Affaire n° : IT-95-13/1-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
29 octobre 2004

LE PROCUREUR

c/

MILE MRKSIC
MIROSLAV RADIC
VESELIN SLJIVANCANIN

_______________________________________

DECISION RELATIVE A LA FORME DU DEUXIEME ACTE D’ACCUSATION MODIFIE CONSOLIDE

_______________________________________

Le Bureau du Procureur

M. Jan Wubben

Le Conseil de l’Accusé Mile Mrksic

M. Miroslav Vasic 

Les Conseils de l’Accusé Miroslav Radic

M. Borivoje Borovic
Mme Mira Tapuskovic

Les Conseils de l’Accusé Veselin Sljivancanin :

M. Novak Lukic
M. Momcilo Bulatovic

I. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. La Chambre de première instance II (la « Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal ») est saisie, en application de l’article 72 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)1, de deux exceptions préjudicielles pour vices de forme du deuxième acte d’accusation modifié consolidé établi à l’encontre des Accusés Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin (ensemble les « Accusés »)2. Les deux exceptions préjudicielles ont été respectivement déposées par Veselin Sljivancanin le 20 septembre 2004 (l’« exception préjudicielle de Veselin Sljivancanin »)3 et par Mile Mrksic le 24 septembre 2004 (l’« exception préjudicielle de Mile Mrksic  »)4. Le Bureau du Procureur (l’« Accusation  ») a déposé sa réponse le 4 octobre 2004 (la « Réponse de l’Accusation »)5.

2. La procédure relative aux différents actes d’accusation en l’espèce a déjà été exposée dans des décisions antérieures et il est donc inutile de la rappeler ici 6. On se bornera à dire que la Chambre de première instance, dans la Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, a ordonné à l’Accusation de modifier l’Acte d’accusation consolidé à nouveau modifié et d’en déposer la nouvelle version7. Par conséquent, le 26 août 2004, l’Accusation a déposé le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé. C’est celui-ci que visent les dernières exceptions préjudicielles déposées par Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin.

II. DEUXIÈME ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ CONSOLIDÉ

3. Le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé met à la charge des Accusés, en vertu de l’article 7, alinéas 1) et 3) du Statut du Tribunal (le « Statut »)8, diverses infractions qui auraient été commises après la prise de Vukovar (République de Croatie) par les Serbes, à savoir sous les huit chefs suivants :

a) persécutions9, extermination10, et actes inhumains11, des crimes contre l’humanité ;

b) traitement cruel12, une violation des lois ou coutumes de la guerre ;

c) assassinat, un crime contre l’humanité13 et une violation des lois ou coutumes de la guerre14, et

d) torture, un crime contre l’humanité15 et une violation des lois ou coutumes de la guerre16.

III. PRINCIPES GÉNÉRAUX CONCERNANT LA PRÉSENTATION DES ACCUSATIONS

4. Bien que la Première Décision relative à la forme de l’acte d’accusation ne concernait que Mile Mrksic, les principes généraux qui y sont énoncés pour la présentation des accusations sont applicables en l’espèce17. La Chambre de première instance n’estime pas qu’il soit à nouveau nécessaire de présenter ici ces principes mais confirme qu’ils s’appliquent aussi dans leur intégralité à la présente décision.

IV. VICES DE FORME ALLÉGUÉS DU DEUXIÈME ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ CONSOLIDÉ

5. La Chambre de première instance s’est déjà prononcée sur un certain nombre de vices de forme de l’acte d’accusation allégués par Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin. Pour cette raison, leurs arguments actuels auraient dû se limiter aux questions nouvelles soulevées dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé. À maintes reprises, la Chambre de première a précisé que :

[i]l convient de souligner que le droit de déposer une exception préjudicielle pour vices de forme d’un acte d’accusation modifié, que l’article 50 C) confère aux accusés, concerne le contenu des modifications apportées et non les parties qui figuraient déjà dans l’acte d’accusation initial et qui n’ont pas fait l’objet d’objections préalables18.

