Affaire n° : IT-95-13/1-PT

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

Devant :
M. le Juge Theodor Meron, Président

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
20 août 2003

LE PROCUREUR

C/

VESELIN SLJIVANCANIN

_____________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA COMMISSION D’OFFICE DE CONSEILS DE LA DÉFENSE

_____________________________________________________________

 

1.VESELIN SLJIVANCANIN a introduit un recours contre la décision, rendue par le Greffier le 9 juillet 2003, portant rejet de la commission d’office de deux conseils, Goran Petronijevic et Momcilo Bulatovic, aux frais du Tribunal. Pour les raisons exposées ci-après, j’estime que c’est à bon droit que le recours est adressé au Président. J’estime également que la décision relative aux deux conseils doit être annulée et la question renvoyée au Greffier pour réexamen à la lumière de la présente décision.

CONTEXTE

2. Veselin Sljivancanin a été placé sous la garde du Tribunal le mardi 1er juillet 2003. Dans un premier temps, sa comparution initiale était prévue pour le jeudi 3 juillet 2003 devant le Juge Agius. Elle a été reportée parce que les avocats choisis par l’accusé n’avaient pas été agréés par le Greffier1. Le 7 juillet 2003, M. Sljivancanin a déposé une déclaration de ressources, le formulaire initial nécessaire pour établir l’indigence aux fins de la rémunération de conseils par le Tribunal. Le 9 juillet 2003, le Greffier a informé M. Sljivancanin que MM . Petronijevic et Bulatovic ne seraient pas assignés à sa défense2. Le 10 juillet, M. Sljivancanin a effectué sa comparution initiale, assisté de M. Stephen Solley à titre de conseil provisoire.

3. Dans sa décision sous forme de lettre du 9 juillet 2003 portant rejet de la commission d’office des conseils choisis par M. Sljivancanin, le Greffier a indiqué que les deux conseils proposés ne remplissaient pas les conditions visées à l’article 44 A) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), puisqu’ils ne parlent pas l’une des deux langues de travail du Tribunal. Le Greffier a relevé qu’un conseil ne remplissant pas cette condition linguistique peut être admis à titre exceptionnel , en application de l’article 44 B), lorsque l’intérêt de la justice l’exige. Le Greffier a refusé de faire jouer la dérogation prévue à l’article 44 B) pour admettre M. Petronijevic parce que ses antécédents soulèvent des questions quant à l’opportunité de sa commission d’office aux frais du Tribunal. Le Greffier a ajouté que M. Petronijevic semblait avoir acquis une triste notoriété internationale pour sa conduite du procès pénal engagé contre les Albanais de souche Muhedin Zeka et consorts, lorsqu’il était juge de première instance en Serbie en 2000. En raison de l’écho donné par la presse à cette affaire, mettant en cause la réputation et la moralité de M. Petronijevic sur le plan de la justice et des droits de l’homme, sa commission d’office à présent pourrait porter atteinte à la réputation du Tribunal, dont l’impartialité ne doit jamais être mise en doute. Selon le Greffier, par conséquent, « l’intérêt de la justice » s’oppose vivement à la commission d’office de M. Petronijevic.

4. Sans expliquer en quoi M. Bulatovic ne remplissait pas les conditions requises pour être commis d’office grâce à la dérogation prévue à l’article 44 B) du Règlement , le Greffier a toutefois indiqué que le droit de l’accusé de choisir son propre conseil était limité, et que ni M. Bulatovic ni M. Petronijevic n’ont fait valoir d’autres raisons pour lesquelles l’intérêt de la justice justifiait leur commission d’office.

5. Le 14 juillet 2003, M. Sljivancanin a introduit un recours contre la décision du Greffier3, qui, selon lui, viole le droit de l’accusé, consacré par l’article 21 du Statut, à disposer d’un conseil de son choix. L’accusé affirme ignorer quel type de juge était M. Petronijevic et quelles personnes il a jugé, mais être convaincu qu’il travaillera efficacement sur son affaire. Il déclare également que MM. Petronijevic et Bulatovic se comporteront d’une manière tout à fait correcte et respecteront toutes les règles et directives du Tribunal. Il soutient que MM. Petronijevic et Bulatovic seront mieux à même que des avocats venant d’ailleurs de prendre contact avec les témoins à décharge et les autorités militaires à Belgrade aux fins de préparer sa défense. Il affirme avoir demandé à MM. Petronijevic et Bulatovic de trouver un avocat anglophone avec qui ils pourront travailler, mais quand le procès sera en cours et que les circonstances s’y prêteront. Enfin, si la commission d’office des deux conseils de son choix s’avère impossible, il demande qu’au moins l’un d’eux soit autorisé à l’assister dans la préparation de sa défense4.

