Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 22 octobre 2003

  2   [Audience sentencielle]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous aussi bien à l'intérieur

  7   qu'à l'extérieur aux alentours de ce prétoire, tous ceux qui nous apportent

  8   leur assistance.

  9   Je vais demander à Mme la Greffière de l'audience, de bien vouloir le

 10   numéro de l'affaire.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-02-59-S, le Procureur contre

 12   Darko Mrdja.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

 14   Monsieur Mrdja, êtes-vous en mesure de m'entendre dans une langue que vous

 15   comprenez ? Est-ce que la traduction fonctionne ? Voilà exactement la

 16   raison pour laquelle je vous pose cette question. Est-ce que maintenant

 17   vous entendez la traduction ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je

 19   n'entends que l'anglais.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut changer de canal, je crois. Est-

 21   ce que vous entendez maintenant la traduction ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur le Président.

 23   Tout va bien maintenant.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.

 25   Je vais demander aux parties de se présenter. L'Accusation.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges. Alan Tieger, je suis accompagné de Tim Resch pour le

  3   bureau du Procureur, avec notre assistante Skye Winner.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Et pour la Défense.

  5   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  6   Messieurs les Juges. Vojislav Dimitrijevic, et Otmar Wachenheim, mon

  7   éminent confrère. Nous assurons la défense de l'accusé.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Messieurs.

  9   Cet après-midi, la Chambre tient audience consacrée à la détermination de

 10   la peine dans l'affaire concernant M. Mrdja, qui a plaidé coupable au titre

 11   d'un acte d'accusation où il ne reste plus que deux chefs d'accusation,

 12   meurtre, violation des lois aux coutumes de la guerre, et Chef 3, actes

 13   inhumains, crimes contre l'humanité.

 14   La dernière version de l'acte d'accusation, la version définitive de cet

 15   d'acte d'accusation modifié, porte la date du 4 août.

 16   La Chambre a reçu les mémoires préalables à la détermination de la peine

 17   aussi bien de la Défense que de l'Accusation. De plus, les Juges de la

 18   Chambre ont également reçu les annexes de ces deux mémoires, ainsi qu'un

 19   rapport psychologique que nous avons reçu pratiquement simultanément, ou

 20   tout juste après la réception des mémoires préalables à cette audience.

 21   C'est un mémoire ou un rapport qui a été préparé par le professeur

 22   Gallwitz. Je pense que le mieux, c'est que je demande d'abord à chacune des

 23   parties de présenter rapidement les arguments qu'elles veulent présenter à

 24   la Chambre en sus de ce qui a déjà été couché sur le papier. Je demande

 25   donc, aux deux parties de présenter de manière synthétique leurs arguments.


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  1   Puis, la Chambre entendra les éléments de preuve présentés par les parties.

  2   Qu'il s'agisse de témoins qui viendront dans ce prétoire, ou bien qu'il

  3   s'agit d'éléments de preuve versés au dossier par le billet de l'Article 92

  4   bis ou par le billet de l'Article 100. Comme vous le savez, le Règlement de

  5   preuve n'est pas appliqué de manière tout à fait identique que c'est le cas

  6   pendant un procès.

  7   Et ensuite, si j'ai bien compris, M. Mrdja souhaite intervenir. Puis, une

  8   fois que nous aurons reçu toutes les informations que les parties

  9   souhaitent nous communiquer, nous donnerons de nouveau aux parties la

 10   parole, pour qu'elles puissent prononcer leurs derniers arguments

 11   réquisitoires à la plaidoirie. Et si les Juges ont des questions à vous

 12   poser, ils pourront le faire immédiatement ou bien à la fin de l'audience.

 13   Mais je vais d'abord me tourner vers l'Accusation pour demander à son

 14   représentant de faire son allocution liminaire. Si -- et je vous en serais

 15   reconnaissant de bien vouloir en terminer en environ 15 [sic] minutes.

 16   M. RESCH : [interprétation] Dans le cadre de mes déclarations liminaires,

 17   je vais vous présenter un plan des éléments de preuve que nous souhaitons

 18   présenter cet après-midi, ainsi que les éléments qui nous paraissent

 19   essentiels, dans le cadre de cette audience consacrée à la détermination de

 20   la peine. Et puis ensuite, je vais parler de certains des facteurs à

 21   prendre en compte sur lesquels nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec

 22   la Défense.

 23   Cependant, auparavant, je souhaiterais revenir rapidement sur les incidents

 24   qui nous amènent à l'audience de ce jour, à la détermination de la peine

 25   pour l'accusé ici présent.


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  1   Le 21 août 1992, Darko Mrdja, ainsi que d'autres membres d'unité spéciale

  2   de la police de Prijedor, le "Peloton d'intervention," c'est ainsi qu'on

  3   l'appelait, ont participé au meurtre d'environ 200 civils non-serbes, sur

  4   le site de Koricanske Stijene ou les falaises de Koricani sur le Mont

  5   Vlasic.

  6   Il s'agissait, en grande majorité, d'hommes musulmans et de quelques jeunes

  7   garçons qui se trouvaient à bord d'un convoi de non-Serbes, partant de

  8   Prijedor et se dirigeant vers la ville de Travnik. Comme vous le diront nos

  9   témoins aujourd'hui, douze hommes ont, par miracle, survécu à ce massacre.

 10   Darko Mrdja a été mis en accusation par ce Tribunal, le 16 avril 2002. Il a

 11   été arrêté à Prijedor le 13 juin 2002, transféré à La Haye le lendemain.

 12   Lors de sa comparution initiale devant le Tribunal, le 17 juin 2002, il a

 13   plaidé non coupable au titre des charges lors de l'audience. L'Accusation a

 14   demandé le retrait du chef 1 et a demandé une modification de l'acte

 15   d'accusation modifié pour ensuite le déposer. Le plaidoyer de culpabilité

 16   de Darko Mrdja a été accepté et la Chambre l'a déclaré coupable aux titres

 17   des chefs 2 et 3 de l'acte d'accusation.

 18   Dans notre mémoire et dans notre intervention aujourd'hui, par le

 19   truchement de nos témoins, nous allons nous efforcer -- nous nous sommes

 20   également forcés de déterminer les éléments qui sont critiques pour vous

 21   permettre de déterminer une juste peine pour Darko Mrdja. Nous nous sommes

 22   appuyés sur le statut du Tribunal au règlement de procédure de preuve,

 23   ainsi que la jurisprudence du Tribunal. Nous avons indiqué quels sont les

 24   facteurs à prendre en compte :

 25   D'abord, la gravité de l'infraction;


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  1   Deuxièmement, la situation personnelle de l'accusé;

  2   Troisièmement, les circonstances atténuantes ou aggravantes; et

  3   Quatrièmement, la grille générale des peines appliquées par les Tribunaux

  4   en ex-Yougoslavie.

  5   Dans nos arguments ce jour, nous allons identifier certains de ces facteurs

  6   pour lesquels nous ne sommes pas d'accord avec les arguments de la Défense.

  7   Nous allons également essayer de faire la lumière sur la position de

  8   l'Accusation s'agissant de la gravité du crime dont nous avons à statuer

  9   ici et pour lequel l'accusé a été reconnu coupable de violations des lois

 10   et coutumes de la guerre, ainsi que de crimes contre l'humanité.

 11   Aujourd'hui, l'Accusation va faire venir dans ce prétoire deux témoins. En

 12   présentant ces témoins, nous n'avons nullement l'intention de verser dans

 13   le sensationnel, ni dans le pathos, s'agissant des événements qui ont eu

 14   lieu à Koricanske Stijene. La gravité de ces crimes ne nécessite aucune

 15   emphase. Ces témoins que vous entendrez -- l'un d'eux à survécu au massacre

 16   et l'autre représente une organisation d'aide aux victimes en Bosnie --

 17   vont essayé de vous présenter les conséquences à long terme de ce crime sur

 18   les victimes et leurs familles.

 19   Le premier témoin sera M. Midhet Mujkanovic, survivant du massacre de

 20   Koricanske Stijene. Il va vous parler des événements du 21 août 1992, il va

 21   parler de la condition de l'état physique des victimes, il va vous dire que

 22   beaucoup de ces victimes avaient précédemment été détenues dans les camps

 23   tristement célèbres d'Omarska, de Keraterm et de Prijedor. Il va raconter

 24   l'histoire extraordinaire de sa survie et les conséquences du massacre. Il

 25   va nous expliquer que cet incident a encore des conséquences pour lui à ce


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  1   jour. Dans sa déposition, M. Mujkanovic va insister sur la gravité du crime

  2   et de la vulnérabilité des crimes.

  3   Etant donné la portée, l'étendue du massacre de Koricanske Stijene, il

  4   n'est pas possible de faire venir toutes les familles des victimes. Nous

  5   vous proposons de résumer cela en citant à la barre Mme Seida Karabasic,

  6   qui est la présidente de l'association Izvor, une organisation dont le

  7   siège est à Sanski Most et qui se consacre à la recherche des personnes

  8   disparues et qui travaille également avec les membres des familles, des

  9   victimes et les victimes du conflit en Bosnie. Mme Karabasic va déposer aux

 10   noms des victimes et des familles des survivants dont elle a rencontré un

 11   grand nombre. Elle va nous expliquer le souhait des familles de voir les

 12   auteurs de ces crimes être traduits en justice et de retrouver les corps

 13   des victimes. Nous allons présenter des extraits d'une vidéo réalisée lors

 14   d'une cérémonie de commémoration à Koricanske Stijene, le 21 août 2002,

 15   lors du dixième anniversaire du massacre. Mme Karabasic va nous parler de

 16   certains membres des familles que l'on peut voir sur cette vidéo. Elle va

 17   nous raconter leurs histoires. Nous estimons que l'histoire des familles de

 18   ces victimes va vous aider à déterminer la gravité du crime.

 19   En fin de compte, M. Tieger va intervenir au sujet des facteurs que j'ai

 20   déjà mentionnés. Plutôt que de répondre par écrit à leur mémoire

 21   respective, les parties ont décidé de débattre oralement de leur divergence

 22   de points de vue. L'Accusation n'est pas d'accord avec la Défense au sujet

 23   d'un certain nombre de circonstances atténuantes, notamment, la position de

 24   la Défense au sujet du remords, de la vulnérabilité des victimes, de

 25   l'impact du rapport psychologique et de la relation entre la contrainte et


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  1   les ordres données par un supérieur hiérarchique. Nous allons également

  2   profiter de l'opportunité qui nous sera donnée pour faire mieux comprendre

  3   à la Chambre la position de l'Accusation au sujet de la gravité des crimes

  4   et du poids à leur accorder.

  5   Nous allons également demander le versement au dossier d'un acte

  6   d'accusation modifié, déposé le 4 août 2003. Nous avons continué à réaliser

  7   des enquêtes pendant toutes ces procédures et nous sommes maintenant en

  8   mesure de fournir à l'appui de cet acte d'accusation, une annexe où se

  9   trouve la liste des victimes du massacre de Koricanske.

 10   Nous souhaiterions qu'une partie de notre intervention soit faite à huis

 11   clos partiel. M. Tieger interviendra au sujet de la Chambre pour traiter

 12   des facteurs que j'ai déjà mentionnés et il va placer ces facteurs dans

 13   leur contexte en plus des éléments de preuve qui seront présentés

 14   aujourd'hui et des déclarations qui sont soumises avec notre mémoire. Ceci

 15   afin de permettre à la Chambre de trouver la peine appropriée pour M. Darko

 16   Mrdja.

 17   Merci.

 18   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent] 

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous acceptez de partager le

 20   pupitre mobil avec la Défense ? Ça c'est la première chose.

 21   Deuxièmement, vous souhaitez que de nouvelles annexes soient versées au

 22   dossier. C'est un petit tard peut-être à ce stade de la procédure;

 23   cependant, nous souhaiterions savoir si vous voulez expurger un certain

 24   nombre de noms figurant sur cette liste. Je pense que c'est important à ce

 25   stade. Donc, normalement, c'est un petit peu tard pour procéder à ce genre


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  1   de choses, mais, si vous avez des arguments à nous présenter, nous serons

  2   prêts à les entendre.

  3   Maintenant, je donne la parole à Maître Wachenheim.

  4   M. WACHENHEIM : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  5   les Juges, éminents confrères de l'Accusation. Dans le cadre de mon

  6   intervention liminaire, je souhaiterais faire deux choses. Tout d'abord, je

  7   voudrais vous présenter une vue synthétique des arguments que nous avons

  8   présentés dans notre mémoire consacrée à la détermination de la peine à

  9   l'intention des Juges de la Chambre pour les aider, et là je reprends les

 10   termes utilisés par la Chambre Todorovic pour les aider à trouver la peine

 11   ou la sanction à la mesure du crime. Deuxième chose, la Défense ne va pas

 12   citer à la barre de témoins aujourd'hui, mais la Chambre a demandé le

 13   versement au dossier d'un certain nombre de documents et de neuf

 14   déclarations de témoins écrites. Je vais vous indiquer de quoi il s'agit.

 15   Dans son mémoire, la Défense vous a indiqué quels sont les facteurs à

 16   prendre en considération dans le cas de la détermination d'une peine, le

 17   châtiment, la dissuasion, mais, également, nous avons insisté sur

 18   l'importance de la réinsertion de notre plaidoirie finale.

 19   Nous reviendrons en détail sur la gravité du crime sur notre analyse selon

 20   laquelle les éléments du crime sont déjà englobés dans la gravité même du

 21   crime commis et donc il ne conviendrait pas de les prendre en compte à deux

 22   fois. C'est pourquoi nous vous présenterons également nos arguments

 23   s'agissant de l'existence ou non de facteurs aggravant que vous devriez

 24   tenir en compte.

 25   Au centre de nos arguments, dans notre mémoire, nous avons traité


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  1   longuement des facteurs atténuants appliqués en l'espèce : la coopération

  2   de M. Mrdja avec le bureau du Procureur, son plaidoyer de culpabilité,

  3   ainsi que l'expression de son remords.

  4   Le Conseil principal reviendra sur la notion de contrainte en tant que

  5   circonstances atténuantes et sur les conclusions du témoin expert, le

  6   professeur Gallwitz, à ce sujet, ainsi que sur la personnalité de M. Mrdja.

  7   Tout ceci figure dans le rapport du professeur Gallwitz, du 13 octobre

  8   2003. Sur la base de la jurisprudence nationale, la Défense a présenté deux

  9   nouveaux -- de nouvelles circonstances atténuantes dont nous estimons que

 10   la Chambre devrait tenir compte.

 11   Premièrement, la très longue période qui s'est écoulée entre la commission

 12   de l'acte criminel et le début du procès;

 13   Deuxièmement, le fait que pour le condamner, le fait de purger sa peine

 14   dans un pays, qui n'est pas le sien, constitue un une épreuve

 15   particulièrement difficile.

 16   La Défense dans son mémoire a détaillé la situation personnelle de M.

 17   Mrdja, avant et après la guerre, et a présenté des éléments de preuve

 18   émanant du directeur du quartier pénitentiaire des Nations Unies au sujet

 19   du comportement de M. Mrdja pendant sa détention, et qui montre qu'il a

 20   fait preuve d'un esprit de coopération et de beaucoup de respect pour ses

 21   co-détenus et tous les représentants du personnel.

 22   Nous avons également présenté des déclarations de témoin en vertu de

 23   l'Article 92 bis. Je vous expliquerais rapidement de quoi il s'agit et

 24   ensuite je ferai une déclaration en clôture.

 25   Je vais suivre l'ordre de l'annexe B qui se trouve dans notre mémoire


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  1   consacré à la détermination de la peine.

  2   Premièrement, dans la déclaration de Dragana Mrdja, la femme de Darko Mrdja

  3   on nous présente la situation économique très difficile du couple depuis

  4   qu'ils vivent ensemble en 1997; la maladie de leur fils, Nikola; ainsi que

  5   la situation financière désastreuse dans laquelle cette femme et ses deux

  6   enfants vivent depuis l'arrestation de Darko Mrdja.

  7   Deuxièmement, il y aura la déclaration de la jeune sœur de Darko Mrdja,

  8   Dragana Mrdja, qui parle de l'origine de cette famille, une famille

  9   ouvrière, du fait qu'avant la guerre, Darko Mrdja avait des contacts avec

 10   les représentants de -- ou des gens de tous les groupes ethniques en

 11   Bosnie. Elle parle également des changements qu'elle a remarqués chez son

 12   frère pendant la guerre, et après l'incident de Koricanske en particulier,

 13   enfin le fait qu'après cet événement, il a quitté la police et soit

 14   retourné dans une unité militaire -- dans son unité militaire.

 15   Troisièmement, il y a la déclaration d'un témoin protégé, WIS, un Bosnien

 16   de Tukovi, le village d'où est originaire Mrdja. Il connaît Mrdja et toute

 17   sa famille, il les connaît depuis une période précédent la guerre, il parle

 18   de ses relations avec cette famille, il dit que c'était une famille qui

 19   n'avait absolument aucune -- aucun préjugé envers les membres des autres

 20   communautés ethniques.

 21   Après la guerre, M. Mrdja et le témoin se sont souvent fréquentés et le

 22   témoin n'a jamais remarqué qu'il ait fait preuve d'un quelconque préjugé

 23   envers les Musulmans.

 24   Le quatrième témoin, c'est Roman Ostojic qui parle de Darko Mrdja, un

 25   sportif, un pécheur qui s'est toujours montré très correct envers tout le


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  1   monde, quelque soit l'appartenance ethnique des personnes concernées. Le

  2   témoin propriétaire d'un café que l'accusé fréquentait souvent, il a donc

  3   pu observer régulièrement M. Darko Mrdja.

  4   Le cinquième c'est Goran Zgonjanin, qui nous parle également de Mrdja comme

  5   sportif, homme qui fait également partie preuve d'un grand esprit sportif,

  6   quelqu'un d'agréable, d'amusant qui n'a jamais fait preuve d'un esprit de

  7   discrimination envers les membres des autres communautés ethniques.

  8   Dusko Bubalo, le sixième -- la sixième déclaration qui parle de la façon

  9   dont Darko Mrdja a été arrêté par la force. Il a été battu, passé à tabac.

 10   Il dit qu'il n'a pas résisté, mais qu'il n'a pas eu la possibilité même de

 11   résister à son arrestation.

 12   Septièmement, Damir Ceranic, qui était dans la voiture de Darko Mrdja

 13   lorsqu'ils ont été tous les deux arrêtés par la force. Il parle des

 14   circonstances de cette arrestation, confirme qu'il n'a pas eu de tentatives

 15   de résistance. De plus Ceranic confirme que, dans la vie de tous les jours,

 16   il n'a jamais remarqué de préjugé de la part de Darko Mrdja dans ses

 17   relations avec les autres membres des communautés ethniques.

 18   Huitièmement, dans sa déclaration de Damir Cankovic, qui connaît l'accusé

 19   depuis 16 ans, il confirme que M. Mrdja ne s'est nullement caché avant son

 20   arrestation. Il explique pourquoi Mrdja portait le pistolet du témoin au

 21   moment de son arrestation.

 22   Neuvièmement, dernière déclaration, la Défense souhaite faire référence à

 23   la déclaration d'Ostoja Barasin, ancien commandant et titulaire du grade de

 24   colonel dans la 5e Brigade de Kozarska, supérieur de M. Darko Mrdja dans la

 25   police militaire. Le colonel Barasin parle du travail de Mrdja au sein de


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  1   la police militaire. Il dit que c'est un homme qui était fiable, sous

  2   lequel on pouvait compter, qui n'a jamais fait preuve d'intolérance envers

  3   les autres communautés ethniques, et le témoin déclare que Mrdja est

  4   quelqu'un de courageux et que son comportement en tant que policier n'a

  5   jamais suscité aucun grief.

  6   Merci, Monsieur le Président, de m'avoir permis de faire cette déclaration

  7   préliminaire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Wachenheim.

  9   Avant de commencer -- ou avant de continuer plutôt et avant de donner la

 10   possibilité à l'Accusation de citer ces témoins, je souhaiterais aborder

 11   une question. Nous sommes réunis dans le cadre de cette audience consacrée

 12   à la détermination de la peine, suite au plaidoyer de culpabilité sur

 13   Mrdja. Nous avons été quelque peu troublés à la lecture du rapport du

 14   psychologue au sujet de l'exposé des faits, les faits incriminés.

 15   Je reviens ici à son rapport psychologique. Un exemple dans l'accord de

 16   plaidoyer, il est stipulé que "M. Mrdja choisit les hommes, mis à part les

 17   hommes en âge de porter les armes, et qu'il savait que ces hommes allaient

 18   être tués." Il est même stipulé dans l'accord de plaidoyer qu'il les a

 19   choisis lui-même, personnellement, mais, si je me penche sur le rapport du

 20   psychologue qui nous revient sur les faits incriminés, tels qu'ils ont été

 21   présentés par M. Mrdja au psychologue, on peut lire que : "Pendant qu'il

 22   faisait le choix à la demande de M. Mrdja, on lui a dit à ce moment-là

 23   qu'il y aurait un échange de prisonniers." Or ceci est très différent de ce

 24   qui figure dans l'accord de plaidoyer où on dit qu'il a choisi des hommes,

 25   et il savait pertinemment qu'ils allaient être tués. Alors que dans le


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  1   rapport du psychologue, il dit : "Je choisis ces hommes, j'ai demandé ce

  2   qui allait leur arriver, et on m'a dit qu'ils allaient être échangés contre

  3   d'autres prisonniers."

  4   Or ce n'est pas la seule différence que l'on peut constater. Ainsi, par

  5   exemple, dans le plaidoyer de culpabilité, il est dit que M. Mrdja, lui-

  6   même, choisit les personnes, alors que, dans le rapport du psychologue, on

  7   peut lire que : "Certaines personnes ont été choisies -- sélectionnées et

  8   on ne sait pas par qui -- sur quel critère non plus." Ceci est très vague.

