Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 5 décembre 2016

  2   [Réquisitoires]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 36.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  7   prétoire et à l'extérieur.

  8   S'il vous plaît, Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous

  9   prie.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Et bonjour, Messieurs les Juges.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 13   La présentation des parties, s'il vous plaît, à commencer par l'Accusation.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges. Alan Tieger, Peter McCloskey, Arthur Traldi et Adam Weber, et notre

 16   commis à l'affaire, Janet Stewart, du côté de l'Accusation.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.

 18   Maître Lukic, la présentation du côté de la Défense, s'il vous plaît.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Branko Lukic,

 20   Miodrag Stojanovic, Dan Ivetic, Jason Alarid et commis à l'affaire, Radovan

 21   Djurdjevic, pour la Défense, et nos assistantes juridiques, Kristina

 22   O'Young, Laura Brincus et Alessia Gaultieri. Pardonnez-moi.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut connaître non seulement le nom

 24   des Juges, mais les noms des membres de votre équipe également, Maître

 25   Lukic. Je vous remercie.

 26   Nous sommes ici aujourd'hui afin d'entendre les plaidoiries et

 27   réquisitoires des parties. Néanmoins, la Chambre a été informée du fait

 28   qu'il y avait une question préliminaire que la Défense souhaitait aborder.


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je souhaite

  2   simplement porter à votre attention, étant donné que l'écriture n'a pas été

  3   déposée dans le système du prétoire électronique, nous avons néanmoins

  4   envoyé un exemplaire à l'Accusation vendredi; donc, il s'agit d'une requête

  5   urgente aux fins de surseoir à la procédure compte tenu de l'appel

  6   interlocutoire qui est toujours en instance en date du 21 octobre 2016,

  7   décision concernant notre première requête aux fins de surseoir à la

  8   procédure qui précisait que :

  9   "Aucune conséquence irréversible pour le procès ou préjudice imposé à

 10   l'accusé ne pourrait pas être corrigé par un mémoire complémentaire" --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous êtes en train de lire

 12   ? C'est quelque chose que je connais. Est-ce qu'il s'agit de la teneur de

 13   votre requête ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] C'est la teneur de votre ordonnance qui figure

 15   dans notre requête.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, la requête -- nous avons reçu, je

 17   vous remercie, un exemplaire de cette requête ainsi que de la réponse

 18   fournie par l'Accusation et qu'elle souhaitait déposer. Aujourd'hui, à 9

 19   heures 16, nous constatons que cette requête a été officiellement déposée.

 20   Les Juges de la Chambre ont également été informés du fait - j'espère que

 21   vous pouvez confirmer cela, Monsieur le Greffier - que la réponse de

 22   l'Accusation a été déposée à titre officiel également.

 23   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas être aussi précis que les

 25   9 heures 16, mais cela a effectivement été déposé il y a quelques minutes.

 26   Donc, voilà où nous en sommes. Nous avons reçu, donc, des exemplaires de

 27   cette requête et les réponses ont été déposées.

 28   Les parties peuvent-elles confirmer - sinon, je vais devoir vérifier - que


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  1   la requête nous a été envoyée et qu'il s'agit -- un exemplaire, à toutes

  2   fins utiles, nous a été envoyé qui est identique à celui qui a été déposé à

  3   9 heures 16 ?

  4   Maître Ivetic.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Oui, je l'ai transmis en format PDF --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On n'avait pas l'intention de -- est-ce

  7   que vous nous l'avez envoyée ou celle-ci a été envoyée au Greffe également

  8   de façon à ce que nous puissions recevoir cette version ?

  9   M. IVETIC : [interprétation] C'est exact.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même question que je pose à

 11   l'Accusation.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Je peux vous le confirmez, Monsieur le

 13   Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas…

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il était important de vérifier cela car,

 17   étant donné que la Chambre avait reçu cet exemplaire destiné, à toutes fins

 18   utiles, pour que nous puissions le lire et que la réponse a été déposée, eh

 19   bien, en fonction de cet exemplaire à titre gracieux, la requête et la

 20   réponse ont donc été déposées.

 21   Et la Chambre de première instance va rendre sa décision sur la requête en

 22   question. La requête urgente renouvelée aux fins de surseoir à la procédure

 23   présentée par la Défense est rejetée pour les motifs suivants : nous allons

 24   entendre les plaidoiries et réquisitoires des parties.

 25   A commencer par l'Accusation. Monsieur Tieger, vous avez la parole.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Témoin, Messieurs les Juges.

 27   En 1993, après que ses forces avaient profondément changé la situation

 28   démographique de certaines parties de la Bosnie revendiquées par les Bosno-


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  1   Serbes, Ratko Mladic s'est félicité de ce qui s'était passé sous son

  2   commandement et de la situation positive dans laquelle se trouvaient les

  3   négociateurs bosno-serbes. 

  4   "Monsieur le Président, votre point de départ était tout à fait favorable à

  5   Genève. Vous aviez le résultat militaire entre les mains."

  6   P2508, pages 32 à 33. Je demande à la Juriste de bien vouloir nous montrer

  7   la présentation dans le système Sanction sur le grand écran, s'il vous

  8   plaît.

  9   Ce résultat militaire était dû à une stratégie qui avait été mise en place

 10   pour créer une situation factuelle qui ne pouvait pas être inversée, une

 11   reconfiguration de la situation au plan démographique que la communauté

 12   internationale - ainsi que les Musulmans et les Croates - devait accepter

 13   comme quelque chose de permanent.

 14   Ceci ne s'est pas passé à l'insu de tout un chacun, comme Karadzic l'a dit

 15   en citant un commissaire de guerre bosno-serbe :

 16   "Nous sommes en train d'arracher la peau du chat devant le monde entier."

 17   P4584, pages 13 et 15.

 18   Le monde entier pouvait le voir, c'est ce qui s'est passé dans chaque

 19   municipalité l'une après l'autre. Il ne s'agissait pas là d'un effet non

 20   intentionnel mais le but même de la campagne militaire. Le Rapporteur

 21   spécial des Nations Unies Mazowiecki a rapporté au mois d'août 1992 :

 22   "Le nettoyage ethnique ne semble pas être la conséquence de la guerre, mais

 23   plutôt son objectif. Cet objectif, dans une grande mesure, consistait à

 24   réaliser cet objectif par le biais de meurtres, de passages à tabac, de

 25   viols, de destruction de maisons et de menaces."

 26   P2813, paragraphe 6.

 27   Au moment où le rapporteur spécial a présenté ces observations, la VRS

 28   contrôlée par Mladic contrôlait 70 % du territoire de Bosnie-Herzégovine.


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  1   P04581, pages 38, 48 et 55.

  2   A l'été de l'année 1992, ils pensaient déjà au cessez-le-feu et au gel des

  3   positions parce qu'ils avaient adopté des positions avantageuses. P3113,

  4   pages 1, 3 et 5.

  5   Des propositions de cessez-le-feu ne signifient pas pour autant que leurs

  6   revendications territoriales avaient été satisfaites, comme cela a été

  7   illustré dans la directive numéro 4 de Mladic au mois de novembre 1992

  8   ordonnant à la VRS de réaliser son objectif stratégique non encore réalisé,

  9   en forçant l'ennemi "avec la population musulmane" de quitter Birac, Zepa

 10   et les zones de Gorazde. P2217, page 5.

 11   Les opérations en Bosnie orientale se sont poursuivies. D'après les propres

 12   termes de Karadzic, il s'agissait d'"entasser les Musulmans dans de petites

 13   zones." P4584. Et ceci a - en tout cas provisoirement - culminé au moment

 14   où la communauté internationale a empêché la prise de contrôle de

 15   Srebrenica et a mis en place des zones protégées. Comme l'a dit le général

 16   Mladic :

 17   "Si la communauté internationale ne s'en était pas mêlée, eux," autrement

 18   dit les Musulmans, "auraient payé le prix de chaque geste ou de chaque

 19   action qu'ils avaient mené contre le peuple serbe."

 20   P1973, page 5.

 21   Malgré cela, l'attention sur Srebrenica et les enclaves restantes restait

 22   inchangée. Comme Mladic l'a dit au Corps de la Drina en 1994, confer le

 23   rapport d'information de la Brigade de Bratunac, et ceci est un extrait du

 24   rapport :

 25   "Nous devons réaliser notre dernier objectif, la région de Podrinje

 26   entièrement serbe," et le rapport poursuivait en disant, "nous devons

 27   continuer à armer, former, discipliner et préparer l'armée de la Republika

 28   Srpska pour que cette tâche vitale soit accomplie, autrement dit :


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  1   l'expulsion des Musulmans de l'enclave de Srebrenica."

  2   P1505, page 3, pages du compte rendu d'audience 11 786 à 11 790.

  3   Comme l'a expliqué le général Mladic en 1994 devant l'assemblée des Serbes

  4   de Bosnie, les Bosno-Serbes avaient cette occasion historique unique pour

  5   créer "non pas n'importe quel Etat, mais un Etat entièrement serbe… avec

  6   …aussi peu d'ennemis que possible, ceux qui pourraient constituer de

  7   potentiels ennemis et qui pourraient s'élever contre nous dans quelques

  8   années…"

  9   Ce qui nous préoccupe, a-t-il dit devant l'assemblée, ce n'est pas que les

 10   Musulmans puissent créer un Etat. Sa préoccupation consistait à "faire en

 11   sorte qu'ils disparaissent complément." P3076, pages 18 à 20.

 12   En mars 1995, le général Mladic et Radovan Karadzic se sont concentrés à

 13   nouveau sur Srebrenica et ont créé une directive pour créer les conditions

 14   qui permettaient de rendre la vie des habitants "insupportable". Directive

 15   numéro 7.

 16   Le 2 juillet, une opération de combat en application de la directive numéro

 17   7 était en cours. Le 9 juillet, Mladic et Karadzic se sont rendu compte

 18   qu'ils pouvaient prendre le contrôle de l'enclave en tant que telle et ont

 19   donc modifié l'opération pour ce faire. Le 11 juillet, le général Mladic

 20   est entré dans Srebrenica et a promis que l'heure était venue de se venger

 21   des Turcs. P1147, page 11.

 22   En très peu de temps, plus de 7 000 hommes de Srebrenica, hommes et

 23   garçons, certains ayant simplement 12 ans, ont été systématiquement tués et

 24   tous les habitants restant de Srebrenica ont été chassés. La communauté de

 25   Srebrenica avait été détruite, avait "disparu".

 26   Entre-temps, la capitale de la Bosnie avait été tenue, selon les termes de

 27   Mladic, "sous notre marteau". P431, page 35.

 28   Etant donné que la population civile était soumise à une campagne de


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  1   pilonnage et de tirs embusqués qui augmentait en intensité ou diminuait

  2   selon la riposte des Musulmans et les pressions de la communauté

  3   internationale. Les représentants de la communauté internationale sont

  4   arrivés à différents moments pendant le conflit et sont parvenus à la même

  5   conclusion, que l'objectif essentiel de cette campagne de pilonnage et de

  6   tirs embusqués était de semer la terreur au sein de la population civile.

  7   La campagne s'est répandue au point que la vie et les conditions de vie

  8   dans la ville étaient devenues insupportables, difficiles pour les enfants,

  9   et cadrées en conséquence. Il s'agissait de répandre la terreur par

 10   l'intermédiaire de cette campagne de pilonnage et de tirs embusqués,

 11   renforcée par les pressions, en même temps, sur les restrictions sur le

 12   plan humanitaire et un manque d'eau, de chauffage et d'électricité.

 13   Les efforts criminels massifs dans les municipalités - Sarajevo et

 14   Srebrenica - ainsi que la prise d'otages du personnel des Nations Unies en

 15   mai 1995 pour empêcher les frappes aériennes de l'OTAN sont illustrés dans

 16   quatre entreprises criminelles communes qui figurent dans l'acte

 17   d'accusation. Chaque entreprise criminelle commune était distincte, mais

 18   chacune avait pour objectif, essentiellement, de réaliser cet objectif et

 19   de créer cet Etat serbe sur de vastes territoires au sein de la Bosnie-

 20   Herzégovine avec aussi peu d'ennemis historiques que possible.

 21   Au titre de cette présentation, je vais aborder certains aspects de

 22   l'entreprise criminelle commune principale ainsi que du contexte présenté

 23   par la Défense dans leur mémoire en clôture. M. Traldi va ensuite aborder

 24   la mise en œuvre de cet objectif commun du général Mladic, donc la mise en

 25   œuvre principale. Je parlerai ensuite du chef 1, à savoir le génocide dans

 26   les municipalités, et me concentrerai plus particulièrement, comme nous

 27   l'avons fait dans notre mémoire, sur Prijedor. M. Weber abordera ensuite la

 28   campagne de terrorisation [phon] dans le cadre de l'entreprise criminelle


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  1   commune à Sarajevo, suivi par M. McCloskey sur l'élimination de

  2   l'entreprise criminelle commune à Srebrenica en juillet 1995, l'exécution

  3   de plus de 700 000 [comme interprété] hommes et garçons à Srebrenica en

  4   juillet 1995 et le transfert forcé de femmes, d'enfants et de personnes

  5   âgées.

  6   Et finalement, je parlerai de la fixation de la peine.

  7   Plus concrètement, pour ce qui est des remarques que je vais

  8   présenter aujourd'hui, je vais parler des assertions dans le mémoire en

  9   clôture de la Défense par rapport à l'entreprise criminelle commune

 10   principale, où la Défense a soutenu que l'objectif commun de Mladic ou sa

 11   contribution à la réalisation de son but commun est quelque chose qui a été

 12   contrecarré par l'autonomie locale ou par le fait que des plans des

 13   responsables n'existaient pas ou par le fait, comme c'est allégué, que ceux

 14   qui étaient partis pouvaient revenir ou par le fait que Mladic n'avait pas

 15   le contrôle sur la VRS ou qu'il était bienveillant par rapport aux non-

 16   Serbes. Comme je vais dire ici, ces assertions sont erronées. En fait,

 17   lorsqu'on examine plus la base de ces assertions, il y a des moyens de

 18   preuve qui montrent que l'objectif commun existait et que le général Mladic

 19   a contribué à cet objectif commun.

 20   Je vais commencer par des assertions qui sont un peu moins ordinaires

 21   dans le mémoire en clôture de la Défense. Etant donné que la Défense devait

 22   examiner beaucoup de documents dans le dossier de cette affaire qui

 23   démontraient l'énormité de ces crimes, les crimes qu'il avait commis en

 24   utilisant son autorité et son contrôle sur l'armée entière, la Défense

 25   essaie de transformer le général Mladic en un officier bénin, pas efficace,

 26   qui était déterminé à protéger les Musulmans contre les gens tels que

 27   Karadzic, mais qui malheureusement jouait seulement un rôle secondaire,

 28   marginalisé et moins important que les commandants des corps. Le principe


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  1   fondamental selon lequel le général pouvait déléguer son autorité mais non

  2   pas sa responsabilité est posé sens dessus dessous ici, et le général

  3   Mladic, maintenant, essaie de jeter sa responsabilité sur ses subordonnés

  4   pour se débarrasser de sa responsabilité.

  5   Donc, la Défense soumet que le principe de contrôle et de

  6   commandement dans la VRS voulait dire que Mladic pouvait donner des

  7   instructions générales et que par la suite, donc, il avait un rôle de

  8   conseiller puisque le commandement exclusif était assumé par les

  9   commandants de corps. C'est les paragraphes 643 et 644.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que je vérifie dans le compte

 11   rendu. Vous avez dit le contrôle "exclusif".

 12   M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'ai dit le contrôle "exclusif", Monsieur

 13   le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Et d'après la Défense, Dragomir Milosevic et

 16   Galic étaient ceux qui avaient le contrôle effectif de l'armée à Sarajevo.

 17   A Srebrenica - bien que l'accusé ait été présent physiquement à Srebrenica

 18   - c'est Krstic qui commandait. Paragraphe 644 du mémoire en clôture de la

 19   Défense.

 20   Par cette assertion, on procède à la déformation des termes utilisés parce

 21   que c'est tiré du contexte. Par exemple, la Défense, lorsqu'il s'agit du

 22   commandement "exclusif", voulait dire que personne d'autre ne pouvait pas

 23   lui dire ce qu'il devait faire lorsqu'il s'agit des commandants de corps.

 24   Cela veut dire qu'à l'intérieur du corps, le commandant du corps est au

 25   sommet de la hiérarchie, il n'y a personne d'autre. Mais, en même temps,

 26   selon la doctrine militaire et le règlement de la VRS qui concernait les

 27   commandants de corps, on reconnaissait l'existence d'un commandement ou

 28   d'un commandant supérieur. La conception de commandement, selon la Défense,


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  1   veut dire que le concept de la chaîne de commandement n'a aucun sens. Donc,

  2   non seulement que cela est absurde, mais il y a, d'autre côté, beaucoup de

  3   moyens de preuve qui vous ont été présentés par les témoins de la VRS et

  4   par les témoins de la communauté internationale qui disaient tous que la

  5   chaîne du commandement était un principe opérationnel. Et dans cette chaîne

  6   de commandement, le général Mladic jouait son rôle de commandant sans

  7   aucune réserve, il donnait des ordres et surveillait l'exécution de ses

  8   ordres par les commandants des corps de façon continue. Comme le général

  9   Milovanovic vous a expliqué, les commandants des corps devaient envoyer à

 10   l'état-major principal, dans leur rapport de combat quotidien, leurs

 11   décisions et leurs plans pour ce qui est des activités du lendemain et le

 12   général Mladic, par la suite, les approuvait ou les rejetait. La page du

 13   compte rendu 16 966 [comme interprété] jusqu'à 16 967 [comme interprété].

 14   Mais regardons maintenant juste une minute de cette guerre, 30 secondes qui

 15   traduisent tout ce que les moyens de preuve vous ont démontré concernant le

 16   rôle de commandement de Mladic et où on peut dire quelle était l'absurdité

 17   du fait de lui accorder le rôle d'une personne d'une importance secondaire

 18   et marginale, plutôt qui avait un rôle de conseiller.

 19   Monsieur le Président, il s'agit de la troisième réunion qui a été tenue à

 20   l'hôtel Fontana. La Chambre de première instance va se rappeler que chacune

 21   de ces trois réunions avait vu le général Mladic jouer le rôle dominant, et

 22   on pourrait facilement oublier qu'il y avait d'autres officiers qui y

 23   étaient présents. Ici, Krstic est assis tranquille au côté de l'accusé, et

 24   on voit clairement qui était en charge de tout cela, qui donnait des

 25   ordres.

 26    [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   M. TIEGER : [interprétation] C'est le général Mladic ici qui dit clairement

 28   ce qui se passerait, comme il l'a dit, "à vos maris, à vos frères, à vos


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  1   voisins."

  2   C'est seulement 30 secondes par rapport à cet événement particulier, mais

  3   on peut y voir ce qu'il avait fait à plusieurs reprises dans les

  4   conversations interceptées, dans les ordres écrits, dans des témoignages

  5   concernant le rôle de commandant du général Mladic dans cette armée.

  6   Et vous allez entendre plus en détail, pour ce qui est des

  7   témoignages d'autres témoins, que ces témoins disaient clairement que dans

  8   la VRS on obéissait aux ordres qui provenaient du sommet de la hiérarchie

  9   et que le général Mladic était le commandant supérieur à tous les

 10   commandants de corps. Et cela se trouve dans notre mémoire en clôture,

 11   paragraphes 94 à 109, 121 à 152, 253 à 271 et 714 à 759.

 12   L'un de ces témoins a décrit cette réalité en utilisant des termes

 13   très simples et très concrets. Lorsqu'on lui a posé la  question concernant

 14   les principes de l'unité du commandement ou de l'unicité du commandement,

 15   il a dit :

 16   "Il s'agit d'une pyramide. Au sommet de la pyramide se trouve le commandant

 17   Suprême, le chef de l'état-major principal, et ensuite ça descend aux

 18   échelons inférieurs jusqu'au niveau des corps, et jusqu'au simple soldat.

 19   Et chacun a son supérieur hiérarchique, et le supérieur hiérarchique a le

 20   droit de donner des ordres, de surveiller la mise en oeuvre de ces ordres,

 21   et les subordonnés sont en charge d'exécuter ces ordres."

 22   C'est la page du compte rendu 5018.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on peut connaître le nom de

 24   la personne qui a dit cela ?

 25   M. TIEGER : [interprétation] C'est une information confidentielle, et c'est

 26   pour cela que je n'ai mentionné que les pages du compte rendu.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Kralj a dit :


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  1   "L'Armée de la Republika Srpska opérait sur la base du principe de

  2   subordination. Les ordres des officiers supérieurs, et en particulier les

  3   ordres du général Mladic, donc ses ordres étaient strictement exécutés ou

  4   on obéissait strictement à ces ordres, on les exécutait."

  5   La page du compte rendu 27 436. Et, comme Milovanovic a dit dans son

  6   témoignage, Mladic en tant que commandant de l'état-major principal avait

  7   le droit de donner des ordres à qui que ce soit au sein de la VRS. La page

  8   du compte rendu 16 923.

