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1 Le lundi 23 janvier 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, et bienvenu à tous en cette
6 année 2006.
7 Monsieur Moore.
8 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais dans un premier
9 temps soulever quelques questions administratives et ce pour aider la
10 Chambre. Juste avant Noël, la Chambre nous avait demandé ce qu'il en était
11 en matière de communication de pièces. Je dirais que nous avons vérifié à
12 nouveau ce qui devait faire l'objet de communication conformément à
13 l'article 68 et 66 parce qu'avant cette date nous avions pris en compte
14 d'autres éléments. Je dois dire que nous avons trouvé des documents
15 supplémentaires qui doivent être présentés à la Défense. Il s'agit à la
16 fois de l'article 66 et l'article 68. Il s'agit de témoins ou de
17 déclarations de témoins. Pour certains de ces témoins, ils ont déjà fait
18 des déclarations au cours du trimestre dernier, mais il se peut que
19 certains de ces témoins doivent être rappelés, mais de façon abrégée en
20 quelque sorte. Je sais, en fait, qu'ils demanderont à avoir jusqu'à lundi
21 prochain, lorsque je dis ils entendent nos estimés confrères de la Défense
22 pour préciser dans quelle mesure ils auront besoin de ces documents
23 supplémentaires.
24 Deuxièmement, pour ce qui est du témoin qui a fourni une déposition et qui
25 a été en partie entendu, nous avons trouvé un autre témoin dont je ne
26 souhaite pas mentionner le nom en audience publique, mais mes collègues de
27 la Défense savent de quoi je parle. Nous aimerions en fait que ce témoin
28 comparaisse, mais cela sera fait seulement lorsque le témoin qui a déjà été
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1 en partie entendu aura donné sa déposition.
2 Puis, je ne pense pas qu'il y aura de problème à ce sujet pour ce qui
3 est de notre calendrier.
4 Pour ce qui est des faits admis, j'aimerais juste indiquer qu'à propos de
5 ce que j'appellerais la déposition de Mercep, il s'agit en fait d'une
6 déposition d'ordre général sur ce qui s'est passé en mai, en juin. J'ai
7 indiqué à mes estimés confrères, lors d'une réunion avec eux, que nous
8 avons quelques documents confidentiels à propos de Mercep et nous ne
9 souhaiterions pas le communiquer. Nous leur avons indiqué les raisons de
10 façon générale, et nous leur avons dit que s'ils souhaitaient rédiger ou
11 présenter un projet de document avec les faits admis ou à propos de tout
12 autre fait, ils pourront le faire et nous consulterions bien entendu ce
13 document. Je ne pense pas que cela créera de problèmes, et cela ne créera
14 pas non plus de problèmes d'ordre administratif.
15 Je pense que mes estimés confrères vont certainement présenter des
16 requêtes.
17 Finalement, c'est quelque chose d'ordre personnel, j'aimerais
18 indiquer, mais je ne vais pas le faire en audience publique, les raisons
19 pour lesquelles nous ne pourrons pas siéger vendredi.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore. Je
21 suppose que vous avez discuté cette question du vendredi avec vos collègues
22 de la Défense ?
23 M. MOORE : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
25 M. MOORE : [interprétation] C'est exact. De toutes façons, j'ai pris langue
26 avec eux pour tout ce que je viens de vous parler.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous des objections à ce que la
28 Chambre ne siège pas vendredi, et ce, pour prendre en considération la
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1 situation de M. Moore ?
2 M. VASIC : [interprétation] Non. Nous n'avons aucune objection, Monsieur le
3 Président.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Vasic.
5 La Chambre indique, donc, qu'elle ne siègera pas vendredi de cette semaine-
6 ci, bien entendu.
7 M. MOORE : [interprétation] Mon éminent collègue --
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois que M. Lukic souhaite
9 intervenir. Il est debout.
10 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
11 voulais parler des éléments qui ont été soulevés par mon collègue de
12 l'Accusation. Je parle de toute la pléthore de documents qui ont été
13 présentés à l'équipe de la Défense entre la mi-décembre et aujourd'hui.
14 C'est le bureau du Procureur qui nous a présenté ces documents, et nous
15 avons présenté une promesse à la Chambre de première instance. Nous avons
16 respecté cette promesse. Nous nous y sommes tenus. Nous avons à bonne
17 escient utilisé la période des vacances judiciaires de Noël et nous avons
18 réussi à ne pas avoir de questions en suspens et des communications
19 tardives au début de ce procès. La Défense s'est acquittée de cette tâche
20 qui lui a été confiée. Maintenant, nous nous retrouvons dans la situation
21 suivante : Le bureau du Procureur nous a présenté 4 500 pages de documents
22 conformément à l'article 66(2)(A) et l'article 68. Ce qui préoccupe
23 vivement la Défense est que sur les 14 témoins qui ont déjà été entendus,
24 nous avons reçu des déclarations à propos de huit de ces témoins, et ce, en
25 fonction conformément à l'article 66 (A)(ii).
26 La Défense est particulièrement préoccupée par ce genre de pratique, car à
27 long terme il se peut que cela ait une incidence négative sur la
28 préparation de notre Défense et sur la stratégie que nous allons retenir
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1 notre contre-interrogatoire. La Défense persiste en disant que les témoins
2 sont convoqués par le bureau du Procureur et ils doivent venir avec les
3 documents pertinents qui doivent être présentés. Parce qu'il ne faut pas
4 oublier dans un premier temps les intérêts de nos clients, ainsi que les
5 devoirs et obligations de la Défense conformément au Statut, par ailleurs,
6 pour ne pas retarder trop le procès, pour expédier cela, nous pensons que
7 c'est un processus auquel la Défense devrait pouvoir contribuer, les
8 équipes de la Défense aimeraient avoir jusqu'à lundi, et ce, pour annoncer
9 notre point de vue à propos des témoins qui devront convoqués à nouveau à
10 la barre, et nous aimerions dire sur quelle partie de leur déposition les
11 témoins vont être interrogés par la Défense.
12 La Défense souhaite utiliser ce temps qui a été mis à notre
13 disposition afin d'examiner toutes les circonstances qui prévalent. Nous
14 souhaitons offrir à nos clients ce qui est tout à fait leur droit dans un
15 premier temps, et nous ne voulons pas par trop encombrer la procédure.
16 Toutefois, il nous semble que cette méthode de communication des documents
17 est une méthode qui va certainement continuer à l'avenir. Nos confrères
18 nous ont fait état de problèmes dont ils n'étaient pas conscients au départ
19 -- ou des problèmes que le bureau du Procureur a rencontrés en début de
20 procès.
21 Toutefois, la Défense est d'avis que quelque soient les causes qui
22 expliquent la situation dans laquelle nous nous trouvons, cette pratique,
23 en règle générale, nuit à la Défense, porte tort à la Défense. C'est pour
24 cela que j'aimerais demander à mon confrère de nous informer du moment ou
25 de la date où le bureau du Procureur a obtenu ces documents conformément à
26 l'article 66(A)(ii), et ce, à propos des témoins qui ont déjà été entendus
27 ou des témoins qui ont été partiellement entendus seulement, et ce, afin
28 d'éviter que cette pratique soit utilisée à l'avenir.
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1 A propos des documents que nous avons reçus, mon confrère va
2 certainement s'exprimer plus longuement que moi en la matière.
3 Je souhaiterais, toutefois, soulever deux questions. Premièrement, il
4 s'agit du témoin qui n'a été que partiellement entendu. La Défense de M.
5 Sljivancanin doit encore procéder au contre-interrogatoire de ce témoin.
6 Nous avons reçu une nouvelle déclaration à propos de ce témoin, et je me
7 demande si les autres membres des équipes de la Défense pourraient avoir la
8 possibilité de poser encore des questions au témoin ? Je pense que ce
9 serait une mesure juste et équitable.
10 Puis deuxièmement, et c'est à la suite de tout le travail que nous
11 avons fait au cours de cette période, la Défense a été à même de faire ce
12 que nous avions promis à la Chambre de première instance. Nous avons
13 retrouvé la trace de M. Raseta. Nous lui avons posé des questions à propos
14 de la signature contestée pour le document MFI 40, le document maintenant
15 était marqué aux fins d'identification. Je dois vous dire qu'il a confirmé
16 l'authenticité de ladite signature. Ce qui fait que nous ne contestons plus
17 le fait qu'il a véritablement signé ce document et nous examinerons cette
18 question en temps voulu.
19 Je vous remercie, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges.
20 C'est tout ce que j'ai à vous dire pour le moment.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vasic,
22 et je m'excuse car je regardais de l'autre côté de la table lorsque je vous
23 ai donné la parole.
24 Je souhaiterais dire ce qui suit. Vous avez demandé, me semble-t-il,
25 d'avoir l'autorisation de reprendre le contre-interrogatoire s'il y a une
26 déclaration supplémentaire ou une déclaration qui vous est présentée et qui
27 vous permet de débusquer de nouveaux domaines ou qui vous permet
28 d'introduire ou qui introduit de nouveaux éléments. Il est évident que
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1 vous-même ainsi que M. Moore serez à même, je suppose, de parvenir à un
2 accord afin de voir s'il est justifié que vous repreniez le contre-
3 interrogatoire. Maître Lukic, vous souhaitez maintenant avoir voix au
4 chapitre ?
5 M. LUKIC : [interprétation] Messieurs les Juges, pour ce qui est des autres
6 participants a la procédure, je voudrais ne pas me répéter, mais dire
7 quelques mots encore sur ce sujet qui, à mon avis, revêt beaucoup
8 d'importance pour ce qui est de la position adoptée par la Défense
9 concernant les témoins qui sont déjà venus témoigner.
10 A l'occasion du contre-interrogatoire, nous avons été contents d'entendre
11 votre approche concernant le contre-interrogatoire. Je dirais que vous nous
12 avez toujours donné la possibilité d'organiser notre ligne de contre-
13 interrogatoire afin que des pauses inutiles ne soient pas faites et le tout
14 aura des fins d'efficacité. Le fait est que nous avons recueilli de
15 nouvelles dépositions pour ce qui est de témoins qui ont déjà témoigné ici,
16 et cela nous apportait tort. Je dois le dire pour les besoins du compte
17 rendu d'audience. Nous allons avoir d'autres témoins que nous allons
18 pouvoir réinterroger pour ce qui est des parties qui n'ont pas été tout à
19 fait cohérentes au sujet de ce qu'ils ont déjà dit, et c'est justement de
20 cela qu'il s'agit. Cela porte atteinte à ce que nous aurions pu obtenir à
21 l'époque à l'occasion du contre-interrogatoire. C'est ce qui préoccupe la
22 Défense, parce que cela est déjà arrivé. Si déjà il y a eu des torts nous
23 concernant, nous voudrions que vous influez sur l'Accusation pour que,
24 s'agissant des autres témoins, les mêmes circonstances ne se réitèrent pas
25 pour que nous voyons des questions qui viendraient à être réaborder dans le
26 cadre d'un contexte où il conviendrait de situer les choses pour interroger
27 le témoin, comme cela aurait dû être fait au départ.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quelquefois.
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1 M. LUKIC : [interprétation] Une chose que je dois souligner --
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'après mon expérience, je dois
3 dire que cela se passe effectivement ainsi. Parfois, il survient des
4 possibilités tout à fait nouvelles. Il n'est pas possible de présenter une
5 vérité universelle à ce sujet.
6 M. LUKIC : [interprétation] Vous avez, certainement, Monsieur le
7 Juge, beaucoup plus d'expérience à cet effet que nous-même. Nous nous
8 référons notamment à l'expérience qui est la nôtre, s'agissant des témoins
9 qui ont déjà témoigné ici; je suis d'accord avec vous pour dire que cela
10 n'est pas une règle générale. Mais, ce qui nous a préoccupé, est-ce que
11 nous avons déjà dit cela, ne se rapporte pas à cette équipe de
12 l'Accusation, mais à l'Accusation en général. C'est une troisième situation
13 déjà où la Défense est venue à être placée dans une situation où ses droits
14 à une défense équitable se trouvaient être mis en péril. Vous vous
15 souviendrez qu'il a été accordé un temps additionnel à la Défense pour ce
16 qui est de la grande quantité, la pléthore de documents qui nous a été
17 communiquée au début du procès. Vous vous souviendrez aussi qu'il y a eu
18 des addenda de dépositions 24 heures avant la comparution de certains
19 témoins dans le prétoire. Cela a été rectifié entre-temps, donc cela
20 n'arrive plus, mais nous voyons ce qui arrive. Je voudrais que vous vous
21 penchiez sur les PV du 65 ter et de la Conférence de mise en état en
22 février 2004, au moment où les trois équipes de Défense ont demandé à
23 l'Accusation de communiquer la totalité des pièces dont il disposait. Le
24 représentant du bureau du Procureur avait, à ce moment-là, dit qu'il ne
25 voulait pas nous ensevelir de documents. Or, nous savions qu'il fallait que
26 nous bénéficions d'un temps suffisant tant pour le procès que pour la
27 période préalable au procès. Je ne voudrais pas être trop long, mais je
28 voulais juste vous communiquer pour le besoin du compte rendu d'audience
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1 les observations qui sont les nôtres.
2 Je tiens à corriger une petite erreur de compte rendu d'audience.
3 J'ai dit 24 heures avant le début d'une audience et non pas 20 minutes
4 avant le début d'une audience publique, pour ce qui est de la communication
5 d'addendum.
6 Nous voudrions que le procès se déroule à une cadence appropriée et
7 nous ne voudrions pas qu'il y soit des ralentissements ou des ajournements,
8 mais nous voudrions que l'on nous dise quels sont les témoins, si tant est
9 qu'il en est qui devrait être re-cité à comparaître. Il appartiendra, bien
10 entendu, aux Juges de la Chambre de prendre une décision finale à cet
11 effet. Je vous remercie.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
13 Monsieur Moore, il a été question du très grand nombre de documents qui ont
14 été présentés pour la première fois pendant les vacances. Est-ce que vous
15 pourriez indiquer ce qu'il en est à la Chambre ?
16 M. MOORE : [interprétation] Voilà quelle est la situation. Comme vous le
17 savez, il y avait une requête qui avait été présentée pour que ce procès
18 soit transféré aux termes de l'article 11 bis. Il y avait des documents du
19 bureau du Procureur qui existaient à l'époque, qui n'ont pas été présentés.
20 Une décision a été prise en vertu de laquelle puisqu'il pensait qu'aux
21 termes de l'article 11 bis une autre juridiction allait entendre cette
22 affaire. Ces documents n'ont pas été présentés.
23 Puis, lorsque la Chambre nous a rappelé qu'il fallait peut-être que nous
24 procédions à des vérifications, et si lors de cette deuxième vérification
25 qu'en décembre un ensemble de documents qui n'avait pas été communiqué,
26 d'après nous faisait partie de la catégorie des documents qui devaient être
27 communiqués. Je présente des excuses à mes estimés confrères de la Défense,
28 et ce, au nom du bureau du Procureur. Je sais que cela ne les aide peut-
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1 être pas forcément. Mais ces documents avaient été découverts et ils
2 auraient probablement été communiqués en avril ou en mai de l'année
3 dernière, parce qu'ils étaient disponibles à ce moment-là. Puis, une
4 décision a été prise -- non pas la décision de ne pas présenter ces
5 documents à dessein, mais il était question de transmettre cette affaire à
6 une autre juridiction. C'est pour cela nous en avons parlé d'ailleurs au
7 juriste hors classe, et voilà pourquoi ces documents n'ont pas été
8 présentés aussi rapidement que possible.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quand est-ce que ces documents ont été
10 présentés, Monsieur Moore ?
11 M. MOORE : [interprétation] Je pense que nous les avons découverts au début
12 du mois de décembre, en quelque sorte, et ces documents ont été présentés
13 avant Noël et après Noël. Il n'y a pas eu qu'un seul jeu de documents. Un
14 document en a amené un autre, ce qui fait que dès que nous les avons
15 découverts -- il ne faut pas oublier que j'étais à Belgrade jusqu'au 22 au
16 23, et j'étais en contact avec Me Lukic pour l'informer du fait que des
17 documents qui de toute évidence aurait dû être communiqués n'avaient pas
18 été communiqués.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez parler du mois de décembre
20 ou du mois de janvier.
21 M. MOORE : [interprétation] Non, du mois de décembre.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
23 M. MOORE : [interprétation] J'avais une correspondance avec
24 Me Lukic. De toute façon, j'ai été en contact avec Me Lukic également.
25 Je vais juste vous demander de m'accorder une petite seconde pour
26 vérifier cela.
27 Je précise que les dates que je viens d'avancer sont exactes. Certains
28 documents ont -- et un grand nombre de documents ont été communiqués avant
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1 notre Noël.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez maintenant
3 communiqué tous les documents dont vous êtes conscient ?
4 M. MOORE : [interprétation] Oui. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres
5 documents, à part les documents relatifs à Mercep. Car manifestement, il y
6 a des documents relatifs à Mercep. Je ne voudrais surtout pas aborder une
7 discussion à ce sujet en audience publique maintenant. Ce que j'ai dit à
8 mon confrère c'est que, plutôt que d'avoir une joute oratoire juridique à
9 propos de la recevabilité ou non de ces documents, si la Défense présentait
10 à l'Accusation une série de ce qui, d'après eux, représente des faits
11 admis, je serais, à ce moment-là, en position de voir si je peux marquer
12 mon accord avec ces faits, ce qui fait qu'ils n'auront pas besoin de
13 procéder au contre-interrogatoire. Il n'y a rien dans ces documents qui me
14 pousse à croire qu'il s'agit de documents à décharge. Mais de toute façon,
15 dans la juridiction que je connais, lorsqu'il s'agit de documents litigieux
16 en quelque sorte, ou qui pourraient le devenir, il suffit de dire à la
17 Défense et à l'Accusation et de fournir tous les documents et de voir
18 quelles sont les options qui sont considérées. Je pense, de toute façon,
19 qu'il faudra que nous en venions à une requête ex parte. C'est pour cela
20 que j'indique d'ores et déjà à la Défense qu'il va y avoir une requête ex
21 parte à propos d'un sujet, et eux sauront ce dont il s'agit.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Mais si vous faites
23 abstraction des documents Mercep, j'aimerais savoir si vous avez communiqué
24 tous les documents pertinents.
25 M. MOORE : [interprétation] Nous avons, jusqu'à présent, communiqué tous
26 les documents pertinents. Mais pour être très, très honnête avec vous, au
27 vu de la situation, nous avons décidé de revérifier tout cela.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore. Je
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1 pense qu'au vu de la situation, il n'est pas besoin que la Chambre rende
2 une décision ou une ordonnance pour le moment. Il est évident que nous
3 allons accorder à la Défense jusqu'à lundi, comme ils l'ont indiqué, afin
4 que la Défense nous informe si les témoins devront être convoqués à
5 nouveau. S'il y a des problèmes, nous étudierons ces problèmes au moment où
6 nous serons informés de ces problèmes. Pour le moment, il n'y a pas de
7 retard pour ce qui est des documents qui sont connus de M. Moore et qui
8 doivent être communiqués, donc je pense que nous pouvons véritablement
9 maintenant attendre l'évolution de la situation.
10 Monsieur Moore, est-ce que nous pouvons poursuivre ?
11 M. MOORE : [interprétation] Mon estimée consoeur va interroger le témoin
12 suivant.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Tuma.
14 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je voudrais que vous preniez cette
19 carte qu'on vous tend pour nous donner lecture de sa teneur.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 LE TÉMOIN: ARNAUD VAN LYNDEN [Assermenté]
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
24 asseoir.
25 Madame Tuma.
26 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Interrogatoire principal par Mme Tuma :
28 Q. [interprétation] Je demanderais au témoin de nous indiquer son nom et
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1 prénom.
2 R. Je suis Aernaut van Lynden.
3 Q. Quelle est votre profession à présent ?
4 R. Je suis à présent employé en tant que professeur à l'université
5 américaine, en Bulgarie.
6 Q. Je voudrais demander à M. le Témoin, M. Van Lynden, de nous faire une
7 présentation de sa carrière professionnelle.
8 R. J'ai commencé à travailler comme journaliste en 1979 pour un journal
9 néerlandais qui se trouvait être publié ici à La Haye. Je suis allé au
10 Proche-Orient, en Europe du sud. En septembre 1980, je suis allé à Bagdad,
11 lorsque Saddam Hussein a lancé sa guerre contre l'Iran. J'ai couvert le
12 conflit des deux côtés en 1980. En 1981, j'ai commencé à travailler comme
13 journaliste freelance pour la radio BBC, pour le journal de Washington
14 Post, et j'ai été observateur des journaux de la Grande-Bretagne. J'ai
15 également suivi les guerres au Liban, en Iran-Irak, et l'occupation
16 soviétique de l'Afghanistan.
17 En 1986, j'ai travaillé à Londres. Puis, je suis passé travailler pour la
18 télévision. En 1988, j'ai fait partie des effectifs de la télévision Sky,
19 de Sky News. Il s'agit là d'une chaîne ou pendant 24 heures sur 24, on émet
20 des informations. J'y ai travaillé jusqu'en 2001. J'ai couvert différentes
21 crises en Europe de l'est en 1989, y compris la révolution roumaine en
22 décembre 1989, la guerre du Golfe en 1990 et 1991, et à partir de juin 1991
23 et au-delà, j'ai suivi les différents conflits qui ont suivi le
24 démantèlement de la Yougoslavie.
25 Q. Merci, Monsieur Van Lynden. Donc, vous avez travaillé comme journaliste
26 et vous avez couvert différents événements de guerre. Alors dites-nous
27 quelle a été votre spécialité en votre qualité de journaliste ?
28 R. Je dirais que j'ai été notamment un journaliste chargé des questions
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1 politiques et militaires.
2 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce que vous avez commencé à
3 travailler sur ces sujets, à savoir, quand est-ce que vous avez commencé à
4 couvrir les conflits de guerre en tant que correspondant ?
5 R. J'ai d'abord couvert la guerre au Liban et je suis arrivé au Liban en
6 1979. Cela s'est passé au tout début de ma carrière de journaliste.
7 Q. Pouvez-vous nous dire quels sont les types de conflits que vous avez
8 suivis et au sujet desquels vous avez présentés des rapports ?
9 R. J'ai couvert bon nombre de conflits entre les armées des deux nations,
10 à savoir l'Iran et l'Irak, et les conflits au sein d'une même société,
11 notamment s'agissant du conflit au Liban où différentes milices ou groupes
12 armés intervenaient les uns contre les autres. Vous savez qu'il y avait des
13 Palestiniens, les forces chrétiennes, les forces musulmanes, et il y avait
14 également une armée israélienne et une armée syrienne d'impliquer. Bien
15 entendu, ce type de conflit se diffère grandement des conflits où il y a
16 deux Etats en état de guerre, comme cela a été le cas entre l'Iran et
17 l'Irak, ou lorsqu'il s'agissait de l'attaque lancée par l'Irak contre le
18 Koweït, en 1991. Vous aviez donc là des forces armées organisées d'un pays
19 combattant celles d'un autre pays. Pour les journalistes il est beaucoup
20 plus facile d'opérer dans une sorte de situation telle que le conflit civil
21 qui prévalait au Liban, où il s'agissait de traiter de différentes forces
22 armées, et lorsque ces forces sont nombreuses, cela est bien plus difficile
23 puisqu'il y a beaucoup plus de contrôle d'exercer à l'égard des
24 journalistes.
