Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 28 octobre 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Docteur.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons essayer de siéger un peu

9 moins longtemps aujourd'hui pour des périodes plus courtes de façon à voir

10 si cela peut vous aider à être plus confortable.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous devons simplement vous rappeler,

12 je dois vous rappeler l'engagement solennel que vous avez pris pour ce qui

13 est de dire la vérité et ceci s'applique toujours.

14 LE TÉMOIN: VESNA BOSANAC [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic.

17 M. BOROVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

18 Messieurs les Juges, bonjour à tous mes confrères de l'accusation.

19 Contre-interrogatoire par M. Borovic : [Suite]

20 Q. [interprétation] La première question, c'est : il y avait Dedakovic qui

21 s'appelait Jastreb, quand avez-vous demandé de l'aide au Dr Ivankovic ?

22 Quand était-ce et où que Mile Dedakovic se situait, cette personne-là se

23 situait ?

24 R. Je ne peux pas me rappeler la date exacte; je pense que c'était en

25 octobre. A ce moment-là, j'ai participé à une réunion avec M. Dedakovic

26 dans le sous-sol de l'ancien bâtiment municipal.

27 Q. Merci. Combien de fois êtes-vous allée au poste de police, à l'endroit

28 où se trouvait l'état-major de la police au cours de ces trois mois ?

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1 R. Je ne saurais le dire avec précision mais plus de dix fois.

2 Q. Quelle était la distance entre l'état-major principal, l'état-major de

3 Dedakovic et l'hôpital ?

4 R. Environ un kilomètre.

5 Q. Quelle était la distance du poste de police par rapport à l'hôpital ?

6 R. Environ 200 mètres.

7 Q. Merci. Quand on vous a demandé si un témoin avait amené ces messages

8 télécopiés en voiture, nous avons entendu une réponse du témoin. Ma

9 question est la suivante : est-ce que le témoin pourrait expliquer comment

10 ceci s'est fait jour, puisqu'elle était dans une voiture ? Est-ce qu'il y

11 avait d'autres voitures dans la rue ? Combien de temps est-ce que cela a

12 pris, ainsi de suite ? Si on pouvait décrire.

13 R. C'était très difficile. Les obus pleuvaient de partout. Je montais dans

14 une voiture devant l'hôpital, puis j'allais en voiture en empruntant la rue

15 qui, aujourd'hui, s'appelle Zupanjska. Je passais devant le tribunal et

16 l'immeuble de la police, et je continuais pour aller au centre-ville

17 prenant la rue qui s'appelait rue Bozidara Adzije, puis j'empruntais la rue

18 Skolska. Je m'arrêtais là, et j'allais au -- [Aucune interprétation]

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons eu deux coupures de son,

20 ici. Je me demande, Docteur, si vous pourriez répéter votre réponse. Je

21 vois que le son est toujours coupé à ce qu'il semble.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je maintenant continuer ? Pouvez-vous

23 m'entendre maintenant ?

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur, nous avons eu maintenant

25 trois coupures de son. Est-ce que vous voulez bien répéter votre réponse ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux la répéter. Toutefois, je

27 n'entends pas la traduction de votre question, maintenant.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous entendez la traduction

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1 en anglais de ma question, Maître Borovic ?

2 M. BOROVIC : [interprétation] Non.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A ce qu'il semble, nous avons un

4 problème pour ce qui est d'entendre l'anglais.

5 M. BOROVIC : [interprétation] Oui, bien.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est bon ? Vous recevez maintenant ?

7 Vous pouvez entendre la traduction, Docteur ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'entends maintenant.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Espérons que

10 l'émission ne sera pas interrompue. Maintenant, nous pourrions peut-être

11 revenir à votre question, Maître Borovic, et nous allons essayer d'avoir à

12 nouveau la réponse. Veuillez reposer votre question, s'il vous plaît.

13 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous remercie.

14 Q. Par conséquent, lors de vos communications quotidiennes avec l'état-

15 major du Corps des gardes, le témoin s'y rendait quotidiennement en

16 voiture. Est-ce que le témoin pourrait nous dire quelle était la situation

17 dans les rues, combien il y avait de voitures, et si elle était la seule

18 personne à conduire une voiture ?

19 R. Il était difficile de circuler en voiture. Les obus continuaient de

20 pleuvoir partout, et on pouvait même s'attendre à ce qu'un arbre tombé

21 barre la route à n'importe quel endroit. Il y avait des gravas et des

22 débris partout, tels que des briques et ainsi de suite. On voyait encore

23 des voitures dans les rues, mais très peu. La plupart de celles qu'on

24 pouvait voir étaient l'ambulance, la voiture des pompiers et seulement

25 quelques véhicules civils.

26 Q. Est-ce que le témoin n'a jamais emprunté une ambulance portant les

27 marques visibles d'une croix rouge ou est-ce qu'elle circulait dans les

28 véhicules civils ?

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1 R. Voitures civiles.

2 Q. Combien de membres de ceux que l'on appelle la ZNG se trouvaient là au

3 cours des trois mois correspondant à cette affaire, le ZNG étant le corps

4 de la Garde nationale ?

5 R. Je ne peux pas vous donner de réponse précise. Voulez-vous parler des

6 blessés et des malades ?

7 Q. Je veux parler des blessés, des malades, et de quiconque étaient

8 présents à l'hôpital.

9 R. Il est difficile pour moi de vous donner une réponse précise. Sur la

10 base des renseignements que nous avions à l'époque en 1995, nous avons eu

11 3 470 blessés.

12 Q. Est-ce que tous étaient membres du corps de la Garde nationale ?

13 R. Non.

14 Q. Ma question ne concernait qu'eux.

15 R. Comme je vous l'ai dit, il m'est difficile de répondre à cela. Si vous

16 avez besoin d'une réponse précise et exacte, il faudrait que je puisse

17 consulter la base de données de l'hôpital. Toutefois, pendant cette

18 période, il y a eu d'habitude de 50 à 60 % de civils membres de la ZNG,

19 membres de la police.

20 Q. Si au total les membres étaient d'environ 3 000, 50 % de ceux-ci

21 étaient soit des membres de la ZNG ou des forces de police ?

22 R. C'est une estimation, juste une estimation.

23 Q. Je vous remercie. La cellule de Crise, les hôpitaux, qui prenait les

24 décisions dans la cellule de Crise, et qui rédigeait les messages par

25 télécopie lançant des appels que le témoin nous a décrits ?

26 R. La cellule de Crise de l'hôpital comprenait mes adjoints, mes collègues

27 à l'hôpital, et les messages par télécopie contenant des appels étaient

28 rédigés par moi, uniquement par moi.

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1 Q. Est-ce que le témoin pourrait, s'il vous plaît, expliquer à la Chambre

2 pourquoi elle a rédigé ces messages télécopiés elle-même au lieu de faire

3 participer d'autres membres de la cellule de Crise dans ce processus ?

4 Parce que le but de la cellule de Crise était de s'assurer que tout le

5 monde participait à ce genre de choses.

6 R. J'ai dit que j'ai rédigé moi-même ces appels, mais après avoir vérifié

7 les renseignements que j'avais à l'hôpital. D'autres membres de la cellule

8 de Crise avaient d'autres tâches telles que la chirurgie, la logistique, et

9 ainsi de suite.

10 Q. Je vous remercie. Ce point-là ne m'intéresse pas particulièrement.

11 Ma question est la suivante : est-ce que le témoin croit que

12 l'hôpital était seul à être pris pour cible par la JNA pour ce qui est des

13 tireurs d'obus ?

14 R. Oui.

15 Q. Merci. La question suivante est la suivante : les marques représentant

16 la Croix Rouge, est-ce qu'elles étaient placées sur le bâtiment principal

17 de l'hôpital où se trouvaient les patients et le témoin ou est-ce qu'elles

18 se trouvaient peut-être sur l'autre partie des bâtiments de l'hôpital, un

19 bâtiment auxiliaire ?

20 R. Il y avait une Croix Rouge de grande dimension placée sur le bâtiment

21 administratif actuel, et nous avions aussi des patients dans le sous-sol.

22 En plus de cela, il y avait une Croix Rouge de grande dimension sur la

23 pelouse qui se trouve entre le vieux bâtiment et le nouveau bâtiment de

24 l'hôpital, dans l'endroit qui est proche de l'abri atomique.

25 Q. Ma question est la suivante : pourquoi est-ce que la Croix Rouge

26 n'était pas placée sur le bâtiment principal qui était précisément le

27 bâtiment dans lequel se trouvait les blessés et les patients ?

28 R. Parce qu'il était impossible d'avoir accès au toit du bâtiment

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1 principal de l'extérieur. C'est un immeuble de cinq étages. Lorsque la

2 décision a été prise de placer cette croix rouge quelque part, il y avait

3 déjà de nombreux tirs. C'était risqué, presque impossible, de monter sur le

4 toit du bâtiment de cinq étages.

5 Q. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire qu'il n'y avait pas de signe

6 visible sur le bâtiment sur lequel vous vous trouviez et où se trouvait les

7 patients ?

8 R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela, parce que juste à côté de ce

9 bâtiment, il y avait une croix rouge de grande dimension, très visible, de

10 30 mètres.

11 Q. Je vous remercie. A quelle distance se trouvait cette croix rouge par

12 rapport au dépôt, l'endroit où se trouvait le MUP croate ?

13 R. Je ne suis pas en mesure de vous le dire, parce que je ne sais pas où

14 se trouvait le dépôt ou l'entrepôt de la police.

15 Q. Vous nous avez dit que le poste de police était à

16 200 mètres de là ?

17 R. Oui, 200 mètres. C'est là où se trouvait le poste de police lorsque j'y

18 allais pour passer des appels téléphoniques ou envoyer des télécopies. Je

19 ne sais pas où se trouvait le dépôt ou l'entrepôt.

20 Q. Ma question est la suivante : est-ce que le bâtiment de la police a été

21 pris pour cible par l'artillerie ou par les avions ?

22 R. Pas seulement l'immeuble de la police, mais également l'immeuble du

23 tribunal et tous les autres bâtiments. Pas un seul immeuble de Vukovar

24 n'est resté intact pendant la guerre. Tous ont été pris pour cibles. La

25 seule question, c'était de savoir l'étendue des dommages.

26 Q. Je vous ai posé une question concernant l'immeuble de la police.

27 R. Comme tous les autres bâtiments, j'ai dit que cet immeuble avait été

28 pris pour cible et touché plusieurs fois.

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1 Q. Quels types de missiles particuliers ont été utilisés contre le

2 bâtiment de la police ?

3 R. Je ne sais pas exactement. Il a reçu des obus, des bombes ont été

4 larguées d'avions. Mais comme j'ai passé la plupart du temps à l'hôpital,

5 je ne peux pas dire exactement quels types de missiles ont été utilisés

6 contre l'immeuble de la police.

7 Q. Ma question suivante est quelque chose que le témoin a déjà évoqué.

8 Elle a dit qu'elle a passé la plus grande partie de son temps dans la cave,

9 dans l'abri atomique. Ma question est basée sur le fait sur les

10 appréciations qu'elle a faites d'où provenaient les projectiles, étant

11 donné qu'elle passait la plus grande partie de son temps dans le sous-sol

12 de l'hôpital.

13 R. En fait, je n'ai jamais dit que je passais la plus grande partie de mon

14 temps dans le sous-sol ou l'abri atomique. Mon bureau était au rez-de-

15 chaussée et je sortais souvent. Je continuais à faire des rondes de

16 l'hôpital et d'inspection, et j'allais dans le centre-ville. Parfois,

17 j'allais chez moi ou j'allais au quartier général. J'allais au bâtiment de

18 la police. Par conséquent, j'étais tout à fait à même d'estimer combien

19 d'obus ou de projectiles atterrissaient sur le bâtiment et sur la ville

20 proprement dite.

21 Q. Sur la base de cette réponse, je pourrais conclure que le témoin se

22 déplaçait en ville de façon quotidienne et se déplaçait beaucoup. Ma

23 question est : combien de temps fallait-il lorsqu'elle allait à l'immeuble

24 de la police, quand elle allait chez elle et revenait à l'hôpital ou

25 lorsqu'elle allait au quartier général du Corps de la Garde nationale ?

26 Combien de temps consacrait-elle ou passait-elle à l'extérieur pour aller

27 et venir librement ?

28 R. Je ne pouvais pas aller et venir librement, parce qu'il y avait ces

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1 pilonnages continuels. J'ai toujours été en danger d'être touchée par un

2 projectile. Toutefois, j'allais soit à l'immeuble de la police, soit au

3 quartier général de façon à envoyer ces télécopies pratiquement tous les

4 jours. Je retournais dans un quartier résidentiel, le quartier résidentiel

5 où je vivais pour apporter des médicaments et des vivres. Je rentrais chez

6 moi pour dormir toutes les nuits et le lendemain matin, je repartais pour

7 aller à l'hôpital, bien que chaque fois, j'avais à faire face à de

8 véritables dangers.

9 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est la distance entre votre domicile et

10 l'hôpital ? Est-ce que vous y alliez deux fois par jour, en l'occurrence ?

11 R. Mon domicile se trouve à environ 500 mètres de l'hôpital.

12 Q. Comment vous y rendiez-vous ?

13 R. En voiture.

14 Q. Au retour aussi ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que votre véhicule, à un moment quelconque, était endommagé au

17 cours de ces trois mois ? Vous avez probablement fait cette navette au

18 moins 200 fois sans tenir compte de vos visites aux bâtiments de la police

19 et au quartier général de la Garde nationale. Il y avait tant d'obus qui

20 tombaient néanmoins ?

21 R. Oui, ma voiture a été endommagée plusieurs fois. Je me rappelle ceci :

22 une fois, quand j'étais allée envoyer un message par télécopie, je me

23 trouvais à l'intérieur de l'immeuble de la police, et pendant ce temps-là,

24 le véhicule a été touché par un projectile. Chaque fois que je conduisais,

25 tous les jours, il fallait que je conduise à plein gaz. Il n'y avait plus

26 de fenêtres, ni de pare-brise sur la voiture. Tout avait été brisé par les

27 projectiles, et je pouvais voir des projectiles tomber ça et là alors que

28 je conduisais.

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1 Q. Je vous remercie. A cette occasion, lorsque votre voiture a été touchée

2 devant le bâtiment de la police, est-ce qu'il a pris feu ? Est-ce qu'il a

3 été détruit ? Est-ce que vous avez continué à utiliser ce véhicule pour

4 conduire en ville ?

5 R. Il n'a pas pris feu. Il n'a pas été brûlé. Il n'a pas été détruit, mais

6 j'ai dû retourner à l'hôpital à pied parce qu'à ce stade, je n'étais plus

7 en mesure d'utiliser la voiture.

8 Q. Au cours des journées qui ont suivi, comment vous êtes-vous rendu au

9 quartier général ?

10 R. Dans une autre voiture.

11 Q. Quelle autre voiture, quel type de voiture ?

12 R. Nous avions des véhicules à l'hôpital. La police nous avait autorisé à

13 utiliser certains de leurs véhicules. Nous les empruntions, en

14 l'occurrence. C'était un Yugo et c'est celui que j'utilisais le plus

15 souvent.

16 Q. Quelle était la couleur de ce véhicule ?

17 R. Rouge.

18 Q. Est-ce que le témoin pourrait expliquer à la Chambre de première

19 instance la différence entre ce qui se passait avec des bombes larguées

20 d'avions et les projectiles des chars ? Après tout, elle a parlé

21 d'abondance, hier, au cours de sa déposition à ce sujet.

22 R. Que voulez-vous dire pour ce qui est d'expliquer la différence ? Bien

23 entendu que je peux. Vous voulez dire pour ce qui est de l'explosion --

24 Q. Est-ce que vous pouvez dire par rapport aux différents projectiles --

25 qu'est-ce que vous pouvez dire à ce sujet et nous expliquer, puisque vous

26 aviez cette position dans l'hôpital qui vous permettez de voir la

27 différence entre les résultats d'une bombe larguée d'avion et un projectile

28 tiré par un char ? Est-ce que c'est basé sur une expérience militaire que

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1 le témoin aurait ou est-ce que c'est autre chose ?

2 R. Je n'ai pas l'expérience militaire pour parler de cela et je ne savais

3 pas, avant la guerre, ce qu'était une bombe ou un obus. Toutefois,

4 lorsqu'un obus atterrissait sur l'hôpital, j'ai vu la façon dont il

5 explosait et j'ai vu la façon dont une bombe larguée d'avion qui pesait

6 environ 250 -- il tombait à environ 250 mètres et explosait. Il y en a deux

7 qui sont tombées en même temps. L'une est tombée sur le service de

8 chirurgie, au deuxième étage et l'autre n'a pas explosé, mais est tombé sur

9 un lit où se trouvait un patient. Je peux vous dire la différence

10 maintenant parce que je connais la différence entre une explosion causée

11 par un lance-roquettes multiple, une bombe larguée d'avion ou un projectile

12 tiré par un char. Toutes ces choses différentes et variétés d'armes, je

13 pense qu'aujourd'hui, je serais capable de les distinguer.

14 Q. Je vais vous poser des questions concernant ces différences un peu plus

15 tard. Maintenant, vous dites que vous avez vu une bombe qui a traversé

16 trois étages du bâtiment. Nous avons entendu parler de cette bombe au

17 deuxième étage. Y a-t-il eu d'autres bombes larguées d'avions qui aient

18 traversé les planchers ou des étages de bâtiment de l'hôpital ou est-ce que

19 c'était une seule bombe que le témoin a vue ?

20 R. J'ai vu au moins 20 de ces bombes qui ont été larguées par avion et qui

21 sont tombées dans la cour de l'hôpital ou dans les abords de l'hôpital ou

22 sur le bâtiment proprement dit.

23 Q. Excusez-moi, mais est-ce que vous avez vu d'autres missiles largués par

24 un avion comme celui-ci ?

25 R. Oui.

26 Q. Je ne sais pas si vous avez bien compris ma question. Il s'agit de

27 celui qui a traversé trois étages différents du bâtiment. Est-ce que vous

28 avez eu d'autres bombes qui sont tombées comme cela et que vous avez vues ?

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1 R. Une qui n'a pas explosé, vous voulez dire ?

2 Q. Qu'elle ait explosé ou pas explosé.

3 R. Oui. Je vous ai parlé de celle qui avait explosé. Elle est tombée à

4 côté de l'abri atomique, faisant s'effondrer le couloir où se trouvaient

5 les patients. Il y en a une autre qui est tombée sur le couloir qui reliait

6 les deux bâtiments de l'hôpital et qui a fait s'effondrer le couloir. Une

7 autre est tombée sur les bâtiments de l'hôpital et l'a fortement endommagé.

8 Il y avait celle qui est tombée sur le service de pédiatrie et l'autre qui

9 est tombée dans la cour de l'hôpital et qui a produit un cratère de trois

10 mètres.

11 Q. Ce sont trois exemples. Nous avons entendu le témoin dire qu'il y a eu

12 entre 70 et 80 bombes qui ont été larguées d'avion sur l'hôpital, sur le

13 bâtiment proprement dit. Il me frappe que vos estimations semblent quelque

14 peu exagérées pour ce qui est des chiffres mentionnés par rapport à ce que

15 vous dites aujourd'hui.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.

17 M. MOORE : [interprétation] J'objecte à cette question. Les observations de

18 mon confrère et son opinion concernant les exagérations ne font pas partie

19 de la déposition des éléments de preuve présentés.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, ce que vous étiez en

21 train de faire, c'était maintenant de présenter votre opinion personnelle.