  9   De plus, si on se penche sur le plaidoyer de culpabilité, on voit que M.

 10   Mrdja a participé à la fusillade, et quand on regarde ce qu'il a dit au

 11   psychologue, on a l'impression qu'il a tiré sur quelqu'un ou sur des

 12   personnes qui essayaient de s'échapper, sans même savoir si elles avaient

 13   été touchées. Et ensuite il dit, je

 14   cite : "Je tirais, mais je ne visais personne." Et ensuite on peut lire

 15   que, pendant qu'il tenait son arme à la main, environ dix personnes ont été

 16   touchées par des balles. Comment la Chambre est-elle censée comprendre les

 17   événements, ce qui se passe ? Il semble donc, à la lecture de ce document,

 18   que M. Mrdja se tenait là avec une arme et que, pendant ce temps là, dix

 19   personnes ont été tuées. Par qui ? Pas par M. Mrdja qui apparemment ne

 20   visait personne. On ne comprend pas bien si, dans l'exposé qu'il a fait,

 21   des faits au psychologue, M. Mrdja a dit ou non s'il avait plaidé coupable

 22   de meurtre. Or s'il y meurtre, il y a intention de tuer quelqu'un. Est-ce

 23   que vous pourriez répondre avant de continuer ?

 24   M. WACHENHEIM : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais le

 25   conseil principal m'a laissé entendre qu'il souhaitait répondre à votre


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  1   question, si vous m'y autorisez.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  3   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  4   Juges, nous aussi nous avons remarqué ces ambiguïtés, mais,

  5   malheureusement, nous n'avons pas de transcription de l'entretien qui a

  6   lieu entre le professeur Gallwitz et notre client. Il a passé pour autant

  7   que nous le sachions une matinée avec lui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans le rapport, il est dit sept heures.

  9   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Donc cela ferait plus d'une matinée,

 10   mais M. Mrdja a fait une déclaration au sujet de ces événements et il l'a

 11   fait à plusieurs reprises, au moins à deux reprises aux représentants du

 12   bureau du Procureur et une fois à huis clos -- donc d'une manière que je

 13   qualifierais de huis clos. Donc M. Mrdja maintient ses déclarations et ce

 14   de manière ferme. Je ne sais pas comment le professeur Gallwitz est arrivé

 15   à ces conclusions et je ne sais pas ce que Mrdja a dit -- ou plutôt ce que

 16   le professeur dit dans son rapport, mais ceci, avec tous mes respects ou

 17   nous respectant pleinement la décision prise par la Chambre de première

 18   instance, ne s'impliquait pas dans le travail avec le témoin. Nous n'avons

 19   pas eu de contacts avec lui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, je vais vous interrompre.

 21   Est-ce que cela veut dire que la Défense prend ses distances par rapport à

 22   ce qui est dit dans le rapport psychologique au sujet des événements

 23   attribués par le psychologue, à M. Mrdja -- ou, du moins, vous avez une

 24   interprétation différente des événements. Donc vous prenez vos distances,

 25   n'est-ce pas, par rapport à ce qu'il y a de différent dans l'exposé des


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  1   faits et le rapport ?

  2   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] En fait, nous devons dire que nous ne

  3   pouvons pas nous distancer complètement de ce rapport.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je dis simplement que vous prenez

  5   vos distances par rapport au fait que les faits exposés ou décrits par le

  6   psychologue ne correspondent pas à la teneur de l'accord de plaidoyer.

  7   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] C'est exactement ça.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. A présent c'est clair. Vous

  9   comprendrez quand même que ceci pourrait avoir quelques conséquences sur

 10   l'appréciation du rapport psychologique aussi puisque le psychologue a

 11   fondé son opinion sur les faits tels qu'il est décrit, comme lui ayant été

 12   présentés. Nous y reviendrons.

 13   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président,

 14   mais telle est la situation.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie de

 16   vos remarques préliminaires, Monsieur Dimitrijevic, Monsieur Wachenheim. Je

 17   vous remercie donc de vos propos d'introduction.

 18   Peut-on à présent citer le premier témoin. Si j'ai bien compris, ce sera

 19   Midhet Mujkanovic.  L'Accusation peut-elle le présenter ?

 20   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande que l'on fasse entrer le

 22   témoin.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mujkanovic, je suppose que vous

 25   m'entendez dans une langue que vous comprenez ?


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  1   L'INTERPRÈTE : Le témoin acquiesce.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre vous invite à prononcer la

  3   déclaration solennelle consistant à dire que vous direz la vérité, toute la

  4   vérité, rien que la vérité pendant votre déposition. L'huissière vous

  5   tendra le texte. Je vous prie d'en donner lecture.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

  7   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

  9   place, Monsieur Mujkanovic.

 10   LE TÉMOIN: MIDHET MUJKANOVIC [Assermenté]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, les parties sont-elles

 13   d'accord sur le fait qu'il n'y aura pas de contre-interrogatoire ou bien y

 14   en aura-t-il un, ou est-ce seulement l'interrogatoire principal ?

 15   M. TIEGER : [interprétation] L'on ne s'attend pas à ce qu'il y en ait un.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'excluez pas la possibilité qu'il

 17   y ait des questions de l'autre partie ? Donc il n'y a pas eu d'accord là-

 18   dessus ? Je vous prie de poursuivre, Monsieur Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Interrogatoire principal par M. Tieger : 

 21   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour Monsieur, je vous remercie d'être venu

 22   ici. Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous présenter -- donner votre nom et

 23   votre prénom.

 24   R.  Je suis Midhet Mujkanovic.

 25   Q.  Où étiez-vous né et où avez-vous grandi ?


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  1   R.  Je suis né à Jakupovici, le 2 septembre 1964, municipalité de Prijedor.

  2   Q.  Viviez-vous dans la municipalité de Prijedor en 1992 ?

  3   R.  Oui, je vivais à l'époque dans la municipalité de Prijedor.

  4   Q.  Et que faisiez-vous, Monsieur Mujkanovic ?

  5   R.  A l'époque je dois dire que je n'avais pas vraiment de travail, mais et

  6   bien, on avait un petit bien, la terre qu'on labourait. En Slovénie

  7   seulement, j'ai travaillé comme plombier, mais j'ai été licencié comme

  8   excédentaire. Il y a eu des licenciements économiques.

  9   Q.  Très bien, Monsieur Mujkanovic, je vous poserai des questions au sujet

 10   des événements qui se sont produits en août 1992. Mais, avant cela, avant

 11   d'aborder les événements qui se sont produits ce jour-là, pourriez-vous,

 12   s'il vous plaît, nous décrire un petit peu ce qui s'est passé auparavant

 13   dans votre village. Vous étiez dans votre village chez-vous lorsque la

 14   guerre a éclaté ?

 15   R.  Oui, oui. J'étais dans mon village chez-moi lorsque le conflit a

 16   commencé.

 17   Q.  Votre village a-t-il été pilonné, bombardé ?

 18   R.  Oui, il y a eu un pilonnage très fort, très intense de toute part.

 19   Q.  Vous et vos voisins, avez-vous quitté vos maisons ? Vous êtes-vous

 20   rendu en force serbe de Bosnie ?

 21   R.  Et bien, moi, je me suis rendu deux jours plus tard. Je suis à

 22   Kamicani. On se cachait dans les bois, près de Kozarac entre Kozarac et

 23   Kamicani, tandis que les autres, et bien, il y en a eu qui étaient dans le

 24   village et qui se sont rendus directement aux Serbes. Moi, je me suis rendu

 25   deux jours plus tard, donc on est allé dans divers endroits dans la zone de


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  1   Kozarac. D'autres sont allés ailleurs, et ainsi de suite.

  2   Q.  Où vous a-t-on emmené après que vous soyez rendu ?

  3   R.  De la gare de Kozarac, on nous a emmené à Keraterm de Prijedor. Moi, je

  4   me suis rendu à Kozarac.

  5   Q.  Vous êtes resté combien de temps à Keraterm ?

  6   R.  Une ou deux nuits. C'est le temps que j'ai passé là-bas.

  7   Q.  Où vous a-t-on emmené par la suite ?

  8   R.  Omarska.

  9   Q.  Monsieur Mujkanovic, à peu près combien de temps avez-vous passé en

 10   détention à Omarska ?

 11   R.  Environ, un peu plus de deux mois. Deux mois et dix jours. Puis, ils

 12   m'ont déclaré civil et ils m'ont emmené à Trnopolje, moi et d'autres

 13   personnes. Ils ont constaté que je n'étais pas soldats, donc, moi et 600 ou

 14   700 autres personnes.

 15   Q.  Pouvez-vous décrire, brièvement, dans quel état vous étiez au moment où

 16   on vous a relâché d'Omarska pour vous envoyer à Trnopolje ?

 17   R.  Et bien, j'étais très mal. J'avais beaucoup maigri. Je n'avais pas plus

 18   de 53 kilos. Et psychologiquement, physiquement, j'étais totalement brisé.

 19   Q.  Le 21 août 1992, vous-même et d'autres personnes, êtes-vous montés à

 20   bord d'un convoi de camions et de bus qui ont quitté Trnopolje ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et dans ce convoi, il y avait des hommes, des femmes, des enfants ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   Q.  De quelle appartenance ethnique étaient les passagers de ce convoi ?

 25   R.  Et bien, nous qui étions dans ce camp, nous étions pour la plupart des


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  1   Musulmans. Il y avait quelques Croates aussi. Ce sont les Serbes qui ont

  2   organisé ce camp, les Serbes et leurs autorités, leurs pouvoirs. Pour la

  3   plupart des gens, c'étaient des civils dans le secteur de Kozarac.

  4   C'étaient des Musulmans qui sont venus pour monter à bord de ce convoi

  5   parce qu'ils voulaient sortir de là. Ils voulaient sortir de cette

  6   situation.

  7   Q.  Est-ce qu'il y a eu d'autres hommes qui ont été libérés, soit

  8   d'Omarska, soit de Keraterm et qui étaient dans un état comparable au

  9   vôtre, physiquement ?

 10   R.  Ça, je ne m'en souviens plus comment ça a été, dans quel état étaient

 11   les uns et les autres au moment où on est monté à bord de ce convoi.

 12   C'était une situation difficile. C'était dur à voir. Mais il est possible

 13   qu'il y ait eu aussi des gens d'Omarska dans ce convoi, c'est possible.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite présenter au témoin, Monsieur le

 15   Président, une pièce. Je sais qu'on lui a attribué une cote, une cote de

 16   l'Accusation.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, la Chambre propose que

 19   vous attribuiez des lettres S à des pièces à conviction, donc, cette pièce

 20   porterait la cote S1. S1 c'est la carte qui porte la route Trnopolje-Vlasic

 21   qui présente cette route-là. Et c'est le document qui porte le numéro

 22   0166228 [sic].

 23   M. TIEGER : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Mujkanovic, vous voyez à présent la pièce S1, pour autant que

 25   vous vous en souveniez, est-ce que l'on voit là l'itinéraire qui a été


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  1   celui du convoi, le 21 août 1992 ?

  2   R.  Oui. C'est le chemin, en effet, qui a été parcouru.

  3   Q.  Monsieur Mujkanovic, pendant que ce convoi a avancé de Trnopolje vers

  4   Travnik, pouvez-vous nous dire de quelle manière ont été traités les

  5   passagers ? Comment se sont comportés à leur égard, les gardes ?

  6   R.  Et bien, à ce moment-là, en partant de Kozarac, je n'ai pas perçu de

  7   menaces directes. Je ne l'ai pas vraiment ressenti. Mais il y a eu une

  8   situation qui m'a paru étrange quand on s'est arrêté de Banja Luka, peut-

  9   être à une 50 de kilomètres. Et bien, ils nous ont autorisé à nous reposer

 10   un petit peu. Il y avait un ruisseau. On nous a autorisé à boire. Donc, on

 11   a eu un peu d'eau. Et puis tous les gardes ont constitué un cercle et à ce

 12   moment-là, je me suis dis que cette situation ne semblait pas offrir de

 13   permettre l'espoir. C'étaient les gardes-là qui ont escorté le bus. Donc,

 14   ils se sont tous mis en cercle et ils se sont mis à se parler. Mais je n'ai

 15   rien pu entendre de leurs paroles, de leurs conversations. Mais quand on

 16   passait devant des installations militaires, et bien, ils ne nous ont pas

 17   autorisé à regarder par la fenêtre. Ils se sont mis à nous crier dessus.

 18   Q.  Les passagers à bord de ce convoi, ils ont essayé de prendre sur eux

 19   leurs effets personnels, les objets de valeur, des bijoux lorsqu'ils sont

 20   partis de Prijedor ?

 21   R.  Oui. Il est possible que parmi ces gens-là, il y en ait eu qui ont eu

 22   des objets de valeurs même s'il n'y avait pas beaucoup de valeur. En fait,

 23   parfois, à chaque fois qu'on était arrêté, on nous prenait automatiquement

 24   des objets de valeur. Donc, qu'est-ce qu'on pouvait avoir sur soi puisqu'on

 25   avait été volé à plusieurs étapes, précédemment.


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  1   Q.  Et à bord de ce convoi, est-ce qu'il y a eu également des tentatives

  2   semblables de prendre aux passagers leurs objets personnels de valeur ?

  3   R.  Oui. Lorsqu'ils nous ont rassemblé et regroupé, lorsqu'ils nous ont dit

  4   de descendre, de descendre d'un bus pour monter d'un autre, et bien, ils

  5   nous ont dit qu'il fallait qu'on leur donne tous les objets de valeur que

  6   nous avions sur nous.

  7   Q.  Monsieur Mujkanovic, à un moment donné, pendant le déplacement de ce

  8   convoi, avez-vous été descendu du bus dans lequel vous aviez

  9   été initialement ?

 10   R.  Nous avancions et là c'est difficile quant à savoir combien de temps ça

 11   prit de Banja Luka jusqu'à ce moment précis où ils sont arrêtés. Et bien,

 12   peut-être deux heures, à peu près deux heures pour autant que je m'en

 13   souvienne. Oui. Ils ont arrêté à un moment ce bus à un endroit que je ne

 14   connaissais pas. Je n'avais pas encore eu l'occasion de prendre cette

 15   route. En fait, je ne connaissais pas, je ne connaissais pas ce tronçon de

 16   la route. Et ils nous ont arrêtés, ils nous ont menacés en nous disant

 17   qu'il fallait descendre du bus. Et là, j'ai vu que les hommes ont commencé

 18   à résister, à dire non. Ils ne voulaient pas. Et le garde s'est mis très en

 19   colère, était très sec avec eux. Et moi, j'ai essayé de me pencher pour

 20   éviter -- et puis un autre qui était à côté de moi, et bien, il a été

 21   descendu du car. Et donc, un garde est venu par derrière, et il a ouvert la

 22   portière.

 23   Q.  Où avez-vous été mis, vous et l'autre personne qui a été enlevée de ce

 24   bus ?

 25   Q.  Nous avons été mis dans un autre bus. Et là, on était très entassés.


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  1   Les gens avaient très peur. Et ils se sont mis à nous hurler dessus, à nous

  2   demander de leur donner des objets de valeur, l'argent. Ils ont dit qu'il

  3   ne fallait pas s'inquiéter, qu'ils allaient faire un échange, qu'ils

  4   allaient nous échanger contre leurs combattants. Et c'est comme ça que ça

  5   s'est passé. Mais moi, je ressentais la tension. Je me disais que ça

  6   n'allait pas tourner bien. Et il allait nous arriver quelque chose.

  7   Q.  Une fois qu'on vous a entassés à bord de ce bus, où est-ce qu'on vous a

  8   amenés ?

  9   R.  Eux, ils ont attendu le temps que ces civils partent, les femmes, les

 10   enfants, qu'ils partent pour Travnik, et aussi les personnes âgées. Puis,

 11   on est parti. On a repris la route. Et quant à savoir vers où ça, cette

 12   partie de cette histoire est tellement difficile pour moi, que je ne sais

 13   pas. Je ne sais pas si on s'est arrêtés pendant une vingtaine de minutes,

 14   ou si on a avancé. Ça, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est qu'à un

 15   moment, ils ont arrêté ce bus. Je crois qu'ils nous ont conduits pendant

 16   une vingtaine de minutes. Ils l'ont arrêté. Ils ne nous autorisaient pas à

 17   regarder autour de nous. Il fallait qu'on regarde par terre. Donc, moi,

 18   j'ai été placé devant le bus. Pour autant que je m'en souvienne, ils nous a

 19   mis devant le bus, puis ils nous ont ramenés derrière, derrière le bus. Ils

 20   nous ont alignés le long d'un bord d'un précipice. Et c'est là que les

 21   choses se sont produites.

 22   Q.  Monsieur Mujkanovic, je vais vous demander de regarder une

 23   photographie.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Je demande qu'on lui attribue la cote S2.

 25   Q.  Monsieur Mujkanovic, je vais vous demander tout d'abord de nous dire si


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  1   vous reconnaissez cette photo ou l'endroit que l'on y voit. Est-ce

  2   l'endroit où les bus sont arrivés ?

  3   R.  Je crois que c'est bien cet endroit. Je suis à 100 % sûr que c'est bien

  4   l'endroit.

  5   Q.  Monsieur Mujkanovic, cette photo peut, peut-être, vous aider à nous

  6   décrire les événements. Pouvez-vous dire à la Chambre, aux Juges, ce qui

  7   s'est produit lorsque vous y avez été amenés, vous et d'autres personnes ?

  8   R.  Et bien, quand on nous a amenés à cet endroit, je venais juste à vous

  9   raconter ça, ils nous ont alignés là. Ils nous ont mis devant le bus, puis

 10   derrière le bus. Et à un moment, ils nous ont ordonnés de nous tourner. Et

 11   quand nous nous sommes tournés, ils nous ont placés précisément au bord, là

 12   exactement. Vous voyez sur cette carte, là, le bord. Donc, après il y a le

 13   précipice de ce côté-là. De quel côté ont commencé des cris, et j'ai tout

 14   de suite su que ça allait mal tourner. Je ne me rappelle plus si j'ai été

 15   poussé de côté, ou si je me suis précipité, si j'ai sauté tout seul. En

 16   tout cas, j'ai plongé dans ce précipice. J'ai entendu des personnes qui se

 17   sont mises à pleurer. Eux, ils tiraient. Ils ont même lancé des grenades à

 18   main.

 19   Quand j'ai repris connaissance, j'ai vu que j'ai eu une chance folle, et

 20   que je n'étais pas blessé. Et je n'étais pas encore tout à fait conscient

 21   de la situation dans laquelle je m'étais retrouvé. Ensuite devant moi, j'ai

 22   vu un rocher. Logiquement, je me suis dit que je pouvais me cacher derrière

 23   ce rocher. Mais j'étais un peu loin. Et en bas, j'ai vu des cadavres.

 24   C'était mon seul espoir. Il a fallu que je le fasse. Je me suis caché au-

 25   dessous d'un corps humain pour me cacher. C'est ainsi que j'essayais de


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  1   ramper jusqu'au rocher. Et ensuite, j'ai entendu quelqu'un crier en

  2   haut,"Regardes, il y a quelqu'un qui bouge en bas." Et puis, ils ont tiré.

  3   Et cet homme mort qui m'a sauvé, encore aujourd'hui, j'ignore son nom.

  4   Des gens criaient et disaient, "Au secours." Mais ils n'arrêtaient pas de

  5   tirer. Rien ne pouvait les aider. Moi, j'y suis resté pendant environ une

  6   heure, et je pouvais voir autour de moi. J'essayais de voir dans cette

  7   situation où j'étais, ce qui se passait. Et j'ai vu des gens qui gisaient

  8   par terre, des morts, des blessés. Et j'ai entendu, à un moment, j'ai

  9   entendu, il y avait un garde qui avait tout aux plus 20 ans, qui était

 10   parmi les principaux dans tous ceux-là. Et il n'arrêtait pas de rire devant

 11   nos pertes. Et il disait : "Vous, les Turcs, vous avez eu ce que vous

 12   méritez." Il n'avait aucune compassion pour nous. Et ensuite, j'ai entendu

 13   au bout de deux heures, j'ai entendu que les bus, les cars sont revenus

 14   depuis la direction de Travnik, ou je ne sais pas très exactement où. Et

 15   ensuite, j'ai entendu quelqu'un dire : "Tout est terminé. Tout est fini. Il

 16   n'y a plus de personnes vivantes." Et à ce moment-là, ils ont repris leurs

 17   cars. Et ils sont partis en direction de Prijedor. Et la nuit tombait déjà.

 18   C'était peut-être vers sept heures et demie du soir. Je me suis levé. J'ai

 19   commencé à courir, et j'ai même cru que c'était fini pour moi. J'étais pris

 20   d'une peur énorme. J'ai même essayé de me tuer. Je suis fait un saut depuis

 21   le rocher. J'étais complètement désespéré. Et puis, j'ai réussi à me

 22   ressaisir, et puis je suis allé vers la forêt. Et j'ai passé la première

 23   nuit dans la forêt, pas loin du site, peut-être à 600 mètres, il y avait

 24   une grande forêt et en fait la première nuit je l'ai passée dans un arbre.

 25   Et en ce qui concerne le lendemain au soir, je me suis promené un peu. J'ai


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  1   eu beaucoup d'hallucinations et en fait c'est tout ce que je peux dire au

  2   sujet de cet événement.

  3   Q.  J'ai encore quelques questions au sujet de cela, Monsieur Mujkanovic.

  4   Est-ce que vous avez rencontré d'autres survivants pendant que vous étiez

  5   dans cette zone avant d'être capturé ?

  6   R.  Le deuxième jour, pendant mes déplacements, (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé) Mais je ne me souviens pas de son nom.

 11   Q.  Je comprends que vous avez été capturé au bout de la deuxième soirée

 12   que vous avez passé dans cette région. Où est-ce qu'on vous a emmené après

 13   que l'on vous a capturé ?

 14   R.  D'abord ils m'ont transféré à Skender Vakuf et un commandant, je pense,

 15   m'a interrogé. Il était âgé d'environ 55, 60 ans. Il avait les cheveux

 16   plutôt blancs. Et il me tapait sur la tête et il me disait : "Tu as de la

 17   chance. Tu as survécu." Et j'y ai vu Suljo Kahrimanovic. Il était la

 18   première personne qui avait été arrêtée et détenue là-bas. On partageait la

 19   même cellule. Ensuite, Sivac Medo, un autre survivant, est arrivé. Il était

 20   placé à un endroit -- il était à un endroit pas loin de chez-moi, de là où

 21   j'étais pendant les événements. Ils sont tous de la région de Kozarac.