25 Q. Merci, Monsieur Van Lynden.
26 Pendant que vous rapportiez ce qui se passait au cours de ces
27 différents conflits, veuillez nous indiquer quelles sont les expériences
28 que vous avez acquises à l'époque. Est-ce que vous avez pu suivre la guerre
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1 de l'intérieur ou est-ce que vous la suiviez de loin ?
2 R. En tant que correspondant de guerre, on peut faire bon nombre de
3 choses. L'une des possibilités, c'est de se trouver en tant que journaliste
4 sur la ligne de front et d'essayer de suivre directement ce qui se passe de
5 part et d'autre. Bien entendu, lorsqu'il s'agissait d'une guerre comme
6 celle entre l'Iran et l'Irak, il n'était pas possible de traverser les
7 lignes de conflit. On pouvait se trouver du côté de l'une des puissances en
8 présence ou de l'autre. Cela n'a pas été possible non plus, par exemple, en
9 1991, lors de la guerre en Croatie. Mais cela a été possible en 1992 et
10 jusqu'en 1995 en Bosnie-Herzégovine. On a pu aller sur différentes lignes
11 de front pour voir quels sont les types d'armes utilisés, quel est le type
12 d'organisation des différentes unités, quel est le commandement et le
13 contrôle exercé par les uns et les autres, quels sont les comportements
14 tactiques et stratégiques des forces armées en présence, et donc il y a là
15 différents aspects dont peut prendre connaissance un journaliste s'agissant
16 du conflit en cours. Bien entendu, le journaliste doit également prendre
17 connaissance de différents aspects, mais l'un des aspects essentiels c'est
18 d'aller sur la ligne de front pour constater ce qui se passe et observer
19 des soldats, les officiers qui sont impliqués dans la guerre qui est en
20 cours.
21 Q. Merci. Est-ce que vous avez des connaissances militaires que vous
22 auriez acquises ?
23 R. Je suis hollandais. J'ai fait mon service militaire, qui existait
24 encore à titre obligatoire en 1970, et à ce titre-là, j'ai servi dans le
25 Corps royal de la marine. Nous avons fonctionné, à l'époque, en tant
26 qu'unité tout à fait professionnelle. Pendant un an, j'ai suivi une
27 formation d'officier de réserve et je suis devenu sous-lieutenant. J'ai
28 passé encore deux ans et demi au sein de ce service avant que de devenir
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1 journaliste.
2 Q. Quand est-ce que cela s'est produit ?
3 R. A partir de l'été 1976 jusqu'à la fin de 1978.
4 Q. Merci. Monsieur Van Lynden, vous avez couvert la guerre en ex-
5 Yougoslavie. Est-ce que vous pouvez nous donner un résumé de ce que vous
6 avez fait. Est-ce que vous aviez un bureau à partir duquel vous
7 interveniez, et si c'est le cas, comment ce bureau se trouvait-il être
8 organisé ?
9 R. Je suis allé pour la première fois en Yougoslavie en juin 1991, ou
10 plutôt, j'ai été envoyé en Slovénie, vers la capitale de la Slovénie,
11 Ljubljana, à la date même où la Slovénie a déclaré son indépendance vis-à-
12 vis du reste de la fédération en Yougoslavie. Après avoir passé quelque
13 deux semaines en Slovénie, j'ai été retiré de là-bas et on m'a envoyé à
14 Belgrade pour couvrir la suite des événements à partir de Belgrade. Donc,
15 depuis la mi-juillet 1991 et au-delà, j'avais mon siège à Belgrade et j'ai
16 couvert le conflit entier entre les Serbes et les Croates du côté serbe,
17 étant donné que j'ai eu ma base à Belgrade. A Belgrade, Sky News avait des
18 contacts avec un homme qui travaillait à l'époque pour la télévision de
19 Belgrade, M. Cekic [phon], et cet homme nous a aidé à ouvrir un bureau au
20 départ à l'intérieur du bâtiment de la télévision de Belgrade. Il a trouvé
21 des Yougoslaves, des "freelance," non pas des Serbes, mais des Yougoslaves,
22 qui ont travaillé avec moi. J'avais également un interprète. En juillet
23 1991, nous avons travaillé avec des équipes de la télévision de Belgrade
24 qui se sont déplacées sur le terrain. A partir du mois d'août 1991, Sky
25 News a envoyé une équipe de caméramans et de monteur pour enregistrer ce
26 qui se passait sur le terrain. Nous avons continué à fonctionner ainsi
27 pendant cette période. Ce producteur d'information, pour ce qui est du
28 travail sur le terrain, a continué à travailler pendant toute la période où
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1 nous avons informé sur le conflit en Yougoslavie jusqu'en 1999.
2 Q. Merci. Alors, vous vous trouviez en mission en Yougoslavie, vous étiez
3 basé à Belgrade et pour autant que j'ai pu le comprendre, vous aviez une
4 équipe qui était envoyée sur le terrain pour couvrir les événements sur le
5 site. Vous nous avez dit que vous aviez trois personnes dans votre équipe.
6 Est-ce que c'est la composition habituelle ?
7 R. Non. Une équipe de télévision d'habitude se compose d'un correspondant,
8 d'un producteur d'information et d'un caméraman, avec une personne chargée
9 du son. Donc, il s'agit de quatre personnes.
10 Q. Fort bien. En plus de ce bureau à Belgrade, aviez-vous d'autres
11 bureaux ?
12 R. Sky News avait une équipe à part qui informait sur le conflit, mais du
13 côté croate en 1991. Pendant la guerre en Bosnie ultérieurement, nous
14 avions plusieurs équipes qui se trouvaient à différents sites en fonction
15 de ce qui se passait sur le terrain.
16 Q. Quand on en arrive à votre mission, puis s'agissant notamment de la
17 Croatie, vous avez accompli votre mission à partir de Belgrade ?
18 R. Oui.
19 Q. Avec votre équipe ?
20 R. Oui, en effet.
21 Q. Fort bien. Dites-nous, quand est-ce que vous êtes arrivé en Croatie
22 pour la première fois ?
23 R. En juillet -- ou plutôt, juste après notre arrivée à Belgrade, nous
24 sommes allés là-bas avec mon équipe vers la Bosnie, vers une ville appelée
25 Bihac, et nous nous sommes installés là-bas. Puis, nous sommes allés
26 jusqu'à la Banija, la région de la Banija. Nous sommes allés dans une ville
27 appelée Dvor Na Uni, et c'est là que nous avons rencontré des groupes armés
28 serbes, d'une milice serbe, à savoir un groupe qui était conduit par un
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1 homme appelé capitaine Dragan, et c'est cet homme-là qui nous a emmenés
2 jusqu'à la ville de Glina. Nous sommes restés plusieurs jours dans ce
3 secteur, et ensuite nous sommes allés à Knin dans la Krajina. C'était un
4 secteur à part au sein de la Croatie, et nous sommes restés là-bas pendant
5 plusieurs jours. Nous avons, une fois de plus, rencontré le capitaine
6 Dragan et une personne qui nous semblait exercer le contrôle là-bas et qui
7 s'appelait Milan Martic. A un moment donné, nous sommes retournés à
8 Belgrade parce que ce qu'il a été convenu d'appeler la troïka de l'Union
9 européenne, et je crois que c'était encore la Communauté européenne en ce
10 temps-là, cette troïka était arrivée pour des négociations avec la
11 direction de Belgrade. Donc, nous sommes revenus à Belgrade pour pouvoir
12 couvrir ces négociations. A partir de ce moment-là, nous n'avons plus
13 travaillé avec un caméraman serbe.
14 Q. A partir de ce moment-là, vous avez fonctionné avec un caméraman à
15 vous, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Fort bien. Quand est-ce que vous êtes allé pour la première fois vers
18 la Slavonie orientale ?
19 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, il s'agissait du mois de
20 septembre 1991. Peut-être cela s'est-il passé en fin août.
21 Q. Pourquoi ?
22 R. Le conflit ne faisait que s'étendre. Le conflit avait d'abord commencé
23 à Knin, dans la Krajina, et à cette époque, il y a également eu des
24 conflits de survenus en Slavonie orientale. Aussi sommes-nous allés là-bas
25 pour voir ce que nous pouvions apprendre à ce sujet là-bas. Au départ, nous
26 sommes entrés dans la Slavonie orientale en passant par le pont d'Erdut.
27 Ensuite, nous avons visité toute une série de sites, y compris, à un moment
28 donné, le site de Brsadin, qui se trouve à l'ouest, à savoir, au niveau du
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1 front nord, au nord de Vukovar et de Borovo Naselje. Il s'agit d'un site
2 qui revêt beaucoup d'importance étant donné que les Serbes se sont emparés
3 là-bas d'un silo. Or, la Slavonie de l'est est une région de plaines, ce
4 qui a constitué pour eux une espèce de côte ou de point élevé à partir
5 duquel ils ont pu observer tout ce qui se passait sur le terrain.
6 Q. Vous dites que vous avez été emmenés là-bas. Dites-nous qui est-ce qui
7 vous a emmenés là-bas, ou est-ce que vous y êtes allés sur votre propre
8 initiative ? Ou plutôt, a-t-il fallu s'adresser à une instance quelconque
9 pour obtenir l'autorisation de ce faire ? Je vous demande de nous expliquer
10 comment cela s'est passé.
11 R. L'une des choses fondamentales lorsqu'on se trouve être journaliste de
12 guerre, c'est de prendre des risques, mais ces risques doivent être des
13 risques soupesés. Il s'agit de déterminer quels sont les risques auxquels
14 on peut s'exposer ou pas. Alors, prendre sa voiture et aller sur le terrain
15 sans demander l'autorisation d'y aller et savoir ce qui se passait, serait
16 complètement dément. Pour ce qui est de traverser ce pont d'Erdut pour
17 arriver en Slavonie orientale, il s'agissait d'obtenir des autorisations de
18 la part du ministère fédéral de la Défense à Belgrade, pour aller de Sid
19 jusqu'à cette localité de Slavonski Brod et Vukovar. Donc, il s'agissait
20 d'avoir une autorisation pour passer par ces points de contrôle en Slavonie
21 orientale.
22 Q. Est-ce que vous avez reçu une autorisation de nature générale ou est-ce
23 qu'il fallait avoir des autorisations différentes ? Comment cela se
24 passait-il dans la pratique ?
25 R. Pour autant que je m'en souvienne, pour chaque journée il s'agissait de
26 se procurer une autorisation à part. Ce qui signifie qu'avec mon assistant,
27 je suis allé au ministère ou plutôt au bureau de la presse, et nous avons
28 dû expliquer là-bas ce que nous souhaitions faire, et on nous disait alors
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1 qu'ils nous fallait des autorisations appropriées et que ces autorisations
2 allaient nous être délivrées au quotidien. M. Kusavac allait d'habitude au
3 ministère en fin d'après-midi ou au soir pour avoir les autorisations pour
4 la journée d'après. Nous sommes allés d'habitude Sid et Tovarnik, parce
5 qu'on ne pouvait pas traverser le Danube à ce moment-là. Donc, nous
6 prenions l'autoroute de la Serbie vers la Croatie, et à ce moment-là
7 l'armée avait ouvert un bureau de presse à part dans la ville de Sid.
8 Q. Ces autorisations étaient-elles délivrées avec des conditions ?
9 R. Je ne m'en souviens pas, peut-être à l'occasion de certaines journées,
10 oui, mais d'habitude non.
11 Q. Est-ce qu'on vous a donné des raisons pour ce faire ?
12 R. Non.
13 Q. Est-ce que vous avez eu des journées où on ne vous pas autorisé ?
14 R. Je ne m'en souviens pas.
15 Q. Est-ce que vous aviez demandé un accès garanti ?
16 R. Je n'ai pas compris.
17 Q. Lorsque vous alliez aller à différents sites, est-ce que cette
18 autorisation d'y aller vous garantissait la possibilité d'accéder aux sites
19 que vous souhaitiez visiter ?
20 R. Non. Cela dépendait des unités que nous rencontrions une fois arrivé
21 sur place. On nous donnait d'habitude l'autorisation de passer de l'autre
22 côté. Je me souviens qu'à un moment donné, il me semble qu'il s'agissait
23 d'octobre 1991, lorsque nous avons traversé de Sid à Tovarnik, nous avons
24 roulé sur la route, nous avons rencontré plusieurs points de contrôle, de
25 contrôle militaire. Arrivé à un certain endroit, il nous a fallu prendre à
26 droite en direction de Negoslavci. Ce jour-là, nous nous sommes entretenu
27 avec un général de la JNA qui nous a dit que nous aurions accès à Vukovar
28 même. Mais on nous a stoppé en Negoslavci, et pour autant que je m'en
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1 souvienne, il s'agissait d'un homme que nous avions qualifié de commissaire
2 politique qui nous a dit que nous n'avions pas le droit d'aller au-delà.
3 Q. J'aimerais que vous consultiez, Monsieur Van Lynden, une carte, avec
4 l'aide de l'Huissier. Il s'agit d'une pièce à conviction qui porte la cote
5 103.
6 Je crois que vous verrez cela sur vos moniteurs, sur l'autre moniteur
7 à gauche.
8 Alors, cette carte fait partie d'un jeu de cartes mis à la
9 disposition des Juges de la Chambre.
10 Bien. Monsieur Van Lynden, est-ce que vous voyez cette carte ?
11 R. Oui.
12 Q. Bien. Je suppose que vous connaissez ce secteur ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous y êtes allés souvent ?
15 J'aimerais que vous nous montriez sur cette carte quel est l'itinéraire que
16 vous empruntiez d'habitude lorsque vous alliez dans le secteur. Vous nous
17 avez dit que votre bureau se trouvait basé à Belgrade, et à chaque fois que
18 vous deviez voyager, vous deviez demander une autorisation d'accéder au
19 territoire, disons qu'il s'agissait du territoire de la Croatie. Alors,
20 j'aimerais que vous nous montriez sur la carte quel est le chemin que vous
21 empruntiez pour accomplir ces missions.
22 R. La route principale que j'ai mentionnée est précisément cette autoroute
23 que je viens d'indiquer qui passe à côté de Sid. Il s'agit d'une autoroute
24 jusqu'à Sid, et cela a été la route que nous empruntions très souvent. Puis
25 ensuite, nous allions à Tovarnik et puis à Oriolik et d'Oriolik, nous
26 pouvions aller au nord vers Negoslavci, puis de Negoslavci, du moins vers
27 la fin des combats pour Vukovar, on nous a autorisé d'accéder à Vukovar
28 même. L'autre route se trouvait plus au nord, et le passage se situait au
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1 niveau d'Erdut; il s'agissait de traverser un pont sur le Danube. Pour ce
2 qui est des routes, je ne me souviens pas avec précision des routes que
3 nous avons empruntées. Je puis vous dire que ce n'est que deux ou trois
4 fois que nous sommes passés par Erdut. Autrement, nous prenons la route qui
5 passait par Sid.
6 Q. Lorsque vous alliez par Erdut, vous veniez de Belgrade; n'est-ce pas ?
7 R. Oui nous arrivions toujours de Belgrade, et vous voyez cela sur le côté
8 droit de la carte.
9 Q. Alors, j'aimerais que brièvement et en termes généraux, vous nous
10 précisiez quelles étaient les périodes de temps auxquelles vous empruntiez
11 ces routes. Vous alliez par Oriolik, Negoslavci et les autres localités.
12 Est-ce que vous pouvez nous situer la période ?
13 R. Il s'agissait de septembre et octobre. Puis, j'ai quitté pendant un
14 certain temps le pays, et je ne suis revenu qu'au mois de novembre. La
15 première fois, j'y suis allé le 12 novembre, et nous avons pu accéder
16 directement à Vukovar. Nous avons, en réalité, passé une nuit à Vukovar.
17 Lorsque nous passions par Sid et Tovarnik, au début, nous passions par ce
18 village d'Ilaca qui se trouve avant Oriolik. On voit ici sur la carte le
19 village d'Ilaca au-dessus de Tovarnik. Lorsque nous passions par là, les
20 maisons étaient encore en train de brûler. La dernière fois, nous n'avons
21 pas pris des véhicules qui n'étaient pas blindés, mais nous avons été
22 transportés dans un blindé de transport de troupes de la JNA.
23 Q. Merci. J'aimerais que vous nous fournissiez une description des
24 situations que vous avez rencontrées lorsque vous avez rencontré cette
25 route, comme vous venez de me l'indiquer. Quelles sont les choses
26 auxquelles vous prêtiez attention ? Avez-vous pu observer des destructions
27 au niveau des villages, par exemple -- enfin, dites-nous ce que vous
28 pouviez voir lorsque vous empruntiez cette route ?
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1 R. La première fois que nous sommes entrés dans Tovarnik, et je crois que
2 Tovarnik était tombée au moins de la JNA une semaine auparavant, on a pu
3 constater des destructions importantes à Tovarnik. Il y avait une église
4 catholique et une église orthodoxe. Les deux avaient été endommagées de
5 façon considérable.
6 Q. Je voudrais vous demander de parler un peu plus lentement.
7 R. Alors, je disais qu'il y a eu des dégâts importants au niveau des
8 maisons, du village. Il y avait là des civils, mais ils n'étaient que
9 Serbes. Il n'y avait plus de civils croates d'après ce qu'on nous a dit. On
10 nous a emmenés vers le village d'Ilaca, et comme je vous l'ai dit tout à
11 l'heure, des maisons étaient en train de brûler là-bas.
12 Q. Monsieur Van Lynden, vous avez parlé de dégâts significatifs. Alors,
13 est-ce que vous pouvez nous décrire cela, qu'entendez-vous par "dégâts
14 importants" ?
15 R. Je dirais que ces maisons dans la Slavonie orientale dans ces villages,
16 ces maisons n'ont pas une porte d'accès sur le front de l'immeuble, les
17 portes d'entrée se trouvent derrière la cour. D'abord, il faut entrer dans
18 une cour, puis ensuite accéder à la maison. Alors, nous avons pu constater
19 que chacune des maisons a été criblée de balles, et certaines maisons ont
20 été touchées par des obus ou des pièces d'artillerie plus lourdes, d'obus
21 antichar ou de pièces d'artillerie autres. Certaines maisons étaient
22 complètement détruites. A Tovarnik, je me souviens de certaines maisons
23 d'où s'échappait encore de la fumée. Il y avait, par exemple, l'église
24 catholique. A Ilaca, il y a eu des maisons qui étaient complètement
25 détruites ou encore en train de brûler. Je ne me souviens pas d'avoir vu
26 une seule maison à ne pas avoir été endommagée du tout. Certaines l'ont été
27 plus endommagées, d'autres moins, mais elles ont toutes étaient
28 endommagées.
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1 Q. Bien. Vous avez assez longtemps voyagé dans cette région. Est-ce que
2 vous pouvez nous dire s'il y a eu dégradation des dégâts ou est-ce que la
3 situation se présentait de la même façon pendant toute cette période ?
4 R. Je ne me souviens pas si les dégâts étaient moins importants, mais
5 comme je dis, le niveau de destruction était très élevé, c'était très
6 visible. Les maisons étaient incendiées, presque toutes. La même chose vaut
7 pour Oriolik, Negoslavci. Il y avait quelques dégâts, mais il ne semblait
8 pas que la situation s'était aggravée après que ces villes et villages
9 étaient tombés entre les mains de la JNA. Mais des dégâts assez importants
10 avaient été occasionnés aux maisons de ces villages ou lorsque les villages
11 avaient été capturés.
12 Q. Lorsque vous voyagiez par ces routes, est-ce qu'il y avait des points
13 de contrôle ?
14 R. Oui, il y avait des points de contrôle. Il y avait un point de contrôle
15 certainement à l'endroit où il y avait une frontière officielle entre la
16 Serbie et la Croatie, mais il y avait également des points de contrôle à
17 l'entrée des villages où l'on pouvait être arrêté. Entre les villages, il
18 n'y avait pas de points de contrôle, et la route, qui se trouvait entre
19 Tovarnik et Oriolik, était une route assez dangereuse à prendre puisqu'il y
20 avait des champs de maïs qui longeaient la route, et pendant la durée du
21 conflit de Vukovar, ces champs de maïs n'avaient pas été nettoyés par la
22 JNA. De temps en temps, ces derniers étaient utilisés par les snipers, les
23 tireurs embusqués croates, qui prenaient, par exemple, une petite échelle,
24 la montaient dans ces champs de maïs, montaient dessus. Cela leur
25 permettait de tirer sur certaines personnes. Il nous est arrivé à plusieurs
26 reprises de nous faire tirer dessus, et les soldats de la JNA s'étaient
27 également plaints à nous que cela leur était arrivé à plusieurs reprises au
28 cours des mois pendant lesquels les combats faisaient rage à Vukovar.
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1 Q. Je vous remercie. Je voudrais demander maintenant que l'on verse au
2 dossier la carte et que l'on y attribue une cote.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, certainement.
4 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette carte portera la cote P134,
6 Monsieur le Président, Monsieur, Madame les Juges.
7 Mme TUMA : [interprétation]
8 Q. Vous voyagiez dans cette région, et avant d'entrer dans Vukovar le 12
9 novembre, comme vous nous avez dit un peu plus tôt, qu'est-ce que vous avez
10 remarqué concernant la présence de l'armée dans cette zone ? Quelle était
11 l'armée que vous avez remarquée ? De quel genre d'équipement disposait
12 cette armée ? Dites-nous s'il y avait plus d'une armée, par exemple, s'il y
13 avait plus d'une unité militaire. Pourriez-vous, je vous prie, nous décrire
14 la situation telle que vous l'avez observée alors vous vous trouviez dans
15 cette zone pendant cette période.
16 R. Entre Tovarnik, Oriolik, Negoslavci et Vukovar, ce que nous avons pu
17 remarquer, c'est qu'il y avait des unités de l'armée yougoslave, des unités
18 complètes. Il y avait également la présence de Défense territoriale. Plus
19 tard, mais seulement beaucoup plus tard, de ce côté-ci, nous avons
20 rencontré des unités d'hommes qui se décrivaient eux-mêmes comme étant soit
21 des Chetniks, et qui s'appelaient eux-mêmes Chetniks, et cela nous renvoie,
22 bien sûr, à la Deuxième guerre mondiale. Pour ce qui est du terme, c'est un
23 terme que n'aimions pas utiliser puisque cela nous renvoie à la Deuxième
24 guerre mondiale. Ensuite, il y avait des hommes de l'armée de M. Seselj. Du
25 côté nord, nous avons rencontré un certain nombre de personnes appartenant
26 à la milice, une milice séparée, et leur chef était Zeljko Raznjatovic,
27 connu sous le nom d'Arkan. Ils nous ont emmenés dans les casernes, les
28 lieux où ils avaient leur formation, et c'était tout près d'Erdut. Nous
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1 l'avons vu, cette personne, ce Arkan. Nous lui avons parlé. Mais je n'ai
2 jamais vu cet homme en action, si vous voulez. Nous avons vu ses hommes
3 présents. C'était une unité séparée. Ensuite, si je me souviens bien, il y
4 avait également une unité qui s'appelait les Tigres, et plus tard, cette
5 unité s'est installée en Bosnie. Ils avaient leurs alliés. Ils étaient
6 plutôt reliés à un homme qui se décrivait lui-même comme étant un dirigeant
7 politique des Serbes de la Slavonie orientale, un homme qui s'appelait
8 Goran Hadzic. Je l'ai également rencontré.
9 Q. Très bien. Pourriez-vous décrire l'équipement ?
10 R. L'équipement était varié. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y
11 avait quelques armes d'infanterie; il y avait quelques Kalachnikovs. Nous
12 avons vu que les hommes d'Arkan disposaient de quelques armes plutôt du
13 type que l'on trouve à l'ouest, des machines automatiques, des fusils
14 automatiques, avec des étouffeurs.