22 Il faut que vous présentiez une proposition au témoin qui soit impartiale,

23 neutre, objective plutôt que votre opinion personnelle. Votre opinion

24 personnelle et celle de M. Moore ou de tout autre conseil ne sont pas

25 pertinentes aux fins du débat. C'est une question de savoir comment vous

26 formulez votre question. Je vous remercie.

27 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis pleinement

28 d'accord avec vous. Vous avez parfaitement raison en ce qui concerne cette

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1 partie de la question.

2 Q. La question suivante : les ambulances dont vous avez parlé, est-ce

3 qu'elles ont été brûlées par des bombes au phosphore ?

4 R. Le bâtiment qui se trouvait à côté de l'endroit où étaient garés les

5 véhicules et les ateliers ont été frappés par des obus incendiaires qui ont

6 causé un incendie.

7 Q. Je vous parlais des véhicules de la Croix Rouge. Est-ce

8 qu'ils ont été touchés par des bombes au phosphore ou pas ?

9 R. Oui. Ils ont pris feu. Ils ont brûlé, mais je ne suis pas sûre que cela

10 ait été causé par des bombes au phosphore. Lorsque les obus sont tombés,

11 tout a pris feu et tout a brûlé dans l'heure qui a suivi.

12 Q. Est-ce que vous savez si des photographies ont été prises des véhicules

13 de la Croix Rouge où on puisse voir qu'ils ont été endommagés, mais qu'ils

14 n'ont pas brûlé ?

15 R. Je ne suis pas sûre de quelles photos vous voulez parler.

16 Q. Vous ne savez pas. Nous passerons à cela plus tard.

17 R. Je dis que je ne suis pas sûre des photos précises dont vous voulez

18 parler. J'ai vu un très grand nombre de photos en ce qui concerne ce point.

19 Q. Est-ce que vous avez vu les photos de ces véhicules particuliers dont

20 nous parlons maintenant ?

21 R. Je ne suis pas sûre de savoir quelles sont les photos que vous avez à

22 l'esprit, comme je l'ai dit.

23 Q. Je vous remercie. En ce qui concerne les gaz toxiques, nous avons

24 entendu dire que des bombes contenaient des gaz toxiques et ont été

25 larguées. Est-ce que vous savez si de telles bombes ont tout détruit,

26 détruit toute forme de vie et pas seulement tué des êtres humains ?

27 R. Sur la base de mes modestes connaissances, je sais qu'il y a différents

28 types de gaz toxique.

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1 Q. Sur la base de votre instruction modeste, de quoi ce serait-il agit ?

2 R. C'était des gaz qui causaient des déchirements de tissus sur les êtres

3 humains, qui les faisaient tousser et qui avaient une odeur ressemblant à

4 celle du DDT.

5 Q. Que pensez-vous de ceci ? Lorsqu'un secteur était touché par des gaz

6 toxiques, savez-vous s'il n'était plus possible d'utiliser cet endroit plus

7 tard parce qu'il aurait fallu que ce soit complètement décontaminé avant de

8 pouvoir l'utiliser assez longtemps ?

9 R. Cela dépend du gaz toxique utilisé.

10 Q. Je vous remercie. Savez-vous que les membres de la Garde nationale se

11 changeaient en vêtements civils à l'hôpital afin d'éviter de se faire

12 arrêter par les autorités militaires après la chute de Vukovar ?

13 R. Je ne connais pas ce fait de la manière dont vous m'interrogez à son

14 sujet. La plupart des personnes qui se sont trouvées à l'hôpital n'avaient

15 absolument pas d'uniformes de la Garde nationale, n'en avaient pas du tout.

16 Q. Je vous remercie.

17 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on présenter la

18 déclaration du 19 et du 20 juin 1995 de Binazija Kolesar, première page,

19 les premières six lignes ? Il s'agit de la déclaration que nous avons

20 fournie au service de ce Tribunal. Puisque notre système ne fonctionne pas

21 encore pleinement techniquement, nous avons simplement scanné les portions

22 qui vont être présentées dans le cadre de la déposition. J'ai aussi prévu

23 des impressions papier en plus de ce que nous avions fait parvenir au

24 service du Tribunal. Si vous m'y autorisez, je peux remettre un exemplaire

25 au témoin immédiatement.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Ce serait utile.

27 M. MOORE : [interprétation] Puis-je soulever une objection quant à la

28 procédure qui vient d'être proposée ?

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore ?

2 M. MOORE : [interprétation] J'estime qu'il ne s'agit pas d'une manière

3 adéquate de contre-interroger le témoin, à savoir, de lui présenter des

4 déclarations de témoin qui viennent d'un autre témoin. Je comprends

5 pleinement que la procédure acceptable serait de dire à l'intention du

6 témoin, comme vous l'avez déjà indiqué : "Comment réagiriez-vous si on vous

7 disait qu'il y avait des personnes qui se changeaient pour se mettre en

8 vêtements différents ?" Mais présenter réellement la déposition d'un autre

9 témoin, j'estime que ce n'est pas quelque chose d'approprié puisque la

10 déclaration qu'on présentera n'a rien à voir avec la déposition de ce

11 témoin-ci.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, effectivement, ce que

13 vient de dire M. Moore est fondé. Vous vous rappellerez ce que j'en ai dit

14 hier. La pratique régulière exigerait que vous posiez vos questions vous

15 reposant sur ce que vous avez compris comme étant la substance de la

16 déclaration faite par quelqu'un d'autre, quelqu'un qui sera éventuellement

17 témoin en l'espèce, mais non pas de présenter la déclaration d'un autre

18 témoin, à moins que ceci ne soit justifié par la manière dont on a répondu

19 aux questions que vous avez posées. Peut-être qu'il vaudrait mieux que vous

20 demandiez au témoin si elle serait d'accord avec ce que vous pensez être la

21 substance de la déclaration de quelqu'un d'autre.

22 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. En

23 fin de compte, on en arrive au même point, que je présente la déclaration

24 ou que je procède par des voies détournées, on finira au même point, mais

25 enfin, je m'en remets à ce que vous avez dit.

26 Q. Madame Bosanac, est-ce qu'il y avait des personnes à l'hôpital qui

27 étaient chargées de sécuriser l'hôpital ?

28 R. Oui.

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1 Q. Est-ce qu'il y avait une sécurité interne ?

2 R. Oui.

3 Q. Composée de qui ?

4 R. La police.

5 Q. Il y en avait combien ?

6 R. A peu près trois ou quatre.

7 Q. Où étaient-ils à l'intérieur de l'hôpital, dans quelle partie de

8 l'hôpital pendant qu'ils en assuraient la sécurité ?

9 R. A l'entrée.

10 Q. Uniquement à l'entrée ?

11 R. Oui.

12 Q. Etaient-ils armés ?

13 R. Non.

14 Q. Comment est-ce qu'ils ont pu assurer la sécurité ?

15 R. Ils montaient la garde, une sorte de garde. Ils étaient présents. Mais

16 ceux qui se trouvaient à l'intérieur de l'hôpital, ils n'étaient pas armés.

17 Q. Mais qui étaient armés ?

18 R. Ceux qui étaient à l'extérieur de l'hôpital et qui étaient envoyés par

19 l'état-major de la défense, membres de la Garde nationale chargés de la

20 sécurité de l'hôpital.

21 Q. Il y avait combien de membres de la Garde nationale qui étaient armés ?

22 R. Ils se relayaient. Il y en avait toujours entre quatre et six.

23 Q. A l'intérieur, il y en avait combien ?

24 R. Trois à quatre membres de la police.

25 Q. En tout, il y en avait une dizaine pratiquement tous les jours ?

26 R. Je dirais environ six.

27 Q. Nous ne faisons pas le même calcul, apparemment. Quatre à six plus

28 trois à quatre à l'intérieur.

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1 R. S'il y en avait quatre plus trois, c'était sept. Mais ce n'était pas

2 toujours le cas. Par exemple, quand les obus pleuvaient, personne n'était à

3 l'extérieur puisque tout le monde se mettait à l'abri.

4 Q. Mais où ?

5 R. Soit dans un abri à l'intérieur de l'hôpital -- enfin, un abri, ce

6 n'était pas vraiment un abri. C'était dans l'entrée ou dans le service

7 d'urgence. Personne ne s'exposait au risque de perdre sa vie dehors, dans

8 la cour.

9 Q. Très bien. Mais à partir du moment où il n'y avait plus de conflits

10 armés ou d'opérations de combats, qu'advenait-il des policiers qui devaient

11 assurer la sécurité à l'intérieur de l'hôpital ?

12 R. Certains d'entre eux restaient à l'intérieur.

13 Q. Ils étaient en uniforme ?

14 R. Oui.

15 Q. Qu'en est-il ? Ils ont remis les uniformes de la police ?

16 R. Ecoutez, je ne peux pas vous le dire puisqu'on m'a emmené. Mais je sais

17 que Lukenda Branko et Tomislav Hegedus, deux membres de la police, n'ont

18 jamais eu d'uniformes non plus. Mais ceux qui assuraient la sécurité à

19 l'intérieur se relayaient sans arrêt.

20 Q. Vous pensez maintenant à la sécurité extérieure ?

21 R. Non, intérieure.

22 Q. La sécurité intérieure avait un uniforme ?

23 R. Je suis en train de vous le dire. Il y avait deux policiers qui avaient

24 toujours les uniformes et deux qui n'en avaient jamais. Mais je ne sais pas

25 dans quel état ils étaient au moment de l'arrivée de l'armée yougoslave et

26 où ils étaient. Cela, je ne l'ai pas vu car ce matin-là, on m'avait emmené

27 et je n'arrive pas à me souvenir exactement du moment où eux ont été

28 emmenés. La seule chose que je sais, c'est qu'ils ont été emmenés, pour

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1 certains, la veille, le 19, pour être interrogés et d'autres sont toujours

2 portés disparus.

3 Q. Qu'en est-il de la sécurité extérieure puisque vous-même, vous étiez à

4 l'extérieur ? C'est là que vous avez accueilli l'armée. Cette Garde

5 nationale qui assurait la sécurité à l'extérieur, était-elle armée ? C'est

6 elle qui a accueilli l'arrivée de l'armée ?

7 R. Non.

8 Q. Mais ils étaient où ?

9 R. Je ne sais pas. Je ne les ai pas vus.

10 Q. Est-ce que vous admettez la possibilité qu'ils sont entrés à

11 l'intérieur de l'hôpital ?

12 R. Oui, j'admets cette possibilité.

13 Q. Que diriez-vous si je vous disais qu'il y a des personnes qui étaient

14 employées à l'hôpital ou des employés de l'hôpital et qui ont affirmé que

15 des membres de la Garde nationale croate armés étaient à l'intérieur de

16 l'hôpital, des membres du MUP de Croatie et qu'on ne pouvait pas distinguer

17 entre les vrais blessés et les faux blessés; ceux qui prétendaient d'être

18 des blessés. Donc, comment réagissez-vous à cette déclaration ? Est-ce que

19 vous l'admettriez comme étant véridique ?

20 R. Non, je ne peux pas l'accepter comme étant vrai puisque je n'en sais

21 rien. Je sais qu'il y avait des blessés qui étaient de vrais blessés. Quant

22 à savoir si, ces jours-là, lorsque des milliers de personnes étaient

23 arrivées des abris des alentours, quant à savoir qui était où, cela, je ne

24 peux pas vous le dire. Il y avait des blessés qui figuraient sur des

25 listes, et c'était de vrais blessés.

26 Q. Vous personnellement ou l'un quelconque de vos médecins, n'avez-vous

27 jamais pansé des personnes ou posé des plâtres sur des personnes qui

28 n'étaient pas blessées ?

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1 R. Non.

2 Q. Je voudrais qu'on passe brièvement à huis clos partiel.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

5 le Président.

6 [Audience à huis clos partiel]

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16 [Audience publique]

17 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.

18 Q. En novembre 1991, où était situé le QG ? D'après ce que vous avez dit,

19 vous y êtes rendue très souvent.

20 R. Dans la cour du secrétariat à la Défense populaire.

21 Q. Les réunions, elles se tenaient dans la cour ou ailleurs, quelque part

22 à l'intérieur ?

23 R. Au mois de novembre, je ne suis pas venue assister à des réunions au QG

24 de la Défense de la ville de Vukovar. Mais ce QG, il était cantonné dans

25 l'abri antiatomique. Il m'est arrivée de m'y rendre pour envoyer des

26 télécopies, des appels à l'aide, des appels à ce qu'on nous aide à répondre

27 à couvrir les besoins de l'hôpital.

28 Q. Est-ce que vous connaissez Rudolf Wilhelm ?

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1 R. Je le connais mais pas personnellement.

2 Q. Que pouvez-vous dire à la Chambre au sujet de cette personne ? Qui est-

3 ce ?

4 R. Je ne sais pas si nous parlons du même homme. Je connais l'époux d'une

5 de nos collègues qui est stomatologue; elle est dentiste. Je pense que

6 c'est cela, cet homme.

7 Q. Oui, vous avez raison. Est-ce qu'elle n'a jamais été en présence de

8 Rudolf Wilhelm sur le territoire de la municipalité pendant ces

9 bombardements ?

10 R. Moi ? Est-ce que j'ai été en présence ?

11 Q. Oui.

12 R. Non.

13 Q. Est-ce que vous n'avez jamais été en sa présence au QG de la Garde

14 nationale ?

15 R. Je ne sais pas s'il était là pendant que j'y étais moi-même, mais je ne

16 m'en suis pas aperçue.

17 Q. Quel est le commentaire que vous donneriez si on vous disait que

18 quelqu'un a dit que le 17 novembre 1991, vous vous êtes trouvée à une

19 réunion au QG de la Garde nationale, et que vous avez proposé

20 personnellement que les membres de la Garde nationale se sauvent de

21 l'arrestation en enlevant leurs uniformes ? Est-il possible que vous ayez

22 proposé cela ?

23 R. Ceci n'est pas possible, et je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas fait cette

24 proposition-là.

25 Q. Excusez-moi. Peut-être que je n'ai pas été suffisamment précis. A-t-

26 elle proposé qu'ils enfilent des blouses blanches de l'hôpital ?

27 R. Non.

28 Q. Merci. Nous avons entendu dire que le témoin a vu des pilonnages avec

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1 des obus de char. Peut-elle dire quelle était la distance de ces chars qui

2 étaient situés sur l'autre rive du Danube ? Hier, vous avez dit que c'était

3 du côté serbe, donc la distance entre leur position et l'hôpital ?

4 R. Il est difficile de répondre maintenant quelle est la largeur du

5 Danube. J'ai du mal à vous le dire. L'hôpital est à

6 100 mètres de la rive. Le Danube, à cet endroit-là, il a peut-être 200 à

7 300 mètres de largueur.

8 Q. En tout, entre l'hôpital jusqu'aux chars, d'après votre appréciation,

9 il y a quelle distance ?

10 R. Trois cents à 400 mètres.

11 Q. A ce moment-là, si vous m'y autorisez donc - je ne pose pas de

12 questions personnelles. Si je la pose, c'est à titre professionnel. Est-ce

13 que vous portiez des lunettes ?

14 R. Oui, j'ai toujours porté des lunettes.

15 Q. Quelle a été votre correction à ce moment-là ?

16 R. Moins 1.

17 Q. Est-ce que vous pouviez voir sur 500 mètres du rez-de-chaussée de

18 l'hôpital des chars, donc à une distance de

19 500 mètres alors qu'entre vous et les chars il y avait un bâtiment ?

20 R. Je les ai vus. Bien entendu, je ne l'aurais pas dit si je ne les avais

21 pas vus.

22 Q. Merci.

23 R. J'étais à bord de véhicule, et je voyais l'autre rive directement et je

24 voyais les chars sur l'autre rive.

25 Q. Le témoin a dit que le toit s'est trouvé incendié une fois; le toit de

26 l'hôpital, et qu'ils ont éteint cet incendie. Ma question est de savoir ce

27 qu'ils ont utilisé pour éteindre cet incendie ? Combien de personnes sont

28 montées sur le toit pour l'éteindre ?

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1 R. En plus de moi, trois autres personnes sont montées. Nous l'avons

2 éteint en utilisant de l'eau. L'incendie a été tel qu'on a vu brûler --

3 donc entre les plaques de la toiture et le mur, tout l'espace.

4 Q. Qui a pris part en plus de vous ?

5 R. Marko Mandic.

6 Q. Très bien. Est-ce que vous avez utilisé le sable qui était prévu dans

7 la cour pour éteindre ce feu, puisque dans de telles situations, c'est une

8 obligation d'utiliser le sable. Le savez-vous ?

9 R. Non. Nous avions du sable dans des sacs aux fenêtres. En fait, on s'est

10 servi de l'eau pour éteindre cet incendie, de l'eau.

11 Q. Si vous aviez des sacs de sable aux fenêtres, est-ce que c'était

12 utilisé pour pouvoir tirer depuis ces fenêtres en se servant de sacs de

13 sable comme d'abri ?

14 R. Oui.

15 Q. Très bien. Est-ce que dans la cour vous aviez des sacs de sable ?

16 R. Dans la cour ? Qu'entendez-vous par là ?

17 Q. Aviez-vous de grandes quantités de sable dans la cour ? Pour que je

18 sois tout à fait précis, est-ce que vous aviez du sable dans lequel il y

19 avait un entrepôt d'armement ?

20 R. Non.

21 Q. Très bien, merci.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, est-ce que ce serait

23 le moment opportun pour suspendre l'audience ?

24 M. BOROVIC : [interprétation] J'étais précisément en train de me poser la

25 question me disant qu'on pourrait peut-être faire une pause.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Alors nous reprendrons à 10

27 heures 15.

28 --- L'audience est suspendue à 9 heures 54.

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1 --- L'audience est reprise à 10 heures 19.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Borovic.

3 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.

4 Q. Vous avez expliqué à la Chambre tout ce qui a à voir avec le blocus des

5 routes, très précisément, chacune des rues, chacun des endroits, les

6 barrages. En précisant cela, vous avez répondu aux questions du Procureur.

7 Ma question sera la suivante : compte tenu de la nature précise des blocus

8 que vous avez décrit, tout d'abord un, est-ce que c'est ce que vous avez

9 compris est su grâce à vos connaissances militaires ?

10 R. De nature militaire ? Qu'entendez-vous par là ?

11 Q. Est-ce que vous avez personnellement visité ces barrages ou est-ce que

12 vous avez reçu des informations de la part des membres de la Garde

13 nationale ou de la part de quelqu'un de l'hôpital ?

14 R. J'ai reçu cette information de la part du conducteur de l'ambulance, de

15 la part des personnes qui se rendaient à l'hôpital, et surtout de la part

16 des conducteurs des ambulances que j'envoyais en mission.

17 Q. Ce jour-là, est-ce que vous vous êtes vu confier une tâche militaire,

18 une mission militaire ?

19 R. Non. Du moins, je ne comprends pas ce que vous entendez par là. A quoi

20 vous faites référence ?

21 Q. De tout ce qui a à voir avec vos départs vers le QG de la Garde

22 nationale, de la police.

23 R. Non.

24 Q. Le Procureur vous a posé une question à laquelle vous avez répondu en

25 disant que la Défense de la ville vous a donné des instructions afin de

26 tenir un registre des blessés, des malades, et cetera ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce qu'on peut considérer qu'il s'agit d'une mission militaire ?

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1 R. Si, de votre avis, c'est une mission militaire, oui.