  9   Maintenant, Mladic n'est pas content, et il ne lui suffit pas de dire que

 10   c'est seulement ses subordonnés qui étaient responsables, et pas lui.

 11   Mladic a dit également que c'est Karadzic qui a marginalisé, et que Mladic

 12   n'aurait pas été d'accord pour ce qui est de la façon à traiter les

 13   Musulmans. Laissons de côté pour le moment des moyens de preuve, comme la

 14   déclaration de Karadzic, où il disait que "Mladic et lui, ils parlaient

 15   comme s'ils avaient été des frères", et que leur objectif était en fait

 16   "d'opérer dans le même -- pour réaliser le même but". Laissons de côté le

 17   fait que bien que Milovanovic ait entendu dire qu'il y avait un conflit

 18   entre Mladic et Karadzic, et "en particulier après la guerre", que pendant

 19   toute la durée de la guerre, comme il l'a dit, il ne les a "jamais" vus en

 20   querelle". La page du compte rendu 17 107.

 21   Mais la Défense soumet que l'exemple meilleur de cette association de

 22   Mladic est la directive numéro 7. La Défense soumet que dans cette

 23   directive, Karadzic a contourné le général Mladic, et que la directive 7 a

 24   été envoyée directement au corps. Et lorsque le général Mladic a appris

 25   cela, il a donné une directive nouvelle, la directive 7.1, où il était omis

 26   l'ordre illégal pour créer "une situation d'insécurité, de totale

 27   insécurité et insoutenable", pour forcer à les Musulmans, les civils

 28   Musulmans à quitter ces lieux. Ce sont les paragraphes 571 et 72 du mémoire


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  1   en clôture.

  2   La directive 7 et 7.1, selon la Défense, "montre donc le désaccord" entre

  3   Karadzic et Mladic; Karadzic qui avait donc l'esprit criminel, et Mladic

  4   qui "se chargeait" pour que cela ne se passe pas". Paragraphes 572 et 573.

  5   Il s'agit en fait d'un récit épique de la bravoure morale qui est erroné,

  6   au même point que dramatiques. Dans son témoignage, Milovanovic a dit, A,

  7   que Karadzic a envoyé la directive directement au corps, et c'était

  8   inapproprié, page du compte rendu 16 993, et 995; et B, Mladic a omis cette

  9   partie illégale de l'ordre pour qu'il n'y ait pas de pression effectuée sur

 10   la population civile. La page du compte rendu 16 996.

 11   Les moyens de preuve ont démontré, et c'est ce que Milovanovic a été obligé

 12   d'admettre lorsqu'il a été confronté à ces documents, à savoir que c'est

 13   Milovanovic qui a remis, donc qui a envoyé la directive 7 à tous les corps,

 14   non seulement au 1er Corps de Krajina, qui a été forcé d'admettre au début,

 15   mais également au Corps de la Drina, au Corps Sarajevo-Romanija, au Corps

 16   de Herzégovine, ce qui est contraire à l'assertion absurde de Milovanovic

 17   qui a dit qu'il avait vu ces directives la première fois, beaucoup de temps

 18   après la fin de la guerre. Page du compte rendu 16 996 et 97 [comme

 19   interprété].

 20   Lorsqu'il s'agit de l'argument que l'omission de l'ordre illégal pour

 21   rendre les conditions de vie intenables voulait dire qu'il s'agissait des

 22   efforts de Mladic pour protéger des civils, l'aspect erroné de cette

 23   assertion a été découvert lorsque Milovanovic a admis que tous les détails

 24   qui étaient omis dans la directive 7.1 "étaient déjà contenus dans la

 25   directive 7", à savoir que la directive 7 restait opérationnelle. Pages du

 26   compte rendu 17 126 et 127. Dans la directive 7.1, Mladic même a fait la

 27   référence à deux reprises à la directive 7 : "Sur la base de la directive

 28   numéro 7", un peu plus loin, "en conformité avec la directive numéro 7", et


Page 44337

  1   c'est paragraphe 1470, page 2 et page 4.

  2   De plus, la directive 7 porte la marque de Mladic, contient les mots qu'il

  3   avait déjà exprimés ainsi que ses intentions. Le 1er juillet 1994, et c'est

  4   dans un rapport de la Brigade Bratunac, on peut lire :

  5   "Il faut leur rendre la vie impossible, intenable, et le fait qu'ils

  6   restent dans l'enclave provisoirement, il faut que cela soit impossible,

  7   qu'ils voient que cela soit impossible pour qu'ils quittent l'enclave en

  8   masse le plus tôt possible."

  9   Et le 8 mars 1995, le jour où Karadzic a signé la directive 7, Mladic

 10   a tenu une réunion du commandement de l'état-major principal de la VRS, ce

 11   qu'on peut voir dans le cahier de Zivanovic, où on peut lire "leur rendre

 12   la vie impossible." Pièce 05274, page 27. Et pour ce qui est de plus de

 13   détail par rapport à cela, cela se trouve aux paragraphes 426 à 452 de

 14   notre mémoire en clôture.

 15   Donc c'est seulement un des exemples, il y en a beaucoup par rapport

 16   à l'assertion dans le mémoire en clôture de la Défense, et vous allez

 17   entendre plus de détail par rapport à cela dans les jours qui suivent, et

 18   toutes ces assertions sont contenues dans ce mémoire en clôture.

 19   Contrairement à la description de Karadzic, ici, Mladic est présenté

 20   comme protecteur des Musulmans. Ce qui est basé sur des exemples, dont

 21   aucun ne soutient cette assertion, comme par exemple la protection des

 22   villages des Musulmans; paragraphes 685 à 690, la protection des civils

 23   croates de Bosnie, 696, 697 [comme interprété] ou par rapport au fait qu'il

 24   avait donné des ordres pour protéger des civils, et pour que tout le monde

 25   obéisse aux dispositions des droits internationaux humanitaires,

 26   paragraphes 795 et 796, paragraphes 414 de notre mémoire en clôture.

 27   Pourtant, ces références ne corroborent pas ces assertions et, en

 28   tout cas, ces assertions sont annulées par l'énorme nombre de moyens de


Page 44338

  1   preuve démontrant que le général Mladic, en fait, faisait le contraire. Par

  2   exemple, l'allégation selon laquelle Mladic protégeait des civils croates

  3   de Bosnie est abordé au paragraphe 459 de notre mémoire en clôture, où on

  4   peut lire que ce transfert n'était pas des motifs altruistes, mais plutôt

  5   pour diviser la Bosnie, pour avoir des avancements militaires et pour avoir

  6   des relations meilleures avec l'opinion publique, et pour l'argent.

  7   L'assertion que l'état-major principal protégeait des villages non-

  8   serbes s'appuie sur le témoignage du général Sokanovic, selon lequel la vie

  9   des Musulmans à Podzeplje près de l'état-major principal continuait sans

 10   aucune entrave. Ce qui est, en fait, annulé par les moyens de preuve selon

 11   lesquels Podzeplje avait été incendié ou rasé en août 1992, après quoi

 12   Salapura a menacé de mettre le feu à tous les villages musulmans dans la

 13   région autour de la rivière Drina. Pièce P3306, paragraphes 7, 8. Et dans

 14   notre mémoire en clôture, paragraphe 305.

 15   Pour ce qui est des ordres visant à protéger les civils et les

 16   villages, c'est M. Traldi qui va parler plus en détail de cette nature

 17   superficielle et masquée des ordres de Mladic pour obéir au droit

 18   international humanitaire, au fait qu'il n'engageait pas de poursuites au

 19   pénal de façon systématique ou des promotions, et tout cela reflète de

 20   façon exacte la position du général Mladic pour ce qui est des crimes

 21   commis contre les Musulmans et contre les Croates qui sont englobés par

 22   l'objectif criminel. Paragraphes 490 et 491. Vous allez entendre également

 23   comment les Serbes étaient traités dans les municipalités de Sarajevo et de

 24   Srebrenica. Et, plus tard, je vais vous parler de l'assertion qu'on peut

 25   trouver au paragraphe 414 du mémoire en clôture par rapport à la 16e

 26   Séance.

 27   D'une manière plus générale, l'affirmation selon laquelle Mladic

 28   était un bienfaiteur et protecteur des Musulmans et des Croates, pour les


Page 44339

  1   seules distinctions ethniques étaient opérées à des fins bienveillantes, ne

  2   résiste pas à l'ensemble de la preuve. Un moment de franchise capturé sur

  3   une vidéo de Mladic lors d'un bref voyage avec un partisan serbo-canadien

  4   de la Republika Srpska résume bien ce que les preuves démontrent en ce qui

  5   concerne l'attitude de Mladic vis-à-vis les Musulmans. Vous vous

  6   souviendrez, Messieurs les Juges, qu'après l'explication donnée par Mladic

  7   selon laquelle :

  8   "…lorsque j'arriverai à Sarajevo, je tuerai quelqu'un juste en passant…

  9   parce que tout le monde se fiche d'eux."

 10   Examinons un petit peu à présent le reste de cette vidéo.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   M. TIEGER : [interprétation] "Est-ce que tu as vu la maison de ce salopard

 13   de Turc ?" En montrant les villages musulmans détruits, Mladic fait preuve

 14   de fierté et de satisfaction au sujet de ce qu'il a réalisé et n'a que

 15   mépris pour les victimes. Des attitudes que l'on retrouve également dans sa

 16   conversation avec Van Duijn, où il imitait grossièrement les Musulmans et

 17   disait à Van Duijn que la présence d'un Nigérien dans l'unité de Van Duinj

 18   était une indication que Mladic serait obligé de se rendre aux Pays-Bas

 19   dans dix ans pour protéger les Néerlandais des autres races et des

 20   Musulmans. Mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphe 1 201.

 21   Cette tentative complètement trompeuse de se présenter comme un bienfaiteur

 22   des Musulmans et de faire endosser à son supérieur ou à ses subalternes la

 23   responsabilité ne fait simplement que mettre en lumière le fait que Mladic

 24   était conscient de la nature criminelle du projet auquel il s'était vanté

 25   un jour de contribuer. Ce plan avait été formé bien avant le recrutement du

 26   général Mladic, mais il remonte à des événements qui ont eu lieu avant son

 27   retour à sa terre natale en 1992, et ce contexte nous amène à certaines

 28   affirmations de la Défense au sujet de l'objectif commun.


Page 44340

  1   En 1990, des élections ont eu lieu en Bosnie suite au déclin du communisme.

  2   Les trois partis nationalistes ont gagné et correspondaient aux ratios

  3   démographiques en Bosnie. Inspirés par la chute du communisme et animés et

  4   encouragés par le réveil de la conscience serbe, selon eux, les dirigeants

  5   serbes de Bosnie étaient préoccupés par le risque de la dissolution de la

  6   Yougoslavie et la perspective selon laquelle la Bosnie deviendrait un Etat

  7   indépendant. Avant l'élection, les dirigeants du SDS ont exprimé leur

  8   opposition catégorique à la possibilité de l'indépendance de la Bosnie.

  9   Karadzic l'a dit dans une interview en juillet 1990 :

 10   "Les Serbes n'autoriseront pas de vivre dans un nouvel Etat indépendant de

 11   Croatie ou un Etat qui est séparé de leur mère patrie, la Serbie."

 12   P7759, page 6.

 13   En été et en automne 1991, le SDA [comme interprété] a soutenu les efforts

 14   de la JNA à la suite de l'indépendance de la Croatie et, dans l'intervalle,

 15   a cherché sans succès à obtenir une solution négociée avec les Musulmans et

 16   les Croates qui garderait la Bosnie dans la Yougoslavie, telle que

 17   l'initiative de Belgrade ou l'accord historique, tel qu'il est connu.

 18   Compte tenu de l'échec des négociations, en septembre 1992 [comme

 19   interprété], le SDS avait créé plusieurs régions serbes autonomes, dont le

 20   but était de "détruire" la Bosnie-Herzégovine unitaire. P7000, pages 4 et

 21   6.

 22   Lorsque les Croates et Musulmans de Bosnie ont approuvé un protocole sur

 23   l'indépendance lors de la 8e Session du parlement commun les 14 et 15

 24   octobre 1991, les dirigeants serbes de Bosnie - selon les paroles de

 25   Karadzic adressées à Milosevic - ont décidé de "passer à la suite." Comme

 26   cela est indiqué aux paragraphes 175 à 190 du mémoire de l'Accusation, ils

 27   ont créé des institutions parallèles destinées à la création d'un Etat

 28   serbe en Bosnie et organisé les moyens de mettre cela en œuvre par la


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  1   force, si c'était nécessaire. Au niveau de la république, une assemblée

  2   serbe de Bosnie et un gouvernement fantôme, le Conseil des ministres, ont

  3   été créé. Au niveau municipal, Karadzic a délivré des instructions - les

  4   variantes A et B - pour la création de cellules de crise serbes de Bosnie

  5   qui dirigeraient la prise du pouvoir dans les zones revendiquées.

  6   Karadzic, lors de cette période - et pendant toute la suite du conflit -

  7   s'est mis à mettre en lumière le fait que les Musulmans et les Croates

  8   étaient des ennemis historiques dont l'incompatibilité inhérente avec les

  9   Serbes empêchait toute coexistence. Paragraphes 161 à 163.

 10   "Les Musulmans et les Serbes étaient comme chiens et chats," ou "des

 11   plantes qui ne pouvaient pas pousser l'une à côté de l'autre." Mémoire en

 12   clôture de l'Accusation, note de bas de page 603. Karadzic a insisté sur la

 13   prétendue menace démographique liée au taux de natalité chez les Musulmans

 14   en la présentant comme une menace démographique inarrêtable [phon].

 15   "Ils vous submergeront avec leurs stratagèmes et leur taux de

 16   natalité."

 17   P3900, paragraphe 36.

 18   Donc, même une minorité de Musulmans était une menace. Et Karadzic

 19   l'expliquera à l'assemblée, en expliquant pourquoi des territoires petits

 20   mais purs sur le plan ethnique étaient préférables au contrôle total sur la

 21   Bosnie, car les Musulmans, qui étaient "à 23 %, passeraient à 24 % le

 22   lendemain, et le surlendemain, 25 %, car c'est ainsi que cela fonctionne

 23   avec eux."

 24   P3706 [comme interprété], pages 23 et 25.

 25   Simultanément toutefois, les dirigeants serbes de Bosnie

 26   revendiquaient des vastes territoires où Serbes et non-Serbes vivaient

 27   ensemble et où même des non-Serbes constituaient la majorité. Ils ont

 28   justifié ces revendications de plusieurs manières. Par exemple, que les


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  1   Serbes avaient droit à du territoire où ils étaient majoritaires avant la

  2   Deuxième Guerre mondiale; ou que le plébiscite entraînait un droit à tout

  3   territoire où une majorité de Serbes - quel que soit le pourcentage de la

  4   population effectif - où une majorité de Serbes avaient voté pour rester

  5   dans la Yougoslavie; ou simplement sur la base du fait que la région était

  6   d'une importance stratégique pour les Serbes de Bosnie. Paragraphes 1 644 à

  7   1 666 du mémoire.

  8   Comme Karadzic l'a rappelé en 1995 :

  9   "En vérité, il y a des villes dont nous nous sommes emparés où nous

 10   n'étions que 30 %. Je peux en citer autant que vous voulez, mais nous ne

 11   pouvons pas abandonner les villes où nous étions 70 %. Ne le dites pas,

 12   mais rappelez-vous combien vous étiez à Bratunac, à Srebrenica, à Visegrad,

 13   à Rogatica, à Vlasenica, à Zvornik, et cetera. En raison de leur importance

 14   stratégique, elles devaient entrer en notre possession, et il n'y a

 15   quasiment plus personne pour remettre cela en cause."

 16   P4584, pages 17 et 18.

 17   Comme l'a fait remarqué un témoin, ces personnes indésirables sur un

 18   territoire désirable ne disparaîtraient pas d'un coup de baguette magique.

 19   Et c'est précisément les séparer "que recherchait le nettoyage ethnique."

 20   P3103, CR 4205.

 21   Fin mars 1992, l'indépendance de la Bosnie s'approchait. Karadzic a

 22   signalé à ses collaborateurs qu'ils devaient savoir que le nombre de

 23   policiers serbes de Bosnie était suffisant et que bientôt ils "prendraient

 24   littéralement le contrôle de la totalité du territoire" de leurs

 25   municipalités, en citant Zvornik comme exemple. P406, page 22.

 26   La prise de pouvoir à Bijeljina une semaine plus tard a marqué le

 27   début de ce processus, parfois accompagné d'attaques contre des villages

 28   non-serbes et l'expulsion forcée de non-Serbes, parfois par des formes de


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  1   persécution à intensification plus graduelle. Les autorités serbes, y

  2   compris Milosevic, ont aidé à mettre en œuvre le début de la campagne de

  3   nettoyage ethnique par le biais de la JNA et du "soutien appuyé" que les

  4   Serbes de Bosnie avaient reçu de la DB, c'est-à-dire la Sûreté de l'Etat.

  5   P353, page 133. Cela est passé notamment par le déploiement des hommes

  6   d'Arkan à Bijeljina et Zvornik. Comme Bell l'a dit à l'époque, les Serbes,

  7   y compris les hommes d'Arkan, étaient en train de "redessiner" la "carte

  8   ethnique de la Bosnie". P1874 et P832, page [sic] 24.

  9   Donc, au moment où le général a pris le commandement de la nouvelle

 10   armée de la Republika Srpska, le processus d'expulsion des Musulmans et

 11   Croates par le biais d'une série de crimes était en cours, comme il en a

 12   été informé en bonne et due forme. Paragraphes 200 à 203.

 13   Effectivement, le 12 mai - date de sa nomination officielle en tant

 14   que chef de l'état-major principal - la nature de la campagne de nettoyage

 15   était évidente pour le monde entier. Ce jour-là, le secrétaire général des

 16   Nations Unies a indiqué :

 17   "Tous les observateurs internationaux conviennent de dire que ce qui

 18   se passe est un effort concerté des Serbes de Bosnie-Herzégovine avec le

 19   consentement et, tout au moins, un certain soutien de la JNA pour créer des

 20   régions ethniquement pures… les techniques utilisées sont la saisie de

 21   territoire par la force militaire et l'intimidation de la population non-

 22   serbe."

 23   P2814, paragraphe 5.

 24   Et au retour de la pause, Monsieur le Président, j'aborderai

 25   certaines des affirmations de la Défense en ce qui concerne ces moyens de

 26   preuve.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous allons faire une pause et

 28   reprendrons à 10 heures 50.


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  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  2   --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous pouvez procéder.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Avant la pause, je parlais de certaines évolutions--

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas.

  7   M. IVETIC : [interprétation] On me dit que le canal B/C/S ne passe pas. Et

  8   j'ai remarqué que je devais régler mes écouteurs après la pause.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas ce que dit Me Ivetic car,

 10   apparemment, je… un problème m'empêche d'entendre sa voix.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, pouvez-vous dire

 12   quelques mots ?

 13   M. IVETIC : [interprétation] Vous m'entendez ?

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous entends. Est-ce que vous

 15   m'entendez, Monsieur Tieger ?

 16   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, apparemment, les

 18   problèmes techniques sont réglés. M. Mladic entend l'interprétation. Nous

 19   allons donc faire un nouveau départ et je vais répéter les mots que j'ai

 20   dits tout à l'heure.

 21   Monsieur Tieger, vous pouvez procéder.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 23   Comme j'avais commencé à le dire avant la pause, j'évoquais quelques

 24   évolutions de l'entreprise criminelle commune que le général Mladic a

 25   rejointe en mai 1992. Quant à la Défense dans son mémoire en clôture, elle

 26   choisit d'évoquer quelques aspects de cette réalité, mais sans succès. Un

 27   examen plus précis de ces affirmations révèle toutefois - et j'aimerais

 28   citer quelques exemples - l'existence de cette entreprise criminelle


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  1   commune et de son objectif.

  2   La Défense argue, par exemple, du fait qu'aucun élément de preuve ne permet

  3   de montrer que des représentants au niveau de la république aient mis en

  4   œuvre les variantes A et B ou en aient vérifié la mise en œuvre. Ceci

  5   figure au paragraphe 462 du mémoire en clôture de la Défense.

  6   Contrairement à cette affirmation, cependant, immédiatement après la

  7   parution de ces variantes A et B, Karadzic a chargé un certain Cizmovic,

  8   son émissaire, de "se rendre dans toutes les municipalités" afin de

  9   vérifier l'application des variantes A et B qui venaient de paraître. Ceci

 10   figure dans le document P4112, pages 2 et 3; ainsi que dans le document

 11   P2672, pages 3 et 4.

 12   Ainsi, le 16 janvier, Cizmovic informait Karadzic du fait que Bijeljina

 13   était "prête à coopérer pleinement avec ces instructions." Pièce P4115. Et

 14   le 22 janvier, à partir d'une municipalité de la Krajina, il faisait savoir

 15   que les choses "fonctionnaient", qu'une cellule de Crise avait été créée la

 16   nuit précédente parce que "l'objectif doit être mis en œuvre, les

 17   instructions doivent être appliquées," et ajoutait qu'il continuerait ses

 18   vérifications à Birac, en Romanija et en Herzégovine. Pièce P6971, page 7.

