Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 7 février 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Madame Dosen. Je vous

6 rappelle la déclaration que vous avez faite au début de votre déposition

7 s'applique toujours. M. Vasic a des questions à vous poser au nom de l'un

8 des accusés.

9 Monsieur Vasic, vous avez la parole.

10 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 LE TÉMOIN: LJUBICA DOSEN [Reprise]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. VASIC : [interprétation] Bon après-midi à tout le monde dans le prétoire

14 et aussi au témoin à Zagreb.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

16 [Le témoin dépose par vidéoconférence]

17 Contre-interrogatoire par M. Vasic :

18 Q. [interprétation] Je tiens à vous demander la même chose, étant

19 donné que nous parlons la même langue tous les deux, il faut quand même que

20 vous fassiez une pause entre les questions et les réponses pour les

21 interprètes, pour que la question et la réponse puissent être interprétées

22 et que pour que tout le monde ici dans le prétoire puisse comprendre les

23 débats et les suivre.

24 Hier, lors de votre interrogatoire en chef, vous avez dit que votre premier

25 mari était un officier de la JNA.

26 R. Oui.

27 Q. Vous avez eu deux enfants, une fille et un fils ?

28 R. Oui.

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1 Q. Vous vous êtes séparée de votre mari en 1974 ?

2 R. Oui.

3 Q. Après le divorce, les enfants sont-ils restés avec vous ou avec votre

4 mari ?

5 R. Avec moi.

6 Q. En 1975, vous vous êtes remariée avec M. Martin Dosen ?

7 R. Oui.

8 Q. Il avait lui aussi deux enfants d'un premier mariage; un fils et une

9 fille, nés en 1972 et en 1973 ?

10 R. Oui.

11 Q. Ses enfants, habitaient-ils avec vous après que vous ayez épousé M.

12 Dosen ?

13 R. Non, ils vivaient avec leur mère, Marija Bozanovic, mais on les voyait

14 les week-ends.

15 Q. En 1977, votre fille Tanja est née ?

16 R. Oui.

17 Q. A l'époque, vous habitiez rue Mose Pijade. Pourriez-vous nous dire

18 exactement où cela se trouve dans Vukovar ?

19 R. Je vais essayer d'être simple. C'est près du grand magasin Nama et près

20 du château Eltz, donc c'est entre le château et le grand magasin. Mais cela

21 n'existe plus à l'heure actuelle.

22 Q. C'était une maison assez grande. Est-ce que les sœurs et les frères de

23 Martin Dosen habitaient avec vous ou est-ce que vous y habitiez seuls ?

24 R. Il n'y avait que notre famille immédiate qui y habitait, la famille

25 très proche, donc ni les sœurs, ni les frères.

26 Q. Après que vous avez arrêté de travailler à Borovo, vous avez ouvert un

27 restaurant de poissons avec votre mari, et le nom de ce restaurant était

28 Martina. Pouvez-vous me dire où cela se trouvait ?

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1 R. Oui. C'était sur une île de l'autre côté de la rivière, du côté de

2 Vukovar sur le Danube. Le nom de l'île était Mala Ada.

3 Q. Vous avez dit que votre mari était marin pêcheur. Que faisait-il avant

4 d'être marin pêcheur ?

5 R. Tout comme moi, il travaillait à l'entreprise Borovo. On a tous les

6 deux démissionné pour ouvrir notre propre affaire.

7 Q. Votre mari était un athlète, il me semble, quand il était jeune.

8 Pouvez-vous nous dire quel était le sport qu'il faisait ?

9 R. Il était boxeur et il exerçait la boxe au sein du club local, le club

10 Borovo.

11 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous maintenant nous dire si votre mari

12 connaissait Zeljko Raznjatovic, alias Arkan ?

13 R. Oui, il connaissait Zeljko. Je crois que c'était au travers de leur

14 passion du jeu. En tout cas, c'est ce que m'a dit mon mari.

15 Q. Je suis désolé, mais je dois vous poser une question. Votre mari a-t-il

16 fait des actes illicites ?

17 R. Oui. Quand il était encore mineur.

18 Q. Merci. Vous nous avez dit que votre mari était membre du HDZ et qu'il

19 était d'accord avec les politiques de ce parti en 1990.

20 R. Oui, c'est ce qu'il m'a dit. C'était sa décision. Je ne peux pas

21 exactement vous dire les points sur lesquels il était d'accord et les

22 points sur lesquels il était en désaccord. Je ne peux vous parler que de

23 mon point de vue et non pas du sien.

24 Q. Merci. Hier, vous nous avez dit que vous ne faisiez pas partie du HDZ,

25 donc je ne vais pas rentrer plus dans les détails à ce sujet. Nous allons

26 passer à autre chose. Les frères de Martin Dosen, de votre mari, étaient-

27 ils aussi membres du HDZ ?

28 R. Non. Ils étaient membres du Parti yougoslave.

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1 Q. Vous et votre mari connaissiez Tomislav Mercep à l'époque ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans le cadre de ses activités au sein du parti, est-ce que votre mari

4 travaillait avec M. Mercep ?

5 R. Je n'en suis pas certaine. Je ne sais pas vraiment. Il me semble que

6 oui, mais je n'en suis pas certaine à 100 %.

7 Q. Est-il vrai que votre mari était non seulement membre du parti, mais

8 qu'il était aussi contributeur financier à ce parti ?

9 R. Oui, je crois que c'est le cas.

10 Q. Votre mari, avec M. Mercep, ont-ils été impliqués dans l'achat de 700

11 Kalachnikovs pour les membres du HDZ ?

12 R. Vraiment là, je ne peux pas vous dire. Je n'étais pas au courant.

13 Q. Je suis désolé, mais il faudrait une correction au compte rendu à la

14 page 4, ligne 14. Il est écrit 200 Kalachnikovs. Le chiffre exact est 700

15 Kalachnikovs.

16 Vous nous avez dit que vous ne savez pas s'il avait été impliqué dans

17 cet achat. Est-ce que vous saviez que M. Mercep avait acheté 700

18 Kalachnikovs pour le HDZ ?

19 R. Peut-être que mon mari était au courant. Mais je n'ai pas participé. Je

20 n'étais pas impliquée. Je n'en sais rien.

21 Q. Vous avez fait une déclaration à l'enquêteur du bureau du

22 Procureur le 22 août 1995; vous vous en souvenez ?

23 R. Oui, je m'en souviens bien.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez que vous avez dit à l'enquêteur que le

25 HDZ local avait acheté à peu près 700 Kalachnikovs en août 1991 ?

26 R. Oui. J'ai dit que j'avais entendu des gens dirent que Martin était l'un

27 des contributeurs permettant l'achat des armes.

28 Q. Merci. Est-ce que votre mari vous a dit quoi que ce soit sur le

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1 printemps 1991 et la formation d'unités volontaires de la HDZ dirigée par

2 M. Mercep ?

3 Mme TUMA : [interprétation] Monsieur le Président.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] En toute franchise --

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvez-vous vous arrêter, s'il vous

6 plaît, Madame Dosen, puisque Mme Tuma voudrait la parole.

7 Oui, Madame Tuma.

8 Mme TUMA : [interprétation] Je voudrais revenir à la déclaration qui nous

9 vient du bureau du Procureur et à la référence à cette phrase par le

10 conseil, dans la déclaration du témoin en date de 1995. La dernière phrase

11 dit que le HDZ local a acheté à peu près 700 Kalachnikovs. Or, sur le

12 compte rendu ici, il me semble que la rédaction est tout à fait différente.

13 Il est écrit : "J'ai entendu des gens dirent que Martin était contributeur

14 permettant l'achat de ces armes."

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce qu'a dit le témoin. Mais vous

16 n'avez pas cité la déclaration correctement, Monsieur Vasic.

17 Mme TUMA : [interprétation] C'est ce que je voulais soulever.

18 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai cité la déclaration

19 exactement et je n'ai pas demandé quoi que ce soit à propos des

20 contributions financières au témoin. C'est elle qui l'a dit elle-même. Elle

21 a confirmé qu'elle avait entendu cette rumeur.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle a dit qu'elle ne savait pas s'il

23 était contributeur. Elle était d'accord pour dire qu'elle avait dit au

24 bureau du Procureur qu'elle avait entendu dire qu'il était le contributeur.

25 Je pense que là, on a rétabli la vérité.

26 Madame Tuma.

27 Mme TUMA : [interprétation] Je n'ai plus rien à ajouter. Merci.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis désolé.

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1 Vous pouvez continuer, Monsieur Vasic.

2 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Je poursuis. Revenons-en à la période après mai 1991. Hier, vous nous

4 avez un petit décrit ce qui s'était passé à l'époque, la situation qui

5 prévalait à Vukovar après ce mois de mai 1991. Voici ce qui m'intéresse :

6 saviez-vous qu'à Vukovar à l'époque certaines entreprises ont changé de

7 direction, donc les personnes qui étaient d'origine serbe ont été

8 licenciés, ont été remplacées par les personnes d'origine croate. Est-ce

9 que vous étiez au courant de cela ?

10 R. Je ne peux pas répondre à cela. Je n'en sais rien.

11 Q. Merci. Nous parlons des mois de main, juin, et juillet 1991. Avez-vous

12 entendu des explosions la nuit à Vukovar ?

13 R. C'était plutôt du côté de Borovo Naselje, plutôt que là où nous étions.

14 A Vukovar, c'est en juillet qu'on a eu ces explosions, alors qu'à Borovo

15 Selo, c'est arrivé bien avant.

16 Q. Est-ce qu'on entendait aussi des rafales d'armes automatiques tirées

17 depuis des véhicules en mouvement à cette époque-là ?

18 R. A l'époque, nous, on était très nerveux. Tout le monde était inquiet et

19 dès qu'il y avait un mouvement autour, tout le monde était très soupçonneux

20 de ce qui se passait.

21 Q. Merci. Où habitaient les frères de Martin Dosen à l'époque ? Où

22 habitaient Tadija et Ivan ? Où habitaient-ils à Vukovar ?

23 R. Tadija habitait dans son appartement dans un immeuble à Dunavska numéro

24 1, et Ivan habitait à Olajnica numéro 12.

25 Q. Oui, on sait plus ou moins où se trouve Olajnica. Qu'en est-il de

26 Dunavska ? Où est-ce que cela se trouve dans Vukovar exactement, puisque

27 c'est là qu'habitait Tadija ?

28 R. Il s'agit de deux immeubles assez hauts qui sont tous les deux sur les

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1 berges du Danube, près du château Eltz.

2 Q. Vous nous avez dit que votre mari était marin pêcheur. En juin, juillet

3 et début août 1991, a-t-il parfois rencontré des cadavres flottant sur le

4 Danube alors qu'il était en campagne de pêche ?

5 R. Non. Si vous voulez le savoir, il a aidé beaucoup de Serbes a traversé

6 le Danube avec son bateau.

7 Q. Merci. Pourquoi les Serbes voulaient-ils traverser le Danube ?

8 R. Je ne sais pas. Je n'avais aucune connaissance d'un danger qu'ils

9 auraient pu encourir, en tout cas en ce qui me concerne ou en ce qui

10 concerne ma famille. Quant aux raisons qui les poussaient à partir, c'est à

11 eux de les donner.

12 Q. Vous dites que vous ne savez pas s'ils encouraient le moindre danger,

13 mais est-ce que vous aviez des amis serbes qui se sont confiés à vous pour

14 vous dire qu'ils se sentaient menacés ?

15 R. Ils ne disaient pas qu'ils avaient peur, la seule chose qu'ils disaient

16 c'est qu'ils n'aimaient pas ce qui se passait et ils préféraient partir,

17 donc ils sont partis.

18 Q. Merci. Hier, vous nous avez dit qu'à un moment donné les habitants de

19 Vukovar se sont organisés eux-mêmes et ont organisés des tours de garde,

20 donc on ne pouvait plus atteindre le centre-ville en venant des villages

21 avoisinants. Il y avait une espèce de contrôle à l'entrée de la ville. Y

22 avait-il des barricades établies dans la banlieue de Vukovar, à Borovo, par

23 exemple, Sajmiste ou Mitnica ?

24 R. Je vais vous parler de Sajmiste et Mitnica, mais je ne peux vous

25 raconter que des rumeurs, c'étaient d'autres personnes qui en parlaient. Je

26 n'ai jamais quitté le centre-ville, donc je ne pourrais vous parler que de

27 Sajmiste et Mitnica, mais ce ne sont que des rumeurs.

28 Q. Merci. Est-ce que les frères de Martin Dosen, à un moment où à un

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1 autre, ont rejoint la Garde nationale ?

2 R. Je crois que Tadija faisait un des tours de garde, et Ivan était avec

3 Mercep. On pouvait les voir ensemble. Je tiens à répéter encore que j'ai

4 passé la plupart de mon temps avec les enfants, je ne savais pas trop ce

5 que faisait les hommes et quelles étaient les décisions qu'ils prenaient.

6 Q. Merci. Savez-vous si le fils de Martin Dosen, Alen, a aussi rejoint la

7 Garde nationale ? Est-ce que vous savez aussi qu'il a été blessé à un

8 moment donné ?

9 R. Oui, je le sais. Alen venait de Borovo Naselje à Vukovar et c'est à ce

10 moment-là qu'il a été blessé. Je ne sais pas s'il était avec la Garde

11 nationale à ce moment-là ou s'il était sur un tour de garde.

12 Q. Merci. Qu'en est-il de Martin Jakuboski ? Faisait-il partie d'une

13 formation militaire à Vukovar ?

14 R. Oui. Le petit Martin faisait partie d'une formation militaire.

15 Q. Il me semble qu'il appartenait à la Garde nationale.

16 R. Oui. Il avait d'ailleurs un numéro d'inscrit.

17 Q. Vous avez dit hier où se trouvait votre mari lors des opérations de

18 combat à Vukovar. J'aimerais savoir s'il était officier de réserve au sein

19 de ces unités militaires.

20 R. Non, il n'était pas réserviste. Il n'était pas officier de réserve. Il

21 a été candidat officier, c'était le ministère de la Défense d'ailleurs qui

22 l'a nommé officier, mais cela a été uniquement à titre posthume. Au cours

23 des opérations à Vukovar, il n'était pas officier. Il était sans grade.

24 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige, il a reçu un titre posthume,

25 officier.