6. Le 8 août 2003, les observations du Greffier au titre de l’article 33 B) du Règlement (Submission of the Registrar Pursuant to Rule 33 (B)) ont été déposées, que je considère comme une réponse au mémoire d’appel de M. Sljivancanin5. Le Greffier fait valoir que la clause linguistique est conforme à l’article 21 du Statut et il fournit des précisions utiles sur les origines de la dérogation prévue dans « l’intérêt de la justice ». Il indique ensuite un motif pour son rejet de la commission d’office de MM. Petronijevic et Bulatovic, motif qui n’est pas clairement indiqué dans sa décision sous forme de lettre du 9 juillet 2003, à savoir que les conseils n’ont fourni aucun élément d’information concernant leur relation avec l’accusé, qui permettrait au Greffier de penser qu’il existe une relation privilégiée entre eux et l’accusé6. D’une manière plus générale, s’agissant de la manière dont il a traité en l’espèce la dérogation prévue dans « l’intérêt de la justice », il déclare :

Le Greffe est conscient que la clause linguistique a été suspendue dans d’autres affaires dans des circonstances qui ne pourraient pas nécessairement être qualifiées de « circonstances exceptionnelles ». Cela étant, le Greffe ne voit pas en quoi l’existence de précédents devrait constituer en soi une justification valable de la suspension de la clause linguistique en l’espèce. De fait, l’expérience du Greffe montre que la commission d’office de conseils qui ne parlent pas l’une des langues de travail du Tribunal a parfois entraîné des retards importants et des ajournements . Le fait que le Greffe a pu déroger à la règle plus libéralement dans le passé ne devrait pas, par principe, entraver le pouvoir discrétionnaire du Greffier à l’avenir, ni l’obliger par ailleurs à perpétuer les difficultés rencontrées. En effet, il ne faut pas que l’exception puisse faire oublier la règle. Dès lors, c’est à l’accusé et aux conseils en question qu’il appartient de démontrer au Greffier qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui justifient une dérogation7.

Examen

A. Dispositions juridiques applicables

7. L’article 21 du Statut dispose, dans sa partie pertinente, que « [t]oute personne contre laquelle une accusation est portée a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : […] b) à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ; […] d) … à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix  ; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ».

L’article 44 du Règlement, comme l’indique son intitulé, régit les « [m]andat, qualifications et obligations » d’un conseil. Ses paragraphes A) à C) sont ainsi libellés :

A) Le conseil choisi par un suspect ou un accusé dépose dès que possible son mandat auprès du Greffier. Sous réserve de vérification par le Greffier, et de toute décision rendue par une Chambre en application des articles 46 ou 77, tout conseil est considéré comme qualifié pour représenter un suspect ou un accusé dès lors qu’il est habilité à exercer la profession d’avocat dans un État ou est professeur de droit dans une Université et parle l’une des deux langues de travail du Tribunal.

B) Le Greffier peut, à la demande du suspect ou de l’accusé et lorsque l’intérêt de la justice l’exige, admettre un conseil ne parlant aucune des deux langues de travail du Tribunal mais celle du suspect ou de l’accusé. Dans ce cas, le Greffier peut subordonner son accord aux conditions qu’il estime appropriées. Le suspect ou l’accusé peuvent faire appel des décisions du Greffier auprès du Président.

C) Dans l’accomplissement de leurs devoirs, les conseils de la défense sont soumis aux dispositions pertinentes du Statut, du Règlement, du Règlement sur la détention préventive et de toutes autres dispositions réglementaires adoptées par le Tribunal, de l’Accord de siège, du Code de déontologie pour les avocats comparaissant devant le Tribunal international et aux règles déontologiques qui régissent leur profession ainsi que, le cas échéant, de la Directive relative à la commission d’office de conseil de la défense édictée par le Greffier et approuvée par les juges permanents.

9. L’article 45, comme l’indique son intitulé, régit la « [c]ommission d’office d’un conseil ». Ses paragraphes A) à D) disposent que :

A) Chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, un conseil est commis d’office pour représenter un suspect ou un accusé qui n’a pas les moyens de le rémunérer. La commission d’office est établie conformément à la procédure fixée par une Directive établie par le Greffier et approuvée par les juges permanents.

B) Le Greffier tient une liste des conseils remplissant les conditions visées à l’article 44, qui ont justifié d’une expérience raisonnable en droit pénal et/ou international et qui ont fait savoir qu’ils accepteraient d’être commis d'office par le Tribunal pour représenter toute personne n’ayant pas les moyens de rémunérer un conseil et détenue sous l’autorité du Tribunal.

C) Le Greffier peut, dans des circonstances particulières et à la demande d’une personne n’ayant pas les moyens de rémunérer un conseil, commettre d’office un conseil dont le nom ne figure pas sur la liste tenue par le Greffier mais qui remplit les conditions visées à l’article 44.

D) En cas de rejet de la demande, le suspect ou l’accusé peut soumettre au Greffier une nouvelle demande.

