Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N IT-95-5-R-61

2

3 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE AFFAIRE N IT-95-18-R61

4

5 Lundi 1 juillet 1996

6

7 Devant la chambre de première instance composée comme suit :

8 M. le juge Claude Jorda, Président

9 Mme le juge Elisabeth Odio Benito

10 M. le juge Fouad Riad

11 Assistée de :

12 M. Dominique Marro, Greffier-Adjoint

13 LE PROCUREUR

14 c/

15 Ratko MLADIC

16 et Radovan KARADZIC

17 Le bureau du Procureur :

18 M. Eric Ostberg, M. Mark Harmon, M. Terre Bowers

19

20 Lundi, 1 juillet 1996

21 (Matin)

22

23 L'audience est reprise à 10 heures 05.

24

25 M. le Président. - L'audience est reprise.

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1 Sans plus attendre, monsieur le Procureur, vous avez la parole

2 pour la suite du témoignage de M. Ralston.

3 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Merci, monsieur le

4 Président et bonjour.

5 Monsieur Ralston, nous nous sommes arrêtés vendredi sur les

6 conditions dans les camps de détention de l'armée bosniaque serbe.

7 Je voudrais vous demander dans quelle mesure les associés du

8 docteur Karadszic avaient l'occasion de se rendre dans ces camps.

9 M. Raslton (interprétation de l'anglais). - Je l'ai dit à un

10 moment donné. En effet, la situation dans ces camps suivait étroitement la

11 situation générale. Nous avons essayé, à plusieurs reprises, d'établir

12 l'implication des fonctionnaires du SDS dans l'administration des camps.

13 Ensuite, nous avons pu constater quelles étaient les lignes de

14 communication entre les différents éléments de l'armée et les civils.

15 Madame Plavsic, en 1992, a informé les observateurs militaires des Nations

16 Unies que des camps existaient du côté des Serbes, mais elle a dit que des

17 camps analogues existaient et étaient organisés par les forces croates.

18 Ceux qui ont essayer de visiter ces camps ont été refusés dans cet effort.

19 Il existe aussi des indications signalant que des membres des

20 forces des Nations Unies ont visité certains de ces camps au moment des

21 incidents, notamment lorsqu'il s'agissait des camps que j'ai mentionnés.

22 Il s'agit des camps de Foca, Rajko Djukic(?), Vlasenica et les autres.

23 Dans tous ces camps, il y avait donc des fonctionnaires du SDS.

24 En effet ces fonctionnaires étaient parfaitement conscients de

25 ce qui se passait dans les camps qui se trouvaient dans leur région.

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1 Ostojic était envoyé dans cette région. Certains se trouvaient à Foca.

2 Ensuite, il y avait des camps dans la région de Prijedor qui a visité les

3 camps d'Omarska au mois de juillet 1992 : Major Slobodan Kuruzovic qui, en

4 plus d'être fonctionnaire militaire, était également commandant du camp de

5 Trnopolje.

6 Simo Drjjaca, chef de la police de Prijedor à Omarska,

7 Trnopolje et dans les autres camps. Il a également joué un rôle important

8 dans les négociations avec les forces de police, notamment lorsqu’il

9 s'agissait de la reddition des Serbes après les attaques

10 Simo Miskovic, dans la région de Prijedor, a été remarqué par

11 un certain nombre de témoins dans cette région au cours du mois d’août

12 1992. D'autres ont été également vus dans ces camps d'Omarska.

13 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - A-t-on jamais posé

14 la question au docteur Radovan Karadzic en ce qui concerne ces camps et a-

15 t-il pu en rendre compte ?

16 M. Ralston (interprétation de l’anglais). - Oui, on lui a posé

17 des questions à plusieurs reprises. Il niait le fait qu'on faisait subir

18 aux gens des mauvais traitements dans ces camps. Dans une interview pour

19 Der Spiegel en 1992, Radovan Karadzic a fait ressortir que ces camps

20 étaient exclusivement destinés aux prisonniers de guerre. Et puis, en

21 juillet 1996, Radovan Karadzic a refusé le fait dans une interview que ces

22 forces organisaient des camps et que des prisonniers étaient torturés.

23 D’après ses mots, il s'agissait de la "propagande musulmane".

24 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Connaissez-vous le

25 rapport de la commission Thomson ? Pourriez-vous expliquer et situer la

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1 position de cette mission ?

2 Pièce n° 61 s'il vous plaît.

3 M. Ralston (interprétation de l’anglais). - La mission Thomson

4 a été établie sous les auspices de l'organisation pour la coopération et

5 la sécurité en Europe.

6 M. Le Président. - Quand vous parlez de la pièce 61, est-ce

7 une pièce à la disposition du Tribunal ou est-ce dans le questionnement du

8 témoin ?

9 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Cette pièce devrait

10 se trouver dans le dossier qui vous a été fourni.

11 M. Le Président. - C’est exact Monsieur le Procureur.

12 M. Ralston (interprétation de l’anglais). - La mission dont je

13 parle est une mission humanitaire qui a été dirigée par Sir John Thomson,

14 des Nations Unies. Sa tâche essentielle a été de surveiller la situation

15 des Droits de l'Homme en Bosnie-Herzégovine, notamment à travers la

16 situation dans les camps, et ceci dans l'ensemble du pays dans la mesure

17 où cela a pu être fait au cours d'une semaine.

18 Ils ont visité des camps où des milliers ont été détenus dans

19 des conditions horribles, exécrables.

20 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Quelle a été le

21 séjour la teneur du séjour de la mission Thomson en Bosnie-

22 Herzégovine depuis le 29 août jusqu’au 4 septembre. Pourriez-vous nous

23 donner lecture de quelques passages de ce rapport de la commission

24 Thomson ?

25 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - Page 6 du rapport,

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1 le sous-titre est "manque de respect pour la population civile". La

2 mission a établi qu’un grand nombre d’individus, hommes et femmes, jeunes

3 et vieux, sont détenus à l'heure actuelle dans les différentes localités

4 et camps de détention en Bosnie-Herzégovine. Nous avons rencontré des

5 jeunes prisonniers de 17 ans et d’autres qui avaient plus ou moins 83 ans.

6 Ils sont détenus contre leur volonté dans des conditions qui rendent leur

7 départ de ces places impossible.

8 Juridiquement parlant, les gens qui se trouvent dans ces lieux

9 de détention pourraient, grosso modo, être répartis entre trois

10 catégories.

11 A) Les prisonniers de guerre. Ces prisonniers ont pris une

12 part active dans les hostilités et peuvent être détenus de droit comme des

13 combattants sujets à la 3ème convention de Genève de 1989. La mission a vu

14 très peu de gens de cette catégorie. Elle a eu l’impression qu’il

15 s’agissait d’un combat à vie ou à mort.

16 B) Ceux dont on présume qu'ils cachaient des armes dans leur

17 maison. Il s'agissait donc de civils au statut non-combattant qui devaient

18 être protégés contre la détention militaire, mais qui pourraient faire

19 l'objet de poursuites judiciaires. Il y a un nombre significatif de ces

20 cas.

21 C) Ceux qui ont été faits prisonniers parce qu'ils vivaient ou

22 travaillaient dans les zones de combat. Ces gens ne prenaient pas une part

23 active aux hostilités, mais sont considérés comme ennemis en raison de

24 leur origine ethnique. Leur statut de civils non-combattants devaient les

25 protéger contre cette détention. Cette catégorie est de loin la plus

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1 grande.

2 D'après notre expérience, un faible pourcentage de prisonniers

3 sont de véritables prisonniers de guerre. Les autres catégories n'auraient

4 jamais dû être emprisonnées. Nous ne sommes pas convaincus quand ils

5 prétendent avoir été incarcérés pour leur propre sécurité, et parce qu’ils

6 se trouvaient tout simplement dans la zone des combats.

7 En effet, on pourrait conclure que la plupart des prisonniers

8 étaient des gens innocents qui ont été pris comme otage pour faire

9 progresser le nettoyage ethnique. Ils sont des pions dans de mauvais jeux

10 qui sont animés par les hommes politiques nationalistes. Ces gens

11 innocents devraient être mis en liberté immédiatement.

12 Page 8 du même document, la responsabilité des chefs de file

13 et je cite :

14 "En dépit de l'existence de ces maîtres de la guerre, le gros

15 de l'évidence des preuves indique la responsabilité de ceux qui sont admis

16 comme leaders."

17 La mission estime que les leaders exercent un contrôle

18 efficace sur les structures militaires et civiles, contrairement ce qui

19 est d’habitude accepté. Les éléments dits incontrôlables sont marginaux,

20 mais leur importance a été exagérée par les différents leaders qui y

21 trouvent une bonne explication pour les nombreux actes de barbarie.

22 La mission a visité également des camps bien organisés avec un

23 personnel militaire et des agents de police qui font ce qu'ils doivent

24 faire ou ce que l'on ordonne.

25 Il n'y a pas de raison pour que la Communauté internationale

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1 accepte implicitement ou autrement les violations des accords signés à

2 Londres ou à Genève.

3 L’existence le 22 mai 1992 de cet accord démontre que toutes

4 les parties dans chaque étape ont été conscientes de leur obligation et de

5 la nécessité de les exercer. Notamment, il faut se référer également à

6 l'ordre du 19 août 1992 du Président Radovan Karadzic qui parle

7 d'obligation additionnelle.

8 En effet, il se faut se rappeler aussi qu'il y a eu beaucoup

9 de violations, d’infractions des conventions de Genève dans une grands

10 mesure. L'infraction la plus largement répandue est celle de la durée de

11 la détention qui dépasse trois mois et qui ne permet pas une

12 classification des prisonniers de guerre. Le plus grand nombre de ceux-ci

13 apparaît dans les camps des Serbes et cela est particulièrement important

14 dans le cas des Serbes.

15 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Merci. En ce qui

16 concerne certaines des personnes qui ont été accusées pour ces violations

17 sérieuses du droit humanitaire international, et notamment les différentes

18 personnalités telle que Nikolic, Mlakic et Jelicic(?) ces gens ont-ils été

19 arrêtés ou punis ?

20 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - Non.

21 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Maintenant,

22 permettez moi de me diriger brièvement vers les questions de propriété.

23 Vendredi, vous avez effleuré ce sujet et en avez parlé très brièvement.

24 Pourriez-vous nous expliquer comment ces biens étaient appropriés ?

25 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - L’une de ces

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1 modalités était la prise de propriétés des personnes qui ont été détenues

2 dans les camps.

3 Ensuite, tout ceci a été accompagné de harcèlement. Ces gens

4 étaient forcés de remettre leurs biens. Souvent, ils ont dû même payer de

5 grandes sommes d'argent pour qu'ils puissent se déplacer d'une région à

6 l'autre.

7 Ensuite, on leur demandait de signer un document comme quoi

8 ils remettaient volontairement, de leur propre gré, toutes leurs

9 propriétés aux fonctionnaires de la République Srpska.

10 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Avez-vous un

11 spécimen de ces documents ? Il s'agit de la pièce 62. Monsieur Ralston,

12 pourriez-vous nous donner lecture de la traduction anglaise de ce

13 document ?

14 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - Le document est

15 intitulé "Republika Srpska Makonic grade référence 01 08 22 Mukonic Grac

16 octobre 1992".

17 "Moi, je soussigné, résident de Makonic Grad, au nom de ma

18 famille immédiate et de ma famille en général, déclare avoir décidé de

19 remettre notre propriété, meubles et immeubles, aux autorités municipales

20 de Makonic Grad. En exprimant ma volonté et celle de ma famille, je signe

21 personnellement cette déclaration".

22 Par la signature de ce document, la famille en question a pu

23 quitter la région de Makonic Grad contre la signature du fonctionnaire

24 responsable de la municipalité de Makonic Grad. Ce document a été mis sous

25 scellés et contresigné par l'assemblée municipale de la Republika Srpska

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1 de Maconic Grad.

2 M. Harmon (interprétation de l’anglais). - Monsieur Ralston,

3 vendredi, vous avez fait le résumé de ce qui se passait dans les

4 municipalités où la population serbe n’était pas majoritaire. Vous avez

5 parlé de transfert dans les camps de déportation, de meurtres,

6 d'appropriations, de pillages de biens et ainsi de suite.

7 Que s'est-il vraiment passé dans ces différentes

8 municipalités ?

9 M. Ralston (interprétation de l’anglais) - En parlant de ces

10 différentes municipalités, à Foca il y avait à peu près 20 000 non-Serbes

11 en 1991. Au mois d’août 1993, ils n’étaient que 9.

12 A Bosanski Samac il y avait à peu près 17 000 non-Serbes.

13 Autour de juillet 1995, 98 % étaient partis.

14 A Vlasenica, la majorité des non-Serbes a été expulsée.

15 A Brcko, 79 % sur environ 69 000 non-Serbes, l’énorme majorité

16 qui n’a pas été tuée ou détenue est restée sans moyens.

17 A Prijedor, environ 64 000 non-Serbes sont tombés vers le mois

18 de juin 1993 à 88 % et vers le mois de juillet la majorité des non-Serbes

19 a été expulsée.

20 A Kotor Varos 36 670 non-Serbes en 1991 très peu sont restés.

21 A Zvornik quelque 35 000 non-Serbes ont été expulsés.

22 A Bratunac, il y avait environ 20 000 serbes ou 90 % de non

23 Serbes qui ont dû s’exiler.

24 A Rogatica, sur à peu près 12.000 habitants non Serbes, 2 700

25 ont dû fuir vers Gorazde, 3 700 vers Sarajevo, 1 200 vers Senica(?) et

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1 quelque 2 700 vers Zepa avant d’avoir été expulsés de cette région.

2 Visegrad : sur les 13 500 non-Serbes, 64,3 %. C'est une région

3 qui a été nettoyée intégralement.

4 A Srebrenica et Zepa, beaucoup de non-Serbes qui étaient venus

5 d'autres régions ont été également expulsés.

6 Je dirige votre attention sur la pièce n° 63.

7 Dans mon témoignage de vendredi, j'ai indiqué que ces régions

8 occupées par les Serbes de Bosnie étaient des régions où la population

9 non-serbe était majoritaire. Selon le recensement de 1991, il résulte des

10 activités des Serbes que la population serbe a le statut dominant dans

11 cette région.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - En effet,

13 M. Karadzic, les autres fonctionnaires et le général Mladic connaissaient-

14 ils ces faits et leurs obligations découlant de droit humanitaire

15 international ? Connaissaient-ils également leurs obligations en rapport

16 avec les conventions de Genève ?

17 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Nous pouvons dire

18 que la formation militaire de la JNA comprenait une formation sur le plan

19 de la convention de Genève et autres conventions se rapportant aux crimes

20 de guerre.

21 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - A-t-on posé la même

22 question au docteur Karadic ?

23 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Dans ce contexte,

25 je dirige votre attention sur les pièces 64, 65 et 66. Pourriez-vous nous

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1 expliquer chacune de ces pièces.

2 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - La pièce n° 64 est

3 une déclaration qui a été signée au mois de novembre concernant les

4 principes du droit humanitaire :

5 "Nous, les soussignés, nous nous engageons à respecter et à

6 assurer le respect des principes du droit humanitaire international."

7 On énumère les principes fondamentaux, y compris les

8 dispositions indiquant que toutes les autorités compétentes doivent

9 assurer la protection des prisonniers et la protection de la population

10 civile. Cette déclaration a été établie et signée par les présidents des

11 six Républiques à l'époque réunis à La Haye.

12 La pièce n° 65 est un accord sur la libération et le transfert

13 des prisonniers. Je m'excuse, mais j'avais sous les yeux un document

14 différent.

15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - La pièce 66 ?

16 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - La pièce n° 66 est

17 signée du 27 août 1992. Il s'agit d'un accord signé par le docteur

18 Karadzic et M. Itzetbegovic, accord évoquant et rejetant le nettoyage et

19 les pratiques du nettoyage ethnique, notamment en ce qui concerne les

20 parties au conflit. Le document comprend un point 3.4* :

21 "toutes les pratiques concernant les transports forcés,

22 intimidation, confiscation, destruction de la propriété, et de tout ce qui

23 fait partie du nettoyage ethnique doivent être rejetées et doivent être

24 suspendues."

25 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Nous revenons à

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1 cette pièce 65. Monsieur le Président, datée du 22 mai 1992. Il s'agit

2 d'un document des représentants des partis du docteur Karadzic qui

3 accèdent à un accord du Comité international de la Croix Rouge qui insiste

4 et réitère le respect et l'assurance du respect des lois du droit

5 humanitaire international.

6 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Le docteur Karadic

7 et le général Mladic ont-ils été informés des violations du droit

8 humanitaire international ? Certains cas de violation se sont-ils produits

9 en Bosnie ?

10 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Avez-vous des

12 informations concernant ce point directement ? Si oui, je dirige votre

13 attention sur la pièce n° 67.

14 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - La pièce 67 est un

15 document adressé au général Mladic le 2 mars 1993, document envoyé par le

16 Bureau principal de la Communauté européenne. Ce document soulève des

17 questions telles que par exemple la détérioration de la situation dans des

18 poches musulmanes en Bosnie orientale, le problème de 3 000 Musulmans de

19 Dobrinja, à savoir que ces personnes avaient été forcées de quitter leurs

20 habitations, 1 500 musulmans avaient également été expulsés de leur

21 habitation.

22 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Des résolutions

23 ont-elles été adoptées par les Nations Unies, autre organisation, en ce

24 qui concerne les violations de droit humanitaire qui se produisaient en

25 Bosnie Herzégovine ?

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1 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Est-ce que

3 MM. Karadzic et Mladic avaient connaissance de ces résolutions ?

4 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais

6 maintenant, monsieur Ralston, me tourner vers la troisième partie de

7 l'acte d'accusation concernant la prise d'otages de membres des forces de

8 maintien de la paix. Pourriez-vous nous dire s'il y a eu de telles prises

9 d'otages en Bosnie Herzégovine ?

10 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui. A plusieurs

11 reprises, des membres des forces du maintien de la paix ont été pris en

12 otage : le 13 avril 1994 pour la première fois, pour la deuxième fois le

13 21 novembre 1994, à nouveau le 26 mais 1995 et enfin, en juillet 1995, à

14 Srebrenica.

15 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

16 décrire brièvement ces incidents ?

17 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Certes. Le 13

18 avril 1994, après des attaques de l'OTAN sur des cibles militaires de

19 l'armée serbe bosniaque, suite au pilonnage de Gorazde, des zones tenues

20 par les Serbes bosniaques, des soldats observateurs militaires et des

21 soldats du bataillon canadien ont été appréhendés et soumis à des

22 restrictions dans leur liberté de mouvement. Cette action a été faite par

23 l'armée serbe bosniaque.

24 Le 21 novembre 1994, après des attaques aériennes de l'OTAN à

25 13 heures 05 contre l'aéroport de Bina*, et en réponse au pilonnage de la

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1 poche de Bihac par les forces serbes croates, des prises d'otages ont eu

2 lieu le 23 novembre également à Otoko et Dvor.

3 Suite à cela, on a bloqué complètement la liberté de mouvement

4 de tout le personnel de la FORPRONU, surtout autour de Sarajevo. Dans le

5 secteur sud-ouest, 55 membres du CanBat 2, du bataillon canadien 2, ont

6 été détenus par l'armée serbe bosniaque et également de la Brigade Ilijas,

7 et dans six sites autour de Visoko et Breza de telles prises d'otages ont

8 eu lieu.

9 Aux points de contrôle de l'armée serbes bosniaque, à tous ces

10 points de contrôle, au sein des zones qui étaient sous leur responsabilité

11 proches des zones où circulaient les véhicules des Nations Unies, l'armée

12 serbes a ordonné à tous les observateurs militaires de ne pas quitter leur

13 base.

14 Suite aux attaques aériennes de l'OTAN, les 25 et 26 mai 1995,

15 le personnel militaire serbe bosniaque a capturé ou détenu

16 284 observateurs militaires et membres des forces du maintien de la paix,

17 à Pale, Sarajevo, Gorazde et autres sites, et les a utilisés comme

18 boucliers humains.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Après Srebrenica,

20 que s'est-il passé en juillet 1995 ?

21 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Environ

22 55 Néerlandais des forces de maintien de la paix des Nations Unies ont été

23 pris en otage par l'armée serbe bosniaque.

24 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - S'agissant de cette

25 prise d'otage des observateurs militaires et des membres des forces du

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1 maintien de la paix, en mai 1995, pourriez-vous expliquer à la cour ce qui

2 s'est produit à cette occasion ?

3 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Des équipes

4 d'observateurs militaires avaient été envoyées dans toute la zone de

5 Sarajevo qui dépendait de leur responsabilité et avaient pour missions de

6 vérifier que l'artillerie lourde utilisée par l'armée serbe bosniaque ne

7 serait plus utilisée par l'armée serbe. Après avoir saisi des observateurs

8 militaires dans la zone de Pale, le personnel militaire serbe bosniaque a

9 choisi un certain nombre de ces personnes comme otages pour les utiliser

10 comme boucliers humains.

11 Trente cinq observateurs militaires des Nations Unies ont été

12 détenus, ils provenaient de huit équipes. A dater du 26 mai 1995 jusqu'au

13 27 mai 1995, le personnel militaire serbe bosniaque a tenu prisonniers

14 physiquement ou d'une autre manière des observateurs militaires et les a

15 utilisés sur des sites d'impact probables pour les attaques aériennes de

16 l'OTAN, tels que des dépôts de munitions à Jahorinski Potok, au site du

17 radar Jahorina et sur des centres de communication qui se trouvaient dans

18 cette zone afin que l'OTAN ne les attaque pas.

19 Certains de ces observateurs militaires ont été ligotés,

20 d'autres se sont vu apposer des menottes et utiliser d'une manière ou

21 d'une autre comme boucliers humains contre des attaques aériennes

22 potentielles de l'OTAN. D'autres encore se sont vu imposer d'autres

23 restrictions.

24 Le personnel militaire serbe bosniaque a tenu sous contrainte,

25 pendant toute leur captivité, les membres des forces du maintien de la

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1 paix pris en otage. Dans certaines circonstances, ces otages ont même subi

2 certains sévices. Après de longues négociations avec les leaders serbes

3 bosniaques, les otages ont été libérés suivant quatre vagues se

4 répartissant entre les 3 et 18 juin 1995.

5 Suite aux attaques aériennes de l'OTAN, non seulement des

6 observateurs militaires, mais aussi beaucoup de soldats de la FORPRONU ont

7 été détenus par les forces serbes bosniaques Ces soldats ont été postés à

8 un certain nombre de points de contrôle autour de Gorazde et des banlieues

9 tenues par les Serbes de Sarajevo, fin mai 1995. Sept jours sur sept, ils

10 ont été maintenus à ces points de contrôle, qui avaient été pris par les

11 militaires serbes bosniaques, et contraints d'y rester.

12 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - La prise de ces

13 observateurs militaires et de membres des forces du maintien de la paix

14 semble répondre à une tactique systématique ?

15 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui.

16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais attirer

17 votre attention sur la pièce 69. Quand vous aurez vu cette pièce,

18 pourriez-vous avoir l'amabilité d'expliquer ce qui s'y trouve ?

