est-ce que les sentinelles vous demandaient de vous lever lorsqu'ils

 27   entraient dans la pièce ?

 28   R.  Les gardiens m'ont donné l'ordre de me lever -- enfin, je dis les


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  1   gardiens, mais il s'agissait des civils, et ils m'ont donné l'ordre de

  2   m'asseoir près de la porte. Chaque fois que quelqu'un entrait, je devais me

  3   mettre à côté de la porte puisqu'ils disaient que je m'appelais Ratko et

  4   que mon nom de famille était Mladic. Et chaque fois que quelqu'un entrait,

  5   j'était obligé de me lever et de les saluer en disant que j'étais Ratko

  6   Mladic. Mais j'étais incapable de me lever puisque j'avais tellement

  7   souffert à cause des coups que j'avais reçus. Et j'avais trop faim. Mon

  8   ventre était noué. Mais si je ne réussissais pas à me lever, alors ils me

  9   donnaient des gifles.

 10   Q.  J'aimerais revenir sur l'une des réponses que vous avez fournies. Vous

 11   dites qu'à un moment donné une femme qui s'appelait Andja a été amenée en

 12   compagnie de quatre hommes et qu'ils étaient venus du village de Kalabaca.

 13   De quel village fait partie Kalabaca ?

 14   R.  Kalabaca est un hameau qui fait partie du village de Sekovici.

 15   Q.  Où avaient-ils été prisonniers jusqu'au moment où ils ont été amenés ?

 16   R.  A Cerska.

 17   Q.  Merci. Lorsqu'ils vous ont fait savoir qu'un échange aurait lieu, est-

 18   ce qu'on a essayé de réaliser cet échange ?

 19   R.  A deux reprises. La première fois, eh bien, cela n'a pas marché. Nous

 20   sommes allés vers Srebrenica, Zeleni Jadar et vers Suceska, où il y avait

 21   beaucoup de neige. Il y avait un petit camion, mais ses pneus ne valaient

 22   rien. On était censé marcher un kilomètre, alors on nous a fait sortir en

 23   disant qu'on ne peut plus avancer. Ilija et moi, nous étions incapables de

 24   marcher. Ils nous ont tirés un petit peu à travers la neige, mais nous

 25   sommes restés sans pouvoir bouger pendant deux ou trois heures alors qu'il

 26   faisait très froid. Et alors, cet homme surnommé Mis, qui n'avait pas de

 27   bras, est revenu en disant : "On revient à Srebrenica. Vous allez retourner

 28   en prison." J'imagine que les négociations avaient échoué. Je ne sais pas


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  1   pour quelle raison ils nous ont fait revenir. Sept jours plus tard, il est

  2   revenu -- ou, plutôt, Ilija a été amené de nouveau à l'hôpital, et moi j'ai

  3   été amené à la prison.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, veuillez, s'il vous

  5   plaît, éteindre votre micro.

  6   Vous pouvez poursuivre, Monsieur le Témoin.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  8   Quand il est venu pour la deuxième fois, il m'a dit : "Nikolic, allons-y,

  9   un échange aura lieu." J'étais très content de l'apprendre. On nous a

 10   placés encore une fois dans le même camion, et encore une fois le camion ne

 11   pouvait pas passer. Alors, encore une fois, ils ont essayé de nous tirer un

 12   petit peu, nous pousser, pour que nous puissions marcher et traverser cette

 13   distance d'un kilomètre. Là, nous avons trouvé leurs soldats, les soldats

 14   de l'armée bosniaque, musulmane. Et un peu plus loin, nous avons vu l'armée

 15   serbe en direction de Skelani. Nous avons passé deux ou trois heures à

 16   attendre. Rien ne s'est passé. On était juste là, plantés dans la neige.

 17   Puis, deux hommes sont venus de la direction de Skelani, ils ont levé leurs

 18   mains. Les autres n'ont pas réagi. Les négociations ont été entamées. Un

 19   capitaine s'est approché de nous, c'était lui qui avait conduit les

 20   personnes qui devaient être échangées de l'autre côté, contre nous, dans un

 21   camion --

 22   Q.  Je vais vous interrompre pour vous demander de répéter la dernière

 23   partie de votre réponse puisqu'elle n'a pas été consignée dans le compte

 24   rendu d'audience. Qui a été ce capitaine et qui a amené leurs hommes pour

 25   qu'ils soient échangés ?

 26   R.  Le capitaine faisait partie de notre armée, de l'armée serbe. Il était

 27   venu de Skelani. Et l'autre homme était le chauffeur. C'était lui qui avait

 28   conduit le camion à bord duquel se trouvaient leurs hommes qui étaient


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  1   censés être échangés. D'après ce que j'en sais.

  2   Q.  Et est-ce que l'échange entre les deux parties belligérantes a eu lieu

  3   à ce moment-là ?

  4   R.  Oui, l'échange a eu lieu. Ils avaient fait venir des veaux pour pouvoir

  5   transporter les prisonniers. D'après mes souvenirs, il y en avait deux qui

  6   étaient vivants et un troisième qui était mort. Cet homme mort se trouvait

  7   dans un coffre. Mais personne ne voulait l'accompagner. La charrette ne

  8   pouvait pas partir. Puis, le chauffeur et le capitaine ont pris les veaux,

  9   ils ont descendu la colline, et ils ont mis dans la charrette ces trois

 10   personnes - le mort et les deux vivants- et ils les ont amenées jusqu'à la

 11   ligne de la séparation. Et ensuite, ils ont pris les veaux. Nous avons été

 12   remis entre les mains des Serbes, qui nous ont pris avec eux et fait monter

 13   à bord de la voiture. 

 14   Q.  Dites-nous aux Juges de la Chambre, d'après vos souvenirs, quel jour

 15   cela s'est passé ? A quelle date ?

 16   R.  Je ne m'en souviens plus, mais je sais que c'était vers la fin du mois

 17   de février puisque pas mal de temps s'était écoulé. Mais je ne sais pas

 18   quel jour l'échange a eu lieu.

 19   Q.  Et qui a été échangé en même temps que vous ?

 20   R.  Ilija de Skelani.

 21   Q.  Et dites-nous si vous avez été capable de marcher compte tenu des

 22   conditions dans lesquelles vous avez vécu ?

 23   R.  Eh bien, c'était très difficile. Normalement, je pèse 75 kilos, mais là

 24   je n'en avais que 40. Mes intestins étaient noués, et j'avais très soif. A

 25   un moment donné, on ne nous a rien donné à boire pendant trois jours.

 26   Ensuite, ils ont apporté quelque chose un liquide, un peu pâle. Et puis, il

 27   y avait un homme, je ne l'oublierai jamais, et je le remercie de tout mon

 28   cœur, qui m'a dit : "Nikolic ne bois pas ça. C'est de l'urine. Tu vas avoir


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  1   de la fièvre si tu bois cela." Et on voyait en effet que ce liquide était

  2   d'une couleur jaune pâle. Ce n'était pas un liquide transparent.

  3   Q.  Et suite à l'échange, pouvez-vous dire où vous avez été amené ? Où

  4   l'échange a eu lieu, à quel point le long de la ligne de séparation ?

  5   R.  Cet endroit s'appelle Kragljivoda. Cela se trouve à un croisement de

  6   chemins non loin de Skelani.

  7   Nous avons été échangés contre ces deux hommes vivants et un mort. En

  8   fait, un cousin de Naser a été tué à Skelani pendant l'attaque, et c'est

  9   pourquoi ils étaient incapables de le retrouver. Et c'est la raison pour

 10   laquelle nous avons été ramenés à la prison à deux reprises.

 11   Q.  Est-ce que votre famille savait où vous vous trouviez ?

 12   R.  Non, ils n'en savaient rien. Lorsque finalement je suis arrivé

 13   suite à l'échange, j'ai compris qu'ils n'avaient rien su du tout. Ils

 14   avaient perdu tout contact avec moi. Ils ne savaient même pas que je me

 15   trouvais à Srebrenica.

 16   Q.  Je n'ai que quelques questions à vous poser. J'ai pratiquement

 17   terminé avec mon interrogatoire principal. Encore un petit peu de patience.

 18   Pouvez-vous nous dire si vous avez reçu un traitement médical suite à

 19   ces événements ?

 20   R.  Je suis parti à Zvornik pour recouvrer ma santé. Je suis allé voir

 21   Vlado Prodanovic et j'ai subi une intervention chirurgicale. Ils étaient

 22   obligés de m'installer la hanche. Et j'ai toujours du mal à marcher,

 23   puisque l'une de mes jambes est trop courte de 5 centimètres. Ma jambe a

 24   été blessée lorsqu'ils nous tiraient vers le canal. Les articulations ont

 25   été endommagées.

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] Veuillez afficher, s'il vous plaît, le

 27   document 1D05386.

 28   Et, Messieurs les Juges, permettez-moi de consulter brièvement M. Mladic.


Page 34923

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Maître Stojanovic.

  2   [Le conseil de la Défense se concerte]

  3   M. STOJANOVIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Nikolic, veuillez regarder le document qui est affiché à

  5   l'écran devant vous, si vous pouvez le déchiffrer. Donc il y a un document

  6   qui est affiché à l'écran devant vous. Il est indiqué centre médical de

  7   Zvornik, feuille de sortie. Est-ce que vous le voyez ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et je vais brièvement lire le document.

 10   R.  Ce document a été rédigé après mon échange, lorsque j'ai été traité à

 11   Zvornik.

 12   Q.  Et il est indiqué dans le document que vous avez été traité entre le

 13   1er mars 1993 et le 14 mars 1993. Et il y a aussi le diagnostic.

 14   Est-ce là la documentation médicale qui vous a été donnée une fois que vous

 15   avez quitté l'hôpital ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et m'avez-vous remis ce document pendant la séance du récolement ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci.

 20   M. STOJANOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander

 21   le versement au dossier du document 1D05386.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le document

 24   recevra la cote D1039.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] J'aimerais que nous examinions un autre

 27   document. Il porte la cote 1D05385.

 28   Q.  Si vous pouvez déchiffrer le document, Monsieur Nikolic, qui se trouve


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  1   à la gauche de votre écran, nous voyons un document médical. C'est une

  2   autre feuille de sortie. Est-ce que vous le voyez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Cette feuille de sortie a été communiquée par le centre médical de

  5   Loznica. En 2007, vous avez suivi une physiothérapie après avoir subi

  6   l'intervention chirurgicale. Est-ce là un document que vous m'avez remis

  7   lors de la séance du récolement ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et une seule autre question, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, veuillez, s'il vous

 11   plaît, répéter votre question.

 12   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui.

 13   Q.  Une seule question concernant ces documents médicaux. Lorsqu'on vous a

 14   posé une prothèse du col du fémur, lorsque vous avez subi cette

 15   intervention chirurgicale, est-ce qu'elle a été rendue nécessaire par les

 16   blessures que vous avez subies pendant que vous vous trouviez en prison ?

 17   R.  Oui, en effet.

 18   Q.  Merci.

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander

 20   le versement au dossier de ce document. Il porte la cote 1D05385 de la

 21   liste 65 ter.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le document reçoit

 24   la cote D1040.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 27   Monsieur le Président, je vois que le moment est venu de faire une

 28   pause. Je crois que j'en viendrai à la fin de mon interrogatoire dans


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  1   quelques dix à 15 minutes, donc le moment est, je crois, opportun pour

  2   prendre une pause, et ensuite je poserai quelques autres questions au

  3   témoin concernant les événements qui se sont produits suite à l'année 1993.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause.

  5   Monsieur le Témoin, vous pouvez suivre l'huissier. Nous vous reverrons dans

  6   20 minutes.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant la pause, Maître Stojanovic, avez-

  9   vous discuté avec l'Accusation pour savoir si le récit de ce témoin est

 10   litigieux, le témoin a été traité d'une façon violente ? Je n'hésite pas à

 11   me servir de ce terme, puisqu'il correspond très bien à sa description. De

 12   façon générale, je n'ai jamais constaté -- en fait, d'après ce que j'ai pu

 13   constater au cours du procès, le fait que les Musulmans aient traité un

 14   certain nombre de Serbes de façon violente n'a pas été une question

 15   litigieuse. Cela s'est produit et même très fréquemment.

 16   Donc, est-ce que vous avez demandé à l'Accusation s'ils remettent en

 17   question ce récit ?

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Lors de

 19   l'entretien que nous avons eu avec l'Accusation, nous avons discuté la

 20   chose. L'Accusation a présenté son point de vue. Pour l'un des témoins de

 21   ce type, il n'y aura pas de questions de posées.

 22   Mais en ce qui concerne ce témoin-là, la question litigieuse est de savoir

 23   s'il était effectivement un civil ou un soldat, et aussi si la population

 24   de Kravica avait des motifs pour se venger. Et c'est pourquoi l'Accusation

 25   a demandé de pouvoir poser des questions très concrètes au témoin

 26   concernant ces deux sujets-là.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais alors, pourquoi ne vous êtes-vous

 28   pas concentré sur les questions qui justement sont litigieuses ? Nous avons


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  1   écouté le récit, et le témoin, je ne souhaitais pas l'interrompre puisque

  2   je vois dans quel état il se trouve. Mais tous ces détails étaient tout à

  3   fait superflus. Pour nous donner une idée des traitements violents qu'il a

  4   subis, vous auriez pu nous en donner une idée en dix minutes ou dans

  5   l'espace de 15 minutes, surtout compte tenu de la condition physique de ce

  6   témoin qui, en plus, est étayée par la documentation.

  7   Donc, pourquoi ne pas se concentrez sur les questions qui sont

  8   effectivement litigieuses ? Parce que la question litigieuse n'est pas de

  9   savoir si le témoin se trouve dans un mauvais état physique et que cela a

 10   été provoqué par des traitements violents infligés par les Musulmans.

 11   Je demande à l'Accusation son point de vue.

 12   Mme MELIKIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez

 13   tout à fait raison. De façon générale, ce point n'est pas contesté.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et s'agissant des mauvais traitements

 15   physiques et des violences infligées, ils ne sont pas contestés non plus ?

 16   Mme MELIKIAN : [interprétation] Pas non plus, Monsieur le Président, ils ne

 17   le sont pas.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je n'ai pas encore parlé de la

 19   question de la pertinence. Mais vous dites pouvoir en terminer en 15

 20   minutes, Maître Stojanovic.

 21   Nous allons donc faire une pause et reprendrons à 11 heures moins cinq.

 22   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

 23   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant de faire

 25   entrer le témoin, est-ce que je peux vous dire une phrase seulement.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, avant de faire

 27   pénétrer le témoin dans la salle d'audience, veuillez attendre mon

 28   autorisation. Mais vous pouvez le préparer à entrer.


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  1   Vous avez besoin de combien de temps, Maître Stojanovic ?

  2   M. STOJANOVIC : [interprétation] Une minute seulement, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Monsieur l'Huissier, veuillez vous

  5   assurer que le témoin sera prêt à entrer dans la salle dans une minute.