10. La Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense (IT /73/Rev. 9, 12 juillet 2002) fixe la procédure par laquelle le Greffier détermine si un accusé a droit à ce que son conseil soit rémunéré par le Tribunal. L’article  14 de la Directive fixe les conditions que doit remplir un conseil pour figurer sur la liste, tenue par le Greffier, des avocats susceptibles d’être commis d’office . Il récapitule les qualifications d’un conseil commis d’office énoncées à l’article  45 B) et, par implication, à l’article 44 du Règlement. Il contient également une condition additionnelle, la deuxième de la liste figurant à l’article 14 A) : [Peut prétendre à l’inscription sur cette liste toute personne qui]

i. est habilitée à exercer la profession d’avocat dans un État ou est professeur de droit dans une université,

ii. n’a pas été déclarée coupable à l’issue d’une procédure disciplinaire engagée contre elle là où elle est habilitée à exercer la profession d’avocat ou de professeur d’université, ou au terme d’un procès pénal intenté contre elle,

iii. parle l’une des deux langues de travail du Tribunal, sauf si l’intérêt de la justice ne l’exige pas,

iv. justifie d’une expérience suffisante en droit pénal et/ou international,

v. accepte d’être commise d’office par le Tribunal pour assister tout suspect ou accusé indigent,

vi. est membre d’une association de conseils exerçant au Tribunal ou est sur le point de le devenir.

11. L’article 13 de la Directive autorise le Président à examiner au moins certaines décisions du Greffier portant rejet de la commission d’office de conseils à des suspects ; il autorise la Chambre de première instance saisie de l’affaire à examiner les mêmes décisions du Greffier lorsqu’il s’agit de conseils d’un accusé :

A. Le suspect qui voit sa demande de commission d’office d’un conseil rejetée peut former auprès du Président un recours contre la décision du Greffier dans les 15 jours de sa notification. Le Président, soit confirme la décision du Greffier, soit décide qu’un conseil doit être commis d’office.

B. L’accusé qui voit sa demande de commission d’office d’un conseil rejetée peut demander par voie de requête à la Chambre devant laquelle il doit comparaître, l’examen immédiat de la décision du Greffier dans les deux semaines de sa notification. La Chambre  :

i. confirme la décision du Greffier ou
ii. décide que le suspect ou l’accusé a les moyens de rémunérer partiellement son conseil , auquel cas le Greffier détermine la partie des frais qui seront à la charge du Tribunal ou
iii. décide qu’un conseil doit être commis d’office.

B) Compétence pour examiner la décision du Greffier

12. Le recours de M. Sljivancanin m’est adressé. La décision du Greffier laissait supposer que l’examen devrait être effectué par la Chambre de première instance saisie de l’affaire Sljivancanin. Bien que la question laisse planer un doute , je pense que c’est à bon droit que le recours est adressé au Président8.

13. L’article 44 du Règlement établit les conditions de qualification que doivent remplir tous les conseils de la défense, qu’ils soient rémunérés par un accusé ou par le Tribunal. Il dispose, en son paragraphe B), que « SlCe suspect ou l’accusé peuvent faire appel des décisions du Greffier auprès du Président ». Si le texte du Règlement ne précise pas à quoi exactement renvoie l’expression « des décisions du Greffier », il semblerait cependant qu’elle englobe au moins les décisions du Greffier visées à l’article 44 B) lui-même, à savoir celles i) qui refusent, pour la commission d’office de conseils, de faire jouer la dérogation à la clause linguistique prévue dans « l’intérêt de la justice », ou ii) qui imposent des conditions à pareille commission d’office.

14. L’article 45 régit la commission d’office d’un conseil, c’est-à-dire les qualifications que doit présenter un conseil qui sera rémunéré par le Tribunal. Il ne prévoit pas directement l’examen des décisions du Greffier. En son paragraphe A), il dispose d’une manière générale que « SlCa commission d’office est établie conformément à la procédure fixée par une Directive » relative à la commission d’office de conseils de la Défense. Dans le cas particulier de la commission d’office d’un conseil dont le nom ne figure pas sur la liste tenue par le Greffier, l’article dispose simplement en son paragraphe D qu’« SeCn cas de rejet de la demande, le suspect ou l’accusé peut soumettre au Greffier une nouvelle demande ».

15. C’est l’article 13 de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense qui définit les procédures d’examen d’au moins certaines décisions du Greffier concernant la commission d’office de conseils qui devront être rémunérés par le Tribunal. Comme il a été indiqué plus haut, s’agissant de suspects, c’est -à-dire de personnes dont l’acte d’accusation n’a pas été confirmé, l’examen est effectué par le Président. S’agissant d’accusés, c’est la Chambre de première instance qui procède à l’examen. L’acte d’accusation à l’encontre de M. Sljivancanin ayant été confirmé le 7 novembre 1995, celui-ci est un accusé et non un suspect9.