 19   Dans le cadre de la séance de l'assemblée du 26 janvier 1992, Cizmovic

 20   exhortait à l'application des variantes A et B et des instructions qu'elles

 21   contiennent. Pièce P379, page 12. Et le 14 février, Karadzic activait le

 22   deuxième niveau des variantes A et B, en disant à un groupe important de

 23   ses responsables de mettre en œuvre le "deuxième niveau" et d'"intensifier

 24   à tout prix et sur chaque millimètre de notre territoire le fonctionnement

 25   du gouvernement." Pièce P3774, page 24.

 26   Comme Karadzic le rappelait en 1995 :

 27   "Au moment où la guerre a commencé, dans les municipalités où nous étions

 28   majoritaires, nous détenions fermement le pouvoir et étions en contrôle de


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  1   tout. Dans les municipalités où nous étions minoritaires, nous avons créé

  2   des gouvernements secrets, des conseils municipaux, des assemblées

  3   municipales, et mis en place des présidents de conseils exécutifs. Vous

  4   vous souviendrez des variantes A et B."

  5   Pièce P4583, page 323.

  6   Donc - contrairement à l'affirmation de la Défense - il n'y a pas que

  7   quelques éléments de preuve, mais un nombre écrasant d'éléments de preuve

  8   qui montrent que les variantes A et B faisaient partie intégrale du plan.

  9   Encore une fois, nous avons là un des nombreux exemples d'affirmations que

 10   l'on trouve dans le mémoire en clôture de la Défense qui, en général, sont

 11   démontrées avec ostentation grâce à des éléments de preuve qui, en réalité,

 12   n'étayent pas l'affirmation en question, ou bien sont fondées sur des

 13   affirmations de la bouche d'un témoin qui a révélé sa partialité, ou encore

 14   reprennent des points du contre-interrogatoire, ou simplement sont

 15   contredites par l'intégralité des éléments de preuve.

 16   Alors, un autre exemple à présent, prenons le membre de la cellule de Crise

 17   de Prijedor dont le nom est Mandic. C'est le témoin de la Défense dont la

 18   déclaration est citée le plus grand nombre de fois par rapport à

 19   l'entreprise criminelle commune principale, étant donné qu'on trouve 42

 20   citations de M. Mandic. Sa déclaration est le seul élément qui permet

 21   d'étayer les propositions selon lesquelles les Musulmans de Hambarine ont

 22   opposé une "forte résistance". Paragraphe 930, note en bas de page 2 085.

 23   Ou selon laquelle la population a été libérée d'Omarska lorsque les

 24   éléments de preuve, en fait, montraient qu'il n'y avait pas eu infraction à

 25   la loi. Paragraphe 960, note en bas de page 2 158.

 26   Premièrement, ces affirmations laissent de côté la connaissance démontrée

 27   par le témoin au cours du contre-interrogatoire qui prouvait qu'il n'avait

 28   aucun fondement à formuler de telles affirmations et, en fait, disposait


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  1   d'informations contraires; voir le transcript 28 902 et 28 909, 28 910.

  2   Au-delà de ces exemples spécifiques, le témoin a attesté sous serment de

  3   l'exactitude des parties de sa déclaration qui lui étaient rappelées ou

  4   qu'il avait reprises pendant sa déposition dans l'affaire Karadzic sous

  5   serment, ce qui avait incité la Chambre à lui poser des questions pendant

  6   une suspension de quelques moments. Transcript 28 916 jusqu'à 28 927. Et

  7   encore au-delà de cela, on trouve de nombreuses contradictions qui émergent

  8   lorsque ses affirmations sont soupesées par comparaison à la totalité des

  9   éléments de preuve de l'espèce.

 10   De façon plus générale, Messieurs les Juges, Monsieur le Président, la

 11   partie 8 du mémoire en clôture de l'Accusation, à partir de la page 689,

 12   évoque en détail la crédibilité de ce témoin. L'évaluation des éléments de

 13   preuve au cours des jours suivants se poursuit par rapport à un certain

 14   nombre d'affirmations de la Défense qui exposent simplement des

 15   affirmations contredites, en réalité, par un examen plus précis des

 16   éléments de preuve cités à l'appui, prétendument, de ces affirmations ainsi

 17   que par tous les éléments de preuve dans leur ensemble.

 18   Revenons maintenant à certaines des affirmations concernant l'entreprise

 19   criminelle commune principale. La Défense affirme également que les

 20   cellules de Crise dirigées par des personnalités locales qui défendaient

 21   les intérêts locaux étaient "évoquées à juste titre". Ceci ne supporte pas

 22   un examen plus précis. Cette affirmation repose sur le témoignage de

 23   Trifka, un témoin qui nous dit sous serment que la SAO - ce qui signifie

 24   Région autonome - ne l'avait pas admis et que c'était simplement une erreur

 25   technique qui l'avait mis à la position qu'il exerçait. Donc, contrairement

 26   à ce qu'il avait dit, il s'agissait de Régions autonomes serbes, et cela

 27   jette un doute tout à fait fondé sur la valeur de sa déposition quant au

 28   plébiscite et à son résultat. Transcript 28 131 à 28 133.


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  1   Les exemples de municipalités où des personnalités extérieures se

  2   concentrent très étroitement sur les intérêts locaux en prenant leurs

  3   distances par rapport aux intérêts de la République sont nombreux, comme le

  4   montre la situation à Sanski Most et à Foca. Les cellules de Crise ont mis

  5   en place leur représentant dont le rôle consistait à "obéir aux idées de la

  6   direction du SDS au niveau de la république, de la région et des

  7   municipalités."

  8   Pièce P404, page 1.

  9   A Foca, le président de la cellule de Crise, M. Stanic, a parlé très

 10   ouvertement, il a dit :

 11   "Nous, les Serbes vivant à l'ouest de la rivière Drina, soutenons que nos

 12   dirigeants sont Ratko Mladic [comme interprété] et le général Ratko

 13   Mladic."

 14   Ceci figure à la pièce P7753.

 15   La cellule de Crise de Stanic a informé Karadzic peu avant le conflit par

 16   les mots suivants :

 17   "Nous sommes prêts à appliquer tout ordre venant de vous."

 18   Pièce P3957.

 19   Encore une fois, les propos des témoins ne sont pas étayés par les éléments

 20   de preuve qui correspondent - en revanche - aux éléments de l'Accusation.

 21   La Défense affirme également que "certaines" cellules de Crise ont exprimé

 22   des préoccupations par rapport aux traitements infligés aux non-Serbes,

 23   citant comme exemples principaux les cellules de Crise de Sanski Most et de

 24   la région de Krajina.

 25   Alors, Sanski Most. C'est à cet endroit que le journal du SDS,

 26   "L'informateur", informait les Serbes que dans la poursuite de "l'objectif

 27   consistant à créer un Etat serbe", le SDS avait organisé et préparé les

 28   Serbes à des "batailles dures avec les deux autres populations, à savoir


Page 44350

  1   les Musulmans, qui sont une population, et les Croates qui ont mené à bien

  2   une entreprise génocidaire dans le désir de tuer les représentants honnêtes

  3   de la population et se montrant plus forts qu'ils ne sont."

  4   "L'informateur" indiquait que les Serbes avaient finalement abandonné

  5   leur position erronée selon laquelle ces citoyens auraient été autre chose

  6   que "des citoyens assoiffés de sang qui n'avaient jamais cessé de

  7   s'inspirer de fondements religieux pour faire couler le sang des Serbes."

  8   Sanski Most, c'est donc un endroit où la cellule de Crise concluait

  9   au fait que les civils capturés devaient servir de monnaie d'échange, et

 10   c'est un endroit où la violence de la VRS a permis de nettoyer les villages

 11   musulmans en procédant à des opérations de désarmement après que des

 12   menaces auraient été proférées contre les non-Serbes concernant "la

 13   destruction et la dévastation de leurs villages."

 14   Pièce P3302, page 7.

 15   Un autre exemple important des préoccupations présumées pour

 16   l'intérêt des Musulmans de la part des cellules de Crise se trouve à la

 17   cellule de Crise de la Région autonome de Krajina qui était dirigée - et

 18   placée sous l'œil constant - de Radislav Brdjanin, un homme qui avait prêté

 19   allégeance à Karadzic et juré de lui obéir en toute circonstance. Pièce

 20   P6997. Pages du transcript 33 986 à 33 987. Cet homme partageait les

 21   objectifs de Karadzic au poste qui était le sien. Pièce P7757, page 7, et

 22   transcript 34 040 à 34 041.

 23   Ce dirigeant dont les "cornes", comme l'a dit un témoin, auraient pu

 24   être raccourcies par Karadzic à l'époque. Ceci figure à la pièce P6994,

 25   page 11, et à la page du transcript 29 785 à 86. Ce dirigeant n'a cessé

 26   d'appeler les Musulmans à croire que Banja Luka ne voulait que le bien des

 27   quelques Musulmans qui y demeuraient encore. Pièce P3989, pages 1 à 2;

 28   pièce P6994, page 8.


Page 44351

  1   Donc, sur la même tribune que Karadzic se trouvaient un certain

  2   nombre de personnes qui estimaient que les obligations des Serbes

  3   consistaient à s'essuyer les pieds sur le sol foulé par des "non-

  4   Chrétiens". Pièce 6976, page 2.

  5   Et à Omarska, il fut dit que "le travail a été accompli". Pièce

  6   P3959.

  7   Grattez la surface et les éléments de preuve explosent dans leur

  8   capacité à démontrer le caractère erroné de tout postulat selon lequel la

  9   cellule de Crise de la RAK aurait été mue par l'idée dominante que les

 10   Musulmans n'avaient rien à voir avec l'entreprise commune.

 11   Une telle description des cellules de Crise va à l'encontre de la

 12   réalité; or, ce sont les propositions que la Défense essaie d'imposer dès

 13   lors qu'il est question d'entreprise criminelle commune. Notamment, dans le

 14   cadre de l'assemblée serbe, la Défense cite le témoignage de l'un des

 15   anciens membres de l'assemblée qui dit ne pas avoir eu connaissance d'un

 16   plan commun visant à expulser par la force les représentants des autres

 17   groupes ethniques. Paragraphe 348 du mémoire en clôture de la Défense.

 18   Cet ancien membre, M. Dodik, a nié avoir jamais entendu, au cours des

 19   diverses séances de l'assemblée, la moindre phrase ou le moindre sous-

 20   entendu pouvant faire penser à une intention ou à l'existence d'un objectif

 21   ou à la volonté de déplacer ou d'expulser les Musulmans. Page 42 299 du

 22   compte rendu. Cette dénégation, toutefois, ne correspond pas à la réalité

 23   dès lors que l'on vérifie ce qui s'est dit durant ces séances de

 24   l'assemblée. Par exemple, le président du conseil exécutif du SDS,

 25   également coordinateur de la Région autonome serbe de Birac, Rajko Dukic,

 26   parlant en juillet 1992, déclarait :

 27   "Si nous continuons à avancer, il y a 120 000 Musulmans qui prendront

 28   la route. J'espère au moins que leur nombre sera réduit de moitié."


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  1   Pièce P4581, page 3; voir aussi pièce P7082.

  2   Ces observations durant les séances de l'assemblée expriment une

  3   préoccupation que les propos ou les projets de loi ne soutiennent pas. Je

  4   cite :

  5   "La citoyenneté de la Republika Srpska est acquise, entre autres,

  6   grâce à la naissance sur le territoire de la Republika Srpska. Ceci

  7   concerne tous les Musulmans et les Croates que nous avons expulsés; en

  8   réalité, ce sont des citoyens de la Republika Srpska."

  9   Pièce P7196, page 10. Et, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   il était indiqué en outre que cela pourrait être encore "amélioré".

 11   Donc, cette connaissance préalable de l'objectif consistant à créer

 12   une homogénéité ethnique est intimement liée à la nécessité de

 13   relocalisation :

 14   "Messieurs, il n'y a pas d'Etat serbe sans dépopulation graduelle et

 15   relocalisation. Si nous ne pouvons pas obtenir un Etat purement serbe - et

 16   nous pouvons le faire, n'est-ce pas ? - nous savons tous que nous ne

 17   pouvons pas vivre à leurs côtés, alors il va nous falloir nous rendre

 18   compte que ces projets de cartes proposent exactement ceci, à savoir une

 19   relocalisation."

 20   Pièce P2508, page 27.

 21   Et puis, il y a une autre déclaration devant l'assemblée dans

 22   laquelle est exprimée une préoccupation quant au fait que le plan de paix

 23   proposé impliquerait que "tout le monde ait la possibilité de revenir sur

 24   son territoire" et "il nous faudra compenser tout ce que nous avons

 25   détruit et incendié et récupérer les 17 mosquées que nous avons anéanties"

 26   dans cette municipalité représentative. Pièce P2508, page 22.

 27   Ou bien alors, prenons d'autres citations de propos tenus devant

 28   l'assemblée que l'on trouve dans le mémoire final ou qui seront mentionnées


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  1   aujourd'hui.

  2   Encore une fois, si nous examinons de près ces affirmations et les

  3   éléments de preuve sur lesquels ils prétendent s'appuyer, ainsi que la

  4   totalité des éléments de preuve concernant cette question, eh bien,

  5   l'existence de l'objectif commun est démontrée.

  6   La Défense a tenté également de dépeindre une vision des dirigeants

  7   serbes de Bosnie dont la passivité empêcherait l'existence d'un plan

  8   commun. Il est affirmé que les Bosno-Serbes n'étaient pas prêts à la

  9   guerre. En fait, dans ses propos, "la guerre n'était pas prévue en tant que

 10   résultat possible", comme le montrent les décisions réactives du SDS.

 11   Paragraphe 312 du mémoire en clôture de la Défense.

 12   "Nous ne ferons rien jusqu'à ce qu'Alija fiche tout en l'air. Lorsque

 13   Alija fiche quelque chose en l'air, à ce moment-là, nous adopterons la

 14   mesure numéro 5 et nous attendrons. Lorsque Alija fiche autre chose en

 15   l'air, à ce moment-là, nous adopterons la mesure numéro 6."

 16   P4927, page 4.

 17   Comme il a expliqué devant l'assemblée de la Republika Srpska en

 18   1994, il y avait neuf à dix actions dont les dirigeants serbes avaient fait

 19   l'objet d'une réunion d'information et qui ont été déployées. Toutes les

 20   neuf mesures n'ont pas été adoptées en même temps et ils ont attendu

 21   qu'Alija commette une erreur, pages 2 et 3. Il s'agissait des mesures

 22   préparées à l'avance qui comprenaient la mise en place des Régions

 23   autonomes serbes. P7772 [comme interprété], pages 2 et 3.

 24   Au mois de janvier 1995, Karadzic a expliqué que ces mesures qu'il

 25   avait prises, ces mesures préalables, comprenaient non seulement les

 26   régions, mais les organes tels que l'assemblée.

 27   "Nous avons établi une liste d'actions et de mesures que nous devions

 28   prendre, mais nous avons toujours attendu que les Musulmans commettent des


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  1   erreurs; et après quoi, nous avons créé une union de municipalités et les

  2   Régions autonomes serbes par la suite, suivies par les régions, et pour

  3   finir, notre assemblée, et pour finir, la république.

  4   P6999, page 3 en anglais, page 2 en serbe.

  5   Karadzic a clairement expliqué à ses représentants officiels, au fur

  6   et à mesure que les événements se déroulaient, "nous avons toutes les

  7   mesures dans les enveloppes" et "nous avons des plans pour tout". D857,

  8   pages 6 à 7.

  9   Il leur a donné des instructions pour qu'ils se conforment à ces

 10   délais et a conseillé aux agents du SDS, comme Nenad Stevanovic, de dire à

 11   Brdjanin et Kupresanin que "il ne fallait rien faire qui soit idiot. Nous

 12   ferons tout pour que Vojo et Brdjo pensent qu'après l'échec des accords,

 13   dont Alija serait responsable, nous allons faire porter la faute à Alija

 14   pour cet échec." P7763.

 15   Ne vous y méprenez pas, il s'agit également de revendications

 16   territoriales. Babic a rappelé à Karadzic que Jovica Stanisic bien avant la

 17   guerre et que soient préparées ces cartes clandestines de la Bosnie

 18   comprenant les municipalités dans différentes couleurs. P0466 [comme

 19   interprété], aux pages du compte rendu d'audience 30 406 [comme interprété]

 20   à 8.

 21   Karadzic a rappelé à l'assemblée en 1994 qu'il s'agissait de "faire

 22   des plans" avant la guerre.

 23   "Nous pensions alors", a-t-il expliqué, "que nous allions prendre le

 24   contrôle de certaines caractéristiques du terrain, pour que la distance

 25   entre Sarajevo et Banja Luka puisse être parcourue sur une route

 26   praticable. Là, il s'agit véritablement d'une nation bien intégrée. Tel est

 27   notre plan et ceci bien avant la guerre."

 28   D639, page 9.


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  1   Mais qu'En est-il de l'affirmation de la Défense en vertu de quoi les

  2   Bosno-Serbes "n'avaient pas prévu la guerre comme étant une issue

  3   possible." Au paragraphe 312.

  4   Cette affirmation, par exemple, surprendrait beaucoup Cyrus Vance et

  5   l'ambassadeur Okun, auxquels Karadzic a déclaré que si les Bosno-Serbes

  6   n'obtenaient pas ce qu'ils voulaient, ils l'obtiendraient par le biais de

  7   la guerre. P3103, page du compte rendu d'audience 4164, 38 et 39.

  8   Cela surprendrait grandement Gojko Djogo, à qui Karadzic avait dit

  9   que les Musulmans "allaient disparaître" s'il y avait une guerre. "Il y

 10   aura un véritable bain de sang", a dit Karadzic. Il a poursuivi en disant :

 11   "On dira à l'Europe : 'Allez vous faire foutre et ne revenez pas avant

 12   d'avoir terminé votre travail.'"

 13   P4109, page 3 et page 9 et page 24.

 14   L'affirmation selon laquelle les dirigeants bosno-serbes n'avaient

 15   pas prévu cette éventualité, l'éventualité de la guerre, surprendrait les

 16   membres musulmans et croates de l'assemblée conjointe de Bosnie, que

 17   Karadzic a menacé en octobre 1991. Il a indiqué que leurs actions en vue de

 18   l'indépendance occasionneraient ou donneraient lieu à "cette autoroute de

 19   l'enfer et la souffrance en Slovénie et en Croatie, la même souffrance qui

 20   a été vécue en Slovénie et en Croatie. Ne pensez-vous pas que la prise de

 21   contrôle de la Bosnie et de l'Herzégovine conduirait à l'enfer et le peuple

 22   musulman à l'extinction, le peuple musulman ne sera pas capable de se

 23   défendre si la guerre éclate ici."

 24   P2004.

 25   Et cela ne surprendrait pas non plus son plus proche confident,

 26   Momcilo Krajisnik, qui a dit devant l'assemblée en février 1992 :

 27   "Nous avons deux options : de combattre par des moyens politiques ou

 28   d'organiser des pourparlers et de faire ce que nous avons fait depuis des


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  1   siècles : De recouvrer nos territoires par la force … vous savez quelle a

  2   été notre profession depuis toujours, à savoir de faire la guerre."

  3   P7005, pages 11 à 18.

  4   Et Momcilo Krajisnik a dit, au mois de janvier à Karadzic, et il

  5   était en colère à propos d'Izetbegovic :

  6   "Maintenant, il parle ouvertement d'une Bosnie souveraine et

  7   indépendante. Est-ce qu'il veut que quelqu'un détruise Sarajevo … qu'il

  8   aille se faire foutre. Nous allons lâcher nos Tigres et faire en sorte

  9   qu'ils accomplissent leur travail."

 10   P2676, page 5.

 11   Et l'affirmation qui consiste à dire que les Bosno-Serbes n'allaient

 12   pas -- qu'une éventuelle issue n'était pas la guerre, eh bien, le

 13   prédécesseur de Mladic, le général Kukanjac, à la tête de la 2e Région

 14   militaire, a rapporté au mois de mars 1992 que "les dirigeants serbes et le

 15   peuple serbe étaient tout à fait prêts à mener la guerre dans le cas où la

 16   création d'une confédération n'était pas une option qui serait acceptée."

