Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 11 novembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je voudrais vous rappeler,

7 Madame, l'engagement solennel que vous avez fait au début de votre

8 déposition est qui vaut toujours, toujours en vigueur.

9 LE TÉMOIN: P-021 [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, c'est à vous, vous avez

12 la parole.

13 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

14 Messieurs les Juges.

15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'entendent pas l'intervention de Me Lukic,

16 ni les interprètes anglais, ni les interprètes de la cabine française.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, pourriez-vous, s'il vous

18 plaît, parler un peu plus près du microphone. Votre voix ne parvient pas

19 aux interprètes, je vous remercie.

20 L'INTERPRÈTE : Maître Lukic reprend et n'est pas entendu des interprètes.

21 Contre-interrogatoire par M. Lukic : [Suite]

22 Q. [interprétation] J'ai environ dix minutes pour poser encore quelques

23 questions.

24 Si vous voulez, hier, lorsque nous avons terminé -- nous avons

25 conclu, lorsque nous discutions du moment où vous avez quitté l'hôpital,

26 vous êtes allée dans la cour de l'hôpital, que vous vous prépariez à

27 l'évacuation. Je voudrais donc que l'on continue sur ce sujet. Je voudrais

28 -- plutôt, je ne vais pas mettre une photographie devant vous puisque je

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1 pense que nous avons tous une image assez claire à l'esprit de l'apparence

2 de cette cour de hôpital. Je voudrais simplement vous poser la question

3 suivante : étant donné que vous vous attendiez, à ce moment-là, à partir

4 vers les autocars et que l'évacuation commence, est-ce que vous vous

5 teniez, dans un endroit qui avait été le bâtiment du service d'Urgence à

6 l'entrée de l'hôpital, est-ce que c'était cela l'endroit où vous vous

7 trouviez, à ce moment-là ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, donner une

8 réponse claire ?

9 R. Oui. C'est exact.

10 Q. Est-ce que vous étiez présente et est-ce que vous vous rappelez quand

11 un convoi de véhicules médicaux est arrivé devant l'hôpital -- devant le

12 bâtiment de l'hôpital et ces véhicules étaient censés transporter les

13 blessés au cours de l'évacuation ?

14 R. Je n'ai rien vu parce que je me suis rendue compte que j'avais oublié

15 une partie de mes effets personnels, et à un moment donné, je suis

16 retournée à ma Chambre parce qu'il y avait certaines choses dont j'avais

17 besoin.

18 Q. Est-ce que vous avez vu plus tard sur ces véhicules médicaux, qui

19 étaient entrés dans l'enceinte de l'hôpital, dans la cour de l'hôpital,

20 est-ce que vous avez vu cela lorsque vous êtes revenue ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous étiez présente lorsque l'on a embarqué les blessés sur

23 ces véhicules ? Est-ce que vous avez vu qui les a fait embarquer ? Est-ce

24 que vous avez vu cela ?

25 R. Non. Je n'étais pas présente à ce moment-là.

26 Q. Dans ce secteur, dans la cour, attendant l'évacuation, est-ce qu'il y

27 avait des femmes, des enfants, des personnes âgées qui se trouvaient là

28 avec vous aussi ?

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1 R. Oui. C'était pour la plupart des membres du personnel de l'hôpital et

2 leurs familles.

3 Q. Est-ce que vous vous rappelez si vous étiez présente et si est-ce que

4 vous avez entendu dire qu'au moment où on leur a dit qu'ils avaient le

5 choix entre aller en Serbie, aller en Croatie ou rester à Vukovar. On leur

6 a dit cela tandis qu'ils se tenaient dans la cour ?

7 R. Non. Ceci avait été dit avant, pas à ce moment-là, pour autant que je

8 le sache.

9 Q. Je me réfère maintenant, très précisément, au moment où vous vous

10 teniez dans la cour, par conséquent, lorsque vous étiez dans la cour, vous

11 rappelez-vous avoir vu à un moment quelconque mon client, M. Sljivancanin ?

12 R. Je ne me souviens pas.

13 Q. Il y a plusieurs jours, lorsque vous avez fait votre déposition dans le

14 cadre de l'interrogatoire principal, vous avez expliqué à mon confrère de

15 l'Accusation qu'au cours des heures qui s'étaient -- lorsque vous attendiez

16 ces cars, et lorsque vous avez pu attendre ces cars, vous avez vu pour la

17 première fois une personne que vous avez identifiée comme étant un membre

18 d'une unité paramilitaire et vous avez dit qu'on pouvait très bien

19 distinguer cette personne d'un membre des forces armées régulières. Est-ce

20 que vous vous rappelez de cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Pouvons-nous donc conclure qu'avant ce qui s'est passé ce matin-là et

23 jusqu'à ce moment-là, vous n'avez pas vu -- vous ne les avez pas vu à

24 l'hôpital ou dans la cour de l'hôpital, jusqu'au moment où vous avez

25 attendu que commence l'évacuation ?

26 R. Je n'ai vu personne portant de tels insignes, pas dans ce secteur.

27 Q. Pourriez-vous nous donner une idée de l'heure qu'il était lorsque vous

28 avez vu ces gens à cet endroit là ?

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1 R. Comme je l'ai dit, c'était vers 10 heures lorsque nous sommes arrivés à

2 cet endroit et cela devait se situer entre 10 heures et midi, et je pense

3 que c'est cela la réponse exacte.

4 M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais demander si l'on pourrait aller à

5 huis clos partiel pour juste un moment, s'il vous plaît ?

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

8 partiel, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges.

9 [Audience à huis clos partiel]

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27 [Audience publique]

28 M. LUKIC : [interprétation]

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1 Q. Soit au cours de votre déposition ici, ou peut-être dans votre

2 déclaration, je ne me souviens plus très bien à quel endroit, vous

3 rappelez-vous peut-être si vous vous en souvenez, veuillez me corriger.

4 Vous dites que vous avez vu trois cars qui attendaient là, qui vous

5 attendaient et environ dix ambulances ?

6 R. Il faut que je sois très précise lorsque je parle de ce point. Ces

7 trois autocars n'étaient pas garés dans l'enceinte de l'hôpital, mais

8 plutôt loin de là. Ils se trouvaient devant le bâtiment du Tribunal. De

9 plus, pour être tout à fait exact, les autres véhicules, ces ambulances, je

10 les ai vu lorsqu'elles ont rejoint, lorsqu'elles se sont jointes à notre

11 convoi. Je voulais juste être tout à fait précise en ce qui concerne ce

12 point.

13 Q. Vous avez expliqué cela, vous avez dit que, lorsque vous êtes allée

14 pour la première fois au bâtiment du Tribunal, vous êtes montée dans les

15 cars et que le convoi s'est pris en route et ainsi de suite ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous vous rappelez de quelle couleur étaient ces cars,

18 quelles plaques d'immatriculation ils avaient ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous vous rappelez si c'était des bus civils, les cars

21 civils ou militaires ou si vous vous rappelez de quoi que ce soit les

22 concernant ?

23 R. Je crois que c'était des autocars civils, mais il se peut que je me

24 trompe. En fait, je n'ai pas vraiment cherché à observer des détails.

25 Q. Sur la base de votre déposition, il y avait environ 54 patients qui se

26 trouvaient là et 70 et 80 membres des familles dans ce convoi; est-ce

27 exact ?

28 R. J'ai appris quel était le nombre de patients par la suite. C'est une

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1 estimation que je vous ai donnée. Plus tard, ce chiffre a été confirmé.

2 Maintenant, quant à savoir s'il était, tout à fait, exact, cela je ne peux

3 pas le dire.

4 Total des membres des familles, c'était basé sur une appréciation du nombre

5 de personnes qui pouvaient assises dans un car et je pense qu'il s'agit de

6 10 ou 20 personnes ou plus mais pas plus que cela.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, on nous demande de nous

8 arrêter un instant. Il y a apparemment un problème technique.

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a un problème au niveau du

11 mécanisme qui sert à la distorsion de la voix.

12 Il y a un problème donc avec la distorsion de la voix.

13 Maître Lukic, pour nous permettre de continuer, nous allons aller en

14 audience à huis clos partiel. De cette manière, on peut contourner le

15 problème technique. On espère qu'il sera possible de remédier aux problèmes

16 dans les dix minutes qui viennent et à ce moment-là, vous aurez terminé, je

17 crois ce que vous aviez prévu et prédit. Je vous remercie.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique à huis

19 clos partiel, Monsieur le Président.

20 [Audience à huis clos partiel]

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26 [Audience publique]

27 Nouvel interrogatoire par M. Agha :

28 Q. Maintenant, Témoin, au cours de notre contre-interrogatoire, vous avez

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1 mentionné le fait que personne n'avait matériellement coupé l'adduction

2 d'eau ou d'électricité à l'hôpital. Donc, ma question est la suivante. De

3 quelle façon est-ce que ces installations ou ces services ont été

4 interrompus ? Comment se fait-il qu'ils aient cessés de fonctionner ?

5 R. Sur la base de ce que je sais et de mes convictions personnelles, ceci

6 a eu pour cause la destruction des installations d'adduction d'eau et de

7 fourniture d'électricité à l'hôpital et aussi à l'intérieur de l'hôpital.

8 Les installations, le matériel ont été détruits. Par conséquent, il n'était

9 plus possible d'avoir une fourniture continue. Donc, les destructions sont

10 produites à la fois à l'extérieur de l'hôpital et à l'intérieur de

11 l'hôpital. Je dois dire, toutefois, que je ne suis pas une experte, mais

12 mon avis c'est que c'était cela la cause de la destruction, ce sont les

13 destructions qui ont causé cela.

14 Q. Qui tirait sur l'hôpital ?

15 R. La JNA.

16 Q. Je vais maintenant passer à un autre domaine, Madame le Témoin, et ceci

17 concerne la question des symboles de Croix Rouge qui ont été mis sur

18 l'hôpital dont vous avez parlé dans votre déposition lors de

19 l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire. Maintenant, quand -

20 - à quel mois est-ce que ces symboles de Croix Rouge ont été placés à

21 l'hôpital ?

22 R. Je pense que j'ai dit cela. Je crois que c'était en septembre. Les

23 marques ou symboles ont été placés de façon très visible dans la partie

24 extérieure, à l'extérieur du bâtiment, mais je ne suis pas absolument

25 certaine du moment où cela a été fait. Cela aurait pu être au mois d'août,

26 au mois de septembre.

27 Q. Pendant combien de temps, est-ce que ces marques ou symboles sont

28 restés là ?

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1 R. Jusqu'à la fin.

2 Q. Vous faites état dans votre déposition, notamment, lors de

3 l'interrogatoire principal que c'était le Dr Bosanac qui négociait avec la

4 JNA. Donc, cela aurait été le Dr Bosanac, en l'occurrence, qui aurait

5 évoqué la question du bombardement de l'hôtel -- non, de l'hôpital,

6 excusez-moi ?

7 M. LUKIC : [interprétation] Observation, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.

9 M. LUKIC : [interprétation] Je pense que cette question ne découle pas

10 d'une question quelconque posée au cours du contre-interrogatoire.

11 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Président, j'estime que la question

12 de la distance et de la visibilité ou non des marques, des symboles de

13 Croix Rouge, en fait, a été évoqué au cours du contre-interrogatoire.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, effectivement. Ce que je ne

15 comprends pas immédiatement, c'est la question précise que vous posez et

16 comment il y a lieu de la poser.

17 M. AGHA : [interprétation] Ceci découle du fait qu'une partie qui

18 bombardait l'hôpital avait connaissance, voire une source quelconque, qu'il

19 y avait des marques de la Croix Rouge et que l'hôpital était bombardé.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train

21 d'essayer de faire en sorte que le témoin indique si quelqu'un d'autre que

22 le Dr Bosanac, à sa connaissance, aurait pu être en train de négocier en ce

23 qui concerne l'hôpital avec la JNA ?

24 M. AGHA : [interprétation] Quiconque, que ce soit le Dr Bosanac ou toute

25 autre personne.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que ceci transparaît

27 suffisamment, Maître Lukic.

28 Monsieur Agha, vous pouvez poursuivre.

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1 M. AGHA : [interprétation]

2 Q. Revenons à la question, Madame le Témoin. Vous avez mentionné le fait

3 que le Dr Bosanac négociait avec la JNA. Est-il probable qu'au cours de

4 cette période de trois mois de bombardement, elle a mentionné cela ?

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne crois pas que le témoin puisse

6 répondre à cette question, Monsieur Agha. Elle sait ou elle ne sait pas.

7 M. AGHA : [interprétation]

8 Q. Est-ce que vous savez si le Dr Bosanac aurait mentionné ceci à la JNA

9 ou à toute autre personne avec qui elle négociait pendant que le

10 bombardement se déroulait ?

11 R. Pour autant que je le sache, et ceci n'est pas basé sur une

12 participation directe ou des conversations ou des négociations, étant donné

13 qu'elle n'était pas seulement censé faire cela, mais devait également

14 donner des avertissements, je ne crois pas qu'il y ait contestation du tout

15 à ce sujet.

16 Q. Je voudrais maintenant laisser de côté la question des marques de Croix

17 Rouge et revenir à la Croix Rouge proprement dite. Est-ce que vous dites,

18 dans votre déposition, qu'on s'attendait à voir des personnes de la Croix

19 Rouge pour l'évacuation, mais que ces personnes ne sont pas arrivées ? Est-

20 ce que vous avez appris pourquoi ces personnes ont été retardées ou

21 pourquoi elles ne sont pas arrivées par la suite pour l'évacuation ?

22 R. On nous a dit que ces personnes avaient été empêchées d'arriver à

23 l'hôpital. Ce sont les renseignements que nous avons reçus.

24 Q. Qui les empêchait de venir ?

25 R. Sur la base de ce que nous avons appris, c'était la JNA.

26 Q. Madame le Témoin, je voudrais maintenant passer à un autre sujet qui a

27 trait à l'afflux de personnes. Je crois que le conseil de la Défense l'a

28 appelé ainsi le flot de personnes qui se sont réunies à l'hôpital, le 17

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1 novembre. Est-ce que vous pouvez décrire les conditions dans lesquelles se

2 trouvaient ces personnes qui arrivaient à l'hôpital ?

3 R. Ces gens étaient terrifiés, pour commencer. Ils semblaient vraiment

4 très malheureux. Ils ressemblaient à des personnes qu'on a sorties d'une

5 cave et qui n'ont pas pu prendre un bain depuis des mois, couverts de

6 poussière et de saleté. Mais ce qui était commun à tous, c'était que tous

7 avaient peur.

8 Q. En tant que médecin, est-ce que pour vous, il aurait été humanitaire,

9 et ce, jusqu'à quel point, de faire partir toutes ces personnes, si cela

10 avait été à vous de les envoyer ?

11 R. Si quelqu'un frappait à votre porte, en tant que médecin ou personne

12 ordinaire, vous ne les renverriez certainement pas, s'ils avaient besoin

13 d'aide. On ne les renverrait jamais s'ils avaient besoin d'aide. Un

14 médecin, en particulier, ne ferait jamais cela.

15 Q. Maintenant, juste avant que mon confrère, M. Lukic, ait fini son

16 contre-interrogatoire, il a mentionné que, lorsque vous avez été escorté ou

17 évacué de l'hôpital, il y avait 17 médecins, six infirmières, en gros, sur

18 ce qu'on voit et que ces chiffres, il les avait par les membres de la

19 Mission de surveillance. A votre connaissance, est-ce que la plus grande

20 partie de ce convoi est arrivée à destination en toute sûreté, en toute

21 sécurité ?