6. Au lieu de cela, Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin soulèvent des questions qu’ils ont déjà soumises à la Chambre de première instance par le biais d’une exception préjudicielle. Cependant, ils soutiennent qu’ils agissent ainsi parce que l’Accusation ne s’est pas conformée à la Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation rendue par la Chambre de première instance et, de ce fait, n’a pas exposé dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé tous les faits essentiels de sorte qu’ils puissent préparer valablement leur défense. De façon générale, l’Accusation répond qu’elle a suivi les instructions données par la Chambre de première instance, que tous les faits essentiels ont été communiqués et que la question de la suffisance des éléments de preuve doit au contraire être tranchée au procès. Les objections particulières soulevées sont examinées ci-dessous, et se répartissent en deux catégories  :

a) objections portant sur la nature de la responsabilité présumée des Accusés en vertu de l’article 7 3) du Statut ;

b) demande de précisions supplémentaires.

A. Objections portant sur la nature de la responsabilité présumée des Accusés en vertu de l’article 7 3) du Statut

7. Veselin Sljivancanin avance que l’Accusation n’a pas agi conformément à la Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation car dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé, elle n’a pas exposé de façon suffisamment précise la responsabilité de jure présumée au sens de l’article 7 3) du Statut. Il affirme que le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé est toujours vicié car il n’y est pas précisé qui étaient ses subordonnés et les actes ou omissions de ces derniers pour lesquels il serait tenu responsable en tant que supérieur hiérarchique19.

8. L’Accusation répond que Veselin Sljivancanin n’a pas tenu compte de l’explication détaillée qui figure dans la Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié et que, lus conjointement, plusieurs paragraphes du Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé mettent suffisamment en évidence les « forces serbes » impliquées dans « l’opération d’évacuation » sur lesquelles Veselin Sljivancanin exerçait de jure une autorité20.

9. Comme il a été fait observer précédemment, Veselin Sljivancanin a déjà soulevé cette question en ce qui concerne l’Acte d’accusation modifié consolidé qui, selon lui, était vicié, notamment parce que les faits essentiels concernant les actes ou omissions de ses présumés subordonnés n’y étaient pas exposés. Dans la Deuxième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, la Chambre de première instance a tranché comme suit :

Sljivancanin soutient que l’Acte d’accusation modifié consolidé ne contient pas « la moindre information » qui donnerait à penser que a) les personnes qui lui étaient de facto subordonnées auraient commis le moindre crime, ni que b)  il aurait exercé un contrôle effectif sur ces personnes. Il ajoute que les allégations de l’Accusation sont contradictoires pour ce qui est de sa position de supérieur hiérarchique, l’Accusation alléguant au paragraphe 18 qu’il était de facto responsable d’un bataillon de la police militaire, alors qu’au paragraphe 19, elle avance que les trois Accusés « exerçaient un pouvoir de jure et de facto sur les forces placées sous leur commandement ». Selon la Chambre de première instance, l’Acte d’accusation modifié consolidé identifie de manière suffisamment précise les auteurs « matériels » des actes sous-jacents au titre desquels les Accusés sont inculpés pour les informer de la nature et des motifs des accusations portées contre eux et leur permettre de préparer efficacement leur défense. Quant à savoir s’il est vrai que les auteurs « matériels » présumés des crimes étaient des personnes qui étaient de facto subordonnées à Sljivancanin car il exerçait un contrôle effectif sur eux, au sens où il avait la capacité matérielle de prévenir les infractions ou d’en punir les auteurs, c’est là une question sur laquelle la Chambre se prononcera au procès.

En revanche, la Chambre de première instance retient l’objection soulevée par Sljivancanin concernant la nature de sa position de supérieur hiérarchique présumée, et s’adresse ainsi à l’Accusation : si sa thèse est que Sljivancanin a exercé un pouvoir de jure et de facto sur les forces placées sous son commandement, elle doit l’indiquer en termes exprès en identifiant les forces sur lesquelles il exerçait un pouvoir de jure, comme elle l’a fait pour Mrksic et Radic. Si tel n’est pas le cas, l’Accusation doit modifier le paragraphe 19 de l’Acte d’accusation modifié consolidé en conséquence21.