15 Nous avons également vu des APC, tous montés par des canons. Il y avait une
16 variété de chars, nouveaux et anciens. Il y avait des T-33 de la Deuxième
17 guerre mondiale, des chars provenant vraiment de la Deuxième guerre
18 mondiale. Il y avait également des chars un peu plus modernes qui faisaient
19 partie de l'armée yougoslave. Il y avait également des mortiers de 120
20 millimètres. J'ai vu quelques mortiers légers, quelques mortiers de 60
21 millimètres. Il y avait donc tout ce que l'on retrouve dans une armée
22 traditionnelle.
23 Tout le monde était toujours déployé en batteries. On nous a emmenés à
24 plusieurs reprises pour les voir. Nous avons pu filmer sur le terrain ces
25 unités. Les unités de mortier avaient une formation. Comme j'avais servi
26 dans le corps de la marine néerlandaise, je connaissais certaines armes.
27 Il y avait quelques canons antiaériens. Je n'ai jamais vu ces canons tirer
28 depuis ces canons antiaériens. J'ai vu des fusils automatiques. Je les ai
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1 vus, je sais qu'on s'en est servi pendant la guerre en Bosnie.
2 Q. Est-ce que vous avez vu des armes appartenant au côté croate ?
3 R. Oui. La seule fois que j'ai vu les combattants croates, c'était soit
4 lorsqu'ils étaient déjà tués lors de combats ou ceux qui s'étaient livrés
5 le 18 novembre, qui étaient venus à Mitnica, dans le district de Mitnica et
6 de Vukovar, et qui avaient remis leurs armes, qui avaient littéralement
7 remis leurs armes par terre. C'étaient quelques Kalachnikov et des
8 revolvers, de l'infanterie légère. Mais je n'ai jamais vu des canons
9 antichars. Ils avaient de l'artillerie lourde et quelques blindés de
10 transport de troupes à leur disposition.
11 Q. Est-ce que vous avez vu ces gens tirer ? Est-ce que vous avez vu que
12 l'on tirait de ces ?
13 R. Je n'ai jamais vu tirer depuis les lignes de la JNA du côté croate.
14 J'ai seulement vu divers calibres comme je vous ai dit partir ou être tirés
15 à partir de position de la JNA mais pour ce qui est de l'artillerie lourde,
16 les deux côtés avaient une artillerie lourde, légère et une artillerie de
17 mortiers. Je sais qu'à un certain moment donné, nous avons, nous-mêmes, été
18 pris entre les tirs et je sais que les tirs de la JNA provenaient des armes
19 et des fusils, ce n'était jamais une infanterie -- ce n'était jamais des
20 armes lourdes qui nous tiraient dessus.
21 Q. Monsieur Van Lynden, vous nous avez dit que -- en fait, est-ce que
22 c'était intense ? De quelle façon est-ce que vous pouvez voir -- vous
23 pouvez décrire ce qui s'était passé ?
24 R. Cela dépendait. Il y avait beaucoup de cessez-le-feu. Il y avait à
25 plusieurs reprises des cessez-le-feu qui ont déclaré -- par Belgrade,
26 déclaré par plusieurs ou divers médiateurs qui avaient pris aux
27 négociations de paix. Lors du conflit, nous nous attendions des fois qu'il
28 n'y ait pas de tir alors que nous pouvions être pris pour cible.
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1 Je vous rappelle qu'en 1993, j'avais rencontré un lieutenant-colonel, un
2 lieutenant-colonel de l'armée yougoslave et il y avait un convoi qui était
3 censé entrer dans Vukovar pour apporter de la médecine, des denrées
4 alimentaires et retiré les blessés de Vukovar. Il nous avait dit qu'il
5 s'agissait de cette activité-là, qu'il y avait un cessez-le-feu complet et
6 que je pouvais avoir accès à la route, qu'il allait prendre ce convoi. Nous
7 nous sommes rendus jusqu'à Negoslavci. Nous nous sommes faits arrêter à ce
8 endroit-là et ensuite, un subalterne, je crois que c'était un commandant,
9 soit un lieutenant-colonel nous a dit que ce convoi n'allait pas dû entrer
10 dans Vukovar, qu'il n'y avait pas de cessez-le-feu et ensuite, nous avons
11 vu des ambulances qui transportaient les blessés de Vukovar en direction de
12 Negoslavci d'où ils allaient être ramenés par hélicoptère à Belgrade et des
13 batteries d'artillerie lourde retentissaient et nous ne pouvions pas entrer
14 dans Vukovar. Il était, tout à fait, clair qu'il n'y avait pas de cessez-
15 le-feu et que des combats très soutenus se passaient. Donc, je ne sais pas
16 ce qui s'est passé, mais chaque côté avait accusé la partie adverse d'avoir
17 violé le cessez-le-feu.
18 Q. C'était quand --
19 R. En octobre 1991.
20 Q. Pendant cette période d'observation, vous avez appelé -- vous vous êtes
21 trouvé en septembre jusqu'en novembre 1991, dans cette région. Vous nous
22 avez parlé de l'armée et vous avez parlé des différences qui existaient
23 entre l'armée croate et l'armée de la JNA. Vous nous avez décrit également
24 les dégâts qui avaient été causés. Qu'en étaient-ils des civils ? Est-ce
25 que vous avez vu des civils dans cette région ? Est-ce que vous avez vu,
26 par exemple, des réfugiés ?
27 R. Je ne me souviens pas d'avoir rencontré des réfugiés. Je me souviens,
28 très bien, lorsque nous sommes entrés dans Tovarnik, d'abord, qu'il y avait
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1 des civils qui s'y trouvaient. Si je me souviens bien, il y avait également
2 le prêtre orthodoxe qui était en visite à Tovarnik. Je lui ai parlé, mais
3 il n'habitait à Tovarnik même. Il était rendu sur place pour examiner les
4 dégâts. Il nous avait expliqué que selon lui, il était, tout à fait,
5 impossible pour les Croates et les Serbes de cohabiter ensemble. Ce que
6 nous avions trouvé assez étrange étant donné que c'était un prêtre qui
7 faisait ce genre de déclarations. Mais il y avait néanmoins des civils qui
8 se trouvaient toujours à Tovarnik, à ce moment-là. Je ne me souviens pas
9 par contre d'avoir vu des civils à Ilaca, là où les dégâts étaient plus
10 importants qu'à Tovarnik. Comme je vous ai déjà dit, les maisons étaient
11 encore incendiées à ce moment-là. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'à
12 Vukovar même, que nous avons rencontré effectivement des civils et c'était
13 le matin du 13 novembre.
14 Q. Nous allons y arriver dans quelques instants.
15 R. D'accord.
16 Q. Merci. Pendant cette période entre le mois de septembre jusqu'au mois
17 de novembre 1991, alors que vous vous trouviez dans cette région, que vous
18 voyagiez dans cette région, est-ce qu'il vous était possible de tourner des
19 films ?
20 R. Tout à fait. Nous pouvions toujours filmer, mais nous ne pouvions pas
21 toujours nous rendre aux endroits où nous voulions filmer. Il était assez
22 difficile de filmer. Enfin, très souvent, ils nous étaient difficile de
23 filmer ce qui se passait. En fait, la règle était, parmi les membres de
24 l'équipe, que nous étions chanceux ou heureux si nous pouvions filmer
25 quoique ce soit avant une heure de l'après-midi et nous partions très tôt,
26 le matin, de Belgrade. Ensuite, nous recevions une deuxième permission et
27 nous partons de Sid et, ensuite, nous continuons et nous nous rendions
28 jusqu'au barrage. Très souvent, on n'arrivait près des lignes de front que
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1 dans l'après-midi et, très souvent, ils ne nous étaient pas permis pour des
2 raisons que j'ai déjà mentionnées de passer, d'aller plus loin. Il y avait
3 des journées où nous étions particulièrement frustrés parce que nous ne
4 pouvions pas filmer ce qui se passait. Je me souviens d'une journée où il
5 pleuvait, il y avait des tirs qui retentissaient et nous étions en mesure
6 de filmer des sites depuis lesquels on tirait des lances roquettes
7 multiples qui tiraient roquettes mais on ne pouvait pas aller à cet
8 endroit-là. Nous pouvions nous rendre avec l'unité jusqu'à un certain point
9 mais nous ne pouvions pas allés filmer plus loin.
10 Q. Vous avez dit qu'on ne vous permettait pas d'aller plus loin. Qui ne
11 vous permettait pas d'aller plus loin. Qui ne vous permettait pas d'aller
12 plus loin ?
13 R. C'était normalement ou cela arrivait toujours que l'on nous arrête au
14 point de contrôle. Un officier serait là et nous arrêtaient. Ils nous
15 arrivaient également où ils nous arrivaient souvent comme je l'ai dit même
16 si nous avons, par exemple, une permission d'un général que le subalterne,
17 le lieutenant-colonel ou un commandant nous interdit de passer. C'étaient
18 des commissaires politiques comme nous les appelions. Ils ne permettaient
19 plus de passer. Je dois ajouter toutefois quelque chose. Les officiers
20 professionnels de l'armée yougoslave étaient assez doctrinés, je dois dire.
21 Ils pensaient que tous les étrangers étaient des suspects, tous les
22 journalistes étrangers étaient par définition, tous, des espions. Donc, ils
23 ne nous faisaient pas confiance et c'est la raison pour laquelle il était
24 assez difficile de faire notre travail.
25 Q. Est-ce qu'il y avait une certaine censure pour ce qui est de votre
26 travail ?
27 R. Il n'y avait pas de censure dans le grand sens direct. Je veux dire par
28 là que personne -- aucune personne n'appartenant aux autorités yougoslaves
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1 ne vérifiait le script ou ne vérifiait les films avant d'être envoyés à
2 Londres, mais la censure se faisait dans le sens où on ne nous permettait
3 pas toujours de nous rendre sur place pour filmer ce qui se passait. Donc,
4 il y avait des journées particulières où ne nous permettait pas d'y aller.
5 Donc, l'accès n'était pas libre si vous voulez dans ce sens-là. Je n'ai
6 jamais eu de censure comme je l'ai été en 1991, par exemple, lorsque je
7 travaillais avec les forces américaines pendant la guerre du Golf, à ce
8 moment-là, il y avait des officiers américains qui vérifiaient ce que nous
9 avions filmé, ce que nous allions dire. Donc, c'était une censure qui se
10 faisait de cette façon-là. Mais ici, sur le terrain, en ex-Yougoslavie,
11 cela se faisait autrement.
12 Q. Vous nous avez dit il y a quelques instants que vous voyagiez dans
13 cette zone pendant une période très spécifique et que vous étiez basé à
14 Belgrade. De quelle façon est-ce que vous pourriez voyager ? De quelle
15 façon envoyez-vous vos reportages à Londres ?
16 R. Il y avait des difficultés techniques. Bien sûr, il n'y avait pas de
17 téléphones portables, à ce moment-là, il n'y avait pas de téléphones
18 satellites non plus, disponibles tels qu'ils le sont aujourd'hui. Donc, ce
19 qu'il nous fallait faire, si nous voulions, par exemple, envoyer un
20 rapport, il nous fallait rentrer à Belgrade, ensuite, écrire notre texte et
21 l'envoyer via satellite par la télévision de Belgrade. C'était la façon de
22 faire de reportages, de parler de la guerre et s'il me semblait qu'il était
23 assez important d'envoyer un rapport ou d'envoyer une émission texte par
24 téléphone, alors, à ce moment-là, je retournais en Slavonie orientale pour
25 essayer de trouver un téléphone pour envoyer le message. Donc, ce n'est pas
26 toujours très facile. Ce que nous faisions normalement, c'est de quitter
27 Belgrade très tôt le matin et, ensuite, nous revenions dans l'après-midi, à
28 Belgrade, et c'est à ce moment-là que nous envoyions un rapport, nous
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1 l'envoyions normalement à Londres. Puis, le lendemain, c'était la même
2 chose.
3 Q. Est-ce qu'il y avait une date butoir jusqu'à laquelle vous deviez
4 envoyer vos rapports à Belgrade ?
5 R. Je travaillais avec un canal de 24 heures, Sky News et ils ont un
6 journal à chaque heure. C'est ce qu'on appelle le journaliste moderne,
7 contemporain mais normalement, nous essayons toujours d'envoyer un rapport
8 pour le journal de six heures ou de 7 heures. Mais, en fait, nous avions un
9 avantage, nous avions une heure de plus à Belgrade mais en fait, faire le
10 montage, écrire le texte prenait au moins une heure. Donc, nous essayons
11 toujours de rentrer au moins vers 17 heures ou 18 heures pour pouvoir
12 envoyer notre émission au plus tard, à 19 heures.
13 Q. Monsieur Van Lynden, vous avez dit que vous vous êtes trouvé dans un
14 camp spécifique, camp d'entraînement, au moins à une reprise.
15 R. Oui. C'était à Erdut.
16 Q. Très bien. Pouviez-vous nous décrire ce que vous avez vu dans ce camp
17 de formation ? Au camp d'entraînement, qu'est-ce que vous avez vu ? Combien
18 il y avait de personnes, à quoi ressemblait ce camp d'entraînement ?
19 R. C'était un camp d'entraînement qui était géré par
20 M. Raznjatovic que j'ai mentionné un peu plus tôt, mieux connu sous le nom
21 d'Arkan. Il y avait plusieurs huttes, si je me souviens bien. Il y avait
22 également. Il nous a parlé, là, dans son bureau, il nous a présenté à
23 d'autres commandants qui étaient ses subalternes, qui étaient sous lui. Il
24 nous a fait rencontré au moins une soixantaine d'hommes appartenant à son
25 unité. Ils ne portaient pas d'uniformes de l'armée yougoslave; ils
26 portaient des vêtements de camouflage du type occidental. Ils portaient
27 différents types. Si je me souviens bien aussi, leurs armes étaient aussi
28 différentes. C'étaient des armes appartenant à l'ouest, quelques armes
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1 assez lourdes, quelques canons, quelques chars, quelques lance-roquettes où
2 il y avait des armes comme Heckler et Koch, des armes automatiques
3 fabriquées par les Allemands, et l'armée yougoslave n'en disposait pas.
4 Q. Je souhaiterais maintenant passer à un autre sujet, à Vukovar. A quel
5 moment vous êtes-vous rendu à Vukovar pour la première fois avec votre
6 équipe ?
7 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais on nous a dit que l'armée
8 avait érigé comme une espèce de périmètre, de cordon de sécurité autour de
9 Vukovar, et on nous a emmené vers ces casernes-là à bord de blindés de
10 transport de troupes appartenant à l'armée yougoslave. Il y avait encore
11 des combats qui se déroulaient dans la région. On pouvait entendre les
12 tirs. Ce qui nous pouvions entendre, c'était des tirs provenant de fusils
13 automatiques, de fusils, et comme il n'y avait plus de blindés transport de
14 troupes, nous étions une fois à l'intérieur d'un bureau des casernes de la
15 JNA, et ensuite, en octobre 1991 - si je me souviens bien, je ne me
16 souviens pas de la date précise - nous nous étions rendu là. Nous sommes
17 allés à Negoslavci, et c'est là que nous avons traversé ce dernier bout du
18 terrain à bord d'un blindé transport de troupes.
19 Q. Pourriez-vous décrire les casernes de la JNA en octobre 1991 ?
20 R. Nous étions à l'intérieur d'un blindé transport de troupes, et ensuite,
21 nous avons pu entrer dans une pièce par la suite. Donc, je n'ai pas
22 tellement une idée précise de l'apparence des casernes de la JNA. Mais, si
23 je me souviens bien, les toits étaient encore là, ils n'étaient pas
24 incendiés. Les diverses casernes étaient en très bon état, semblent être en
25 très bon état, et les bureaux dans lesquels nous sommes entrés, c'était les
26 bureaux du commandement, de contrôle. Il y avait également des systèmes de
27 communication sans fil. Il semblait que les conditions ou l'état des
28 casernes, de ce que j'ai pu voir depuis le blindé transport de troupes
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1 pendant que je m'y trouvais, était très bon état. Tout était en bon état.
2 Q. Fort bien. Dites-nous maintenant : pourquoi êtes-vous allé à Vukovar
3 par la suite ?
4 R. C'était le 12 novembre 1991, la deuxième fois.
5 Q. Comment se fait-il que vous vous souveniez de cette date avec telle
6 précision ? Qu'est-ce qui vous fait dire que c'était exactement cette date-
7 là ?
8 R. Je me souviens très clairement puisque c'était une journée
9 inhabituelle; c'était une journée qui ne ressemblait pas aux autres
10 journées en Yougoslavie en 1991 car, cette journée-là, nous avions, en
11 fait, nous-mêmes; nous sommes entrés à Vukovar à bord de véhicules. Donc,
12 nous avons conduit nous-mêmes un véhicule. Je me rappelle ne pas avoir été
13 là pendant une semaine ou deux semaines, et c'était la première fois que je
14 retournais dans le pays pour y travailler. Nous avons rencontré un
15 officier. Mon producteur de terrain l'avait déjà rencontré un peu plus tôt
16 au cours du mois, de ce mois-là, qui nous a permis, et nous a donné un
17 contact avec un gardien d'unité de l'armée, et nous sommes restés avec
18 cette unité pendant plus de 24 heures. Nous sommes restés avec eux pendant
19 toute la durée, donc, de ces 24 heures. Nous sommes allés avec eux sur les
20 lignes de front avec eux, et ensuite, nous sommes retournés à Belgrade le
21 lendemain. Cela a été une expérience assez singulière puisqu'elle était
22 différente des autres de ce que nous avions vécu.
23 Q. Vous avez dit que vous êtes restés avec une unité. De quelle armée ?
24 R. Nous sommes restés pendant 24 heures avec une unité de garde de l'armée
25 yougoslave. C'étaient des unités professionnelles de la JNA qui portaient
26 des uniformes différents, différents des autres soldats de la JNA. Ils
27 portaient des vêtements différents, ils avaient des casques différents,
28 également. C'était une unité très professionnelle. Ils avaient un autre --
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1 fort également. Ils se comportaient différemment. C'était une unité de
2 soldats professionnels qui étaient clairement très bien formés.
3 Q. Est-ce qu'on vous permettait de passer, donc 24 heures, votre équipe à
4 vous pouvait passer 24 heures avec l'armée, avec cette unité ?
5 R. Oui.
6 Q. Ils vous ont suivi ou est-ce qu'ils vous ont-ils emmené sur différents
7 sites ?
8 R. Si je me souviens bien, nous sommes allés dans la partie sud de la
9 ville dans les casernes de la JNA. Mon producteur m'avait dit qu'il avait
10 rencontré un officier supérieur, l'officier le plus supérieur qui se
11 trouvait là parmi l'unité des gardes de la JNA.
12 M. Sljivancanin était présent, et mon producteur avait déjà rencontré ce
13 dernier. Il me l'a présenté. Il m'a ensuite dit qu'il avait également été
14 en contact avec un autre journaliste britannique du canal 4, "Channel 4
15 News", les Nouvelles, canal 4, des informations du canal 4, et il nous a
16 mis en contact avec lui. Ensuite, il nous a dit que nous pouvions nous
17 organiser, nous arranger avec lui. Ensuite, il nous a présenté un
18 lieutenant, un lieutenant qui était, en fait, un commandant de peloton de
19 section, et nous sommes restés avec cette section, cette unité pendant 24
20 heures.
21 Q. Vous nous avez dit qu'il vous a donné la permission, c'était la
22 permission de qui. Qui était cette personne ?
23 R. C'était Sljivancanin.
24 Q. Lorsque vous avez rencontré M. Sljivancanin, quel était son
25 comportement, de quelle façon s'est-il comporté ? Vous lui avez parlé,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Si je me souviens bien, c'était un homme qui était le commandant.
28 C'était le commandant, et nous avons eu une conversation très agréable,
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1 très correcte. Je lui ai expliqué ce que nous voulions faire, il était
2 d'accord pour dire que c'était tout à fait possible. Il nous a permit de ce
3 faire. Je lui ai dit que je voulais être au sein d'une unité
4 professionnelle. Encore une fois, c'est pour la même raison que j'ai déjà
5 dit un peu plus tôt aux Juges de la Chambre, c'était pendant la guerre, il
6 y a des risques, et je me sentais beaucoup plus à l'aise d'être avec une
7 unité de professionnels que d'autres unités appartenant -- un membre de la
8 milice, par exemple, ou aux autres unités paramilitaires. Il a dit qu'il
9 s'occuperait de cela. Il l'a fait effectivement. Il semblait être un
10 officier professionnel, il avait un port d'un officier personnel, un homme
11 qui semblait être habituel de donner des ordres, et qui semblait bien gérer
12 la situation.
13 Q. Alors, lorsque vous avez passé ce temps avec ces hommes, est-ce que
14 vous leur avez parlé ?
15 R. Oui, tout à fait. Nous avons passé une partie de la journée, la nuit.
16 Je ne me souviens pas si nous avons beaucoup dormi; je ne crois pas. Nous
17 devions passer la nuit de 50 à 60 mètres éloignés des lignes croates dans
18 une maison civile qui avait été prise par les soldats. C'est là que nous
19 devions dormir. On passait la nuit.
20 Donc, effectivement, nous avons pu nous entretenir avec son
21 lieutenant, avec son commandant à lui, le commandant qui avait le grade de
22 capitaine. Il s'appelait Mladen Maric et nous avons également parlé au
23 sergent et aux hommes. Nous nous sommes entretenus avec plusieurs
24 personnes. Je dois dire aux Juges de la Chambre que ces conversations sont
25 passées par l'interprète; c'était mon producteur. Je ne parle pas le
26 croate, donc, le producteur interprétait les conversations que nous avons
27 eues avec ces hommes.
28 Q. De quoi est-ce que vous avez parlé ?
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1 R. D'abord, nous avons demandé de nous expliquer quelle était la nature de
2 cette guerre pour laquelle ils se battaient. Ils ont expliqué que c'était
3 une guerre qui se déroulait d'une maison à l'autre, d'une rue à l'autre, et
4 que chaque rue était une bataille différente, que dans chaque rue, une
5 bataille différente se déroulait. C'était assez dangereux, qu'il y avait
6 plusieurs personnes -- que de leur homme avait été blessé ce jour-là parce
7 qu'il avait soit marché sur une mine antipersonnel ou je ne me souviens
8 plus trop quoi exactement. Ils nous ont parlé de la façon de l'opération
9 Vukovar était menée. Ensuite, ils ont expliqué qu'ils étaient très
10 insatisfaits de la façon dont l'opération avait été menée par le JNA et par
11 le ministère de la Défense ou le ministre de la Défense plutôt. Ensuite,
12 ils nous ont expliqué qu'ils étaient allés directement à Belgrade pour
13 formuler un grief, expliquer de quelque façon ils étaient insatisfaits de
14 la façon dont la guerre se déroulait à Vukovar et autour de Vukovar. Plus
15 tard au cours d'une autre conversation que nous avons eue avec trois ou
16 quatre hommes après la chute de Vukovar, nous avons passé une soirée avec
17 ces hommes à Belgrade, encore une fois, ils ont mentionné la même chose,
18 ils nous ont dit qu'ils étaient encore très -- ils étaient furieux. Ce ne
19 sont pas des gens qui étaient fiers de ce qui s'était passé. Ce n'est pas
20 des hommes qui considéraient ceci comme étant une grande victoire car
21 Vukovar avait été complètement détruite au cours de cette opération. Ils
22 nous ont expliqué que c'était tout à fait -- cela aurait pu être évité car
23 une armée professionnelle aurait pu prendre une petite ville sur les abords
24 du Danube de façon très facile en deux ou trois jours plutôt que de la
25 détruire complètement et de prendre deux ou trois mois pendant -- de la
26 détruire.