22 R. Je n'ai pas de renseignement précis et je ne peux pas affirmer cela

23 avec certitude, mais je crois qu'à part quelques problèmes mineurs

24 rencontrés en route, tout le monde est arrivé à sa destination. Peut-être

25 peut-on trouver quelque part des sources de renseignements plus sûres que

26 les miennes, mais je crois que tout ceux qui se trouvaient avec moi sur le

27 cas, nous sommes tous arrivés sains et saufs à Zagreb.

28 Q. Maintenant, en revanche, lorsque vos patients qui étaient confiés à vos

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1 soins ont été retirés de l'hôpital par la JNA, combien de médecins et

2 d'infirmières accompagnaient ces patients ?

3 R. Pas un seul.

4 Q. Combien de personnes de la Mission de surveillance et combien de

5 personnes de la Croix Rouge vous accompagnaient -- accompagnaient vos

6 patients ?

7 R. Si mes renseignements sont exacts, pas un seul.

8 Q. Combien de vos patients, qui ont été emmenés, sont parvenus à leurs

9 destinations en toute sécurité, vraisemblablement, à un hôpital pour

10 recevoir des soins ?

11 R. Je peux dire avec certitude, deux seulement.

12 Q. Qu'en est-il des autres ?

13 R. Comme je l'ai indiqué dans ce document, les autres ont été tués et sont

14 toujours portés disparus.

15 Q. J'aimerais maintenant aborder un tout dernier thème avec vous. Il

16 s'agit de la liste de vos patients qui a été versée au dossier. Lors du

17 contre-interrogatoire, plusieurs questions vous ont été posées à propos de

18 la composition de la liste, à propos de la nature de leurs blessures ou de

19 leurs lésions, et cetera, et cetera. J'aimerais juste préciser ce qui suit

20 : sur votre liste, le numéro 20 est un homme qui s'appelle Dragutin Friscic

21 et je m'excuse de la mauvaise prononciation. C'est quelqu'un qui n'était

22 pas blessé et que vous avez mis sur la liste. Quel était son statut ? Est-

23 ce qu'il fait partie du personnel hospitalier ? Est-ce que c'était juste

24 une personne civile ? Est-ce que c'était un combattant ? Quel était son

25 statut ?

26 R. Si je ne m'abuse, je pense que c'était un civil, mais je n'en suis pas

27 absolument sûre et certaine.

28 Il y a quelque chose que j'aimerais préciser, si vous me le

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1 permettez. Me Lukic m'a posé une question et m'a demandé comment est-ce que

2 j'avais fait pour noter ces indications. J'espère que j'ai l'autorisation

3 de la Chambre de première instance pour préciser ce qui suit.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce sujet, il y a quelque chose qui est

6 important. Lorsque je parlais aux enquêteurs, j'avais une copie de cette

7 liste. Mais ils m'ont demandé, ensuite, si je me souvenais de qui était

8 qui, si je me souvenais de l'état-civil des personnes. Je sais qu'il y a

9 une différence entre la liste que vous avez et la copie ou l'exemplaire que

10 j'avais à l'époque de cet entretien. Mais c'est ensuite, lorsque je me suis

11 souvenu de certaines choses, que j'ai ajouté des détails et je me demande

12 pourquoi cette information ne figure pas sur votre liste, alors que je suis

13 absolument sûre et certaine d'avoir fourni ces indications aux enquêteurs,

14 à l'époque. Voilà ce que je voulais dire.

15 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je pensais que c'était à vous de

17 parler, non pas à Me Lukic.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Mes excuses. Mes excuses.

19 M. VASIC : [interprétation] Non, non. Cela ne me concerne pas. Je n'essaie

20 pas, tout simplement, de faire en sorte que mon nom apparaisse sur le

21 compte rendu d'audience.

22 Mais j'aimerais dire que l'explication qui vient d'être fournie par

23 le témoin, lors des questions supplémentaires qui lui sont posées, avant,

24 d'ailleurs, la fin de ces questions supplémentaires, sont telles que je

25 pense qu'il faudra poser des questions au témoin à propos de ce qu'elle

26 vient de préciser parce que nous, nous n'avons pas eu ce document auquel

27 elle fait référence. Nous aimerions savoir si elle a bel et bien donné ce

28 document au bureau du Procureur lorsqu'elle répondu aux questions des

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1 enquêteurs ou peut-être que mon estimé confrère pourrait poser des

2 questions au témoin à ce sujet.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, pour reprendre ce que

4 vous avez dit dans l'ordre où vous avez énoncé cela, je dirais, dans un

5 premier temps, que le témoin a voulu fournir cette explication. Vous lui

6 avez dit précisément qu'elle ne devrait pas le faire à ce moment-là et

7 qu'elle pourrait faire l'objet de questions supplémentaires et je pense que

8 vous avez perdu l'occasion de pouvoir lui poser des questions à ce sujet.

9 Pour ce qui est de la liste, je suis absolument sûr que M. Agha va

10 lui demander ce qu'il en est, s'il existe d'autres exemplaires de cette

11 liste ou s'il y a un exemplaire de cette liste sur lequel le témoin a, à

12 l'époque, ajouté des précisions.

13 M. AGHA : [interprétation] Oui, c'est justement ce que j'avais l'intention

14 de faire.

15 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 M. AGHA : [interprétation]

17 Q. Pour revenir à cette personne, M. Dragutin Friscic qui, d'après vous,

18 était civil, est-ce que cette personne est encore en vie ?

19 R. Non.

20 Q. Non, il n'est pas en vie; c'est cela ?

21 R. Non. Pas d'après les informations que j'ai, il n'est pas en vie, non.

22 Q. J'aimerais vous demander une autre précision à propos de votre liste

23 justement. Lors du contre-interrogatoire, la Défense a avancé une

24 suggestion et a dit que jusqu'à 14 de vos patients auraient pu faire partie

25 du MUP ou auraient pu être des combattants de l'ancien ZNG. Même si cela

26 était le cas, quelle est la résistance qui a été opposée, à l'arrivée de la

27 JNA, par ces combattants qui étaient censés appartenir à l'ancien ZNG ou au

28 MUP ?

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1 R. Absolument aucune résistance.

2 Q. De quel type d'armes à feu disposaient-ils ?

3 R. Je peux vous assurer qu'ils n'avaient absolument aucune arme à feu.

4 Q. D'après ce que vous avez dit préalablement, la plupart de ces soi-

5 disant combattants souffraient de blessures qui étaient tout à fait

6 véritables ?

7 R. Oui, cela est tout à fait le cas.

8 Q. Lors de votre contre-interrogatoire, la Défense a également suggéré que

9 ces 14 patients qui étaient vos patients avaient essayé d'échapper à une

10 arrestation parce qu'ils auraient pu avoir commis des crimes. J'aimerais

11 savoir quelles sont les questions qui ont été posées par la JNA à vos

12 patients pour déterminer quel type de délits ou de crimes ils avaient

13 commis avant de les emmener avec eux ?

14 R. Je ne peux vous parler que de ces deux hommes. J'étais présente

15 lorsqu'on les a emmenés. Aucune question de ce style ne leur a été posée,

16 rien de la sorte n'a été indiqué. Il ne s'agissait que des blessures.

17 Q. Quelle est l'explication qui vous a été fournie par la JNA qui emmenait

18 ainsi vos patients ?

19 R. Aucune explication ne m'a été fournie.

20 Q. Quand est-ce que la JNA vous a dit que vos patients faisaient l'objet

21 d'arrestation, allaient être arrêtés ?

22 R. Rien de la sorte ne m'a été dit.

23 Q. Quels sont les crimes dont on les soupçonnait ?

24 R. Comme rien de la sorte ne m'a été dit, rien n'a été dit à propos des

25 crimes dont on les soupçonnait.

26 Q. Où a eu lieu le procès de vos patients ? Est-ce que cela a eu lieu dans

27 un prétoire tel que celui où nous nous trouvons ? Est-ce que vous avez

28 participé à ce procès ?

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1 R. Je n'ai jamais entendu dire que ce genre de procès avait eu lieu.

2 Q. Pourtant, vos patients blessés, non-armés, est-ce que ces personnes

3 sont en vie ou est-ce qu'elles sont mortes maintenant ?

4 R. La plupart de ces personnes sont mortes.

5 M. AGHA : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser dans le cadre

6 des questions supplémentaires, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Agha.

8 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.

10 M. LUKIC : [interprétation] Avant que le témoin ne parte, nous aimerions

11 savoir quelque chose. Il ne s'agit plus de parler d'interrogatoire

12 principal et de contre-interrogatoire, mais il s'agit de parler des liens

13 avec le bureau du Procureur parce que quelque chose a été dit que le

14 Procureur n'a pas repris. Elle nous a dit que lorsqu'elle avait fourni sa

15 déclaration au bureau du Procureur, elle avait donné au Procureur une liste

16 qui contenait des informations à propos de qui était membre du ZNG, qui

17 était membre du MUP. Est-ce qu'elle a donné une liste séparée avec ces

18 indications ? Je pense qu'il faudrait que cela soit précisé avant que le

19 témoin ne quitte le prétoire et je pense que cela est extrêmement important

20 pour notre affaire.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, la Chambre était sur le

22 point de poser ces questions au témoin à ce sujet parce que je pense que

23 cela doit être réglé. Dans un premier temps, je me propose de poser ces

24 questions et ensuite, le cas échéant, j'en parlerai à M. Agha.

25 Questions de la Cour :

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame, nous allons revenir à l'époque

27 où vous avez été interrogée par le bureau du Procureur, en 1995 et vous

28 avez fait une déclaration. Vous avez mentionné qu'à l'époque, vous aviez

Page 1510

1 avec vous un exemplaire de la liste de vos patients. Est-ce que cela est

2 exact ?

3 R. Oui.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de la liste que

5 vous avez préparée probablement la veille du 17 novembre ?

6 R. Oui. C'est la même liste que vous avez. C'est la même liste, mais

7 celle-ci, c'est une copie.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La liste que vous avez vue ici est la

9 liste que vous avez préparée à l'hôpital, en novembre 1991 et vous aviez

10 avec vous, en 1995, un exemplaire de cette liste, une copie de cette liste.

11 C'est ce que vous nous dites, Madame ?

12 R. C'est exact. C'est sur la base de cette liste que j'ai essayé de

13 réfléchir, de me souvenir des événements, et ce, en conjonction avec les

14 détails, que je connaissais pour ce qui est des anamnèses de mes patients,

15 que j'ai essayés d'expliquer. Pour ce qui est de savoir si quelqu'un était

16 civil ou membre du ZNG ou membre du MUP, là cela se trouve en regard par

17 rapport à chacun des noms. En fait, c'est ce que j'essaie de dire. En me

18 basant donc sur mes souvenirs, j'ai essayé d'annoter des notes, et

19 d'apposer des notes près de chaque nom, mais, pour ce qui est de la liste,

20 à proprement parler, je l'avais dit à la personne à l'époque. J'ai essayé

21 de me souvenir donc de l'anamnèse de mes clients -- de mes patients plutôt,

22 et de tous ces détails.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, je pense qu'il va falloir

24 obtenir des précisions. En 1995, lors de cet entretien, est-ce que vous

25 avez annoté des renseignements supplémentaires sur copie de la liste que

26 vous aviez avec vous ?

27 R. Non.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dois-je alors comprendre qu'en lisant

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1 les noms sur la liste lors de cette entretien, vous avez essayé, de vos

2 souvenirs, de ce dont vous vous souveniez pour ce qui est des patients en

3 1991, pour ce qui est de savoir si ces personnes faisaient partie du MUP ou

4 du ZNG. Est-ce que c'est ainsi que les choses se sont passées ?

5 R. C'est exact.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A partir de ces souvenirs, est-ce que

7 vous avez essayé de vous souvenir si vous saviez par exemple si ces

8 personnes faisaient partie du MUP ou du ZNG ?

9 R. C'est exact.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, voilà où nous en sommes.

11 Il n'y a pas de liste supplémentaire avec des indications différentes. Ce

12 qui avait semblé à un moment être le cas et la Chambre de première instance

13 est tout à fait disposée à -- maintenant, laissez les choses en l'état.

14 Madame, je suis heureux de pouvoir vous dire que vous en avez terminé avec

15 votre déposition. La Chambre de première instance vous est reconnaissante

16 du temps que vous avez bien voulu lui accorder, de l'aide et des efforts

17 que vous avez déployés pour venir ici nous aider. Vous pouvez maintenant

18 rentrer chez vous, mais j'aimerais vous demander de rester peut-être ici un

19 petit moment de telle sorte que les stores puissent être baissés avant que

20 vous ne quittiez le prétoire.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Madame.

23 [Le témoin se retire]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, êtes-vous prêt à faire

25 venir le témoin suivant ?

26 M. MOORE : [interprétation] Oui, tout à fait. J'aimerais faire comparaître

27 le Dr Njavro.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'un témoin

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1 protégé ?

2 M. MOORE : [interprétation] Non, il ne l'est pas.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc, je pense que nous pouvons

4 remonter les stores.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 Bonjour, Docteur.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je souhaiterais que vous nous donniez

9 lecture à haute voix de la déclaration solennelle dont le texte se trouve

10 sur le carton qui vous est présenté maintenant.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: JURAJ NJAVRO [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez prendre place je vous prie.

16 Monsieur Moore, je vous en prie.

17 Interrogatoire principal par M. Moore :

18 Q. [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner ou nous décliner

19 votre identité je vous prie ?

20 R. Juraj Njavro.

21 Q. Est-il exact que vous êtes à l'heure actuelle ministre auprès du

22 ministère de la santé pour le gouvernement de la Croatie ?

23 R. Non. Je suis à la retraite maintenant.

24 Q. Quoi qu'il en soit quelles sont vos qualifications professionnelles, je

25 vous prie ?

26 R. J'ai terminé l'école secondaire. Ensuite, je suis allé à la faculté de

27 médecin de Zagreb. Puis j'ai été à Belgrade dans un service de Chirurgie

28 générale, j'étais interne, puis je me suis spécialisé en chirurgie à

Page 1513

1 Zagreb. J'ai travaillé en tant que chirurgien à l'hôpital de Vukovar depuis

2 le début. Lors de la guerre d'agression menée contre la République de

3 Croatie.

4 Q. Est-il exact de dire que vous avez travaillé environ 25 ans à l'hôpital

5 de Vukovar ?

6 R. C'est exact, j'y ai travaillé depuis le début juste à la fin de mon

7 service d'interne. En fait, c'était un service qui était obligatoire. Puis

8 j'ai été chirurgien adjoint dans le service de Chirurgie. Puis je me suis

9 spécialisé dans le domaine de chirurgie générale et j'ai terminé cela à

10 l'école de chirurgie, à la deuxième clinique de Chirurgie à Belgrade.

11 Q. Donc, j'aimerais en fait parler brièvement du mois de mai 1991 et

12 j'aimerais en fait utiliser ce mois comme un mois de référence. Est-il

13 exact de dire qu'un certain nombre d'officiers de police ont été tués, ont

14 été blessés également et ont été ainsi transportés à l'hôpital de Vukovar ?

15 R. Oui. C'est exact. Cela s'est passé le 2 mai 1991, à Borovo Selo.

16 Q. A la suite de cela, est-il exact de dire qu'un protocole spécial pour

17 le traitement des blessés a été instauré ou mis en place à l'hôpital ?

18 R. C'est exact, Monsieur le Procureur. Il est vrai qu'un protocole spécial

19 a été mis en place à l'hôpital et que des fichiers, des dossiers ont été

20 gardés et des dossiers très précis relatifs aux blessés. Nous savions

21 toujours, très précisément, qui étaient civils, qui étaient membres du MUP,

22 qui étaient membres du ZNG, le corps de la Garde nationale. Lorsque des

23 blessés étaient admis à l'hôpital, donc, des renseignements personnels

24 étaient pris, à savoir, comment est-ce qu'ils avaient été blessés ? Qui ils

25 étaient ? Qui les emmenés où ? Avaient-ils été blessés ?

