Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi, 26 avril 2016

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le prétoire

  6   et à l'extérieur.

  7   Madame la Greffière, s'il vous plaît, citer le numéro de l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Monsieur le Juge. C'est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko

 10   Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 12   Il n'y a pas de question préliminaire. Dans ce cas-là, nous allons attendre

 13   que le témoin entre dans le prétoire.

 14   Oui, Monsieur File.

 15   M. FILE : [interprétation] Juste une petite question, Monsieur le

 16   Président. Hier, la pièce D1464 a été versée au dossier, et je crois qu'il

 17   faut que cela soit sous pli scellé puisqu'il y a dans ce document des

 18   informations qui sont liées à l'identité de la personne qui est mentionnée.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'on peut procéder ainsi avec

 20   beaucoup de précaution.

 21   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, le document D1464 est

 23   versé au dossier sous pli scellé et ce n'est pas une pièce publique.

 24   [Le témoin vient à la barre]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Radovanovic.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, j'aimerais vous

 28   rappeler que vous êtes toujours tenue par la déclaration solennelle que

 


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  1   vous avez prononcée au début de votre témoignage quand vous avez dit que

  2   vous allez dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité. Me

  3   Ivetic va maintenant continuer son interrogatoire principal.

  4   LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Reprise]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   Interrogatoire principal par M. Ivetic : [Suite]

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame le Professeur.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Hier nous sommes arrêtés au moment où on a examiné le document qui est

 10   maintenant une pièce à conviction, D1464 versée au dossier, sous pli

 11   scellé. Et je pense qu'il y a une copie papier que M. l'Huissier peut vous

 12   remettre, si cela est nécessaire. Nous avons la version en anglais sur nos

 13   écrans.

 14   Hier, nous avons parlé de la colonne où on peut voir sous le chiffre 5

 15   nouvelle nationalité ou nouvelle appartenance ethnique, et vous avez dit

 16   qu'il s'agit des Musulmans de Bosnie. Quelle appartenance ethnique est

 17   indiquée dans cette colonne ? Est-ce qu'il s'agit de l'appartenance

 18   ethnique de la personne, de la liste du Comité international de la Croix-

 19   Rouge, ou du recensement de la population; est-ce que cela est le cas ?

 20   R.  Puisque dans le recensement de la population on a l'indication de

 21   l'appartenance ethnique et pour ce qui est des listes du Comité

 22   international de la Croix-Rouge avec lesquelles ce document est comparé, il

 23   n'y a pas d'indication de nationalité ou d'appartenance ethnique, alors

 24   cette appartenance ethnique a été reprise dans le recensement de la

 25   population. Je ne crois pas que le Dr Tabeau aurait indiqué d'autres

 26   informations concernant l'appartenance ethnique et, en particulier, parce

 27   qu'elle dit par rapport à sa méthodologie qu'elle s'appuyait sur les

 28   indications de l'appartenance ethnique dans le recensement de la


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  1   population.

  2   Q.  Et --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que je peux poser

  4   une brève question.

  5   Qu'est-ce qu'il y a comme des éléments nouveaux pour ce qui est de

  6   l'appartenance ethnique ? Pourquoi on y voit nouvelle appartenance ethnique

  7   ou nouvelle nationalité ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Dr Tabeau pourrait vous expliquer cela plus

  9   en détail. Je peux supposer qu'elle a indiqué nouvelle appartenance

 10   ethnique puisque sur la liste de la Croix-Rouge il n'y a pas d'indication

 11   de l'appartenance ethnique, elle s'est appuyée également sur les

 12   informations de la Croix-Rouge pour développer ces informations à elle

 13   concernant l'appartenance ethnique.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 15   M. IVETIC : [interprétation]

 16   Q.  Et dans la colonne où on peut voir "appariement", hier vous avez dit

 17   que c'est sous le chiffre 1 que cela est indiqué. D'après vous, qu'est-ce

 18   qui a été apparié ici ?

 19   R.  Expression "match" en anglais veut dire apparié. Et lorsque vous

 20   appliquez la méthode qui s'appelle appariement ou concordance ou

 21   correspondance, cela dépendra des critères que vous utilisez pour ce qui

 22   est de ces appariements. Si vous voulez être certain par rapport au degré

 23   de probabilité, à savoir qu'il s'agisse de la même personne, alors vous

 24   choisissez plusieurs éléments sur la base desquels ces personnes sont

 25   identifiées et, alors avec un degré élevé de probabilité, vous pouvez

 26   affirmer que dans une source et dans les deux sources comparées, vous avez

 27   pu trouver la même personne.

 28   En d'autres termes, la personne qui s'occupe de ces appariements décide de


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  1   la clé ou du critère à appliquer pour ces appariements, ce critère doit

  2   comprendre certain nombre d'éléments. S'il y a plus d'éléments, alors le

  3   degré de probabilité, il sera plus élevé pour avoir des appariements pour

  4   ce qui est des sources différentes qui sont comparées, et c'est de 0 à 1,

  5   on peut parler de degré de 0 à 1 pour ce qui est des degrés de probabilité.

  6   Donc, si on applique plusieurs éléments de comparaison, on pourra être en

  7   mesure de dire que le degré de probabilité est plus élevé pour dire qu'il

  8   s'agissait de la même personne.  

  9   Et s'il y a moins d'éléments de comparaison, alors il faut tirer d'autres

 10   conclusions selon lesquelles on peut dire, oui, il s'agit de la même

 11   personne, mais on peut dire également que cela pourra être la même

 12   personne, que cela n'est pas tout à fait sûr.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je poser une question

 14   complémentaire.

 15   D'après vous, sous le chiffre 1, on a des appariements positifs, est-ce que

 16   sur la base de cela il s'agit des informations contenues dans les listes de

 17   la Croix-Rouge de 2009 et du recensement de la population, ou est-ce qu'il

 18   s'agit d'autres éléments que Mme Tabeau a considéré pour arriver à cette

 19   conclusion pour ce qui est des appariements positifs ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-là, j'ai utilisé les informations

 21   indiquées par le Dr Tabeau comme "matches" ou appariements. Mais il n'y a

 22   pas de note de bas de page où elle aurait dit, je me suis appuyée sur cette

 23   source ou sur cette autre source. Mais dans la base de données interne, il

 24   y a une colonne qui indique des combinaisons, mais sans explication ce que

 25   cela veut dire, ces combinaisons. Donc le Dr Tabeau pourrait peut-être vous

 26   donner plus de précisions là-dessus.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, on a parlé de cela hier. Est-ce ce

 28   dont on a parlé hier souligne le fait que des gens qui ont le même nom de


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  1   famille et le même prénom et le même prénom de père pourraient être des

  2   personnes différentes, et c'est ce que nous voyons à ce moment, et si on a

  3   la date de naissance qui est différente, dans ce cas-là, nous ne savons

  4   toujours pas ce qui a poussé le Dr Tabeau à conclure qu'il y a des

  5   appariements positifs dans ce tableau. Cela n'est pas indiqué.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci.

  8   Vous pouvez poursuivre.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Hier, vous avez dit que vous n'aviez pas obtenu la liste des personnes

 11   portées disparues du Comité international de la Croix-Rouge de 2005. Vous

 12   avez dit que vous n'avez pas reçu cela.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Et j'aimerais maintenant qu'on affiche P7449

 14   dans le prétoire électronique. C'est le rapport de Dr Tabeau portant sur

 15   Tomasica. Il faut afficher la page numéro 2 dans les deux versions

 16   linguistiques.

 17   Q.  En serbe, il s'agit de la partie qui se trouve en bas de la page et, en

 18   anglais, peut-être vers les deux tiers de la page où on voit la liste des

 19   sources utilisées par le Dr Tabeau pour son rapport. Et au premier point,

 20   elle a indiqué le rapport du Comité international de la Croix-Rouge de

 21   2009. Si le Dr Tabeau dit qu'elle avait utilisé cette liste de 2009 comme

 22   étant la source des informations, pourquoi vous êtes-vous intéressée à la

 23   liste de 2005 et non pas la liste de 2009 ?

 24   R.  C'est parce que dans le même rapport à la page suivante, elle dit

 25   qu'elle s'appuyait sur la liste de 2005 pour ce qui est de son rapport.

 26   Donc, elle indique ici la source de 2009 du Comité international de la

 27   Croix-Rouge et, à la page suivante, elle explique qu'il ne s'agit pas de la

 28   liste de 2009 mais de la liste de 2005.


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  1   Q.  Il faut qu'on tire un point au clair. Il s'agit peut-être d'une

  2   question liée à la traduction, voire l'interprétation. Vous avez dit ici :

  3   "Parce que sur les pages suivantes du même rapport, elle dit qu'elle a

  4   préparé son rapport sur la base du recensement de la population de 2005."

  5   Est-ce que vous avez dit cela ?

  6   R.  Non. Il n'existe pas de recensement de population de 2005. Il s'agit de

  7   la liste du Comité international de la Croix-Rouge de 2005.

  8   Q.  Est-ce qu'on peut passer à la page suivante dans les deux versions

  9   linguistiques du rapport du Dr Tabeau, et est-ce qu'on peut regarder le

 10   deuxième paragraphe sous le titre "2.1 concernant les informations

 11   relatives aux personnes portées disparues du Comité international de Croix-

 12   Rouge" où le docteur Tabeau dit :

 13   "La liste du Comité international de la Croix-Rouge de 2005 portant sur les

 14   personnes portées disparues pour toute la Bosnie-Herzégovine utilisée pour

 15   préparer ce rapport a été fournie directement du bureau du Comité

 16   international de la Croix-Rouge de Genève à la date du 17 août 2005. Ces

 17   informations, ces données étaient comprises dans cinq groupes, il y avait

 18   22 212 entrées, dont 486 ne sont plus pertinentes."

 19   Qu'est-ce que vous pourriez dire là-dessus pour ce qui est de cette

 20   sélection ?

 21   R.  Le Dr Tabeau a dit clairement qu'il s'agit de la liste du Comité

 22   international de la Croix-Rouge de 2005 qui a été utilisée pour préparer le

 23   rapport sur Tomasica. Elle a dit cela clairement dans ce rapport.

 24   Q.  Hier et aujourd'hui, nous avons parlé un peu de la base de données

 25   intégrée portant sur le taux de mortalité. J'aimerais vous poser une

 26   question là-dessus. Est-ce que vous avez vu les sources identifiées dans

 27   cette base de données, les sources qui sont utilisées régulièrement dans le

 28   domaine de la démographie lorsqu'il s'agit des enquêtes portant sur la


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  1   mortalité ?

  2   R.  J'ai examiné la base de données que j'avais obtenue et j'ai constaté

  3   qu'il y a dix sources. Par rapport à ces dix sources et par rapport aux

  4   recherches statistiques et démographiques officielles, on n'utilise qu'une

  5   source, à savoir les registres d'état civil. Je répète que pour ce qui est

  6   de la base de données concernant les personnes exhumées qui a plus de 10

  7   000 entrées, je ne l'ai pas examinée en détail, mais je n'ai pas vue non

  8   plus dans les sources que j'ai examinées aucun rapport provenant des

  9   registres d'état civil.

 10   Q.  Quelles sont les sources qui sont utilisées régulièrement dans le

 11   domaine de la démographie scientifique et au niveau académique pour ce qui

 12   est des recherches concernant la mortalité ?

 13   R.  Les sources pour ces recherches sont les registres d'état civil. Mais

 14   il faut dire que pour que quelqu'un soit enregistré dans le registre des

 15   personnes décédées, il faudrait qu'on ait deux documents. Le premier

 16   document s'appelle le certificat de décès signé par le médecin légiste et,

 17   dans ce certificat, le médecin légiste indique la cause de décès. Et dans

 18   la plupart des cas, il s'agit des cas où la mort était la mort naturelle.

 19   Et également, dans les cas où la mort a été la mort violente, mais

 20   lorsqu'on sait où et quand une personne est décédée.

 21   Dans des situations qui sont les nôtres ou dans des situations où ces

 22   informations ne sont pas connues, c'est le tribunal qui rend une décision

 23   pour déclarer une personne comme étant une personne décédée. L'officier

 24   d'état civil peut, dans le registre d'état civil -- ou plutôt, de personnes

 25   décédées, enregistrer seulement les informations concernant une personne

 26   par rapport à laquelle il y avait une décision du tribunal pour déclarer

 27   cette personne, la personne décédée ou le certificat qui confirme la cause

 28   du décès. Dans ce cas-là, on peut avoir des extraits du registre de décès.


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  1   Et il s'agit des documents officiels et des sources officielles des

  2   informations utilisées dans le domaine de la statistique portant sur la

  3   mortalité et le taux de mortalité.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que je pourrais poser une

  5   question aux fins de clarifications, Madame Radovanovic.

  6   Dans votre réponse précédente, vous avez fait référence à une autre base de

  7   données qui avait 10 000 entrées que vous n'avez pas examinées en détail.

  8   Pouvez-vous nous fournir plus d'informations concernant cette base de

  9   données ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de la base de données concernant les

 11   personnes exhumées. Et, dans cette base de données, on peut trouver

 12   exactement le nombre de personnes exhumées, indications des sites où se

 13   trouvaient des fosses communes où ces personnes étaient exhumées, et

 14   cetera.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et qui a compilé cette base de

 16   données ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas reçu l'interprétation.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vais répéter ma question, alors.

 19   Qui a compilé cette base de données qui contient 10 000 entrées ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que c'est le Dr Tabeau qui a

 21   compilé cette base de données sur la base de certaines informations qu'elle

 22   avait obtenues des institutions qui étaient en charge des exhumations. Je

 23   suppose également qu'il s'agit des informations provenant de la Commission

 24   internationale pour les personnes portées disparues.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela veut dire que vous ne savez en

 26   fait pas ce que vous n'avez pas examiné.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais exactement pourquoi je ne l'ai pas

 28   examiné, mais là, on peut lire uniquement "base de données des personnes


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  1   exhumées fournie par la Commission internationale pour les personnes

  2   portées disparues". Dans aucune des bases de données, il n'y a pas de notes

  3   de bas de page où il aurait été indiqué les sources de ces informations.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Moi aussi, j'ai une question à vous

  6   poser.

  7   Madame le Témoin, lorsque vous avez répondu à la question portant sur les

  8   recherches concernant la mortalité, à la page 7, ligne 3, du compte rendu,

  9   vous avez dit :

 10   "Pour que quelqu'un soit enregistré dans le registre de décès, il faut

 11   qu'il existe deux documents. Le premier s'appelle le certificat de décès…"

 12   Et l'autre ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être l'interprétation n'a pas été bonne.

 14   Personne ne peut entrer dans le registre de décès. Selon la législation en

 15   vigueur, il faut qu'il existe un registre de décès, qui est un registre

 16   d'Etat et qui est un registre où on peut entrer les informations concernant

 17   toute personne qui est décédée.

 18   Et ce registre de décès existe pour toutes les années, de façon

 19   séparée, du 1er janvier au 31 décembre.

 20   Dans ce registre, l'officier d'état civil peut entrer uniquement les

 21   informations concernant les personnes pour lesquelles il y a le document

 22   qui s'appelle le certificat de décès signé par le médecin légiste, ou la

 23   décision du tribunal disant que le tribunal a déclaré une personne comme

 24   étant une personne décédée ou morte.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, il ne faut pas qu'il existe deux

 26   documents, seulement l'un des deux. Merci.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut revenir à la page 2 dans le

 28   rapport du Dr Tabeau.


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  1   Q.  Et j'aimerais regarder ce que le Dr Tabeau a écrit vers le milieu du

  2   troisième paragraphe en partant du milieu de la page. Je cite :

  3   "Le destin des victimes peut être suivi en appliquant les règles de la

  4   logique et en appliquant la chronologie des événements : d'abord, on

  5   regarde les informations concernant la disparition des victimes, on les

  6   étudie, et ensuite on étudie les informations concernant leur mort.

  7   Malheureusement, parmi les cas où les personnes décédées étaient connues,

  8   les victimes de Tomasica ne sont pas énumérées. Par conséquent, il fallait

  9   étudier les informations concernant les exhumations, y compris les rapports

 10   d'autopsie des victimes et d'autres informations concernant l'examen post-

 11   mortem des restes humains ainsi que de l'identification des personnes

 12   décédées par l'analyse d'ADN. Les sources, pour ce qui est des personnes

 13   portées disparues et pour ce qui est des exhumations, étaient comparées et

 14   analysées pour essayer d'obtenir la preuve fiable concernant la mort des

 15   victimes de Tomasica. Une telle liste des victimes de Tomasica, qui

 16   comprend les informations personnelles des victimes, les informations

 17   portant sur la disparition, exhumation et identification de ces victimes,

 18   sont fournies dans l'annexe 1 jointe à ce rapport. La liste comprenant les

 19   causes de décès constitue la partie centrale du rapport, ainsi que la

 20   référence pour ce qui est des conclusions concernant le nombre de victimes,

 21   la cause du décès de ces victimes, les caractéristiques démographiques de

 22   base, le temps et l'endroit de leur disparition."

 23   Madame le Professeur, quelle est la valeur des résultats de ces

 24   comparaisons pour ce qui est des recherches portant sur la mortalité dans

 25   le cadre d'un travail dans le domaine de la démographie scientifique ?

 26   Quelles sont les sources utilisées ?

 27   R.  Non. J'ai déjà dit que la seule source est le registre de décès et de

 28   naissances, qui sont les registres officiels, à savoir le certificat de


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  1   décès ou la décision du tribunal déclarant une personne comme étant une

  2   personne morte.

  3   Q.  Peut-on maintenant passer à la page 7 en anglais dans le même rapport,

  4   et à la page 9 en serbe. En bas de la page en anglais, et c'est en haut de

  5   la page en serbe, le Dr Tabeau énumère des documents concernant

  6   l'identification ou les autopsies pour ce qui est du bureau du procureur de

  7   la Bosnie-Herzégovine.

  8   Et les entrées qui figurent ici, ainsi qu'à la page suivante en anglais et

  9   à la même page en serbe, sont les entrées provenant des sources compatibles

 10   avec les sources qui auraient pu être utilisées dans une recherche

 11   scientifique de la mortalité dans le domaine de la démographie ?

 12   R.  Non, aucune de ces sources n'est utilisée dans la recherche

 13   scientifique puisqu'il ne s'agit pas de sources officielles.

 14   Q.  Est-ce que le Dr Tabeau, en tant qu'experte en démographie, est

 15   compétente pour analyser des preuves et des causes de décès en conformité

 16   avec des principes généralement acceptés dans le domaine de la démographie

 17   ?

 18   R.  Pour ce qui est de la démographie, on sait quelle est la source

 19   concernant la mortalité, et le spécialiste en démographie ne s'occupe pas

 20   de prouver la mort ou le décès d'une personne. Le spécialiste en

 21   démographie se penche sur les documents qui fournissent les preuves de

 22   décès de personnes. Pour ce qui est des études scientifiques officielles,

 23   jusqu'ici je n'ai pas vu cela. Je ne dis pas que cela n'existe pas peut-

 24   être ailleurs, mais le fait est que le spécialiste en démographie ne

 25   s'occupe pas du fait de prouver le décès d'une personne, même s'il y a des

 26   documents qui sont disponibles par rapport à cela, il ne s'occupe pas de

 27   prouver la mort de quelqu'un, puisque la mort est prouvée à partir du

 28   moment où le décès a été enregistré dans le registre de décès.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser une question de

  2   suivi. Est-ce que les registres de décès étaient mis à jour ? En d'autres

  3   termes, est-ce que dans ces registres de décès, il y avait les informations

  4   concernant toutes les personnes ou la plupart des personnes qui avaient

  5   disparu à l'époque ? A savoir, est-ce qu'il était possible de travailler en

  6   s'appuyant sur les sources que vous avez appelées comme étant des sources

  7   officielles pour ce qui est de la démographie ?