 17   Les dirigeants du SDS et la population serbe avaient "adopté leur armée" et

 18   la JNA "avait distribué 51 900 armes (75 %) et le SDS, 17 298" et les

 19   Bosno-Serbes avaient distribué ces armes dans différentes municipalités.

 20   P3030, pages 4 à 6.

 21   En résumé, contrairement à ce qu'affirme la Défense, les Bosno-Serbes

 22   "avaient, sans nul doute, préparé" cette éventualité de la guerre et

 23   étaient disposés à utiliser la menace, ainsi que leur supériorité

 24   militaire, pour mener la guerre et réduire toute tentative de pression de

 25   la part de leurs adversaires politiques pour qu'ils abandonnent les actions

 26   prises en faveur de l'indépendance. Encore une fois, si vous grattez un

 27   petit peu la surface du mémoire en clôture de la Défense, ce qui est

 28   exposé, c'est l'objectif commun.


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  1   La Défense avance également que la participation des Bosno-Serbes

  2   dans la négociation, en particulier dans les discussions avec Cutileiro,

  3   "contredit les allégations d'entreprise criminelle commune présentées par

  4   l'Accusation". Paragraphes 292, 293, 298, 360 et 368. Paragraphe 374 à 377.

  5   Encore une fois, contrairement à ce qu'avance la Défense, la

  6   participation des Bosno-Serbes aux négociations était tout à fait

  7   compatible avec l'objectif commun. Bien évidemment, il s'agissait de

  8   trouver une solution négociée. Ceci ne minimise en rien les tentatives

  9   visant à réaliser cet objectif par la force si un compromis n'est pas

 10   atteint. Mais au-delà de ça, les Bosno-Serbes n'ont pas participé aux

 11   négociations avec Cutileiro et ne se sont pas engagés, à l'instar de Gandhi

 12   à la paix, parce qu'il était clair à leurs yeux que cela pourrait être

 13   utilisé pour détruire cette idée d'une Bosnie unifiée et pour conforter un

 14   état défini selon des lignes ethniques.

 15   Contrairement aux exposés présentés lors des négociations Cutileiro, les

 16   dirigeants bosno-serbes n'ont pas accepté les termes de cette déclaration

 17   de principes. Comme nous le savons d'après le contre-interrogatoire de

 18   Cutileiro, peut-être le seul principe-clé de cette déclaration de principes

 19   était que la Bosnie soit un état. Page du compte rendu d'audience 42 409.

 20   Comme l'a dit Karadzic devant l'assemblée :

 21   "Le premier principe qu'il faut retenir lors de ces négociations avec

 22   Cutileiro, c'est de se souvenir que la Bosnie est un état qui comporte ceci

 23   et cela, mais on a toujours dit qu'il s'agissait d'un état mais, nous, nous

 24   ne l'avons jamais accepté."

 25   P7023, page 2.

 26   Comme l'a reconnu Cutileiro, Karadzic n'a pas exposé cette position lors

 27   des négociations Cutileiro et il a feint d'avaliser cet accord. T42410 à

 28   42411.


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  1   L'objectif des dirigeants bosno-serbes était de faire en sorte que les

  2   Bosno-Serbes "fassent partie de l'empire serbe." P7005, page 18.

  3   Et comme l'a reconnu Cutileiro, si ce point de vue avait réellement été

  4   exprimé, il n'y aurait jamais eu d'accord. P7005, page du compte rendu

  5   d'audience 42 411 à 42 413.

  6   En outre, les cartes étaient "totalement inacceptables aux yeux des

  7   dirigeants bosno-serbes." P4582, page 4. Les Bosno-Serbes - comme l'a

  8   expliqué par la suite Karadzic - n'étaient pas satisfaits d'une Bosnie

  9   orientale, de Sarajevo, de la vallée de la Neretva, ou avec ce qu'il

 10   appelait "la tache verte", signifiant les zones musulmanes dans le nord-est

 11   de la Bosnie. P7294.

 12   Donc, au vu d'un désaccord aussi important, pourquoi les Bosno-Serbes ont-

 13   ils fait indiquer qu'ils étaient d'accord avec l'accord ? Ils l'ont fait

 14   parce qu'ils ont estimé qu'ils allaient faire "entrer" ou faire accepter

 15   cet accord par les Musulmans, qu'il y aurait une division, et que cette

 16   division "serait basée sur une appartenance ethnique."

 17   D639, page 7.

 18   Et comme il a expliqué, il s'agissait d'une erreur "fatale" commise par

 19   Izetbegovic et constituerait une "grave erreur" pour la Bosnie et perçue

 20   comme telle par la communauté internationale. Les Bosno-Serbes "les ont

 21   conduit" dans cette voie et leur ont fait croire que ce processus serait

 22   couronné de succès, mais à ce moment-là déjà, "la Bosnie n'existait plus."

 23   P4582, page 4.

 24   Alors pour ce qui est des cartes inacceptables, eh bien, on allait s'en

 25   occuper d'une façon différente. Karadzic et les dirigeants bosno-serbes ont

 26   estimé qu'ils avaient réalisé ou, en tout cas, la "qualité", d'une division

 27   ethnique, et la destruction de la Bosnie. Et donc la seule question qu'il

 28   restait à résoudre était "une question de quantité." P4580.


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  1   Et alors, a expliqué Karadzic, si la Bosnie maintient ses frontières. "Ce

  2   qui compte, c'est que les frontières qui se trouvent à l'intérieur de la

  3   Bosnie-Herzégovine soient le plus larges possible." P7005, page 10.

  4   Pour autant qu'ils dessinent leurs frontières de façon suffisamment larges

  5   au sein de la Bosnie, cela veut dire que ce pays ferait partie de la

  6   Yougoslavie. "Comme le dit le dicton populaire, si vous leur donnez un coup

  7   de pied et que les gens sortent par la porte, ils reviennent par la

  8   fenêtre. Et vous êtes toujours au même endroit, retour à la case départ."

  9   8e Séance de l'assemblée. P7005.

 10   Donc ceci en raison d'une situation de facto. Comme l'a dit le Dr Karadzic

 11   aux représentants officiels de l'assemblée du SDS chaque jour à propos de

 12   ces accords de principe, la quantité "sera au rendez-vous si les conditions

 13   actuelles sont maintenues, c'est à vous de maintenir ces conditions."

 14   Krajisnik a dit devant l'assemblée lors de la même séance :

 15   "…il serait bien si nous pouvions faire quelque chose ou agir pour des

 16   raisons stratégiques, si nous pouvions commencer à mettre en place sur quoi

 17   nous nous sommes mis d'accord, à savoir la division ethnique sur le

 18   terrain."

 19   P4580, page 44.

 20   Et une fois qu'il est apparu clairement aux yeux de tous qu'Izetbegovic,

 21   qui - comme les négociateurs internationaux comme Henry Darwin et Lord

 22   Carrington - avaient exprimé leurs appréhensions au sujet de la réalisation

 23   des divisions ethniques dans une république mélangée ethniquement - page du

 24   compte rendu d'audience 42 393 - une fois que ceci est apparu clairement

 25   qu'il se rétractait, et que cet accord ne pouvait pas être signé, les

 26   Bosno-Serbes d'après les propres termes de Cutileiro "ont lancé une

 27   offensive violente." P771, page du compte rendu d'audience 42 446 à 47.

 28   Ont lancé cette offensive où ils ont fait montrent d'une force brutale dans


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  1   les régions qui ne leur avaient pas été accordées dans le cadre du plan,

  2   les cartes Cutileiro initiales, la Bosnie orientale, Sarajevo, la Neretva,

  3   cette tache verte au nord-est de la Bosnie. Contrairement aux affirmations

  4   de la Défense, rien ne pouvait correspondre davantage ou expliquer

  5   l'objectif commun.

  6   Et donc ceci n'a pas été révélé lors des négociations, et ce, délibérément,

  7   mais ces objectifs ont ensuite vu le jour - cette logique d'une politique

  8   qui avait des revendications territoriales sur des territoires où, semble-

  9   t-il, il était impossible de cohabiter avec ces autres peuples, impossible

 10   de vivre avec ce scénario de nettoyage des municipalités l'une après

 11   l'autre, mais également ce que les dirigeants bosno-serbes ont révélé à la

 12   communauté internationale et à leurs subordonnés, et qu'ils se sont dits à

 13   l'époque.

 14   Il était "évident", et manifeste, au commandant de secteur des Nations

 15   Unies Abdel-Razek, qu'il y avait un consensus parmi les dirigeants serbes

 16   et les commandants militaires s'agissant du nettoyage. Karadzic, Krajisnik,

 17   et Plavsic ont reconnu qu'il y avait un plan qui consistait à chasser les

 18   Musulmans des territoires serbes, et Karadzic et Mladic lui a dit un jour :

 19   "Les Musulmans seront transférés et quitteront le territoire serbe parce

 20   que nous ne pouvons pas vivre ensemble." Ils lui ont dit si tu "rates ta

 21   chance, nous n'aurons pas une autre." P293, paragraphe 33.

 22   Les dirigeants bosno-serbes de Serbie ont également expliqué au

 23   représentant des Nations Unies Harland, que les circonstances historiques

 24   nécessitaient que l'on chasse un nombre très important de Musulmans de

 25   Bosnie, en particulier en Bosnie orientale et parlait ouvertement du fait

 26   que les non-Serbes devaient quitter leurs territoires. P1, paragraphes 270,

 27   274.

 28   De la même façon, Anthony Banburry a compris lors de ses réunions répétées


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  1   avec les dirigeants des Serbes de Bosnie que : "Le nettoyage ethnique était

  2   la politique des Serbes de Bosnie. Ils ne voulaient que les Serbes sur le

  3   territoire qu'ils contrôlaient." Pièce P874, paragraphe 63.

  4   Comme l'ambassadeur Okun a expliqué :

  5   "La position des Serbes de Bosnie pendant toute cette période-là était

  6   qu'il faut séparer des gens, que des gens ne pouvaient pas vivre ensemble.

  7   Bien que les populations étaient ethniquement mixtes, les dirigeants des

  8   Serbes de Bosnie considéraient que "des gens doivent être séparés. Et que,

  9   bien sûr, ce que le nettoyage ethnique avait pour but d'accomplir." La

 10   Republika Srpska devait être homogène et ethniquement "pure", les Serbes de

 11   Bosnie utilisaient souvent ce mot 'pure' pour que la Republika Srpska soit

 12   ethniquement pure le plus possible." P3103, page 4 169.

 13   Et tous les responsables des Serbes de Bosnie - Karadzic, Krajisnic,

 14   Koljevic, [inaudible] Lukic - étaient très cohérents pour ce qui est de

 15   leur position sur la séparation physique qui était nécessaire entre les

 16   communautés, parce que les communautés ne pouvaient pas vivre ensemble.

 17   P3103, pages du compte rendu 4 205 et 4 220.

 18   Cette politique était connue aux dirigeants des Serbes en Croatie. Par

 19   exemple, en juillet 1991, lors d'une réunion dans le bureau de Milosevic,

 20   Karadzic insistait que Babic n'insiste plus sur la proposition pour

 21   l'unification avec la Krajina puisque cela pourrait contrecarrer les plans

 22   des Serbes de Bosnie pour créer une entité des Serbes de Bosnie qui

 23   inclurait les territoires où les Serbes étaient une minorité. Karadzic a

 24   expliqué qu'ils devaient attendre pour qu'Alija prenne une mesure politique

 25   erronée pour lier les territoires serbes en expulsant les Musulmans. C'est

 26   P4167, pages 87 à 98 [comme interprété]; et P4166, pages 52 à 54 [comme

 27   interprété].

 28   Ce message a été envoyé aux municipalités où des responsables locaux


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  1   mettaient en œuvre ce message. En juillet 1992, à Ilidza, à la session de

  2   l'assemblée, le président Prstojevic a félicité Karadzic pour ce qui a été

  3   acquis à Ilidza, faisant remarquer que "lorsqu'il avait été à Ilidza, il

  4   nous a encouragés, et les Serbes de Sarajevo ont pu retenir contrôle sur ce

  5   territoire et même augmenter le territoire dans certaines régions en

  6   chassant les Musulmans de ces territoires où, en fait, ils étaient en

  7   majorité."

  8   P4581, page 66.

  9   Le 30 juin 1992, Mladic et Karadzic se sont rencontrés à Zvornik avec les

 10   autorités militaires et civiles de Zvornik, Vlasenica, Srebrenica, Bratunac

 11   et d'autres régions locales, et lors de cette réunion, le commandant de la

 12   Défense territoriale de Zvornik, Pavlovic, s'est vanté à Karadzic en disant

 13   : "Nous étions les plus actifs pour ce qui est d'expulser les Musulmans."

 14   Et le président de la cellule de Crise, Grujic, a dit : "Nous avons mis en

 15   œuvre avec succès la décision du président pour installer nos enfants à

 16   Divic et à Kozluk."

 17   La politique se traduisait souvent aux choix des responsables locaux et aux

 18   pourcentages des Musulmans et des Croates qui pouvaient rester. A Sanski

 19   Most, c'était 2 %; à Bijeljina, c'était 2 %; à Banja Luka, c'était un petit

 20   pourcentage. C'est P365, pages du compte rendu 6 771 à 73; P1054,

 21  paragraphes 11, 31 et 32; le fait admis -- les pages du compte rendu 2 050 à

 22   2 051; et la pièce P3983, pages 1 à 3; pièce P6994, page 8.

 23   Et les responsables locaux ont accepté le plan commun sans faire référence

 24   à des pourcentages spécifiques. Par exemple, le président de la cellule de

 25   Crise de Rogatica ainsi que le commandant de la brigade de Rogatica, on

 26   disait qu'ils étaient en retard pour ce qui est du nettoyage. C'est P39

 27   [comme interprété], paragraphe 90 à 91.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, pouvez-vous regarder à


Page 44364

  1   la page 39 [comme interprété], ligne 18, je ne me souviens pas ce que

  2   j'avais entendu --

  3   M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est vrai, Monsieur le Président. Il a

  4   dit : "Nous avons mis en œuvre avec succès la décision du président pour

  5   installer nos enfants à Divic."

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je fais référence à deux lignes plus

  7   loin. Je regarde la ligne où il est dit que d'autres Musulmans et d'autres

  8   Croates qui pouvaient…

  9   M. TIEGER : [interprétation] Merci, oui. Ils pouvaient "rester". On leur a

 10   "permis de rester" sur ce territoire.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, continuez.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Lorsque cette politique n'était pas accomplie, les dirigeants des Serbes de

 14   Bosnie continuaient à l'appliquer. Lors des réunions avec certains

 15   dirigeants, Karadzic a offensé le maire de Banja Luka, Predrag Radic,

 16   puisqu'il n'a pas expulsé les non-Serbes et n'a pas détruit des mosquées,

 17   ce qui a été fait sur d'autres territoires.

 18   Ce qui a été confirmé par le témoin de la Défense Solaja qui a parlé de la

 19   "pression constante exercée sur Radic de la part des gens qui se trouvaient

 20   au sommet de la hiérarchie politique" par rapport à ces critiques parce que

 21   les mosquées n'étaient pas détruites. C'est 32 751 à 52, pages du compte

 22   rendu. Donc, Radic a été critiqué puisque les mosquées n'étaient pas

 23   détruites et étaient toujours debout.

 24   Karadzic a également parlé de l'existence de l'objectif commun au moment où

 25   il a expliqué à l'assemblée qu'il était préoccupé avant la guerre du fait

 26   que les Musulmans pourraient être d'accord avec les propositions de paix.

 27   Pourquoi il était préoccupé ? Parce que "nous avions des tâches militaires

 28   pas accomplies. Là, j'ai prié Dieu que rien ne soit accepté puisque nous


Page 44365

  1   avions des tâches à compléter."

  2   Et quelles étaient ces tâches militaires ? A Doboj, il a dit que les

  3   Musulmans étaient une majorité relative, et "aujourd'hui Doboj est presque

  4   à 100 % serbe. Des gens des montagnes sont arrivés pour s'installer dans la

  5   ville. Donc, nous pouvons nous considérer comme étant des vainqueurs

  6   puisque nous avons occupé cette terre, cette terre qui est maintenant à

  7   100 % serbe."

  8   P3066 [comme interprété], pages 23 et 25.

  9   La police, donc, pendant une réunion en janvier 1993 entre les responsables

 10   des Serbes de Serbie et des Serbes de Bosnie, y compris Mladic, Karadzic et

 11   Milosevic. Lorsque le ministre Jovanovic, du ministère des Affaires

 12   extérieures serbe, a demandé à Mladic et à Karadzic de poursuivre

 13   l'objectif qui consistait à rendre le territoire des Serbes de Bosnie

 14   "homogène du point de vue national le plus tôt possible" en utilisant des

 15   moyens plus subtils que le nettoyage ethnique parce que la communauté

 16   internationale les regardait. Il les a avertis que la liberté de

 17   circulation peut mener au fait que les populations se mélangent avec le

 18   résultat qu'"il faut accomplir de façon graduelle."

 19   Karadzic lui a dit que le fait d'avoir un territoire homogène national

 20   était déjà arrivé "dans une grande mesure", et il a cité l'exemple de

 21   Zvornik où il y avait 50 % de Serbes, et "le nombre d'habitants de Zvornik

 22   est maintenant le même, à peu près 50 000, et ils sont tous Serbes."

 23   P7746.

 24   L'adoption des formes d'épuration ethnique subtiles de ces territoires

 25   était, par exemple, l'utilisation de Vojkan par les responsables des Serbes

 26   de Bosnie, qui a nettoyé Bijeljina de milliers de Musulmans qui y sont

 27   restés en 1994, provoquant des plaintes de la communauté internationale et

 28   les promesses fausses par les responsables des Serbes de Bosnie qu'ils


Page 44366

  1   allaient enquêter là-dessus. P7799 [comme interprété], page 2, paragraphe

  2   7. Comme Karadzic l'a rappelé à Mladic et les autres à la séance du

  3   commandement Suprême, disant que c'est "désastreux pour nous", ce fait que

  4   les Musulmans soient restés.

  5   Le nettoyage entrepris par Vojkan, qui a fait cela comme étant un agent

  6   d'une agence privée, a permis aux responsables de nier cela, d'"appliquer

  7   un aveuglement délibéré" pour ce qui est de "la séparation des peuples, des

  8   cultures et des civilisations, et personne ne peut nous accuser de cela."

  9   P6723.

 10   Pour ce qui est de toutes ces preuves accablantes, la Défense soumet qu'au

 11   niveau de la république, la politique était telle que tous les citoyens

 12   pouvaient revenir, et c'est par rapport à l'existence de l'objectif commun

 13   pour les chasser par la force. Quel est donc le sens de cette politique ?

 14   C'est la logique qui explique pourquoi les responsables des Serbes de

 15   Bosnie disaient à plusieurs reprises qu'il faut s'assurer qu'ils ne

 16   rentrent pas, ceux qui avaient été expulsé. Depuis le début, les

 17   responsables des Serbes de Bosnie faisaient en sorte que la situation de

 18   fait soit tournée à leur avantage. Comme Karadzic a expliqué à la réunion

 19   des responsables de la Serbie et des Serbes de Bosnie à la présidence de la

 20   RSFY en décembre 1991, les Serbes devaient se préparer pour défendre leur

 21   cause, non seulement sur la base juridique mais sur "la base de fait".

 22   Et juste après la séance de l'assemblée conjointe où Karadzic a

 23   averti les Musulmans que demander l'indépendance allait menacer leur

 24   existence, Karadzic a expliqué à Milosevic que les Serbes de Bosnie

 25   "allaient" dans la direction d'établir une "situation de fait…" C'est

 26   P2659, pages 1 et 7.

 27   A la mi-février 1992, lorsque Karadzic a activé le deuxième niveau de

 28   la variante A et B, il a dit à ses fonctionnaires que "maintenant, il


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  1   serait plus important d'avoir une situation de fait sur le terrain," page

  2   5, ce qui permettrait aux Serbes de dire aux négociateurs que peut-être les

  3   Musulmans avaient raison mais qu'ils contrôlent la situation sur le

  4   terrain.

  5   A l'assemblée, Karadzic a dit aux représentants du SDS que la taille

  6   de leur Etat "serait déterminée par les conditions acceptées, et c'est à

  7   vous de les créer." P4580, pages 44 et 13.

  8   Le général Mladic et la VRS continuaient à mettre en œuvre cette

  9   politique pour créer une situation de fait sur le territoire pour obtenir

 10   une solution territoriale définitive. Comme Mladic a dit :

 11   "Qui tient le territoire décide des cartes" et "le peuple et son

 12   armée ont dessiné ces cartes."

 13   P1974, page 5.

 14   Okun a vu et la FORPRONU a vu que Mladic voulait qu'ils "entérinent

 15   ces lignes, ces frontières de la division ethnique."

 16   C'est P2810, paragraphe 2.

 17   Karadzic a dit à Mladic que "la Communauté européenne accepterait

 18   cette situation et qu'il ne fallait pas faire de concessions sur le niveau

 19   militaire."