26 Q. Permettez-moi d'enchaîner à la suite de ce que vous venez de dire ?

27 J'aimerais parler de ces dossiers. Est-il exact de dire qu'ils ont été

28 compilés dans la mesure du possible, au jour le jour et ce, jusqu'à ce que

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1 les patients de Vukovar ont été retirés de l'hôpital de Vukovar ? Donc, le

2 20 novembre ?

3 R. C'est exact. Les dossiers ont été conservés et nous avons donc pour ces

4 dossiers, respecté toutes les règles, toutes les législations valables pour

5 les services hospitaliers et les tuniques. Il s'agissait d'une législation

6 qui était valable pour toute la République de Croatie.

7 Q. Savez-vous ce qu'il est advenu à ces dossiers après le 20 novembre ?

8 R. Le 20 novembre, après que les forces de la JNA et les paramilitaires

9 Chetnik ont pénétré dans l'hôpital de Vukovar, tous les dossiers

10 d'hospitalisation, tous les dossiers de la clinique chirurgicale ont été

11 emmenés. Il s'agissait des dossiers qui contenaient les détails des

12 personnes qui étaient venus à l'hôpital de Vukovar. Donc, qu'il s'agisse de

13 blessés graves ou de blessés légers. Tout cela a été placé dans un sac et

14 un soldat -- ou des soldats de la JNA l'ont retiré de l'hôpital de Vukovar.

15 Q. Est-ce que vous pourriez très brièvement nous expliquer quelle était la

16 procédure suivie lors de l'hospitalisation d'un nouveau patient dans cet

17 hôpital ?

18 R. Oui. Tout à fait. Lorsque quelqu'un arrivait à l'hôpital ou lorsqu'il

19 était transporté par une ambulance ou lorsqu'il n'y avait pas d'ambulance

20 et que la personne venait tout simplement à l'hôpital par ses propres

21 moyens en marchant, cette personne se présentait à la clinique, aux

22 services de Chirurgie, donc, les coordonnées de la personne étaient

23 consignées. Nom, date de naissance, lieu de naissance, profession et il y

24 avait également la personne qui les avaient envoyé à l'hôpital dont le nom

25 était pris. Ensuite, la personne subissait un examen clinique. Toutes les

26 données à la suite de cet examen clinique étaient répertoriées dans les

27 dossiers.

28 Q. Pour ce qui est des nouveaux patients, à votre connaissance, en tout

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1 cas, est-ce que l'hôpital faisait une différence entre les traitements à

2 administrer à un Croate et les traitements à administrer à un Serbe. Les

3 traitements à un militaire ou à un non militaire ?

4 R. Non. Pendant les jours les plus difficiles, lors de l'occupation de

5 Vukovar, peu importait quelle était l'appartenance ethnique des personnes.

6 Peu importait quelle était leur confession. C'était, de toute façon, le

7 même traitement médical et la même aide médicale qui étaient prodigués à

8 ces personnes. Quelque soit les caractéristiques que je viens de

9 mentionner.

10 Q. J'aimerais parler du bâtiment de l'hôpital maintenant, de la structure

11 de cet hôpital. Combien d'étages est-ce qu'il y avait dans cet hôpital de

12 Vukovar en août 1991 ?

13 R. En août 1991, voilà comment était composé l'hôpital. Il y avait donc le

14 sous-sol. Le sous-sol qui avait un abri atomique. Ensuite, il y avait le

15 rez-de-chaussée avec le service des Maladies internes. Puis, il y avait le

16 premier étage qui était l'étage de la gynécologie, le service de

17 Gynécologie et de Maternité. Puis, il y avait le deuxième étage qui était

18 l'étage du service chirurgical et il y avait un troisième étage qui était

19 ajouté, mais qui n'a jamais été terminé. Il y avait, en fait, un toit au-

20 dessus.

21 Q. Alors, pour ce qui est du deuxième étage, l'étage du service

22 chirurgical, j'aimerais vous poser des questions. Est-ce que vous avez pu

23 utiliser ce service, donc, cet étage, pour y pratiquer des opérations

24 pendant tout le mois d'août et après le mois d'août ?

25 R. Le 6 août, l'hôpital a été pilonné pour la première fois. Les

26 personnes, parmi nous qui ne connaissaient pas les armes, qui n'étaient pas

27 expertes en la matière ont appris qu'il s'agissait de mortiers. Tous les

28 cadres des fenêtres ont été brisés. Il y a eu des dégâts au niveau des

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1 plafonds dans les salles d'opérations. Ce qui fait que nous avons dû

2 déménager le service chirurgical ou plutôt les salles d'opérations à un

3 étage inférieur, à savoir, au niveau du service de Gynécologie. Etant donné

4 que les fenêtres et les plafonds dans certaines chambres de malades avaient

5 été endommagés également, nous avons transporté ces malades au sous-sol.

6 C'est la première fois que nous l'avons fait, en fait.

7 Q. Si on parle du mois d'août et je sais qu'il est difficile de parler du

8 mois d'août plus spécifiquement mais est-ce que vous avez une image

9 quelconque du mois d'août au moment où vous avez commencé à opérer au sous-

10 sol ? Est-ce que vous pouvez nous dire quel était le pourcentage de

11 victimes qui étaient civils et le pourcentage de victimes qui n'étaient pas

12 civils ?

13 R. Au début, un grand pourcentage des victimes étaient des civils entre

14 65, peut-être, 70 %. Le reste était membre de la Garde nationale et de la

15 police.

16 Q. Au fur et à mesure, durant les mois de septembre, octobre à novembre,

17 pouvez-vous dire à la Chambre quel était le nom de personnes qui ont été

18 reçues à l'hôpital et qui ont été blessées ?

19 R. L'automne a déjà commencé et les pilonnages étaient de plus en plus

20 nombreux de toute la ville de Vukovar, y compris l'hôpital de Vukovar. Le

21 nombre de personnes blessées à augmenter. Il s'agissait des personnes

22 grièvement blessées. Au début, il s'agissait de 40 ou 50 personnes par

23 jour, et au mois d'octobre, ce nombre a augmenté et était entre 70 et 80

24 personnes blessées par jour, qui ont été emmenées à l'hôpital tous les

25 jours.

26 Q. J'aimerais qu'on parle maintenant de la situation géographique de

27 l'hôpital même et de la région se trouvant derrière l'hôpital. Pouvez-vous

28 dire à la Chambre où se trouvait l'objectif militaire le plus évident, ou

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1 le bâtiment militaire le plus proche par rapport à l'hôpital ?

2 R. A la proximité de l'hôpital même il n'y avait pas de bâtiment

3 militaire, aucun bâtiment militaire, mais à une distance de 150 mètres ou

4 200 mètres, se trouvait le bâtiment de direction où se trouvait le siège de

5 la police. Quand on parle d'autre bâtiment militaire, parce qu'il

6 s'agissait du bâtiment appartenant à la police, il n'y avait pas d'autre

7 bâtiment militaire à la proximité de l'hôpital.

8 Q. Quand on parle du mois d'août et du mois de septembre, pouvez-vous nous

9 dire combien de fois l'hôpital a été pilonné, c'est-à-dire qu'il s'agissait

10 des obus et non pas des tirs de fusil ?

11 R. Tous les projectiles qui ont été lancés sur l'hôpital étaient des

12 projectiles qui n'étaient pas des balles de fusil, mais exclusivement des

13 projectiles lancés des avions, des mortiers, donc il s'agissait des obus,

14 des mortiers, ensuite, des projectiles lancés, des lance-roquettes

15 multiples, ensuite, des obusiers, et certainement de toute autre pièce

16 d'artillerie, excepté des fusils. Tous ces projectiles à lancer de toute

17 pièce d'artillerie possible ont été lancés sur l'hôpital. Parfois, c'est ce

18 qu'on m'a dit à moi, même les blessés avec lesquels je partageais le même

19 destin, et compte tenu, du fait que j'étais sans cesse dans la salle

20 d'opération improvisée, on m'a dit que parfois il y avait 100 obus qui ont

21 été lancés sur l'hôpital et tout près de l'hôpital.

22 Q. Est-ce que cela était comme cela au mois d'octobre et novembre aussi ?

23 R. Oui. Jusqu'au 17 novembre 1991.

24 Q. Sur la base de ce que vous avez compris, vous en personne, ou ce que

25 vous avez appris des autres, est-ce qu'un médecin aurait pu distinguer le

26 bâtiment de l'hôpital, c'est-à-dire, est-ce qu'il y avait une méthode, une

27 façon de protéger le bâtiment de l'hôpital en imposant un panneau indiquant

28 qu'il s'agissait d'un hôpital ?

Page 1518

1 R. Oui. Devant l'hôpital, il y avait un morceau de tissu blanc avec la

2 croix rouge, avec une croix rouge qui a été placée ou arborée. On pouvait

3 le voir, ce morceau de tissu, de n'importe où, de l'air et peut-être

4 d'autres endroits plus élevés. Il est possible qu'il y avait eu d'autre

5 morceau de tissu comme cela qui portait ce symbole de la Croix Rouge

6 internationale. Je dis encore une fois que ces symboles ont été visiblement

7 arborés. Au cours de ces pilonnages incessants, nous étions persuadés que

8 c'était exprès qu'ils pilonnaient l'hôpital parce que c'était quelque

9 chose, ces symboles, qui leur indiquaient où se trouvait l'hôpital, et

10 c'est comme cela qu'ils pilonnaient l'hôpital avec autant de précision.

11 C'était plus facile pour eux de pilonner l'hôpital.

12 Q. Je voudrais vous poser des questions concernant l'abri atomique à

13 Borovo Komerc. Est-ce que cet abri atomique a été utilisé par l'hôpital de

14 quelque façon que ce soit ?

15 R. L'abri atomique à Borovo Komerc se trouvait dans la cave. L'hôpital

16 utilisait cet abri atomique pour que l'hôpital ne soit pas surpeuplé, si je

17 peux m'exprimer comme cela, parce qu'il n'était pas possible de garder dans

18 l'hôpital tous les blessés et tous les malades. C'est pour cela que les

19 blessés qui n'avaient plus besoin de soins médicaux continus ont été

20 transportés à Borovo Komerc.

21 Q. Pendant combien de temps avez-vous procédé au transport des patients au

22 Borovo Komerc, ces patients qui étaient convalescents. Pouvez-vous le dire

23 à la Chambre ?

24 R. C'était jusqu'au 6 novembre 1991. Après cette date, ce n'était plus

25 possible parce que Borovo a été coupé de l'hôpital.

26 Q. A quelle distance se trouve Borovo par rapport à Vukovar, à l'hôpital

27 de Vukovar ?

28 R. Approximativement, c'était entre trois kilomètres et demi et quatre

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1 kilomètres.

2 Q. Vous avez utilisé le terme "la pression sur l'hôpital baisse." Lorsque

3 vous avez commencé à transporter des patients à Borovo Komerc, quel était

4 le nombre de patients qui se trouvait à l'hôpital de Vukovar à l'époque ?

5 R. Au cours du mois d'octobre, comme je l'ai déjà dit, il y avait entre 70

6 et 80 blessés qui arrivaient tous les jours. Il y avait des malades aussi,

7 mais rarement. Il y avait plus de 500 blessés à l'hôpital. L'hôpital était

8 plein. Il n'y avait plus de place, ni dans les couloirs, même pas dans

9 l'abri atomique. Il aurait été possible de les mettre dans des endroits qui

10 étaient abrités des obus. Il n'y avait plus de place où les protéger des

11 obus. Même parfois, on était deux patients dans un même lit parce qu'il y

12 avait un grand nombre de blessés et de patients dans l'hôpital. Parfois

13 même, on les mettait en dessous d'un lit, c'est-à-dire, sur le sol.

14 Q. Nous savons que le 19 novembre, les Médecins sans frontières ont évacué

15 plus de 100 personnes ou patients de l'hôpital. Vous souvenez-vous de

16 cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Les patients qui ont été évacués par les Médecins sans frontières,

19 pouvez-vous nous les décrire ?

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il ne s'agit pas du mois exact,

21 Monsieur Lukic, n'est-ce pas ?

22 M. LUKIC : [interprétation] A la page 25, à la ligne 3, il a dit qu'il y

23 avait eu à peu près 500 patients. C'est ce que le témoin a dit, mais cela

24 n'a pas été consigné au compte rendu. C'est ce que je voulais indiquer à la

25 Chambre, par rapport au compte rendu.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

27 Quand il s'agit du mois, Monsieur Moore, je pense que c'était le mois

28 de novembre qui a été consigné au compte rendu. Mais il s'agit --

Page 1520

1 M. MOORE : [interprétation] Il s'agit du mois d'octobre.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.

3 M. MOORE : [interprétation] Je vais poser la même question au témoin pour

4 qu'on ait une continuité dans les questions.

5 Q. Monsieur, je vais vous répéter la question pour vous aider, pour nous

6 dire la réponse. Le 19 octobre, nous savons que les Médecins sans

7 frontières ont évacué de patients. Pouvez-vous nous dire de quels patients

8 il s'agissait ?

9 R. A cette occasion-là, je pense que 107 ou 112 patients ont été évacués

10 par Médecins sans frontières, et Médecins sans frontières les ont évacués

11 de l'hôpital de Vukovar. Il s'agissait des blessés, des patients qui

12 étaient dans un état très difficile. Nous, les médecins, nous les ont

13 choisi parce qu'ils se trouvaient dans un tel état et ils étaient les plus

14 menacés, qui avaient besoin de l'aide, ailleurs, compte tenu du fait qu'à

15 l'hôpital de Vukovar, on n'avait pas de conditions nécessaires pour les

16 aider, parce qu'ailleurs, il aurait été possible que les soins médicaux

17 plus appropriés leurs soient fournis.

18 Q. Maintenant, j'aimerais vous poser des questions de l'évacuation et des

19 soins médicaux qui ont été fournis à des patients qui ont été grièvement

20 blessés. Pouvez-vous dire à la Chambre à quel point ces patients ont reçu

21 ces soins médicaux le 19 octobre dans l'évacuation ?

22 R. Je peux vous parler de l'évacuation de ces patients, comment on les a

23 mis à bord des véhicules qui devaient les amener en suivant l'itinéraire

24 qui a été déterminé par le général Raseta à Zagreb. Les négociations ont

25 été menées à l'hôtel E, entre ce général et le représentant de la Croix

26 Rouge, enfin, Médecins sans frontières et le gouvernement croate. Ils

27 devaient recevoir le plus vite possible ces soins médicaux. Vukovar,

28 Marinovci, Nustar, Vinkovci et d'autres endroits; ils sont passés par ces

Page 1521

1 endroits et après ils ont été amenés dans des différents hôpitaux.

2 Nous avions dans notre hôpital des contacts ininterrompus avec Zagreb, et

3 nous demandions tout le temps si les patients étaient déjà arrivés. Nous

4 avons appris qu'après 16 ou 17 heures, ils sont arrivés avec beaucoup de

5 difficulté. Ils ont été transportés à bord de ces véhicules en empruntant

6 des routes de campagne, couvertes de boue. Ils étaient épuisés et ils sont

7 arrivés à leur destination. Ils ont été confiés aux représentants des

8 médecins croates, mais ils étaient très, très épuisés. Deux de ces patients

9 sont morts sur la route.

10 Q. Quelles mesures ont été prises pour assurer que des soins médicaux

11 soient fournis à ces patients sur la route entre Vukovar et Zagreb ?