19 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Tous les endroits

20 indiqués ici, là et là encore sur cette carte représentent les sites où

21 des observateurs militaires ou des membres des forces de maintien de la

22 paix ont été capturés et utilisés comme otages. Vous pouvez remarquer que

23 ces sites, ces localités recouvrent en fait toute la zone occupée par les

24 Serbes bosniaques à l'époque. Je vous ai indiqué la plupart de ces sites

25 tout à l'heure. Vous voyez ici les sites des prises d'otages autour de

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1 Sarajevo, où un grand nombre d'observateurs militaires et de membres des

2 forces du maintien de la paix ont été pris en otage..

3 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Karadzic et Mladic

4 ont-ils été informés que des membres des forces de maintien de la paix des

5 Nations Unies ont été pris en otage en violation du droit international

6 humanitaire ?

7 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui. Des

8 fonctionnaires de haut rang des Nations Unies ont protesté contre ces

9 actions. A la suite de la prise d'otage au mois de mai 1995, otages qui

10 ont été utilisés comme boucliers humains, le public et la Communauté

11 internationale d'une manière générale se sont élevés contre cette

12 pratique. De tout ceci, naturellement, Karadzic et Mladic en étaient

13 informés.

14 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Comment ont-ils

15 répondu ?

16 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - En fait, une

17 interview a été publiée le 29 août 1994 dans Der Spiegel qui montre bien

18 l'attitude de Karadzic.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Comment évaluez-

20 vous les propositions du président américain, M. Clinton, de lever

21 l'embargo des armes contre les Musulmans, et donc d'armer vos adversaires

22 militaires ?

23 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Karadzic a

24 répondu : "si l'embargo des armes est levé, nous ne respecterons aucune

25 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous allons prendre

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1 en otage beaucoup plus de casques bleu, et nous allons descendre autant

2 d'avions que possible et arrêter autant d'étrangers que possible sur notre

3 territoire. Nous ferons tout ce qui est en faveur de notre peuple, sans

4 tenir compte de qui que ce soit d'autres."

5 Dans une interview le 17 mai, avec Der Spiegel, Karadzic

6 aurait répondu : "si l'OTAN devait attaquer, nous prendrions des otages.

7 S'il attaque, il deviendront notre ennemi".

8 Le général Mladic, le 30 mai 1995, dans un article publié dans

9 l'"International Herald Tribune", est cité comme ayant dit : "le général

10 Ratko Mladic, le commandant des Serbes bosniaques, a arrêté d'enchaîner

11 des otages pour les utiliser comme boucliers humains contre les attaques

12 aériennes de l'OTAN". Cela a provoqué la protestation du monde entier.

13 Mais il a mis en garde, il a dit : "les soldats continueraient d'exposer à

14 ces sites, également à des dépôts de munitions et des bases de radar tant

15 que les Nations Unies n'auraient pas arrêté leurs actions."

16 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Je voudrais

17 maintenant me tourner vers ce qu'a fait le Bureau du procureur de ce

18 tribunal en ce qui concerne ses efforts pour arrêter Karadzic et le

19 général Mladic. Nous avons demandé également que le greffe transmette à la

20 République Srpska et à la Serbie Monténégro des informations pour que les

21 deux suspects soient informés de l'existence des actes d'accusation contre

22 eux et de leur teneur. Or, il n'y a pas eu de réponse en ce qui concerne

23 une information des deux accusés. Rien n'a été publié dans la République

24 fédérale yougoslave ni dans la République Srpska.

25 Depuis que Karadzic et Mladic ont été ainsi accusés, se sont-

Page 265

1 ils rendus à Belgrade ?

2 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Il a été fait

3 savoir que Karadzic et Mladic se sont rendus à plusieurs occasions à

4 Belgrade depuis la prise de ces actes d'accusation. Le général Mladic

5 aurait rencontré le président Milosevic, le chef des armées de l'armée

6 yougoslave, le général Momcilo Perici à Belgrade, le 3 août 1994. Le

7 docteur Karadzic aurait rencontré les responsables de la République

8 Fédérale yougoslave à Belgrade le 29 août 1995.

9 Monsieur Karadzic et le général Mladic se seraient rendus à

10 Belgrade pour des entretiens le 14 septembre 1995.

11 Le général Mladic aurait été hospitalisé plusieurs jours, le

12 19 décembre 1994.

13 Le docteur Karadzic serait arrivé à Belgrade le 25 septembre

14 1995 pour des consultations avant la réunion de New York entre Milan

15 Milutinovic, Muhamed Sacirbegovic et Mate Granic.

16 Le 19 octobre 1995, une délégation comprenant M. Karadzic

17 aurait rencontré une délégation de la République fédérale yougoslaves à

18 Dobanovici, près de Belgrade pour des entretiens.

19 Le 23 novembre 1995, des responsables de la République

20 fédérale yougoslave et de la République Srpska y inclus Karadzic se

21 seraient rencontrés à Belgrade.

22 Le 7 février 1996, M. Karadzic aurait eu des consultations à

23 Belgrade avec Milocevic pour discuter de la nouvelle situation due à

24 l'arrestation du général serbe Djorde Dukic. Le général Mladic a été

25 photographié à Belgrade, lors des funérailles du général Dukic le 21 mai

Page 266

1 1996.

2 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur le

3 Président, ceci termine le témoignage de M. Ralston. Nous demandons que

4 les pièces qui ont été montrées pendant ce témoignage soient versées comme

5 pièces à conviction au dossier.

6 M. le Président. - Monsieur le procureur, le Tribunal vous

7 donne acte du versement au dossier et les reçoit en tant que telles, ainsi

8 qu'il va être procédé par monsieur le greffier. En avez-vous terminé pour

9 les questions que vous désiriez poser au témoin M. Ralston, monsieur le

10 procureur ?

11 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous avons

12 terminé notre présentation, monsieur le président.

13 M. le Président. - Je vous en remercie. Je me tourne vers mon

14 collègue, le juge Odio-Benito. Avez-vous une ou plusieurs questions à

15 poser au témoin ?

16 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Juste un

17 point de clarification, monsieur le président. En ce qui concerne la pièce

18 à conviction 29, je ne me souviens pas si nous avons vu la séquence n° 4.

19 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Non, nous n'avons

20 pas présenté la séquence n° 4.

21 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Avez-vous

22 l'intention de projeter la séquence n° 4 ?

23 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Non, nous n'avons

24 pas prévu de projeter cette séquence. Nous l'avons supprimée du

25 témoignage.

Page 267

1 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Monsieur Ralston,

2 vous avez dit -et je vous cite- : "que des officiels de haut rang du SDS

3 avaient rendu visite au camp et étaient tout à fait au courant des

4 conditions qui y régnaient". Vous avez dit que le président du CDS du

5 Prijedor et d'autres ont été vus dans le camp d'Omarska et dans d'autres

6 camps.

7 Pourriez-vous nous dire quelle est la relation entre le SDS,

8 l'état-major de crise Karadzic et Mladic.

9 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - L'état-major de

10 crise a été créé par les hauts fonctionnaires du SDS, les hauts membres du

11 SDS. Le personnel de cette équipe de crise était responsable pour la

12 coordination de tout ce qui se passait dans ces municipalités.

13 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Recevaient-ils des

14 ordres de Mladic ? Y a-t-il eu des signes d'une collaboration, d'une

15 coopération ?

16 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Etant donné qu'il

17 existait une coopération très étroite entre le militaire et la police, au

18 moment des prises de pouvoir, il me semble qu'on peut répondre : oui, il y

19 avait coopération, collaboration directe entre le personnel du centre de

20 crise et le SDS et les autres.

21 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Autrement dit, ils ne

22 pouvaient pas agir sans le consentement du général Mladic et du docteur

23 Karadzic ?

24 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, c'est mon

25 opinion.

Page 268

1 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Vous avez dit

2 également que lorsqu'il fut interviewé, M. Karadzic a nié que les camps

3 d'internement aient été pour les civils. Il aurait dit qu'ils étaient

4 réservés aux prisonniers de guerre.

5 A-t-il nié également le fait que des atrocités y soient

6 exercées et que des conditions inhumaines régnaient dans les camps ?

7 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, il a

8 également nié cela. Il a été interviewé à maintes reprises en ce qui

9 concerne les camps et par différents membres des médias. D'une manière

10 générale, il y a toujours nié que des atrocités soient commises dans ces

11 camps. En août 1992, il a été interviewé et il a nié ces atrocités. Il

12 avait été interviewé en ce qui concerne les camps de Prijedor. Il a dit

13 qu'il n'y avait pas d'atrocités commises. Il a continué en disant que si

14 de tels mauvais traitements avaient existé, il punirait les auteurs.

15 Personne n'a jamais été punis pour ces mauvais traitements.

16 M. le Président. - Monsieur Ralston, j'ai moi-même deux

17 questions à vous poser, peut-être trois. Vous avez décrit, à l'intention

18 du tribunal, le processus et les méthodes qui ont été utilisés dans le but

19 du changement ethnique supposé dans le programme du SDS et appliqué. Vous

20 avez décrit les similitudes, camp par camp, c'était donc vendredi,

21 similitudes que je décris : restitution des armes, allégeance, ultimatum,

22 reddition, moeurs, séparation hommes-femmes.

23 Ma question est celle-ci : a-t-on retrouvé des sources écrites

24 donnant des instructions pour la mise en place de ce processus qui est

25 similaire dans les méthodes et qui est contemporain dans le temps, c'est-

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1 à-dire la grande offensive du printemps 1992 ? A-t-on retrouvé, à votre

2 bureau, des sources écrites, des conférences d'état-major, des mémos

3 militaires, qui décriraient ce processus ?

4 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, il existe un

5 grand nombre de rapports et de documents de ce genre. J'ai même entendu un

6 témoin me les décrire, mais personnellement je n'ai jamais vu un tel

7 document.

8 M. le Président. - Monsieur le procureur, en annexe à cette

9 réponse, il semble donc qu'il y ait des sources. Vous-même, monsieur

10 Ralston, puisque vous faites partie du bureau du procureur, avez-vous

11 recherché ces sources, êtes-vous en train de les rechercher ou les

12 documents périphériques que vous avez vous paraissent-ils suffisants ?

13 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur le

14 président, notre enquête continue. Nous continuons d'enquêter sur toutes

15 les allégations et tous les chefs d'accusation.

16 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Je le dis à

17 l'intention du public qui nous occupe, il s'agit d'une procédure de

18 l'article 61, il s'agit de confirmer un acte d'accusation et bien entendu

19 je reçois donc comme tout à fait valable cette réponse et l'enquête

20 continue au-delà de l'acte d'accusation. Il convenait de le dire.

21 Deuxième question, monsieur Ralston, au sujet des missions du

22 CICR ou d'autres organisations humanitaires dont vous nous avez donné le

23 compte rendu à la fois écrit et même parfois visuel. Ces missions étaient-

24 elles préparées longtemps à l'avance et avez-vous des sources vous

25 indiquant comment elles étaient reçues ? Autrement dit, préparait-on les

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1 prisonniers à leur faire dire ce qu'ils devaient dire, les menaçaient-on

2 s'il ne disaient pas ce qu'il convenait de dire pour atténuer les

3 éventuelles souffrances qui leur étaient infligées ?

4 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, nous avons

5 retrouvé des preuves de ce que vous indiquez. Par exemple, dans le camp de

6 Bakovic où la Croix-Rouge s'est rendue fréquemment, des témoins m'ont dit

7 qu'on faisait partir les jeunes et les personnes âgées avant que la

8 Croix-Rouge n'arrive, on les emmenait ailleurs et on les ramenait la nuit,

9 dans ce camp, une fois que la Croix-Rouge était repartie.

10 En ce qui concerne les visites au camp d'Omarska, je sais

11 qu'avant que la communauté internationale arrive au camp, à peu près

12 180 détenus, les plus émaciés, dans le plus mauvais état, avaient été

13 enlevés du camp pendant ces visites. On m'a dit qu'avant ces visites, on

14 mettait en garde les prisonniers en leur interdisant de parler aux

15 journalistes et que s'ils devaient parler aux journalistes, on leur disait

16 ce qu'ils devaient dire. Dans une des séquences que nous avons montrées

17 vendredi après-midi, où des journalistes essaient de parler avec des

18 détenus d'Omarska, on se rend compte que les prisonniers sont très

19 réticents à parler avec les visiteurs.

20 M. le Président. - Merci. Troisième question pour vous,

21 monsieur Ralston. Est-ce que vous avez de la documentation, des

22 témoignages éventuellement, des sources écrites ou verbales sur le rôle

23 des deux accusés, de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic, après 1992,

24 c'est-à-dire entre 1992 et 1995 ?

25 J'entends bien que vous nous avez montré ce matin la part

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1 d'autorité qu'ils avaient dans les négociations internationales. Ceci est

2 une chose. Après tous ces offensives et ces conquêtes de territoires,

3 cette purification ethnique qui se met en place avec, au départ, une

4 certaine efficacité, je voudrais savoir quel est le rôle de ces deux

5 accusés. A-t-on des témoignages sur leur attitude, des discours où ils

6 félicitent les acteurs, par exemple, ou des comptes rendus de bulletins

7 militaires, des conférences de Conseil des ministres ? Est-ce que nous

8 avons cela ? On a l'impression qu'après 1992, on revoit ces deux

9 dirigeants dans des conférences internationales, mais on n'a pas, semble-

10 t-il, de traduction de leur rôle à partir de ce moment-là. Avez-vous des

11 sources et, éventuellement, les réservez-vous pour le procès, si un jour

12 il y a procès contradictoire ?

13 M. Ralston (interprétation de l'anglais). - Oui, je crois que

14 je peux apporter des éléments. Nous avons conduit un grand nombre

15 d'interviews, d'entretiens avec un grand nombre de personnes de très haut

16 niveau en ce qui concerne le rôle et de Karadzic et de Mladic et de leurs

17 relations. On pourrait résumer cela en deux ou trois points.

18 D'abord, le Dr Karadzic était le leader politique et le chef

19 suprême des armées, des militaires, et le Général Mladic était l'officier

20 militaire le plus haut dans la hiérarchie, responsable de l'armée serbe en

21 Bosnie et, par ailleurs, nous avons la preuve que M. Karadzic, après la

22 chute de Srebrenica, félicite les militaires serbes d'avoir provoqué cette

23 chute.

24 M. le Président. - Je voudrais juste compléter sur le plan de

25 votre réponse. Le Tribunal s'interroge. Il y a certainement eu des

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1 réunions du Parlement serbe entre 1992 et 1995. Il y a donc certainement

2 eu des communications faites par le ministre de la Défense, par

3 M. Karadzic lui-même. Avez-vous des comptes rendus de ces sessions ? Il y

4 avait un journal officiel. Je suppose que cela devait être l'ordre du jour

5 permanent.

6 Si M. Ralston n'est pas en mesure de répondre, cette question

7 s'adresse aussi bien à M. Mark Harmon. Monsieur Mark Harmon, cette

8 question s'adresse à votre bureau, bien entendu.

9 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Monsieur le

10 président, à ce stade et comme vous l'avez dit, l'objectif de l'article 61

11 est tel que nous avons décidé de ne pas présenter tous les éléments de

12 preuve dont dispose le bureau du procureur et nous procédons de cette

13 manière pour des raisons qui nous semblent assez évidentes. Nous estimons

14 que la charge de la preuve, dans le cadre de l'audience en vertu de

15 l'article 61, consiste à présenter suffisamment d'éléments de preuve pour

16 qu'il y ait des raisons suffisantes pour confirmer que MM. Karadzic et

17 Mladic ont bien commis les chefs d'accusation et nous avons choisi de ne

18 pas présenter d'autres éléments de preuve pour des raisons de sécurité et

19 d'autres raisons de ce genre.

20 M. le Président. - Merci, monsieur le procureur, pour votre

21 réponse.

22 Dernière question pendant que vous avez la parole. A la fin de

23 votre intervention, je pense pour faire la preuve de la défaillance des

24 accusés et de ceux qui vraisemblablement les protégeraient, vous avez

25 parlé des contacts que vous avez eus. Est-il confidentiel ou secret de

Page 273

1 vous demander si votre bureau a eu lui-même des contacts à haut niveau à

2 Belgrade ou à Pale, au-delà des publications dans les journaux que nous

3 connaissons puisque c'est ce qui a déclenché la convocation à la présente

4 audience. Mais vous-mêmes, dans votre bureau, avez-vous eu des contacts à

5 haut niveau, depuis ces mandats d'arrêt et ces accusations, pour faire

6 prendre conscience que ces mandats d'arrêt devaient être exécutés ?

7 M. Harmon (interprétation de l'anglais). - Oui, Monsieur le

8 Président.

9 M. le Président. - Merci. Je suppose que ces contacts sont

10 couverts par un secret qui concerne la stratégie du bureau du Procureur,

11 mais il appartenait au Tribunal que vous puissiez dire que des contacts

12 ont eu lieu et ont traduit la détermination du Bureau du Procureur au plus

13 haut niveau pour que les accusés répondent à la justice internationale en

14 se présentant. Je vous en remercie.

15 Il n'y a pas donc pas d'autre question. Je crois, Monsieur le

16 Procureur, que nous pouvons remercier M. Ralston de son témoignage et le

17 renvoyer à la continuation de l'exercice de sa mission dans le cadre du

18 Bureau du Procureur. Merci, Monsieur le Procureur.

19 M. Raslton (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le

20 Président.

21 M. le Président. - Monsieur le Procureur.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous voulons

23 maintenant appeler notre témoin suivant, à moins que vous ne souhaitiez

24 faire une pause.

25 M. le Président. - Je pense qu'il serait peut-être logique que

Page 274

1 nous fassions la pause entre deux témoins, avant que ne commence

2 l'audition du témoin suivant.

3 L'audience est suspendue, elle reprendra à 11 heures 20.

4 La séance, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures

5 25.

6

7 M. Le Président. - Monsieur le Procureur, vous pouvez faire

8 entrer le témoin suivant.

9 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous appelons M.

10 Jan Van Hecke.

11 M. Le Président. - Monsieur Van Hecke, m’entendez-vous bien ?

12 Je vous demande de lire votre déclaration.

13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Je déclare

14 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la

15 vérité.

16 M. Le Président. - Merci, monsieur Van Hecke. Vous pouvez

17 vous asseoir. Vous avez été cité devant le Tribunal pénal international

18 comme témoin par le bureau du procureur.

19 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci, monsieur

21 le Président.

22 Pourriez-vous donner votre nom, et même l'épeler.

23 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - Je m’appelle Jan

24 Van Hecke. Je suis enquêteur auprès du bureau du procureur.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Madame et

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1 messieurs les juges, pour votre information nous parlerons dans cette

2 déposition du pilonnage et des tirs isolés sur Sarajevo, ainsi que des

3 attaques contre Tuzla.

4 Nous avons préparé un certain nombre de pièces à conviction

5 que nous allons vous montrer. Je demanderai que vous soient remis ces

6 trois classeurs qui contiennent les photographies et les autres éléments

7 que nous allons verser au dossier.

8 Ces documents contiennent également un certain nombre

9 d’éléments relatifs aux témoins ultérieurs qui s'ajoutent à ceux dont nous

10 allons traiter dans l'immédiat

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Très bien,

12 monsieur Van Hecke. Vous avez déclaré être membre du bureau du procureur.

13 Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?

14 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - Depuis avril

15 1995.

16 M. Ostberg (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous parler

17 de vos postes précédents ?

18 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - Je suis officier

19 de police belge et cela depuis 18 ans. J’ai actuellement le rang de

20 détective commissaire dans la police judiciaire belge. Depuis 1988, date à

21 laquelle j’ai rejoint le bureau du procureur, j'ai été chargé d’enquêtes

22 relatives à des homicides et à la drogue dans la région de Louvain, en

23 Belgique.

24 M. Ostberg (interprétation de l’anglais). - Dans quel type

25 d’enquêtes avez-vous été impliqué depuis que vous avez rejoint le bureau

Page 276

1 du procureur ?

2 M. Van Hecke (interprétation de l’anglais). - J’ai travaillé

3 sur les allégations de crimes de guerre contre les populations civiles de

4 Sarajevo et me suis concentré principalement sur des présomptions de tirs

5 isolés et de pilonnage contre des civils. Ces présomptions couvrent la

6 période qui s’étend d’avril-mai 1992, date du début des hostilités à

7 Sarajevo, jusqu’aux accords de Dayton de décembre 1995.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Combien d’affaires

9 cela implique-t-il ?

10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Nous avons

11 établi, au départ, qu’il était impossible d’enquêter totalement sur toutes

12 les présomptions de tirs isolés et de pilonnages couvrant cette période.

13 Par conséquent, nous avons dû choisir un certain nombre de cas sur le

14 total. Nous avons enquêté sur environ 60 à 70 cas de tirs isolés et 38 cas

15 de pilonnages.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous

17 dire quelques mots des méthodes que vous avez utilisées dans ce genre

18 d’enquêtes.

19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Notre méthode

20 fondamentale a consisté à obtenir les dossiers auprès des autorités de

21 Sarajevo qui ont enquêté sur un grand nombre d’incidents. Les fondements

22 de ces enquêtes n’étaient pas facilement disponibles en 1992, si l’on

23 compare aux éléments de preuve que nous avons pu obtenir par la suite des

24 autorités bosniaques.

25 Sur la base de ces dossiers, nous avons localisé et interviewé

Page 277

1 un certain nombre de victimes, des témoins oculaires, et nous avons

2 corroboré leurs dépositions et celles des enquêteurs, notamment en ce qui

3 concerne les enquêtes balistiques et les enquêtes de médecine légale.

4 Les méthodes et conclusions de ces experts ont été comparées

5 aux avis et confirmations provenant d’un certain nombre de conclusions de

6 médecine légale. Dans de nombreux cas, des documents médicaux certifiés

7 ont été produits et des certificats de décès ont été obtenus concernant

8 les blessés ou les victimes tuées.

9 Dans chacun des cas, nous avons établi que les incidents

10 impliquaient des témoins civils ou non combattants et qu’aucune activité

11 militaire n’avait eu lieu de la part des forces gouvernementales

12 bosniaques aux lieux et époques impliqués.

13 Nous avons également obtenu des éléments de preuve concernant

14 la disposition des forces autour de la ville, ainsi que la filière de

15 commandement des forces serbes bosniaques ou de l’armée de la Republika

16 Srpska pendant ce que l’on a appelé le siège de Sarajevo.

17 Pour l’essentiel, ce corps serbe bosniaque a toujours été

18 celui qui était responsable du siège. Il s’agissait du corps de Romanija

19 de Sarajevo. Ce corps au début, basé déjà à cet endroit avant le début des

20 hostilités, dépendait du 2ème district militaire, 4ème corps de l’armée

21 nationale yougoslave JNA.

22 Les autres troupes de ce corps constituaient la base du corps

23 de Romanija et de Sarajevo et ont pris les armes laissées par l’ancienne

24 JNA, à savoir des chars de l’artillerie déjà placés autour de Sarajevo au

25 début du conflit.

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1 M. Otsberg (interprétation de l’anglais). - J’aimerais

2 maintenant que vous décriviez la géographie de la zone. Monsieur le

3 Président, je voudrais présenter la pièce à conviction 71 qui est une

4 photographie aérienne tirée du National géographic qui montre la ville de

5 Sarajevo. On peut même constater sous quel angle la ville est observée.

6 Je demanderai à M. Van Hecke de nous décrire cette pièce.

7 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Comme vous le

8 savez sans doute, Sarajevo est la capitale de la République de Bosnie-

9 Herzégovine ainsi que le siège du gouvernement national.

10 Historiquement, la ville remonte à l'époque romaine et au

11 cours des âges, elle a toujours été un centre culturel et commercial

12 important de la région. Le recensement de 1991 indique une population

13 approchant 526 000 habitants, dont la composition ethnique se divise en

14 49,35 % de Musulmans, 29,9 % de Serbes, 6,6 % de Croates et 10,7 % de

15 Yougoslaves, avec 3,5 % de personnes se décrivant comme appartenant à

16 d'autres groupes.