16. Si la décision sous forme de lettre du Greffier datée du 9 juillet indique que celle-ci est susceptible d’examen en vertu de l’article 13 de la Directive et, partant , doit être soumise à la Chambre de première instance à cette fin, la structure de la Directive et l’énoncé de son article 13 donnent à penser que le droit à l’examen établi par cet article ne vise que les décisions du Greffier tendant à déterminer si un suspect ou un accusé remplit les conditions pour être déclaré indigent, et non celles concernant les qualifications d’un conseil donné. L’article 13 constitue le chapitre 4 de la troisième partie de la Directive. Le chapitre 4 s’intitule «  Voies de recours ». Le chapitre 3, qui englobe les articles 11 et 12, est intitulé « La décision ». La décision évoquée dans ces articles est celle de savoir « dans quelle mesure le suspect ou l’accusé peut rémunérer un conseil »10. L’article 11 suppose que le nom du conseil choisi figurera sur la liste des conseils agréés tenue par le Greffier. Les autres formes de décision faisant l’objet d’un recours visées à l’article 13 – la confirmation du refus du Greffier, une décision indiquant qu’« un conseil » (et non le conseil) doit être commis d’office , ou, dans le cas de l’article 13 B), que l’accusé a les moyens de rémunérer partiellement son conseil – laissent toutes penser que la décision soumise à examen est simplement celle concernant l’indigence du suspect ou de l’accusé. De même, l’article 18 de la Directive, qui intègre les procédures établies à l’article 13, vise le retrait de l’aide juridictionnelle sur la base d’informations tendant à indiquer que le suspect ou l’accusé ne saurait plus prétendre au statut d’indigent11.

17. La décision du Greffier en l’espèce semble avoir été prise dans le cadre de l’article 45 C) du Règlement, qui dispose que « SlCe Greffier peut, dans des circonstances particulières et à la demande d’une personne n’ayant pas les moyens de rémunérer un conseil, commettre d’office un conseil dont le nom ne figure pas sur la liste tenue par le Greffier mais qui remplit les conditions visées à l’article 44. ». Il apparaît clairement que M. Sljivancanin n’a visiblement pas les moyens de rémunérer un conseil et que les conseils de son choix ne figurent pas sur ladite liste. Comme il a été indiqué plus haut, cet article ne prévoit pas un droit de recours contre pareilles décisions. Il dispose simplement, en son paragraphe D), qu’« SeCn cas de rejet de la demande, le suspect ou l’accusé peut soumettre au Greffier une nouvelle demande ».

18. Étant donné que, sauf disposition expresse contraire, les articles doivent normalement être interprétés comme offrant une possibilité d’examen judiciaire des décisions administratives, on peut considérer que l’intégration des critères de l’article  44 dans l’article 45 C) du Règlement concerne aussi la disposition permettant l’examen par le Président des décisions du Greffier prises dans le cadre de l’article 44 B) relativement à la dérogation à la clause linguistique prévue dans « l’intérêt de la justice »12. C’est pourquoi le recours de M. Sljivancanin peut être adressé au Président à bon droit.

C. Le fond

1. Droit à un conseil de son choix

19. M. Sljivancanin affirme que le refus du Greffier de commettre d'office les avocats qu'il a choisis porte atteinte au droit dont il dispose à un conseil de son choix, garanti par l'article 21, paragraphe 4, du Statut. Cette affirmation peut être rapidement rejetée.

20. Ce recours concerne une commission d'office de conseils devant être rémunérés par le Tribunal. Quelle que puisse être l'étendue du droit de l'accusé à un conseil de son choix lorsque l'accusé engage lui-même son conseil, ce droit connaît des limites lorsque le conseil est rémunéré par le Tribunal. A diverses reprises, la Chambre d'appel du TPIR et plusieurs Chambres de première instance du TPIY ont estimé que si le Greffier doit normalement tenir compte des préférences d'un accusé, celui-ci doit accepter tout conseil remplissant les conditions requises et commis d'office d'après la liste tenue par le Greffier13. Je partage entièrement cet avis. Dans la mesure où M. Sljivancanin conteste le caractère raisonnable de la clause linguistique, cette contestation ne peut qu'échouer. Pour autant que je sache, toutes les juridictions exigent que les avocats exerçant devant elles, et particulièrement ceux qu'elles rémunèrent elles-mêmes, soient capables de s'exprimer dans la langue de travail qu'elles utilisent. Le caractère raisonnable de cette clause apparaît d'autant plus clairement que la possibilité d'accorder une dérogation dans « l'intérêt de la justice  » existe.

2. Critère d'examen de la décision du Greffier

21. Reste à trancher la question de savoir si le Greffier a appliqué la clause linguistique et la dérogation dans « l'intérêt de la justice » de façon raisonnable en l'espèce .

22. La décision du Greffier d'accepter ou de refuser de commettre d'office des conseils en faisant jouer la dérogation prévue dans « l'intérêt de la justice » soulève des questions de droit et de fait. Le Greffier doit, dans un premier temps, arriver à des conclusions factuelles soit sur la situation de l'accusé soit, comme dans le cas présent, sur la conduite antérieure du conseil en cause, soit sur ces deux points. Ensuite, selon son interprétation des faits, il doit décider ce que commande l'intérêt de la justice. La première partie de la tâche du Greffier implique, ainsi qu'il a été dit de son pouvoir de suspendre l'aide juridictionnelle, « une procédure administrative d'instruction14 ». Il suffit que ses constatations soient probables. Celui qui procède à l'examen judiciaire de ces constatations devrait faire preuve d'une certaine retenue puisque c'est au Greffier qu'il incombe au premier chef de contrôler la commission d'office de conseils de la Défense,

[l]'examen judiciaire d'une décision administrative prise par le Greffier … ne porte tout d'abord que sur la régularité de la procédure qu'il a suivie pour aboutir à cette décision particulière et la manière dont il y est parvenu. La décision sera annulée si le Greffier n'a pas satisfait aux exigences de la Directive. … Elle sera également annulée si le Greffier … n'a pas réservé sur le plan procédural un traitement équitable à la personne concernée par la décision, s'il a pris en compte des éléments non pertinents ou omis de tenir compte d'éléments pertinents, ou s'il est parvenu à une conclusion qu'aucune personne sensée étudiant correctement la question n'aurait pu tirer. … il faut respecter la marge d'appréciation laissée à son auteur pour ce qui est des faits ou du bien-fondé de l'affaire15.