10. La question s’est encore posée dans une certaine mesure en ce qui concerne l’Acte d’accusation consolidé à nouveau modifié, dans lequel figure l’allégation inchangée selon laquelle Veselin Sljivancanin commandait de facto un bataillon de la police militaire subordonné à la 1ère brigade motorisée de la Garde, et où il est ajouté qu’il « exerçait de jure une autorité sur les forces serbes, comprenant des membres de la JNA et de la TO, et des unités de volontaires et de paramilitaires, comme il est indiqué au paragraphe 7 [de l’Acte d’accusation consolidé à nouveau modifié], qui ont été directement impliquées dans l’évacuation de l’hôpital de Vukovar  ». La question de savoir si le bataillon de la police militaire sur lequel Veselin Sljivancanin est présumé avoir exercé de facto une autorité a participé à la perpétration des crimes reprochés n’a pas été résolue. S’agissant de l’autorité de jure que Veselin Sljivancanin est présumé avoir eue, la Chambre de première instance, dans la Troisième Décision relative à la forme de l’Acte d’accusation, a précisé pour ce qui concerne l’Acte d’accusation consolidé à nouveau modifié que  :

[s]i l’Accusation soutient la thèse selon laquelle des membres de la TO et d’unités de volontaires et de paramilitaires ont été directement impliqués dans l’évacuation de l’hôpital de Vukovar, SelleC doit modifier les paragraphes 28, 32 et 33 en conséquence. Si ce n’est pas le cas, elle doit s’abstenir d’utiliser au paragraphe [17] le terme « forces serbes » pour désigner les personnes ayant directement participé à l’évacuation de l’hôpital de Vukovar et se borner à mentionner les membres de la JNA22.

11. Dans la Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, l’Accusation a soutenu que « des membres de la TO et d’unités de volontaires et de paramilitaires étaient directement impliqués dans l’opération d’évacuation de l’hôpital de Vukovar  », et précisé que « géographiquement, l’opération d’évacuation a commencé à l’hôpital de Vukovar, s’est poursuivie à la caserne de la JNA et s’est terminée à la ferme d’Ovcara. Chronologiquement, elle a commencé tôt dans la matinée du 20 novembre 1991 et s’est terminée le soir même. L’opération d’évacuation ne s’est donc pas limitée à un simple départ des personnes qui se trouvaient dans l’hôpital »23. Elle a affirmé que l’insertion du mot « opération » au paragraphe 17 du Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé suffisait pour lever toute ambiguïté dans la présentation des accusations24. Il convient de noter cependant que l’Accusation n’a pas précisé si l’« opération » d’évacuation recouvrait ou non les mauvais traitements infligés aux détenus de la ferme d’Ovcara et le meurtre de ceux-ci dans le ravin tout proche. Ce point nécessite aussi des éclaircissements que l’Accusation devra fournir dans l’acte d’accusation modifié qu’elle sera tenue de déposer.

12. La Chambre relève que, même si cela est sous-entendu d’après les écritures supplémentaires de l’Accusation sur cette question, l’identité des subordonnés de Veselin Sljivancanin et les actes ou omissions pour lesquels il serait tenu responsable sont loin d’être clairement exposés. La modification apportée à cet effet par l’Accusation n’a pas permis de lever l’ambiguïté présente dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé en ce qui concerne la responsabilité de supérieur hiérarchique présumée de Veselin Sljivancanin pour ce qui est des actes ou omissions de ses subordonnés.

13. La Chambre de première instance a réaffirmé à maintes reprises que l’Accusation est libre de faire valoir sa thèse comme elle l’entend, à condition qu’elle expose les faits essentiels qui permettront à la Défense de répondre en présentant ses arguments. Toutefois, dans le cas présent, la Chambre de première instance est d’accord avec les arguments présentés par Veselin Sljivancanin et enjoint à l’Accusation d’examiner attentivement le paragraphe 17 afin que, si sa thèse consiste à affirmer que Veselin Sljivancanin détenait une autorité de supérieur hiérarchique, que ce soit de jure, de facto, ou les deux à la fois, sur les individus qui ont directement pris part aux mauvais traitements infligés aux non-Serbes transférés de l’hôpital de Vukovar à la ferme d’Ovcara et aux meurtres de ceux-ci, elle l’indique de façon explicite dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé25.