17 Peut-on montrer la pièce sur les écrans ?

18 Comme vous le voyez la ville occupe une vallée longue et

19 étroite le long de la rivière Miljacka et elle est dominée par des

20 montagnes qui regardent vers la Ville.

21 Sarajevo s’étend de l’Est à l’Ouest le long de cette rivière,

22 les pentes de la montagne étant occupées par des zones résidentielles et

23 commerciales, ainsi que par la vieille ville qui se situe à l’Est. A

24 l’Ouest, on trouve des quartiers résidentiels et commerciaux ainsi qu’un

25 certain nombre de nouvelles municipalités qui vont jusqu’à l’extrémité

Page 279

1 occidentale de la vallée.

2 Vous constaterez à l’oeil nu que la ville se trouve dans une

3 cuvette et qu’elle peut être vue en détail depuis toutes les collines.

4 Nous avons deux photographies qui montrent Sarajevo depuis les

5 collines. Il s’agit des pièces à conviction 72 et 73. Peut-être pourrions-

6 nous voir ces photographies avant la vidéo ?

7 Voici une vue très claire de la ville.

8 La pièce suivante n’est pas très différente de la précédente.

9 Maintenant je pense que nous pouvons voir la vidéo qui sera la pièce à

10 conviction 70.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourrez-vous nous

12 commenter cette séquence vidéo lorsque la projection commencera ?

13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Lorsque les

14 hostilités ont commencé en avril 1992, les forces qui devaient

15 ultérieurement devenir l'armée de la Republika Srpska ont occupé les

16 collines avoisinantes et les lignes de confrontation se sont établies

17 rapidement.

18 Ces lignes sont restées pratiquement les mêmes pendant toute

19 la durée du conflit. A partir de ses positions, l’armée de la Republika

20 Srpska avait une vue non obstruée sur la ville et sa population. Ses

21 forces possédaient de grandes quantités d’armement léger et d’artillerie,

22 ainsi que des munitions. A partir de mai 1992 environ, Sarajevo a subi un

23 siège et des pilonnages ainsi que des tirs isolés.

24 Voici une vue d’un quartier de Sarajevo.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous pouvons

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1 maintenant passer à la pièce à conviction 74 qui est une carte qui montre

2 les lignes de confrontation. Pouvez-vous nous commenter cette carte ?

3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Je puis montrer

4 les lignes de confrontation à partir de cette carte préparée par des

5 sources des Nations Unies qui montre clairement la façon dont la ville et

6 la population civile, dans sa totalité, s’est trouvée prise au piège dans

7 cette cuvette que constitue Sarajevo.

8 L’armée de la Republika Srpska a lancé des attaquants contre

9 cette population sans aucune justification, sans aucun objectif militaire,

10 sans que cette action militaire soit légitime. Les lignes de confrontation

11 sont restées les mêmes pendant toute la période.

12 M. Ostberg (interprétation de l'anglais).- Vous nous avez dit

13 au départ que vous aviez mené des enquêtes sur des incidents relatifs à

14 des pilonnages et à des tirs isolés. Pouvez-vous nous parler des tirs

15 isolés ?

16 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Là encore je ne

17 peux que vous donner une idée générale de ces tirs isolés. La campagne de

18 tirs isolés s'est prolongée pendant toute la durée du siège et au nombre

19 de victimes civiles on a compté des personnes âgées et des enfants des

20 deux sexes.

21 La campagne a affecté un grand nombre de quartiers de la ville

22 et les dommages ont été d'importance diverse. Personne pour l'essentiel ne

23 pouvait se sentir sûr, où que ce soit dans la ville, même à l’intérieur

24 des maisons.

25 Des habitations civiles, des immeubles ont été pris pour cible

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1 à de nombreuses reprises et des gens se sont trouvés blessés, même

2 lorsqu’ils étaient assis sur leur canapé, ou lorsqu’ils dormaient ou

3 réalisaient des tâches ménagères. Les attaques par tirs isolés ont

4 impliqué l’utilisation d'armes à feu, ce qui signifie que la cible était

5 sélectionnée et délibérément choisie.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous pouvons

7 maintenant montrer la pièce à conviction 75 qui se compose d’un certain

8 nombre de photographies. Je vous demanderai d’expliquer à la Cour de quoi

9 il s’agit.

10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Vous voyez ici

11 trois exemples d'armes utilisées par les tireurs isolés.

12 On trouve donc des fusils, des armes légères automatiques, et

13 en général il y a un viseur. Dans le cadre de la campagne contre Sarajevo,

14 ces armes ont également compris des mitraillettes légères, celles que vous

15 voyez en bas.

16 M. Ostberg interprétation de l'anglais). - Celles du bas ?

17 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais).- Oui. M84 ou NSV.

18 C’est une arme qui a une portée de 2 000 mètres, équipée d’un élément de

19 visée, donc permettant de viser plus précisément, que l'on a appelée dans

20 la population " l’arme de mort". C'est une arme très puissante, qui tire

21 par rafale.

22 La connaissance que la population locale avait des attaquants

23 et du fait qu'ils étaient dans une position très favorable au-dessus de la

24 ville dans les collines, ainsi que dans des immeubles élevés, a permis aux

25 tireurs isolés de sélectionner et de viser leur cible très précisément.

Page 282

1 Dans de nombreux endroits, les lignes de confrontations plaçaient les

2 tireurs isolés près des zones civiles, par exemple, à Grbavica où les

3 tireurs isolés ont pris pour cible la route principale qui traverse la

4 ville à partir des immeubles qui se trouvent du côté serbe bosniaque.

5 C’est ce que l’on a appelé la "snipper alley", terme devenu très célèbre.

6 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous

7 dire quelle forme a revêtu cette campagne de tirs isolés ?

8 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - De nombreuses

9 zones dans la ville étaient constamment en danger. J'ai personnellement vu

10 un certain nombre de barricades improvisées dressées pour offrir quelque

11 abri, quelque protection dans la ville et dans ses environs. Je l’ai vu

12 par exemple à Dobrinja, à l’Ouest de la ville où les gens étaient très

13 exposés dans des zones très vastes séparant des immeubles d’habitation et

14 même à l’intérieur des appartements ainsi qu’aux carrefours et dans les

15 villes particulièrement dangereuses du centre-ville.

16 Nous voyons par exemple sur la pièce à conviction 76 des

17 autocars et d'autres véhicules qui ont été endommagés. Vous voyez ici des

18 voitures qui sont utilisées pour dresser des barricades, ce qui permet aux

19 gens de courir derrière ce que l’on peut appeler ce "mur de véhicules"

20 pour échapper aux tirs isolés de l’autre côté.

21 Un autre exemple, pièce à conviction 77, où vous voyez des

22 autocars qui sont placés à cet endroit pour protéger des tirs isolés.

23 Pièce 78, encore une fois des autocars destinés à protéger la

24 population.

25 Pièce à conviction 80 : nous voyons ici une position anti-tirs

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1 isolés des Nations Unies. Les forces des Nations Unies se plaçaient

2 fréquemment aux endroits où les tirs isolés étaient les plus nombreux pour

3 bloquer les rues. Un grand nombre d'endroits ont pris le nom de "nids de

4 snipper", des rues étant appelées "allées de snipper", c’était les

5 endroits où les victimes civiles étaient les plus nombreuses.

6 Mais l’un des problèmes les plus importants résidait dans le

7 fait que souvent les civils étaient contraints de prendre des risques en

8 s’exposant aux tirs isolés en exécutant des tâches aussi communes qu'aller

9 chercher de l’eau, par exemple.

10 Nous avons enquêté sur des cas où les gens ont été tués à

11 l'intérieur de leurs habitations. Et bien entendu le nombre des victimes

12 civiles a été important. C'était inévitable.

13 M. Otsberg (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous nous

14 décrire une modalité typique de ces tirs isolés ?

15 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Dans certains

16 lieux il s’agissait de quelque chose de très fréquent : les tirs étaient

17 intensifs et s'étendaient sur des périodes prolongées. Dans d'autres cas,

18 ils étaient plus aléatoires. Quelquefois, les tirs se faisaient par

19 rafale. Les gens sortent de chez eux dans l'espoir qu’il y ait quelque

20 sécurité pendant quelque temps et c’est à ce moment-là que les tirs isolés

21 éclatent et qu’ils sont touchés, souvent pendant des cessez-le-feu, en

22 rupture des accords et avec ciblage des civils.

23 Cela s'est produit quand par exemple des gens voulaient porter

24 secours à une victime qu'ils ne pouvaient atteindre sans risquer eux-mêmes

25 le feu des tireurs isolés. A ce moment là, ils étaient victimes également.

Page 284

1 Il y a eu des victimes qui auraient pu survivre si elles

2 avaient eu de l'aide.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner

4 des exemples de tels cas ?

5 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Nous avons

6 enquêté sur un certain nombre de cas qui sont cités dans les actes

7 d'accusation. Ils comprenaient des enfants, des femmes, des personnes

8 âgées. Il apparaît donc à l'évidence que le tueur isolé cible délibérément

9 sa victime et n'hésite pas à tirer, y compris sur des femmes, des

10 personnes âgées ou des enfants.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Le tireur isolé

12 devait-il toujours utiliser sa lunette pour agrandir la cible ?

13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Non, il tirait

14 quelquefois d'assez près. Par exemple, à Grbavica, il y avait cinq

15 immeubles du côté serbe bosniaque et ils avaient une vue tout à fait

16 dégagée, à partir de ces immeubles, sur les gens qui circulaient dans la

17 rue. Bien entendu, à l'aide de la lunette ciblée, viser la victime ne

18 présentait aucune difficulté, ils voyaient très clairement de qui il

19 s'agissait.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais) .- Madame, Messieurs

21 les juges, vous avez lu les actes d'accusation et vous en avez entendu

22 lecture en début de cette audience. Vous savez donc qu'une liste de

23 personnes a été citée, dont une liste de quinze enfants au total, avec un

24 petit garçon de 2 ans ; puis une liste de femmes, la plus jeune étant âgée

25 de 20 ans, la plus âgée d'une cinquantaine d'années ; enfin une liste de

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1 vingt personnes âgées (des femmes âgées de 60 à 70 ans) ; puis une autre

2 liste d'hommes et de femmes mélangés.

3 A votre avis, lorsque vous avez mené cette enquête, les

4 personnes, dont les noms figurent dans l'acte d'accusation, ont-elles été

5 ciblées individuellement par les tireurs isolés ?

6 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, il

7 s'agissait, à l'évidence, de civils qui ont été pris pour cible par les

8 tireurs isolés qui voyaient très clairement quelle était l'identité de ces

9 personnes.

10 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous donner

11 à la Cour un nombre estimé des personnes tuées par les tireurs isolés ?

12 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - C'est très

13 difficile à dire mais, au cours de notre enquête, nous avons constaté

14 37 décès. C'est, bien entendu, une proportion très restreinte du total des

15 tués.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous ne pouvez pas

17 vous approcher d'un nombre plus proche de la réalité ?

18 M. Van Hecke(interprétation de l'anglais). - Selon notre

19 estimation, il y en a au moins une centaine -au moins. Mais je n'ai pas

20 les statistiques précises à ma disposition pour pouvoir vous donner une

21 estimation plus précise.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci beaucoup.

23 Si vous le voulez bien, nous passons maintenant au pilonnage.

24 Je vous demanderai de commencer par nous dire quels types d'armes ont été

25 utilisés dans ces pilonnages.

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1 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Trois types

2 d'armes ont été utilisés : des fusils, des mortiers, et des Houwitzer.

3 Je demanderai que l'on montre la pièce à conviction 81.

4 Avant de poursuivre avec cette pièce 81, une vidéo a été

5 préparée. Peut-être pourrait-on d'abord voir la vidéo qui porte sur le

6 pilonnage. C'est la pièce à conviction 70.

7 (Projection de la vidéo)

8 Vous voyez comment ces victimes tentent de trouver un abri et

9 de s'enfuir.

10 Vous voyez ici que les gens doivent parfois traverser la rue

11 entre des barricades, dans des endroits particulièrement exposés aux tirs

12 isolés.

13 Comme vous pouvez le constater, ces gens sont tous des civils.

14 Vous voyez ici une femme qui a été touchée par la balle d'un tireur isolé.

15 Comme je l'ai dit précédemment, les gens étaient bien forcés

16 de sortir pour répondre à leurs besoins fondamentaux.

17 Vous avez ici un exemple de tir isolé frappant un tramway.

18 Comme vous le voyez, il s'agit d'une séquence vidéo de

19 quelques minutes à peine, mais tout cela a eu lieu quarante huit mois,

20 sans discontinuer, à Sarajevo, pendant le siège.

21 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Les pilonnages et

22 les tirs isolés se produisaient-ils simultanément ?

23 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, pendant

24 toute la période du siège de Sarajevo de quarante huit mois.

25 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Et, pendant qu'il

Page 287

1 y avait des pilonnage, il y avait donc également des tirs de tireurs

2 isolés ?

3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, bien

4 entendu.

5 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous nous

6 dire quelques mots des armes utilisées pour les pilonnages ?

7 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui. Revenons à

8 la pièce à conviction n° 81.

9 Vous voyez ici les mortiers utilisés dans les alentours de

10 Sarajevo. Il y avait des mortiers de 60 millimètres, de 82 millimètres

11 et de 120 millimètres.

12 La pièce à conviction 82 montre d'autres armes qui étaient

13 utilisées : des Houwitzer, un type d'obus particulier, le fusil de

14 montagne 76 millimètres, le Houwitzer 105 millimètres et le Houwitzer

15 152 millimètres, appelé également M84. Toutes ces armes ont été utilisées

16 dans les alentours de Sarajevo pour cibler Sarajevo

17 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous

18 également nous dire quelques mots des endroits où ces armes étaient

19 placées ?

20 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - J'aimerais que

21 l'on revienne à la pièce à conviction 83 qui est, pour l'essentiel, la

22 même carte que celle que nous avons vue précédemment mais, cette fois-ci,

23 nous voyons la localisation des armes déployées autour de Sarajevo. En

24 haut à gauche, des indications vous permettent d'interpréter cette carte

25 montrant le déploiement des armes autour de Sarajevo. Ce qui figure en

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1 vert indique les batteries de pièces d'artillerie. Il y a également les

2 pièces de mortier, les armes de défense antiaérienne.

3 Tout cela était situé autour de Sarajevo.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Nous avons la

5 légende en haut à gauche, n'est-ce pas ?

6 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Effectivement.

7 Comme vous pouvez le constater, les pièces d'artillerie

8 étaient nombreuses autour de Sarajevo. L'artillerie lourde a été retirée

9 en 1994, conformément à l'accord sur la zone d'exclusion, mais des

10 batteries de mortier ont été maintenues autour de la ville. Ces mortiers

11 ont continué à être utilisés de façon très générale, certains tirant à

12 partir de coordonnées topographiques préétablies en des lieux précis, ce

13 qui donnait une zone de ciblage cohérente, toutes ces localisations de tir

14 visant les civils de la ville.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quand cela s'est-

16 il passé ?

17 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - En février 1994,

18 l'artillerie lourde a dû être retirée de Sarajevo et placée à 20

19 kilomètres autour de la ville à la suite d'un accord.

20 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui,

21 effectivement.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous nous avez

23 déjà parlé des armes utilisées. Maintenant nous voyons où ces armes

24 étaient déployées. Pouvez-vous décrire ces armes ?

25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, je peux

Page 289

1 vous donner davantage de détails au sujet de ces armes. Là nous rentrons

2 dans la technique.

3 Pour l'essentiel, il y avait donc trois types d'armes : les

4 fusils, les Houwitzer, les obus. Les obus étaient des obus à grande

5 vitesse, d'une grande précision et d'une grande portée. Les fusils avaient

6 une trajectoire plate pour tir direct. Les mortiers avaient une

7 trajectoire élevée et servaient aux bombardements aériens grâce à des tirs

8 indirects.

9 On tire donc à partir d'un bâtiment ou d'une colline sur une

10 cible. Le Houwitzer et le mortier fonctionnent de façon très similaire,

11 toujours en trajectoire indirecte et, dans le cas des obus de 120

12 millimètres, l'obus peut voler à 6 kilomètres et demi d'altitude et peut

13 prendre 45 secondes avant d'atteindre sa cible.

14 Ces hommes ont également été utilisés pour combattre les zones

15 de sécurité.

16 Des obus explosent avec une surface de fragmentation très

17 importante, l'enveloppe de l'obus se désintégrant en centaine de morceaux

18 de métal dont le potentiel de morts est très important. Un obus de mortier

19 de 120 millimètres peut avoir un rayon de mort de 54 mètres sur une zone

20 dangereuse d'une surface totale de 500 mètres. Il est donc très efficace.

21 Les mortiers sont principalement destinés à cibler des troupes

22 en mouvement sur terrain ouvert.

23 Dans les zones confinées des rues d'une ville, avec les

24 bâtiments qui se trouvent dans ces rues, ces armes ont un effet

25 dévastateur et peuvent faire de très nombreuses victimes.

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1 La précision du mortier est affectée par un certain nombre de

2 facteurs, notamment les conditions météorologiques, la hauteur de la

3 trajectoire, la vitesse du vent, l'orientation et également l'effet de

4 l'incrustation de la base de l'arme au moment du tir.

5 L'armée de la Républica Srpska avait un grand nombre de

6 mortiers dont les coordonnées de localisation étaient fixes pour pré-

7 cibler la ville, ce qui permettait un meilleur degré de précision que les

8 mortiers normaux parce que la base de l'arme est plus stable lorsque la

9 pièce est enfoncée dans la terre.

10 L'armée des Serbes de Bosnie a utilisé les mortiers autour de

11 Sarajevo de façon très particulière. Dans une guerre normale, le mortier

12 est une arme de précision qui sert à des tirs indirects, on ne voit pas la

13 cible. Mais à Sarajevo, les positions où étaient placés les mortiers

14 étaient telles que l'on pouvait avoir une vue dégagée sur la ville.

15 Nous pouvons maintenant passer à un certain nombre de pièces à

16 conviction en commençant par la pièce 84.

17 Ici l'hôpital de la ville. Vous voyez que même les hôpitaux

18 ont été l'objet de pilonnages.

19 Pièce suivante : ici l'hôpital de Kosevo où vous voyez

20 l'impact d'un obus.

21 Pièce 86 : une autre image de l'hôpital de Kosevo.

22 On voit donc que les hôpitaux ont été fréquemment la cible de

23 pilonnages.

24 Pièce 87 : dans cette rue, sur la gauche, le 28 août 1995, a

25 eu lieu un pilonnage. Il s'agit du marché fermé de Sarajevo. Je reviendrai

Page 291

1 ultérieurement sur cet incident particulier.

2 Pièce suivante : au milieu de la photo, vous voyez ici le

3 cratère dû à un obus de mortier de 120 millimètres qui a atterri à cet

4 endroit. Vous voyez également le sang tout autour du cratère.

5 Pièce suivante : vous voyez ici le même endroit sous un autre

6 angle.

7 Pièce suivante : on voit aussi du sang.

8 Vous voyez ici les ravages du pilonnage : 43 personnes ont été

9 tuées à cet endroit. Vous voyez le pied détaché du corps d'une victime .

10 Pièce suivante : vous voyez la partie d'une main.

11 Lorsque les enquêteurs arrivaient sur le terrain, ils trouvait

12 souvent les restes de corps humains, les victimes ayant déjà été emportées

13 à la morgue de l'hôpital.

14 Là aussi, des victimes que l'on voit à la morgue. Vous

15 constaterez qu'il y a des femmes parmi ces victimes.

16 Pièce suivante. Ici, c'est une queue de gens allant chercher

17 de l'eau qui a subi un pilonnage, à Dobrinja. Vous voyez les bidons d'eau

18 sur la gauche.

19 Ici, vous voyez un autre choc de mortier. Là, c'est

20 Vase Miskina, dans la ville de Sarajevo. Un pilonnement au commencement de

21 la guerre, en mai 1992.

22 L'une des victimes de ce pilonnage est un enfant.

23 Ici, une autre victime de ce même pilonnage, lequel s'est

24 produit en janvier 1994. Les enfants faisaient de la luge dans cette

25 partie résidentielle de la partie occidentale de Sarajevo lorsque trois

Page 292

1 obus ont atterri à proximité immédiate du lieu où les enfants se

2 trouvaient.

3 Des pas dans la neige et des fragments autour.

4 Les luges des enfants qui sont tombés, victimes au cours de

5 cette attaque, de ce pilonnage.

6 Un autre site, dans le quartier de Dobrinja, où des gens

7 faisaient la queue pour l'aide humanitaire et vous voyez l'impact des

8 obus.

9 Nous verrons certaines des victimes de ce pilonnage, si vous

10 voulez bien passer les photos l'une après l'autre. Une autre victime

11 habillée en civil.

12 Une jeune femme tuée dans la même opération, dans le même

13 pilonnage.

14 Une autre femme tuée.

15 Un homme tué, lui aussi durant le même pilonnage.

16 Un autre homme.

17 Une autre femme tuée.

18 Comme vous avez pu le voir au cours de la présentation des

19 photos qui ont précédé, parmi les victimes de ce pilonnage, il y a des

20 gens de tous âges. Ils étaient tous en route pour faire la queue pour

21 s'approvisionner en eau et vous pouvez vous faire une idée de la façon

22 dont les gens formaient ces queues. Il s'agissait de véritables

23 rassemblements de gens lorsqu'ils devaient aller chercher de l'eau et

24 c'est les moments choisis par l'armée des Serbes bosniaques pour pilonner,

25 pour attaquer la ville.

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1 L'école primaire Simon Bolivar. Vous voyez que la pompe à eau

2 était placée tout près et c'est là que les gens venaient pour

3 s'approvisionner. L'accident s'est produit en juin 1995.

4 Si vous voulez bien, pour situer cela, nous pouvons revenir à

5 la pièce 74. Vous pouvez voir où se trouve le quartier de Dobrinja, au

6 sud-ouest de Sarajevo. Il s'agissait d'une poche pratiquement au coeur de

7 la zone assiégée, cette poche qu'attaquaient les forces serbes bosniaques.

8 Revenons en arrière. Vous voyez sur la photo du haut les

9 impact d'obus sur un mur haut de 4 mètres et, sur la photo du bas, le

10 stabilisateur de cet obus qui est passé de l'autre côté du mur. Vous

11 pouvez voir l'emplacement exact où l'obus a atterri.

12 Photos suivantes. Vous pouvez voir sur ces photos tous ces

13 récipients d'eau qui se trouvaient de l'autre côté de la pompe, là où les

14 gens s'approvisionnaient, et qui étaient passés de l'autre côté. En bas,

15 vous voyez une victime, une personne âgée. Ensuite, vous verrez une série

16 de victimes de ce même genre de pilonnage. Ces photos vous démontreront

17 comment ces obus explosaient à une hauteur de quelques mètres au-dessus du

18 sol. Tous les gens ainsi étaient blessés à la tête.

19 Vous voyez, vous pouvez noter ces fragments et quels en sont

20 les effets une fois en contact avec le corps humain.