Les choses sont moins claires s'agissant de savoir si la même retenue s'impose à l'égard de l'appréciation, par le Greffier, de ce que commande « l'intérêt de la justice ».

3. MM. Petronijevic et Bulatovic

23. Pour décider que MM. Petronijevic et Bulatovic ne devaient pas être autorisés à être commis d'office par une dérogation à la clause linguistique dans « l'intérêt de la justice », le Greffier s'est fondé sur un certain nombre d'articles de presse , de documents judiciaires, et de rapports d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Selon le personnel du Greffe, toutefois, le Greffier n'a pas donné à M. Sljivancanin la possibilité de réagir aux informations (non confidentielles) défavorables aux avocats de son choix, ni même à un résumé de ces informations . En omettant de le faire, le Greffier « n'a pas réservé sur le plan procédural un traitement équitable [à l'accusé]16 ». Pour cette raison, la décision du Greffier doit être annulée et la question doit lui être renvoyée pour réexamen. Bien entendu , il ne peut être exigé du Greffier qu'il mène une enquête sommaire chaque fois qu'un accusé demande la commission d'office d'un conseil particulier. Il n'est pas non plus tenu d'organiser une quelconque audience. Mais le Greffier doit fournir à l'accusé au moins un résumé des éléments d'information sur lesquels il a l'intention de baser sa décision, et il doit prendre en considération toutes les pièces que l'accusé (en consultation avec le conseil de son choix) souhaite présenter dans le très court délai que le Greffier fixe afin d'éviter tout retard excessif. Un point mérite d'être précisé : s'il est impératif que l'accusé se voit accorder la possibilité de réagir au moins à un résumé des informations sur lesquelles le Greffier a l'intention de se fonder, cela ne le dispense en aucune façon de l'obligation de prouver que l'intérêt de la justice requiert la commission d'office du conseil de son choix. De même, cet impératif ne restreint pas le pouvoir discrétionnaire du Greffier de déterminer les limites de la dérogation prévue dans « l'intérêt de la justice »17.

24. Si le Greffier est responsable au premier chef de définir à quelles conditions une dérogation peut être accordée dans « l'intérêt de la justice », il doit appliquer cette définition de façon cohérente d'un cas à l'autre. Dans au moins deux cas récents, le Greffier a indiqué que, en l'absence d'autres considérations, la dérogation dans « l'intérêt de la justice » se justifie si l'accusé apporte la preuve que i) l'avocat de son choix l'a représenté antérieurement devant un tribunal interne relativement à des chefs d'accusation retenus maintenant devant le TPIY ou à des chefs d'accusation similaires18; ii) l'accusé (et l'avocat de son choix) ont désigné une personne disposée à agir en tant que coconseil et parlant correctement l'une des langues de travail ainsi que la langue parlée par l'accusé; iii) le coconseil proposé a une expérience suffisante en tant qu'avocat de la défense au pénal pour prendre la relève dans l'affaire si le conseil principal ne pouvait plus assumer ses fonctions pour une raison quelconque; et iv) tous les frais d'interprétation et de traduction au-delà de ceux pris habituellement en charge par le Tribunal seront assurés par l'accusé ou le conseil principal19.

25. Comme cela a été noté précédemment, le Greffier affirme dans sa Réponse qu'il doit pouvoir changer son interprétation de la dérogation prévue dans « l'intérêt de la justice » en tirant les enseignements de l'expérience et qu'il ne peut donc être tenu d'appliquer les mêmes conditions dans chaque cas20. Le Greffier est certainement fondé à dire qu'il a le pouvoir de modifier les conditions d'octroi d'une dérogation dans « l'intérêt de la justice ». Par exemple, si le Greffier constate que l'autorisation de commettre d'office un conseil qui ne parle aucune des deux langues de travail du Tribunal a entraîné des retards considérables et qu'il décide donc de limiter les cas dans lesquels il accordera la commission d'office par dérogation dans «  l'intérêt de la justice », il est libre de le faire. Toutefois, ce faisant, il doit respecter les règles procédurales suivantes, qui ont pour but d'assurer un traitement équitable aux parties concernées, d'accroître la précision des décisions du Greffier et d'établir une base permettant un examen judiciaire efficace des décisions du Greffier. En premier lieu, le Greffier doit indiquer qu'il modifie le sens de la dérogation dans « l'intérêt de la justice » et pourquoi il le fait. En second lieu , il doit agir de sorte à ne pas poser de nouvelles conditions auxquelles un requérant donné ne pouvait raisonnablement s'attendre. Il peut demander une modification de la Directive. Il peut formuler des observations générales à l'Association des conseils de la défense et lui demander de les porter à la connaissance du public, par exemple en les faisant figurer sur le site internet de l'Association. Il peut aussi annoncer une nouvelle interprétation en statuant sur une demande spécifique de commission d'office d'un conseil, dès lors qu'il indique clairement aux parties concernées les critères qui seront retenus pour apprécier la demande en question.