26 M. VASIC : [interprétation]

27 Q. Vous dites que Martin avait été blessé une première fois en août 1991.

28 La deuxième fois, quand a-t-il été blessé ?

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1 R. C'est quand le neveu de Tadija, Velibor, a été tué. Son corps était

2 dans la rue, alors je l'ai appris et il est allé essayer de récupérer le

3 corps du neveu de Tadija. Sa mère ne savait même pas encore qu'il avait été

4 tué. Mon mari a été atteint par un tireur embusqué et la balle lui est

5 rentrée dans le bras, il avait un trou d'entrée et un trou de sortie de la

6 balle dans le bas.

7 Q. Vous avez dit aux enquêteurs du bureau du Procureur que votre mari

8 avait été blessé une première fois en août, et là il a été blessé par des

9 éclats d'obus, ensuite la deuxième fois en octobre, il avait été atteint

10 par un tireur embusqué dans le bras. Vous vous en souvenez ?

11 R. Oui.

12 Q. Très bien. Si vous vous souvenez, pouvez-vous nous dire qui vous a

13 averti de sa deuxième blessure quand il a été atteint par un tireur

14 embusqué, si vous vous en souvenez bien sûr ?

15 R. Oui. Martin est revenu de l'hôpital, on s'était occupé de lui et ils

16 avaient immobilisé son bras. Ensuite, il est revenu à Olajnica et il est

17 resté là tout le temps jusqu'à ce qu'il saute du balcon, et qu'on ait dû

18 l'emmener à l'hôpital pour de bon.

19 Q. Vous a-t-il dit quel était le médecin qu'il avait vu à cette époque-là

20 pour son bras, qui lui avait immobilisé le bras ?

21 R. Je suis désolée, mais je ne me souviens plus très bien si c'était le Dr

22 Aleksijevic ou le Dr Njavro. C'était l'un des deux en tout cas.

23 Q. Pouvez-vous me dire la chose suivante : quand il a eu cette blessure au

24 bras, est-ce que la balle n'a fait que traverser les muscles ou est-ce

25 qu'il y a eu bris, un os cassé et des complications ?

26 R. Fort heureusement, la balle n'a atteint que le muscle et non pas l'os.

27 Q. Malheureusement vous n'avez plus le dossier médical se référant à cette

28 blessure ? Dans cette blessure, la deuxième blessure qu'il a reçu au bras

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1 quand il a été atteint par un tireur embusqué, avez-vous encore le dossier

2 médical ?

3 R. Non, je n'ai plus le dossier médical à propos de cette blessure-là.

4 Q. Comme vous avez dit à ma collègue de l'Accusation hier, pour des

5 raisons administratives, vous avez obtenu l'opinion médicale du Dr

6 Aleksijevic sur les blessures de votre mari. Le document d'ailleurs a été

7 versé au dossier sous la cote 174. Pouvez-vous dire ce que le Dr

8 Aleksijevic a utilisé pour rédiger son dossier médical ?

9 R. Oui. Le Dr Aleksijevic l'avait soigné à l'hôpital de Vukovar. J'avais

10 besoin de ce document pour pouvoir prouver que Martin avait été blessé,

11 étant donné qu'il était disparu et porté disparu, je devais bien prouver

12 qu'il s'agissait bien de lui.

13 Q. Oui, Madame, je l'ai très bien compris. Donc M. Aleksijevic n'avait

14 absolument aucun document de l'hôpital lorsqu'il a rédigé ce document. En

15 fait, il l'a fait de mémoire, il n'a pas été appuyé par d'autres documents

16 médicaux ?

17 R. Cet autre document que j'ai en ma possession, l'original, sur ce

18 document, nous pouvons voir les raisons pour lesquelles Martin se

19 retrouvait à l'hôpital à partir du 16 décembre 1991.

20 Q. Ce document qu'a rédigé M. Aleksijevic ne fait pas état d'une blessure

21 qui aurait traversé le muscle, mais bien d'une blessure au coude droit avec

22 une certaine complication telle une fracture de l'os de l'avant-bras. C'est

23 tout à fait différent de ce que vous nous avez dit.

24 R. Je ne suis pas médecin. Le Dr Aleksijevic est sans doute beaucoup plus

25 à même d'expliquer ce genre de blessure. Pour moi, il s'agissait d'une

26 blessure du muscle. Les complications se sont peut-être -- en fait, il a

27 peut-être eu des complications quand Martin est tombé du balcon ou est

28 tombé de l'étage. C'est à ce moment-là qu'il y a peut-être eu une blessure

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1 à l'os, car son bras était déjà blessé, il avait déjà eu cette blessure au

2 bras lorsqu'il est tombé en bas du balcon.

3 Q. Je vous remercie. J'attends parce que j'attendais l'interprétation.

4 Est-ce que vous êtes tout à fait certaine qu'il s'agissait d'une blessure

5 du muscle ? Est-ce que vous pourriez maintenant après y avoir réfléchi,

6 nous dire s'il était possible que la blessure ait été également une

7 blessure à l'os ?

8 R. Oui, tout à fait. J'ai complètement confiance en le Dr Aleksijevic.

9 Q. Je vous remercie. Merci. Hier, vous nous avez expliqué que votre mari,

10 en date du 16 novembre, a été blessé et que c'est cette blessure-là qui a

11 fait en sorte qu'on l'emmène à l'hôpital de Vukovar. Maintenant, dites-moi,

12 vous avez expliqué hier à mon éminente consoeur que vous êtes allée dans

13 votre maison à Olajnica; est-ce que vous étiez avec votre mari et votre

14 fille ? Est-ce que vous avez passé tout ce temps au troisième étage de ce

15 bâtiment ?

16 R. Oui.

17 Q. Combien y avait-il d'étages dans votre immeuble ?

18 R. Sept étages.

19 Q. C'est un bâtiment du type gratte-ciel à Vukovar, si vous voulez,

20 puisqu'il n'y avait pas énormément de bâtiments avec un si grand nombre

21 d'étages.

22 R. Oui. C'est le quartier d'Oljanica en question et, dans tout ce

23 quartier, il y avait 18 bâtiments qui étaient construits de cette façon-là.

24 Donc il y a plusieurs bâtiments à plusieurs étages.

25 Q. Je vous remercie. Mais dans d'autres parties de Vukovar, excluant

26 Borovo Naselje, ai-je raison de dire que pour la plupart des immeubles

27 construits dans Vukovar, les immeubles n'avaient pas autant d'étages ?

28 R. Non, non. Il y a plusieurs bâtiments qui étaient très hauts. Il y a un

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1 bâtiment qui est tout à fait à côté de l'hôpital, un autre près de

2 Sajmiste. En fait, il y a trois ou quatre cités comme cela qui ont des

3 tours.

4 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez si les gens vivaient tous dans

5 leurs appartements à ce moment-là ou étaient-ils descendus dans les abris ?

6 R. Vous savez, les bâtiments à Vukovar n'ont pas de caves, ils ne sont pas

7 munis de caves pour la plupart. Il y avait un abri, un vrai abri qui avait

8 été construit avant la guerre pour des besoins de guerre justement. C'est

9 là qu'il y avait un très grand nombre d'habitants, mais il était absolument

10 impossible d'aller s'abriter là autant qu'on le voulait. Cet endroit était

11 très bondé.

12 Q. Il s'agissait d'un abri nucléaire, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, exactement.

14 Q. N'aviez-vous pas peur de rester dans un appartement se trouvant dans un

15 immeuble à plusieurs étages, malgré ce que vous nous avez dit hier, car

16 vous nous avez dit que Vukovar était pilonnée de façon assez fréquente;

17 alors n'aviez-vous pas peur, vous, pour votre vie et la vie de votre

18 fille ?

19 R. Oui, tout à fait. J'avais très peur. C'est la raison pour laquelle je

20 ne suis pas parmi vous au Tribunal, parce que j'ai peur de sortir. Je ne

21 peux pas sortir à l'extérieur. Je suis claustrophobe maintenant. Nous ne

22 pouvions pas sortir. Nous ne pouvions pas aller dans l'abri parce qu'il n'y

23 avait plus de place dans cet abri de la ville. C'est la raison pour

24 laquelle nous étions restés dans l'immeuble. Et je souffre aujourd'hui de

25 claustrophobie.

26 Q. N'avez-vous pas pu essayer de trouver un autre abri étant donné que

27 votre mari travaillait dans la cellule de Crise de la défense de Vukovar ?

28 R. Non, nous ne pouvions pas aller là-bas, puisqu'il n'y avait pas de

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1 femmes et d'enfants dans la cave de la cellule de Crise. Mon mari ne

2 voulait pas que nous soyons tout près de lui. Il voulait assurer notre

3 sécurité en nous plaçant avec d'autres femmes et enfants. Il voulait qu'on

4 soit entouré d'autres personnes.

5 Q. Merci. En déposant hier, vous nous avez expliqué que vous aviez observé

6 des attaques faites par l'artillerie sur les gens qui allaient chercher de

7 l'eau. D'où pouviez-vous voir ce genre d'attaques ? Quel mois était-ce, si

8 vous vous en souvenez ?

9 R. Oui, je me souviens très bien. C'était déjà au mois d'octobre; il

10 faisait froid. Nous n'avions pas de fenêtres, et mon appartement a une vue

11 sur cette maison dans laquelle il y avait un puits. Le bâtiment était

12 directement tourné vers ces maisons-là, donc je pouvais voir ces personnes

13 qui allaient chercher de l'eau au puits, car le puits se trouvait dans la

14 cour d'une maison.

15 Q. Ce puits se trouvait donc entre les maisons, si j'ai bien compris ?

16 R. Dans la cour d'une maison.

17 Q. A côté de cette maison-là, il y avait une autre maison, et de l'autre

18 côté, il y avait également une autre maison ?

19 R. Oui, c'est cela. Sauf qu'il ne s'agissait plus de maisons. Il n'y avait

20 plus de maisons tout autour de ce puits puisque ces maisons avaient été

21 complètement démolies.

22 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'étant donné que le puits

23 était dans une cour et qu'il était encerclé de cette façon-là, il était

24 assez difficile de voir le puits ?

25 R. Je pense qu'ils savaient où les puits artésiens se trouvaient. Après,

26 lorsque nous avons parlé de cela, il s'est avéré que le géomètre qui

27 travaillait savait très bien que les puits étaient à Vojarna [phon]. Je ne

28 connais pas vraiment le nom de cette personne, mais c'est ce que j'avais

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1 entendu dire.

2 Q. Est-ce qu'il appartenait à ce groupe d'hommes que vous avez appelé hier

3 des soldats de réserve qui étaient issus de la population locale ?

4 R. Peut-être, mais je ne peux l'affirmer avec certitude. Je ne sais pas,

5 car je ne connais pas cet homme personnellement, mais j'en avais entendu

6 parler.

7 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'un homme de Vukovar ? Est-ce que c'est un

8 homme de Vukovar qui était venu de l'extérieur ou est-ce que c'est un

9 habitant de la place ?

10 R. Oui, j'avais entendu dire que c'était un homme de Vukovar.

11 Q. Merci, Madame. Dites-moi si vous n'avez jamais entendu parler de

12 l'existence d'unité de la Défense territoriale serbe de Vukovar ?

13 R. Non, jamais. Personnellement, non.

14 Q. Merci. Dites-moi, à quelle distance se trouvait ce puits de votre

15 bâtiment, du bâtiment dans lequel vous habitiez ?

16 R. Peut-être 100 mètres. Je ne veux pas exagérer. Je ne veux pas vous

17 donner une idée erronée, environ à 100 mètres de l'immeuble.

18 Q. Ne diriez-vous pas que c'était assez proche de vos fenêtres et qu'il

19 aurait été normal d'avoir peur de regarder par les fenêtres des obus tomber

20 à une distance si rapprochée ?

21 R. Voyez-vous, si vous n'avez pas d'eau et si vous demandez à quelqu'un de

22 vous apporter un peu d'eau, vous regardez par la fenêtre. Oui, avec

23 beaucoup de crainte. Nous avions peur, mais nous avions appris à vivre avec

24 cette peur tous les jours.

25 Q. Je comprends très bien que vous étiez devenue habituée à cette peur

26 quotidienne. Mais qu'en était-il avec votre fille, est-ce que vous étiez

27 habituée à vivre avec la peur, même avec la possibilité de votre fille à

28 côté de vous ?

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1 R. Oui. Elle aussi s'était habituée à cette vie. Il y avait sur mon étage

2 des enfants serbes et des femmes serbes, et à l'époque, je dois dire que

3 nos voisines et moi, nous étions très proches. Même aujourd'hui nous vivons

4 ensemble. Nous cohabitons dans le même immeuble. Je peux vous affirmer avec

5 certitude que nous avions appris à nous entraider, à vivre ensemble dans ce

6 couloir et sur cet étage.

7 Q. Merci. Dites-nous, Madame, est-ce que vous savez à quel moment votre

8 immeuble a été atteint la première fois par un obus ?

9 R. Notre immeuble est resté sans toit au septième et sixième étage. Je ne

10 peux pas vous donner de date précise, mais c'était déjà vers la mi-octobre.

11 Déjà à partir de la mi-octobre, le sixième et le septième étage n'avaient

12 plus de toit du tout.

13 Q. Merci. Après cela, est-ce que votre immeuble a été ciblé de nouveau ou

14 c'était la seule fois en octobre ?

15 R. En septembre ou peut-être en début octobre, le balcon au complet avait

16 été arraché. Ma belle-mère est donc descendue chez nous au troisième étage

17 avec ses filles, après cet événement.

18 Q. Merci. Vous nous avez parlé du 16 novembre. Vous nous avez également

19 dit vous être trouvée dans ce bâtiment, que le bâtiment avait été atteint

20 ce jour-là, que vous étiez sortie et que votre fils était resté aider une

21 voisine.

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que vous savez ce qui se passait à l'intérieur ? Est-ce que vous

24 lui avez posé la question ou est-ce que c'est simplement une supposition de

25 votre part ?

26 R. Tanja et moi, nous sommes sorties de l'immeuble en courant, car Martin

27 nous a dit de sortir avec d'autres locataires également. Il y avait un

28 appartement qui avait été atteint. Il y avait de l'huile dans cet

Page 3836

1 appartement et il y avait un feu qui s'était créé, donc il y avait un

2 incendie. Cet incendie avait créé une fumée épaisse. On ne pouvait voir les

3 escaliers. Lui est resté à l'étage. Nous étions devant le bâtiment en bas

4 et nous lui disions d'essayer de descendre. Par contre, il n'osait pas

5 descendre par cette fumée épaisse dans l'escalier. On essayait de lui

6 lancer une corde pour qu'il puisse descendre. Malheureusement, avec son

7 bras qui était blessé et le poids qu'il avait, il n'a pas réussi à

8 descendre à l'aide de cette corde et il est tombé au niveau du deuxième

9 étage. Il est tombé en bas. Tanja et moi, nous étions devant l'immeuble et

10 nous étions vraiment témoins oculaires de cet incident.