27 Q. Pendant cette conversation, est-ce qu'ils vous ont dit s'ils voyaient
28 une personne afin de présenter leur grief, afin d'essayer d'obtenir de
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1 changements ?
2 R. Ils nous ont dit qu'ils s'étaient rendus auprès du général Kadijevic
3 qui était à l'époque le ministre fédéral de la Défense en Yougoslavie.
4 Q. Est-ce que vous avez obtenu des informations à propos de ces
5 changements s'ils ont eu lieu, si tant est qu'ils aient eu lieu ?
6 R. Ils nous ont qu'il allait y avoir de petites modifications mais qu'il
7 n'avait pas y avoir de grands chamboulements. Nous avons entendu des bruits
8 qui couraient à Belgrade suivant lesquels certaines officiers de métier de
9 l'armée s'étaient rendus auprès de Kadijevic pour se plaindre, mais c'est
10 la première fois que nous avons entendu -- que ce que nous avons entendu
11 avait été véritablement corroborer comme s'étant produit. Nous n'avons pas
12 entendu parler de grands changements.
13 Q. Vous nous avez dit qu'ils ont eux-mêmes mentionné le fait que Vukovar
14 était complètement détruit. J'aimerais vous poser une question parce que
15 vous étiez sur le terrain, vous avez vu la carte que je vous ai présentée,
16 vous nous avez dit que vous étiez correspondant de guerre de part votre
17 profession, et vous nous avez également dit que vous aviez une certaine
18 expérience pour ce qui est -- que de faire des reportages de guerre
19 différente. Est-ce que vous pourriez nous dire, ainsi qu'à la Chambre de
20 première instance, comment est-ce que vous pourriez décrire cette
21 destruction, et je pense à la destruction de Vukovar et je pense également
22 à la zone avoisinante Vukovar pour opposition à d'autres secteurs dans
23 l'ex-Yougoslavie et par rapport à d'autres zones de guerre également ?
24 R. Bien, pendant la guerre en Yougoslavie, en Bosnie, par exemple, il
25 m'est arrivé de voir des villages qui avaient été complètement détruits,
26 toutes les maisons avaient été complètement incendiées, notamment, dans
27 l'est de la Bosnie, mais la seule ville que j'ai vu qui était complètement
28 et entièrement détruite était la ville du Vukovar. Lorsque, le 19 novembre,
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1 nous avons pu sortir dans les rues de Vukovar en profitant d'une certaine -
2 - d'une relative sécurité, lorsque les tirs avaient enfin cessé, on a pu
3 voir, contempler l'ensemble de la ville, on a pu grimper sur la colonne
4 d'eau et ce que l'on a pu voir de ce point de vue c'est que toute la ville
5 avait été détruite. Tous les bâtiments avaient perdu leur toit. Aucun
6 bâtiment ou aucun immeuble n'avait été épargné. C'est une ville qui avait
7 été détruite. Lorsque nous nous sommes rendus auprès de la colonne d'eau,
8 nous y sommes allés avec le capitaine et avec le lieutenant. Ils sont
9 venus, ils ont grimpé en haut de la colonne d'eau avec nous, et ils nous
10 ont dit : "Qu'est-ce qu'on a pris ? De quoi nous nous sommes emparés. Nous
11 n'avons pris que des débris."
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, est-ce que vous ne pensez
13 pas que ce serait le moment opportun pour avoir une pause ?
14 Mme TUMA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, tout à fait.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons avoir notre
16 première pause de l'après-midi et nous reprendrons à 16 heures 10.
17 Mme TUMA : [interprétation] Très bien.
18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.
19 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma.
21 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur van Lynden, vous nous avez dit avoir passé un certain temps
23 avec cette unité de garde dont vous nous avez parlé un peu plus tôt, et
24 vous nous avez dit que vous aviez la possibilité de parler avec les
25 soldats. Est-ce qu'à un moment donné les soldats n'ont jamais évoqué
26 l'objectif de l'attaque ?
27 R. Oui, certes ils l'ont fait. Il n'y avait pas de toute évidence un seul
28 point de vue. C'était d'ailleurs le cas dans l'ensemble de l'ex-
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1 Yougoslavie. Il y avait quand même une certaine confusion qui régnait à
2 propos de ce qui se passait à l'époque. Si vous parliez à différents
3 officiers de l'armée yougoslave, vous obteniez différentes versions. Bon
4 nombre des personnes qui étaient des soldats de métier au sein de l'armée
5 yougoslave considéraient que l'armée était la Yougoslavie. Leur but dans la
6 vie était de préserver la Yougoslavie. Par conséquent, ils pensaient qu'ils
7 devaient véritablement prendre des mesures contre toute personne qui
8 menaçait l'Etat fédéral yougoslave. Il y en avait d'autres qui pensaient
9 qu'au vu des mesures prises par les gouvernements slovènes et croates - car
10 il faut savoir que la plupart des officiers au sein de la JNA sont des
11 Serbes - ils pensaient donc que leur but était de préserver les zones
12 serbes au sein de la Croatie pour la Serbie, et ce, afin de créer cette
13 Grande Serbie. Il y avait différents points de vue.
14 Il y avait encore des personnes qui pensaient que leur seul but était
15 de faire en sorte que les casernes de la JNA au sein de la Croatie qui
16 avaient été entourées par les forces croates, que leur but était de faire
17 en sorte que le siège soit levé autour de ces casernes, et que les
18 officiers et les soldats devraient pouvoir sortir sans danger, sains et
19 saufs de ces casernes. Donc, il y avait plusieurs versions.
20 Puis, il faut savoir qu'au niveau des grades inférieurs, il y avait
21 encore plus de confusion qui régnait. Il y en avait d'aucun qui pensait que
22 tout Serbe devait véritablement faire en sorte, enfin combattre et faire en
23 sorte que la minorité serbe en Croatie puisse faire partie de la Serbie,
24 puis il y en avait d'autres qui en perdait leur latin, en fait. En
25 septembre 1991, j'ai eu un entretien avec le général Kadijevic, le ministre
26 fédéral de la Défense. Lors de cet entretien, je lui ai posé des questions
27 à propos d'actes de désertion de l'armée. Il a avoué qu'il s'agissait d'un
28 énorme problème. Il a dit que les soldats qui désertaient, désertaient
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1 justement parce qu'ils ne comprenaient pas pourquoi ils devaient combattre.
2 Il faut également savoir qu'à Belgrade, nous avons rencontré de très
3 nombreux jeunes Serbes qui avaient refusé d'intégrer l'armée, et qui se
4 sont cachés ou qui sont carrément allés à l'étranger pour éviter cela.
5 Donc, il y avait une très grande confusion. Il faut savoir que les soldats
6 de l'unité des gardes auxquels nous avons parlé, étaient, dans leur
7 ensemble, assez perplexes. Là aussi, dans leur esprit, la confusion
8 régnait. D'aucun pensait qu'il appartenait aux Serbes de lutter pour avoir
9 une Grande Serbie, mais la plupart ne le pensaient pas. Le lieutenant
10 n'était pas Serbe. Autant que je me souvienne, il était Musulman de Bosnie.
11 Lui-même, dans son esprit à lui également la confusion régnait, lorsqu'il
12 se demandait quel était le but de cette guerre à laquelle il participait.
13 Q. Est-ce qu'il y a des raisons précises qui ont été mentionnées lors de
14 vos contacts avec les soldats - je parle toujours de cette unité de guerre
15 - est-ce qu'il y a des raisons précises qui ont été mentionnées à propos du
16 siège de Vukovar ?
17 R. La plupart pensaient, étant donné qu'il y avait une minorité serbe au
18 sein de la Slavonie orientale, que cette région de la Croatie devrait être
19 arrachée au contrôle croate. Tous n'étaient pas d'accord avec ce point de
20 vue. Lorsque nous avions parlé à plusieurs officiers de la JNA, ils avaient
21 dit que le but de l'attaque était, et je cite : "De libérer les casernes de
22 la JNA à Vukovar." Cela a été fait en octobre 1991, et n'aurait pas pu
23 être la raison de la poursuite de cette bataille à la mi-novembre 1991.
24 Q. Vous nous avez dit que les casernes de la JNA ont été libérées en
25 octobre 1991. Comment est-ce que vous avez obtenu connaissance de cela ?
26 R. Comme je vous l'ai déjà indiqué lors d'une réponse précédente, on nous
27 a emmenés dans ces casernes dans un véhicule transport de troupes de la
28 JNA. Donc, nous l'avons vu de visu, nous-mêmes.
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1 Q. Merci. J'aimerais faire référence à la date du 12 au
2 13 novembre. C'est le moment que vous avez passé auprès de l'unité des
3 gardes. Est-ce que vous avez des observations à faire ou des conclusions à
4 tirer, notamment des observations essentiellement à propos de la discipline
5 de cette unité auprès de laquelle vous vous étiez trouvé ?
6 R. En comparaison à d'autres unités que j'avais vues, il s'agissait d'une
7 unité militaire bien formée, bien entraînée, professionnelle, avec une
8 connaissance du commandement, une connaissance professionnelle de la façon
9 dont ils devaient traiter les armes, dont ils devaient s'occuper de leurs
10 armes et une connaissance professionnelle des opérations. Il faut savoir
11 que, lorsque nous les avons rencontrés la première fois le 12 novembre, ils
12 s'apprêtaient dans une opération. Il s'agissait de prendre une place forte
13 croate. Autant que je me souvienne, il s'agissait d'une maison qui se
14 trouvait à un carrefour. Nous leur avons demandé si nous pourrions les --
15 si nous pouvions les accompagner. Le lieutenant a répondu de façon
16 négative. Parce qu'il a dit que nous pouvions, dans un premier temps, les
17 entraver, que nous pouvions représenter un danger pour ces hommes en sus du
18 danger auquel ils devaient, de toute façon, faire face. Ayant été moi-même
19 officier, ayant été formé pour ce genre d'opération, c'est la réponse que
20 j'aurais donnée si je m'étais trouvé à sa place. En tant que journaliste,
21 bien entendu, je lui ai demandé la permission. C'était une unité militaire
22 professionnelle qui était bien mieux disciplinée et bien mieux formée
23 d'ailleurs que toutes autres unités militaires auxquelles nous avons eu
24 affaire, en fait, bien supérieure à tout ce que j'ai rencontré pour le
25 camp serbe pendant la guerre en 1991 ou après en Bosnie.
26 Q. Merci. Vous avez mentionné qu'on savait très bien qui exerçait le
27 commandement. Est-ce que vous pouvez étoffer un peu ce propos ?
28 R. Ce que j'ai indiqué, c'est qu'au sein de la section, il y avait le
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1 sergent de section qui suivait, qui exécutait les ordres du lieutenant de
2 la section. Ledit lieutenant suivait les ordres de son commandant de
3 compagnie, et le commandant de compagnie semblait suivre les ordres qui lui
4 étaient donnés par ses supérieurs hiérarchiques. Un ordre était un ordre,
5 et les ordres étaient exécutés; il n'y avait pas de discussions.
6 Q. Est-ce que vous en avez fait l'expérience ?
7 R. Nous avons vu que des ordres étaient donnés à certains, qu'ensuite, ces
8 personnes assumaient différentes positions et exécutaient les ordres. Comme
9 je vous l'ai déjà dit, nous n'avons pas été toujours en mesure de les
10 suivre. Lors de cette attaque qui s'est déroulée le 13 novembre auprès de
11 cette place forte croate, on nous a emmenés avec une partie de l'unité. A
12 un endroit de l'unité, il y avait le responsable du mortier qui était un
13 mortier de
14 60-millimètres, qui était établi très près de sa cible d'ailleurs. Je
15 dirais qu'il se trouvait, grosso modo, à 70 ou à 80 mètres. C'était la
16 façon typique d'utiliser un mortier de 60-millimètres, Ils savaient très
17 bien ce qu'ils faisaient. Il s'agissait de tirs de mortiers concentrés. Les
18 autres avaient assumé leurs positions. On leur avait de le faire et ils
19 s'exécutaient. Ils s'exécutaient comme une force militaire bien entraînée.
20 Q. Au cours de ces deux journées, les 12 et 13 novembre, qu'avez-vous pu
21 observer - je ne pense pas seulement à la composition de l'unité, je ne
22 pense pas seulement à vos conversations avec les soldats - j'aimerais
23 savoir, par exemple, ce que vous avez pu observer, quels sont les endroits
24 que vous avez pu observer ?
25 R. Nous nous trouvions tout près du centre de Vukovar. C'était une zone
26 urbaine. Il s'agissait d'un combat dans les différentes maisons, maison par
27 maison, rue par rue. Traverser une rue devait se faire de façon très, très
28 rapide. Il y avait des tirs d'armes légères. La plupart des bâtiments et
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1 des immeubles avaient été touchés, les toits n'existaient plus. Parfois, il
2 y avait les poutres qui sortaient des toits. Parfois, il y avait des trous
3 qui avaient été faits à l'intérieur des murs des immeubles pour que vous
4 puissiez passer d'un immeuble à un autre sans pour autant passer par la
5 rue. C'était le genre de stratégie militaire typique du combat de rue. Je
6 dois dire qu'il y a quelque chose de saugrenu que je n'avais jamais vu
7 auparavant. C'est que pendant la nuit, on entendait de la musique. Ce n'est
8 pas l'unité avec qui je me trouvais qui diffusait cette musique, mais
9 c'était des unités soit de la JNA, soit des milices serbes qui se
10 trouvaient à Vukovar. On m'a dit qu'il s'agissait de musique serbe typique
11 qui était diffusée pour provoquer les défenseurs croates au sein de la
12 ville. Là, je dois dire que c'était quelque chose de tout à fait inédit
13 pour moi. Je n'avais jamais vu ce genre de choses. Il faut savoir que
14 l'atmosphère était lugubre la nuit, lorsque vous imaginez une ville en
15 proie aux attaques. C'était un peu -- on avait l'impression qu'il
16 s'agissait d'une scène du film "Apocalypse Now." C'était, je dois dire,
17 très étrange et très lugubre.
18 Q. Lors de ces 24 heures du 12 et du 13 novembre, est-ce que vous n'avez
19 jamais rencontré un défenseur croate au sein de la ville de Vukovar ?
20 R. Non. Les seuls Croates que j'ai vus étaient des civils qui sont arrivés
21 le matin du 13 novembre, justement dans le secteur où nous nous trouvions.
22 Il ne s'agissait que de femmes, un groupe de quelque 10, 12 femmes. On les
23 a conduites vers l'arrière. Elles ont dû passer par les soldats qui
24 combattaient. On leur a dit -- on nous a dit qu'elles allaient être en
25 sécurité. Mais nous, nous avons imaginé qu'elles allaient devoir répondre à
26 des questions posées par les soldats. Nous n'avons pas pu avoir accès à ce
27 groupe. Non, nous n'avons jamais rencontré ni de Croates, ni -- non,
28 pendant ces jours-là, non.
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1 Q. Pendant ces jours, est-ce qu'il y avait un pilonnage autour de la
2 ville ?
3 R. Oui, tout à fait. Il y avait des pilonnages. Il faut savoir qu'à ce
4 moment-là, il n'y avait qu'une petite partie de Vukovar qui se trouvait
5 encore entre les mains croates. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu des
6 tirs d'artillerie lourde. Il y a eu des tirs de mortiers, des tirs de
7 mitraillettes. Il y a eu des explosions. Je pense que les soldats
8 transportaient une arme que l'on appelle -- il s'agit d'une arme légère
9 antichar. Elle a 1 mètre de long. Vous la déployez en quelque sorte. Elle
10 peut -- vous pouvez tirer une seule fois avec cette arme. Donc, c'est une
11 petite arme antiblindée. Les Yougoslaves avaient leur propre version de
12 cette arme. Je le sais, parce que nous avions cela au niveau du Corps de
13 marine néerlandais. Les soldats transportaient cela. De toute évidence, ils
14 ne les utilisaient pas contre des blindés que les Croates n'avaient pas,
15 mais contre toute place forte. Je n'ai fait qu'entendre ces explosions. Je
16 n'ai jamais vu cette arme être utilisée.
17 Q. Merci. Vous avez mentionné un peu plus tôt lors de votre déposition,
18 l'utilisation de lance-roquettes multiple. Est-ce que vous avez vu ce genre
19 d'armes utilisées le 12 ou 13 novembre autour de Vukovar ou à Vukovar ?
20 R. De toute façon, on a vu ce genre d'armes utilisées avant le 13 et le
21 12. Nous avons filmé d'ailleurs cela. Autant que je m'en souvienne, il
22 s'agissait d'un lance-roquettes multiple de 128-millimètres. Nous avons vu
23 que ces armes étaient utilisées à plusieurs occasions. Mais je ne me
24 souviens pas soit les avoir vues, soit avoir entendu que ces armes étaient
25 utilisées le 12 ou le
26 13 novembre.
27 Q. Si je vous ai bien compris, vous nous avez dit que vous pensiez avoir
28 entendu ces armes avant le 12 ou le 13 novembre; est-ce exact ?
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1 R. Oui, en octobre, c'est cela.
2 Q. Dans quelle zone ?
3 R. Au sud de Vukovar, autour du village de Negoslavci.
4 Q. Très bien. Lorsque vous avez observé le pilonnage ou les pilonnages,
5 avant ces deux jours du 12 et 13 novembre ainsi que pendant ces deux
6 journées du 12 et du 13 novembre, est-ce que vous pourriez nous dire
7 comment est-ce que les différences forces étaient utilisées - je pense, par
8 exemple, à ce que j'appellerais la proportionnalité de l'utilisation des
9 forces par la JNA ?
10 R. La proportionnalité ? Comme je vous l'ai déjà dit ici, je n'ai jamais
11 vu de tirs provenir de l'autre côté. En d'autres termes, je n'ai jamais vu
12 la JNA subir des tirs d'armes lourdes, et je n'ai jamais non plus entendu
13 de la part d'officiers de la JNA ou de soldats, que les Croates avaient une
14 artillerie. C'était des attaques unilatérales en quelque sorte. Il y avait
15 une artillerie lourde qui était systématiquement utilisée contre Vukovar,
16 et ce, pendant toute la guerre. Mon impression et notre impression était -
17 c'est d'ailleurs ce que nous ont dit les membres de l'unité avec qui nous
18 nous trouvions le 12 et le 13 novembre - c'est que la bataille était
19 quasiment terminée. Il ne s'agissait que des derniers qui ne s'étaient pas
20 encore inclinés. La ville était sur le point de tomber entièrement sous le
21 contrôle de la JNA. Certainement, avant cela, nous avons vu différentes
22 unités d'artillerie, à maintes reprises, qui ont été déployées, comme des
23 batteries d'artillerie classique qui tiraient sur Vukovar. En fait, ils
24 tiraient tous dans la même direction. Ce n'est pas qu'ils ripostaient, par
25 exemple.
26 Q. Merci. Ensuite, votre équipe et vous-même êtes entrés dans Vukovar.
27 Quand est-ce que cela s'est passé la fois d'après ?
28 R. Le 18 novembre.
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1 Q. Pourquoi ne vous êtes-vous pas rendus dans ce secteur de Vukovar entre
2 le 12 novembre et le 18 novembre ?
3 R. Entre le 13, voulez-vous dire.
4 Q. Oui, oui, entre le 13 et le 18. Je m'excuse. C'est exact.
5 R. Nous avons fait des tentatives. D'ailleurs, nous avions obtenu
6 l'autorisation du ministère de la Défense à Belgrade. Mais nous avons été
7 arrêtés en chemin, et nous n'avons pas réussi à pénétrer dans Vukovar,
8 comme nous l'avions fait le 12 et comme nous l'avions fait les autres
9 jours. Nous avons pu finalement entrer dans Vukovar le 18. Nous n'avons pas
10 véritablement -- nous ne sommes pas véritablement entrés dans Vukovar. On
11 nous a arrêtés à Negoslavci. On nous a dit qu'il y avait des négociations
12 qui allaient avoir lieu pour la reddition. Là encore, nous avons rencontré
13 M. Sljivancanin ainsi qu'un délégué de la Croix-Rouge, du comité
14 international de la Croix-Rouge. Là, on nous a dit de suivre ces
15 négociations. Lesdites négociations ont abouti à la reddition d'une partie
16 des combattants croates et des civils de Vukovar, et cela, nous l'avons
17 filmé. C'est véritablement le 19 novembre que nous sommes entrés dans la
18 ville, à proprement parler.
19 Q. Très bien. Je pense qu'il faudrait peut-être procéder par étape. Le 13,
20 vous avez essayé, ou plutôt, entre le 13 et le
21 18 novembre, vous avez essayé d'obtenir cet accès. Finalement, le
22 18 novembre, vous avez eu la possibilité d'avoir accès à Vukovar.
23 R. C'est exact.
24 Q. Est-ce que vous n'avez jamais été -- pendant cette période comprise
25 entre le 13 et le 18 novembre, lorsqu'on vous a empêchés d'entrer dans la
26 ville, est-ce qu'on vous a fourni une raison expliquant ce refus ?
27 R. Non.
28 Q. Est-ce que vous avez demandé une raison ?
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1 R. Tout à fait. D'ailleurs, nous avons présenté notre point de vue de
2 façon véhémente. Le producteur et moi-même avions mis au point un petit
3 duo, comme avec le gentil flic et le méchant flic. Lui, il parlait de façon
4 aimable, et moi, de temps en temps, je perdais mon sang-froid. Il
5 expliquait : Mais s'il n'a pas accès, s'il ne peut pas envoyer son papier
6 ce soir, son travail va être menacé. Cela a parfois porté ces fruits, je
7 dois dire. Mais je dois dire que ces jours-là, au niveau des postes de
8 contrôle, ils nous ont tout simplement dit que nous n'avions pas le droit
9 de poursuivre notre chemin, sans autre forme d'explication d'ailleurs.
10 Q. Le 19, vous avez pu enfin avoir accès à Vukovar. Est-ce que vous avez
11 suivi la même procédure que vous nous avez relatée un peu plus tôt ? Vous
12 partiez de Belgrade très tôt le matin. Quel itinéraire avez-vous emprunté
13 le 19 lorsque vous êtes entrés dans Vukovar ?