 22   Ensuite Bahrija Jakupovic est venu. C'était un de mes voisins. Ensuite une

 23   personne de Sivac, j'ai oublié son nom, il est arrivé lui aussi. Ensuite

 24   nous avons été transférés de Skender Vakuf à l'hôpital de Banja Luka.

 25   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire brièvement la manière dont vous


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  1   avez été traité à l'hôpital de Banja Luka ?

  2   R.  Dans l'hôpital, en ce qui nous concerne, on nous traitait pire que du

  3   bétail. Tout le monde, à toutes heures de la journée ou de la nuit, pouvait

  4   venir nous battre, nous provoquer, faire tout ce qu'ils voulaient, tout.

  5   Pendant une nuit on m'a battu, on m'a passé à tabac. Ils utilisaient des

  6   câbles et on nous donnait l'ordre d'enlever nos T-shirts, et ensuite, ils

  7   nous battaient avec des câbles. C'est vraiment ironique, vous savez,

  8   j'aurais préféré être battu par un policier avec son bâton pendant trois

  9   jours plutôt que d'être frappé deux fois avec un câble.

 10   M. TIEGER: [interprétation] Merci.

 11   Q.  Monsieur Mujkanovic, si j'ai bien compris, suite à votre décharge de

 12   l'hôpital, vous êtes retourné au camp de Trnopolje et puis vous avez quitté

 13   Prijedor dans un convoi qui a quitté la Bosnie. Je souhaite maintenant vous

 14   demandez d'expliquer aux juges si possible, si vous avez subi des

 15   conséquences, des séquelles physiques ou psychologiques que vous ressentez

 16   encore aujourd'hui, et que vous liez aux événements qui se sont produits le

 17   21 août 1992.

 18   R.  En ce qui concerne les séquelles physiques, non, je n'en ai pas.

 19   Psychologiquement, oui, bien sûr. J'ai du mal à dormir. J'ai un travail que

 20   j'aime beaucoup, mais je ne sais pas si je vais tenir dans ce travail. J'ai

 21   beaucoup de mal à me concentrer. Ça laisse des séquelles durables et

 22   malheureusement il est difficile de contrôler cela.

 23   Q.  Monsieur Mujkanovic, je vais vous poser une dernière question

 24   concernant quelque chose que vous m'avez mentionnée auparavant lors de

 25   notre discussion. En dépit de tout ce que vous avez vécu, je souhaite vous


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  1   demander si malgré tout vous avez des espoirs quant à l'avenir de la

  2   Bosnie-Herzégovine et quant aux rapports entre les groupes ethniques

  3   différents ?

  4   R.  Personnellement, je pense qu'après tous les conflits, il y aura l'amour

  5   humain qui réapparaîtra et j'espère que ce pays revivra. Mais il ne faut

  6   pas cacher les crimes. Chaque partie doit s'excuser de cela si elle a

  7   commis des atrocités parce que si on a encore des criminels de guerre qui

  8   sont encore libres, qui ont encore des partis politiques, on ne peut pas

  9   s'attendre à avoir une paix réelle. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on

 10   parle des Balkans. Mais moi, j'espère que l'homme de la rue va prévaloir et

 11   que c'est la raison qui va l'emporter. Je l'espère sincèrement.

 12   Q.  Merci beaucoup, Monsieur Mujkanovic.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus de questions à vous poser.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 15   Monsieur Mujkanovic, vous avez été cité à la barre en tant que témoin de

 16   l'Accusation. Je dois également donner l'occasion à la Défense de vous

 17   poser des questions et je sais que la Défense pourra comprendre tout à fait

 18   votre position au sujet des événements du mois d'août 1992.

 19   Est-ce que vous souhaitez poser des questions au témoin, je -- j'évite de

 20   parler du contre-interrogatoire, Monsieur Dimitrijevic ?

 21   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, la Défense

 22   n'aura pas de questions à poser à ce témoin.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le juge El Mahdi va poser une question.


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  1   Questions de la Cour : 

  2   M. LE JUGE EL MAHDI : [interprétation] C'est une petite clarification que

  3   j'aimerais poser à Monsieur le Témoin.

  4   Vous avez -- quand vous avez parlé de l'incident des bus, vous étiez en

  5   deux bus, vous avez été transférés dans un seul et vous avez dit à propos

  6   de cet incident, je vous cite en anglais : "Ils ont attendu jusqu'à ce que

  7   les civils partent, les femmes, les enfants et les personnes âgées, jusqu'à

  8   ce qu'ils partent pour Travnik.

  9   La question se rapporte, est-ce que vous vous considériez civils ou vous

 10   étiez des combattants ? Parce que quand même, vous avez, au départ, dit que

 11   vous étiez, vous exerciez un métier de plombier et que vous étiez un civil.

 12   Alors là, je me trouve un peu perplexe et je voudrais vos commentaires,

 13   s'il vous plaît. Merci.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Quoi dire ? Je ne peux pas dire que j'étais un

 15   soldat dans l'ex-Yougoslavie. J'avais été soldat, mais je n'avais pas

 16   d'armes. Comment aurais-je pu être soldat ? Comment aurais-je pu avoir un

 17   rôle militaire ? Moi, j'étais un civil et je me considérais comme un civil

 18   et c'est vraiment la vérité totale. Si jamais j'aurais eu les armes,

 19   j'aurais au moins pu me defender, mais je ne pouvais pas.

 20   M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur le Témoin.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. M. Mujkanovic, je n'ai pas de

 22   question à vous poser. Je souhaite vous remercier d'être venu à La Haye et

 23   d'avoir répondu à toutes les questions qui vous ont été posées. Cette

 24   Chambre de première instance comprend tout à fait qu'il n'était

 25   certainement pas facile pour vous de relater de nouveau les événements qui


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  1   ont eu un impact important sur votre vie. Et c'est pour cela que je

  2   souhaite vous remercier, tout particulièrement. Vous pourrez disposer

  3   maintenant.

  4   Madame l'Huissière, veuillez accompagner le témoin en dehors du prétoire,

  5   s'il vous plaît.

  6   [Le témoin se retire]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je pense que le moment

  8   est judicieux pour avoir une petite pause, brève pause. La Chambre croit

  9   que nous pourrons terminer aujourd'hui, c'est pour cela que nous devons

 10   éviter d'avoir des pauses trop longues. Donc, je souhaite proposer une

 11   pause de 20 minutes, jusqu'à 15 h 50.

 12   Et je suppose qu'après la pause, vous allez citer à la barre votre témoin

 13   suivant, et ensuite nous allons reprendre la déclaration de M. Mrdja et

 14   d'autres activités proposées par la Défense.

 15   Mais si j'ai bien compris, vous avez proposé d'avoir une petite pause, une

 16   brève pause, juste après la déclaration de M. Mrdja. Mais est-ce que vous

 17   pourriez laisser tomber cela, parce que ceci n'est pas vraiment conforme à

 18   notre programme. Si vous avez besoin d'une pause à tout moment, dites-le

 19   nous.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je pense que nous

 21   pouvons faire en sorte de ne pas proposer de pause.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, nous allons faire une pause

 23   jusqu'à 15 h 50.

 24   --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.   

 25   --- L'audience est reprise à 15 heures 55.


Page 122

  1   [Le témoin est introduit dans le prétoire]  

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Karabasic, je suppose.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après votre réaction, je conclus que

  5   vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Karabasic, avant de déposer dans

  8   ce prétoire, je vous invite à faire la déclaration solennelle, disons que

  9   vous allez dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Vous

 10   aurez le texte de la part de Mme l'Huissière. Veuillez le lire.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Karabasic. Veuillez vous

 14   asseoir.

 15   LE TÉMOIN: SEIDA KARABASIC [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et si vous avez du mal, veuillez

 18   demander à Mme l'Huissière de vous aider.

 19   Veuillez commencer, Monsieur le Procureur.

 20   M. RESCH : [interprétation] Merci.

 21   Interrogatoire principal par M. Resch : 

 22   Q.  Pour compte rendu d'audience, veuillez nous dire quel est votre nom et

 23   prénom.

 24   R.  Seida Karabasic.

 25   Q.  Madame Karabasic, est-ce que vous pourriez nous dire où vous êtes née


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  1   et quand ?

  2   R.  Le 14 juin 1965, à Kozarusa, la municipalité de Prijedor.

  3   Q.  Vous avez vécu à Prijedor, pendant combien de temps ?

  4   R.  Jusqu'en avril 1992.

  5   Q.  Que s'est-il passé en avril 1992 qui vous a poussé à quitter Prijedor ?

  6   R.  Et bien, la guerre avait déjà éclatée en Slovénie, en Croatie. Les

  7   préparatifs se faisaient déjà en ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine. Des

  8   soldats venaient chez nous et tiraient. Des soldats serbes allaient sur le

  9   front en Croatie et revenaient avec beaucoup d'armes et tiraient pendant la

 10   nuit et nous, qui vivions là-bas, nous avions peur. Moi, j'avais un enfant

 11   de cinq ans et, avant cela, j'avais déjà vécu une tragédie familiale, donc

 12   mes parents souhaitaient que je parte de la région pour éviter d'avoir à

 13   vivre l'expérience de la guerre aussi.

 14   Q.  La tragédie en question, c'était la mort accidentel de votre époux ?

 15   R.  Oui. Mon mari est mort lorsqu'il faisait son travail. C'était un

 16   accident. C'est l'électricité qui a provoqué cet accident.

 17   Q.  A ce moment-là, vous et votre jeune fille, vous êtes parties pour la

 18   Croatie et ensuite en Slovénie ?

 19   R.  Oui. Je suis partie en car avec un grand nombre de femmes et d'enfants.

 20   Nous avons pris une route qui n'était pas la route habituelle. C'était un

 21   macadam parce que la route habituelle pour la Croatie ne pouvait être

 22   pratiquée et nous avons vécu plusieurs expériences étranges. Nous avons été

 23   arrêté plusieurs fois par l'armée qui nous contrôlait.

 24   Q.  Et en janvier 1996, vous êtes retournée en Bosnie, est-ce exact ?

 25   R.  Oui. Après la fin de la guerre, je suis rentrée à Sanski Most et c'est


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  1   là que j'ai continué à vivre.

  2   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges quelque chose sur l'organisation que vous

  3   avez fondée à Sanski Most avec une dizaine d'autres personnes ?

  4   R.  Après mon retour à Sanski Most, à Lusci Palanka, un grand nombre de

  5   personnes déplacées, des Bosniens de Prijedor, sont revenus. Parmi eux,

  6   moi-même et nous, mères célibataires, nous éprouvions le besoin de nous

  7   organiser afin d'aider d'autres femmes, des enfants, des personnes âgées et

  8   impuissantes. Et c'est pour cela que nous avons eu l'idée de créer une

  9   organisation non gouvernementale. C'est ce qui a été fait et nous avons été

 10   enregistré auprès de la Cour de Bihac en 1996, en juin 1996.

 11   Q.  Et l'organisation porte le nom de Izvor, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Qui était le premier président de Izvor ?

 14   R.  La première présidente était Munira Fazlic. Elle a passé toute la

 15   période de la guerre en Bosnie et nous, les femmes, qui venions de rentrer,

 16   nous éprouvions le besoin de l'honorer, elle, de cette manière.

 17   Q.  Madame Fazlic, est-ce qu'il y avait un lien quelconque entre elle et le

 18   massacre qui s'est produit à Koricanske Stijene ?

 19   R.  Oui. Mme Fazlic avait pris cette même route peu de temps avant le

 20   massacre à Koricanske Stijene et son mari est resté avec ses deux frères à

 21   Trnopolje. Et Munira Fazlic est partie avec d'autres citoyens qui avaient

 22   été expulsés de Skender Vakuf, de chez eux. Elle a pris la route de Skender

 23   Vakuf pour aller vers la zone libre de Travnik. Elle m'a raconté que, tous

 24   les jours, elle regardait dans la direction de Vlasic dans l'espoir que son

 25   mari allait revenir.


Page 125

  1   Q.  Est-ce que vous savez ce qui est arrivé au mari de Mme Fazlic ?

  2   R.  Oui. Il faisait partie du groupe qui était constitué de 250 personnes

  3   et il a été séparé à Vlasic, lui et son frère.

  4   Q.  Et ceci s'est produit le 21 août 1992. C'était le convoi qui est parti

  5   ce jour-là, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  S'agissant de l'association Izvor, est-ce que vous pourriez nous dire

  8   quelque chose au sujet du travail de cette association liée aux livres des

  9   personnes disparues de Prijedor ?

 10   R.  Notre association a été enregistrée afin d'aider les mères

 11   célibataires, les femmes, les enfants orphelins et les personnes âgées et

 12   impuissantes. Lorsque nous avons commencé à travailler, lorsque nous avons

 13   commencé à nous occuper de plusieurs projets, nous avons constaté que le

 14   problème le plus grave qui affecte les familles étaient liées aux personnes

 15   disparues -- membres de leur famille disparus. Même si notre idée était de

 16   les aider sur le plan financier, lorsque nous avons eu des entretiens avec

 17   eux, nous avons pu constater que la chose la plus importante pour eux,

 18   c'était de faire en sorte que notre travail aboutisse aux réponses quant

 19   aux questions liées à leurs membres de famille disparus, pour savoir qui a

 20   été tué et où exactement ça s'est passé. Donc, déjà en 1997, nous avons

 21   commencé à recueillir les informations et nous nous sommes organisés de

 22   manière à créer des équipes qui recueillaient des informations sur le

 23   territoire de la fédération. Et puis nous invitions les gens, par le billet

 24   des médias, afin qu'ils nous contactent au sujet des personnes disparues de

 25   leur famille, de venir avec des photographies afin de nous permettre


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  1   d'utiliser dans nos recherches de ces personnes disparues. C'est ainsi que

  2   nous avons publié notre première publication, qui a eu un tirage de

  3   seulement 200 exemplaires et qui portait sur environ 2 700 personnes.

  4   Ensuite, nous avons envoyé ces exemplaires un peu partout dans le monde

  5   pour permettre aux gens de chez nous, qui se réunissent quelque part à

  6   l'étranger, d'essayer de trouver des données eux aussi. Parce qu'il faut

  7   savoir que la plupart les gens de Prijedor ont été expulsés. Maintenant,

  8   ils vivent dans plus de 100 pays du monde.

  9   Et lorsque nous avons reçu des informations et, en grand nombre, de

 10   photographie, et lorsque nous avons corrigé les erreurs continues dans la

 11   première publication, nous avons publié, en 2001, une nouvelle publication

 12   sur les personnes, 2 000 donc. Nous avons publié ce livre sur les personnes

 13   disparues de Prijedor et nous avons une liste de 2 700 personnes avec

 14   également la liste des noms de ces personnes, y compris 122 enfants.

 15   Q.  Et dans le cadre de votre travail, vous étiez active vous-même à la

 16   recherche des noms pour constituer ce livre des personnes disparues de

 17   Prijedor, et vous avez rencontré plusieurs familles qui avaient perdu un

 18   membre, comme il s'en questionnait le 21 août, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, j'ai rencontré ces familles. Ces familles faisaient face à une

 20   grande frustration parce que beaucoup de personnes n'avaient aucune

 21   information, beaucoup de gens allaient sur le lieu du massacre, mais

 22   personne n'avait essayé de trouver vraiment la vérité au sujet de ce qui

 23   s'est passé, et avant 1997. Mais ça reste le cas encore aujourd'hui pour

 24   beaucoup de personnes. Parmi ces familles, beaucoup de personnes sont

 25   encore aujourd'hui persuadées que les membres de leur famille sont encore


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  1   vivants quelque part.

  2   Q.  Et je crois que vous avez eu votre premier contact avec quelqu'un qui a

  3   perdu un membre de la famille à Koricani en 1992. Lorsque vous êtes allé à

  4   Slovénie, est-ce que vous pouvez nous raconter quelque chose au sujet de

  5   cette personne ?

  6   R.  C'est en Slovénie que s'était arrivé l'une de ces femmes qui avait été

  7   ma voisine. Elle avait deux enfants et nous l'avons prise en charge. Elle

  8   m'en a parlé le jour en question. Elle s'est trouvée à Koricanske Stijene

  9   et, ce jour-là, son frère et son beau-père ont été emmenés eux aussi. Ils

 10   ont été mis à part avec les autres hommes et ce qu'elle a souligné tout

 11   particulièrement, c'est le fait que son frère est parti de Trnopolje parce

 12   que c'est elle qui avait insisté pour qu'il le fasse, elle qui l'a

 13   convaincu de le faire. Elle s'était même adressée à Slobodan Kuruzovic, qui

 14   était chef du camp à l'époque, et lui a même demandé de l'emmener. Il a

 15   accepté -- il a autorisé que c'était son frère cadet. Elle a pleuré tous

 16   les jours, elle se sentait coupable parce que c'est elle qui l'avait invité

 17   à partir. Elle a dit que c'était très difficile pour elle de faire face à

 18   leur parent parce qu'elle avait -- n'arrivait pas à leur fournir une

 19   réponse, une explication sur la disparition de leur fils.

 20   Q.  Votre organisation a convoqué une cérémonie commémorative en 2002 et ce

 21   à l'occasion du dixième anniversaire des événements. Est-ce que vous savez

 22   si, avant qu'il y ait eu cette commémoration, si des familles avaient eu

 23   l'occasion de se rendre sur le site du massacre de Koricani ?

 24   R.  Non, personne n'y est allé avant. Ce n'était pas possible car il s'agit

 25   d'un endroit éloigné et on ne se sentait pas en sécurité là-bas. On a


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  1   demandé à plusieurs personnes de nous emmener sur place, mais ils avaient

  2   tous refusé. Autrement dit, on en est arrivé à concevoir donc ce projet,

  3   d'organiser une visite sur les lieux car, au cours de notre travail, nous

  4   nous sommes rendus que ces familles éprouvaient le besoin d'être

  5   confrontées à la vérité. Car ces gens continuaient à être persuadés que les

  6   membres de leur famille étaient toujours en vie, ils n'arrivaient à

  7   imaginer comment l'événement s'était produit. Et on n'arrivait pas à les

  8   convaincre que leurs proches n'étaient plus parmi les vivants. Donc c'est

  9   la raison pour laquelle on a organisé la visite pour qu'ils se rendent sur

 10   place et qu'ils voient eux-mêmes ce qui s'est passé. Nous voulions aussi

 11   attirer l'attention sur l'événement car personne n'évoquait les événements

 12   de Koricanske Stijene, et on venait exercer des pressions sur la communauté

 13   locale et sur la communauté internationale pour que l'on agisse -- pour que

 14   l'on fasse quelque chose.

 15   Q.  Je pense qu'une vidéo a été enregistrée sur votre initiative, une vidéo

 16   de cette visite, qui était organisée à Koricani le 21 août de l'an 2002. 

 17   R.  Oui, nous nous sommes adressés à un amateur, quelqu'un qui originaire

 18   de notre localité. Nous lui avons demandé d'enregistrer la cérémonie --

 19   l'événement dans son ensemble, afin de pouvoir envoyer ces cassettes aussi

 20   aux familles qui vivent à l'étranger pour qu'ils puissent le voir, pour

 21   qu'ils puissent s'assurer que nous nous étions rendus sur les lieux.

 22   M. RESCH : [interprétation] Monsieur le Président, à présent, je souhaite

 23   que l'on visionne la cassette. Je souhaite présenter plusieurs extraits de

 24   cette vidéo. Ce sera la pièce de l'accusation S3.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La transcription de ce texte apparaîtra


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  1   à l'extrait numéro 5 et je préviendrai la cabine. Nous aurons donc une

  2   petite partie de ces transcriptions traduites.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce S3.1

  4   M. RESCH : [interprétation] Est-ce qu'on peut le voir à présent ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  6   [Diffusion de cassette vidéo]

  7   M. RESCH : [interprétation] Je vous prie d'interrompre ici, d'arrêter

  8   l'image.

  9   Q.  Madame Karabasic, je vous poserai plusieurs questions pendant que l'on

 10   regarde. Pouvez-vous nous dire de quel endroit il s'agit ici, et puis nous

 11   poursuivons.

 12   R.  C'est Poljoce [phon], c'est à Kozarac d'où on est parti, donc c'est

 13   l'endroit d'où le convoi était parti, le convoi constitué de bus. Il a bien

 14   fallu déterminer un point de rassemblement, afin de pouvoir partir, pour

 15   des raisons de sécurité et des autres éléments d'organisation.

 16   [Diffusion de cassette vidéo]

 17   R.  Ces gens sont en train d'attendre le bus avant le départ pour

 18   Koricanske Stijene.

 19   Q.  Vous avez commandé -- organisé combien de bus ce jour-là ?

 20   R.  Au tout départ, lorsqu'on a commencé à parler d'organiser cet

 21   événement, on ne savait pas qu'il y aurait au tant d'intéressés, on ne s'y

 22   attendait pas. On a prévu quelques bus et on voulait voir combien de

 23   personnes seraient intéressées. Nous avons été aidés par plusieurs autres

 24   organisations non gouvernementales, qui ont pris part à l'organisation de

 25   la visite. Eux à d'autres endroits ont dressé des listes selon que les gens


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  1   montraient de l'intérêt pour la chose et, quelques jours plus tard, nous

  2   avions déjà une liste d'un grand nombre de -- avec un grand nombre de

  3   personnes. Il a fallu rajouter des bus. Il y a eu des appels même la veille

  4   du départ. Jusqu'à minuit la veille, les gens nous appelaient pour nous

  5   demander de se joindre, mais il n'y avait pas suffisamment de bus pour tout

  6   le monde, donc, finalement neuf autocars sont partis de Kozarac, en

  7   compagnie de quelques voitures particulières.

  8   Q.  Nous voyons ici les gens qui marchent en allant vers le site. Pouvez-

  9   vous nous dire -- nous décrire quel a été l'ambiance pendant ce

 10   déplacement ?

 11   R.  Pendant toute la durée de ce trajet de Kozarac jusqu'au Mont Vlasic,

 12   les gens étaient très impatients d'arriver. Moi j'étais à bord d'un autocar

 13   avec d'autres personnes et, lorsque nous sommes arrivés là-haut, il a fallu

 14   s'arrêter à un endroit parce qu'on ne pouvait pas poursuivre la route en

 15   car, donc nous avons poursuivi le chemin à pied. Les gens dépêchaient. On

 16   avait vraiment l'impression qu'ils y allaient pour trouver quelque chose

 17   comme si quelqu'un les attendait sur place et ils se dépêchaient pour y

 18   arriver au plus vite.