2 Q. De la part des membres de la Garde nationale ou des membres du MUP,

3 autrement dit, la police, est-ce que vous n'avez jamais reçu des données,

4 des informations que vous auriez, par la suite, fait figurer dans vos

5 appels, qui portait le cachet de l'hôpital, votre signature ? Est-ce que

6 cela veut dire, en réalité, qu'il s'agissait de données qui vous ont été

7 fournies par eux et que ce n'était pas quelque chose que vous aviez

8 directement ?

9 R. Non. Je n'ai reçu aucune donnée de leur part.

10 Q. Merci. Lorsque je vous ai posé ma question au sujet des informations

11 des registres portant sur les blessés, ma question est de savoir qui,

12 précisément, vous a donné cette instruction, à quel moment et où cette

13 instruction vous a-t-elle été donnée ?

14 R. Tout d'abord, j'ai reçu une instruction afin d'enregistrer les noms de

15 toutes les personnes mortes, tuées et blessées. Je l'ai reçue en août de la

16 part de l'état-major médical de la République de Croatie. Ils nous ont

17 apporté un ordinateur avec un logiciel sophistiqué pour pouvoir tenir ce

18 registre.

19 Q. Lorsque vous avez reçu cette instruction de la part de la Garde

20 nationale, c'était à quel moment ?

21 R. Je ne peux pas dire à quel moment. C'était au mois de septembre ou au

22 mois d'octobre. On nous a donné des instructions afin de tenir des fichiers

23 spécifiques qui portaient l'intitulé, "Fichiers des blessés".

24 Q. Très bien. Merci. Est-ce que vous avez conservé les traces de ce que

25 vous avez tenues sur support informatique, que vous avez traitées par

26 ordinateur ?

27 R. Ces données ont été envoyées par courrier électronique le

28 6 novembre 1991 au QG, à Zagreb, QG des services médicaux. Ce sont des

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1 données, des informations que nous avons en notre possession maintenant.

2 Mais encore une fois, toutes les informations médicales, l'ordinateur, tout

3 le reste a été emporté par l'armée yougoslave après la fin de l'occupation

4 de Vukovar et cela a été emporté à Belgrade.

5 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que c'est bien ceci dont le

6 Procureur a essayé de nous informer, à savoir qu'il s'est procuré des

7 informations qu'il allait communiquer à la Défense à l'avenir et qu'il

8 s'est procuré cela à Vukovar ? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez

9 remis au Procureur quant il est venu à Vukovar ?

10 R. Je ne sais pas de quelles données il parle, lui. Vous m'avez demandé si

11 on a conservé les données et je vous dis de quelle manière on les a

12 conservées. Mais encore une fois, l'ensemble de la documentation se trouve

13 en la possession de l'armée yougoslave.

14 Q. Ma question est la suivante : la dernière fois où M. le Procureur s'est

15 rendu à Vukovar, lui avez-vous remis ces informations ou non ?

16 R. Je lui ai remis plusieurs types de données, et entre autres ce que nous

17 avions sur ordinateur, ce qui a été envoyé à Zagreb pendant l'agression sur

18 Vukovar et sur l'hôpital.

19 Q. Je vous remercie. Dans l'appel du 22 octobre 1991 qui a été versé au

20 dossier, c'est la pièce du Procureur numéro 6 de l'espèce, il est dit, et

21 cela vous permettra de suivre effectivement, de retrouver le document et de

22 suivre en vous servant de la pièce en question. Je vous en prie. Il est

23 dit, ici, que le jour en question, le 22 octobre, on a amené à l'hôpital

24 des soldats dont Sasa Jovic. Ai-je cité précisément cette pièce avec

25 exactitude, la pièce qui a été versée au dossier ?

26 R. Oui. C'est exact.

27 Q. Merci. Je précise que dans votre déclaration du 19 et du

28 20 juin, ainsi que du 21 au 23 juillet 1995, page 4 de cette déclaration 2D

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1 01-0084, pour qu'on puisse suivre, je demanderais qu'on nous montre cela.

2 Dans cette déclaration, il est dit, non pas qu'on montre l'appel, mais

3 qu'on présente la déclaration de Vesna Bosanac qui figure sous le numéro

4 que vous avez. Si la technique fonctionne, Monsieur le Président, il s'agit

5 de la page 4 de la déclaration, au point 3, il s'agit de la déclaration du

6 Dr Vesna Bosanac. Peut-on présenter cette page ? Peut-on la faire figurer à

7 l'écran ?

8 Ma question est la suivante : le témoin a-t-elle fait une déclaration aux

9 enquêteurs les 19 et 20 juin, et les 21 et

10 23 juillet 1995 ?

11 R. Oui.

12 Q. Page 4, paragraphe 3 de cette déclaration qui apparaît à l'écran, vous

13 déclarez ce qui suit : les soldats croates ont emmené trois soldats en

14 novembre 1991, ce qui ne correspond pas à l'appel passé le 22 octobre,

15 pièce à conviction de l'Accusation numéro 6, selon laquelle Sasa a été

16 emmené à l'hôpital le jour précisé ici. Quelle est la bonne date ? Celle

17 que vous avez communiquée au Procureur ou ce qui apparaît dans votre

18 déclaration ?

19 R. Dans la copie de ma déclaration que j'ai faite au bureau du Procureur

20 en 95, paragraphe 2, on peut lire ce qui suit : avant novembre 1991.

21 Q. Excusez-moi, il ne s'agit pas de la même déclaration.

22 R. Mais il s'agit de la déclaration que j'ai sous les yeux.

23 Q. Je n'ai qu'une seule déclaration obtenue auprès du bureau du Procureur,

24 déclaration faite par Vesna Bosanac. Cette déclaration a été communiquée

25 dans son intégralité. Il n'y a qu'une seule déclaration.

26 R. Je peux vous montrer la déclaration que j'ai faite.

27 Q. Je pense qu'il s'agit d'un problème technique.

28 R. Dans cette déclaration, il est dit, sans équivoque "avant novembre." Il

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1 s'agit peut-être d'une erreur de traduction. Mais à l'époque, je n'ai pas

2 pu préciser et c'est pour cela que j'ai formulé les choses ainsi. "Avant

3 novembre," c'est-à-dire, au cours de la période qui a précédé le mois de

4 novembre.

5 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la déclaration que

6 nous voyons à l'écran est la même déclaration que celle faite par le

7 témoin.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, mais j'ai, ici, une déclaration

9 différente. On peut lire le Tribunal international, et cetera. Peut-être

10 que vous avez une version provisoire de cette déclaration.

11 M. BOROVIC : [interprétation] Afin d'éviter tout malentendu, il ne s'agit

12 pas d'une version provisoire. Il n'y a qu'une seule déclaration.

13 R. Vous pouvez regarder par vous-même.

14 Q. A quelle page vous trouvez vos réponses ?

15 R. A la page 4.

16 Q. S'agit-il de la même déclaration que celle que nous voyons à l'écran à

17 présent ? Examinez cela de près, s'il vous plaît.

18 R. C'est peut-être la même déclaration, mais ce n'est pas la même version.

19 Ma déclaration comporte quatre paragraphes, quatre passages. Sasa Jovic

20 figure dans le deuxième passage. Dans votre exemplaire, il s'agit du

21 troisième passage.

22 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour éviter de perdre

23 du temps, car là, je ne suis pas responsable, j'ai fait de mon mieux pour

24 suivre vos instructions; toutefois, il semble qu'il y ait un problème.

25 Peut-être que le bureau du Procureur peut nous aider. Après tout, c'est une

26 partie au procès. C'est le Procureur qui nous a communiqué cette

27 déclaration. Je demande s'il s'agit bien de la même déclaration.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore ?

Page 783

1 M. MOORE : [interprétation] Oui. J'ai la version en anglais. Je travaille à

2 partir de celle-ci. Il n'y a qu'une seule déclaration. Dans la version en

3 anglais, à la page 4 sur 13, je pense que c'est la page dont il est

4 question. Dans la version en anglais, il s'agit du deuxième paragraphe.

5 Dans ma traduction, je peux lire : "Avant novembre 1991." Donc, si mon

6 confrère se réfère à un document qui a été versé au dossier et qui figure à

7 l'intercalaire 6, il doit s'agir de la pièce à conviction numéro 6, page

8 13. Je pense qu'il est question du 22 octobre, et on peut lire : "Avant

9 novembre." Je n'ai connaissance d'aucune autre déclaration. Peut-être que

10 l'on pourrait me montrer ce document que le docteur a sous les yeux, peut-

11 être que je pourrais vous aider.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

13 M. MOORE : [interprétation] Mon collègue Agius m'informe qu'il y a une

14 version croate et une version serbe. Je pense que mes confrères pourront

15 m'aider davantage. A mes yeux, il s'agit plus ou moins de la même langue.

16 Mais nous avons ici une déclaration où on peut lire : "do strudinag". Dans

17 la version électronique, on voit autre chose. Peut-être s'agit-il de la

18 même déclaration mais que la langue est légèrement différente. Je vois que

19 Me Lukic opine du bonnet. Il est donc d'accord.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Moore. Nous n'avons

21 pas seulement une version en serbe ou en B/C/S mais nous avons une version

22 croate. Mes connaissances en la matière sont très limitées. Il semblerait

23 que dans la version en B/C/S et dans la version en anglais on puisse lire :

24 "Avant novembre 1991." Je ne sais pas ce qui figure au juste dans la

25 version croate.

26 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le Procureur a fait de

27 son mieux, mais je veux dire que je ne suis pas d'accord avec la manière

28 dont le problème a été présenté. Il s'agit d'une question bien

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1 particulière. C'est une déclaration que je souhaite montrer au témoin,

2 déclaration que le témoin a signée dans sa version croate et dans sa

3 version serbe, la date mentionnée est celle de novembre 1991.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous sommes unanimes sur

5 le fait qu'il s'agisse de novembre 1991.On peut lire en anglais : "By

6 november," avant novembre. C'est sur cela que repose le problème, n'est-ce

7 pas ?

8 M. BOROVIC : [interprétation] Je m'excuse, je ne peux pas exprimer mon

9 accord sur ce point. Je ne souhaite pas verser ce document au dossier.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi.

11 M. BOROVIC : [interprétation] A chaque fois que j'essaie de procéder ainsi,

12 il semblerait qu'il y a un problème technique. Mais il s'agit d'un point

13 fondamental que je ne peux pas ne pas aborder. Donc, je voulais que l'on se

14 penche sur cet appel particulier, cette demande d'aide qui a été faite et

15 pour montrer que ces documents n'ont peut-être pas été rédigés par le

16 témoin. J'ai des doutes importants quant aux dates. Il semblerait que les

17 dates ne correspondent pas. Vous avez d'un côté le 22 octobre, d'un autre

18 côté, le 1er novembre. Il y a des différences très importantes s'agissant

19 des événements qui nous intéressent. Dans la version croate signée par le

20 témoin, il est dit : "En novembre" et non pas "avant novembre." Donc, je

21 laisse le soin à la Chambre de décider de la version que nous devons

22 considérer comme valide.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être pourriez-vous soumettre au

24 témoin que la version croate de la déclaration mentionne la date de

25 novembre, "en novembre", et voir ce qu'elle en pense. Pouvez-vous faire

26 cela, Maître Borovic ?

27 M. BOROVIC : [interprétation] C'est probablement la meilleure manière de

28 faire. Je vais montrer une fois de plus à la version croate de ce document

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1 au témoin. Cette version paraît également sur l'écran qu'elle a devant

2 elle.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà un exemplaire, mais je souhaiterais

4 que ce document soit présenté ici. Je souhaite avoir ce document.

5 M. BOROVIC : [interprétation]

6 Q. S'agit-il là de votre signature ?

7 R. Je ne vois pas ma signature ici. On peut lire "signature," et des

8 initiales. Je ne vois ma signature sur aucun de ces documents, et je peux

9 vous expliquer pourquoi.

10 Q. Qu'en est-il de la dernière page ?

11 R. Une chose à la fois, s'il vous plaît.

12 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans l'intervalle,

13 peut-être que je pourrais aider tout le monde à la fin de cette

14 déclaration. Le traducteur garantit que la déclaration a été interprétée de

15 l'anglais vers le croate, et ce je montre au témoin est une copie, une

16 version en croate.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de deux documents différents. Aucun

18 de ces documents ne porte ma signature ni l'exemplaire que vous avez ni le

19 mien. Le premier document que vous m'avez montré comporte 15 pages, et le

20 document qui m'a été remis par le bureau du Procureur comporte 13 pages.

21 Ces documents ont été utilisés dans le cadre des affaires Dokmanovic et

22 Milosevic. Cette déclaration a été recueillie en 1995. C'est de cela que

23 vous voulez parler ? J'indique aux Juges de la Chambre que les originaux

24 qui portent ma signature peuvent être retrouvés. Il s'agit ici de copies et

25 de versions provisoires.

26 M. BOROVIC : [interprétation] Le témoin a-t-elle signé la version croate ou

27 la version anglaise de la déclaration ?

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ou une version B/C/S ? Est-ce que vous

Page 786

1 pouvez nous aider sur ce point, Docteur ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut que je réfléchisse. C'était en 1995,

3 je pense avoir signé la version anglaise du document. L'enquêteur m'a

4 montré la déclaration. Mais tout tourne autour de ce terme. Le conseil

5 essaie ici de prouver que mon appel est erroné, que les informations qui

6 figurent sont erronées. Mais cela ne peut pas être prouvé sur la base de ce

7 document daté de 1995 où on peut lire "avant novembre", ce qui suppose

8 qu'il est question d'une période et non pas d'une date précise. Dans mes

9 appels à l'aide, ces choses sont très claires. Du moins, ce que j'ai signé,

10 ils ont exposé clairement les faits qui se sont passés et à quel jour ils

11 se sont passés. Je maintiens cette position.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'après la manière dont je comprends

13 votre déposition, aucune des copies, aucun des documents que vous avez sous

14 les yeux, n'est un document original. Aucun de ces documents n'a été signé

15 de votre main. Vous avez fait une déclaration similaire à l'un de ces

16 documents en 1995. D'après vos souvenirs, c'était en anglais. Vous avez

17 signé cette déclaration. Vous pensez que les deux documents que vous avez

18 actuellement sous vos yeux sont différents en raison de leur longueur. Est-

19 ce bien ce que vous nous dites ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, avez-vous accès aux

22 originaux ? Je suppose que non mais je vous pose tout de même la question.

23 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, tous les documents que

24 j'ai montrés aux Juges de la Chambre et au témoin sont des copies des

25 documents qui nous ont été communiquées par l'Accusation. Nous voyons ici

26 qu'il s'agit de traduction. Mais j'ai une question à poser à ce témoin.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour que les choses soient bien

28 claires, si vous avez besoin de l'original, nous pouvons vérifier s'il est

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1 disponible ou non. Il semblerait que vous vous intéressiez plus

2 particulièrement à un problème de traduction. Donc, il y a peut-être un

3 problème de traduction par rapport à l'original. La question est de savoir

4 si le terme ou l'expression utilisée dans l'original était "avant novembre

5 1991," ou "en novembre 1991." Peut-être que c'est là que réside le problème

6 de traduction. Peut-être qu'il y a une inexactitude ou une erreur. Je ne

7 sais pas si vous voulez poursuivre ce débat ou si vous souhaitez obtenir

8 l'original.

9 M. BOROVIC : [interprétation] Je voudrais juste poser une question au

10 témoin, et je peux laisser ce problème de côté conformément aux

11 instructions.

12 Q. Ma question est la suivante : en quelle langue avez-vous fait cette

13 déclaration ?

14 R. En croate.

15 Q. Merci. Quand y a-t-il eu une panne d'électricité totale à l'hôpital

16 pour la première fois ? Tout d'abord, est-ce arrivé ?

17 R. Bien entendu. Je ne souviens pas de la date exacte à laquelle nous

18 avons eu notre première panne générale.

19 Q. Que faisiez-vous lorsqu'il n'y avait pas d'électricité ? Est-ce que

20 vous vous serviez de groupes électrogènes ?

21 R. Oui.

22 Q. Quel type de carburant vous serviez-vous ? Du fuel ?

23 R. Oui.

24 Q. Comment obteniez-vous ce fuel ?

25 R. Avant le siège, nous allions à Vinkovci à une station-service pour en

26 obtenir. Par la suite, nous allions en ville, aux stations de service qui

27 se trouvaient en ville. Nous en obtenions également auprès de stocks

28 privés.

Page 788

1 Q. Très bien. Le témoin a déclaré qu'elle rentrait tous les soirs à la

2 maison pour y dormir, et que le lendemain matin, elle allait au travail,

3 puis au bâtiment de la police, au QG, et cetera. Ma question est la

4 suivante : est-ce que cela vous posait des problèmes d'utiliser le fuel qui

5 était destiné aux groupes électrogènes et aux patients ? Est-ce que cela ne

6 vous posait pas de problèmes de circuler en voiture alors que d'autres

7 personnes devaient vivre sans fuel ?

8 R. Quelle est votre question au juste ?

9 Q. Ma question est la suivante : est-ce que vous n'aviez pas l'impression

10 d'être irresponsable en utilisant le fuel de cette manière ? Est-ce que

11 vous ne vous sentiez pas mal en tant que médecin de rentrer chez vous tous

12 les soirs en tout confort, alors que d'autres personnes devaient vivre dans

13 des conditions bien plus difficiles, et que vous empêchiez deux ou trois

14 personnes de quitter l'hôpital à moins qu'ils n'aient une bonne raison

15 alors que vous-même, vous ne respectiez pas cette règle ?

16 R. Je répondrai d'abord à votre première question. Je conduisais une

17 voiture en utilisant de l'essence alors que les groupes électrogènes

18 étaient alimentés au fuel. Donc, ce n'était pas la même chose. Pour

19 répondre à votre deuxième question, je n'autorisais pas les gens à quitter

20 l'hôpital, car il était trop risqué de sortir compte tenu des pilonnages,

21 des bombes qui atterrissaient partout à l'hôpital et dans les environs,

22 dans toute la ville. J'entrais à la maison pour y dormir le soir. C'est un

23 risque que j'assumais moi-même, car il y avait trop de blessés, de patients

24 à l'hôpital, et je n'aurais pas pu rester y dormir. J'ai moi-même pris le

25 risque, en toute connaissance de cause, de rentrer chez moi le soir. Il y

26 avait généralement une accalmie dans la soirée; il y avait moins de tirs.

27 Q. Est-ce que d'autres employés de l'hôpital rentraient également à la

28 maison pour dormir dans leurs lits en tout confort ou étiez-vous la seule à

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1 faire cela ?

2 R. Non. Je dois vous dire que les lits n'étaient pas confortables. Nous

3 dormions au sous-sol à l'époque à Vukovar.

4 Q. Pourriez-vous nous dire à quoi ressemble une mitrailleuse à longue

5 portée ? Car c'est une arme que vous avez mentionnée.

6 R. Je ne sais pas à quoi cela ressemble, mais je peux vous dire à quoi

7 ressemble les balles qui ont atteint l'hôpital. J'ai appris que ces balles

8 étaient des balles tirées par des mitrailleuses de longue portée.

9 Q. Ces personnes qui vous ont communiqué ces informations, étaient-ce des

10 membres de la Garde nationale ou de la police ?

11 R. Non.

12 Q. Donc, c'était des personnes qui n'y connaissaient rien en la matière ?

13 R. C'étaient des personnes qui se trouvaient à l'hôpital; mes collègues,

14 des infirmières, des techniciens, des chauffeurs qui avaient une certaine

15 expérience parce qu'ils avaient fait leur service dans la JNA.

16 Q. Un lance-roquettes à canons multiples est une arme que vous avez

17 mentionnée. Comment savez-vous que cette arme peut tirer 16 à 32 balles par

18 minute ? Est-ce que vous saviez cela ou est-ce que ce sont vos collègues,

19 médecins ou membres de la Garde nationale ou policiers qui vous l'ont dit ?