11 Q. Oui. Vous nous avez expliqué cela hier. Mais vous nous avez dit

12 également qu'il était resté aider une vieille dame, une voisine qui

13 habitait là. Elle était votre voisine. Vous nous avez dit que cette dame

14 est sortie en empruntant l'escalier. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir

15 pourquoi est-ce que M. Martin n'est pas descendu avec elle ? Vous nous avez

16 dit qu'il était resté derrière pour l'aider. Est-ce que vous lui avez posé

17 la question ?

18 R. Oui. A l'hôpital, j'ai posé cette question, et il nous a expliqué que

19 dans l'appartement d'à côté, il y avait encore quelqu'un. Il a expliqué

20 qu'il y avait encore quelqu'un dans l'appartement à côté, et il était allé

21 dans cet appartement-là. Entre-temps, la dame est descendue par l'escalier.

22 Elle nous a expliqué que Martin était encore resté là-haut. Elle nous a

23 expliqué qu'elle croyait qu'il y avait une autre personne dans cet

24 appartement, mais c'était un perroquet qui était dans cet appartement, et

25 c'est à cause de ce perroquet que Martin était resté là-haut, et c'est la

26 raison pour laquelle il n'a pas pu emprunter l'escalier.

27 Q. Vous nous avez expliqué que vous lui avez lancé une corde. Pourriez-

28 vous expliquer de quelle façon est-ce que vous avez fait pour lui lancer

Page 3837

1 cette corde jusqu'au troisième étage et qui l'a fait ? Qui a essayé de lui

2 lancer cette corde ?

3 R. Il y avait encore d'autres hommes qui n'étaient pas allés sur le front.

4 Il y avait deux autres hommes. Ce n'étaient pas des voisins. Mais ils

5 avaient trouvé une barre de métal qu'ils lançaient sur le balcon, c'est-à-

6 dire ils avaient attaché la corde à une barre de métal et ils la lançaient

7 comme cela jusqu'à ce que Martin ne l'attrape. Ensuite, lorsqu'il l'a

8 attrapée, il a pu l'accrocher pour descendre à l'aide ce cette corde.

9 Q. Puisque vous nous avez dit qu'il y avait des hommes, que c'étaient ces

10 hommes-là qui avaient lancé cette corde, pourquoi n'ont-ils pas essayé de

11 l'aider à descendre par les escaliers ? Vous ne leur avez pas demandé

12 d'entrer dans l'immeuble pour essayer de l'aider à descendre par les

13 escaliers avant de commencer à lancer cette corde ?

14 R. Voyez-vous, je ne sais pas comment vous l'expliquer. Tanja était

15 presque hystérique. Elle pleurait beaucoup. Elle disait : Papa, Papa,

16 descend. Donc, j'étais préoccupée. Je m'occupais de Tanja. Je la suppliais

17 de se calmer, car elle avait vu que Martin avait essayé de descendre par le

18 balcon, et donc elle avait tout à fait bien compris qu'il ne pouvait

19 absolument pas descendre par cette corde. Elle pleurait énormément. Elle

20 hurlait, et à ce moment-là, je ne réfléchissais à rien d'autre. Je ne sais

21 pas pourquoi personne n'est entré dans l'immeuble pour essayer de

22 l'aider. Je ne peux pas vous le dire. J'aurais été la première personne à

23 vous dire que cela aurait été formidable si quelqu'un avait eu le courage

24 d'entrer dans l'immeuble. Je n'avais ni la possibilité, ni la force

25 d'entrer et de le sortir de là.

26 Q. Vous nous avez dit que M. Martin s'est fait emmené à l'hôpital et que

27 vous êtes restée dans l'immeuble avec votre fille; est-ce que c'est exact ?

28 R. Pouvez-vous répéter, je vous prie ? Je n'ai pas très bien compris votre

Page 3838

1 question.

2 Q. Certainement. Un instant, je vous prie. Je voulais savoir si après cet

3 événement, M. Martin avait été emmené à l'hôpital et si vous êtes restée

4 derrière dans ce même appartement avec votre fille Tanja ?

5 R. Martin a été transporté à l'hôpital, et Tanja et moi, nous ne sommes

6 plus retournées dans cet immeuble puisque notre appartement avait été

7 incendié. Donc, nous sommes allées vivre dans l'immeuble 14. Nous sommes

8 allées au numéro 14.

9 Q. Chez qui ? Qui habitait au numéro 14 ?

10 R. Nous avons cherché des appartements vides et on a trouvé un appartement

11 vide. C'est là que nous nous sommes installées. Il n'y avait plus personne

12 qui y habitait et personne ne voulait savoir si quelqu'un y habitait. Si

13 l'appartement était vide, on pouvait simplement entrer pour s'abriter.

14 Q. Ce 16 novembre, vous rappelez-vous comment était habillé M. Martin

15 lorsque ces événements se sont déroulés devant votre immeuble ? Si vous

16 vous en rappelez bien sûr.

17 R. Je ne peux pas vous parler de son pantalon. Je ne veux pas induire

18 personne en erreur. Il portait très souvent un pantalon en velours côtelé.

19 Je sais qu'il avait un bras en écharpe, c'est-à-dire que son bras était

20 dans un plâtre et une écharpe tenait ce plâtre. Il avait une chemise à

21 carreaux par-dessus. C'est une chemise à carreaux qui le couvrait lorsqu'il

22 était étendu sur la civière. Ensuite, lorsque je suis arrivée à l'hôpital

23 deux jours plus tard, j'ai vu qu'il n'avait pas de pantalon, mais il avait

24 un pull-over, et sur le bas de son corps, il portait un maillot de bain.

25 Q. Vous nous avez dit qu'il avait un pantalon et une chemise à carreaux.

26 On parle du mois de novembre. Les carreaux avaient été cassés. N'était-il

27 pas vêtu plus chaudement que ce que vous nous dites ?

28 R. Martin avait couvert chaque fenêtre avec des nylons très épais. Il

Page 3839

1 avait réussi à se procurer une chaufferette à l'huile, et c'est ainsi que

2 nous avions pu nous réchauffer. Comme il avait un bras en écharpe, il ne

3 pouvait pas s'habiller. Il ne pouvait pas enfiler une vraie blouse non

4 plus, donc il se couvrait d'une blouse ou d'un manteau lorsqu'il sortait.

5 Q. Merci. Est-ce que vous savez si lorsqu'il est arrivé à l'hôpital, il

6 avait été inscrit dans un livre d'admission à l'hôpital ? Est-ce que vous

7 savez quel a été le diagnostic que le médecin a fait lorsqu'il est arrivé ?

8 Je sais que vous ne l'aviez pas accompagné à l'hôpital.

9 R. Lorsque je suis allée le voir pour la première fois à l'hôpital, et

10 lorsque je me suis entretenue avec lui, il m'a simplement dit que le Dr

11 Aleksijevic l'avait examiné et que, selon lui, étant donné qu'ils n'avaient

12 pas de salle de radiographie de toute façon, ils n'ont pas pu faire une

13 radio de son bras. Le médecin qui l'a examiné lui a dit que ses deuxième,

14 troisième et quatrième vertèbres cervicales étaient cassées et qu'il

15 fallait que l'on le transporte d'ailleurs pour qu'il puisse être traité

16 ailleurs. C'est ce que Martin m'a dit et que le médecin ne savait pas si

17 les nerfs avaient été endommagés à la suite de cette chute.

18 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez si Martin vous a raconté si le

19 Dr Juraj Njavro l'avait examiné ?

20 R. Non, il ne m'a pas précisé le nom du médecin, mais je sais que ces

21 médecins travaillaient en équipe. Je ne sais pas quelle personne avait été

22 examinée par quel médecin, cela je ne le sais vraiment pas.

23 Q. Je vous remercie. Lorsque vous êtes arrivée à l'hôpital lorsque vous

24 êtes allée le voir que portait-il ? Comment était-il vêtu, M. Martin

25 Dosen ?

26 R. Il portait un pull-over brun en V, sans manches. Il n'avait même pas de

27 pyjama. Il avait sur lui un maillot de bain.

28 Q. Avait-il encore ce plâtre sur le bras ?

Page 3840

1 R. Oui.

2 Q. Avait-il encore quelque chose d'autre sur lui ?

3 R. Non.

4 Q. Il ne portait pas d'autre plâtre mis à part celui qu'il avait au bras ?

5 R. Non.

6 Q. Merci. Lorsque vous êtes arrivée, était-il allongé sur le lit ou sur la

7 civière ?

8 R. Sur le lit.

9 Q. Avait-il sur ce lit un oreiller, une couverture, vous en souvenez-

10 vous ?

11 R. Oui, il avait une couverture et un oreiller.

12 Q. Une fois que vous êtes arrivée, était-il sur le dos, sur le ventre, sur

13 le côté ?

14 R. Il était sur le dos. Quand je suis arrivée il m'a dit qu'il avait très

15 faim. J'avais sur moi du pain, je lui ai fait une tartine au pâté, mais il

16 a fallu que je lève le lit du côté où il y avait sa tête, parce qu'il ne

17 pouvait pas soulever le haut de son corps pour être en position assise. Sa

18 tête tombait en arrière. Ce qui fait que c'est moi qui ai relevé le lit

19 pour lui donner à manger.

20 Q. Pouvait-il déplacer ses bras, ses jambes ?

21 R. Ses bras, oui, il le pouvait. Quand je me suis allongée au pied du lit

22 à côté de ses pieds, il n'a pas réagi. Puis, après il m'a dit qu'il avait

23 senti quelque chose de chaud lorsque j'étais allongée. Je ne sais pas si

24 par la suite du traitement, il a réussi à remédier à ce qu'il avait aux

25 jambes parce qu'à ce moment-là il ne pouvait pas se mettre sur ses propres

26 jambes.

27 Q. Pouvait-il les bouger ses jambes du tout ? L'avez-vous remarqué ou

28 pas ?

Page 3841

1 R. Lorsque je lui ai demandé de bouger ses pieds, il a dit qu'il ne le

2 pouvait pas.

3 Q. Merci. Vous souvenez-vous du fait d'avoir dit à l'enquêteur du Tribunal

4 dans la déclaration que nous avons déjà mentionnée, que lorsque vous étiez

5 arrivée à M. Martin qu'il avait grièvement blessé son bassin, et qu'il ne

6 pouvait pas marcher, mais qu'il pouvait bouger ses jambes, mais ne pouvait

7 pas se mettre debout ? Vous en souvenez-vous ?

8 R. Il y a peut-être eu malentendu parce que j'ai dit qu'il pouvait bouger

9 ses bras, mais pas ses jambes. Parce que ses bras, il pouvait s'en servir,

10 mais il ne pouvait pas se servir de ses jambes. Je m'en excuse, je crois

11 avoir dit qu'il ne pouvait pas déplacer ses jambes, mais qu'il pouvait

12 bouger ses mains, ses bras. Je sais qu'il était incapable de se mettre

13 debout.

14 Q. Cela se peut, j'ai lu ce qui est écrit dans la déposition. Est-ce que

15 cette déposition vous a été relue en croate, et l'avez-vous signée ?

16 R. Je veux bien croire que vous l'ayez lue, mais je ne me souviens pas de

17 l'avoir lue moi-même, parce que j'aurais prévenu qui de droit, si c'est le

18 cas. Je m'excuse, mais cela n'a pas été mon intention.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma.

20 Mme TUMA : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre ici. Je voudrais

21 proposer une chose. Si on demande au témoin de confirmer ou de nier une

22 chose qui figure dans sa déposition, il faudrait placer cette déposition

23 sous ses yeux, devant elle.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous n'en sommes pas encore arrivés

25 là.

26 Mme TUMA : [interprétation] Bien.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis certain que Me Vasic va garder

28 cela à l'esprit si on en arrive là.

Page 3842

1 Mme TUMA : [interprétation] Merci.

2 M. VASIC : [interprétation] Justement, Monsieur le Président. J'ai essayé

3 de gagner du temps et j'ai voulu le faire d'une façon moins douloureuse, je

4 crois que nous avons parlé de la question, et je crois qu'il ne sera pas

5 nécessaire de placer cette déposition devant le témoin du fait des

6 difficultés techniques qui se posent en ces circonstances-ci.

7 Q. Madame, je vous remercie. Pouvez-vous me confirmer partant de quoi le

8 Dr Aleksijevic a rédigé le rapport dont vous vous êtes servie pour prouver

9 le statut de votre époux et réaliser les droits afférents, partant de quoi

10 a-t-il rédigé ce qui figure dans le document qui a été utilisé comme

11 éléments de preuve ? Dans le premier cas, vous avez dit qu'il avait rédigé

12 de mémoire parce qu'il n'avait pas la documentation. Mais pour l'événement

13 du 16 novembre, veuillez nous indiquer sur la base de quoi il a rédigé

14 cette attestation qui est intitulée historique du cas ?

15 R. S'agissant du Dr Aleksijevic, j'avais pris la documentation que j'avais

16 concernant Martin, et au dos on a pu y lire ce qui était écrit. Il m'a dit

17 qu'il l'avait réceptionné, qu'il l'avait reçu à l'hôpital et qu'il était au

18 courant des blessures. C'est lui qui a rédigé ces constatations.

19 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y a une divergence entre

20 ce que vous avez dit aujourd'hui concernant l'endroit où s'est blessé M.

21 Martin Dosen à la date du 16 novembre et ce qui figure dans le rapport avec

22 l'historique de ses problèmes ? Le Dr Aleksijevic a dit qu'il avait été

23 blessé sur la ligne de front et non pas à la maison ?