26. En l'espèce, ni la décision sous forme de lettre du 9 juillet rendue par le Greffier ni sa Réponse ne laissent penser que ce dernier a donné une nouvelle interprétation de la dérogation dans « l'intérêt de la justice ». Le fait que le Greffier ait rendu sa décision dans le cas présent deux semaines seulement après l'une des décisions dans laquelle il s'est basé sur les quatre critères énoncés ci-dessus et neuf jours seulement avant l'autre décision dans laquelle il a agi sur la même base incite à penser qu'il a rendu sa décision dans le cas qui nous intéresse en fonction de ces mêmes critères. C'est donc à leur lumière que j'ai examiné le dossier d'après lequel le Greffier a pris sa décision.

27. Les informations concernant M. Petronijevic ne permettent pas de savoir si les quatre critères relevés au paragraphe précédent sont remplis dans son cas, mais elles portent à penser que, même si ces quatre critères étaient remplis, il pourrait exister une raison particulière susceptible de justifier le refus de la commission d'office par dérogation dans « l'intérêt de la justice ». Les informations indiquent que M. Petronijevic a pu agir de façon irrégulière lorsqu'il exerçait les fonctions de juge de première instance en Serbie. En particulier, d'après ces informations , il est permis de penser qu'alors qu'il exerçait les fonctions de président dans un procès intéressant 143 accusés albanais de souche de la région de Djakovica, il a pu porter atteinte aux droits fondamentaux des accusés et condamner nombre d'entre eux en l'absence de toute preuve de culpabilité individuelle. Le Greffier a estimé, à juste titre, que ces allégations étaient inquiétantes. Si M. Petronijevic était le seul avocat dont M. Sljivancanin avait demandé la commission d'office, il serait nécessaire d'établir si ces allégations de manquement à l'éthique judiciaire , dans le cas où le Greffier les aurait estimées probables, suffiraient par elles -mêmes à justifier le refus de la commission d'office de M. Petronijevic. Du fait que M. Sljivancanin a laissé entendre qu'il serait satisfait d'avoir pour conseil soit M. Petronijevic, soit M. Bulatovic, et que, comme il est noté plus bas, le dossier de M. Bulatovic ne fait entrevoir aucun empêchement de ce genre, il n'est pas nécessaire d'aborder cette question. Il est suffisant de conclure que, si le Greffier considère que les allégations de manquement à l'éthique judiciaire commis dans le passé par M. Petronijevic sont plus que probables et qu'il estime que M.  Bulatovic a par ailleurs les compétences requises pour être commis d'office, il doit commettre d'office M. Bulatovic comme conseil principal, de préférence à M.  Petronijevic.

28. Les informations concernant M. Bulatovic semblent confirmer l'opportunité de sa commission d'office comme conseil de la Défense. Selon ces informations, M. Bulatovic est un avocat expérimenté, qui a représenté un client musulman de Bosnie dont le cas était controversé. Elles tendent à indiquer que, sur le plan politique, il est moins favorable à la coopération avec le Tribunal que ne l'est le parti au pouvoir en Serbie-et-Monténégro ou en Serbie, mais cela ne fait guère obstacle à ce qu'il représente un accusé dans un procès devant le Tribunal. Ces informations ne révèlent aucune raison particulière du genre de celle mise en évidence par le Greffier dans le cas de M. Petronijevic.

29. Dans sa Réponse, le Greffier affirme que ni M. Petronijevic ni M. Bulatovic ne répondent au premier critère exposé au paragraphe 24, qui exige l'existence d'une relation de confiance entre eux et M. Sljivancanin qui se serait créée alors qu'ils le représentaient devant les tribunaux internes relativement à des chefs d'accusation retenus contre ce dernier devant le Tribunal international ou à des chefs d'accusation similaires21. S'il en était ainsi, cela suffirait à refuser de faire jouer la dérogation prévue dans « l'intérêt de la justice » et donc de commettre d'office l'un ou l'autre à la défense de M. Sljivancanin. Cependant, il ressort clairement de la décision sous forme de lettre du Greffier du 9 juillet que le Greffier a refusé de commettre d'office M. Petronijevic pour un autre motif, à savoir, la conduite de ce dernier lorsqu'il exerçait les fonctions de juge en 2000. Cette décision est moins claire dans le cas de M. Bulatovic, bien qu'elle évoque en termes généraux l'incapacité des deux avocats à présenter toute autre raison expliquant pourquoi leur commission d'office serait nécessaire dans l'intérêt de la justice. La partie demandant la commission d'office d'un conseil a la charge de convaincre le Greffier que le conseil de son choix remplit les conditions voulues. Le Greffier est tenu d'exposer clairement ce qui a motivé ses décisions. Lors du réexamen de sa décision, le Greffier devrait accorder à M. Sljivancanin un bref délai pour qu'il prouve que M. Petronijevic et M. Bulatovic remplissent les quatre conditions susmentionnées. Si M. Sljivancanin n'y parvenait pas, le Greffier devrait refuser leur commission d'office. Si M. Petronijevic et M. Bulatovic remplissaient ces conditions ou si M. Bulatovic était le seul à les remplir, le Greffier devrait commettre d'office M. Bulatovic comme conseil principal.