14. La question ne se pose pas en ce qui concerne Mile Mrksic et Miroslav Radic puisque, dans leur cas, il est allégué que « SlCors des opérations dirigées contre Vukovar et à la suite de celles-ci, Miroljub Vujovic et Stanko Vujanovic, en leur qualité de commandants au sein de la TO, étaient tous deux des subordonnés de SMile Mrksic et de Miroslav RadicC »26. Le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé indique que les deux premiers individus, Miroljub Vujovic et Stanko Vujanovic, exerçaient un commandement « sur les unités de la TO de la “ SAO SBSO ” responsables des mauvais traitements infligés aux non -Serbes transférés de l’hôpital de Vukovar à la ferme d’Ovcara, ainsi que du meurtre de ceux-ci »27.

15. Si, comme il semble ressortir du Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé, la thèse de l’Accusation est de soutenir que Veselin Sljivancanin détenait une autorité de supérieur hiérarchique, que ce soit de jure, de facto, ou les deux à la fois, sur les individus qui ont procédé à l’évacuation des non- Serbes de l’hôpital de Vukovar, ont gardé ceux-ci en détention à la caserne de la JNA à Vukovar, puis les ont transférés dans le bâtiment de la ferme d’Ovcara où ils les ont remis aux individus ayant physiquement commis les crimes, l’Accusation doit aussi l’exposer clairement. Que la responsabilité au sens de l’article 7 3) puisse en fait découler des actes ou omissions de ses présumés subordonnés est une question qui doit être tranchée au procès et qui ne met pas en cause la forme de l’Acte d’accusation28. La Chambre de première instance réaffirme le principe selon lequel l’Accusation doit, avant le début du procès, informer l’accusé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui, et qu’il n’est pas acceptable que l’Accusation passe sous silence dans l’acte d’accusation les faits essentiels afin de pouvoir peaufiner son argumentaire au fur et à mesure que les éléments de preuve sont dévoilés29. Cela dit, il ne serait pas justifié à ce stade et pour ces raisons de demander à l’Accusation de limiter son argumentation, quant à la responsabilité de Veselin Sljivancanin, à une responsabilité au sens de l’article 7 1) du Statut. Comme cela a été signalé, la question de savoir si la responsabilité de supérieur hiérarchique au sens de l’article 7 3) du Statut peut découler des actes ou omissions des subordonnés présumés de Veselin Sljivancanin est une question qui doit être tranchée au procès  ; cependant, ces actes ou omissions constituent eux-mêmes des faits essentiels et doivent figurer dans l’acte d’accusation.

16. La Chambre appelle en outre l’attention de l’Accusation sur le paragraphe 18 du Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé. La Chambre s’attend à ce qu’en définitive ce paragraphe expose la thèse revue de l’Accusation s’agissant de la responsabilité de supérieur hiérarchique présumée de Veselin Sljivancanin.

17. L’objection formulée par Veselin Sljivancanin est par conséquent retenue.

B. Demande de précisions supplémentaires

18. Mile Mrksic allègue qu’au paragraphe 9 b) du Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé, l’Accusation, ne tenant aucun compte des instructions données par la Chambre de première instance dans la Troisième Décision relative à la forme de l’Acte d’accusation, n’a pas suffisamment exposé la participation alléguée de Mile Mrksic à « d’autres discussions » avec le personnel de l’hôpital concernant la mise en œuvre de l’accord en vue de l’évacuation des patients30.

19. L’Accusation répond en appelant l’attention de Mile Mrksic sur les pièces justificatives qui, selon elle, « mettent suffisamment en lumière l’objet des "discussions" sur la mise en œuvre de l’accord en vue de l’évacuation des patients31  ».

