LE PROCUREUR DU TRIBUNAL
CONTRE
DARKO MRDJA

Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut du Tribunal »), accuse

de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE comme exposé ci-après :

1. Darko MRDJA, surnommé « Dado », fils de Milenko, est né le 28 juin 1967 à Zagreb, en Croatie. Il a grandi à Tukovi, dans la municipalité de Prijedor en Bosnie–Herzégovine, et a travaillé non loin de là à la mine d’Omarska. En 1992, pendant le conflit en Bosnie–Herzégovine, il était membre d’une unité spéciale de la police connue sous le nom d’ « Escouade d’intervention », placée sous le contrôle des autorités serbes de Bosnie à Prijedor.

2. Le 21 août 1992, la Bosnie–Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé.

3. Les crimes reprochés dans le présent acte d’accusation s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile, principalement musulmane et croate, de la municipalité de Prijedor.

4. La responsabilité pénale individuelle de Darko MRDJA est engagée en vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal pour des crimes visés aux articles 3 et 5 de ce Statut tels qu’allégués dans le présent acte d’accusation, crimes qu’il a planifiés, incité à commettre, ordonnés, commis, ou qu’il a de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter.

5. Le 21 août 1992, Darko MRDJA était tenu de se conformer aux lois et coutumes régissant la conduite des conflits armés, y compris aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels y afférents.

6. Au printemps 1992, un conflit armé a éclaté dans le nord-ouest de la Bosnie, y compris dans les municipalités de Prijedor et de Skender Vakuf. Des forces armées alliées au Parti démocratique serbe (« SDS »), qui cherchait à rattacher ce territoire à la Yougoslavie ou à le maintenir dans un État serbe indépendant (la Republika Srpska), ont attaqué des populations civiles non serbes et combattu des forces qui soutenaient le gouvernement de Sarajevo.

7. Dans le cadre de leurs actions visant à séparer ce territoire de la Bosnie–Herzégovine, des forces serbes de Bosnie, sous la direction du SDS, se sont livrées à des attaques généralisées et systématiques contre la population civile de la région. Des civils non serbes ont été incarcérés dans divers endroits, y compris les camps d’Omarska, de Keraterm et de Trnopolje dans la municipalité de Prijedor.

8. Le 21 août 1992, un groupe de prisonniers non serbes détenus au camp de Trnopolje a été informé qu’il allait être « échangé » et conduit à Travnik, ville qui se trouvait alors sous le contrôle de forces loyales au gouvernement de Bosnie–Herzégovine. Des autocars sont arrivés au camp ce matin-là, et de nombreux prisonniers y sont montés.

9. Ce même matin, plusieurs centaines, peut-être plus d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants, tous civils, se sont rassemblés au village de Tukovi également situé dans la municipalité de Prijedor. Ils avaient aussi été informés qu’un convoi serait organisé ce jour-là à destination de Travnik. Darko MRDJA était présent à Tukovi lorsque ces civils ont été embarqués à bord du convoi, et il a été vu en train de donner des ordres à d’autres policiers présents sur place.

10. Les deux groupes de véhicules partis de Tukovi et de Trnopolje ont formé un seul convoi au niveau de la ville de Kozarac, et ont poursuivi leur route en direction de Travnik. Des policiers ou des soldats, dont Darko MRDJA, ont escorté le convoi durant tout le trajet.

11. Après la ville de Skender Vakuf, le convoi a franchi le mont Vlasic en direction de la ligne de front. En un point de cette route de montagne, il s’est arrêté dans une zone boisée. Darko MRDJA était présent avec plusieurs autres hommes en uniforme. Il a ordonné le retrait du convoi d’un groupe d’hommes non serbes en âge de porter les armes, et y a participé. Le reste du convoi, essentiellement composé de femmes, d’enfants et de personnes âgées, a poursuivi sa route en direction de Travnik.

12. Darko MRDJA et un groupe de policiers appartenant à son Escouade d’intervention ont ordonné aux hommes non serbes séparés des autres de monter à bord de deux autocars. Il y avait beaucoup plus d’hommes que de places assises, et les prisonniers étaient entassés les uns contre les autres. Après une courte distance, les autocars se sont arrêtés dans une localité appelée Koricanske Stijene, où la route est bordée d’un côté par une muraille rocheuse et de l’autre par un précipice.

13. Des prisonniers ont été sommés de quitter l’autocar en baissant la tête, et de s’agenouiller au bord du précipice. Darko MRDJA a dit : « C’est ici que nous procédons à l’échange, les vivants pour les vivants, et les morts … »

14. La police s’est mise à tirer sur les hommes. Plusieurs ont sauté ou ont été poussés dans le précipice avant d’être touchés, et ont survécu à la chute. Puis des prisonniers de l’autre autocar en ont été sortis par petits groupes et ont été exécutés au bord du précipice. Des témoins estiment que plus de deux cents hommes ont succombé sous les balles ou en tombant, le nombre exact des morts n’étant toutefois pas connu. L’« Annexe A » cite 228 noms d’hommes qui auraient été vus pour la dernière fois à bord du convoi. On sait que douze hommes ont survécu à la fusillade et à la chute.

15. Darko MRDJA, qui était à la tête de l’unité de police, a planifié, organisé, aidé et encouragé à commettre et ordonné le massacre, et a lui-même abattu au moins un prisonnier.

16. Le 21 août 1992, sur une route franchissant le mont Vlasic dans la municipalité de Skender Vakuf, en Bosnie–Herzégovine, Darko MRDJA, agissant de concert avec d’autres qui partageaient son intention criminelle, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter le meurtre de plus de deux cents hommes se trouvant à bord d’un convoi parti de Trnopolje et Tukovi, et se dirigeant vers Travnik. Douze des hommes que l’accusé et ses complices avaient l’intention de tuer sont tombés ou ont sauté dans un précipice et ont survécu au massacre.

17. Par les agissements décrits ci-dessus, Darko MRDJA a commis les actes suivants :

CHEF 1 :

CHEF 2 :

MEURTRE, UNE VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE visée par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les articles 3 et 7 1) du Statut du Tribunal,

CHEF 3 :

ACTE INHUMAINS (tentative d’assassinat), UN CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par les articles 5 i) et 7 1) du Statut du Tribunal.

Le Procureur adjoint
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Graham Blewitt

Fait le 4 août 2003
La Haye (Pays-Bas)

ANNEXE A