 19   Il est très difficile de décrire cela pour quelqu'un qui n'a pas vécu lui-

 20   même, quelqu'un qui n'a pas été en compagnie de ces gens, donc il y avait

 21   beaucoup de policiers. Et il y en avait beaucoup qui éprouvaient de

 22   l'anxiété, la peur, l'horreur, en fait, comme s'ils revivaient une deuxième

 23   fois cela. Donc c'étaient ceux qui étaient passé par là en 1992.

 24   Q.  Quelles ont été les réactions des membres des familles, donc lorsqu'ils

 25   ont vu le précipice ?


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  1   R.  Lorsqu'ils ont dit que c'était bien cet endroit-là, les mères, il y en

  2   a eu qui se sont effondrées, qui se sont mis à pleurer. Il a fallu les

  3   empêcher parfois de sauter parce que certaines disaient : "Où a perdu sa

  4   vie mon enfant ?" On essayait de voir en bas et or c'est très profond et on

  5   ne voit pas bien. Et elles voulaient voir comme si elles voulaient

  6   apercevoir quelque chose dans le précipice.

  7   Q.  L'on voit quelqu'un qui montre quelque chose dans le précipice. Savez-

  8   vous ce qu'il est en train de montrer ?

  9   R.  Cet homme est en train de dire qu'il voit des ossements -- des os, mais

 10   je ne sais pas ce qu'il a vu réellement. C'est peut-être plus le souhait de

 11   voir quelque chose de palpable, quelque chose qui pourrait lui servir

 12   d'indices -- de preuves. Il y a eu des gens qui ont trouvé des restes de

 13   balles. Je ne sais pas si cela datait de 1992, mais ils ont montré ce

 14   qu'ils ont trouvé et ils disaient : "Voilà, c'est ça qui a servi à tuer nos

 15   enfants."

 16   Q.  Il y a eu à peu près combien de personnes qui ont participé à cette

 17   visite ?

 18   R.  Plus de 500 personnes. Même si tous ceux qui auraient souhaité venir

 19   n'ont pas pu le faire, il y en a eu beaucoup qui sont venus d'un pays

 20   tiers, de Suède, d'Allemagne, de Danemark, de Suisse. Donc il y avait aussi

 21   des gens qui sont venus par la voie d'autres organisations, des

 22   organisations qui font un travail comparable.

 23   M. RESCH : [interprétation] Monsieur le Président, je n'entends pas le son,

 24   donc je propose que l'on poursuive.

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Nous nous sommes rassemblés aujourd'hui sur


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  1   le mont Vlasic où il y a plus de dix ans des membres de la police, des

  2   forces militaires et paramilitaires de la Republika Srpska où, comme elles

  3   -- comme s'appelaient à l'époque la République serbe de Bosnie-Herzégovine,

  4   ont expulsé des dizaines de milliers de non-serbes, habitants de Prijedor

  5   et des villages alentour; cependant, la raison pour laquelle nous nous

  6   sommes réunis ici aujourd'hui à Koricanske Stijene, c'est de nous rappeler

  7   l'un des crimes les plus horribles commis à l'encontre de nous, les

  8   habitants de Prijedor. C'est exactement ici au bord de ce précipice, le 21

  9   août 1992, donc exactement il y a dix ans, qu'ils ont emmené 253 de nos

 10   concitoyens. La police serbe a chassé ces gens -- "

 11   L'interprète ne peut plus bien entendre la bande de son.

 12   M. RESCH : [interprétation] Je remercie les interprètes. C'est la portion

 13   que je voulais entendre.

 14   Q.  Après ce premier discours, tous les noms ont été lus. Je ne voudrais

 15   pas que l'on visionne cela à présent, mais quel effet cela a eu le fait que

 16   l'on donne lecture des noms sur les tranches à ce moment-là ?

 17   R.  Ça a été particulièrement douloureux, donc, pendant que l'une de nos

 18   membres donnait lecture de ces noms, les mères, lorsqu'elles entendaient

 19   les noms de leurs enfants, elles s'effondraient. Et un homme cherchait pour

 20   retrouver son fils en disant : "Je n'entends pas le nom de mon fils.

 21   Comment cela se fait-il ?" Et puis plus loin, plus la lecture avançait, les

 22   femmes s'effondraient les unes après les autres. On entendait des cris et

 23   je crois que, pour elles, c'était un signe -- donc cette lecture officielle

 24   sur le site c'était un signe que ces gens n'étaient plus parmi nous.

 25   Q.  Votre organisation a acheté des fleurs me semble-t-il avant d'organiser


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  1   cette visite. Pouvez-vous expliquer pour quelle raison ?

  2   R.  Pour des raisons symboliques, on a acheté 253 fleurs afin rappeler la

  3   mémoire des 253 habitants de Prijedor qui sont disparus ce jour-là. Et on

  4   leur a donné les fleurs afin qu'ils les jettent dans le précipice comme

  5   leurs enfants avaient été jetés dedans. Et, pendant que l'on a fait cela,

  6   les gens se penchaient vers le précipice et un homme, qui a perdu trois de

  7   ces frères ce jour-là, a jeté la fleur qui s'est accroché à une branche si

  8   près. Je le regardais et j'avais l'impression qu'il allait lui se lancer

  9   derrière la fleur. Je l'ai attrapé par le bras et je lui ai dit : "Non, n'y

 10   vas pas," et lui il m'a répondu : "Que c'est peut-être comme ça que son

 11   frère s'était accroché à l'une de ses branches, s'était arrêté dans sa

 12   chute."

 13   Q.  Vous reconnaissez des personnes que l'on voit à la vidéo et je vous

 14   demanderais de nous raconter quelques unes des histoires que vous

 15   connaissez -- leurs histoires.

 16   [Diffusion de cassette vidéo]

 17   R.  La bande de son dit, je vous prie, de reprendre le chemin des bus en

 18   constituant une colonne et de reprendre le chemin dans le calme.

 19   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre qui est cette femme qui prend dans ses

 20   bras la femme qui porte un chemisier rouge ?

 21   R.  Cette femme s'appelle Fikra. C'est sa fille qui la prend dans ses bras

 22   et qui l'aide tout simplement pour qu'elle se ressaisisse. Elle a perdu son

 23   mari et un fils ce jour-là. Elle n'a plus personne d'autres, si ce n'est

 24   cette fille qui est en train de l'embrasser.

 25   Q.  Nous voyons un homme ici qui porte un gilet blanc et une chemise noire,


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  1   pouvez-vous l'identifier, s'il vous plaît ?

  2   R.  C'est Hilmija Fazlic, le père qui a perdu son fils ce jour-là. Son fils

  3   a été mis à part ce jour-là à Vlasic, et le corps de son fils a été exhumé

  4   il y a quelques jours d'une fosse commune qui contenait six corps.

  5   Q.  Pendant que les gens revenaient, quelle était l'ambiance parmi eux ?

  6   R.  Il y avait beaucoup de mères, de femmes qui avaient besoin qu'on les

  7   aide. Elles n'étaient pas prêtes à repartir. Nous avons eu besoin

  8   d'ambulances et quelques-unes, et bien, nous les avons aidées, en les

  9   épaulant, à reprendre la rue, à marcher jusqu'aux autocars. Vous pouvez

 10   voir à ces images que les gens regardaient par terre, les têtes baissées et

 11   qu'ils étaient très tristes. Ce qu'ils ont vu c'est qu'il n'y avait pas

 12   lieu d'espérer que leur histoire n'était pas fondée, donc ce n'était pas

 13   possible qu'il y ait des survivants. Ça a été un moment très difficile pour

 14   eux.

 15   Q.  Hier, lorsque nous en avons parlé, vous avez mentionné qu'il s'était

 16   mis à pleuvoir ce jour-là. Pouvez-vous dire à la Chambre ce que vous nous

 17   avez raconté hier ?

 18   R.  Lorsque nous sommes repartis en cars, et lorsque nous avons repris le

 19   chemin en descendant du Mont Vlasic, il s'est mis à pleuvoir, donc les

 20   nuages sont arrivés. Il s'est mis à pleuvoir très fort. Dans le car, il y

 21   avait un silence lourd, pesant, donc les gens disaient que cette pluie,

 22   c'est en fait nos larmes, les larmes pour tous nos proches qui ont péri ce

 23   jour-là au Mont Vlasic.

 24   Q.  Ma dernière question. Compte tenu de l'expérience que vous avez dans

 25   ces relations que vous avez eues avec les membres des familles des victimes


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  1   de Koricani, je voudrais que l'on en parle à présent. Il s'agit des choses

  2   qui sont importantes pour ces familles. Je voudrais que vous nous parliez

  3   de cela. Donc vous nous avez dit qu'il était important pour les familles

  4   que ceux, qui ont commis ces crimes, soient traduits devant la justice.

  5   R.  Oui. Les familles souhaitaient que ceux, qui étaient responsables ou

  6   coupables, répondent de ce qu'ils ont fait ce jour-là, donc c'est ça qui

  7   est important pour eux, que tous ceux, qui ont planifié et qui ont ordonné

  8   que l'on commette ce crime, soient déclarés coupables et soient punis. Et

  9   la chose la plus importante est que l'on retrouve au plus vite les corps --

 10   les restes de leurs proches afin de pouvoir les inhumer d'une manière

 11   appropriée.

 12   Q.  Je vous remercie, Madame.

 13   M. RESCH : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Resch.

 16   Madame Karabasic, devant un Tribunal, l'on donne la possibilité à la

 17   Défense également de poser des questions, s'il y a lieu.

 18   Maître Dimitrijevic, avez-vous des questions à poser à ce témoin ?

 19   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, nous n'avons

 20   pas de questions.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque les Juges, eux non plus, n'ont

 22   pas de questions pour vous, Madame, je vous remercie d'avoir répondu aux

 23   questions qui vous ont été posées par le Procureur. Et je tiens à vous

 24   remercier d'avoir fait ce long voyage jusqu'à La Haye. Votre déposition

 25   permettra à la Chambre de -- a permis à la Chambre de partager vos


Page 136

  1   expériences que vous avez, donc grâce à vos contacts avec les familles des

  2   victimes. Et la Chambre estime que ceci est important. Je vous remercie

  3   donc encore une fois.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais juste vous dire quelque chose.

  5   M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous en prie.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je souhaite dire, au nom de toutes ces

  7   familles, que nous remercions cette Chambre -- ce Tribunal de tout ce qu'il

  8   a fait jusqu'à présent, et nous espérons que vous continuerez d'agir pour

  9   ces familles, autrement dit, que vous punirez tous ceux qui ont commis ces

 10   actes, qui ont fait ce qu'ils ont fait. Tous ces accords, tous ces aveux,

 11   nous espérons qu'ils ne porteront pas préjudice à ces familles, autrement

 12   dit, nous espérons que les sentences, que vous prononcerez, qu'elles seront

 13   à la mesure des actes, qu'elles permettront de punir ces criminels pour les

 14   actes qu'ils ont commis. Car, lorsque quelqu'un a tué 250 personnes, il ne

 15   peut pas être puni comme s'il n'en avait tué qu'un seul. Cette peine doit

 16   être une peine maximale. Les familles et nous aussi espérons qu'il en sera

 17   ainsi. Je vous remercie.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que vous avez -- que vous

 19   nous avez fait part des sentiments de ceux que vous avez rencontrés, et

 20   j'ai compris que vous partagez leurs sentiments. Je vous assure que cette

 21   Chambre s'acquittera de ses obligations, de la meilleure façon possible, au

 22   mieux. Nous avons entendu votre déposition et ceci constitue une partie des

 23   éléments que nous devons prendre en considération. Je vous en remercie.

 24   Madame l'Huissière, peut-on, s'il vous plaît, raccompagner le témoin.

 25   [Le témoin se retire]


Page 137

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A l'ordre du jour, le point suivant

  2   serait la déclaration de M. Mrdja. D'après ce que j'ai compris, Monsieur

  3   Mrdja, vous souhaitez avant tout de nous faire part de vos sentiments, et

  4   vous ne souhaitez pas rentrer dans le détail de ce qui s'est produit. Car,

  5   si vous voulez faire des déclarations au sujet des faits dans le détail

  6   dans ce cas-là, il faudrait que nous vous demandions de prononcer tout

  7   d'abord la déclaration solennelle. En revanche, si vous souhaitez nous

  8   faire part de vos sentiments, maintenant, en réfléchissant à ce qui s'est

  9   passé, et ce, conformément à votre plaidoyer de culpabilité, dans ce cas-

 10   là, il n'y a pas lieu de vous demander de prononcer la déclaration

 11   solennelle.

 12   Veuillez poursuivre.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, je

 14   serai très bref.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous remercie de m'avoir

 16   offert l'occasion, en fin de procédures qui est mené à mon encontre, de

 17   prendre la parole et dire quelques mots. En Yougoslavie, dans cet état où

 18   je suis né, il y a presque 13, un conflit tragique a éclaté. J'avais 23 ans

 19   à ce moment-là. Je souhaitais tout -- comme tous les gens de mon âge, je

 20   souhaitais la paix. J'aspirais à la paix et j'avais énormément de projets

 21   concernant mon avenir. La dernière chose à laquelle j'aurais songé, c'était

 22   la guerre ou un bain de sang. Sur la guerre, et bien, qu'en savais-je ? Ce

 23   que m'avaient dit, mes parents et ils ne m'en avaient guère parlé à

 24   l'époque. Je n'avais pas beaucoup prêté attention à cela. Je considérais

 25   que la guerre appartenait au passé. C'était quelque chose qui avait eu lieu


Page 138

  1   avant ma naissance. Très sincèrement, jusqu'au dernier moment, j'ai cru que

  2   j'allais faire partie d'une génération qui allait vivre dans la paix. J'ai

  3   grandi dans un système socialiste. A l'école, on m'a enseigné la

  4   fraternité, l'égalité entre les différents peuples qui vivaient dans mon

  5   pays; cependant, je savais que nombreux de mes ancêtres avaient péri dans

  6   la guerre précédente. J'étais au courant de l'existence du camp de

  7   Jasenovac; cependant, à l'époque, j'étais convaincu que cela appartenait au

  8   passé et que ceci n'avait rien à voir avec moi. Je vivais en paix avec mes

  9   voisins, des Croates, des Musulmans. On se fréquentait, on vivait ensemble,

 10   et pas les uns à côté des autres. Parfois, on avait plus que des simples

 11   fréquentations, des petites amies qui n'étaient serbes, par exemple. J'en

 12   ai eu et jamais mes parents ne me l'ont reproché. Au début des années 1990,

 13   tout a changé. La radio, la télévision, la presse, il y avait partout des

 14   discours sur les menaces qui pesaient sur les Serbes, les Musulmans ou les

 15   Croates, en fonction de celui qui possédait le média en question, et on a

 16   commencé à se diviser. On ne pensait plus de la même façon des mêmes

 17   choses. A l'époque, je n'ai pas pu me l'expliquer. Je n'arrive pas, non

 18   plus, à me l'expliquer aujourd'hui. Je ne le comprends pas. J'étais

 19   profondément convaincu que mon peuple était de nouveau menacé d'un danger

 20   équivalent à celui de Jasenovac. Pour des raisons patriotiques, j'ai voulu

 21   être mobilisé. J'étais jeune, j'étais fort, j'étais en bonne santé, et ce

 22   sont des gens comme ça dont l'armée a besoin. Je voulais défendre mon

 23   peuple. La dernière chose à laquelle j'aurais songé c'était d'attaquer qui

 24   que ce soit.

 25   Au printemps 1992, je suis donc devenu membre du peloton d'intervention de


Page 139

  1   Prijedor et des choses terribles se sont produites à Prijedor. J'aimerais

  2   effacer cela. Mes voisins, des Croates, des Musulmans ont dû partir et, en

  3   tant que policier, à plusieurs reprises, avant le 21 août, il a fallu que

  4   j'escorte des convois -- des convois qui emmenaient des Musulmans à

  5   l'extérieur de Prijedor. Je ne peux pas dire qu'ils étaient placés dans de

  6   bonnes situations, mais je peux dire qu'ils se sont retrouvés sain et sauf

  7   à leur destination.

  8   Dans la matinée du 21 août, j'ai appris qu'il a fallu, encore une fois, que

  9   j'escorte l'un de ces convois. Je ne pensais pas -- je m'excuse -- je ne

 10   pensais pas qu'il allait se produire quoi que ce soit; cependant, la

 11   situation était différente. Sur ordre du commandant, du chef du peloton

 12   d'intervention, qui a été tué plus tard sur le théâtre des opérations de

 13   Bihac -- je ne souhaite donc pas citer son nom -- nous avons mis à part

 14   deux bus à bord desquels il y avait beaucoup d'hommes en âge de combattre.

 15   Ils ont été tués -- exécutés entre Skender Vakuf et Travnik à Koricanske

 16   Stijene. J'ai pris part à la séparation de ces hommes et à leur exécution.

 17   J'éprouve un remords sincère. Je présente mes excuses -- mes excuses

 18   personnelles. Je tiens à présenter mes excuses à toutes les victimes et aux

 19   membres de leur famille.

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je souhaite que vous croyiez à

 21   la sincérité de mes paroles. J'espère que vous me croirez. Je ne l'ai pas

 22   fait parce que je le souhaitais ou parce que j'y avais pris plaisir. Je ne

 23   haïssais pas ces gens-là. Si je l'ai fait, c'est parce qu'on m'a donné

 24   l'ordre de le faire. Mon commandant, qui par ailleurs bénéficie d'une

 25   grande autorité que l'on craignait, a été présent sur place, et c'est lui-


Page 140

  1   même qui a donné ces ordres. A ce moment-là, je n'ai pas eu la force de

  2   m'opposer ou de ne pas exécuter ces ordres. Je peux prouver aujourd'hui ce

  3   qui serait advenu de moi si j'avais refusé d'exécuter l'ordre. Je vous

  4   assure que j'aurais été tué, moi-même, mais, Monsieur le Président,

  5   Messieurs les Juges, je ne sais pas si vous me croyez ou non. Tous mes

  6   camarades, les membres du peloton d'intervention qui pourraient témoigner à

  7   cet effet, ils ont peur pour eux-mêmes. Ils ont peur pour leur avenir. Ils

  8   ne souhaitent pas déposer et je ne le leur reproche pas.

  9   Monsieur le Président, pendant cette guerre passée, j'étais simple soldat.

 10   Je n'avais pas de grade. Je n'avais de poste de responsabilités. J'ai été à

 11   plusieurs théâtres des opérations. Je me suis battu honnêtement. J'avais en

 12   face un ennemi armé et dans ces conflits, j'ai été blessé par trois fois.

 13   Je n'ai pas été un lâche dans cette guerre et c'est pourquoi je regrette

 14   profondément ce qui s'est produit à Koricanske Stijene. Dès ce moment-là,

 15   j'ai demandé d'être muté dans une autre unité car je ne voulais pas tuer

 16   des civils, des femmes, des enfants, des innocents. Jusqu'à la fin de la

 17   guerre, j'ai été un soldat honnête et je n'ai jamais reproduit quoi que ce

 18   soit de comparable à ce qui s'est produit à Koricanske Stijene.

 19   Aujourd'hui, 11 ans plus tard, je revis encore plus difficilement cette

 20   partie de mon histoire que je souhaiterais effacer, mais je sais que ceci

 21   n'est pas possible. Entre-temps, je me suis marié. J'ai deux enfants.

 22   Jusqu'à mon arrestation, j'ai mené une vie ordinaire. J'ai vécu de mon

 23   travail. Je n'ai jamais commis la moindre infraction dans ma vie. Je sais

 24   que les familles des personnes, qui ont perdues leurs vies, le 21 août

 25   1992, me voient en tant qu'assassin et ils ne pensent pas que mes excuses


Page 141

  1   sont sincères, mais elles le sont. Je suis prêt à purger la peine que j'ai

  2   méritée. J'espère que mon aveu et mes remords contribueront encore, au

  3   moins, un petit peu que ce genre de choses ne se reproduise plus dans la

  4   région.

  5   J'espère que ceci encouragera d'autres à procéder, comme je l'ai fait, car

  6   c'est la seule manière qui nous permettra de nous relever d'un gros fardeau

  7   que je porte, voici déjà 11 ans, et je suis sûr que ceci continuera jusqu'à

  8   la fin de ma vie.  Encore une fois, je présente mes plus sincères excuses

  9   aux victimes, aux membres de leur famille et je tiens à remercier cette

 10   honorable Chambre de m'avoir permis de prendre la parole. Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Mrdja.

 12   Veuillez reprendre place.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, il reste encore trois

 15   quarts d'heure jusqu'à ce l'horloge indique 5 heures 30. C'est également le

 16   temps qui a été prévu pour le réquisitoire de l'Accusation. Est-ce que vous

 17   serez en mesure d'en terminer d'ici là ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous donne donc la parole.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaiterais commencer en demandant un huis

 21   clos partiel pour quelques minutes.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

 23   [Audience à huis clos partiel]

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)


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  1 

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 13  Pages 142-146 –expurgées– audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

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  6  (expurgé)

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 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   [Audience publique]

 19   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Messieurs les représentants de

 21   la Défense, nous sommes ici aujourd'hui réunis pour déterminer la peine,

 22   une peine à la mesure d'un crime qui sort du commun même dans le contexte

 23   des actes de persécution, de destruction, et de meurtre à grande échelle de

 24   l'année 1992. Quelle que soit la manière dont on résume ce crime, il ne

 25   peut que faire foi dans le dos.


Page 148

  1   Le 21 août 1992, les autorités serbes de Bosnie ont organisé un convoi

  2   d'autocars et de camions qui devaient emmener des Musulmans de Prijedor

  3   vers des territoires contrôlés par les Musulmans à Travnik. Parmi ces

  4   passagers, il y en avait beaucoup qui venaient d'être libérés de l'horreur

  5   des camps de Omarska et de Keraterm. Des membres de -- que le temps

  6   d'intervention de la police de Prijedor, vous l'avez entendu dont l'accusé

  7   était chargé du contrôle du convoi. Et en route, ils ont volé aux passagers

  8   les derniers biens personnels qui leur restaient. Peu avant l'arrivée du

  9   convoi à destination alors que le convoi se trouvait, à peine à quelques

 10   kilomètres, d'un lieu où il aurait été en sécurité, les policiers qui

 11   escortaient le convoi ont séparé deux hommes en âges de porter les armes,

 12   des autres passagers. Ces hommes ont été entassés à bord de deux autocars

 13   puis emmenés jusqu'au site de Koricanske Stijene sur le Mont Vlasic.