20. Dans la Troisième Décision relative à la forme de l’Acte d’accusation, la Chambre de première instance a précisé que :

[l]a Chambre de première instance estime que, si l’Acte d’accusation consolidé à nouveau modifié comporte suffisamment de précisions concernant les négociations du 18 novembre 1991, les faits concernant les « autres négociations » mentionnées aux paragraphes 9 b) et 11 b) ne sont pas présentés de manière suffisamment précise, et que la pièce justificative indiquée par l’Accusation ne corrige pas ce vice [le compte rendu d’une audition du docteur Vesna Bosanac, que la Chambre de première instance était censée examiner à ce moment-là et dont elle a conclu ne comporter aucune référence à des négociations en vue de l’évacuation32 ]. On ignore toujours quel rôle ont joué ces autres négociations, qui y a pris part et quelles responsabilités supplémentaires en découlaient pour Sljivancanin et Mrksic. Les objections de Sljivancanin et Mrksic sont retenues et l’Accusation est priée de préciser ses allégations en indiquant en particulier où et quand ont eu lieu les « autres négociations » mentionnées aux paragraphes 9 b) et 11 b), qui y a pris part et quelle en a été l’issue33.

21. Dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé, l’Accusation a modifié les paragraphes 9 b) et 11 b) de sorte qu’ils se lisent :

[Mrksic ou Sljivancanin, selon le cas] avait connaissance de l’accord conclu entre la JNA et les autorités croates le 18 novembre 1991 à Zagreb, concernant l’évacuation des patients de l’hôpital de Vukovar et il a ensuite participé à d’autres discussions avec le personnel de l’hôpital pour mettre en œuvre cet accord en vue de l’évacuation des patients34 ;

22. La Chambre de première instance est d’avis que l’Accusation, lorsqu’elle a précisé que Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin avaient participé auxdites "autres discussions" avec le personnel de l’hôpital de Vukovar au sujet de la mise en œuvre de l’accord en vue de l’évacuation des patients, s’est acquittée de son obligation d’exposer dans le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé les faits essentiels. Toute autre demande en vue d’obtenir des précisions supplémentaires en ce qui concerne ces discussions est une demande visant en fait à obtenir des précisions concernant les faits essentiels. La Chambre de première instance a précédemment admis que :

bien que l’Accusation soit tenue de fournir le plus de précisions possibles lorsqu’elle présente ses arguments, une omission à cet égard ne constitue pas un vice de forme du Deuxième acte d’accusation modifié. Les Accusés ne sont pas fondés, à ce stade de la procédure, à arguer d’une insuffisance des éléments de preuve. Si les renseignements qu’ils recherchent ne figurent pas dans les déclarations de témoins qui leur ont été communiquées par l’Accusation en application de l’article 66 A) du Règlement, la voie à suivre est de demander à l’Accusation de leur préciser sur quelles déclarations elle s’appuie pour prouver les faits essentiels en question. Si la réponse de l’Accusation à cette demande n’est pas satisfaisante, alors et alors seulement, les Accusés peuvent demander à la Chambre de première instance d’ordonner que ces précisions leur soient fournies35.

23. Dans la Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, cette dernière a aussi appelé l’attention de la Chambre sur plusieurs déclarations de témoins figurant parmi les pièces justificatives, à savoir celles du docteur Vesna Bosanac, de Vlado Franic et de Neda Striber, qui, selon elle, apportent des précisions au sujet desdites discussions36. Il est suggéré à Mile Mrksic qu’il pourrait se contenter de les lire attentivement s’il souhaite obtenir des précisions sur cette question, ce qu’il n’a pas fait, comme indiqué plus haut.

24. L’objection de Mile Mrksic est par conséquent rejetée.

25. Selon la Chambre de première instance, une question supplémentaire se pose, à savoir que l’article 50 A) ii) du Règlement exige que la Chambre en l’espèce soit convaincue « qu’il existe à l’appui de la modification proposée des éléments de preuve répondant au critère défini à l’article 19, paragraphe 1), du Statut ». Bien que l’allégation selon laquelle Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin auraient participé à d’autres négociations en vue de l’évacuation des patients de l’hôpital de Vukovar ait figuré sous différentes formes dans plusieurs des actes d’accusation antérieurs, lorsque la Chambre a jugé que ceux-ci étaient viciés, le fait d’avoir précisé que ces autres discussions ont eu lieu entre Mile Mrksic, Veselin Sljivancanin et le personnel de l’hôpital de Vukovar est inédit. En conséquence, la Chambre de première instance souhaiterait simplement s’assurer, en s’appuyant sur les déclarations de témoins mises en avant par l’Accusation, qu’il existe des éléments de preuve à l’appui de cette modification qui répondent au critère mentionné ci-dessus. Pour cette raison, l’Accusation devra fournir lesdites déclarations à la Chambre de première instance 37.