  8   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, c'était faisable, mais le Dr Tabeau a

  9   déjà utilisé le livre des morts de Mostar, à savoir le registre de décès de

 10   Mostar. Pour savoir s'il s'agit des informations concernant le décès des

 11   personnes pour lesquelles on peut supposer qu'elles sont décédées, mais le

 12   fait est qu'il s'agit de personnes par rapport auxquelles vous pouvez

 13   affirmer à 100 % qu'elles sont décédées et qu'elles ont été identifiées,

 14   puisque vous connaissez exactement leur date de naissance, et cetera, leur

 15   lieux de naissance, et cetera.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons d'être un peu plus pratique.

 17   Pour ce qui est des personnes portées disparues dans la région de Prijedor,

 18   pouvez-vous nous dire quel est le nombre de ces personnes qui ont été de

 19   façon officielle décédées et dont le décès a été enregistré dans le

 20   registre de décès après la guerre, disons en 2010.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Si toutes les personnes décédées en 2010 sont

 22   enregistrées dans les registres de décès, il n'est pas possible de ne pas

 23   déclarer une personne qui était décédée, à moins que quelqu'un n'ait pas

 24   été tué et enterré quelque part. Donc, pour toutes les personnes décédées,

 25   il n'y a pas de raison pour qu'elles ne soient pas enregistrées dans ces

 26   registres de décès en 2010.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez peut-être pas bien compris

 28   ma question. J'ai parlé des personnes portées disparues. Je suppose qu'en


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  1   2010 il n'y avait pas beaucoup de personnes portées disparues. Je parle de

  2   personnes qui ont été portées disparues pendant les années de la guerre. Et

  3   quel est le nombre de ces personnes, le pourcentage de ces personnes

  4   portées disparues qui ont été enregistrées de façon officielle plus tard

  5   dans les registres de décès ? Quel est le pourcentage de ces personnes ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je ne peux pas vous donner ce

  7   pourcentage. Mais chaque personne identifiée au moment où l'individu était

  8   identifié, pour chaque personne de ce type, on fournissait un acte de décès

  9   ou le tribunal déclarait que la personne était décédée. La personne serait

 10   automatiquement enregistrée dans le registre des décès. Si quelqu'un était

 11   porté disparu en 1992 et était identifié en 2010, et si la procédure

 12   d'identification est terminée, la personne portée disparue serait

 13   enregistrée dans le registre des décès pour l'année 2010. Et ce serait

 14   clairement indiqué sur le document. Autrement dit, comment cet individu

 15   avait été enregistré, soit qu'un acte de décès avait été fourni, soit une

 16   déclaration avait été fournie par le tribunal.

 17   Et ensuite, vous aviez l'heure du décès qui était enregistrée, et il

 18   y avait différentes options également. La date du décès en 1992, si vous

 19   aviez disposé de la date exacte du jour, du mois, de l'année du décès, en

 20   se fondant sur des déclarations fournies par d'autres personnes lors de

 21   l'identification. Ça, également, c'est un cas différent. Un tribunal

 22   pouvait déclarer une personne décédée en se fondant sur les dires des

 23   témoins ou d'autres documents et, encore, être enregistré le jour du décès.

 24   Si quelqu'un décédait en 1999 -- pardonnez-moi, en 1992 et qu'un document

 25   existait à ce sujet, il serait enregistré en 2010. Mais la date du décès

 26   serait donnée telle qu'elle correspondait à la date effective.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ceux qui n'avaient pas encore été

 28   identifiés, les cadavres qui n'étaient pas identifiés, par exemple ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ces cas-là ne peuvent pas être

  2   enregistrés dans le registre des décès, et ce n'est qu'au moment où on

  3   reçoit un acte de décès d'un représentant officiel précisant que la

  4   personne est décédée, et ce, en vertu des lois et règlements qui

  5   s'appliquent à l'identification.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que si vous êtes

  7   officiellement enregistré comme étant décédé, c'est ce que l'on peut

  8   considérer -- bon, si cela n'est pas le cas, si l'Etat ne vous a pas

  9   déclaré mort, dans ce cas, cela est simplement ignoré ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Juge Orie, moi, je

 11   parle de la procédure légale, qu'est-ce que l'on fait en terme de

 12   recherches scientifiques. Alors, quant à la question de savoir si un

 13   démographe --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vais vous interrompre

 15   maintenant. J'ai parfaitement compris ce que vous avez dit. La réalité va

 16   parfois au-delà d'une procédure légale.

 17   Poursuivons. Je crois que j'ai compris votre explication.

 18   Veuillez poursuivre.

 19   M. IVETIC : [interprétation] Je souhaite que nous regardions la page 7 à

 20   nouveau du Pr Tabeau en anglais, s'il vous plaît, et la page 8 en serbe.

 21   Q.  Et à cet endroit, le Pr Tabeau parle du Pr Clark. Et dans le deuxième

 22   paragraphe à partir du haut, elle parle des listes contenant les

 23   conclusions post-mortem du Pr Clark et déclare que cette liste est utile.

 24   Et un peu plus loin, trois paragraphes plus loin, elle dit que :

 25   "…les informations fournies sur les causes du décès par le Pr Clark étaient

 26   très précieuses et permettaient de fournir les preuves du décès pour les

 27   victimes de Tomasica."

 28   Avez-vous un commentaire à faire en votre qualité de démographe ?


Page 43669

  1   R.  D'après ce que j'ai lu dans le rapport du Pr Clark, il déclare que la

  2   cause du décès la plus fréquente est celle indiquée par ses collègues, le

  3   Pr Durmisevic et Sarajlic, je crois. Il ne parle pas des cas qui ne

  4   correspondent pas, car la plupart du temps, ces cas correspondent.

  5   Le Pr Clark avait sa propre définition de la cause de décès sans pour

  6   autant fournir une explication. Alors que le Pr Tabeau, lorsqu'elle a

  7   comparé différents résultats ou conclusions, elle a apporté quelques

  8   corrections au niveau de ces décès.

  9   Q.  Dans ce procès, le Pr Tabeau a témoigné en qualité de témoin à charge

 10   et a dit ce qui suit, je souhaite vous lire un extrait de sa déposition, et

 11   ensuite j'aurai des questions à vous poser. Page du compte rendu d'audience

 12   36 798, ligne 16, à 36 799, ligne 7. Alors, je cite :

 13   "Question : Bien. Si nous pouvons poursuivre et regarder à la page 7 de

 14   l'anglais et la page 8 en B/C/S. En B/C/S, il s'agit du deuxième paragraphe

 15   à partir du bas, et dans la version anglaise, il s'agit du deuxième

 16   paragraphe au-dessus du point 2.6. Et vous dites ici, Madame le Professeur

 17   :

 18   "'Information sur les causes du décès, ce sont les informations fournies

 19   par le Pr Clark, ont été très précieuses et ont permis de fournir les

 20   preuves du décès concernant les victimes de Tomasica.'

 21   "Madame le Professeur, faut-il vous référer au Pr Clark pour expliquer les

 22   causes du décès ou estimez-vous qu'il y a une autre source davantage fiable

 23   que le Pr Clark pour expliquer les causes du décès de ces victimes trouvées

 24   à Tomasica ?"

 25   Voici la réponse du Pr Tabeau :

 26   "Je crois que ce que j'ai dit dans le rapport, à savoir que les

 27   informations fournies par le Pr Clark sur les causes du décès sont fort

 28   précieuses. Je maintiens toujours cela. J'ai également utilisé d'autres


Page 43670

  1   sources pour expliquer les causes du décès, comme vous le savez, parce que

  2   c'est quelque chose dont j'ai parlé aujourd'hui. Les autopsies de Jakarina

  3   Kosa. J'ai également utilisé des autopsies effectuées en 2004 et 2006 lors

  4   des fouilles d'excavation à Tomasica. Mais en tant que démographe et

  5   statisticienne, personnellement je ne suis pas la personne qui est à même

  6   de déterminer la cause du décès, donc il faut s'en remettre à d'autres

  7   spécialistes dans ce cas, des pathologistes en l'espèce, dans le cas qui

  8   nous intéresse, le Pr Clark lui-même."

  9   Voici la question que j'ai à vous poser : êtes-vous d'accord avec ce qu'a

 10   dit le Pr Tabeau, autrement dit, en tant que démographe et statisticienne,

 11   ce n'est pas elle qui est capable de déterminer la cause du décès.

 12   R.  Oui, tout à fait. Je suis entièrement d'accord.

 13   Q.  Lorsque vous avez examiné les travaux du Pr Tabeau concernant les

 14   preuves à Tomasica, le Pr Tabeau a-t-elle adhéré à cette règle avec

 15   laquelle vous êtes d'accord ?

 16   R.  Non. Dans une partie de son rapport, elle précise qu'elle a modifié

 17   certaines causes de décès lorsqu'elle a comparé ces éléments sur son

 18   ordinateur. Si elle était en présence de deux résultats, ou que les

 19   résultats ne correspondaient pas quelquefois, et cela a été établi. Je

 20   pense qu'elle a duré comparer avec le Pr Clark ou avec d'autres éléments,

 21   et à ce moment-là elle a corrigé ces éléments.

 22   Q.  Alors page 24 du rapport du Pr Tabeau, que nous avons sous les yeux, et

 23   je crois que c'est à la page 29 en serbe. Le deuxième paragraphe à partir

 24   du bas en serbe, et le premier paragraphe en haut de la page de la version

 25   anglaise :

 26   "Le dernier mais non des moindres points, je dois expliquer comment j'ai

 27   traité les multiples causes du décès disponibles pour les victimes de

 28   Jakarina Kosa et les rapports ADN associés à ceci. Pour les besoins de ma


Page 43671

  1   présentation sommaire sur les causes du décès des victimes de Tomasica,

  2   notamment ceux qui ont été exhumés à Jakarina Kosa (confer paragraphe 3.6,

  3   causes du décès d'après toutes les sources conjointes), j'ai sélectionné

  4   une condition de chaque jeu de causes associées. A l'origine, j'ai laissé

  5   l'ordinateur choisir une condition de façon aléatoire. Ensuite, j'ai

  6   examiné ces choix et j'ai procédé à la sélection définitive.

  7   "J'ai constaté au cours de l'examen que j'ai effectué que dans certains

  8   cas, la plupart des causes associées demeuraient indéterminées et il n'y a

  9   eu qu'une seule cause associée qui était bien définie. Par 'bien définie',

 10   j'entends que dans le rapport on avait cité 'blessures par balle sur une

 11   partie de corps'. Dans de tels cas, j'ai corrigé le choix effectué par

 12   l'ordinateur concernant les causes du décès 'indéterminées' et je les ai

 13   remplacées par une cause bien définie. Dans certains cas seulement, j'ai dû

 14   effectuer un choix entre des blessures infligées à deux parties différentes

 15   du corps.

 16   "La logique de cette approche était fondée dans cette analyse. Et ma tâche

 17   consistait à fournir des éléments permettant d'expliquer les facteurs

 18   externes qui ont conduit à ces décès ou blessures au niveau des victimes de

 19   Tomasica. Donc, toutes les fois que ce type de preuve est parvenu à mon

 20   attention, je l'ai inclus comme étant un de ces facteurs représentatifs

 21   plutôt que de laisser la réponse en blanc ('indéterminée')."

 22   Madame le Professeur, ce que le Pr Tabeau décrit ici, est-ce quelque chose

 23   qui coïncide avec la pratique communément adoptée par les démographes dans

 24   l'univers scientifique ou par les statisticiens, d'après vous ?

 25   R.  Tout d'abord, un démographe n'évoque pas ou n'est pas compétent pour

 26   établir la cause du décès indépendamment du nombre de rapports d'autopsie

 27   qu'on leur soumet. Si deux experts médico-légaux ne sont pas d'accord, soit

 28   ils se mettent d'accord ou non, et s'ils ne se mettent pas d'accord, ils


Page 43672

  1   appellent un troisième collègue. Donc, un démographe ne traite pas de la

  2   cause de décès. S'il y a plusieurs rapports qui précisent que la cause est

  3   indéterminée et que quelqu'un d'autre parle des blessures, il serait

  4   absurde de ce comporter de la sorte.

  5   Quel est le but de l'analyse du Pr Tabeau ? Si j'ai bien compris, il

  6   s'agissait de prouver quels étaient les facteurs externes liés au décès.

  7   Les démographes peuvent traiter ce genre de chose, mais dans ce cas il faut

  8   connaître les circonstances dans lesquelles quelque chose est arrivé. Et

  9   pour ce qui est du médecin, si on parle de blessure au niveau de la tête,

 10   il s'agit de savoir si cela a été provoqué par la guerre, s'il s'agit de

 11   circonstances externes ou non qui pourraient avoir une incidence sur

 12   l'issue.

 13   Donc, il faut connaître l'objectif de l'analyse et le type de logique que

 14   l'on applique, en ce qui me concerne il s'agit d'une analyse partielle. Et

 15   sans aborder ceci de façon trop détaillée, j'estime que c'est absurde.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question, s'il vous plaît, à

 17   vous poser.

 18   A la page 15, ligne 14, Me Ivetic vous a posé une question, et voici la

 19   question qui vous a posé : "Etes-vous d'accord avec ce qu'a dit le Pr

 20   Tabeau, autrement dit, qu'en sa qualité de démographe et de statisticienne,

 21   elle n'est pas en mesure de déterminer la cause du décès ?"

 22   Est-ce que vous êtes d'accord. Bon, vous avez dit que vous étiez d'accord

 23   avec cela.

 24   Ensuite, de savoir si le Pr Tabeau a adhéré à ce principe, et ensuite

 25   l'intégralité de ce paragraphe vous a été lue.

 26   Donc, la question que j'ai à vous poser, est-ce que vous comprenez ce

 27   paragraphe de la façon suivante : autrement dit, que le Pr Tabeau a

 28   déterminé la cause du décès, ou que le Pr Tabeau a été confrontée à


Page 43673

  1   différentes causes du décès et a demandé à l'ordinateur de sélectionner la

  2   cause du décès qu'elle jugeait certaine sans qu'elle ne soit impliquée dans

  3   la détermination de la cause du décès ?

  4   Qu'en pensez-vous ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] A mon sens, le Pr Tabeau établit la cause du

  6   décès dans ce cas. S'il y avait différentes causes du décès et à partir du

  7   moment où elle a modifié le document, elle a établi la cause du décès.

  8   Donc, elle a établi que la cause du décès n'était plus indéterminée mais

  9   que le décès avait été provoqué par une blessure par balle à la tête, donc

 10   c'est elle qui a établi cela. Et lorsqu'elle a présenté cela dans ses

 11   tableaux, elle a estimé que telle était la cause du décès, qui était dans

 12   ce cas bien définie ou déterminée.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, lorsqu'elle reprend une cause

 14   du décès déjà déterminée par quelqu'un d'autre, elle détermine ce cas elle-

 15   même. Autrement dit, elle n'établit aucun diagnostic. Elle choisit

 16   différents diagnostics. Quelqu'un a dit "indéterminé", quelqu'un a dit "mal

 17   défini" ou "non déterminé", donc est-ce que c'est elle qui établit la cause

 18   du décès ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle vous présente à vous, les Juges de la

 20   Chambre, ce qu'elle a sélectionné, et non pas ce qui existe. Moi, je

 21   n'affirme pas qu'elle a modifié le document, mais elle présente aux Juges

 22   ce qu'elle a modifié et ce qu'elle a pu établir. Elle dit, par exemple, que

 23   ce qui était indéterminé est maintenant déterminé. Elle ne présente pas un

 24   nouveau document, mais elle modifie dans les tableaux ce qui n'existait pas

 25   dans le document d'origine.

 26   Si le Pr Tabeau a travaillé de façon professionnelle, elle peut l'exclure,

 27   elle peut noter quelque chose, elle peut dire, par exemple : Si j'ai deux

 28   options, si nous parlons du même individu, par exemple, ou du même cas,


Page 43674

  1   dans combien de cas a-t-on retrouvé cette situation. Elle ne devrait pas

  2   dire que la logique sous-tendait l'analyse. L'analyse doit vous être

  3   présentée avec le plus grand nombre de décès déterminés. Je ne sais pas.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Après cette explication, je suppose

  5   que vous n'affirmez plus qu'elle a fourni ses conclusions concernant les

  6   causes du décès. Elle a simplement fourni un document qui portait sur

  7   l'enquête menée sur un certain nombre de victimes, où il s'agissait

  8   d'établir la cause du décès; c'est exact ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] A aucun moment n'ai-je dit qu'elle a fourni de

 10   nouvelles conclusions. Elle a déjà ces conclusions : il y a une conclusion

 11   qui précise que c'est bien défini, et l'autre conclusion précise que c'est

 12   indéterminé. Elle a modifié cela. En présentant ses résultats, plutôt que

 13   de dire que les conclusions consistaient à dire que c'était indéterminé et

 14   plutôt que de calculer cela, elle le modifie et elle décide de présenter

 15   aux Juges de la Chambre ce qui a été modifié.

 16   Je ne peux pas imaginer qu'elle ait modifié les conclusions qui se

 17   trouvaient dans le document d'origine, mais elle modifie les éléments au

 18   niveau du tableau qu'elle vous présente en disant que les causes du décès

 19   étaient indéterminées alors que cela n'était pas le cas; dans des cas, par

 20   exemple, où il fallait répondre par oui ou par non, elle répondait par

 21   "oui". Je n'ai pas eu suffisamment de temps pour analyser tous les

 22   documents, pour rechercher tous les éléments : telle et telle personne, tel

 23   et tel pathologiste dit telle et telle chose, et l'autre pathologiste dit

 24   autre chose.

 25   Je ne pense pas que le Pr Tabeau ait modifié les documents rédigés par un

 26   pathologiste, mais elle a conclu qu'elle était en présence de deux

 27   conclusions. Dans un cas, indéterminé, et cet élément d'information est

 28   parvenu plus tard comme étant bien défini, donc dans le tableau, je vais


Page 43675

  1   présenter cela comme étant une cause de décès indéterminée.

  2   A mon sens, ceci n'est pas une façon professionnelle de travailler.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci de votre longue explication,

  4   encore une fois. Vous avez été tout à fait claire, maintenant, et nous

  5   savons ce que vous souhaitez présenter aux Juges de la Chambre. Au début,

  6   vous avez dit que le Pr Tabeau a dit que lorsqu'elle a comparé différents

  7   résultats, elle a apporté des corrections. Certaines corrections

  8   concernaient les décès.

  9   Mais ce que vous nous avez dit maintenant, il ne s'agit pas de corriger les

 10   décès, mais elle a choisi un document qu'elle juge plus fiable et qui

 11   comporte davantage de détails. C'est ce que je comprends maintenant,

 12   d'après votre déposition; c'est exact ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Pr Tabeau n'a pas dit cela. Elle a dit

 14   qu'elle a modifié la cause du décès. Je suppose simplement -- bon, vous

 15   pouvez lire.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je dois vous interrompre. Vous avez

 17   dit qu'elle a modifié les causes du décès.

 18   Mais nous allons poursuivre.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une autre question à poser.

 20   Le Pr Tabeau parle de situations dans lesquelles les causes du décès ne

 21   concordent pas. Elle demande à l'ordinateur de procéder à un choix

 22   aléatoire et, dans certains cas, elle a corrigé ce choix aléatoire de

 23   l'ordinateur, car elle a estimé avoir de bonnes raisons pour pencher dans

 24   un sens ou dans un autre.

 25   Veuillez nous dire, s'il vous plaît, ceci : dans combien de cas avez-vous

 26   vérifié, parce qu'elle juge que c'est une situation assez rare que celle-

 27   ci, lorsqu'elle a apporté des corrections. Avez-vous une idée du nombre de

 28   cas en question, et comment ceci a une incidence sur les statistiques, et


Page 43676

  1   comment cela peut effectivement modifier l'analyse statistique dans ce cas

  2   ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une idée, mais le Pr Tabeau aurait dû

  4   déclarer cela. C'eut été professionnel de sa part. Elle a modifié cela en

  5   utilisant l'ordinateur. Elle a parlé de 10, 15, 20.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question ne portait pas sur le fait

  7   de savoir si elle aurait dû procéder différemment. Vous dites que vous avez

  8   une idée sur la question.