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Etes-vous capable de vous souvenir de

25 ce que vous avez dit au bureau du Procureur, Madame Dosen ? Si ce n'est pas

26 le cas, vous pouvez vous pencher sur cette déposition. Mais si vous pouvez

27 effectivement vous en souvenir, pourriez-vous répondre à la question de Me

28 Vasic.

Page 3843

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je me souviens de cette déposition. Je

2 peux éventuellement me pencher dessus. Mais le Dr Aleksijevic m'a rédigé

3 cette déclaration à Zagreb lorsque nous sommes rentrés de l'exil pour

4 prouver qu'étant donné qu'il avait été considéré comme étant disparu, je

5 devais prouver qu'il était vivant, qu'il avait séjourné à l'hôpital de

6 Vukovar et que depuis, on ne l'a plus retrouvé. Avec cette documentation

7 que j'avais en provenance de l'hôpital de Vukovar, étant donné que le Dr

8 Aleksijevic avait soigné Martin à l'hôpital, c'est lui qui a rédigé ce

9 texte concernant son état de santé général, tant pour ce qui est de la

10 blessure qu'il a eue à l'occasion de la chute. A ses yeux, Martin était sur

11 la ligne de front parce qu'il avait monté la garde. C'est dans l'immeuble

12 qu'il avait monté la garde. C'est partant de là que le Dr Aleksijevic avait

13 jugé que c'était là son poste de combat. Il avait estimé qu'il était à ses

14 positions dans le bâtiment, c'est pourquoi il a dit "sur ses postions de la

15 ligne."

16 M. VASIC : [interprétation]

17 Q. Merci, Madame.

18 Vous nous avez dit que le 17 au soir, vous êtes allée à l'hôpital. Seriez-

19 vous d'accord avec moi pour dire que bon nombre de témoins nous ont indiqué

20 que les pilonnages ont duré jusqu'au 18 novembre et qu'après le 18

21 novembre, on n'a pu entendre que des tirs à l'arme d'infanterie ? Seriez-

22 vous d'accord avec eux pour le dire ?

23 R. Avec tout le respect que je vous dois, je ne serais pas d'accord avec

24 vous. Parce qu'il faut bien nous croire que dans la nuit du 17, lorsque

25 nous allions de la localité de la forêt d'Adica, on pouvait entendre des

26 pilonnages, il y a eu des pilonnages. Je ne vais pas vous relater des

27 choses qui ne se sont pas produites. Croyez-moi bien qu'il y en a eu des

28 pilonnages.

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1 Q. Au centre même de Vukovar, aux alentours de l'hôpital, y a-t-il eu des

2 pilonnages ou est-ce que ce que vous venez de dire ne se rapporterait-il

3 qu'à Adica ?

4 R. Lorsque nous sommes arrivés à l'hôpital, il n'y avait plus de

5 pilonnages, du moins, nous n'en avons pas entendu.

6 Q. Merci, Madame.

7 R. Je vous en prie.

8 Q. Vous nous avez dit que les citoyens de Vukovar ont appris qu'ils

9 devaient se rendre à l'hôpital pour être évacués dès le 17 novembre. Dites-

10 nous plus en détail comment ils l'ont appris ? Par qui ? Quelles ont été

11 les filières qui ont fait que ce type d'informations se trouvait être

12 accessible aux citoyens, si vous le savez, bien sûr ?

13 R. Pour ce qui me concerne, je vous l'ai déjà dit, Martin savait qu'il y

14 aurait une évacuation, il le savait à l'hôpital et il a envoyé deux jeunes

15 gars à l'hôpital qui pouvaient marcher pour venir au bâtiment. Je n'ai pas

16 voulu y aller seule, j'ai informé quelqu'un d'autre, ce quelqu'un d'autre a

17 encore informé d'autres personnes, et je crois que tout un chacun qui avait

18 un blessé à l'hôpital d'une façon ou d'une autre a essayé d'informer ceux

19 qu'ils connaissaient qu'il fallait se diriger vers l'hôpital.

20 Q. Après être arrivée à l'hôpital, auriez-vous appris que le Dr Vesna

21 Bosanac avait dit que les civils devaient aller à Velepromet et non pas à

22 l'hôpital et que le transport des civils était censé être effectué par Mme

23 Zeljka Zgonjanin de la Croix-Rouge de Vukovar afin que les civils soient

24 évacués de Velepromet ?

25 R. Oui, c'est exact. J'ai même été présente lorsqu'on nous a dit qu'il

26 fallait aller vers Velepromet. Mais vous savez comment ces choses se font.

27 Je voulais, à cause de mon mari, être là-bas, et la moitié des gens sont

28 allés vers Velepromet aux fins d'être évacués.

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1 Q. Oui, vous nous avez déjà expliqué, Madame, les raisons pour lesquelles

2 vous êtes restée à l'hôpital. Vous nous avez aussi dit que le 18, vous avez

3 vu M. Marin Vidic et Mme Vesna Bosanac à l'hôpital. Est-ce que vous pouvez

4 nous confirmer que vous avez bel et bien vu M. Marin Vidic à l'hôpital ?

5 R. J'ai vu madame le Dr Bosanac, pour ce qui est de Marin Vidic, je ne

6 l'ai pas vu. Je les ai vus s'en aller, mais pour ce qui est du retour, je

7 n'ai vu que le Dr Bosanac.

8 Q. En répondant aux questions de ma consoeur, vous avez dit que vous

9 saviez que Mme Bosanac avait eu des entretiens concernant les négociations

10 relatives à l'évacuation en date du 18. Mais si je vous dis que le Dr

11 Bosanac a elle-même dit que c'est le 19 qu'elle est allée négocier, à

12 Negoslavci, l'évacuation; admettriez-vous la possibilité que vous ayez fait

13 une confusion au niveau des dates ?

14 R. Cela se peut. Il s'est effectivement passé beaucoup de temps depuis.

15 Pour ce qui est des dates et des heures, j'aimerais vous dire que c'était

16 le 19, mais pour moi, toutes ces journées étaient pareilles, se

17 ressemblaient les unes aux autre. Il est difficile de se souvenir de toutes

18 les dates. Je sais que c'était le soir, et je sais qu'elle est revenue.

19 Maintenant, de là à savoir si c'est le 18 ou le 19, je ne voudrais pas que

20 vous me preniez au mot.

21 Q. Merci. Je voudrais encore tirer au clair un point de détail au niveau

22 du Dr Bosanac. Vous avez indiqué que le soir, on l'avait emmenée et qu'on

23 l'avait placée dans une pièce avec des gardes. Mais Mme Bosanac n'a pas dit

24 qu'elle a été acheminée ce soir-là et qu'elle avait été gardée. Etes-vous

25 certaine de ce que vous avez avancé auparavant ? Vous l'avez vu ou pas

26 cela ?

27 R. Lorsque je suis sortie dehors, parce que quand on entre dans la pièce

28 où il y a les blessés, il y a une pièce et c'est là que le Dr Bosanac est

Page 3846

1 entrée. Devant la porte, il y avait deux soldats de l'armée yougoslave

2 régulière. De là à savoir si elle a été détenue ou s'ils étaient là pour sa

3 sécurité personnelle, je n'en sais rien, mais c'est ce que j'ai vu.

4 Q. Merci. J'ai une autre question pour vous concernant le 20. Vous nous

5 avez dit que les femmes et les enfants ont été groupés en direction des

6 autocars qui se trouvaient dans la rue Ivo Lola Ribar à côté de l'hôpital.

7 Est-ce qu'en sus des femmes et des enfants, il y avait des hommes

8 également ? Vous en souvenez-vous ?

9 R. Comment dire ? Ils n'étaient pas groupés. On nous a dit que les civils

10 et les femmes devaient aller à gauche et les blessés à droite vers les

11 autocars. Pour être tout à fait sincère, il n'y avait que très peu d'hommes

12 dans le convoi. Dans l'autocar où il n'y avait que moi et ma famille, il

13 n'y avait que deux hommes. L'un était chauffeur de la Croix-Rouge à

14 Vukovar, il avait une carte d'identité en ce genre, il faisait partie du

15 personnel médical, cela fait qu'il était avec nous dans l'autocar, le seul

16 homme en sus du chauffeur.

17 Q. Merci. Vous nous avez mentionné hier une chose au sujet du collier de

18 doigts d'enfant. Si vous pouvez vous en rappeler, pouvez-vous nous dire de

19 qui vous avez entendu raconter ce récit ? De la bouche de qui l'avez-vous

20 entendu ? Est-ce que c'était cette femme enceinte, Mme Markobasic, qui

21 aurait possédé une photographie ?

22 R. Ils lui ont dit : "Espèce de putain oustachi, où est ce collier fait de

23 doigts d'enfant." C'est la première fois que j'en ai entendu parler, là

24 devant l'hôpital. Avant, je n'en ai pas entendu parler.

25 Q. Mais après, est-ce que vous en avez également entendu parler de cela ?

26 Avez-vous entendu parler du lien qu'il y avait entre son époux et le récit

27 lui-même, concernant ces doigts d'enfant ?

28 R. J'ai ouï-dire qu'au sujet de son époux on l'avait accusé d'avoir fait

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1 telle chose, mais ce n'est que des ouï-dire. A l'hôtel où nous avons été

2 installés, on le disait, mais chacun racontait ce qu'il avait ouï-dire de

3 la bouche d'autrui. J'ai donc eu vent de ce type de récit, mais

4 personnellement, je ne sais rien à ce sujet.

5 Q. Merci. Madame Dosen, je voudrais vous remercier de vos réponses.

6 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de conduire à

7 son terme mon contre-interrogatoire. Je n'ai plus de questions pour ce

8 témoin et je la remercie.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie également.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Grand merci, Maître Vasic.

11 Maître Borovic, est-ce que vous voudriez prendre vos 20 minutes tout de

12 suite ?

13 M. BOROVIC : [interprétation] S'il nous reste 20 minutes, je veux bien,

14 mais il me semble qu'il en reste moins. C'est du moins ce qu'il me semble.

15 Je m'efforcerai de poser le moins possible de questions, mais si nous avons

16 20 minutes --

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez mal compris. Je voulais

18 dire, est-ce que vous voulez la pause de 20 minutes maintenant ?

19 M. BOROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous en prie.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Dosen, nous allons faire une

21 pause de 20 minutes, et ensuite Me Borovic aura des questions à vous poser.

22 Nous allons reprendre à 15 heures 55.

23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.

24 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, à vous.

26 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.

27 Contre-interrogatoire par M. Borovic :

28 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Dosen. Je m'appelle Me Borovic et je

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1 suis le conseil de la Défense de M. Miroslav Radic.

2 R. Bonjour.

3 Q. Vous avez dit aujourd'hui que les Serbes n'ont pas apprécié ce qui se

4 passait et qu'ils ont commencé à quitter les lieux. Quand on vous a demandé

5 plus de détails, vous aviez dit que vous ne saviez pas en donner, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci. Dans la déposition que vous avez faite auprès du bureau du

9 Procureur, dont vous n'avez pas contesté l'authenticité bien entendu, vous

10 avez déclaré que les tensions avaient commencé à accroître après la

11 proclamation de l'indépendance de la Croatie, n'est-ce pas ?

12 R. Il n'y a pas encore eu proclamation, mais tout simplement, c'étaient

13 les problèmes entre la police et le MUP, et le refus de porter les insignes

14 à l'échiquier. C'est là que tout d'abord il y a eu des histoires. C'est ce

15 que les voisins, les amis ont raconté. Les rumeurs ont dit qu'ils ne

16 pouvaient pas être d'accord pour remplacer l'étoile à cinq branches par le

17 symbole au damier.

18 Q. En page 2 de votre déposition en langue croate, c'est ce qu'il est dit,

19 à savoir qu'il y a eu des tensions après la proclamation de l'indépendance

20 de la Croatie. Puis, vous avez cité que les policiers serbes avaient refusé

21 de porter ces insignes à l'échiquier et ils ne voulaient pas se servir de

22 cet échiquier comme drapeau, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous connaissez les leçons d'histoire qui nous ont été enseignées. Vous

25 savez qu'en 1941, il a été proclamé un Etat indépendant de Croatie, qui a

26 été créé par des Oustachi ?

27 R. C'est ce que j'ai appris à l'école.

28 Q. Ne saviez-vous pas que cet Etat-là avait, sur son drapeau, le même

Page 3850

1 échiquier ?

2 R. Oui, je me souviens de cela de l'école.

3 Q. Ne pensez-vous pas que les policiers serbes avaient refusé pour cette

4 raison-là de se servir de ces insignes précisément parce que cela leur

5 rappelait l'Etat croate indépendant de l'époque ? Oui ou non ?

6 R. Probablement que c'est la raison pour laquelle ils ont refusé de le

7 faire.

8 Q. Merci. Savez-vous qu'après la Deuxième Guerre mondiale, c'est

9 précisément à Zagreb, bien des années après qu'il y a eu un procès à

10 l'intention d'Andrija Artukovic. Savez-vous d'abord nous dire qui a été

11 Andrija Artukovic ?

12 R. Ce que j'en sais, je le sais parce que je l'ai vu à la télévision à

13 l'occasion du procès. J'ai également appris que c'était un chef des

14 Oustacha, du moins c'est ce que me disent mes souvenirs. Mais

15 personnellement, je n'ai été ni pour les Oustachi ni pour les Chetniks.

16 Q. Merci. Je ne doute pas du fait que vous n'ayez pas vaqué à ce type de

17 questions, mais quand vous avez appris que c'était un responsable du

18 mouvement Oustacha, est-ce que cela signifie qu'il était un responsable de

19 cet Etat croate indépendant fasciste ?

20 R. Probablement que oui.

21 Q. L'a-t-on poursuivi en justice à Zagreb pour les crimes commis à l'égard

22 des Serbes ? J'ai à l'esprit notamment le site de Jasenovac. En auriez-vous

23 eu connaissance ou pas ?

24 R. Oui. Je l'ai appris par la télévision.

25 Q. Merci. Vous avez dit dans votre déposition auprès du bureau du

26 Procureur et vous l'avez commentée également hier et aujourd'hui, à savoir

27 que vous avez appris que le HDZ s'était procurée 700 Kalachnikovs et

28 pistolets; est-ce bien vrai ?

Page 3851

1 R. Oui.

2 Q. Merci. Quand avez-vous appris cela ? Dans le courant de quel mois ?

3 R. Vers le mois d'août. Il me semble que c'était le mois d'août.

4 Q. Merci. Vous avez dit que votre mari avait acheté une Kalachnikov et un

5 pistolet pour préserver la sécurité de sa famille ?

6 R. Oui.

7 Q. Merci. Aviez-vous un budget, des finances en commun avec votre mari ?

8 Est-ce que vous saviez à quoi il dépensait son argent ?

9 R. Voyez-vous, je suis précisément une personne qui n'est pas très forte

10 en matière de budget. Ce n'est pas moi qui me suis chargée du budget, c'est

11 surtout mon mari qui le faisait. Je veillais à ce que dans notre foyer il y

12 ait de quoi à payer les vivres et les charges.