  6   Vous avez la parole, Maître Stojanovic.

  7   M. STOJANOVIC : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président.

  8   Je voudrais corriger une erreur à la page 25, lignes 11 et 12 du compte

  9   rendu d'audience d'aujourd'hui. J'ai commis une erreur. Il est indiqué que

 10   j'ai dit que j'avais discuté avec mes confrères de l'Accusation au sujet

 11   des questions qui étaient encore contestées dans la déclaration du témoin,

 12   et je souhaite ajouter maintenant que je n'ai pas discuté de ce point avec

 13   les collègues de l'Accusation jusqu'à présent.

 14   Mais la Défense que je représente estime que nous devrions être

 15   autorisés, grâce à la déposition de vive voix de ce témoin, à obtenir une

 16   réponse à ces questions de sa part.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, vous êtes tenu de

 18   vous concentrer sur les questions contestées. Vous avez le droit de poser

 19   des questions au témoin. Je n'ai jamais dit que tel n'était pas votre

 20   droit.

 21   Deuxièmement, vous ne devriez pas dire aux Juges de la Chambre que vous

 22   avez discuté de tel ou tel point avec l'Accusation si vous ne l'avez pas

 23   fait. Et j'en resterai là.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] C'est exact. Je vous remercie, Monsieur le

 25   Président.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Nikolic, nous allons

 28   poursuivre. Me Stojanovic a encore quelques questions à vous poser.


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  1   Veuillez procéder, Maître.

  2   M. STOJANOVIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Nikolic, nous n'en avons pas pour longtemps. Encore simplement

  4   quelques questions. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si aujourd'hui

  5   encore vous subissez des conséquences des blessures que vous avez subies ?

  6   R.  Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin nous l'a déjà dit, Maître

  8   Stojanovic. Et nous pouvons le constater.

  9   Veuillez poursuivre.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 11   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges, en vous fondant sur ce que vous savez, quel

 12   est le nombre d'habitants de votre village qui sont décédés suite à

 13   l'attaque de l'ABiH le 7 janvier 1993 ?

 14   R.  Je pense que 48 personnes à peu près ont été tuées. Il y a encore des

 15   maisons incendiées de mon village dans lesquelles habitaient des personnes

 16   dont les corps n'ont pas encore été retrouvés à ce jour.

 17   Q.  La population de votre village de Kravica et des environs ressent-elle

 18   un besoin de vengeance en raison du nombre de victimes provoquées par cette

 19   attaque de l'ABiH ?

 20   R.  Oui, toutes sortes de choses ont été faites à l'époque parce que Naser

 21   Oric et son armée ont détruit tous les villages de la zone. Il y avait 17

 22   villages et tous ces villages ont été incendiés. Tout a été pillé. Rien

 23   n'est resté dans ces villages. Après les pillages, après que tous les

 24   objets aient été emportés, ils mettaient le feu à toutes les maisons, tous

 25   les bâtiments.

 26   Q.  Quel a été le motif de ce besoin et de ce désir exprimé de vengeance ?

 27   Est-ce que les personnes concernées vous l'ont dit ? Est-ce que ce désir a

 28   résulté de ce que les gens avaient vécu le 7 janvier ?


Page 34929

  1   R.  Eh bien, je vais vous dire : quand vous voyez des gens dont la tête a

  2   été coupée, dont les jambes ont été coupées, après tout ce que les gens ont

  3   entendu à ce moment-là, il y a eu trois ou quatre personnes qui ont été

  4   décapitées et dont les corps ont été emportés à Srebrenica, toutes sortes

  5   de choses se sont passées.

  6   Q.  Monsieur Nikolic, quand avez-vous pu rentrer à votre domicile ?

  7   R.  J'ai réussi à rentrer chez moi -- parce que j'ai un frère à Mali

  8   Zvornik, donc j'ai passé un certain temps là-bas. Tout était incendié,

  9   brûlé, détruit, donc je n'avais nulle part à rentrer jusqu'à la signature

 10   des accords de Dayton. Après Dayton, j'ai obtenu de l'aide et j'ai pu

 11   reconstruire quelque chose, 64 mètres carrés. Donc, voilà, je pense que

 12   c'est ce que je peux dire. Ma grand-mère vit toujours là-bas aujourd'hui.

 13   Q.  Monsieur Nikolic, je vous remercie d'avoir répondu à toutes mes

 14   questions et d'avoir eu la volonté de venir témoigner. La Défense que je

 15   représente n'a plus de questions à vous poser. Je vous remercie.

 16   R.  Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stojanovic.

 18   Madame Melikian, est-ce que vous êtes prête à contre-interroger le témoin ?

 19   Mme MELIKIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Nikolic, vous allez maintenant

 21   être contre-interrogé par Mme Melikian, que vous voyez sur votre droite.

 22   Mme Melikian est substitut du Procureur représentant l'Accusation devant ce

 23   Tribunal.

 24   Contre-interrogatoire par Mme Melikian :

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Nikolic.

 26   R.  Bonjour.

 27   Q.  Monsieur Nikolic, dans votre déposition, vous venez de dire, et ceci

 28   figure à la page 28 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, que 48


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  1   personnes environ ont été tuées, qui étaient des habitants de votre village

  2   et qui ont été tuées le 7 janvier 1993.

  3   R.  Oui. Durant l'attaque de Kravica.

  4   Q.  Est-ce que, au nombre de ces personnes, on trouve des soldats

  5   également ?

  6   R.  C'étaient des civils. Il n'y avait pas de soldats parmi eux. Pour

  7   l'essentiel, c'étaient des civils qui étaient en train d'essayer de fuir.

  8   Ils étaient tous civils, pour autant que je sache.

  9   Mme MELIKIAN : [interprétation] J'aimerais que nous examinions le document

 10   65 ter numéro 4415, dont je demande l'affichage.

 11   Q.  En première page de ce document -- et j'aimerais donner quelques mots

 12   pour situer le contexte de ce document. C'est un rapport qui a été saisi au

 13   quartier général de la Brigade de Bratunac par le bureau du Procureur en

 14   février 1998. Et nous voyons en première page les mots suivants :

 15   "Situation en Bosnie-Herzégovine avant la guerre." Il s'agit donc d'un

 16   rapport chronologique détaillé des événements qui ont conduit à la guerre

 17   et à la création de la Brigade de Bratunac.

 18   Mme MELIKIAN : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage de la

 19   page 11 en version anglaise, page 10 de la version en B/C/S.

 20   Q.  Dans le paragraphe qui commence à peu près au milieu de la page et qui

 21   s'intitule : "Description, caractéristiques et résultats des combats et

 22   d'autres missions de combat exécutées par la brigade pendant son

 23   existence." Nous allons donc examiner quelques passages de ce paragraphe.

 24   Mme MELIKIAN : [interprétation] Je demande à présent l'affichage de la page

 25   15 en anglais et page 14 en B/C/S.

 26   Q.  A peu près aux deux tiers de la page en version anglaise, correspondant

 27   au sommet de la page en B/C/S, nous trouvons les mots suivants :

 28   "Les Musulmans connaissaient la situation des Serbes, c'est la raison pour


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  1   laquelle ils se sont pressés de lancer une nouvelle attaque pour s'emparer

  2   de Kravica le plus rapidement possible. Ils avaient pour projet d'exécuter

  3   le plus gros de leur attaque, l'aspect le plus décisif de cette attaque, à

  4   Noël, à la date du 7 janvier 1993."

  5   Un peu plus bas, nous voyons les mots suivants :

  6   "Tôt le matin du 7 janvier 1993, à la veille de Noël, l'attaque sur Kravica

  7   a été lancée à partir de plusieurs directions."

  8   Mme MELIKIAN : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous passions à

  9   la page 17 de la version anglaise --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai toujours pas trouvé le passage

 11   dont vous venez de donner lecture dans la page que vous venez d'utiliser.

 12   Mme MELIKIAN : [interprétation] Une seconde, je vous prie. Toutes mes

 13   excuses, le passage se trouve ici. Dans le dernier tiers de la page en

 14   anglais --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, maintenant je vois. J'ai trouvé le

 16   passage, 7 janvier, et cetera.

 17   Mme MELIKIAN : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant voir

 18   affichée la page 17 de la version anglaise, correspondant à la page 14 de

 19   la version B/C/S, dont je demande l'affichage également.

 20   Q.  Le passage qui m'intéresse est le haut de la page anglaise, qui se

 21   situe à peu près au milieu de la page en B/C/S. Nous voyons les mots

 22   suivants :

 23   "Les résultats désastreux subis par la population de Kravica à Noël 1993

 24   ont été la mort de 35 personnes et le fait que 36 soldats et 11 civils ont

 25   été blessés."

 26   Donc l'Accusation défend la position selon laquelle ce rapport représente

 27   de façon précise le nombre de victimes subies ce jour-là et que, donc, 35

 28   soldats ont été tués et 11 civils tués. Conviendrez-vous que les chiffres


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  1   évoqués dans ce passage du texte sont exacts, Monsieur Nikolic ?

  2   R.  Pour ma part, je sais qu'il existe un monument à Kravica aujourd'hui et

  3   j'ai lu ce qui figurait sur ce document, 48 personnes, d'après ce que je

  4   sais. Et il est indiqué, ce chiffre, sur le monument. Quarante-huit civils.

  5   Je ne peux pas vous parler des soldats parce que je n'étais pas

  6   présent là où ils se trouvaient. Mais aujourd'hui, sur ce monument, il est

  7   écrit "victimes civiles, 48." C'est écrit là-bas. Quant aux soldats, je ne

  8   sais vraiment pas. Je ne pourrais vous dire quoi que ce soit à ce sujet

  9   parce que je n'étais pas sur les lieux. J'étais déjà là où je vous ai dit

 10   avoir été, parce que c'était deux mois après. Pendant deux mois, on ne

 11   pouvait pas entrer à Kravica parce que Naser tenait Kravica. Même les

 12   oiseaux ne volaient plus là-bas. Toutes sortes de choses arrivaient aux

 13   gens qui s'y trouvaient. Les têtes des gens étaient coupées. Et un membre

 14   de ma famille a été décapité. Si son chien n'avait pas été là pour veiller

 15   au grain, les oiseaux auraient mangé ses restes.

 16   Je n'ai pas eu le courage de me rendre là-bas. Je ne sais pas combien

 17   exactement. Je vois le chiffre inscrit sur le monument aujourd'hui au sujet

 18   des victimes civiles.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je vous poser une question,

 20   Monsieur le Témoin.

 21   Est-ce que ce monument est votre seule source d'information quant au nombre

 22   de personnes décédées, qui serait de 48, et quant au fait qu'il s'agirait

 23   de civils ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie. Ça

 26   suffit.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que --

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas besoin d'expliquer. Je


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  1   vous remercie.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Madame Melikian.

  3   Mme MELIKIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Monsieur Nikolic, j'ai encore deux questions à vous poser. Vous

  5   rappelez-vous avoir témoigné avant votre témoignage d'aujourd'hui devant le

  6   Tribunal en décembre 2004 dans l'affaire le Procureur contre Naser Oric ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Aviez-vous été cité par l'Accusation dans l'affaire Oric ?

  9   R.  Je crois que oui. Il y a des gens qui sont venus de La Haye qui nous

 10   ont préparés. Je crois que c'était ça, d'après mes souvenirs. Personne

 11   d'autre ne m'a contacté.

 12   Q.  Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à vous poser, Monsieur.

 13   Mme MELIKIAN : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour le témoin,

 14   Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Melikian.

 16   Des questions supplémentaires ? Non.

 17   Eh bien, Monsieur Nikolic, les Juges de la Chambre n'ont pas non plus

 18   d'autres questions à vous poser, ce qui signifie que nous sommes parvenus à

 19   la fin de votre déposition devant la présente Chambre. La Chambre vous

 20   remercie de tout cœur d'avoir couvert une distance aussi importante pour

 21   venir jusqu'à La Haye et répondre aux questions qui vous ont été posées par

 22   les parties et par les Juges de la Chambre. Je vous souhaite à présent un

 23   bon retour à votre domicile. Vous pouvez sortir de la salle en suivant M.

 24   l'Huissier.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

 26   [Le témoin se retire]

 27   Mme MELIKIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Mme Hasan peut-elle

 28   être excusée [comme interprété] ?


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes excusées.

  2   Vous n'avez pas demandé le versement au dossier du dernier document,

  3   Madame Melikian. Vous en êtes consciente ?

  4   Mme MELIKIAN : [interprétation] En effet. Je ne l'ai pas fait.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

  6   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, nous essayons de

  8   déterminer si le témoin suivant, qui, si je ne m'abuse, est M. Vujic --

  9   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. 

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- nous essayons de déterminer s'il est

 11   déjà arrivé, parce qu'il était attendu à 11 heures et demie, mais il est

 12   peut-être arrivé un peu plus tôt.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Nous avons demandé au service compétent de le

 14   faire venir un peu plus tôt car nous avons appris qu'il n'y aurait pas de

 15   nombreuses questions de la part de l'Accusation pour le témoin précédent.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons attendre et voir ce qui se

 17   passe.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zec, c'est vous qui allez

 20   contre-interroger le témoin ?

 21   M. ZEC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vujic.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne commenciez votre

 27   déposition, le Règlement de ce Tribunal vous impose de prononcer une

 28   déclaration solennelle dont le texte vous est tendu en ce moment. Je vous


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  1   invite donc à prononcer cette déclaration solennelle.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  3   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN : DRASKO VUJIC [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Vujic. Vous pouvez vous

  7   asseoir.

  8   Monsieur Vujic, vous allez d'abord être interrogé par Me Lukic, que vous

  9   voyez sur votre gauche, et qui va se lever dans un instant. Me Lukic est

 10   conseil de la Défense de M. Mladic.

 11   Veuillez procéder, Maître Lukic.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir remettre le texte de sa

 14   déclaration préalable sur papier à M. Vujic.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une copie vierge, n'est-ce pas, où

 16   seul figure le texte, Maître Lukic ?

 17   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eprouvez-vous le besoin de le vérifier,

 19   Monsieur Zec ?

 20   M. ZEC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le texte peut être remis au témoin.

 22   Interrogatoire principal par M. Lukic :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Vujic.

 24   R.  Bonjour, Maître Lukic.

 25   Q.  Dans l'intérêt du compte rendu d'audience, veuillez décliner lentement

 26   vos nom et prénom.

 27   R.  Vujic, Drasko.

 28   Q.  Monsieur Vujic, avez-vous à un certain moment fait une déclaration


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  1   devant les représentants de l'équipe de Défense de M. Karadzic ?

  2   R.  Oui.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Je demande l'affichage sur nos écrans du

  4   document 1D0502516.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Maître Lukic. Combien,

  6   0502516 ?

  7   M. LUKIC : [interprétation] J'ai commis une erreur. Excusez-moi. 1D02516.

  8   Il faut afficher la dernière page. Puisqu'il s'agit de la déclaration qui a

  9   été faite dans l'affaire Karadzic, il n'y a pas de signature sur la

 10   première page du document.

 11   Q.  Monsieur Vujic, à la dernière page de votre déclaration qui  est

 12   affichée à l'écran devant vous, reconnaissez-vous la signature ?