  9   Veuillez nous dire quelle est cette idée, alors, pour ce qui est des

 10   quantités.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, voici mon idée. Si vous dissimulez une

 12   donnée comme cela, cela n'est sans doute pas quelque chose de peu

 13   important. Je ne dis pas que j'ai raison, mais à savoir si c'était minime

 14   ou pas, qu'est-ce que cela veut dire, dans un certain nombre de cas ? Elle

 15   aurait pu dire dans 0,2 ou 0,3 % des cas. Moi, je n'ai pas eu suffisamment

 16   de temps pour analyser cela. Mais l'idée que j'ai, moi, c'est que si le

 17   démographe ou la statisticienne, dans ce cas, ne présente pas cet élément,

 18   et lorsqu'on est démographe, on a une raison d'omettre ce type de données.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, si vous souhaitez dissimuler

 20   quelque chose, est-ce que vous auriez expliqué ouvertement ce que vous avez

 21   fait ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai fait cela dans un certain nombre de

 23   cas. Mais si c'est un certain nombre de cas, à ce moment-là, veuillez

 24   l'exprimer à la manière d'un professionnel.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ma question portait sur l'élément

 26   suivant : si vous souhaiter dissimuler quelque chose, est-ce que vous allez

 27   expliquer ouvertement ce que vous avez fait ou comment vous avez procédé ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne sommes pas d'accord, vous et moi. Il


Page 43677

  1   s'agit d'une explication ouverte.

  2   Je pense qu'il ne s'agit pas d'une explication ouverte. Nous sommes en

  3   présence d'un expert qui ne peut pas nous citer le nombre de cas. Pourquoi

  4   n'a-t-elle pas dit qu'il s'agissait du chiffre trois ou autre chose ? Nous

  5   devons présenter les éléments de façon très précise, avec des chiffres.

  6   C'est ce qu'exige notre profession. Donc, que ce soit plusieurs ou peu, eh

  7   bien, cela m'incite à mettre en doute ce qu'elle dit. Je ne sais pas s'il

  8   s'agit d'un nombre important ou pas, mais je pars du principe que si vous

  9   êtes expert et que vous avancez un chiffre, vous ouvrez la parenthèse et

 10   vous dites trois, sept cas, fermer la parenthèse, ou un cas, et c'est ce

 11   qui m'incite à mettre en doute ce qu'elle dit. Parce que si vous êtes

 12   professionnel, vous savez comment travaille un démographe ou un

 13   statisticien et comment ces personnes s'expriment avec des chiffres.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous remettez en cause son intégrité.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que sur un plan professionnel, elle

 16   n'est pas correcte.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ma question n'a pas porté là-

 18   dessus. La question que je vous ai posée, c'est est-ce que vous remettez en

 19   cause son intégrité. Quand on dit cela, c'est autre chose que de dire

 20   qu'elle n'agit pas en tant que professionnel, mais qu'elle dissimule

 21   quelque chose intentionnellement. Et, d'après vous, c'est ce qu'a fait le

 22   Pr Tabeau.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Si c'est comme cela que vous définissez

 24   l'intégrité, dans ce cas-là, oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie -- je regarde l'heure.

 26   Je crois que je vais vous conseiller de ne pas poursuivre, Maître Ivetic.

 27   Madame le Professeur, nous allons avoir une pause. Nous souhaitons vous

 28   revoir dans 20 minutes. Vous pouvez suivre l'huissier.


Page 43678

  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprenons à 11 heures moins 5.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

  4   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendons que le témoin soit

  6   escorté dans le prétoire.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez procéder.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Professeur, pouvez-vous nous dire, en vous appuyant sur la pratique

 11   généralement admise de la démographie scientifique, dans quelle catégorie

 12   sont placés les décès violents ?

 13   R.  Les décès violents dus aux meurtres, aux accidents ou aux suicides sont

 14   placés dans la même catégorie.

 15   Q.  Dans le cadre de l'espèce, le Dr Tabeau a déclaré dans sa déposition,

 16   en page 36 855, ligne 21, à la page 36 856, ligne 9, ce qui suit :

 17   "Question : D'accord. Eh bien, conviendriez-vous avec moi que dans le

 18   domaine de la statistique et de la démographie, les morts violentes sont

 19   placées dans trois catégories différentes : mort accidentelle, suicide et

 20   homicide ?

 21   "Réponse : Oui, de façon générale, en effet, c'est le cas.

 22   "Question : Et conviendriez-vous avez moi que l'homicide lui-même est

 23   encore sous divisé en deux catégories, c'est-à-dire le meurtre et

 24   l'homicide justifiable ?

 25   "Réponse : Oui.

 26   "Question : Et lorsque dans votre rapport vous concluez au fait que toutes

 27   les victimes de Tomasica sont mortes de morts violentes, pourriez-vous

 28   distinguer davantage en faisant une différence entre les divers décès


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  1   violents que vous avez pris en compte dans vos conclusions ?

  2   "Réponse : Bien sûr, je ne pourrais pas distinguer sur la base de mes

  3   seules connaissances des circonstances, car celles-ci ne sont pas

  4   suffisantes pour me permettre de distinguer plus avant entre les

  5   différentes catégories."

  6   Alors, Professeur, pourriez-vous commenter le témoignage du Dr Tabeau que

  7   je viens de citer ?

  8   R.  Le Dr Tabeau ne pouvait peut-être pas distinguer plus avant sur la base

  9   de ses connaissances personnelles, mais il aurait été correct sur le plan

 10   personnel qu'elle annonce que, dans le cadre global de l'ensemble des décès

 11   sur lesquels elle s'est penchée, elle pouvait inclure une possibilité que

 12   certains de ces décès étaient dus aux combats. Quelle est la possibilité de

 13   distinguer précisément entre les décès dus aux combats et les décès dus à

 14   d'autres formes de violence, c'est une autre question. Mais elle avait des

 15   documents à sa disposition qui confirmaient effectivement que certaines

 16   personnes avaient trouvé la mort en raison des combats.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais vous poser une question.

 18   Comment est-ce que vous définiriez une personne qui est morte au combat,

 19   Madame, en tant que démographe ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une personne qui n'est pas morte

 21   des suites d'une exécution, mais qui est morte des suites d'un combat. Et

 22   là, il y a une grande différence entre combat et exécution.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais lorsque vous êtes face au corps

 24   d'une personne décédée et qui présente des balles à l'intérieur de son

 25   corps, comment est-ce que vous concluez au fait que cette personne a été

 26   tuée au combat et non dans le cadre d'une exécution ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, il y a des documents qui indiquent

 28   des dates précises et qui indiquent qu'à ces dates-là se déroulaient des


Page 43680

  1   combats et que certaines personnes ont été tuées au combat. Il y a même un

  2   rapport qui existe, un rapport provenant d'un policier français qui affirme

  3   que des personnes connues par leurs noms et prénoms étaient membres de la

  4   Défense territoriale et ont été excluent de l'analyse parce qu'il s'agit de

  5   personnes qui ont trouvé la mort dans le cadre des combats.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais en tant que démographe, est-ce

  7   que vous pouvez vous appuyer sur d'autres sources pour vous permettre de

  8   déclarer en tant que professionnel de la démographie que les personnes en

  9   question sont mortes au combat ? C'est cela, la question que je vous pose,

 10   en vous appuyant sur des documents qui ne relèvent pas de votre spécialité,

 11   de votre discipline, mais sur d'autres sources.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, si elle dispose de documents qui lui

 13   permettent d'indiquer que tous les décès qu'elle a examinés n'appartiennent

 14   pas à une seule et même catégorie, mais peuvent se diviser entre décès dus

 15   aux combats et décès dus à d'autres violences, elle doit le dire. Or, les

 16   conclusions du Dr Tabeau sont en fait des insinuations qui tendent à

 17   indiquer que tous les décès étaient dus à du nettoyage ethnique ou à des

 18   exécutions.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais est-ce qu'elle a dit que ces

 20   personnes étaient toutes mortes suite à des exécutions, ou est-ce qu'elle a

 21   dit que toutes ces personnes étaient mortes de causes violentes ? Soyons

 22   clairs sur ce qu'elle a déclaré.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle a dit que tous ces décès sont survenus

 24   dans des circonstances identiques en raison de la campagne de nettoyage

 25   ethnique qui se menait à ce moment-là. Or, la réalité, soyons clairs, c'est

 26   que l'ensemble de ces décès n'a pas été dû à des circonstances identiques,

 27   puisqu'il existe des documents qui indiquent que les circonstances

 28   n'étaient pas toutes identiques, et donc, il fallait introduire la


Page 43681

  1   distinction entre morts dues aux combats et morts dues aux exécutions.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais nous nous éloignons de la

  3   question que je vous ai posée. La question que je vous ai posée portait sur

  4   la distinction possible entre décès dus à des exécutions et décès dus à des

  5   combats ou au fait de rassembler l'ensemble sous le terme de décès dus à

  6   des causes violentes. Alors, comment est-ce que en tant que démographe

  7   professionnel, vous pouvez faire la distinction entre les deux ?

  8   Mais vous avez répondu par anticipation. Je vous remercie.

  9   Maître Ivetic, vous pouvez procéder.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais une question à poser au témoin,

 11   toutefois.

 12   Madame Radovanovic, vous déclarez qu'il existe des documents qui évoquent

 13   l'existence de combats, et je considère que c'est un point important pour

 14   la présente Chambre. Est-ce que cette affirmation permettrait de distinguer

 15   entre des personnes mortes au combat et des personnes mortes suite à une

 16   exécution ? Je veux dire le fait que des combats se déroulaient sur le

 17   terrain, suffit-il à lui seul pour permettre à une personne de déterminer

 18   que des êtres humains sont morts au combat, ont été tués par ces combats ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, cela dépend du document que l'on

 20   consulte. Si vous consultez, par exemple, la liste de l'armée de Bosnie-

 21   Herzégovine et que dans cette liste, il est question de soldats qui ont

 22   trouvé la mort, dans ce cas, vous pouvez présenter des données, parce que

 23   vous savez, je ne suis pas en train d'affirmer que les seules deux

 24   catégories possibles soient la présence de combats ou l'absence de combats.

 25   Mais là, dans un tel document, le mot utilisé est le mot soldat. Donc, il

 26   indique qu'il ne s'agissait pas de civils, mais qu'il s'agissait de

 27   soldats. A Srebrenica, il est indiqué que 70 % des personnes étaient des

 28   soldats, en tout cas jusqu'à 2009. Or, ces personnes ont toutes été


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  1   traitées comme des civils. Donc, c'est l'un des documents, celui que

  2   j'évoque, dans lequel la distinction est établie entre des membres de

  3   troupes militaires et des civils.

  4   Et puis, il y a d'autres documents ici et là. J'en ai cité quelques-uns.

  5   Ces documents indiquent que des combats se déroulaient à une date précise,

  6   en un lieu précis, et que ces combats ont fait des victimes. Le Dr Tabeau

  7   ne pouvait pas établir avec une entière précision qui avait été tué au

  8   combat et qui ne l'avait pas été, mais elle aurait pu évoquer la

  9   possibilité que certains de décès examinés par elle aient été dus au

 10   combat. Il y a un autre rapport d'une personne dont je prononce mal le nom

 11   mais, en tout cas, il a dit qu'il existe une base de données dans laquelle

 12   il y a même des déclarations judiciaires qui se prononcent sur les causes

 13   du décès de ces personnes.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, la question qui continue à se

 15   poser, à mon avis, relève des compétences des démographes, mais il

 16   appartient aussi à une chambre d'un tribunal de rassembler toutes ces

 17   informations pour aboutir à ces conclusions.

 18   Restons-en là pour le moment. J'ai entendu vos explications.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Encore une fois, j'ai une question de

 20   suivi, parce que le dialogue qui vient de s'engager a été provoqué par une

 21   phrase, que l'on trouve en page 24, lignes 21 à 23 du compte rendu

 22   d'audience, où vous avez dit :

 23   "Mais il existe des documents à la disposition de tous qui confirment que

 24   certaines personnes ont été tuées au combat."

 25   Combien de personnes avez-vous en tête lorsque vous dites cela et sur quels

 26   documents vous appuyez-vous pour le dire ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon rapport, je note la liste des

 28   documents que j'ai à l'esprit, mais le nombre de personnes, je ne le


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  1   connais pas. Le Dr Tabeau aurait agi de façon correcte sur le plan

  2   professionnel si elle avait pour le moins permis de penser -- maintenu la

  3   possibilité que certaines des personnes dont les noms figuraient sur les

  4   listes et qui ont été tuées avaient été victimes des combats à Tomasica.

  5   Elle aurait pu laisser entendre la même chose pour Srebrenica. Mais

  6   jusqu'en 2009, il n'y a pas un mot prononcé par elle à cet effet --

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous interroge au sujet de

  8   Tomasica, puisque c'est sur ce sujet que vous êtes interrogée ici, et non

  9   sur le sujet de Srebrenica. Je vous demande quel est le nombre des

 10   personnes que vous avez à l'esprit ? Si vous indiquez que des documents

 11   existent indiquant que des personnes auraient été tuées au combat, je vous

 12   demande quel est le nombre de ces personnes, sur la base des documents que

 13   vous avez consultés, et quels sont ces documents ? Si vous ne le savez pas,

 14   veuillez poursuivre, mais veuillez, je vous prie, répondre à ma question.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Les documents, je les ai énumérés dans mon

 16   rapport. Je ne peux pas vous donner leur nature, de mémoire, ici même

 17   aujourd'hui, mais ils figurent dans mon rapport et indiquent que tel ou tel

 18   jour, dont la date est indiquée, des combats se sont déroulés à tel et tel

 19   endroit. Si le Dr Tabeau avait à la fin de son rapport tiré des conclusions

 20   sur les incidents survenus jour après jour en rapport avec les charges

 21   retenues contre le général Mladic, sur la base de ces incidents, des dates

 22   de ces incidents et des lieux où ils étaient survenus, elle aurait pu

 23   conclure que certains combats avaient eu lieu et que des victimes auraient

 24   pu relever de ces combats. Elle n'aurait peut-être pas pu dire quelle

 25   personne exactement avait été tuée au combat ou pour d'autres causes, mais

 26   elle aurait pu évoquer l'existence des combats.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous n'avez pas répondu à ma

 28   question, mais poursuivons.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je souhaite répondre à votre

  2   question, mais je ne l'ai peut-être pas bien comprise. Si votre question

  3   porte sur la possibilité de distinguer l'identité exacte d'une personne

  4   morte au combat ou en dehors des combats, alors je réponds non.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Madame Radovanovic, j'ai cité une

  6   phrase que vous avez prononcée ce matin, et je souhaitais préciser le

  7   contexte de cette phrase, mais vous n'avez pas pu m'indiquer ce contexte.

  8   Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez procéder.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes mes excuses. Je ne vous ai pas bien

 11   compris, dans ce cas.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Je ne sais pas si le problème vient de la

 13   traduction, mais au paragraphe 7, le Pr Radovanovic déclare qu'il existe

 14   des documents confirmant que des victimes auraient pu avoir été tuées. En

 15   dehors du chapitre que vous évoquez, Monsieur le Juge, il y a une autre

 16   réponse qui a été fournie aujourd'hui par le témoin qui a appelé mon

 17   attention, où elle évoque la possibilité, et non la réalité. Et

 18   malheureusement, je n'ai pas écouté la version originale en B/C/S à ce

 19   moment-là, ou j'ai peut-être perdu une partie de ce qui a été dit, mais je

 20   souhaitais signaler que le point a été évoqué --

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ceci peut être vérifié, comme vous le

 22   savez.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Je sais, je sais.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a la moindre raison de

 25   faire vérifier l'interprétation, vous savez que nous essayons d'éviter de

 26   le faire, quelles que soient les incompréhensions, Maître Ivetic.

 27   Veuillez procéder.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Si nous pouvons passer maintenant au document


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  1   1D6184 dans le prétoire électronique, j'en demande l'affichage. Il s'agit

  2   du rapport du Pr Radovanovic.

  3   Pour le compte rendu, j'indique que c'est le paragraphe 7 qui m'intéresse,

  4   en page 6 en anglais, page 6 en serbe. Et c'est la page 11 en anglais et la

  5   page 13 en serbe, paragraphe 25 du rapport du Pr Radovanovic, que je

  6   voudrais évoquer à présent.

  7   Je ne sais pas si vous avez tous un écran noir devant les yeux, mais c'est

  8   mon cas.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous n'avons rien encore sur nos

 10   écrans non plus.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On est en mode d'économie d'énergie.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, je crois que nous voyons à

 14   l'instant apparaître quelque chose sur nos écrans, donc nous pouvons

 15   poursuivre.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Alors, j'aimerais l'affichage de la version anglaise, que l'on trouve en

 18   page 11, paragraphe 25 du rapport de Mme Tabeau, qui se lit comme suit :

 19   "Le fait que des sources contenant des décisions judiciaires concluant à la

 20   mort existent dans l'Unité de démographie a été écarté sans aucune

 21   explication" --

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je n'arrive pas à suivre. De quel

 23   paragraphe vous parlez ?

 24   M. IVETIC : [interprétation]

 25   Q.  Le paragraphe 25.

 26   R.  D'accord.

 27   Q.  "Le fait que des sources contenant des décision judiciaires relatives à

 28   des décès existent au sein de l'Unité de démographie" --


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, apparemment, de notre

  2   côté de la salle, l'anglais se mêle au B/C/S dans les écouteurs.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, recommençons. Mais lisez

  4   lentement et je suivrai sur le canal B/C/S pour voir ce qui en sort, donc

  5   j'écouterai les interprètes en B/C/S.

  6   Veuillez procéder.

  7   M. IVETIC : [interprétation]

  8   Q.  "Le fait que des sources contenant des décisions judiciaires relatives

  9   à des décès existent au sein de l'Unité démographique a été laissé de côté

 10   sans aucune explication justifiant la raison pour laquelle elles n'ont pas

 11   été utilisées dans le rapport du 20 août 2014, ceci peut susciter des

 12   soupçons raisonnables par rapport aux décisions de certains tribunaux

 13   lorsqu'on lit parfois 'certains individus ont été vus pour la dernière fois

 14   alors qu'ils participaient à la défense locale du territoire et faisaient

 15   partie de la Défense territoriale. Et étant donné qu'il est possible que

 16   ces personnes soient mortes en participant à des activités de combat, elles

 17   n'ont pas été prises en compte, sauf lorsque d'autres éléments de preuve

 18   indiquaient que celles-ci avaient été capturées et/ou faites prisonnières

 19   par les forces ennemies et tuées ensuite.' Donc, il était possible au moins

 20   de laisser entendre, sinon de préciser totalement que toutes les victimes

 21   n'avaient pas été tuées dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire en

 22   raison d'une exécution; or, c'est cela que le témoin expert insinue. En

 23   dehors de ce fait, il importe également de tenir compte du fait que le

 24   témoin expert, annonçant des problèmes dans l'établissement du statut

 25   militaire ou du statut civil, fait observer que 'l'on peut voir les choses

 26   différemment, en fonction des circonstances ayant abouti au décès. Un

 27   soldat tué par balle et qui a décédé alors qu'il ne participait pas au

 28   combat, (c'est-à-dire lorsqu'il était en congé) doit être considéré comme


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  1   un civil. Et un civil tué par balle dans le cadre des combats au cours

  2   desquels il utilisait un fusil et qu'il était donc engagé dans des combats

  3   devait être considéré comme un combattant' pourquoi est-ce que le témoin

  4   expert 'a ignoré' la possibilité qu'il y avait à la fois des soldats et des

  5   combattants parmi les victimes de Tomasica et de Prijedor de façon générale

  6   ?"