20 R. Je ne me souviens pas aujourd'hui qui m'a dit qu'il s'agissait d'une

21 telle arme, mais je sais comment cela fonctionne, car je l'ai vu et je l'ai

22 vécu.

23 Q. Veuillez ne pas m'interrompre, je vous prie. Comment savez-vous que

24 cette arme peut tirer 16 à 32 balles à la minute ? Qui vous l'a dit ?

25 R. Je ne m'en souviens pas.

26 Q. Avant d'oublier, pourriez-vous nous dire de quel type de communication

27 électronique vous disposiez en 1991 ? Vous avez déclaré que vous aviez un

28 ordinateur en 1991.

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1 R. Un ordinateur, oui.

2 Q. Quel ordinateur ?

3 R. J'ai affirmé, dans l'une de mes déclarations, que nous avions reçu cet

4 ordinateur du QG des services médicaux au mois d'août. Un technicien de la

5 poste qui était un expert en informatique est venu. Il a branché

6 l'ordinateur, il a saisi certaines données. Personnellement, je ne me suis

7 pas servie de cet ordinateur. J'ai simplement dicté des textes, notamment,

8 le type de fournitures médicales dont nous avions besoin, et cetera. Nous

9 avions cet ordinateur, nous avions également un ordinateur au QG de

10 Jastreb, je m'en servais à l'occasion lorsque je dictais des textes dont je

11 voulais qu'ils soient transmis.

12 Q. Merci. Savez-vous qu'en 1991, il n'y avait pas de bombes à

13 fragmentation, ni de bombes au phosphore, ni de bombes antipistes [phon]

14 Durandal, que la JNA n'en avait pas ?

15 R. Je ne sais pas ce qu'avait la JNA. Je sais ce qui est tombé sur Vukovar

16 et sur l'hôpital en particulier.

17 Q. A quoi ressemblent les bombes à fragmentation ?

18 R. D'après les informations dont je dispose ou du moins, j'ai appris que

19 les bombes à fragmentation sont des bombes qui n'explosent pas

20 immédiatement, mais qui explosent à l'impact lorsqu'elles atterrissent ou

21 lorsqu'elles percent quelque chose et elles explosent au bout de quelques

22 secondes et causent des dégâts très importants.

23 Q. Qui vous a dit cela ?

24 R. Je ne sais plus. J'ai oublié.

25 Q. Cette personne, est-ce qu'elle vous a communiqué cette information à

26 l'hôpital ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'un soldat ou d'un policier ?

Page 791

1 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne crois pas.

2 Q. Qui a pu vous dire cela ? Quelqu'un qui avait des connaissances dans le

3 domaine militaire important ?

4 R. Je ne m'en souviens pas, vraiment pas. Mais une bombe de ce type est

5 tombée à côté de l'abri, à côté de l'hôpital et c'est ce qui nous a conduit

6 à en parler et c'est pour cela que nous sommes arrivés à la conclusion que

7 c'était une bombe à fragmentation.

8 Q. Qu'en est-il des bombes Durandal, des bombes antipistes, savez-vous à

9 quoi cela ressemble ?

10 R. Non.

11 Q. Vous ne savez pas très bien. Mais qui vous a dit que l'une des bombes

12 qui avait atterri à cet endroit était une bombe Durandal ?

13 R. Je ne sais pas. Les gens en parlaient. Je ne peux pas vous dire qui, ni

14 quand, mais tout ce que j'ai appris, tout ce que j'ai entendu, je l'ai

15 consigné dans mes déclarations.

16 Q. Peut-on convenir que tout ce que vous avez appris au sujet du type de

17 munitions et ce genre de choses ne sont pas des informations que vous avez

18 apprises de la bouche de soldats ou de policiers, mais de la bouche de

19 civils qui se trouvaient à l'hôpital ? Est-ce bien ce que vous dites ?

20 R. Cela signifie tout simplement que je ne me souviens pas de ce que j'ai

21 appris, ni de qui je l'ai appris et pour ce qui est des effets causés par

22 ce type de munitions, c'est quelque chose dont j'ai fait l'expérience moi-

23 même, personnellement.

24 Q. Merci. Lorsque vous avez fait cette déclaration aux enquêteurs,

25 j'espère que ce passage a été correctement consigné. C'est tout ce dont nos

26 disposons. C'est tout ce qui nous a été communiqué par l'Accusation.

27 J'espère que les traducteurs ont fait leur travail de bonne foi. Ce

28 document, D001-0084, page 3, dernier paragraphe, vous confirmez qu'il

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1 s'agit de la déclaration que vous avez faite et qu'il s'agit du bon

2 document ? Peut-on présenter cette page au témoin, je vous prie. Comme le

3 témoin ne parle pas anglais, pourrait-on lui présenter la version croate ?

4 Ou plutôt, la version B/C/S.

5 M. MOORE : [interprétation] Mon éminent confrère, saurait-il quelle est la

6 référence dans la version en anglais ? Cela nous aiderait, s'il fait

7 référence à un document en croate, ce serait plus difficile. Merci

8 beaucoup.

9 M. BOROVIC : [interprétation] Bien entendu, je sais qu'il existe une

10 traduction en anglais, mais comme ce témoin ne parle pas anglais, nous

11 disposons des deux versions. La référence est

12 2D 01-0099, dernier paragraphe, page 3.

13 Puis-je poursuivre ?

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous attendons que le document

15 s'affiche, Maître Borovic.

16 M. BOROVIC : [interprétation] J'espère que nous pourrons voir cela sur nos

17 écrans, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à la fois en anglais et

18 en B/C/S. Le témoin dispose de la version en B/C/S et vous avez le texte

19 anglais.

20 Q. Dans la version B/C/S, et je dis ceci pour le témoin, il est dit, à la

21 ligne 4 en partant du haut, sur la page 3 : "Les avions de la JNA, à

22 plusieurs reprises, ont largué des bombes au phosphore qui ont causé des

23 feux que nous avons dû éteindre. Toutes les ambulances qui se trouvaient

24 dans la cour ont brûlé. Une fille avait de graves blessures qui ont été

25 causées par cet obus ou cette bombe au phosphore."

26 Ma question est la suivante : est-ce que ce qui est dit ici est exact ?

27 C'est la déclaration faite par le Dr Bosanac aux enquêteurs ? Est-ce que

28 c'est vrai ? Ou est-ce que peut-être par rapport à ce qu'elle a dit hier,

Page 793

1 lorsque l'Accusation posait une question, elle a dit que Silvana Ivankovic

2 avait été touchée, non pas dans la cour où se trouvaient les ambulances,

3 mais plutôt qu'elle avait été emmenée par les soldats de la ZNG et qu'elle

4 portait un uniforme et qu'elle avait été emmenée, d'ailleurs. Qu'est-ce qui

5 est la vérité ?

6 R. Ce qui est la vérité, c'est qu'effectivement, elle a été emmenée par

7 les soldats de la ZNG. Vous avez simplement mal interprété cette phrase.

8 Dans cette déclaration qui a été faite en 1995, j'ai énuméré tous les

9 dommages subis à ce moment-là, à l'hôpital et ailleurs et toutes les

10 conséquences que nous avons pu voir à cette occasion. Dans la suite du

11 passage que vous mentionnez, j'ai dit que son uniforme était complètement

12 brûlé. Nous l'avons enlevé, nous l'avons mis dans un sac en plastique de

13 façon à le protéger, le préserver. Ma déclaration ne dit pas qu'elle se

14 trouvait dans la cour de l'hôpital.

15 Q. Vous parlez, ici, de la bombe au phosphore qui a brûlé toutes les

16 ambulances, mais si c'est votre interprétation, c'est très bien. Nous

17 pouvons en rester là. Nous apprécierons plus tard ce qui est vrai.

18 R. Non. Vous ne pouvez pas apprécier cela vous-même. Je sais ce qui est

19 vrai, moi.

20 M. MOORE : [interprétation] J'objecte à la façon dont mon confrère procède

21 à ce contre-interrogatoire. Je n'ai pas de problème du tout pour un contre-

22 interrogatoire sur un sujet quel qu'il soit. Mais nous n'avons pas encore

23 eu la version en anglais. Je ne sais pas si les membres de la Chambre ont

24 la version en anglais. Nous ne l'avons pas ici du tout.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien --

26 M. MOORE : [interprétation] Je veux dire à l'écran.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les trois membres de la Chambre l'ont.

28 M. MOORE : [interprétation] Nous ne l'avons pas et j'ai essayé de suivre

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1 sur ma copie papier. Je suis tout à fait sûr que je suis au bon endroit.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A la page 3 de la version anglaise,

3 dernier paragraphe.

4 M. MOORE : [interprétation] C'est exact.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le paragraphe qui commence par : "A

6 partir de ce moment-là," c'est bien cela.

7 M. MOORE : [interprétation] Je croyais que c'était cela, mais je ne sais

8 pas si la Chambre a la traduction en anglais. Nous ne l'avons pas et je ne

9 sais pas pourquoi nous ne l'avons pas.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que ceci est l'essentiel de

11 votre préoccupation, Monsieur Moore ?

12 M. MOORE : [interprétation] Cela fait partie de mes préoccupations parce

13 qu'avec tout le respect que je dois à mon confrère, s'il va poursuivre un

14 contre-interrogatoire sur cette question, il faudrait tout de même que le

15 témoin puisse voir toute la documentation pour laquelle il souhaite faire

16 des comparaisons. Je suppose qu'il est en train de faire une comparaison

17 avec la déposition du témoin hier et la déclaration qu'elle a faite et à

18 mon avis, si le témoin doit avoir la possibilité de répondre, il faut que

19 l'ensemble du passage pertinent soit cité intégralement. C'est cela, mon

20 objection.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, je crois que j'ai un

22 peu perdu le fil de ce que vous vouliez poser comme question au témoin

23 parce qu'on a des difficultés à retrouver le paragraphe de la déclaration.

24 Est-il exact que vous étiez en train de comparer ce qui a été dit par le

25 témoin dans sa déposition d'hier et de ce qui figure dans ce paragraphe de

26 la déclaration ?

27 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour commencer, si je

28 peux apprendre quelque chose à mon éminent collègue. Tous les documents ont

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1 été présentés au témoin à la fois en B/C/S et en anglais. Donc, je n'étais

2 pas en train de tendre des pièges. Par conséquent, son argument n'est pas

3 fondé. En ce qui concerne ma question, elle était basée sur le contexte de

4 ce que le témoin a lu à haute voix et j'ai conclu qu'une bombe au phosphore

5 était tombée dans la cour, avait brûlé les véhicules et que c'était à cette

6 occasion que la jeune fille dont on a parlé a subi des blessures et des

7 brûlures. Nous avons eu la réponse que nous avons entendue.

8 Q. Ma question suivante était : est-ce qu'à un autre moment, à un moment

9 quelconque, quelqu'un d'autre qui se trouvait dans l'hôpital ou en ville --

10 est-ce dans les archives médicales, quelqu'un a été touché par une bombe au

11 phosphore ou un obus au phosphore, à votre connaissance ?

12 R. Non, jamais.

13 Q. Je vous remercie. Le témoin a parlé d'un capitaine à Negoslavci

14 lorsqu'elle est allée là-bas pour s'entretenir avec le colonel qui est

15 maintenant le général Mrksic. Elle a dit qu'elle a vu le capitaine à

16 Sremska Mitrovica. C'est une déclaration dont nous avons entendu parler. Ma

17 question est : en quelle qualité est-ce que ce capitaine vous a parlé

18 lorsque vous l'avez vu à Sremska Mitrovica ?

19 R. Je crois que cette personne aidait le capitaine. Je l'ai vu dans la

20 pièce avec le commandant Sljivancanin; vous avez mal interprété mon récit,

21 ma déposition. Cette personne que j'ai rencontrée avec le commandant

22 Sljivancanin alors, je l'ai également rencontré plus tard lorsque j'étais

23 en prison à Sremska Mitrovica.

24 Q. En quelle qualité exactement ? Essayez d'être plus précise.

25 R. C'est difficile à dire. Je n'avais pas de contact direct avec cette

26 personne dans la pièce dans laquelle j'étais détenue à Sremska Mitrovica. A

27 plusieurs reprises, n'importe quel jour, un certain nombre d'officiers et

28 de personnes différentes entraient et sortaient et il se trouve que j'ai

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1 simplement réussi à voir une personne à plusieurs reprises. Mais je ne peux

2 pas vous donner le nom de cette personne. On ne m'a jamais dit quel était

3 le nom de cette personne.

4 Q. Pour en terminer, puis-je, par conséquent, conclure que cette personne

5 avait des fonctions officielles, quelqu'un qui travaillait à la prison,

6 faisait partie du personnel pénitentiaire ?

7 R. Mon interprétation est qu'effectivement, c'était un fonctionnaire qui

8 était là es [phon] fonction.

9 Q. Je vous remercie. La question suivante, c'est : est-ce que vous avez vu

10 un char tirer un obus, une grenade ?

11 R. J'ai vu un obus tomber et j'ai vu qu'il y avait un char qui tirait,

12 mais pas tellement près de moi. Le char tirait depuis la rive opposée.

13 Q. Mais vous avez bien vu un char tirer une grenade ou un obus ?

14 R. Oui.

15 Q. Ma question maintenant, c'est : maintenant que vous avez tous ces

16 renseignements de caractère militaire, seriez-vous en mesure de dire si un

17 char peut tirer indirectement un obus, de façon indirecte ?

18 R. Que voulez-vous dire par "de façon indirecte," ou "indirectement ?"

19 Q. Je veux dire, est-ce qu'un char peut tirer un obus, par exemple, en

20 tirant en l'air et ensuite que sur un bâtiment, il touche un autre cible ?

21 Par exemple, de façon à ce que ceci soit aussi illustré que possible du

22 point de vue graphique, il y a l'autre rive, la rive d'en face de la

23 rivière, la distance est de 500 mètres, peut-être d'un kilomètre, c'est une

24 question dont on traitera plus tard. Il y a des obstacles en travers, des

25 bâtiments, des installations. Est-ce qu'un char peut tirer un obus au-

26 dessus de tous ces bâtiments de façon à prendre pour cible un objectif

27 différent qui se trouve derrière ces obstacles ?

28 R. Vraiment, je ne saurais le dire. Je n'ai pas de formation militaire,

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1 mais j'ai vu des chars qui tiraient des obus et j'ai vu les obus tomber.

2 Quant à savoir maintenant ce qu'un char peut faire en tirant au-dessus d'un

3 bâtiment, c'est quelque chose que je ne sais pas.

4 Q. Excusez-moi. Je ne peux pas cesser de poser des questions sur ce point.

5 Vous avez entendu qu'il tirait. Vous avez vu des obus qui tombaient et ma

6 question est très précise : est-ce que l'obus suit une trajectoire en l'air

7 avant de tomber ou est-ce qu'il suit une ligne droite, est-ce que le tir se

8 fait en ligne droite ? Je vous pose la question parce que vous avez fait de

9 très grands efforts pour devenir expert dans les questions militaires.

10 R. Non. Je ne me suis pas efforcée de devenir un expert militaire. Ce que

11 j'ai dit est le résultat des tristes expériences que j'ai vécues pendant le

12 bombardement de Vukovar, en 1991. Ce dont je vous parle, c'est de mon

13 expérience sur ce que j'ai dû subir et traverser et vous pouvez me poser

14 toutes les questions que vous voulez à ce sujet.

15 Q. De façon à éviter de créer la confusion, je vais essayer de résumer les

16 choses. L'obus suit-il une ligne droite ou est-ce qu'il survole différents

17 obstacles de façon, éventuellement, à atterrir dans la cour de l'hôpital ?

18 Cela devrait être une question assez simple.

19 R. J'ai vu les chars tirer des obus. J'ai vu les obus tomber un peu

20 partout dans la ville. Quant à savoir quel char a tiré quel obus et dans

21 quelle direction, si c'était en ligne droite ou en survol, je ne le sais

22 pas.

23 Q. Est-ce que vous avez vu certains des obus qui tombaient de haut ?

24 R. Non pas un, mais des millions.

25 Q. Mais qui tombaient depuis une hauteur ?

26 R. Mais je ne sais pas d'où cela était tiré d'une part lorsqu'il y en

27 avait un qui atterrissait dans la cour.

28 Q. Vous parlez d'un obus de char ?

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1 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire quel type d'obus c'était. Je

2 n'ai vraiment aucune formation militaire, aucune connaissance militaire. Je

3 vois ce que c'est quand cela arrive à terre. Je sais ce que c'est que des

4 éclats d'obus. Il y en a encore beaucoup qui restent à Vukovar et vous

5 pouvez aller voir vous-même, si vous voulez y jeter un coup d'œil.

6 Q. Dans un certain nombre de réponses à des questions différentes de

7 l'Accusation, le témoin a expliqué qu'elle a vu des chars traverser le

8 Danube en tirant des obus qui ont atterri dans la cour. Mais question est

9 de savoir si elle a vu un obus atterrir après avoir fait un survol en

10 hauteur, puis tomber ensuite, et la réponse que nous avons entendue n'est

11 pas satisfaisante. Est-ce qu'en fait, elle l'a vu parce qu'elle

12 surveillait, elle regardait tout le temps, elle a vu un char tirer un obus,

13 et qu'ensuite, cet obus qui volait haut a fini par tomber ?

14 R. Pour commencer, je n'ai jamais dit que j'étais en train d'observer tout

15 le temps; j'ai parlé de ce que j'ai vu. Je n'étais pas constamment en train

16 de regarder ces chars à ce moment-là, ce qui atterrissait, ce qui arrivait,

17 de toutes sortes de direction. De Borovo Selo, de Negoslavci, de la

18 caserne, de toutes parts. Les obus venaient de différents endroits. Vous

19 êtes en train d'essayer de suggérer que j'étais en train d'observer un obus

20 particulier tiré par un char particulier arrivant dans la cour de

21 l'hôpital; mais je ne suivais pas un obus, le survol d'un obus particulier,

22 un exemple isolé, un obus peut-être tiré. J'ai vu un char tirer. J'ai vu

23 des milliers d'obus qui tombaient. C'est quelque chose que j'ai vu, et vous

24 ne pouvez pas prouver le contraire, parce que ce que j'ai dit était tout

25 simplement la vérité en l'espèce.

26 Q. Bien. Alors, voilà votre réponse. Passons à autre. Ce serait peut-être

27 un bon moment pour vous poser la question suivante : est-ce que peut-être

28 vous savez ce que veut dire le mot "Oustachi" ?

Page 799

1 R. Je ne suis pas sûre de ce que vous avez à l'esprit. J'ai entendu

2 utiliser ce terme plusieurs fois.