 13   R.  Oui, c'est ma signature.

 14   Q.  Avez-vous eu l'occasion de parcourir votre déclaration ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que ce qui a été consigné dans cette déclaration a été consigné

 17   d'une façon correcte par rapport à ce que vous avez dit à l'époque ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Monsieur Vujic, est-ce que ce qui a été consigné dans cette déclaration

 20   est véridique, est-ce que cela est conforme à la vérité ?

 21   R.  Oui. Tout ce que j'ai dit, tout ce que j'ai déclaré est conforme à la

 22   vérité.

 23   Q.  Si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions, est-ce que vous me

 24   répondriez de la même façon, comme vous avez répondu à des questions qui

 25   vous ont été posées au moment où vous avez fait cette déclaration ?

 26   R.  Oui, je répondrais essentiellement de la même façon.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons le

 28   versement au dossier de la déclaration de M. Vujic.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, la

  3   déclaration reçoit la cote D1041.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et est versée au dossier.

  5   M. LUKIC : [interprétation]  Monsieur le Président, je vais donner

  6   lecture maintenant du résumé de la déclaration de ce témoin, de M. Vujic,

  7   et je vais lui poser des questions par la suite.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 10   Drasko Vujic a été mobilisé à la fin de l'année 1991 et a été envoyé en

 11   tant que membre du 5e Bataillon de la 343e Brigade de la JNA en Slavonie,

 12   où il est resté 45 jours. Ensuite, il est retourné à Prijedor. Et quand la

 13   crise à Prijedor a éclaté, il a commencé à créer une unité composée des

 14   gens de la communauté locale de Prijedor 2, de la région d'Urije.

 15   Cette unité était composée d'à peu près 900 à 1 200 hommes, dont beaucoup

 16   étaient des non-Serbes qui ont rejoint les rangs de cette unité de leur

 17   gré.

 18   Dans la matinée du 30 mai 1992, des unités musulmanes armées ont attaqué

 19   les soldats de M. Vujic d'un parc situé entre deux passages souterrains et

 20   également d'une entreprise qui se trouvait à la proximité. L'un des soldats

 21   a été tué lors de cette attaque, alors que les autres ont réagi à cette

 22   attaque surprise et opposé une résistance. Pendant ce conflit, les

 23   Musulmans ont ouvert le feu sur une ambulance qui était en route pour la

 24   ville et ont grièvement blessé son chauffeur. Après une heure de combat,

 25   les unités musulmanes ont été repoussées et se sont retirées dans la

 26   direction de la Sana.

 27   Pendant ce combat, un soldat ennemi a été capturé. Il portait un uniforme

 28   de camouflage, il avait un bandana de couleur verte, une coupe de cheveux


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  1   de style Cherokee et des symboles islamiques. Après qu'il ait dit que

  2   Prijedor était attaquée de plusieurs groupes armés de différentes

  3   directions, le prisonnier a été escorté jusqu'à la garnison et a été remis

  4   aux organes de la sécurité.

  5   Après cet épisode, le bataillon n'a pas participé au cours des opérations

  6   de combat avant le mois de septembre 1992, où la plupart du bataillon était

  7   envoyé sur la ligne de front à Gradacac, et un petit nombre de soldats du

  8   bataillon recevaient pour tâche de nettoyer le mont Kurevo, où étaient

  9   basées des unités musulmanes. L'un des soldats qui a pris part au combat à

 10   Kurevo a été blessé, alors qu'un autre soldat s'est fait tuer.

 11   Pendant l'été 1992, les patrouilles du bataillon étaient présentes dans la

 12   proximité de la mosquée à Puharska, au moment où la mosquée a été détruite

 13   dans une explosion. M. Vujic a en personne aidé des gens qui étaient

 14   blessés, et parmi ces gens il y a un homme musulman qu'il a mis dans sa

 15   voiture et a emmené à l'hôpital, où il a reçu un traitement médical. Les

 16   soldats qui faisaient partie de la patrouille étaient en état de choc et

 17   ont subi des dommages au niveau de l'ou?e. M. Vujic a fait tout qui était

 18   possible pour réconforter les habitants de Puharska et pour prévenir

 19   d'autres tentatives de les importuner.

 20   En 1992, les unités paramilitaires serbes diverses déambulaient dans la

 21   municipalité de Prijedor, en causant de gros problèmes à des Musulmans et à

 22   des Serbes. M. Vujic en personne a arrêté un membre de l'unité Suva Rebra,

 23   l'une des formations paramilitaires actives dans la région de Prijedor. Un

 24   soldat de cette unité paramilitaire a été désarmé, ligoté et par la suite

 25   escorté dans la prison à Gradiska.

 26   En 1995, il est devenu membre du SDS, et par la suite il est devenu vice-

 27   président du conseil municipal et député à l'assemblée municipale pour un

 28   mandat.


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  1   C'était le résumé de la déclaration de ce témoin, Monsieur le Président, et

  2   maintenant je vais probablement poser quelques questions -- est-ce qu'il

  3   est venu le moment propice pour faire la pause déjà ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Bien. Dans ce cas-là, je vais poser mes

  6   questions, avec votre autorisation, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y. Puisque nous avons encore 20

  8   minutes avant la pause.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 10   Je vais commencer par un document qui a été proposé en tant que pièce

 11   connexe qui n'est pas reliée à la déclaration, et il a été téléchargé dans

 12   notre système sous le numéro 1D04952.

 13   Q.  Monsieur Vujic, nous voyons à l'écran un document qui ne dispose pas de

 14   traduction. Je vais vous demander de nous lire le titre de ce document.

 15   R.  "Liste des personnes d'appartenance ethnique non serbe qui étaient

 16   membres du 3e Bataillon motorisé."

 17   Q.  Pouvez-vous nous lire également ce qui figure dans la ligne suivante où

 18   sont indiqués les titres des colonnes. Pouvez-vous lire cela, s'il vous

 19   plaît.

 20   R.  Dans la première ligne, on voit le "nombre ordinal"; ensuite, dans la

 21   deuxième colonne, "prénom, prénom de père, nom de famille" de chaque membre

 22   de l'unité; troisième colonne, "l'année de sa naissance"; quatrième

 23   colonne, période pendant laquelle ce membre était dans l'unité à partir du

 24   début jusqu'à la fin de sa participation aux activités de l'unité pour ce

 25   qui est de chacun de ces individus.

 26   Q.  Monsieur Vujic, qui a rédigé ce document ?

 27   R.  Ce document a été rédigé par moi, et je me suis appuyé sur la base de

 28   données dont je dispose toujours concernant la participation des


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  1   combattants qui faisaient partie du 3e Bataillon motorisé.

  2   Q.  Il nous est facile de comprendre la teneur de la colonne où il y a le

  3   numéro ordinal et également la colonne où on voit le prénom, le prénom de

  4   père et le nom de famille du membre. Dans la dernière colonne, où on voit

  5   indiqué "la période de l'engagement" de chaque membre du bataillon, pouvez-

  6   vous nous dire comment inscriviez-vous les données dans cette colonne ?

  7   R.  Dans notre registre militaire, tous les membres de l'unité, au moment

  8   où il a été enregistré, la date de l'enregistrement est inscrite, et dans

  9   la deuxième partie de la même colonne on voit la date de son départ de

 10   l'unité.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Puis-je poser une question à ce

 12   moment, Maître Lukic.

 13   Monsieur Vujic, si vous regardez ce qui figure au numéro 21, vous allez

 14   voir qu'il y a un nom, et nous voyons que cette personne a rejoint les

 15   rangs de l'armée le 6 juillet 1993 et qu'il est parti de l'armée à la même

 16   date. Comment expliquez-vous cela ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-là, il est évident que ce soldat a

 18   été envoyé par le ministère au 3e Bataillon. Une fois arrivé à l'unité, il

 19   a remis le document qui l'exempte du service dans l'unité. Et sur la base

 20   de ce document d'exemption du service militaire, il a pu revenir chez lui

 21   le même jour.

 22   Donc il a fait respecter la décision du ministère qui l'a envoyé à l'unité.

 23   Et moi, en tant que commandant, sur la base du document présenté par ce

 24   membre, je l'exempte du service militaire, et il a pu retourner chez lui.

 25    M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 27   Q.  Monsieur Vujic, quelles sont les raisons pour lesquelles des membres de

 28   votre unité ont cessé d'être engagés au sein de votre unité ?


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  1   R.  Ici, on voit plusieurs raisons de la cessation de leur engagement. Dans

  2   ce document, on voit que ces personnes étaient engagées du premier au

  3   dernier jour à l'unité. On voit que certains d'entre ces personnes étaient

  4   membres du premier jour. Mais un ou deux ans avant la fin, ils ont quitté

  5   l'unité, et cela était possible si un membre de l'unité était réaffecté

  6   dans une autre unité à cause d'une autre spécialité. Il est possible que

  7   certains membres étaient tombés malades pendant cette période de temps ou

  8   étaient blessés. Malheureusement, il y en a eu qui se sont fait tuer. Il y

  9   avait également d'autres raisons pour lesquelles certains membres de

 10   l'unité ont quitté l'unité avant la fin.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser une question

 12   concernant les dates que vous avez mentionnés. Est-ce que ce sont les dates

 13   inscrites ici sur la base des documents administratifs, ou est-ce que vous

 14   avez procédé à la vérification pour savoir si ces personnes se trouvaient

 15   en service pendant cette période de temps-là ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai rédigé cela sur la base des

 17   documents officiels du bataillon. Le bataillon tenait le registre qui

 18   s'appelait VOB-8, où on peut trouver ces dates, et ces dates doivent

 19   correspondre aux dates dans le registre VOB-8 qui est remis au ministère.

 20   Il ne devrait pas y avoir une discordance entre ces deux registres.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends qu'il ne devrait pas y

 22   avoir de différence, mais est-ce que vous avez vérifié s'il y avait des

 23   différences ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que je dispose d'une copie du VOB-

 25   8 concernant l'engagement de tous les membres du bataillon, pas dans le

 26   registre original du VOB-8 mais dans une copie, je l'ai recopié, en fait,

 27   avant sa remise. Et lorsqu'on procédait à parcourir le statut de tous ces

 28   soldats et d'autres membres du bataillon - et il y avait 3 540 membres du


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  1   bataillon pendant toute la durée de la guerre - personne d'entre ces

  2   soldats n'avait aucune objection concernant ce registre officiel contenu

  3   dans le registre VOB-8.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais tout ceci a été inscrit sur la base

  5   des documents administratifs ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le seul document, ce VOB-8, qui soit le

  7   document valide. Et pour ce qui est des unités subordonnées et des chefs de

  8   ces unités subordonnées, ils sont tous d'accord pour dire que tout est

  9   correctement inscrit dans ce registre.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Lukic.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur Vujic, concernant ces personnes, est-ce que vous les

 13   connaissiez en personne ? Et pour certains de ces individus, est-ce que

 14   vous savez s'ils étaient membres de votre unité ?

 15   R.  Oui. Je connaissais la plupart d'entre ces personnes. Je les

 16   connaissais en personne. Il y avait un petit nombre d'entre ces membres de

 17   l'unité que je ne connaissais pas leur prénom ni leur nom de famille, mais

 18   j'ai une bonne mémoire et je me souviens d'eux. Mais j'ai oublié les noms

 19   et les prénoms de certains d'entre eux. Il y avait un Bataillon des

 20   Travailleurs qui a été rattaché à mon unité pendant une courte période de

 21   temps, peut-être pendant 30 ou 45 jours, au maximum 60 jours. Pour ce qui

 22   est des membres de ce Bataillon des Travailleurs, je peux dire que je ne

 23   connais pas tous les membres.

 24   Q.  Merci. Nous voyons que dans cette colonne, dans la deuxième partie, on

 25   voit l'année 1996 pour ce qui est de toutes les personnes concernées. On ne

 26   voit pas de date de l'année 1997 ou 1998. Pouvez-vous nous dire pourquoi,

 27   pour ce qui est de tous ces membres, la date de cessation de service est

 28   l'année 1996 ?


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  1   R.  Dans cette colonne, on voit que 1996 était l'année où l'unité a cessé

  2   de fonctionner. En 1996, il y a eu la démobilisation de la plupart des

  3   combattants, presque de tous les combattants. Je peux dire en tant que

  4   commandant de l'unité qu'il n'est resté qu'un petit nombre de personnes qui

  5   étaient mes assistants pour s'occuper de l'inventaire des moyens techniques

  6   et compléter les registres que nous devions remettre au commandant de la

  7   brigade. Et tous les autres étaient démobilisés à ce moment-là.

  8   Q.  D'où provenaient ces membres de votre bataillon ainsi que d'autres

  9   membres de votre bataillon ? De quelle région ?

 10   R.  Il s'agit des membres qui provenaient principalement de la zone d'où

 11   provenaient des gens qui complétaient cette unité, à savoir d'Urije, de

 12   Puharska, d'Orlavaca, d'Orlovci, de Garevci et de Cirkin Polje, toutes ces

 13   communautés locales. Il y avait peu de gens qui provenaient d'autres

 14   secteurs de la municipalité qui faisaient partie de cette unité. La plupart

 15   des membres de l'unité provenaient des communautés locales que je viens

 16   d'énumérer.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, tout cela se trouve dans

 18   la déclaration. Poursuivez. Donc tout cela se trouve dans le paragraphe

 19   numéro 1 de la déclaration.

 20   Continuez, Maître Lukic.

 21   M. LUKIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Vujic, où étaient les membres de famille des membres de votre

 23   unité qui n'étaient pas d'appartenance ethnique serbe ?

 24   R.  Etant donné qu'ils provenaient de cette zone que je viens de

 25   mentionner, leurs familles vivaient dans leurs maisons. Leurs familles ne

 26   partaient nulle part. Ils sont avec nous. Les membres de leurs familles

 27   disaient au revoir à l'unité, appuyaient l'unité et partageaient avec nous

 28   tous les bons et les mauvais moments de la vie.


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  1   Q.  Quel était le rapport des membres de votre unité envers les membres de

  2   votre unité qui n'étaient pas d'appartenance ethnique serbe ?

  3   R.  Dans cette unité, il n'y avait aucune différence entre les combattants

  4   serbes et les combattants d'autre appartenance ethnique. Nous partions sur

  5   le front ensemble, nous retournions ensemble sur le front, nous partagions

  6   le même destin. Nous dormions dans les mêmes tranchées, nous mangions la

  7   même nourriture, nous buvions les mêmes boissons. Et dans des moments de

  8   crise, il y avait des événements qui peuvent faire partie d'une histoire de

  9   guerre qui dit que des combattants aidaient d'autres combattants. Il n'y

 10   avait donc aucune différence entre les membres du bataillon qui appartenait

 11   à divers groupes ethniques.

 12   Q.  Merci, Monsieur Vujic.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, il est temps de faire la

 14   pause. Mais avant cela, je propose que ce document soit versé au dossier

 15   avec une cote aux fins d'identification puisque ce document n'a pas été

 16   traduit jusqu'ici.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-on voir la dernière page du

 18   document ?