21 Une femme qui a été tuée au cours du même pilonnage.

22 Une des victimes. Tous portent des blessures à la tête.

23 Je vous présente des photos terrifiantes, mais ce n'est qu'une

24 petite partie de ce qui s'est passé à Sarajevo pendant les trois, quatre

25 années écoulées.

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1 Encore un pilonnage d'une autre queue de gens

2 s'approvisionnant en eau, photo prise sous un autre angle. Un certain

3 nombre de corps se trouvent encore à même le sol.

4 Même situation, même incident. Les effets de l'explosion. Les

5 éclats tombés sur les voitures qui se trouvaient aux alentours.

6 Je pense que nous terminons avec cette série de pièces,

7 d'éléments de preuve.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous venez de nous

9 présenter les effets de ces pilonnages et les armes utilisées. Ma question

10 est la suivante : d'autres armes spécifiques ont-elles été utilisées ?

11 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, on a

12 utilisé des bombes aériennes modifiées, au cours de 1995. Il s'agissait de

13 bombes dirigées sur le bâtiment de la télévision à Sarajevo. Ceci est

14 significatif parce qu'il s'agit d'obus qui ont touché des appartements

15 résidentiels, donc autres que les bâtiments militaires, c'est-à-dire des

16 bâtiments civils et ce ne sont pas des armes qu'on utilise pour une haute

17 précision.

18 De nouveau, la pièce 84. Voilà les premières bombes aériennes

19 qui ont été lancées à partir de cette région. C'est la ligne du tir.

20 J'essaierai d'être le plus exact possible pour vous indiquer la ligne du

21 tir. Il s'agissait de bombes qui survolaient le territoire détenu par les

22 forces gouvernementales bosniaques. Une bombe est venue de ce côté-ci, a

23 été tirée dans cette direction-là et a survolé le territoire détenu par le

24 gouvernement bosniaque, en allant vers le côté ouest de Sarajevo, dans

25 cette direction-ci.

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1 Par conséquent, ces bombes n'avaient pas une exactitude de tir

2 précise, raison pour laquelle elles ont été tirées dans les directions

3 dans lesquelles elles ont été tirées.

4 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous des

5 photos qui pourraient illustrer cela pour le Tribunal ?

6 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, j'ai un

7 certain nombre de pièces photographiques montrant les effets de

8 l'explosion d'une bombe aérienne.

9 La pièce n° 135 représente le dessin d'une bombe aérienne

10 improvisée. C'est la bombe telle qu'elle se présente, telle qu'elle a été

11 conçue pour être utilisée. Il s'agit d'une bombe de 250 kilogrammes, qui

12 devait être larguée d'un avion. Il s'agissait de moteurs de 120 ou

13 140 millimètres.

14 Des moteurs d'accélération ont été rajoutés aux missiles. Ces

15 moteurs pouvaient s'allumer à des temps différents. Evidemment, ce sont

16 des armes imprévisibles pour le ciblage et qui ne sont pas utilisables

17 pour des ciblages précis, mais elles peuvent être utilisées pour des

18 ciblages et pour des dommages accidentels. Nous vous présenterons cela sur

19 les pièces suivantes.

20 Ici, vous voyez des éléments qui ont été trouvés sur un des

21 sites d'explosion.

22 Un autre site d'explosion. Vous voyez les dommages que ce

23 genre de bombe peut produire, quels sont les dommages de ces explosions.

24 La photo d'une femme qui a été tuée au cours d'un raid, d'une

25 attaque par cette bombe aérienne.

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1 Un site autour d'un quartier résidentiel où une bombe aérienne

2 a atterri. Dans le quartier du Alipasino Poljé. Vous vous souvenez des

3 enfants qui ont péri dans cet même région, presque sur le même site. Vous

4 pouvez voir que ces bombes ont explosé dans un bâtiment résidentiel.

5 Une des victimes de cette explosion aérienne.

6 Photo suivante : une autre victime de cette bombe aérienne.

7 Des gens qui sont gravement mutilés, blessés suite à

8 l'explosion de ces bombes.

9 Un autre garçon tué par les éclats de ces bombes. Il s'agit

10 d'une bombe de gravitation, dans le secteur de Ilijas, de nouveau à

11 Sarajevo.

12 Toute une série de fusées et d'obus de ce type.

13 Une vue encore plus nette de cette arme.

14 Une photo des moteurs de fusée. Vous voyez cette plaque, cette

15 plate-forme, en bas. C'est par cette plaque la bombe était rattachée au

16 moteur de l'engin, du missile.

17 Une vue par derrière. La boîte métallique qui était placée

18 avec les moteurs de 122 à 128 millimètres, moteur d'accélération.

19 C'est tout pour le moment.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci bien. Est-ce

21 que les enquêteurs ont été en mesure de déterminer les types des armes

22 utilisées à différents moments ?

23 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Les tests

24 balistiques de base sont ceux de l'analyse des cratères mais au départ,

25 d'après les éclats sur les cibles, le degré de pénétration, les fragments

Page 297

1 de ces éclats, les enquêteurs ont pu déterminer la nature et le calibre

2 des armes et des obus.

3 Chaque type d'obus a ses détails caractéristiques. Vous pouvez

4 les comparer avec un pneu de voiture. D'autres caractéristiques physiques

5 permettent une analyse de ces cratères et, par ailleurs, il y a eu

6 également les témoignages des témoins sur place, grâce auxquels nous avons

7 complété l'image.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous fait une

9 analyse de cratère dans chaque cas ?

10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, dans la

11 plupart des cas nous avons eu les résultats des experts balistiques

12 bosniaques et parfois ceux des équipes de l'ONU qui ont également fait des

13 analyses des cratères. Certains experts ont pu vérifier certaines méthodes

14 et résultats et moi-même, j'ai visité certains sites et j'ai fait

15 certaines évaluations.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Vous avez donc pu

17 visiter ceux-ci ?

18 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, les experts

19 auxquels j'ai parlé en réalité avait relevé des différences de 1 à

20 2 degrés. Leurs rapports faisaient état d'une marge d'erreur de plus ou

21 moins 5 degrés, afin d'être sûr.

22 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - A-t-on fait des

23 statistiques sur le nombre de bombes aériennes qui ont été larguées ?

24 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, et nous

25 avons établi qu'il y en avait eu seize.

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1 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quelle était la

2 portée de ces obus et depuis où ces bombes ont-elles été tirées ?

3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Revenons à

4 l'analyse des cratères. Vous devez déterminer où l'obus a été utilisé,

5 quel est l'angle de descente, quels sont les sept niveaux de charge de

6 propulsion et la quantité de la charge utilisée.

7 Un obus de mortier est fourni avec six charges additionnelles

8 de 4 à 60 millimètres. Rien sur le sol ou parmi les éclats ne peut

9 indiquer quel est la puissance de la charge qui a été utilisée.

10 Evidemment, si des témoins avaient entendu l'atterrissage et l'éclatement

11 de l'obus, on pouvait alors établir la portée et la distance à partir de

12 laquelle l'obus avait été tiré. En effet, les témoins sont très

13 importants, comme nous pouvons le constater, à la fois les civils et les

14 témoins militaires des Nations Unies, ce qui nous a permis d'établir le

15 point de départ du tir.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous nous

17 décrire ces procédures d'analyse des cratères et nous indiquer des lieux

18 où vous avez fait ce genre d'analyse ?

19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Pour m'étendre

20 plus en détail sur ces analyses de cratères, je dois dire que j'ai visité

21 des sites à Sarajevo. Nous avons fait des analyses sur le terrain. Je

22 pourrai vous présenter quelques exemples de ces effets, puis passer à

23 l'aspect technique.

24 Il s'agit de quelques-unes des principales méthodes d'analyse

25 de cratères. Nous nous sommes basés essentiellement sur la méthode de

Page 299

1 l'axe principal, c'est celle que nous avons utilisée le plus fréquemment à

2 Sarajevo.

3 Pièces 122 et 123, méthode du sillon du détonateur. Vous voyez

4 un cratère, un impact d'obus. On peut voir la longueur du cratère. Ici, un

5 jalon, la méthode du tunnel de détonateur. Je vous l'expliquerai tout à

6 l'heure dans l'explication technique, mais permettez-moi de vous expliquer

7 les méthodes principales que nous avons utilisées.

8 Nous passons à la pièce 124 : il s'agit de la méthode de l'axe

9 principal. C'est une analyse de cratères menée peu après le test effectué

10 par les Canadiens.

11 Vous pouvez voir que les techniciens de la police ont essayé

12 d'abord de nettoyer le cratère. Ils balaient littéralement le site pour le

13 rendre plus net.

14 Après avoir tout déblayé en quelque sorte, ils ont placé une

15 camionnette de la police, des photos sont prises et ces photos seront

16 analysées en détail.

17 Etape, suivante, démarcation de toutes les traces sur le

18 cratère à l'aide d'une craie, et ici, vous pouvez voir ce que nous

19 obtenons par la suite après ces marques posées à l'aide de la craie. Les

20 traces se trouvent de ce côté-ci, les plus grandes, et les plus petites se

21 trouve du côté opposé du cratère. Dans le centre, on met deux bâtons. Ce

22 sont les grandes marques, les principaux jalons. On construit un angle, et

23 au milieu -c'est pour cette raison qu'on appelle méthode de l'axe

24 principal- on place un bâton. Une fois le point central de cet angle

25 déterminé, on met un compas sur le cratère lui-même et vous pouvez voir

Page 300

1 sur une boussole les degrés à l'aide de ce compas, un ou deux degrés de

2 ce côté-ci et l'accès principal de cette ligne est la ligne du feu, la

3 ligne du tir.

4 Là, c'est un gros plan, mais en fait, c'est la même image.

5 Ici, sur cette photographie, vous voyez l'indication du point

6 cardinal nord.

7 Sur la pièce suivante, vous voyez qu'une carte de Sarajevo et

8 des alentours est placée dans la direction du tir, et avec la boussole on

9 peut déterminer la provenance du pilonnage, du tir.

10 Photographie suivante : vous voyez que l'on nettoie.

11 Voilà, j'en ai terminé avec cette série. Je vais peut-être

12 maintenant vous donner quelques explications techniques complémentaires.

13 Cette analyse du cratère s'insère dans le cadre de l'analyse globale et

14 est complétée par d'autres éléments visuels, par exemple la lumière de

15 l'explosion. On observe cela de manière à savoir de quel type de tir il

16 s'agit.

17 On regarde également ce qu'il en est du tunnel de détonateur,

18 la distance de parcours entre le tunnel de détonateur et le cratère, et à

19 partir du centre du cratère, on peut mesurer en plaçant un jalon au milieu

20 du cratère et deux à chaque extrémité de la gouttière. Il doit y avoir

21 équidistance à partir du centre. Au point d'intersection avec le tunnel de

22 détonateur, on place un jalon. De cette manière, on peut voir quelle est

23 la direction.

24 Le mortier qui provoque le cratère typique peut être

25 déterminé. Lorsque le détonateur détone, il y a explosion et des stries

Page 301

1 sont provoquées par les fragments de l'obus. Selon le dessin de ces

2 stries, il est possible de savoir ce dont il s'agit. En général, ces

3 stries sont perpendiculaires à la ligne de déplacement de l'obus.

4 Je vous ai montré tout à l'heure comment on procède avec la

5 méthode de gouttière. On utilise deux jalons, un dans la direction

6 principale et l'autre dans la direction perpendiculaire. L'instrument de

7 mesure est mis en parallèle avec la gouttière et on mesure.

8 Cette méthode utilise un jalon placé dans cette gouttière et

9 l'instrument de mesure est placé en parallèle avec l'impact du mortier.

10 Tout cela permet, grâce à la boussole, de déterminer la direction et le

11 degré de tir. C'est un peu ce qui est fait dans le domaine militaire. Ceci

12 permet quand même un degré de précision assez grand.

13 En examinant tous les fragments trouvés sur le site, on peut

14 déterminer l'arme utilisée, le type d'obus, après avoir déterminé d'où

15 est venu cet obus.

16 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Ceci veut dire que

17 vous savez clairement d'où vient le tir, quelle est la distance à

18 laquelle le tire a été effectuée ?

19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui. La distance

20 est un problème, parce que pour la connaître, il faut avoir des témoins

21 qui ont entendu ce qui s'est passé. Mais le soleil, lui aussi, est

22 important pour avoir une bonne idée de la direction.

23 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Avez-vous combiné

24 ces différentes méthodes et toutes ces analyses ?

25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui. Nous ne

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1 nous fondons pas seulement sur des données techniques dans le cadre de ces

2 enquêtes complètes, nous avons interviewé des victimes, des témoins et

3 nous avons, en fait, utilisé tout ce que nous avions à notre disposition

4 pour essayer de savoir exactement ce dont il s'agissait.

5 Nous avons eu des exemples de pilonnages sur lesquels les

6 enquêtes été faites entre 1992 et 1995.

7 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Pourriez vous

8 passer ces exemples en revue en nous disant ce qui s'est passé dans ces

9 différents cas de pilonnage.

10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Pour différents

11 cas, je reviendrai sur des pièces à conviction déjà examinées. La première

12 enquête concernait le pilonnage du 27 mai 1992.

13 Il faudrait montrer la pièce à conviction n°93.

14 Un obus de mortier tombe dans une rue où beaucoup de personnes

15 font la queue pour avoir du pain. C'est dans la rue Vase Miskina, et cet

16 obus de mortier a tué un grand nombre de personnes. Cette rue se situe au

17 centre de Sarajevo où dix-sept civils ont été tués et cent onze personnes

18 blessées. L'origine du feu était une position située sur une des collines

19 de Trebevic. Les lignes de confrontation se trouvaient à environ un

20 kilomètre de cet impact.

21 Sur la pièce suivante, vous voyez que c'est un pilonnage sans

22 aucune discrimination. Cet enfant a été tué lors de ce pilonnage, personne

23 n'était à l'abri de cet obus. Ici, une femme qui fut tuée pendant le même

24 cas de pilonnage.

25 Vous allez voir maintenant quelques victimes. Je vous ai dit

Page 303

1 que lors de ce pilonnage, dix-sept personnes étaient tués et cent

2 onze blessés.

3 Autres cas de pilonnage sur lequel nous avons enquêté, qui a

4 eu lieu le 3 juillet 1992. Il s'agit de l'utilisation d'un char serbe qui

5 a tiré sur des personnes qui se trouvaient autour d'un cerisier, à

6 Grahoviste. Le char voyait très bien sa cible et un grand nombre de

7 personnes, en particulier des enfants qui se trouvaient dans l'arbre ont

8 été tués, d’autres blessés.

9 Autre cas de pilonnage : le 1er juin 1993, pendant les

10 vacances musulmanes de Bajram, un concours de football a été organisé dans

11 le quartier résidentiel de Dobrinja. Deux cents spectateurs se trouvaient

12 là au début et après deux heures du début de ces matches de football, des

13 obus de mortier de 82 millimètres on été tirés : douze personnes tuées,

14 cent blessés.

15 Vous vous souviendrez de ce que je vous ai montré tout à

16 l'heure au sujet de l'analyse de cratère. Ce cratère a été l'un de ceux

17 analysés à partir de cet incident.

18 Le 26 juin 1993, un obus d'artillerie de 120 millimètres a

19 touché un groupe de jeunes personnes qui se trouvaient dans une allée

20 entre Hendina 6 et Dragice Pravice 5, dans le quartier Bistrik Sarajevo.

21 Cela se trouve au sud de la ville. 7 morts et 28 blessés. Ils avaient tous

22 moins de 21 ans.

23 Pendant les funérailles des personnes qui avaient été tués à

24 ce moment-là, un pilonnage a également eu lieu.

25 Le 12 juillet 1993, un obus a touché des personnes qui

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1 attendaient pour la distribution d'eau à Dobrinja : douze tués, seize

2 blessés. Vous avez déjà vu cette photo, vous voyez tous les bidons

3 abandonnés des gens qui attendaient pour la distribution d'eau et qui ont

4 été tués à côté de cette maison.

5 Pièce 120. A droite, cet homme se trouvait à l'entrée de là où

6 se trouvait la pompe. Les gens attendaient leur tour dans la rue et vous

7 voyez des corps de personnes tuées recouverts avec des sacs de plastique.

8 Je vous ai déjà expliqué ce que représente cette pièce.

9 Le pilonnage suivant dont je vais vous parler a eu lieu le

10 28 novembre 1993. C'est un obus de mortier de 120 millimètres qui touche

11 des personnes qui se trouvent dans la rue de Dobrovoljacka : cinq morts et

12 six blessés, tous des civils.

13 Le 6 décembre 1993, un obus d'artillerie 122 millimètres est

14 tiré sur le quartier de Ciglane, il passe au dessus d'un passage dans la

15 rue Djure Dakovica, et explose sur des civils qui se trouvaient dans un

16 petit marché en plein air qui était une zone fréquemment pilonnée : six

17 morts, quatorze blessés.

18 Le 22 janvier 1994, vers 13 heures 15, trois obus de mortier

19 sont tirés sur un groupe d'enfants âgés de 5 à 12 ans qui faisaient de la

20 luge ou qui jouaient dans la neige. Cela se trouve dans un quartier

21 résidentiel, Alispasino Polje : six morts, cinq blessés.

22 Le 4 février 1994, trois obus de mortier de 120 millimètres

23 tombent sur le quartier résidentiel de Dobrinja, tuant neuf personnes et

24 en blessant vingt-trois. Ces personnes attendaient à un point de

25 distribution d'aide humanitaire. Vous voyez l'endroit où ces gens

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1 attendaient pour recevoir de l'aide humanitaire. Je vous montrerai les

2 victimes de ce pilonnage tout à l'heure : neuf morts, vingt-trois blessés.

3 Le jour suivant, le 5 février 1994, un obus de mortier de

4 120 millimètres touche le marché de Markale sur la place Stari Grad, dans

5 la vieille de Sarajevo. Le marché était très plein : soixante personnes

6 ont été tuées, deux cents ont été blessées. L'obus de mortier a été tiré

7 de l'arrière de Spicasta Stijena, territoire relevant du commandement

8 militaire des Serbes bosniaques, et explose dans le centre. Il n'y avait

9 naturellement aucune cible militaire, comme c'était d'ailleurs le cas dans

10 les autres sites pilonnés qui n'avaient rien de militaires.

11 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). Pourrait-on revoir

12 la pièce 74 ?

13 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Il s'agit du

14 pilonnage qui a eu lieu le 30 octobre 1994, date à laquelle un obus de

15 mortier de 120 millimètres a été tiré sur Vojkovici sur un groupe de

16 civils qui essayaient de gagner un peu d'argent en aidant les gens qui

17 sortaient des autobus avec leurs bagages : un mort, quinze blessés.

18 Un autre pilonnage à 3 heures et demi le 8 novembre 1994 avec

19 deux obus de mortier 82 millimètres qui sont tombés sur la rue Livanjska

20 entre 5 heures 25 et 5 heures 30 : un mort, sept blessés.

21 Le 17 novembre 1994, un obus de mortier 120 millimètres

22 explose à Ulilce Partizanska, à Hrasnica, avec une explosion très

23 violente. Deux enfants sont tués et deux femmes adultes blessées, ainsi

24 qu'un autre enfant.

25 Le 12 décembre 1994, un obus de mortier 90 millimètres explose

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1 dans la cour d'une habitation civile, dans la rue Donja Kartal 6. Un homme

2 assez âgé qui était en train de chercher du bois est tué, sa femme

3 blessée.

4 Le 22 décembre 1994, deux obus d'artillerie de 76 millimètres

5 touchent le marché aux puces de la vieille ville venant des positions

6 serbes bosniaques se trouvant à Trebevic : deux morts, sept blessés.

7 Le 12 mars 1995, un obus de 120 millimètres arrive dans la

8 cour de l'école secondaire musulmane, dans la vieille ville de Sarajevo,

9 tuant un civil. Ce bâtiment se trouve sans aucun doute, c'est très clair,

10 dans un quartier où il n'y a que des magasins, des bureaux et quelques

11 édifices culturels, autrement dit loin des lignes de confrontations.

12 Le 7 avril 1995, une de ces bombes modifiées est tirée à

13 partir de Ilidza, tenu par les Serbes bosniaques, à 9 heures. L'impact de

14 cette bombe a été considérable sur les bâtiments de Hrasnica et sur des

15 appartements civils : un mort et trois blessés. C'est la pièce 138.

16 Puis-je avoir la pièce 74 à nouveau, s'il vous plaît ?

17 Vous voyez où est tombée cette bombe, à Hrasnica, loin d'où

18 elle avait été tirée.

19 Le 12 avril 1995, à 11 heures 55, un obus de 60 millimètres

20 explose tout près de la gare de Sarajevo qui d'ailleurs ne fonctionnait

21 plus depuis le début des hostilités : sept civils sont blessés.

22 Le 18 juin 1995, à 11 heures 40, un obus de mortier 120

23 millimètres touche un groupe de civils qui attendent la distribution d'eau

24 Pourrions-nous revenir à la pièce 110 ? Il s'agit de l’école

25 Simon Bolivar où se trouvait ce point de distribution d'eau, ceci pour

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1 vous montrer là où est tombé cet obus. Vous voyez où il a explosé et s’est

2 stabilisé. Sept personnes ont été tuées, douze blessées. Le groupe de

3 personnes comportait environ douze individus.

4 La pièce suivante s'il vous plaît. Vous voyez de nouveau cette

5 personne assez âgée, victime de ce pilonnage.

6 Pièce suivante, je vous montre à nouveau ces images pour vous

7 montrer une fois encore que ces tirs étaient effectués sans aucune

8 discrimination.

9 Le 28 juin 1995, une bombe aérienne modifiée est tirée à 9

10 heures 20 sur le bâtiment de la télévision, tirée à l'ouest de Sarajevo :

11 un mort, vingt blessés.

12 Pièce 74 à nouveau : elle est tirée sur ce site.

13 Le 19 juillet 1995, un obus de mortier de 120 millimètres

14 tombe près d'une maison et un éclat tue un garçon de 12 ans qui se

15 trouvait dans la salle de bain de sa maison.

16 Le 22 août 1995, un poste d'observation du bataillon égyptien

17 est pilonné le 22 août, à 10 h 00. Six Egyptiens sont blessés, dont deux

18 gravement. Le premier obus est tombé à côté du poste d'observation et les

19 quatre suivants à l'intérieur, le tir ayant été délibérément ajusté. Le

20 deuxième obus a provoqué beaucoup de blessures.

21 Le 28 août 1995, entre 11 h 00 et 11 h 10, cinq obus de

22 mortier de 120 millimètres sont tirés sur la vieille ville. Un de ces obus

23 explose dans la rue Mula-Mustafe Baseskije Street, à l'entrée du marché au

24 centre de la vieille ville. Il y avait énormément de personnes au marché

25 ce jour-là. Quarante trois personnes sont tuées, soixante quinze sont

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1 blessées. Et un autre obus a tué huit personnes de plus.

2 A la pièce suivante, vous voyez la configuration de ce cratère

3 et l'impact de l'obus de mortier. Vous voyez tout le sang autour de

4 l'impact.

5 Et si nous remontons à la pièce précédente 87, comme je vous

6 l'ai déjà dit tout à l'heure, cet obus de 120 millimètre a un rayon

7 mortel de 50 mètres et a un rayon de dommages de 500 mètres. Vous pouvez

8 donc vous imaginer les dégâts que provoquent de tels obus lorsqu'ils

9 tombent dans une rue ou sur un marché où il y a énormément de personnes.

