Affaire n° : IT-95-13/1-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
9 mars 2004

LE PROCUREUR

c/

MILE MRKSIC

_________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS D'EXAMEN DE LA DÉCISION DU GREFFIER DÉCLARANT MRKSIC PARTIELLEMENT INDIGENT

_________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Jan Wubben 

Le Conseil de l’Accusé Mile Mrksic :

M. Miroslav Vasic

Les Conseils de l’Accusé Miroslav Radic :

M. Borivoje Borovic
Mme Mira Tapuskovic

Les Conseils de l’Accusé Veselin Sljivancanin :

M. Novak Lukic
M. Momcilo Bulatovic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (la « Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la requête de la Défense aux fins d’examen de la Décision du Greffier du 25 septembre 2002 (Defense Request for Review of the Registrar’s Decision from the 25th of September 2002), déposée le 4 octobre 2002 (la « Requête »), par laquelle l’Accusé Mile Mrksic (« Mrksic ») demande à la Chambre de première instance d’examiner la décision du Greffier datée du 25 septembre 2002 (la « Décision  »), par laquelle ce dernier a décidé, entre autres, que Mrksic prendra à sa charge les frais de 330 heures de travail d’enquête mené pendant la phase préalable au procès,

ATTENDU que, dans la Requête, Mrksic avance que le Greffier du Tribunal ( le « Greffe ») a commis une erreur dans la détermination des faits qui ont fondé sa Décision1,

ATTENDU qu’en exécution d’une ordonnance de la Chambre de première instance2, le Greffe a, le 23 octobre 2002, présenté des observations sur la Requête ainsi que des pièces justifiant sa Décision (ensemble les « Observations du Greffe »),

ATTENDU que les Observations du Greffe font notamment valoir les points suivants  :

i) l’évaluation de l’état des finances de Mrksic figurant dans la Décision a été effectuée conformément à la Directive relative à la commission d’office de Conseil de la Défense (la « Directive »), et

ii) Mrksic n’a pas apporté, comme l’exige l’article 8 A) de la Directive, la preuve de son incapacité totale à participer aux frais de sa défense,

ATTENDU qu’en application du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement  ») et de la Directive, il revient au premier chef au Greffier de trancher les questions relatives à la commission d’office de conseils de la Défense3,

ATTENDU que c’est au Greffier qu’il revient de décider si un accusé est partiellement indigent, en application de l’article 11 A) ii) de la Directive, lequel dispose que :

Après examen de la déclaration de ressources, prévue à l’article 7 B) et C), et celui de toute information pertinente obtenue en conformité avec l’article 10, le Greffier détermine dans quelle mesure le suspect ou l’accusé peut rémunérer un conseil, et décide, en exposant ses motifs :

ii. …que le suspect ou l’accusé peut prendre en charge une partie de la rémunération du conseil, auquel cas la décision indiquera quels sont les frais à la charge du Tribunal,

ATTENDU qu’afin de déterminer si un accusé ne peut rémunérer son conseil, le Greffier tiendra compte des diverses ressources énumérées à l’article 8 B) de la Directive4,

ATTENDU qu'en application de l’article 8 A) de la Directive, c’est à l’accusé qu’il appartient d’apporter la preuve de son indigence5,

ATTENDU qu’en application de l’article 13 B) de la Directive, la Chambre peut examiner une décision du Greffier déclarant un accusé partiellement indigent ,

ATTENDU que le critère applicable pour l’examen judiciaire d’une décision administrative du Greffier rendue en application de l’article 11 A) ii) de la Directive est le suivant :

L’examen judiciaire de pareille décision administrative ne constitue pas un réexamen de l’affaire. Il ne s’agit pas non plus d’un appel, ni même d’une procédure similaire à la révision qu’une chambre peut entreprendre de son propre jugement en application de l’article 119 du Règlement de procédure et de preuve. L’examen judiciaire d’une décision administrative prise par le Greffier au sujet de l’aide juridictionnelle ne porte tout d’abord que sur la régularité de la procédure qu’il a suivie pour aboutir à cette décision particulière et la manière dont il y est parvenu. La décision sera annulée si le Greffier n’a pas satisfait aux exigences de la Directive. En l’espèce, cette question peut obliger à s’interroger sur la manière dont il convient d’interpréter la Directive. Elle sera également annulée si le Greffier a contrevenu à telle ou telle règle élémentaire de bonne justice ou s’il n’a pas réservé sur le plan procédural un traitement équitable à la personne concernée par la décision, s’il a pris en compte des éléments non pertinents ou omis de tenir compte d’éléments pertinents, ou s’il est parvenu à une conclusion qu’aucune personne sensée étudiant correctement la question n’aurait pu tirer (critère tiré du caractère déraisonnable)6.