  7   Est-ce que c'est bien le passage dont vous venez de parler il y a un

  8   instant lorsque vous avez évoqué les rapports qui se trouvaient au sein de

  9   l'Unité démographique et qui évoquaient l'existence de combat, et donc la

 10   possibilité que certaines personnes aient été tuées dans le cadre de combat

 11   ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ici, l'un des éléments de référence cité dans la note en bas de page,

 14   c'est le rapport de 2002 de l'enquêteur du bureau du Procureur qui donne

 15   des indications relatives à Prijedor et évoque les personnes qui ont été

 16   vues par la dernière fois au sein de la Défense territoriale et qui donc

 17   ont pu avoir été tués dans le cadre de combat. Est-ce qu'un démographe

 18   appliquant la pratique et la méthode généralement admise sur le plan

 19   scientifique aurait dû prendre en compte ce rapport au moment où il

 20   examinait les décès des personnes à Tomasica et à Prijedor dans le but de

 21   déterminer les raisons de ces décès ?

 22   R.  Oui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, de quelle note en bas de

 24   page venez-vous de parler.

 25   M. IVETIC : [interprétation] C'est la note en bas de page numéro 16, je

 26   crois. Attendez, permettez-moi de vérifier un instant.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Numéro 15.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cela devrait être numéro 15.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'elle fait partie des éléments

  2   de preuve ? Nous aimerions simplement le savoir.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Non. C'est une note qui figure sur notre

  4   liste. Elle a été téléchargée dans le prétoire électronique.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me demandais simplement si nous

  6   pourrions l'avoir à notre disposition.

  7   M. FILE : [interprétation] Il y a des analyses de ces documents qui sont

  8   déjà téléchargés dans la pièce P3282, et le document entier c'est le

  9   document 65 ter numéro 26260.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Je ne sais pas quelle est la

 11   longueur de ce document, est-ce que nous en avons besoin, est-ce qu'il nous

 12   aiderait dans nos évaluations.

 13   Veuillez procéder.

 14   M. IVETIC : [interprétation] D'accord.

 15   Q.  Et, Madame, vous énumérez plusieurs autres documents dans la note en

 16   bas de page numéro 17 dans laquelle vous dites qu'elle montre qu'il

 17   existait un conflit armé dans certaines zones. Est-ce que vous vous seriez

 18   attendue à ce que le Dr Tabeau applique la méthode scientifique

 19   généralement admise, et se penche donc sur les informations contenues dans

 20   des documents de ce genre ?

 21   R.  Oui. Cela aurait été correct de sa part d'examiner, d'étudier ces

 22   documents. Elle aurait pu noter les raisons pour lesquelles elle ne les a

 23   pas utilisés, mais elle a agi exactement comme si ces documents

 24   n'existaient pas.

 25   Q.  Passons à la page suivante dans la version en serbe, mais restons sur

 26   la même page dans le rapport en anglais --

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant cela, j'ai une question de

 28   précision.


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  1   Maître Ivetic, lorsque vous avez commencé cette dernière série de

  2   questions, vous avez fait référence au paragraphe 7, page 6 de la version

  3   anglaise, page 6 de la version en serbe. Où je lis, dans ce paragraphe 7 :

  4   "Le témoin expert insinue mais ne prouve pas que l'ensemble des victimes a

  5   été exécutée en dépit du fait qu'il existe des documents confirmant que des

  6   victimes auraient pu avoir été tuées en raison des combats."

  7   Ceci figure au paragraphe 7 du rapport du témoin.

  8   J'aimerais savoir de la bouche de Mme Radovanovic, puisque nous venons de

  9   vous entendre parler du rapport de M. Nicolas Sibere de 2002, est-ce que ce

 10   rapport de Nicolas Sibere est le seul auquel vous faites référence lorsque

 11   vous évoquez cette catégorie de documents que vous avez à l'esprit, ou est-

 12   ce que vous en avez d'autres en tête ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce paragraphe 7 est un résumé, il est

 14   raccourci, donc ce n'est pas le seul document disponible. Mais dans la note

 15   en bas de page 17 du paragraphe 25, d'autres documents sont cités. Dans le

 16   paragraphe 7, tout est résumé, donc je n'ai pas développé ce que j'ai

 17   écrit. Mais je l'ai fait dans le corps du texte complet. Ici, nous avons

 18   simplement une conclusion tirée de ce qui précède.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Mais en note de bas

 20   de page 17, nous avons une liste de documents avec des numéros ERN.

 21   Pourriez-vous synthétiser et nous dire quelle est la nature de l'ensemble

 22   de ces documents ? Il n'y a pas de titres, nous n'avons pas la moindre idée

 23   de la nature de ces documents.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je ne me rappelle pas exactement quel

 25   est leur dénomination à chacun, mais il s'agit dans la majorité de

 26   documents -- moi, je les ai dans mon bureau, je pourrais vérifier je

 27   pourrais même les apporter. Ils sont dans ma chambre à l'hôtel. Il s'agit

 28   de rapports soumis par un certain nombre de personnes qui traitent de ce


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  1   qui s'est passé un jour déterminé, et un jour où des combats se

  2   déroulaient, ce genre de chose. Je ne me rappelle pas à l'instant quels

  3   sont les auteurs de l'ensemble de ces documents, mais je les ai dans mon

  4   cartable, dans mon sac dans ma chambre. Et il s'agit toujours de documents

  5   qui indiquent des jours précis et des activités de combat précises pendant

  6   ces journées-là.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous avez des

  8   renseignements quant au fait de savoir si l'une ou plusieurs de ces

  9   victimes de combat évoquée dans ces documents a été tué et a été enterrée

 10   dans la fosse commune de Tomasica ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ça je n'ai pas examiné ce point. Je

 12   voulais citer à titre d'exemple quant à l'existence de combat à des dates

 13   précises dans des lieux précis.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.

 16   M. IVETIC : [interprétation]

 17   Q.  Paragraphe 26 à présent, où vous parlez du fait que le Dr Tabeau fait

 18   référence à des salves de mitrailleuse. Est-ce qu'un démographe a la

 19   capacité de déterminer si une personne a été tuée par un tir de canon, de

 20   fusil, de mitrailleuse, ou d'une autre arme; et si oui, de quelle façon ?

 21   R.  Non, les démographes s'occupent des sources de décès indiquées par des

 22   spécialistes de médecine légale. Il peut s'agir de blessures à la tête par

 23   arme à feu, mais savoir si l'arme est une mitrailleuse ou un pistolet ou un

 24   fusil, ce n'est pas ce qu'un démographe peut déterminer.

 25   Q.  J'aimerais maintenant vous interroger sur un élément évoqué par le Dr

 26   Tabeau dans sa déposition en l'espèce, page 36 800, lignes 8 à 20 du compte

 27   rendu d'audience. Je vais lire ce qui suit lorsque je l'ai interrogé au

 28   sujet de la déposition du Dr Clark. Je cite :


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  1   "Question : J'aimerais vous poser une dernière question sur le sujet à

  2   titre de conclusion.

  3   "Est-il exact qu'en tant que scientifique, vous ne pouvez pas exclure

  4   la possibilité qu'une ou plusieurs personnes ont été tuées au combat ?

  5   "Réponse : En effet, je ne peux pas exclure cette possibilité."

  6   Et puis, donc, ceci porte sur une citation du Dr Clark. J'ai interrogé le

  7   Dr Tabeau au sujet de la déposition du Dr Clark dans les termes suivants :

  8   "Est-ce que cette conclusion du Dr Clark correspond entièrement à vos

  9   résultats suite au travail que vous avez accompli sur les cadavres

 10   retrouvés à Tomasica ?

 11   Et voici maintenant la réponse du Dr Tabeau :

 12   "Réponse : Non, Monsieur, non. Je n'ai étudié aucune source sur la base de

 13   laquelle j'aurais la possibilité de dire que quelqu'un a été tué dans une

 14   situation dans laquelle il y avait un combat ou dans une situation dans

 15   laquelle il n'y avait pas de combat. En fait, je n'ai tiré aucune

 16   conclusion sur ce sujet. Donc, quels que soient les dires du Dr Clark dans

 17   sa déposition, il s'agit de son avis personnel mais, pour ma part, je ne

 18   peux formuler aucune déclaration sur ce point en ce moment."

 19   Et là, c'est donc la fin de la citation.

 20   Madame le Professeur, quels seraient vos commentaires par rapport à ce

 21   témoignage ?

 22   R.  Le Dr Tabeau a dit clairement qu'elle n'avait pas examiné d'autres

 23   sources qui auraient indiqué cela, et le Dr Clark a indiqué les causes du

 24   décès. Je ne me souviens pas d'avoir vu que le Dr Clark, dans son rapport,

 25   écrit que quelqu'un a été tué des tirs de mitrailleuse. Je ne pense pas que

 26   cela figure dans son rapport. Et cela n'a aucune importance pour un

 27   démographe. Même le Dr Clark, si je me souviens bien, n'exclut pas la

 28   possibilité que certaines personnes aient trouvé la mort au combat.


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  1   Q.  Dans la continuation de son témoignage par rapport à ce sujet, le Dr

  2   Tabeau dit à la page du compte rendu 36 810, lignes 9 à 14, ce qui suit :

  3   "Question : Docteur Tabeau, pensez-vous que faire une différence entre le

  4   décès causé survenu en combat et décès du au nettoyage ethnique, il n'est

  5   pas pertinent pour votre rapport ?

  6   "Réponse : Je n'ai jamais dit que cela ne soit pas pertinent pour mon

  7   rapport mais, tout simplement, je n'étais pas en mesure d'étudier les

  8   sources qui auraient pu me dire quels incidents se sont produits durant les

  9   combats et quels autres incidents n'étaient pas survenus en combat."

 10   Madame le Professeur, comment commenteriez-vous cette partie de ce

 11   témoignage ?

 12   R.  J'aurais posé la question pourquoi le Dr Tabeau n'avait pas l'occasion

 13   de voir cela, parce qu'elle a des bases de données qu'elle-même avait

 14   compilées avec ses assistants. Je suppose qu'elle est au courant du contenu

 15   de cette base de données. Mais si elle n'a pas eu l'occasion de voir cela,

 16   elle aurait dû indiquer la raison pour laquelle elle ne pouvait pas le

 17   faire, peut-être parce qu'elle n'avait pas suffisamment de temps, peut-être

 18   parce qu'il n'y avait pas de documents disponibles. Cela veut dire qu'on ne

 19   peut pas conclure que si elle n'avait pas l'occasion de voir, que ces

 20   documents n'existaient pas.

 21   Q.  Est-ce que le Dr Tabeau avait accès dans le cadre de l'Unité de

 22   démographie, à d'autres sources de documents militaires où des pertes

 23   étaient indiquées, mis à part le rapport de Nicolas Sebire que vous avez

 24   cité dans votre rapport ?

 25   R.  Dans l'Unité de démographie, tous les documents qui existent sont les

 26   documents que le Dr Tabeau avait utilisés, ainsi que ces assistants,

 27   qu'elle avait créé ces bases de données dans le cadre d'un projet spécial à

 28   la tête duquel elle se trouvait dans le cadre du bureau du Procureur. Et je


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  1   suppose qu'elle savait quelle était la teneur de ces bases de données et

  2   quels sont les documents qui sont contenus dans ces bases de données.

  3   Si j'ai pu obtenir certains documents de la part de la Défense, je ne

  4   pense pas que la Défense les ai trouvés dans la rue. Ces documents ont été

  5   enregistrés, les documents qui concernent la population et d'autres choses.

  6   Je suppose que le Dr Tabeau dispose des mêmes documents. Je ne sais pas ce

  7   qui se trouve dans ces bases de données, dans les bases de données de

  8   l'Unité de démographie. C'est parce que je n'ai jamais eu accès à toutes

  9   les données qui sont disponibles à l'Unité de démographie. Et je ne sais

 10   même pas s'il y a un catalogue dans lequel sont énumérés des documents qui

 11   sont disponibles pour que je puisse examiner certains documents qui me sont

 12   intéressants.

 13   Pour ce qui est de cette base de données, la teneur de cette base de

 14   données, c'est le Dr Tabeau qui est au courant de tout cela ou, au moins,

 15   elle devrait donc connaître tout cela et elle est en position de pouvoir

 16   choisir des documents. Moi, non. Je me suis appuyée sur ce qu'elle a

 17   indiqué dans son rapport et je pouvais demander ces documents-là. Et si les

 18   avocats m'aident à retrouver un rapport, par exemple le rapport de Nicolas

 19   Sebire que j'ai obtenu à La Haye, je ne savais pas auparavant que ce

 20   rapport existait.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais qu'on puisse se concentrer

 22   sur le commentaire par rapport à la chose suivante.

 23   Le Dr Tabeau a dit, et cela a été cité, qu'elle n'était pas en mesure de

 24   faire une distinction entre les décès au combat et les décès dus au

 25   nettoyage ethnique parce qu'elle ne pouvait pas étudier les sources qui

 26   auraient pu lui indiquer quels sont les incidents survenus au combat, quels

 27   sont les incidents qui n'étaient pas survenus au combat.

 28   Maintenant, vous dites qu'elle aurait dû nous dire cela, que peut-être elle


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  1   n'avait pas le temps, et cetera. Est-ce que vous savez - et c'est à quoi je

  2   m'intéresse vraiment - est-ce que vous êtes au courant des sources où il y

  3   a une distinction claire entre les incidents qui étaient le résultat des

  4   combats et les incidents qui étaient le résultat du nettoyage ethnique ?

  5   C'est parce que depuis une heure à peu près, nous parlons en détail de

  6   cela, de savoir si une personne avait péri en combat ou pas. Et il est très

  7   difficile de voir, de déterminer si une personne était victime d'un combat

  8   ou du nettoyage ethnique.

  9   Vous dites qu'elle aurait dû expliquer ce point, qu'elle n'avait pas

 10   le temps, peut-être. Mais, selon moi, c'est comme ça que j'ai compris,

 11   qu'elle a dit ici qu'elle n'avait pas à sa disposition de telles sources.

 12   Voilà ma question pour vous : est-ce que vous êtes au courant de

 13   l'existence des sources où on peut clairement identifier entre les victimes

 14   d'incidents et les victimes du nettoyage ethnique ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne dispose pas de telles sources, mais je

 16   pense que l'Unité de démographie dispose d'au moins certaines parties sur

 17   la base desquelles on pourrait arriver à cette conclusion --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous arrêter ici.

 19   Mme Tabeau a dit : Je ne dispose pas de telles sources. Vous venez de dire

 20   : Je ne suis pas au courant de l'existence de ces sources, mais elle

 21   devrait les avoir. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez tiré la

 22   conclusion selon laquelle, lorsqu'elle dit je n'ai pas de telles sources,

 23   pour croire qu'elle dispose ou qu'elle disposait de telles sources ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle ne dit pas, je ne dispose pas de telles

 25   sources. Elle dit : Je n'ai pas étudié ces sources. C'est au moins ce que

 26   j'ai obtenu comme traduction.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, permettez-moi de lire cette

 28   partie exactement. 


Page 43695

  1   "Je n'étais pas en mesure d'étudier les sources qui m'auraient indiqué si

  2   les incidents étaient survenus en combat ou pas."

  3   Vous avez compris ce point de la façon suivante : ces sources existent,

  4   mais je n'étais pas en position de les examiner, parce qu'il n'y avait pas

  5   suffisamment de temps ou, pour une autre raison, et vous n'avez pas

  6   considéré la possibilité que la raison pour laquelle cela n'a pas été fait

  7   est que ces sources n'existaient pas, tout simplement.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Si elle n'avait pas ces sources, Mme le

  9   Docteur Tabeau aurait dit : Je n'ai pas de telles sources. Mais si elle dit

 10   : Je n'ai pas étudié ces sources, dans ce cas-là, cela veut dire que ces

 11   sources existent ou, au moins, une partie de ces sources.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est votre analyse du point de vue

 13   linguistique de cette réponse.

 14   Continuons.

 15   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on regarde le

 16   paragraphe --

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question à poser par rapport

 18   au paragraphe 26.

 19   Madame Radovanovic, vous avez dit au paragraphe 26 que :

 20   Il est possible que le Dr Tabeau ait dit que des tirs de

 21   mitrailleuses, qui avaient provoqué le décès de certaines personnes, que

 22   cela ne représente pas la façon appropriée de présenter cette situation.

 23   Ma question est la suivante : est-ce que vous estimez qu'il n'est pas

 24   permis de dire si une personne avait été tuée par des tirs de mitrailleuses

 25   ou d'autres armes à feu ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] On peut dire cela si vous disposez de données

 27   disant qu'il y avait des tirs de mitrailleuses. Sur la base des sources

 28   indiquées ici par le Dr Tabeau, et lors de son témoignage, elle a dit :


Page 43696

  1   J'ai vu cela dans le rapport de John Clark, et dans l'expertise de John

  2   Clark. Cela n'existe pas.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, puis-je vous interrompre

  4   à ce niveau-là, c'est parce que vous n'avez pas répondu à ma question du

  5   tout.

  6   Ma question était comme suit : est-ce que, selon vous, les combattants ne

  7   peuvent pas être tués des tirs de mitrailleuses ou d'autres armes à feu,

  8   puisque vous avez dit que dire quelque chose comme cela n'est pas correct

  9   du point de vue intellectuel si on ne tient pas compte du fait que parmi

 10   les personnes qui avaient péri, il y avait des combattants.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Si vous posez la question concernant la

 12   conclusion de ce témoin, alors il faut lire tout le document, puisqu'ici le

 13   témoin expert a dit :

 14   "…dans aucun des documents utilisés par l'expert, il n'y a pas

 15   d'information concernant des tirs de mitrailleuses."

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je pense que vous avez

 17   voulu faire une suggestion pour ce qui est de la question du Juge Moloto.

 18   Et, si c'est le cas, vous n'avez pas formulé cette suggestion de

 19   façon correcte. Vous lui avez dit ce qu'il devait faire, oui ? Donc,

 20   maintenant, nous allons laisser le Juge Moloto continuer.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La prochaine fois, vous pouvez suggérer

 23   quelque chose au Juge Moloto, mais vous ne devriez pas lui dire ce qu'il

 24   devrait faire, donc ce n'est pas la façon à laquelle vous pouvez vous

 25   adresser à mes collègues.

 26   Continuez.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois ce qui figure dans le reste de

 28   la phrase, mais le fait qu'il n'y a pas un seul document utilisé par le


Page 43697

  1   témoin expert où il y aurait eu des informations concernant des

  2   mitrailleuses, alors, dans ce cas-là, il faut mettre en question

  3   l'expertise de l'expert qui ne nous a pas indiqué la source des

  4   informations concernant les tirs de mitrailleuses.

  5   Mais accuser cette personne de ne pas avoir été honnête du point de vue

  6   intellectuel uniquement parce que cette personne avait dit qu'on avait tiré

  7   sur ces personnes de mitrailleuses ou parfois d'armes à feu. J'aimerais

  8   savoir si le point de vue de notre expert aujourd'hui est que les

  9   combattants ne faisaient l'objet des tirs de mitrailleuses, ou parfois

 10   d'autres armes à feu. C'est ma question. Et cela n'a rien à voir avec le

 11   reste de cette phrase.

 12   Madame Radovanovic, veuillez répondre à ma question, si vous pouvez le

 13   faire.