 20   Mladic a parlé de l'importance de cette politique à ses soldats. Dans

 21   la directive 2, il a dit au commandement de corps :

 22   "Nous avons libéré des territoires que nous considérons comme étant

 23   les nôtres et nous avons créé les conditions pour nos responsables

 24   politiques de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine pour que toutes les

 25   activités et toutes les négociations par rapport à l'organisation future de

 26   la Bosnie-Herzégovine se déroulent sur des positions de ceux qui sont plus

 27   forts sur ce territoire."

 28   C'est D99, la première page.


Page 44368

  1   Et ce message était, en fait, transmis après l'opération de nettoyage

  2   ethnique par le 1er Corps de Krajina sur tout le territoire de la RAK. Le

  3   commandant Talic, le commandant du 1er Corps de Krajina, a dit à Mladic

  4   qu'il est important d'insister sur "la situation factuelle". C'est P360,

  5   page 54.

  6   "Nous avons libéré le territoire", c'est la formulation reprise de la

  7   directive 2 que nous avons vue auparavant. La Défense a défini ce terme

  8   "libéré" comme étant "lutte contre l'agression". C'est dans le mémoire en

  9   clôture au paragraphe 704. Pourtant, pour ce qui est d'une interprétation

 10   plus exacte de ce terme, on peut l'avoir dans les notes de Mladic à la

 11   réunion du 6 juin 1992, lorsqu'un responsable municipal de Bratunac a dit à

 12   Karadzic et à Mladic :

 13   "Dans la municipalité de Bratunac, à présent, il n'y a pas de

 14   Musulmans. C'est une ville complètement libérée."

 15   P353, page 101.

 16   Le succès des opérations de la VRS voulait dire que Mladic serait en

 17   possibilité de faire des rapports que cette approche a été accomplie avec

 18   succès. En 1993, Mladic a félicité l'état-major principal pour le fait que

 19   "notre équipe de négociation a fait tout pour changer la situation sur le

 20   terrain pour que cette situation devienne permanente…" et a rappelé

 21   Karadzic - comme cela a été déjà dit - "Monsieur le Président, vous avez

 22   commencé des positions qui étaient les plus favorables à Genève. Nous avons

 23   eu le résultat militaires dans notre main." P2508, page 33.

 24   Je pense qu'il est venu le moment pour faire la pause, Monsieur le

 25   Président, et nous allons continuer dans 20 minutes.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur Tieger.

 27   Nous allons faire la pause et nous allons reprendre à 12 heures 10.

 28   --- L'audience est suspendue à 11 heures 51.


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  1   --- L'audience est reprise à 12 heures 12.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Avant la pause, je parlais de la mise en place d'une situation de fait. Et

  5   nous avions interrompu l'audience lorsque nous parlions de la satisfaction

  6   de M. Mladic lorsqu'il présentait le résultat militaire et parlait de la

  7   situation aux négociateurs.

  8   Après avoir dès lors fait de la situation de fait une partie essentielle de

  9   leur stratégie de création d'un état et de définition de son territoire,

 10   les dirigeants serbesde Bosnie ne voulaient plus y renoncer; donc maintenir

 11   l'homogénéité des régions restait un objectif essentiel, si bien que

 12   Jovanovic -- ou comme Jovanovic l'avait gagné, ce qui avait été gagné ne

 13   serait plus perdu.

 14   Rappelez-vous que les dirigeants serbes de Bosnie avaient déclaré à Harland

 15   qu'ils avaient fait la pression sur le gouvernement de la Bosnie pour

 16   accepter le nettoyage ethnique et la nouvelle répartition des populations.

 17   Okun a également reconnu que les Serbes de Bosnie cherchaient à

 18   bétonner le nettoyage et pas à revenir sur ce qui avait été fait, "toute la

 19   revendication, par exemple, de la Drina, donc la rive gauche de la Drina,

 20   était basée sur le nettoyage ethnique. Ils le savaient, nous le savions."

 21   P3103, CR4192.

 22   Et il a également leur demande, la demande des dirigeants serbes de

 23   Bosnie, "à accommoder les réalités ethniques", Okun a expliqué que c'était

 24   une référence au nettoyage ethnique qui était "très claire et peu subtile".

 25   P3103, CR4215 jusqu'à 16.

 26   Un stratagème évident pour bétonner le nettoyage ethnique était la

 27   demande de référendums au cours desquels les habitants des territoires

 28   voteraient sur l'entité à laquelle ils souhaitaient être rattachés. Comme


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  1   Okun l'a expliqué : "Organiser un référendum dans des zones qui ont fait

  2   l'objet d'un nettoyage ethnique semble une formule très avantageuse pour

  3   l'auteur de ce nettoyage." P3103 et CR4245.

  4   Karadzic a informé sans ambiguïté ses fonctionnaires du fait que les

  5   négociateurs serbes de Bosnie insisteraient pour dire que la répartition du

  6   territoire dans un processus de paix serait régi par la situation de fait,

  7   donc ce qu'aurait obtenu la VRS. Ils expliquaient, par exemple, que si un

  8   jour Zvornik était à 60/40 à l'avantage des Musulmans, comme il le disait :

  9   "Nous revendiquons Zvornik sur la base du droit découlant d'une

 10   nouvelle réalité … cette guerre a créé la nouvelle réalité. Il y a là-bas à

 11   présent des Serbes de Zenica. Si vous voulez donner Zvornik aux Musulmans,

 12   alors vous devez mener une nouvelle guerre pour renvoyer ces Serbes à

 13   Zenica. Nous revendiquons Zvornik au titre de ce droit."

 14   P7357, page 5.

 15   Et je demande que l'on montre la présentation, s'il vous plaît.

 16   En plus, les dirigeants serbes de Bosnie ont clairement fait savoir

 17   qu'ils ne permettraient pas que les résultats du nettoyage ethnique soient

 18   remis en cause par un droit de retour. Donc, lorsqu'un représentant s'est

 19   plaint auprès de Karadzic qu'un accord de paix aurait pour conséquence que

 20   "chacun puisse regagner son territoire" Karadzic lui a assuré que les

 21   Serbes de Bosnie contrôleraient leurs frontières et installeraient "du fil

 22   barbelé pendant 10 ans." P2508, pages 22 et 23.

 23   Et c'était indépendamment des promesses qui seraient faites à la

 24   communauté internationale. Donc, lorsque le Club des adjoints s'est réuni,

 25   le président a insisté que même pas "500 Musulmans" seraient autorisés à

 26   revenir. Karadzic a reconnu que "ce que M. Maksimovic a dit est exact",

 27   mais il a expliqué qu'en vertu du droit international, ils ne seraient pas

 28   autorisés à interdire leur retour. C'est la raison pour laquelle Karadzic a


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  1   déclaré qu'il avait insisté pour un "processus à deux sens". P3076, page

  2   38. Cela signifiait que les "Musulmans de Kozluk pouvaient retourner à

  3   Kozluk si les Serbes de Kozluk retournaient quant à eux à Zenica." Et les

  4   Serbes de Zvornik n'avaient nullement l'intention de bouger. Comme Karadzic

  5   l'a expliqué :

  6   "Nous pouvons agir à la serbe, à la cyrillique, et le leur dire en

  7   face, ou être un petit peu plus rusé. En fait, nous devons être quelque peu

  8   rusés."

  9   P0484 [comme interprété], page 8.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous demanderais de

 11   ralentir, car vos propos ne sont pas consignés correctement au compte rendu

 12   et nous voudrions pouvoir le lire par la suite.

 13   M. TIEGER : [interprétation] D'accord.

 14   Les dirigeants serbes de Bosnie ont également créé un programme

 15   démographique pour installer des réfugiés dans les régions visées par les

 16   objectifs stratégiques pour garantir le déplacement forcé des non-Serbes.

 17   Voir paragraphes 475 à 477 du mémoire de l'Accusation.

 18   L'objectif de ce programme est bien illustré par l'exemple du co-président

 19   Radislav Brdjanin, un homme attaché aux territoires homogènes. Brdjanin a

 20   un jour défendu une loi sur le logement à laquelle il était reproché de

 21   favoriser le retour des Musulmans en disant :

 22   "Messieurs, vous n'arriverez pas à me faire croire à cet incroyable

 23   miracle qui verrait Brdjanin participer à un processus de retour des

 24   Croates et des Musulmans."

 25   P6742, page 11.

 26   Ici encore, si vous examinez bien les affirmations de la Défense, à

 27   savoir ici l'affirmation selon laquelle les réfugiés expulsés étaient

 28   "libres de retourner", paragraphe 459 du mémoire de la Défense; et les


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  1   moyens de preuve démontrent non seulement que l'affirmation est fausse,

  2   mais en plus, qu'il existait vraiment cet objectif commun.

  3   Comme nous l'avons déjà examiné, les tentatives de la Défense de

  4   présenter -- la Défense cherche à présenter le général Mladic comme le

  5   protecteur des Musulmans et des Croates. Ce faisant, elle se fonde à

  6   plusieurs reprises sur les remarques délirantes de Mladic lors de la

  7   session de l'assemblée au cours de laquelle il a été officiellement nommé

  8   chef de l'état-major principal. Ils disent que cela reflète sa

  9   bienveillance, aux paragraphes 559, 115, 568, 788, et cetera.

 10   Il est surprenant qu'on utilise ceci pour démonter la prétendue

 11   bienveillance de Mladic vis-à-vis des non-Serbes, si l'on tient compte de

 12   ses critiques, le fait qu'il veuille "cracher" sur Sarajevo avec des

 13   mortiers, qu'il demande à ce qu'il y ait davantage de mortiers, cette

 14   affirmation selon laquelle il rendrait Sarajevo "encore plus" qu'inutile et

 15   son intention de détruire ses infrastructures et ses services

 16   d'approvisionnement, tout en en faisant porter la responsabilité aux

 17   Musulmans. Paragraphes 617 à 623.

 18   De surcroît, si l'on examine les citations de la Défense dans leur

 19   contexte et à la lumière de tous nos moyens de preuve, la 16e Session, même

 20   le discours de Mladic corrobore l'objectif commun encore davantage. Le 12

 21   mai 1992, la date de la session, les forces serbes de Bosnie avaient pris

 22   le contrôle de la quasi-totalité des municipalités revendiquées. Si les

 23   non-Serbes avaient été expulsés dans certaines régions, le gros du

 24   nettoyage nécessaire pour homogénéiser ces territoires n'avait pas encore

 25   eu lieu. Lors de cette période, alors que les saisies avaient lieu et avant

 26   l'accession de général Mladic, le docteur Karadzic et les dirigeants bosno-

 27   serbes ont redoublé d'efforts, des efforts qui avaient commencé au cours

 28   des mois qui avaient précédé pour créer une armée serbe en Bosnie et, en


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  1   particulier, Karadzic, cherchait la personne adéquate pour réaliser les

  2   objectifs bosno-serbes.

  3   Et ce n'est guère étonné, ils ont suivi la situation en Croatie où

  4   les forces serbes et, en particulier la JNA, avaient déplacé des Croates de

  5   zone revendiquées par les Serbes pour créer un Etat serbe - paragraphes 204

  6   à 208 - un effort soutenu par les dirigeants bosno-serbes. C'est P2668 et

  7   P2671. Karadzic considérait la RSK comme un exemple. Et il a utilisé

  8   l'exemple en parlant d'"une autoroute vers l'enfer et la souffrance"

  9   lorsqu'il a signalé au parlement de Bosnie qu'une initiative d'indépendance

 10   conduirait à l'éventuelle extinction des Musulmans.

 11   Comme indiqué aux paragraphes 204 à 208 de notre mémoire, le général

 12   Mladic était un personnage-clé de cette route vers l'enfer. En arrivant en

 13   Croatie, il a modifié le rôle de la JNA, qui était un tampon entre les deux

 14   parties, et en a fait une armée qui a pris le parti des Serbes. P7638.

 15   Dans cette nouvelle situation, Mladic a mené des attaques contre des

 16   villes et des villages, tels que Kijevo, Drnis, Sibenik, Sinj, Srbinje, et

 17   a promu les objectifs territoriaux des Serbes par la destruction des

 18   villes, les meurtres et l'expulsion des habitants. Il a utilisé les

 19   attaques comme menaces pour les autres en disant, par exemple, à un

 20   interlocuteur que "Kijevo serait un jardin de fleurs comparé à ce que vous

 21   connaîtrez si vous vous en prenez à moi."

 22   La manière dont il devait réaliser ses objectifs ou dont il concevait

 23   ses objectifs peut être résumée par ces commentaires :

 24   "Rien ne sortira de la Dalmatie, sinon des enfants de moins de 10

 25   ans, s'ils continuent comme cela. Tous ceux qui sont plus âgés que 10 ans

 26   et plus jeunes que 75 ans seront condamnés à Sibenik. Et il n'y aura plus

 27   une seule maison debout à moins qu'ils finissent le travail comme on l'a

 28   fait à Sinj."


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  1   P1959 et 7052, page 8.

  2   Karadzic avait entendu parler de Mladic et il "s'est intéressé à

  3   lui". P483 [comme interprété], page 324.

  4   Lui et Krajisnik se sont rendus au bureau du général Kukanjac et ont

  5   entendu Mladic "donner des ordres et commander près de Kupres et Knin."

  6   Après cela, comme il l'a dit à l'assemblée :

  7   "Messieurs, nous avons les officiers que nous avons demandés. J'ai

  8   demandé Mladic." P4583, page 324. Le général Mladic, décrit par Karadzic

  9   comme étant "le combattant glorieux de la Krajina." P2001, page 118.

 10   Quand on examine le paragraphe 20 du mémoire de l'Accusation, le 30

 11   avril 1992, lors d'une réunion en compagnie de Milosevic et d'autres

 12   dirigeants serbes et de la Yougoslavie, les Serbes de Bosnie "se sont dotés

 13   de leurs militaires", en ce compris l'accord selon lequel Mladic

 14   deviendrait commandant de la future armée serbe de Bosnie. Quelques jours

 15   plus tard, Mladic rencontrait les dirigeants bosno-serbes pour formuler les

 16   objectifs stratégiques qui orienteraient cette armée naissante. Mémoire en

 17   clôture de l'Accusation, paragraphe 209.

 18   Quelques jours plus tard, lors de la 16e Session, Karadzic a fait

 19   rapport sur les conditions politiques et la guerre et, ce faisant, il a

 20   énoncé les six objectifs stratégiques. La réalisation de ces six objectifs

 21   "terminerait la lutte pour la liberté du peuple serbe." P431, page 10.

 22   Après son discours, plusieurs dirigeants ont pris la parole et

 23   certains ont indiqué que les zones géographiques non couvertes par les

 24   objectifs, par exemple, Tuzla et Bihac, devraient également être couvertes.

 25   Brdjanin a, par exemple, regretté qu'un colonel musulman enseignait

 26   l'éducation politique au Corps de Banja Luka.

 27   "Comment est-il possible qu'un Musulman fasse encore de l'éducation

 28   ou de la formation politique au Corps de Banja Luka ?"


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  1   P431, page 35 [comme interprété].

  2   Et même si l'intervention de M. Mladic n'était pas prévue à l'ordre

  3   du jour, il "a demandé la parole" après avoir entendu ces remarques.

  4   Et il a communiqué ce que l'on attend de l'homme qui avait été choisi

  5   sur la base de ces faits d'armes en Croatie pour favoriser la mise en

  6   oeuvre militaire de ces objectifs.

  7   "Je sais ce que je fais. Respectons les objectifs que les autres

  8   dirigeants et moi-même avons énoncés et ne nous rendons pas les choses

  9   difficiles en en faisant trop ou en révélant notre plan secret."

 10   Mladic a cité ses expériences en Croatie pour faire valoir son

 11   savoir-faire et ses réflexions sur ce qu'il y avait lieu de faire.

 12   Mladic a déclaré : "Nos objectifs, nous les avons réalisés. Mais il

 13   faut être réaliste, même avec une armée comme les Chinois, je ne sais pas

 14   si nous pourrons les réaliser." Il a expliqué : "Les gens ne sont pas des

 15   clés dans une poche que l'on peut déplacer. C'est quelque chose qui est

 16   facile à dire mais difficile à faire." P431, 32 à 34.

 17   Et il a rappelé à l'assemblée que : "La chose que nous faisons doit

 18   être entourée du secret le plus strict."

 19   Et que les représentants doivent présenter les objectifs d'une

 20   manière qui puisse apaiser la communauté internationale tout en permettant

 21   que "notre peuple puisse lire entre les lignes." Page 34 de la pièce P431.

 22   Il a également reproché à Brdjanin ses critiques du Musulman qui

 23   enseignait au Corps de Banja Luka.

 24   Il a répondu qu'il valait mieux avoir Hasotic, qui avait servi en

 25   Croatie, qui "sait mieux comment me neutraliser." Il était mieux de l'avoir

 26   avec eux que contre eux. Donc, on ne peut pas avoir une sorte de tamis. On

 27   ne peut pas se débarrasser de tout le monde. C'est la même chose que ce

 28   qu'il avait dit sur l'apaisement de la communauté internationale. Comment


Page 44377

  1   est-ce que Karadzic expliquerait cela ? Ça, c'est à la page 35.

  2   De même, il a évoqué sa visite récente à Kalinovik, où des villageois

  3   musulmans terrorisés - il a utilisé les mots de "frayeur, pouvoir, prière à

  4   aucun Dieu" - donc, sa récente visite au cours de laquelle ces villageois

  5   l'ont rencontré dans une scène qui lui a remis en mémoire, comme le

  6   ministre de l'information Ostojic qui était avec lui l'a déclaré, un

  7   rapport de maître à serviteur. Ces Musulmans écrasés et serviles de sa

  8   ville d'origine majoritairement peuplée de Serbes lui ont remis en mémoire

  9   un autre exemple de Musulmans qu'il ne fallait pas expulser ou noyer. Voilà

 10   dans quel contexte se situent les remarques de Mladic. Et puis, il a aussi

 11   supervisé - avant la fin du mois - le début de la mise en oeuvre brutale

 12   par la VRS des objectifs stratégiques dans les villages musulmans et

 13   croates, ainsi que les villes et communautés musulmanes et croates.

 14   En tant qu'expert historique, Kovic a reconnu qu'il convenait

 15   d'examiner ce qui s'était passé sur le terrain avant de déterminer ce

 16   qu'untel ou un autre avait l'intention de faire. CR 42 007.

 17   La Défense, toutefois, cherche à créer une certaine distance entre

 18   Mladic et les objectifs stratégiques en les présentant d'une façon assez

 19   neutre. Elle déclare d'abord que les objectifs stratégiques n'avaient rien

 20   à faire avec un plan commun visant à chasser par la force les Musulmans et

 21   argue du fait que l'Accusation ignore que Karadzic a défini le premier

 22   objectif en tant que "création d'Etats séparés".

 23   Ce que la Défense ne dit pas, c'est qu'après avoir parlé d'Etats,

 24   Karadzic a immédiatement continué en établissant clairement qu'il

 25   s'agissait de peuple. 

 26   "Séparation par rapport à ceux qui sont nos ennemis et qui ont

 27   utilisé toutes les occasions, en particulier au cours du siècle actuel,

 28   pour nous attaquer et qui continueront ces pratiques si nous continuons à


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  1   être ensemble au sein du même Etat."

  2   P431, page 9.

  3   Le général Mladic savait certainement ce qu'il voulait dire. Quelques jours

  4   auparavant à peine, le 6 mai, lors d'une de ces rencontres au sujet des

  5   objectifs stratégiques, Karadzic avait dit :

  6   "Nous sommes à la veille de réaliser un rêve séculaire, celui de créer

  7   notre propre Etat en l'absence de nos nombreux ennemis de l'intérieur."

  8   P352, pages 257 à 258.

  9   De même, le général Gvero, qui assistait également à la 16e Session de

 10   l'assemblée - CR 16 902 - a compris que : "Tout le monde doit vivre dans

 11   son territoire, les Musulmans en territoire musulman, les Serbes en

 12   territoire serbe." P7394, page 3.

 13   La Défense déclare également que durant la 16e Session de l'assemblée, "il

 14   y a eu une absence notable de discussions concernant la séparation ou le

 15   déplacement des Musulmans." Paragraphe 413.

 16   Cette affirmation ignore tout simplement des commentaires tels que ceux de

 17   Radic par rapport au processus de "relocalisation" ou "relogement". P431,

 18   page 15. Ou les références faites par Milojevic au fait que les frontières

 19   avaient un lien avec les objectifs stratégiques et que cela "implique

 20   intrinsèquement le déplacement de contingents entiers de population." Page

 21   33. Ou la référence aux "bonnes nouvelles" que signifiaient les objectifs

 22   stratégiques du fait qu'ils impliquaient la relocalisation des Musulmans de

 23   l'autre côté de la rivière Una et le fait qu'ils ne reviendraient pas.

 24   P431, page 20.

 25   La Défense déclare en outre que si le général Mladic a peut-être entendu

 26   parler des objectifs stratégiques, il cherche à dire qu'il "n'avait pas

 27   d'information" à leur sujet, et les éléments de preuve n'étayent pas cette

 28   formulation, en tout cas pas le fait qu'il en ait parlé ou qu'il les ait


Page 44379

  1   appliqués.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous demanderais

  3   encore une fois de ralentir pour la transcription et l'interprétation

  4   française.