V. DISPOSITIF

Par ces motifs,

EN APPLICATION de l’article 72 du Règlement,

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

1. ORDONNE à l’Accusation de modifier le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé qui est joint à la Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, selon les conditions énoncées aux paragraphes 11, 13, 15 et 16 de la présente décision ;

2. ORDONNE à l’Accusation de déposer l’acte d’accusation modifié dans les 14 jours à partir de la date de dépôt de la présente décision, c’est-à-dire au plus tard le 12 novembre 2004 ; et

3. ORDONNE à l’Accusation de communiquer à la Chambre de première instance les déclarations des témoins énumérées au paragraphe 23 de la présente décision.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 29 octobre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1 - Règlement de procédure et de preuve, IT/32/Rév. 32, 12 août 2004.
2 - Présentation par l’Accusation d’un acte d’accusation modifié consolidé à nouveau modifié, en application de la décision rendue par la Chambre de première instance le 20 juillet 2004, 26 août 2004 («Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié »). L’Annexe I à la Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié est le Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé.
3 - Rule 72 A (ii) Preliminary Motion of Veselin Sljivancanin Defence, 20 septembre 2004.
4 - Defence Preliminary Motion, 24 septembre 2004.
5 - Prosecution’s Response to Preliminary Motions of Accused Mile Mrksic and Veselin Sljivancanin, 4 octobre 2004.
6 - Le premier Acte d’accusation établi à l’encontre des Accusés a été confirmé en 1995 : Le Procureur c/ Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin, affaire n° IT-95-13-I, Acte d’accusation, 7 novembre 1995. Mile Mrksic s’est livré au Tribunal le 15 mai 2002, et l’Accusation a reçu l’autorisation de déposer ce qu’elle a désigné comme le Deuxième Acte d’accusation modifié, établi seulement à l’encontre de Mile Mrksic : Le Procureur c/ Mile Mrksic, affaire n° IT-95-13/1, Deuxième Acte d’accusation modifié, 2[9] août 2002. Suite aux affirmations de Mile Mrksic, la Chambre de première instance a jugé que cet acte d’accusation était vicié et a ordonné à l’Accusation de le modifier : Le Procureur c/ Mile Mrksic, affaire n° IT-95-13/1-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation, 19 juin 2003 (la « Première Décision relative à la forme de l’acte d’accusation »). Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin ont par la suite été remis à la garde du Tribunal, et l’Accusation a demandé l’autorisation de déposer un seul acte d’accusation à l’encontre des trois Accusés. Ils ont à leur tour allégué que l’Acte d’accusation modifié consolidé était vicié, et la Chambre de première instance a ordonné à l’Accusation de le modifier : Décision relative aux exceptions préjudicielles pour vices de forme de l’Acte d’accusation modifié consolidé et à la requête de l’Accusation aux fins de modifications, 23 janvier 2004 (la « Deuxième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation »). Voir aussi Corrigendum à la Décision relative aux exceptions préjudicielles pour vices de forme de l’Acte d’accusation modifié consolidé et à la requête de l’Accusation aux fins de modifications, 26 janvier 2004. Ultérieurement, des exceptions préjudicielles pour vices de formes de l’acte d’accusation consolidé à nouveau modifié ont été déposées par Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin. La Chambre de première instance a ordonné à l’Accusation de modifier l’acte d’accusation consolidé à nouveau modifié et d’en déposer la nouvelle version : Décision relative à la forme de l’acte d’accusation consolidé à nouveau modifié, 20 juillet 2004 (la « Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation »).
7 - Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, par. 1. L’Accusation avait auparavant demandé une prorogation du délai de dépôt, et la Chambre de première instance avait accédé à cette demande : voir Décision relative à la prorogation du délai de dépôt de la version modifiée de l’acte d’accusation modifié consolidé, 13 août 2004.