14 R. Oui. Le 19.
15 Q. Le 18 ?
16 R. Le 18. Nous avions obtenu l'autorisation du ministère de la Défense la
17 veille. Nous sommes allés à Sid pour obtenir la deuxième autorisation, et
18 là, nous avons emprunté la route de Sid en passant par Tovarnik, Oriolik,
19 Negoslavci. Si je ne m'abuse, à Negoslavci, on nous a arrêtés et on nous a
20 justement dit que les négociations relatives à la reddition d'une partie
21 des forces croates et d'une partie des civils croates qui se trouvaient
22 encore en ville allaient avoir lieu et qu'il faudrait que nous nous
23 rendions sur place pour assister à ces négociations, et c'est ce que nous
24 avons fait.
25 Q. Où ont eu lieu ces négociations ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
26 R. Nous faisions partie d'un convoi avec des véhicules de la JNA. Il y
27 avait un certain nombre de véhicules de la JNA, et des véhicules du comité
28 international de la Croix-Rouge, pendant un certain temps. D'ailleurs, je
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1 ne me souviens pas tellement de la durée de ce trajet. C'est un itinéraire
2 que nous n'avions jamais emprunté, nous. Puis finalement, nous nous sommes
3 arrêtés près d'une ferme qui semblait être abandonnée. C'était une petite
4 demeure blanche. Là, une délégation de Croates est arrivée à pied et c'est
5 là que les négociations ont eu lieu. Autant que je m'en souvienne, je n'ai
6 pas eu le droit, personnellement, d'entrer dans la maison, mais mon
7 caméraman a pu filmer le début de ces négociations. Puis ensuite, on a
8 demandé au caméraman de partir, donc nous avons attendu à l'extérieur --
9 Q. [aucune interprétation]
10 R. -- jusqu'à ce que les négociations se terminent.
11 Q. Bon, vous attendiez dehors. Que s'est-il passé ensuite ? Qu'est-ce que
12 vous avez pu observer ? Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un ? Que
13 s'est-il passé, alors ?
14 R. Il y avait différents officiers de la JNA qui se trouvaient là et il y
15 avait le délégué du CICR. Autant que je m'en souvienne, les trois Croates
16 qui étaient là pour ces négociations ont été reconduits en ville pour
17 qu'ils puissent parler à leur camp. Puis, on nous a dit que les
18 négociations avaient été couronnées de succès, c'est le délégué du CICR qui
19 nous l'a dit d'ailleurs, et on nous a dit que la reddition aurait lieu cet
20 après-midi. Ensuite, on nous a emmené vers un autre endroit où la reddition
21 allait avoir lieu. C'était une route qui se suivait d'assez près le Danube,
22 si je ne m'abuse, puis, à un moment donné pendant l'après-midi, en fin de
23 l'après-midi, en fait, si je me souviens, des mouvements du soleil, mais
24 c'était le mois de novembre, dont je ne me souviens pas véritablement de
25 l'heure exacte, mais nous avons vu des personnes qui arrivaient par la
26 route. L'armée avait déployé plusieurs véhicules de transport de troupes,
27 et un grand nombre de soldats qui étaient déployés sur la route, qui
28 étaient le long de la route et qui n'étaient pas sur la route, qui étaient
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1 le long de la route, et ils avaient -- alors, toutes personnes qui venaient
2 devaient déposer les armes, étaient fouillées. On a pu filmer tout cela,
3 d'ailleurs. Les soldats ou les -- alors, nous avons pu filmer les soldats,
4 les combattants croates et les civils. On nous a dit qu'il y avait quelque
5 4 000 civils et plusieurs centaines de combattants qui étaient morts. On
6 nous a conduit vers les bus. On a demandé si nous pouvions aller à
7 l'endroit où on allait les emmener. On nous a refusé cette autorisation. On
8 nous n'a pas dit non plus où est-ce qu'ils allaient emmener ces personnes.
9 Une fois que la reddition a été terminée, nous avons emprunté notre
10 itinéraire normal et nous sommes rentrés en voiture à Belgrade pour pouvoir
11 mettre la touche finale à notre reportage et l'envoyer en temps voulu.
12 Q. Je vous remercie. Pour revenir un peu en arrière, vous étiez en train
13 de nous dire que vous attendiez à l'extérieur de cette maison blanche, et
14 vous aviez vu le CICR, et vous nous avez dit également que vous aviez vu à
15 cet endroit des officiers de la JNA. Est-ce qu'il y avait quelqu'un que
16 vous avez pu reconnaître qui était présent là et qui représentait -- ou qui
17 était un officier de la JNA ?
18 R. Je pense qu'il y avait, me semble-t-il, un colonel. Je ne me souviens
19 pas véritablement de son nom. Je pense qu'il s'appelait Pavlovic, mais je
20 n'en suis pas sûr et certain. C'est un homme d'ailleurs que nous avons
21 rencontré ensuite à nouveau.
22 M. Sljivancanin, nous l'avions rencontré à Negoslavci. Il parlait aux
23 délégués du CICR. C'est là que nous avons rencontré le délégué du CICR et
24 que nous avons été conscients de sa présence et que nous avons été
25 conscients du fait qu'il y avait à voir des négociations de reddition ce
26 jour-là, chose dont nous ne savions pas au moment de partir de Belgrade ce
27 matin-là. Mais je ne me souviens pas que
28 M. Sljivancanin était présent lors des négociations. Il se peut qu'il est
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1 été présent mais je ne m'en souviens pas.
2 Q. Vous avez mentionné que M. Sljivancanin était présent à Negoslavci.
3 Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est passé par la suite, que vous
4 avez observé à propos de M. Sljivancanin ?
5 R. Il parlait aux délégués du CICR par le truchement d'un interprète. Je
6 suppose que c'était un interprète qui avait été emmené par le CICR. Je
7 suppose qu'ils étaient en train de se demander où allaient avoir lieu les
8 négociations de la reddition. Peut-être qu'ils parlaient également des
9 personnes qui allaient être présentes lors de ces négociations. On nous a
10 un peu tenu à l'écart pendant ces négociations. Mais par la suite, et parce
11 que nous connaissions déjà M. Sljivancanin, nous nous sommes présentés aux
12 délégués du CICR et nous lui avons indiqué qui nous étions. Nous n'étions
13 pas les seuls journalistes d'ailleurs peut-être qu'il faudrait que je le
14 mentionne maintenant. Ce n'est pas qu'il y avait une foule de journalistes,
15 il y avait quelques journalistes seulement, d'après ce dont je me souviens,
16 à ma grande surprise d'ailleurs je dois dire, puisque c'était mon
17 concurrent direct de la BBC et d'ITV de la Grande-Bretagne. Il n'y avait
18 aucun journaliste qui représentait les réseaux nord américain. Il n'y avait
19 pas non plus de journalistes qui représentaient des journalistes serbes.
20 C'est un petit groupe qui se trouvait là et qui avait eu le droit de se
21 trouver là au moment de cette reddition.
22 Q. Vous nous dites un petit groupe. Combien étiez-vous ?
23 R. Je ne pense pas qu'il y avait plus qu'une douzaine de personnes.
24 Q. Les journalistes de la BBC, d'ITV et vous-même, quelle fut la procédure
25 adoptée pour être présent ?
26 R. Je ne sais pas si on peut véritablement évoquer une procédure. Comme
27 nous, ils avaient réussi à arriver jusqu'à Negoslavci. Comme nous, ils
28 avaient entendu qu'il y allait avoir des négociations, et comme nous, on
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1 leur avait dit certainement qu'ils pourraient suivre le convoi jusqu'à
2 cette ferme abandonnée où se déroulaient les négociations. Puis, comme
3 nous, on leur a dit qu'ils pouvaient se rendre à l'endroit de la reddition,
4 donc ils sont arrivés. Ils ne sont pas arrivés avec nous à Negoslavci, mais
5 après Negoslavci nous étions tous ensemble.
6 Q. Comment est-ce que la reddition a été organisée ? Est-ce que vous avez
7 eu la possibilité d'observer cela ?
8 R. Non, pas véritablement. Je pense qu'une heure avait dû être indiquée
9 aux Croates, on avait dû leur dire à un moment donné, vous pourrez franchir
10 les lignes comme ils le faisaient. Je suppose que l'on avait dit qu'ils
11 devaient emprunter une route bien précise, et qu'ils devaient marcher le
12 long de cette route. Je suppose également qu'on leur avait dit que toute
13 personne ne pourrait prendre que quelques effets personnels avec eux. Nous
14 avons vu un certain nombre de civils qui portaient des petits sacs, mais ce
15 n'est pas que les gens arrivaient avec tout leur mobilier. Ils ne pouvaient
16 transporter que des effets personnels légers, qu'ils pouvaient porter eux-
17 mêmes. On ne nous a pas dit -- ce que je vais dire maintenant, mais je
18 suppose que ceux qui avaient été des combattants parmi les Croates,
19 devaient également amener avec eux leurs armes personnelles. Comme je
20 l'avais déjà dit, il ne s'agissait que d'armes légères, des Kalashnikovs,
21 des pistolets, des revolvers, et des munitions également.
22 A un moment donné, on leur a dit qu'il fallait qu'ils déposent
23 littéralement leurs armes par terre, ce qu'ils ont fait. Ensuite, on les a
24 fouillés, et puis, on les a emmené avec les civils vers les bus qui
25 attendaient là. Manifestement, il y avait un horaire et tout cela. Un
26 itinéraire avait également été évoqué pour cette reddition. Pour ce qui est
27 de savoir ce qui avait fait l'objet de discussion pendant les négociations,
28 je n'étais pas au courant.
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1 Q. Lorsque vous avez observé ces hommes qui déposaient les armes à terre,
2 est-ce que vous avez pu observer si ces personnes portaient des uniformes,
3 ou est-ce qu'ils avaient une tenue vestimentaire mixte ? Est-ce que vous
4 avez pu observer comment ils étaient habillés ?
5 R. Nous nous sommes rendus compte immédiatement qu'aucun Croate ne portait
6 l'uniforme. Ils étaient tous en tenue civile.
7 Q. Avez-vous vu ce qui s'est passé -- vous nous avez mentionné
8 la présence de 4 000 civils. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à ces
9 civils ?
10 R. Les civils, tout comme les soldats, à savoir, tout comme les
11 combattants croates ont suivi la même route. Ils sont arrivés ensemble. Il
12 ne s'agissait pas d'un groupe distinct. Il s'agissait d'un groupe mixte. Il
13 y avait des hommes, des femmes, des enfants d'âges très variés. Il n'y a
14 pas eu de provocations du tout de la part des soldats, et je dois dire que
15 pour nous cela a été une grande surprise. Bon nombre pleurait, bon nombre
16 avait peur. Ils ont été emmenés vers les autocars pour être conduits
17 ailleurs. C'est tout ce que nous avons su, et comme je l'ai dit auparavant,
18 nonobstant le fait que nous ayons demandé l'autorisation de les filmer dans
19 les autocars pour voir où est-ce qu'ils auraient été emmenés, où est-ce
20 qu'ils allaient être emmenés, l'autorisation nous a été refusée.
21 Q. Par la suite, vous êtes entré à Belgrade, je suppose. C'était la chose
22 que vous faisiez habituellement. Alors qu'est-il arrivé le jour d'après ?
23 Quand est-ce que vous avez quitté Belgrade après ce 19 novembre ?
24 R. Comme d'habitude, nous sommes partis tôt le matin vers
25 4 heures 30. Nous avons roulé jusqu'à Sid. Nous avons emprunté la même
26 route pour passer par Sid, Tovarnik, Oriolik, Negoslavci. Nous arrivions
27 aux points de contrôle. On nous laissait passer et nous sommes arrivés en
28 fin de compte à Vukovar. On nous a dit là-bas que les combats avaient
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1 cessé. Une fois de plus, nous avons retrouvé la même unité de la garde que
2 nous avions rencontrée auparavant, et le lieutenant que nous avions
3 rencontré de par le passé nous a donné quelques hommes pour faire le tour
4 de la ville. Nous l'avons fait à pied. A certains moments, nous avons pris
5 nos voitures, mais on nous avait dit que c'était relativement sûr que d'y
6 aller à pied mais qu'il s'agissait d'être en compagnie de militaires, de
7 soldats, parce qu'il y avait autour des mines ou des explosifs qui
8 traînaient et que c'était plus sûr que d'avoir quelqu'un qui nous
9 accompagnerait.
10 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Vukovar ce jour-là ?
11 R. Je ne peux pas vous répondre de façon précise, mais je dirais que nous
12 avons passé toute la matinée et une partie de l'après-midi. Je crois que
13 nous avons quitté les lieux vers 4 heures de l'après-midi, mais je ne
14 saurais être plus précis.
15 Q. Vous nous avez indiqué que vous aviez retrouvé cette unité de la garde
16 que vous aviez rencontrée auparavant, déjà, à l'occasion des déplacements
17 vers Vukovar. Où êtes-vous allé ? Vous nous avez dit que vous aviez la
18 possibilité d'aller et venir en toute liberté, plus ou moins. Dites-nous ce
19 que vous avez pu remarqué dans la ville de Vukovar ?
20 R. D'après mes souvenirs, nous avions deux soldats qui nous
21 accompagnaient. Ils nous ont emmené vers le cśur même de la ville. Là, nous
22 avons vu que de grands groupes de civils sortaient de leurs abris et qu'ils
23 étaient emmenés par les soldats de la JNA du centre vers la banlieue. Nous
24 avons filmé cela. Nous avons rencontré -- nous avons dû faire face à une
25 scène incongrue, parce qu'au centre-ville nous avons rencontré des gens qui
26 se disaient des hommes à Seselj et qui se disaient être des Chetniks ou des
27 nationalistes serbes extrémistes. Ils avaient installé tout ce qu'il
28 fallait pour avoir de la musique et ils ont commencé à faire la fête dans
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1 ce qui avait été les ruines de la ville. Nous avons parcouru bon nombre de
2 rues, petites et grandes. Nous avons vu des cadavres de gens inanimés, des
3 personnes qui avaient, à un certain moment, été tuées il y a longtemps et
4 qui étaient dans des phases de décomposition variées. Nous avons vu des
5 personnes qui étaient tuées récemment. Il y a eu des soldats qui tiraient
6 en l'air, et il était clair que certains d'entre eux avaient bu une
7 certaine quantité d'alcool et nous avons dû nous comporter de façon très
8 prudente.
9 L'une des raisons pour laquelle nous avons été là-bas, c'est que nous
10 avions conscience du fait qu'il pouvait y avoir un massacre après la chute
11 de Vukovar. En notre qualité de correspondant de la guerre, c'était une
12 chose que nous avions coutume de faire, à savoir que d'essayer d'être
13 témoin de tout ce qui se passait et essayer notamment d'empêcher les choses
14 de survenir. Je me souviens d'une discussion avec Martin Bell, le
15 correspondant de la BBC qui était exactement du même avis, et nous avions
16 convenu entre nous de nous trouver à des endroits différents, pour ne pas
17 trouver au même endroit à la fois. Nous avions prévenu les gens qui nous
18 accompagnaient de cette possibilité parce que nous avons vu des Croates
19 emmenés, par exemple, des hommes à Seselj, et ils intervenaient et
20 veillaient à ce que cet homme soit emmené par des soldats de la JNA plutôt
21 que par des membres de ces milices.
22 Nous avons abouti à l'hôpital de Vukovar.
23 Q. Excusez-moi, mais est-ce que vous vous souvenez quand est-ce que vous
24 avez abouti à cet hôpital de Vukovar ?
25 R. Cela devait être l'après-midi, mais je ne sais pas vous donner d'heure
26 précise. J'imagine qu'il devait être 2 heures, 2 heures et demie.
27 Q. Mais pourquoi dites-vous que vous avez fini par aboutir à l'hôpital de
28 Vukovar ?
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1 R. Cela, on peut le voir sur la carte. Une fois qu'on a traversé le centre
2 de Vukovar, et si vous y allez notamment à pied, c'est là qu'on aboutit.
3 Q. Je m'excuse, je dois vous interrompre une fois de plus, mais qu'est-ce
4 que c'est cette carte que vous êtes en train de consulter ?
5 R. Je ne sais pas quel est son numéro, mais c'est une carte détaillée où
6 l'on voit les casernes de la JNA, l'hôpital, la rue Nova et Velepromet.
7 Q. Oui. C'est la pièce à conviction numéro 59. Nous savons de quoi nous
8 parlons maintenant.
9 J'en reviens à ma question précédente : Pourquoi avez-vous dit que
10 vous aviez fini par aboutir à l'hôpital de Vukovar ?
11 R. Si on prend cette carte, et je ne sais pas plus où j'ai mis le crayon
12 qui permet d'indiquer les choses --
13 Q. L'huissier va vous aider.
14 R. Je m'en excuse. Nous sommes arrivés par la route en provenance de
15 Negoslavci. Je ne me souviens pas exactement où est-ce que nous avons garé
16 nos véhicules, mais par la suite nous avons marché à pied. Nous sommes
17 arrivés jusqu'au château d'eau, et nous avons marché pour arriver jusqu'à
18 l'hôpital.
19 Q. Mais avant que d'arriver à l'hôpital, vous ayez parlé d'un château
20 d'eau. Est-ce que vous êtes monté ?
21 R. Oui. Nous y avons été avec le chef du peloton et le commandant de la
22 compagnie, et tous deux sont entrés dans le château d'eau qui se trouvait
23 être assez endommagé. Partant de là, on pouvait voir la ville de Vukovar et
24 Borovo Naselje en contrebas.
25 Q. De quoi cela avait-il l'air, lorsque vous êtes monté, vous pouviez
26 regarder Vukovar ?
27 R. Il y avait à Borovo un grand feu, et nous pouvions en contrebas voir
28 une ville complètement détruite, maison après maison. Les différents
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1 immeubles étaient touchés. Les toits avaient disparu. Il n'y avait que des
2 poutres qui sortaient. La ville était pratiquement, complètement détruite.
3 Q. Bien. Alors, vous êtes arrivé à l'hôpital de Vukovar ?
4 R. Oui.
5 Q. Plutôt, je vais vous redemander à quelle heure pensez-vous que cela se
6 soit produit ?
7 R. Je crois que c'était dans le courant de l'après-midi. C'est la dernière
8 des choses que nous ayons filmées ce jour-là. La raison pour laquelle je
9 m'en souviens, c'est qu'on a dû filmer la partie ou je parle directement
10 dans la caméra. Je l'ai fait à l'hôpital. C'est la toute dernière chose que
11 nous ayons faite avant que de regagner nos voitures et de retourner à
12 Belgrade pour monter les enregistrements que nous avions faits, et envoyer
13 cela à la rédaction.
14 Q. J'aimerais que cette carte utilisée par le témoin soit versée au
15 dossier.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction 135,
18 Monsieur le Juge.
19 Mme TUMA : [interprétation]
20 Q. Quand vous êtes allés à l'hôpital, qu'avez-vous remarqué au niveau du
21 bâtiment, de l'immeuble en tant que tel ?
22 R. L'hôpital a également subi des dégâts considérables. Il y a eu une
23 série touchers directs, notamment à l'arme de gros calibre. Je ne sais pas
24 vous parler du calibre précis des obus, mais je dirais que les dégâts ont
25 été assez sérieux. On a pu voir des dégâts à tous les étages. Il était
26 évident que le bâtiment était en piteux état. Lorsque nous sommes entrés,
27 on nous a dit que tous les étages du haut avaient été évacués et que tous
28 les blessés ont été rassemblés dans les combles, dans les caves. Les caves
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1 étaient pleines, archipleines de blessés. On nous dit qu'il y avait
2 plusieurs centaines de personnes. Les gens étaient pêle-mêle. Il y avait
3 des hommes, des femmes et des enfants.
4 Q. Vous nous avez dit que vous êtes rentrés dans l'hôpital. Ceci s'est
5 produit dans l'après midi du 19 novembre; n'est-ce pas ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Combien de temps êtes-vous restés à l'intérieur de l'hôpital pour
8 observer ce que vous avez observé ?
9 R. Je pense que nous y sommes restés environ une heure. Je n'arrive pas à
10 me souvenir très précisément combien. Nous avons essayé de trouver un
11 docteur qui parlait l'anglais. Il s'agissait d'une femme docteur. Nous nous
12 sommes entretenus avec elle. Elle était originaire de Vukovar. Elle nous
13 parlé de la ville. Elle nous a parlé de la ville, elle nous a indiqué
14 qu'elle y avait sa famille. Elle nous a parlé de son sentiment, enfin des
15 impressions qu'elle avait, l'impression qu'elle devait quitter cette ville.
16 Elle avait conscience de devoir la quitter sans éventuellement plus jamais
17 y retourner. Elle nous a parlé de la situation médicale. Elle nous avait
18 parlé des coupures d'eau, d'électricité, de médicaments, de plasma. Elle
19 nous a parlé de ces caves qui étaient très pleine. Il n'y avait pas
20 d'espace où on pouvait avoir son espace à soi. Elle nous a dit qu'elle a dû
21 donner naissance -- enfin qu'il y a eu des naissances qui -- des nouveau-
22 nés qui sont venus au monde dans tous ces -- parmi tous ces dégâts. C'était
23 la seule personne que nous avons pu interviewer. J'ai demandé parler au
24 directeur de l'hôpital, mais je crois - et là aussi c'était une femme -
25 nous n'avons pas pu la rencontrer et nous sommes sortis.
26 Q. Vous nous dites que vous êtes allés dans les caves. Est-ce que vous
27 avez pu vous déplacer à l'intérieur de l'hôpital dans cet après-midi du 19
28 novembre ?
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1 R. Oui. Pour autant que je m'en souvienne, nous pouvions librement nous
2 déplacer dans les caves, les corridors, les différentes pièces. Mais je ne
3 peux pas affirmer que j'ai vu toutes les pièces de ce sous-sol. Nous en
4 avons vu certaines, mais je ne pense pas avoir vu la totalité des pièces
5 parce que le bâtiment était de grande taille. Nous nous sommes efforcés
6 d'en voir le plus possible, d'en filmer le plus possible également.
7 Q. Lorsque vous avez inspecté cet hôpital, avez-vous pu identifier ou
8 relever la présence d'armes quelconques à l'intérieur de l'hôpital ?
9 R. Non. Nous n'en avons pas trouvées. Nous avons vu qu'il y avait des gens
10 qui étaient blessés, qui étaient probablement blessés ce même jour. Il
11 devait probablement aussi s'agir de combattants croates. Mais nous n'avons
12 pas vu d'armes et nous nous n'avons pas vu d'hommes en uniforme.
13 Q. Quelle était la sensation que vous aviez lorsque vous vous trouviez à
14 l'hôpital ?
15 R. Quel type de sentiments peut-on avoir en arrivant à un endroit où il y
16 a cette horreur horrible -- cette odeur horrible, cette agonie de bon
17 nombre de personnes. On voit qu'il y a des personnes physiquement blessées.
18 Même celles qui n'étaient pas blessées de ces personnes avaient des
19 cicatrices mentales des plus profondes, compte tenu de ce qu'ils avaient
20 vécu -- de ce qu'elles avaient vécu. Alors, nous avions ressenti beaucoup
21 de pitié pour tous ces gens-là. Ce n'était pas quelque chose d'agréable.
22 Q. Vous nous avez parlé d'odeur. En général, les hôpitaux -- dans les
23 hôpitaux, il y a cette odeur d'antiseptique ?
24 R. Non. Il s'agit ici d'un hôpital où il n'y avait pas d'odeur
25 d'antiseptique, il ne s'agissait pas d'un hôpital nettoyé convenablement,
26 comme il se devait. Il y avait cette odeur de morts, cette odeur
27 d'excréments, cette odeur -- enfin cette puanteur d'endroit qui n'était pas
28 du tout propre.