  5   Veuillez procéder.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Je parlais de l'affirmation de la Défense,

  7   Monsieur le Président, selon laquelle les éléments de preuve n'étayent pas

  8   la réalité, du fait que le général Mladic aurait formulé ou appliqué les

  9   objectifs stratégiques. Déclarer ça, cela signifie ignorer des faits tels

 10   que les faits suivants :

 11   1. Que le général Mladic a dit expressément à la 16e Séance de l'assemblée

 12   : "J'ai lu, réfléchi pendant longtemps et discuté au sein de mes camarades

 13   les plus proches qui étaient convoqués les objectifs stratégiques qui ont

 14   une importance réelle." P431, page 32.

 15   2. Que Milovanovic a dit : "Jusqu'à présent, notre armée a réalisé quatre

 16   objectifs stratégiques, à savoir les missions…" Il a ajouté ensuite : "Et

 17   telle est la base à partir de laquelle nous devons nous embarquer dans les

 18   négociations." P7764, page 2.

 19   3. Que Mladic a dit à l'assemblée : "Les missions de l'armée dans cette

 20   guerre émanent de six objectifs stratégiques connus et adoptés par notre

 21   assemblée." P4583, page 22.

 22   Ou encore, le fait que le rapport d'aptitude au combat déclarait que : "Les

 23   objectifs stratégiques servaient de directives en vue de la planification

 24   d'opérations réelles et concernaient les combats." P338, page 159.

 25   Et puis, j'ajouterais encore un exemple, à savoir que durant une réunion

 26   tenue le 8 novembre 1992, à laquelle participaient Mladic, Karadzic,

 27   Krajisnik et des commandants de corps d'armée, l'importance a été mise

 28   spécialement sur la Drina, et Krajisnik a fait remarquer que l'armée avait


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  1   réalisé quelques objectifs stratégiques mais pas tous, en particulier pas

  2   l'objectif stratégique numéro 3. Par conséquent, disait-il, la mission la

  3   plus importante consistait à procéder au ratissage - "ciscenje" en B/C/S,

  4   ce qui veut le nettoyage de la Drina. Et la directive 4 ordonnant le

  5   "ciscenje", le nettoyage de la Drina, était émise deux semaines plus tard.

  6   P356, pages 146, 147.

  7   Donc, encore une fois, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on

  8   gratte un peu la surface des affirmations de la Défense et on fait

  9   apparaître l'objectif commun.

 10   J'ai déjà longuement évoqué la disparité entre les postulats de la Défense

 11   et les notes en bas de page à l'appui de ces postulats. La précaution

 12   nécessaire lorsqu'on se penche sur ces affirmations concerne également les

 13   postulats juridiques.

 14   Par exemple, la Défense prétend s'attaquer de façon très globale, mais sans

 15   aucune information à l'appui, à la notion de responsabilité au titre de

 16   l'entreprise criminelle commune en se fondant sur un mépris complet pour la

 17   jurisprudence établie par la Chambre d'appel, déclarant que Tadic devait se

 18   limiter aux affaires les moins importantes. Elle laisse de côté les arrêts

 19   Krajisnik, paragraphe 659 [comme interprété]; arrêt Brdjanin, paragraphes

 20   422 à 425; et arrêt Djordjevic, paragraphe 40.

 21   Contestant le fait que la responsabilité au titre de l'entreprise

 22   criminelle commune existe en tant que partie intégrante du droit coutumier,

 23   elle ignore totalement les confirmations faites dans l'arrêt Djordjevic,

 24   paragraphes 43 et 44, quant à la validité de la démarche adoptée par Tadic.

 25   De même, l'arrêt Popovic, paragraphe 1 674, et l'arrêt Djordjevic,

 26   paragraphes 50 et 52, montrent clairement que les conclusions d'autres

 27   tribunaux ne sont pas exécutoires pour le Tribunal dont il est question.

 28   Les arrêts Sainovic, paragraphe 611, et Kvocka, paragraphes 115 à 119,


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  1   établissent qu'un plan commun ou un objectif commun peut être déduit de

  2   l'observation des faits et n'exigent pas que preuve soit apportée d'un

  3   accord supplémentaire entre l'accusé et les autres membres de l'entreprise

  4   criminelle commune.

  5   Contrairement aux arguments de la Défense, arrêt Brdjanin, paragraphes 413

  6   à 414, il a été établi qu'un membre de l'entreprise criminelle commune peut

  7   être tenu responsable d'actes de commission physique de la part de non-

  8   membres de l'entreprise criminelle commune. Voir également les arrêts

  9   Stanisic/Zupljanin, paragraphes 994 à 996.

 10   Les tentatives de la Défense d'importer de nouveaux critères pour

 11   établir la responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune 3 ont

 12   été rejetées déjà dans les appels Stanisic/Zupljanin, paragraphes 963 à

 13   966; et la Chambre d'appel a affirmé à plusieurs reprises les critères

 14   établis dans les démarches de l'Accusation, par exemple, arrêt Stanisic,

 15   paragraphes 596 [comme interprété] et 614; arrêt Sainovic, paragraphes

 16   1 061, 1 557; arrêt Brdjanin, paragraphes 365 et 411.

 17   Quant au fait que la responsabilité au titre de l'entreprise criminelle

 18   commune s'applique à tous les crimes, et notamment aux crimes faisant

 19   l'objet d'une intention précise, voir arrêt Zupljanin, paragraphe 599;

 20   l'appel interlocutoire le 19 mars 2004; et arrêt Djordjevic, paragraphe

 21   919. Donc, ces défauts de qualification juridique sont associés, par

 22   ailleurs, à des travestissements des faits qui concernent le chef

 23   d'accusation numéro 11 relatif aux otages. Par exemple, la Défense affirme

 24   aux paragraphes 165 à 166 [comme interprété] de son mémoire en clôture que

 25   le chef d'accusation numéro 11 comporte un "défaut procédural" parce que

 26   l'article commun 3 établit un certain nombre de critères à respecter par

 27   les parties dans le cadre d'un conflit interne et que le conflit en Bosnie-

 28   Herzégovine était international en 1995.


Page 44382

  1   Contrairement à la notion de la Défense, le Tribunal a conclu, y compris

  2   s'agissant de la question de la prise d'otages, que l'article commun 3 des

  3   conventions de Genève s'applique aussi bien à des conflits internationaux

  4   qu'à des conflits non internationaux. Et c'est ce que la Chambre de

  5   première instance Karadzic a conclu le 28 avril, au paragraphe 59 de son

  6   jugement, et également la Chambre d'appel dans sa décision Tadic du 2

  7   octobre 1995. Voir également le paragraphe 150. Interpréter les protections

  8   garanties par l'article commun 3 comme inapplicable à un conflit

  9   international est donc une erreur. La Défense déclare que le chef

 10   d'accusation numéro 11 a un défaut procédural, qu'il est infondé et

 11   contraire au droit établi.

 12   Dans le même ordre d'idée, la Défense affirme également au paragraphe 3 313

 13   de son mémoire en clôture que même si certains tribunaux ont estimé que les

 14   soldats chargés de maintenir la paix bénéficiaient de la protection

 15   garantie par l'article commun 3, les détenus des Nations Unies avaient

 16   abandonné cette protection en participant activement au conflit.

 17   Eh bien, cette affirmation étonnante choisit tout d'abord de ne pas tenir

 18   compte du libellé de l'article commun 3 en tant que tel, qui s'applique

 19   expressément "aux personnes ne prenant aucune part aux hostilités, et

 20   notamment aux membres des forces armées placées hors de combat en raison,

 21   entre autres, d'un placement en détention." Cette affirmation étonnante est

 22   faite ou fi également de la jurisprudence du Tribunal qui confirme que la

 23   prohibition de la prise d'otages est "absolue et ne souffre aucune

 24   exception" et s'appliquant au personnel des Nations Unies, quel qu'ait pu

 25   être leur statut avant la mise en détention. Karadzic, arrêt de la Chambre

 26   d'appel, décision au titre de l'article 98 bis le 11 décembre 2012,

 27   paragraphe 16.

 28   Ces erreurs de qualification juridique par rapport à la question des otages


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  1   répondent des erreurs de qualification quant aux faits de la part de la

  2   Défense. La Défense déclare, par exemple, qu'aux environs du 28 mai 1995,

  3   Mladic a conversé avec Smith dans ce qui est décrit comme une atmosphère

  4   calme au cours d'une réunion pendant laquelle il n'a menacé personne et n'a

  5   proféré aucune menace à l'égard en particulier des détenus. Paragraphe

  6   3 382. En dehors du fait que pendant cette conversation Mladic a reconnu

  7   que certains personnels des Nations Unies détenus étaient considérés comme

  8   des cibles potentielles pour l'OTAN - P2558 - ceci laisse de côté des

  9   éléments de preuve tels que les éléments suivants : la conversation de

 10   Mladic avec Smith deux jours auparavant pendant laquelle Smith avait

 11   déclaré que s'il y avait d'autres frappes aériennes, les observateurs des

 12   Nations Unies seraient tués et que le sort des otages était entre les mains

 13   de Smith. P7540, page 2; P2557, page 4; P791.

 14   Le fait qu'un otage a été menotté et filmé sur le site de radar de Jahorina

 15   parce que Mladic souhaitait que les gens des Nations Unies filment à cet

 16   endroit. P2554, page 13.

 17   Le fait que Milovanovic avait émis un ordre de l'état-major principal -

 18   adopté par le commandant suprême - visant à la répartition de 103 détenus

 19   dans différents corps d'armée et à un déploiement dans différents entrepôts

 20   au sein de ce corps d'armée "dans le but d'empêcher les dirigeants de

 21   l'OTAN de mener à bien leurs intentions." Et le fait que le 30 mai 1995,

 22   Mladic a ordonné au RSK de "mettre un point final au désarmement et à la

 23   capture des membres de la FORPRONU et de leur déploiement dans des

 24   installations qui avaient été considérées comme des sites possibles pour

 25   des frappes aériennes de l'OTAN." Ça, c'est au paragraphe 3 de la page 7

 26   [comme interprété].

 27   Alors, il y a encore deux autres questions juridiques dont j'aimerais

 28   parler. La Défense affirme également que l'Accusation est tenue de prouver


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  1   que les auteurs physiques étaient les outils de l'entreprise criminelle

  2   commune et en possédait l'intention spécifique qui est le critère

  3   nécessaire pour prononcer un génocide. Paragraphe 251. L'intention de

  4   l'auteur physique, bien entendu, est pertinente dans la mesure où la

  5   Chambre de première instance peut conclure que ni Mladic ni aucun autre

  6   membre de l'entreprise criminelle commune n'avaient le mens rea nécessaire

  7   ou une intention génocidaire. C'est ce que l'on trouve dans l'arrêt

  8   Krajisnik, paragraphe 226; l'arrêt Brdjanin, paragraphe 410. Et nous

  9   reviendrons demain sur l'élément numéro 4.

 10   Et enfin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais rapidement

 11   évoquer l'argument 73 bis, autre argument qui est réduit à néant lorsqu'on

 12   le regarde de plus près. La réduction en vertu de l'article 73 bis en

 13   l'espèce concernait les incidents faisant partie du plan, tels que reflétés

 14   dans le premier paragraphe des arguments de l'Accusation. Après explication

 15   au paragraphe 1, où l'on trouve "l'énumération des crimes", il importe de

 16   présenter des éléments de preuve, et il est noté encore une fois au

 17   paragraphe 7 que "les crimes planifiés" ont été identifiés et que des

 18   éléments de preuve seront présentés à leur sujet sans qu'il y ait réduction

 19   de l'ampleur de l'affaire. Par la suite, la Chambre de première instance a

 20   adopté la proposition à la demande de l'Accusation de déposer un acte

 21   d'accusation amendé conformément à la décision, ce que l'Accusation a fait.

 22   L'acte d'accusation amendé allait plus loin que les incidents pris en

 23   compte au départ - sans surprise. Aucune objection n'a été faite par

 24   rapport aux 11 chefs d'accusation de cet acte d'accusation amendé. Par

 25   conséquent, l'Accusation a présenté des éléments de preuve démontrant de

 26   façon persuasive le transfert et la déportation. Aucune objection n'a été

 27   faite par rapport à ces éléments de déportation sous la contrainte.

 28   La chaîne de commandement a été l'un des éléments pris en compte dans


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  1   ces 11 chefs d'accusation. Les réductions dues à l'article 73 bis ne

  2   doivent donc pas être interprétées autrement qu'une façon raisonnable de

  3   s'occuper de l'affaire pendant les quelques années qui suivaient.

  4   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voilà, je suis arrivé au

  5   terme de ma présentation ce matin.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

  7   Monsieur Traldi, vous êtes ici, donc vous avez sans doute entendu mes

  8   observations quant à la rapidité du débit que j'ai adressées à M. Tieger.

  9   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Alors, dès le lendemain de la 16e Séance de l'assemblée, le général Mladic

 11   a dirigé une campagne de nettoyage ethnique qui avait pour but la mise en

 12   œuvre de l'objectif criminel commun que M. Tieger vient de décrire. Il

 13   s'agissait de mettre en œuvre cette campagne de nettoyage. La VRS ainsi que

 14   les autres forces bosno-serbes ont repris un scénario de crimes sur tout le

 15   territoire de la Republika Srpska et en particulier dans les municipalités

 16   reprochées dans l'acte d'accusation. Mladic a utilisé sa position au

 17   commandement et au contrôle sur le VRS pour mener sa campagne.

 18   Effectivement, la campagne de nettoyage s'est intensifiée dès que la VRS a

 19   commencé à fonctionner sous son propre nom le 19 mai 1992. Dans les 15

 20   premiers jours de son existence, la VRS a mené des opérations de nettoyage

 21   dans six différentes municipalités reprochées dans l'acte d'accusation. Ces

 22   opérations comprenaient huit des massacres qui sont reprochés au général

 23   Mladic. Les unités de la VRS et les autres forces bosno-serbes ont mis en

 24   place des camps dans lesquels ils ont détenu et maltraité des civils non-

 25   serbes, à Manjaca, à Banja Luka, à Susica, à Vlasenica, à l'école Veljko

 26   Vlahovic à Rogatica, à Omarska, Keraterm et Trnopolje à Prijedor.

 27   Mladic a utilisé sa position sur ses subordonnés pour réaliser le

 28   nettoyage. Il a expliqué à la 16e Assemblée que ceci serait difficile mais


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  1   qu'il y aurait un scénario de crimes terribles, une municipalité après

  2   l'autre. Ceci a déchiré des familles et des communautés non-serbes et a

  3   laissé derrière elles des églises catholiques et des mosquées détruites, a

  4   détruit des villages musulmans et croates entiers, les transformant en

  5   coquille vide, et des fosses communes dans lesquelles ont été jetées des

  6   victimes, alors que ceux qui n'avaient pas encore été tués ont fui,

  7   terrorisés, dans des camps en attendant le prochain détenu qui sera

  8   brutalisé.

  9   Je vais tout d'abord parler du commandement et du contrôle qu'exerçait

 10   Mladic pour mettre en œuvre cet objectif commun, ensuite la connaissance

 11   qu'il avait de la campagne de nettoyage et le fait qu'il l'a approuvée. Je

 12   vais également parler de certains aspects spécifiques dans certaines

 13   municipalités.

 14   Les éléments de preuve montrent ce que les témoins ont vu et entendu dès le

 15   début de la guerre : Mladic exerçait un commandement ferme et sûr sur la

 16   VRS et les forces bosno-serbes qui lui étaient subordonnées pendant toute

 17   la durée de la campagne.

 18   Encore une fois, le général de brigade Wilson, qui était en Bosnie depuis

 19   la création de la VRS, a dit dans sa déposition que les opérations de la

 20   VRS étaient sophistiquées, bien organisées, nécessitant un bon commandement

 21   et un bon contrôle. Et le colonel Tucker a expliqué que rien ne pouvait se

 22   passer sur le plan militaire en Republika Srpska sans l'approbation

 23   particulière de Mladic :

 24   "Il est clair que c'est lui qui prenait toutes les décisions militaires qui

 25   importaient."

 26   Lors de la 16e Séance de l'assemblée, Mladic a clairement indiqué qu'il

 27   insistait sur une unicité de commandement. Il a dit aux membres de

 28   l'assemblée :


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  1   "Je sais comment commander une armée, mais pour pouvoir commander, j'ai

  2   besoin d'avoir une armée, et on ne peut pas avoir 100 maîtres dans une

  3   seule maison. L'armée doit disposer d'un commandement unifié."

  4   Il a pris des mesures immédiates pour s'assurer de ce commandement unifié,

  5   alors qu'il donnait des ordres à la tête de la 2e Région militaire.

  6   Quelques jours après, Unkovic a demandé à Mladic si les hommes de --

  7   L'INTERPRÈTE : Nom inaudible.

  8   M. TRALDI : [interprétation] -- étaient placés sous le commandement de

  9   Mladic. Voici la réponse de Mladic.

 10   L'INTERPRÈTE : Il s'agissait à Ilidza du membre Ukinovic [phon] le

 11   lendemain, le 13 mai 1992. Précision de l'interprète.

 12   [Diffusion de la cassette audio]

 13   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 14   M. TRALDI : [interprétation] J'ai omis de dire qu'il s'agit de la pièce

 15   P403, dont ils disposent.

 16   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 17   M. TRALDI : [interprétation] Un passage identifié lorsque nous le leur

 18   avons donné.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, reprenons dans ce cas, si tout le

 20   monde est prêt.

 21   [Diffusion de la cassette audio]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "U : Encore une question.

 24   M : Oui. Oui.

 25   U : Alors, il y a des hommes d'Arkan qui sont ici.

 26   M : Oui.

 27   U : Ils sont placés sous notre commandement ?

 28   M : Oui, tous. Ils sont tous en armes et placés sous mon commandement s'ils


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  1   restent en vie."

  2   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

  3   M. TRALDI : [interprétation] A ce stade, Mladic donnait déjà des ordres à

  4   cette date, encore officiellement, avec des lettres à en-tête de la 2e

  5   Région militaire et le long de la chaîne de commandement. P3056 et 3057.

  6   Comme l'a dit Milovanovic dans sa déposition, le corps de la JNA, à ce

  7   moment-là, a envoyé des rapports de combat au QG de l'état-major principal.

  8   Et Mladic, au téléphone, exerçait son commandement, comme vous l'avez

  9   entendu, sur le Groupe tactique de Kalinovik. P1597.

 10   Le 19 mai, le général Gvero a informé les unités subordonnées de la VRS que

 11   Mladic était le commandant de la VRS : "Tous les autres éléments importants

 12   constitutifs d'une organisation unifiée de direction et de commandement ont

 13   été établis."

 14   P7325, page 2.

 15   Donc, l'état-major a conclu qu'effectivement, elle avait un contrôle

 16   effectif sur les forces militaires bosno-serbes à partir du 19 mai 1992. La

 17   VRS a hérité de ces structures de commandement, notamment de son personnel

 18   et de ses armes, de la JNA. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire en

 19   clôture, aux paragraphes 11 à 13 [comme interprété], il s'agit d'un plan

 20   visant à créer une armée bosno-serbe avec des membres de l'entreprise

 21   criminelle commune, qu'ils ont partagé à partir du mois de décembre 1991 et

 22   qui avait été lancé à l'origine par Slobodan Milosevic.

 23   Vous verrez sur les deux prochaines diapositives les notes de Borislav

 24   Jovic qui a rencontré Milosevic, réunion au cours de laquelle la décision a

 25   été adoptée aux fins de transférer le personnel de la JNA alors sous la

 26   pression internationale qui avait demandé le retrait de la JNA. Et les

 27   dirigeants bosno-serbes ont dit, je suppose : "Nous allons assumer le

 28   commandement sur la partie serbe de la JNA." P3084.


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  1   Il fallait retirer les soldats qui étaient des citoyens de la RSFY de

  2   Bosnie pour que les 90 000 soldats de la JNA restants, essentiellement de

  3   nationalité serbe, puissent être placés sous le commandement des Bosno-

  4   Serbes.

  5   P3084, pages 29 à 32.

  6   En raison de ce plan effectué par les membres de l'entreprise criminelle

  7   commune, il s'agissait évidemment de réaliser cet objectif commun. La

  8   Défense fait valoir que la JNA en Bosnie-Herzégovine était mal organisée et

  9   une force modératrice et neutre. Les deux arguments ne peuvent être retenus

 10   lors d'un examen détaillé. En fait, lorsque Mladic a pris le commandement

 11   de la JNA, la 2e Région militaire fonctionnait bien militairement parlant

 12   et faisait partie de l'entreprise criminelle commune en Bosnie. Placée sous

 13   le contrôle du membre de l'entreprise criminelle commune, Slobodan

 14   Milosevic, la JNA travaillait de concert avec les Bosno-Serbes en vue de

 15   mettre en œuvre l'objectif commun. Nous vous présentons les éléments de

 16   preuve à cet effet dans notre mémoire en clôture aux paragraphes 17 à 23,

 17   193 et 546 à 547. Et confer la déposition du Témoin Kelecevic, page du

 18   compte rendu d'audience 37 138; et l'officier Gagovic qui dans son ordre le

 19   précise également, P6534.