12 Pouvez-vous comprendre la question ?

13 R. Oui, Monsieur le Procureur. Des soins médicaux ont été fournis par

14 Médecins sans frontières et le personnel médical que les accompagnait. Il y

15 avait un nombre d'infirmières également de l'hôpital de Vukovar qui

16 s'occupait de ces patients. Après que le pont à Luzac a été traversé, il

17 s'agit d'une banlieue de Vukovar, la JNA a été en charge de ces patients.

18 Par la suite, la JNA s'occupait de ce convoi.

19 Q. Je vous remercie. Maintenant on va parler du 18 novembre. D'autres

20 témoins ont parlé d'autres sujets et je vais, peut-être, en reparler. Mais,

21 je voudrais maintenant parler de Vukovar et du 18 novembre, la date à

22 laquelle Vukovar s'est rendu. A cette date-là, est-ce que vous vous

23 souvenez si le personnel de la Croix Rouge serait arrivé à l'hôpital ?

24 R. Oui, mais ils n'étaient pas arrivés à l'hôpital; ils étaient arrivés

25 juste devant l'hôpital. C'était le 18 novembre 1991. C'était un lundi.

26 C'était à peu près le début de l'après-midi où ils sont arrivés. Il y avait

27 deux véhicules de transport de troupes de la JNA. Ils ont pointé leurs

28 canons dans la direction de l'hôpital, et d'un de ces véhicules un

Page 1522

1 capitaine est descendu, un capitaine de la JNA. Devant la porte, il y avait

2 Mme Bosanac et Marin Vidic et moi-même parce que, selon l'accord conclu

3 entre la Croix Rouge internationale et le général Raseta et le gouvernement

4 croate, il fallait que la Croix Rouge internationale s'occupe de l'hôpital,

5 des blessés et des malades, ainsi que du personnel médical et pour les

6 faire sortir dans la partie libre de la Croatie.

7 Q. Vous rappelez-vous l'heure où ces véhicules étaient arrivés ?

8 R. Ils étaient arrivés vers 13 heures.

9 Q. Ce capitaine, est-ce qu'il était le seul officier de la JNA que vous

10 avez vu ce jour-là ou cet après-midi-là ?

11 R. Non. Après cela, près de l'hôpital, étant donné que nous étions

12 toujours à l'hôpital en attendant le représentant de la Croix Rouge

13 internationale, peu après, près de l'hôpital, nous avons vu et moi, en

14 personne, j'ai vu le commandant Sljivancanin, Nicholas Borsinger, ils

15 étaient en train de se disputer. J'ai entendu les propos suivants. Le

16 commandant Sljivancanin a dit : "Monsieur" - en s'adressant à Borsinger -

17 "Monsieur, ici, c'est moi le commandant. C'est moi qui commande ici. C'est

18 le pays dans lequel il faut obéir à mes ordres et la situation se

19 développera selon mes ordres. Si vous n'aimez pas cela, vous pouvez rentrer

20 d'où vous êtes venu."

21 Q. Savez-vous ce que Borsinger a répondu à Sljivancanin ?

22 R. Je n'ai pas entendu sa réponse et je ne peux pas vous dire cela. Je ne

23 peux que supposer ce qu'il lui a répondu. Mais je ne peux pas vous dire

24 cela avec certitude.

25 Q. Vous avez dit qu'ils étaient en train de "se disputer." Pouvez-vous

26 dire à la Chambre ce que vous avez vu pour pouvoir conclure qu'il

27 s'agissait d'une dispute ou d'une querelle ?

28 R. Nous avons reçu de Zagreb l'information qu'un accord a été conclu selon

Page 1523

1 lequel les représentants de la Croix Rouge internationale devaient

2 s'occuper de nous. J'ai compris, durant cette dispute, que M. Borsinger

3 insistait à ce que l'accord signé entre le général Raseta, en tant que

4 représentant de la JNA et les représentants de la Croix Rouge

5 internationale et le gouvernement croate représenté par le ministre de la

6 Santé, le professeur docteur Andrija Hebrang, il insistait à ce que cet

7 accord soit appliqué et respecté.

8 Q. C'est peut-être une question trop évidente, mais je ne peux pas --

9 comment savez-vous qu'il s'agissait d'une dispute et non pas d'une

10 discussion normale ?

11 R. On pouvait voir qu'il s'agissait d'une dispute en regardant leur

12 expression et leurs gestes. Il était facile de distinguer une conversation

13 normale et une conversation qui avait l'air d'une conversation assez

14 tendue.

15 Q. Etiez-vous en mesure de voir quelle était l'attitude de Sljivancanin

16 par rapport aux représentants de la Croix Rouge ?

17 R. J'ai pu voir que Sljivancanin avait l'air triomphant, il était

18 orgueilleux et c'était son attitude envers ce représentant de la Croix

19 Rouge internationale. J'ai pu conclure cela en regardant ses gestes, son

20 comportement très rigide et le ton de sa voix.

21 Q. Vous nous avez dit qu'un capitaine était arrivé. Est-ce que ce

22 capitaine vous a parlé ce jour-là ?

23 R. Non, non. Ce capitaine est entré dans l'hôpital suivi par une unité de

24 la JNA. Il y avait des gardes armés qui étaient postés devant toutes les

25 entrées de l'hôpital. Il y en avait trop parce qu'il y avait beaucoup de

26 trous qui ont été faits par les obus qui étaient lancés sur l'hôpital.

27 Q. Je vais continuer à poser des questions concernant la date du 18, mais

28 je voulais juste qu'on continue à parler du capitaine. Est-ce que c'est la

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1 seule fois que vous avez rencontré ce capitaine ?

2 R. Oui, c'était la première fois que je le rencontrais, mais

3 malheureusement, je l'ai rencontré le 19 et le 20 également, le 19 et 20

4 novembre 1991.

5 Q. Pourrions-nous maintenant parler de votre rencontre avec le capitaine à

6 la date du 19. Est-ce que vous avez appris son nom ?

7 R. Le 19 novembre, vers 8 heures ou 9 heures, je ne suis pas sûr, ce même

8 capitaine est arrivé, suivi d'un soldat. Il s'est approché de moi en me

9 disant : "Docteur, je suis le capitaine Radic, je m'appelle Radic et je

10 suis capitaine. Vous êtes arrêté. Vous ne devez pas quitter la pièce dans

11 laquelle vous allez être à partir de maintenant."

12 Q. Je vous remercie. Aviez-vous des doutes par rapport au fait -- si le

13 capitaine que vous avez vu le 18 était le même capitaine que vous avez vu

14 dans la matinée du 19 ?

15 R. Non.

16 Q. Nous allons revenir à la date du 19 [comme interprété]. Vous avez dit

17 que le capitaine Radic était entré, suivi par une unité de la JNA. Les

18 soldats de la JNA, pendant combien de temps étaient-ils restés dans

19 l'hôpital ?

20 R. Les soldats étaient restés à l'hôpital jusqu'à peu près

21 17 heures; la nuit commençait déjà à tomber. Après quoi, les soldats

22 étaient partis. Les soldats ont été remplacés les membres des unités

23 paramilitaires chetniks.

24 Q. Pouvez-vous dire qui étaient les chefs, les supérieurs de ces soldats

25 chetniks qui avaient remplacé les soldats de la JNA ?

26 R. Je ne savais pas qui ils étaient et je ne sais pas qui étaient ces

27 supérieurs à l'époque. Mais je sais qu'avec eux, est arrivé Bogdan Kuzmic.

28 Il se trouvait à la tête de ces soldats; il était, auparavant, un employé

Page 1525

1 de l'hôpital de Vukovar.

2 Q. Cet homme nommé Bogdan Kuzmic, si nous voulons bien revenir à la soirée

3 du 18, que faisait-il ce soir-là ?

4 R. Ce soir-là, Bogdan Kuzmic et le capitaine ont inspecté l'hôpital ou

5 plutôt, ont inspecté le sous-sol dans lequel se trouvaient les blessés, les

6 malades, le personnel médical et tous ceux qui essayaient de trouver un

7 abri à l'hôpital. Ils étaient arrivés en quittant des sous-sols ou des

8 caves dans l'ensemble de Vukovar, des caves un peu partout dans Vukovar.

9 Q. Est-ce que nous pourrions, s'il vous plaît --

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore,

11 excusez-moi devoir vous interrompre, mais je crois que nous n'avons plus

12 assez de ruban pour enregistrer. Nous allons maintenant avoir notre

13 première suspension de séance.

14 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à

16 11 heures 05. L'audience est suspendue.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

18 --- L'audience est reprise à 11 heures 08.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore. Vous avez la

20 parole.

21 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

22 Président.

23 Q. Docteur, pour récapituler, s'il vous plaît, la déposition que vous avez

24 faite jusqu'à présent, avant la suspension de l'audience, vous avez dit que

25 ce soir-là, dans la soirée du 18, Bogdan Kuzmic et le capitaine que nous

26 savons être le capitaine Radic ont inspecté l'hôpital, plus exactement, ont

27 inspecté le sous-sol où se trouvaient les blessés et les malades et le

28 personnel médical. Lorsque vous avez utilisé la formule "inspecté," que

Page 1526

1 voulez-vous dire ?

2 R. Mon intention était de dire qu'ils ont visité toutes les salles, toutes

3 les pièces dans lesquelles se trouvaient les blessés et les malades et du

4 personnel médical, ainsi que des habitants de la ville qui étaient arrivés

5 en étant sortis de leurs propres caves ou sous-sols. L'objectif de cette

6 visite était d'identifier certains des blessés et certains des habitants

7 civils qui, plus tard, le 20, allaient être amenés de l'hôpital et qui

8 finalement devaient aller à Ovcara, devaient finir à Ovcara.

9 Autre chose, le lendemain, le 19 novembre, le reste a été emmené, les

10 autres ont été emmenés. Certains membres du personnel médical et certains

11 chauffeurs ou conducteurs ont été emmenés. A ce jour, on n'a plus jamais

12 entendu parler d'eux.

13 Q. Je voudrais vous demander, s'il vous plaît, de vous rappeler plus

14 particulièrement la soirée du 18 et la matinée du

15 19 novembre. A ce moment-là, est-ce que vous avez pu évaluer ou est-ce que

16 vous étiez en mesure d'évaluer combien de personnes, combien de blessés se

17 trouvaient à l'hôpital à ce moment-là ?

18 R. A ce moment-là, dans la soirée du 18, il y avait plus de 450 blessés à

19 l'hôpital. En plus de ceci, il y avait un certain nombre de malades qui

20 n'avait pas de blessures causées par des armes à feu.

21 Q. Traitons un moment du groupe de patients en général. Etes-vous en

22 mesure de dire si l'un quelconque de ces patients qui ont quitté l'hôpital

23 dans la soirée du 18 et dans la matinée du 19, pouvez-vous dire si l'un

24 quelconque de ces patients ont quitté l'hôpital à ces dates ?

25 R. A ma connaissance, dans la soirée du 18 et dans la matinée du 19, aucun

26 blessé n'a quitté l'hôpital, non plus qu'aucun des autres patients en

27 l'occurrence.

28 Q. Je voudrais vous poser des questions concernant Bogdan Kuzmic. Vous

Page 1527

1 nous avez dit qu'il était avec le capitaine Radic ce soir-là. Qui était

2 Bogdan Kuzmic ? Comment le connaissiez-vous ?

3 R. Bogdan Kuzmic avait travaillé pendant plusieurs années à la réception

4 de l'hôpital, aux admissions de l'hôpital de Vukovar. Il connaissait le

5 personnel de l'hôpital et il connaissait bien la structure et les plans de

6 l'hôpital. Ce n'était pas un homme particulièrement instruit. A ce que je

7 crois, il avait seulement terminé ses études primaires.

8 Q. Etes-vous en mesure de nous dire quelle était son affiliation

9 politique ? S'il appartenait à un parti ?

10 R. Je dois reconnaître que je n'en savais rien, ces idées politiques de

11 Bogdan Kuzmic, à savoir, s'il appartenait ou non à un parti jusqu'au moment

12 où il est apparu à l'hôpital le 18 novembre, arrivant comme un membre d'une

13 unité paramilitaire, ou plutôt, d'une formation de réserviste de la JNA.

14 Q. Avez-vous connaissance d'un homme appelé Marko Mandic ?

15 R. Oui.

16 Q. Le 18 et le 19 novembre, savez-vous où il se trouvait ?

17 R. Le 18 novembre, Marko Mandic, dans la matinée, au cours de la dernière

18 opération à l'hôpital de Vukovar, Marko Mandic m'aidait encore comme

19 assistant lorsque cette dernière opération a été pratiquée. Nous étions en

20 train de traiter une petite fille qui avait été touchée par un éclat

21 d'obus. Son nom était Sanja Vidic. Elle avait trois ans, et elle avait subi

22 une grave blessure à l'estomac et à la cuisse. Il était un très bon

23 technicien du plâtre, et il a donc mis un plâtre dans la partie supérieure

24 de la jambe.

25 Q. Savez-vous s'il est resté à l'hôpital ou s'il a quitté l'hôpital ?

26 R. Non. Dans la matinée du 19 novembre, Bogdan Kuzmic est venu à

27 l'hôpital. Dans la matinée du 19, un capitaine de la JNA est arrivé, et il

28 m'a dit que son nom de famille était Radic. Après cela, Marko Mandic a

Page 1528

1 disparu de l'hôpital de Vukovar de même que certains autres conducteurs

2 d'ambulance.

3 Q. Je voudrais que nous parlions du comportement de ce que vous avez

4 décrit comme étant des soldats paramilitaires qui ont remplacé ceux de la

5 JNA dans la soirée du 18. Vous me suivez ?

6 R. Oui.

7 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si le comportement à l'égard

8 des patients s'est modifié au cours de cette période ?

9 R. Oui. Dans la soirée du 18 après, comme je l'ai dit, que Bogdan Kuzmic

10 et le capitaine de la JNA, après qu'ils soient arrivés à l'hôpital et

11 qu'ils eurent inspecté toutes les salles en sous-sol dans lesquelles se

12 trouvaient les blessés et les malades, après leur départ, ou lorsqu'ils

13 sont partis, et lorsque j'ai pu aller voir un certain nombre de blessés et

14 de malades, ils m'ont dit qu'ils avaient été maltraités physiquement et

15 psychologiquement et qu'ils avaient peur, qu'ils craignaient pour leurs

16 vies.

17 Q. Ont-ils dit de quelle manière -- lorsque vous utilisez l'expression :

18 "Ont été maltraités physiquement," est-ce que les patients vous ont décrit

19 ce qui leur a été fait, ce qu'on leur a dit, ce qu'on leur a fait ? A

20 partir de maintenant, si vous le voulez bien, pouvons-nous parler de ce

21 capitaine comme étant le capitaine Radic, de façon à ce que nous sachions

22 exactement de qui nous parlons ?

23 R. Ils m'ont dit que dans chacune des salles où ils étaient entrés, ils

24 les avaient traités d'Oustachi. Ils les ont traités de massacreurs. Ils

25 leur ont dit qu'ils auraient le même destin, le même sort et qu'ils

26 savaient très bien qui avait fait quoi à Vukovar. Ils les ont insultés tout

27 le temps. Ils ont essayé de toucher les parties de leurs corps qui, du fait

28 de leurs blessures, étaient les plus douloureuses.

Page 1529

1 Q. En votre qualité de chirurgien, pouvez-vous simplement nous expliquer

2 l'importance des blessures qui ont été causées par des éclats d'obus ou par

3 des tirs d'artillerie ? Quelle est la nature de ce type de blessures, s'il

4 vous plaît ?

5 R. Il y a une différence importance entre des blessures qui ont été

6 causées par une balle de fusil et des blessures causées par des éclats

7 d'obus. Peu importe de savoir s'il s'agit de blessures causées par des

8 bombes larguées par des avions ou des obus tirés par des mortiers ou des

9 canons ou des pièces d'artillerie.