 19   M. LUKIC : [interprétation] Oui. C'est la troisième page. Non, c'est la

 20   quatrième page. C'est la dernière page du document.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, sur la liste, c'est le numéro

 22   133, n'est-ce pas ?

 23   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, donnez-nous une

 26   cote.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote sera D1042.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1042 est versé -- non, obtient une cote


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  1   aux fins d'identification en attendant sa traduction.

  2   Monsieur Zec, vous n'avez pas d'objection au versement ?

  3   M. ZEC : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il est venu

  6   le moment propice pour faire la pause.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous avons encore cinq minutes

  8   avant la pause. Mais si vous trouvez que le moment est opportun pour faire

  9   la pause, nous pouvons faire la pause maintenant.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Oui, puisque je vais aborder un autre sujet.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. C'est une bonne raison pour faire

 12   la pause maintenant.

 13   Monsieur Vujic, nous allons faire une pause de 20 minutes. Vous pouvez

 14   suivre M. l'Huissier pour quitter le prétoire. Et nous aimerions vous

 15   revoir dans le prétoire après la pause.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre à 12 heures 10.

 18   --- L'audience est suspendue à 11 heures 50.

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 15.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, Monsieur Mladic,

 21   s'il vous plaît, concentrez-vous sur ce qui se passe dans la salle

 22   d'audience plutôt que dans la galerie publique.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Messieurs les Juges, avant que l'on ne fasse

 24   entrer le témoin, je tiens tout simplement à informer les Juges de la

 25   Chambre que nous avons maintenant préparé une traduction pour la pièce

 26   D1042.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il s'agissait de --

 28   M. LUKIC : [interprétation] Il s'agit de la liste.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La liste. Oui. Monsieur Zec, vous n'avez

  2   pas soulevé d'objection.

  3   Par conséquent, Madame la Greffière, veuillez ajouter la traduction

  4   anglaise à la pièce D1042, et cette pièce est maintenant admise au dossier.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine que vous êtes en mesure de

  7   nous citer la cote de la traduction anglaise. Sinon, la Défense vous en

  8   informera.

  9   Vous pouvez poursuivre, Maître Lukic.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Vujic, pouvons-nous continuer ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Veuillez vous pencher sur le paragraphe 6 de votre déclaration

 14   préalable, s'il vous plaît. Le paragraphe 6 figure à la page 2.

 15   Dans ce paragraphe de votre déclaration préalable, vous indiquez qu'avant

 16   les combats et avant le ratissage du terrain, vous avez proposé à la

 17   Défense territoriale des Musulmans de rendre leurs armes pour éviter des

 18   conflits superflus. Le voyez-vous ?

 19   R.  Oui, je le vois.

 20   Q.  Où êtes-vous allé ? Et d'abord : êtes-vous allé quelque part pour

 21   entamer des négociations sur le sujet ?

 22   R.  J'ai insisté à plusieurs reprises pour que l'on organise une réunion

 23   entre les dirigeants des deux parties. Je souhaitais que nous nous

 24   rencontrions d'une façon humaine pour étudier la situation et trouver la

 25   meilleure solution possible. Je n'hésitais pas à me rendre sur le

 26   territoire contrôlé par eux, si cela s'avérait nécessaire. Et l'une de nos

 27   réunions s'est tenue dans le QG de leur Défense territoriale même. C'est là

 28   que nous nous sommes rencontrés et c'est là que nous avons entamé une


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  1   discussion pour voir de quelle façon nous pouvions arranger la situation de

  2   façon à éviter toute perte de civils ou de nouveaux conflits.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous êtes-vous adressé aux Serbes

  4   également pour que ceux-ci remettent leurs armes avec ce même but, à savoir

  5   celui d'éviter des conflits superflus ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, les Serbes avaient formé une unité de

  7   guerre qui, par ailleurs, était ouverte aux représentants des Musulmans

  8   avec qui je négociais. Les portes de cette unité étaient ouvertes à tout le

  9   monde, et c'est pourquoi je suis allé parler à tous ceux qui ne

 10   souhaitaient pas rejoindre les rangs de l'unité officielle et je leur ai

 11   demandé de rendre leurs armes pour éviter une guerre avec eux.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais dans ce paragraphe, on ne dit pas

 13   que vous avez contacté les personnes qui ne souhaitaient pas rendre leurs

 14   armes. Il est indiqué que vous avez, en fait, contacté la Défense

 15   territoriale musulmane.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et cela correspond à la vérité. J'ai

 17   contacté leurs supérieurs hiérarchiques, leurs officiers qui répondaient

 18   d'eux et de ce qu'ils faisaient sur place, puisqu'ils ne faisaient

 19   qu'exécuter les ordres des personnes avec qui j'ai négocié.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais la TO était une unité qui elle

 21   aussi avait pour objectif de protéger la communauté. Or, vous dites que les

 22   Serbes faisaient partie de l'armée et c'est pourquoi vous n'êtes pas allé

 23   les voir et leur parler.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais compte tenu du fait qu'il s'agissait ici

 25   d'un conflit interethnique, la Défense territoriale perd tout son sens, à

 26   moins d'avoir deux parties opposées qui alors ont deux Défenses

 27   territoriales. Mais s'il s'agit de créer une unité officielle qui

 28   rassemblerait tout le monde et qui exécuterait les ordres des commandants


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  1   supérieurs et des officiers de l'armée officielle, alors il était superflu

  2   d'avoir une Défense territoriale. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit.

  3   La plupart de ces gens se sont vu attribuer des tâches à l'intérieur des

  4   instances officielles, mais ils ont refusé de s'y conformer. Ils ont plutôt

  5   choisi de tenir compte de l'appel lancé par le ministre de la Défense à

  6   l'époque où il invitait tous les conscrits à ne pas répondre à l'appel à la

  7   mobilisation qui leur a été adressé et à ne pas rendre leurs armes.

  8   Et puisque ces gens-là existaient et que cela posait problème, c'est

  9   pourquoi j'ai essayé d'arriver à une sorte d'accord avec eux pour éviter un

 10   conflit.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 12   Maître Lukic, vous pouvez poursuivre.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais une question de suivi qui

 14   concerne elle aussi le paragraphe 6.

 15   Vous dites que certains d'entre eux ont rendu des armes qui étaient surtout

 16   des armes de type civil. Qu'est-ce que vous entendez par "ces armes de type

 17   civil" ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, les gens qui étaient conscients du

 19   fait que tout conflit armé aurait des conséquences désastreuses ont accepté

 20   de rendre --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous demande ce

 22   que vous entendiez par le terme "les armes de type civil". Donc, qu'est-ce

 23   que cela représente ? Pensez-vous aux fusils de chasse ou…

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense aux fusils de chasse ainsi qu'aux

 25   pistolets civils, équipés de munitions qui n'étaient pas militaires. Tout

 26   ce qui n'appartient pas à l'armée fait partie des armes civiles, des armes

 27   possédées par des civils.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les Serbes avaient-ils aussi


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  1   l'obligation de remettre leurs fusils de chasse et leurs pistolets non

  2   militaires ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils n'étaient pas obligés de le faire, et

  4   je ne leur ai jamais demandé de le faire.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tel est le cas, je dois vous demander

  6   pour quelle raison les personnes qui possédaient des fusils de chasse et

  7   qui étaient d'appartenance ethnique musulmane et croate étaient censées

  8   être dépourvues de leurs armes, alors que les Serbes pouvaient toujours

  9   continuer à pratiquer la chasse ? Pour quelle raison en était-il ainsi ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne leur ai jamais demandé de remettre

 11   leurs armes civiles. Je leur ai demandé de remettre des armes de type

 12   militaire et toutes les armes qu'ils avaient obtenues par le biais du parti

 13   ou par quelque autre moyen clandestin. Il y avait, par exemple, un grand

 14   nombre de fusils, puisque j'ai appris par le biais des organes chargés du

 15   renseignement le nombre exact de fusils qui étaient arrivés dans la région,

 16   et c'est la raison pour laquelle j'exerçais une pression sur ces gens pour

 17   qu'ils soient raisonnables et de remettre toutes ces armes, en leur

 18   promettant qu'ils ne seraient absolument pas attaqués, qu'ils ne subiraient

 19   pas de mauvais traitements et que nous allions continuer à vivre ensemble

 20   normalement.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au paragraphe 6 de votre déclaration

 22   préalable, vous ne dites pas que vous leur avez demandé de remettre leurs

 23   armes militaires. Vous dites tout simplement qu'ils étaient censés rendre

 24   leurs armes. Et dans la phrase suivante, vous dites qu'un certain nombre

 25   d'entre eux ont écouté votre appel en rendant des armes, et surtout des

 26   armes civiles. Alors, si je vous ai bien compris, en fait, ce ne sont pas

 27   ces armes civiles qui vous intéressaient, mais seulement des armes

 28   militaires. Vous ai-je bien compris ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez très bien compris. Je n'ai pas

  2   insisté pour qu'on remette des armes de type civil. Moi, je croyais qu'ils

  3   allaient remettre leurs armes militaires, les armes qui provenaient de la

  4   TO et de la police de réserve. Mais voilà --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends. Mais en même temps, vous

  6   dites qu'ils ont remis surtout des armes civiles. Donc, apparemment, vous

  7   ne leur avez pas indiqué explicitement que ces armes-là ne vous

  8   intéressaient pas. Vous les avez tout simplement acceptées. Vous ai-je bien

  9   compris ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez bien compris. Nous avons reçu tout

 11   ce qu'ils ont amené, puisqu'ils nous avaient remis ces armes à titre

 12   volontaire. Les gens qui ont remis les armes les ont remises parce que

 13   n'importe quel type d'arme aurait pu leur causer des problèmes. Ces gens-là

 14   souhaitaient préserver la paix et c'est pourquoi ils rendaient même leurs

 15   armes civiles, alors que les autres qui souhaitaient s'engager dans un

 16   conflit n'ont pas rendu même leurs armes militaires.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais les Juges de la Chambre se

 18   sont vu présenter un nombre important d'éléments de preuve concernant les

 19   Musulmans et les Croates, concernant en tout cas des civils non serbes, et

 20   les demandes qui leur ont été adressées pour rendre leurs armes. Et d'après

 21   ces éléments de preuve, on leur demandait de rendre leurs armes, quelles

 22   qu'elles soient, alors que vous dites autre chose. Avez-vous une

 23   explication à fournir pourquoi des approches aussi différentes ont-elles

 24   été adoptées ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais personnellement, je ne pensais pas que

 26   les gens qui possédaient des fusils de chasse représentaient un danger. Je

 27   ne pensais pas que ceux qui possédaient des pistolets civils représentaient

 28   une menace. Je pensais que le danger venait des unités organisées qui


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  1   étaient issues de l'ancienne TO et de la police de réserve --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, mis à part votre point de vue

  3   personnel sur la chose, je vous pose maintenant une question factuelle très

  4   claire : avez-vous demandé que toutes les armes soient rendues ou avez-vous

  5   précisé qu'il ne s'agissait que de rendre des armes militaires ? Donc, en

  6   laissant de côté votre point de vue sur la dangerosité de ces armes,

  7   lorsque vous leur avez demandé de rendre les armes, avez-vous demandé

  8   qu'ils rendent toutes les armes ou seulement des armes militaires ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, nous nous servions du termes

 10   "armes" ou "armement", "naroujang" [phon]. Alors, certains ont cru que cela

 11   se rapportait à toutes les armes possibles, mais j'ai essayé de vous

 12   expliquer tout à l'heure que ce qui représentait un danger potentiel,

 13   c'était surtout les armes militaires, les armes que des gens avaient reçues

 14   par le biais de leur parti politique et de façon clandestine.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, je vais vous interrompre. Donc

 16   vous leur avez demandé de rendre leurs armes sans préciser qu'il ne fallait

 17   rendre que des armes de type militaire. Vous ai-je bien compris ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous m'avez bien compris.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Une question de suivi, s'il vous

 21   plaît.

 22   Pouvez-vous nous préciser les dates ? Au paragraphe 6, je ne vois pas

 23   de date qui serait indiquée. A quel moment tout cela s'est-il passé ? A

 24   quel moment vous avez demandé à la Défense territoriale musulmane de rendre

 25   les armes et à quel moment avez-vous entamé les négociations avec le

 26   représentant ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, je n'ai pas mon carnet de

 28   notes ici. Si je l'avais sous les yeux, j'aurais pu vous donner les noms et


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  1   les dates d'une façon très exacte. Mais sans mes notes, tout ce que je peux

  2   vous dire, c'est que cela s'est passé un mois ou un mois et demi avant le

  3   30 mai, donc avant l'attaque contre Prijedor.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela me suffit.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai une autre

  6   question de suivi.

  7   Compte tenu du fait que vous souhaitiez éviter un conflit et rassurer les

  8   Musulmans que vous aviez invités à rendre les armes et leur montriez que

  9   vous aviez des intentions pacifiques, avez-vous demandé aux Serbes de

 10   rendre eux aussi leurs armes - et là, je parle des armes militaires -

 11   puisque vous souhaitiez que les Musulmans vous rendent leurs armes

 12   militaires ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas demandé aux Serbes de rendre

 14   leurs armes militaires.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous pouvez poursuivre.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Nous allons revenir sur la phrase que nous avons sous les yeux en ce

 19   moment, Monsieur Vujic. Vous dites :

 20   "Sur une proposition de ma part adressée à la TO, c'est-à-dire à la Défense

 21   territoriale musulmane, celle-ci s'est vu offrir l'occasion de rendre ses

 22   armes."

 23   Est-ce que la TO disposait des armes civiles ou militaires ?

 24   R.  La Défense territoriale musulmane disposait exclusivement des armes de

 25   type militaire.

 26   Q.  Par conséquent, lorsqu'on demande à la Défense territoriale de rendre

 27   les armes, est-il vraiment nécessaire, d'après vous, de préciser que cela

 28   se réfère uniquement à des armes de type militaire ? Ne suffit-il pas de


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  1   dire que la TO doit rendre ses armes ?

  2   R.  A l'époque, il me semblait, et même aujourd'hui je le crois toujours,

  3   qu'il suffisait de dire tout simplement à la Défense territoriale qu'elle

  4   devait rendre ses armes.

  5   Q.  Merci. Nous avons vu il y a quelques instants un document, pour lequel

  6   maintenant nous avons une traduction, et qui concernait les non-Serbes qui

  7   ont rejoint les rangs des unités officielles. Ces non-Serbes - c'est-à-

  8   dire, ces Musulmans, ces Ukrainiens, ces Rom, ces Croates - est-ce qu'ils

  9   se sont vu accorder des armes, et si oui, de quel type ?

 10   R.  Tous ceux qui ont répondu à l'appel à la mobilisation et qui se sont

 11   présentés dans leur unité de guerre ont reçu des armes prévues par les

 12   règlements ainsi que tout l'équipement nécessaire. Donc ils avaient leur

 13   complet militaire et leurs armes, tels que prévus par les règlements pour

 14   le temps de guerre et pour le fonctionnement des unités en temps de guerre.