 20   La Défense tente de nier le fait que la VRS a utilisé des armes de la JNA,

 21   mais Mladic lui-même a déclaré pendant la guerre : "Notre armée est une des

 22   rares armées de l'histoire à avoir lancé une guerre de libération sur la

 23   base de matériel militaire solide."

 24   Kukanjac, qui a précédé Mladic au commandement de la 2e Région militaire, a

 25   dit après la guerre : "La horde musulmane et croate ne s'est jamais emparée

 26   d'un seul avion, hélicoptère, char, blindé, fusil, mortier ou véhicule."

 27   Une fois que la VRS a été créée, Mladic exerçait un commandement et un

 28   contrôle forts. Comme l'a expliqué Milovanovic :


Page 44391

  1   "Le commandement est centralisé au premier lieu, il va du haut en bas, du

  2   commandement Suprême vers le bas, et transversalement, au niveau des

  3   commandements de corps et de l'état-major principal, et de la chaîne de

  4   commandement jusqu'aux escouades."

  5   Page du compte rendu d'audience 16 932.

  6   Il explique plus loin comment fonctionnait l'état-major principal, comment

  7   les ordres étaient donnés et les actions des commandements de corps

  8   effectuées. Page du compte rendu d'audience 16 958. Comme l'a indiqué le

  9   général Wilson, pièce P320, paragraphe 127, qui parle du contrôle effectif

 10   des unités de la VRS.

 11   Ce rapport d'aptitude au combat de l'état-major principal explique

 12   comment les objectifs et les missions étaient clairement définis." Et

 13   conclut : Les décisions sur l'engagement des forces de la VRS ont été

 14   adoptées lors de réunions des organes de l'état-major principal dirigées

 15   par le commandant, à savoir par le général Mladic.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 17   M. TRALDI : [interprétation] P338, page 8. Et après la guerre, Mladic a

 18   expliqué les décisions les plus compliquées et les plus difficiles sont des

 19   décisions qu'il a prises lui-même ou c'est son chef d'état-major qui a

 20   pris. P1147, page 124.

 21   Au paragraphe 636 de son mémoire en clôture, la Défense laisse entendre que

 22   la police militaire a peut-être mené des missions avec l'assentiment des

 23   organes du renseignement, pour établir une séparation entre la police et

 24   l'armée. L'organe chargé de la sécurité était effectué par Tolimir qui

 25   était un des hommes de confiance de Mladic. Mladic parle de lui comme

 26   faisant partie du noyau dur de l'état-major principal. La présence du

 27   lieutenant Tolimir sous le commandement de Mladic contrôlait le travail de

 28   la police militaire appuyé par le commandement et le contrôle de Mladic et


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  1   il le surveillait. Mais Mladic avait le commandement, comme l'a expliqué

  2   Skrbic. Et ses différents commandants adjoints lui soumettaient ces

  3   propositions à Mladic dans sa zone de responsabilité et si Mladic était

  4   d'accord, c'est lui qui avait la charge de l'adoption de ces propositions.

  5   Mladic contrôlait d'une main de fer même ses subordonnés de confiance. Par

  6   exemple, il était clair aux yeux de Tolimir qu'en mai 1992, Tolimir, à une

  7   occasion, avait dépassé le cadre de sa mission, ce à quoi Mladic avait

  8   rétorqué : "N'abuse pas de tes pouvoirs ni de tes compétences, plus

  9   jamais." Tolimir a simplement répondu : "J'entends bien, Camarade Général."

 10   Mladic a ajouté : "Je ne me soumets plus aux pressions." Et Tolimir a

 11   encore une fois rétorqué : "Je comprends, Camarade Général." P2755.

 12   Mladic a exercé un contrôle ferme sur les commandants de corps. Le

 13   commandant de la SRK, Dragomir Milosevic, a été décrit par un représentant

 14   de la communauté international, comme quelqu'un qui se conformait aux

 15   ordres, aux directives données par le général Mladic. Milosevic était le

 16   commandant adjoint chargé des questions religieuses, juridiques et les

 17   questions morales. Luka Dragicevic [phon] a témoigné pour dire qu'il savait

 18   que Milosevic respectait toutes les décisions de l'état-major principal et

 19   "n'a jamais donné d'ordre qui était contraire aux ordres du commandement

 20   supérieur."

 21   Milovanovic, comme l'explique le commandant de corps, recherchait

 22   l'approbation ou, en tout cas, l'accord pour les décisions du lendemain

 23   dans le rapport de combat quotidien. Mladic était le seul capable de

 24   modifier ces décisions, pages du compte rendu d'audience 16 966, 967,

 25   P3663, 3672, 4045, 4450. Le commandant de l'IBK, Simic, a expliqué qu'il

 26   avait le droit d'appeler Mladic "pour lui demander son autorisation pour

 27   telle et telle décision." P4325, page du compte rendu d'audience 20 494

 28   [comme interprété].


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  1   Les commandants de corps transmettaient les ordres de Mladic le long

  2   de la chaîne de commandement, comme le témoin de Défense Milivoje Simic l'a

  3   reconnu. Le commandant du poste de commandement avancé Talic, les ordres

  4   ont été donnés, ont été -- "moi, je les ai envoyés -- et je les ai reçus et

  5   je les ai envoyés à l'état-major principal."

  6   Alors, lorsqu'on lui a demandé s'il était d'accord avec les décisions

  7   de Mladic, il a dit que aucun homme, aucune femme, aucun enfant ne pouvait

  8   quitter Vecici avant que ceux qui y étaient avaient rendu leurs armes. Le

  9   commandant du Bataillon de la 22e Brigade, Slobodan, a expliqué -- Slobodan

 10   Zupljanin : "Ça n'était pas à moi d'accorder mon soutien. C'était à moi de

 11   mettre en œuvre les ordres de mon commandant supérieur."

 12   Au paragraphe 644 de son mémoire en clôture, la Défense avance que le

 13   témoin expert Butler a dit que le poste le plus important au sein de la VRS

 14   est celui de commandant de corps. Ce que Butler a véritablement écrit au

 15   paragraphe 2.0 de la pièce P2200, c'est que le commandant de corps était le

 16   poste le plus important dans un corps de la VRS. Et l'homme à la tête de

 17   cela était le général Mladic.

 18   Je crois qu'il est l'heure de faire la pause.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Traldi. Nous

 20   allons avoir une pause et nous reprendrons à 13 heures 30.

 21   --- L'audience est suspendue à 13 heures 10.

 22   --- L'audience est reprise à 13 heures 31.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, veuillez poursuivre.

 24   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   La Défense soutient au paragraphe 646 que Mladic ne pouvait pas nommer des

 26   commandants de corps ou de brigade et la Défense essaie de dire que c'est

 27   Karadzic qui contrôlait cela. En fait, nous pouvons voir que c'est Mladic

 28   qui nommait des commandants de brigade, c'est dans la pièce P4985, lors de


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  1   la réunion avec Svetozar Andric à Vlasenica le 18 mai 1992. Skrbic a dit

  2   dans son témoignage, que le personnel de l'état-major était promu et nommé

  3   sur la base des ordres de Mladic, même si ces ordres étaient signés par

  4   Karadzic.

  5   Mais il y a une chose qui est encore plus cruciale, Karadzic et Mladic

  6   travaillaient ensemble pour mettre en œuvre l'objectif commun. Donc répété

  7   sans cesse qu'il est important d'avoir une unité entre les organes

  8   militaires et politiques; ce que Gvero a appelé la valeur la plus grande de

  9   la VRS. P7391, page 3.

 10   Karadzic, en tant que commandant Suprême, reconnaissait et se reposait sur

 11   le rôle essentiel de Mladic pour ce qui est des efforts déployés par

 12   l'armée. Milovanovic a expliqué, par exemple, que le président de la

 13   municipalité, Dusko Kornjaca, le président de la municipalité de Cajnice,

 14   et c'est la municipalité qui n'est pas couverte par l'acte d'accusation,

 15   était donc le commandant de la brigade de là-bas au début, il voulait

 16   remplacer le commandant qui avait été nommé par la suite conformément à la

 17   décision de l'état-major principal. Lorsque Milovanovic a demandé que le

 18   colonel Milenko Zivanovic se plaigne à Karadzic, Karadzic a appelé Kornjaca

 19   et a dit : "Dusko, nous sommes médecins. Nous ne savons pas comment

 20   commander pendant la guerre. Laissons les professionnels commander."

 21   Et c'est comme cela que c'était pendant la campagne de nettoyage. Karadzic

 22   rencontrait Mladic pour donner des lignes directrices pour ce qui est de la

 23   stratégie, mais laissait les professionnels commander l'armée. Comme

 24   Karadzic a dit en janvier 1994 : "J'acceptais les décisions de tous les

 25   officiers et du général Mladic." C'est P4094, page 2. Alors que Karadzic

 26   donnait des ordres concrets, en particulier plus tard pendant la guerre,

 27   c'était une exception, et il n'y avait pas de preuve disant que Karadzic

 28   contournait Mladic ainsi que l'état-major principal pour donner des ordres


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  1   aux unités de la VRS de commettre des crimes à leur insu.

  2   La Défense s'appuie sur le témoignage de Milovanovic, qui a déclaré que

  3   Karadzic lui donnait des ordres directement en contournant Mladic pendant

  4   l'opération Tempête en 1995, après quoi la VRS a essuyé un nombre de

  5   défaites sérieuses dans la Krajina. Milovanovic a dit, pour ce qui est de

  6   cette période de temps-là, que Karadzic lui donnait des ordres directement

  7   et a expliqué : "Tous les ordres que je recevais de lui étaient transmis

  8   par moi-même au général Mladic. Et j'attendais la position de Mladic,

  9   puisque Mladic était mon supérieur hiérarchique immédiat…" Donc, il

 10   informait Mladic de la situation.

 11   Et c'est longtemps après que Mladic et Karadzic ont nettoyé ethniquement la

 12   plus grande partie de la BiH en utilisant la VRS. Il n'y avait pas de

 13   pertinence pour ce qui est du commandement et du contrôle de Mladic par

 14   rapport aux incidents retenus dans l'acte d'accusation. Mais lorsqu'on

 15   procède à l'examen approfondi de ces preuves, on peut voir que Mladic a

 16   continué à commander et à contrôler, et, à la fin, Karadzic a retiré sa

 17   décision. Lorsque la Défense parle de cela au paragraphe 3 287 de son

 18   mémoire en clôture, donc elle parle de cela. Par le commandement et le

 19   contrôle fermes, Mladic contribuait à la mise en œuvre de l'entreprise

 20   criminelle commune principale dans cette affaire. D'autres contributions de

 21   Mladic sont indiquées au paragraphe 290 de notre mémoire en clôture.

 22   L'un des messages que Mladic faisait diffuser par la chaîne de commandement

 23   était le point de vue des membres de l'entreprise criminelle commune dont

 24   M. Tieger a parlé, que les non-Serbes étaient leurs ennemis.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous êtes invité à

 26   ralentir votre débit.

 27   M. TRALDI : [interprétation] Je vais essayer de le faire, Monsieur le

 28   Président.


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  1   Mladic a écrit : "Il faut que vous continuiez de façon énergique à avancer

  2   et ne prêtez pas attention à ce qui se passe autour de nous. Les Turcs

  3   doivent disparaître de ces régions."

  4   Ici, on voit son désir d'expulser cette population et que ce désir commence

  5   à se réaliser. Dans la pièce P7719, Mladic explique que beaucoup de ces

  6   Musulmans de Bosnie n'étaient même pas Turcs, mais "Poturice". C'est une

  7   expression péjorative. Et il les appelle "racaille qui a trahi le peuple

  8   serbe."

  9   Et ce message a été diffusé par la chaîne de commandement à tous les

 10   échelons de la VRS. Nous voyons que le Témoin Dragicevic, qui était

 11   commandant adjoint pour les affaires juridiques, pour le moral et les

 12   questions du culte, a écrit que les Serbes sont supérieurs aux Musulmans du

 13   point de vue génétique, plus forts, plus jolis et plus intelligents. Il les

 14   appelle "Poturice". Et aux paragraphes 72 à 82 de notre mémoire en clôture,

 15   nous soulignons le rôle-clé que jouait le secteur de Dragicevic lors de la

 16   propagande et de la campagne qui visait à diffuser des messages concernant

 17   l'objectif criminel commun qui devait être mis en œuvre sur le terrain.

 18   Nous voyons que par la diffusion de ce message au niveau des corps de la

 19   VRS, et c'est surtout dans le rapport de Bogojevic, que "l'ennemi" devait

 20   être déplacé, par rapport aux populations musulmanes et croates de Kotor

 21   Varos. C'est P3818 [comme interprété]. Marko Samardzija, officier de la 17e

 22   Brigade, a fait référence à "notre ennemi interne, la population musulmane

 23   dans nos villages." P519. Egalement, dans l'exhortation du commandant Galic

 24   du SRK par rapport à ses soldats qui disait : "La valeur de chaque individu

 25   et chaque unité est mesurée d'après ce qu'il avait été fait pour

 26   sauvegarder les Serbes et le territoire serbe, également par rapport au

 27   nombre de 'Poturice' liquidés et la taille du territoire saisi."

 28   La VRS a occupé et ethniquement nettoyé le territoire revendiqué par les


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  1   membres de l'entreprise criminelle commune. Ici, nous voyons comment

  2   l'état-major principal a décrit ses objectifs de la campagne de 1992 dans

  3   le rapport d'aptitude au combat. "Libérer les territoires qui sont les

  4   nôtres et qui nous appartiennent selon notre droit de naissance

  5   historique." Parmi ces territoires se trouvent les municipalités couvertes

  6   par l'acte d'accusation. Ici, nous voyons - et c'est P7325, page 2 -

  7   l'ordre de Gvero du 19 mai, où on voit quel était le point de vue de

  8   l'état-major principal, à savoir que "le peuple serbe, qui est le peuple

  9   constitutif, qui vit sur à peu près 65 % du territoire et représente à peu

 10   près 35 % de la population de Bosnie-Herzégovine, doit lutter pour la

 11   division totale par rapport aux peuples musulmans et croates et pour créer

 12   leur propre Etat."

 13   Vous avez pu entendre des témoignages de témoins de la Défense que c'était

 14   l'ordre pour mettre en œuvre cet objectif stratégique numéro 1. C'est de

 15   cet objectif dont parlaient l'expert de la Défense et un témoin du 1er

 16   Corps de la Krajina.

 17   On peut voir dans notre mémoire en clôture que Mladic savait très bien

 18   comment les unités de la VRS opéraient pour atteindre cette "division

 19   totale". Il devait être au courant de cela pour pouvoir exercer le

 20   commandement. La Chambre a entendu des moyens de preuve. Pour ce qui est du

 21   témoignage de Boric, par exemple, du 2e Corps de Krajina, qui disait que

 22   Mladic "savait quelle était la situation sur la ligne de front et sur les

 23   positions du 2e Corps de la Krajina sans que je doive lui envoyer des

 24   rapports là-dessus." Cela veut dire que Mladic "était au courant de la

 25   situation dans la zone de responsabilité de la VRS."

 26   Et la deuxième référence est P439.

 27   La Défense essaie de minimiser, donc, la connaissance de Mladic pour ce qui

 28   est de la campagne tristement célèbre de nettoyage ethnique, en disant au


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  1   paragraphe 665 que si Mladic ne demandait pas des rapports de combat

  2   détaillés, il n'était pas informé là-dessus. Cette affirmation néglige le

  3   fait qu'il présidait les réunions de l'état-major principal lors desquelles

  4   on discutait de ces rapports. Ensuite, ils négligent le témoignage de

  5   Simic, commandant du Corps de Bosnie orientale, qui parlait avec Mladic

  6   quotidiennement pour l'informer des rapports de combat quotidiens,

  7   indépendamment du fait si Mladic se trouvait à Crna Rijeka ou sur le

  8   terrain. Et c'est P4325, page de compte rendu 28 494. Ils négligent

  9   également que même le témoin cité par eux, Banduka, a déclaré dans son

 10   témoignage que pendant que Mladic était présent à Crna Rijeka, "on lui

 11   transmettait ces informations du centre des opérations de l'état-major

 12   principal et elles lui étaient transmises par le chef d'état-major lui-

 13   même."

 14   Par rapport à la connaissance détaillée de Mladic concernant ce que ses

 15   unités faisaient, il était au courant du fait que ses ordres étaient

 16   exécutés par la perpétration des crimes à grande échelle.

 17   Nous savons qu'une campagne tristement célèbre a été menée, et c'est

 18   aux paragraphes 283 et 479.

 19   Beaucoup de crimes retenus dans l'acte d'accusation étaient connus au

 20   niveau individuel en Bosnie-Herzégovine ou à l'extérieur de Bosnie-

 21   Herzégovine. M. Tieger a parlé de la campagne du 12 mai 1992. Donc, la

 22   communauté internationale était au courant de la campagne de nettoyage

 23   ethnique. Et Mladic aurait dû être au courant de cela, parce qu'il recevait

 24   des communiqués de presse des organisations internationales, il était

 25   informé par les gens avec qui il avait des réunions. Mladic recevait

 26   directement des rapports concernant des rapports concernant des crimes. La

 27   Défense a parlé de cela au paragraphe 736, mais elle ne donne pas

 28   d'exemples. Et la Défense affirme qu'il recevait des rapports du système


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  1   judiciaire militaire concernant des poursuites au pénal engagées contre les

  2   auteurs de ces crimes. Je vais parler du système de justice militaire dans

  3   quelques instants, mais j'aimerais ici dire clairement que dans ces

  4   rapports il n'y a rien pour nous laisser entendre que les auteurs des

  5   crimes contre les non-Serbes étaient poursuivis au pénal. Nous avons donc

  6   énuméré dans notre rapport en clôture quelques rapports directs sur les

  7   crimes et nous voyons, par exemple, que Mladic était au courant - et c'est

  8   à la pièce P3733 - du fait que le 1er Corps de la Krajina "a essayé

  9   d'expulser" les réfugiés musulmans et croates vers la Bosnie centrale, mais

 10   c'était raté. Ensuite, D418, où le 1er Corps de la Krajina a dit : "La

 11   population musulmane dans la région du village de Lisnja avait été

 12   expulsée," ainsi qu'à d'autres endroits.

 13   Dans ces rapports, on peut voir des exemples des moyens utilisés par

 14   la VRS pour mettre en œuvre l'objectif commun des membres de l'entreprise

 15   criminelle commune. Les moyens de preuve démontrent que la VRS ainsi que

 16   d'autres forces des Serbes de Bosnie appliquaient le même scénario pour

 17   commettre des crimes sur les territoires revendiqués par les Serbes. Ce

 18   scénario-là était appliqué dans les municipalités retenues dans l'acte

 19   d'accusation, et la plupart des moyens de preuve démontrent que la campagne

 20   de nettoyage a englobé non seulement des crimes retenus mais également

 21   d'autres infractions pénales indiquées au point 3 de l'acte d'accusation.

 22   Et nous avons vu que ce scénario était également appliqué dans les faits

 23   qui ne sont pas répertoriés dans l'acte d'accusation. Les conclusions pour

 24   ce qui est de ce scénario nous disent qu'il s'agissait de crimes graves et

 25   commis à grande échelle. Ces crimes, donc, étaient organisés, préparés et

 26   planifiés auparavant et visaient à réaliser l'objectif commun.

 27   Maintenant, nous allons voir à nos écrans l'ordre du général Mladic

 28   qui représente une partie de la directive 4 signée par Mladic, où il est


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  1   dit qu'"il faut exténuer l'ennemi, lui faire essuyer les pertes les plus

  2   grandes et les contraindre à quitter Birac, Zepa et Gorazde avec la

  3   population musulmane." Il s'agit d'un ordre sans équivoque qui disait que

  4   la population musulmane devait être expulsée, un ordre visant au nettoyage

  5   ethnique. Cette interprétation claire de cet ordre est confirmée par le

  6   fait que la VRS avait mis en œuvre la directive 4 en expulsant des milliers

  7   de Musulmans de Bosnie de la région de Birac. Ensuite, donc, la genèse de

  8   la directive 4, pour ce qui est de sa rédaction, c'était à la réunion entre

  9   Mladic et les dirigeants des Serbes de Bosnie haut placés lorsqu'ils

 10   discutaient du besoin de nettoyer la Bosnie orientale. Ou, par exemple,

 11   l'exécution de l'ordre du commandant Zivanovic, où il est ordonné

 12   explicitement aux unités d'expulser la population musulmane. Et sur la base

 13   de l'objectif de Mladic et d'autres membres de l'entreprise criminelle

 14   commune pour avoir une Bosnie orientale serbe et homogène, ce qui avait été

 15   déjà réalisé en procédant au nettoyage ethnique à grande échelle avant la

 16   rédaction de la directive 4. Donc, ce sont les paragraphes 412 [comme

 17   interprété] de notre mémoire en clôture. Il s'agit des opérations

 18   systématiques de nettoyage ethnique d'un village à la fois; P7361. Ensuite,

 19   la destruction sans motif des hameaux musulmans autour de l'enclave Cerska;

 20   P2193, P4093. Et comme le commandant Zivanovic de DK a dit à ses

 21   subordonnés dans la pièce P2192 :

 22   "Est-ce que les maisons des Turcs sont en flammes ?"