 14   Et je dois dire, pour ce qui est de Me Ivetic, que je prends très au

 15   sérieux ses commentaires.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] On peut tirer sur les combattants de n'importe

 17   quelle arme. On peut leur lancer des roquettes, des bombes. On peut leur

 18   tirer dessus des mitrailleuses, et cetera. Et si c'était votre question, si

 19   le Dr Tabeau a conclu que --

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est sur quoi portait ma

 21   question. Vous avez conclu dans ce sens-là parce qu'elle a dit que des

 22   mitrailleuses et d'autres armes à feu avaient été utilisées, que cela veut

 23   dire qu'elle a exclu des combattants. Et maintenant, vous avez dit qu'on

 24   peut tirer sur les combattants en utilisant ces armes, ce qui contredit ce

 25   que vous avez dit auparavant.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

 27   objection à la question posée puisqu'on ne peut pas présenter le texte de

 28   cette façon-là. On ne peut pas citer seulement une partie des conclusions


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  1   et ne citer qu'une partie du texte, et non pas le texte entier. Cela veut

  2   dire qu'on est dans la situation qui n'est pas conforme à la réalité.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense que c'est tout à fait

  4   clair par rapport à ce que vous avez voulu dire en répondant à la question

  5   du Juge Moloto.

  6   Continuez.

  7   M. IVETIC : [interprétation]

  8   Q.  Regardons le paragraphe 24 maintenant, à la page 10 en anglais, en bas

  9   de la page, et à la page 13 en serbe, pour voir ce que le Dr Tabeau avait

 10   dit concernant son accès à d'autres documents. Ici, vous avez cité les

 11   propos du Dr Tabeau, et elle a dit :

 12   "Seulement quelques sources peuvent être considérées comme des sources

 13   fiables, par exemple, des rapports de" --

 14   M. IVETIC : [interprétation] Et peut-on maintenant passer à la page

 15   suivante en anglais.

 16   Q.  "…par exemple, des certificats de décès, des registres de décès, des

 17   décisions des tribunaux pour déclarer des personnes décédées ou des

 18   extraits des archives du ministère de la Défense concernant les forces

 19   armées et les certificats de décès des forces armées."

 20   Est-ce que le Dr Tabeau a utilisé ces documents dans d'autres rapports que

 21   vous avez examinés ?

 22   R.  Non, nulle part elle n'a utilisé ces documents dans les rapports que

 23   j'ai examinés. Exception faite du rapport de 2009, le ministère de la

 24   Défense à Srebrenica, seulement en 2009, mais il ne s'agit pas d'un

 25   document officiel. Je pourrais me mettre d'accord avec le Dr Tabeau pour ce

 26   qui est de l'intégration de ce document en tant que document officiel. Mais

 27   pour ce qui est du travail des scientifiques dans ce domaine-là, on ne peut

 28   pas considérer ce document comme étant un document officiel. Les documents


Page 43699

  1   officiels ne sont que des certificats de décès et des décisions des

  2   tribunaux pour déclarer une personne comme personne décédée.

  3   Q.  Et si on revient au paragraphe 25 de votre rapport, nous allons voir

  4   qu'il y a une autre citation du même article de 2005 du Dr Tabeau. Je l'ai

  5   déjà lu, donc je ne vais pas lire à nouveau cette citation, et cela

  6   concerne la note de bas de page numéro 18 au paragraphe 25 de votre

  7   rapport. Pouvez-vous concilier l'écrit du Dr Tabeau dans le rapport de 2005

  8   et ce qu'elle n'a pas fait pour ce qui est de son rapport concernant

  9   Tomasica ?

 10   R.  Si le Dr Tabeau sait ce que sont ces documents qui sont fiables et

 11   valides et si elle en informe le public scientifique, je pense qu'il aurait

 12   été correct d'en informer la Chambre pour dire : Ce sont les documents

 13   utilisés lors des recherches scientifiques, et moi je ne les ai pas

 14   utilisés, j'ai utilisé d'autres documents.

 15   Q.  Maintenant, par rapport au même sujet à la page du compte rendu 36 810,

 16   lignes 15 à 20, le Dr Tabeau a dit lors de son témoignage ce qui suit :

 17   "Question : Vu que le décès en combat est également un décès violent, ce

 18   qui diffère des décès des personnes qui avaient été tuées en tant que non-

 19   combattants ou qui n'avaient pas été tués en combat, seriez-vous d'accord

 20   pour dire qu'il y a une possibilité sur laquelle tous les cadavres

 21   retrouvés à Tomasica auraient pu trouver la mort en combat ou auraient été

 22   victimes du nettoyage ethnique ?

 23   "Réponse : Je ne peux pas exclure cette possibilité."

 24   Quel est votre commentaire eu égard à ce témoignage du Dr Tabeau par

 25   rapport à son rapport d'expert concernant Tomasica.

 26   R.  Elle n'a écrit cela nulle part dans son rapport. Au contraire. Elle a

 27   conclu que tout cela était le résultat du nettoyage ethnique, elle a dit

 28   d'une campagne généralisée du nettoyage ethnique. Nulle part à aucun


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  1   endroit dans le rapport elle ne laisse comprendre que cela aurait pu se

  2   passer dans des circonstances différentes.

  3   Q.  Si nous regardons le rapport du Dr Tabeau, c'est la pièce P7449 dans le

  4   prétoire électronique, la page 47 en anglais et la page 60 en B/C/S. Et

  5   sous le titre "Conclusions", qui se trouve deux pages avant ce titre, là,

  6   c'est le sous-titre en fait de la partie dont on parle maintenant. Et c'est

  7   le dernier paragraphe dans le rapport avant la liste des annexes au

  8   rapport.

  9   M. IVETIC : [interprétation] J'attends toujours que la version en serbe

 10   soit affichée à l'écran. Il s'agit de la page 60 en serbe, si cela peut

 11   vous aider. Et en bas de la page en serbe.

 12   Q.  Le Dr Tabeau, et c'est la dernière chose écrite dans son rapport, dit :

 13   "Pour résumer, dans ce rapport figurent les preuves importantes qui

 14   corroborent les conclusions selon laquelle toutes les victimes de Tomasica

 15   avaient décédé de morts violentes dans des circonstances extrêmement

 16   dramatiques dans le cadre d'une campagne généralisée du nettoyage ethnique

 17   dans la municipalité de Prijedor et dans le cadre de la partie de la

 18   campagne du nettoyage ethnique dans la Région autonome de Krajina."

 19   D'abord, comment comprenez-vous cela ? Est-ce que c'est la conclusion du Dr

 20   Tabeau ou quelque chose d'autre ?

 21   R.  C'est la conclusion finale du Dr Tabeau, et se trouve sous le titre

 22   "Conclusion" et c'est donc le summum de toutes les conclusions présentées

 23   dans le rapport.

 24   Q.  Maintenant, peut-on afficher encore une fois le document 1D6184, c'est

 25   votre rapport, et au paragraphe 31, qui se trouve en page 13 en anglais et

 26   en page 16 en serbe.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser une question.

 28   Vous avez dit que c'est la conclusion du Dr Tabeau. Quelle est sa


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  1   conclusion, qu'il y a des preuves qui étayent cela; ou que c'est ce qui

  2   s'était passé, à savoir que toutes les victimes Tomasica avaient trouvé une

  3   morte violente dans les circonstances extrêmement dramatiques, et cetera ?

  4   Quelle est sa conclusion, qu'il y a des moyens de preuve importants qui

  5   sont à l'appui de cela ou que cela s'est réellement passé ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Sa conclusion est qu'il y a des preuves mais

  7   que cela s'était passé lors de la campagne du nettoyage ethnique dans des

  8   circonstances extrêmement dramatiques. Le Dr Tabeau dit qu'il s'agit des

  9   morts de Tomasica. Mais je ne conteste pas le nombre de victimes. Mais je

 10   me demande comment elle aurait pu le savoir qu'il s'agissait du résultat

 11   d'une campagne généralisée du nettoyage ethnique si elle n'avait pas dit un

 12   seul mot par rapport à cela dans son rapport. Comment --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin, permettez-moi

 14   d'essayer encore une fois de vous expliquer où j'ai mon problème.

 15   Le Dr Tabeau indique l'existence de ce qu'elle appelle des preuves

 16   importantes disant que quelque chose aurait pu se passer. Elle ne dit pas

 17   cela s'est passé, elle dit qu'il y a des preuves importantes à l'appui du

 18   fait que cela s'est passé, et j'ai compris - et vous pouvez me corriger si

 19   j'ai tort - donc j'ai compris qu'elle n'a pas tiré cette conclusion finale,

 20   bien qu'elle indique l'existence des moyens de preuve importants qui

 21   auraient étayé cette conclusion. C'est la raison pour laquelle je vous pose

 22   cette question. Etant donné que la question de Me Ivetic était de savoir

 23   s'il s'agit de sa conclusion. Par conséquent, je vous pose la question

 24   suivante : est-ce que sa conclusion est qu'il y a des preuves importantes

 25   mais elle ne dit pas que cela s'est réellement passé, ou si sa conclusion

 26   est que cela s'était réellement passé.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle dit que cela s'était réellement passé et,

 28   pour ce qui est de Tomasica, tout cela étaye le fait qu'une campagne

 


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  1   généralisée était en cours et que cela s'était réellement passé et que cela

  2   représente les preuves à l'appui de l'existence d'une campagne généralisée

  3   du nettoyage ethnique. C'est comme ça que j'ai compris cette conclusion.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est votre lecture de la conclusion qui

  5   vous a été citée. C'est votre analyse linguistique des mots qu'on vous a

  6   lus il y a quelques instants.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je viens de lire

  8   ce que le Dr Tabeau avait écrit, et ce que l'avocat m'a lu est la citation

  9   directe de ce que le Dr Tabeau avait écrit pour ce qui est des dernières

 10   lignes de sa conclusion.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est votre interprétation de ce

 12   qui vous a été lu.

 13   Continuez.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il est venu le moment propice pour

 15   faire la pause, la deuxième pause.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet.

 17   Professeur Radovanovic, nous aimerions vous revoir dans 20 minutes.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre à 12 heures 20.

 20   --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

 21   --- L'audience est reprise à 12 heures 20.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons brièvement à huis clos partiel,

 23   si vous le voulez bien.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 25   Monsieur le Président.

 26   [Audience à huis clos partiel]

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 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 24   Maître Lukic, pourriez-vous rappeler à votre client qu'il n'est pas censé

 25   parler à haute voix.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez procéder, je

 28   vous prie.

 


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  1   M. IVETIC : [interprétation]

  2   Q.  Je souhaiterais vous interroger au sujet du paragraphe 31 de votre

  3   rapport, Madame, dans lequel vous déclarez que le Dr Tabeau est sortie des

  4   règles de sa profession aux fins de présenter son analyse et qu'elle a

  5   manifestement fait preuve d'absence d'objectivité dans le choix des sources

  6   à l'origine des données qu'elle utilise.

  7   A cet égard, j'aimerais d'abord vous demander si vous maintenez ce que vous

  8   dites dans votre paragraphe 31 sans aucune modification ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  J'aimerais maintenant traiter de l'utilisation du terme "nettoyage

 11   ethnique" par le Dr Tabeau, puisque la Chambre de première instance a eu

 12   plusieurs questions à ce sujet juste avant la dernière pause.

 13   J'aimerais vous présenter diverses parties de la déposition du Dr Tabeau de

 14   façon très précise où l'utilisation de l'expression "nettoyage ethnique"

 15   intervient, et j'aimerais que nous nous penchions sur les différentes

 16   parties de sa déposition l'une après l'autre, après quoi je vous demanderai

 17   des commentaires de votre part. Le chapitre entier du compte rendu

 18   d'audience dont je vais parler se situe entre les pages 36 802, ligne 18,

 19   et la page 36 804, ligne 12, où on lit ce qui suit :

 20   "Question : Mais dans ce cas, est-ce que vous estimez que vos conclusions

 21   au sujet du nettoyage ethnique sont complètes puisque vous n'avez pas pris

 22   en compte l'incidence potentielle ou le rôle potentiel des combats eu égard

 23   aux cadavres récupérés à Tomasica ?"

 24   Et la réponse du Dr Tabeau à cette question a été la suivante :

 25   "Réponse : Je pense que le rapport que j'ai élaboré ne concerne pas en

 26   premier lieu le nettoyage ethnique. Il concerne en premier lieu les

 27   victimes de Tomasica --"

 28   Et dans la suite du compte rendu d'audience, nous trouvons une deuxième


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  1   question qui a été posée au Dr Tabeau, qui se lit comme suit :

  2   "Question : Docteur, vous me permettrez d'avoir un avis différent. La

  3   conclusion que je viens de lire est l'avant-dernière conclusion que l'on

  4   retrouve dans votre rapport. Ce que je vous déclare, c'est que cette

  5   conclusion constitue la base de votre rapport et qu'elle constitue la

  6   partie la plus importante de votre rapport. Si vous souhaitez que nous nous

  7   appuyions sur cette conclusion, je vous en prie, dites-le."

  8   Et le Dr Tabeau répond ce qui suit :

  9   "Eh bien, à mon avis, ce que je vois, c'est une description très claire de

 10   nettoyage ethnique sur la base des documents que j'ai étudiés, sur la base

 11   des documents concernant les personnes portées disparues dans la

 12   municipalité de Prijedor et, en particulier, dans la municipalité de

 13   Prijedor et dans la zone tenue par la RAK. Le fait qu'un nombre si

 14   important de victimes soit porté disparu en à peine quelques jours du mois

 15   de juillet, c'est-à-dire durant les journées du 20 et du 23, 24 et 25

 16   juillet, eh bien, ces nombres sont très importants."

 17   Professeur, quel est votre commentaire par rapport à la déposition du Dr

 18   Tabeau que je viens de citer ?

 19   R.  A mon avis, cette déposition est contradictoire. D'abord, elle déclare

 20   qu'elle estime que son rapport ne concerne pas avant tout le nettoyage

 21   ethnique et, ensuite, elle tire la conclusion que les victimes étaient des

 22   victimes d'une campagne de nettoyage ethnique à grande échelle. Elle

 23   déclare également qu'elle est face à une description très claire de

 24   nettoyage ethnique basée sur les documents de la RAK et de Prijedor, et

 25   elle aurait pu introduire une note en bas de page et nous faire savoir,

 26   nous apprendre ou permettre à la Chambre d'apprendre où on peut également

 27   trouver ce genre de choses.

 28   Ce que le Dr Tabeau décrit, tout ce qu'elle évoque dans ses


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  1   commentaires, conduit à un certain nombre de conclusions, et c'est la

  2   raison pour laquelle je les évoque. Je crois qu'il s'agit de positions

  3   personnelles du Dr Tabeau qui n'ont aucune base, aucun fondement

  4   scientifique en l'absence d'une documentation solide.

  5   Q.  Dans la dernière partie de ce chapitre du compte rendu d'audience que

  6   j'ai commencé à citer, plus précisément je crois qu'on le trouve en page 36

  7   804, lignes 1 à 12, le Dr Tabeau poursuit en parlant toujours du nettoyage

  8   ethnique et dit ce qui suit dans sa déposition :

  9   "Oui, je discute le nettoyage ethnique dans mon rapport comme étant le

 10   contexte dans lequel il convient de situer les victimes de Tomasica. Il est

 11   inévitable de prononcer les mots 'nettoyage ethnique' car, à mon avis, les

 12   décès, les meurtres qu'ont subis les victimes de Tomasica faisaient partie

 13   intégrante d'un nettoyage ethnique.

 14   "Et, bien entendu, certains des rapports de ce nettoyage ethnique

 15   sont décrits dans mon rapport, certains des éléments que je décris viennent

 16   étayer le nettoyage ethnique, et ce, à un niveau considérable. Je parle de

 17   nettoyage ethnique en m'appuyant sur mon expérience personnelle. Ce n'est

 18   pas la première fois que je travaille sur les victimes de 1992, les

 19   victimes de Tomasica, mais aussi les victimes de la RAK et de la

 20   municipalité de Prijedor. J'ai étudié d'autres sources d'information et

 21   établi d'autres rapports. Et sur la base de mon expérience, sur la base de

 22   mon travail réalisé par le passé, j'ai trouvé des raisons d'étayer dans mon

 23   rapport l'utilisation de l'expression nettoyage ethnique."

 24   Du point de vue de la pratique généralement admise sur le plan

 25   scientifique par les démographiques professionnels, considérez-vous que la

 26   façon dont le Dr Tabeau discute du nettoyage ethnique est conforme avec le

 27   type d'examen normal et courant que l'on effectue sur le terrain ?

 28   R.  Non. Il n'existe pas de définition de l'expression nettoyage ethnique


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  1   dans le domaine de la démographie. Ce que le Dr Tabeau considère comme

  2   particulièrement important, ce qu'elle se considère comme ne pouvant éviter

  3   d'évoquer, à savoir le nettoyage ethnique qu'elle ne peut pas ne pas

  4   évoquer dans ses conclusions et qu'elle affirme avoir prouvé au travers de

  5   divers rapports, alors qu'elle travaillait à Prijedor et dans la Région

  6   autonome de la Krajina, la RAK, eh bien, elle devait le noter de façon

  7   convenable sur le plan professionnel dans une note en bas de page, en

  8   disant quels sont les rapports sur la base desquels elle a pu conclure

  9   qu'il s'agissait d'exemples types de nettoyage ethnique, parce qu'un

 10   démographe ne dispose pas de définitions pures et simples qui peuvent nous

 11   dire que sur la base de telles et telles situations examinées, on peut

 12   conclure à l'existence d'un nettoyage ethnique, pas davantage d'ailleurs

 13   sur la base de l'expérience du Dr Tabeau dont elle dit qu'elle se fonde sur

 14   des bases scientifiques.

 15   Dans le rapport présenté par le Dr Tabeau où elle parle de campagne de

 16   nettoyage ethnique, je n'ai pas trouvé une seule note de bas de page qui

 17   indiquerait sur quel fondement elle appuie ses conclusions au sujet des

 18   victimes de Tomasica quand elle déclare qu'il s'agit de victimes dues à une

 19   campagne de nettoyage ethnique. Et je ne sais pas non plus ce que le Dr

 20   Tabeau considère comme du nettoyage ethnique en lisant son rapport.

 21   Q.  En page 36 854, ligne 20, jusqu'à la page 36 855, ligne 20 également --

 22   M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il s'agit bien de la page 36 855,

 23   mais je vous demande un instant pour vérifier. Donc, en fait, ma citation

 24   part de la page 36 854 et se poursuit dans les pages suivantes.

 25   Q.  A cet endroit du compte rendu d'audience, le Dr Tabeau nous dit dans

 26   une de ses réponses ce qui suit :

 27   "Eh bien, le nettoyage ethnique n'est pas défini dans le domaine de la

 28   démographie scientifique. C'est la démographie des guerres ou des conflits


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  1   qui est appelée à s'occuper du nettoyage ethnique, entre autres."

  2   Alors, quel est votre commentaire sur cette réponse ?

  3   R.  Eh bien, le Dr Tabeau dit bien, à juste titre, que dans le domaine de

  4   la démographie, il n'existe pas de définition du nettoyage ethnique. Et

  5   ensuite, elle ajoute qu'il existe une discipline qui s'appelle démographie

  6   de guerre et qui s'intéresse au nettoyage ethnique, au cas où il existerait

  7   une discipline qui s'appellerait démographie de guerre. Or, pour ma part,

  8   je pense que ce n'est pas le cas, parce que le Dr Brunborg, dans un

  9   document dont il est l'auteur, annonce que cette branche de la démographie

 10   n'est pas encore créée, qu'elle est sur le point d'être créée, et je ne

 11   sais pas si elle l'a déjà été, mais quoi qu'il en soit, s'il existe quelque

 12   chose qui s'appelle déjà actuellement démographie de guerre, le Dr Tabeau

 13   sait bien que la démographie de guerre doit également fournir une

 14   définition du nettoyage ethnique lorsqu'elle traite du nettoyage ethnique,

 15   et que la démographie de guerre doit dire ce que représente exactement le

 16   nettoyage ethnique. C'est seulement alors qu'il est permis de discuter au

 17   sein de la matière de la discipline qui s'appelle démographie, du sujet du

 18   nettoyage ethnique en se disant en accord ou en désaccord avec la

 19   définition de cette expression.