3 Q. Quelle est la première fois que vous avez entendu employer ce terme ?

4 R. La première fois de toutes, vous voulez dire ?

5 Q. Oui.

6 R. Je ne peux pas m'en souvenir.

7 Q. Pourquoi est-ce que vous me le demandez ?

8 R. Est-ce que vous voulez dire à Vukovar, au cours de la guerre, lorsque

9 j'ai entendu ce terme utilisé ou est-ce que vous voulez dire d'une façon

10 générale tout au long de ma vie. J'ai entendu ce terme utilisé dans des

11 films lorsque j'étais encore enfant. La première où j'ai entendu ce terme

12 utilisé à Vukovar, c'était quand j'étais en train de conduire cette jeep

13 lorsque j'étais en route vers Negoslavci. Puis, il y avait eu un

14 paramilitaire qui ressemblait beaucoup à un Chetnik dans les films de la

15 Deuxième guerre mondiale qui m'a demandé si j'étais un Oustachi.

16 Q. Quelle a été votre réponse ?

17 R. Je n'ai rien répondu.

18 Q. Est-ce que ceci veut dire que vous avez accepté le fait que vous étiez

19 Oustachi ?

20 R. Non. J'ai refusé même de lui parler. Le jeune homme qui se trouvait là

21 a essayé d'expliquer que nous n'étions pas des Oustachi, que nous étions du

22 personnel de l'hôpital et que nous étions en route pour voir des personnes

23 de la Croix Rouge. Mais cette personne était le type d'individu à qui j'ai

24 dû refuser catégoriquement même de parler. Il était ivre, il était sale, il

25 avait un couteau, un poignard dans sa ceinture. Ce n'était pas le type de

26 personne à qui je voulais parler.

27 Q. D'après les renseignements basés sur l'expérience des films que vous

28 avez vus, quelle est l'apparence d'un Oustachi ? Est-ce qu'il porte un

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1 poignard, des uniformes noirs ?

2 R. C'est difficile de répondre. Je me souviens qu'ils avaient des

3 uniformes. Ils avaient des casquettes. Je pense que la lettre U était

4 visible sur leurs couvre-chefs.

5 Q. Est-ce que c'était les événements relatifs à la période de Hitler au

6 cours de la Deuxième guerre mondiale ou est-ce que c'était des gens qui

7 étaient du même côté que Hitler, du côté de l'Allemagne ? Est-ce que c'est

8 quelque chose que vous avez appris à l'école ?

9 R. Peut-être que je l'ai appris mais je l'ai oublié.

10 Q. Je vous remercie beaucoup de cette réponse.

11 R. Je vous en prie.

12 Q. Votre mari et vos fils, s'il vous plaît, ne vous méprenez pas, est-ce

13 qu'ils étaient membres du Corps de la Garde nationale à Vukovar à l'époque

14 dont nous parlons ?

15 R. Non. Mon mari était un ingénieur du génie civil à l'hôpital de Borovo,

16 et il était chargé de --

17 Q. Est-ce qu'il était membre du Corps de la Garde nationale ?

18 R. Est-ce que vous voulez dire à l'époque de Vukovar ? Il était dans la

19 section logistique du Corps de la Garde nationale.

20 Q. Est-ce que vos fils étaient membres du Corps de la Garde nationale ?

21 R. Mon fils aîné était membre du Corps de la Garde nationale, et mon plus

22 jeune fils n'avait que 15 ans à l'époque.

23 Q. Je vous remercie. Qu'en est-il de votre fils aîné ? Est-ce qu'il a pris

24 part aux combats à Vukovar ? A-t-il participé aux combats, et quand a-t-il

25 quitté Vukovar ?

26 R. Oui.

27 Q. Quand a-t-il quitté Vukovar ?

28 R. Le 17 novembre.

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1 Q. Quand avez-vous réussi à faire en sorte que votre plus jeune fils

2 puisse quitter Vukovar, et comment est-ce que ceci s'est fait puisque tout

3 le monde avait reçu pour avis de ne pas partir ?

4 R. Il n'avait que 15. Tout le monde était très occupé par la situation qui

5 était trop dangereuse. C'était en septembre qu'il a quitté Vukovar avec des

6 amis.

7 Q. Je vous remercie. Dans l'appel que vous avez lancé en date du 18

8 octobre 1991, ou plutôt le 18 novembre 1991 - c'est une pièce à conviction

9 de la l'Accusation - vous avez mentionné, que ce jour-là, des chars avaient

10 pris l'hôpital pour cible. Dans votre déclaration, celle qui apparaît à

11 l'écran, c'est la même déclaration que celle à laquelle nous nous sommes

12 référés. Je ne la montrerai pas à nouveau. Il s'agit de la page 5 à la fois

13 pour le texte anglais et le texte B/C/S. On lit : "Le 17 novembre 1991, à

14 la fois les Serbes et la JNA ont arrêté de pilonner l'hôpital et ses

15 abords." Est-il exact que vous avez fait une erreur dans votre appel ou

16 est-ce que vous avez simplement fourni au bureau du Procureur une

17 déclaration exacte ou est-ce que vous avez dit cela du tout ?

18 R. Oui, je l'ai fait le 17. C'était un dimanche. Il y avait une accalmie

19 dans les tirs. Toutefois, le 18, le jour suivant, les chars ont recommencé

20 à tirer. J'ai trouvé que c'était extrêmement inquiétant. Je me rappelle

21 encore cela, parce que nous nous attendions à ce qu'il y ait début

22 d'évacuation.

23 Q. Que pouvez-vous dire en ce qui concerne les chars le 18 ? Est-ce qu'ils

24 prenaient l'hôpital pour cible ?

25 R. Je ne sais pas s'ils prenaient l'hôpital pour cible, mais j'ai vu les

26 chars qui tiraient, et j'ai vu des obus qui tombaient sur l'hôpital.

27 Q. Sur l'hôpital ?

28 R. Oui.

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1 Q. Le 18 ?

2 R. Oui.

3 Q. Au cours des 15 dernières années, vous n'avez pas une seule fois parlé

4 de cela, sauf dans l'appel que j'essaie de démontrer à la Chambre, que cet

5 appel en est un autre ou ces faux appels qui auraient été envoyés à des

6 organisations internationales sans référence aux faits. C'est ma

7 conclusion. Seriez-vous d'accord avec cela, le fait que vous n'avez jamais

8 mentionné les obus tombant le 18 avant cette fois-ci ?

9 R. Je répète que le 17, il y avait une accalmie dans les tirs. Nous nous

10 attendions à ce que l'évacuation commence le 18. Nous étions en train de

11 préparer les blessés pour qu'ils puissent être emmenés, et les tirs ont

12 repris. Ce que j'ai trouvé préoccupant, les tirs se sont intensifiés. Il y

13 a eu plusieurs obus qui ont atterri sur l'hôpital. Il y a eu des tirs. Je

14 ne suis pas sûre que je me réfère à la date précise à telle ou telle

15 occasion ou pas.

16 Q. Je vous remercie. Nous allons certainement pouvoir tirer nos propres

17 conclusions le moment venu. Lorsque vous avez quitté l'hôpital pour aller à

18 Negoslavci --

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant que ceci ne devienne une

20 habitude pendant ce procès, ce type de dernière observation n'est pas

21 approprié. Il ne convient pas qu'un conseil fasse ce genre de remarque.

22 Vous pouvez poser vos questions. Vous les posez, vous obtenez des réponses.

23 Vous ne faites pas, à ce moment-là, des observations sur ce que vous pensez

24 qui pourrait être la déposition des éléments de preuve. Lorsqu'on en

25 viendra aux conclusions finales présentées à la Chambre, vous pourrez

26 présenter vos moyens, et vous pourrez éventuellement dire ce que vous tirez

27 des dépositions, mais ne dites pas ce genre de chose au témoin pendant sa

28 déposition. Je dis cela seulement pour tous les conseils, et nous ne

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1 pouvons pas accepter que ce genre de chose se produise à nouveau.

2 Est-ce que vous allez encore en avoir longtemps pour vos questions, Maître

3 Borovic ?

4 M. BOROVIC : [interprétation] Ceci dépend des réponses, Monsieur le

5 Président.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans ce cas --

7 M. BOROVIC : [interprétation] J'ai trois documents supplémentaires à

8 montrer.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons maintenant suspendre la

10 séance, et nous reprendrons à moins le quart.

11 Monsieur Moore.

12 M. MOORE : [interprétation] Je voudrais simplement dire ceci. Ceci a trait

13 aux témoins. Nous avons un autre témoin qui est ici dans le bâtiment. Je

14 sais que le contre-interrogatoire doit se poursuivre, et que Me Lukic doit

15 poser des questions, qu'il doit avoir des questions supplémentaires et,

16 bien entendu, je pense que ceci risque de prendre la plus grande partie de

17 l'audience aujourd'hui. Je serais évidemment tout à fait prêt à ce que l'on

18 garde le témoin ici, mais le témoin a environ une soixante, --

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est très jeune.

20 M. MOORE : [interprétation] Donc, tout à fait jeune. Par conséquent, je me

21 demande s'il ne serait pas possible que ce témoin puisse disposer jusqu'à

22 lundi.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore.

24 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre à midi moins le

26 quart.

27 --- L'audience est suspendue à 11 heures 23.

28 --- L'audience est reprise à 11 heures 47.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Borovic ?

2 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.

3 Q. Pouvez-vous décrire l'officier qui vous a escortée pour voir Mrksic à

4 Negoslavci la première fois ?

5 R. Il portait un uniforme de la JNA, vert olive. Il était grand, environ 1

6 mètre 80. Il avait les cheveux plutôt foncés, marron foncé, je crois. Il

7 devait avoir entre 40 et 45 ans.

8 Q. Je vous remercie. Est-ce lui qui vous a escortée au retour ?

9 R. Oui.

10 Q. La fois suivante lorsque vous êtes allée là-bas à Negoslavci ?

11 R. Non.

12 Q. Quand vous avez quitté l'hôpital la première fois, est-ce qu'il vous a

13 dit comment vous occuper de l'organisation de la sécurité de l'hôpital ? A

14 l'affirmative, exactement, qu'est-ce que vous avez dit ?

15 R. J'ai dit que nous nous préparions à une évacuation qui devait avoir

16 lieu la veille. La Croix Rouge internationale était censée arriver ainsi

17 que les observateurs de Commission européenne. Ils étaient censés organiser

18 cette évacuation, et il était nécessaire que l'hôpital soit un territoire

19 neutre et sécurisé.

20 Q. Est-ce que vous aviez vu s'il a organisé quelque chose à l'hôpital

21 avant que vous partiez ou pas ? Est-ce qu'il a organisé la sécurité à

22 l'hôpital seulement lorsque vous étiez en route ?

23 R. Oui.

24 Q. Comment est-ce que cela a fonctionné ? Combien y avait-il de soldats ?

25 Qu'est-ce qu'il a organisé ? A qui a-t-il donné des ordres ?

26 R. Il a donné des ordres à un soldat qui était censé exécuter ses ordres.

27 Il a dit que deux soldats devraient garder chacune des entrées de

28 l'hôpital. Par la suite, lorsque je suis revenue, j'ai vu deux soldats qui

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1 se tenaient à l'entrée que j'empruntais pour entrer.

2 Q. Vous avez supposé qu'il y avait d'autres soldats devant les autres

3 entrées ?

4 R. Oui. Je suppose.

5 Q. Lors de votre retour de Negoslavci, comme vous nous l'avez dit, à votre

6 demande, les soldats ont arrêté le véhicule et votre mère est entrée ?

7 R. Oui.

8 Q. A votre demande, est-ce que les soldats ont été en mesure de retrouver

9 vos beaux-parents ?

10 R. Oui.

11 Q. A votre demande, ce jour-là, est-ce que Mrksic a fait droit à votre

12 demande ? Est-ce qu'il y a eu des vivres qui vous attendaient à l'hôpital

13 au moment de votre retour ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu'il savait que vous étiez Vesna Bosanac ?

16 R. Oui. Je me suis présentée.

17 Q. Lorsque vous leur avez demandé de prendre à bord votre mère et d'aller

18 chercher vos beaux-parents, est-ce qu'ils savaient que vous étiez Vesna

19 Bosanac, directeur de l'hôpital ?

20 R. Oui.

21 Q. Sur la base des rapports des observateurs de la Commission européenne,

22 savez-vous combien de personnes ont été transportées en convoi, qui

23 devaient être évacuer ce jour-là ?

24 R. Je ne sais pas.

25 Q. Le 19 novembre, combien de blessés et combien de malades se trouvaient

26 à l'hôpital ?

27 R. Entre 400 et 450.

28 Q. Bien. Si à Ovcara, malheureusement, tant de personnes ont trouvé la

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1 mort, et si sur la base du rapport des observateurs européens plus de 400

2 personnes ont été évacuées, est-ce que cela veut dire qu'il aurait dû y

3 avoir 800 blessés à l'hôpital, qui auraient dû être évacués ou pas ?

4 R. Comme je l'ai dit, il y avait environ 400 malades et blessés et

5 patients.

6 Q. Bien.

7 R. Veuillez me permettre de terminer ma réponse. Sur la base de tous les

8 rapports, 174 blessées ont été évacuées, 120 au cours de la première

9 journée, le 20 novembre et le lendemain, 54 autres. Au total, 174 personnes

10 blessées ont été transportées jusqu'en Croatie. Veuillez me laisser

11 terminer. Sur les 200 cadavres exhumés d'une fosse commune à Ovcara, sur la

12 base de nos rapports, 97 d'entre eux étaient blessés.

13 Q. Bien. Nous parlerons de cela à une autre occasion. Cette question ne

14 m'intéresse pas. Sur la base des renseignements dont vous disposiez à

15 l'époque et aujourd'hui, étiez-vous en mesure de conclure qui était la

16 personne chargée de représenter la JNA chargée de l'évacuation ?

17 R. Je peux dire que jusqu'au 19, j'avais cru que c'était le général Raseta

18 qui avait signé l'accord. Je pensais que c'était lui qui était chargé de

19 l'évacuation. Le 19, lorsque j'étais à Negoslavci, le colonel Mrksic m'a

20 dit que seul Raseta pouvait signer et négocier tout ce qu'il voulait, mais

21 que Raseta n'était pas là sur le terrain et que c'était lui qui allait

22 organiser l'évacuation. Le 20 novembre, pour finir, celui qui était, à

23 l'époque, le commandant Sljivancanin a organisé l'évacuation de l'hôpital.

24 Q. Savez-vous quel rôle a joué le général Pavkovic ?

25 R. Non.

26 Q. Vous ne savez pas. Bien. Est-ce que vous connaissez Nestorovic Ivica,

27 soldat de la JNA ?

28 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait répéter la réponse ?

Page 808

1 M. BOROVIC : [interprétation]

2 Q. Est-ce que vous savez où était l'entrepôt de commerce de Borovo à

3 l'époque ?

4 R. J'ai entendu ce nom pour la première fois en prison lorsque j'étais

5 interrogée.

6 Q. Je vous ai demandé si vous saviez où était l'entrepôt commercial de

7 Borovo.

8 R. Je savais évidemment où il était situé. Le sous-sol de cette société

9 avait été transformé en abri. Nous y avons envoyé des blessés, après les

10 avoir traités à l'hôpital.

11 Q. Est-ce que vous savez combien il y avait de blessés à cet endroit-là ?

12 R. D'après les renseignements dont je disposais, il y avait environ 200

13 blessées qui s'y trouvaient avant que la localité de Priljevo ait été

14 bloquée. A ce moment-là, j'ai parlé au colonel Mrksic, à l'époque, à ce

15 sujet et après l'évacuation de l'hôpital, il devait y avoir une évacuation

16 des personnes du local commercial de Borovo.

17 Q. Avez-vous pris part à cette évacuation du local commercial de Borovo ?

18 R. Les personnes qui étaient chargées de cet endroit l'ont fait.

19 Q. C'était qui ?

20 R. Kuzmanovic, Djordje, Ramik [phon], Vladimir et Zlatko. Tous étaient des

21 médecins.

22 Q. Est-ce que vous connaissiez le Dr Kuzmanovic, Djordje,

23 personnellement ?

24 R. Oui.

25 Q. N'avez-vous jamais reçu les dossiers des blessés à Borovo, au local de

26 Borovo ?

27 R. Nous avons simplement discuté du nombre de personnes, de leurs besoins

28 au téléphone.

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1 Q. Est-ce que ceci a été inscrit et enregistré quelque part après les

2 conversations téléphoniques ?

3 R. Oui, nous avons enregistré tout cela. Nous avons consigné par écrit

4 combien de personnes y avaient été envoyées; nous le faisions deux fois par

5 semaine ou sur une base quotidienne. Nous avons également inscrit le nombre

6 de personnes qui ont été envoyées ailleurs une fois que ce local a été au

7 complet.

8 Q. Est-ce que ces renseignements concernant les blessés du local

9 commercial de Borovo ont été saisis dans votre base de données

10 informatiques ?

11 R. Non.

12 Q. Pourquoi ?

13 R. Parce que nous saisissions les données des personnes dans la base de

14 données lorsqu'ils étaient blessés et c'était fait à l'hôpital. Une fois

15 qu'ils étaient envoyés ailleurs, à Borovo, parfois, ils revenaient pour

16 être pansés ou recevoir d'autres soins.

17 Q. Votre mari qui était le directeur de l'entrepôt du local de Borovo, a-

18 t-il participé à cela ?

19 R. Il était sur place. A quelle période pensez-vous ?

20 Q. Quelle période ?

21 R. Oui. Pendant la guerre, il s'y trouvait, il était à ce local de Borovo.

22 Q. Est-ce qu'il a eu des contacts avec les blessés ?

23 R. Oui. Il avait des contacts à la fois avec les blessés, les malades et

24 ainsi de suite.

25 Q. Quel était son rôle au cours de cette période ?

26 R. Vous voulez parler de mon mari ?

27 R. Oui.

28 R. Dans l'entrepôt commercial de Borovo, ils ont organisé l'appui

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1 logistique, je veux dire par là l'électricité, l'eau, la possibilité de

2 faire du pain, puis, également fabriquer des cercueils pour enterrer les

3 morts et ainsi de suite.

4 Q. Dans cet entrepôt commercial de Borovo, y avait-il des membres de la

5 police ou du Corps de la Garde nationale ?

6 R. Oui.

7 Q. Combien ?

8 R. Je ne sais pas exactement.

9 Q. Bien. Connaissez-vous le Dr Kovacic ?

10 R. Oui.

11 Q. Ne vous a-t-on jamais appelé depuis cet entrepôt afin que vous

12 prodiguiez des soins à quelqu'un de cet entrepôt de Borovo Komerc ?

13 R. J'ai dit dans ma déposition que tous les blessées graves étaient tout

14 d'abord emmenées à l'hôpital parce que c'est là qu'on pouvait procéder à

15 des interventions chirurgicales. Lorsque, début novembre, je crois, je ne

16 connais pas la date exacte, cette voie, cette route de Priljevo est tombée,

17 ils ont apporté les blessés graves à l'hôpital. J'ai entendu dire, à mon

18 retour de prison, qu'à Borovo Naselje, ils ont reçu des blessés, des

19 blessés qui ne pouvaient plus atteindre l'hôpital.

20 Q. Très bien. N'avez-vous jamais opéré un Serbe ?

21 R. Moi ?

22 Q. Oui.

23 R. Non, puisque je ne suis pas chirurgien.

24 Q. Mais en temps de guerre, tout le monde est chirurgien ?

25 R. Non, non. Chez nous, dans l'hôpital, seuls les chirurgiens procédaient

26 à des interventions chirurgicales.

27 Q. Mais si vous deviez intervenir, le feriez-vous ? Opéreriez-vous un

28 Serbe ?

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1 R. Je suppose que si j'étais le seul médecin --

2 Q. Vous dites peut-être ou est-ce que cela veut dire que oui ?

3 R. Ecoutez, dans des circonstances très spéciales, si j'étais le seul

4 médecin dans des circonstances données, si une situation était très

5 particulière, je le ferais, indépendamment de savoir si le patient est

6 serbe ou croate ou je ne sais pas. Tout d'abord, il faudrait savoir si son

7 état exige une intervention chirurgicale ou non.

8 Q. Vous en êtes sûre ?

9 R. Oui.

10 Q. Merci. Maintenant une question un peu plus importante : Est-ce qu'il y

11 a eu une décision prise d'enquêter à votre sujet relativement à la

12 commission d'un crime de guerre ?