10 Il y a une troisième différence aussi qu'il faut signaler, des bombes

11 au phosphore ont également été larguées sur Vukovar et ces bombes ont des

12 effets particulièrement horribles sur ceux qui sont touchés ou plutôt, sur

13 ceux dont les corps ont été touchés par du phosphore brûlant.

14 Q. Comment se présente une blessure qui est la conséquence directe d'un

15 éclat d'obus ?

16 R. Quand une personne est touchée par un éclat d'obus, il est rare qu'il

17 n'y ait qu'une seule blessure. D'habitude, il y a plusieurs éclats et ces

18 éclats ont des formes irrégulières. Ceci a tendance à faire entrer dans la

19 blessure les tissus, par exemple, que la personne se trouvait porter au

20 moment de la blessure et peut-être les saletés des poussières qui se

21 trouvaient dans l'entourage, des échardes de bois, certaines saletés. Les

22 éclats d'obus projettent ces éléments, en l'occurrence, à une très grande

23 vitesse de sorte que ces morceaux de bois ou échardes font que les os sont

24 non seulement brisés par les éclats d'obus. Mais il y a également des

25 blessures secondaires ou supplémentaires et ceci peut causer des dommages

26 encore plus graves aux tissus.

27 Une blessure due à un tir par balle a un point d'entrée et se fraye

28 un chemin en forme de tunnel à travers les chairs, en l'occurrence et ceci

Page 1530

1 dépend de savoir si nous parlons d'une balle "dumb-dumb," une balle

2 expansive ou s'il s'agit d'une balle normale. Ceci dépend également du

3 calibre du fusil qui est utilisé pour tirer la balle. Comme je le disais,

4 il y a un point d'entrée qui fait comme un tunnel à travers lequel passe la

5 balle et il y a d'habitude, un point de sortie. Au point de sortie et au

6 point d'entrée, tout ceci dépend des facteurs que j'ai énumérés.

7 Q. Vous nous avez dit que les patients vous avaient dit que Radic et

8 Kuzmic avaient essayé de toucher les endroits où leurs corps avaient subi

9 des blessures. Est-ce que vous, en tant que chirurgien, vous êtes capable

10 d'apprécier le niveau de souffrance, de douleur --

11 M. BOROVIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Borovic.

13 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

14 Président. Ce n'est pas la première fois, mais je n'ai pas réagi tout de

15 suite et je vais vous expliquer, par la suite, les caractères précis de ce

16 type de déposition.

17 Le Procureur continue à souffler des mots au témoin et je crois que

18 ceci va vraiment trop loin. Il n'a jamais posé de questions concernant le

19 capitaine Radic pour établir un lien entre celui-ci et des blessures et

20 ainsi de suite. Plus tard, nous essaierons d'établir si c'était bien le

21 capitaine Radic ou pas du tout. Mais je voudrais demander à mon confrère de

22 l'Accusation de ne plus poser de questions directrices.

23 M. MOORE : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, j'ai

24 précisé l'identification du capitaine, le 18 [comme interprété]. Je l'ai

25 rapporté comme il fallait et le témoin a fait spécifiquement référence "au

26 capitaine" et "Kuzmic" qui sont entrés dans l'hôpital. Je vais vous

27 retrouver, si vous voulez, cette partie de la déposition qui correspond à

28 cela. Je vous demande, Monsieur le Président, de m'excuser un instant pour

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1 que je le retrouve.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourrais-je dire, Monsieur Moore,

3 pendant que vous êtes en train d'essayer de retrouver le passage, d'après

4 ce que j'ai noté et d'après mes souvenirs, le témoin a dit que les deux

5 personnes, dont l'une d'entre elles était nommée capitaine Radic, étaient

6 parties.

7 M. MOORE : [interprétation] C'est exact.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il n'y a rien qui -- il a parlé du

9 fait que les paramilitaires avaient fait ces choses et je ne pense pas

10 qu'il y ait un lien quelconque dans la déposition, entre ces menaces

11 adressées aux patients et les traitements qu'ils ont subis physiquement

12 avec les deux personnes qui ont procédé à une inspection avec le médecin.

13 Si ce lien existait, je ne pense pas qu'encore, il soit venu au jour dans

14 la déposition.

15 M. MOORE : [interprétation] Je suis en train d'essayer de resituer, mais

16 certainement, votre souvenir est exact, Monsieur le Président. Il y a eu

17 une référence à Kuzmic et Radic qui allaient passer une inspection. Le

18 docteur a dit, à ce moment-là, qu'il avait parlé aux patients après son

19 départ et qu'ils s'étaient plaints.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'après mes notes --

21 M. MOORE : [interprétation] -- et qu'ils avaient été maltraités

22 physiquement et psychologiquement.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- s'il s'agit des paramilitaires.

24 M. MOORE : [interprétation] Peut-être qu'on peut clarifier les choses et

25 préciser --

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

27 M. MOORE : [interprétation] -- avec le témoin. C'est probablement la façon

28 plus aisée de procéder.

Page 1532

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce point est l'essentiel de

2 l'objection de Me Borovic. Vous êtes en train d'établir un lien qui n'a pas

3 encore été positivement établi par la déposition.

4 M. MOORE : [interprétation] Je regarde un instant le compte rendu.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. MOORE : [interprétation] Je l'ai trouvé sur le compte rendu d'audience,

7 à la ligne 34 et cela commence au numéro 5. La question

8 est :

9 "Q. Est-ce que vous pourriez dire si le comportement vis-à-vis des

10 patients s'est modifié pendant cette période ?

11 R. Oui. Le soir du 18, après, comme je l'ai dit, que Kuzmic et le

12 capitaine de la JNA soient arrivés à l'hôpital, après qu'ils aient inspecté

13 toutes les salles du sous-sol où se trouvaient les blessés et les malades,

14 après leur départ, lorsque j'ai pu aller voir certaines de ces personnes

15 blessées et malades, ils m'ont dit qu'ils avaient fait l'objet de sévices

16 psychiques et physiques et qu'ils craignaient pour leur vie.

17 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit de quelle façon cela avait été fait, lorsque

18 vous dites que ces personnes avaient fait l'objet de sévices physiques ?

19 Est-ce que les patients vous ont décrit ce qui leur avait été fait ? A

20 partir de maintenant, est-ce que nous pourrions parler du capitaine comme

21 étant le capitaine Radic ?

22 R. Ils m'ont dit que, dans chaque pièce dans laquelle ils étaient entrés,

23 ils les avaient traités d'Oustachi, ils les avaient traités de massacreurs,

24 ils leur avaient dit qu'ils leur réserveraient le même destin et qu'ils

25 savaient pertinemment qui avait fait quoi à Vukovar, en les insultant tout

26 le temps. Ils ont essayé de toucher les parties de leur corps qui, du fait

27 de leurs blessures, étaient les plus douloureuses."

28 Il n'est absolument pas fait de référence à la Défense territoriale. Le

Page 1533

1 "ils," si on est logique, fait référence à Radic et à Kuzmic. Il n'y a

2 aucune référence qui est faite aux Défenses territoriales, aux

3 paramilitaires qui auraient infligés cela. La déduction logique, c'est que

4 le "ils" fait référence aux deux hommes qui étaient entrés, à savoir,

5 Kuzmic et Radic.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, je vous suggère que

7 plutôt d'utiliser la déduction logique, il faudrait peut-être que vous

8 demandiez au témoin quels sont ses éléments de preuve. Est-ce qu'il

9 s'agissait seulement de ces deux personnes qui ont inspecté le sous-sol, et

10 cetera, et cetera ? Mais pour le moment, je suggère que Me Borovic a tout à

11 fait le droit de soulever des objections à ce que vous identifiiez de façon

12 catégorique, d'après les propos du témoin, la personne dont il est question

13 pour l'élément de preuve. Il ne s'agit pas d'élément de preuve direct qui a

14 été établi. Il faut que cela soit précisé.

15 Oui, Maître Tapuskovic.

16 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 Pour préciser, le témoin a dit qu'il y avait deux personnes dont

18 l'une était le capitaine Radic et l'autre était Kuzmic. Il faudrait lui

19 demander cela ou est-ce qu'il faisait référence à des représentants

20 d'organisations paramilitaires ? J'aimerais tout simplement vous dire qu'à

21 la page 33 ou 34, à la ligne 24, il y a une question qui a été posée par M.

22 Moore et qui dit : "Je souhaiterais maintenant que nous parlions du

23 comportement que vous venez de décrire, à savoir, les paramilitaires ont

24 remplacé les soldats de la JNA le soir du 18."

25 Merci.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Tapuskovic.

27 Mais je pense, Monsieur Moore, que cela vous permet de comprendre que si

28 ces questions n'avaient pas été posées, j'avais compris que les éléments de

Page 1534

1 preuve étaient relatifs au comportement des paramilitaires.

2 M. MOORE : [interprétation] Je vais essayer de préciser d'une façon non

3 orientée, j'espère.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce serait merveilleux, Monsieur Moore.

5 M. MOORE : [interprétation]

6 Q. Docteur, vous nous avez décrit les plaintes, les griefs qui avaient été

7 exprimés à propos des sévices imposés aux patients. Est-ce que les patients

8 vous ont dit qui était responsable de ce qui leur avait infligé et des

9 souffrances infligées ?

10 R. Oui, ils l'ont dit. La plupart de ces personnes ou en tout cas,

11 certains connaissaient Bogdan Kuzmic, ils l'ont mentionné; le capitaine

12 l'accompagnait. Je dois dire qu'ils n'ont pas mentionné si souvent que

13 c'était celui-ci qui les insultait et les menaçait, mais il a infligé des

14 souffrances aux blessés. Ce qu'ils m'ont dit, c'est qu'ils étaient, en

15 quelque sorte, les précurseurs des mauvais traitements qui devaient suivre.

16 Plus tard, au cours de la nuit, des membres de formations paramilitaires

17 sont entrés dans leur chambre, comme l'ont fait les soldats de la JNA même.

18 Ils ont continué à leur faire subir de mauvais traitements et ce, des deux

19 façons.

20 Q. Puis-je maintenant aborder le moment où, la fois d'après, vous avez vu

21 ou rencontré le capitaine Radic ? Pour la chronologie des événements, est-

22 ce que vous pourriez nous dire où est-ce que cela s'est passé et ce qu'il

23 vous a dit le 19 ?

24 R. Le 19 novembre 1991, vers 9 heures ou 10 heures, mais de toute façon

25 avant-midi, comme je vous l'ai dit, un capitaine de la JNA est arrivé et il

26 s'est présenté comme étant le capitaine Radic. Il m'a dit qu'en vertu des

27 ordres qui lui avaient été donnés par ses supérieurs, il allait m'enfermer

28 dans une pièce et que je n'avais pas le droit de quitter cette pièce. A

Page 1535

1 cette occasion, il a également pris Ante Aric qui était agent médical

2 technique ou agent paramédical.

3 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans cette salle, dans cette pièce ?

4 R. Il y avait un garde qui avait été placé devant ladite salle et je suis

5 restée dans cette salle ou dans cette pièce jusqu'à

6 19 heures environ de la même journée. L'un des gardes est parti et c'est

7 alors que je suis allée voir les blessés et les malades. Etant donné qu'il

8 était impossible de prodiguer une assistance médicale, j'ai essayé de

9 calmer ou de rasséréner les malades et les blessés. J'ai essayé de leur

10 donner un peu d'espoir bien qu'ils aient perdu cet espoir après tous les

11 mauvais traitements qu'ils avaient subis. Ils avaient perdu tout espoir de

12 survivre.

13 Q. Est-ce que nous pourrions, je vous prie, avant de passer à autre chose,

14 parler de la situation que vous avez décrite; le capitaine Radic qui se

15 présente. Vous savez que des allégations ont été prononcées suivant

16 lesquelles les blessés avaient fait l'objet de mauvais traitements. Est-ce

17 que vous avez jamais dit au capitaine Radic que des griefs avaient été

18 exprimés par les patients à propos de ces mauvais traitements ?

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Tapuskovic.

20 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous

21 dire qu'à la page 40, ligne 4, j'ai vu que mon estimé confrère du bureau du

22 Procureur souffle les mots quasiment au témoin; donc, je soulève une

23 objection. C'est vraiment l'exemple classique si l'on fait de la question

24 orientée posée au témoin. Ce n'est qu'un exemple.

25 M. MOORE : [interprétation] Ce n'est pas une question orientée. Des

26 éléments de preuve ont été apportés à propos d'une situation. Il y a des

27 éléments de preuve qui ont été apportés suivant lesquels des griefs avaient

28 été exprimés à l'attention du médecin. J'ai tout à fait le droit de poser

Page 1536

1 cette question au témoin, ou j'ai tout à fait le droit d'attirer

2 l'attention du docteur sur cette question, en fait, parce que je voudrais

3 savoir si ces griefs ont été transmis au capitaine Radic. J'aimerais savoir

4 si lui a transmis ces griefs au capitaine Radic. Ce n'est pas une question

5 orientée. Le témoin a tout à fait la possibilité de répondre par la

6 négative ou par l'affirmative. Lorsque vous posez une question orientée,

7 c'est une question qui ne laisse au témoin que la possibilité d'une seule

8 réponse.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, je vous remercie.

10 Je dois dire que je suis d'accord avec ce que vous venez d'avancer,

11 Monsieur Moore, parce que votre question est scindée en deux parties. Dans

12 un premier temps, vous faites référence aux éléments de preuve qui viennent

13 d'être apportés, puis deuxièmement, vous lui demandez directement si

14 lesdits griefs ont été transmis au capitaine Radic.

15 Je ne conçois pas cela comme question orientée, Maître Tapuskovic.

16 Poursuivez, Monsieur Moore, je vous prie.

17 M. MOORE : [interprétation]

18 Q. Etes-vous en mesure de décrire à notre attention à ce sujet ?

19 R. Oui, Monsieur le Procureur. Je leur en ai parlé, ou plutôt, j'ai posé

20 des questions au capitaine Radic. Je lui ai demandé, parce qu'il m'avait

21 dit qu'il avait étudié avec un médecin. Il m'a dit que quand il était

22 étudiant, il connaissait un médecin qui travaillait à l'hôpital de Vukovar.

23 Par la suite, je lui ai demandé s'il savait pourquoi les blessés de

24 l'hôpital de Vukovar avaient subis des mauvais traitements la veille, au

25 cours de la nuit précédente, et je lui demandais s'il savait pourquoi ils

26 avaient été torturés. Il a répondu que cela s'était fait sur les ordres du

27 commandant Sljivancanin.

28 Q. Non, non, poursuivez. Je m'excuse.

Page 1537

1 R. Au détour de la conversation, il a dit à Ante Aric qu'il serait peut-

2 être opportun qu'il change certains des vêtements qu'il portait.

3 Q. Je vais vous interrompre, Monsieur. Manifestement, vous nous avez dit

4 que vous aviez été placé dans une pièce. Je vous ai demandé si vous aviez

5 posé au capitaine Radic une question. Alors, maintenant, j'aimerais que

6 nous parlions du moment où vous étiez dans cette pièce avec Aric. Est-ce

7 qu'Aric a jamais quitté cette pièce ?

8 R. Oui. Aric a quitté la pièce en question.

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce qu'il l'a fait

10 approximativement ?

11 R. C'était le matin, vers 10 heures, ou peut-être que c'était 11 heures.

12 Non, je pense que c'était plutôt vers 10 heures. Il était accompagné du

13 capitaine Radic.