Dispositif

30. La décision du Greffier est annulée et la question lui est renvoyée pour réexamen à la lumière de la présente décision.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 20 août 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président du Tribunal
___________
Juge Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Voir Le Procureur c/ Veselin Sljivancanin, IT-95-13/1-PT, compte rendu d’audience (CR), p. 95, 99 et 100, 104 à 106, 108 et 109. Le Greffe a reçu par télécopie un mandat en faveur de MM. Petronijevic et Bulatovic, signé par M. Sljivancanin, le 24 juin 2003.
2 - La décision sous forme de lettre du Greffier est datée du 9 juillet 2003. M. Sljivancanin a reconnu, lors de sa comparution initiale le 10 juillet, qu’il avait été informé oralement de la décision du Greffier le 9 juillet 2003 et qu’il l’avait reçue sous forme de lettre en anglais. Il a précisé qu’il n’avait pas encore reçu une traduction en B/C/S de ladite décision. Le Procureur c/ Veselin Sljivancanin, IT-95-13/1-PT, CR, 10 juillet 2003, p. 119.
3 - Le 11 juillet 2003, MM. Petronijevic et Bulatovic m’ont adressé une lettre dans laquelle ils indiquaient notamment qu’ils n’avaient fait aucune déclaration à deux quotidiens publiés en B/C/S à Francfort. Je n’ai pas tenu compte de cette lettre pour arriver à ma décision. Je note cependant que le Greffier n’a invoqué aucun article de ces publications pour arriver à la sienne.
4 - Le 22 juillet 2003, M. Petronijevic a déposé un document intitulé : Appeal of Mr Goran Petronijevic on the Registry Decision Declining Assignment of Defense Counsels to the Accused. M. Petronijevic a affirmé avoir déposé ce document en vertu de l’article 14 D) de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense. Cet article a trait aux décisions du Greffier portant rejet de la commission d’office de conseils lorsqu’une procédure disciplinaire ou d’outrage est intentée à leur encontre. La décision du Greffier examinée ici n’ayant pas été rendue en application de l’article 14 de la Directive (comme M. Petronijevic aurait dû le savoir) le document déposé par M. Petronijevic est sans intérêt pour l’espèce. En outre, comme le signale le Greffier, c’est le suspect ou l’accusé – et non le conseil visé – qui est en droit de former un recours contre les décisions concernant la commission d’office de conseils de la défense, rendues en application de l’article 13 de la Directive ou de l’article 44 B) du Règlement. Voir Submission of the Registrar Pursuant to Rule 33 B) (la « Réponse du Greffier »), par. 2. Si le Juge ou la Chambre saisie du recours peut décider d’autoriser des personnes autres que les parties intéressées à déposer des écritures, je ne l’ai pas fait en l’espèce.
5 - L’article 33 B) dispose que :

B) Le Greffier peut, dans l’exercice de ses fonctions, informer le Président ou les Chambres oralement ou par écrit de toute question relative à une affaire particulière qui affecte ou risque d’affecter l’exécution de ses fonctions, y compris l’exécution des décisions judiciaires, en informant les parties lorsque cela est nécessaire.