13 Q. Savez-vous combien il a payé la Kalachnikov et ce pistolet qu'il avait

14 destiné à un usage domestique ?

15 R. Avec la meilleure des volontés du monde, je n'en ai aucune idée.

16 Q. Merci. Savez-vous combien de finances il avait apporté pour l'achat de

17 ces 700 Kalachnikovs ?

18 R. Personnellement, je n'en sais rien.

19 Q. Mais avez-vous entendu parler de cela ?

20 R. J'ai appris que Martin, en sa qualité d'entrepreneur privé, était un

21 donateur du HDZ. Je ne sais pas s'il a été donateur pour les armes pour le

22 parti en tant que parti, cela, je ne saurais pas vous le dire; mais pour ce

23 qui est d'avoir été un donateur, oui.

24 Q. Merci. Le HDZ en sa qualité de parti politique comme vous le dites

25 vous-même avait également une aile militaire pendant les conflits armés et

26 cette aile militaire ne s'appelait-elle pas ZNG ?

27 R. Oui, à Vukovar, il y avait des ZNG. En effet, cela a existé.

28 Q. Merci. Alors, la Kalachnikov, il la gardait où votre mari pendant ces

Page 3852

1 conflits armés ? L'avez-vous vue ?

2 R. Lorsqu'il rentrait chez lui après avoir monté la garde, il n'avait que

3 son pistolet. Pour ce qui est de la Kalachnikov, il devait l'avoir là où il

4 a été blessé.

5 Q. Merci. Mais dites-moi où est-ce qu'il montait la garde ? Parce que vous

6 dites là où il montait la garde ? Alors, où est-ce qu'il a monté la garde

7 au juste ?

8 R. A Nama.

9 Q. Merci. Est-ce que c'était là son affectation au combat ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous nous avez dit aujourd'hui qu'il s'est acheté cette Kalachnikov

12 pour préserver la sécurité de sa famille. Qu'est-il advenu de l'arme

13 familiale ? Alors bon, là-bas au poste de garde, il était normal d'avoir

14 une arme, mais qu'est-il advenu de l'arme familiale ?

15 R. Quand il a été blessé, il est arrivé à Olajnica et c'est là qu'il a

16 ramené la Kalachnikov à la maison.

17 Q. Merci. Une fois qu'il a été emmené à l'hôpital, est-ce qu'il l'a

18 emportée avec lui, la Kalachnikov ou est-ce qu'il l'a laissée à vous ?

19 R. La Kalachnikov et le pistolet sont restés dans l'appartement et elles

20 ont brûlé quand tout le reste de l'appartement a brûlé. Tanja et moi-même

21 ne les avons pas emmenés avec nous quand nous sommes sorties.

22 L'INTERPRÈTE : L'interprète voudrait que l'on aille un peu moins vite.

23 M. BOROVIC : [interprétation]

24 Q. Vous dites que votre mari faisait un tour de garde. Etait-il sur son

25 tour de garde ou pas ? Montait-il la garde ?

26 R. Oui.

27 Q. Quand est-ce qu'il montait la garde ? A quel moment ? Avez-vous entendu

28 ma question ?

Page 3853

1 R. Oui. J'ai entendu votre question.

2 Q. Donc, quand est-ce que votre mari montait-il la garde dans votre

3 appartement ?

4 R. Quand il a été touché la première fois, à la fin octobre, quand il a

5 été blessé au bras. Il a été hospitalisé. Il est rentré à la maison. Il

6 avait un plâtre et il est rentré à Olajnica et c'est là qu'il était

7 affecté. Il montait la garde pour protéger les femmes et enfants qui

8 étaient dans ce bâtiment parce qu'il n'y avait que quelques hommes là-bas.

9 Q. Merci. Y avait-il d'autres personnes qui gardaient ce bâtiment ou

10 était-il seul à monter la garde 24 heures sur 24 ?

11 R. Il y en avait d'autres personnes aussi qui montaient la garde.

12 Q. Est-ce qu'ils avaient aussi des armes ?

13 R. Oui. Mais je n'en ai rien vu. J'imagine qu'ils avaient des armes.

14 Q. Est-ce que vous avez les noms de personnes dans votre bâtiment, dans

15 votre immeuble qui, eux aussi, montaient la garde comme votre mari ?

16 R. Non. Enfin, je sais qu'il y avait deux personnes avec Martin. A dire

17 vrai, je ne me souviens pas très bien de leurs noms. Martin les appelait

18 George et Bush. Mais enfin, on était là que pendant trois mois. Donc, je ne

19 sais vraiment pas comment ils s'appelaient. Je ne connaissais pas leurs

20 vrais noms.

21 Q. Est-ce que vous avez une idée de leur âge ?

22 R. A peu près 50 ans.

23 Q. Merci. Maintenant pouvez-vous nous dire quand votre mari a travaillé à

24 la cellule de Crise ? Vous en avez déjà parlé dans votre déclaration au

25 bureau du Procureur.

26 R. Quand il ne rentrait pas la nuit. Cela a commencé à peu près au début

27 août jusqu'à ce qu'il soit touché. Au cours de la journée, il rentrait pour

28 voir comment on allait Tanja et moi, jusqu'à ce que notre maison soit

Page 3854

1 bombardée. Là, on est passé à Olajnica et là, il venait nous voir dans la

2 journée à Olajnica.

3 Q. Bien. Qu'en est-il de l'appartenance à la cellule de Crise de votre

4 mari ? En savez-vous vous quelque chose ? Est-ce que vous savez quel était

5 son poste ? Est-ce qu'il était haut placé dans la cellule de Crise ?

6 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Dans la cellule de Crise ou

7 pendant qu'il était affecté à monter la garde ?

8 Q. Etait-il membre de la cellule de Crise ?

9 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le conseil pourrait arrêter d'interrompre le

10 témoin, car on ne peut pas écouter deux conversations en même temps.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Etait-il membre de la cellule de Crise, je ne

12 sais pas ? Mais il y allait.

13 M. BOROVIC : [interprétation]

14 Q. Savez-vous si le Dr Vesna Bosanac était membre de la cellule de Crise à

15 Vukovar ou est-ce que votre mari ne vous a-t-il jamais dit qu'il

16 rencontrait le Dr Bosanac à la cellule de Crise ?

17 R. Martin ne m'a jamais parlé d'être entré en contact avec Vesna Bosanac,

18 il ne m'a pas dit si elle était à la cellule de Crise quand il y allait. Je

19 ne peux rien confirmer là-dessus.

20 Q. Merci. Vous avez dit qu'il y avait des tours comme les vôtres qui

21 existaient près de l'hôpital et derrière l'hôpital. Vous l'avez dit quand

22 vous avez répondu aux questions de mon collègue, M. Vasic.

23 R. Oui.

24 Q. Quelle est la distance entre ces tours et l'hôpital, les tours qui sont

25 le plus près de l'hôpital ?

26 R. A mon avis, les tours qui sont derrière l'hôpital sont à peu près à 100

27 ou 50 mètres. Il suffit de traverser la rue et on se trouve devant la

28 première tour.

Page 3855

1 Q. Merci. Qu'en est-il des tours qui sont près de l'entrée principale de

2 l'hôpital ? Quelle est la distance entre l'entrée et les tours ?

3 R. Elles sont un peu plus loin celles-là, elles sont près du pont qui

4 traverse le Danube. C'est toute une cité qui se trouve sur la berge du

5 Danube. Mettons qu'il y ait 300 mètres, enfin cela est une estimation de ma

6 part.

7 Q. Merci. Maintenant revenons-en aux tours qui sont derrière l'hôpital.

8 Savez-vous qu'il y a eu des tirs qui sont partis de ces tours et qui

9 visaient la JNA ?

10 R. Non. Je ne suis pas au courant. Cela se passait à l'hôpital; j'étais

11 plus loin.

12 Q. Merci. Quand on vous a demandé si vous saviez qu'il y avait des

13 formations de la ZNG à Vukovar, vous avez dit oui. Mais avez-vous entendu

14 parler des formations militaires du HOS ou de la Défense croate ?

15 R. Quant à savoir s'il y avait des formations de ce type à Vukovar, je

16 n'en sais rien, mais j'ai rencontré quelques jeunes garçons à l'hôpital qui

17 m'ont dit qu'ils appartenaient au HOS.

18 Q. Merci. Est-ce que vous saviez qu'il y avait aussi les Dobromani pendant

19 la guerre ?

20 R. Non, je n'en savais rien.

21 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de formations militaires

22 d'Oustachi ? Avez-vous entendu quoi que ce soit à ce propos ? Est-ce que

23 c'étaient les ZNG ?

24 R. Je n'en sais rien. Moi-même, je n'ai pas vu de personnes portant les

25 armoiries oustacha, enfin je ne sais pas pourquoi on dit qu'il y avait des

26 extrémistes oustachi, mon mari non plus d'ailleurs.

27 Q. Très bien.

28 On a parlé de Martin Jakubovski et vous nous avez dit qu'il était inscrit à

Page 3856

1 la ZNG, qu'il avait une carte de la ZNG.

2 R. Il me l'a dit. Il m'a dit qu'il avait été à Opatovac et qu'il avait

3 signé des papiers et qu'il s'était donc enrôlé. Quand il est revenu de

4 l'armée, c'est ce qu'il m'a dit.

5 Q. Merci. Avez-vous vu Martin Jakubovski le 17 novembre quand vous êtes

6 arrivée à l'hôpital ?

7 R. Oui.

8 Q. Que portait-il quand vous l'avez vu à l'hôpital ? Etait-il en uniforme

9 militaire, puisqu'il faisait partie de la ZNG ?

10 R. On venait de l'opérer parce qu'il avait été touché au bras. Il avait

11 failli perdre sa main, et le Dr Aleksijevic a réussi à sauver sa main. Il

12 était en pyjama et il avait une blouse d'hôpital.

13 Q. Oui. Quand il est arrivé, voilà ce que vous avez déclaré dans votre

14 déclaration. A la page 5, dernier paragraphe. Vous dites que Martin

15 Jakubovski a été amené. Que portait-il en ce moment-là exactement ?

16 R. Quand il est arrivé à l'hôpital, quand on l'a amené à l'hôpital ?

17 Q. Non, quand il avait été emmené dans le bus.

18 R. Quand il est arrivé dans le bus, il me semble qu'il avait les mêmes

19 vêtements, mais qu'il avait une veste en plus et une espèce de pull-over

20 rose.

21 Q. Bien. Avez-vous dit au bureau du Procureur qu'il était un tireur

22 d'élite bien connu, et que sa position c'était d'être sur le toit du lycée.

23 Il s'agit de ma première question. Avez-vous dit cela au bureau du

24 Procureur ?

25 R. Oui. Il m'a dit que c'était là qu'il était posté.

26 Q. Est-ce que vous avez aussi dit au bureau du Procureur que depuis le

27 toit du lycée, il tirait sur les avions de la JNA ? Vous pouvez le

28 confirmer ?

Page 3857

1 R. Oui, oui, mais enfin ce n'était pas le toit du lycée, c'était le toit

2 de l'école primaire.

3 Q. Mais alors c'est l'école primaire, le collège, le lycée ?

4 R. Il s'agit du collège qui est un peu en dehors -- enfin qui n'était pas

5 au centre-ville, qui est un peu sur l'extérieur.

6 Q. Merci. Martin Jakuboski vous a donc dit qu'il devait tirer sur les

7 avions de la JNA depuis le toit du collège. A-t-il réussi à atteindre un

8 avion ou plusieurs avions ? Est-ce que vous vous souvenez qu'il vous ait

9 raconté quelque chose là-dessus ?

10 R. Je lui ai demandé où il était pendant les événements, pendant tous ces

11 tirs, pendant le pilonnage, parce que ses parents n'étaient pas là, ses

12 parents étaient à Vinkovci, donc il restait avec sa grand-mère à Vukovar,

13 et j'étais un peu inquiète à son propos. Je me faisais du souci. Il m'a dit

14 : "Ecoute tante, je suis sur le toit du collège, on essaie de se défendre

15 contre les avions." C'est ce qu'il m'a dit.

16 Quant à savoir s'il a réussi à atteindre quoi que ce soit, cela je n'en

17 sais rien, je n'étais pas là. Quant à savoir s'il a réussi à toucher un

18 avion, je ne peux pas vous le dire parce qu'il ne m'en pas parlé. Je lui ai

19 juste demandé où il était, juste pour savoir s'il était vivant ou pas, ce

20 qui lui était arrivé.

21 Q. Merci. Maintenant vous confirmez à votre déclaration, vous avez dit

22 qu'il était un tireur d'élite, qu'il était bien connu pour être un bon

23 tireur. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?

24 R. Son diminutif était Spegelj et ses amis me disaient qu'il était bon

25 tireur. A savoir s'il était excellent ou bon ou moyen, je n'en sais rien,

26 je n'ai pas vu.

27 Q. Merci. Visiblement ce n'est pas à vous de nous donner des détails là-

28 dessus, mais puisque vous nous dites qu'il tirait à partir qu'il avait

Page 3858

1 d'une batterie antiaérienne pour tirer sur des avions, est-ce que vous avez

2 une idée de quel genre d'arme il s'agissait ? Puisque votre premier mari

3 était dans l'armée, peut-être que vous savez exactement quel type de

4 batterie antiaérienne il avait installé sur le toit ?

5 R. Je n'en ai aucune idée, croyez-moi.

6 Q. Je vous crois. Vous avez parlé du mois de mai 1991 et vous avez dit

7 qu'il y avait des officiers de police qui avaient été tués à Borovo

8 Naselje; c'est cela ?

9 R. Non, c'est à Borovo Selo.

10 Q. Est-ce que vous avez su que, lors de cet incident, un grand nombre de

11 Serbes ont été blessés et ils ont été blessés extrêmement gravement ? Ils

12 ont été amenés d'ailleurs à l'hôpital de Vukovar. C'étaient des blessures

13 qui avaient été causées par des balles à fragmentation ?

14 R. Je ne peux vous dire que ce dont j'ai entendu parler et de ce que j'ai

15 vu à la télé.