Page 3124
1 Q. Est-ce que pendant que vous vous trouviez là-bas, il aurait été
2 question d'évacuation ?
3 R. En m'entretenant avec cette femme médecin, elle a clairement indiqué
4 que les personnes blessées, étant donné que l'hôpital ne pouvait pas le
5 leur assurer, n'avaient pas bénéficié d'un traitement approprié et que
6 l'évacuation des blessés devait constituer la nécessité la plus absolue.
7 Nous avons imaginé que cela constituerait la priorité la plus grande de
8 toutes. En quittant, nous avons rencontré le délégué de -- le représentant
9 du CICR à l'extérieur de l'hôpital. Si mes souvenirs sont bons, il
10 s'entretenait avec M. Sljivancanin. Ils n'ont pas voulu s'entretenir avec
11 nous. Le représentant du CICR nous a dit qu'il était là pour organiser
12 l'évacuation des personnes qui se trouvaient à l'intérieur de l'hôpital.
13 Cela constituait de façon tout à fait évidente la priorité, compte tenu de
14 l'était terrible dans lequel se trouvaient ceux qui y étaient blessés.
15 Q. Vous avez indiqué que le CICR -- le représentant du CICR se trouvait à
16 l'extérieur de l'hôpital. Vous ai-je bien compris, que cela signifie
17 également que M. Sljivancanin, lui aussi se trouvait à l'extérieur ?
18 R. Oui, pour autant que je m'en souvienne.
19 Q. Vous étiez présent tout le temps ?
20 R. Nous l'avons rencontré lorsque nous sommes sortis, et nous l'avons vu à
21 cet endroit.
22 Q. Avez-vous entendu dire quoi que ce soit ?
23 R. La seule chose dont nous avons entendu dire de la bouche du
24 représentant du CICR, c'est qu'il avait négocié l'évacuation des personnes
25 blessées. C'est tout ce que nous avons appris, puisque nous avons dû faire
26 nos bagages pour repartir vers Belgrade.
27 Q. Bien. Est-ce que vous êtes retournés à Vukovar après la date du 19
28 novembre ?
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1 R. Oui. Nous sommes revenus le 20 novembre, à savoir, le jour d'après.
2 Q. Quand êtes-vous partis le matin ? Est-ce que vous avez fait comme vous
3 nous l'avez déjà décrit pour ce qui est des départs de Belgrade ?
4 R. Oui, c'était la même routine. On quittait Belgrade vers
5 4 heures ou 4 heures trente du matin. On roulait jusqu'à Sid, Sid. On
6 passait par Tovarnik, Oriolik, Negoslavci. La seule différence cette fois-
7 ci, c'est que nous y sommes allés avec notre voiture pour aller directement
8 à Vukovar jusqu'à l'hôpital, puisque nous savions, qu'à ce moment-là, tous
9 les civils avaient déjà été évacués ou emmenés vers les banlieues. Du point
10 de vue de nos récits du journaliste, ce qui nous intéressait, c'est ce qui
11 se produirait à l'hôpital concernant l'évacuation des blessés.
12 Q. Est-ce que vous êtes allés directement à l'hôpital une fois arrivé à
13 Vukovar, ou est-ce que vous êtes passés par d'autres secteurs avant que
14 d'arriver à l'hôpital lui-même ?
15 R. Nous avons dû parcourir la ville et passer par le centre avant que
16 d'arriver à l'hôpital. De là, à savoir si nous nous sommes arrêtés sur la
17 route pour voir ce qui s'était passé avec l'unité de la garde que nous
18 avions rencontrée les journées d'avant, je ne m'en souviens pas. Il se peut
19 que cela ait été le cas, mais il se peut que nous nous soyons arrêtés au
20 niveau de cette unité de la garde avant que de continuer jusqu'à l'hôpital.
21 Je me souviens avec certitude d'avoir vu le lieutenant de cette unité de la
22 garde à l'hôpital, et il se peut qu'il soit arrivé là avec nous. Ce dont je
23 me souviens, c'est que pour la première fois, lui-même s'était trouvé à
24 l'hôpital ce jour-là.
25 Q. Je comprends que c'était une période des plus difficiles, et je sais
26 également que cela s'est passé il y a longtemps. Sauriez-vous à peu près
27 nous dire vers quelle heure vous êtes arrivés à l'hôpital ?
28 R. Dans la matinée. Je ne sais pas vous donner l'heure précise, non.
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1 Q. Est-ce que vous pouvez à peu près nous dire entre quelle heure et
2 quelle heure ? Combien de temps normalement vous fallait-il pour arriver de
3 Belgrade à Vukovar ?
4 R. Après toutes ces années, vous dire à quelle heure nous sommes arrivés à
5 l'hôpital, il me semble être très difficile. Je sais que cela s'est passé
6 dans la matinée. Je sais que nous avons dû attendre devant l'hôpital
7 pendant un certain temps, pas mal de temps. J'imagine qu'il devait être 9
8 heures ou 10 heures du matin, mais je ne sais pas vraiment vous donner
9 d'heure précise.
10 Q. Bien. Vous êtes arrivés à l'hôpital. Qu'avez-vous remarqué au moment où
11 vous êtes arrivés à l'hôpital ?
12 R. Tout d'abord, nous avons remarqué qu'il y avait des soldats de la JNA
13 là-bas, et que nous n'avons pas eu l'autorisation d'entrer dans l'hôpital
14 lui-même. Nous avons pu accéder au complexe de l'hôpital, mais on ne nous a
15 pas laissés entrer dans le sous-sol de l'hôpital.
16 Q. Qui vous a dit que vous n'aviez le droit d'entrer dans l'hôpital
17 puisque vous y aviez été le jour d'avant ?
18 R. Oui, mais le jour d'avant, il n'y avait pas de soldats à l'entrée et
19 dehors. Le deuxième jour - c'est ce jour-là - il y avait des soldats. Ils
20 nous ont dit que nous ne pouvions pas entrer. Ce que nous avons pu sentir,
21 ce que nous avons constaté à l'arrivée, c'était d'où venait cette odeur de
22 mort. Nous avons vu un grand nombre de soldats et de civils morts, qui
23 étaient allongés dehors, non pas enterrés, non pas dans des cercueils, mais
24 c'étaient des gens qu'on avait posés là, parce que le personnel de
25 l'hôpital n'avait pas la possibilité de faire autrement. Compte tenu de
26 cette situation de siège, elle n'avait pas la possibilité de les enterrer.
27 Q. Vous nous avez indiqué que vous avez vu des soldats de la JNA une fois
28 arrivés à l'hôpital. Quand vous dites qu'il y eu des soldats de la JNA,
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1 pourriez-vous être plus précis et nous dire combien de véhicules militaires
2 il y avait ? Pouvez-vous étoffer votre propos ?
3 R. Pas beaucoup, je le crains. Il y avait des soldats. C'était normal pour
4 une zone de combat. Cela n'a surpris personne que de les voir. Nous n'avons
5 pas été surpris non plus. Il apparaissait avec évidence, que s'agissant de
6 l'évacuation, les soldats avaient un rôle à jouer pour ce qui est notamment
7 du transport des blessés et du personnel de l'hôpital de Vukovar. Je ne me
8 souviens pas d'avoir vu une forte concentration de soldats. Je ne me
9 souviens pas de char, par exemple, mais je ne sais pas vous dire du tout
10 combien de soldats il y avait.
11 Q. Est-ce que vous avez essayé d'entrer dans l'hôpital ?
12 R. Oui, nous avons essayé, et nous avons voulu entrer. Mais on nous a dit
13 qu'on n'avait pas le droit de le faire.
14 Q. Est-ce que vous vous êtes entretenus à ce sujet avec quiconque ?
15 R. Avec les soldats qui se trouvaient là-bas. Je ne me souviens pas
16 d'avoir discuté de la chose avec quelqu'un de précis. Par la suite, nous en
17 avons parlé avec M. Sljivancanin, parce que nous l'avons rencontré. Mais je
18 n'ai pas de souvenir précis concernant l'heure à laquelle cela est arrivé.
19 Il était une fois de plus présent avec le représentant du CICR. Ils étaient
20 en train de discuter, de débattre de la chose assez vivement, et nous avons
21 filmé cela de loin. Ensuite, on leur a demandé pourquoi ils se disputaient.
22 Le représentant du CICR a fait une chose qu'ils n'ont pas l'habitude de
23 faire, à savoir, faire une déclaration devant les caméras. Le comité
24 international de la Croix-Rouge a pour politique de ne pas s'entretenir
25 avec les journalistes ou de ne pas faire de déclaration aux journalistes.
26 C'était tout à fait inhabituel. La seule chose qu'il nous a dite, c'était
27 que le travail du CICR était rendu complètement impossible dû -- par la
28 faute de la JNA. Nous n'avons pas pu le filmer, mais il nous a dit que les
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1 accords atteints auparavant ont été annulés, accords entre la JNA et le
2 CICR. Ils sont entrés dans l'hôpital. C'est tout ce qu'il nous a dit.
3 Q. Vous dites qu'il vous a dit qu'ils sont entrés dans l'hôpital. Quand ?
4 R. Il a dit qu'ils sont entrés dans l'hôpital le jour d'avant, à savoir,
5 le 19 novembre. Nous nous sommes également entretenus avec M. Sljivancanin
6 pour ce qui est des raisons de sa dispute avec le représentant du CICR. Il
7 nous a dit que ce représentant du CICR était naïf et qu'il ne semblait pas
8 réaliser que c'était une zone de guerre. Si mes souvenirs sont bons, il a
9 également accusé le CICR d'un manque d'impartialité dans ce conflit. C'est
10 tout ce qui nous a été dit à ce moment-là. Je ne pense pas que quiconque
11 nous aurait fourni des explications pour ce qui est des raisons pour
12 lesquelles l'on se voyait interdire l'accès à l'intérieur de l'hôpital à
13 cette date du 20 novembre.
14 Q. Pour ce qui est de cette dispute entre M. Sljivancanin et le
15 représentant du CICR, où est-ce que cela s'est-il passé ?
16 R. Ce que nous avons pu filmé, cela se trouvait devant nous à l'entrée
17 même de l'hôpital, devant la porte de l'hôpital.
18 Q. Vous êtes en train de parler de la porte d'entrée de l'hôpital. Est-ce
19 que vous vous souvenez de quel côté de l'hôpital il s'agissait, puisque cet
20 hôpital comporte plusieurs bâtiments et plusieurs entrées différentes ?
21 R. Il s'agissait ici du bâtiment principal de l'hôpital. J'imagine que
22 c'était là la porte d'entrée principale, mais je ne sais pas vous dire de
23 quel côté cette entrée se trouvait. Je n'ai vu cet hôpital que pendant deux
24 journées de ma vie; le 19 et
25 20 novembre. Je crois savoir qu'il s'agissait du bâtiment principal.
26 J'imagine également qu'il s'agissait de l'entrée principale, mais je ne
27 sais pas être plus précis que cela.
28 Q. Savez-vous nous dire si vous-même et votre équipe, vous vous êtes
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1 adressés aux représentants du CICR dans le courant de cette dispute ?
2 R. Non, pas pendant la dispute. Nous ne l'avons pas fait pendant que cette
3 dispute avait cours. Une fois qu'ils ont cessé de se disputer, si me
4 souvenirs sont bons, le représentant du CICR est venu à nous, et il a dit
5 qu'il voulait faire une déclaration. Il s'est passé ce que je vous ai dit
6 tout à l'heure, à savoir que devant les caméras, il a fait une déclaration,
7 ce qui diffère de mon expérience précédente, parce que le CICR, où que ce
8 soit au monde en Yougoslavie, au Moyen-Orient ou ailleurs, n'avait pas
9 l'habitude -- n'a pas l'habitude de faire des déclarations devant les
10 caméras pour les médias. Il l'a fait, parce qu'il était de toute façon très
11 en colère, et il voulait protester par le biais de la communauté
12 internationale.
13 Q. M. Sljivancanin, est-ce que vous vous êtes approchés de lui ou est-ce
14 que lui qui est venu à vous; vous en souvenez-vous ?
15 R. Je ne sais pas si c'est lui qui est venu à nous ou si c'est nous qui
16 sommes à lui. Toujours est-il que nous avons voulu nous entretenir avec lui
17 au sujet de ce qui se passait et au sujet des motifs de la dispute entre
18 lui et le représentant du CICR. Nous ne comprenions pas pourquoi il y avait
19 dispute entre la JNA et le CICR, mais, je ne sais pas qui est-ce qui a
20 commencé -- enfin, qui est-ce qui a abordé l'autre en premier.
21 Q. Est-ce que vous avez pu remarquer à ce moment-là des gens autour de ce
22 complexe ou est-ce que le complexe en tant que tel était vide ? Est-ce que
23 vous pouvez nous dire ce que vous avez vu dans le l'enceinte de l'hôpital ?
24 R. Pour autant que je m'en souvienne, il y avait plusieurs véhicules de la
25 Croix-Rouge, des ambulances. Il y avait des véhicules de la JNA, et je ne
26 sais pas à quel moment les autocars sont arrivés, mais il me semble que
27 lorsque nous sommes arrivés, ils ne s'y trouvaient pas. Il y avait
28 plusieurs véhicules militaires de couleur verte et plusieurs ambulances. Je
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1 me souviens y avoir vu plusieurs ambulances militaires, et ces ambulances-
2 là sont de couleur verte et diffèrent des ambulances civiles. Ces
3 ambulances étaient là pour transporter les personnes les plus grièvement
4 blessées. Je me souviens qu'il y avait une femme âgée qu'on a fait monter à
5 bord de l'un de ces véhicules, une personne âgée et une femme avec son
6 petit-fils qui devait avoir huit ou neuf ans, et qu'on a fait monter avec.
7 Q. Vous avez parlé de personnes qu'on avait monté à bord de l'autocar.
8 L'avez-vous vu et où ? Combien d'autocars y avaient-ils ?
9 R. Oui. Nous l'avons vu. Nous avons filmé des personnes sortant de
10 l'hôpital. On a pu voir des blessés, des civils, des femmes, des enfants,
11 des hommes, du personnel médical marchant de l'hôpital et se dirigeant vers
12 les autocars qui se trouvaient garés devant. Je ne me souviens pas du
13 numéro exact d'autocars. Il y en avait peut-être cinq à six. Il y avait
14 également des véhicules militaires. Il y avait des ambulances et lorsque
15 les autobus sont partis, nous les avons suivis. Nous les avons filmés alors
16 qu'ils roulaient, mais pas très longtemps parce qu'on nous a dit que ces
17 autobus se rendaient jusqu'à la ligne de front et qu'ils allaient traverser
18 la ligne de front pour aller sur le territoire croate et qu'il ne nous
19 était plus possible de les suivre puisque cela n'était plus sûr pour nous.
20 Plus tard, toutefois, ils n'ont pas pu traverser de l'autre côté.
21 Nous les avons revu de nouveau et lorsque nous les avons revus, le CICR
22 n'était plus là, mais les moniteurs de la Communauté européenne étaient là
23 et ils étaient connus comme étant des vendeurs de glace parce qu'ils
24 portaient des vêtements blancs et ils avaient l'emblème de l'Union
25 européenne. C'est ainsi que les gens les appelaient. Par la suite, nous
26 avons rencontré l'officier de la JNA, celui que nous avions vu dans la
27 ferme au cours des négociations qui avaient eu lieu le 18. Si je me
28 souviens bien, il s'appelait Pavlovic.
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1 Ensuite, on nous a dit que les autocars ont essayé de se rendre en
2 Croatie, sur le territoire croate, mais qu'ils n'ont pas pu se rendre très
3 loin du côté croate, et qu'ils ont dû rebrousser chemin.
4 Ensuite, on nous a dit que ces autobus allaient être conduits à
5 Sremska Mitrovica et que les personnes qui n'étaient pas blessées seraient
6 placées dans une salle de sport alors que les blessés seraient amenés dans
7 un hôpital en Serbie.
8 Q. Bien. Maintenant, pour revenir à l'hôpital, vous nous avez dit avoir pu
9 observer des personnes montées à bord d'autobus. Pourriez-vous nous décrire
10 de quel genre de personnes il s'agissait ? Des hommes ? Des femmes ?
11 R. Si je ne m'abuse, je l'ai déjà mentionné. C'étaient des femmes, hommes
12 et enfants d'âges divers, tous. Quelques-uns d'entre eux étaient blessés,
13 d'autres, non. Il y avait des personnes qui pleuraient, telles que nous les
14 avons vues le 18 novembre. Les personnes étaient en larmes. Les autobus
15 étaient complètement bondés. Il y avait tellement de personnes que les gens
16 étaient debout et tout était plein à craquer. Il y avait des hommes, des
17 femmes et des enfants de tout âge.
18 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de parler, de vous entretenir avec ces
19 personnes ?
20 R. Si je me souviens bien, non. Nous n'avons pas pu leur parler. Si je ne
21 m'abuse, on nous a arrêté. Enfin, on ne nous a pas permis, mais je ne me
22 souviens plus pourquoi.
23 Q. En parlant de ces autobus, c'étaient des autobus de civils ?
24 R. C'étaient des autobus de civils.
25 Q. Avaient-ils d'autres autobus, autres que les autobus civils ?
26 R. Non. Si je m'en souviens bien, non. Il y avait d'autres véhicules qui
27 faisaient partie de ce convoi. Il y avait des ambulances que j'ai
28 mentionnées un peu plus tôt, il y avait également d'autres véhicules
Page 3132
1 militaires qui accompagnaient et qui escortaient ces autobus, devant et
2 arrière. Mais les autobus étaient civils -- c'était des autobus de civils.
3 Q. De nouveau, je vais devoir vous poser une question forte difficile.
4 Vous nous avez parlé de la situation. Vous nous avez dit avoir quitté
5 l'hôpital. Vous nous avez dit avoir suivi les autobus. Est-ce que vous vous
6 souvenez vers quelle heure vous avez quitté la zone de l'hôpital ?
7 R. De nouveau, je suis vraiment désolé mais c'est tellement difficile de
8 me remémorer des dates précises et des heures précises. Tant d'années se
9 sont écoulées depuis. Je l'ai déjà dans la matinée, mais je ne sais pas à
10 quelle heure exactement au début de l'après-midi. Nous les avons filmé un
11 peu plus tard. C'était assez tard lorsque nous les avons filmé de nouveau
12 lorsqu'ils se dirigeaient en direction de Sremska Mitrovica. Je crois que
13 c'était en début de l'après-midi, mais je ne peux pas vous donner d'heure
14 précise.
15 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps vous avez passé à
16 l'hôpital ? Vous étiez là, vous étiez debout, vous attendiez donc, avant de
17 partir de cette zone de l'hôpital, est-ce que vous pensez être resté sur
18 place une heure, deux heures ?
19 R. Je présume que nous étions présents là pendant plusieurs heures. Je me
20 souviens que nous attendions, nous étions là. Cela faisait partie de notre
21 travail. Normalement, nous faisons attention pour essayer de faire vite, et
22 ensuite il faut attendre. C'est ce qui arrive normalement, lorsqu'on
23 travaille avec les militaires, avec l'armée. Nous sommes tout à fait
24 habitués que l'on nous dise : vite, dépêchez-vous de vous rendre quelque
25 part, et ensuite, on se rend à cet endroit et on attend assez longtemps.
26 Mais, je ne peux pas vous donner d'évaluation précise. Je pourrais
27 simplement vous dire qu'il s'agissait de plusieurs heures.
28 Q. Je vous remercie, Monsieur Van Lynden.
Page 3133
1 Mme TUMA : [interprétation] Il y a deux extraits vidéo, Monsieur le
2 Président, et l'Accusation demandera à ce que ces deux extraits vidéo
3 soient placés, soient versés au dossier. Je souhaiterais montrer ces deux
4 extraits vidéo au témoin, et a vous, également, Monsieur le Président,
5 Mesdames et Messieurs les Juges.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est très long,
7 Madame Tuma ?
8 Mme TUMA : [interprétation] Non. Nous pouvons les visionner après la
9 pause, si vous voulez. La première vidéo dure six minutes, alors que la
10 deuxième, le deuxième extrait dure environ deux minutes.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Je préfère que l'on
12 les visionne maintenant.
13 Mme TUMA : [interprétation] Je vais demander également au témoin de
14 nous faire des commentaires pendant que l'on passe ces deux extraits vidéo.
15 Le premier extrait vidéo fait partie de la liste 65 ter. C'est le numéro
16 314 [comme interprété]. C'est une pièce qui porte le numéro ERN B0004093
17 [comme interprété] suivi d'un extrait d'une vidéo un peu plus longue qui
18 commence par le début et l'extrait se termine à 000638, environ vers ce
19 numéro-là.
20 Je vais demander au témoin de suivre cet extrait vidéo et de nous faire des
21 commentaires. Enfin, de le regarder d'abord sans rien dire, et ensuite, je
22 vais lui poser des questions.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est, peut-être, mieux de repasser
24 la vidéo du début.
25 Mme TUMA : [interprétation] Oui. Très bien. Merci.
26 [Diffusion de cassette vidéo]
27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes disent qu'il est impossible d'interpréter.
28 La voix est déformée.
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1 [Diffusion de cassette vidéo]
2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
3 "…Vukovar est perdue. Les gardes croates tenaces tiennent le coup,
4 alors que des centaines de camarades et des milliers de civils se rendent à
5 l'armée fédérale. Une très longue colonne marche vers la ville en
6 piétinant. Plusieurs d'entre eux sont en larmes. Plusieurs d'entre eux sont
7 en choc et ils sont désespérés. Une scène de défaite se déroule en silence,
8 alors que les personnes ayant eu la victoire regardent, peut-être parce que
9 la noblesse avec laquelle les combattants croates ont remis leurs armes.
10 Seulement pour quelques-uns, l'humiliation est trop lourde, est
11 insupportable. Mais la plupart des personnes gardent leur dignité. Le
12 lendemain, alors que la bataille est terminée, nous pouvons apercevoir
13 d'autres voisinages, d'autres hameaux qui sortent des ruines de Vukovar.
14 Nous pouvons également apercevoir la ville de Vukovar. Ils ont survécu, et
15 d'autres personnes partent. Ils apportent avec eux leurs possessions, leurs
16 biens, et ils partent. Comme la plupart des autres bâtiments de la ville,
17 la structure de l'hôpital a également été atteinte.
18 Une dame qui dit : 'Cet enfant est âgé de six mois. Elle est très
19 grièvement blessée à la jambe. Elle a un shrapnel à l'estomac. Elle a
20 besoin de se rendre à l'hôpital, à un meilleur hôpital, pour se faire
21 opérer. Sans transport, cet enfant ne pourra pas survivre. Il est important
22 de la placer dans de meilleures conditions.'
23 Autour de l'hôpital, il y a une odeur très forte de mort. Les soldats
24 découvrent pourquoi. Une morgue ouverte se présente à nous. Le personnel de
25 l'hôpital n'a pas eu le temps d'enterrer tous les cadavres. Avec la chute,
26 Vukovar révèle les secrets de ses guerres, ses routes, les morts qui ne se
27 sont jamais rendus jusqu'à l'hôpital et pour qui le sang coule encore, car
28 ils ont clairement été assassinés.
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1 Si Vukovar symbolise la haine entre les Serbes et les Croates,
2 pendant 45 ans de paix, les deux parties sont prêtes à combattre.