 14   Comme vous l'avez vu, Messieurs les Juges, il s'agit d'un lieu qui

 15   symbolise la perversité totale de la guerre, un site d'une beauté naturelle

 16   extraordinaire qui a été transformé en charniers.

 17   Sur des ordres de leur supérieur, les hommes du peloton d'intervention ont

 18   fait descendre les hommes des autocars en groupes divers. Ils les ont

 19   alignés et ils les ont tués un par un. Les corps des morts ou des mourants

 20   qui n'étaient pas tombés directement dans le précipice, ils les ont poussé

 21   dans l'abîme. Le peloton d'intervention a essayé d'achever tous les

 22   survivants lançant des grenades en tirant sur les corps mais comme vous

 23   l'avez entendu, comme vous l'avez vu, par miracle, une poignée d'entre eux

 24   a survécu.

 25   Après avoir entendu un survivant, un représentant des familles, après avoir


Page 149

  1   entendu l'accusé, après avoir vu les éléments de preuves documentaires

  2   relatifs à ce crime, il appartient maintenant aux juges de la Chambre de

  3   déterminer la peine qu'il convient de prononcer. Et, Messieurs les Juges,

  4   se faisant, vous devrez tenir compte d'un certain nombre de facteurs qui

  5   sont évoqués par les parties dans leur mémoire. Je dois dire que ces

  6   mémoires ne mettent pas en évidence de désaccords importants entre les

  7   parties au sujet du facteur le plus important qu'il convient de prendre en

  8   compte au moment de déterminer la peine, à savoir la gravité du crime. Il

  9   n'y a pas non plus de désaccords au sujet de deux autres éléments, deux

 10   autres facteurs essentiels pour nous ici; le plaidoyer de culpabilité et la

 11   coopération de l'accusé.

 12   Avant de me pencher sur ces questions cependant, je voudrais passer quelque

 13   temps sur les éléments qui sont contestés où il y a contestations entre les

 14   deux parties. Il ne s'agit pas de questions d'importance et je pense

 15   qu'elles n'auront qu'un impact négligeable sur la détermination de la peine

 16   quelque soit la réponse qui soit apportée par les juges de la Chambre.

 17   Cependant, il s'agit de questions qui peuvent avoir un impact potentiel sur

 18   la jurisprudence du Tribunal et il convient donc que j'y apporte mon

 19   commentaire.

 20   Il s'agit d'une liste d'éléments qui est assez longue. Je vais essayer

 21   d'être aussi rapidement que possible dans la lecture de la liste ainsi bien

 22   que dans la discussion de ces éléments qui sont les suivants : L'importance

 23   à accorder à un crime contre l'humanité par rapport à d'autres crimes;

 24   deuxièmement, l'âge en tant que facteur aggravant ou atténuant;

 25   troisièmement, le remords; quatrièmement, les faits ou l'impact de la durée


Page 150

  1   du temps écoulé entre le moment où le crime a été commis et le jugement;

  2   cinquièmement, l'impact de l'incarcération dans un pays étranger;

  3   sixièmement, la question de la vulnérabilité des victimes; septièmement, le

  4   fait que l'accusé était policier, quel est l'impact de cet élément sur la

  5   peine; huitièmement, la réduction de peine qui peut être accordée pour

  6   bonne conduite de l'accusé en détention ou bien pour la coopération avec la

  7   Chambre pendant l'affaire; neuvièmement, le moment où est intervenu le

  8   plaidoyer de culpabilité; dixièmement, le rapport du psychiatre;

  9   onzièmement, la question de la contrainte et des ordres; et enfin, la

 10   question de l'application de la loi -- ou du droit de Bosnie-Herzégovine en

 11   matière de détermination de la peine.

 12   Je reconnais qu'il s'agit là d'une liste fort longue et comme je l'ai dit

 13   précédemment, je vais essayer d'être aussi concis que possible en abordant

 14   chacun de ces points.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais que vous ayez bien à

 16   l'esprit vous-même ainsi que le représentant de la Défense que nous avons

 17   lu avec beaucoup d'attention vos mémoires. S'il y a donc des choses que

 18   vous souhaitiez ajouter, vous pouvez le faire en apportant peut-être

 19   quelques nuances, mais il est inutile de répéter ce qui figure déjà dans

 20   vos mémoires.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Je m'inspire ici de discussions que j'ai eues

 22   avec mes collègues de la Défense au sujet de leurs arguments. Comme vous le

 23   savez, nous avons soumis nos rapports en même temps, je me suis inspiré

 24   également de nos réunions 65 ter.

 25   Premièrement, nous n'affirmons pas que le Chef 3, un crime contre


Page 151

  1   l'humanité, devrait se voir accorder plus de poids que le chef de violation

  2   des lois ou coutumes de la guerre. Ces deux chefs dérivent des mêmes faits

  3   et doivent être évalués en conséquence. Cette question générale a été

  4   résolue par la Chambre d'appel dans Tadic qui a estimé, je cite : "Qu'après

  5   mure réflexion, la Chambre d'appel estime qu'en droit il n'y a pas de

  6   distinction entre la gravité d'un crime contre l'humanité et la gravité

  7   d'un crime de guerre."

  8   Je souhaiterais simplement noter que dans la mesure où un élément

  9   quelconque d'un des crimes pour lesquels l'accusé a plaidé coupable est

 10   important pour la Chambre, par exemple, l'existence d'une attaque

 11   généralisée ou systématique -- la Chambre est tout à fait en mesure ou à

 12   même de le considérer dans le cadre de son délibérer mais nous

 13   n'encourageons nullement la Chambre, nous ne lui demandons nullement de

 14   considérer ces deux crimes séparément, ces deux chefs séparément comme

 15   s'ils reposaient sur des incidents, sur des faits différents.

 16   Maintenant s'agissant de l'âge en tant que circonstance atténuante ou

 17   aggravante, même si l'âge d'un accusé peut être une circonstance atténuante

 18   et l'âge de la victime une circonstance aggravante, nous estimons qu'en

 19   l'occurrence ce n'est pas le cas. Ce n'est ni une circonstance atténuante,

 20   ni une circonstance aggravante, quelque soit ce que nous ayons dit

 21   précédemment dans nos écritures.

 22   Question suivante, le remords. Je souhaiterais dire la chose suivante au

 23   sujet du remords. Premièrement, c'est une circonstance atténuante

 24   potentielle et qui est distincte d'un plaidoyer de culpabilité et de la

 25   coopération, et de la reconnaissance de ses responsabilités par l'accusé,


Page 152

  1   bien qu'il puisse y avoir des zones où cela se recoupe. Je dis cela parce

  2   que le remords se doit être plus que l'un ou l'autre de ces facteurs que je

  3   viens d'évoquer.

  4   Deuxièmement, le remords, c'est un état d'esprit. C'est donc une

  5   circonstance atténuante qui est très distincte des autres parce qu'elle est

  6   éminemment subjective. Et il faudrait éviter que le remords ne se manifeste

  7   que par une affirmation incantatoire vide de sens de la part de l'accusé.

  8   Pour éviter cela, il faut que la Chambre examine les circonstances, la

  9   situation objective permettant de refléter cet état d'esprit chez l'accusé.

 10   L'accusé affirme que les éléments objectifs qui permettent de traduire son

 11   remords c'est le fait qu'il a demandé à être affecté à une autre unité. Il

 12   a demandé à quitter le peloton d'intervention peu après le massacre de

 13   Koricanske Stijene.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement, je voudrais lui poser une

 15   question à ce sujet et à la Défense également, peut-être aussi. Dans son

 16   mémoire, la Défense dit que l'accusé a demandé à être transféré dans une

 17   autre unité -- je pense que c'est un index à la page 15 [sic] de la version

 18   en anglais, à la page 13. Et en note de bas de page 50, vous parlez du

 19   certificat du ministère de la Défense, département de Prijedor. Du point de

 20   vue de la base, en effet, est-ce que vous pourriez nous dire où exactement

 21   dans ce document il est indiqué qu'il a demandé d'être transféré plutôt que

 22   d'avoir été, d'avoir souhaité servir dans une formation différente et peut-

 23   être entre-temps, nous pourrions résoudre un autre problème. Je vais voir,

 24   dans ce document, j'ai quelques difficultés à trouver une conformité entre

 25   l'original et la traduction. Peut-être vous pourriez examiner cela. Il


Page 153

  1   s'agit de l'annexe A, numéro 8, page 785 et 788. J'ai du mal, tout d'abord,

  2   à trouver où il est dit dans ce document que lui, personnellement, a

  3   demandé d'être muté dans une unité.

  4   Et puis, deuxièmement, 785, je n'ai pas vraiment l'impression qu'il s'agit

  5   là d'un original de ce qui est présenté comme traduction en 786 parce que

  6   le document où vous faites référence à la version en anglais est un

  7   document du 29 juillet 2002 alors que l'original est apparemment un

  8   document du 16 avril 2003, donc c'est pour cela qu'il n'est pas facile de

  9   trouver quel est le document qui correspond à la traduction en anglais, et

 10   cetera.

 11   Est-ce que vous pourrez nous aider avec cela ?

 12   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je sais

 13   que je ne souhaite pas ôter le temps imparti au Procureur.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais nous allons trouver une

 15   solution pour cela.

 16   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] D'accord. Peut-être nos propos n'étaient

 17   pas suffisamment clairs. Nous n'avons pas dit qu'il s'agissait d'une

 18   requête officielle. A l'époque, ce n'était pas possible, mais nous avons

 19   clairement démontré qu'il a changé d'unité exactement pendant cette

 20   période-là, c'est-à-dire, le 9 septembre 1992. Mais en ce qui concerne une

 21   demande officielle, il n'y a pas eu une demande officielle. Mise à part

 22   cela, nous avons d'autres moyens de preuve allant dans ce sens, mais il

 23   faudrait peut-être passer à huis clos partiel.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être, si nécessaire, nous

 25   allons faire cela. Mais est-ce que vous pouvez également nous aider pour


Page 154

  1   nous dire si 785 est l'original du texte en anglais ? 786 ?

  2   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vraiment, je n'ai

  3   pas de traduction. J'ai seulement la version anglaise du mémoire de clôture

  4   et je n'ai pas de traduction des documents.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais, dans votre mémoire de

  6   clôture, vous parlez d'un document dont le numéro est 786, or il s'agit là,

  7   sans aucun doute, d'une traduction, et c'est un texte en anglais. Et toutes

  8   les annexes des mémoires de clôture font référence tout d'abord aux textes

  9   en anglais et puis ensuite, à l'original, apparemment. Mise à part le texte

 10   786, où apparemment le texte en anglais n'est pas vraiment la traduction de

 11   la page suivante, à savoir, 785, parce que ceci n'est pas la traduction de

 12   785. Je ne sais pas à quoi se réfère 785 parce que je n'ai pas de

 13   traduction de ce texte. Et je pense que, dans les deux documents, le sujet

 14   doit être semblable et apparemment les dates sont semblables dans les deux

 15   documents, mais il ne s'agit certainement pas d'une traduction puisque ceci

 16   ne correspond pas tout à fait.

 17   Peut-être, pendant la pause, vous pourriez vérifier cela. Si vous voulez

 18   savoir exactement de quoi il s'agit, je peux vous aider. Est-ce que vous

 19   avez trouvé cela ?

 20   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui. Je vois ce qu'il vous faut. Je vais

 21   chercher cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, Monsieur Tieger. Même si tout

 23   n'a pas été clarifié, veuillez poursuivre ou, bien, peut-être vous

 24   souhaitez d'abord un huis clos partiel.

 25   Non. D'accord, continuez.


Page 155

  1   M. TIEGER : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président,

  2   c'est une des questions que je souhaitais aborder avec vous.Dans le cadre

  3   de vos efforts pour déterminer le poids qu'il convient d'accorder aux

  4   circonstances objectives citées par la Défense à l'appui de l'argument de

  5   la Défense selon laquelle l'accusé a fait preuve de remords. Je noterais

  6   également certains autres facteurs qui vont peut-être permettre à la

  7   Chambre de statuer -- de se forger une opinion.

  8   Il y a un facteur qui est que les membres du peloton d'intervention ont

  9   tous été envoyés sur d'autres lieux à partir de Prijedor. Ils ont tous

 10   quitté Prijedor après l'incident dans le cadre d'une tentative faite pour

 11   étouffer l'affaire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps pour vous poser une

 13   question afin d'éviter toute confusion. Vous faites référence à une lettre

 14   de Simo Drljaca, qui figure dans les pièces jointes à l'acte d'accusation,

 15   qui précise qu'à partir du 9 septembre 1992, tous les policiers impliqués,

 16   et cetera. C'est cela dont vous parlez ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Dimitrijevic, c'est quelque chose

 19   que j'ai remarquée moi-même. Je vous indique qu'il s'agit de la page 33 des

 20   pièces jointes à l'acte d'accusation. Une lettre de M. Simo Zaric Drljaca

 21   dont je vous donne lecture. Je cite : "Nous ne sommes pas en mesure

 22   d'enquêter sur le meurtre allégué d'un certain nombre de Musulmans dans la

 23   zone de Koricanske Stijene parce que tous les policiers qui escortaient le

 24   convoi à Travnik -- ensuite, ce n'est pas très lisible, on ne voit pas si

 25   cela parle du 21 août exactement, je poursuis la lecture -- ont été


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  1   transférés."

  2   J'imagine que vous connaissez ce document et vous savez que, quand l'accusé

  3   insiste sur le fait qu'il a été transféré de son unité après les événements

  4   de Koricanske Stijene, qu'il a été insisté pour être transféré, il ne tient

  5   pas compte du fait qu'il existe au moins un document selon lequel tous les

  6   policiers, qui se trouvaient dans cette unité, ont été envoyé à Han Pijesak

  7   depuis Prijedor à partir du 9 septembre. Donc on peut dire que M. Mrdja

  8   n'est pas le seul à être concerné par ce transfert. Donc je ne sais pas si

  9   vous estimez qu'il convient de répondre à cela. La Chambre doit juger les

 10   preuves -- les probabilités. Vous invoquez, cependant, cette question. Vous

 11   dites que c'est une circonstance atténuante, mais je me demande si à ce

 12   moment-là, il ne faudrait pas répondre à ce document qui figure en annexe à

 13   l'acte d'accusation et que vous connaissez maintenant.

 14   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Darko Mrdja était sur le terrain à Han

 15   Pijesak après le 24 août. Il était à Han Pijesak avec tous les policiers du

 16   peloton d'intervention. Ceci, nous ne le contesterons pas. Il a été blessé

 17   sur ce champ de bataille. Il est retourné à Prijedor. Et ensuite, il a

 18   présenté une demande pour être transféré dans une unité militaire. Je

 19   n'avais pas compris que vous considéreriez qu'il y avait une contradiction

 20   entre le document signé entre Simo Drljaca et celui signé par le ministère

 21   de la Défense, parce que moi, je ne vois pas de contradiction entre ces

 22   deux documents. Mais, maintenant, la seule chose que je pourrais faire,

 23   c'est de citer à la barre M. Mrdja, pour qu'il nous explique dans quelles

 24   circonstances il a été blessé, pour qu'il nous explique qu'il était avec

 25   d'autres membres du peloton d'intervention de la police de Prijedor en Han


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  1   Pijesak, sur le champ de bataille, qu'il est rentré à Prijedor parce qu'il

  2   avait été blessée et qu'ensuite, qu'il a demandé à être transféré dans une

  3   unité militaire différente.

  4   Voici la façon dont nous, nous faisons le lien entre tous les éléments que

  5   vous venez de me présenter.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense qu'il n'y a pas de

  7   contradiction, mais nous, nous avions compris qu'il affirmait, que peu

  8   après les événements qui nous intéressent ici, il avait demandé à être

  9   transféré dans une unité militaire. Ce sont les dates -- à des dates que

 10   nous trouvons signées sur l'original que la traduction de ce document. Et

 11   ceci donne l'impression -- je vais être très prudent dans ma formulation --

 12   qu'il s'agissait d'une demande expresse de M. Mrdja, mais, maintenant, si

 13   j'ai bien compris, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, c'est le 9

 14   septembre, c'est-à-dire, deux semaines après les événements. Ça figure

 15   également dans la traduction. Le 9 septembre donc, tous les policiers, qui

 16   ont participé à cet incident, étaient à Han Pijesak.

 17   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Ça, ça a été la réaction de Simo

 18   Drljaca.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous ne le contestiez

 20   pas. Je vérifie, s'il vous plaît.

 21   Je cite : "Il est allé à Han Pijesak avec tous les policiers du groupe

 22   d'intervention. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

 23   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui. C'est exactement ce que j'ai dit.

 24   Mais, maintenant, on parle du 9 septembre, si j'ai bien compris.

 25   Et quand il a été à Han Pijesak, ce n'était pas le 9 septembre; c'était


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  1   quelques jours après le 21 août. Or nous, nous considérons que, le 9

  2   septembre, c'est une date qui est très proche du 21 août. C'est la façon

  3   dont nous voyons les choses.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Non, j'essaie de déterminer les

  5   faits sur lesquels se développe votre argumentation. Je vous donne la

  6   parole, Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Tout en restant dans le même sujet, je

  8   souhaiterais soulever deux ou trois points qui peuvent permettre aux Juges

  9   -- pourront permettre aux Juges de déterminer la peine. On peut considérer

 10   comme contradictoire, mais je pense qu'il convient que je les porte à votre

 11   attention. Premièrement, il y a le fait que, d'après ce que nous puissions

 12   le voir, l'accusé, ainsi que d'autres auteurs du crime, n'aient pas

 13   retourné au sein du peloton d'intervention, après Han Pijesak. Autre chose,

 14   dans la jurisprudence, on constate que les Chambres ont pris en compte les

 15   déclarations de l'accusé dans le prétoire comme une possibilité d'évaluer

 16   le repentir de l'accusé également comme une -- en estimant la valeur que

 17   peut avoir l'expression d'un remord public. Donc ça, ce sont aussi des

 18   éléments sur lesquels j'attire votre attention, et qui peuvent vous être

 19   utiles dans le cadre de vos délibérés.

 20   Maintenant, je passe à l'argument de la Défense selon lequel le temps qui

 21   s'est écoulé entre le crime et le jugement est un facteur qui doit être

 22   considéré comme une circonstance atténuante. La Défense cite trois sources

 23   : une affaire qui a été jugée aux Etats-Unis, un commentaire juridique de

 24   1931, ainsi qu'une loi allemande.

 25   Nous estimons que l'affaire américaine, qui est citée, n'a aucun intérêt


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  1   pour nous parce qu'il s'agit d'une affaire dans laquelle l'Accusation, le

  2   Procureur, a délibérément cherché à obtenir un avantage au niveau de la

  3   procédure, en prenant des mesures pour entraîner des délais dans l'affaire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous faites référence à l'affaire citée

  5   par la Défense ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Oui. S'agissant du commentaire, nous estimons

  7   qu'il ne faut pas en tenir compte non plus parce qu'il concerne l'impact

  8   négatif, pour l'Accusation d'un retard, dans la procédure. Et on dit ici

  9   que les objectifs de l'Accusation sont compromis s'il y a retard dans la

 10   procédure, or que ce soit vrai ou non, en tout cas, ce n'est pas un facteur

 11   qui peut être considéré comme des circonstances atténuantes pour l'accusé.

 12   Maintenant, je passe à la loi allemande, qui semble considérer que la durée

 13   qui s'est écoulée entre le crime et le jugement peut constitué une

 14   circonstance atténuante. Le seul argument qui est cité par la Défense, que

 15   nous avons pu trouver dans les documents qui nous ont été fournis par la

 16   Défense, c'est qu'un tel écoulement de temps peut-être être considéré comme

 17   une circonstance atténuante parce que la nécessité pour l'état de

 18   sanctionner est réduite au fil du temps. D'après ce que j'ai pu comprendre

 19   du mémoire de la Défense, cela signifie que le risque que fait courir à la

 20   société l'auteur de l'acte criminel concerné est atténué au fil du temps.

 21   Si l'auteur de cet acte criminel, pendant le temps qui s'est écoulé depuis

 22   le crime concerné, n'a pas -- ne s'est pas livré à de nouveaux actes

 23   criminels, mais ceci ne nous concerne pas vraiment ici.

 24   Puisque l'impact dissuasif des poursuites devant ce Tribunal ne s'adresse

 25   pas exclusivement aux auteurs individuels des crimes concernés parce que,


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  1   dans la plupart des cas, les circonstances dans lesquelles se sont déroulés

  2   ces crimes, ce ne sont pas des circonstances dont on peut s'attendre à ce

  3   qu'elles se reproduisent pour la personne concernée. Bien, au contraire, le

  4   caractère dissuasif des poursuites engagées devant ce Tribunal sont

  5   destinées à tous ceux qui sont ailleurs, et qui se trouveraient dans une

  6   situation semblable. Et, en imposant des sanctions, des sanctions qu'il

  7   impose, le Tribunal envoie un message en disant que ce type de conduite

  8   n'est pas acceptable, n'est pas toléré, sera sanctionné. Or cet objectif,

  9   lui, n'est pas atténué par le passage du temps si bien, que la logique qui

 10   sous-tend l'affaire allemande qui est évoquée par la Défense, n'est pas

 11   présente ici.

 12   Bien. Maintenant, je vais passer à la question de l'incarcération dans un

 13   pays étranger. La Défense cite cet élément comme étant une circonstance

 14   atténuante. La Défense affirme que purger sa peine dans un pays étranger

 15   constitue une vicissitude particulière qui doit justifier une réduction de

 16   la peine pour deux raisons : premièrement, l'accusé ne parle pas la langue

 17   du pays concerné, du pays où il est incarcéré et, deuxièmement, l'accusé ne

 18   pourrait pas recevoir la visite de ses amis ou des membres de sa famille.

 19   Nous avons remarqué que la seule source qui est citée à l'appui de cet

 20   argument est une affaire jugée en Allemagne, où l'on peut lire que les

 21   difficultés linguistiques, c'est le principal argument évoqué ici. Les

 22   difficultés linguistiques n'ont qu'une signification réduite en cas de

 23   longues peines prononcées ou anticipées. Et c'est notre cas ici.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur Tieger.