16 Q. D'abord, ma question, pour ce qui est des Serbes : vous l'avez entendu

17 --

18 M. BOROVIC : [interprétation] Je crois que j'ai un problème avec le compte

19 rendu. Je ne sais pas si le compte rendu est correct. Pour éviter tout

20 problème ultérieur, j'aimerais être certain que tout ce qui est dit se

21 retrouve sur le compte rendu. En plus, je n'entends pas très bien dans mes

22 écouteurs.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On dirait que ce qui est dit est

24 entendu et noté au compte rendu. Cela dit, il y a un problème en cours.

25 J'imagine que vous écoutez le B/C/S, et quand l'orateur s'arrête, vous

26 passez à une question, alors que la traduction dans une autre langue est un

27 peu plus longue et se poursuit, surtout pour l'anglais. Vous avez tendance

28 à poser la question alors que l'interprétation de la réponse n'est pas

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1 terminée, et c'est ceci qui pose des problèmes pour ceux qui essaient

2 d'entendre ce que vous dites et de le traduire en même temps, c'est-à-dire

3 les interprètes, qui souffrent.

4 M. BOROVIC : [interprétation] Merci. Vous avez été extrêmement diplomate et

5 vous m'avez fait comprendre que j'étais le problème. J'ai bien compris.

6 Merci. Je vais donc essayer de le résoudre.

7 Q. Aujourd'hui, on a entendu parler des missions de guerre de votre mari.

8 Il a été affecté au grand magasin Nama.

9 R. Oui.

10 Q. Avez-vous fait une déclaration qu'il était porté disparu auprès du

11 ministère ? Avez-vous donné des informations au ministère ?

12 R. Oui.

13 Q. Etiez-vous le seul témoin donnant des informations sur cette personne

14 portée disparue ?

15 R. Non. Il y a eu d'autres personnes impliquées.

16 Q. Je parle de ce qui est de votre mari. Etiez-vous la seule à témoigner à

17 propos de votre mari ou y avait-il d'autres personnes qui ont pu faire les

18 dépositions ?

19 R. J'ai donné des informations pour mon mari, mais sa sœur aussi a donné

20 des informations sur lui, parce qu'elle non plus ne sait pas ce qui lui est

21 arrivé. Elle a aussi déclaré qu'il était disparu. Chaque fois qu'il y avait

22 un membre de famille porté disparu, on essayait de trouver le plus

23 d'information possible pour savoir ce qui s'était passé. Il y a peut-être

24 d'autres personnes aussi qui ont donné des informations sur lui puisqu'il

25 était porté disparu.

26 Q. Bien. Continuons. En quelle année votre mari a-t-il été nommé major par

27 le ministère de la Défense ?

28 R. J'ai le document à la maison, mais je ne m'en souviens pas. Je ne

Page 3860

1 voudrais pas faire d'erreur. J'ai le papier chez moi. Il faudrait que je le

2 regarde pour savoir exactement.

3 Q. Merci. Etait-ce avant que vous le déclariez comme porté disparu ou

4 après ?

5 R. Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît ?

6 Q. Cette promotion, l'a-t-il reçue après qu'il soit porté disparu ou

7 avant ?

8 R. Après qu'il soit porté disparu.

9 Q. Etait-il membre de la brigade appelée Brigade de Vukovar ?

10 R. Pour savoir s'il faisait partie de la brigade ou non, sur les documents

11 qu'il a reçus de son commandant, il était écrit qu'il devait monter la

12 garde au grand magasin Nama. C'est ce qui est écrit sur le document.

13 Q. Quand vous nous décriviez sa chute depuis le balcon, vous nous avez dit

14 qu'il a été emmené à l'hôpital sur une civière. Vous avez aussi dit qu'il y

15 avait toujours des civières dans les bâtiments et dans les immeubles à

16 l'époque. C'est ce que vous avez dit hier, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Bien. A partir de quel moment y a-t-il eu des civières dans les

19 bâtiments et pourquoi y en avait-il dans des bâtiments ? Qui les a mis là ?

20 D'où venaient-elles ? Première question, j'aimerais savoir à partir de

21 quand y a-t-il eu des civières dans votre bâtiment ?

22 R. Je ne peux pas vous dire exactement. Mais quand on est arrivé dans le

23 bâtiment, il y avait déjà des civières, parce que les abris antiatomiques

24 qui existaient à Olajnica étaient trop petits pour tous les habitants de la

25 cité, donc ils ont laissé quelques civières dans chaque bâtiment en cas où

26 on en aurait besoin, le cas échéant, si quelqu'un était blessé dans un

27 pilonnage, et cetera.

28 Q. Bien. Est-ce que ce sont les soldats de la ZNG qui les auraient

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1 apportées dans les immeubles de la cité, les membres de la Garde

2 nationale ?

3 R. Oui. Dans les abris, il y avait un petit peu d'organisation quand même,

4 mais je ne sais pas du tout qui était en charge de cette organisation.

5 Q. Bien. Peut-être que vous avez vu Martin Jakubovski, alias Spegelj, dans

6 l'hôpital. Je voudrais vous poser la question suivante : est-ce que le Dr

7 Binazija Kolesar lui a donné la même chose qu'à votre mari ? C'est-à-dire,

8 est-ce qu'elle lui a donné son dossier médical pour qu'il puisse l'utiliser

9 après l'évacuation ?

10 R. Oui, elle l'a fait avec tous les blessés. Les blessés étaient censés

11 transporter leur propre dossier médical.

12 Q. Je vous ai parlé de Martin Jakubovski plus spécifiquement.

13 R. Cela, je ne sais pas. Martin était dans le couloir. Il fallait passer

14 par la chambre pour aller le voir, mais je n'ai pas vu s'il avait les

15 documents en main ou pas.

16 Q. Bien. Qu'en est-il d'Ivan et Tadija Dosen ? Est-ce qu'on leur a, eux

17 aussi, donné leur dossier médical ?

18 R. Ivan n'était pas blessé, donc il n'avait pas besoin de dossier médical.

19 Il est venu avec nous depuis Olajnica. Il n'était pas à l'hôpital en tant

20 que blessé.

21 Q. Qu'en est-il de Tadija ?

22 R. Il était blessé, lui. Je le ne voyais pas très bien parce qu'il était

23 déjà dans le bus. Il avait une blouse d'hôpital. Je ne sais pas s'il

24 portait quoi que ce soit. Il pouvait marcher tout seul et il avait quitté

25 la salle avant Martin.

26 Q. Merci. Pourriez-vous nous donner le nom d'une autre personne qui aurait

27 eu son dossier médical en main, mis à part vous bien sûr ?

28 R. Non. Je ne sais pas de ce qui en était des civils. J'ai pris le sac en

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1 plastique qu'on m'a donné. Mais chaque blessé avait ce même type de sac,

2 donc j'imagine qu'ils ont emporté les papiers avec eux. Quant à savoir

3 pourquoi on ne retrouve pas ces documents, cela, je n'en sais rien. Mais je

4 sais que chaque blessé a reçu son dossier médical.

5 Q. Donc, la question suivante va être logique : votre mari était sur une

6 civière, certes, mais pourquoi est-ce qu'on ne vous a pas donné son dossier

7 alors qu'on le transportait vers l'autobus ? Comment cela se fait que les

8 documents vous ont été donnés à vous alors que tous les autres blessés

9 avaient leur propre dossier ?

10 R. Je ne peux pas expliquer. J'ai pris les dossiers, ce qui était sur son

11 lit, quand on l'a mis sur la civière. Il avait besoin d'être déplacé du lit

12 sur la civière. Les papiers sont restés sur le lit et je les ai pris. J'ai

13 pris le sac en plastique avec moi.

14 Q. Merci. Vous dites que vous avez vu trois soldats de la JNA dans

15 l'hôpital. Voici ma question : comment est-ce que vous avez su qu'ils

16 faisaient partie de la JNA ? Vous n'aviez passé qu'une journée dans cet

17 hôpital.

18 R. Ces trois soldats dans l'hôpital de Vukovar étaient séparés des blessés

19 par une paroi en verre. Martin m'a dit que c'étaient trois soldats blessés

20 de la JNA qui étaient arrivés.

21 Q. Merci. Est-ce que Martin vous a dit quand ils sont arrivés dans

22 l'hôpital ?

23 R. Non. Je ne connais pas la date exacte. Je pense qu'ils étaient déjà à

24 l'hôpital quand Martin est arrivé, donc ils avaient dû être blessés avant

25 qu'il n'arrive. Martin m'a dit que c'étaient des chics types, qu'ils

26 parlaient avec lui, qu'ils communiquaient.

27 Q. Vous dites qu'il y avait quand même une paroi en verre qui les

28 séparait; c'est cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Quelle était la distance qui les séparait de votre mari ?

3 R. Je ne peux vous le dire exactement. Toute la pièce était envahie par

4 les lits. C'était peut-être à cinq lits de là, si vous pouvez essayer de

5 visualiser un peu, et après, la paroi.

6 Q. Merci. Mais on ne pouvait pas les entendre parler puisqu'il y a avait

7 une paroi en verre ?

8 R. Non.

9 Q. Alors, expliquez à la Chambre ce que vous avez dit hier. Vous avez dit

10 que ces soldats ne voulaient pas partir avec les officiers de la JNA qui

11 voulaient les emmener avec eux pour les sauver, si je puis dire, ou alors

12 est-ce que vous n'avez tout simplement rien entendu ?

13 R. Je l'ai entendu parce qu'ils l'ont dit dans le couloir alors qu'ils

14 partaient. Ils ont dû quitter la pièce qui était derrière cette fameuse

15 paroi en verre et ils ont dû passer devant les lits. Et là, ils étaient en

16 train de discuter avec l'officier qui était venu les chercher. Ils lui ont

17 demandé, et là je les cite : "Pourquoi on doit partir maintenant ? On n'est

18 pas en danger ici. On était bien traité, comme tout le monde." C'est cela

19 que j'ai entendu quand ils sont passés devant moi.

20 Q. Très bien. Avant votre témoignage, votre déclaration au bureau du

21 Procureur, avez-vous été entraîné par un organisme quelconque à Zagreb ?

22 Est-ce que vous avez un petit peu répété ?

23 R. Non. Je ne me souviens pas d'avoir répété quoi que ce soit. Vous savez,

24 beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis et j'ai parlé à beaucoup de

25 personnes de différents centres, de différentes institutions, alors je ne

26 veux pas tout mélanger.

27 Q. Bien. Avant de décider de témoigner, avez-vous répété à un moment ou à

28 un autre à Zagreb pour cette déposition-ci ? Enfin, y a-t-il un centre qui

Page 3864

1 prépare les témoins avant que les témoins ne témoignent ici à La Haye, du

2 moment, bien sûr, que ces témoins soient de nationalité croate ?

3 R. Il n'y a pas de préparations. J'ai parlé de ma déposition. Je ne me

4 souviens pas très bien en quelle année j'ai fait cette déposition; je crois

5 que c'était en 1995. Ils m'ont demandé si elle était correcte. Il fallait

6 que je la relise pour bien vérifier si je me souvenais bien ce que j'avais

7 écrit dans ma déposition et si tout avait été enregistré correctement. Donc

8 cela, oui. Je suis passée par ce processus.

9 Q. Qui vous a aidé à vous souvenir de cette déposition de 1995 ?

10 R. Je pense que c'était un représentant du Tribunal de La Haye. Je ne sais

11 pas quel était le poste de cette personne ou sa fonction, très certainement

12 quelqu'un du TPIY.

13 Q. Merci, Madame Dosen. J'en ai terminé avec mon contre-interrogatoire.

14 R. Merci.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Borovic.

16 Monsieur Lukic.

17 Maintenant, M. Lukic va avoir quelques questions à poser à Mme Dosen.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci.

19 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

20 Q. [interprétation] Bon après-midi. Bon après-midi à tous, et je souhaite

21 bon après-midi à Mme Dosen. Je m'appelle Novak Lukic et je viens de

22 Belgrade. Je suis le conseil de M. Sljivancanin. J'ai quelques questions à

23 vous poser. Tout d'abord, je tiens à m'excuser auprès des Juges et de moi-

24 même si certaines de mes questions sont un peu redondantes avec celles

25 qu'ont déjà posées mes collègues. J'ai fait de mon mieux pour réduire le

26 nombre de mes questions après le contre-interrogatoire de mes collègues,

27 mais comme nous étions les derniers à passer, la plupart de mes questions

28 ont déjà été posées par mes collègues. Donc, je vais essayer de vous poser

Page 3865

1 des questions sur des sujets sur lesquels vous n'avez pas encore répondu.

2 Je sais que je parle trop vite. Nous parlons tous trop vite. Donc, si on

3 peut bien faire de notre mieux pour qu'il y ait pause entre les questions

4 et les réponses, je pense que cela aidera grandement le compte rendu

5 d'audience.

6 Je voulais reprendre un petit peu sur ce dont nous parlait M. Borovic quand

7 il en a terminé avec son contre-interrogatoire. Pour ce qui est des

8 dépositions qui sont à notre disposition, vous nous avez donné des

9 informations sur les faits à propos desquels vous témoignez. Pouvez-vous

10 confirmer ceci ? Voilà ma question : au vu des informations dont nous

11 disposons, en 1995 vous avez fait une déposition très complète au bureau du

12 Procureur, et ensuite une autre déposition plus courte où on vous a montré

13 des photographies pour que vous reconnaissiez certaines personnes. C'est

14 bien comme cela que cela s'est passé ?

15 R. Oui.

16 Q. Nous savons aussi que vous avez fait une déclaration au ministère de la

17 Santé de la Croatie en date du 14 avril 1993 et vous en avez d'ailleurs

18 parlé dans cette enceinte. Vous vous en souvenez ?

19 R. Oui. C'est pour cela que j'ai dit à votre collège, là, j'essaie

20 d'éviter tout malentendu, j'ai bien dit que j'avais fait plusieurs

21 dépositions. Je ne sais plus très bien à qui, quand et où.

22 Q. Merci. Vous avez témoigné devant ce Tribunal en 1998 dans l'affaire

23 Dokmanovic, en février 1998, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Juste après vous, votre fille aussi est venue témoigner le même jour;

26 est-ce correct ?

27 R. Oui.

28 Q. Nous savons aussi, et c'est M. Borovic hier qui vous a posé des

Page 3866

1 questions là-dessus, nous savons que vous avez donné des informations

2 faisant partie d'un questionnaire élaboré par la République de Croatie et

3 leur centre des personnes disparues. Vous avez donné des informations sur

4 les gens qui ont été portés disparus à Vukovar, et principalement

5 d'ailleurs des informations sur votre mari, M. Martin Dosen, porté disparu;

6 c'est vrai ?