13 R. Pour autant que je le sache, non.

14 Q. Mais d'après ce que vous savez, est-ce qu'il y a eu des poursuites

15 engagées contre vous pour commission de crimes de guerre ?

16 R. Pour autant que je sache, non.

17 Q. N'avez-vous jamais fait une déclaration au tribunal militaire de

18 Belgrade au sujet de procédures au pénal ou dans le cadre d'une procédure

19 au pénal ?

20 R. Après ces déclarations que j'ai faites à Sremska Mitrovica, et nous en

21 avons parlé, j'ai été emmenée, pour autant que je le sache, à la prison

22 militaire de Belgrade où des instructions et des enquêtes sont menées et

23 là, j'ai été soumise à un interrogatoire. On m'a interrogé parce que

24 j'avais écrit contre l'armée yougoslave. A l'époque, j'avais encore en ma

25 possession ou sur moi des télécopies, des originaux et je ne sais pas si

26 c'est à cela que vous pensez, à ce moment-là, on m'a nommé un conseil, il y

27 a eu une commission d'office d'un conseil, je ne sais pas combien de temps

28 l'interrogatoire a duré, c'était plusieurs heures en l'espace d'une

Page 812

1 journée. Ce conseil qui m'a été donné m'a dit qu'il ne pensait pas que

2 j'allais être accusée car en vertu des dispositions de la loi militaire de

3 l'époque, il n'y avait pas de délit verbal et j'ai été envoyée à Zagreb

4 quelques jours plus tard par avion.

5 Q. Est-ce que vous avez fait l'objet d'un échange tous pour tous ?

6 R. Je ne sais pas comment j'ai été échangée. Je sais que j'ai fait partie

7 d'un groupe où il y avait 44 personnes, en plus de moi. Tout d'abord, ce

8 jour-là, on nous a emmené à la prison militaire de Belgrade et par la

9 suite, deux jours plus tard, on nous a emmené à l'aéroport. A bord de deux

10 avions, on nous a transporté à Zagreb.

11 Q. Ma question suivante : cet avion par lequel on vous a transporté à

12 Zagreb, le général Aca Vasiljevic, est-ce qu'il l'a accompagné ?

13 R. Il était dans l'autre avion.

14 Q. Mais il a fait partie de l'escorte ?

15 R. Oui.

16 Q. Ma question suivante : est-ce que cela veut dire que toutes les

17 personnes qui ont été présentées devant le tribunal militaire de Belgrade

18 ont été échangées, d'après ce que vous savez ?

19 R. Je ne sais pas quelles sont toutes les personnes qui se sont trouvées

20 au tribunal militaire, mais ce que je sais, c'est que nous qui étions à

21 bord de cet autocar, oui.

22 Q. Vous avez dit combien de personnes ?

23 R. Ecoutez, je ne sais pas exactement. Je sais que deux personnes de ce

24 groupe ont renoncé à faire l'objet de l'échange et qu'en tout, on était 45.

25 Q. Très bien.

26 R. Mais je n'en suis pas certaine.

27 Q. Il y en a eu quelques-uns qui ont été acquittés, libérés au tribunal

28 militaire, ils n'ont pas été échangés ?

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1 R. Mais je ne sais même pas qu'il y a eu des personnes accusées.

2 Q. Je vais vous rafraîchir la mémoire ou plutôt, savez-vous, avez-vous

3 appris, par la suite, que le soldat Vukas qui a été jugé par le colonel

4 Milicevic a été acquitté ? Il n'y a pas eu déclaration de culpabilité; il y

5 a eu acquittement.

6 R. Je ne le sais pas.

7 Q. Vous seriez probablement surprise si on vous disait qui était le

8 conseil de la défense ?

9 M. MOORE : [interprétation] Objection. Ceci n'a pas de pertinence en

10 l'espèce.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, est-ce que c'est

12 pertinent ?

13 M. BOROVIC : [interprétation] Vous faites référence à ma dernière

14 question ?

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, et aussi à cette série de

16 questions au sujet des acquittements.

17 M. BOROVIC : [interprétation] Mais bien sûr que si, puisque le témoin ne le

18 connaît pas, je ne vais pas continuer de poser plus de questions sur ce

19 sujet. Mais tout ce que je présente au témoin, je vais le verser au

20 dossier. Bien entendu, tout ce qui concerne le tribunal militaire.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous pouvez prouver que c'était

22 pertinent, à ce moment-là, lorsque vous en demanderez le versement.

23 Réfléchissez-y, préparez-vous à cela. Merci.

24 M. BOROVIC : [interprétation] Mais je suis parfaitement prêt à cela. J'ai

25 ma question suivante.

26 Q. L'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, a-t-elle fourni un soutien pour

27 que Vesna Bosanac soit échangée ? Est-ce que l'ambassade américaine y a

28 pris part ?

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1 R. Cela, je ne le sais pas.

2 Q. Savez-vous que les personnes coupables de crime de guerre, d'après

3 toutes les conventions internationales, ne peuvent pas faire l'objet

4 d'échange ?

5 R. Cela, je ne le sais pas.

6 Q. Merci.

7 M. BOROVIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de

8 l'intercalaire 2, ainsi que des intercalaires 3 et 4, au

9 numéro 12-2 D 01-005; 13-2 D 01-007 et enfin, l'intercalaire 4, au

10 numéro 14-2 D 01-0010. Il s'agit de l'information du 1er Groupe de l'UBSSNO

11 [phon] de la 1ère Région militaire, recueillie du Dr Djordje Kuzmanovic et à

12 son sujet, le témoin a parlé dans sa déposition. Nous avons aussi une note

13 officielle, une note de service qui, elle aussi, concerne ce --

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Excusez-moi. Pourriez-vous relire encore

15 une fois les numéros que vous souhaitez présenter, les numéros

16 d'enregistrement ?

17 M. BOROVIC : [interprétation] Oui. L'intercalaire 1,

18 12-2 D 01-0005. Intercalaire 13, 13-2 D 01-007. Enfin,

19 14-2 D 01-0010.

20 Est-ce que cela va bien maintenant ?

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Lorsque vous vous référez aux

22 intercalaires, vous vous référez à ce petit jeu de quatre documents que

23 vous avez fournis plus tôt ?

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Intercalaires 2, 3 et 4; c'est exact ?

25 M. BOROVIC : [interprétation] Oui. Il en est ainsi, mais d'après les

26 instructions que nous avons reçues du Greffe, nous avons lu, comme je viens

27 de le dire, les onglets 2, 3 et 4. C'est séparé.

28 Enfin, Monsieur le Président, je propose au versement --

Page 815

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Attendez. Je suis encore en train

2 d'examiner de ce que vous venez de dire. Tout d'abord, nous avons un

3 document qui concerne Kuzmanovic.

4 M. BOROVIC : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est un document où il est allégué

6 d'un comportement qui concerne un soldat Nestorovic ou plutôt, les soins

7 qui lui ont été prodigués. Est-ce que vous êtes en train de dire que le

8 témoin connaît ce document ou vous souhaitez son versement en vous fondant

9 sur le fait que ce document est authentique ou a été authentifié et qu'il a

10 une certaine pertinence en l'espèce ?

11 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est des

12 intercalaires 2 et 3, nous avons des documents qui constituent partie

13 intégrante du document à l'intercalaire 4, à savoir, la décision aux fins

14 d'enquête. Le témoin ne doit pas nécessairement connaître l'existence de

15 ces deux documents, mais elle doit être au courant de la demande aux fins

16 de diligenter l'enquête, puisqu'elle sait qu'elle a été interrogée au

17 tribunal militaire dans l'affaire 19/12 de 1992.

18 J'estime que c'est tout à fait pertinent, que ces preuves ont une

19 grande pertinence parce qu'on mentionne là le Dr Kuzmanovic, que le témoin

20 connaît, et parce qu'il y a là les informations sur la base desquelles le

21 procureur militaire a décidé de diligenter l'enquête.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'après la manière dont j'ai compris

23 la déposition du Dr Bosanac, elle a compris qu'elle a été interrogée, mais

24 elle ne savait pas qu'elle faisait l'objet d'une enquête formelle en bonne

25 et due forme. En est-il ainsi, Docteur ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez vu ce document

28 par lequel on décide officiellement, formellement, de lancer une enquête

Page 816

1 portant sur votre conduite ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

3 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, connaissant cette

4 Chambre, si vous m'y autorisez, en application du code pénal de la

5 République socialiste fédérale de la Yougoslavie qui était en vigueur à

6 l'époque, pour que quelqu'un puisse faire une déclaration, il fallait qu'il

7 y ait une décision officielle afin de diligenter l'enquête, et il fallait

8 aussi qu'il soit accompagné d'un conseil pour pouvoir réagir suite à cette

9 décision. D'après ce que nous avons entendu, il y a eu commission de

10 conseil d'office. Donc, lorsqu'il n'y a que des entretiens préalables, il

11 n'y a pas d'avocat commis d'office, d'après ce que dit notre témoin ici.

12 D'après la procédure et d'après les archives du tribunal militaire, c'était

13 nécessairement cela. Ce n'est pas à la police militaire qu'elle a été

14 interrogée mais c'était dans les locaux du tribunal militaire. Le témoin

15 peut nous dire qu'elle est au courant ou qu'elle ne l'est pas. Elle peut

16 aussi dire qu'elle ne sait pas qu'elle a fait l'objet de soupçons d'avoir

17 commis des crimes de guerre, mais cela fera l'objet des questions que nous

18 allons lui poser maintenant.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Borovic, pour le moment, je

20 n'ai pas de fondement. Rien ne me permet de douter maintenant que ces

21 ordres existaient ou qu'ils aient été émis. Le témoin, cependant, nous dit

22 qu'elle n'a rien su à l'époque.

23 Alors, Monsieur Moore, est-ce qu'il y a une objection à ce qu'on

24 verse au dossier cet ordre aux fins d'enquête ?

25 M. MOORE : [interprétation] Oui. Nous estimons que ces documents devraient

26 être répartis en deux catégories précisément. Tout d'abord, voyons le

27 document qui concerne l'enquête. Par analogie, imaginons que Me Radic est

28 en train de déposer, je lui pose une question, je lui demande s'il connaît

Page 817

1 Mme Carla Del Ponte. Il nous dit : "Oui." Par la suite, j'essaie de

2 présenter des éléments en tant qu'éléments de preuve, un rapport qu'elle

3 aurait rédigé et qui laisse entendre qu'il devrait y avoir une enquête.

4 Alors, je pense que ce serait une manière de procéder tout à fait

5 inappropriée puisqu'il n'y a pas de pertinence en l'espèce. Il s'agit

6 simplement d'un document qui laisse entendre qu'une enquête devrait être

7 lancée, mais ceci sous-entend deux choses. D'une part, il y a la

8 connaissance de l'enquête, et deuxièmement, la connaissance de la teneur du

9 document. Il faudrait séparer les deux choses, il faudrait les distinguer.

10 On ne peut pas faire l'amalgame. Donc, ce serait ma première objection.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On a posé la question au témoin. Elle

12 a dit qu'elle n'était pas au courant de l'existence d'une enquête formelle,

13 officielle. Mais tout à fait, elle savait qu'on l'a interrogée, et elle

14 savait qu'on lui a nommé un conseil.

15 M. MOORE : [interprétation] Oui. Bien entendu, je ne conteste pas cela.

16 Mais il y a un autre point. Nous avons ici le document lui-même, le

17 document lui-même qui précise l'enquête. Le docteur nous a déjà dit qu'elle

18 n'était pas au courant de l'existence de ce document. Donc, j'estime qu'il

19 s'agit d'un document qui ne peut pas être admis puisqu'il n'a pas de

20 pertinence en relation au témoin.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous semblez répéter ici les anciennes

22 règles de la "common law" plutôt que de vous conformer à la procédure de ce

23 Tribunal, Monsieur Moore. Un document qui semble avoir, de prime abord, une

24 pertinence, peut être versé dans le cadre de notre procédure. Quant à

25 savoir quel sera le poids qui lui sera attribué, c'est quelque chose qu'on

26 appréciera pas la suite.

27 M. MOORE : [interprétation] Oui. Je suis conscient du fait que je suis en

28 train de défendre les règles de la "common law" habituelles.

Page 818

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais nous avons ici les règles de ce

2 Tribunal.

3 M. MOORE : [interprétation] Oui, mais le test qui doit être appliqué est le

4 test de la pertinence au sujet du témoin, au regard du témoin et de

5 l'espèce.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, la pertinence possible pourrait

7 être que le témoin dit qu'elle a été emmenée en prison militaire, qu'elle a

8 été interrogée, qu'elle s'est vue assignée un conseil. Donc, soit on peut

9 considérer que la procédure était inacceptable et totalement illégale, et

10 cela nous montre qu'elle a été maltraitée. L'autre possibilité est de dire

11 que cela a été fait conformément à la loi qui était en vigueur à l'époque,

12 et que ce document nous montre qu'une procédure légitime et légale a été

13 appliquée même si le témoin n'était pas au courant de cela.

14 M. MOORE : [interprétation] Il faudra essayer d'apprécier pourquoi on nous

15 présente ce document, sur quel fondement. J'estime, comme je viens de le

16 dire, que le test de la pertinence est de savoir si le document a à voir

17 avec la déposition du témoin ou avec l'espèce. Si le témoin dit qu'il ne

18 connaît pas le document, de toute évidence, on est dans un cas de figure où

19 le conseil, effectivement, a été nommé, une procédure a été suivie. Mais je

20 ne vois pas pourquoi ce document devrait être versé à ce stade. Je tiens à

21 ajouter également qu'il faut voir pourquoi, pour quelle raison on nous

22 présente ce document. Le témoin a dit qu'elle ignorait l'existence de ce

23 document. Si tel est le cas, indépendamment de savoir si on se situe dans

24 le cadre du droit civiliste ou du droit de la "common law", j'estime qu'il

25 ne s'agit pas là d'un document qui peut être versé au dossier à ce stade.

26 Il se peut que la Défense, à un moment donné, présente des éléments

27 qui vont effectivement répondre à mon interrogation, et peut-être que cela

28 se fera de manière tout à fait formelle, que la Défense pourra s'occuper de

Page 819

1 ceci à un stade ultérieur, et qu'on aura ici un représentant du système

2 judiciaire, un enquêteur qui pourra nous prouver de quelle procédure a fait

3 l'objet le Dr Bosanac. Mais à ce stade, je pense que ce n'est pas adéquat,

4 quel que soit le système juridique dans lequel on se place.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les deux autres documents, Monsieur

6 Moore.

7 M. MOORE : [interprétation] Jusqu'à présent, je ne me suis occupé que de

8 l'un des deux mais je peux m'occuper de l'autre. Si nous nous penchons sur

9 le rapport qui vient du commandement de la

10 1ère Région militaire, il semblerait qu'il porte la date du

11 2 décembre 1991, et il semblerait que c'est une conclusion qui a à voir

12 avec le comportement en date du 13 novembre au sujet d'un incident à

13 l'entrepôt. Nous estimons que ceci n'a absolument aucune pertinence, n'a

14 rien à voir avec la déposition du Dr Bosanac, que cela a à voir avec un

15 sujet complètement différent, à savoir, la date du 13 novembre. Rien ne

16 permet de comprendre qu'elle y a pris part. De même, nous estimons que le

17 document lui-même est simplement une constatation. Alors, si c'est une

18 constatation au sujet d'un point qui manque de pertinence en tant que tel,

19 cela ne peut être admissible que si on peut établir un lien entre ce

20 document et ce docteur.

21 Permettez-moi de citer un petit exemple. Si, par exemple, il y avait

22 des éléments de preuve devant cette Chambre montrant que le

23 Dr Bosanac, à l'époque, était responsable non seulement du traitement

24 médical mais aussi des interventions chirurgicales, à partir de ce moment-

25 là, on pourrait dire qu'elle a fait des interventions. Mais ici, il est

26 question du 13 novembre, où il est dit que cet individu n'a pas fait

27 l'objet de soins médicaux. Je voudrais demander la question suivante : tout

28 d'abord, est-ce que vous connaissez cet individu ? Deuzio, est-ce que vous

Page 820

1 étiez de permanence ce jour-là ? Troisièmement, étiez-vous responsable des

2 interventions qui ont eu lieu ? Est-ce que vous y avez pris part ou non ?

3 Si oui, comment expliquez-vous le fait que cette personne n'a pas fait

4 l'objet de traitement médical ? La conclusion de l'autre partie, à mon

5 avis, n'a aucune pertinence quant à la déposition du Dr Bosanac. Il n'y a

6 pas de lien entre les deux.

7 Pour ce qui est du deuxième document maintenant, je vois qu'il porte

8 la date du 25 novembre, qu'il s'agit d'un document strictement

9 confidentiel, de secret officiel. Je ne sais pas exactement quel est

10 l'objectif de présenter ce document. On ne s'en est pas occupé jusqu'à

11 présent. Il s'agit simplement des conclusions ou des constatations, d'après

12 ce que je vois, de prime abord. Si tel est le cas, il faudra que la Défense

13 présente ce document au moment voulu, et que l'Accusation puisse contre-

14 interroger le témoin par le truchement duquel on va le présenter.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.

16 Maître Borovic, comme vous venez de l'entendre, il y a une objection qui a

17 été soulevée et qui concerne le versement de ces trois documents. Tout

18 d'abord, si vous souhaitez maintenir votre demande de versement, est-ce que

19 vous pouvez nous expliquer, expliquer à la Chambre tout d'abord la

20 pertinence de ce premier document qui est l'ordre aux fins d'enquête

21 militaire ? Donc, quelle est la pertinence en l'espèce, à savoir, si vous

22 maintenez toujours votre demande de versement ?

23 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, bien entendu, que je

24 vais le faire. Mon éminent collègue a utilisé beaucoup, beaucoup de mots,

25 alors que mon expérience me prouve qu'on agit de cette manière-là lorsqu'on

26 n'a pas vraiment d'arguments valables. Je ne sais pas exactement par où je

27 devrais commencer, parce que généralement, je ne perds pas ma capacité de

28 me concentrer.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, je vais vous aider. Si

2 vous voulez vous concentrer --

3 M. BOROVIC : [interprétation] Non, non, je suis très concentré. Je n'aurai

4 pas besoin d'aide. Ma première question adressée à

5 Mme Bosanac a été de savoir si elle connaissait Nestorovic Ivica. C'était

6 la première question. Ensuite, je lui ai demandé si elle était au courant

7 de l'existence de l'entrepôt de Borovo Naselje. Ensuite, ma question

8 portait sur la compétence qu'exerçait l'hôpital de Vukovar - et cela, c'est

9 quelque chose dont nous n'ignorons pas la pertinence - ensuite, de savoir

10 s'il y a eu des registres des blessés de cet entrepôt. Ensuite,

11 cinquièmement, nous n'avons pas de soi-disant conclusion ou constatation;

12 nous avons la décision officielle du Tribunal sur le fait d'ouvrir, de

13 diligenter une enquête. Le Dr Bosanac ne conteste pas le fait qu'elle ait

14 donné une déclaration au juge d'instruction militaire de l'époque.

15 Donc, ma question a été de savoir si on lui a posé la question.

16 D'ailleurs, j'ai le procès-verbal en question, qu'intentionnellement, je ne

17 veux pas présenter ici. Elle l'a signé. D'après la tactique de la Défense,

18 ce serait prématuré. Donc, je ne vais pas le présenter. Elle était là. Il y

19 avait le juge d'instruction militaire, il y avait son avocat, enfin le

20 conseil d'office, et elle l'a signé. Ensuite, quand je lui ai posé la

21 question au sujet de Nestorovic Ivica, c'est précisément le soldat au sujet

22 de la mort duquel, du décès duquel, il y a inculpation de Vesna Bosanac.