3 Parmi l'horreur, il y a certaines personnes qui célèbrent. Les
4 membres de la milice serbe, les extrémistes, hommes et femmes, célèbrent la
5 défaite avec de la musique, avec l'alcool et les rires.
6 Nous pouvons lire sur leurs drapeaux, la liberté ou la mort. Ils
7 s'engagent à se battre, à lutter.
8 Nous avons nos limites, Karlovac, Virovitica. Là où les autres
9 vivent, les Croates vivent, doit être libre. Nous devons tuer les Croates -
10 - nous devons nettoyer les villes des Croates.
11 Au centre-ville, d'autres personnes partagent le même état d'âme et
12 se réjouissent. Mais certainement, les architectes de la guerre, de
13 l'armée, ne célèbrent pas. Ils cherchent les mines antipersonnel et les
14 objets piégés que le défendeurs ont lassé derrière. Il est très difficile
15 de les trouver et de nettoyer le terrain.
16 Cela prend encore une journée pour que tous les blessés de Vukovar
17 puissent être évacués. C'est un exercice très pénible, chaotique. Cela
18 prend plusieurs heures avant que toutes les ambulances ne soient remplies
19 de blessés. Il y a certaines personnes qui marchent avec peine et misère
20 pour atteindre les autobus qui seront bondés. Les convois partent
21 finalement, et on voit une ville détruite derrière, une mémoire oblitérée,
22 une haine que nous pouvons percevoir derrière."
23 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
24 Mme TUMA : [interprétation] Merci.
25 Q. Monsieur Van Lynden, reconnaissez-vous cet extrait ?
26 R. Oui.
27 Q. Qu'est-ce que cela veut dire ?
28 R. Il s'agit d'une compilation que j'ai faite à la fin de la bataille de
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1 Vukovar. C'était soit le 21 ou le 22 novembre. Je ne me souviens plus de la
2 date précise. Normalement, le segment réservé aux informations est beaucoup
3 plus court, mais celui-ci était beaucoup plus long. C'était, en fait, un
4 aperçu des derniers jours de la bataille de Vukovar.
5 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner quelques commentaires sur cet
6 extrait vidéo ?
7 R. Ce que nous apercevons d'abord, les premières scènes, n'ont pas été
8 prises par le caméraman de Sky News. Je crois que c'étaient des images qui
9 avaient été prises par Reuters. C'étaient les derniers combats qui avaient
10 eu lieu dans la ville. Les images que nous voyons par la suite ont toutes
11 été prises par le caméraman de Sky News, à l'exception de peut-être une ou
12 deux prises d'un certain nombre de cadavres au centre de Vukovar. Encore
13 une fois, ces images nous sont parvenues de Reuters télévision. Pour ce qui
14 est des autres images, c'est ce qui s'est passé le 18, le 19 et le 20, pour
15 autant que nous ayons pu tourner ces images. Ensuite, nous avons pu tourner
16 également quand les personnes se sont rendues. La ville était tombée entre
17 les mains de la partie opposée. Ensuite, il y a certains autres civils du
18 centre de la ville qui sortaient de leurs abris le 19. En dernier lieu,
19 nous pouvons voir l'évacuation de l'hôpital du 20 novembre.
20 Q. Nous avons également aperçu quelques séquences de célébrations, de
21 fêtes, de personnes qui buvaient.
22 R. Oui. Justement, ce sont les personnes qui se décrivaient comme étant
23 des Chetniks ou des hommes de la milice de M. Seselj et qui, le matin du 19
24 novembre, se sont trouvés au centre de la ville. Ils écoutaient de la
25 musique. Ils buvaient de l'alcool. Voilà, ils fêtaient. C'était une fête
26 pour eux. Eu égard à l'endroit où ils se trouvaient et eu égard à la
27 dévastation, c'était tout à fait incongru.
28 Q. Je me souviens d'avoir aperçu un homme qui portait un bandana autour de
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1 sa tête. Si je me souviens bien, il a dit : "Nous voulons nettoyer la zone
2 des Croates."
3 R. C'est --
4 Q. Est-ce que vous avez rencontré cette personne ?
5 R. Oui. Il faisait partie de ce groupe de personnes qui fêtaient, ces
6 membres de la milice serbe. Ce n'étaient pas des membres de la JNA; il faut
7 le dire. Ce dernier était le seul qui parlait un peu anglais. Donc, vous ne
8 m'entendez pas poser la question, mais je lui ai demandé, je voulais savoir
9 jusqu'à quand est-ce que cette guerre doit continuer ? Il a dit que la
10 guerre doit se poursuivre jusqu'à ce que les Serbes ne soient pas arrivés
11 jusqu'à leur limite, et il a énuméré quatre villes en Croatie. Plus tard,
12 le producteur m'a dit qu'il n'avait pas énuméré les villes dans l'ordre
13 exact, ce qui faisait penser à mon producteur que cet homme ne savait pas
14 de quoi il parlait. Ce qu'il disait, c'est qu'il disait il fallait aller là
15 où les Serbes habitaient. Il disait qu'il fallait libérer les zones des
16 Croates. C'est ce que les autres membres de la milice disaient également,
17 mais c'était le seul homme qui parlait anglais.
18 Q. Très bien. Merci. Est-ce que vous souhaiteriez apporter d'autres
19 commentaires concernant cet extrait vidéo ?
20 R. Non. La seule autre chose que je voulais dire, c'est que je me suis
21 entendu dire que ce n'est qu'à l'aube du 20 que les autobus ont pu partir
22 de l'hôpital, alors que vous m'avez posé une question un peu plus tôt
23 concernant cette même question, et je croyais que c'était le 21 ou le 22
24 novembre 1991, mais en fait, ce n'était pas le cas. C'était le 20.
25 Q. Je vous remercie. Maintenant, il s'agit d'un autre extrait d'une vidéo
26 qui se trouve sur la liste 65 ter. Il s'agit du numéro ERN V0006475. Il
27 s'agit d'un extrait assez court.
28 [Diffusion de cassette vidéo]
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1 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
2 "Ils sont des pions dans un jeu de politiques ethniques. Les Croates dans
3 Vukovar doivent d'être évacués de l'hôpital de Vukovar et doivent être
4 remis entre les mains des autorités croates."
5 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre ne peut pas suivre
7 l'extrait vidéo.
8 Mme TUMA : [interprétation] Reprenons du début alors, s'il vous plaît.
9 [Diffusion de cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "Les blessés qui marchent lentement déambulent tranquillement vers les
12 autobus, et les politiciens interviennent. D'abord, parmi les délégués du
13 CICR et les membres de la JNA. Le CICR accuse l'armée d'avoir violé les
14 accords en permettant la présence des soldats dans l'enceinte de l'hôpital.
15 Le CICR a admis qu'ils avaient tort.
16 Le comité international de la Croix-Rouge est complètement incapable de
17 faire la tâche qui lui a été donnée.
18 Les officiers de l'armée accusent le CICR d'avoir une opinion partiale. Car
19 Vukovar était dans une zone de guerre, car toute cette zone sent la mort,
20 et les soldats ont découvert très rapidement pourquoi.
21 Nous n'avons pas encore le nombre exact de morts. Des centaines sont
22 tombés, et d'autres corps gisent encore par terre."
23 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
24 Mme TUMA : [interprétation]
25 Q. Monsieur Van Lynden, qu'est-ce que vous pouvez nous dire concernant ce
26 court extrait vidéo ?
27 R. C'est l'histoire, c'est ce qui s'est passé le 20 novembre à Vukovar, le
28 20 novembre 1991. C'est cet événement qui a mené les civils et les blessés
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1 de l'hôpital de Vukovar de partir, d'évacuer la ville et l'hôpital. Cet
2 extrait nous montre également qu'il y a eu une conversation entre M.
3 Sljivancanin et le représentant du CICR à l'entrée de l'hôpital. J'ai dit
4 justement que le délégué du CICR a fait une déclaration quelque peu
5 inhabituelle pour un délégué du CICR. On entend également la riposte de M.
6 Sljivancanin, telle que nous l'avons filmée.
7 Q. Je vous remercie.
8 Mme TUMA : [interprétation] Je souhaiterais que l'on verse les deux
9 extraits vidéo au dossier.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Ces deux extraits seront
11 versés au dossier.
12 Mme TUMA : [interprétation] Je vous remercie.
13 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, on me demande à
15 l'instant, qu'en est-il des transcripts ? Est-ce que vous souhaitez que les
16 transcripts soient également versés au dossier ?
17 Mme TUMA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Chaque extrait vidéo, à ce moment-là,
19 sera versé de façon séparée, et chaque transcript correspondant sera
20 également versé au dossier.
21 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour ce qui est de l'extrait vidéo
23 numéro 1, cet extrait portera la cote 136; la pièce 137, dont le
24 transcript, portera la cote 238; et la pièce numéro 2, qui portera la cote
25 139, et son transcript portera le numéro 2 [comme interprété].
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 18
27 heures.
28 Mme TUMA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mon
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1 interrogatoire principal est terminé. Donc, le moment est tout à fait
2 opportun.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Madame.
4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.
5 --- L'audience est reprise à 18 heures 04.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme Tuma a terminé son interrogatoire
7 principal et le moment est donc venu pour que les conseils de la Défense
8 posent des questions.
9 Je vais m'adresser dans un premier temps à Me Vasic.
10 M. VASIC : [aucune interprétation] Monsieur le Président --
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais je m'excuse. Je n'avais pas vu Me
12 Domazet qui est derrière la colonne, donc hors de mon champ de vision. Je
13 m'excuse.
14 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Contre-interrogatoire par M. Domazet :
16 Q. [interprétation] Monsieur Van Lynden, je suis Me Vladomir Domazet
17 et je représente M. Mrksic. Bonjour. Je vais vous poser des questions en
18 tant que co-conseil de la Défense pour M. Mrksic.
19 Monsieur Van Lynden, quelques questions relatives à votre CV, qui est
20 assez riche. Si j'ai bien compris, jusqu'à l'âge de 25 ans, vous avez
21 travaillé en tant que journaliste et vous avez été envoyé partout dans le
22 monde. Est-ce que j'ai raison de dire cela ?
23 R. C'est exact.
24 Q. Vous nous avez également dit avoir fait votre service militaire avant
25 de travailler comme journaliste et que vous avez pris part dans plusieurs
26 unités, que vous avez terminé votre service militaire, qui a duré deux ans
27 et demi, et c'est sans doutes avant que vous ne commenciez à travailler en
28 tant que journaliste. Si j'ai bien compris, c'était votre carrière
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1 professionnelle, celle que vous avez décidé de suivre ?
2 R. Avant que je ne sois intégré à l'armée, j'avais fait, à l'Université de
3 Durham au Royaume-Uni, j'avais obtenu une licence en sociologie et en
4 politique. Alors, je n'ai pas été dans toute une variété d'unités. Je n'ai
5 été que dans le Corps des marines néerlandais. La période de formation
6 était d'une année pour un officier de réserve. Après cela, j'ai été
7 deuxième lieutenant en tant que commandant de section et commandant d'une
8 section de mortiers. Effectivement, tout cela s'est passé avant que je ne
9 devienne journaliste.
10 Q. Je vous remercie. Une dernière question qui a trait à votre carrière
11 actuelle. Vous nous avez dit être professeur à l'institut américain en
12 Bulgarie. Quel est le sujet que vous enseignez à l'université ?
13 R. Je suis le directeur du département de journalisme et communication des
14 médias, et j'enseigne le journalisme.
15 Q. Merci. Je souhaiterais à présent parler de Vukovar. Vous avez été
16 l'envoyé spécial, un journaliste. Vous avez voyagé presque partout en ex-
17 Yougoslavie, où il y avait des activités de combat, où il y avait une
18 guerre. Mais je vais néanmoins vous poser des questions concernant Vukovar.
19 Même si vous connaissez bien la région, je souhaiterais vous demander si
20 vous saviez quelque chose sur Vukovar avant de venir travailler comme
21 journaliste à Vukovar ? Par exemple, est-ce que vous saviez, lorsque vous
22 êtes arrivé, avant la guerre, est-ce que vous saviez, quand vous êtes
23 arrivé, quelle était la composition ethnique de la ville de Vukovar ?
24 R. Non. Je n'étais jamais allé à Vukovar avant la guerre. Je m'étais rendu
25 en Yougoslavie avant la guerre, mais pas à Vukovar. Pour ce qui est de la
26 composition ethnique de Vukovar, on m'en a parlé une fois que je suis
27 arrivé à Belgrade, lors de l'été 1991.
28 Q. Au cours de l'été 1991, donc je parle avant les événements du mois de
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1 novembre que vous avez décrits, est-ce que vous vous trouviez à Vukovar
2 avant cette date ?
3 R. Non, cela n'a pas été le cas.
4 Q. Votre premier séjour à Vukovar était en novembre, si je ne m'abuse, et
5 c'était du 12 novembre au 20 novembre, avec quelques interruptions d'une
6 journée ou deux quand vous n'avez pas pu venir à Vukovar de Belgrade ?
7 R. Non. La première fois que je me souviens d'être entré à Vukovar, et je
8 l'ai déjà dit lors de ma déposition, c'est quand on m'a mis à bord d'un
9 véhicule de transport de troupes et que l'on m'a emmené aux casernes de la
10 JNA à Vukovar. Je me souviens que cela s'est passé en octobre 1991. Je me
11 suis rendu dans les villages avoisinants, des localités telles que
12 Negoslavci, entre le 13 et 18. Mais on nous a empêchés d'entrer dans la
13 ville, à proprement parler, non pas en nous forçant à rester à Belgrade,
14 mais en ne nous autorisant pas à passer les différents postes de contrôle.
15 Q. Au cours de votre séjour dans Vukovar, aviez-vous su ou est-ce que vous
16 aviez reçu des renseignements relatifs aux événements qui se sont déroulés
17 à Vukovar avant votre arrivée ? Je parle des relations, des liens qui
18 existaient entre les Croates et les Serbes de Vukovar et les environs de
19 Vukovar plus particulièrement, puisqu'il s'agissait d'un endroit
20 multiethnique.
21 R. Il m'avait été indiqué qu'il s'agissait d'une ville à population mixte.
22 Je savais, et on m'avait indiqué, qu'il y avait eu des problèmes ou des
23 combats dans plusieurs endroits de la Slavonie orientale.
24 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez su comment les premiers
25 conflits ont éclaté avant que vous ne puissiez venir personnellement à
26 Vukovar. Ou plus concrètement, je vais reposer ma question de cette façon-
27 ci : est-ce que vous aviez entendu parler de barricades qui avaient été
28 érigées à plusieurs endroits dans la ville et dans les environs ?
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1 R. Je ne me souviens pas avoir obtenu des renseignements très précis à
2 propos de ce qui s'était passé à Vukovar, à proprement parler. Mais j'avais
3 entendu parler du fait qu'il y avait eu des barrages érigés sur certaines
4 routes, que la circulation n'était plus possible dans certains endroits.
5 Cela, j'en avais entendu parler effectivement.
6 Q. Vous avez parlé d'une visite que vous avez faite à une caserne. Vous
7 nous avez dit qu'elle n'avait pas été bloquée, c'est-à-dire, qu'on pouvait
8 s'y rendre. Est-ce que vous savez si la caserne de la JNA, à un certain
9 moment donné, était rendue inaccessible ou bloquée ?
10 R. Oui, c'est ce qu'on nous avait dit.
11 Q. Lorsqu'on parlait des combattants de Vukovar, l'une des questions de
12 mon éminente consoeur, Mme Tuma, était relative aux uniformes. Elle vous a
13 demandé si ces derniers portaient des uniformes. Vous aviez répondu que
14 non. Est-ce que vous savez quel type d'uniformes ces derniers pouvaient-ils
15 porter, ou plutôt, est-ce que vous savez si l'armée croate, à l'époque,
16 avait une armée régulière qui aurait pu porter des uniformes ?
17 R. Excusez-moi. Est-ce que vous êtes en train de me dire que les gens qui
18 se sont rendus le 18 novembre portaient l'uniforme ? C'est ce que vous
19 avancez ?
20 Q. Non, non. Ce n'est pas ce que j'avance. Je vous demande de nous dire si
21 vous savez si, du côté croate, il était possible d'avoir des uniformes,
22 c'est-à-dire, est-ce que les Croates avaient leur armée en octobre et en
23 novembre 1991 ? Une armée, existait-elle du côté croate ?
24 R. Premièrement, je vous dirais que j'avais vu des combattants croates
25 morts qui portaient un genre d'uniforme. Pas autant que je m'en souvienne
26 dans les environs de Vukovar, mais dans d'autres endroits de la Croatie.
27 Autant que je le sache, la Croatie n'avait pas véritablement une armée en
28 bonne et due forme, lorsque le conflit a éclaté après la déclaration
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1 d'indépendance de juin 1991. Ils ont commencé à en constituer une, comme
2 cela s'est passé en Bosnie une année plus tard. Il y avait des unités qui
3 avaient un uniforme, qui portaient l'uniforme. Je suppose que c'était un
4 mélange d'uniformes. De toute façon, je n'étais pas opérationnel du côté
5 croate pendant la guerre; j'étais du côté serbe. Ce sont ces gens-là que
6 j'ai observés directement.
7 Q. Je vous remercie. Je sais qu'en Croatie, il y avait de telles unités
8 qui portaient des uniformes de tous types. Ce que je voulais savoir, c'est
9 ce que vous avez pu -- vous aviez pu observer à Vukovar vous-même. Bien.
10 Je souhaiterais vous poser maintenant une autre question concernant votre
11 première visite. Vous nous avez dit avoir eu un caméraman, au début, qui
12 était un Serbe qui venait de Belgrade. Si c'est le cas, est-ce que vous
13 pourriez nous donner son nom ? Vous rappelez-vous de son nom ?
14 R. Non, non. Il ne venait pas avec nous depuis Belgrade; il était déjà sur
15 la place. C'était un reporter de la télévision de Belgrade. Alors, nous
16 avons établi contact avec lui tout simplement, et nous avons pu obtenir des
17 copies des photos qu'il avait prises. Il a pu également filmer un peu. Cela
18 s'est passé tout au début, en 1991. Je ne me souviens plus du nom ni du
19 caméraman ni du journaliste, du reporter de Belgrade.
20 Q. Merci. Vous avez évoqué deux possibilités de vous rendre sur les lieux
21 soit en passant par Sid et Tovarnik où en passant par Erdut. Maintenant, si
22 vous veniez du côté nord par Erdut, ai-je raison de dire qu'il vous était
23 absolument impossible de parvenir à Vukovar, jusqu'à Vukovar, c'est-à-dire,
24 jusqu'au côté sud où se trouvaient les unités de l'armée ? Est-ce que la
25 communication entre Erdut, la partie nord et la partie sud, est-ce qu'il y
26 avait un autre moyen de communication pour arriver à cet endroit-là ?
27 R. D'après ce dont je me souviens, il y avait fondamentalement deux
28 fronts; le front du nord et le front du sud. Si je souhaitais me rendre à
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1 l'unité -- aux unités -- auprès des unités du JNA qui se trouvaient sur le
2 front du nord, je devais franchir le pont à Erdut. Si je voulais aller
3 auprès des unités qui se trouvaient sur le front du sud, il fallait que je
4 passe par Sid et Tovarnik. En règle générale, nous avons emprunté la voie
5 du sud, l'itinéraire du sud. Parfois, de temps à autre, nous avons
6 également emprunté l'itinéraire du nord.
7 Q. Je vous remercie. Alors que vous vous trouviez sur ce front du sud,
8 pour l'appeler ainsi, pour aller au nord il vous fallait passer par la
9 Serbie pour parvenir à la partie sud du front. Ai-je raison de dire cela ?
10 R. Oui, au début, tout à fait. D'après mes observations, ce qui se
11 passait, c'est qu'ils essayaient de prendre en tenaille Vukovar. Donc, il y
12 avait une opération à partir du nord, une opération du sud. Puis, sur le
13 flanc est, il y avait, bien entendu, le Danube. Je me souviens être allé
14 sur le front du nord en octobre. Je n'aurais pas été en mesure - sans
15 prendre le risque absolument énorme - je n'aurais pas été en mesure,
16 disais-je, de conduire du nord pour me rendre directement sur le front du
17 sud. Il aurait fallu que je fasse tout le tour.
18 Q. Dans le cadre de votre interrogatoire principal, vous avez parlé des
19 dégâts à Tovarnik et à Ilaca. Vous nous avez dit, à Ilaca, avoir vu des
20 maisons incendiées. Vous nous avez dit qu'à Tovarnik, les deux églises
21 avaient été endommagées. Ce que je voudrais savoir, c'est de vous demander
22 si vous pourriez expliciter un peu vos dires, c'est-à-dire qui tenait ces
23 deux endroits ? Ces deux endroits étaient entre les mains de qui, et quelle
24 était l'appartenance ethnique des habitants de ces deux endroits ? Est-ce
25 que vous le savez ? Si oui, dites-le nous, je vous prie.
26 R. Tovarnik se trouvait en Croatie. Alors, suivant le point de vue que
27 vous aviez, il s'agissait soit d'un pays indépendant ou de l'une des
28 républiques de la Fédération yougoslave. Il en va de même pour Ilaca. Il
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1 n'y avait pas de villes. Il s'agissait de villages dont je ne me souviens
2 pas de la composition ethnique précise. Ce que je sais, c'est qu'à
3 Tovarnik, il y avait à la fois une église catholique, une église catholique
4 romaine et une église orthodoxe serbe. J'en avais donc dégagé l'impression
5 qu'il s'agissait d'un village à composition ethnique mixte. Il y a une
6 autre chose également. Je n'ai pas vu une maison en proie aux flammes à
7 Ilaca mais plusieurs.
8 Q. Justement, je parlais de maisons au pluriel et non pas de maison
9 singulier. Je ne sais pas quelle est l'interprétation que vous avez reçue.
10 S'agissant justement de cette question, lors de votre déposition, vous avez
11 évoqué la frontière officielle entre la Serbie et la Croatie. A l'époque,
12 une telle frontière n'existait pas, si je ne m'abuse. Je souhaiterais que
13 vous nous expliquiez à quoi vous faisiez référence précisément lorsque vous
14 avez employé ce terme.
15 R. Il y a une frontière bien précise, et il y en avait une même quand la
16 Croatie faisait partie de la Fédération yougoslave. Il y avait une
17 démarcation bien précise. Je ne vous parle pas de contrôles de passeports,
18 de contrôles douaniers, qui n'existaient pas, certes. Mais il y avait une
19 ligne, une frontière pour toutes les républiques qui composaient la
20 Fédération yougoslave.
21 Q. Il est incontestable qu'il existait des frontières. Par contre, à ce
22 moment-là, il n'y avait pas de passages frontaliers. On ne pouvait pas voir
23 physiquement la frontière avant le début de la guerre justement. C'est pour
24 cela que je vous ai posé cette question. Vous avez parlé de chars. Vous
25 nous avez dit que selon vos connaissances, la JNA était la seule à disposer
26 de chars. Maintenant, est-ce que vous avez vu soit sur le front du sud ou
27 sur le front du nord, si ces chars avaient été détruits, par exemple ? Est-
28 ce que vous avez vu des chars détruits ?
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1 R. Je ne me souviens pas avoir vu des chars de la JNA qui auraient été
2 détruits. Parce que si tel avait le cas, nous l'aurions filmé. Je n'ai
3 absolument pas le souvenir d'avoir fait ce genre de choses.