 15   Q.  A cette époque, Monsieur Vujic, c'est-à-dire un mois ou un mois et demi

 16   avant l'attaque lancée contre Prijedor, la Défense territoriale avait-elle

 17   l'obligation de rendre les armes en sa possession aux unités militaires

 18   compétentes ? Vous en souvenez-vous ?

 19   R.  Eh bien, je ne sais pas si un document officiel à cet effet existait ou

 20   un ordre des supérieurs hiérarchiques. Mais ce que je sais, c'est que la

 21   Défense territoriale n'était plus censée pouvoir fonctionner. Ce qui s'est

 22   produit, c'est que tout simplement la Défense territoriale a éclaté en deux

 23   et ce, en fonction des principes ethniques. Et il aurait été souhaitable de

 24   désarmer les uns et les autres et de les placer sous un commandement

 25   unique. C'était l'objectif que nous visions. Ceux qui ne souhaitaient pas

 26   réaliser les ordres donnés par le commandement devaient rendre leurs armes.

 27   Ceux qui souhaitaient obéir au commandement supérieur se voyaient octroyer

 28   des armes et se voyaient confier des missions en même temps que nous et


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  1   dans les mêmes conditions.

  2   Q.  A un moment donné, avez-vous intégré la TO serbe dans les rangs de

  3   l'armée; autrement dit, avez-vous traité les membres de la TO de la même

  4   façon, en leur disant qu'ils ne pouvaient pas continuer à fonctionner en

  5   dehors des unités militaires ?

  6   R.  Mais oui, bien évidemment. La Défense territoriale serbe a assez

  7   rapidement été assimilée et intégrée à l'unité militaire qui devait

  8   fonctionner en temps de guerre. Il y avait un petit nombre d'individus qui

  9   ont refusé de rejoindre les rangs de l'unité de guerre, mais à ce moment-là

 10   ils ont rendu leurs armes et ne faisaient plus partie d'aucune unité quelle

 11   qu'elle soit. Ces personnes n'étaient plus enregistrées. Mais tous ceux qui

 12   ont été mobilisés dans les rangs de l'unité de guerre et qui souhaitaient

 13   participer aux opérations de l'unité se sont vu octroyer des armes, et ces

 14   armes différaient d'une mission à l'autre qui leur était confiée. Et tout

 15   cela avait été fait conformément aux règlements en vigueur.

 16   Q.  Merci.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de poser une question pour

 18   préciser.

 19   Est-ce que les unités de la TO étaient subordonnées aux unités prévues pour

 20   le temps de guerre ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce qui se passait de façon

 22   générale, mais dans ma zone, à cette époque-là, j'ai demandé aux Musulmans

 23   de soit rejoindre les rangs de notre unité, soit de remettre les armes,

 24   alors que la Défense territoriale serbe avait déjà été dissimulée à hauteur

 25   de 90 %, disons. Donc elle a été intégrée à l'unité de guerre et, de fait,

 26   n'existait plus.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et, par conséquent, l'ancienne TO

 28   s'est vue subordonnée au commandement de l'unité de guerre, si je vous ai


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  1   bien compris.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous m'avez très bien compris.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et sur la base de quoi avez-vous reçu

  4   l'ordre de subordonner les unités de la TO et pour quelle raison avez-vous

  5   décidé que les unités de la TO ne pouvaient pas continuer à fonctionner

  6   indépendamment et qu'elles devaient être subordonnées ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Après être revenu du théâtre de guerre en

  8   Slavonie occidentale sur un ordre du commandant, j'ai reçu l'ordre

  9   d'organiser une unité et de placer sous mon contrôle tous les effectifs et

 10   toutes les armes disponibles. C'était notre objectif de base et notre seul

 11   objectif, quel que soit l'âge des personnes concernées.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous n'écoutez pas

 13   attentivement la question que je vous pose. Ma question était la suivante :

 14   sur la base de quoi avez-vous décidé -- ou, plutôt, non, terminez d'abord

 15   votre réponse, puis j'aurais peut-être une autre question de suivi.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur un ordre du commandant de la brigade,

 17   j'étais censé, comme la situation était chaotique - que les Serbes aussi

 18   bien que les Musulmans qui étaient venus en contact avec les armes de la

 19   Défense territoriale avaient gardé ces armes - nous avions l'objectif de

 20   placer ces armes sous contrôle d'une unité militaire. Et j'ai vraiment

 21   travaillé jour et nuit pour réaliser cet objectif. Et je dois dire que

 22   j'avais un taux de réussite important.

 23   Les négociations que nous avons menées étaient une autre façon d'essayer de

 24   persuader ceux qui ont refusé de rendre les armes de rejoindre les rangs de

 25   notre unité ou alors de rendre leurs armes.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous sortez du cadre de la question que

 27   je vous ai posée. Donc c'est sur un ordre du commandement de la brigade que

 28   vous avez subordonné à vous la Défense territoriale et ses armes, que vous


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  1   avez subordonné la Défense territoriale à votre unité de guerre ?

  2   Monsieur Mladic, vous ne devez pas vous exprimer à haute voix, s'il vous

  3   plaît.

  4   Monsieur le Témoin, veuillez répondre à ma question, s'il vous plaît.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris votre question. Vous avez

  6   émis un commentaire. Vous avez constaté quelque chose tout simplement.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous ai présenté un peu le

  8   contexte.

  9   Ma question était la suivante : faut-il conclure que c'est sur un ordre du

 10   commandement de la brigade que vous avez placé sous votre commandement la

 11   TO et ses armes et que vous les avez subordonnées à votre unité de guerre ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aurais une autre question pour que

 15   vous nous apportiez des précisions, s'il vous plaît.

 16   Si j'ai bien compris votre déposition, vous aviez l'intention d'éviter des

 17   conflits, de maintenir la paix, c'est pourquoi vous avez dépourvu les

 18   Musulmans de leurs armes. Mais vous n'avez pas fait la même chose pour les

 19   Serbes. Au contraire, au même moment où vous preniez les armes des

 20   Musulmans, vous mettiez sur pied une unité de guerre en débandant la

 21   Défense territoriale serbe et en la subordonnant à l'unité de guerre.

 22   Donc, si je vous ai bien compris : d'un côté, les Musulmans devaient être

 23   désarmés; mais d'autre part, les Serbes s'organisaient en unités de guerre,

 24   et tout cela dans l'idée de maintenir la paix ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Et lorsque vous dites que nous avons débandé

 26   la Défense territoriale, cela s'était déjà produit au préalable. Elle

 27   n'avait plus de commandement. Et cela, du seul fait que certains avaient

 28   répondu à l'appel à la mobilisation alors que d'autres ne l'avaient pas


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  1   fait --

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre. Je

  3   ne dis pas que vous avez débandé la Défense territoriale. J'ai tout

  4   simplement cité vos mots. Vous avez dit que la Défense territoriale serbe a

  5   été subordonnée à l'unité de guerre, parce qu'il était superflu pour elle

  6   de continuer à exister telle quelle. Mais maintenant, je vous dis que vous

  7   avez incorporé la Défense territoriale serbe dans l'armée serbe, en créant

  8   une unité de guerre, et manifestement pour vous préparer pour la guerre

  9   puisque vous n'avez pas désarmé ces gens-là, ces Serbes-là. Mais en même

 10   temps, vous avez procédé à désarmer les Musulmans. Etes-vous en train de

 11   nous dire que c'était là la façon dont vous comptiez assurer la paix ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais la paix.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le Juge Moloto et moi-même

 15   ne sommes pas absolument certains d'avoir bien saisi votre réponse.

 16   Pourriez-vous répéter votre réponse, je vous prie.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai commencé à répondre, et le Juge a dit :

 18   "Oui."

 19   Mais voilà ce que je voulais dire : pour ma part, j'imaginais la paix d'une

 20   façon tout à fait différente compte tenu des circonstances de l'époque. Il

 21   est impossible de dire que nous avons tout simplement transformé la Défense

 22   territoriale en unité de guerre. Son rôle était le même que celui des

 23   Musulmans. Il a été dit la même chose aux Serbes : Soit vous vous ralliez,

 24   soit vous êtes désarmés, vous rendez vos armes. Les conditions étaient les

 25   mêmes pour les uns et pour les autres. Il se trouve que les Serbes se sont

 26   ralliés, ont incorporé l'unité, et que les Musulmans n'ont pas remis leurs

 27   armes et ne se sont pas incorporés à l'unité. Les Musulmans ont refusé de

 28   le faire, c'est la raison pour laquelle nous avons dû négocier sur ce point


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  1   en leur disant : Soit vous rendez les armes, soit vous rejoignez l'unité et

  2   vous conserverez vos armes.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Mais alors, j'ai une autre

  4   question. Au paragraphe 6, les Musulmans ne sont pas invités à rejoindre

  5   qui que ce soit. Si vous demandez aux Serbes de remettre leurs armes et de

  6   rejoindre une unité de guerre, eh bien, cette même proposition n'a pas été

  7   faite aux Musulmans. Pour quelle raison ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Durant toutes les réunions qui ont eu lieu,

  9   l'offre de rejoindre l'unité a été faite aux Musulmans --

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Le fait que les autres n'aient pas voulu

 12   rejoindre --

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous demande pas ce qui s'est

 14   dit au cours des réunions. Je vous interroge au sujet du paragraphe 6. Vous

 15   n'avez pas mentionné dans votre paragraphe 6 avoir demandé aux Musulmans de

 16   rejoindre l'unité.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Dans ma déclaration écrite, il

 18   est fait référence à ceux qui ont accepté de rejoindre l'unité.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais il n'y est même pas question du

 20   fait que certains auraient refusé de rejoindre l'unité. Il est question de

 21   Musulmans.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Et le fait qu'ils existent indique qu'ils

 23   étaient armés, qu'ils se trouvaient là et qu'ils n'étaient pas membres

 24   d'une unité de guerre.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic. J'en

 26   ai terminé de mes questions.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 28   Q.  Monsieur Vujic, est-ce que les mobilisations de 1992 et de 1991 ont


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  1   bien eu lieu; vous vous souvenez ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  A ces deux dates où des mobilisations ont eu lieu, est-ce que la

  4   mobilisation appelait les Serbes uniquement ou est-ce qu'elle appelait les

  5   Serbes, les Croates, les Musulmans et les autres ?

  6   R.  Tout le monde a été appelé à répondre à la mobilisation selon les

  7   règles de déploiement des unités en temps de guerre, quelle que soit

  8   l'appartenance ethnique.

  9   Q.  Et cette mobilisation, c'est-à-dire un appel à mobilisation qui

 10   concerne tout le monde, est-ce qu'elle concernait également les Musulmans

 11   avec lesquels vous étiez en train de négocier ?

 12   R.  Oui, bien entendu.

 13   Q.  Est-ce que vous savez si les Musulmans ont été conscients de cet aspect

 14   de la mobilisation, à savoir que l'appel à mobiliser concernait également

 15   les Musulmans qui étaient appelés à rejoindre une force armée commune ?

 16   R.  Oui, ils savaient ce que signifiait une mobilisation conjointe. Et

 17   comme je l'ai déjà dit, ils ont décidé de respecter les convocations qui

 18   leur étaient envoyées sans rejoindre les unités armées, mais en le faisant

 19   de leur côté. Ils ont répondu à leur manière en faisant autre chose que ce

 20   qui leur était demandé. Donc ils se sont saisis des armes, ils ont détruit

 21   des ponts, et ils ont pris les armes qu'ils avaient déjà pour mener des

 22   attaques contre l'armée populaire yougoslave. Voilà ce qui s'est passé à

 23   l'époque.

 24   Q.  Monsieur Vujic, pourriez-vous nous dire à présent, et nous parlons

 25   toujours du paragraphe 6 de votre déclaration préalable et de cette demande

 26   de reddition des armes, vous rappelez-vous aujourd'hui les noms des

 27   Musulmans qui ont organisé la remise des armes ? Et estimez-vous nécessaire

 28   pour en parler que nous passions à huis clos partiel, si vous souhaitez que


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  1   votre identité soit gardée secrète ?

  2   R.  Eh bien, j'espère sincèrement que ma déclaration ne fera pas de mal à

  3   ces personnes compte tenu du fait que leur rôle n'a pas été fondamental à

  4   l'époque et que ces personnes savaient ce qu'elles faisaient. J'espère donc

  5   que cela ne leur fera pas de mal, que cela ne leur causera aucun

  6   désagrément -- excusez-moi.

  7   A cette époque-là, je me rappelle seulement quelques noms, comme celui

  8   d'Ismet Kapetanovic, de Zekerija Kusuran, d'Esko Sehic. Et puis, Dzevad

  9   Dzafic aussi, qui a eu une participation active à tout cela. Il était à

 10   l'époque l'officier qui commandait la Défense territoriale de Puharska.

 11   Donc ce qu'ils ont fait a été le résultat de nos pourparlers.

 12   Et il y en a eu d'autres, une dizaine de personnes environ qui ont

 13   activement participé à tout cela, mais à leur propre demande, les armes qui

 14   ont été rassemblées ont été remises à la garnison militaire en leur

 15   présence. C'était une bonne chose, comme ils le considéraient et d'autres

 16   également, de voir qu'ils ont agi ainsi pour aller dans le sens de la paix

 17   et qu'ils ne voulaient pas que démarre quelque forme de combat que ce soit.

 18   Ils voulaient remettre les armes à la garnison. Et tout cela a été

 19   enregistré.

 20   Bien entendu, je les ai autorisés à le faire en m'en félicitant, et je me

 21   suis trouvé à la caserne avec eux. Ils ont remis les armes et ensuite sont

 22   retournés à leurs domiciles. Ils ont même obtenu des récépissés pour les

 23   armes remises à la caserne.

 24   Q.  [hors micro]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, une seconde. Nous n'avons

 26   pas entendu votre question par la voie des interprètes.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Q.  Y a-t-il eu des personnes qui se sont opposées à cette remise des armes


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  1   de la part des Musulmans, et vous rappelez-vous peut-être aujourd'hui

  2   quelques-uns des noms de ces personnes au sein des Musulmans qui ont refusé

  3   la reddition des armes ?

  4   R.  Oui, ce sont des personnes qui ont fait obstruction à cette action et

  5   ce, de façon très insolente et très vile, en faisant du porte-à-porte d'une

  6   maison à l'autre pour présenter leur vision de l'objectif de remise des

  7   armes qui était proposé. Et ils ont même infligé des sévices physiques à

  8   certaines de ces personnes qu'ils visitaient. L'un de leurs dirigeants

  9   était Jusuf Ramic et les frères Ordagic [phon]. Hare [phon] Ordagic était

 10   celui qui interdisait, injuriait, hurlait d'une façon très brutale et

 11   violente; et son frère aîné, surnommé Baig [phon], a participé activement

 12   pour sa part au rassemblement des armes en expliquant aux gens qu'au

 13   contraire, c'était une bonne solution.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etiez-vous présent lorsque cela s'est

 15   passé ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] En une ou deux occasions, j'étais présent,

 17   oui, car un homme venait de dire qu'il fallait soit les protéger, ces

 18   personnes, soit les empêcher d'agir comme elles le faisaient. Donc je me

 19   suis rendu sur place et j'ai essayé de faire quelque chose par rapport à ce

 20   qui était en train de se passer.