 25   J'essaie de suivre votre logique. Vous faites référence, j'imagine, à la


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  1   pièce, au cas qui est cité à la note de bas de page 66.

  2   La Défense donne la référence BGH. Cela signifie code pénal. La note 23

  3   fait référence aux coûts de la Défense alors, qu'à la page 234 ou 233,

  4   c'est une autre note de bas de page. Faites-vous référence ? 

  5   M. WACHENHEIM : [interprétation] Est-ce que vous parlez de l'impact de

  6   l'incarcération dans un pays étranger ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  8   M. WACHENHEIM : [interprétation] Est-ce que je peux vérifier parce qu'il y

  9   a peut-être une erreur ? J'ai le commentaire juridique ici avec moi.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vérifions d'abord cela. Vérifions

 11   que nous parlons tous de la même chose parce que la référence n'est pas

 12   très claire.

 13   M. WACHENHEIM : [interprétation] Excusez-moi, je continue à chercher.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   Monsieur Tieger, peut-être vous pouvez poursuivre et nous allons supposer

 16   que vous faites référence au numéro 43, et non pas 35, mais il faut éviter

 17   de faire ce genre d'erreurs. Ça va nous faciliter la tâche.

 18   Veuillez poursuivre.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 20   Donc nous souhaitons dire surtout que, s'agissant d'une incarcération de

 21   longue durée, le problème de la langue se résout relativement rapidement et

 22   a peu d'impact par la suite d'après l'affaire citée par la Défense.

 23   Et puis nous avons également noté la chose suivante, à savoir que l'affaire

 24   citée par la Défense affirme explicitement que l'incarcération dans un pays

 25   étranger ne suffit pas, en soit, pour montrer que la situation est très


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  1   difficile pour la personne ou que le détenu souffre. Au contraire, la

  2   pratique judiciaire allemande se trouve sur les circonstances individuelles

  3   de l'accusé. Donc, s'il n'est pas possible de démontrer des difficultés

  4   particulières liées à l'incarcération dans un pays étranger, il n'est pas

  5   possible de demander l'atténuation de la peine sur la base de cela. Le

  6   Procureur souhaite souligner que les pays, qui ont accepté de recevoir les

  7   accusés issus de ce Tribunal, sont les pays parmi les plus progressifs du

  8   monde. Donc je pense qu'il s'agit là plutôt de circonstances qui sont

  9   positives et qui offrent quelque chose de bien pour l'accusé plutôt que des

 10   difficultés. Donc nous considérons qu'il n'est pas possible de citer cela

 11   en tant qu'élément atténuant. Et, pour terminer, nous souhaitons souligner

 12   également que chacun des accusés devant cette institution aura purgé sa

 13   peine dans un pays étranger, et cet élément est déjà contenu dans la

 14   pratique de la détermination de la peine de ce Tribunal.

 15   Monsieur le Président, avant de passer au sujet suivant, je souhaite vous

 16   demander si le moment est bon pour procéder à une pause.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'hésitais de vous demander cela

 18   parce que je vous ai interrompu plusieurs fois, mais je souhaite savoir de

 19   combien de temps vous aurez besoin, Monsieur Tieger.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je pense encore 15 à 20 minutes.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, 15 à 20 minutes. Dans ce cas-là, je

 22   pense que nous n'aurons pas suffisamment de cassettes et puis les

 23   interprètes, je pense, sont fatiguées également. Donc, si le moment est

 24   bon, nous pouvons terminer, mais essayez de voir si vous pouvez le faire

 25   d'ici cinq minutes.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] C'est bon maintenant.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, nous allons faire une pause,

  3   mais je pense que nous pourrions reprendre à 17 heures 50 parce que nous

  4   souhaitons terminer à 19 heures.

  5   --- L'audience est suspendue à 17 heures 34.

  6   --- L'audience est reprise à 17 heures 52.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, veuillez poursuivre et

  8   j'espère que vous aurez terminé avant 18 heures 5.

  9   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui. Le Procureur a dit que son mémoire

 10   préalable au procès que le fait d'être policier est un circonstance

 11   aggravante et la Défense considère qu'il s'agit là d'une circonstance

 12   atténuante conformément au jugement Kvocka, mais nous avons relu le

 13   jugement, encore une fois, et nous tenons compte de la position de la

 14   Défense, mais nous considérons qu'il s'agit là de deux cas de figures

 15   différentes dans l'affaire Kvocka. La Chambre se penchait sur la situation

 16   de trois accusés et sur leurs circonstances aggravantes puisqu'ils étaient

 17   garde dans l'institution en question. Mais nous souhaitons souligner les

 18   pouvoirs et les responsabilités qui sont plus importantes lorsque quelqu'un

 19   détient la position du policier et nous souhaitons attirer l'attention de

 20   la Chambre aux instructions des Etats-Unis et la pratique judiciaire des

 21   Etats-Unis dans ce sens.

 22   En ce qui concerne les victimes vulnérables, il s'agit selon le Procureur,

 23   encore une fois, d'une circonstance aggravante du point de vue de la

 24   Défense, si nous avons bien compris son point de vue, l'affaire Plavsic ne

 25   doit pas être pris en considération comme élément indépendant, mais que


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  1   ceci faisait partie de la gravité total du crime. Mais il faut savoir que

  2   la Chambre, qui a prononcé la peine Plavsic, a explicitement parlé de la

  3   vulnérabilité des victimes et a dit qu'il s'agit là d'une circonstance

  4   aggravante. Dans certains systèmes, lors de la détermination de la peine,

  5   lorsqu'il est possible d'attribuer une valeur contestative [sic] à une

  6   circonstance aggravante, il est important de savoir quel serait le niveau

  7   de telles et telles circonstances aggravantes. Mais, dans un système tel

  8   que le nôtre, où la question est plutôt de savoir si la Cour devrait

  9   considéré qu'il s'agit là d'une circonstance importante, je pense que, peu

 10   importe, s'il s'agit là d'une circonstance indépendante ou bien de quelque

 11   qui fait partie de la gravité totale du crime, ce qui est important, c'est

 12   que la Cour établisse qu'il s'agit, effectivement, d'une circonstance

 13   aggravante ou pas.

 14   Je vais parler brièvement de la conduite et du comportement de l'accusé

 15   lorsqu'il est en détention et de sa coopération avec le Tribunal. Nous

 16   avons reconnu le fait que ceci était déjà mentionné dans plusieurs autres

 17   affaires. Mais selon nous, il ne s'agit pas là des facteurs qui devraient

 18   être compris comme des éléments atténuants.

 19   Premièrement, les personnes accusées ont toujours le bénéfice de leur

 20   comportement approprié lorsqu'ils sont en détention. Et ils reçoivent des

 21   privilèges appropriés et, en ce qui concerne la coopération avec le

 22   Tribunal, nous considérons que nous, en tant qu'employé de ce Tribunal,

 23   nous avons l'obligation d'établir une telle coopération. Nous avons parlé

 24   avec la Défense du moment du plaidoyer de culpabilité. Nous avons eu

 25   plusieurs discussions allant dans ce sens. Je pense que la Défense ne


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  1   devrait pas être lésée en fonction du moment du plaidoyer de culpabilité.

  2   Donc je ne sais pas quel doit être le poids de cela, mais, de toute façon,

  3   je pense que ceci ne devrait pas se retourner contre eux, mais ne doit pas

  4   être pris comme une circonstance atténuante non plus. Et nos discussions à

  5   ce sujet n'ont pas abouti et je pense que ce qui est important c'est que

  6   l'accord de plaidoyer de culpabilité contenait plus d'éléments que le

  7   langage de l'acte d'accusation, lui-même.

  8   Ensuite, nous avons eu des discussions sur un autre point, c'est-à-dire, la

  9   contrainte. Je pense qu'il faut faire une distinction entre la contrainte

 10   et le fait de suivre les ordres de notre système judiciaire. La contrainte

 11   implique que la vie de l'accusé serait mise directement en danger s'il

 12   refuse de commettre un crime. Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord avec la

 13   position de la Défense et l'interprétation de la Défense de la contrainte.

 14   Et nous souhaitons attirer l'attention du Tribunal à la pratique judiciaire

 15   de ce Tribunal dans l'affaire Erdemovic où Erdemovic dit qu'il a refusé de

 16   suivre les ordres, et ensuite on lui a dit explicitement qu'à moins de le

 17   faire, il allait être tué. Or, dans le scénario de l'affaire présente, ceci

 18   n'était pas le cadre, donc parlez de la contrainte et des risques inhérents

 19   qui relèvent de la spéculation et devraient être évalués dans le cadre de

 20   ce que l'accusé a dit au sujet de sa demande de quitter le peloton

 21   d'intervention suite aux événements à Koricanske Stijene.

 22   Mais quand à la "contrainte" et quand à la question de "suivre les ordres",

 23   nous attirons l'attention du Tribunal à l'Article 7(4) du statut du

 24   Tribunal. Le procureur reconnaît que l'accusé exécutait les ordres. Nous

 25   souhaitons souligner également que le fait même de recevoir un ordre ne


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  1   réduit pas nécessairement la culpabilité de l'accusé pour un crime commis.

  2   Peut-être, à un moment, un supérieur peut donner l'ordre à un subordonné

  3   et, lorsque le subordonné exécute l'ordre, il est totalement d'accord avec

  4   le supérieur et donc il fait ce avec quoi il est d'accord. Ici, nous

  5   reconnaissons que l'accusé avait de bons rapports avec ses voisins

  6   musulmans avant le conflit et, surtout que son engagement dans le cadre du

  7   peloton d'intervention et des crimes concernant lesquels il a plaidé

  8   coupable, reflètent le fait qu'il a accepté l'autorité des leaders bosniens

  9   serbes et les objectifs qu'ils avaient proclamé. En ce qui concerne

 10   l'impact atténuant de cela, donc, en vertu de l'Article 7(4), nous pensons

 11   qu'il faut faire une distinction entre les leaders et les personnes qui

 12   sont utilisées comme leurs instruments afin d'atteindre leurs objectifs

 13   illégaux.

 14   Ensuite, s'agissant de l'expertise du psychiatre, je ne souhaite pas

 15   contester l'exercice du Dr Gallwitz, mais je pense que son rapport est

 16   superficiel et ne reflète pas une compréhension des circonstances de ce

 17   conflit ou du crime commis. Et je souhaite simplement ajouter que le

 18   rapport se focalise sur une distinction entre une situation platonique et

 19   idéale, qui est tout à fait différente à plusieurs secteurs -- à plusieurs

 20   influences importantes, y compris l'âge, l'endoctrinement, la brutalité de

 21   la guerre, et cetera. Donc nous considérons qu'il s'agit là simplement

 22   d'une litanie des circonstances liées à toute guerre.

 23   Pour terminer, je souhaite mentionner deux autres éléments importants, à

 24   savoir, l'application de la loi, de la législation de la Bosnie-

 25   Herzégovine. Il est suggéré que deux types de peine existaient en Bosnie-


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  1   Herzégovine en 1992 pour ce genre de crimes, soit une peine maximum de 15

  2   ans, soit de 20 ans pour les crimes qui entraîneraient auparavant la peine

  3   de mort. Et la Défense considère que, puisque par la suite la peine de mort

  4   a été abolie, il faut considérer que la peine de 20 ans ne peut plus

  5   s'appliquer non plus et qu'il faudrait opter pour une peine de 15 ans.

  6   Nous considérons que ceci reflète visiblement une anomalie dans

  7   l'application de la législation parce que la Cour peut très bien imposer

  8   une peine de 20 ans et il serait étrange de savoir que le fait d'abolir la

  9   peine de mort aurait pour but implicite de rendre impossible d'imposer

 10   l'équivalent de cette peine qui est celui de 20 ans de prison. La Défense

 11   cite l'Article 38, mais ne cite pas l'Article 37, qui stipule que la peine

 12   de mort ne peut pas être imposer comme seule peine pour un crime commis. Et

 13   nous considérons que l'Article 37 reflète l'esprit de la loi, à savoir

 14   qu'il s'agit des peines dont le but est de permettre à la Cour d'imposer

 15   soit une peine de 20 ans, soit une peine de mort. Et puisque la peine de

 16   mort a été abolie, je pense que ce qui est implicite c'est que, pour le

 17   même crime, la Cour ne peut imposer que la peine de 20 ans.

 18   Je pense que, maintenant, que je dois parler des éléments principaux dans

 19   la détermination du prononcé de la peine, à savoir, éléments liés également

 20   au plaidoyer de culpabilité et de la coopération avec le Tribunal. Nous

 21   souhaitons insister sur le fait que c'est la gravité du crime qui doit être

 22   l'élément pris en compte par la Cour. Premièrement, nous allons parler de

 23   cela dans le mémoire de clôture et nous considérons que la Cour -- le

 24   Tribunal devrait prendre en compte comme cela a été fait dans l'affaire

 25   Krstic, le nombre -- le grand nombre de victimes sur le plan quantitatif et


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  1   sur le plan qualitatif, la souffrance infligée aux victimes, s'agissant de

  2   la gravité du crime peut être le meilleur exemple de cela.

  3   Et l'impossibilité de savoir tous les détails liés à la gravité du crime,

  4   donc c'est une tâche impossible qui se trouve devant nous, ce qui reflète

  5   l'énormité de ce crime. Mais nous faisons ces efforts malgré tout et, comme

  6   nous avons écrit dans notre mémoire de clôture, nous considérons que la

  7   Chambre de première instance doit prendre en considération le désarroi des

  8   familles qui ont perdu leurs membres et la terreur et l'agonie de ceux qui

  9   ont péril et, également, de ceux qui n'ont pas péril immédiatement, mais

 10   qui sont morts lentement en raison de leurs blessures.

 11   Ensuite, je souhaite parler du plaidoyer de culpabilité de l'accusé et de

 12   sa coopération, mais je ne peux pas ajouter de nouveaux détails à ce que

 13   j'ai déjà dit, mais je dois faire une remarque, à savoir qu'il s'agit là

 14   d'un élément important et que l'accusé a fourni une coopération extensive

 15   et importante et que ceci devait être -- prendre de manière importante

 16   également. Donc nous allons essayer d'évaluer tous les éléments et de

 17   trouver un équilibre entre tous les éléments qui sont pertinents dans le

 18   théâtre du prononcé de la sentence. Et nous reconnaissons absolument le

 19   fait qu'il n'y a pas de peine qui peut satisfaire toujours toutes les

 20   considérations qui s'appliquent à une affaire. D'un coté même la peine

 21   maximale ne peut pas constituer une récompense totale pour la gravité du

 22   crime. D'autre part, à moins que cette institution ne puisse employer ses

 23   ressources de la manière la plus efficace, ceci aggravera le cas de bien

 24   d'autres victimes et, lorsque je parle de l'emploi efficace des ressources,

 25   je parle également du fait d'assurer la coopération des témoins bien


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  1   formés.

  2   Je souhaite également parler de quelque chose dont il a été question dans

  3   un article de journal récemment, c'est-à-dire, des informations importantes

  4   que l'on peut obtenir de la part des auteurs de crimes et des témoins bien

  5   formés. Ceci est important pour la recherche, de la communauté

  6   internationale, de la vérité.

  7   Le Procureur a pris en compte ce plaidoyer de culpabilité de l'accusé, le

  8   fait qu'il a accepté sa responsabilité. Il s'agit d'ici, cependant, d'un

  9   crime qui a été commis suite aux ordres donnés par les autorités, et cet

 10   élément est très important dans la compréhension du conflit qui a eu lieu

 11   dans la région.

 12   Je pense que, dans un pays où le seul espoir à l'avenir qui reste au peuple

 13   est de permettre aux gens de vivre ensemble, il est très important de

 14   reconnaître la souffrance des gens et les crimes qui ont eu lieu par le

 15   passé. Et je pense que nous pouvons dire que le fait que l'accusé à

 16   accepter sa responsabilité à coopérer avec le Procureur constitue un contre

 17   coup face à un mur de déniche qui s'est élevé auparavant. Et pour toutes

 18   ces raisons que je viens de citer, je souhaite dire que notre

 19   recommandation de la peine, que la Chambre devrait imposer, serait une

 20   peine de 15 à 20 ans.

 21   Merci beaucoup.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Tieger.

 23   Avant que je donne l'opportunité à la Défense de faire le propos de

 24   clôture, je souhaite soulever un point, c'est-à-dire, plusieurs fois vous

 25   avez mentionné l'impact des événements sur les familles. Dans ce Tribunal -


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  1   - dans la pratique judiciaire de ce Tribunal dans une autre affaire, il a

  2   été constaté que la souffrance et l'impact sur la famille restent

  3   pertinents, mais il ne serait pas juste de les prendre en considération au

  4   moment de la détermination de la peine. Est-ce que vous avez pensé à cet

  5   aspect des choses ou, bien, est-ce que vous souhaitez y penser maintenant,

  6   et ensuite vous exprimez après la Défense ?

  7   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, merci de me donner

  8   l'opportunité de parler de cela. Je dois dire que je n'avais pas toutes les

  9   informations disponibles au sujet de cela, et je pense qu'il s'agit là

 10   d'une question très importante, qu'il faut fournir une réponse à la

 11   Chambre. Je demande votre permission de répondre après avoir fait certaines

 12   recherches concernant le précédent existant dans le cadre de l'affaire

 13   Krnojelac.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait. Vous ne

 15   vous attendiez pas à ma question, donc vous pourrez très bien au moins

 16   réfléchir à cela d'abord.

 17   Monsieur Dimitrijevic, est-ce que c'est vous ou est-ce que c'est votre

 18   collègue qui va prendre la parole au nom de la Défense ?

 19   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui, je vous remercie Monsieur le

 20   Président.

 21   Avant de poursuivre et de m'exprimer, vous m'avez posé une question au

 22   sujet des documents qui y figurent à l'annexe de notre mémoire préalable à

 23   la détermination de la peine --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] J'ai vérifié cela. Je ne sais pas


Page 171

  1   pourquoi, mais la page 786 figure dans la version anglaise sous le numéro

  2   789. Je n'ai pas retrouvé la page 785 puisque nous n'avons pas procédé à la

  3   pagination, c'est tout.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  5   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

  7   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, éminents collègues

  8   du bureau du Procureur, ce Tribunal a été créé en 1993 en pleine guerre,

  9   qui a sévi en Bosnie-Herzégovine en tant qu'une réponse donnée par la

 10   communauté internationale aux violations massives du droit international

 11   humanitaire dans l'ex-Yougoslavie, en particulier en Bosnie-Herzégovine.

 12   L'objectif principal qui a présidée à la création de ce Tribunal --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Demande au Maître de ralentir et, en

 14   même temps, on pourrait peut-être vérifier les numéros.

 15   Donc le 789 et 785 dans mon dossier, je voudrais vous présenter cela. On

 16   dirait que c'est le 789. Je vous prie de me les ramener plus tard.

 17   Veuillez poursuivre.

 18   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] La résolution 808 du 22 février 1993 du

 19   conseil de Sécurité des Nations Unies dit entre autres : "En exprimant

 20   encore une fois à quel point on est grièvement alarmé en prenant

 21   connaissance des rapports qui continuent sur les violations généralisées du

 22   droit international humanitaire, qui se produise sur le territoire de l'ex-

 23   Yougoslavie, y compris les rapports de meurtre massif, et de la poursuite

 24   de la pratique de la purification ethnique ou du nettoyage ethnique."

 25   L'un des événements, qui a donné lieu à cette attitude et à cette profonde


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  1   inquiétude du conseil de Sécurité et qui l'a incité à créer ce Tribunal, a

  2   été le massacre qui s'est produit au mont Vlasic en Bosnie-Herzégovine, le

  3   21 août 1992. Ce jour-là, un convoi a été organisé par des autorités de

  4   Prijedor. Pratiquement 2 000 non-Serbes ont été transportés à Travnik, une

  5   ville qui se trouvait sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

  6   loyale au gouvernement de Sarajevo; cependant, deux autocars de ce convoi,

  7   qui avaient à leur bord des hommes en age de combattre, malheureusement

  8   n'ont jamais atteint leur destination. Ils se sont retrouvés à moins de dix

  9   kilomètres de la ligne de front, qui était une ligne de séparation entre

 10   l'armée de Bosnie-Herzégovine et de l'armée de la Republika Srpska. C'est à

 11   cet endroit qu'ils ont été séparés du reste du convoi. Pendant que le

 12   convoi a poursuivi sa route jusqu'à Travnik, des membres du peloton

 13   d'intervention, dont Darko Mrdja ont emmené ces deux bus pleins d'hommes à

 14   un endroit connu sous le nom de Koricanske Stijene. C'est à cet endroit-là

 15   qu'ils les ont exécutés.

 16   Le nombre des morts ne sera probablement jamais établi avec précision. Les

 17   appréciations -- les estimations varient de 160 à 228 hommes exécutés.

 18   Toute vie humaine est unique et irremplaçable. Les vies humaines ne peuvent

 19   pas être considérées ou perçues comme de simples chiffres. C'est la raison

 20   pour laquelle, depuis le tout début, la Défense n'a pas insisté sur le fait

 21   qu'il était nécessaire d'établir avec précision le nombre de victimes

 22   assassinées puisque de notre point de vue, il n'est pas réaliste de

 23   s'attendre à ce que ceci puisse être fait. Il ne fait aucun doute et il

 24   n'est pas du tout contestable que ce massacre a eu lieu et qu'un grand

 25   nombre de personnes ont été tuées. Par miracle, 12 hommes ont survécu et


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  1   nous avons l'occasion d'en entendre l'un, Midhet Mujkanovic, lors de cette

  2   audience.

  3   Tout commentaire au sujet de sa déposition, qui a été très chargée

  4   d'émotions, serait superflu. Nous avons entendu aussi la personne qui

  5   représentait les victimes -- les familles des victimes. Elle nous a raconté

  6   toutes les souffrances de ceux qui ont perdu leurs proches. La Défense ne

  7   souhaite pas s'occuper des questions historiques, donc de ce qui s'est

  8   passé sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, là où des transformations de

  9   victimes en hauteur de crimes se sont souvent produites à travers

 10   l'histoire, à différents moments entre les guerres. Cette Chambre de

 11   première instance a eu de nombreuses occasions à travers d'autres affaires

 12   et, sur la base de ses propres recherches de se familiariser avec

 13   l'histoire non seulement en Bosnie-Herzégovine, mais aussi dans toute l'ex-

 14   Yougoslavie, la Défense souhaite attirer l'attention de cette honorable

 15   Chambre de première instance aux faits qui sont pertinents dans la

 16   détermination de la peine dans cette affaire.