4 Q. Toujours en parlant de Vukovar, est-ce que vous saviez, ou est-ce que
5 vous aviez entendu parler si, avant la période à laquelle vous y êtes
6 allés, si au tout début, un ou deux avions de la JNA avaient été détruits,
7 avaient été abattus par les forces croates ? Est-ce que vous aviez entendu
8 parler de cela au tout début de la guerre ?
9 R. Je ne m'en souviens pas, non. Il se peut que je l'aie entendu, mais je
10 ne m'en souviens pas.
11 Q. Toujours s'agissant de vos déplacements depuis Belgrade en direction de
12 Vukovar, vous nous avez dit aujourd'hui que vous obteniez votre permis à
13 Belgrade, mais que parfois, malgré l'obtention du permis, il vous arrivait
14 de ne pas pouvoir entrer sur le territoire de Vukovar. Est-ce que vous
15 pouvez vous rappeler de la personne ou des personnes qui vous interdisaient
16 d'entrer ? Est-ce que vous pouvez nous dire si vous aviez débattu de cette
17 question avec des personnes plus haut gradées, avec des supérieurs de
18 l'armée ?
19 R. C'était à des postes de contrôle de l'armée que nous étions arrêtés.
20 D'ailleurs, ils ne nous donnaient pas de raisons précises. Tout simplement,
21 ils nous disaient que nous ne pouvions pas poursuivre notre chemin. Je me
22 souviens qu'une fois - cela a dû se passer en septembre ou au début du mois
23 d'octobre -- non, plutôt en septembre, en fait. C'était en septembre. - Je
24 me souviens que cette fois-ci, nous avons pu prendre contact avec un
25 général dont je ne me souviens pas du nom. C'est un nom qui commençait par
26 "A," Aligevacir. peut-être, mais je ne me souviens pas de son nom de
27 famille exact et précis. Lui, a fait en sorte que nous puissions aller
28 jusqu'à Ilaca. Une autre fois, nous avions vu le général à nouveau. C'est
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1 une anecdote que j'ai relatée lors de ma déposition préalable auprès de la
2 Chambre. Il s'agissait d'un convoi qui devait se rendre à Vukovar ce jour-
3 là avec des effets médicaux et qui devait prendre les blessés. Là, le
4 général m'a dit que ce convoi allait avoir lieu, et que nous serions
5 arrêtés à Negoslavci, et que, ou plutôt il nous a dit que le convoi allait
6 avoir lieu et que nous nous arrêterions à Negoslavci. Ensuite, un officier
7 moins gradé de la JNA nous a dit que le convoi finalement n'allait pas être
8 organisé, et que nous ne pouvions pas poursuivre notre chemin ce jour-là.
9 En général, aux postes de contrôle, ce n'étaient pas des officiers, mais
10 c'était plutôt un sergent de l'armée qui nous disait tout simplement que
11 nous ne pouvions pas poursuivre notre chemin en dépit de l'autorisation
12 dont nous disposions. Cette autorisation venait du ministère de la Défense
13 et du bureau du poste avancé du ministère de la Défense à Sid.
14 Q. Est-ce que vous avez eu le même genre de problème avec les membres de
15 cette unité des gardes que vous avez mentionnée ?
16 R. Non. Les membres de l'unité des gardes, auprès desquels nous avons été
17 envoyés - nous avons été envoyés seulement après que nous avions rencontré
18 M. Sljivancanin qui nous a dit que nous pourrions aller là-bas - c'est lui
19 qui a pris les dispositions pour que cela se fasse -donc, nous avons été
20 conduits auprès de ce commandant de section, ce lieutenant. Cela s'est
21 passé le
22 12 novembre. Nous ne l'avons rencontré que dans Vukovar. Si je ne m'abuse,
23 il s'agissait de la caserne de la JNA ou de la périphérie sud de Vukovar.
24 Nous ne l'avons pas rencontré sur la route auparavant, par exemple, à
25 Oriolik ou à Negoslavci. En général, ce sont les endroits où nous nous
26 étions arrêtés. On nous disait qu'on ne pouvait pas poursuivre notre
27 chemin. C'était surtout à Negoslavci que cela se passait.
28 Q. Dans le cadre de votre déposition aujourd'hui, vous avez dit avoir eu
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1 plusieurs entretiens avec des membres de cette unité, que vous avez même
2 passé toute une nuit avec les soldats de l'unité. Ce que je souhaiterais
3 savoir, c'est de nous dire, ce que vous avez remarqué concernant cette
4 unité. Vous nous avez déjà dit qu'ils étaient très professionnels. Je ne
5 souhaiterais pas vous reposer d'autres questions là-dessus, mais j'aimerais
6 savoir si vous saviez qu'il s'agissait d'une unité qui avait beaucoup plus
7 d'officiers en son sein que de soldats réguliers, et que, toujours
8 s'agissant de cette unité, que c'était une unité contre-terrorisme ? Est-ce
9 que vous saviez cela ?
10 R. Je me suis rendu compte immédiatement qu'il s'agissait de soldats
11 professionnels, de métier, bien entraînés, bien formés. Leurs uniformes
12 étaient différents. Ils avaient, par exemple, des gilets pare-balles que
13 d'autres unités n'avaient certainement pas. Ils avaient des casques qui
14 étaient différents, puis, pour ce qui est de la communication également. Je
15 ne me souviens pas qu'ils nous aient dit qu'ils faisaient partie d'une
16 unité de contre-terrorisme, non. Le Corps des marines néerlandais fait
17 également office d'unités contre-terroristes au sein des forces armées
18 néerlandaises. Donc, j'ai une certaine expérience en la matière. Il
19 s'agissait là d'une unité de métier qui était mieux formée, qui était mieux
20 équipée que les autres que j'avais rencontrées, mais je ne me souviens pas
21 qu'ils nous aient parlé d'unité de contre-terrorisme. Pour ce qui est de la
22 question que vous avez posée à propos des officiers et des soldats, j'ai
23 rencontré un lieutenant de section, et dans la section, il n'y avait pas
24 d'autres officiers. Il y avait des personnes moins gradées. Je ne peux pas
25 dire que nous avons rencontré les 30 hommes qui doivent composer une
26 section, mais j'ai rencontré un certain nombre d'hommes qui travaillaient
27 pour le lieutenant. Il s'agissait soit de sous-officiers ou de simples
28 soldats ou d'officiers de grades inférieurs.
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1 Q. Si j'ai bien compris, cette unité, vous l'avez suivie partout. Vous
2 l'avez suivie en passant par les villes. Vous l'avez suivie également dans
3 toutes sortes de situations, telles, par exemple, lorsqu'ils se rendaient
4 d'une maison à une autre, d'une rue à l'autre. Nous avons obtenu ces images
5 par le bureau du Procureur. J'aimerais savoir si vous les avez suivis en
6 courant avec eux, en traversant la rue avec eux, et en vous rendant à des
7 positions avec eux ?
8 R. Permettez-moi de préciser quelque chose. Nous avons été seulement avec
9 cette unité pendant les combats le 12 et le 13 novembre. Ce sont les deux
10 seuls jours où nous avons été avec eux pendant les combats, pendant la
11 bataille de Vukovar. Nous les avons rencontrés à nouveau le 19 et le 20.
12 Mais à cette date-là, les combats étaient terminés.
13 Alors, dire que nous les avons suivis, non. Nous sommes allés là où
14 ils ont bien voulu nous emmener et là où ils nous ont autorisés à nous
15 rendre. Je pense que je l'ai déjà expliqué lors de ma déposition. Il y
16 avait des ordres qui avaient été donnés pour qu'un lieutenant nous amène
17 dans une certaine maison, et je me souviens qu'il s'agissait d'une place
18 forte croate, une place forte qui se trouvait à la croisée des chemins.
19 Mais il n'a pas voulu que nous suivions l'opération directement. Ils nous
20 autorisaient à filmer, et nous avons pu prendre le film au moment où le
21 responsable du mortier, qui est un mortier de 60 millimètres, était en
22 train de mettre les munitions et lorsqu'il a tiré de sa position. Mais il
23 ne nous a pas pris avec lui, et ce pour des raisons que je crois avoir
24 données, que je comprends personnellement d'ailleurs. Il a pensé qu'une
25 équipe de télévision mettrait en danger ses hommes et que l'opération était
26 bien trop dangereuse pour qu'il puisse nous permettre de le suivre. Mais
27 nous avons quand même franchi un certain nombre de rues où ils nous ont
28 amenés avec eux. Mais cela dépendait d'eux et non pas de nous.
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1 Q. Pendant toute cette période de temps passé avec cette unité, vous
2 nous avez parlé de la période de temps en question, dites-nous si vous avez
3 remarqué quelque chose de particulier concernant le comportement de ces
4 soldats qui ne correspond pas au comportement habituel de soldats et qui ne
5 correspond pas non plus aux règlements régis par la loi sur la guerre, le
6 comportement en temps de guerre ?
7 R. Non. Je n'ai pas eu l'impression que leur comportement ait été le
8 comportement de soldats non professionnels. Ce que j'avais pu remarquer,
9 c'est qu'ils étaient différents des autres unités de la JNA que j'avais
10 croisées, et différents des différentes milices. Par exemple, les hommes de
11 M. Seselj, que la JNA avait autorisés à venir au niveau des lignes de front
12 de Vukovar.
13 Q. Lorsque vous avez parlé des armes, mis à part les armes de ceux
14 qui se trouvaient à Vukovar et qui restituaient les armes, vous avez pu en
15 parler, et je pense que vous avez constaté qu'il s'agissait d'armes légères
16 pour la plupart. Est-ce qu'avec vos caméramans, par la suite, vous auriez
17 trouvé des armes jetées de côté, notamment des lance-roquettes, Zolja ou
18 des armes antiaériennes qui se seraient trouvés abandonner en ville par
19 ceux qui s'en étaient servis ? En avez-vous gardé le souvenir, compte tenu
20 notamment de l'existence de prises de vue. Mais je ne suis pas sûr du fait
21 qu'il s'agisse là de vues à vous, quoiqu'on nous ait confié cela comme
22 étant des vues prises par Sky News.
23 R. Si vous me le permettez, j'aimerais d'abord tirer au clair ce qui a été
24 enregistré par Sky News. Il y a des enregistrements qui ont été faits par
25 les caméramans de Sky News et il y a des enregistrements qui ont diffusés
26 par Sky News, mais qui viennent d'autres sources. Notre source principale
27 d'enregistrements pendant 1991 était la télévision de Belgrade, sans quoi
28 c'était la télévision Reuters. Je ne me souviens pas personnellement
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1 d'avoir filmé des armements lourds croates à Vukovar. Les soldats que nous
2 avons vus se rendre -- plutôt les soldats des forces croates étaient ceux
3 qui se sont rendus le 18 novembre, qui n'avaient que des Kalashnikovs ou
4 des armes légères. Je n'ai pas vu d'autres types d'armes de restituer.
5 Q. Est-ce que vous auriez été emmené, vous-même, vers l'une quelconque de
6 ces bases qui auraient été retrouvées après la chute de Vukovar, une de ces
7 places fortes ou entrepôts ? Vous en souviendriez-vous ?
8 R. Ce dont je me souviens, pour ce qui est du 19 novembre, c'est que
9 lorsque nous avons contacté le peloton avec lequel nous avons passé la nuit
10 du 12 et du 13 novembre, c'est qu'ils nous emmenaient vers des tunnels
11 souterrains qu'ils nous ont montrés en disant que c'étaient ceux qu'avaient
12 utilisé ceux qui ont défendu Vukovar. Il n'y avait pas d'armes là-bas. Il y
13 avait du pain qui attendait d'être cuit ou des assiettes qui ont été
14 lavées, et on nous l'a montré. Nous avons également vu des unités du génie,
15 et je crois que cela a été diffusé auparavant par l'Accusation, à savoir
16 des gens du génie qui avaient fait sauter les munitions qui sont restées
17 derrière. On nous a emmenés vers des champs de mines qui ont été placés là.
18 Ceux-ci se trouvaient à côté des routes. Les soldats avaient tiré dessus
19 pour les faire sauter. Mais nous n'avons jamais été emmenés, le 19, vers
20 une base quelconque ou ce qui aurait été une base des forces armées
21 croates, pendant cette phase de Vukovar. Il se peut que l'unité que nous
22 ayons accompagnée n'ait pas eu vent de cela. En tout cas, on ne nous a pas
23 emmenés, non.
24 Q. Merci. Lorsque vous avez parlé de votre arrivée à l'hôpital, et
25 notamment lorsque vous avez parlé de cette première arrivée, vous avez
26 précisé que c'était en tout début de l'après-midi. Vous nous avez dit que
27 vous êtes arrivé à l'hôpital. Alors, quand vous dites "nous sommes
28 arrivés," qu'est-ce que cela veut dire ? Qui, avec vous, était arrivé à
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1 l'hôpital ?
2 R. Pour ce qui est de ces journées-là, lorsque je dis "nous," je parle de
3 cette équipe de quatre personnes. Il y avait moi, ce producteur chargé du
4 terrain, le caméraman et la personne chargée du son. Ces quatre personnes
5 travaillant pour Sky News.
6 Q. Vous nous avez indiqué que vous aviez cherché à trouver et que vous
7 avez trouvé un médecin, une femme, qui parlait l'anglais, et vous avez
8 recueilli sa déposition. Est-ce bien la personne que nous avons vue sur
9 l'enregistrement qui prend la parole en sa qualité du médecin ou est-ce
10 qu'il s'agit d'une autre personne ?
11 R. Non, non. C'est bien le médecin qu'on a vu, la femme médecin qu'on a
12 vue sur l'enregistrement.
13 Q. Vous avez aussi mentionné le fait que la directrice, vous saviez que
14 c'était une femme, le directeur de l'usine, et vous avez dit que vous ne
15 l'aviez pas vue. Alors, savez-vous nous dire pourquoi il ne vous a pas été
16 donné de la rencontrer, elle ?
17 R. Je ne savais pas avant cela que le directeur de l'hôpital était une
18 femme. On nous l'a dit lorsqu'on est arrivé à l'hôpital. Je ne sais pas
19 pour quelle raison nous n'avons pu la rencontrer, mais nous ne l'avons pas
20 rencontrée.
21 Q. Pendant que vous effectuiez une visite auprès des patients de l'hôpital
22 dans ces différentes pièces, vous avez dit que vous en avez vu plusieurs,
23 pas toutes, est-ce que vous étiez escortés par un soldat ou est-ce que vous
24 avez été empêchés d'inspecter l'hôpital ou les lieux que vous vouliez voir
25 à l'intérieur de l'hôpital ?
26 R. Pour autant que je m'en souvienne, lorsque nous sommes arrivés à
27 l'hôpital, il n'y avait pas de soldats. J'imagine que quand vous parlez de
28 soldats, vous parlez de soldats de la JNA. Je ne me souviens pas d'avoir vu
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1 un quelconque soldat de la JNA lorsque nous sommes arrivés là-bas. Je ne me
2 souviens pas non plus d'avoir vu de soldats de la JNA à l'hôpital pendant
3 que nous y étions. Je ne me souviens pas non plus d'avoir vu de Croates
4 portant un uniforme quel qu'il soit lorsque nous nous trouvions là. Nous
5 avons filmé. Personne ne nous a empêché de filmer. Nous avons demandé à
6 voir le directeur de l'hôpital, comme je l'ai déjà mentionné. Nous avons
7 trouvé cette femme médecin qui parlait l'anglais. Notre producteur chargé
8 du terrain s'est entretenu avec d'autres personnes, mais je ne pense pas
9 que nous ayons eu des interviews avec des gens-là. Lorsque nous avons
10 quitté l'hôpital, d'après mes souvenirs, il me semble avoir vu pour la
11 première fois un soldat de la JNA, et c'était M. Sljivancanin. Il y avait
12 là-bas, ce représentant du CICR que nous avions déjà rencontré le jour
13 d'avant.
14 Q. Lorsque vous avez parlé du départ de l'hôpital, le départ de ce convoi,
15 le jour d'après, vous nous avez précisé que vous aviez eu des informations
16 disant que ce convoi s'était dirigé vers la Croatie et qu'il avait été
17 renvoyé, et que par la suite il s'est dirigé vers Sremska Mitrovica. Vous
18 souvenez-vous du fait d'avoir dit cela au caméraman devant les caméras à un
19 moment donné où les autocars étaient en train de passer à côté de vous
20 pendant que vous parliez vous-même ?
21 R. Oui. Je me souviens et je crois qu'il s'agissait du cadre final,
22 lorsque je me suis adressé directement à la caméra et où j'indiquais que
23 les Croates de Vukovar allaient finir à Sremska Mitrovica, en effet. Nous
24 les y avons trouvés le jour d'après, parce que le 21 novembre, nous sommes
25 allés à Sremska Mitrovica pour voir ce qu'il en était advenu.
26 Q. Donc, cet enregistrement se rapportait à la deuxième tentative du
27 convoi de quitter Vukovar, au moment où vous saviez d'ores et déjà qu'ils
28 se dirigeaient vers Sremska Mitrovica, n'est-ce pas ?
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1 R. Pendant que je parlais devant les caméras et alors que les autocars
2 passaient derrière moi, oui, en effet, ces autocars se dirigeaient vers
3 Sremska Mitrovica; c'est exact.
4 Q. Lorsque vous avez dit, et il me semble que c'est à cet enregistrement-
5 là que vous l'avez dit devant les caméras, à savoir qu'il y avait plus de
6 500 blessés dans l'hôpital. Avez-vous le souvenir de la source de ce
7 renseignement ? Qui est-ce qui vous a donné ce renseignement ?
8 R. Non, je ne m'en souviens pas. Je suppose que c'est une information qui
9 m'a été communiquée par le médecin avec qui nous nous sommes entretenus à
10 l'hôpital. Mais je n'arrive pas à me souvenir avec précision, en ce moment-
11 ci, d'où est-ce que nous nous étions procuré cette information, non.
12 Q. Monsieur Van Lynden, tout à l'heure, lorsque je vous ai posé des
13 questions au sujet du convoi, vous m'avez dit que vous en étiez certain
14 puisque le jour d'après vous êtes allé à Sremska Mitrovica et que vous avez
15 vu les gens qui s'y trouvaient. Je ne pense pas que les choses soient bien
16 notées au compte rendu, et c'est pour cela que je vous pose la question.
17 C'est le jour d'après que vous êtes allés à Sremska Mitrovica pour vous
18 assurer que ce convoi est bel et bien allé là-bas, n'est-ce pas ?
19 R. Je me souviens que le 21 novembre, je crois être allé à la salle des
20 sports de Sremska Mitrovica et j'y ai trouvé les gens qui ont été évacués
21 de l'hôpital, gens qui n'avaient pas été blessés. Nous sommes restés là-bas
22 jusqu'au moment où ils les ont, une fois de plus, fait monter à bord
23 d'autocars pour les emmener de Sremska Mitrovica vers la Bosnie. C'est la
24 dernière des choses que nous avons pu voir. Ils sont partis en Bosnie, à
25 partir d'où ils pouvaient rejoindre le territoire croate.
26 Nous avons également demandé à savoir ce qui était advenu des personnes qui
27 se sont rendues le 18 et qui sont parties à bord d'autres autocars, mais
28 cette autorisation nous a été refusée, et on ne nous a pas non plus dit où
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1 ces gens-là avaient été emmenés.
2 Q. Mais je parlais du convoi que vous avez raccompagné. C'est de ce convoi
3 que nous parlions, et c'est à son sujet-là que vous savez que ce convoi-là
4 a abouti à Sremska Mitrovica ?
5 R. Oui. Mais la seule chose, c'est que ces personnes blessées, d'après
6 moi, ou du moins j'imagine, ont été emmenées vers un hôpital, mais je ne
7 sais pas où. Je suppose également à Sremska Mitrovica, mais cela, je ne le
8 sais pas.
9 Q. Monsieur Van Lynden, vous souvenez-vous d'avoir fait une déclaration
10 aux enquêteurs de ce Tribunal avant que d'être venu témoigner ici; n'est-ce
11 pas ?
12 R. Je me souviens d'avoir fait des déclarations auprès des enquêteurs, en
13 effet.
14 Q. Avez-vous souvenance du fait d'avoir dit, à ce moment-là, que vous
15 aviez vu la JNA protéger, très justement, les civils et les personnes qui
16 avaient restituées leurs armes à l'égard d'unités paramilitaires
17 éventuellement présentes à Vukovar ?
18 R. C'est effectivement ce que j'ai dit et je l'ai vu à Vukovar. Au
19 matin du 13 novembre, j'ai vu des civils, un petit groupe de civils, en
20 train de passer à côté du personnel chargé des mortiers dans l'Unité de la
21 Garde, et j'ai -- il en avait que des positions, et je lui ai dit dans mon
22 rapport à l'époque. Le 19, lorsque nous nous trouvions au centre de la
23 ville, un grand groupe de civils était en train de quitter la ville, et une
24 fois de plus, j'ai vu des soldats de la JNA les accompagnant du centre de
25 la ville de Vukovar vers les banlieues, en effet.
26 Q. Lorsque nous avons, tout à l'heure, parlé du convoi qui avait rebroussé
27 le chemin après avoir tenté d'aller en Croatie, avez-vous appris de quelle
28 façon ce convoi avait été empêché d'aller en Croatie ? Est-ce qu'on les a
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1 stoppé ou est-ce qu'on leur a tiré dessus ?
2 R. Nous n'avons pas nous-mêmes vu pourquoi ce convoi a été stoppé. Ce sont
3 des officiers de la JNA qui nous ont dit que les forces croates leur
4 avaient tiré dessus. Cela a été dit à titre officieux, non pas devant les
5 caméras. Ce fait nous a été confirmé par les moniteurs de la Communauté
6 européenne, donc, je l'ai indiqué dans mon rapport ce qui a donné lieu à
7 des déclarations directes de la part du gouvernement croate vis-à-vis de ma
8 personne pour avoir fait ce type de déclaration.
9 Q. Merci, Monsieur Van Lynden.
10 M. DOMAZET : [interprétation] Je n'ai personnellement plus de questions
11 pour vois. Une fois de plus, merci.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Domazet.
13 Madame Tapuskovic, serait-il pratique de commencer maintenant, parce qu'il
14 nous reste encore quatre minutes ?
15 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Je proposerais, Monsieur le Juge, de
16 clore l'audience d'aujourd'hui parce que je ne saurais terminer mon contre-
17 interrogatoire de ce témoin-ci en quatre minutes. Il ne me reste
18 effectivement que quatre minutes et c'est loin d'être suffisant.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il me semble que c'est l'attitude la
20 plus pratique à adopter, Madame Tapuskovic.
21 Monsieur le Témoin, comme on vient de le dire, on vient de mettre un terme
22 à notre audience d'aujourd'hui, il nous reste peut-être trois minutes et
23 demie jusqu'à la fin. Aussi, allons-nous la continuer demain après-midi à
24 deux heures et quart.
25 Nous vous serons reconnaissants de revenir à cette heure-là pour continuer,
26 et nous allons aller de l'avant avec votre témoignage.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serais certainement ici demain après-midi,
28 Monsieur le Juge.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.
2 Nous allons lever l'audience et reprendre demain.
3 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 24 janvier
4 2006, à 14 heures 15.
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