 21   Maintenant, pourquoi Jusuf Ramic --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, une seconde.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourquoi Jusuf Ramic s'est-il comporté comme

 24   il l'a fait ? C'est ce que j'essayais de dire.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais ce n'était pas l'objet de la

 26   question qui vous était posée.

 27   Maître Lukic, question suivante, je vous prie.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Q.  Monsieur Vujic, bien que cela n'ait pas été dit explicitement dans la

  2   question, mais je sais ce que vous êtes en train d'essayer de dire. Donc je

  3   vous demande si vous pourriez nous expliquer le rôle de Jusuf Ramic à cette

  4   époque-là de façon à ce que chacun comprenne mieux ?

  5   R.  Jusuf Ramic était à cette époque-là un homme qui avait été nommé par le

  6   SDA au poste de commandant de la Défense territoriale régionale de

  7   Puharska. Il travaillait donc pour l'autre partie. Il se livrait à

  8   l'armement des Musulmans, il faisait creuser des tranchées et il organisait

  9   des unités. Et lorsqu'il s'est avéré que ceux qui voulaient remettre leurs

 10   armes ont exprimé le souhait de le faire, bien sûr, il s'est opposé à cela

 11   et a continué à le faire pendant longtemps. Vous connaissez ici le nom d'un

 12   homme qui répond au nom de Rasim Dzafic, il a fait une déclaration

 13   préalable ici, c'est l'une des victimes d'un incident concernant la mosquée

 14   de Puharska, d'un fait ou d'un crime. Il m'a appelé un jour et a dit que

 15   Mirsad Kugic et ce Ramic l'avaient giflé. Et puisque Rasim Dzafic, quelques

 16   mois auparavant, m'avait rappelé cela, il m'a remercié d'avoir dit que son

 17   pistolet personnel, que je savais qu'il possédait, ne devait pas être remis

 18   parce qu'il fallait se défendre contre des personnes de ce genre. Donc,

 19   pour assurer sa propre sécurité, il a pu le garder et il m'a été

 20   reconnaissant de mon intervention ce jour-là.

 21   Q.  Je vous remercie. Vous nous avez dit que ce pistolet n'a pas été remis.

 22   Est-ce que des armes de la Défense territoriale ont été remises à ce

 23   moment-là, si vous vous en souvenez ?

 24   R.  Un nombre très restreint de fusils automatiques, simplement quelques

 25   rares fusils automatiques, et pour le reste il s'agissait de M48. Je sais

 26   cela avec certitude. Je sais que la Défense territoriale possédait toutes

 27   sortes d'armes d'infanterie à cette époque-là. Mais elle ne possédait pas

 28   de mitrailleuses ni de lance-roquettes multiples, Tout ce dont elle


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  1   disposait, c'était des M48, des PAP et deux fusils automatiques militaires

  2   qui ont été remis.

  3   Q.  Je vous remercie. Donc, qu'est-il arrivé à ces personnes qui ont remis

  4   leurs armes ? Est-ce que leur coopération s'est poursuivie ensuite ?

  5   Qu'est-il arrivé ?

  6   R.  J'ai continué à travailler à Puharska, et étant donné ce qui s'était

  7   passé, ils étaient pour moi la base de mon travail futur. Ils n'ont pas

  8   cessé d'être à mon service. Ils ont même fourni des informations sur un

  9   certain nombre de choses qui se passaient autour d'eux par la suite. Donc

 10   il est devenu possible pour moi de prévoir un certain nombre de choses et

 11   d'avoir la possibilité d'empêcher un certain nombre de choses avant

 12   qu'elles ne surviennent. Je pourrais citer un certain nombre d'exemples qui

 13   illustreraient très bien le genre de chose dont je parle et qui est survenu

 14   à cette époque-là.

 15   Q.  C'est l'objet de ma question à présent. Est-ce que vous pourriez nous

 16   donner des exemples de ce dont vous êtes en train de parler à Puharska, qui

 17   est une zone très vaste ?

 18   R.  En ce moment, je ne parle que de Puharska et de mes actions à cet

 19   endroit. Cinq mille habitants habitaient dans cette zone à cette époque-là,

 20   donc ce n'est pas un petit nombre. Nous parlons d'une population importante

 21   et d'une zone qui était habitée avec une forte densité de population.

 22   Compte tenu que j'avais donné mon numéro de téléphone à pas mal de gens,

 23   ils pouvaient m'appeler au cas où ils vivaient des désagréments de façon à

 24   ce que nous puissions intervenir, même si ce n'était pas ma mission

 25   principale de maintenir la loi et l'ordre. J'étais un soldat. Ce travail

 26   aurait davantage été celui de la police.

 27   Mais la coopération que nous avons développée m'a fait devoir

 28   d'apporter du secours à ces personnes. Un jour, quelqu'un m'a appelé au


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  1   téléphone pour me dire que la population d'une longue rue de Puharska avait

  2   déjà abandonné ses domiciles. Je me suis rendu rapidement sur place avec

  3   mon garde du corps. Et ce que j'ai vu c'est, disons, un grand nombre de

  4   femmes et d'enfants. Il y avait très peu d'hommes dans ce groupe qui était

  5   en train d'aller quelque part. J'ai dit : "Mais où allez-vous ?" On m'a

  6   répondu que ces gens souhaitaient se rendre vers Cejreci, et ils ont dit

  7   que tout le monde avait été tué. En ma qualité de commandant à ce moment-

  8   là, je n'avais aucune information au sujet de combats qui se seraient menés

  9   --

 10   Q.  Pourriez-vous vous interrompre une seconde. Pour les interprètes, est-

 11   ce que vous pouvez nous dire ce qu'ils vous ont dit par rapport à la

 12   destination à laquelle ils souhaitaient se rendre ? Qui a quitté Cejreci ?

 13   R.  Ils ont simplement dit qu'ils allaient de Cejreci dans une autre

 14   destination, mais sans dire exactement où ils avaient l'intention d'aller.

 15   Ils ont dit que beaucoup de gens avaient été tués, que c'est la raison pour

 16   laquelle ils souhaitaient partir. Et ils se rendaient à partir de ce

 17   village vers ailleurs parce qu'on leur tirait dessus. Donc, je leur ai dit

 18   que j'allais chercher à découvrir exactement ce qui s'était passé. Je leur

 19   ai dit : "Rentrez chez vous. Personne ne touchera à un cheveu de votre

 20   tête." Et le résultat de mon enquête, si je puis l'appeler ainsi, c'est que

 21   Jusuf Ramic avait lancé une fausse alerte à partir d'une zone frontalière

 22   de Cejreci et qu'il avait dit aux gens : "Prenez vos jambes à votre cou et

 23   fuyez, sinon vous serez tués." Il voulait créer une atmosphère de terreur.

 24   Heureusement, en raison de mon intervention rapide, les gens ont pu cesser

 25   de partir et sont rentrés chez eux. J'avais avec moi quelques collègues de

 26   travail qui habitaient là, ils faisaient partie de cette colonne. Ils m'ont

 27   remercié plus tard en me disant qu'ils avaient été bien naïfs en croyant ce

 28   que Jusuf Ramic avait dit.


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  1   Donc vous voyez le genre de chose qui était fait de leur côté dans la

  2   poursuite de leurs objectifs qui étaient de nuire à toutes les actions

  3   susceptibles de conduire à une quelconque reconnaissance des buts

  4   poursuivis par les Nations Unies à la communauté internationale, c'est-à-

  5   dire de vivre côte à côte, ensemble, en évitant des affrontements.

  6   Q.  Vous nous avez parlé de la mosquée de Puharska. Est-ce que des maisons

  7   ont été détruites dans cette explosion, et si vous le savez, combien ?

  8   R.  Oui, malheureusement. L'explosion a été très puissante, parce que la

  9   maison qui se trouvait à côté de la mosquée a également été soulevée du sol

 10   par l'explosion. Cette maison appartenait à l'imam et était habitée par lui

 11   et son fils, un ami à moi, Ziko Kusuran, que je connaissais très bien. La

 12   maison de Rasim Dzafic a aussi été détruite. Elle se trouvait de l'autre

 13   côté de la caserne. Et une autre maison, je ne sais pas à qui elle

 14   appartenait, a été détruite également. Et puis, il y a eu beaucoup de bris

 15   de vitre, de glace, dans l'environ immédiat. Et même s'il y a un certain

 16   nombre de maisons où les toits étaient intacts, les vitres avaient explosé.

 17   Q.  Dans quel état étaient les autres maisons pendant la guerre de Donja et

 18   de Gornja Puharska ?

 19   R.  Dans 90 % des cas, les maisons sont demeurées entières. Elles n'ont été

 20   ni endommagées, ni pillées, ni détruites. Je répète qu'à cet endroit, il

 21   n'y a pas eu de combat au propre sens du terme. Il y a eu des espèces

 22   d'accrochage et une partie de la population musulmane qui a quitté les

 23   lieux pour se rendre dans des pays étrangers. Leurs maisons ont alors été

 24   occupées par d'autres habitants. Donc un problème s'est posé, un problème

 25   de maintien de la loi et de l'ordre pour empêcher des pillages et, bien

 26   entendu, empêcher la démolition de ces maisons. Ce qui s'est passé en

 27   général, c'est que lorsque le propriétaire était absent, il y avait des

 28   gens qui démantelaient le toit de la maison et ensuite démantelaient tout


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  1   ce qu'ils souhaitaient démanteler, même s'ils n'en avaient pas la

  2   nécessité. Mais nous sommes parvenus à empêcher ce genre de chose, et

  3   Puharska est demeurée intacte. Quatre-vingt pourcent des bâtiments et plus

  4   encore sont demeurés intacts.

  5   Q.  D'après le compte rendu d'audience, vous avez dit 90 %. Mais est-ce

  6   que, en fait, vous n'avez pas dit 90 % et davantage encore ?

  7   R.  J'ai dit 90 % et davantage encore, puisque seules quelques rares

  8   maisons n'ont pas pu être placées sous notre contrôle et ont subi ce que je

  9   viens de décrire. Mais pour les autres, elles sont restées dans un état

 10   inchangé.

 11   Q.  Ces maisons, lorsqu'elles étaient vides, est-ce que des réfugiés y ont

 12   été installés ?

 13   R.  Dans certaines d'entre elles, oui. Donc, pour une partie de ces

 14   maisons, oui.

 15   Q.  Les habitants de Puharska, est-ce que vous leur avez apporté d'autres

 16   formes d'assistance, une assistance alimentaire, par exemple, ou une

 17   distribution de médicaments ?

 18   R.  Après l'attaque de Prijedor et de Puharska, j'ai commencé à communiquer

 19   avec eux de façon tout à fait différente. Je suis entré dans Puharska pour

 20   voir tout ce qui s'était passé et ce qu'il fallait placer sous mon

 21   contrôle, et c'est de cette façon que j'ai établi des contacts avec toute

 22   la population. Ces gens qui habitaient là, on leur a dit qu'il fallait

 23   qu'ils contribuent à la coopération, que c'étaient des intermédiaires, et

 24   il y avait des gens qui avaient besoin de médicaments de façon urgente. Il

 25   y en avait qui disaient qu'ils étaient très pauvres, et à ce moment-là nous

 26   essayions de parler avec eux et de régler leur approvisionnement en

 27   électricité, en eau, en nourriture, ou même de leur trouver un emploi. Nous

 28   avons aidé là où nous pouvions aussi en distribuant des vivres et des


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  1   vêtements.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un éclaircissement, je vous prie.

  3   Quelle était l'appartenance ethnique des habitants de Puharska ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Quatre-vingt-dix-huit pourcent de Musulmans.

  5   Et les autres étaient des Croates et des Serbes.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

  7   M. LUKIC : [interprétation] Lorsque vous apportiez ce genre d'aide à

  8   Puharska et à sa population, quelle était l'attitude de votre commandement

  9   supérieur ?

 10   R.  Moi, en ma qualité de commandant, je rendais compte au commandant de la

 11   brigade régulièrement. Je participais aux réunions d'information et de

 12   rapport et je parlais de mes activités de façon détaillée durant ces

 13   réunions en disant jusqu'où j'étais allé. Et, bien entendu, mon commandant

 14   connaissait parfaitement mes activités. J'ai dû apporter de l'aide autant

 15   que faire se peut. Je bénéficiais d'un soutien dans mon activité et j'avais

 16   la possibilité de persévérer dans cette tâche dans le but d'empêcher un

 17   conflit armé d'éclater, si cela était possible.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, nous approchons de la fin

 19   de l'heure que vous aviez demandée. Je ne sais pas de combien de temps vous

 20   avez encore besoin. Est-ce qu'il serait sage de faire la pause maintenant

 21   ou de la faire dans cinq ou huit minutes, au moment où vous aurez

 22   totalement consommé l'heure qui vous a été impartie ?

 23   M. LUKIC : [interprétation] Je pensais que j'avais encore un peu de temps.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que j'ai dit, mais pas

 25   beaucoup.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez utiliser le

 28   temps qui vous reste avant la pause ou après ?


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être après une pause. Je pourrais dans ce

  2   cas me réorganiser et peut-être réduire un peu mes questions.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que le temps qui vous reste

  4   est inférieur à dix minutes. Soyons clairs sur ce point.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que cela devrait suffire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, Monsieur Vujic, nous allons

  7   refaire une pause et nous aimerions vous revoir dans cette salle d'audience

  8   dans 20 minutes.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 13 heures

 11   30.

 12   --- L'audience est suspendue à 13 heures 11.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 33.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je comprends que

 15   vous voudriez avoir plus de temps.

 16   M. LUKIC : [interprétation] J'ai réduit le nombre de mes questions. Je sais

 17   que cela ne fait peut-être pas suffisamment de sens de voir que j'ai besoin

 18   de plus de temps. Je vais essayer d'en terminer avec mes questions le plus

 19   tôt possible. Je vais donc essayer cela.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous avez d'abord dit que vous

 21   aviez besoin de 15 minutes, ensuite 30 minutes, et par la suite cela est

 22   devenu une heure, et maintenant une heure et quelques minutes de plus.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, puis-je vous

 25   demander d'écouter attentivement les questions et de fournir des réponses

 26   précises à ces questions et de ne pas développer vos réponses, puisque Me

 27   Lukic a à sa disposition une période de temps limitée.

 28   Maître Lukic, vous pouvez poursuivre.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Monsieur Vujic, nous avons quelque 15 minutes et j'ai pas mal de sujets

  3   à aborder, donc essayons d'être le plus précis possible.

  4   Dites-nous combien de temps a duré votre coopération avec les gens à

  5   Puharska ?

  6   R.  Cela a duré longtemps, très longtemps. Dans certains cas, jusqu'à la

  7   fin de la guerre.