 17   L'Article 24, paragraphe 2, du statut de ce Tribunal est le point de départ

 18   dans la détermination de la peine. Entre autres, il indique que la Chambre

 19   de première instance doit prendre en considération la gravité du crime,

 20   ainsi que les circonstances personnelles liées avec Darko Mrdja. Afin

 21   d'appliquer correctement les dispositions de cet article, en tant qu'une

 22   condition sine qua non, cette Chambre doit prendre en considération les

 23   circonstances personnelles de Darko Mrdja. Ceci est logique puisque,

 24   autrement, tous ceux qui ont pris part à toute forme de crimes seraient

 25   pénalement responsables pour un crime d'une même gravité. Les deux crimes,


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  1   dont Darko Mrdja est accusé, ont pour origine le même événement, à savoir,

  2   le meurtre, violation des lois aux coutumes de la guerre punissables en

  3   application à l'Article 3 du Statut, lié aux meurtres d'un grand nombre

  4   d'hommes, estimés à plus de 200 hommes, et des d'actes inhumains, crimes

  5   contre l'humanité punissables en application à l'Article 5, en relation aux

  6   12 survivants du même événement.

  7   Darko Mrdja a plaidé coupable des deux chefs et il a été informé des

  8   différences entre ces deux crimes; cependant, la Défense en arrive à la

  9   conclusion que, dans une situation où personne n'aurait survécu, Darko

 10   Mrdja n'aurait été accusé que d'un seul chef d'accusation, à savoir, le

 11   meurtre, violation des lois aux coutumes de la guerre punissables en

 12   l'application de l'Article 3 du Statut. C'est la raison pour laquelle la

 13   Défense estime qu'un crime contre l'humanité, punissable en l'application à

 14   l'Article 5 du Statut, tentative de meurtre, même s'il est grave, en

 15   l'espèce, il n'importe pas un poids supplémentaire. Ceci ne signifie

 16   nullement que Darko Mrdja, ou sa Défense, conteste d'une manière quelle

 17   qu'elle soit l'existence des conditions nécessaires à l'application de

 18   l'Article 5 du Statut.

 19   La Défense se félicite de l'attitude du bureau du Procureur, formulée au

 20   paragraphe 16 de leurs mémoires, à savoir que Darko Mrdja n'était pas le

 21   concepteur -- l'architecte de ce massacre, mais qu'il n'a été que l'un de

 22   ceux qui ont mis en œuvre les ordres de ses supérieurs, et ceci est

 23   conforme à l'exposé des faits de l'accord de plaidoyer. Si l'on ne prend

 24   pas en compte ces circonstances personnelles, alors ceux qui ont planifié

 25   et ordonné les crimes, seraient punis de la même manière que ceux qui n'ont


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  1   fait qu'exécuter des ordres. En aucune manière, ne remettons-nous en

  2   question la responsabilité pénale de ceux qui ont perpétré ce crime. Cette

  3   responsabilité pénale s'étende également à Darko Mrdja et il a plaidé

  4   coupable devant ce Tribunal; cependant, nous souhaitons attirer l'attention

  5   de la Chambre sur le rôle que Darko Mrdja a joué dans cet événement.

  6   Nous estimons qu'il est nécessaire d'y mettre l'accent puisque, pour autant

  7   que nous le sachions, il n'y a pas de procédure en cours devant ce

  8   Tribunal, ni devant un Tribunal nationale, à l'encontre des co-auteurs ou à

  9   l'encontre de ses supérieurs directs. Dans d'autres affaires devant ce

 10   Tribunal, le massacre de Koricanske Stijene a été mentionné, mais il s'est

 11   perdu dans la masse des autres affaires. Compte tenu de cela, les peurs de

 12   Darko Mrdja ne devraient être perdues de vue. La Défense estime qu'il

 13   s'agit de peurs justifiées et elle indique que, sur le site Web de ce

 14   Tribunal, son affaire porte le nom "le Mont Vlasic", et ce titre n'est que

 15   partiellement exact. La procédure pénale à l'encontre de Darko Mrdja, est

 16   très vraisemblablement seulement une partie de la procédure qui portera sur

 17   le massacre du Mont Vlasic. La Défense et Darko Mrdja ne souhaitent pas

 18   minimiser sa responsabilité pénale puisqu'il a été l'un des auteurs. Sans

 19   sa participation et sans la participation des autres membres du peloton

 20   d'intervention, il n'y aurait pas d'exécution d'ordres illégaux; cependant,

 21   la Défense insiste sur les circonstances personnelles, en estimant qu'elles

 22   jouent dans la gravité du crime, puisque, sans cela, il n'y aurait pas

 23   d'individualisation de la culpabilité, et nous serions entrés dans le

 24   domaine de la responsabilité pénale objective.

 25   Et, à ce point, je souhaite attirer l'attention à une erreur dans le


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  1   mémoire du Procureur. En paragraphe 7, de ce mémoire, le bureau du

  2   Procureur cite la sentence dans l'affaire Krstic, paragraphe 698, où il est

  3   dit : "La gravité du crime doit poser sérieusement lorsqu'on détermine la

  4   peine, indépendamment de la participation criminelle de l'individu."

  5   Cependant, le texte de ce même paragraphe, que la Défense a entre ses

  6   mains, dit : "La gravité du crime doit poser lourdement lorsqu'on détermine

  7   la peine, indépendamment de la forme de la participation qui venait de

  8   l'individu." Donc le bureau du Procureur a omis ces termes, la forme. Nous

  9   n'estimons pas qu'il s'agisse là d'une erreur intentionnelle, mais il est

 10   de notre responsabilité -- de notre devoir d'attirer l'attention là-dessus

 11   puisque cela donne à ces phrases un sens tout à fait différent.

 12   Dans un premier cas, la Défense estime que les crimes, qui sont reprochés à

 13   Darko Mrdja, constituent des infractions graves du droit humanitaire

 14   international. Autrement, il n'y aurait pas de juridiction de la part de ce

 15   Tribunal; cependant, lorsqu'on évalue la gravité de ces crimes, on ne peut

 16   pas s'appuyer seulement sur le nombre de victimes, mais aussi sur les

 17   circonstances personnelles de Darko Mrdja.

 18   Dans son mémoire, la Défense estime qu'il n'y a pas de circonstances

 19   aggravantes dans cette affaire. Après avoir entendu les arguments avancés

 20   par le bureau du Procureur dans son mémoire, nous maintenons cette même

 21   position, à savoir qu'il n'y a pas de circonstances aggravantes. Le bureau

 22   du Procureur estime que la vulnérabilité des victimes est un facteur

 23   aggravant, donc que l'on reproche à Darko Mrdja. Avec tous nos respects, la

 24   Défense n'est pas d'accord avec cela. A la fois, les deux crimes, dont

 25   lesquels Darko Mrdja a plaidé coupable, contiennent des éléments qui


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  1   définissent le statut des victimes, en tant qu'après des crimes, donc, dans

  2   toutes les législations nationales, nous pouvons imaginer différents degrés

  3   de vulnérabilité des victimes. Et quelques-unes parlent de forme qualifiée

  4   de meurtre, pour autant qu'il s'agisse des crimes qui tombent sur la

  5   juridiction de ce Tribunal. Puisqu'il s'agit du droit international

  6   humanitaire, il s'agit nécessairement de victimes vulnérables, et il nous

  7   semble que, dans ce sens-là, le bureau du Procureur ne peut pas faire

  8   valoir ses arguments. Et ceci concerne, notamment, ses arguments lorsque le

  9   Procureur affirme que les victimes étaient sans armes alors que les auteurs

 10   du crime étaient lourdement armés. A contrario, la question que nous allons

 11   poser est de savoir, si ces crimes auraient pu être commis contre quelqu'un

 12   qui aurait été armé. Donc, dont les droits aussi, auraient été respectés et

 13   qui auraient été protégés par l'état.

 14   Réellement, cette position a été prise par la Chambre de première instance

 15   dans l'affaire Aleksovski mais avec tout leur respect, nous estimons que

 16   les arguments à l'appui étaient faibles. Il est dit que les législations

 17   nationales ont en vue les situations où des personnes handicapées sont les

 18   victimes. La Défense estime, qu'il s'agit du droit pénal classique. Nous en

 19   avons parlé déjà lorsque nous nous sommes référés aux formes qualifiées de

 20   meurtres.

 21   D'autre part, des crimes qui tombent sous la juridiction de ce Tribunal

 22   sont perçu en soit, qualifié la vulnérabilité des victimes et sous entendu

 23   lorsqu'il y a qualification de la gravité de ces crimes. Et nous le voyons

 24   dans l'affaire Biljana Plavsic, lorsque dans le paragraphe 58, la Chambre

 25   de première instance dans son jugement du 23 février 2003, refuse de


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  1   prendre en considération la vulnérabilité des victimes en tant que

  2   circonstances aggravantes. Et la même position est prise par la Chambre de

  3   première instance dans le jugement à l'encontre de Drazen Erdemovic puisque

  4   la vulnérabilité des victimes n'a pas été prise en considération comme

  5   facteurs aggravants.

  6   Un deuxième facteur aggravant mentionné par le Procureur, dans son mémoire,

  7   est la soit disante position d'autorité, de supérieurs de Darko Mrdja. La

  8   Défense considère que mettre cela en parallèle avec l'affaire Kvocka et

  9   autre, n'est pas adéquat. A l'opposé, il est possible d'en arriver à la

 10   conclusion.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous prie de ralentir. Les

 12   interprètes ont du mal à vous suivre.

 13   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Darko Mrdja a été mobilisé en tant que

 14   policier et n'a pratiquement eu aucun entraînement en tant que policier à

 15   la différence de Kvocka, Prcac et Radic, il ne s'agissait pas d'un policier

 16   professionnel. En revanche, la situation de Darko Mrdja était plutôt celle

 17   de Kos qui a été un policier de réserve et dont les circonstances

 18   personnelle n'ont pas été prises en compte comme facteur aggravant.

 19   Paragraphe 732, dans l'affaire Kvocka et autre.

 20   Donc en conclusion, la Défense estime que le Procureur a omis ou n'a pas

 21   réussi à prouver au-delà de tout doute raisonnable, l'existence de

 22   circonstances aggravantes.

 23   Voyons à présent, les éléments atténuants. Nous en avons parlé longtemps

 24   dans notre mémoire au préalable de la détermination de la peine et nous

 25   n'allons que souligner les points les plus importants.


Page 179

  1   En plaidant coupable, avant le début du procès et bien, Darko Mrdja a

  2   présenté le plus important des facteurs atténuants dans ces affaires.

  3   Immédiatement après l'arrestation de Darko Mrdja, la Défense a essayé de

  4   négocier un accord de plaidoyer. Darko Mrdja était prêt à faire de même,

  5   même si les conditions n'ont pas été réunies que plus tard. L'exposé des

  6   faits dans l'acte d'accusation initiale prétendait, qu'il a été au

  7   commandement du peloton d'intervention lorsqu'il y a eu commission de

  8   massacres par ce peloton au mont Vlasic le 21 août 1992. Par ailleurs, dans

  9   cet acte d'accusation, il a été dit que c'est lui qui a ordonné la

 10   séparation, la mise à part des civils, leurs exécutions et que c'est lui

 11   qui a dit :

 12   "C'est ici que nous allons procéder à l'échange vivant pour vivant et mort.

 13   Vous le savez." Après l'accord sur l'exposé des faits, mon collègue Tieger

 14   en a parlé aujourd'hui, était la raison pour laquelle la Défense n'est pas

 15   d'accord avec ce qu'a dit, aujourd'hui, mon collègue Tieger. Puisque si

 16   nous procédons à une comparaison entre l'exposé des faits dans l'accord de

 17   plaidoyer et quelque chose qui constitue l'exposé des faits de l'acte

 18   d'accusation, et bien, l'on peut voir à quel point c'est disparate et

 19   pourquoi Darko Mrdja n'a pas pu accepter un plaidoyer de culpabilité aux

 20   termes de cet acte d'accusation.

 21   Et citant la sentence à son paragraphe 21 du jugement dans l'affaire

 22   Erdemovic.

 23   "Découvrir la vérité et la pièce angulaire de la loi est un pas fondamental

 24   vers la réconciliation : Puisque c'est la vérité qui mettra fin à des

 25   haines ethniques et religieuses et qui amorcera un processus de guérison.


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  1   Le Tribunal international doit prouver que  ceux qui ont l'honnêteté

  2   d'avouer doive recevoir un traitement correct et avoir droit à une

  3   protection de leurs droits fondamentaux."

  4   Je tiens à remercier M. Tieger et M. Resch d'avoir déployé des efforts

  5   extraordinaires afin que la vérité se fasse dans cette affaire. En dépit du

  6   fait, qu'il ne fallait pas prouver sa cause, le bureau du Procureur n'a pas

  7   eu une tâche difficile et la Défense a eu une tâche très difficile puisque

  8   tous les témoins potentiels s'agissant du rôle qui a été joué par Darko

  9   Mrdja, sont eux-mêmes, exposés à une procédure criminelle.

 10   Mais les deux parties ont souhaité trouver la vérité par conséquent, ce

 11   plaidoyer de culpabilité devant ce Tribunal, a un impact beaucoup plus

 12   important dans le pays où je vis, à savoir, en Bosnie-Herzégovine, en

 13   Republika Srpska. Darko Mrdja, dans cette affaire, a reconnu sa

 14   responsabilité de son plein gré.

 15   La Défense a présenté la situation personnelle de l'accusé comme une

 16   circonstance atténuante. Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est

 17   donnée pour attirer l'attention de la Chambre de première instance sur les

 18   éléments de preuve que nous lui avons soumis. Je souhaite insister sur le

 19   fait que Darko Mrdja est un homme qui a une famille, qui a deux enfants et

 20   dont l'un, son fils Nikola, est malade. Avant d'être arrêté, il travaillait

 21   pour faire vivre sa famille. Il avait de bonnes relations avec ses voisins,

 22   quelque soit leur appartenance ethnique. S'il n'y avait pas eu de guerre,

 23   Darko Mrdja ne serait jamais, sans doute, entré en conflit avec la loi. La

 24   famille de Darko Mrdja, depuis son arrestation, connaît une situation très

 25   difficile. Il n'est pas en mesure de lui apporter une aide, quelle soit


Page 181

  1   économique et surtout émotionnelle.

  2   La Défense souhaite insister, encore une fois, sur le fait que Darko Mrdja

  3   avait un casier judiciaire vierge. Il n'y a aucune procédure en cours

  4   contre lui devant aucun tribunal, que ce soit avant ou après les événements

  5   de Koricanske Stijene. Nous souhaitons attirer votre attention sur la

  6   déclaration de Ostoja Barasin, chef d'état major et ensuite commandant de

  7   la 5e Brigade de Kozara, où Darko Mrdja était policier militaire après les

  8   événements de Koricanske Stijene, et pour tout le reste de la guerre. Dans

  9   ses fonctions, Darko Mrdja avait l'autorité d'appliquer une force

 10   conséquente et il n'a jamais abusé de cette position. Après la guerre,

 11   Darko Mrdja s'est toujours comporté en respectant la loi. Et à partir du

 12   moment où les crimes ont été commis, jusqu'au moment où il a été arrêté,

 13   quelque 10 ans se sont écoulés. Pendant toute cette période, Darko Mrdja

 14   n'a jamais été en infraction de la loi. Et ce comportement a continué après

 15   son arrestation. On le voit dans le rapport du quartier pénitentiaire des

 16   Nations Unies.

 17   Tout ceci nous montre, que les événements de Koricanske Stijene

 18   représentent un épisode tragique et non pas quelque chose de continu dans

 19   la vie de Darko Mrdja. Il a donc droit à une nouvelle chance. Il a le droit

 20   de pouvoir se réinsérer.

 21   Darko Mrdja, aujourd'hui, a fait une déclaration. On a pu y entendre ses

 22   remords sincères pour ce qu'il a fait. Cependant, en dehors de cette

 23   déclaration, son comportement après le crime montre également qu'elle était

 24   son attitude vis-à-vis de ce crime. Tout de suite après les événements, il

 25   a exprimé le désir d'être transféré à une autre unité militaire. J'ai des


Page 182

  1   explications à vous donner à ce sujet. A l'époque, il n'existait pas de

  2   requêtes officielles pour ce type de transfert, si bien que la Défense ne

  3   peut vous présenter de documents attestant du fait que ce transfert a eu

  4   lieu. D'autre part sa sœur, Dragana Mrdja, a fait une déclaration dans

  5   laquelle, on peut également voir que tout de suite après l'événement de

  6   Koricanske Stijene, il a été transféré et que son comportement a changé.

  7   En dépit des critiques portées au témoin expert Adolf Gallwitz, critiques

  8   qui n'ont aucun rapport à son autorité, ni à ses connaissances, je pense

  9   cependant que nous devons tenir compte de son rapport. Et dans ce rapport,

 10   on peut lire, je cite :

 11   "En conclusion, nous devons dire qu'au moment des événements Darko Mrdja a

 12   agit dans un état où le contrôle qu'il exerçait sur lui-même était diminué,

 13   étant donné la situation de stress dans laquelle il se trouvait, une

 14   réaction émotionnelle normale, vu son âge, son endoctrinement, la brutalité

 15   constante, l'influence du groupe, l'obéissance, ceci limitant sa capacité à

 16   penser de manière indépendante."

 17   Il faut tenir compte de cette conclusion pour évaluer le comportement de

 18   Darko Mrdja. Et prenant compte également le comportement de Darko Mrdja

 19   avant l'incident lui-même et les autres membres de l'équipe d'intervention

 20   avaient déjà escorté des semblables convois de non-Serbes et sans qu'il n'y

 21   ait aucun incident. Donc il a commis un crime, quand il a exécuté des

 22   ordres qui lui ont été donnés et il craignait les conséquences qui auraient

 23   été celles du refus d'obéir à un ordre, d'autant plus que ces événements se

 24   déroulaient pendant la guerre. Il s'agissait d'ordres qui étaient illégaux

 25   et Darko Mrdja le savait. Cependant, dans les circonstances de cette


Page 183

  1   affaire, Darko Mrdja avait des raisons de penser, qu'il serait tué s'il

  2   n'obéissait pas à cet ordre.

  3   Donc la Défense affirme que dans cette affaire, il y avait effectivement

  4   contrainte, que c'est une circonstance atténuante aux termes de l'article

  5   7(40) du statut. Et même si la Chambre de première instance ne partage pas

  6   cette opinion, la Défense affirme que ces circonstances doivent également

  7   être prises en compte, au vu de la situation personnelle de l'accusé,

  8   conformément à l'Article 24(2) du statut.

  9   S'agissant de l'âge, je vais être très bref parce que si j'ai bien compris,

 10   le bureau du Procureur a retiré son argument au sujet de la circonstance

 11   atténuante. On a mélangé à la fois l'âge des victimes et l'âge de l'auteur

 12   du crime. C'est, deux choses différentes. Nous n'avons jamais dit que l'âge

 13   de Darko Mrdja pouvait être considéré comme une circonstance atténuante

 14   distincte. Ça ne signifie pas qu'elle puisse être considéré comme

 15   différente de sa situation personnelle. Je ne vais pas donc parler de l'âge

 16   des victimes, je ne pense pas non plus qu'il s'agisse d'une circonstance

 17   aggravante, si je comprends bien les arguments de l'Accusation.

 18   Dans le cas de la détermination de la peine, en plus de la gravité du crime

 19   et des circonstances aggravantes ou atténuantes, la Chambre doit considérer

 20   l'objectif de la sanction et la jurisprudence des tribunaux de l'ex-

 21   Yougoslavie. La Défense avance que dans l'intérêt de la justice, il faut

 22   également tenir compte de la jurisprudence non négligeable du Tribunal.

 23   S'agissant du châtiment, l'un des objectifs de la sanction, on a déjà

 24   beaucoup dit à ce sujet. La Défense convient que la simple vengeance ne

 25   peut pas être considérée comme faisant partie de l'objectif de cette


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  1   sanction. C'est l'histoire de la civilisation humaine. Les éléments de

  2   preuve à l'appui de cet argument nous montrent, qu'elles sont les

  3   statistiques de la criminalité dans les pays où la peine de mort a été

  4   abolie par rapport à celle où elle existe toujours. Cependant, nous

  5   acceptons, qu'il convient de trouver une sanction qui soit à la mesure du

  6   crime.

  7   S'agissant de la dissuasion, il convient de faire preuve de prudence. Il

  8   est indéniable qu'une sanction adéquate fait comprendre à tous criminels

  9   potentiels que son comportement est inacceptable.

 10   Cependant, à ce sujet, il y a un facteur qui est encore beaucoup plus

 11   important, c'est celui du fait de trouver les personnes qui ont commis des

 12   crimes et de sanctionner les auteurs de ces crimes. On voit qu'il y a une

 13   grande différence lorsqu'il s'agit de dirigeants politiques en particulier

 14   ceux qui dirigeaient les Serbes de Bosnie-Herzégovine. Les criminels de

 15   droit commun ou ceux qui ont commis des crimes, les simples exécutants,

 16   constituent un pourcentage beaucoup moindre des personnes accusées devant

 17   ce Tribunal. Cependant il est probable que dans les années à venir, ceci va

 18   changer, peut-être pas devant ce Tribunal mais, devant la cour de Bosnie-

 19   Herzégovine. Mais même dans de telles situations, on peut s'attendre de

 20   manière réaliste à ce que beaucoup d'entre eux avaient, aient eu un rôle

 21   semblable à celui de Darko Mrdja et de Drazen Erdemovic et qu'ils ne seront

 22   pas punis. Ceci serait le mauvais signal à envoyer à tout auteurs

 23   potentiels de massacres dans l'avenir lors de conflits à l'avenir

 24   puisqu'ils en déduiraient, qu'ils peuvent comprendre que leurs

 25   comportements enfreints la loi mais qu'il est très probable qu'ils ne


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  1   seront jamais sanctionnés.