14 Q. Avez-vous pu entendre la conversation qu'ont eu Radic et Aric ?

15 R. Non, si ce n'est à propos de ce que je vous ai dit, j'ai entendu que le

16 capitaine Radic avait dit à Ante Aric qu'il ferait mieux de se changer, ou

17 peut-être que ce serait une bonne idée qu'il change certains de ces

18 vêtements, ou peut-être ses chaussures.

19 Q. Quel type de chaussures portait-il ?

20 R. Aric avait des bottes aux pieds. Pour ce qui est de ces vêtements, sous

21 sa blouse blanche, puisque c'était quand même un technicien médical. Donc,

22 il portait une blouse blanche et, sous sa blouse blanche, il avait un T-

23 shirt. C'était un T-shirt qui était semblable à un T-shirt de camouflage.

24 Q. Pendant combien de temps est-ce qu'Aric est parti ? Est-ce que vous

25 pouvez nous orienter à ce sujet ?

26 R. Oui. Aric s'est absenté pendant quasiment 24 heures. Il est revenu le

27 lendemain. Il est revenu vers midi ou vers 14 heures, une fois de plus, il

28 était accompagné du capitaine Radic, qui l'avait fait sortir.

Page 1538

1 Q. Avez-vous parlé avec Aric de ce qui lui était advenu pendant cette

2 période de 24 heures ?

3 R. Oui. Aric m'a dit qu'on l'avait conduit dans une pièce où on l'avait

4 fait asseoir sur une chaise, ensuite, on l'a attaché à la chaise. Puis, ils

5 lui ont fait pencher la tête vers l'arrière et lui ont ouvert la bouche, et

6 ils lui ont versé dans la bouche une bouteille de vin, ce qui fait qu'il

7 était vraiment dans un état d'ébriété; très, très avancé, quasiment

8 inconscient. Mais avant cette étape, ils lui ont posé des questions.

9 Puisqu'ils n'étaient pas satisfaits des réponses qu'il fournissait, ils ont

10 ensuite agi comme il me l'a décrit.

11 Q. Vous a-t-il dit qui était présent lors de cet incident ?

12 R. Oui. Il a dit que le commandant Sljivancanin était présent.

13 Q. Vous a-t-il dit quel type de questions lui ont été posées ?

14 R. Il lui a demandé pourquoi il était venu de Zagreb à Vukovar, quelle

15 était la raison de sa venue. Il lui a demandé s'il avait amené avec lui des

16 armes, s'il avait utilisé des armes, où il avait dissimulé des armes. Il

17 lui a demandé qui il avait tué, qui lui donnait des ordres.

18 Q. Merci beaucoup. Savez-vous, en fait, d'où était originaire Aric. Est-ce

19 qu'il était originaire de Vukovar ?

20 R. Non. Non, non, Monsieur le Procureur. M. Aric était un agent

21 paramédical, natif de Slavonie. Il avait grandi à Zagreb. Il vivait à

22 Zagreb.

23 Q. J'aimerais maintenant passer à la soirée du 19, ainsi qu'au matin du 20

24 novembre. Etes-vous resté dans cette petite pièce où on vous avait placé ?

25 R. Le soir du 19 novembre, comme je l'ai déjà dit, vers 19 heures, le

26 garde, qui se trouvait devant la salle où j'avais été enfermé, a disparu.

27 Ce qui fait que j'ai eu la possibilité de sortir et de rendre visite aux

28 blessés, aux malades et aux autres. Je suis allé voir ma femme également,

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1 parce que le 17 novembre un grand nombre de résidents de Vukovar était venu

2 à l'hôpital parce qu'ils craignaient véritablement pour leurs vies. Donc,

3 ils cherchaient refuge à l'hôpital.

4 Q. Lorsque vous êtes sorti et que vous avez rencontré votre femme, trouvé

5 votre femme, si nous passons maintenant au matin du 20 novembre, j'aimerais

6 savoir si vous avez eu des contacts avec des officiers de la JNA ou des

7 membres de l'armée ?

8 R. Non, non pas avant le matin. Toutefois, le matin du 20 novembre, vers 8

9 heures, une fois de plus le commandant Sljivancanin est arrivé à l'hôpital

10 et a donné l'ordre suivant lequel tout le personnel de l'hôpital devait se

11 rassembler dans une salle, dans une pièce. En fait, cette pièce était

12 utilisée pour plâtrer les membres des patients lorsque cela était

13 nécessaire. Donc quasiment tout le personnel de l'hôpital s'est retrouvé

14 dans cette pièce.

15 Q. Est-ce que Sljivancanin était seul à ce moment-là ?

16 R. Le commandant Sljivancanin est entré seul dans la pièce et il a été

17 accompagné jusqu'à l'entrée de la pièce par une personne qui avait un

18 grade. Je pense que cette personne avait le grade de lieutenant. Il

19 s'appelait Ivezic et il était chirurgien. Il pratiquait à Novi Sad. Il

20 n'est pas entré dans la pièce. Seulement le commandant Sljivancanin y

21 entrait.

22 Q. Au moment où Sljivancanin est entré dans la pièce, vous souvenez-vous

23 des propos qu'il avait proférés à des personnes, adressés à des personnes

24 qui étaient dans la pièce ?

25 R. Ce sont des propos qu'on ne peut pas oublier. Il est impossible de les

26 oublier. Lorsqu'il a commencé à parler, il a dit tout d'abord : Je

27 m'appelle Veselin Sljivancanin. J'ai le grade de commandant et je suis

28 officier de la JNA. Ici, c'est moi qui commande et tout le monde doit obéir

Page 1540

1 à mes ordres. Il ne faut pas que vous soyez confus par le fait que toutes

2 les personnes en uniforme sont là. Leurs uniformes sont différents et

3 portent des emblèmes différents. Il s'agit des jeunes hommes, et ces jeunes

4 hommes aujourd'hui aiment porter des vêtements différents et ils aiment

5 porter aussi des insignes. Ce qu'il a dit, à ce moment-là, il a parlé

6 environ pendant une heure.

7 Q. Avez-vous une idée à quelle heure Sljivancanin avait dit cela ? Il ne

8 faut pas que vous spéculiez, si vous n'êtes pas sûr de cela.

9 R. Il a dit cela le 20 novembre 1991, dans la matinée de ce jour-là, vers

10 huit heures. Je n'oublierai jamais son discours.

11 Q. Que vous est-il advenu après que Sljivancanin se soit adressé à des

12 personnes se trouvant dans la pièce ?

13 R. Après que Sljivancanin se soit adressé à des gens dans la pièce, on m'a

14 de nouveau enfermé. Mais dans le couloir qui se trouvait devant la pièce où

15 on plâtrait les membres des blessés, j'ai vu quelques infirmières et

16 d'autres personnes qui ne faisaient pas partie du personnel médical.

17 Q. Est-ce que vous avez parlé à la personne pour laquelle vous avez dit

18 qu'il s'appelait Ivezic ?

19 R. Oui. Dans la matinée, ce jour-là, après que le commandant Sljivancanin

20 avait proféré son discours dans la pièce où on plâtrait les membres des

21 blessés, j'ai entendu dire par le personnel qui ne se trouvait pas dans la

22 pièce que par une entrée spéciale ou plutôt, une sortie spéciale de

23 l'hôpital, un grand nombre de blessés ont été emmenés de l'hôpital. J'ai

24 demandé à Ivezic, pensant qu'il serait solidaire pour me répondre à cette

25 question, concernant l'endroit où se trouvaient ces blessés et concernant

26 le destin qui leur était réservé.

27 Q. Est-ce qu'il vous a répondu ?

28 R. Oui. Il m'a dit : Collègue - parce qu'il s'est adressé à moi en

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1 m'appelant collègue - tout se passe ici conformément aux ordres du

2 commandant Sljivancanin. A cause de cela, à cause de ce fait, je ne peux

3 pas répondre à votre question.

4 Q. Savez-vous si quelqu'un d'autre de l'hôpital avait parlé à Ivezic quant

5 aux personnes disparues ?

6 R. Oui. Au même moment, j'ai vu l'infirmière, Marica Mokos, en larmes.

7 Elle s'est adressée au colonel ou au lieutenant-colonel Ivezic, en le

8 suppliant de faire rentrer son époux et d'autres personnes qui ont été

9 emmenées à bord de bus et dans ces bus, se trouvaient déjà les blessés. Le

10 lieutenant-colonel a répondu la chose suivante : Je dois consulter le

11 commandant Ivezic pour le faire.

12 Q. Je pense que vous vous êtes trompé.

13 R. Je m'excuse. Je dois demander l'autorisation au commandant Sljivancanin

14 pour pouvoir faire rentrer votre époux du bus à l'hôpital.

15 Q. Connaissez-vous le nom de la personne qui avait parlé à Ivezic ?

16 R. Marica Mokos était infirmière à l'hôpital.

17 Q. Avez-vous été conscient du fait que ce matin-là, les gens ont été

18 emmenés de l'hôpital ?

19 R. Oui. Ce matin-là, oui, j'en étais conscient et comme je l'ai déjà dit,

20 les personnes qui n'étaient pas dans la pièce où on plâtrait les membres

21 des blessés et qui aidaient à soigner les patients à l'hôpital, un grand

22 nombre de blessés ont été emmenés. On m'a dit que ces blessés ont été

23 montés à bord des bus et cela s'est passé dans la partie de l'hôpital où se

24 trouvait la sortie de l'hôpital, la sortie qui menait vers la rue qui passe

25 par Vukovar, qui passe par la ville même.

26 Q. J'aborderai de nouveau ce sujet dans quelques instants, mais dites-nous

27 si vous avez vu un observateur ou un représentant de la Croix Rouge dans la

28 matinée du 20 novembre ?

Page 1542

1 R. Dans la matinée du 20 novembre, je n'ai vu aucun représentant de la

2 Croix Rouge internationale. C'est seulement vers 14 heures que je les ai

3 vus.

4 Q. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de regarder un croquis que vous

5 avez dessiné et qui, je l'espère, sera proposé au versement au dossier. Il

6 s'agit du numéro ERN 04643050. Pour qu'il n'y ait pas de mystère par

7 rapport à ce document, pour que je puisse aider la Chambre, je vais dire

8 que le témoin a dessiné cette carte lors de la séance de récolement et la

9 Chambre devrait disposer d'un exemplaire de la carte. Est-ce qu'on pourrait

10 afficher cela sur l'écran ? Si cela n'est pas possible, nous pouvons

11 distribuer des exemplaires en papier. Excusez-moi, il faut que je retrouve

12 mon exemplaire.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre apprécierait, si vous

14 distribuiez des exemples en papier, Monsieur Moore. Je vous remercie.

15 M. MOORE : [interprétation] Je pense que nous disposons de trois

16 exemplaires.

17 Q. Docteur, nous avons utilisé un stylo magique pour indiquer des parties

18 de la "map" et vous allez m'excuser si cela ne réussit pas.

19 Vous avez dessiné cette carte il y a deux jours, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez fait cela tout seul, sans être aidé de qui que ce soit ?

22 R. Oui.

23 Q. En utilisant des termes généraux, pouvez-vous nous dire ce que

24 représente cette carte ?

25 R. C'est le sous-sol de l'hôpital de Vukovar, l'aspect du sous-sol lors de

26 l'attaque, de l'agression contre Vukovar.

27 Q. Je vais essayer - et je souligne que je vais essayer - de regarder ce

28 croquis en le regardant comme une montre; 12 heures, c'est en haut; 9 est à

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1 gauche; 6 heures, c'est en bas et 3 heures, c'est à droite. Dans la partie

2 que j'appellerais 12 heures, se trouvent des lignes parallèles à

3 l'intérieur d'un carré. Qu'est-ce que cela représente ?

4 R. Si on regarde cette partie qui représente 12 heures, c'est l'entrée

5 principale de l'hôpital de Vukovar; ensuite, il y a le sous-sol où se

6 trouvaient les patients qui n'avaient pas besoin d'une intervention

7 urgente.

8 Q. Je vais vous poser des questions et je vous prie, d'y répondre de façon

9 très brève. Nous allons essayer de situer les pièces sur ce croquis.

10 S'il vous plaît, touchez à l'écran avec ce stylo pour nous indiquer

11 l'entrée principale.

12 Je n'ai rien vu sur l'écran.

13 M. MOORE : [interprétation] Est-ce que la Chambre peut repérer quelque

14 chose sur l'écran ?

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non.

16 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

17 M. MOORE : [interprétation] Très bien.

18 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous, s'il vous plaît, apposer le numéro 1

19 pour indiquer cette partie ?

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous indiquer d'autres entrées ou d'autres

22 sorties de l'hôpital, de façon systématique, l'une après l'autre, en nous

23 disant ce que cela représente, en même temps ?

24 R. Je vais indiquer, en apposant le numéro 2, l'entrée principale par

25 laquelle on entrait tout le temps dans l'hôpital, les patients réguliers,

26 les patients amenés en urgence, les visiteurs entraient par cette entrée

27 dans l'hôpital.

28 Q. Ecoutez ma question, s'il vous plaît. Le bâtiment même -- vous avez

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1 parlé de la pièce où on plâtrait les membres des blessés. Où se trouve

2 cette pièce ?

3 R. Je vais indiquer cette pièce par le numéro 3; elle se trouve dans le

4 sous-sol à côté des pièces où on faisait des opérations chirurgicales.

5 Q. C'est le numéro 3 sur le croquis. Pouvons-nous voir s'il y avait, à

6 côté de ce numéro, une sortie ou une entrée menant dans le sous-sol ?

7 R. Je vais indiquer, par le numéro 4, l'entrée par laquelle arrivaient des

8 patients qui avaient besoin des soins en urgence et l'entrée dans la partie

9 chirurgicale.

10 Q. Vous venez d'apposer le numéro 4 et il y a des flèches. Qu'est-ce que

11 cela représente ?

12 R. Ces flèches représentent l'itinéraire emprunté par des ambulances pour

13 emmener des blessés et des malades à l'hôpital devant l'entrée d'urgence et

14 ensuite, on peut voir l'entrée au sous-sol de l'hôpital, à savoir, dans les

15 pièces où on opérait.

16 Q. Si nous regardons la partie qui représente 5 heures, il semble qu'il y

17 ait une flèche courbée à la date du 9 ou du 11. Qu'est-ce que c'est ?

18 R. Je vais apposer le numéro 5 à cet endroit. C'est l'entrée dans la

19 partie où se trouvait la gynécologie.

20 Q. Pouvez-vous indiquer par la lettre X l'endroit où le commandant

21 Sljivancanin donnait sa réunion ?

22 R. S'il vous plaît, prêtez attention au numéro 3. Je vais apposer la

23 lettre X pour indiquer cette pièce où le commandant Sljivancanin a tenu son

24 discours.

25 Q. Pourriez-vous apposer la lettre Y pour nous indiquer l'emplacement de

26 la petite pièce où vous étiez enfermé ?

27 R. Maintenant, je montre la petite pièce où j'ai été enfermé.

28 Q. Je vous remercie. Les personnes qui ont été emmenées, pouvez-vous

Page 1545

1 indiquer, en apposant la lettre Z, la pièce où ces personnes étaient avant

2 qu'elles ne soient emmenées ?

3 R. Si vous me le permettez, je vais vous indiquer l'endroit où se

4 trouvaient les blessés et ensuite, je vais vous indiquer l'endroit au

5 numéro 5 par lequel ils ont été amenés. C'était la gynécologie.

6 Q. Je voudrais qu'on procède de façon progressive. D'abord, où se

7 trouvaient les personnes avant qu'elles ne soient que les étaient amenés ?

8 R. Ces personnes se trouvaient dans la pièce où se trouve la lettre Y. A

9 côté de la lettre Y se trouvait une salle d'attente.

10 Q. Pouvez-vous dessiner sur l'écran électronique -- pouvez-vous nous

11 indiquer l'endroit où se trouvaient les blessés avant qu'ils n'étaient

12 amenés ?