 20   Mais, quoi qu'il en soit, il importe de dire quelle est la nature

 21   qu'implique la démographie de guerre dans la catégorie nettoyage ethnique.

 22   Si le Dr Tabeau est un démographe de guerre et qu'elle s'occupe de

 23   démographie de guerre, je pense que je ne suis pas moins démographe de

 24   guerre qu'elle, mais je n'ai pas connaissance de l'existence d'une

 25   quelconque définition de la démographie de guerre pour le moment. Il serait

 26   très utile pour moi que quelqu'un me dise ou m'apprenne quelque chose en me

 27   disant : Eh bien, tout va bien, nous avons maintenant une nouvelle

 28   définition au sein de la discipline de la démographie, et peut-être


Page 43710

  1   pourrais-je me dire en désaccord avec celle-ci, dans ce cas.

  2   Q.  Dans les pages qui suivent la page 36 854 du compte rendu d'audience,

  3   donc à partir de la ligne 20 de la page 36 854 jusqu'à la page 36 855,

  4   ligne 20, le Dr Tabeau est interrogée au sujet de la définition du

  5   nettoyage ethnique utilisé par elle. Et voici ce qu'elle dit dans sa

  6   déposition :

  7   "Question : Pouvez-vous nous dire, Docteur, aux fins de l'établissement de

  8   votre rapport relatif à Tomasica, quelle est la définition du nettoyage

  9   ethnique que vous avez utilisée et que vous aviez à l'esprit en rédigeant

 10   votre rapport ?

 11   "Réponse : Je n'ai utilisé aucune définition particulière du nettoyage

 12   ethnique. J'ai interprété un certain nombre de distributions démographiques

 13   que je considère est capable d'illustrer et d'indiquer la présence de

 14   nettoyage ethnique dans la zone examinée, à savoir dans la zone de la RAK

 15   et de Prijedor, en particulier…"

 16   Alors, avant de vous donner le reste de sa réponse, je vous demande si vous

 17   avez un commentaire par rapport à ce que le Dr Tabeau dit jusqu'à ce

 18   moment-là ?

 19   R.  Eh bien, elle formule des propos vraiment contradictoires. Elle

 20   commence par dire qu'il n'existe pas de démographie définie comme

 21   démographie de guerre, pour ajouter immédiatement dans la foulée, je n'ai

 22   utilisé aucune définition particulière mais j'ai interprété des

 23   distributions démographiques. Ce que le Dr Tabeau implique par ces termes

 24   c'est que des distributions, des répartitions spécifiques ont été établies

 25   sur la base de l'appartenance ethnique et non sur la base du nettoyage

 26   ethnique. On peut établir des distributions de population sur la base de

 27   l'appartenance ethnique et ensuite tirer un certain nombre de conclusions :

 28   on commence par un élément, et on poursuit par les autres. Donc, s'agissant


Page 43711

  1   de cette réponse du Dr Tabeau, je ne sais pas comment je dois la

  2   comprendre. Il s'avère qu'elle a utilisé une définition de la démographie

  3   de guerre, qu'elle ne connaissait pas. Car nous savons qu'il n'existe pas

  4   encore à l'heure actuelle de définition exacte de la démographie de guerre.

  5   Q.  Dans la suite du compte rendu d'audience, nous lisons ce qui suit :

  6   "Le Juge Orie : Mais, Madame Tabeau, ceci exige une compréhension de la

  7   façon dont vous entendez l'expression nettoyage ethnique, et je pense que

  8   c'était la question que vous posait Me Ivetic.

  9   "Le Témoin : Est-ce que je peux poursuivre, je vous prie.

 10   "Le Juge Orie : Je vous en prie.

 11   "Le Témoin : Je n'ai utilisé aucune définition particulière de l'expression

 12   nettoyage ethnique. J'ai utilisé ma façon de comprendre le nettoyage

 13   ethnique, que je considère comme centré sur un certain nombre d'actions

 14   concernant un groupe déterminé de la population et conduisant à éradiquer

 15   dans une grande part le groupe en question de la surface d'un certain

 16   territoire, et je le considère comme établi à partir des distributions, des

 17   répartitions de personnes portées disparues, en fonction de leur

 18   appartenance ethnique, de leur âge, de leur sexe que j'ai interprété comme

 19   venant appuyer, étayer, indiquer la présence de nettoyage ethnique sur le

 20   territoire de la RAK."

 21   Alors, Professeur, d'après la position généralement admise dans la pratique

 22   des démographes professionnels en tant que collègue d'une autre démographe,

 23   pouvez-vous commenter les propos du Dr Tabeau.

 24   R.  Eh bien, une personne qui travaille sur le plan professionnel dans un

 25   certain domaine, on pourrait s'attendre à ce qu'elle fournisse une réponse

 26   complète et correcte sur le plan scientifique, ce qui n'est pas le cas en

 27   l'espèce. Parce que le Dr Tabeau affirme, je n'ai utilisé aucune définition

 28   particulière, je me suis appuyée sur ma façon de comprendre l'expression.


Page 43712

  1   Nous ne savons pas quelle est sa façon d'interpréter, de comprendre

  2   l'expression nettoyage ethnique. Elle avait le droit d'aboutir aux

  3   conclusions qui sont les siennes mais il aurait fallu qu'elle les explique.

  4   A mon avis, le nettoyage ethnique signifie qu'on a tué quelqu'un et,

  5   d'ailleurs pas seulement des hommes âgés de 5 à 105 ans, mais y compris

  6   d'autres catégories de la population.

  7   Donc elle aurait dû définir quelle était sa façon de définir le nettoyage

  8   ethnique. On ne peut parler de fondement scientifique que lorsque la

  9   définition d'un champ professionnel de la démographie est définie. Mais

 10   peut-être aurait-on pu admettre son interprétation si elle avait fourni une

 11   définition et des arguments pertinents à l'appui de celle-ci. Mais se

 12   contenter de dire que dans une expertise qui prétend être fondée

 13   scientifiquement, alors qu'aucune explication, aucun argument n'est fourni

 14   et qu'on ne s'appuie que sur la répartition de certaines structures sans

 15   disposer de sources pertinentes pour expliquer ces répartitions, ces

 16   distributions, lorsqu'on évoque que des distributions fondées sur

 17   l'appartenance ethnique de membres de la population, comme le Dr Tabeau l'a

 18   fait, sur la base d'une source unique qui est admise dans le monde

 19   scientifique, à savoir le recensement de la population, et une source qui

 20   n'est pas admise par les mêmes scientifiques, à savoir les listes

 21   électorales, cela ne suffit pas.

 22   Donc une telle distribution établie sur la base de telles sources n'est pas

 23   reconnue en tant qu'élément pertinent où que ce soit dans le monde des

 24   scientifiques. Mais elle aurait pu expliquer sa façon d'interpréter le

 25   nettoyage ethnique et elle aurait pu dire pour quelles raisons elle était

 26   d'accord ou pas d'accord avec d'autres sources relatives à la population

 27   des survivants, par exemple, mais ça, ce serait un examen absurde, ou

 28   relatives aux listes électorales qui ne sont pas des sources admises par le


Page 43713

  1   monde scientifique où que ce soit dans le monde, donc je pense que

  2   scientifiquement ses conclusions ne sont pas acceptables.

  3   Q.  Penchons-nous sur le rapport du Dr Tabeau, la pièce P7449, page 11 en

  4   serbe, page 9 en anglais, dernière partie du paragraphe 2.8, où il est

  5   question de méthodologie.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Il nous faudra la page 11 en serbe et 9 en

  7   anglais. Je répète. Ah, je me suis peut-être trompé. Non, non, c'est bien

  8   ça. La page 11 en serbe alors que c'est la page 7 qui s'affiche

  9   actuellement à l'écran.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que cela correspond, Maître

 11   Ivetic ?

 12   M. IVETIC : [interprétation] Je ne crois pas. J'essaie de voir où nous en

 13   sommes pour pouvoir apporter mon concours éventuellement. Ah, --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qu'on voit en bas de la page en

 15   anglais se trouve en haut de la page en serbe.

 16   Veuillez procéder.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Le paragraphe qui m'intéresse, c'est le

 18   troisième à partir du haut en B/C/S dans la page affichée en B/C/S.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La même chose en anglais ?

 20   M. IVETIC : [interprétation] En anglais, c'est le paragraphe qui commence

 21   par "in this report, in the first place." Donc troisième paragraphe à

 22   partir du sous-titre 2.8, et troisième paragraphe à partir du haut de la

 23   page en B/C/S.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 25   M. IVETIC : [interprétation]

 26   Q.  Donc, le paragraphe commence au bas de la page en serbe et se poursuit

 27   dans la page suivante en serbe. Donc, ce paragraphe se lit comme suit :

 28   "La méthodologie est simple mais puissante. Elle concerne strictement


Page 43714

  1   l'usage de sources fiables permettant de bénéficier d'un mélange de sources

  2   diverses au cas par cas. En appariant et en mélangeant les sources, je

  3   prête toujours particulièrement attention au risque d'utiliser deux fois la

  4   même source."

  5   Professeur, quel est votre commentaire par rapport à cette partie du

  6   rapport du Dr Tabeau.

  7   R.  La méthodologie, c'est un élément très simple mais très puissant.

  8   Qu'est-ce que signifie une méthodologie puissante ? Eh bien, il existe des

  9   méthodologies scientifiques et non scientifiques. Dans le cadre de

 10   recherche scientifique, dans le cadre de l'application d'une méthodologie

 11   scientifique, il n'y a rien de puissant. On peut parler de méthodologie

 12   scientifique, plus ou moins scientifique et non scientifique, mais le terme

 13   "puissant" semble un terme global qui n'a guère de signification en

 14   l'espèce. Ce n'est pas une explication.

 15   Mais en s'appuyant sur l'ensemble des procédures utilisées, il est permis

 16   de remarquer que cette méthodologie est particulière et ne concorde pas

 17   avec la définition de méthodologie scientifique. Aucune méthodologie

 18   puissante n'est appliquée dans le monde des professionnels scientifiques,

 19   pour autant que je le sache, puisqu'il s'agit d'adapter un certain nombre

 20   d'exclusions méthodologiques pratiquées par le monde scientifique aux

 21   besoins de sa propre recherche. Par conséquent, lorsqu'on parle de

 22   méthodologie simple, mais puissante, sans apporter d'explication

 23   complémentaire quant à ce qu'on entend par là, il s'agit simplement de

 24   l'emploi d'une phraséologie, d'une terminologie vide de sens. Je souligne

 25   ce point, je dis bien qu'il n'y a aucune signification en l'absence

 26   d'explication à l'utilisation d'un tel terme et qu'elle ne mène qu'à une

 27   conclusion sélective en montrant qu'il s'agit d'un choix personnel

 28   applicable aux objectifs qu'on fixe à sa propre recherche.


Page 43715

  1   Q.  Passons maintenant au document 1D6187, c'est un article du Dr Tabeau

  2   datant de 2005, que l'on trouve en page 20 en serbe, page 22 en anglais, de

  3   son rapport. Il se trouve au milieu de la page dans la version anglaise. Je

  4   crois que c'est le cinquième paragraphe à partir du bas dans la version

  5   serbe.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur File.

  7   M. FILE : [interprétation] Un point secondaire. Je crois que le conseil de

  8   la Défense a indiqué que cet article était de Mme Tabeau. Je crois que

  9   c'est un article qui a été rédigé par Mme Tabeau et quelqu'un d'autre. Je

 10   crois qu'il fallait que ceci soit consigné au compte rendu d'audience.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Cela se trouve au milieu de la page en B/C/S,

 12   --

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, vous voulez parler de quel

 14   paragraphe ?

 15   M. IVETIC : [interprétation]

 16   Q.  Le cinquième paragraphe à partir du haut. Cela doit se situer au milieu

 17   de la page.

 18   R.  Ça y est, je le vois.

 19   Q.  "Les organisations internationales qui intervenaient en Bosnie, telles

 20   que, par exemple, le CICR, l'ICMP et le HCR des Nations Unies, ont

 21   contribué de façon très importante au processus qui consistait à collecter

 22   des éléments d'information sur les personnes portées disparues pendant la

 23   guerre, les morts, l'identification des victimes, ainsi que la migration

 24   interne et externe. Les mandats de ces organisations, cependant, ont

 25   d'autres objectifs majeurs que de fournir des informations statistiques sur

 26   les victimes de guerre. Leurs contributions, par conséquent, ne peuvent pas

 27   être perçues comme quelque chose qui remplacerait l'issue des études

 28   statistiques normalement menées en temps de paix."


Page 43716

  1   Le paragraphe suivant :

  2   "Les contributions des organisations non gouvernementales (locales et

  3   internationales) intervenant en Bosnie sont importantes et ont un sens,

  4   mais pour les mêmes raisons que celles avancées ci-dessus, ne peuvent pas

  5   être perçues comme des éléments d'information à même de remplacer les

  6   statistiques normales."

  7   Qu'est-ce que vous pensez de cela ?

  8   R.  Mme Tabeau sait exactement ce qui peut être considéré comme valable ou

  9   non valable en termes de données officielles de démographie ou de taux de

 10   mortalité dans les documents officiels. Dans cette étude qu'elle a menée,

 11   et qui est un article à l'intention d'un public plus large et

 12   professionnel, elle définit précisément ce qui doit être fait, et elle

 13   parle de travaux effectués par les organisations internationales. Alors,

 14   comment procède-t-on en général dans un cas comme celui-ci ? Dans les

 15   analyses que j'ai regardées ou analysées, elle n'en informe pas les Juges

 16   de la Chambre, et ces sources ou ces données qu'elle a obtenues auprès

 17   d'organisations non gouvernementales ne peuvent pas remplacer les travaux

 18   statistiques menés par ailleurs, parce que cela pourrait donner lieu à un

 19   problème.

 20   Donc, cette approche consiste à remettre en cause la qualité de l'expertise

 21   en question. Si on ne peut pas mesurer ces éléments avec les données

 22   officielles statistiques, à ce moment-là c'est une observation qui en

 23   ressort, autrement dit, observation sur la qualité de l'expertise fournie.

 24   Dans de nombreux rapports d'experts, y compris ce rapport, Mme Tabeau

 25   précise que l'objectif consiste à fournir des données précises. Cependant,

 26   elle ne fournit pas sa source.

 27   Q.  Page 4, s'il vous plaît, en serbe et en anglais, et je crois que cela

 28   se situe au milieu de la page. Le paragraphe qui se trouve au milieu en


Page 43717

  1   serbe, "Remarquez que les résultats de nos recherches…"

  2   Je vais poursuivre la lecture du texte en anglais :

  3   "Notez que les résultats de nos recherches ont été obtenus d'un projet qui

  4   était quelque peu différent des travaux statistiques et universitaires

  5   habituels. Notre point de vue était conforme à celui des rapports d'experts

  6   remis aux Chambres de première instance au Tribunal pénal international

  7   pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) dans le cadre de la présentation des éléments

  8   de preuve à charge. L'objectif de tels rapports consistait à fournir aux

  9   Chambres des statistiques de grande qualité sur la population pendant la

 10   guerre, répondant ainsi au critère suivant 'au-delà de tout doute

 11   raisonnable' et conforme au cadre du droit international humanitaire."

 12   Madame, pour ce qui est de la pratique généralement admise par la

 13   profession de démographe, quelle observation avez-vous à faire concernant

 14   l'approche qui est citée ici dans cet article qu'elle a rédigé avec un

 15   autre auteur ?

 16   R.  Mme Tabeau, à juste titre, précise que ceci n'est pas conforme aux

 17   travaux universitaires habituels et explique ce à quoi ceci répond.

 18   A moins que nous n'acceptions l'explication suivante, c'est-à-dire que

 19   c'est conforme à ces que les Chambres de première instance du Tribunal

 20   pénal international de l'ex-Yougoslavie ou l'Accusation exige, est-ce que

 21   ce point de vue serait conforme avec celui de l'Accusation si cela s'écarte

 22   des procédures professionnelles habituelles ? Il nous faut l'expliquer.

 23   Lorsqu'elle note que les travaux de recherche ne sont pas conformes avec

 24   les travaux universitaires habituels, que la source des données ne

 25   correspond pas aux sources habituellement utilisées lors des travaux de

 26   recherche de ce genre, est-ce que cela est conforme aux travaux

 27   universitaires et comment ces sources fournissent des résultats qui ne sont

 28   pas du tout en ligne avec les résultats officiels. Je ne sais pas quels


Page 43718

  1   sont exactement les termes qu'elle utilise.

  2   Comment peut-elle arriver à cette conclusion, à savoir que les

  3   résultats soumis à l'Accusation sont de grande qualité et qu'ils répondent

  4   aux exigences du Tribunal et sont conformes au droit pénal international ?

  5   Je pense moi-même, et c'est une intime conviction, que les critères du

  6   Tribunal, je suppose qu'il s'agit également des critères de l'Accusation,

  7   ne peuvent être réunis ou ces critères ne peuvent être reconnus en tant que

  8   critères et résultats qui sont fondés sur un plan scientifique, la

  9   méthodologie qui est appliquée ici est celle d'une méthodologie utilisée

 10   par le monde scientifique et le monde des chercheurs et les universitaires.

 11   Si Mme Tabeau ne pense pas que ceci est conforme au droit pénal

 12   international, alors je crois qu'il serait nécessaire qu'elle l'indique

 13   dans une note de bas de page et qu'elle explique ce à quoi correspond le

 14   droit le droit pénal international. Est-ce que ce droit reconnaît la

 15   méthodologie de ce qui s'écarterait de toutes sortes de choses généralement

 16   admises. Mais je crois que dans ce cas, à mon sens, ce serait préférable

 17   d'un point de vue professionnel qu'elle réagisse de la sorte.

 18   Je ne sais pas. Je n'avance pas cependant tout savoir. Je ne sais pas

 19   si le droit international humanitaire insiste sur des rapports qui

 20   s'écartent des conditions ou des normes scientifiques et professionnelles

 21   et que cela peut être considéré comme acceptable lorsque ces éléments

 22   figurent dans un rapport. Je ne sais pas -- au sujet du Tribunal, je ne

 23   sais pas. Ce que je veux dire, c'est que je ne sais pas. Et peut-être Mme

 24   Tabeau le sait et peut-être qu'elle pourrait nous l'expliquer, nous

 25   expliquer quelle méthodologie particulière elle a utilisée et quelle est

 26   cette méthodologie scientifique qui est importante aux yeux du Tribunal et

 27   aux yeux de l'Accusation, ou sur quelle base elle a utilisé une

 28   méthodologie particulière.


Page 43719

  1   Et ce qui est très intéressant, en fait, par rapport à cette note de

  2   bas de page, comment peut-elle expliquer que cela répond aux critères ou

  3   aux conditions du Tribunal ? Alors, quels sont ces critères et qu'est-ce

  4   qui répond à ces critères ? Alors, je peux vous fournir une explication

  5   partielle concernant Srebrenica. Je vous l'ai déjà dit. On considère qu'un

  6   nombre important, même si le Tribunal ne dit jamais où, quels sont les

  7   éléments qui répondent aux critères du Tribunal.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser une question ?

  9   Vous avez lu une partie et vous avez commenté en fournissant une réponse

 10   fort longue. Quelles sont les conclusions de Mme Tabeau ? Et quelles sont

 11   les conclusions qu'elle tire du fait que les travaux universitaires

 12   statistiques ne peuvent pas être appliqués ici et, en tout cas, la

 13   méthodologie ? Qu'est-ce qui vous fait dire cela par rapport à ce

 14   paragraphe ? Veuillez nous le dire.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, elle établit la différence entre ce

 16   qu'on applique dans le monde scientifique et ce qu'on applique dans un

 17   monde juridique. Alors, elle utilise telle et telle source, c'est ce

 18   qu'elle dit. Mais notre rapport d'expert a été rédigé sous l'angle de tel

 19   et tel élément.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, qu'est-ce que vous devriez faire,

 21   alors, d'après elle, d'après ce qu'elle dit ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle ne dit rien du tout dans ce rapport sur

 23   ce qui devrait être fait. Cependant, elle présente --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voulais parler de l'article.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'article qu'elle a publié dans un

 26   journal professionnel, elle n'a pas expliqué ce qui devait être fait.