7 R. Oui.

8 Q. Le bureau du Procureur nous a dit, et vous nous l'avez confirmé il y a

9 peu de temps, que vous aviez parlé récemment avec des représentants du

10 bureau du Procureur, je crois il y a moins d'un mois. On vous a montré

11 votre précédente déposition pour vous rafraîchir la mémoire et vous avez

12 proposé certaines corrections qui, à votre avis, étaient nécessaires.

13 R. Oui, c'est vrai.

14 Q. Vous pouvez aussi nous confirmer, je pense, que quand en 1995 vous avez

15 fait votre première déposition - et je pense que le Greffier qui est à côté

16 de vous pourrait vous donner la déposition - quand vous faisiez cette

17 déposition en 1995, il y avait un interprète, il y avait la personne qui

18 conduisait l'interview, ainsi que votre fille; c'est cela ?

19 R. Quand est-ce que vous dites que Tanja était là ? Pouvez-vous répéter la

20 question, s'il vous plaît ?

21 Q. Je regarde cette déposition faite le 22 août 1995. C'est la première

22 fois que vous répondiez à M. Milner du bureau du Procureur. Il y avait un

23 interprète, et dans la déclaration, il est écrit que votre fille Tanja

24 était présente elle aussi.

25 R. Vous voulez dire ici à La Haye ?

26 Q. Il me semble que l'entrevue s'est tenue à Zagreb.

27 R. S'ils sont venus me voir, Tanja était très certainement là.

28 Q. Je fais mes petits calculs. En août 1995, Tanja avait 18 ans et demi,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Elle est née le 10 janvier 1977.

3 Q. Quinze jours plus tard, un représentant du bureau du Procureur a

4 interviewé votre fille à l'hôtel Intercontinental de Zagreb. Etiez-vous

5 présente lors de cette interview ?

6 R. Je pense que oui. Nous n'avions qu'une pièce. A un moment d'ailleurs,

7 j'étais en train de faire du café pour tout le monde, mais je pense que

8 j'étais dans la pièce; il me semble bien.

9 Q. Pour que ce soit bien clair, je l'ai lu dans la déposition de

10 l'enquêteur, donc je voulais juste vérifier si c'était bien le cas.

11 Je vais passer à autre chose puisque je pense que maintenant nous

12 avons établi le cadre qui nous donne la source de ces informations, sur ce

13 que vous saviez de ce qui s'était passé à Vukovar. Nous espérons que le

14 représentant du greffe qui est à côté de vous a tous les documents sous la

15 main et il peut ainsi vous les présenter quand nous y ferons référence,

16 parce que je vais rentrer un peu dans les détails de vos précédentes

17 dépositions.

18 Avant la guerre et au cours de la guerre, donc en 1991, est-ce que vous

19 connaissiez le Dr Njavro ?

20 R. Oui, on le connaissait. Sa femme était enseignante. Elle était une

21 enseignante de Tanja.

22 Q. Est-ce que vous connaissiez le Dr Bosanac avant la guerre ou au cours

23 de la guerre ?

24 R. Oui, je la connaissais, parce qu'elle était pédiatre avant de diriger

25 l'hôpital. Quant à mon mari, je ne sais pas s'il la connaissait mieux que

26 moi. Il la connaissait en tant que pédiatre. Tanja était une amie des fils

27 du Dr Bosanac.

28 Q. Tant qu'on y est, est-ce que vous saviez si l'un ou l'autre des fils du

Page 3868

1 Dr Bosanac était membre de la Garde nationale ou d'autres forces qui

2 défendaient Vukovar ?

3 R. Je n'en sais rien. Je ne les ai pas vus. La première fois que je les ai

4 vus, c'était à Zagreb.

5 Q. Est-ce que vous connaissiez M. Marin Vidic ou est-ce que votre mari

6 vous a dit qu'il le connaissait avant ou pendant la guerre quand il était

7 en poste à Vukovar ?

8 R. Martin connaissait M. Vidic de Vukovar. Ils se connaissaient de vue.

9 Ils se saluaient. Je ne sais pas si cela allait plus loin. Je ne peux pas

10 vous le dire.

11 Q. J'imagine que vous connaissiez M. Vidic de vue puisque vous le voyiez

12 dans la ville ?

13 R. Je l'ai vu à l'hôpital.

14 Q. Oui, c'est ce que vous avez dit hier. Je voulais juste vérifier si vous

15 saviez bien que c'était lui.

16 Qu'en est-il du Dr Aleksijevic ? Est-ce que vous l'avez connu avant la

17 guerre, à part chaque fois que votre mari a été blessé ?

18 R. Je ne le connaissais pas avant la guerre. Je l'ai rencontré pendant la

19 guerre, et on s'est rencontré à Zagreb. Je connaissais sa femme un peu

20 mieux parce qu'elle travaillait à l'hôpital même avant la guerre. On

21 n'était pas amie, mais je savais qu'elle faisait partie du personnel

22 hospitalier, qu'elle était infirmière.

23 Q. J'ai lu une déclaration du bureau du Procureur, et j'ai lu la chose

24 suivante; vous pouvez peut-être le confirmer. Vous avez dit que vous étiez

25 plutôt à l'aise avant la guerre, financièrement. Votre famille et vous

26 étiez plutôt à l'aise financièrement; est-ce vrai ?

27 R. J'ai toujours été amie avec les gens que je connaissais, et c'est vrai

28 qu'on était assez à l'aise. Martin et moi-même, on avait quand même pas mal

Page 3869

1 d'enfants à nous deux, mais on avait une bonne vie.

2 Q. Je pense que vos revenus provenaient principalement du restaurant ou

3 aviez-vous une autre source de revenu au sein de votre famille en 1990 et

4 1991 ?

5 R. Non, nos revenus venaient principalement de la pêche. Martin vendait

6 ses poissons sur le marché et il les vendait aussi à d'autres restaurants.

7 Puis, on utilisait aussi le poisson pour notre propre restaurant, mais

8 notre restaurant n'était ouvert que l'été, quand les gens venaient se

9 rafraîchir sur les berges du Danube, pas pendant l'hiver.

10 Q. Pour ce qui est des activités de votre mari au sein du HDZ, vous nous

11 en avez parlé. Vous avez parlé de son appartenance politique et de ses

12 activités. Vous nous avez dit qu'il n'était qu'un membre tout à fait

13 ordinaire du HDZ. Est-ce qu'il était assez secret à ce propos ou est-ce

14 qu'il en parlait ?

15 R. Il ne le cachait pas. Il le disait ouvertement.

16 Q. Autre chose, toujours sur votre situation à l'époque, pour ce qui est

17 de ce que vous avez répondu à M. Borovic tout à l'heure. Quand on l'a promu

18 major à titre posthume, vous dites que vous avez reçu cette promotion dans

19 une lettre qui provenait de son commandant. Est-ce que vous savez qui avait

20 signé le document, qui avait signé ce document en tant que commandant de

21 votre mari ?

22 R. Je crois que c'est quelqu'un qui s'appelle Krsic. C'était le directeur

23 général du grand magasin Nama. Mais il a été tué quand il essayait de

24 quitter Vukovar. Le document a été signé par M. Daniel Rehak.

25 Q. Je ne sais absolument pas qui est cette personne. Avez-vous la moindre

26 idée de qui est cette personne, quel est son poste, quelle était sa

27 mission, son titre ? Est-ce qu'il avait quoi que ce soit à faire avec les

28 défenseurs de Vukovar ?

Page 3870

1 R. Je ne sais absolument pas quel était son poste, sa fonction. Je sais

2 qu'il était prisonnier et qu'il a été détenu en Serbie. Je le connaissais

3 avant la guerre; on était à l'école ensemble. Pour ce qui est de son titre

4 officiel, je ne sais pas. Il semblerait que cela a été le commandant de

5 Martin, son chef.

6 Q. On ne va pas passer en revue toutes les questions portant sur les

7 blessures de votre mari, mais j'ai quand même une question à vous poser

8 parce qu'il y a encore quelque chose qui n'est pas très clair dans mon

9 esprit. Quand il a été blessé la deuxième fois, vous nous en avez parlé.

10 Vous avez dit qu'il avait été atteint par un tireur embusqué. Est-ce qu'il

11 est resté à l'hôpital ou est-ce qu'il a juste été soigné à l'hôpital et

12 ensuite on l'a laissé partir ?

13 R. On l'a traité tout de suite, on l'a soigné, puis ensuite on l'a laissé

14 partir. On a dit que cela ne servait à rien qu'il reste dans l'hôpital. De

15 toute façon, il n'y avait pas de place. Il y avait beaucoup de gens qui

16 avaient des blessures bien plus graves que lui et donc on l'a renvoyé chez

17 lui.

18 Q. Dans votre réponse à M. Vasic, vous lui avez dit que cela se passait en

19 septembre; c'est cela ?

20 R. Non. C'était à la fin octobre, peut-être même à la mi-novembre.

21 Q. Excusez-moi de rentrer dans les détails, mais je crois que vous n'êtes

22 pas assez précise. Peut-être que cela va rafraîchir votre mémoire : la

23 deuxième fois qu'il a été blessé par un tireur embusqué, combien de temps

24 s'est-il passé entre sa deuxième blessure et sa chute du balcon ?

25 R. A peu près dix jours.

26 Q. Merci. Quand votre mari a été transféré à l'hôpital en date du 16, vous

27 nous avez dit que vous n'étiez pas présente, que vous n'êtes pas allée à

28 l'hôpital avec lui, mais que vous êtes venue le voir le lendemain dans la

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1 soirée. Lorsqu'il a été emmené à l'hôpital, est-ce que vous savez si on a

2 fait sur lui une intervention médicale, c'est-à-dire, est-ce qu'on a

3 vraiment fait quelque chose ?

4 R. Martin m'a expliqué qu'aucun traitement n'a pu lui être prodigué

5 puisqu'il aurait fallu d'abord examiner sa colonne vertébrale. Mais il m'a

6 dit qu'il avait très mal au bras et qu'on a changé son écharpe; c'est tout.

7 Il n'a rien expliqué. On lui a changé de plâtre. Oui, parce que justement -

8 -

9 Q. Est-ce que vous savez si on lui a donné une nouvelle attelle ?

10 R. Oui, effectivement, puisque l'attelle a été cassée lorsqu'il est tombé

11 du balcon.

12 Q. Vous avez passé quelques jours à côté de votre mari à l'hôpital. Vous

13 êtes arrivée le 17 dans la soirée, et donc sans compter le 20 lorsque

14 l'évacuation a eu lieu, vous avez passé quelques jours auprès de votre

15 mari, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, Madame, si au cours de ces journées-

18 là, ces quelques jours pendant que vous étiez à côté de lui, est-ce qu'on

19 lui prodiguait des soins ? Est-ce qu'il suivait une thérapie ?

20 R. Non, il ne suivait absolument aucune thérapie. Il recevait simplement

21 des analgésiques et c'est tout.

22 Q. Est-ce que vous savez si on lui a pris sa température le 18 ? Est-ce

23 qu'il faisait de la fièvre ? Est-ce qu'on a essayé de voir s'il faisait de

24 la fièvre, et à combien de reprises, si vous vous souvenez, pour ce qui est

25 de la journée du 18 ?

26 R. Je ne peux pas vous dire si on a essayé de lui prendre sa température

27 puisque lorsque les infirmières pansaient les malades, il me fallait

28 sortir. Il n'était pas permis que les civils restent à l'intérieur de cette

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1 salle, car les infirmières voulaient faire leur travail. On m'avait permis

2 de rester à côté de lui étant donné qu'il était très faible psychiquement,

3 et je ne sais pas pourquoi il pleurait. C'est pourquoi on m'a permis de

4 passer tout ce temps à ses côtés, mais ce n'était pas habituel. Les autres

5 patients n'avaient personne d'autre à côté d'eux.

6 Q. Seulement dites-nous, si vous le savez, à combien de reprises est-ce

7 qu'on changeait ses pansements ?

8 R. Cela dépendait. Des fois, c'était le matin. Cela dépendait si la

9 personne saignait. Cela dépendait aussi du type de soins qu'il fallait

10 prodiguer à la personne en question. Cela dépendait du cas.

11 Q. Est-ce que vous savez si à la suite de cette chute, il avait des

12 hématomes ? Est-ce que c'était visible à l'œil nu, et si oui où, et s'il en

13 avait sur la tête ? Est-ce que vous pourriez nous le dire ?

14 R. Martin avait une joue légèrement enflée. Il m'a dit que le médecin lui

15 avait dit que c'était tout à fait normal eu égard à son poids et à la

16 chute, étant donné qu'il était tombé sur les jambes, et qu'au niveau du

17 ventre, il avait certaines douleurs. Je n'ai pas vu d'hématomes, car je

18 n'ai pas regardé son corps. Je n'ai pas enlevé le drap pour voir s'il en

19 avait sur le corps.

20 Q. Un instant, je vous prie. Je veux vérifier quelque chose sur le compte

21 rendu d'audience. C'est peut-être plutôt une légère correction qu'il

22 faudrait apporter au compte rendu d'audience. Vous avez dit qu'il était

23 tombé sur ses jambes ?

24 R. Oui.

25 Q. Très bien. Je vois que le compte rendu a été corrigé. Merci. S'agissant

26 de son dossier médical, vous nous avez expliqué que ce dossier se trouve

27 entre vos mains, ce dossier médical, vous l'avez eu le 20 au matin

28 lorsqu'il devait être transféré du lit sur la civière. Est-ce que c'est

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1 exact ?

2 R. Oui.

3 Q. C'est ce matin-là qu'on a apporté son dossier médical, j'imagine. Est-

4 ce que vous vous souvenez si c'était bien ce matin-là ?

5 R. Je crois que le dossier médical lui avait été apporté ce matin-là.

6 C'était l'infirmière Biba qui avait apporté le dossier médical de chacun

7 des blessés et qu'elle plaçait ce dossier médical au pied du lit de chaque

8 patient. Il fallait consulter ce dossier médical dans le cadre du travail

9 du personnel infirmier.

10 Q. Lorsque vous avez parlé de Sœur Biba, vous parlez de l'infirmière qui

11 s'appelle Kolesar Binazija.

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez dit à quelqu'un que vous alliez prendre le

14 dossier médical sur vous lorsque Martin a été placé sur la civière ou est-

15 ce que vous avez simplement agi de votre chef ?