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Vous avez apposé des points. Pouvez-vous nous indiquer cela en

15 utilisant d'autres signes un peu plus grands, pour que cela soit plus

16 visible ?

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Est-ce qu'ils ont été regroupés, ou ces cercles représentent des pièces

19 différentes ?

20 R. Ces cercles représentent l'espace qui était plein à craquer. Il n'était

21 presque pas possible de se frayer le chemin entre les blessés et les

22 malades, parce que, dans cet espace, il y en avait trop.

23 Q. Je vous remercie. C'est la première partie de la question. Maintenant,

24 la seconde partie et la suivante, vous nous avez dit de quelle façon ils

25 ont été amenés. Pouvez-vous nous expliquer comment cela s'est passé en nous

26 indiquant cela sur l'écran ? Comment et où ont-ils été amenés ?

27 R. Dans ce cercle se trouvaient des blessés. De chacun de ces cercles, des

28 blessés -- certains blessés ont été amenés. Par la sortie numéro 5, des

Page 1546

1 blessés ont été amenés. Ils ont été faits -- on les a fait monter à bord

2 des bus.

3 Q. Lorsque vous dites, "la sortie numéro 5" --

4 M. MOORE : [interprétation] je vois que M. Lukic a une question à

5 poser.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Lukic, vous avez la parole.

7 M. LUKIC : [interprétation] Juste une petite intervention. A la page 51, à

8 la ligne 8 du compte rendu, le témoin a dit : "De chacun de ces cercles,

9 certains blessés ont été emmenés, on été pris." Je ne voulais qu'apporter

10 cette correction parce que cela ne se reflète pas au compte rendu, et le

11 témoin pourrait le confirmer.

12 M. MOORE : [interprétation] Bien. Avec le respect que je vous dois, je

13 pense que le témoin a indiqué et, compte tenu du fait que le témoin a

14 dessiné des cercles, et qu'il a dit que cet espace était plein à craquer --

15 et je pense que j'avais clarifié le point.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre ne doute pas qu'il y ait eu

17 des blessés qui ont été emmenés de chacun de ces cercles. Si cela peut vous

18 aider, Monsieur Lukic, c'est ce que le docteur a dit.

19 M. MOORE : [interprétation] Bien, je vais tirer cela au clair.

20 Q. Docteur, vous, vous n'êtes peut-être pas une artiste. Vous avez dessiné

21 des petits cercles sur votre croquis. Est-ce que cela veut dire que le

22 petit groupe de personnes se trouvait à l'emplacement de petit cercle, ou

23 cela veut dire que tout l'espace était couvert de blessés ?

24 R. Tout l'espace que j'ai remplis de cercle était couvert de blessés.

25 Mais, comme vous pouvez le voir, parfois, il y avait des pétitions et c'est

26 pour cela que j'ai apposé des petits cercles pour indiquer ces endroits,

27 pour vous monter que toute la pièce était pleine de blessés.

28 Q. Vous avez utilisé les mots : "Plein de blessés, couvert de blessés."

Page 1547

1 Lorsque vous avez quitté cette réunion, est-ce que cet espace était

2 toujours plein de blessés ?

3 R. Lorsque j'ai quitté la réunion de -- lorsque j'ai quitté la pièce

4 numéro 3, et lorsque je me trouvais dans la -- l'espace se trouvant jusqu'à

5 la lettre Y, et lorsque j'ai rencontré le lieutenant-colonel Ivezic et

6 l'infirmière, Marica Makos, et lorsque j'ai appris qu'un grand groupe de

7 blessés a été emmené par la sortie numéro 5, j'ai compris que dans cet

8 espace indiqué sur le croquis par les cercles, qu'il y avait moins de

9 blessés.

10 Q. Nous pouvons continuer maintenant. Vous avez dit que ces blessés ont

11 été emmenés par la sortie numéro 5, et si nous rapportons sur le croquis,

12 pouvez-vous nous dire ce qui se trouve à droite, sur le croquis ? Pouvez-

13 vous nous décrire cela ?

14 R. A droite sur le croquis se trouve la sortie de l'hôpital. Devant la

15 sortie, il y a un peu -- il y avait des -- il y avait comme un parking, où

16 se trouvait des bus, à bord desquels on a fait monter des blessés -- ou

17 plutôt, on les avait poussés à bord de ces véhicules, et on les a faits

18 sortir de l'hôpital par la sortie au sous-sol, où se trouvait la

19 gynécologie.

20 Q. Je voudrais vous demander, encore une fois, à partir de l'hôpital de

21 Vukovar, proprement dit, jusqu'au pont sur la rivière Vuka, est-ce que vous

22 êtes en mesure d'apprécier la distance ? Ce que serait la distance depuis

23 l'hôpital jusqu'au pont.

24 R. Depuis l'hôpital jusqu'au pont, la distance est de 400 à 500 mètres.

25 Q. Pour le moment, je n'ai plus d'autres questions à poser en ce qui

26 concerne ce document.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, pour commencer, est-ce

28 que vous souhaitez que ce numéro 6 reçoive une cote provisoire, celui qui

Page 1548

1 concerne la sortie et les cars -- les autocars ou est-ce que ceci n'est pas

2 sur le plan ?

3 M. MOORE : [interprétation] Il vaut mieux que je demande au docteur.

4 Q. Le numéro 6, nous pouvons voir un chiffre 6 là où il y a cette route

5 qui va jusqu'à la rivière Vuka. Est-ce que vous seriez assez bon pour la

6 marquer, s'il vous plaît ?

7 R. Le numéro 6, le chiffre 6 ici représente six autocars dans lesquels ils

8 ont fait rentrer les blessés. Je vais indiquer avec de petits points, les

9 sorties que les cars ont empruntées pour quitter l'enceinte de l'hôpital

10 quand ils ont pris la direction de Vuka.

11 Q. Les petits points qui semblent aller en direction du nord ou midi, est-

12 ce que c'est cela la direction de Vuka ?

13 R. Oui. C'est la direction de la Vuka et des ponts sur cette rivière.

14 Q. Je vous remercie beaucoup.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous demandez le versement

16 de ce plan, Monsieur Moore ?

17 M. MOORE : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Evidemment, je ne voudrais pas qu'on

19 le perdre étant donné qu'en plus, il y ait une indication de l'heure. Le

20 document est versé au dossier.

21 M. MOORE : [interprétation] Je ne sais pas si la Chambre envisageait

22 d'avoir une brève suspension de séance si la Chambre l'envisage, peut-être

23 que ce serait le bon moment.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela va être le bon moment, Monsieur

25 Moore. Nous avons essayé de nous efforcer de finir avec ce plan, ce

26 croquis, et faire en sorte qu'il soit versé au dossier avant que nous

27 n'ayons perdu du point de vu électronique.

28 M. MOORE : [interprétation] Oui.

Page 1549

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce plan est donc

2 enregistré, et deviendra la pièce à conviction numéro 64.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre suspend l'audience qui

4 reprendra à 13 heures.

5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.

6 --- L'audience est reprise à 13 heures 02.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore, vous avez la

8 parole.

9 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, on me dit qu'il serait

10 peut-être prudent également que le document original qui n'a pas reçu de

11 cote soit également une pièce à conviction. Je ne sais pas si mon confrère

12 serait d'accord avec cette façon de procéder. J'ai pensé que ce serait

13 raisonnable.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Il va être versé au dossier.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

16 numéro 65, Monsieur le Président.

17 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

18 Q. Docteur, vous avez dit que vous n'aviez pas vu de membres de la Mission

19 ou de représentants de la Croix Rouge, le 20. Mes souvenirs étant environ

20 vers deux heures, mais il se peut qu'il est une erreur sur ce point. Quand

21 avez-vous, pour la première fois, rencontré soit des membres de la Croix

22 Rouge, soit des membres de la Mission européenne de surveillance ?

23 R. La première fois que j'ai vu le représentant de la Croix Rouge, c'était

24 le 18, comme je l'ai dit, et devant l'hôpital lorsqu'il a parlé au

25 commandant Sljivancanin, c'est-à-dire, dans le cas précis il s'agissait de

26 Nicholas Borsinger. Il y a eu une autre réunion avec un membre de la Croix

27 Rouge internationale, qui a eu lieu le 20 vers 14 heures. C'était un

28 représentant de la Croix Rouge internationale qui est venu à l'hôpital et

Page 1550

1 qui est descendu dans le sous-sol. Il s'est approché de moi, il m'a parlé.

2 Il m'a demandé si je savais combien il y avait de patients et ce qui

3 s'était passé, ce qui était arrivé pour causer cette situation où il y

4 avait en fait très peu de membres du personnel médical pour laisser les

5 patients de l'hôpital. Ce représentant de la Croix Rouge était un homme

6 relativement jeune, pas très grand. A mon avis, ce représentant de la Croix

7 Rouge internationale était italien.

8 Q. Parlez-vous l'italien ? Avez-vous parlé italien à ce moment-là ?

9 R. Je peux comprendre l'italien. J'ai une connaissance passive de cette

10 langue, et je crois que c'était bien suffisant pour que nous puissions

11 communiquer et expliquer ce qui s'était passé à l'hôpital de Vukovar.

12 Q. Pour autant que vous le sachiez, quel a été le sujet de discussion avec

13 le représentant de la Croix Rouge ?

14 R. La conversation avec le représentant de la Croix Rouge internationale

15 était comme suit : Quel traitement est donné au blessés ? Est-ce que les

16 conventions de Genève sont respectées ? Pourrais-je établir une liste des

17 blessés qui se trouvaient encore à l'hôpital ?

18 Q. Avez-vous fait une liste des personnes qui étaient restées à

19 l'hôpital ?

20 R. Suivant cette conversation avec les membres de la Croix Rouge

21 internationale, l'anesthésiste de l'Académie militaire médicale de Belgrade

22 est venu avec moi. Il est allé regarder pour voir si j'avais inscrit sur la

23 liste tous les blessés qui se trouvaient encore à l'hôpital. J'ai établi

24 cette liste en deux exemplaires, donc un a été pris par le représentant de

25 la Croix Rouge internationale et l'autre par l'anesthésiste de l'Académie

26 militaire médicale.

27 Q. Que vous est-il arrivé ce jour-là après votre conversation avec le

28 représentant de la Croix Rouge ?

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1 R. Toujours là, après avoir établi la liste, dans celle qui a été remise

2 au représentant de la Croix Rouge internationale et le représentant

3 militaire, parce qu'en fait c'était ce qui était cet anesthésiste de

4 l'Académie militaire médical, parce qu'il avait également un grade.

5 Après qu'ils aient tous pris cette liste - on approchait du

6 crépuscule, il était dans les environs de 17 heures - le capitaine Radic

7 est venu à l'hôpital ainsi qu'un officier. C'était une femme officier. Je

8 crois qu'elle avait le grade de commandant. Elle avait une quarantaine

9 d'années, peut-être 45 ans. En entrant dans l'hôpital, ils m'ont fait

10 sortir de la pièce que j'ai indiquée à la Chambre de première instance.

11 Cette femme officier est allée jusqu'à moi et m'a demandé pourquoi j'avais

12 été arrêté.

13 Q. Quand ceci a eu lieu, où se trouvait le représentant de la Croix

14 Rouge ?

15 R. Le représentant de la Croix Rouge internationale était présent; il

16 observait cela. Au moment où il a vu qu'on m'emmenait dans un véhicule

17 militaire qui était garé devant l'entrée des urgences, que vous pouvez voir

18 sur le croquis, il a protesté et il a dit qu'une fois de plus ils violaient

19 les conventions internationales qui s'appliquaient aux hôpitaux et au

20 personnel médical.

21 Q. Quel a été le résultat de sa protestation ?

22 R. Ils ont rejeté sa protestation et lui ont dit que cela n'était pas ses

23 affaires. Cette participation du représentant de la Croix Rouge

24 internationale a mis en colère la femme officier, et elle ordonnait aux

25 soldats qui me gardaient jusqu'à ce moment-là de m'emmener à une prison.

26 Q. Nous pouvons parler de cela de façon un peu raccourcie. Où en fait vous

27 a-t-on emmené ?

28 R. Comme on m'a ordonné de monter dans un véhicule militaire, Ante Aric

Page 1552

1 est arrivé avec le capitaine Radic. Ante Aric, à la suite d'un ordre qui a

2 été donné à lui aussi, était obligé de monter sur le véhicule militaire.

3 Après cela, la femme officier est montée dans ce véhicule et s'est assise à

4 côté du chauffeur vers eux. Il y avait le soldat et le capitaine Radic. Il

5 nous a alors emmenés à la caserne qui se trouvait à Vukovar dans un

6 quartier que l'on connaît sur le nom Sajmiste.

7 Q. Avez-vous une idée approximativement de l'heure à laquelle vous avez

8 été emmenée dans ce véhicule militaire avec différentes personnes, y

9 compris le capitaine Radic ?

10 R. Nous étions en novembre, le 20 novembre, et je pense que ceci a eu lieu

11 vers 17 heures. Ce qui fait que nous sommes arrivés à la caserne qui ne se

12 trouve pas très loin mais étant donné que la chaussé et les routes

13 n'étaient en bonne état cela nous a pris un peu plus de temps, quelque 15

14 minutes, peut-être. Voilà combien de temps cela nous a pris pour arriver

15 jusqu'à la caserne.

16 Q. Vous avez décrit ou vous avez dit avoir vu le capitaine Radic vers 17

17 heures. Vous avez également mentionné le fait que le représentant de la

18 Croix Rouge internationale se trouvait là vers 14 heures, est-ce que vous

19 avez vu le capitaine Radic entre 14 heures et 17 heures ce même jour ?

20 R. Non, non. Non, non, je ne l'ai pas vu. En fait, je ne l'ai pas vu

21 jusqu'au moment où il a accompagné Ante Aric et jusqu'au moment où il l'a

22 placé en détention dans la pièce où je me trouvais.

23 Q. A propos du commandant Sljivancanin. Je sais ce qu'il en est de la

24 réunion, mais je voudrais juste vous parler de l'horaire, de ce qui s'est

25 passé jusqu'à 17 heures, est-ce que vous avez vu le commandant Sljivancanin

26 pendant cette période ?

27 R. Non. Après la réunion qui a eu lieu dans la salle où les plâtres

28 étaient apposés le matin donc après cette réunion au cours de laquelle le

Page 1553

1 commandant Sljivancanin a fait ce discours dont j'ai déjà parlé à la

2 Chambre de première instance, je ne l'ai plus revu.

3 Q. Alors j'aimerais parler de la caserne de la JNA qui se trouve juste à

4 l'extérieur de Vukovar. Combien de temps êtes-vous resté là ?

5 R. Je suis restée dans la caserne de Vukovar pendant environ une heure.

6 C'est là qu'ils ont séparé en quelque sorte Ante Aric et ils ont emmené le

7 Dr Bosanac. Nous avons été mis tous les deux à bord d'un véhicule de

8 transport de troupe, et on nous a emmenés au village de Negoslavci.

9 Ensuite, en passant par Sidski Banovci, Tovarnik, Oriolik, nous sommes

10 allées jusqu'à Sid.

11 Q. Merci. J'aimerais que vous consultiez la pièce à conviction 59, qui

12 sera la carte 6. Je ne sais pas si nous pouvons faire sous format

13 électronique ou si cela va être aussi un document -- va être donné au

14 témoin. Je préférerais d'ailleurs que le document soit donné au témoin, la

15 version papier donc de ce document.

16 M. MOORE : [interprétation] Est-ce que je peux donner cela au témoin, je

17 vous prie ? Merci beaucoup.