 27   Mais permettez-moi de vous fournir une brève explication. Elle a

 28   simplement dit qu'elle allait présenter les victimes en temps de guerre.


Page 43720

  1   Elle a dit, voilà, nous devrions procéder ainsi, mais nous avons procédé de

  2   façon différente.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vais reformuler ma question.

  4   Alors, dans ce rapport qui suit le passage qui vous a été lu, elle écrit :

  5   "La première condition préalable consiste à poser les questions suivantes,

  6   les sources que l'on peut remettre en cause, qui sont lacunaires, qui sont

  7   incomplètes, ou les causes de décès individuel de cette nature sont exclus

  8   de nos statistiques."

  9   J'aurais dû utiliser le terme de "cas", pardonnez-moi.

 10   D'après ce que j'ai compris, si vous utilisez une méthode

 11   inhabituelle, dans ce cas, il faut faire très attention lorsque vous

 12   excluez des sources comme elle l'écrit, des sources qui sont lacunaires,

 13   incomplètes.

 14   C'est apparemment la conclusion qu'elle tire. Est-ce quelque chose

 15   que vous jugez sage de faire en de telles circonstances ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Tout d'abord, il s'agit de sources qui ne

 17   sont jamais utilisées dans le cadre de recherches scientifiques; j'entends

 18   ce qu'écrit Mme Tabeau. Et ensuite, elle dit qu'elle n'utilise pas ceux qui

 19   sont en général habitués, mais ensuite, elle pose des conditions préalables

 20   et il s'agit, par exemple, d'exclure les doublons.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous dites que des sources que

 22   l'on remet en cause, qui sont lacunaires et incomplètes, est-ce que vous

 23   faites référence à des doublons lorsque vous dites cela ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce que l'on entend par là, ce sont les

 25   sources insuffisantes que l'on peut remettre en cause et incomplètes de la

 26   Croix-Rouge, de l'ICMP, et cetera, qui contiennent, entre autres choses,

 27   des doublons. Et ces sources-là qui sont utilisées par le professeur sont

 28   des sources qui sont vérifiées. Et lorsque vous tombez sur des doublons,


Page 43721

  1   dans certains cas, effectivement, au niveau de la Croix-Rouge et d'autres

  2   sources, vous avez une personne qui réapparaît plusieurs fois, car

  3   l'information a été fournie par différents proches de la famille. Alors, si

  4   vous prenez le cas d'une personne qui est enregistrée une, deux, trois ou

  5   quatre ou cinq fois, à ce moment-là il faut garder cette mention dans un

  6   rapport et non pas cinq fois. Les sources incomplètes ne sont généralement

  7   pas utilisées dans le domaine démographique.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  9   Veuillez poursuivre.

 10   M. IVETIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors, je souhaite que nous revenions à votre rapport, le 1D6184, page

 12   14 de l'anglais et page 18 du serbe.

 13   Au paragraphe 35, vous posez une question :

 14   "Quel est le sens au plan des spécialistes et du monde scientifique et

 15   quelle est la valeur réelle des résultats obtenus des travaux de recherche

 16   qui sont différents des travaux statistiques et universitaires habituels,

 17   qui ne peuvent pas être comparés à une quelconque méthodologie scientifique

 18   ou méthodologie de spécialistes reconnus dans le monde des statisticiens et

 19   des démographes ?"

 20   Qu'est-ce que vous pensez de cela ?

 21   R.  Ce que j'entendais par là, c'est que Mme Tabeau a dû expliquer cela.

 22   Etant donné qu'elle ne l'a pas expliqué, je pose cette question que je

 23   soumets aux Juges de la Chambre, même si je ne suis pas en droit de le

 24   faire. Mais ma réponse consisterait à dire que toutes ces conclusions sont

 25   suspectes, qu'elles ne sont pas fondées sur un plan scientifique, et que

 26   Mme Tabeau explique cela très bien dans ses travaux mais ne l'explique pas

 27   dans le rapport. Je ne sais pas si c'est seulement Mme Tabeau qui affirme

 28   que ses travaux de recherche sont sûrs mais ne sont pas effectués en


Page 43722

  1   fonction des règles généralement admises sur un plan scientifique, cela

  2   n'est pas fondé. Donc la réponse à cette question est forte importante.

  3   Q.  Dans le paragraphe suivant, vous posez une autre question :

  4   "Dans quelle mesure le projet des experts est-il différent des travaux

  5   académiques des statisticiens, pourquoi ceci donne-t-il lieu à une

  6   déformation des informations ?"

  7   R.  Mme Tabeau dit toujours qu'il y a des différences. Cela signifie qu'il

  8   peut y avoir des différences très importantes ou moins importantes, que ces

  9   différences sont négligeables ou pas. Je ne pense pas qu'il s'agit ici de

 10   différences négligeables. A mon sens, il s'agit de différences fort

 11   importantes. Et si ces différences existent aux yeux de Mme Tabeau, ou si

 12   elle considère qu'il s'agit de différences mineures, eh bien, elle devrait

 13   répondre à la question de savoir dans quelle mesure ces différences

 14   permettent d'avancer des données correctes ou, au contraire, est-ce que

 15   ceci conduit à une déformation des données.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, si je vous ai bien compris,

 17   dans votre réponse vous dites que ce projet contribue grandement à avancer

 18   des éléments d'information erronés. Est-ce ainsi que je dois comprendre

 19   votre réponse ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il faudrait que j'analyse tous les projets

 21   maintenant.

 22   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Le témoin peut-elle répéter la

 23   dernière phrase de sa réponse.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez répéter votre réponse, s'il

 25   vous plaît.

 26   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine anglaise : Veuillez vous

 27   éloigner du microphone, s'il vous plaît.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous éloigner du microphone.


Page 43723

  1   C'est ce que nous demandent nos interprètes.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que le projet a contribué à fournir

  3   des éléments d'information incorrects, cela concerne non seulement le

  4   projet de Tomasica, cela concerne la modification de la structure ethnique,

  5   le nombre de décès avancé, et ce, de façon affirmative, alors les éléments

  6   trouvés dans les sources données, si ces sources de données avaient été

  7   traitées professionnellement et si cela ne portait pas sur un trop grand

  8   nombre mais sur des données que l'on aurait pu prouver de façon fiable et

  9   définitive, les résultats auraient été beaucoup plus acceptables.

 10   Mais, ces projets ou ces rapports montrent clairement que ce qui a été le

 11   plus important de tout, c'était de présenter le plus grand nombre. Moi, je

 12   ne peux pas affirmer que certains paragraphes de certains rapports ne sont

 13   pas acceptables, mais je peux affirmer qu'avec un certain degré de

 14   certitude que certaines parties ou des parties plus importantes des

 15   rapports d'expert sont tout à fait inacceptables sur un plan purement

 16   méthodologique.

 17   M. IVETIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors, que souhaitez-vous dire par rapport à cette question, s'il vous

 19   plaît ?

 20   R.  A aucun endroit de ce rapport Mme Tabeau ne donne-t-elle son avis sur

 21   le degré de fiabilité des résultats. Dans ce rapport-ci et dans d'autres

 22   rapports, il serait logique de parler d'un certain niveau de fiabilité, que

 23   l'on peut avancer en se fondant sur les sources qu'on utilise. Si Mme

 24   Tabeau avait apprécié à sa juste valeur les données qu'elle a utilisées, si

 25   elle avait travaillé de façon professionnelle, elle aurait pu dire qu'il y

 26   a de nombreux champs qui sont vides ou des données qui sont manquantes,

 27   mais cela, elle ne le dit jamais comme le ferait un statisticien ou un

 28   démographe.


Page 43724

  1   A certains endroits, elle dit 1 200 éléments d'information par- ci ou par-

  2   là ne sont pas corrects, mais l'un dans l'autre à la fin de son rapport,

  3   elle accepte tous les éléments.

  4   Dans ce rapport, par exemple, elle parle de la Croix-Rouge et elle dit que

  5   la Croix-Rouge a omis certaines données, qu'il y a encore des champs

  6   vierges. Le registre des décès, effectivement, comporte de nombreuses

  7   lacunes, et ensuite elle dit que la moitié des personnes enregistrées dans

  8   le registre des décès, je crois que ça correspond à 50 % pour lesquels on

  9   n'indique pas le lieu du décès. Mais je peux vérifier cela.

 10   Et si vous fusionnez ces deux sources, eh bien, elles deviennent

 11   acceptables. Comment peut-on obtenir une bonne source à partir de deux

 12   mauvaises sources ? Tout ce que je peux en conclure, c'est que ceci peut

 13   arriver car c'est Mme Tabeau qui a procédé à l'appariement. Ce que je n'ai

 14   pas trouvé dans le registre des décès de Prijedor, eh bien, je vais le

 15   trouver dans le registre de la Croix-Rouge. Donc, encore une fois, nous

 16   sommes confrontés au problème de ne pas savoir comment elle a procédé à

 17   l'appariement. Dans aucun des rapports elle ne parle des critères qu'elle a

 18   utilisés, pour déplacer les données, pour appareiller les données, voici

 19   les trois ou cinq critères que je vais utiliser. Dans ce rapport, elle dit

 20   simplement : Conformément à la méthodologie déjà utilisée pour Srebrenica,

 21   c'est-à-dire que 72 critères ont été utilisés, si vous utilisez 72

 22   critères, vous pouvez appareiller ce que vous voulez.

 23   Q.  Ecoutez, nous allons parler du critère. Je souhaite parler maintenant

 24   du "niveau de fiabilité" et, dans le domaine démographique, comment

 25   apprécie-t-on le niveau de fiabilité ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin peut réfléchir à cela pendant

 27   la pause.

 28   Madame, je vous demande de bien vouloir vous concentrez sur la question et

 


Page 43725

  1   fournir des réponses en conséquence plutôt que de vous écartez de la

  2   véritable question.

  3   Vous pouvez suivre l'huissier.

  4   [Le témoin quitte la barre]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous pouvez

  6   faire en sorte que votre témoin réponde à vos questions, parce que la

  7   question que vous avez posée maintenant est très semblable à la question

  8   que vous avez posée précédemment et aucune réponse n'a apparemment été

  9   donnée. Donc la question par rapport à la réponse ne semble pas être en

 10   phase.

 11   Nous allons faire une pause, et reprendre à 13 heures 40.

 12   --- L'audience est suspendue à 13 heures 21.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 42.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, la Chambre a été

 15   informée que vous souhaitiez évoquer une question de procédure. Pouvons-

 16   nous en traiter en audience publique ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, veuillez procéder.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Je voudrais informer la Défense aujourd'hui que je souhaite vraiment parler

 21   de cette question en ce moment, car je considère que je n'ai pas eu

 22   d'indication sur le reste des horaires de la semaine, et j'ai estimé que

 23   c'était une question qu'il importait de traiter le plus rapidement possible

 24   dans le cadre des efforts permanents que nous accomplissons pour conclure

 25   rapidement l'espèce, et je le fais d'ailleurs à l'invitation de la Chambre

 26   de première instance dans le cadre de ses récentes décisions sur le

 27   versement au dossier de certains documents de façon automatique, en

 28   particulier à la référence de la Chambre, numéro 9, paragraphe 14, où nous


Page 43726

  1   sommes invités à présenter nos arguments dans le respect des délais et du

  2   versement au dossier des documents dans le contexte des requêtes dont le

  3   versement est demandé automatiquement.

  4   Alors, je note au préliminaire que mon intervention actuelle traite de la

  5   question du temps, et pas du caractère adapté ou même de la nécessité de

  6   faire verser un certain nombre de documents au dossier. Je veux parler des

  7   documents proposés par la Défense -- ou plutôt, excusez-moi, par

  8   l'Accusation, dans le but de contextualiser  ou de préciser un certain

  9   nombre de documents dont la demande de versement a été présentée par la

 10   Défense.

 11   Nous considérons qu'étant donné la pratique en l'espèce dans des

 12   questions similaires et, en particulier, compte tenu du message reçu de la

 13   Chambre dans ses récentes décisions, ces questions concernant le

 14   déroulement du temps ne concernent pas le problème de la recevabilité ou de

 15   l'admissibilité des documents en soi.

 16   Nous considérons que la réponse à cette question repose sur la

 17   distinction entre objection à un versement et processus particulier du

 18   versement, indépendamment du fait que les deux peuvent être des vecteurs

 19   d'admission en tant qu'élément de preuve qui, finalement, jettent une

 20   certaine lumière sur la valeur probante qu'il convient d'accorder aux

 21   documents dont la demande de versement a été faite par la Défense.

 22   Ainsi, la réplique constitue et renvoie à des éléments de preuve

 23   présentés par une partie dans le but de contredire ou d'annuler l'élément

 24   de preuve présenté par l'autre partie. A présent, il est nécessaire de

 25   respecter un processus séquentiel; c'est-à-dire qu'on ne peut pas répliquer

 26   à un élément de preuve tant qu'il n'a pas encore été admis. Et, comme nous

 27   le savons tous, le processus de versement au dossier ajoute la nécessité

 28   d'une base séquentielle, étant donné les aspects définis ou les phases


Page 43727

  1   atteintes dans le cadre de l'espèce.

  2   Alors, ceci se distingue d'un processus de demande de versement au

  3   dossier de documents parce que ce processus, la question impliquant de

  4   prendre en compte l'admissibilité d'un document et l'admission possible de

  5   documents similaires, implique nécessairement de se pencher sur d'autres

  6   documents dont la demande de versement n'a pas encore été faite. La Chambre

  7   de première instance elle-même a connaissance de cette différence et l'a

  8   évoquée dans ses demandes de versement direct numéro huit et neuf

  9   lorsqu'elle a fait référence aux facteurs qu'il convenait de prendre en

 10   compte en rapport avec l'admissibilité de ces documents; leur valeur

 11   probante, leur fiabilité, et cetera. Je tiens également à faire remarquer

 12   que c'est l'approche qui a été adoptée et mise en œuvre par la Chambre

 13   Karadzic lorsqu'elle s'est penchée sur les demandes de versement direct

 14   présentées par la Défense lorsque a été abordée la question d'autres

 15   clarifications concernant des documents apparentés aux documents soumis par

 16   la Défense et lorsque, dans de nombreux cas, l'admission de ceux-ci a été

 17   refusée s'agissant des demandes de versement de la Défense sur la base que

 18   je viens d'indiquer, dans au moins un cas, la Chambre a admis la demande de

 19   versement de documents de la Défense après contextualisation par

 20   présentation d'un certain nombre d'autres documents venant de l'Accusation.

 21   En bref, nous considérons que le processus d'admission des éléments de

 22   preuve qui inclut la prise en compte d'autres documents, de documents

 23   tiers, qui ne sont pas les documents dont la demande de versement a été

 24   faite, et l'admission possible de ces documents apparentés, fait partie

 25   d'un processus intégral qui est distinct du processus de réplique, en dépit

 26   du fait que les deux processus sont des vecteurs d'admission d'éléments de

 27   preuve.

 28   Je tiens à dire à cet égard que si la Chambre de première instance devait


Page 43728

  1   conclure au fait que les documents présentés par l'Accusation n'étaient pas

  2   liés aux documents dont la demande de versement est présentée par la

  3   Défense de la façon que je viens d'indiquer, les documents en question

  4   pourraient faire l'objet d'une réplique.

  5   Et enfin, je tiens à demander à la Chambre de première instance de faire de

  6   son mieux pour compléter ses décisions au sujet des demandes de versement

  7   direct le plus tôt possible et, en tout cas, avant la conclusion ou avant

  8   le début de la semaine du 30, car nous avons besoin que ce soit le cas en

  9   raison des ressources dont nous disposons.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le 30 avril, vous voulez dire ?

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je veux parler de la fin de la présentation

 12   des moyens de preuve de la Défense.

 13   Je pense qu'il est clair que cela rendrait le processus beaucoup plus

 14   efficace pour les parties et éviterait que nous nous trouvions en train de

 15   débattre de questions relatives aux éléments de preuve alors que nous

 16   serions proches des dernières étapes de l'espèce et, en particulier,

 17   proches de la date où il convient de présenter réquisitoires et

 18   plaidoiries.

 19   Donc, je vous remercie pour votre temps, Monsieur le Président, et

 20   j'espère que vous comprenez que l'Accusation a choisi d'évoquer cette

 21   question en ce moment même.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ce ne sera

 24   une surprise pour personne de me voir déclarer que j'ai essayé d'élaborer

 25   la réponse dans les délais prévus --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Personne ne vous attend à répondre

 27   autrement que vous ne l'avez annoncé précédemment.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Donc, je vais retarder ma réponse et, vers la


Page 43729

  1   fin de la semaine, je reviendrai peut-être devant vous par écrit, ce qui

  2   permettra de gagner du temps pour la Chambre.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Cela nous donnera également la

  4   possibilité de lire vos écritures, Monsieur Tieger, parce que c'est un

  5   sujet un peu délicat, entre documents qui ont des liens les uns avec les

  6   autres ou nécessité de clarification, et le rapport avec les délais, est-ce

  7   qu'il faut le faire maintenant ou est-ce qu'il faut le faire au moment de

  8   la phase de réplique, c'est apparemment la question --

  9   M. TIEGER : [interprétation] Compris, Monsieur le Président. J'aimerais

 10   peut-être également identifier un aspect plus positif. Dans tout ce que je

 11   viens de dire, je suis certainement d'accord sur le fait qu'il y a des

 12   documents qui, manifestement, devraient être abordés en dernier, et

 13   d'autres qui sont dans une situation un peu plus nuancée, plus difficile.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si la Défense pouvait répondre

 15   brièvement jeudi, et non vendredi, cela nous donnerait un temps suffisant

 16   pour examiner la question.

 17   Peut-on faire entrer le témoin dans la salle.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question pratique, toutefois, que

 20   j'aimerais peut-être aborder maintenant. Je pense que M. Segers devait être

 21   entendu jeudi, n'est-ce pas, si je ne me trompe, et cette date avait été

 22   fixée en raison de la nécessité d'interprétation particulière.

 23   M. IVETIC : [interprétation] C'est exact.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je pense que nous devrions

 25   respecter cette date pour son audition. Il y a une bonne chance que nous ne

 26   concluions pas la déposition de Mme Radovanovic cette semaine. Par

 27   conséquent, nous devrions poursuivre avec M. Segers et interrompre

 28   l'audition de Mme Radovanovic jeudi.

 


Page 43730

  1   M. IVETIC : [interprétation] C'est exact. Si je comprends bien la

  2   situation, les interprètes de langue néerlandaise sont nécessaires pour

  3   l'audition de M. Segers, donc il conviendrait de commencer et de terminer

  4   son audition jeudi, avant de revenir ensuite à la déposition du Pr

  5   Radovanovic.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est clair.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et je demanderais aux parties, je

  9   m'adresse donc également à l'Accusation, de s'efforcer de maintenir le

 10   témoin sur les rails lorsqu'elle répond aux questions qui lui sont posées,

 11   plutôt que de l'autoriser à fournir de longues explications sans lui

 12   demander de revenir à la question qui lui est posée.

 13   Je vous dis cela à vous aussi, Monsieur File, car j'ai vu que votre

 14   estimation de temps est assez longue. Donc, je vous prierais de bien

 15   vouloir réfléchir une nouvelle fois à d'éventuelles possibilités de réduire

 16   cette durée.

 17   M. FILE : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges. J'agirai

 18   le plus efficacement possible.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez procéder.