10 Vous voyez la quantité de sang là où est tombé l'obus, dans la

11 zone d'impact. Là les corps, les cadavres ont déjà été retirés et amenés

12 soit à la morgue, soit à l'hôpital.

13 M. le Président. - Monsieur le Procureur, ces documents ont

14 déjà été vus par le Tribunal. Ils parlent d'eux-mêmes. Je crois que le

15 témoin voulait effectivement nous montrer, et montrer au tribunal, la

16 technique de repérage, la distance, la méthode.

17 Si c'est possible et si cela ne gêne pas la démonstration que

18 vous voulez nous faire, peut-être pourrait-on passer à un autre aspect

19 puisqu'on a déjà fait le recensement de toutes les atrocités.

20 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le

21 président. D'ailleurs nous venons de terminer la liste des exemples de

22 manière à dresser le décor de tout cela.

23 Je voudrais poser quelques questions au témoin pour conclure

24 ce pilonnage et les tirs isolés sur Sarajevo. Dans la description que vous

25 nous avez donnée de ces incidents, vous nous avez parlé d'obus de 120

Page 309

1 millimètres, de 76 millimètres, etc. Avez-vous eu des problèmes pour

2 déterminer le type exact des munitions utilisées ?

3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Autour de la

4 zone de stabilisation de l'obus, vous trouvez en général des fragments et

5 vous pouvez déterminer le type de munitions à partir de ces fragments. Il

6 y a des experts en la matière qui peuvent savoir, non seulement de quel

7 type d'obus il s'agit, mais également des armes utilisées pour les tirer.

8 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Quel a été le

9 premier jour de pilonnage et quel a été le dernier jour de pilonnage ?

10 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Le premier

11 pilonnage a eu lieu au mois de mai 1992, et le pilonnage s'est terminé

12 avec la conclusion de l'accord de Dayton, en novembre-décembre 1995.

13 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Il ne me reste

14 plus qu'un sujet à traiter, monsieur le président, à savoir le pilonnage

15 de civils à Tuzla le 25 mai 1995. Pourriez-vous nous dire quelques mots

16 sur ce pilonnage ?

17 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, le 25 mai

18 1992, toutes les zones de sécurité de Bosnie ont été pilonnées par les

19 Serbes pour se venger très probablement des attaques aériennes de l'OTAN.

20 L'explosion sur laquelle j'ai enquêté est une explosion avec un obus de

21 canon de 130 millimètres qui a explosé à 20 h 55 sur la place de Kapija au

22 centre de Tuzla. Beaucoup de jeunes se trouvaient sur cette place et aux

23 terrasses : soixante douze personnes ont été tuées, cent ont été blessées.

24 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Est-ce le seul

25 pilonnage qui ait eu lieu de Tuzla ?

Page 310

1 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Non, il y a eu

2 beaucoup d'autres incidents de pilonnage.

3 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Je crois que l'on

4 pourrait terminer ce témoignage en montrant quelques séquences de vidéo.

5 (Projection d'une vidéo)

6 "A l'intérieur d'un hôpital."

7 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Vous voyez à

8 nouveau les bidons d'eau.

9 Cet enfant racontait que sa mère et sa soeur sont tombées.

10 C'est l'incident où les enfants ont été touchés.

11 Voici également la vue que l'on avait des positions qui

12 dominaient la ville de Sarajevo.

13 Ici, c'est la vue que l'on a sur la ville.

14 Holliday Inn dans la "Snipper Alley" qui se trouve à gauche.

15 M. Ostberg (interprétation de l'anglais). - Merci. C'est la

16 conclusion de mon interrogatoire. Je vous remercie, monsieur Van Hecke.

17 M. le Président. - Monsieur le procureur, merci. Il est

18 13 heures 30. Nous ne reprendrons donc pas cet après-midi avec le témoin,

19 M. Van Hecke. Je ne sais pas s'il y a des questions.

20 Madame le juge, vous voulez poser une question. Allez y.

21 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Je vous

22 remercie. Monsieur Van Hecke, est-ce que vous diriez que l'armée serbe de

23 Bosnie est l'organisation responsable de la campagne de pilonnage et de

24 tirs isolés contre la population de Sarajevo.

25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui.

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1 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Les armes

2 utilisées à ces fins de pilonnage et de tirs isolés sont-elles normalement

3 utilisées par l'armée régulière ?

4 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, bien

5 entendu ces armes sont utilisées normalement dans les guerres

6 traditionnelles contre les troupes ennemies. Mais dans les cas dont il a

7 été question, elles ont été manifestement utilisées contre la population

8 civile de Sarajevo.

9 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Ces armes

10 peuvent-elles également être utilisées par des organisations

11 paramilitaires.

12 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Toute personne

13 possédant ce type d'armes peut les utiliser, bien entendu. Donc hormis

14 pour les bombes aériennes modifiées de façon improvisée, il s'agit d'armes

15 normales utilisables par une armée normale.

16 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Est-ce que

17 des monuments historiques ou religieux ont été gravement endommagés au

18 cours du siège de Sarajevo ?

19 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Plusieurs

20 monuments culturels, tels la Bibliothèque nationale de Sarajevo, ainsi que

21 des mosquées et des églises. Ce type de bâtiments ont été effectivement

22 endommagés.

23 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Enfin, à

24 votre avis, comment est-ce que les gens ont réussi à survivre à tout

25 cela ?

Page 312

1 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Très

2 difficilement, mais je crois que les gens ont pris l'habitude

3 d'improviser. La plupart d'entre eux ont passé la totalité du siège dans

4 leur cave, en tentant de se protéger contre les tirs isolés et les

5 pilonnages. Mais comme je l'ai dit précédemment, il leur fallait bien

6 sortir de temps en temps pour répondre à des besoins fondamentaux comme

7 l'alimentation en eau et autres besoins de même nature.

8 Il leur fallait donc chercher abri dans leur cave et dans tout

9 autre lieux renforcé.

10 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Pour autant

11 que j'ai cru comprendre, ils étaient totalement isolés.

12 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, ils étaient

13 totalement isolés du reste du monde.

14 Mme Odio-Benito (interprétation de l'anglais). - Je n'ai pas

15 d'autres questions.

16 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Monsieur Van Hecke,

17 au cours de cette enquête très approfondie que vous avez menée, avez-vous

18 trouvé la moindre indication du fait que certains des sites pilonnés, tels

19 l'école secondaire ou l'hôpital, cachaient des armes ou des munitions, ou

20 qu'il se soit agit de lieux propices à une quelconque résistance.

21 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Non. C'était

22 précisément l'objet de notre enquête. Nous avons mené une enquête

23 approfondie et constaté qu'il n'y avait aucun mouvement de troupe

24 bosniaque, aucune cible militaire, y compris aux abord des endroits

25 frappés par les obus.

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1 M. Riad (interprétation de l'anglais). - A Sarajevo, il n'y

2 en avait pas ailleurs pendant le pilonnage ?

3 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Il y a eu des

4 tirs sur les lignes de confrontation, mais la majorité des lieux sur

5 lesquels nous avons mené notre enquête étaient éloignés des lignes de

6 confrontation, les distances étant définissables.

7 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Enfin, pourriez-vous

8 nous parler des images que nous avons vues du docteur Karadzic. Est-ce

9 qu'il se trouvait sur ce que vous avez appelé "la ligne snipper" ? Où se

10 trouvait-il ?

11 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Regarder la

12 ville. Vous avez pu le constater, il regardait la ville. Vous avez vu ce

13 bâtiment de couleur jaunâtre, en bas, qui était le Holliday Inn qui se

14 trouve sur la "Snipper Alley". Ce que nous voyons, c'est tiré de l'Est à

15 l'Ouest. C'est que l'on a appelé la "Snipper Alley".

16 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Et les tireurs isolés

17 se trouvaient encore dans en activité ?

18 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - Oui, nous avons

19 mené des enquêtes sur des tirs isolés provenant de cette zone.

20 M. Riad (interprétation de l'anglais). - Je vous remercie.

21 M. le Président. - Une seule question sur la source de ces

22 photos. Je ne parle pas de la vidéo, mais des photos. S'agit-il des

23 enquêtes des policiers de Sarajevo ? Ce sont vos propres photos et vos

24 propres sources ?

25 M. Van Hecke (interprétation de l'anglais). - La majeure

Page 314

1 partie de ces photos ont pour source les enquêtes de la police bosniaque.

2 Certaines ont été prises par moi-même ou par mes collègues durant notre

3 séjour à Sarajevo, telles par exemple les pièces à conviction 76 à 78, où

4 l'on voit des barricades. Ce sont des photos qui ont été prises par nous,

5 au cours de notre enquête à Sarajevo.

6 La plupart des photos relatives au pilonnage sont bien entendu

7 des photos prises par les enquêteurs de la police bosniaque.

8 Ai-je répondu à votre question, monsieur ?

9 M. le Président. - Tout à fait. Monsieur le Procureur, je

10 crois que nous en avons terminé avec M. Van Hecke. Monsieur Van Hecke, le

11 Tribunal vous remercie pour avoir apporté votre témoignage. Il est

12 13 heures 15. L'audience reprendra à 14 heures 45.

13 L'audience est levée.

14

15 L'audience est suspendue à 13 heures 15.

16

17 (après-midi)

18 L'audience est reprise à 14 heures 53.

19

20 M. le Président. - L'audience est reprise.

21 Monsieur le Procureur, vous pouvez nous présenter le témoin

22 suivant et l'introduire.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur le

24 Président. L'accusation appelle Tarik Kupusovic à la barre, je vous prie.

25 M. le Président. - Bonjour, Monsieur. M'entendez-vous ?

Page 315

1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui.

2 M. le Président. - On va d'abord vous faire lire une

3 déclaration.

4 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je déclare

5 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la

6 vérité.

7 M. le Président. - Monsieur, vous allez vous présenter, je

8 pense, en fonction des questions que posera M. le Procureur. Avant de

9 donner la parole au procureur, quelques mots. Je vous rappelle que vous

10 êtes un témoin cité par l'accusation dans les affaires concernant

11 MM. Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Le Tribunal vous remercie de votre

12 venue à la demande du Procureur. Vous êtes ici devant une instance

13 internationale, devant un Tribunal pénal international et vous pouvez et

14 devez parler sans crainte, le plus librement possible.

15 Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour la

16 présentation du témoin.

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci, Monsieur

18 Kupusovic, pouvez-vous, je vous prie, citer votre nom et l'épeler pour le

19 dossier ?

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je

21 m'appelle Tarik Kupusovic. (le témoin épelle son nom)

22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où êtes-vous né ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis né à

24 Sarajevo.

25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Votre famille

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1 vient-elle de cette région ?

2 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, ma

3 famille est de Sarajevo depuis plus de 400 ans.

4 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Que faisiez-vous

5 avant le début des combats à Sarajevo, en 1992 ?

6 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis

7 ingénieur du bâtiment, spécialiste scientifique et j'ai travaillé à la

8 Faculté. J'étais également directeur de l'Institut d'hydrotechnique.

9 M. le Président. - Monsieur le Procureur, il semble qu'il n'y

10 ait pas de son dans la galerie du public. L'audience est publique, il n'y

11 a pas eu de mesure de protection particulière demandée par le témoin, que

12 vous ayez souhaitée ou que le Tribunal ait ordonnée. Je souhaiterais que

13 nous arrêtions la déposition du témoin, que nous regardions ce qui se

14 passe du côté de la technique. Je m'en excuse, Monsieur le maire, car nous

15 vous demanderons de répéter.

16 Il n'y a pas de transcript sur les écrans non plus.

17 Monsieur le Procureur, vous allez reprendre la parole et,

18 comme je vois le public d'ici, je verrai si la galerie du public reçoit.

19 Allez-y, Monsieur le Procureur. On va vous faire recommencer

20 depuis le début.

21 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

22 Merci, Monsieur le Président.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Monsieur Kupusovic,

24 où êtes-vous né ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis né à

Page 317

1 Sarajevo.

2 M. le Président. - Le Tribunal va lever l'audience les

3 quelques minutes qui permettront de régler le problème. Il convient que le

4 public puisse entendre tout à fait normalement dès lors que cette audience

5 est publique.

6 La séance, suspendue à 15 heures, est reprise à 15 heures 03

7 M. le Président. - Vous nous avez dit que cela fonctionne,

8 mais pas totalement parfaitement. Il faudrait que vous expliquiez à

9 l'intention de la galerie du public.

10 M. le Greffier (interprétation de l'anglais). - Dans la

11 galerie publique, les haut-parleurs ne fonctionnent pas, mais les casques

12 d'interprétation, eux, fonctionnent.Vous pouvez donc suivre les

13 délibérations à l'aide de ces casques.

14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Monsieur Kupusovic,

15 voulez-vous bien dire au Tribunal où vous êtes né ?

16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis né à

17 Sarajevo.

18 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Votre famille

19 est-elle de Sarajevo ?

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, elle

21 vit à Sarajevo depuis 400 ans.

22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Que faisiez-vous

23 avant le commencement des hostilités, du combat ?

24 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je suis

25 ingénieur du bâtiment, docteur es Sciences techniques. J'étais professeur

Page 318

1 à la Faculté de construction de bâtiments et je faisais partie de

2 l'institut pour l'hydrotechnique auprès de l'université de Sarajevo.

3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où habitiez-vous au

4 moment de l'éclatement du conflit ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je vivais à

6 Dobrinja.

7 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où se trouve

8 Dobrinja ?

9 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Dobrinja est

10 un nouveau quartier de la ville de Sarajevo, près de l'aéroport construit

11 comme village olympique destiné aux journalistes qui suivaient les Jeux

12 olympiques de 1984.

13 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

14 décrire, à l'intention du Tribunal, les différentes municipalités qui

15 constituaient Sarajevo avant l'éclatement du conflit ?

16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Sarajevo

17 comptait quatre municipalités, quatre communes et six communes des

18 banlieues Pale, Vogosca, Hadzici, Trnovo, Ilijas, et les communes

19 urbanisées Stari Grad, Tatar, Novi Grad, soit 2 500 km². La partie

20 urbanisée comprenant une surface de 13 km par 4.

21 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Etiez-vous impliqué

22 dans la politique d'une manière ou d'une autre ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. J'ai

24 participé aux élections de 1990 en tant que promoteur de la liste au nom

25 du SDA pour la circonscription électorale de Stari Grad. J'étais membre

Page 319

1 actif du parti SDA jusqu'à mon élection à la présidence de la municipalité

2 de Sarajevo.

3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avant votre

4 élection au poste de maire, quelles ont été vos responsabilités ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - J'étais au

6 Conseil municipal où nous tenions régulièrement tous les mois des

7 réunions, des conférences et des concertation entre les présidents des

8 clubs des partis politiques. J'avais donc beaucoup d'activités exercées en

9 tant qu'amateur plutôt que professionnel sur le plan politique.

10 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avant le

11 commencement de la guerre, combien de partis politiques y avait-il à

12 Sarajevo ?

13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Huit partis

14 ont obtenu les suffrages nécessaires pour l'assemblée de la municipalité

15 de Sarajevo.

16 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avant le

17 commencement de la guerre, ces partis politiques coopéraient-ils les uns

18 avec les autres dans le cadre des activités du service de la municipalité

19 de Sarajevo.

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Ils

21 coopéraient en tant que partis, et les conseillers municipaux étaient en

22 communication permanente pour les préparations des réunions des sessions

23 de l'Assemblée municipale de Sarajevo.

24 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Nous aimerions vous

25 saisir de la pièce 1.7.6.

Page 320

1 Il s'agit d'un article de journal, une déclaration parue et

2 nous vous en fournissons la traduction. Nous allons vous faire circuler

3 cette pièce n°1.7.6.

4 Par ailleurs, nous aimerions présenter l'article lui-même dans

5 sa version cyrillique sur le projecteur.

6 Reconnaissez-vous la pièce 1.7.6 ?

7 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui.

8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pouvez-vous dire au

9 Tribunal de quoi il s'agit, puis, en donner lecture pour le procès-verbal.

10 Les interprètes donneront lecture de la traduction.

11 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il s'agit

12 d'une déclaration des représentants des clubs parlementaires devant

13 l'Assemblée municipale en date du 19 avril 1992, au moment où des tirs

14 retentissaient déjà dans la ville et où l'on espérait encore que l'on

15 pourrait aménager une ambiance démocratique qui permettrait de régler la

16 situation.

17 Je vous donne lecture de ce texte :

18 "A l'occasion d'une réunion de l'Assemblée municipale de

19 Sarajevo qui s'est déroulée le 19 avril 1992, à laquelle assistaient des

20 représentants de tous les partis parlementaires, dont les délégués

21 constituent ladite assemblée, et qui était présidée par le Président de

22 l'Assemblée municipale, Muhamed Kresevlajakovic, le communiqué conjoint

23 ci-après a été adopté et signé : ?Aucune personne représentant la Ville,

24 la République ou l'Europe, n'a le droit de négocier la division de

25 Sarajevo au nom de ses habitants.?

Page 321

1 La ville de Sarajevo, avec plus de cinq siècles d'histoire

2 marquée par la coexistence d'une communauté pluriculturelle,

3 pluriconfessionnelle et plurinationale, est indivisible.

4 Un concept de la vie moderne des populations civiles en Europe

5 est défendu à Sarajevo. Sarajevo est la capitale de la République de

6 Bosnie-Herzégovine où tous les Droits de l'Homme et toutes les libertés

7 sont respectés et, de ce fait, nous affirmons que personne n'a le droit de

8 mettre en danger, la vie, la paix, les biens des résidants ou son héritage

9 culturel ou historique ainsi que ses ressources naturelles.

10 Signé par Miodrag Jankovic, au nom du Parti de la Réforme,

11 Vogidar Popara, Parti démocratique, Président du club de ce parti, pour la

12 ville de Sarajevo,

13 Tarik Kupusovic, au nom du Parti d'Action démocratique, SDA,

14 Anto Zelic, croate,

15 Slobodan Primorac, Parti du Changement démocratique,

16 Esad Afgan, Organisation des Musulmans de Bosnie,

17 Nijaz Nurkovic au nom du Parti libéral Saphim, au nom de

18 l'Alliance socialiste démocratique et,

19 Muhamed Kresevljakovic, maire de Sarajevo".

20 C'est un texte paru en cyrillique dans la mesure où le

21 quotidien de Sarajevo "Oslobodjenje" paraissait avant la guerre soit en

22 cyrillique et en caractères latins, c'est-à-dire une page en cyrillique et

23 une page en caractères latins, soit des articles individuels étaient

24 imprimés en cyrillique et d'autres en caractères latins, cela afin

25 d'éviter l'uniformité de quelque écriture que ce soit.

Page 322

1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - La date mentionnée

2 est celle du 19 avril 1992. Est-ce correct ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, vous

4 avez raison, c’est correct.

5 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Le leader du SDS a-

6 t-il été signataire de cette déclaration, de ce communiqué ?

7 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui il l'a

8 signée, mais lorsque le document a été publié, il a été révoqué par

9 Radovan Karadzic.

10 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand a-t-il été

11 relevé de ses fonctions ?

12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Au moment où

13 la déclaration a été rendue publique. En effet il n'a pas demandé

14 l’autorisation de Karadzic pour signer cette déclaration et une fois

15 signée, cela ne s'inscrivait pas dans le cadre de la politique pratiquée

16 par le chef du parti SDS.

17 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Après le

18 commencement de la guerre à Sarajevo, avez-vous tenu des fonctions

19 publiques ?

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Cette

21 réunion a été organisée justement parce que l’on ne pouvait pas convoquer

22 l'assemblée de la municipalité. Les cent vingt-cinq conseillers élus, donc

23 seulement les représentants de ces partis-là, ont pu y participer, en

24 présence de quatre-vingt personnes.

25 Au terme de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine et des

Page 323

1 lois reprises de l'ancienne Yougoslavie, on avait prévu qu'au cas où

2 l'assemblée ne pourrait pas se réunir, on formerait une présidence de

3 l'Assemblée municipale avec les présidents des clubs des partis

4 participants, donc élus et représentés dans cette Assemblée, y compris le

5 maire de la ville, le chef de la section civile et le chef des services de

6 la police de la ville.

7 Ainsi cette présidence a été formée et c'est à son activité

8 que j'ai participé jusqu'à la présidence de l'Assemblée municipale de

9 Sarajevo. Elle a été chargée de toutes les fonctions de l'Assemblée et

10 avait donc les compétences analogues.

11 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous décrire

12 au Tribunal l'exercice de vos fonctions dans la présidence ?

13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il y avait

14 deux Croates, deux Musulmans, trois ou quatre Serbes. Les gens étaient

15 différents en fonction du changement des présidents des clubs.

16 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Lorsque vous êtes

17 devenu maire de Sarajevo, avez-vous travaillé dans le cadre d'un bureau de

18 guerre ?

19 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - J’avais un

20 service de protocole auquel participaient trois ou quatre Serbes sur une

21 vingtaine de personnes qui faisaient partie de mon cabinet plus étroit.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand avez-vous été

23 élu maire de Sarajevo effectivement ?

24 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Après le

25 premier ultimatum de l'OTAN, en février 1994. La situation est redevenue

Page 324

1 calme. Le maire sortant était devenu diplomate. L'Assemblée municipale de

2 Sarajevo m'a donc appelé et élu président de la ville.

3 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand avez-vous

4 terminé vos fonctions ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Après deux

6 ans, jusqu’en mars 1996.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quelles étaient les

8 municipalités sous votre contrôle pendant que vous étiez maire ? Pourriez-

9 vous faire une comparaison entre la situation avant et au cours de la

10 guerre ?

11 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). -

12 Officiellement, j'avais le contrôle des dix municipalités, mais il

13 s'agissait surtout des quatre municipalités urbaines de la ville. Les

14 fonctions de maire en temps de paix prévoient qu'il représente la ville,

15 qu'il prépare et préside les réunions et soit responsable de la

16 coopération internationale de la ville. Cette préparation des réunions de

17 la municipalité de Sarajevo se déroulait en coopération avec le

18 fonctionnement des services urbains.

19 Une bonne partie de mon temps et de mes efforts était

20 consacrée à la nécessité de trouver des solutions de rechange pour tout ce

21 qui est choses communes, choses courantes dans toutes les grandes villes

22 partout dans le monde : l’eau, l’énergie, le courant, tout ce qui comprend

23 les premières nécessités de la vie d'une ville.

24 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pourriez-vous

25 consacrer quelques moments à décrire la vie à Sarajevo avant l’éclatement

Page 325

1 des conflits ?

2 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Avant le

3 commencement du conflit, avant le siège de Sarajevo, Sarajevo était une

4 ville européenne moderne dotée d'une infrastructure moderne.

5 La première ville qui a obtenu un crédit du FMI pour

6 développer son infrastructure, il y a 30 ans, était Sarajevo. Le Président

7 du FMI à l’époque était Mac Namara. Dans les années 80 et dans le cadre

8 des préparatifs pour les Jeux Olympiques de 1984, Sarajevo s'est dotée

9 d'un système ultra-moderne d'approvisionnement en courant électrique,

10 approvisionnement en eau, canalisations, égoûts, transports en commun.

11 Toutes les autres fonctions de cette ville étaient comparables à celles

12 des autres villes d'Europe.