18 Q. Docteur, voilà une carte de ce que j'appellerais l'arrière pays

19 d'Ovcara, et c'est ce que j'appellerais -- ce dont je me souviens comme

20 étant un voyage de découverte en quelque sorte pour ce qui est de certaines

21 localités.

22 J'aimerais savoir combien de temps aviez-vous été à Vukovar avant l'année

23 1991 ?

24 R. Cela faisait déjà 25 ans que je me trouvais à Vukovar.

25 Q. Comment qualifieriez-vous votre connaissance de ce que j'appelle cet

26 arrière pays local ?

27 R. Je pense que je le connais bien.

28 Q. Est-ce que vous auriez l'amabilité de consulter la carte qui se trouve

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1 sur votre droite. Est-ce que vous pouvez la voir, et vous avez la carte qui

2 est sur un document qui se trouve à votre droite et elle est beaucoup plus

3 claire que la carte informatisée qui se trouve sur votre écran ? Cela se

4 trouve sur votre droite.

5 R. Oui.

6 Q. Nous pouvons voir qu'il s'agit de Vukovar. Vous voyez Vukovar, le

7 Danube, vous le voyez ?

8 R. Oui, oui, je peux le voir.

9 Q. Alors, si nous allons au sud en suivant le sens des aiguilles d'une

10 montre, est-ce que vous voyez que nous voyons le village de Negoslavci ?

11 Vous voyez où cela se trouve ? M. l'Huissier va vous aider.

12 R. Oui, oui.

13 Q. Il est fait référence à la caserne de la JNA ainsi qu'au bâtiment

14 Velepromet. Vous le voyez cela ? Est-ce que vous pourriez répondre,

15 Monsieur, je vous prie ?

16 R. Oui.

17 Q. Si vous prenez la position qui correspond à 16 heures sur le cadran

18 d'une montre vous voyez Ovcara. Vous voyez cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Merci beaucoup. Alors, si quelqu'un se rendait à Ovcara en empruntant

21 un itinéraire normal, en empruntant la route en 1991, et vous quittiez la

22 caserne de la JNA, est-ce que vous pourriez nous dire quel itinéraire

23 auriez-vous normalement emprunté si vous aviez emprunté la route Bicene

24 [phon], la route normale ? Est-ce que vous pouvez le faire cela pour nous ?

25 R. Oui, oui. En 1991 si vous souhaitiez vous rendre à Ovcara en prenant la

26 route goudronnée, il fallait partir de Velopromet puis aller vers le centre

27 de la ville donc vous venez de Velopromet et en arrivant dans une rue qui

28 s'appelle Stijepana Radica [phon], vous preniez sur la droite et, ensuite,

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1 vous suivez cette route, vous suivez jusqu'à Mitnica, qui est un quartier

2 de la ville qui se trouve dans la partie est de Vukovar et, ensuite, vous

3 prenez la route qui arrive vers Sotin, et juste avant d'arriver à Sotin,

4 vous auriez vu une ferme ? Est-ce qu'il y avait une ferme qui se trouvait

5 là ? En fait, c'était une ferme à bétail que l'on appelait Jakubovac. A

6 partir de cet endroit, vous tourniez vers Ovcara, qui était connu, en fait,

7 pour être une ferme; en fait, c'était une porcherie. C'était une ferme

8 d'élevage de porcins et de bovins.

9 Q. Merci. Alors, si l'on repart à la caserne de la JNA à nouveau, vous

10 avez la route vers Negoslavci que l'on peut voir, d'ailleurs. J'ai fait

11 référence. Est-ce que vous saviez, à l'époque, s'il y avait d'autres routes

12 qui menaient à Ovcara, sans pour autant passer par Vukovar ?

13 R. Personnellement, et bien que je me rende très souvent à Negoslavci

14 ainsi que dans les villages avoisinants d'ailleurs, je n'ai jamais emprunté

15 d'itinéraire différent que celui qui passe par Sotin. Donc, je ne savais

16 pas s'il y avait d'autres routes qui menaient à Ovcara, hormis la route --

17 l'itinéraire que je viens de vous indiquer. D'ailleurs, je ne savais même

18 pas qu'il y avait une route qui passait pas les champs et qui, en fait,

19 reliait Negoslavci à Ovcara.

20 Q. Quand avez-vous découvert qu'il y avait cette route -- ce chemin de

21 traverse qui menait de Negoslavci à Ovcara ?

22 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, Monsieur le

23 Procureur, j'ai découvert l'existence de cette route de la bouche de ceux

24 qui ont survécus au voyage si tragique qui menait vers Ovcara. C'est la

25 première fois que j'ai entendu parler de l'existence de cette route.

26 Q. Je vous remercie beaucoup, et je vous demanderais de bien vouloir

27 mettre ce document de côté. Combien de temps avez-vous été gardé en

28 détention ? Vous nous avez dit que vous avez été conduit à la caserne de la

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1 JNA, et que le Dr Bosanac s'y trouvait. C'est peut-être parce que j'ai

2 utilisé le mot "détention" que cela vous a surpris, mais j'aimerais savoir

3 ce qui s'est passé après que vous avez vu le Dr Bosanac.

4 R. Pendant que j'étais seul avec les gardes dans la voiture -- ou avec le

5 garde dans la voiture -- et non si un Juge du tribunal de Vukovar se

6 trouvait-là et il m'a posé des questions à propos de certains Juges de

7 Vukovar, il m'a demandé si je savais ce qu'il était advenu de ces

8 personnes, si je savais ce qu'ils faisaient. Ensuite, il est parti, et ils

9 ont fait entrer le Dr Bosanac. Alors, nous sommes montés tous les deux à

10 bord de ce véhicule de transport de troupes, et elle m'a dit qu'il l'avait

11 conduit ou amené à un entretien avec le lieutenant-colonel Mrksic à

12 Negoslavci.

13 Q. Alors, il s'agit toujours de la même journée ? Donc, vous êtes dans la

14 caserne de la JNA. Où est-ce que vous avez été ensuite amené après cela ?

15 R. Après cela, si vous prenez le croquis, vous verrez que nous étions près

16 de Velepromet. La caserne de la JNA se trouvait en face, en fait. Donc, on

17 nous a amené à Negoslavci à bord de ce véhicule de transport militaire.

18 Puis, à Negoslavci, ils nous ont fait sortir du véhicule de transport de

19 troupes. C'était extrêmement désagréable, car nous avons été insultés par

20 des gens, et ces gens faisaient, en fait, le signe comme quoi on allait

21 nous couper la gorge, ce qui signifiait que nous allions avoir la gorge

22 tranchée.

23 Toutefois, à ce moment-là, personne n'a réussi à s'approcher de nous, et

24 nous avons poursuivi comme je l'ai dit en passant par Oriolik, et Sidski

25 Banovci, ainsi que Borovik. Ceux sont des villages en fait qui se trouvent

26 sur le chemin de Sid. Sid est une ville en Serbie. C'est une ville de

27 Vojvodine qui fait partie de la Serbie.

28 Q. Maintenant, je vous prie de vous arrêter pour quelques instants, et je

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1 vais aborder un sujet. Ce sujet, c'est le traitement des patients. Il est

2 parfaitement clair qu'il y ait eu des civils et des blessés, ce que

3 j'appellerais des militaires de la JNA, et des militaires croates à

4 l'hôpital. Etes-vous d'accord avec moi pour dire cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Avez-vous fait la distinction entre ces catégories de personnes, quand

7 il s'agit du traitement médical ?

8 R. Non, parce que cela aurait été contre tous les principes éthiques,

9 contre le droit humanitaire, contre la science médicale, et contre nos

10 convictions en tant qu'hommes, parce qu'il s'agisse d'une profession qui

11 est [imperceptible], il s'agit de la médecine.

12 Q. Nous savons également qu'il y avait une pièce réservée exclusivement

13 aux soldats de la JNA qui étaient blessés. Est-ce vrai ?

14 R. Oui. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme vous le saviez

15 parce que je l'avais déjà dit auparavant, il y avait beaucoup de blessés

16 qui affluaient et, par moment, des blessés se trouvant déjà à l'hôpital qui

17 étaient en convalescence ou qui était en danger de mort, ils auraient pu

18 nuire aux blessés qui étaient membres des unités paramilitaires, ou des

19 Unités de la JNA. C'est pour cela que ces blessés, on leur fournissait des

20 soins médicaux spéciaux. Ils ont été isolés, des pièces séparées pour

21 qu'ils ne soient pas exposés aux insultes et pour que les incidents ne se

22 soient produits. C'est pour cela qu'il y avait toujours un garde se

23 trouvant à la porte de cette pièce et qui assurait leur sécurité.

24 Q. Qui a eu cette idée de mettre des soldats de la JNA dans une pièce

25 séparée ? Le savez-vous ?

26 R. Oui. En sachant que la guerre provoque parfois beaucoup de

27 comportements qu'on ne peut pas contrôler et à Vukovar, ont été tués les

28 enfants et les personnes âgées de 80 ou 90 ans dans des maisons de retraite

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1 et des enfants âgés de six mois. Il fallait prévenir que ces soldats soient

2 exposés à des situations comme cela et c'est pour cela que le Dr Bosanac et

3 moi-même avons décidé de les mettre dans une pièce à part.

4 Q. Est-ce que vous connaissiez un soldat de la JNA qui s'appelait Sasa

5 Jovic ?

6 R. Oui. Il y avait deux groupes de membres de la JNA. L'un des deux

7 s'appelait Sasa Jovic, l'autre s'appelait Sinisa Miljkovic et le troisième

8 s'appelait Pavle Teofanovic. Il y en avait trois qui étaient dans la même

9 pièce, grièvement blessés.

10 Sasa Jovic était officier et quand il s'est porté mieux et quand il a

11 vu comment était le traitement envers lui-même et envers d'autres blessés

12 dans l'hôpital, il a demandé de parler avec le général Raseta et à cette

13 occasion-là, il lui a dit : Monsieur le Général, ils sont en train de

14 sauver nos vies et vous, vous êtes en train de détruire l'hôpital ou nous-

15 mêmes nous trouvions. Il ne faut pas que vous détruisiez l'hôpital parce

16 que dans cet hôpital, tout le monde est traité de la même façon,

17 indépendamment de leur appartenance ou des uniformes qu'ils portent.

18 Q. Je vous remercie. Vous souvenez-vous quand Jovic -- si on prend la date

19 du 18 novembre comme point référence, pouvez-vous vous souvenir quand Jovic

20 a téléphoné et a parlé à Raseta ?

21 R. Je ne peux pas me souvenir de la date exacte, mais c'était dix jours ou

22 même plus avant que l'hôpital n'ait été occupé, l'hôpital de Vukovar.

23 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous connaissiez un monsieur qui

24 s'appelait docteur Ivankovic ?

25 R. Oui.

26 Q. Qui était le docteur Ivankovic ?

27 R. Mladen Ivankovic était un bon chirurgien qui est arrivé à l'hôpital de

28 Vukovar plus tard. Nous considérions, nous, les autres chirurgiens

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1 ordinaires, c'est-à-dire, les chirurgiens qui n'appartenaient pas au parti

2 ou à la Ligue des Communistes, on pensait toujours qu'il était arrivé selon

3 une directive du parti de la Ligue des Communistes parce qu'il était

4 secrétaire de la cellule de la Ligue des Communistes à l'hôpital de

5 Vukovar. Très vite, il a obtenu une parcelle qui avait un bon emplacement

6 par rapport à d'autres médecins qui travaillaient à l'hôpital de Vukovar et

7 qui ont contribué à l'amélioration de la situation générale par rapport à

8 la santé à Vukovar.

9 Q. Connaissez-vous Tomislav Djuranac ?

10 R. Djuranac, Tomislav Djuranac. Il travaillait à Borovo en tant que

11 médecin généraliste. D'ailleurs, il n'a pas été considéré dans le milieu

12 des médecins comme quelqu'un qui jouissait d'un grand respect parce que

13 parfois, il buvait trop.

14 Q. Je vous remercie. Je vais revenir maintenant à l'époque où vous vous

15 êtes rendu à Sid, le 10 [comme interprété] et où vous avez été capturé, je

16 dirais, par la JNA. Que s'est-il passé par la suite ?

17 R. Après être arrivé à Sid, on nous a fait descendre du véhicule de

18 transport de troupes. On nous a fait monter à bord d'un véhicule où se

19 trouvaient des sièges en métal; il y avait des sièges à l'intérieur. Il

20 faisait déjà nuit. A bord de ces véhicules, on est arrivé à Belgrade.

21 A Belgrade, on est arrivé à la caserne à Dedina. Nous sommes arrivés

22 à la caserne, mais nous ne sommes pas restés à la caserne. Le lendemain,

23 nous sommes arrivés à Sremska Mitrovica, au camp de Sremska Mitrovica; nous

24 y sommes arrivés vers quatre heures du matin, c'est-à-dire, déjà, c'était

25 le 21 novembre 1991.

26 Q. Brièvement, pouvez-vous nous dire ce qui est arrivé là-bas ?

27 R. Lorsqu'on est descendu du véhicule -- d'abord, il faut que dise qu'à

28 Negoslavci, Anto Aric nous a rejoint, moi et le Dr Bosanac. Par Belgrade,

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1 Sremska Mitrovica, on a continué notre visage et à Sremska Mitrovica, au

2 moment où on est descendu du véhicule, on nous a malmené physiquement et on

3 nous a obligé à baisser la tête et de mettre nos mains derrière le dos et

4 on nous a fait entrer dans un bâtiment.

5 Aric et moi, nous sommes entrés dans ce bâtiment. On nous a ordonné

6 de nous déshabiller. Ils ont fouillé nos vêtements. Nous y sommes restés à

7 peu près une demi-heure; nous étions nus, il faisait très froid et après

8 cela, on nous a permis de nous rhabiller. Ils nous ont tout pris, tout ce

9 qui se trouvait dans nos poches et ils nous ont emmené dans une prison qui

10 se trouvait dans le camp, dans la pièce numéro 6, au deuxième étage.

11 Q. Que s'est-il passé là-bas ? Pendant combien de temps êtes-vous resté

12 là-bas ?

13 R. J'y suis resté 17 ou 18 jours. Presque quotidiennement, ou au

14 moins très souvent, on nous faisait sortir pour nous interroger, même

15 pendant la nuit, à n'importe quelle heure de la nuit. Cela arrivait, bien

16 sûr, qu'on nous a menacés lors de ces interrogatoires. J'ai été interrogé

17 par le colonel Stanko. Je ne peux pas dire qu'il m'a battu et qu'il m'a

18 malmené, qu'il m'a insulté. Quand même, après, que j'ai été sorti de cette

19 pièce, j'avais des problèmes physiques.

20 Mais dans le bâtiment où se trouvait la prison du camp, le

21 Dr Bosanac, Ante Aric et moi-même, Ante Aric, on l'a séparé tout de suite

22 après que nous étions entrés dans le bâtiment, et devant nous - je ne

23 trouve pas la juste expression pour exprimer cela - ils l'ont battu très

24 sauvagement. En tant que médecin, j'étais étonné par le fait de voir

25 quelqu'un qui a survécu à de tels passages à tabac. Ils ont fait cela en

26 quelque sorte pour nous souhaiter la bienvenue dans ce camp.

27 Q. Je vous remercie.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, nous sommes obligés de

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1 lever l'audience parce qu'il faut qu'on cède le prétoire à une autre

2 Chambre.

3 Monsieur le Docteur, je m'excuse, mais nous sommes obligés de vous

4 demander de revenir lundi pour continuer votre témoignage. Nous

5 travaillerons la semaine prochaine l'après-midi. Nous commencerons à 14

6 heures 15.

7 L'audience est levée et nous continuerons nos travaux lundi.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le

9 14 novembre 2005, à 14 heures 15.

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