ATTENDU, dès lors, que le rôle de la Chambre consiste à examiner la conformité de la décision rendue par le Greffier, selon les principes énoncés plus haut,

ATTENDU qu’en application de l’article 8 B) de la Directive, le Greffier a tenu compte des ressources suivantes avant de rendre sa Décision :

1) les pensions mensuelles moyennes perçues par Mrksic et son épouse ;

2) les biens appartenant à Mrksic, notamment :

i) deux appartements à Belgrade,

ii) un garage, et

iii) un véhicule7,

ATTENDU, en outre, qu’en application de l’article 11 de la Directive, le Greffier, afin de déterminer si l'accusé était indigent, a également dûment tenu compte de la déclaration de ressources8 fournie par Mrksic ainsi que d’autres renseignements pertinents obtenus en examinant sa situation9,

ATTENDU que Mrksic n’a pas apporté la preuve que le Greffier n’avait pas dûment examiné les renseignements en question,

ATTENDU que la Décision du Greffier a été prise en application des articles 8 B) et 11 de la Directive, qui fixent la procédure selon laquelle le Greffier décide si un accusé a droit à ce que ses frais de représentation soient pris en charge par le Tribunal, et qu’en conséquence, le Greffier a bien interprété la Directive 10,

ATTENDU que Mrksic n’a absolument pas apporté à l’appui de sa Requête la moindre indication que le Greffier n’a observé aucune règle de bonne justice et n’a pas réservé sur le plan procédural un traitement équitable aux personnes concernées par la Décision,

ATTENDU que Mrksic n’a pas apporté la preuve de son incapacité à rémunérer le conseil, comme l’exige l’article 8 A) de la Directive,

ATTENDU, enfin, que le Greffier n’est pas parvenu à une conclusion qu’aucune personne sensée ayant correctement étudié la question n’aurait pu tirer,

ATTENDU qu’en vertu de l’article 13 B) de la Directive, la Chambre, lorsqu’elle examine une décision du Greffier déclarant partiellement indigent un accusé, peut soit i) confirmer la décision du Greffier, soit ii) décider qu’un conseil doit être commis d’office,

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

CONFIRME la Décision du Greffier et REJETTE la Requête.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 9 mars 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
Carmel A. Agius

[Sceau du Tribunal]


1 - Requête, par. 3 à 8.
2 - Order to the Prosecution and Registry to Comment on the Defence Request for Review of the Registrar’s Decision from the 25th of September 2002, 9 octobre 2002.
3 - Voir l’article 45 A) du Règlement ; Le Procureur c/ Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura, affaire n° IT-01-47-PT, Décision relative à la Requête urgente aux fins de la tenue d’une audience ex parte concernant l’allocation de ressources à la Défense et son incidence sur le droit de l’accusé à un procès équitable, 17 juin 2003 ; Le Procureur c/ Milan Milutinovic, Dragoljub Ojdanic et Nikola Sainovic, Affaire n° IT-99-37-PT, Décision relative à la Requête aux fins de l’octroi de fonds supplémentaires, 8 juillet 2003 ; Le Procureur c/ Milan Milutinovic, Dragoljub Ojdanic et Nikola Sainovic, Affaire n° IT-99-37-PT73.2, Décision relative à l’appel interlocutoire concernant la Requête aux fins de l’octroi de fonds supplémentaires, 13 novembre 2003, par. 19.
4 - L’article 8 B) de la Directive dispose ce qui suit : « Pour déterminer si le suspect ou l’accusé a ou non les moyens de rémunérer un conseil, sont prises en considération les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui. »
5 - Article 8 A) de la Directive; Le Procureur c/ Miroslav Kvocka, Mlado Radic, Zoran Zigic et Dragoljub Prcac, Affaire n° IT-98-30/1-A, Décision relative à la demande d’examen de la décision du Greffier de suspendre l’aide juridictionnelle accordée à Zoran Zigic, 7 février 2003, par. 14 (la « Décision Zigic »).
6 - Décision Zigic, par. 13.
7 - Décision du Greffier, p. 1.
8 - Voir article 7 de la Directive.
9 - Voir article 10 de la Directive.
10 - L’article 8 B) de la Directive dispose que : « [p]our déterminer si le suspect ou l’accusé a ou non les moyens de rémunérer un conseil, sont prises en considération les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui. »