 23   Réponse : "Oui, oui, elles sont en flammes."

 24   Zivanovic : "C'est très bien. Il faut qu'on incendie le plus de

 25   maisons possible."

 26   C'est P2192.

 27   Comme le dit la famille d'Ibro Osmanovic, beaucoup d'expulsés avaient

 28   déjà été expulsés de leurs maisons vers les enclaves de Vlasenica et


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  1   Bratunac. Il a témoigné : "Ma mère avait été expulsée de Vlasenica et

  2   envoyée à Cerska. Ma sœur se trouvait à Cerska. Elles y ont été jusqu'à

  3   février 1993. A partir de là, elles sont passées par plusieurs villages."

  4   Il explique ensuite : "Elles sont arrivées à Tuzla. Les autres, le reste de

  5   la population s'est rendue à Srebrenica. Donc, Cerska était vide et est

  6   restée vide."

  7   Et si vous voyez l'ordre de Zivanovic, le commandant du Corps de la

  8   Drina, P2095, qui rend un ordre, il explique qu'il a été décidé qu'en vertu

  9   de la directive numéro 4, "il faut infliger à l'ennemi le plus de pertes

 10   possible, les épuiser, les casser ou les contraindre de se rendre et

 11   obliger la population musulmane locale à abandonner la zone de Cerska,

 12   Zepa, Srebrenica et Gorazde."

 13   Et donc, Zivanovic a compris qu'il mettait à exécution un ordre

 14   d'expulser la population.

 15   La Défense se fonde au paragraphe 2 856 sur l'affirmation de

 16   Milovanovic, qui sert à se protéger lui-même, selon laquelle la directive 4

 17   avait prévu que la population musulmane s'enfuirait. Si tel était le cas,

 18   Zivanovic n'aurait pas dû ordonner leur expulsion et la conduite de

 19   l'opération comme on peut le voir tout au long de la campagne de

 20   purification, que le but était d'expulser et de nettoyer le territoire.

 21   La Défense affirme également au paragraphe 2 854 de son mémoire que

 22   Butler a témoigné que la directive 4 visait légitimement une portion de la

 23   population qui aidait l'armée bosniaque. En réalité, il a témoigné que

 24   c'est illégal et que la VRS visait "la population civile d'une manière

 25   générale." Compte rendu d'audience pages 16 135 à 16 136 et 16 144 à

 26   16 145.

 27   La directive 4 a couché sur papier la manière dont la VRS a conduit

 28   ses opérations à partir de sa création. Le nettoyage ethnique systématique


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  1   mené dans sa mise en œuvre reflétait ce que la VRS avait déjà fait dans des

  2   territoires revendiqués par les Serbes. Et donc, ce que cela nous dit,

  3   c'est que la manière de mener la guerre des Serbes - brûler des villages,

  4   expulser les non-Serbes et ne rien leur laisser pour retourner - n'était

  5   pas une coïncidence. La directive a simplement codifié une pratique établie

  6   de la VRS et le nom et la signature qui avait dirigé la VRS dans la mise en

  7   œuvre de la campagne de purification dès la création de l'armée, était le

  8   général Mladic.

  9   Par exemple, ici P7086, un ordre du commandant de la Brigade de Birac du 26

 10   janvier [comme interprété] 1992 "déplacer les femmes et les enfants afin de

 11   les expulser des villages musulmans vers Kalesija et Gracanica, alors que

 12   les hommes doivent être emmenés vers des centres de regroupement."

 13   Andric a reconnu que cela signifie que les femmes et les enfants dans les

 14   villages musulmans devaient être déplacés vers des villages musulmans.

 15   Compte rendu d'audience page 34 773. Et d'ordonner à ses subalternes de les

 16   déplacer. Il se rendait compte des implications de cet ordre et s'est rendu

 17   compte de cela, et dès lors il a cherché à dire que cette référence aux

 18   femmes et enfants dans les villages musulmans se référait aux femmes et aux

 19   enfants de tous les groupes ethniques avant de reconnaître à la page 34 775

 20   que cet ordre visait spécifiquement l'expulsion des femmes et enfants

 21   musulmans.

 22   Et ici on peut voir ici au 7380 qu'un mois après l'ordre de purification

 23   d'Andric, Mladic l'a promu au rang de lieutenant-colonel. Et comme vous le

 24   savez, à la fin de la guerre il était général et chef d'état-major du Corps

 25   de la Drina.

 26   Et cet ordre montre que les opérations de purification et les rafles de

 27   non-Serbes ont créé le besoin de regrouper et d'abriter des nombres

 28   importants de prisonniers, ils ont été détenus dans des conditions


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  1   terribles dans des camps où ils ont été exposés à des passages à tabac, des

  2   violences sexuelles et à des meurtres en grand nombre.

  3   Le système de camp était une entreprise commune entre la VRS, le RS MUP et

  4   les autorités civiles bosno-serbes. Vous pouvez voir ici au P3801, rapport

  5   de Mico Stanisic du 17 juillet 1992, que ces institutions portent une

  6   responsabilité partagée du système.

  7   Il écrit dans le rapport : "L'armée, les cellules de Crise et Présidences

  8   de Guerre ont demandé que l'armée rassemble ou capture autant de civils

  9   musulmans que possible, et laissent ces camps non définis aux organes

 10   chargés des affaires intérieures. Les conditions dans certains de ces camps

 11   sont médiocres; il n'y a pas à manger, les personnes parfois ne respectent

 12   pas les règles internationales, et cetera."

 13   Les preuves montrent que beaucoup de ces camps étaient gérés par les

 14   organes chargés des affaires intérieures, comme l'a dit Stanisic, mais

 15   beaucoup des camps incriminés étaient gérés par la VRS. On peut le voir

 16   surtout aux paragraphes 312 à 313 de notre mémoire, le système de camp

 17   était un système unique, et nous avons également des preuves qui montrent

 18   les conditions terribles qui y régnaient.

 19   La VRS a joué un rôle essentiel dans le système en plus de mener des

 20   opérations de nettoyage dans lesquelles, comme l'a relevé Stanisic, les

 21   civils musulmans étaient regroupés et capturés, la VRS organisaient des

 22   camps, notamment les camps de Bijeljina, Banja Luka, Foca, Kalinovik,

 23   Rogatica et Trnopolje à Prijedor. Comme dans tout le reste du système, les

 24   conditions dans ces camps étaient horribles. Pour le moment, je parlerai de

 25   deux camps pour lesquels la Défense reconnaît qu'ils étaient gérés par la

 26   VRS mais avec des conditions humaines.

 27   Premièrement, Batkovic a été créé dans la municipalité de Bijeljina sur

 28   ordre de Mladic et géré par le Corps de la Bosnie orientale. S'y trouvaient


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  1   des milliers de non-Serbes dans des situations de surpopulation et avec des

  2   conditions sanitaires insuffisantes. Les gardes passaient à tabac les

  3   détenus, et parfois infligeaient de mauvais traitements à certains d'entre

  4   eux, les détenus étaient obligés de se passer les uns les autres à tabac et

  5   de réaliser des actes sexuels les uns sur les autres. Cela figure dans

  6   l'annexe des différents faits que nous incriminons dans l'acte

  7   d'accusation.

  8   Un exemple, le témoin Mirsad Kolaric [phon] a été transféré de la prison de

  9   Vlasenica à Batkovic le 13 août 1992 et il a été détenu jusqu'au 11

 10   septembre 1992. Il était avec dix autres détenus et il a subi des tortures

 11   particulières, il a été passé à tabac plusieurs fois, il devait avoir des

 12   rapports sexuels les uns avec les autres. Etaient battus devant d'autres

 13   prisonniers. Lorsque des journalistes ou des représentants du CICR se sont

 14   rendus à Batkovic, les membres de l'unité spéciale ont été cachés. Les

 15   blessures infligées sont notamment fracture du crâne, des blessures dues à

 16   des coups de couteau dans les deux mains, aux pieds, des brûlures de

 17   cigarette, des dégâts au système nerveux, bras droit fracturé, fracture du

 18   nez, de la mâchoire, des côtes et lésions aux reins. Il a eu un stress

 19   post-traumatique pendant très longtemps et a subi également des lésions

 20   physiques qui ont duré longtemps.

 21   La Défense estime au paragraphe 1629 que Batkovic détenait des prisonniers

 22   de guerre et des prisonniers pour lesquels il avait des soupçons de faits

 23   criminels ou de crimes de guerre. Or, les preuves citées réfutent cela. Par

 24   exemple, la Défense fait référence au transfert de prisonniers à Manjaca.

 25   J'en parlerai.

 26   Mais il faut passer pour ça à huis clos partiel.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 


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  1   [Audience à huis clos partiel]

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 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 23   M. TRALDI : [interprétation] Le témoin de la Défense et le juge militaire

 24   Bojanovic a dit avoir visité les camps. Compte rendu page 27 975. Et Andan,

 25   le témoin de la Défense, a reconnu qu'il savait qu'il était détenu à

 26   Batkovic du simple fait qu'il était Croate. "Je ne voyais aucune autre

 27   raison ou explication."

 28   La Défense affirme que le transfert de prisonniers à Batkovic aux fins

 


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  1   d'échange "prouve que la VRS n'avait pas d'intention criminelle" -

  2   paragraphe 1641 du mémoire de la Défense - mais cette affirmation ne tient

  3   pas la route. Ces personnes détenues uniquement pour être échangées,

  4   détenues par la VRS là-bas dans des conditions criminelles et honteuses, et

  5   il s'agissait avant tout de civils qui avaient été raflés aux fins de leur

  6   détention et ont été expulsés. Certains ont subi des abus et certains ont

  7   été tués lorsqu'ils étaient en détention.

  8   Je vais parler de Manjaca. Le 1er Corps de la Krajina y a tenu des

  9   milliers de détenus, la quasi-totalité des non-Serbes. Ils étaient détenus

 10   sans être suffisamment alimentés, ils n'avaient pas assez à boire et à

 11   manger, dans des étables surpeuplées. Ils étaient beaucoup passés à tabac

 12   et ont subi des mauvais traitements, et dix ont été tués. Par exemple, un

 13   juge de Sanski Most a été transféré à Manjaca le 17 juin 1992. Il a été

 14   régulièrement battu dès son arrivée. Il a perdu connaissance à plusieurs

 15   reprises lorsqu'il était battu par les soldats et la police militaire. Il a

 16   perdu une dent. Il a perdu approximativement un tiers de son poids en

 17   raison de l'insuffisance de l'alimentation dans le camp, avant d'être

 18   transporté, en décembre 1992, en Allemagne. Lorsqu'il a fait sa déclaration

 19   en 2000, il ressentait encore des douleurs du fait des passages à tabac.

 20   Tout cela peut être trouvé au P3293.

 21   La Défense affirme également que la VRS a libéré des détenus dont il était

 22   constaté qu'ils n'avaient pas participé aux combats. Tout cela est basé sur

 23   la preuve relative à Manjaca. Cette preuve, P241, montre que 700 détenus

 24   ont été transférés vers la Croatie en novembre 1992. Ceci a finalement

 25   complété leur expulsion permanente des territoires revendiqués par les

 26   Serbes. La Défense a admis que les dirigeants serbes avaient imposé cela

 27   comme condition pour fermer le camp. L'autre preuve invoquée est P219, qui

 28   parle de l'intention de "discuter de la possibilité" pour certains détenus


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  1   de rentrer chez eux à Sanski Most, mais elle ne cite aucun exemple de telle

  2   chose qui se soit concrétisée parce que la VRS avait détruit leurs maisons

  3   lors des opérations de nettoyage. Nous examinons cela dans ce que nous

  4   disons au sujet des municipalités.

  5   Ici aussi, les preuves montrent que les prisonniers détenus par la VRS à

  6   Manjaca étaient des civils. Essentiellement, je vous renvoie à P220, P221,

  7   et la déclaration d'Adil Medic selon laquelle Vukelic lui avait dit que peu

  8   de détenus de Manjaca avaient quelque chose à voir avec le conflit armé.

  9   Au paragraphe 62 de son mémoire, la Défense conteste l'utilisation par

 10   Pyers Tucker de "preuves par ouï-dire" selon lesquelles Mladic aurait

 11   contrôlé les centres de détention, en ce y compris Batkovic. Premièrement,

 12   les preuves montrent que Mladic lui-même a dit à Tucker qu'il contrôlait

 13   ces centres. Ce n'est pas une preuve par ouï-dire; c'est un aveu.

 14   Deuxièmement, à Kula, la Défense fait également abstraction du témoignage

 15   de son propre témoin, Savo Sokanovic, officier de l'état-major principal,

 16   selon lequel la prison de Kula se trouvait "sous le contrôle de l'armée."

 17   Comme nous l'indiquons dans les arguments sur Ilidza, les officiers de la

 18   VRS, en ce y compris des membres du commandement de la SRK, exerçaient ce

 19   contrôle en partie en approuvant l'utilisation de détenus de la prison de

 20   Kula pour du travail forcé sur le front. Et au cours de ces opérations,

 21   certains ont été tués. La Défense explique que ce sont des gens qui l'ont

 22   fait en violation des ordres, mais le document cité par la Défense en note

 23   de bas de page 3 058 montre que des officiers de la VRS, en ce y compris le

 24   chef de la sécurité, Marko Lugonja, ont approuvé ces missions de travaux

 25   forcés. Mais Kula était l'un des centres du système des camps de détention,

 26   comme Batkovic, Foca et Manjaca. La Défense affirme au paragraphe 1 324 que

 27   "156 personnes" étaient logées à Kula, seulement des combattants, alors que

 28   les documents bosno-serbes - par exemple, le P3808 - reflètent que des


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  1   milliers de civils non-serbes étaient passés par Kula en octobre 1994.

  2   Nous écrivons aux paragraphes 322 à 332 de notre mémoire quel a été le

  3   nombre immense de civils qui ont été détenus dans l'ensemble de ce camp de

  4   divers systèmes, qui correspondait à la pratique mise en œuvre à Batkovic,

  5   Manjaca et Kula, et tout cela sur l'ordre d'Andric, dont nous avons déjà

  6   parlé.

  7   Alors, l'un des lieux de détention intentionnelle de civils, et c'est le

  8   plus important dans ce système, c'est Manjaca. Et ce qui est intéressant,

  9   c'est la façon dont les prisonniers de Manjaca ont été traités à la fin du

 10   mois d'août 1992, suite à la condamnation internationale des camps bosno-

 11   serbes. Mladic a rencontré le président, puis l'état-major principal a

 12   chargé le personnel du camp de Manjaca de traiter ces détenus. Le camp a

 13   identifié 92 personnes qui n'avaient pas participé à des activités de

 14   combat, qui avaient des problèmes de santé importants et qui avaient attiré

 15   l'attention des journalistes et des représentants des organisations

 16   humanitaires. Dans la pièce P4288, page 1. Vous pouvez constater cela dans

 17   une émission de la BBC, dans la pièce P243, on voit des prisonniers qui

 18   attirent l'attention internationale également. Mais trois semaines plus

 19   tard, trois de ces 92 prisonniers que le personnel du camp avait identifiés

 20   ont été libérés en vertu de l'amnistie accordée par le président Karadzic,

 21   et je vous renvoie au paragraphe 341 de notre mémoire en clôture à ce

 22   sujet.

 23   Enfin, pour aujourd'hui, je souhaite ajouter que la Défense a tenté de

 24   réduire au minimum les éléments de preuve concernant les différents crimes

 25   individuels qui figurent à l'acte d'accusation. La Défense laisse entendre

 26   que ces crimes ont été commis par des soldats ivres qui auraient agi de

 27   leur propre initiative ou par des civils qui auraient revêtu des tenues

 28   militaires les jours particuliers où la VRS a attaqué tel ou tel village.


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  1   Mais ces arguments ne tiennent pas.

  2   Nous avons écrit dans nos tableaux concernant les incidents incriminés dans

  3   l'acte d'accusation et dans notre mémoire que la totalité des auteurs

  4   avaient été identifiés. Dans divers incidents, ces éléments de preuve

  5   englobent les rapports de la VRS qui montrent des attaques d'hommes en

  6   uniforme contre des villages à la date des crimes incriminés dans l'acte

  7   d'accusation. On voit la connaissance que les témoins avaient avec leurs

  8   mentors, on voit que des personnes sont identifiées par leur nom ou celui

  9   de leur unité, y compris on voit l'utilisation d'armes lourdes, comme des

 10   chars, et il y a également la capacité d'un certain nombre de soldats

 11   soumis au service militaire obligatoire de distinguer entre différents

 12   types d'uniformes.

 13   Je voudrais que nous nous penchions sur un incident particulier qui

 14   concerne le nettoyage d'un village suite à une décision du président de la

 15   cellule de Crise Milan Tupajic, membre de la 2e Brigade de Romanija. Nous

 16   avons là l'ordre de Krstic la veille concernant les zones à attaquer dans

 17   la municipalité en question, pièce P6641, et cet ordre est complété par

 18   l'ordre du commandant Galic du Corps de Sarajevo-Romanija, P7408.

 19   Une survivante, Munira Selmanovic, explique que le 22 septembre 1992, elle

 20   a vu des soldats vêtus de tenues de couleur vert olive et d'uniformes de

 21   camouflage qui regroupaient les villageois musulmans et les emmenaient en

 22   direction d'un champ. Pièce P717, paragraphe 8. Elle a reconnu Momcilo

 23   Pajic, un Serbe qu'elle connaissait très bien, qui était chargé des

 24   soldats. Paragraphes 11 et 12.

 25   Pajic était un capitaine qui commandait la 2e Brigade de Romanija, même

 26   unité que celle qui a été évoquée par Tupajic.

 27   Monsieur le Président, je pense que je pourrais peut-être terminer sur ce

 28   sujet avant que nous ne suspendions l'audience.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si deux minutes vous suffisent, pas de

  2   problème.

  3   M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  4   Donc, Pajic, lorsqu'il est revenu, a procédé à la séparation des hommes par

  5   rapport aux femmes et aux enfants ainsi qu'aux personnes âgées. Selmanovic

  6   et d'autres femmes et enfants ont été emmenés jusqu'aux lignes de

  7   confrontation et abandonnés à cet endroit avant de retourner à pied dans

  8   Sarajevo assiégée. Elle avait supplié de pouvoir emmener avec elle son

  9   fils, qui était adolescent, mais ce dernier a été retenu dans ce champ de

 10   Metaljka.

 11   La 2e Brigade de Romanija, vous le verrez sur une diapositive, ce soir-là,

 12   à 18 heures, il s'y est produit le "ciscenje", le nettoyage du village.

 13   D'ici à la tombée de la nuit, Tupajic savait que les hommes avaient été

 14   assassinés. Pièce P3170, pages 15 427 et 15 428 du compte rendu d'audience

 15   également. Selmanovic est évoquée dans les pièces P727 et P7529, elle s'est

 16   rendue compte que les victimes avaient brûlé dans une décharge publique à

 17   un lieu connu sous le nom d'Ivan Polje. Et dans la pièce P727, on apprend

 18   que les victimes ont été identifiées comme étant effectivement les

 19   personnes que Selmanovic avait vues et qui avaient été encerclées,

 20   regroupées et mises en détention par les soldats, seul son fils étant resté

 21   sur le champ de Metaljka. La déposition de Tupajic nous apprend que les

 22   hommes ont été assassinés et incendiés, ceci est le résultat des éléments

 23   de preuve de médecine légale, et les mêmes informations se retrouvent dans

 24   la pièce P727 et à la page 6 818 du compte rendu d'audience. Donc, ces

 25   éléments composent une mosaïque qui est cohérente par rapport aux auteurs

 26   de ces crimes et à la nature de ces crimes.

 27   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Traldi.


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  1   Pour des raisons pratiques, je demande quelle est la suite qu'envisage

  2   l'Accusation.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons respecté à

  4   peu près l'horaire que nous avions prévu pour la matinée d'aujourd'hui,

  5   donc nous sommes, je crois, toujours dans les temps.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, une dizaine de minutes de

  7   différent ne font guère de différence en tout cas.

  8   Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui. Nous reprendrons demain,

  9   mardi 6 décembre, à 9 heures 30, dans ce même prétoire.

 10   --- L'audience est levée à 14 heures 18 et reprendra le mardi, 6 décembre

 11   2016, à 9 heures 30.

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