23 Elle a été accusée d'avoir commis un crime de guerre, et c'est très

24 lié, c'est intrinsèquement lié. Dr Kuzmanovic, c'est un médecin dont

25 Bosanac a confirmé l'existence. Cela se fonde sur ses rapports au sujet de

26 l'aide médicale qui a été fournie -- en fait, qui a été refusée par le Dr

27 Bosanac qui était du centre hospitalier de Vukovar, qui était responsable

28 de toutes les antennes dans cette zone.

Page 822

1 Conformément à toutes les règles qui ont à voir avec le crime de guerre,

2 ici, nous sommes très privilégiés, parce que nous avons, à la fois, les

3 règles du droit civiliste et de la "common law". Nous sommes en excellente

4 position pour discuter des faits, des faits qui pourraient avoir un impact

5 sur la crédibilité du témoin qui est entendu. Donc, j'ai essayé de demander

6 au témoin comment elle a été échangée - est-ce que je peux poursuivre ? Si

7 je lui ai demandé cela, c'est parce que j'ai estimé que tout ceci était

8 très pertinent. D'autant plus que la Chambre ici présente sait très bien,

9 ainsi que mon éminent confrère, que les personnes accusées de crime de

10 guerre imprescriptible, dans n'importe quel système judiciaire du monde,

11 que ces personnes-là ne peuvent pas faire objet d'échange.

12 Pourquoi la Défense a-t-elle agit ainsi ? Nous devons en parler précisément

13 en l'espèce puisque ceci a à voir beaucoup dans cette affaire. Toutes ces

14 télécopies à la Garde nationale, le MUP, leur présence, si on peut entraver

15 la crédibilité ou si cette crédibilité peut se trouver entravée d'une

16 manière quelle qu'elle soit, j'en ai le devoir, j'ai le devoir d'aborder

17 ceci, et on ne pourra pas l'omettre puisque ceci est au cœur précisément de

18 cette affaire.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, vous ai-je bien

20 compris ? Est-ce que c'est la crédibilité du témoin que vous mettez en

21 cause ?

22 M. BOROVIC : [interprétation] Comme je l'ai dit, c'est là la conclusion de

23 mon contre-interrogatoire. Oui, effectivement, je souhaiterais m'intéresser

24 à la crédibilité de ce témoin, car nous estimons que ce témoin dépose peut-

25 être au sujet de certains faits au sujet desquels elle n'a aucune

26 compétence. C'est notre avis.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc, ce document est censé porter sur

28 des questions qui pourraient mettre en doute la crédibilité de ce témoin;

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1 est-ce bien cela ?

2 M. BOROVIC : [interprétation] Je voulais m'intéresser à la crédibilité du

3 témoin mais également à des questions plus vastes. Je ne peux pas décrire

4 tout le contexte par l'intermédiaire de ce témoin mais tout cela est

5 important. Car il y avait une influence politique pas seulement pour ce qui

6 est du procès mais pour tout ce qui se passait à Vukovar. Je lui ai demandé

7 si elle savait ce qu'étaient les Oustachi. Ce terme injurieux d'Oustachi

8 était utilisé très fréquemment.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, vous ne répondez pas à

10 ma question. J'essaie de comprendre ce qui est dans ce document présente

11 une pertinence immédiate. D'après ce que j'ai compris, l'ordre aux fins de

12 diligenter une enquête que vous présentez touche à la crédibilité de ce

13 témoin et au poids que la Chambre devrait accorder à son témoignage. Est-ce

14 que je vous ai bien compris ?

15 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous remercie de votre patience, Monsieur

16 le Président, que ce soit par rapport à l'Accusation ou par rapport à la

17 Défense. C'est important pour les raisons suivantes. Je serai très bref. Un

18 crime de guerre est imprescriptible. Si nous savons que la procédure est

19 suspendue, nous savons que cela touche à la crédibilité même de ce témoin,

20 témoin qui a été accusé d'avoir commis un crime de guerre. La procédure n'a

21 pas abouti et le témoin n'a jamais été acquitté. Voilà, en substance, ce

22 que je voulais dire.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie d'avoir précisé ce

24 point.

25 Quelle est la pertinence des deux autres documents ?

26 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le premier et le

27 deuxième document sont la base du troisième document. Vu les deux premiers

28 documents qui exposent des faits relatifs au crime dont le témoin a été

Page 825

1 accusé, sont exposés dans la conclusion la décision finale relative à leur

2 enquête. Afin d'éviter tout problème et pour ne pas me concentrer

3 uniquement sur le troisième document, j'ai également demandé le versement

4 au dossier des deux premiers documents.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si j'ai bien compris, le troisième

6 document est un ordre aux fins d'ouverture d'une enquête. Est-ce que des

7 accusations officielles ont été portées ? Est-ce ce que vous affirmez ?

8 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous n'êtes pas tenu

9 de connaître les procédures engagées à l'époque. Tout ceci, néanmoins, est

10 bien officiel et a été fait conformément à la loi sur la procédure pénale

11 de la RFSY de l'époque. Le procureur, le juge d'instruction, les conseils

12 de la défense, l'accusé ont respecté les dispositions en vigueur à

13 l'époque. Elle a signé la déclaration en B/C/S. Le juge d'instruction a

14 présenté les accusations au suspect. Par conséquent, je pense que nous

15 perdons inutilement notre temps ici. Il s'agit d'un document officiel qui

16 est beaucoup plus officiel, d'ailleurs, que toutes les télécopies que nous

17 avons vues dont certaines ont été signées, d'autres non et envoyées à je ne

18 sais qui. Merci.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, est-ce que vous dites

20 qu'il n'y a pas eu de mise en accusation officielle, hormis cet ordre aux

21 fins d'ouverture d'une enquête ?

22 M. BOROVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je ne vous ai pas très bien

23 compris. Il n'y a qu'une seule mise en accusation. On

24 n'appelle pas cela un "acte d'accusation" dans notre système. Il s'agit

25 d'une décision en vertu de laquelle une enquête est ouverte, décision

26 rendue après enquête préliminaire et dans ce contexte, des témoins sont

27 interrogés, les faits sont recueillis, tous les faits concernant le décès

28 de ce soldat dans cette affaire particulière. Ce n'est qu'après cela que le

Page 826

1 juge rend une décision en vertu de laquelle une enquête officielle est

2 ouverte. Le tribunal, ensuite, rend une décision par laquelle la procédure

3 est suspendue, il ne s'agit pas d'un acquittement. Le témoin a été échangé,

4 il n'y a pas eu d'acquittement et les accusations n'ont pas été abandonnées

5 et les crimes de guerre sont imprescriptibles. Pourtant, le témoin a été

6 échangé.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous dites qu'il n'y a pas

8 eu de mise en accusation officielle, hormis ce qui figure dans le document

9 que vous nous présentez.

10 M. BOROVIC : [interprétation] On a accusé le Dr Bosanac d'insurrection

11 armée également. Une enquête a été menée à ce sujet également. De nombreux

12 crimes ont fait l'objet d'enquêtes. A l'époque, la Croatie n'avait pas été

13 reconnue par la communauté internationale, ce n'était pas un état

14 indépendant. Par conséquent, toutes ces décisions étaient valides du point

15 de vue légal à l'époque, y compris, la décision que nous avons ici. Par

16 conséquent, le crime d'insurrection armée auquel le témoin a pris part à

17 l'époque, de concert avec des membres de la Garde nationale et les forces

18 parallèles de la police, tout cela est exposé en détail dans tous ces

19 documents et dans les procédures au pénal qui ont été menées à l'époque. En

20 fin de compte, une décision a été rendue indiquant qu'il y avait des

21 présomptions raisonnables permettant de penser que le témoin avait commis

22 tous les actes qui lui étaient reprochés, compte tenu de l'enquête

23 officielle qui devait être menée. Tout cela est officiel.

24 Je préfèrerais que le témoin s'abstienne de rire.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, ne vous

26 préoccupez pas du témoin.

27 Ces trois documents touchent à la crédibilité de ce témoin. Vous

28 pensez que cela revêt une certaine importance car il est possible que le

Page 827

1 témoin fasse l'objet d'une enquête pour avoir commis des crimes de guerre

2 graves et que ceci peut avoir une incidence sur la déposition qu'elle fait

3 en l'espèce. Est-ce votre position ?

4 M. BOROVIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une fois de plus, je souhaiterais me

6 tourner vers M. Moore. La pertinence tient à la crédibilité du témoin,

7 d'après la Défense. Monsieur Moore, pouvez-vous nous dire si vous contestez

8 l'authenticité de ce document ? Ces documents viennent du bureau du

9 Procureur et la question est de savoir ce qu'il en est de cette décision.

10 M. MOORE : [interprétation] Je vais essayer de ne pas témoigner ici. Les

11 déclarations que j'ai vues ne proviennent pas du bureau du Procureur.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

13 M. MOORE : [interprétation] Il y avait 900 documents et je ne peux pas

14 affirmer avec certitude qu'ils ne viennent pas du bureau du procureur, mais

15 je pense que non. Deuxièmement, mon éminent confrère, je ne souhaite pas

16 lui manquer de respect, mais témoigne par rapport au sujet de cette

17 procédure. D'après ce que j'ai compris, il n'y a pas eu de mise en

18 accusation officielle. Il conviendrait de vérifier cela et je fais valoir

19 qu'il s'agit d'un critère important pour ce qui est des documents que vous

20 avez mentionnés dans votre question. Je ne sais pas s'ils sont valides ou

21 pas.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, pour le moment, la

25 Chambre propose qu'on verse au dossier ces trois documents en leur

26 attribuant une cote provisoire. Leur authenticité est contestée et si vous

27 souhaitez vous en servir, si vous souhaitez qu'ils soient versés au dossier

28 en tant que pièces à conviction, il vous faudra vous occuper de la question

Page 828

1 de leur authenticité, soit en cherchant à convaincre M. Moore qu'ils sont

2 authentiques, soit en prouvant leur authenticité en temps voulu. De prime

3 abord, nous considérons que leur authenticité n'a pas été établi et nous ne

4 comprenons pas très bien, par exemple, si l'ordre aux fins d'enquête et la

5 décision sont datés du 4 mai 2000 ou de l'année 1992, comme vous

6 l'affirmez, car la seule date qu'on voit est celle de

7 l'année 2000, mais ces documents recevront, pour le moment, une cote

8 provisoire aux fins d'identification.

9 M. BOROVIC : [interprétation] Bien entendu, j'accepte votre décision, je ne

10 la conteste pas. Mais je souhaite dire que le Procureur m'a interrompu

11 lorsque j'ai commencé à poser des questions au témoin au sujet de ce soldat

12 de la JNA, lorsqu'elle a dit qu'elle avait entendu parler de lui. J'étais

13 sur le point de poser des questions supplémentaires sur la question. J'ai

14 demandé au témoin si elle avait appris cela au tribunal militaire. Le

15 témoin a répondu par la négative, je n'ai pas entendu cela au tribunal

16 militaire, mais à la prison où j'étais interrogée. Mais je ne commenterais

17 pas davantage votre décision et je serai à même de prouver ce que j'affirme

18 plus tard. Tout cela sera versé au dossier, je pense. Il y a un autre

19 document que je souhaiterais présenter. Il s'agit du document T202D01.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le Greffier d'audience, peut-il

21 attribuer une cote provisoire à ces documents.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le rapport

23 signé par le général Mile Babic sera la pièce à conviction portant le

24 numéro d'identification 00041.

25 La note officielle du secrétariat provincial de l'Intérieur portera

26 le numéro 42.

27 La décision du tribunal militaire de Belgrade portera le

28 numéro 43. Il s'agit de cotes provisoires

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, est-ce que vous

2 souhaiteriez aborder d'autres sujets ?

3 M. BOROVIC : [interprétation] Il me reste un question à poser, mais avant

4 de faire cela, hier, j'ai demandé le versement au dossier de rapports que

5 nous avons reçus ou plutôt, d'une décision portant sur le renvoi émanant du

6 ministère de la Santé, numéro 2D 01-0001. Il s'agit d'un document qui a été

7 débattu hier, que ce soit par l'Accusation ou par la Défense et je pense

8 que le moment est bien choisi pour le verser au dossier.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du document

10 figurant à l'intercalaire 1 ?

11 M. BOROVIC : [interprétation] Tout à fait.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Des objections à soulever, Monsieur

13 Moore ?

14 M. MOORE : [interprétation] Pas d'objection.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois que non. Ce document sera

16 versé au dossier.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Il s'agira de la pièce à

18 conviction numéro 44.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il d'autres documents, Maître

20 Borovic, ou est-ce que nous en avons en terminé avec les documents ?

21 M. BOROVIC : [interprétation] Ce sera tout.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 Aviez-vous d'autres questions à poser ?

24 M. BOROVIC : [interprétation] Deux peut-être.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Deux ?

26 M. BOROVIC : [interprétation] Deux.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

28 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais demander

Page 830

1 quelque chose à mon confrère. Il a parlé d'un document signé par le Dr

2 Bosanac lors de ces auditions. Je ne sais pas s'il a l'intention de

3 présenter ce document au docteur afin qu'elle confirme qu'il s'agit bien de

4 sa signature. Je ne souhaiterais pas que ce document soit présenté à un

5 stade ultérieur du procès sans avoir été auparavant confirmé, sans qu'elle

6 confirme que c'est bien sa signature qui figure sur ce document.

7 M. BOROVIC : [interprétation] Si vous me le permettez, je souhaiterais

8 savoir si cela touche uniquement la question de la signature ou s'il y a

9 d'autres questions que je pourrais soumettre au témoin. Mais en tout état

10 de cause, je ne pense pas que ce document sera présenté plus tard et fasse

11 l'objet de commentaires supplémentaires du Dr Bosanac. Il y a d'autres

12 éléments de preuve que nous devrions présenter plus tard. Par conséquent,

13 nous ne présenterons plus de document à ce témoin, à ce stade et je ne

14 demanderai le versement d'aucun autre document pour le moment.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Mais vous avez bien entendu la

16 remarque de M. Moore. Vous aviez deux questions à poser, disiez-vous.

17 M. BOROVIC : [interprétation] C'est ce que j'ai dit, en effet.Q. Ma

18 première question est la suivante : savez-vous que des membres du corps de

19 la Garde nationale étaient appelés Oustachi par leur opposants, leurs

20 adversaires lors ce conflit armé ?

21 R. Non.

22 Q. Vous n'avez jamais entendu cela ?

23 R. Non. A l'exception de ce que j'ai déjà déclaré, c'est-à-dire que l'un

24 des passagers de la voiture a demandé si c'était des Oustachi.

25 Q. N'avez-vous jamais été membre du parti communiste ?

26 R. J'ai adhéré à la ligue des communistes, à la jeunesse communiste, mais

27 je n'ai jamais été une communiste convaincue.

28 Q. Quelle est la différence entre devenir membre du parti et ne pas

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1 véritablement être communiste ?

2 R. On a proposé que je devienne membre du parti et j'étais acceptée au

3 parti communiste, mais le fait d'être véritablement communiste signifie

4 qu'on participe activement aux activités organisées par le parti.

5 Q. Pour enchaîner, quand avez-vous déclaré votre affiliation politique ?

6 Est-ce que vous l'avez fait quand vous avez postulé à vos positions ?

7 R. Je ne m'en souviens pas.

8 Q. A l'époque, il était obligé de déclarer son appartenance politique. Je

9 pense que tout le monde était communiste en Croatie, à l'époque ?

10 R. Je ne pense pas que vous ayez raison, mais je ne sais pas vous dire.

11 Q. Merci beaucoup.

12 M. BOROVIC : [interprétation] Plus de questions supplémentaires à poser au

13 témoin.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous allons faire une pause et

15 nous reprendrons nos travaux à 13 heures 15.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 53.

17 --- L'audience est reprise à 13 heures 17.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.

19 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

20 Juges, compte tenu des modifications du calendrier, est-ce que nous

21 arrêterons à deux heures moins le quart ou est-ce que nous continuerons au-

22 delà ? J'aurais besoin de le savoir de façon à être en mesure de formuler

23 nos questions.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une autre audience doit avoir lieu cet

25 après-midi dans cette salle d'audience.

26 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

27 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

28 Q. [interprétation] Madame Bosanac, bonjour.

Page 832

1 R. Bonjour.

2 Q. Mon nom est Novak Lukic. Je suis avocat à Belgrade, au barreau de

3 Belgrade. Je vais vous poser un certain nombre de questions pour le compte

4 de Veselin Sljivancanin, de son équipe de Défense.

5 Avant que je commence à poser mes questions, je voudrais vous informer du

6 fait qu'il y a un certain nombre de questions sur lesquelles je

7 souhaiterais vous rafraîchir la mémoire, expressions que nous utilisons

8 plus particulièrement en ce qui concerne vos contacts avec mon client. Je

9 vais essayer de vous informer de sa position concernant certaines de vos

10 déclarations et affirmations que vous aurez, à ce moment-là, la possibilité

11 de confirmer ou de corriger sur la base des renseignements concernant

12 certains événements. Je vais essayer de poser mes questions, de formuler

13 mes questions d'une façon qui vous permette de faire des réponses brèves,

14 essentiellement par oui ou par non. S'il y a des éclaircissements

15 supplémentaires dont vous avez besoin, l'Accusation pourra préciser les

16 choses lors des questions supplémentaires.

17 Pour commencer, je voudrais vous poser un certain nombre de questions

18 concernant l'évacuation dont vous avez parlé au mois d'octobre,

19 l'évacuation du mois d'octobre dont vous avez parlé. Vous avez dit que

20 cette évacuation d'octobre, en octobre 1991, avait été organisée par une

21 organisation connue sous le nom de Médecins sans frontières, même

22 expression en anglais; est-ce bien cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que le nom de Michel Robert vous est connu ?

25 R. Je me rappelle ce nom.

26 Q. Pour le compte rendu, j'ai dit Michel Robert. Avez-vous des

27 renseignements, savez-vous que cette personne ou quelqu'un d'autre qui

28 escortait le convoi pour le compte de cette organisation a changé

Page 833

1 l'itinéraire qui avait été précédemment suggéré par la JNA, et l'ont fait

2 de leur propre chef ? Est-ce que vous savez cela ?

3 R. Non.

4 Q. A ce moment-là, et nous parlons d'octobre 1991, est-ce que la JNA était

5 en mesure d'offrir des garanties à qui que ce soit de sauf-conduit et de

6 passage par le village Bogdanovci ?

7 R. Vous voulez dire au moment où le convoi a eu lieu ?

8 Q. Oui, je veux dire au mois d'octobre.

9 R. Oui, je pense qu'ils étaient en mesure de le faire.

10 Q. Est-ce que, à votre avis, le village de Bogdanovici a été sous le

11 contrôle de la JNA entièrement à l'époque ?

12 R. Oui, je le pense, je ne suis pas absolument certaine. Au début du mois

13 d'octobre tout au moins, sur la base des informations que j'avais, la JNA

14 avait pris Bogdanovici entièrement. Je ne peux pas vous donner la date

15 exacte.

16 Q. Savez-vous que le véhicule dans lequel deux infirmiers suisses ont été

17 blessés, qu'il faisait partie du convoi, a traversé un champ de mines dans

18 cette partie du territoire qui se trouvait sous le contrôle des forces

19 croates ? Est-ce que c'est quelque chose que vous savez ?