  8   Q.  Jusqu'à quand les gens de Puharska sont-ils restés dans leurs maisons ?

  9   Et combien d'entre eux ?

 10   R.  Etant donné que j'ai quitté Prijedor avec mon unité pour me rendre sur

 11   le front, je ne peux pas vous dire précisément combien de temps ils y sont

 12   restés. Mais lorsque je venais à Prijedor avec mon unité en congé régulier,

 13   un grand nombre de Musulmans se trouvaient dans leur maison. Mais à

 14   l'époque, j'ai appris également qu'un certain nombre de Musulmans étaient

 15   partis de Prijedor de leur propre gré.

 16   Q.  Aujourd'hui, est-ce que vous avez des amis parmi les Musulmans à

 17   Puharska ?

 18   R.  Oui. J'ai beaucoup d'amis musulmans, justement de cette région-là. Je

 19   les fréquente souvent. Je bois un verre avec eux, et nous parlons parfois

 20   de cela.

 21   Q.  Merci. Pour ce qui est du paragraphe 14 de votre déclaration, et je

 22   vais indiquer une référence --

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir le paragraphe

 24   14.

 25   M. LUKIC : [interprétation] J'ai voulu vous montrer un document, mais avant

 26   cela, nous pouvons faire afficher le paragraphe numéro 14.

 27   Q.  C'est une référence aux formations paramilitaires.

 28   J'aimerais vous montrer, Monsieur Vujic, un document. C'est P3095.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante dans les deux

  2   versions. Il faut afficher le premier paragraphe ainsi que l'en-tête.

  3   Q.  Monsieur Vujic, il s'agit du document émanant de l'état-major principal

  4   de la VRS du 23 septembre 1995, où il est question des membres de la Garde

  5   des Volontaires serbe, qui s'appelait Tigres et commandée par Zeljko

  6   Raznjatovic, Arkan. Il est dit qu'étant donné que ces formations, à ce

  7   moment, n'avaient pas participé aux activités de combat et qu'elles ne

  8   faisaient pas partie d'unités et qu'elles ne se présentaient à aucun des

  9   commandements de bataillon à l'état-major principal de la VRS, il est

 10   évident qu'il s'agit de formations paramilitaires qui opèrent de façon

 11   indépendante et qui sont en dehors du système de l'armée de la Republika

 12   Srpska.

 13   Est-ce qu'en automne 1995, dans la région de Prijedor, vous avez vu les

 14   membres de la Garde des Volontaires serbe, c'est-à-dire des Tigres

 15   d'Arkan ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce qu'ils se sont présentés à vous ? Est-ce qu'ils sont venus vers

 18   vous pour que vous leur confiiez des tâches de combat ?

 19   R.  Non. Je ne sais pas qui leur avait confié des tâches, mais j'ai compris

 20   qu'ils ne savaient pas qui était le commandant de la brigade ou le

 21   commandant du groupe opérationnel, à l'époque c'était le colonel Zeljaja,

 22   et j'ai compris qu'ils ne recevaient pas des tâches de combat de l'armée.

 23   Q.  Merci. Maintenant, j'aimerais brièvement aborder la période de

 24   l'automne 1995. A savoir, du mois d'octobre. Le 12 et le 13 octobre 1995.

 25   J'aimerais parler de l'attaque contre Prijedor. Où votre unité se trouvait-

 26   elle à la date du 10 octobre 1995 ?

 27   R.  Moi-même et le 3e Bataillon, nous nous trouvions dans le secteur autour

 28   de Gradacac, et notre tâche était de garder le corridor.


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  1   Q.  Quand êtes-vous arrivé à Prijedor et pourquoi ?

  2   R.  Du 12 au 13, j'ai été envoyé de Gradacac à Prijedor pour y passer une

  3   nuit et pour obtenir des informations concernant la situation dans le

  4   secteur de Sanski Most, de Kljuc et d'autres municipalités qui se

  5   trouvaient autour de notre territoire --

  6   Q.  Dites-nous ce qui se passait à Kljuc et à Sanski Most à l'époque.

  7   R.  A l'époque, le 5e Corps, renforcé par d'autres unités et aidé par les

  8   forces de l'OTAN, prenait une municipalité après l'autre. Je crois qu'il

  9   s'agissait de 13 municipalités qui avaient été prises en même temps. La

 10   population civile a fui, l'armée s'est retirée, et eux, ils ont avancé vers

 11   Prijedor.

 12   Q.  Une fois arrivé à Prijedor, est-ce que vous êtes arrivé à Prijedor avec

 13   votre armée ou indépendamment de votre armée ?

 14   R.  Etant donné que je suis arrivé la veille et que j'ai pris contact avec

 15   mon commandant, j'ai donc obtenu des informations concernant la situation

 16   dans le secteur et j'ai appris que le commandant du corps avait donné le

 17   feu vert pour que mon unité soit remplacée sur les positions tenues

 18   auparavant et acheminée vers Prijedor. J'attendais l'arrivée de mon

 19   bataillon, et mes assistants ont organisé les mouvements du bataillon.

 20   Q.  Donc, le lendemain de votre arrivée, votre unité est venue également.

 21   Vous avez dit cela à la page 69, ligne 24 du compte rendu provisoire. Où

 22   votre unité s'est-elle arrêtée ? Où vous trouviez-vous avec votre unité ?

 23   R.  Je les attendais à l'entrée de Prijedor. J'ai arrêté la colonne, mais

 24   une partie de la colonne est entrée dans l'agglomération habitée. Et étant

 25   donné que la population civile avait très peur puisque la population civile

 26   savait ce qui était en train de se passer autour de Prijedor, un grand

 27   nombre de civils s'étaient rassemblés. Mais moi, j'ai ordonné que mes chefs

 28   de compagnie et de section descendent des autocars pour que des tâches leur


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  1   soient confiées. Il s'agissait de l'ordre qui ne concernait que des

  2   activités de combat de notre unité.

  3   Je leur ai dit que 13 municipalités étaient tombées. Ils étaient au

  4   courant pour ce qui est de certaines de ces municipalités, mais ils ne

  5   savaient pas que parmi ces municipalités il y avait la municipalité de

  6   Sanski Most. Ce qui les a beaucoup surpris. Moi-même, j'en étais surpris.

  7   Et j'ai décidé d'organiser la défense de Prijedor, et je voulais voir entre

  8   les mains de mes soldats un fusil RAP, pas d'autres fusils. Pas d'autres

  9   armes et équipement. Et j'ai dit que nous n'allions pas obtenir d'appui

 10   d'artillerie et que nous allions combattre des forces musulmanes en combat

 11   direct qui probablement étaient encouragées par le fait qu'elles avaient

 12   pris tout ce territoire et qu'elles se trouvaient devant les portes de

 13   Prijedor, et que probablement elles allaient avancer.

 14   J'ai demandé à mes soldats de passer par Prijedor en chantant. Nous

 15   étions des combattants chevronnés. Nous savions ce que cela allait vouloir

 16   dire. Et nous avons montré que nous étions déterminés à défendre Prijedor

 17   fermement, ce qui s'est finalement passé.

 18   Q.  Quand votre bataillon est entré en combat ?

 19   R.  Le bataillon est entré en combat après cet ordre, peut-être une heure

 20   ou une heure et demie après cela. Pratiquement, ils sont descendus des

 21   autocars et ont commencé à combattre immédiatement. Au village d'Aliskovici

 22   [phon], près d'Ostra Luka, nous avons eu déjà un conflit avec leurs groupes

 23   d'assaut et de reconnaissance du terrain. Nous avons réussi à faire

 24   disperser leurs premiers groupes d'éclaireurs. Et sur ce territoire, j'ai

 25   trouvé des soldats d'Arkan. C'était un groupe de la taille d'une section.

 26   Q.  Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre réponse.

 27   R.  J'ai dit que sur ce secteur, j'ai trouvé quelques soldats d'Arkan qui

 28   n'avaient toujours pas commencé à combattre, et c'était un groupe de la


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  1   taille d'une section.

  2   Q.  Est-ce que vous leur avez donné des ordres ?

  3   R.  Non, je ne leur ai pas donné d'ordres. Ils ne savaient même pas quelle

  4   unité allait arriver sur ce territoire. A un moment donné, un de leurs

  5   officiers, il nous a dit qu'il était leur officier de la garde, il a dit :

  6   "Lorsque Vujic arrive, la situation sera résolue." Et j'ai compris qu'il ne

  7   savait pas à qui il s'adressait. Je lui ai dit : "Je suis Vujic. J'ai pour

  8   tâche d'avancer." Et après cela, on n'avait plus eu de contact.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je dois vous

 10   interrompre là pour dire à Me Lukic qu'il lui reste deux minutes.

 11   Maître Lukic, vous posez la question, la réponse est fournie dans la

 12   première phrase et le témoin continue à parler. Cela est consigné sur toute

 13   une page du compte rendu, et vous le laissez continuer à parler.

 14   Vous avez encore deux minutes.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé pour ce qui est du système de

 17   transmission de votre unité, de votre brigade ?

 18   R.  C'était coupé à ce moment-là, et nous savions que c'est l'OTAN qui a

 19   fait cela puisque les Musulmans ne pouvaient pas neutraliser notre système

 20   de communication. Des drones nous survolaient et survolaient également leur

 21   artillerie. Et nous entrions en combat au moment où l'artillerie musulmane

 22   nous pilonnait violemment.

 23   Q.  Est-ce que les forces de l'ABiH avaient des drones et est-ce que vous

 24   avez pu savoir à qui appartenaient ces drones ?

 25   R.  Bien sûr qu'ils avaient ces drones. En tant que soldats chevronnés,

 26   nous savions qu'il s'agissait des drones de l'OTAN.

 27   Q.  Monsieur Vujic, merci. Nous n'avons pas de questions pour vous pour le

 28   moment. Merci.


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  1   R.  Merci.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Lukic.

  3   Monsieur Vujic, vous allez maintenant être contre-interrogé par M. Zec, qui

  4   se trouve à votre droite. M. Zec représente l'Accusation.

  5   Vous avez la parole, Monsieur Zec.

  6   M. ZEC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Contre-interrogatoire par M. Zec :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Vujic.

  9   R.  Bonjour, Monsieur Zec.

 10   Q.  J'ai relevé que vous avez évoqué l'attaque contre Prijedor à plusieurs

 11   reprises. En fait, vous pensiez à une opération qui s'est déroulée le 30

 12   mai 1992, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Vous ne l'indiquez pas dans votre déclaration préalable, mais vous

 15   saviez que les Serbes s'étaient emparés du pouvoir à Prijedor le 30 avril

 16   1992, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, je savais que les Serbes avaient assumé le pouvoir le 29 avril.

 18   Q.  Au cours de la semaine précédant le 30 mai 1992, la 43e Brigade, votre

 19   brigade donc, a effectué des opérations dans la zone de Hambarine et de

 20   Kozarac. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, je le savais.

 22   Q.  Un grand nombre de biens civils ont été détruits au cours de ces

 23   opérations. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, je le savais.

 25   Q.  De nombreux non-Serbes ont été capturés. Vous le saviez aussi, n'est-ce

 26   pas ?

 27   R.  Oui, je le savais.

 28   Q.  Un grand nombre de non-Serbes ont été tués lors de ces opérations. Vous


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  1   le saviez aussi, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je ne connaissais pas le nombre exact de personnes tuées. Mais je

  3   savais qu'il y a dû avoir de victimes compte tenu du caractère féroce de

  4   combats qui ont été menés.

  5   Q.  Je vais maintenant examiner la liste des soldats qui, d'après vous,

  6   étaient des membres non serbes de votre unité --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de le faire, permettez-moi de

  8   poser une question de suivi. Vous dites que :

  9   "Compte tenu du caractère féroce des combats, on pourrait déduire

 10   qu'il y a dû avoir un grand nombre de personnes tuées."

 11   Lorsque vous déclarez ceci, parlez-vous des membres de forces armées,

 12   parce que c'est ce que j'ai cru comprendre ? Mais est-ce qu'il y a eu des

 13   civils qui ont été tués ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que j'imagine qu'il y a dû y avoir

 15   des personnes tuées compte tenu du caractère féroce des combats. Mais comme

 16   je ne me trouvais pas sur place, je ne savais pas qui a été tué.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, par conséquent, vous ne savez pas

 18   non plus si les victimes sont tombées à cause de ces combats féroces ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Bien au contraire, puisque

 20   c'est seulement au cours des combats que ces personnes tuées ont pu trouver

 21   la mort.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est une conclusion que vous

 23   tirez. Cela ne fait pas partie de vos connaissances factuelles.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je vous ai dit que je ne savais pas

 25   exactement quel était le nombre de personnes tuées puisque je ne me

 26   trouvais pas sur place.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Zec.

 28   M. ZEC : [interprétation]


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  1   Q.  Et vous avez dit que vous saviez que des non-Serbes ont été capturés.

  2   Vous saviez, par ailleurs, que ces personnes capturées ont été transférées

  3   dans des camps par les membres de la VRS. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, je le savais.

  5   Q.  Alors, pour que tout soit très clair, lorsque j'évoque les camps, je

  6   parle en fait de Keraterm, Omarska, Trnopolje.

  7   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Trnopolje n'était pas un camp.

  8   C'était un centre de rassemblement.

  9   Quant à Keraterm, on peut le désigner comme on le veut. Mais au

 10   départ, lorsque les premières personnes capturées y ont été placées, il

 11   s'agissait tout simplement d'y détenir les personnes capturées, ou plutôt,

 12   arrêtées. Je parle de Keraterm parce qu'il se trouvait dans ma zone, dans

 13   la zone où je devais mobiliser les effectifs pour remplir les rangs de mon

 14   unité, et c'est pourquoi je savais ce qui s'y passait. Et c'est pourquoi

 15   j'ai dit que j'étais au courant du fait que des gens ont été emmenés dans

 16   des camps.

 17   Q.  Mais pour que tout soit parfaitement clair, en laissant de côté la

 18   question de savoir de quelle nature ces localités étaient, le fait est que

 19   la VRS a emmené les personnes capturées dans ces installations. C'est bien

 20   ce qui s'est passé ?

 21   R.  Oui, pour ce qui est de Keraterm. Mais non, en ce qui concerne

 22   Trnopolje. Les gens sont allés à Trnopolje de leur propre volonté pour y

 23   trouver un refuge, pour s'y sentir protégés.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et qu'en est-il d'Omarska ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, d'après mes connaissances, Omarska a

 26   été organisé un peu plus tard. Et personne ne pouvait y aller de son gré.

 27   Les seules personnes qui s'y trouvaient avaient déjà fait l'objet d'une

 28   enquête ou d'une procédure de vérification, et c'est la raison pour


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  1   laquelle ces personnes y ont été emmenées.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Par la VRS, n'est-ce pas ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne Omarska, je pense que c'est

  4   surtout la police qui s'en est occupée. Je ne sais pas si, en partie, les

  5   soldats ont participé à ce processus. Mais je sais que la police a

  6   certainement transféré les gens vers Omarska après les avoir interrogés à

  7   Keraterm.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question de suivi. Etes-vous allé

 10   personnellement à Trnopolje ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis trouvé sur place par hasard un ou

 12   deux jours après les opérations de combat à Kozarac et j'ai pu voir les

 13   colonnes arrivant à Trnopolje depuis Kozarac, Kevljani et les autres

 14   villages environnants. Ce jour-là, j'avais reçu la tâche de ratisser le

 15   terrain autour de la gare de Kozarac parce que quelqu'un avait tiré sur ces

 16   civils. Et c'est pourquoi mon commandement m'a envoyé sur place, pour

 17   découvrir ce qui s'y passait.