Bien que les passages pertinents tant de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense que du Règlement de procédure et de preuve ne prévoient pas le dépôt d’une réponse du Greffier lors de recours formés contre ses décisions en matière de commission d’office de conseils, je pense que le Greffier serait en droit de déposer pareille réponse même si l’article 33 B) n’existait pas. Qu’une réponse du Greffier, dans des cas comme celui qui nous préoccupe, soit considérée ou non comme des observations au titre de l’article 33 du Règlement, cette réponse doit en tout état de cause être présentée dans les délais. Ni l’article 33 ni l’article 44 du Règlement, ni l’article 13 de la Directive ne fixent des délais pour le dépôt d’une réponse. L’article 13 B) donne à l’accusé deux semaines pour déposer une réponse. L’article 126 bis du Règlement prévoit par défaut un délai de deux semaines pour le dépôt de réponses à des requêtes. En l’espèce, le Greffier n’aurait pu raisonnablement imaginer qu’il disposerait de plus de deux semaines pour déposer une réponse au recours de Sljivancanin. J’estime donc que son dépôt a été effectué hors délais. Toutefois, compte tenu de l’incertitude concernant les délais applicables, j’autorise ce dépôt tardif en l’espèce. Je ne doute pas que le Greffier fera preuve d’une plus grande promptitude en pareils cas à l’avenir.
6 - Réponse du Greffier, par. 15.
7 - Idem, par. 10. Ayant pris en considération les divers intérêts en jeu, j’ai rendu ma décision sans attendre de savoir si M. Sljivancanin souhaitait déposer une réponse.
8 - Dans sa décision sous forme de lettre du 9 juillet 2003, le Greffier invoque l’article 44 A) et B) du Règlement à l’appui de sa décision et informe M. Sljivancanin qu’il est en droit d’introduire un recours contre cette décision en application de l’article 13 B) de la Directive. Cela aurait impliqué un recours devant la Chambre de première instance. À la comparution initiale de l’accusé le 10 juillet 2003, David Pimentel, chef de la Section d’administration et d’appui judiciaire, a réaffirmé ce point de vue (bien qu’il ait invoqué à tort l’article 13 A), qui concerne les suspects, au lieu de l’article 13 B), qui concerne les accusés). Voir Le Procureur c/ Veselin Sljivancanin, IT-95-13/1-I, CR, 10 juillet 2003, p. 120. Le Juge Agius a informé M. Sljivancanin qu’il pouvait faire appel de la décision du Greffier auprès du Président. Id.
9 - Voir Le Procureur c/ Mrksic et consorts, IT-95-13-I, Confirmation de l’acte d’accusation, 7 novembre 1995. L’acte d’accusation a été modifié en 1996 et 1997. La Chambre de première instance II examine actuellement une requête de l’Accusation aux fins d’une nouvelle modification de l’acte d’accusation. Voir Le Procureur c/ Mrksic et consorts, Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation de déposer un acte d’accusation modifié consolidé, déposée le 21 juillet 2003.
10 - Article 11 A).
11 - Voir Le Procureur c/ Kvocka et consorts, IT-98-30/1-A, Décision relative à la demande d’examen de la décision du Greffier de suspendre l’aide juridictionnelle accordée à Zoran Zigic, par. 1 et 2 (où il est exposé que les articles 13 et 18 prévoient un droit d’examen des décisions du Greffier de « rejeter [la demande] d’aide juridictionnelle » ou de « retirer le bénéfice de l’aide juridictionnelle ») (la « Décision Kvocka »).
12 - L’article 45 C) ne définit pas les « circonstances particulières » (autres que le respect des conditions visées à l’article 44) dans lesquelles le Greffier devrait accéder à la requête d’un suspect ou d’un accusé indigent aux fins de commission d’office d’un conseil dont le nom ne figure pas sur sa liste. Il n’explique pas non plus pourquoi un conseil ainsi commis d’office ne doit apparemment remplir que les conditions visées à l’article 44, alors que ceux choisis sur la liste doivent remplir les conditions supplémentaires visées à l’article 45 B).
13 - Voir, par exemple, Kambanda c/ Le Procureur, Affaire n° ICTR-97-23-A, Arrêt, Chambre d'appel, 19 octobre 2000, par. 33; Le Procureur c/ Akayesu, Affaire n° ICTR-96-4-A, Arrêt, Chambre d'appel, 1er juin 2001, par. 61 et 62; Le Procureur c/ Blagojevic et Jokic, Affaire n° IT-02-60-T, Decision on Independent Counsel for Vidoje Blagojevic's Motion to Instruct Registrar to Appoint New Lead and Co-counsel, 3 juillet 2003, par. 74 et 75; Le Procureur c/ Knezevic et consorts, Affaire n° IT-95-4-PT, Décision relative à la demande de l'accusé aux fins d'examen de la décision du Greffier concernant la commission d'office d'un conseil, 6 septembre 2002, p. 3; voir, par exemple, Lagerblom c/ Suède, Cour européenne des droits de l'homme, arrêt du 14 janvier 2003, par. 54; Croissant c/ Allemagne, Cour européenne des droits de l'homme, arrêt du 28 août 1992, par. 29.
14 - Décision Kvocka, par.12.
15 - Id./sic/
16 - Id.
17 - Il convient également de rappeler qu'il n'est pas nécessaire de donner à l'accusé (et donc à l'avocat de son choix) la possibilité de répondre à toutes les pièces rassemblées par le Greffier, mais seulement à celles que le Greffier entend invoquer pour prendre sa décision.
18 - Je crois comprendre que cela inclut la représentation de l'accusé dans la procédure d'extradition aboutissant au transfert de l'accusé au Tribunal.
19 - Le Procureur c/ Stanisic, Affaire n° IT-03-69-PT, Décision du Greffier, 18 juillet 2003, p. 2 ; Lettre du Greffier à M. Zeljko Olujic, 25 juin 2003. La lettre à M. Olujic concerne l'affaire n° IT-95-12-PT, Le Procureur c/ Ivica Rajic. La lettre à M. Olujic n'est pas une décision formelle, mais elle se propose de fixer les critères en fonction desquels le Greffier peut examiner d'un œil favorable la demande de commission d'office dans cette affaire.
20 - Voir supra, par. 6 ; Réponse du Greffier, par. 10.
21 - Voir Réponse du Greffier, par. 15.