13 Les habitants de Sarajevo en étaient particulièrement fiers

14 car ce système d'eau, d’égoûts et de canalisations, le système des

15 transports en commun, le système énergétique dataient du siècle passé,

16 Sarajevo faisant partie d'un polygone expérimental de l'ancien empire

17 austro-hongrois, donc installé à la fin du siècle passé.

18 Par rapport à la situation dans l'ancienne Yougoslavie, dans

19 les années 90, je dois signaler une reprivatisation des firmes, des

20 entreprises. Beaucoup de sociétés, de compagnies travaillaient bien, dont

21 les employés gagnaient bien leur vie et menaient une vie aisée.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Les habitants et de

23 Sarajevo et les citoyens de l'ancienne Yougoslavie nourrissaient-ils des

24 sentiments spéciaux à l'égard de Sarajevo ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Sarajevo

Page 326

1 est la capitale de la Bosnie-Herzégovine, d'une des six Républiques de

2 l'ancienne Yougoslavie, une ville qui abrita pendant plus de cinq siècles

3 des Musulmans, des Serbes, des Croates, des Juifs et d'autres citoyens. Il

4 s'agissait de gens qui vivaient en harmonie, qui étaient heureux dans

5 cette cohabitation. Il s'agissait d'un lieu peut-être unique au monde où,

6 dans un périmètre de 400 mètres, on trouvait une église catholique

7 orthodoxe, une synagogue, une mosquée ce qui reflète cette harmonie entre

8 les différentes religions au moment où, provenant de tous ces lieux de

9 culte, l’on entendait leurs prières spécifiques.

10 On se sentait comme des citoyens du monde, comme des citoyens

11 de l'Europe. On faisait déjà partie de l'avenir de l’Europe et du monde.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Nous pourrions

13 peut-être passer à la pièce 1.4.9., 3.0.80.

14 Pourriez-vous nous décrire cette vue ?

15 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il s'agit

16 d'une vue sur Sarajevo depuis Trebevic, une petite montagne surplombant

17 Sarajevo, lieu d'excursion préféré des habitants de Sarajevo que l’on

18 atteignait en voiture ou par téléphérique.

19 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Comment se

20 présentait cette montagne avant la guerre ?

21 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Trebevic

22 était recouvert de forêts, de bancs, de lieux pour le repos, pour la

23 récréation, avec plusieurs petits café-restaurants. Donc des lieux de

24 repos et de récréation pour les habitants de Sarajevo et les invités venus

25 d'ailleurs.

Page 327

1 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Y avait-il un

2 téléphérique qui reliait Sarajevo à Trebevic ?

3 M. Kuposovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Je pense

4 qu'on voit ici un pilon surplombé de ce funiculaire qui desservait la

5 ligne entre Sarajevo et Trebevic. Les anciennes et les nouvelles parties

6 qui sont tout près de l'aéroport sont peu visibles sur cette photo.

7 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Que s'est-il passé

8 avec Trebevic, après l'éclatement du conflit ?

9 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - On avait été

10 surpris de constater que Trebevic était peuplé de chars, d'armes lourdes,

11 attaquant ou tirant sur la ville. Il ne s'agissait pas seulement de

12 Trebevic, mais également de tous les autres monts qui entourent Sarajevo.

13 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - A titre de

14 référence, Monsieur le Président, nous aimerions indiquer que la vidéo que

15 nous avons vue ce matin avec l'accusé Radovan Karadzic, nous montrant les

16 tireurs isolés, a été prise d’un point du Mont Trebevic.

17 Est-ce que la JNA, avant l’éclatement des conflits effectifs,

18 avait entrepris des actions qui ont entraîné sa participation à

19 l'éclatement des conflits ?

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Toutes ces

21 armes ont été installées sur place par l'armée populaire yougoslave

22 -l'ancienne JNA- et les réponses fournies aux questions posées

23 explicitaient qu'il s'agissait d'exercices militaires. A part le Mont

24 Trebevic, dans certaines localités reculées la même chose s'était passée.

25 Tout était couvert par le secret à cause de la population. Au mois de mars

Page 328

1 1992, on avait interdit l'accès au Mont de Trebevic.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avant l'éclatement

3 du conflit, la JNA a-t-elle entrepris des actions en ce qui concerne

4 l'aéroport de Sarajevo ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Dès le mois

6 de mars 1992, l'ancienne JNA a occupé l'aéroport de Sarajevo. Cet aéroport

7 n’était plus militaire et la présence des armes, des chars, des effectifs

8 militaires étaient donc les seuls à côté des appareils militaires.

9 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Avez vous noté des

10 activités en ce qui concerne les familles des officiers, des

11 fonctionnaires de la JNA, avant le commencement du conflit ?

12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - J'habitais à

13 Dobrinja, comme je l’ai dit, et c’est de là que je pouvais observer les

14 activités sur l’aire de l’aéroport. Je conduisais tous les jours sur

15 l’autoroute. A côté de l'aéroport, j'ai remarqué que beaucoup de ceux qui

16 se dirigeaient vers l'aéroport, soit à pied, soit dans des autocars

17 militaires, étaient des officiers de JNA originaires de Serbie qui

18 évacuaient leur famille.

19 Beaucoup d'officiers de la JNA, des Serbes bosniaques, eux

20 aussi probablement dirai-je, ont fini par évacuer leur famille en

21 direction de Belgrade.

22 Tout cela se passait avant la guerre. C'était une sorte

23 d'atmosphère euphorique. En effet, les gens se livraient même à une

24 compétition, à savoir qui allait quitter plus tôt la ville. Mais par

25 rapport à la totalité de la population de la ville, seul un tout petit

Page 329

1 nombre de gens l'avait quittée effectivement.

2 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Pouvez-vous

3 consacrer quelques instants à ce qui se passait avant l'éclatement du

4 conflit ? Que se passait-il à Sarajevo ? Quel était l'état d'esprit des

5 gens ?

6 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate) - Dans un

7 certain sens, on croyait tous qu'une fois la paix signée en Croatie, au

8 mois de janvier 1992, entre Tudjman, Milosevic et la communauté

9 internationale, nous à Sarajevo nous allions éviter une guerre analogue en

10 Bosnie-Herzégovine. A Sarajevo, des mouvements pacifiques pour la paix se

11 faisaient entendre un peu partout. On était presque convaincus qu’en

12 Bosnie-Herzégovine, il n’y avait pas de raison pour qu’une nouvelle guerre

13 éclate, que tous les problèmes allaient pouvoir être résolus par des

14 moyens pacifiques.

15 Toujours est-il que dans la ville on s’était agité à un moment

16 donné, en raison des départs des familles des officiers de l'ex-JNA, mais

17 on regrettait plutôt le fait de leur départ. On les prenait pour des

18 victimes d'une politique qui les contraignait à quitter cette ville dans

19 laquelle ils avaient passé auparavant une dizaine ou une vingtaine

20 d'années.

21 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Des renseignements

22 avaient-ils été pris auprès du SDS en ce qui concerne les positions

23 d'artillerie autour de Sarajevo ? Savez-vous si des contacts avaient été

24 pris ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je sais que

Page 330

1 le Président de la municipalité de Stari Grad avait essayé de s'informer

2 et les réponses reçues étaient qu'il y avait des manoeuvres, des

3 exercices, que l'armée du peuple yougoslave était neutre et qu'elle allait

4 protéger Sarajevo de tout conflit, de toute guerre. Quant à savoir s’ils

5 croyaient ce qui leur était dit ou non, je ne sais pas.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Des barricades ont-

7 elles été érigées dans la ville ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, les

9 premières barricades dans la ville sont apparues le 2 mars. Après le

10 référendum pour l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine, elles ont été

11 érigées par le SDS.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Qu'est-ce-que les

13 officiels du SDS ont dit au moment où ces barricades ont été construites ?

14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ils ont dit

15 qu'il s'agissait là d’une protestation de leur parti contre le référendum

16 et qu’ils souhaitaient ainsi indiquer qu’ils ne reconnaissaient pas les

17 résultats du référendum.

18 Je rappelle que deux-tiers de la majorité s'étaient exprimés

19 en faveur d'une Bosnie-Herzégovine indépendante et souveraine, et c’est

20 sur la base de ce référendum que la Bosnie-Herzégovine a été reconnue par

21 la Communauté européenne. Mais déjà à ce moment-là, des tirs ont été

22 échangés au moment de l’érection de ces premières barricades et toute une

23 foule de civils, des enfants et des habitants de Sarajevo ont porté des

24 bannières disant « nous voulons la paix, nous ne voulons pas de

25 barricade ».

Page 331

1 Ils ont même forcé ces barricades l'après-midi du jour où

2 elles ont été érigées et en fait pour Sarajevo ces barricades ont été

3 considérées comme un échec pour montrer le pouvoir du SDS.

4 Ce n’est que plus tard que nous avons appris ce que ces

5 barricades et ces tirs signifiaient exactement.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Quand a-t-on

7 commencé à se battre exactement ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Tout au cours

9 du mois de mars, des négociations ont eu lieu entre les différents

10 responsables des différents partis et l'armée yougoslave. La situation

11 était très tendue, mais on peut dire qu'à Sarajevo on vivait encore une

12 vie normale.

13 Dans la nuit du 5 au 6 avril, des barricades sont apparues à

14 nouveau et il y a eu un grand mouvement pour la paix qui représentait

15 toute la Bosnie-Herzégovine du fait que les gens sont venus d'un peu

16 partout à Sarajevo pour manifester leur désir de maintien de la Bosnie-

17 Herzégovine accueillant tous ces citoyens comme la patrie de tous ces

18 citoyens.

19 Puis, du siège du parti démocratique serbe qui se trouvait

20 dans le Holliday Inn, des tirs sont partis et ceci a été en fait le début

21 du pilonnage et des tirs isolés sur la ville.

22 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Lorsque les

23 combats, les hostilités ont commencé, est-ce que la population de Sarajevo

24 a pensé que le conflit durerait ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Non. Nous

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1 avons tous pensé que dès le lendemain, on pourrait résoudre le conflit,

2 que donc cela se ferait très vite. Nous pensions qu'il suffirait d'une ou

3 deux rencontres pour résoudre les problèmes et que, au plus, il faudrait à

4 peu près deux mois comme cela avait été le cas pour Dubrovnic, mais que

5 les choses se calmeraient très vite. En fait, c'était ce que nous

6 supposions encore au mois de mai, nous n'avions pas envisagé que le

7 conflit se poursuive au-delà de l'automne. Il est fort probable que nous

8 étions fort naïfs parce qu'en fait, on ne pouvait pas s'imaginer que l'on

9 puisse attaquer les citoyens d'une ville alors qu'il n'y avait aucune

10 cible militaire dans cette ville. Nous considérions cela purement et

11 simplement comme de la folie.

12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avez-vous préparé

13 un peu l'éventualité d'un conflit et pris des mesures au cas où il y

14 aurait un siège ?

15 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Non. En fait,

16 personne ne pensait ou n'imaginait qu'il pourrait y avoir une attaque

17 contre la ville ou qu'elle serait assiégée, donc l'atmosphère ne s'y

18 prêtait pas du tout. Puis, dans les préparatifs au niveau des structures

19 militaires et des structures civiles qui travaillaient pour le militaire,

20 la possibilité d'une attaque extérieure n'avait envisagée et les plans qui

21 avaient été élaborés ne servaient à rien en fait compte tenu de la

22 situation réelle dans la ville.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous parlez de

24 l'inutilité de ces plans civils et militaires qui avaient été adoptés en

25 cas d'attaque extérieure. C'est un peu ironique, mais qu'avait-on prévu en

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1 ce qui concerne l'hôtel de ville ? Où avait-on prévu que l'hôtel de ville

2 se retirerait en cas d'attaque ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il avait été

4 prévu que le conseil municipal se déplacerait et irait à Pale pour

5 fonctionner. En fait, c'est Karadzic qui s'est installé à Pale, donc cela

6 a perdu sa pertinence.

7 En fait, c'est Debelo Brdo qui a été retenu pour installer le

8 maire de Sarajevo et les autorités de la ville. C'est un endroit qui se

9 trouve sur les pentes du mont Trebevic, donc tout près de Sarajevo et qui

10 était contrôlé par l'Armée populaire yougoslave à l'époque. En fait, il

11 n'y avait pas véritablement d'accès, aussi l'hôtel de ville et toutes les

12 autorités municipales sont restés tout simplement en ville, là où ils se

13 trouvaient en temps de paix.

14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Après le début des

15 hostilités, parmi les Serbes qui vivaient à Sarajevo, est-ce que beaucoup

16 ont décidé de ne pas se rallier à Karadzic et à son parti ?

17 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Au début et,

18 en fait, même tout au long du siège, 40 000 à 50 000 Serbes citoyens de

19 Sarajevo, vivant à Sarajevo, ont décidé de ne pas se rallier à Karadzic et

20 parmi les 80 000 Serbes qui avaient quitté la ville, on estime qu'environ

21 la moitié se sont ralliés à Karadzic, alors que l'autre moitié a constitué

22 le gros des réfugiés qui se sont disséminés un peu partout dans le monde.

23 C'est-à-dire que sur les 120 000 Serbes qui vivaient à Sarajevo avant la

24 guerre, un tiers s'est rallié à Karadzic, un tiers est resté dans la ville

25 et un tiers a quitté la ville avec un grand nombre de Musulmans

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1 bosniaques, de Croates et autres qui sont partis et qui ont voulu échapper

2 à un siège de quatre ans.

3 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quel type de

4 propagande a été diffusée à la radio et à la télévision pendant le siège

5 de Sarajevo à l'intention des Serbes qui avait choisi de rester dans cette

6 ville multi-ethnique ?

7 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ils ont été

8 traités de traîtres envers les Serbes, d'esclaves du régime musulman et on

9 les a qualifiés d'autres épithètes de ce genre, ce qui, en fait, les a mis

10 dans une situation encore plus dure que celle dans laquelle se trouvaient

11 les autres habitants de Sarajevo qui n'étaient pas serbes. Puis n'oublions

12 pas qu'il y avait 30 % de mariages mixtes à Sarajevo avant la guerre et

13 les enfants nés de ces mariages mixtes se considéraient plutôt comme

14 yougoslaves ou bosniaques, sans véritablement considérer qu'ils

15 appartenaient à un groupe ethnique distinct.

16 Dans le cadre de la propagande de Karadzic, à partir du moment

17 où l'un des parents était serbe, ces enfants étaient également des

18 traîtres du fait qu'un des parents n'était pas serbe.

19 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Je voudrais passer

20 maintenant à un thème différent : le pilonnage de Sarajevo. A quel moment

21 a commencé le pilonnage ? Pourriez-vous indiquer cela à la Cour ?

22 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Le pilonnage

23 de Sarajevo a commencé au mois d'avril, mais en fait, au début, ce ne

24 furent que quelques incidents, c'est comme cela que l'on a considéré les

25 choses. Ce n'était pas tous les jours que la ville était pilonnée. Il y a

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1 eu quelques incidents de pilonnage à Starigrad, il y a eu quelques

2 pilonnages sur les parties neuves de la ville. Nous avons considéré cela

3 comme des incidents provoqués par des extrémistes. L'Armée populaire

4 yougoslave, qui prétendait être neutre, et les forces des Nations Unies

5 ont également considéré cela comme des incidents.

6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Les forces serbes

7 on détruit le dépôt de tramways à un moment donné, n'est-ce pas ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, une

9 nuit, le garage lieu de dépôt des tramways a été touché et, le lendemain,

10 les tramways n'ont pas pu fonctionner et tout le système de transports

11 publics a été immobilisé.

12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qu'a fait le

13 directeur des transports publics de Sarajevo après cet incident ?

14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Le directeur

15 des transports urbains était un ami de Momcilo Krajisnik avant la guerre

16 et, comme le téléphone fonctionnait encore, il lui a téléphoné et lui a

17 dit : "Mais pourquoi avez-vous détruit nos tramway ?" et la réponse de

18 Krajisnik a été : "Ce sont des fous qui ont fait cela et je vais veiller à

19 ce que cela ne se reproduise pas". Après que Krajisnik ait dit cela, les

20 tramways ont pu fonctionner à nouveau et ce, jusqu'au 2 mai.

21 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Où vous trouviez-

22 vous le 2 mai, lorsque les pilonnages plus violents ont commencé ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Avec mon

24 épouse et mes enfants, j'étais en visite chez les parents de mon épouse, à

25 Marin Dvor, qui est dans le centre de Sarajevo.

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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Qu'avez-vous fait

2 lorsque le pilonnage a commencé ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Nous étions

4 justement en train de nous préparer pour rentrer à la maison lorsque le

5 pilonnage a commencé. Lorsque le tram a été incendié et que le pilonnage a

6 commencé, je suis retourné immédiatement à l'appartement de mes beaux-

7 parents. En fait, nous avons passé deux mois et demi là parce qu'il n'y

8 avait plus de transports et Dobrinja, où j'habitais, subissait en fait un

9 double blocus, celui de Sarajevo et celui de ce quartier. Le téléphone

10 fonctionnait encore, mais la poste avait été incendiée. C'est ainsi que

11 nous avons appris que la moitié des appartements de la ville avaient été

12 détruits, incendiés, suite à une attaque provenant de l'aéroport, tenu par

13 l'Armée populaire yougoslave, et d'autres armes situées de l'autre côté.

14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Et votre maison et

15 vos biens, que sont-ils devenus ?

16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ils ont été

17 pillés et détruits.

18 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Comment la

19 population de Sarajevo a-t-elle réagi à ce premier pilonnage violent ?

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Ce fut un

21 choc terrible. Les gens ne comprenaient tout simplement pas ce qui se

22 passait, c'était inconcevable et on ne voyait pas du tout quelle était la

23 justification de tout cela. En fait, nous ne pouvions pas croire que la

24 guerre avait véritablement commencé et nous avons passé la plupart du

25 temps dans les caves ou des endroits qui semblaient plus sûrs.

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1 Il était impossible de communiquer puisque qu'il n'y avait

2 plus de transports, que le réseau téléphonique ne fonctionnait plus et

3 qu'il était impossible de se déplacer à pied dans les rues parce que,

4 entre les pilonnages, les gens étaient tellement sous le choc qu'ils

5 étaient pétrifiés par la peur.

6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Quelles furent les

7 premières cibles de ce pilonnage ?

8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - La gare. Enfin,

9 tout était pris pour cible. Il est difficile de dire ce qui était cible et

10 ce qui ne l'était pas. Starigrad, la vieille ville, le centre, puis les

11 parties nouvelles de la ville étaient pilonnés à tour de rôle. Puis un

12 édifice isolé. Il n'y a pas une seule partie de la ville qui n'ait été

13 touchée, qui n'ait reçu un ou deux obus ou qui n'ait été incendiée.

14 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pensez-vous que les

15 premières cibles choisies revêtaient une importance et une signification

16 symboliques pour la ville et qu'elles ont été choisies pour cela ?

17 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, bien

18 sûr. Lorsque la Bibliothèque nationale a été incendiée, ce fut également

19 un choc terrible, et lorsque tout ce qui avait été mis en place pour les

20 Jeux olympiques, les installations intérieures aussi bien qu'extérieures,

21 a été détruit, cela avait une valeur symbolique pour ce quartier très

22 important. Puis le centre d'affaires, le centre administratif a été

23 pilonné et c'est lorsque l'Institut pour les études orientales, à côté de

24 la Bibliothèque nationale, a été détruit et que d'autres monuments

25 importants pour leur valeur historique ont été brûlés que l'on a inventé

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1 le mot "mémocide", destruction des monuments.

2 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que le

3 Général Mladic a jamais dit pourquoi, à son avis, il avait été jugé

4 nécessaire de pilonner le stade olympique ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. Lorsque

6 Zetra a été pilonnée, il a dit que les autorités de Sarajevo y avaient

7 détenu des Serbes. La réponse a été qu'il n'allait pas pilonner des

8 Serbes. Alors il a répondu : "Non, non, c'était un dépôt de munitions".

9 Il y avait là un magasin qui vendait quelques fusils de

10 chasse, mais les quatre ou cinq fusils qui s'y trouvaient étaient dans la

11 vitrine et n'étaient pas utilisés.

12 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - J'aimerais que l'on

13 baisse l'éclairage pour montrer certaines photographies et d'abord la

14 pièce n° 150/3-07-0 dont vous avez un exemplaire dans votre dossier.

15 M. le Président. - Le dossier qui a servi ce matin, monsieur

16 le procureur ?

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Oui, monsieur le

18 président. Les photographies en couleur sont dans le dossier, en tant que

19 pièces à conviction.

20 M. le Président. - Quels numéros ?

21 M. BOWERS. - Pièce à conviction n° 150, monsieur le président.

22 M. le Président. - Merci.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

24 regarder, s'il vous plaît, cette pièce et nous dire ce que représente

25 cette photographie ?

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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Cette

2 photographie montre la mosquée maghrébine qui se trouvait, sous l'Empire

3 ottoman, juste là où la ville se terminait. C'est devenu ensuite un lieu

4 de culte très important du point de vue artistique, au centre de la ville.

5 Vous voyez que le toit et le minaret ont été totalement détruits.

6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Avez-vous vu cette

7 mosquée, ce lieu de culte tout de suite après sa destruction ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui. C'était

9 au mois de mai 1992, j'habitais chez mes beaux-parents et ceci s'est

10 produit dans la nuit du 17 au 18 mai.

11 A partir d'une artillerie, d'un mortier, toute la ville a été

12 pilonnée un peu partout, tant la vieille ville que la nouvelle ville, et

13 nous sommes restés dans la cave jusqu’à 4 h 00 du matin. Lorsque le

14 pilonnage s'est interrompu, après m'être reposé quelque instants, je suis

15 allé chercher du pain avec mon fils. Il y avait un endroit, à côté de la

16 mosquée, où on distribuait du pain. En route, nous avons pu voir les

17 destructions dues au pilonnage, et j'ai eu un grand choc lorsque j'ai vu

18 la mosquée, comme vous pouvez la voir sur cette photographie, parce que

19 cette mosquée était un des édifices les plus beaux du point de vue

20 architectural à Sarajevo. Des bonnes volontés l'ont heureusement

21 reconstruite en partie mais ils n'ont pas pu reconstruire le minaret qui

22 demande plus de temps.

23 M.Bowers (interprétation de l'anglais).- Qu'avez-vous pensé

24 quand vous avez vu cette mosquée détruite ? Quels ont été vos réflexions

25 et vos sentiments ?

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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Pour moi,

2 c'était la fin du monde, la fin de Sarajevo. Mais ces pensées ne m'ont

3 occupé que pendant très peu de temps -quelques heures peut-être- parce que

4 je me suis ensuite rendu compte que la ville ne vit que par ses habitants,

5 et je savais que ses habitants reconstruiraient la ville après la fin de

6 cette folie.

7 M.Bowers (interprétation de l'anglais).- Pièce 151, n° 000 71

8 : que voyez-vous sur cette photographie ?

9 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- On y voit

10 également une mosquée mais tout à fait détruite. C'est une mosquée plus

11 récente qui a été construite, il y a 20 à 30 ans, dans la vieille partie

12 de la ville. Et elle a très nettement servi de cible pour les barbares -

13 les barbares qui détruisent systématiquement ce qui fait d'une ville une

14 ville.

15 M.Bowers (interprétation de l'anglais).- Pièce 152 n° 000 72 :

16 pourriez-vous regarder cette photographie et nous dire ce qu'elle

17 représente ?