 18   Et nous avons constaté --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et avez-vous eu des discussions avec le

 20   personnel ou les détenus de Trnopolje, ou y êtes-vous allé tout simplement

 21   pour vous acquitter de la mission qui vous a été confiée et que vous venez

 22   de décrire ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Une fois terminé le ratissage du terrain, nous

 24   avons nettoyé la zone d'où les tirs étaient venus et nous avons constaté

 25   que le fait avait été perpétré par des groupes musulmans qui avaient été

 26   percés à Kozarac. Donc je suis arrivé sur place, mais quand j'y suis arrivé

 27   quelques heures plus tard, ils n'y étaient plus --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien. Mais vous ne répondez


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  1   pas à ma question. Je vous ai demandé si vous avez eu des discussions avec

  2   le personnel de Trnopolje ou les détenus à Trnopolje ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé avec un seul homme. Je peux, si

  4   vous le souhaitez, vous relayer ma conversation avec lui.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pour commencer, de qui s'agissait-

  6   il ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas citer son nom. C'était le

  8   chauffeur d'un camion. Un long camion. Il avait amené à bord de son camion

  9   des femmes et des enfants. Le camion était plein à craquer. Ils avaient mis

 10   de la paille dans le camion. Et lorsque les personnes qu'ils transportaient

 11   sont sorties du camion, il m'a expliqué qu'il devait aller chercher un

 12   nouveau groupe de personnes qui venaient de Kamicani, des civils qui

 13   fuyaient les combats. 

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu à ma question.

 15   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Zec.

 16   M. ZEC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Comme je l'ai déjà indiqué, nous allons maintenant nous pencher sur la

 18   liste de vos soldats, et puis je vous poserais quelques questions très

 19   succinctes.

 20   M. ZEC : [interprétation] Veuillez afficher, s'il vous plaît, à l'écran la

 21   pièce D1042.

 22   Q.  Alors, si nous examinons cette liste, notamment le point numéro 5, nous

 23   y voyons un nom, celui de Nenad Babic, et il y a une note à côté de son nom

 24   indiquant que son ancien nom était Nedzad Sikiric. Donc ceci constitue un

 25   exemple d'un Musulman qui a changé son nom et son prénom, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Le point numéro 33, Enver Dracic. D'après cette liste, il faisait

 28   partie de votre unité en 1996. C'est la période d'après-guerre, n'est-ce


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  1   pas ?

  2   R.  Non, il n'est pas resté dans mon unité après la guerre. J'imagine qu'il

  3   a pu y être juste avant la fin de la guerre. Vous voyez d'ailleurs qu'il

  4   n'a passé qu'un seul mois dans mon unité.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la guerre était-elle toujours en

  6   cours en 1996, Monsieur Vujic ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être qu'il n'y a pas eu d'activité de

  8   combat, mais l'unité était toujours mobilisée, en état de mobilisation.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la question est de savoir si

 10   la guerre était toujours en cours. Or, d'après ce que la Chambre a pu

 11   apprendre, la guerre s'est terminée au moment de l'accord de Dayton. Cet

 12   accord n'a pas été signé en 1996.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est pourquoi je vous dis qu'il n'y avait pas

 14   d'activité de combat, mais l'unité n'avait pas été démobilisée.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à un autre sujet.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais juste avant, vous avez dit,

 17   Monsieur, à la page 76 [comme interprété], ligne 23 : 

 18   "Mais non, il n'a pas pu faire partie de l'unité après la guerre.

 19   Mais juste avant la fin de la guerre."

 20   Voilà ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'il a rejoint l'unité à

 21   la veille de la fin de la guerre.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Et quelle est votre question ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est que vous ne pouvez pas

 24   dire qu'il n'y avait pas de combat, puisque vous dites qu'il a rejoint les

 25   rangs de votre unité en 1996 alors que la guerre s'est terminée en 1995.

 26   Donc il n'a pas pu intégrer les rangs de votre unité avant la fin de la

 27   guerre s'il vous a rejoint en 1996.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] L'unité de guerre était toujours en état de


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  1   mobilisation. La mobilisation et la démobilisation étaient toujours en

  2   cours. Cette personne, voilà, a été mobilisée au moment où l'unité était

  3   toujours active. Et voilà, il s'est présenté et il a effectué un certain

  4   nombre de tâches et de devoirs militaires.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  6   Monsieur Zec, à vous.

  7   M. ZEC : [interprétation]

  8   Q.  Page numéro 2, le point numéro 54, Ibrahim Keric. On peut lire une note

  9   indiquant : "Changé en Goran Knezevic." Donc son nom et prénom musulmans

 10   ont été changés et il a assumé un nom et un prénom serbes, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, manifestement.

 12   Q.  Page 4 dans la version anglaise, page 3 de la version en B/C/S, le

 13   point numéro 123, un autre exemple d'un Musulman qui a changé son nom et

 14   son prénom pour adopter un nom et un prénom serbes, n'est-ce pas ?

 15   R.  Veuillez, s'il vous plaît, répéter de quelle personne vous parlez

 16   exactement ? Quel est le numéro que vous avez cité ?

 17   Q.  Numéro 123, Esad Husic, son nom a été changé en Zoran Zoric.

 18   R.  Oui, il a changé son nom et son prénom, mais il a gardé le prénom de

 19   son père, Hilmija.

 20   M. ZEC : [interprétation] Et examinons maintenant la page 1 dans les deux

 21   versions linguistiques.

 22   Q.  Points 38 et 39, Jasmin et Sulejman Zahidic. Si nous examinons leurs

 23   prénoms et leurs noms, il s'agit de Musulmans, n'est-ce pas ?

 24   R.  Zahidic, Jasmin et Zahidic, Sulejman, de père Sulejman, ce sont des

 25   personnes d'appartenance ethnique Rom et de confession musulmane. Deux

 26   frères.

 27   Q.  Le point 38, Jasmin Zahidic.

 28   M. ZEC : [interprétation] Qui devrait figurer à la page 1 de la version


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  1   anglaise.

  2   Q.  Il se trouvait au centre de votre unité lorsque cette unité a été

  3   déployée non loin du corridor à Brcko, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, il s'y trouvait.

  5   Q.  Et, en fait, il s'est vu attribuer des missions au sein de votre unité

  6   pour s'acquitter des obligations de travail, n'est-ce pas ?

  7   R.  Non, il était un membre de l'unité de guerre. Donc ce n'était pas parce

  8   qu'il avait l'obligation de travailler qu'il s'y trouvait. Parce que

  9   lorsqu'on a l'obligation de travailler, généralement on est envoyé dans une

 10   entreprise pour le faire.

 11   Q.  Il bâtissait des tranchées à la ligne du front et il a été blessé,

 12   n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, cela est faux. Jasmin et Sulejman Zahidic étaient des combattants

 14   réguliers au sein du 3e Bataillon. Je pense qu'ils appartenaient à la 3e ou

 15   à la 4e Compagnie. Ils étaient des combattants tous les deux. Il a été

 16   blessé lors des opérations de combat, il a été grièvement blessé.

 17   Et lorsque j'ai évoqué tout à l'heure nos relations mutuelles, et la

 18   façon dont nous nous protégions mutuellement sur la ligne du front, lorsque

 19   Jasmin a été grièvement blessé, deux autres combattants ont été blessés

 20   pour le récupérer, dont l'un infirmier, qui étaient tous les deux

 21   d'appartenance ethnique serbe. Mais nous avons réussi à le tirer de

 22   l'endroit où il se trouvait.

 23   Q.  La déclaration locale, qui comporte la cote 32526 de la liste 65 ter,

 24   j'aimerais qu'elle soit affichée. Il nous faut la page 2 de la version

 25   B/C/S, qui correspond à la page 4 dans la version anglaise. Au milieu de la

 26   page, vous devriez voir les mots suivants : "Le 3 [sic] février 1993,

 27   lorsque Rade Crnogorac m'a réaffecté à l'unité de Drasko Vujic, commandant

 28   du 5e Bataillon de la 43e Brigade de la VRS."


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le 13 février, pas le 3 février.

  2   M. ZEC : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Juge.

  3   Q.  "Au sein duquel j'étais censé remplir mon obligation de travail. Je

  4   suis allé à Pelagicevo, non loin de Brcko, le 13 février 1993 pour répondre

  5   à mon obligation de travail. J'étais accompagné d'un certain nombre de

  6   Musulmans de Bosnie."

  7   Quelques lignes plus bas, nous lisons :

  8   "A Pelagicevo, j'ai réussi avec d'autres à creuser des tranchées et

  9   étayer ces tranchées avec des troncs d'arbres pour les recouvrir ensuite de

 10   terre. J'ai fait ce travail pendant cinq jours," et il a dit qu'il a été

 11   blessé par un éclat d'obus.

 12   Donc c'est bien ce qui s'est passé à Jasmin, n'est-ce pas ?

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, j'entends quelque chose en

 14   arrière-plan -- je crois que c'est du B/C/S ou du français. Ce n'était pas

 15   assez fort pour que je puisse définir la langue.

 16   Est-ce qu'on pourrait s'occuper de ce problème -- je l'entends

 17   encore, mais je ne sais pas ce qui se passe.

 18   Je pense que nous pouvons poursuivre. Mais si quelqu'un pouvait s'occuper

 19   de ce problème, ce serait bien.

 20   Veuillez procéder.

 21   Monsieur, pourriez-vous répondre à la question ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'ai bien compris la question, je ne sais

 23   pas qui a fait cette déclaration, mais je déclare pour ma part en toute

 24   responsabilité que Jasmin Zahidic ne faisait pas partie de mon détachement

 25   de travail. Il était membre, en revanche, de sa propre unité. Il n'a jamais

 26   fait partie du peloton de travail. Je suppose que Zahidic a fait cette

 27   déclaration sous une espèce de contrainte, parce que ce n'est pas la façon

 28   habituelle dont il s'exprime. Quelqu'un a écrit ceci à sa place. Et


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  1   deuxièmement, il n'a jamais fait partie du peloton de travail.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, Monsieur le Témoin,

  3   je vous arrête ici. Je vous demande de vous abstenir de toute spéculation.

  4   Il vous est permis de dire : Les choses ne se sont passées de cette façon.

  5   Mais aller plus loin en émettant des conjectures sur qui a été à l'origine

  6   de cette déclaration n'est pas de votre ressort, à moins que vous n'ayez

  7   des informations ou des connaissances particulières sur ce point.

  8   Veuillez procéder.

  9   Donc vous dites que les choses ne se sont pas passées ainsi.

 10   Veuillez poursuivre, Monsieur Zec.

 11   M. ZEC : [interprétation]

 12   Q.  Passons maintenant à un autre sujet. Vous dites dans votre déclaration

 13   --

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Zec --

 15   M. ZEC : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] -- vous avez dit ceci lors d'un

 17   entretien au niveau local. Pourriez-vous être un peu plus précis. De quel

 18   document parlez-vous ?

 19   M. ZEC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 20   Q.  Et, Monsieur Vujic, pour éviter tout problème, vous avez évoqué

 21   l'auteur de cette déclaration. Cette déclaration vient d'une personne dont

 22   vous dites qu'elle faisait partie de votre unité. Son nom est Jasmin

 23   Zahidic. Et cette déclaration a été recueillie à Zenica au moment où cet

 24   homme a été expulsé de Prijedor en 1995. Donc c'est ce qu'il a dit

 25   s'agissant de décrire ce qui lui est arrivé au moment où il accomplissait

 26   son obligation de travail au sein de votre unité. Est-ce que vous le

 27   contestez ?

 28   R.  Oui, bien sûr, je conteste ce qu'il dit, ce que vous venez de répéter à


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  1   l'instant. Pour une raison très simple : les Zahidic n'ont pas été expulsés

  2   de Prijedor. Ils étaient très appréciés, tout le monde les aimait à

  3   Prijedor. Nos voisins d'appartenance ethnique Rom, et le nom de la mère

  4   était Alija, tous les voisins l'aimaient beaucoup.

  5   Q.  Pas de raison de rentrer dans les détails. Nous reviendrons plus tard

  6   sur ces événements de 1995. Mais le fait est que cette personne est arrivée

  7   finalement à Zenica en 1995 parce qu'elle avait été expulsée par le VRS de

  8   Prijedor. Est-ce que vous contestez cela ?

  9   R.  Bien sûr, je le conteste. Je le conteste. Je suis sûr qu'aucun de mes

 10   soldats n'a été expulsé.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas d'interprétation une

 12   nouvelle fois.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répéter ce que j'ai dit.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. L'interprétation a été faite

 15   entre-temps.

 16   Monsieur Zec, je regarde l'horloge. Il est temps de lever l'audience.

 17   M. ZEC : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujic, nous allons suspendre

 19   l'audience pour aujourd'hui. Nous aimerions vous revoir ici lundi, 4 mai, à

 20   9 heures 30. Mais avant toute chose, je vous donne instruction --

 21   Monsieur Mladic, vous n'êtes pas autorisé à parler à haute voix.

 22   Donc, Monsieur Vujic, je tiens à commencer d'abord par vous donner

 23   instruction du fait que vous ne devez parler à personne ou ne communiquer

 24   de quelque façon que ce soit avec personne au sujet de votre déposition,

 25   qu'il s'agisse de ce que vous avez déjà dit dans votre déposition jusqu'à

 26   maintenant ou de ce que vous vous apprêtez à dire lundi.

 27   Est-ce clair pour vous ? Si oui, vous pouvez sortir de la salle en

 28   suivant M. l'Huissier.


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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, les propos que vous

  3   souhaitez tenir au sujet du calendrier et que vous avez remis à plus tard,

  4   est-ce que cela s'applique toujours ? Il s'agissait de quelque chose qui

  5   devait se passer la semaine prochaine. Si c'est urgent, nous pourrions vous

  6   entendre maintenant. Sinon, nous pouvons attendre lundi --

  7   M. LUKIC : [interprétation] Nous pouvons --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- ou même, vous pouvez informer la

  9   Chambre --

 10   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que nous avons un accord avec

 11   l'Accusation quant au moment où le témoin devrait venir pour terminer son

 12   interrogatoire principal et le contre-interrogatoire, et l'un de nos

 13   témoins a annulé sa déposition. Il avait des obligations qu'il ne pouvait

 14   remettre. Nous l'avons donc déplacé à la dernière semaine du mois de mai.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Mais étant donné le témoin qui doit être

 17   entendu la semaine prochaine, je pense que nous sommes presque d'accord.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Par conséquent, il n'y a rien dont

 19   nous ayons à nous inquiéter immédiatement. Il est possible que vous ayez

 20   encore des inquiétudes --

 21   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous suspendons pour aujourd'hui.

 23   Reprise lundi, 9 heures 30.

 24   --- L'audience est levée à 14 heures 19 et reprendra le lundi 4 mai 2015, à

 25   9 heures 30.

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