8 - Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut »), tel qu’amendé par la résolution 1481 (19 mai 2003) du Conseil de sécurité. Ci-après, les termes « article » ou « articles » feront respectivement référence à un article ou à des articles du Statut.
9 - Chef 1, article 5 h) du Statut.
10 - Chef 2, article 5 b) du Statut.
11 - Chef 6, article 5 i) du Statut.
12 - Chef 8, une violation reconnue par l’article 3 1) a) commun aux Conventions de Genève et punissable aux termes de l’article 3 du Statut.
13 - Chef 3, article 5 a) du Statut.
14 - Chef 4, une violation reconnue par l’article 3 1) a) commun aux Conventions de Genève et punissable aux termes de l’article 3 du Statut.
15 - Chef 5, article 5 f) du Statut.
16 - Chef 7, une violation reconnue par l’article 3 1) a) commun aux Conventions de Genève et punissable aux termes de l’article 3 du Statut.
17 - Première Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 7 à 14.
18 - Troisième Décision relative à l’acte d’accusation, par. 25. Voir aussi Le Procureur c/ Milorad Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000, par. 15.
19 - Exception préjudicielle de Veselin Sljivancanin, par. 17.
20 - Réponse de l’Accusation, par. 17.
21 - Deuxième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 38 et 39 (notes de bas de page non reproduites).
22 - Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 22. Dans sa décision, la Chambre de première instance a par erreur fait référence au paragraphe 18 de l’acte d’accusation modifié consolidé à nouveau modifié du 6 février 2004 au lieu de faire référence au paragraphe 17 de l’acte d’accusation modifié consolidé à nouveau modifié du 9 février 2004. Voir Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, par. 15.
23 - Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, par. 18 et 19.
24 - Réponse de l’Accusation, par. 19.
25 - Voir, par exemple, les arguments de l’Accusation en ce qui concerne Miroljub Vujovic et Stanko Vujanovic au paragraphe 8 du Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé.
26 - Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé, par. 15 et 16.
27 - Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé, par. 8 c). La Chambre de première instance relève que l’Accusation a modifié ce paragraphe conformément à ses instructions figurant dans la Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation : voir ladite décision, par. 26 ; voir aussi Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, par. 23 à 26.
28 - L’article 7 3) du Statut dispose comme suit : « Le fait que l’un quelconque des actes visés aux articles 2 à 5 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs ».
29 - Voir Arrêt Kupreskic, par. 92 ; voir aussi Première Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 13.
30 - Exception préjudicielle de Mile Mrksic, par. 5 à 7.
31 - Réponse de l’Accusation, par. 21.
32 - Voir en outre à ce sujet la note 37 ci-dessous.
33 - Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 17. Voir aussi ibid., par. 16.
34 - Deuxième Acte d’accusation modifié consolidé. Les paragraphes 9 b) et 11 b) de l’acte d’accusation consolidé à nouveau modifié se lisaient comme suit : « avait connaissance de l’accord conclu entre la JNA et les autorités croates le 18 novembre 1991 à Zagreb, concernant l’évacuation des patients de l’hôpital de Vukovar et il a ensuite participé à d’autres négociations sur l’évacuation des patients ».
35 - Deuxième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 53 ; voir aussi Première Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 48, et Le Procureur c/ Radoslav Brdjanin et Momir Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à la forme du Troisième Acte d’accusation modifié, 21 septembre 2001, par. 8.
36 - Présentation par l’Accusation de l’acte d’accusation modifié, note 4.
37 - Il a été supposé à tort dans la Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation que la Chambre de première instance était en possession de la déclaration du docteur Vesna Bosanac, laquelle se serait trouvée parmi les pièces justificatives fournies par l’Accusation formant l’Annexe II confidentielle à l’Acte d’accusation consolidé à nouveau modifié : voir Troisième Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 16 et note 39. La Chambre a maintenant pu vérifier que ce n’était pas le cas.