20 R. Non. Je ne suis pas sûre du lieu exact où cet incident a eu lieu.

21 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez que ces infirmiers se sont vus

22 offrir une aide médicale à l'Académie médicale militaire de Belgrade ?

23 R. Non, je ne sais pas cela.

24 Q. Le 25 octobre - je pense que c'était le premier jour sur lequel porte

25 votre déposition - lorsque vous avez abordé ce sujet à la page 33 du compte

26 rendu, vous dites que le convoi était censé transporter des soldats croates

27 et des civils blessés afin de pouvoir être traités ? Es-ce que vous vous

28 rappelez avoir dit cela ?

Page 834

1 R. Oui.

2 Q. Qui a décidé pour le compte du personnel médical de l'hôpital qui se

3 joindrait à ce convoi ?

4 R. Le Dr Njavro et ses aides. Il avait déterminé les priorités pour

5 expliquer qui pourrait partir de façon à obtenir des soins supplémentaires,

6 de faire l'objet des soins supplémentaires.

7 Q. Savez-vous qu'un soldat était obligé de rejoindre le convoi contre sa

8 volonté, un homme nommé Ivan Zivkovic, qui était soigné à l'hôpital à

9 l'époque ? Est-ce que vous savez quelque chose de cela ?

10 R. Non. On m'a déjà posé la question. Je ne sais rien à ce sujet.

11 Q. Est-ce que par la suite vous avez entendu dire qu'il avait appelé à

12 l'aide des soldats de la JNA, du convoi, en criant qu'il était là contre sa

13 volonté, et en demandant qu'il soit relâché de ce convoi en route pour

14 Zagreb ? Savez-vous quelque chose à ce sujet ?

15 R. Non.

16 Q. Aujourd'hui, répondant à une question de Me Borovic, mon confrère, en

17 ce qui concernait l'arrêt du bombardement de l'hôpital, vous avez dit

18 quelque chose qui n'est pas cohérent ou compatible avec ce que vous avez

19 déclaré en 1995 lorsque vous avez dit que le pilonnage s'est arrêté le 17,

20 tandis qu'aujourd'hui, vous avez dit que des obus continuaient à tomber sur

21 l'hôpital et dans la cour de l'hôpital autour le 18; est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. J'ai suivi les comptes rendus et lu les comptes rendus d'autres procès

24 devant ce Tribunal. Vous me corrigerez si je me trompe. Mais vous continuez

25 de soutenir que c'était une agression et non pas un conflit. Vous avez dit

26 cela dans le procès Milosevic. Est-ce que c'est également ce que vous

27 soutenez devant cette Chambre ?

28 R. Oui.

Page 835

1 Q. Est-ce que vous savez que Vukovar a été bombardée depuis Vinkovci par

2 l'armée croate ? Est-ce que c'est quelque chose que vous savez oui ou non ?

3 R. Non.

4 Q. Savez-vous que lorsque le Corps de Vrazdin s'est rendu avant

5 l'opération de Vukovar, l'armée croate avait obtenu un très grand nombre

6 d'armes lourdes qui, par la suite, ont été transférées à Vinkovci ?

7 R. Non, je ne le savais pas.

8 Q. Ne vous êtes-vous jamais intéressée à savoir combien de soldats de la

9 JNA ont été tués au cours de cette opération ? Est-ce que vous connaissez

10 les chiffres précis ou est-ce que vous n'avez jamais voulu les savoir ?

11 R. J'ai entendu dire certaines choses mais officieusement. Certainement,

12 je souhaiterais le savoir mais je ne dispose pas de ces renseignements.

13 Q. Si je vous disais, que selon mes renseignements, pendant les

14 affrontements, la JNA a subi plus de 1 100 victimes, est-ce que vous seriez

15 d'accord avec moi ?

16 R. Je ne peux vraiment rien dire à ce sujet, je ne sais pas tout

17 simplement.

18 Q. Quoi pensez-vous aurait tué ces personnes indépendamment du chiffre

19 exact ? Qu'est-ce que vous en pensez en tant que médecin ?

20 R. Je ne sais pas.

21 Q. Je suppose que d'une façon ou d'une autre vous étiez en contact avec M.

22 Dedakovic aussi longtemps qu'il a été présent en ville ou près de la ville.

23 Il était le commandant de la défense de Vukovar, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que, personnellement, il vous a informée ou est-ce que quelqu'un

26 d'autre vous a informée des conversations avec mon client M. Sljivancanin

27 par liaison radio, à savoir, s'ils ont parlé du vœu de M. Sljivancanin, que

28 l'armée croate se rende de façon à ce que l'on puisse arrêter la

Page 836

1 destruction de la ville ? Savez-vous quelque chose à ce sujet ?

2 R. Non.

3 Q. Madame Bosanac, est-ce que vous savez personnellement, d'une façon

4 directe, ou est-ce que quelqu'un vous a dit que peut-être au cours des

5 dernières opérations de guerre, les derniers jours des opérations contre

6 Vukovar le 17 et 18, une certaine confusion règne en ce qui concerne la

7 date précise, mais un grand nombre de membres de la ZNG ont essayé de faire

8 une percée par Luzac, qui était sous le contrôle des forces croates et

9 qu'un grand nombre de ceux qui n'ont pas réussi à effectuer cette percée

10 sont revenus au centre de la ville et plus particulièrement à l'hôpital ?

11 J'ai un certain nombre de questions à vous poser à ce sujet. Veuillez me

12 dire si vous êtes au courant ou pas ?

13 R. Je sais qu'ils avaient essayé d'organiser une percée pendant plusieurs

14 jours. Je sais que cette semaine-là, du côté du 17, lorsque mon fils a

15 participé à une de ces tentatives de percée, je sais également que certains

16 ont été tués lors de ces tentatives. Certains ont été faits prisonniers.

17 Je ne sais pas qui a fini par revenir, où ils se sont rendus.

18 Q. Pourrions-nous aller, s'il vous plaît, en audience à huis clos

19 partiel ?

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Audience à huis clos partiel.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

22 le Président.

23 [Audience à huis clos]

24 (expurgée)

25 (expurgée)

26 (expurgée)

27 (expurgée)

28 (expurgée)

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1 (expurgée)

2 (expurgée)

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5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 [Audience publique]

13 M. LUKIC : [interprétation]

14 Q. Dans votre déposition, nous avons entendu dire, que dans la nuit du 19

15 au 20, vous êtes restée à Negoslavci ?

16 R. Oui.

17 Q. Le lendemain, quand vous êtes arrivée à l'hôpital, ou plus tard, à un

18 moment ultérieur, avez-vous entendu dire que le 19 au soir, près de

19 l'hôpital, quatre soldats de la JNA ont été tués parce qu'ils ont sauté sur

20 une mine ? En avez-vous entendu parler ?

21 R. Non.

22 Q. Hier ou plutôt avant-hier, le 26, je pense, vous avez déposé en

23 répondant à une question posée par le Procureur qui souhaitait savoir si

24 l'hôpital a été utilisé à des fins non médicales. Dans votre réponse, page

25 27, vous avez dit que vous étiez, pendant toute la journée, à l'hôpital, et

26 que vous auriez su si l'hôpital avait été utilisé à d'autres fins que des

27 fins médicales; est-ce bien cela ?

28 R. Oui.

Page 838

1 Q. Je suppose que vous n'étiez pas sans cesse installée dans votre bureau,

2 que vous avez circulé dans l'hôpital et que vous preniez connaissance de ce

3 qui s'y passait de manière active ?

4 R. Oui.

5 Q. Je suppose également que vous, en tant que directrice de l'hôpital,

6 avez joué un rôle actif sur la détermination des règles de conduite à

7 l'intérieur de l'hôpital, du comportement ?

8 R. Oui.

9 Q. Madame Bosanac, j'affirme que vous connaissiez en détail le fait que

10 les membres de la Garde nationale, pendant les derniers jours, se sont

11 trouvés à l'hôpital et qu'ils essayaient de se déguiser en civil, en

12 blessés ou en personnel médical. Est-ce que là, je fais une erreur ?

13 R. Vous faites une erreur.

14 Q. Connaissez-vous Tomic Jozo ?

15 R. Oui. Vous pensez au docteur ?

16 Q. Oui, justement. J'allais vous demander qui était-il ? Que faisait-il ?

17 R. Le Dr Jozo Tomic était un médecin généraliste. A ce moment-là, il avait

18 commencé son parcours de spécialisation au service de gynécologie. Il est

19 revenu en septembre 1991 à Vukovar suite à l'appel lancé à toute la

20 population, à tous ceux qui devaient faire objet d'une affectation en tant

21 de guerre. Il est revenu pour travailler dans l'unité des soins urgents à

22 l'hôpital de Vukovar.

23 Q. Jusqu'au dernier jour ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce l'un des médecins qui a été chargé de dresser les listes des

26 blessés ? En savez-vous quelque chose ?

27 R. Oui, l'un des médecins. Tous les médecins qui se sont occupés des

28 blessés devaient dresser des listes. Le Dr Matos et lui ont dressé des

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1 listes des blessés légers, traités, comme des patients de jour qui venaient

2 pour changer leurs pansements.

3 Q. Savez-vous que lui, personnellement, a inscrit sur les listes des

4 blessés des noms des personnes qui n'étaient pas blessés à ce moment-là ?

5 R. Non.

6 Q. Vous n'en savez rien. Précédemment, à huis clos partiel, je vous ai

7 posé une question au sujet d'une personne. Je ne vais pas répéter ce nom.

8 Si je vous disais qu'une de ces trois personnes dont j'ai mentionné les

9 noms avait demandé à ce médecin de l'inscrire sur la liste des blessés,

10 même s'ils n'étaient pas blessés, est-ce que vous en sauriez quelque

11 chose ? En avez-vous parlé avec le Dr Tomic ?

12 R. Non.

13 Q. Madame Bosanac, auriez-vous donné votre aval pour qu'on inscrive sur la

14 liste des blessés le nom de la personne qui n'était pas blessée à ce

15 moment-là et accepteriez-vous que cette personne soit camouflée en civil ?

16 R. Moi, non.

17 Q. Kolesar Mihalj, est-ce un nom qui vous dit quelque chose ?

18 R. Je pense que c'est l'époux de Mme Kolesar; est-ce bien cela ?

19 Q. Je n'ai pas pu le déterminer sur la base de la déclaration que j'ai

20 reçue.

21 R. Je ne suis pas sûre non plus.

22 Q. C'est quelqu'un qui est né en 1935, c'est ce que je peux vous dire et

23 cet homme, d'après ce qu'il dit, s'est trouvé à l'hôpital à partir du mois

24 d'octobre. Son épouse travaillait à l'hôpital.

25 R. Oui. Je suppose que c'est lui.

26 Q. N'avez-vous jamais connu un conflit qui vous a opposé à lui ?

27 R. Non.

28 Q. Si je vous dis qu'au Procureur de La Haye, cet homme a déclaré que vous

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1 aviez dit que tout le monde devait enfiler des blouses blanches au moment

2 de la sortie des blessés, est-ce que vous pensez qu'il avait des raisons de

3 mentir à l'intention du Procureur de La Haye ?

4 R. Je ne sais pas s'il avait des raisons de mentir, mais je n'ai jamais

5 dit cela. D'ailleurs, je ne savais pas qu'il a été témoin ici, auprès du

6 bureau du Procureur. Je ne sais pas si nous parlons de la même personne.

7 Q. Quoi qu'il en soit, vous affirmez que vous n'avez jamais dit à qui que

8 ce soit d'enfiler une blouse blanche ou de se camoufler de cette manière-

9 là ?

10 R. Non.

11 Q. Hier, nous avons examiné votre liste ou plutôt, la liste qui figure à

12 l'acte d'accusation et où vous avez porté des mentions, des signes. Peut-

13 être que je me trompe, mais vous me le direz, vous affirmez que tous ceux

14 qui portent la mention "S" soldat, que tous étaient des combattants

15 blessés, des combattants dans les rangs de la Garde nationale; c'est cela

16 que vous affirmez ?

17 R. Non. Il y avait des blessés qui portaient la mention "S." Mais il y

18 avait aussi du personnel auxiliaire, des personnes qui aidaient. Parmi eux,

19 il y avait aussi des soldats qui se sont trouvés à l'hôpital pour assurer

20 la sécurité en tant que personnel auxiliaire de l'hôpital, alors qu'ils

21 étaient soit militaires, soit soldats. On en a déjà parlé.

22 Q. Vous les faites figurer comme personnel auxiliaire dans cette liste ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous voulez dire, par là, que dans la liste des personnes ayant été

25 tuées à Ovcara, il n'y avait pas un seul soldat en bonne santé, qu'il ait

26 été à un poste militaire d'active à ce moment-là, si je puis le dire

27 ainsi ?

28 R. J'ai dit au Procureur et je vous le dis à vous, aujourd'hui, que cette

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1 liste où j'ai porté des mentions, tout d'abord, que je ne connais pas tous

2 ces noms.

3 Q. Non. Mais je ne parle que de ceux que vous avez indiqués.

4 R. D'accord.

5 Q. Pour ceux que vous avez identifié et à côté de leurs noms, vous avez

6 indiqué "S" soldat, à leur sujet, je vous demande s'ils ont tous été

7 malades ou blessés.

8 R. D'après ce que j'en sais, oui.

9 Q. Savez-vous que parmi les corps d'Ovcara, parmi les corps identifiés,

10 qu'il y ait eu un corps de soldat ou de policier qui n'ait pas été civil,

11 qui n'ait pas été blessé ou qui n'ait pas été personnel auxiliaire ?

12 R. Lorsque vous me dites "un seul," l'un quelconque, vous voulez dire ou

13 est-ce qu'il y en avait ne serait-ce qu'un ?

14 Q. Peu importe, comme vous voulez.

15 R. Encore une fois, je vous ai dit que la liste exacte des personnes qui

16 ont été identifiées jusqu'à présent au charnier d'Ovcara, cette liste, je

17 l'ai. Ici, il y a des personnes disparues, là où j'ai porté des mentions.

18 J'ai aussi la liste des blessés identifiés à Ovcara.

19 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question et je vais vous la répéter.

20 R. Je vous en prie.

21 Q. Parmi les personnes pour lesquelles vous dites que vous les aviez

22 connues avant les événements d'Ovcara, est-ce que vous vous souvenez que

23 parmi ces personnes, il y a eu des soldats ou des policiers ? Oui ou non ?

24 R. Mais encore une fois, je ne peux pas répondre à votre question. De

25 quelle personne parlez-vous ? A qui pensez-vous ?

26 Q. Dans votre liste, vous avez réparti toutes les personnes dans plusieurs

27 catégories.

28 R. C'est vrai.

Page 842

1 Q. Pour toutes les personnes que vous connaissiez, aucune, personne ne

2 figure dans la catégorie "S ?"

3 R. Mais si, je l'ai fait. Il y a la catégorie "S" soldat.

4 Q. Oui, attendez. Je voudrais qu'on tire cela au clair. Sous la catégorie

5 "S" soldat est-ce qu'ils étaient tous blessés, d'après ce que vous en

6 savez ?

7 R. Pour ce qui en est de ceux que je connais, oui.

8 Q. Savez-vous que le Procureur de La Haye, non plus, ne vous fait pas

9 confiance là-dessus ? Avez-vous lu l'acte d'accusation puisque c'est un

10 document public ?

11 R. Non.

12 Q. Le bureau du Procureur affirme, au paragraphe 32, que parmi ces corps,

13 il y avait aussi des soldats d'active et cela, vous ne le savez pas ?

14 R. Que voulez-vous me demander ? Je ne connais pas l'acte d'accusation.

15 L'acte d'accusation officiel, je ne l'ai pas lu.

16 Q. Très bien. Je voulais juste vous poser une question au sujet de votre

17 crédibilité. On n'est pas tenu de connaître l'acte d'accusation.

18 A présent, nous allons aborder en quelques mots un sujet qui concerne le

19 nombre de blessés, de malades et par la suite, de personnes portées

20 disparues s'étant trouvées à l'hôpital et qui étaient prévues pour faire

21 l'objet de l'évacuation.

22 Je vais vous poser quelques questions au sujet de vos appels. On les

23 a examinés pratiquement pendant toute une journée d'audience. C'étaient des

24 appels dramatiques lorsqu'on songe à leur teneur. Madame Bosanac, je vais

25 vous demander la chose suivante : seriez-vous d'accord avec moi pour dire

26 que vous avez manipulé les chiffres des blessés au moment où vous avez

27 envoyé ces appels, oui ou non ?

28 R. Non.

Page 843

1 Q. Vous avez dit, me semble-t-il, hier, mais je n'arrive plus à être tout

2 à fait précis, s'il le faut, on le retrouvera dans le compte rendu

3 d'audience, vous avez dit que tous les jours, vous envoyiez les

4 informations portant sur le nombre de blessés, que vous les envoyiez au

5 ministère et il y avait de ces informations qui passaient par le SUP, si

6 j'ai bien compris ?

7 R. Oui, le MUP.

8 Q. Pardon. Vous avez également dit qu'à partir du 18, il n'y a plus eu

9 d'arrivée de nouveaux blessés à l'hôpital, à partir du 18, il n'y a plus eu

10 d'enregistrement de nouveaux blessés ?

11 R. Oui.

12 Q. Ces listes que vous envoyiez au ministère de la Santé tous les jours,

13 au moment où vous êtes arrivée à Zagreb, est-ce que vous avez eu l'occasion

14 de les voir; oui ou non ?

15 R. Certaines oui, certaines non. Ce que j'ai vu, c'est la base de données

16 que nous n'arrêtions pas d'entrer dans l'ordinateur et que nous envoyions

17 par voie de courrier électronique.

18 Q. J'aimerais beaucoup savoir quel est le système de courrier électronique

19 qui fonctionnait en 1991.

20 R. Celui dont je suis en train de vous parler. Je ne sais pas à quoi vous

21 vous attendez.

22 Q. Pourquoi n'avez-vous pas envoyé les appels par courriel ?

23 R. Parce que je devais rédiger cela par télécopie. Je ne pouvais pas

24 l'envoyer pas courrier électronique, parce que nous avions une base de

25 données dans notre ordinateur, qui était prévue pour que nous entrions des

26 données.

27 Q. Que vous les envoyiez par courriel ?

28 R. Oui.

Page 844

1 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'y autorisez,

2 je voudrais m'interrompre maintenant. Je ne voudrais pas rentrer dans la

3 question des documents. A présent, je préfère poursuivre cela lundi.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic.

5 Nous allons lever l'audience. Je suis désolé, Madame le Docteur, de ne pas

6 avoir pu terminer votre déposition aujourd'hui. Nous allons reprendre

7 lundi, et la semaine prochaine nous siégerons l'après-midi.

8 Ce sera la première fois où les conseils et les accusés vont

9 travailler jusqu'à 19 heures. Nous commençons à 14 heures 15, et nous

10 travaillons jusqu'à 19 heures. Lundi, le premier jour de la semaine, nous

11 nous interromprons un peu plus tôt. Ceci permettra peut-être à toutes

12 personnes présentes de s'adapter à ce programme. Nous allons faire une

13 pause ou plutôt, nous terminerons notre audience entre 18 heures 15 et 18

14 heures 30. Vous comprendrez qu'il faut bien maintenir une vitesse de

15 croisière solide. Dans les semaines qui viendront, en novembre, décembre,

16 nous allons alterner les audiences du matin et de l'après-midi. J'espère

17 que vous allez vous y adapter.

18 Nous allons lever l'audience et reprendre à 14 heures 15 lundi.

19 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le lundi

20 31 octobre 2005, à 14 heures 15.

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