18 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- C'est une

19 grande église catholique située à Stupe qui était un quartier de la ville

20 de Sarajevo où vivaient quelques milliers de catholiques. Et cette église

21 a été pratiquement détruite au mois de mai par incendie. Ne restent

22 uniquement que quelques murs qui indiquent qu'il y avait une église.

23 M.Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourrait-on voir la

24 pièce 153, n° 3073 ? Pourriez-vous nous décrire cette photographie ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- C'est là où se

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1 trouvait la bibliothèque universitaire de Sarajevo. Des roquettes ont mis

2 le feu au centre de documentation de la bibliothèque. Il y avait des

3 documents très importants pour l'histoire de la Bosnie, qui avaient plus

4 de 800 ans, ainsi que des documents plus récents. Tout a été détruit, et

5 seuls des fragments ou certains documents, qui ne se trouvaient pas dans

6 cette bibliothèque, ont été sauvés. Il reste quelques ruines de ce

7 bâtiment.

8 M.Bowers (interprétation de l'anglais)- Nous pourrions voir

9 la pièce 154, n° 3074. Est-ce ce qui reste de l'intérieur de la

10 bibliothèque ? Est-ce ce que nous voyons sur cette photographie ?

11 M. Kupusovicku (interprétation du serbo-croate)- Oui, ce sont

12 les ruines de cette très belle architecture, de ces très belles colonnes

13 qui soutenaient la bibliothèque. Et j'ajouterai qu'au début du siècle, cet

14 édifice abritait le parlement de la Bosnie Herzégovine en tant qu'unité

15 autonome à l'intérieur de l'empire ostro-hongrois. Ce bâtiment a été

16 construit, à l'origine, pour servir d'hôtel de ville à la ville (les

17 bureaux du maire s'y trouvaient), et pour les fêtes et les cérémonies.

18 Tout cela se déroulait, il y a une trentaine d'années, dans ce bâtiment,

19 et la bibliothèque y a ensuite été installée lorsque l'hôtel de ville a

20 déménagé.

21 M.Bowers (interprétation de l'anglais). - Au fur et à mesure

22 que les pilonnages continuaient, jour après jour, mois après mois, année

23 après année, une certaine routine s'est-elle mise en place pendant la

24 journée ?

25 M. Kupusovicku (interprétation du serbo-croate).- Oui, bien

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1 sûr. Il nous a fallu un certain temps pour nous habituer et nous organiser

2 un peu sous ce pilonnage. Il y avait très souvent pilonnage très tôt le

3 matin, puis vers 11 h 00. Alors les gens quittaient vite les rues et

4 essayaient de se réfugier.

5 M. le Président. - Nous allons suspendre plus tôt que je ne

6 l'aurais voulu en raison d'un incident technique de son.

7

8 La séance, suspendue à 16 h 00, est reprise à 16 h 30.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).-Monsieur Kupusovic,

10 au moment de la pause, vous étiez en train de décrire ce que vous avez

11 appelé les règles de pilonnage que les habitants de Sarajevo ont fini par

12 apprendre.

13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Après quelques

14 semaines, dès le début du pilonnage, nous avons constaté quelques règles -

15 règles qui ont été maintenues jusqu'à la fin du siège de la ville-, à

16 savoir que le calme régnait en général tôt le matin et jusqu'aux environ

17 de 11 h 00/12 h 00 ; et, en général, que trois ou quatre obus explosaient

18 entre 11 h 00 et midi. Bien entendu, les gens fuyaient les rues pour

19 s'abriter dans les abris. Et l'après-midi, au moment où les gens

20 ressortaient pour aller chercher de l'eau ou pour vaquer à telle ou telle

21 occupation, de nouveaux obus tombaient. Et durant les deux premières

22 années, ces obus tuaient presque à chaque fois une dizaine de personnes en

23 ville et en blessaient une dizaine d'autres.

24 L'objectif était donc de faire sortir les gens de leur abri

25 grâce à de prétendues accalmies.

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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- A votre avis, les

2 Serbes semblaient-ils cibler les rassemblements civils à Sarajevo ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, les

4 pilonnages avaient pour cible toutes formes de rassemblements humains, que

5 ce soit devant des magasins, devant les endroits où était distribuée

6 l'aide humanitaire ou devant tout autre endroit où les gens avaient

7 l'habitude de se regrouper. En fait, ils voyaient tout depuis les

8 collines, et pouvaient prendre pour cible l'objet de leur choix.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Quelles incidences

10 ont eu ces pilonnages sur les habitants de Sarajevo, notamment le

11 pilonnage des rassemblements humains ?

12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Ces pilonnages

13 ont eu un effet très démoralisant parce qu'ils sont parvenus, en fait, à

14 contraindre les habitants à passer un maximum de temps dans les abris. Et

15 les gens étaient dépourvus de toute possibilité de communiquer les uns

16 avec les autres, étant constamment soumis à la pression du danger de mort

17 pesant sur eux.

18 On commençait à perdre le moral.

19 Quant aux nécessités les plus élémentaires comme, par exemple,

20 se procurer de l'eau, aller chercher du pain, ou simplement rencontrer des

21 membres de sa famille ou des amis, aller quelque part en visite, elles

22 étaient largement réduites.

23 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Chaque fois que

24 l'armée de Bosnie Herzégovine engageait des actions sur la ligne de front,

25 comment l'armée serbe bosniaque réagissait-elle en général ?

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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Les Serbes de

2 Karadzic pilonnaient, à ce moments-là, massivement la ville. C'était tout

3 simplement l'enfer en ville dans ces moments-là. Indépendamment du fait

4 qu'il s'agissait d'une action à Bihac, à Gorazde, aux abords mêmes de la

5 ville ou n'importe où ailleurs, il semblait que cela donnait lieu

6 régulièrement à des pilonnages massifs. Il semblait, en fait, que c'était

7 une vengeance sur les civils chaque fois que l'armée bosniaque remportait

8 une victoire.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Pour que les choses

10 soient claires, l'armée serbe bosniaque ne se contentait pas de pilonner

11 les quartiers de la ville lors d'actions sur le front de Sarajevo, mais

12 elle pilonnait également la ville lorsqu'il y avait des actions sur les

13 fronts extérieurs à Sarajevo, dans les autres parties de la Bosnie

14 Herzégovine ?

15 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, c'est

16 exactement cela.

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- A ce stade, nous

18 aimerions passer au sujet suivant, à savoir les tirs isolés contre la

19 ville. Monsieur, quand les tirs isolés ont-ils commencé à Sarajevo ?

20 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Il y a eu

21 quelques tirs, les 1er et 2 mars, au moment des premières barricades ; ils

22 n'ont pas fait de victimes car personne n'est mort, personne n'a été

23 blessé. Mais les tirs isolés ont vraiment commencé le 6 avril. Et la

24 première victime a été une étudiante en médecine, Suja Memerovic, qui

25 habitait habituellement à Dubrovnic et qui faisait ses études à Sarajevo.

Page 345

1 Elle est tombée sur le pont, entre Grbavica et Marijin Dvor, dans un

2 endroit d'où elle était partie pour se diriger vers le ministère de

3 l'Intérieur, à un moment d'accalmie. Mais c'est là que se trouvait une

4 concentration de militants de Karadzic - ou plutôt du parti démocratique

5 serbe. Elle voulait éviter l'attaque contre la ville.

6 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Les tirs isolés se

7 sont-ils poursuivis pendant toute la durée du siège de Sarajevo ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, il ne se

9 passait pas un jour sans que plusieurs tireurs isolés n'agissent. Tous les

10 jours, il y avait plusieurs blessés et de nombreux quartiers de la ville

11 étaient en permanence exposés au feu des tireurs isolés.

12 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Les habitants de

13 Sarajevo ont-ils fini par trouver un mode de vie face à ces tirs isolés ?

14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate.- En fait, il n'y

15 avait pas de règles particulières en ce qui concerne le moment où tiraient

16 ces tireurs isolés. Ils tiraient en permanence en de nombreux endroits.

17 Des endroits étaient plus spécialement dangereux, comme tous ceux en

18 direction de Trebevic ou en direction d'autres lieux de tir de tireurs

19 isolés.

20 La situation la plus favorable était celle des jours de brume

21 autour de Sarajevo ; les lieux de tir étaient, à ce moment-là, plongés

22 dans la brume. Avant la guerre, la présence de brume indiquait que l'air

23 était pollué, et c'était également un signe de mauvais temps ; mais, au

24 cours de la guerre, la présence de brume et de brouillard est devenue

25 synonyme de sécurité en ville.

Page 346

1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- A votre avis, quel

2 était l'objectif des tireurs isolés ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Le premier

4 objectif consistait bien entendu à tuer des êtres humains. Mais il est

5 permis de dire que les tireurs isolés auraient pu tuer davantage

6 d'habitants de Sarajevo que cela n'a été le cas. Et il faut ajouter à cela

7 le pilonnage. La ville était maintenue dans une situation où tout était

8 sous le contrôle des Serbes de Karadzic. Eux-mêmes étaient les maîtres de

9 la guerre et de la paix, de la vie et de la mort, de toute une ville et de

10 la totalité de ses habitants.

11 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Qui étaient les

12 victimes de ces incidents dus aux tireurs isolés ?

13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Tous les

14 habitants de Sarajevo, de toutes origines, de toutes nationalités. Ils

15 étaient tous, à égalité, victimes des tireurs isolés et des obus.

16 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Pouvez-vous estimer

17 le nombre d'enfants qui ont été tués ou blessés par des tireurs isolés ?

18 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Au total,

19 douze mille habitants de Sarajevo ont trouvé la mort en raison des

20 pilonnages et des tireurs isolés, dont mille six cent enfants.

21 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Les femmes civiles

22 étaient-elles particulièrement exposées aux dangers des tireurs isolés et

23 du pilonnage ?

24 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, les

25 femmes étaient dans l'obligation de prendre davantage de responsabilités

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1 dans la vie publique en ville, dans tous les services publics, et elles

2 devaient également s'occuper davantage des enfants. Les femmes avaient

3 davantage besoin de circuler dans la ville, et elles sont fréquemment

4 tombées, victimes des tireurs isolés.

5 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Quels effets

6 psychologiques ont eu ces tirs isolés, à votre avis, sur les habitants de

7 Sarajevo ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Ils ont eu des

9 effets très pénibles. Au début, tout le monde avait peur de sortir,

10 d'aller dans la rue, et surtout de permettre aux enfants de jouer dehors,

11 y compris dans les cours situées à l'intérieur des bâtiments parce que, si

12 l'enfant ne tombait pas sous les coups des tireurs isolés, il risquait

13 d'être frappé par un obus. Mais, au bout d'un certain temps, il nous a

14 tout de même fallu nous adapter, et la vie a continué avec les tireurs

15 isolés, en présence de ce danger permanent d'être blessé ou de trouver la

16 mort.

17 Psychiquement, ce qui a sans doute été le plus difficile, ce

18 sont les moments où une mère, un père, un enfant, reste un peu trop

19 longtemps dehors ; on est sans nouvelle ; on a entendu des tireurs isolés

20 ; on ne sait pas si la personne absente est vivante ou morte, si elle est

21 blessée ou non, jusqu'au moment de son retour, car les téléphones n'ont

22 pas fonctionné pendant longtemps, si bien que, chaque fois que quelqu'un

23 s'attardait un peu dans ses fonctions au travail, ou même en visite chez

24 des amis ou chez des parents, ceux qui l'attendaient craignaient qu'un

25 malheur soit arrivé.

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1 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Avez-vous dû, un

2 jour, travailler plus tard que d'habitude sans en avoir été prévenu à

3 l'avance ? Qu'avez-vous dû faire pour pouvoir faire ces heures

4 supplémentaires sans alarmer votre famille ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Au bout d'un

6 certain temps, j'ai pris l'habitude de dire à mon épouse et à mes enfants

7 "je rentre quand je rentre", c'est-à-dire qu'il n'était plus question

8 d'une heure coutumière, il n'était plus question de parler de 19 h 30 ou

9 de 22 h 00 - au moment où il était encore possible de sortir après 20 h

10 00.

11 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Monsieur, y a-t-il

12 eu des cessez-le-feu occasionnels, des moments où les tirs isolés

13 s'arrêtaient ?

14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Il y en a eu

15 de temps en temps ; il y a eu des jours tranquilles, des cessez-le-feu qui

16 étaient la conséquence de négociations, ou de telle ou telle résolution du

17 Conseil de Sécurité mais, après quelques jours ou quelques mois au cours

18 de l'année 1994, les choses reprenaient, en général, leur cours normal.

19 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Quel effet la

20 violation de ces cessez-le-feu a-t-elle eu sur les habitants ?

21 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Les habitants

22 de Sarajevo n'ont jamais perdu espoir. Chaque cessez-le-feu, chaque

23 amélioration de la situation faisait naître chez eux l'espoir d'une paix

24 finalement arrivée. Mais, chaque retour des tireurs isolés, chaque

25 renforcement de l'encerclement de la ville, chaque arrêt des services de

Page 349

1 l'eau et des autres services, avaient un effet très négatif car il est

2 encore pire, à partir d'une situation négative, de passer à une meilleure

3 situation et de retomber ensuite dans une situation négative. C'était de

4 toute évidence une tactique intentionnelle de la part des assiégeants de

5 la ville.

6 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Nous avons deux

7 photographies à montrer qui sont les pièces à conviction 155 et 156,

8 documents 3075 et 3076.

9 (Projection de photographies)

10 Ces photographies montrent des enfants qui ont été victimes

11 des pilonnages et des tireurs isolés.

12 La ville disposait-elle de services de santé suffisants pour

13 traiter les victimes des pilonnage et des tireurs isolés ?

14 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Sarajevo

15 disposait de deux grands hôpitaux qui ont fonctionné pendant toute la

16 durée de la guerre mais ces hôpitaux ont atteint le maximum de leurs

17 possibilités, dès le début, car, dès que l'eau a commencé à manquer, dès

18 que les communications ont été interrompues, il est devenu difficile pour

19 les deux mille infirmières d'aller au travail tous les jours et de rentrer

20 chez elles tous les jours. Cela a posé des problèmes. Et l'équipement de

21 l'hôpital a également commencé très rapidement à ne plus fonctionner, soit

22 en raison du manque d'électricité, soit en raison du fait que seuls

23 fonctionnaient des générateurs au gaz ou à essence, ce qui a très vite

24 abouti à des problèmes techniques. Mais le personnel de l'hôpital ne

25 travaillait que pour la ville elle-même, alors qu'elle était, par le

Page 350

1 passé, au service de la totalité de la région.

2 Nous pouvons donc dire que nous avons eu une certaine chance

3 de disposer de ces médecins et de ce personnel médical, en raison,

4 notamment, du fait que les capacités, en termes de soins, étaient

5 supérieures à celles qui eussent été nécessaires à la ville seule. Les

6 membres du personnel médical n'étaient évidemment pas des spécialistes des

7 soins de guerre, mais les médecins se sont très vite entraînés aux

8 premiers soins nécessaires dans des situations de ce genre, et ont sauvé

9 la vie de nombreux habitants.

10 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Les habitants de

11 Sarajevo ont-ils rencontré des difficultés particulières à tenter de

12 sauver les victimes des pilonnages ?

13 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Bien entendu,

14 il ne se passait d'intervention pour sauver une victime sans que des

15 tireurs isolés ne commencent à tirer immédiatement. Apporter de l'aide aux

16 blessés, les placer à bord d'une voiture et les transporter jusqu'à

17 l'hôpital pour des soins d'urgence était donc très difficile. Cela

18 entraînait un nouveau rassemblement de personnes qui était immédiatement

19 identifié comme une nouvelle cible pour les obus et les tireurs isolés.

20 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- Est-il arrivé que

21 les personnes tentant d'apporter de l'aide soient elles-mêmes blessées ou

22 tuées ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, il y a eu

24 de nombreux cas de ce genre, ce qui avait un effet très démoralisant sur

25 la population. Mais personne ne pouvait passer quelque temps dans la rue

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1 sans faire ce qu'il fallait dans des cas de ce genre, c'est-à-dire

2 participer au rassemblement de gens qui aidaient la victime, la mettaient

3 à bord d'un véhicule et l'amenaient à l'hôpital.

4 Nous avons ensuite mis en place un centre d'urgences où l'aide

5 aux blessés était plus facile d'accès, plus rapide, si bien que les

6 blessés saignaient moins ; car les ambulances, au cours des premiers

7 jours, ont fini par être très endommagées et les transports se faisaient

8 donc à bord de tout véhicule disponible.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais).- La ville a-t-elle

10 érigé quelque forme de barricade que ce soit pour protéger les gens les

11 plus exposés aux tirs des tireurs isolés ?

12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate).- Oui, les tirs

13 isolés étaient constants à plusieurs carrefours, dès le début du mois de

14 mai. La nuit, avec l'aide des forces des Nations Unies et de leurs

15 organisations, nous avons organisé la pose de containers anciennement

16 utilisés pour transporter divers articles. C'était donc quelque chose qui

17 ressemblait à des wagons. Nous les avons disposés là pour servir de

18 protection contre les tireurs isolés et contre les obus de calibre

19 inférieur qui ne parvenaient pas à traverser les parois de ces containers.

20 C'est ainsi qu'une défense passive anti-snippers a été

21 installée à ces carrefours. Lorsque tous les conteneurs ont été utilisés,

22 nous en sommes venus à utiliser des toiles qui créaient une séparation

23 visuelle. Les gens se rendant compte que l'endroit était dangereux

24 pouvaient alors courir le plus vite possible à l'abri derrière ces toiles.

25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Je voudrais que

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1 vous montriez les pièces à conviction 157 et 158 (documents 3-0-77

2 et 3-0-78). Pourrait-on maintenant montrer les photographies suivantes, je

3 vous prie ? Que représentent ces photographies, monsieur ?

4 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Là, nous

5 voyons les barricades qui ont été construites à l'aide d'autocars et de

6 trolleybus qui n'étaient plus en état de fonctionnement, renforcées par

7 des plaques de béton car la tôle des autobus ne permettait pas de protéger

8 contre les tireurs isolés.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Ces barricades ont-

10 elles efficacement protégé les gens ou y a-t-il eu encore des blessés y

11 compris là où il y avait des barricades ?

12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il y a eu

13 encore des blessés, mais beaucoup moins. Ces barricades ont eu un certain

14 effet. Ultérieurement, nous les avons construites hautes de 5 à 6 mètres,

15 en mettant plusieurs conteneurs les uns sur les autres, si bien que les

16 gens pouvaient tout de même passer derrière ces barricades avec une

17 certaine sécurité, mais il n'a pas été possible de protéger la totalité de

18 la ville avec des barricades de ce type, si bien qu'il y avait toujours

19 des endroits où les tireurs isolés pouvaient tirer.

20 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - A ce stade, nous

21 voudrions passer à un autre sujet : l'hiver 1992. C'est le premier hiver

22 que les habitants de Sarajevo ont passé en état de siège, n'est-ce pas ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui,

24 effectivement.

25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Voudriez-vous

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1 consacrer quelques instants à décrire et à expliquer à la Cour ce qu'a été

2 ce premier hiver de siège, je vous prie ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je pense

4 qu'une grande majorité des habitants ne croyaient pas, à l'automne 1992,

5 qu'ils pourraient survivre à l'hiver en l'absence d'électricité et dans

6 cette situation d'encerclement complet, le plus gros problème étant la

7 pénurie alimentaire et l'absence de chauffage.

8 15 % seulement des appartements de la ville disposaient du gaz

9 naturel qui servait à se chauffer et, vers la fin du mois de

10 novembre 1992, lorsque l'électricité a totalement fait défaut dans la

11 ville, il était très difficile d'imaginer comment une ville de cette

12 taille pourrait survivre sans électricité.

13 A ce moment-là, ont commencé la coupe -organisées et non- des

14 arbres qui se trouvaient autour de la ville. Le ramassage des papiers pour

15 servir de combustible a été organisé et les familles ont commencé à se

16 rassembler dans les appartements alimentés en gaz naturel, si bien que les

17 familles ont pris l'habitude de vivre à plusieurs dans une pièce disposant

18 du gaz pour la simple raison qu'il était possible de se chauffer et de

19 faire la cuisine.

20 En ce qui concerne les autorités municipales, outre

21 l'organisation de ce type d'activités, nous avons déployé des efforts

22 particuliers pour éviter la disparition du pain des boulangeries. C'est

23 ainsi que, alors qu'il n'y avait pas d'électricité, grâce à des dons, des

24 générateurs fonctionnant au gaz ont été obtenus, qui fournissaient de

25 l'électricité, ce qui a permis aux boulangeries de fonctionner. Ainsi,

Page 354

1 pendant tout cet hiver, les habitants de Sarajevo ont reçu le tiers d'une

2 miche de pain de 750 grammes, soit 250 grammes. C'est un hiver où il était

3 très difficile de sortir et, finalement, nous avons tout de même réussi à

4 distribuer un peu de nourriture.

5 Cet automne et cet hiver-là, j'ai perdu personnellement

6 28 kilos et, en moyenne, les habitants de Sarajevo ont perdu environ

7 25 kilos, en raison de la pénurie alimentaire, de la sous-alimentation et

8 d'un état psychique caractérisé par l'incertitude quant à ce que pourrait

9 être l'issue de cet hiver.

10 La réparation des lignes électriques a été un souci permanent

11 pour les experts des organisations internationales. Le représentant de la

12 FORPRONU à Sarajevo a promis que l'électricité serait rétablie d'ici Noël.

13 Lorsque le Noël catholique est arrivé, nous avons pensé qu'il avait peut-

14 être pensé au Noël orthodoxe qui est en janvier, or l'électricité n'a été

15 rétablie qu'en mars 1993. On a pu fournir à nouveau 12 à 15 mégawatts, ce

16 qui représentait moins de 10 % des seuls besoins domestiques de l'ensemble

17 de la ville, et il y avait tous les autres besoins. Mais cela a suffi tout

18 de même pour permettre un fonctionnement plus sûr des boulangeries,

19 l'alimentation en eau et aux utilisateurs individuels de disposer de

20 quelques heures d'électricité par jour pour satisfaire les besoins les

21 plus élémentaires, c'est-à-dire faire cuire quelque chose, regarder un peu

22 la télévision ou permettre aux enfants d'utiliser un jouet fonctionnant à

23 l'électricité, jeu informatique ou autre.

24 Le marché ne fonctionnait pas puisqu'aucun approvisionnement

25 n'était organisé en dehors de la distribution de l'aide humanitaire, mais

Page 355

1 tout de même sur le marché noir, le prix des articles les plus

2 indispensables a augmenté de plus de (10 % ?) par rapport à ce qu'il était

3 avant la guerre. Le café coûtait désormais 120 marks le kilo. Les

4 allumettes, c'était un problème parce qu'il n'y avait pas d'allumettes

5 pour allumer le feu alors qu'on utilisait du bois comme combustible, on

6 transportait donc le feu d'un foyer à un autre pour faire des feux avec ce

7 bois pendant une heure ou deux, faire une petite soupe et, en fait,

8 oublier quelques instants le froid qui envahissait la totalité de

9 l'appartement. Bien entendu, le Conseil municipal ne fonctionnait plus.

10 Il y a quelque chose qui me reste en mémoire, une image

11 particulière. Je me souviens de ces gens qui allaient chercher de l'eau et

12 qui utilisaient leur chien un peu comme des chiens d'attelage chez les

13 Esquimaux pour tirer le bois qu'ils étaient allés chercher. Enfin, nous

14 avons survécu !