  2   C'est pourquoi la Défense estime qu'une sanction plus indulgente peu

  3   également avoir, malgré tout un effet dissuasif dans cette affaire, parce

  4   qu'elle encouragera plus de personnes à admettre leur culpabilité. Et le

  5   pourcentage de ceux qui seront effectivement sanctionnés sera supérieur à

  6   ce qu'il était précédemment. La Défense n'a pas d'information exacte au

  7   sujet du nombre de personnes qui sont concernées par ce que je viens de

  8   dire, mais nous estimons qu'à Srebrenica, si on prend que Srebrenica est

  9   l'affaire qui nous intéresse, il y a des centaines de personnes qui ont été

 10   impliquées.

 11   Nous avons déjà mentionné la pratique de prononcer des peines dans le

 12   Tribunal de l'ex-Yougoslavie même si le Tribunal de l'ex-Yougoslavie n'est

 13   pas tenu de respecter cette pratique. On voit d'après ce que je viens de

 14   dire que la grande majorité des personnes qui ont agi avec Darko Mrdja

 15   seront sans doute jugées devant la nouvelle cour qui a été établie en

 16   Bosnie-Herzégovine. La Défense estime, qu'il est inacceptable dans

 17   l'intérêt de la justice, que des personnes qui ont commis le même crime que

 18   les autres soient punies de manière complètement différente. En prenant

 19   compte que toutes ces personnes purgeront leur peine en Bosnie-Herzégovine,

 20   c'est pourquoi la Défense estime que Darko Mrdja ne doit pas être condamné

 21   à une peine différente de celle à laquelle, il serait condamné dans un

 22   Tribunal national.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps. J'ai une question à

 24   ce sujet. J'ai suivi votre argument au sujet de l'abolissement de la peine

 25   de mort et des conséquences que cela aurait. Ce qui m'a surpris un petit


Page 186

  1   peu, c'est ce que vous aviez mentionné l'article 1 du Protocole 6. Dans

  2   l'article 2, on parle des crimes passibles de la peine de mort commis en

  3   temps de guerre, ceci n'a pas été repris par l'Accusation mais je

  4   souhaiterais de vous demander de réfléchir à l'article 2 du Protocole 6,

  5   parce qu'il a trait à la question des crimes commis en temps de guerre.

  6   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui. Donc il est précisé que les crimes

  7   concernés par cet article sont des crimes uniquement commis en temps de

  8   guerre. Dans les articles que nous avons cité dans notre mémoire, on ne

  9   parle pas de crimes de guerre, donc je ne suis pas sûr que la peine

 10   capitale puisse être prononcé à cet égard.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez cité l'Article 142

 12   du code pénal de la République socialiste fédérale de la Yougoslavie ? Au

 13   paragraphe 74 de votre mémoire et c'est le  suivant :

 14   "Toute personne qui, en situation de guerre, d'occupation, et cetera

 15   ordonne une attaque contre la population civile, sera passible d'une peine

 16   minimum de cinq ans de prison ou de la peine de mort." Est-ce que ce n'est

 17   pas là un article du code pénal qui fait référence expressément à des

 18   crimes commis en temps de guerre.

 19   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais il faut

 20   qu'il y ait eu état de guerre officiellement proclamé, or ce n'était pas le

 21   cas en Bosnie-Herzégovine. Et en particulier en Republika Srpska.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on peut lire "en temps de guerre,

 23   de conflit armé ou d'occupation." On ne fait pas ici référence à une

 24   situation de guerre officiellement déclarée, de conflit armé. N'est-ce pas

 25   ?


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  1   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui, mais il faut qu'il y ait guerre ou

  2   état semblable mais qui soit proclamé officiellement. Il existe une

  3   jurisprudence dans ce sens, je peux vous la fournir. Dans le cadre de cet

  4   article, la peine de mort ne saurait être appliquée en Bosnie-Herzégovine.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais pourquoi citez-vous un article

  6   en nous disant qu'il ne peut pas être appliqué dans le cadre de votre

  7   argumentation. Moi je comprendrais que vous mentionnez cet article, si vous

  8   nous disiez qu'à l'époque plus maintenant certes, mais qu'à l'époque,

  9   c'était la loi qui s'appliquait. Or maintenant vous êtes en train de nous

 10   dire que les conditions prévues pour l'application de cet article n'étaient

 11   pas réunies. Est-ce que pour un meurtre de droit commun la peine de mort

 12   est-elle prévue ?

 13   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Non par pour meurtre. La peine était de

 14   cinq à 15 ans, mais il y avait certains types de meurtre. Par exemple,

 15   meurtre de plusieurs personnes et d'autres circonstances qui sont prévues,

 16   Article 6, paragraphe 2 du code pénal.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi avez-vous cité l'Article

 18   142 à la base de votre argument selon lequel l'abolition de la peine de

 19   mort a pour conséquence que la peine qui --la peine en question ne saurait

 20   être supérieure à 15 ans ?  Pourquoi est-ce que vous -- n'avez-vous pas

 21   fait référence à d'autres articles. En disant:

 22   "L'Article 142 ne s'appliquerait pas pour un "meurtre ordinaire" la peine

 23   est de 10 à 15 ans, et cetera."

 24   Pourquoi prendre l'Article 142 à la base de votre argument, alors que vous

 25   nous dites qu'il ne saurait s'appliquer ?         


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  1   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Il est manifeste que vous ne me

  2   comprenez pas, que nous ne nous comprenons pas. Cet article constitue un

  3   cadre juridique, suivi par les Tribunaux de Bosnie-Herzégovine. Mais moi ce

  4   que je vous discriminatoire, c'est que la convention européenne qui s'est

  5   appliquée directement en Bosnie-Herzégovine, c'est une annexe des accords

  6   de Dayton. Et par application directe de cette convention, on a aboli la

  7   peine de mort, pour cet article également. Parce que l'une, des conditions

  8   préalables pour que cet article s'applique, et que la peine de mort soit

  9   prononcée, la condition n'est pas réunie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] À ce sujet j'ai une autre question à

 11   vous poser dans le texte que vous nous avez fourni. Des accords de Dayton,

 12   il est cité que : 

 13   "Les droits et les libertés stipulés dans le pacte européen pour la

 14   protection des droits de l'homme et de liberté fondamentale, s'appliquent

 15   directement en Bosnie-Herzégovine."

 16   On parle ici de droit et de liberté. Quels sont les droits et les libertés

 17   conférés par le 6e protocole de l'Article 1 ?

 18   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] C'est que la peine de mort est abolie,

 19   si je comprends bien.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas un droit ou une

 21   liberté de dire qu'une personne ne saurait être condamnée à mort et que la

 22   peine de mort ne saurait être prononcée ou exécutée. Prenons la législation

 23   belge, qui prévoit encore la peine de mort, mais là il existe un autre

 24   article : 

 25   "Une autre loi qui fait qu'il est impossible d'appliquer la peine de mort,


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  1   il est impossible de prononcer la peine de mort."

  2   Mais cette peine de mort, elle existe dans les textes belges. Puisque la

  3   Belgique est signataire du pacte européen. Donc dans sa loi, dans sa

  4   législation, on peut trouver la peine de mort, mais elle ne s'applique

  5   jamais. Je reprends ici ce qui figure à la deuxième ligne de l'Article 1 du

  6   protocole 6, n'est-ce pas ?

  7   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me demande si nous parlons ici des

  9   droits et libertés des personnes, des devoirs des états. Le protocole 6 à

 10   cet égard sort vraiment de l'ordinaire puisque il n'impose aucune

 11   obligation aux états. Il stipule simplement qu'il y a quelque chose qui est

 12   abolie, à ce moment-là on demande, qui est abolit ? Est-ce que c'est la loi

 13   qui prévoit la peine de mort ou bien est-ce que c'est le simple fait de

 14   prononcer la  peine de mort qui est interdit, ou est-ce que c'est la peine

 15   de mort en tant que telle ?  C'est assez complexe tout cela. Surtout

 16   s'agissant de l'Article 2 du protocole 6 que vous n'abordez qu'en partie

 17   dans le cadre de votre mémoire. Je ne sais pas si vous souhaitez en dire un

 18   peu plus là-dessus. 

 19   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Non, je vais passer maintenant  à la

 20   dernière partie au sujet de la pratique de ce Tribunal. Nous ne souhaitons

 21   pas ici faire une analyse détaillée des peines prononcées par ce Tribunal.

 22   E et en premier lieu, nous ne souhaitons pas entrer dans une polémique avec

 23   nos éminents confrères du bureau du Procureur. Nous savons que la Chambre

 24   de première instance a des connaissances beaucoup plus vastes à ce sujet

 25   que nous-mêmes. Nous reconnaissons également qu'il n'existe pas des


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  1   affaires qui soient complètement identiques. Mais dans un esprit de

  2   coopération nous souhaitons assister sur les facteurs qui doivent être pris

  3   en compte pour essayer de trouver des affaires qui se rapprochent de la

  4   notre.

  5   Premièrement, gravité du crime; deuxièmement, faits incriminés semblables,

  6   meurtres de nombreuses personnes, événements qui se sont déroulés en un

  7   jour, auteur du crime qui exécutait des ordres, un certain niveau de

  8   contraintes; troisièmement, plaidoyer de culpabilité; ensuite remords,

  9   niveau de coopération avec le bureau du Procureur, situation personnelle,

 10   âge, situation familiale, enfants, casier judiciaire vierge, bonne tenue au

 11   quartier pénitentiaire des Nations Unies. Enfin nous souhaitons dire que

 12   Darko Mrdja a effectivement commis des crimes dont on l'accuse, mais Darko

 13   Mrdja a avoué, il a reconnu sa culpabilité, sa culpabilité pour cette

 14   journée, un jour dans son existence. Il a exprimé son remords, il a coopéré

 15   avec le bureau du Procureur, il a une famille, et il a un enfant malade. Il

 16   n'est l'objet d'aucune autre procédure pénale concernant des événements

 17   précédents ou après ces événements tragiques. Ce n'est pas un criminel, par

 18   nature.

 19   Il -- et vue tout ce que j'ai dit la Défense se permet de dire aux Juges de

 20   cet honorable Chambre, qu'il serait bon et juste d'imposer une peine qui ne

 21   soit pas supérieure à 15 ans.

 22   Merci.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord je souhaite vérifier, s'il

 24   vous plaît, Monsieur Wachenheim la source --

 25   M. WACHENHEIM : [interprétation] Oui, il y a une erreur de frappe, donc


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  1   veuillez m'excuser parce qu'on a créé le problème. Donc la bonne citation

  2   serait le volume 43, page 233 à la place de 23. Par la suite, les pages 134

  3   [sic] et de 135 [sic].

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger a plus ou moins expliqué

  5   de quoi il s'agissait dans la décision. Etes-vous d'accord ou non ?

  6   M. WACHENHEIM : [interprétation] Non. Je ne suis pas d'accord.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, pour que ce soit tout à fait

  8   clair, procédons par citation de source, donc de l'original. Donc je vais

  9   faire la traduction de l'allemand vers l'anglais. Il est dit que : "Le fait

 10   d'être un étranger, en soit, en tant que tel, n'est pas une raison

 11   permettant de considérer qu'il s'agit d'un facteur atténuant. Et cela se

 12   réfère à l'Article 3 de la constitution allemande et il est dit, en fait,

 13   que cet Article 3 serait même plus favorable."

 14   Et puis, par la suite, il est dit -- et je le répèterai en allemand : "Des

 15   circonstances spécifiques peuvent, cependant, dans des cas individuels,

 16   justifiées un jugement différent." Le président a donné lecture de la

 17   citation en allemand. Alors, est-ce que c'est la manière dont vous

 18   comprenez cela même si vous n'êtes pas d'accord avec M. Tieger ? Ceci est

 19   une manière correcte de représenter le problème, donc la question que nous

 20   nous posons, est-ce que j'ai bien compris la disposition ?

 21   M. WACHENHEIM : [interprétation] Oui. Vous l'avez bien interprétée. Nous

 22   avons beaucoup d'étrangers qui vivent dans notre pays et ils peuvent,

 23   parfois, être très bien intégrés sur le plan social et parler la langue.

 24   Et, dans ces cas, évidemment, le simple fait qu'il s'agisse des étrangers

 25   ne constitue pas une circonstance atténuante, ne fait aucune différence.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  2   Monsieur Tieger, pourriez-vous, s'il vous plaît, me donner quelques

  3   éléments au sujet de la décision Krnojelac, l'ajout que j'ai évoqué

  4   précédemment ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Alors, grâce à la

  6   technologie, nous pouvons faire des miracles aujourd'hui et je peux vous

  7   aider. Pour ce qui s'agit de la jurisprudence en la matière, il me semble

  8   qu'elle commence devant ce Tribunal dans l'affaire Delalic, qui a été citée

  9   par le Procureur dans son mémoire sur Kunarac.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Paragraphes 851, 852 -- je ne m'en rappelle

 12   pas -- dans l'affaire Kunarac -- donc l'affaire Kunarac, c'est l'affaire

 13   sur laquelle s'appuie la Chambre de première instance dans l'affaire

 14   Krnojelac. Donc la Chambre de première instance, dans l'affaire Krnojelac,

 15   revient à l'affaire Kunarac, qui a rejeté l'argument avancé par

 16   l'Accusation au sujet des membres de la famille, en disant que le cas

 17   Delalic n'était pas totalement "sans ambiguïté -- des non ambiguïtés," et

 18   il semblait donc que cela laissait la chose ouverte, et le Procureur a

 19   poursuivit le long de cette même ligne dans l'appel dans Krnojelac. Et dans

 20   l'appel dans cette affaire-ci, la Chambre d'appel a tout d'abord constaté

 21   que certaines juridictions nationales ont considéré l'impact sur la famille

 22   et ont pris en considération lors de la détermination de la peine.

 23   Et un deuxième point, la Chambre d'appel a considéré que, dans cette

 24   affaire, il n'y avait pas de moyens de preuve explicites et que, dans ce

 25   cas-là, la Chambre de première instance, de toute façon, devait supposer


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  1   que les victimes ne vivaient pas en isolation et qu'il y avait d'autres

  2   individus liés à eux; cependant, la Chambre d'appel a considéré qu'il n'y

  3   avait pas de raison valable pour modifier la sentence.

  4   Donc le fait que la Chambre de première instance n'est pas pris ce facteur

  5   en considération n'était pas une raison suffisante. Et, dans l'affaire

  6   Celebici, paragraphe 12[sic], la Chambre de première instance estime que :

  7   "La gravité des crimes, qui sont reprochés, a toujours été déterminée par

  8   l'impact sur la victime, sur les personnes associées au crime et les

  9   personnes les plus proches." Donc il semblerait que ce soit en concordance

 10   avec la décision de la Chambre d'appel dans l'affaire Krnojelac. Une seule

 11   réserve, nous avons l'appel Krnojelac, enfin, l'arrêt uniquement en

 12   français.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, les interprètes

 14   peuvent-ils rester encore quelques minutes de plus ? Ceci nous permettrait

 15   de terminer le travail aujourd'hui. Je n'entends rien, donc je suppose que

 16   c'est bon. Je remercie les interprètes.

 17   Donc une dernière question à la Défense. La Défense semble s'être référé à

 18   quelque chose ou a cherché à attirer notre attention sur un point. Vous

 19   comprendrez, bien entendu, que lorsqu'il s'agit de circonstances

 20   atténuantes, quelque soit les circonstances atténuantes puisqu'il n'y a pas

 21   de normes établies sur le minimum ou le maximum des peines en fonction des

 22   différentes circonstances aggravantes, par exemple, aussi, nous n'avons pas

 23   de lignes directrices fixes. Donc je voudrais dire que notre Tribunal est

 24   relativement ouvert sur ce -- enfin, notre jurisprudence reste relativement

 25   ouverte sur ce plan-là. Donc, puisque d'autres systèmes, donc s'agissant


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  1   des circonstances aggravantes ou atténuantes, mais, bien entendu, nous

  2   souhaitons attirer l'attention de la Défense, tout particulièrement, aux

  3   déclarations des témoins où les témoins affirment que l'accusé portait une

  4   arme à feu au moment où il a été arrêté, donc il en avait une sur lui.

  5   Alors, ceci a été plutôt souligné et rien n'a été dit au sujet de la

  6   crédibilité -- de la fiabilité de ces déclarations, et ceci nous permet de

  7   voir quels seraient éventuellement les fondements pour tirer d'autres

  8   conclusions.

  9   Je me réfère particulièrement à la déclaration du Témoin C-8, donc il y a

 10   déclaration. Le témoin a dit qu'il a rencontré l'accusé une fois et,

 11   quelques années après la guerre, qu'il a remarqué que l'accusé avait sur

 12   lui une arme -- même si cela n'était pas ostensible, mais qu'il portait une

 13   arme, donc personne ne s'est référé à cela. Je ne suis pas en train de vous

 14   donner des leçons sur ce que vous devriez dire. Je voudrais simplement que

 15   vous en soyez conscients, donc vous serez conscients de ce que la Chambre a

 16   reçu dans les dossiers.

 17   Très bien. Est-ce que vous souhaitez apporter un commentaire, quelque chose

 18   à ajouter, la Défense ou le Procureur, au sujet des dernières observations

 19   que nous avons faites au sujet de la jurisprudence du Tribunal ou de la

 20   détermination de la peine ?

 21   Enfin, Monsieur Mrdja, y a-t-il quoi que ce soit la moindre remarque que

 22   vous souhaiteriez ajouter à ce qui a été dit aujourd'hui ? Vous avez la

 23   possibilité de le faire maintenant.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Je vous remercie, Monsieur le Président,

 25   Messieurs les Juges.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

  2   Monsieur Mrdja.

  3   Nous sommes arrivés à la fin.

  4   Oui, Monsieur Tieger.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Avant de lever l'audience, quelques

  6   déclarations que nous souhaitons verser sous pli scellés. Nous en avons

  7   déjà parlé à l'intention de la Chambre. Cela correspond à 65 ter, donc la

  8   requête en application du 65 territoire, donc s'agissant des déclarations

  9   qui avaient expurgées à outrance ou de manière inadéquate, me semble-t-il.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense est au courant de la nouvelle

 11   version. Au sujet du fait, elle sait que les nouvelles versions seront

 12   versées. Est-ce qu'il y a des objections de la part de la Défense ?

 13   M. TIEGER : [interprétation] Il me semble qu'il s'agit des documents qui

 14   ont fait parties de ces discussions en application de 65 ter. La Défense a

 15   été présente. Je pense qu'à l'époque, nous nous sommes -- nous avons tous

 16   compris cela de la même façon, que nous allions proposer au versement. Si

 17   la Défense ne se souvient pas --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel pour

 19   préciser cela ?

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   M. RESCH : [interprétation] Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Mme la Greffière attribuera une

 14   cote tout d'abord, mais, si vous voulez prendre la parole tout de suite --

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]  L'imprimé sera versé sous la cote S5,

 16   et le CD sous la cote S5A, les deux sous plis scellés.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'Accusation, je dois vous céder la

 18   parole.

 19   M. RESCH : [interprétation] Oui. Un dernier point. Je serai très bref. Au

 20   sujet de l'annexe, je me suis référé à cette annexe dans notre mémoire

 21   liminaire. Il s'agit de quelques corrections de nature purement technique.

 22   J'ai dit que nous avons essayé de corriger des erreurs au niveau des noms.

 23   Donc, à un point, nous avons fait mention double puisque nous utilisons le

 24   surnom plutôt que le prénom. Donc, dans l'annexe initiale, il y avait 228

 25   noms et il y en a que 213 dans la version que je souhaite verser.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous avez réduit le nombre.

  2   M. RESCH : [interprétation] Oui. Il y a quelques noms supplémentaires, par

  3   exemple, Fazlic. L'une des victimes dont les restes ont été découverts lors

  4   des dernières exhumations, et ce nom ne figurait pas sur la liste

  5   complémentaire. Donc il y a cinq noms de plus et 15 en moins. 

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si nous pouvons modifier

  7   l'acte d'accusation ou l'une des annexes à l'acte d'accusation. En fait, il

  8   s'agit de documents auxquels l'accusé a plaidé coupable, en particulier,

  9   parce qu'il semblerait que cela réduit le nombre de personnes. Et peut-être

 10   pourrions-nous nous en occuper ? Je ne sais pas s'il y a encore la

 11   possibilité de modifier le texte ou non. Nous allons essayer de voir quelle

 12   serait la manière la plus adéquate d'agir -- de modifier l'acte

 13   d'accusation ou, au moins, l'annexe à l'acte d'accusation. Mais, par la

 14   suite, donc nous prenons en considération la nouvelle liste et nous allons

 15   l'accepter en tant que pièce à conviction, et puis nous allons prononcer

 16   peut-être une décision intermédiaire. Est-ce qu'il y a une objection de la

 17   part de la Défense ?

 18   M. DIMITRIJEVIC : [interprétation] Non. Au contraire, nous acceptons ce que

 19   vient de proposer l'Accusation, et ceci va dans le sens de nos intérêts.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le Procureur vient de dire à

 21   l'intention de la Chambre que le nombre de victimes est réduit -- est

 22   moindre, mais qu'il y a quelques nouvelles victimes qui ont été

 23   identifiées. Donc il a mis à jour sa liste qu'il présente à la Chambre.

 24   M. RESCH : [interprétation] Oui. C'est cela. Nous acceptons

 25   l'interprétation de la Chambre.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il faudrait plutôt considérer qu'il

  2   s'agit d'une pièce à conviction, et non pas qu'il s'agit d'une requête afin

  3   de modifier l'annexe à l'acte d'accusation.

  4   La cote, s'il vous plaît.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce numéro S6.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Il n'y a rien à ajouter.

  8   M. RESCH : [interprétation] Il n'y a rien à ajouter.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever la séance. Je tiens à

 10   remercier les interprètes d'être restés considérablement plus longtemps que

 11   prévu, à savoir que 19 heures. Je vous remercie. Et la même chose vaut pour

 12   les techniciens et pour ceux qui travaillent sur les transcriptions.

 13   Nous allons lever la séance. Le prononcé de la peine aura lieu en temps

 14   voulu. Les parties en seront informées, vraisemblablement, avant les

 15   vacances judiciaires.

 16   --- L'audience sentencielle est levée à 19 heures 18.

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