 20   M. IVETIC : [interprétation]

 21   Q.  J'ai été invité à tenter de vous demander de fournir des réponses le

 22   plus courtes et le plus concises possible, de façon à ce que nous puissions

 23   en terminer des diverses parties qui restent encore à accomplir dans votre

 24   déposition.

 25   Donc, je vais essayer de raccourcir mes questions et de vous demander

 26   simplement ce qui suit : de quelle manière le degré de fiabilité s'exprime-

 27   t-il dans un ouvrage de démographe ?

 28   R.  Eh bien, avant tout, on parle d'un jugement de la qualité des sources


Page 43731

  1   que l'on utilise et des indicateurs démographiques qui reposent sur ce

  2   qu'on a découvert et ce qu'on sait avec exactitude, en particulier des

  3   indicateurs démographiques concernant la mortalité.

  4   Q.  Dans quel format le degré de fiabilité est-il présenté dans un ouvrage

  5   de démographie ?

  6   R.  Eh bien, on peut présenter le degré de fiabilité sous forme numérique,

  7   pour commencer, c'est-à-dire qu'on cite un taux d'erreur qui se monte à tel

  8   ou tel pourcentage. Et puis, bien entendu, j'admets que les erreurs

  9   dépendent des caractéristiques et de la source dont la qualité peut être

 10   plus ou moins valable. Plus la qualité de la source est bonne, plus le

 11   nombre d'erreur, le pourcentage d'erreur est limité.

 12   Q.  Page 36 819, ligne 22, jusqu'à la page 36 822, ligne 14 du compte rendu

 13   d'audience, le Dr Tabeau a témoigné sur ce sujet dont nous parlons

 14   maintenant. Nous allons prendre les éléments de sa déposition un par un

 15   pour essayer de maintenir notre débat le plus concis possible.

 16   La première question posée au Dr Tabeau et les réponses qui s'en sont

 17   suivies se lisent comme suit :

 18   "Question : Ne serait-ce pas une pratique acceptée dans le domaine de la

 19   démographie que d'affecter un degré de fiabilité à une source particulière

 20   que l'on utilise et de faire connaître ce degré de fiabilité dans le

 21   rapport que l'on rédige ?

 22   "Réponse : Oui, Maître Ivetic, absolument."

 23   Par rapport à cela, Professeur, est-ce que vous êtes d'accord avec le

 24   Dr Tabeau ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que le rapport du Dr Tabeau sur Tomasica fournit un quelconque

 27   degré de fiabilité eu égard à l'ensemble des sources qu'elle a utilisées

 28   pour rédiger son rapport, comme vous vous seriez attendu à le voir faire


Page 43732

  1   par l'un ou l'autre de vos collègues travaillant dans le domaine de la

  2   démographie ?

  3   R.  En partie. Dans la plupart des cas, elle décrit des insuffisances. Par

  4   exemple, s'agissant du registre des décès de Prijedor ou de la Croix-Rouge

  5   internationale, elle affirme qu'il y a encore de nombreuses insuffisances

  6   et quelques erreurs dans ces documents. Mais elle n'apporte pas ce que

  7   j'aurais jugé courant d'apporter dans cette situation, c'est-à-dire une

  8   appréciation de la qualité de ces documents, notamment du registre des

  9   décès de Prijedor. Elle indique simplement de façon globale que la source

 10   peut être admise dans son intégralité ou pas alors, qu'en fait, ce qu'elle

 11   a fait, c'est combiner deux sources qui seraient au départ jugées

 12   acceptables par des scientifiques démographiques pour rédiger un rapport

 13   qui fournit une description inacceptable.

 14   Q.  Avant de poursuivre sur cette déposition du Dr Tabeau, qu'estimez-vous

 15   être une étude démographique acceptée ? Quel degré de fiabilité est exigé

 16   pour un ouvrage de démographe qui pourrait être considéré comme acceptable

 17   dans le cadre d'un travail scientifique ? Pour que le travail du démographe

 18   soit considéré comme acceptable, quel est le degré de fiabilité qui est

 19   exigé de la source ?

 20   R.  Le pourcentage d'erreur doit se situer entre 2 et 5 % en général, pour

 21   les sources.

 22   Q.  Alors, dans la suite de la déposition du Dr Tabeau, dans les pages du

 23   compte rendu d'audience que j'ai identifiées il y a quelques instants, nous

 24   arrivons à la deuxième qui est lui est posée qui se lit comme suit :

 25   "Question : Pourriez-vous, je vous prie, m'aider dans ces conditions en me

 26   disant pourquoi vous êtes dans l'incapacité de citer un degré de fiabilité

 27   associé aux données démographiques de l'ICMP ?

 28   "Réponse : Eh bien, oui, et ceci est dû à une raison simple, à savoir que


Page 43733

  1   je ne me suis pas appuyée sur cette source. Lorsque j'ai discuté des

  2   renseignements concernant les disparitions des victimes, je me suis surtout

  3   appuyée sur les rapports et documents du CICR que j'ai combinés avec les

  4   documents tels que le registre des personnes portées disparues à Prijedor,

  5   et je ne me suis pas appuyée particulièrement sur les renseignements

  6   relatifs aux disparitions de personnes fournies par l'ICMP."

  7   Est-ce que vous avez un commentaire par rapport à cela, Professeur ?

  8   R.  Oui. Elle aurait pu fournir son évaluation des documents du CICR, sans

  9   peut-être les décrire dans le détail, mais au moins en disant "tel et tel

 10   document, je le considère comme acceptable, comme de bonne qualité". Elle

 11   fournit une appréciation descriptive pour 2005 en déclarant qu'entre 2000

 12   et 2005, il y a encore un certain nombre de champs qui sont manquants, et

 13   je ne fais que paraphraser.

 14   Q.  J'aimerais m'en tenir à l'évolution des réponses du Dr Tabeau.

 15   Dans la question suivante posée par le Dr Tabeau, toujours dans les

 16   pages du compte rendu que j'ai citées tout à l'heure, nous trouvons ce qui

 17   se lit comme suit :

 18   "Question : Etes-vous en mesure de définir un degré de fiabilité par

 19   rapport aux autres sources sur lesquelles vous vous êtes appuyée ?

 20   "Réponse : Eh bien, cela dépend de ce qu'on veut que je fournisse. Si

 21   vous souhaitez un chiffre, un simple numéro, alors, je ne dispose pas d'un

 22   tel numéro, d'un tel chiffre. Mais j'ai un avis sur la fiabilité, aussi

 23   bien des documents du CICR que du registre des personnes portées disparues

 24   de Prijedor. J'ai travaillé avec le CICR, en particulier, depuis plusieurs

 25   années, et à plusieurs reprises, j'ai étudié la fiabilité de la liste du

 26   CICR et apprécié cette liste comme étant tout à fait fiable. C'est une

 27   réalité même si ces listes ne sont pas dépourvues de certains blancs sur

 28   certaines données ou de certaines insuffisances comme, par exemple, la


Page 43734

  1   présence de dates de naissance inexactes pour certaines victimes. Ça, ce

  2   sont des questions, des problèmes que l'on trouve effectivement dans ces

  3   listes."

  4   Professeur, qu'est-ce que vous pourriez dire à titre de commentaire par

  5   rapport à cette partie de la déposition du Dr Tabeau, en particulier

  6   lorsqu'elle évoque le facteur de fiabilité qu'elle est incapable d'exprimer

  7   sous forme numérique ?

  8   R.  Le degré de fiabilité peut toujours s'exprimer sous forme numérique.

  9   Mais lorsque le Dr Tabeau déclare je n'ai pas de chiffres à vous donner,

 10   mais seulement une opinion, sur quoi appuie-t-elle son opinion pour parler

 11   de taux d'erreurs relatif d'une source particulière ? Si elle dit il y a

 12   encore quelques insuffisances, mais l'ensemble est acceptable, ou bien est-

 13   ce qu'elle dit que l'ensemble est inacceptable ? Si les erreurs se montent

 14   à 1 %, qu'est-ce qu'il en est par rapport à la situation où le taux

 15   d'erreur est de 30 %, et de quelle source s'agit-il ? Cela signifie qu'on

 16   peut fonder son avis, son opinion sur des paramètres de fiabilité qu'on

 17   utilise pour évaluer la qualité d'une source particulière, mais il faut

 18   dire quels sont ces paramètres.

 19   Q.  Dans la suite de la déposition du Dr Tabeau, toujours dans les mêmes

 20   pages du compte rendu d'audience citées par moi il y a un instant, nous

 21   lisons ce qui suit :

 22   "Question : D'accord. Vous nous avez parlé de la liste du CICR. Mais qu'en

 23   est-il des autres sources que vous avez utilisées ? Pouvez-vous nous citer

 24   votre appréciation, en termes de démographe spécialisée, quant à la qualité

 25   ou à la fiabilité des autres sources que vous avez utilisées aux fins de la

 26   rédaction de votre rapport sur Tomasica ?

 27   "Réponse : La source la plus importante est, bien entendu, la liste de

 28   l'ICMP où les notes officielles appariées avec renseignements sur l'ADN, et


Page 43735

  1   il ne fait aucun doute que j'évalue hautement les rapports de l'ICMP, la

  2   liste en question est fiable, je n'ai aucune raison de la mettre en doute.

  3   "L'ICMP a été utilisé à plusieurs reprises. J'ai utilisé la liste ICMP à

  4   plusieurs reprises, dans des situations diverses. Malheureusement, je dois

  5   encore parler de Srebrenica, Maître Ivetic, car c'est Srebrenica qui a été

  6   l'affaire la plus importante ayant donné lieu à l'utilisation de ces

  7   listes, mais dans d'autres affaires. J'ai utilisé le registre des personnes

  8   portées disparues en tant que source locale dans la municipalité de

  9   Prijedor. Cette source est moins fiable que la liste du CICR, mais elle

 10   recoupe largement les listes du CICR; toutefois, il y a un grand nombre

 11   d'autres défauts dans ce registre des personnes portées disparues de

 12   Srebrenica comme, par exemple, un certain nombre d'éléments d'information

 13   absents ou des erreurs concernant les dates de naissance.

 14   "J'ai également étudié le recensement de 1991, que j'ai à plusieurs

 15   reprises apprécié dans le cadre d'autres projets qui sont en rapport avec

 16   mon témoignage de novembre 2013. J'ai utilisé également la totalité de la

 17   base de données intégrée sur la mortalité, qui est une source permettant de

 18   croiser les renseignements relatifs aux personnes portées disparues et de

 19   vérifier si les annonces de disparition correspondent d'après plusieurs

 20   sources afin d'exclure la possibilité qu'un survivant ou une survivante de

 21   Tomasica ait été confirmé comme personne décédée.

 22   "Question : Mais qu'en est-il du facteur de fiabilité, du pourcentage de

 23   fiabilité ? Vous me dites ce que vous avez utilisé, je crois, dans votre

 24   rapport. Je m'interroge sur le pourcentage de fiabilité, par exemple, du

 25   recensement de 1991 ou de la base de données intégrée sur la mortalité dont

 26   vous venez de parler. Pourriez-vous répondre à cette question."

 27   Et la réponse du Dr Tabeau se lit comme suit :

 28   "Eh bien, encore une fois, je ne peux pas vous citer un chiffre particulier


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  1   entre un et dix, par exemple, parce que je ne possède pas une échelle de ce

  2   genre. Mais je déclare que le recensement de 1991, par exemple, même s'il

  3   présente un certain nombre de problèmes, est une source très utile si l'on

  4   veut vérifier et améliorer la validité des éléments d'information fournis

  5   par d'autres sources. Etant donné que l'Unité de démographie a investi

  6   beaucoup de temps et beaucoup d'efforts pour éliminer les erreurs du

  7   recensement et améliorer la liste des noms que l'on trouve dans le

  8   recensement, il a fallu plusieurs années pour élaborer une version qui

  9   pourrait être utilisée de façon fiable aux fins de notre travail, et

 10   honnêtement, je considère que le recensement de 1991 est aujourd'hui une

 11   source d'information très fiable, une source d'information très fiable qui

 12   m'a aidée à prendre des décisions relatives à un grand nombre d'éléments

 13   comme, par exemple, lorsqu'il a fallu apparier les données, d'abord, et

 14   puis également lorsqu'il y avait des contradictions entre différentes

 15   listes ou des contradictions concernant les lieux de résidence, les lieux

 16   de disparition, l'appartenance ethnique, l'âge et de très nombreux autres

 17   aspects que j'ai examinés pour rédiger mes rapports. Vous savez, une base

 18   de données intégrée, c'est une base de données très importante, très

 19   volumineuse, qui est établie à partir de plusieurs sources différentes --

 20   "Question : Mais quelle en est la fiabilité, Madame ?

 21   "Réponse : A mon avis, la fiabilité est importante."

 22   Alors, Professeur, en tant que praticienne de la démographie, qu'est-ce que

 23   vous auriez à dire au sujet des questions et des réponses fournies par le

 24   Dr Tabeau à ces questions dans les passages que je viens de citer ?

 25   R.  Dans la majeure partie de ses explications, le Dr Tabeau vous parle du

 26   recensement de la population de 1991 en déclarant que ce recensement est

 27   tout à fait fiable, et je suis absolument d'accord avec elle sur ce point.

 28   C'est un document extrêmement fiable. Je suis sûre que l'institution s'est


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  1   occupée de travailler sur la réduction du pourcentage d'erreurs.

  2   Toutefois, les noms, prénoms, prénoms du père, ne sont pas des données

  3   statistiques, et le Dr Tabeau affirme avoir perdu du temps pour corriger

  4   des données statistiques. Il n'existe pas d'autres sources auxquelles nous

  5   pourrions nous référer pour ce faire et pour lesquelles nous pourrions dire

  6   les corrections apportées ont été bonnes ou n'ont pas été bonnes dans le

  7   recensement, 40 % des noms, des prénoms, des prénoms du père, ont été

  8   corrigés, quelque part il y avait des erreurs de frappe, certaines, après

  9   correction, ont donné des noms de famille complètement différents de ceux

 10   qui étaient cités initialement, et cetera, et cetera. On doit toujours

 11   garder à l'esprit que le recensement d'une population se fait en caractères

 12   latins et en caractères cyrilliques, donc le passage du cyrillique aux

 13   caractères latins peut créer un certain nombre d'erreurs. Sur le plan

 14   professionnel, il aurait été correct de dire nous avons apporté des

 15   corrections sur 30 %, 50 %, 60 % du recensement, ou bien sur 2 % des noms

 16   et des prénoms.

 17   Et puis, autre chose encore en dehors des noms pour déclarer que le

 18   recensement est une source fiable. Le Dr Tabeau a utilisé le recensement

 19   dans le but de comparer les données de celui-ci avec les données de la

 20   Croix-Rouge. Par exemple, la personne dont elle voyait le nom apparaître

 21   sur les listes de la Croix-Rouge, eh bien, elle retenait ce nom et elle

 22   vérifiait si ce nom figurait dans le recensement, et pour Srebrenica, elle

 23   a utilisé cette méthode pour établir que des personnes dont on croyait

 24   qu'elles étaient victimes à Srebrenica n'étaient pas des personnes

 25   fictives, mais qu'elles existaient réellement.

 26   Je ne sais pas quel a été le résultat de ces appariements. Je ne vais pas

 27   rentrer dans ce genre de détail. J'ai vu le tableau, mais je ne sais pas ce

 28   qu'elle a pris en compte pour effectuer les appariements qu'elle a


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  1   effectués. Mais, encore une fois, il aurait été correct, sur le plan

  2   professionnel, qu'elle dise : Eh bien, d'accord. J'ai établi des

  3   appariements entre les deux listes sur la base de tel et tel critère,

  4   plusieurs critères. A Srebrenica, nous avons constaté que les éléments

  5   d'information fournis par la Croix-Rouge correspondaient assez bien avec

  6   les renseignements émanant du recensement de la population, et les critères

  7   utilisés étaient le nom de famille, le prénom, le prénom du père, et la

  8   date de naissance, il y a eu 16 % d'appariements. Par rapport aux

  9   renseignements de la Croix-Rouge, avec 22 000 entrées concernant des

 10   personnes portées disparues.

 11   Ce que Dr Tabeau a utilisé dans le recensement de la population,

 12   l'appartenance ethnique en particulier, parce qu'aucune autre source ne

 13   contient des renseignements sur l'appartenance ethnique, eh bien, encore

 14   une fois elle l'a fait selon ses propres décisions s'agissant de sa méthode

 15   pour apparier les deux types de renseignements. Nous avons vu qu'elle a

 16   utilisé un graphique lié à l'appartenance ethnique. Or, dans le recensement

 17   de la population, il n'existe pas de tel graphique, il n'existe aucun

 18   renseignement sur le lieu de disparition. Ou ce sont des éléments que l'on

 19   trouve que dans des registres concernant les vivants.

 20   Q.  Professeur, j'aimerais vous interroger rapidement sur la façon dont un

 21   professionnel de la démographie et un professionnel de la statistique tient

 22   un registre et quels sont les critères qu'il ou elle utilise pour présenter

 23   un ouvrage de recherche scientifique ou un rapport qui lui est demandé

 24   après avoir mené des investigations aux fins d'effectuer des appariements ?

 25   R.  Dans un travail professionnel, nous savons ce qu'est l'appariement. Et

 26   parfois les résultats correspondent. Toutefois, il faut remarquer que des

 27   critères sont appliqués. Le Dr Tabeau affirme que dans la base de données

 28   relative à la mortalité il n'existe pas de tableau de ce genre. Donc,


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  1   comment peut-on effectuer un appariement si on n'a pas les critères et on

  2   ne peut pas dire quel critère on utilise, on dit qu'on pense que les

  3   critères sont bons sans dire quelle est leur nature, on parle d'un haut

  4   degré de probabilité sans évoquer ces critères. Le critère de départ, c'est

  5   la nécessité d'obtenir des résultats, il faut donc l'on dise sur quel

  6   critère on s'est appuyés pour dire : Oui, tout va bien. Ou citer le

  7   pourcentage de 16 %. On ne peut pas --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Témoin, la question était

  9   simple : comment est-ce qu'on tient un registre quand on est un bon

 10   professionnel de la démographie. Vous avez répondu à cette question, elle

 11   aurait pu trouver une réponse en deux lignes. Je regarde l'horloge, Maître

 12   Ivetic.

 13   M. IVETIC : [interprétation] D'accord.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est 13 heures 45.

 15   Madame Radovanovic, nous allons suspendre pour aujourd'hui. Nous ne

 16   siégions pas demain car dans ce pays c'est l'anniversaire du roi, qui est

 17   la fête nationale, et les Nations Unies en ont fait un jour de congé. Donc,

 18   vous savez à quoi vous attendre demain dans ce pays. Nous aimerions vous

 19   revoir ici jeudi, nous commencerons par une brève audition d'un autre

 20   témoin pour lequel nous avons besoin d'interprète particulier, donc vous ne

 21   commencerez pas à 9 heures 30 mais environ à 11 heures ou midi.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai qu'une dizaine de questions encore à

 23   poser, je crois que l'Accusation aura besoin d'une demi-heure environ

 24   ensuite…

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, pour l'ensemble deux heures, nous

 26   prévoyons donc de commencer votre audition jeudi aux environs de midi,

 27   peut-être un peu avant, et nous aimerions vous revoir à cette heure-là dans

 28   la salle.


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  1   Je me dois de vous dire que vous ne devriez pas, même en ce jour de fête

  2   nationale des Pays-Bas, parler de votre déposition dans les rues. Ne parlez

  3   avec personne, ne communiquer à personne sur cette déposition. Vous pouvez

  4   maintenant sortir de la salle en suivant l'huissier, Madame, nous reverrons

  5   jeudi.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous suspendons pour la journée, et nous

  8   reprendrons nos travaux jeudi, 28 avril, à 9 heures 30 du matin, dans ce

  9   même prétoire.

 10   --- L'audience est levée à 14 heures 17 et reprendra le jeudi, 28 avril

 11   2016, à 9 heures 30.

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