15 Le plus grand motif d'espoir, c'était qu'après l'hiver vient

16 toujours le printemps.

17 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous en avez dit

18 quelques mots, mais pourriez-vous expliquer plus en détail pour le

19 Tribunal ce qui a été fait pour alimenter la ville en eau au cours de cet

20 hiver 1992 ?

21 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - La principale

22 source d'approvisionnement en eau de Sarajevo était sous le contrôle de

23 Karadzic. A ce moment-là, il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait

24 donc pas d'eau dans le système de distribution, tous les robinets étaient

25 à sec. Les seules sources d'eau alternatives étaient les vieux puits de la

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1 vieille ville. En tant que représentant des autorités municipales, nous

2 avons donc fait en sorte qu'à partir de cette source d'eau en ville, des

3 canalisations soient tirées pour alimenter un certain nombre de quartiers.

4 C'est ce qui a été fait avec l'aide des représentants des Nations Unies

5 et, en 1993, de tous les quartiers, les gens se rendaient vers cette

6 source d'eau pour remplir des bidons de 20 à 30 litres. C'était devenu une

7 image courante.

8 C'est à la brasserie de la ville que les gens s'alimentaient.

9 C'est là que les problèmes ont commencé car tout le monde ne pouvait pas

10 transporter facilement d'importantes quantités d'eau. Bon nombre de gens

11 vivaient sur les versants des collines et devaient donc porter cette eau

12 en montant des pentes raides. Mais chacun savait que porter ces 25 litres

13 d'eau environ était synonyme de bonheur pour la famille. Quand, après une

14 ou deux heures de marche dans un sens, puis avoir passé un certain temps

15 dans la file d'attente, on rentre avec l'eau potable et que, arrivé à la

16 maison, on voit les enfants qui vous attendent avec le sourire, "Papa,

17 maintenant nous avons de l'eau, nous avons même de l'eau pour demain",

18 c'est important.

19 Bien entendu, il y avait des tireurs isolés, il y avait des

20 pilonnages. Avec l'aide de la FORPRONU, nous sommes parvenus à protéger un

21 certain nombre de ces sources d'eau contre les tireurs isolés, pour qu'au

22 moins pendant que les gens faisaient la queue, ils soient protégés au

23 maximum contre les obus. Malheureusement, quelques lieux de rassemblement

24 où les gens faisaient la queue pour l'eau ont été frappés.

25 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Puisque le siège

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1 s'est poursuivi, pouvez-vous nous dire si l'hiver 1993 a été un peu moins

2 difficile que l'hiver 1992 ?

3 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). -

4 Psychologiquement, l'hiver 1993 a été pire parce qu'au cours de

5 l'hiver 92-93, les gens pensaient que le printemps et l'été allaient

6 arriver et qu'il n'y avait pas la moindre possibilité que l'hiver suivant

7 se passe encore sous le siège.

8 Cet hiver-là et davantage encore au cours de l'été, le réseau

9 de gaz a été étendu en ville, car on avait constaté que le gaz avait sauvé

10 la ville au cours de l'hiver 92, mais, d'une part, cela a accru les

11 risques d'explosions dues au gaz et, d'autre part, cela a entraîné

12 l'augmentation des pertes, donc chaque particulier a reçu moins de gaz.

13 La Fédération russe, qui fournissait ce gaz, n'était pas

14 disposée à augmenter les quantités fournies puisque personne ne payait. Il

15 n'y avait pratiquement plus d'arbres à l'intérieur même de la ville.

16 L'hiver 1993 a donc été plus doux sur le plan climatique. Objectivement,

17 cela a sans doute été un hiver moins difficile, mais psychologiquement il

18 a semblé plus difficile car il venait après le premier hiver de siège.

19 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Merci bien. Nous

20 allons passer maintenant à la description des conditions de vie générales

21 pendant toute la durée du siège et aborderons un certain nombre des

22 aspects les plus critiques.

23 Qui avait le contrôle de l'électricité pendant toute la durée

24 du siège ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - La ville de

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1 Sarajevo était dotée d'un système très sûr et lorsque je dis très sûr, je

2 pense surtout aux conditions de paix. Quelques postes de transformation

3 électrique entouraient la ville, une sorte de triple sécurité pour la

4 consommation d'électricité qui avait été à son maximum pendant les Jeux

5 olympiques de 1984. Tous ces postes de transformation électriques étaient

6 contrôlés par la JNA, puis ont été contrôlés par les forces armées des

7 Serbes bosniaques.

8 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que la JNA a

9 assuré la protection de ces sites de distribution du courant avant même

10 que la guerre n'éclate ?

11 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, tout

12 simplement les JNA ont occupé ces postes de transformation électrique et

13 la JNA est devenue l'armée des Serbes bosniaques. L'armée était donc la

14 force qui contrôlait tous ces postes de transformation électrique autour

15 de la ville.

16 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Pourriez-vous

17 décrire à la Cour comment on vivait dans une ville sans courant, sans

18 électricité ?

19 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - A un moment

20 donné, en ma qualité de maire, je suis allé à Vienne et il y a eu une

21 coupure d'électricité de quelques instants. Il y avait une solution de

22 rechange, mais pas de climatisation. Je parle de Vienne. Vous pouvez

23 imaginer ce que cela donne dans un système qui dépend d'une alimentation

24 en électricité qui tombe en panne. L'eau pompée ne dépasse pas le

25 5ème étage. Ensuite, il y a l'approvisionnement qui vient des parties

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1 élevées de la ville. Il y a arrêt des transports en commun. Les piles

2 permettent d'écouter la radio pendant un certain temps, mais quand elles

3 sont épuisées, vous ne pouvez plus les recharger.

4 Par conséquent, à l'automne 1992, au moment où nous avons

5 affronté une pénurie permanente d'électricité, il nous était difficile

6 d'organiser, d'imaginer la vie sans courant.

7 Il n'y a pas eu de coups de téléphone spéciaux, qu'il s'agisse

8 du maire de la ville ou de qui que ce soit d'autre.

9 Après ce premier choc, on a constaté qu'on allait devoir

10 s'organiser même dans ces conditions-là et on a réussi à survivre. On a

11 trouvé des générateurs comme solution de rechange, des plus grands aux

12 plus petits, les accumulateurs transportables pour alimenter les piles,

13 pour alimenter les principaux consommateurs prioritaires.

14 On a fait quelques efforts vains, mais on a réussi tout de

15 même à obtenir un certain nombre de ces générateurs par l'intermédiaire de

16 la FORPRONU et de la Croix-Rouge internationale. Nous avons utilisé les

17 grandes installations de la boulangerie centrale et les puits de la

18 brasserie de la ville. Enfin, on a réussi tout de même à constituer un

19 réseau d'urgence.

20 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Est-ce que les

21 Serbes de Karadzic vous donnaient parfois l'eau et électricité, c'est-à-

22 dire approvisionnaient la ville en eau et électricité ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - En paroles,

24 oui, ils étaient catégoriques, indiquant qu'ils n'abuseraient plus des

25 moyens de première nécessité pour la vie, donc qu'ils ne les emploieraient

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1 pas à des fins militaires, qu'il n'y aurait plus de coupures d'électricité

2 et de gaz et de coupure des vannes pour le transport des eaux.

3 Et puis il y a parfois eu des jours et des jours, un mois ou

4 deux, où la situation s’était sensiblement améliorée. Par exemple, de jour

5 en jour, pendant 6 heures, on avait suffisamment de courant et de l’eau

6 pendant 1 ou 2 heures.

7 Evidemment, on pensait toujours que c'était un signe de

8 normalisation, de reprise des activités. Puis, au bout de ces 2 mois

9 passés, un prétexte quelconque provoquait un effet psychique sur la

10 population, un blocage, une suspension de ceci ou de cela. Il y a eu tout

11 le temps cette oscillation entre zéro, minimum, maximum possible dans ces

12 conditions.

13 C'était une stratégie qui devait provoquer chez les gens un

14 sentiment de désespoir de la vie au sein d'une telle ville.

15 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous avez mentionné

16 le fait que Sarajevo était fier de son système de transports en commun. Au

17 moment où le siège a commencé, que s’est-il passé avec ce système de

18 transport, ferroviaire et autre ?

19 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Les tramways

20 étaient vraiment la fierté de la ville de Sarajevo. C’était la première

21 ville en Europe centrale à avoir un tramway, et ceci depuis 130 ans,

22 d'abord avec attelage à chevaux, puis des tramways électriques.

23 Donc Sarajevo avait très bien résolu son système de transport

24 le long de l'axe principal de la ville, une trentaine de kilomètres pour

25 la ligne principale. Mais le tramway à un moment donné s’était

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1 complètement arrêté. Et puis, après une accalmie en 1994, on a rétabli le

2 transport par tramway, mais suspendu ici et là en raison des tirs isolés

3 car les tramways étaient des cibles de choix.

4 Pour certaines personnes, dans certains quartiers, les

5 sonnettes des tramway étaient le signe de la paix qui pouvait régner ce

6 jour-là. Si les tramways marchaient, on pouvait plus facilement se rendre

7 à son poste de travail. En effet, les obus et la bonne marche des tramways

8 n’allaient pas ensemble.

9 Pour les habitants de Sarajevo et pour ceux qui attaquaient la

10 ville, ces tramways étaient une sorte de symbole, très fréquemment la

11 cible des attaques des tireurs isolés ou de ceux qui tiraient des obus

12 plus gros.

13 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Vous avez parlé des

14 enfants qui vivaient dans la ville. Comment la municipalité s'occupait-

15 elle de la scolarisation de ces enfants ?

16 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Au début

17 c'était très difficile. Au bout de quelques jours passés dans les sous-

18 sols souterrains, dans les appartements, tous les enfants voulaient sortir

19 au grand air. Les parents ne pouvaient pas les autoriser à le faire,

20 c’était dangereux.

21 C’est à ce moment-là que l’on a organisé des écoles dites

22 d’appartement, de foyer. Dans un bloc il y avait peut-être quelques

23 institutrices ou une mère qui était douée pour s'occuper des enfants, pour

24 leur organiser une forme d'éducation, d'enseignement, de cours, de jeux.

25 Avec le temps, on a remis en marche le réseau scolaire. Vers le printemps

Page 362

1 1993 tous les enfants étaient en quelque sorte couverts par cet

2 enseignement dispensé, non pas dans les bâtiments scolaires, mais dans les

3 caves, dans les différents appartements résidentiels, là où ils pouvaient

4 être protégés contre les obus des tireurs isolés.

5 Cette forme d’enseignement n’avait pas de continuité. Il

6 s’agissait d’un enseignement dispensé en plusieurs relèves. Les cours ne

7 duraient pas longtemps, les enfants recevaient leurs devoirs à faire chez

8 eux et on s'efforçait de couvrir le programme scolaire normal.

9 Petit à petit, cette forme d'organisation d’école s’est

10 améliorée. Il y a même eu les premiers manuels scolaires publiés en

11 Slovénie et transportés en Bosnie-Herzégovine. On a trouvé des fonds

12 nécessaires pour le faire et je dois dire que les enfants, pendant ces 4

13 années scolaires, ont appris quelque chose. Ce n'était pas des années

14 scolaires perdues, ils ont réussi tout de même à apprendre quelque chose

15 et les leçons les plus dures qu'ils en ont tiré étaient celles de la vie

16 quotidienne dans leur entourage immédiat.

17 Le moment est venu de combler ces vides créés dans

18 l'enseignement de ces enfants, dans le cadre d'une génération qui pendant

19 4 ans a été privée d'une scolarisation normale, mais qui reste néanmoins

20 heureuse d'avoir survécue et d'avoir la possibilité de songer à une

21 scolarité plus normale.

22 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Vous avez des

23 enfants qui sont restés avec vous pendant le siège. Quel âge avaient-ils

24 au début du siège ?

25 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Mon fils

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1 avait 11 ans, ma fille 8 ans, au moment du commencement du siège de

2 Sarajevo. Ils ont passé tout le siège avec moi à Sarajevo. Ce fut

3 également le cas de quelque 50 000 autres enfants de Sarajevo, soit 50 %

4 du nombre total de la population scolaire de la ville de Sarajevo à

5 l'époque.

6 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Comment ce siège a-

7 t-il affecté la vie familiale quotidienne des familles de Sarajevo ?

8 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - La vie a

9 changé de fond en comble. Les enfants ne pouvaient pas sortir, ne

10 pouvaient pas aller à l'école. On devait s’efforcer en permanence de les

11 occuper car on sait qu’ils sont très sensibles quand ils ont trop de temps

12 de loisirs, quand ils ne savent pas ce qu'ils vont faire. Etant donné

13 qu'on manquait d'électricité, on jouait aux différents jeux : jeux de

14 carte par exemple en échecs, autres jeux pour lesquels on n'avait pas besoin

15 de courant.

16 Le soir venu, on ne pouvait pas toujours travailler à côté de

17 la lumière d'un cierge -les bougies ne durent pas longtemps-, on devait se

18 débrouiller sans lumière. Les nuits sont longues quand on doit se coucher

19 vers 7 heures, 8 heures, 1 ou 2 heures après la nuit totale. Et si c'est

20 une nuit calme on est à moitié endormis et on se heurte sans cesse à des

21 problèmes d'ordre psychologique.

22 Et puis le lendemain matin on est heureux si le temps est

23 brumeux, parce que la journée reste sombre et vous permet de vous rendre

24 chez des amis, chez des parents, de songer à organiser quelque chose pour

25 la journée suivante, pour se préparer à toutes les éventualités qui

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1 pourraient s'interposer à une circulation normale à travers la ville.

2 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Dans quelle mesure

3 et comment le siège a-t-il affecté la vie quotidienne des femmes qui sont

4 restées piégées dans la ville ?

5 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Les femmes

6 qui sont restées travailler dans la ville (différentes entreprises,

7 services publics) devaient se déplacer quotidiennement de leur appartement

8 jusqu’à leur poste de travail. Elles avaient une obligation de plus. Elles

9 devaient veiller à leur tenue, être propres, avec les restes de leur

10 maquillage. Elles devaient veiller à rester femmes, à leur dignité de

11 femme et devaient partager leur vie avec des parents, avec des personnes

12 âgées, ce qui leur imposait des obligations complémentaires. Elles

13 travaillaient plus que d'habitude parce que les femmes étaient en quelque

14 sorte clouées à cette famille dans laquelle se développait toute leur vie.

15 Il était très dur de s'occuper de soi-même, de la nourriture,

16 de toute la famille, craindre de ne pas rentrer chez soi. Mais je pense

17 que les femmes de Sarajevo étaient à la hauteur de leur courage notoire et

18 elles ont considéré cette vie comme un apport crucial à cet effort de

19 survie caractéristique pour tous.

20 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Y avait-il des

21 problèmes particuliers en ce qui concerne les soins particuliers à

22 apporter aux personnes âgées ?

23 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Oui, nous

24 avons eu beaucoup de problèmes. Beaucoup de personnes âgées sont restées

25 seules et même pour les besoins de première nécessité, on a dû organiser

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1 des unités de protection territoriale, des unités de jeunes qui,

2 lorsqu’ils étaient libres, devaient apporter de l'eau, de la nourriture,

3 veillaient à apporter les soins médicaux élémentaires à ces personnes

4 âgées, réagir à toutes les plaintes possibles de ces gens, parce que les

5 personnes âgées dans des circonstances qui furent celles de Sarajevo ne

6 pouvaient pas facilement se déplacer, surtout lorsqu’ils s'agissait par

7 exemple de traverser une rue exposée aux tirs de tireurs isolés. Et s'il y

8 a une très grande distance à couvrir, cela posait également des

9 difficultés. Il y a bien des personnes âgées qui ne sont pas sortis

10 pendant des mois.

11 On a organisé un réseau de centres médicaux, paramédicaux, de

12 centres avec des infirmiers et infirmières qui devaient faire des prises

13 de sang, mesurer la tension de ces personnes sur place, assurer toutes les

14 mesures préventives, ne pas occuper seulement du troisième âge de ces

15 personnes mais veiller à ce qu’elles reçoivent les traitements

16 indispensables, même dans les situations précaires et d'austérité dans

17 lesquelles elles se trouvaient.

18 Beaucoup de personnes âgées sont mortes, non pas suite aux

19 obus et aux tirs isolés, mais en raison de la dégradation de la qualité de

20 leur vie, des conditions de vie. Bien des morts ont été prématurées. A

21 part ces milliers de victimes de tireurs isolés, il y a eu quelque 4 500

22 décès « naturels ».

23 M. Bowers (interprétation de l’anglais). - Est-ce-que les

24 citoyens de Sarajevo avaient des difficultés en ce qui concerne

25 l'inhumation de leurs morts ?

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1 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Je dirai que

2 c'est un des volets les plus sombres, les plus tragiques de cette vie.

3 Tout rassemblement lors des funérailles était une cible potentielle pour

4 les tireurs. Bien des gens ont été blessés à ces occasions-là et ont

5 reculé les funérailles dans les heures tardives de la journée, juste pour

6 veiller à la protection et à la sécurité des gens qui participaient à ce

7 genre de cérémonies, lorsqu’il s’agissait d'enterrer les victimes des tirs

8 et les morts.

9 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - 30-81 s'il vous

10 plaît, pièce 159.

11 Reconnaissez vous cette photo ?

12 M. Kupusovic (interprétation du serbo-croate). - Il s'agit

13 d'un petit cimetière près d'un garage construit en béton. Vous voyez une

14 partie de la palissade de ce garage atteint par un certain nombre d'obus.

15 A droite il y a un parc exposé droit au tir des tireurs isolés, un parc

16 qui servait à un moment donné pour faire des petits jardins privés autour

17 des maisons.

18 Un tout-petit cimetière avec une trentaine ou une quarantaine

19 de tombeaux de gens qui ont été inhumés soit très tôt le matin, soit très

20 tôt le soir ou même durant la nuit et à une quarantaine de mètres de là,

21 on avait ces petits jardins potagers où l’on cultivait de l'oignon, des

22 pommes de terre, ainsi de suite. Tout ceci se passait dans le quartier de

23 Dobrinja.

24 M. Bowers (interprétation de l'anglais). - Etes-vous conscient

25 de ce qui se passait lorsque l’on organisait des funérailles dans ce petit

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1 cimetière qui figure sur la photo ?

2 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais).- Oui, on a

3 organisé une fois une cérémonie funéraire à 10 heures du soir. Au moment

4 même du rassemblement, des Serbes de Karadzic se sont mis à tirer à une

5 distance d'une centaine de mètres de là. Tous les gens se sont dispersés.

6 On a laissé la dépouille mortelle du défunt sur place et on est revenu aux

7 alentours de 2 heures du matin pour terminer cette cérémonie funéraire.

8 Donc aux environs de 2 heures du matin, 2 heures après minuit, une heure

9 des plus étranges mais le moment le plus sûr pour assurer la sécurité

10 nécessaire de ce petit rassemblement de gens qui étaient venus accompagner

11 leur bien-aimé.

12 Des tombes d'orthodoxes, de catholiques et de musulmans se

13 trouvaient les unes à côté des autres, sans distinction.

14 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Quand les réfugiés

15 ont-ils commencé à se rendre pour la première fois à Sarajevo ?

16 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais).- Les premiers

17 réfugiés sont arrivés au mois d'avril 1992, en provenance des villages et

18 des localités de banlieue de Sarajevo où ils étaient devenus victimes de

19 la purification ethnique perpétrée par les Serbes. Ils venaient

20 s'installer dans le centre de la ville ou se dirigeaient vers les régions

21 de la partie centrale de la Bosnie.

22 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Cet afflux de

23 réfugiés provoquait-il des problèmes supplémentaires, additionnels, pour

24 la population sur place de Sarajevo ?

25 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais).- Très

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1 certainement. Les gens s'étaient rendus à Sarajevo pour s'y réfugier, mais

2 les conditions de vie à Sarajevo étaient déjà telles que même ses

3 habitants ne s'y sentaient pas bien. Que dire de ces gens qui venaient

4 d'autres régions et d'autres localités soit avec des blessés, soit avec

5 des membres malades de leur famille ? C'était évidemment un moyen pour

6 survivre.

7 La plupart de ces réfugiés venaient de la partie Est, de Foca,

8 de Rogatitcha, de Visegrad -le long de la frontière Serbe-, mais aussi des

9 régions de Herzégovina, celles qui sont devenues ethniquement pures suite

10 aux action et aux campagnes des Serbes.

11 Le siège a cessé au mois de mars de cette année, au moment de

12 la réintégration de Ilidja et de l'ouverture de la route en direction de

13 Sarajevo et de Tuzla, c'est-à-dire vers ce que nous appelons le monde

14 extérieur.

15 M. Bowers(interprétation de l'anglais)- Quelle a été la durée

16 totale du siège de Sarajevo ?

17 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais)- Certains prennent

18 comme début du siège, le 5 avril 1992, le moment de l'éclatement des

19 conflits. Mais ce siège n'était pas encore total, il n'était pas encore

20 complet. On pourrait parler d'un siège complet à partir du mois de mai

21 1992 étant donné que le dernier train et le dernier autocar avaient quitté

22 leur gare respective, ceci depuis mai 1992 jusqu'au mois de mars 1996,

23 soit près de quatre ans.

24 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- A votre avis, les

25 leader politiques et militaires, Karadzic et Mladic, savaient-ils ce qui

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1 se passait à Sarajevo, suite au siège imposé à la ville ?

2 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais). - Oui très

3 certainement.

4 M. Bowers(interprétation de l'anglais). - Sur quoi fondez-vous

5 votre opinion, votre point de vue ?

6 M. Kupusovic (interprétation de l'anglais). - Leur tactique

7 d'assiègement de Sarajevo était adaptée à la situation internationale et

8 aux pressions qu'ils subissaient de la Communauté internationale. Puis, il

9 y a eu cette tentative d'étouffer, d'étrangler la ville, un étranglement

10 dosé en quelque sorte. Pendant ces quatre ans, on peut démontrer que la

11 ville se trouvait sous le contrôle entier, à la merci pour ainsi dire des

12 soldats serbes de Karadzic.

13 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Monsieur le

14 président, il serait impossible, voire présomptueux au procureur de

15 relater exactement comment se passait la vie de Sarajevo au jour le jour.

16 Mais nous avons essayé, à titre d'illustration, de faire un collage de

17 séquences vidéo, et nous aimerions vous présenter ce montage vidéo de la

18 vie quotidienne, telle qu'elle évoluait Sarajevo, sous le siège.

19 M. le Président..- Je voudrais intervenir sur le déroulement

20 de nos travaux. Je ne sais pas si vous aviez prévu que le maire de

21 Sarajevo puisse rester jusqu'à demain matin. Il est 17 h 30. Vous allez

22 donc nous montrer ce montage, mais je pense que mes collègues et moi-même

23 aimerions ensuite poser un certain nombre de questions au témoin. Le

24 témoin peut-il rester, sans trop de problèmes ni de difficultés pour lui,

25 à La Haye, ce soir ?

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1 M. Bowers(interprétation de l'anglais).- Certainement,

2 monsieur le Président, nous l'avons prévu. Il sera possible de poser des

3 questions au témoin si la Chambre le souhaite.

4 M. le Président..- Dans ces conditions, je crois que nous

5 allons lever l'audience de ce jour, et nous la reprendrons demain matin à

6 10 h 00.

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8 La séance est levée à 17 h 30.

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