16 R. Non. Absolument personne, je n'ai pas demandé à personne, mais personne

17 ne m'en a empêché non plus. J'ai cru qu'étant donné que j'allais suivre

18 Martin, étant donné que j'allais être à ses côtés, j'ai pris le dossier

19 médical pour que ce dossier puisse l'accompagner.

20 Q. Encore une dernière question concernant le dossier médical, vous nous

21 avez montré deux documents de ce jour-là et deux attestations d'une date

22 précédente. Un document qui est une feuille mesurant la température de la

23 personne, alors que l'autre c'est un relevé écrit à la main. C'étaient des

24 documents manuscrits.

25 Maintenant, j'aimerais savoir si parmi les documents que vous nous

26 avez montrés s'il y avait un autre document, une autre feuille qui serait

27 en votre possession, mais que vous n'avez pas montré aux Juges de cette

28 Chambre ? Je ne sais pas si vous avez compris ma question ?

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1 R. Oui, oui. J'ai tout à fait compris votre question. Il y a un document,

2 mais ce document a été déchiré, en fait, c'est un même document, mais comme

3 il a été déchiré, comme c'était une feuille qui était pliée en deux, le

4 temps a fait que ce document se déchire en deux. C'est lorsqu'on a

5 photocopié quand on a photocopié en deux, mais en fait, c'est une feuille

6 de papier. C'est un seul document.

7 Q. Pour conclure, vous n'avez pas d'autres documents originaux qui

8 proviennent de cet hôpital en date du 20 novembre, n'est-ce pas ?

9 R. Non. C'est exact.

10 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Maître Vasic.

12 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Une

13 petite intervention, compte rendu d'audience page 54, ligne 16, mon éminent

14 confrère a demandé à quel moment on a placé le dossier médical au pied du

15 lit, est-ce que c'était le 20, dans la matinée du 20. Je crois qu'on n'a

16 pas consigné au compte rendu d'audience la date précise.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LUKIC : [interprétation]

19 Q. Vous nous avez dit que les documents ont été placés au pied du lit. Le

20 dossier médical était placé au pied du lit le 20, dans la matinée du 20

21 avant l'évacuation; est-ce que c'est exact, le transfert ?

22 R. Oui. C'est tout à fait exact.

23 Q. Pourriez-vous nous expliquer où votre mari était-il allongé ? Vous nous

24 avez dit que son lit se trouvait juste à côté de la porte, de la porte de

25 quoi ? Je n'ai pas très bien saisi votre réponse. Où était-il exactement ?

26 Est-ce que c'était près de la porte de sortie ? S'il s'agissait d'une porte

27 de sortie, il faudrait expliquer quelle porte exactement ? Veuillez nous

28 expliquer où se trouvait le lit de votre mari dans cette pièce, je vous

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1 prie ?

2 R. C'est la porte de sortie. C'est par là que l'on sort et on entre

3 également par la même porte. Il n'y a pas d'autre porte.

4 Q. Bien. Dites-moi maintenant où se trouvait cette pièce ? Pourriez-vous

5 nous l'expliquer, je vous prie ? Les Juges de cette Chambre ont déjà

6 entendu plusieurs descriptions du rez-de-chaussée et des pièces se trouvant

7 à l'étage. Pourriez-vous nous expliquer l'endroit exact où était située

8 cette pièce ?

9 R. C'est au rez-de-chaussée. C'est au rez-de-chaussée, je le répète. C'est

10 lorsqu'on entre à l'hôpital, on ne peut plus descendre. C'est au rez-de-

11 chaussée. Ce n'est pas au premier étage, mais bien au rez-de-chaussée.

12 Avant les événements, avant la guerre, c'était le dispensaire. Il y avait

13 également le bureau du gynécologue et c'est là que j'allais, avant la

14 guerre, en tant que mère. C'est là que j'allais voir mon gynécologue. Mais

15 après la guerre, cela a été transformé en pièce dans laquelle on avait

16 placé des blessés. C'était des salles d'attente qui ont été transformées.

17 On a, j'imagine, enlevé les bancs, les sièges, les fauteuils et c'est là

18 qu'on a placé les blessés.

19 Q. Dans cette pièce, on entre par la porte principale de l'hôpital ?

20 R. Non. Pas par la porte principale, on entre dans cette pièce derrière.

21 Ce n'est pas tout à fait à l'arrière non plus, mais il faut contourner

22 l'entrée principale et il faut aller à l'arrière.

23 Q. Vous nous avez également expliqué que ce soir-là lorsque vous êtes

24 allée voir Martin, vous êtes allée voir également Tadija Dosen qu'il était

25 là également. Où était-il par rapport au lit de votre mari ?

26 R. Je ne sais pas comment expliquer. Il y avait un radiateur et c'est là

27 qu'on avait également placé un lit. C'était comme un petit couloir. Je ne

28 sais comment vous l'expliquer. C'était à l'extérieur d'une certaine façon.

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1 Il fallait sortir de la pièce où se trouvait Martin et il fallait emprunter

2 le couloir, c'est dans ce couloir-là qu'on avait également placé des lits

3 et Tadija se trouvait dans ce petit couloir à côté du d'un calorifère.

4 Q. Martin Jakubovski, est-ce qu'il était tout près de Martin Dosen ? Est-

5 ce qu'il était dans cette même pièce que vous avez décrite ?

6 R. Martin était plus près de Tadija que Martin.

7 Q. Je vais vous poser cette question parce que dans l'affaire Dokmanovic,

8 vous avez expliqué que lorsque vous êtes allée accompagner Martin et que

9 lorsque les soldats ont commencé par le sortir, vous nous avez indiqué que

10 Martin Jakubovski était déjà à l'extérieur. Est-ce que vous vous souvenez

11 de cela ? Maintenant si oui, dites-nous d'où détenez-vous cette information

12 que les blessés qui pouvaient se déplacer tout seuls étaient sortis avant

13 que l'on ne commence à évacuer votre mari ?

14 R. Il ne s'agit pas d'une information, il s'agit d'événements. Chaque fois

15 qu'on appelait le nom de quelqu'un, les personnes sortaient. Toutes les

16 personnes qui pouvaient marcher, sortir toutes seules, sortaient. Le temps

17 que cela a pris pour que l'on place Martin sur la civière, les infirmières

18 étaient venues le placer du lit à la civière, les autres ont déjà pu

19 sortir.

20 Q. Les autres personnes ont-elles commencé à sortir aussi lorsque vous

21 avez accompagné à l'extérieur, en d'autres mots, est-ce qu'il y avait

22 d'autres personnes qui sortaient sans que l'on ne les appelle

23 précédemment ?

24 R. Oui. Ils sortaient aussi mais il fallait qu'ils descendent du premier

25 étage d'abord dans cette pièce-là, car il leur fallait emprunter cette même

26 porte pour sortir de l'hôpital. Donc, les civils se trouvaient au premier

27 étage de l'hôpital, pas là où il y avait les blessés. Donc il leur fallait

28 descendre d'abord au rez-de-chaussée et ils sortaient à l'extérieur.

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1 Q. Un instant, je vous prie. J'aurais besoin de faire une petite

2 vérification.

3 R. Il n'y a pas de quoi.

4 Q. Pourriez-vous, je vous prie, prendre la déclaration intitulée

5 déclaration qui fait trois pages.

6 Je souhaiterais vous demander de prendre connaissance de la première page

7 du document, au dernier paragraphe, on peut lire : "J'avais emporté avec

8 moi l'anamnèse de mon mari."

9 Est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous donner lecture de cette

10 dernière phrase. On lit, et je cite : "Toutes les personnes ayant un plâtre

11 et les blouses blanches."

12 M. LUKIC : [interprétation] Pour qu'il n'y ait pas de confusion je voudrais

13 donner le numéro du document, c'est un document qui nous a été communiqué

14 par l'Accusation, et qui porte la cote 2D 090001. Il n'est pas nécessaire

15 de placer le document sur l'écran puisque le témoin a le document, il peut

16 simplement en prendre connaissance.

17 Q. C'est la dernière phrase, littéralement la toute dernière phrase de

18 cette première page.

19 "Toutes les personnes en plâtre et en blouses blanches."

20 Q. "Toutes les personnes avec un plâtre…" Non, je n'ai pas cela. Je n'ai

21 pas ces mots-là sur la première page.

22 Q. Madame Dosen, permettez-moi de vous demander si vous avez le document

23 sous les yeux portant la cote -- c'est un document dactylographié de trois

24 pages.

25 R. Oui, oui, je l'ai, un instant, je vous prie.

26 Q. C'est le dernier paragraphe, au milieu de ce dernier paragraphe qui

27 commence par les mots : "Toutes les personnes portant un plâtre…"

28 R. Oui, oui, oui. Ceux qui avaient endossé une blouse blanche ou portait

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1 des faux plâtres. Est-ce que c'est cela ?

2 Q. Non. Anamnèse -- sous anamnèse, il y a deux paragraphes.

3 R. "C'est à ce moment-là que j'ai vu certaines infirmières…" C'est cela

4 que vous voulez ?

5 Q. Non, non, non. Un instant, je vous prie, Madame Dosen.

6 R. Oui.

7 Q. Le dernier paragraphe commence avec la date, le 19 novembre 1991.

8 R. Oui. "Vers 11 heures du matin, l'infirmière en chef appelée Biba…"

9 Q. Donnez-nous lecture lentement, je vous prie de tout ce passage.

10 R. Oui. Très bien. Vous voulez que je vous donne lecture de tout ce

11 paragraphe.

12 "Le 19 novembre 1991, tôt le matin, vers 8 heures du matin, l'infirmière en

13 chef Biba a dû faire une liste de tous les patients, en incluant leur

14 anamnèse pour s'assurer de leur évacuation. Le dossier médical de mon mari,

15 je l'ai emporté avec moi. Toutes les personnes qui avaient un plâtre et une

16 blouse blanche devaient aller voir le médecin militaire pour se faire faire

17 un examen alors que les chauffeurs demandaient à ce que l'on montre une

18 carte d'identité."

19 Q. Non, ce n'est pas important. Le reste ne m'importe plus, ce qui est

20 important c'est la chose suivante, puisque cette déclaration n'a pas de

21 signature, mais je présume que vous affirmez ce que vous avez dit sur cette

22 déclaration : j'aimerais savoir si, ce matin-là, vous avez vu si les

23 médecins militaires étaient entrés dans cette pièce et s'ils procédaient à

24 un examen médical ? Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

25 R. Je n'ai pas vu de médecins militaires, ils n'étaient pas entrés dans

26 cette pièce dans laquelle je m'étais trouvée, dans la pièce dans laquelle

27 on avait les patients, les blessés, mais les personnes qui portaient

28 supposément de faux plâtres, ces personnes-là avaient été appelées pour

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1 sortir à l'extérieur, de passer par la porte et de passer à l'extérieur.

2 Mais je n'ai pas vu de médecins militaires. On leur a simplement dit qu'il

3 leur fallait aller subir un examen médical pour voir quel était le degré de

4 blessures se trouvant sous ce plâtre.

5 Q. Est-ce que vous aviez entendu dire si certaines de ces personnes

6 avaient été examinées par un médecin militaire ? Est-ce que vous l'avez

7 entendu, soit par les conversations que vous avez eues avec d'autres femmes

8 ou est-ce que vous l'avez entendu ouï-dire par d'autres personnes ?

9 R. Je n'ai pas entendu rien de la sorte, car je n'étais pas restée

10 derrière. J'ai accompagné immédiatement les blessés en direction des

11 autocars.

12 Q. Est-ce que vous connaissez personnellement le Dr Ivankovic ou le Dr

13 Stanimirovic ? Connaissez-vous ces deux médecins personnellement ? Ou peut-

14 être les connaissez-vous de vue, est-ce que vous pourriez les reconnaître ?

15 R. Oui, tout à fait. Le Dr Stanimirovic était mon médecin généraliste

16 lorsque je travaillais encore, dans le temps, dans l'usine alors qu'il est

17 maintenant psychiatre.

18 Q. Ce jour-là, ce matin-là est-ce que vous les avez vus dans les couloirs

19 de l'hôpital ?

20 R. Oui, j'avais vu le Dr Ivankovic, mais je n'avais pas vu le Dr

21 Stanimirovic.

22 Q. Vous nous avez donné lecture d'un paragraphe de votre déclaration, je

23 vous demanderais de nous donner lecture d'une dernière phrase. Il m'a été

24 assez difficile de la lire. Mais dans cette dernière phrase, vous dites que

25 l'infirmière Biba était venue avec une nouvelle liste par la suite. Est-ce

26 que vous pourriez nous dire si vous vous souvenez si Mme Biba était

27 présente et si elle se trouvait à côté de ces deux soldats lorsqu'ils ont

28 lu ce que vous nous avez dit qu'ils lisaient hier ou est-elle arrivée plus

Page 3881

1 tard lorsqu'on a lu le nom de votre mari ?

2 R. L'infirmière Biba était déjà là dans la pièce lorsqu'on a commencé à

3 donner lecture des noms se trouvant sur cette liste. Je ne dis pas qu'il

4 s'agissait de blessés douteux, pas du tout. Je trouvais cela un peu étrange

5 qu'on les appelle les uns après les autres. Tous les Dosen se trouvaient

6 sur la liste, Dosen Tadija, Dosen Martin, et cetera. Toutes les personnes

7 ayant ce même nom de famille sont sorties avant mon mari, puisque mon mari

8 de toute façon devait être placé d'abord sur une civière avant d'être

9 emmené à l'extérieur.

10 Q. A ce moment-là, est-ce que vous vous rappelez si vous vous étiez

11 adressée à quelqu'un pour leur demander si vous pouviez suivre votre mari

12 et si vous pouviez le suivre immédiatement ?

13 R. Ce matin-là je n'ai parlé à personne, Martin a dit : "Ne partez pas, il

14 ne faut pas nous séparer. Lorsque je serai emmené, je veux que vous

15 m'accompagniez." Puisqu'on m'avait permis de l'accompagner, d'être à ses

16 côtés même avant l'évacuation, j'estimais qu'il serait tout à fait normal

17 que je puisse l'accompagner sans en demander la permission à personne.

18 Q. Car au compte rendu d'audience d'hier à la page 43, vous nous avez dit

19 qu'on vous a permis de sortir avec Martin. Vous vouliez dire par là que les

20 médecins qui vous avaient permis de rester à ses côtés vous avaient permis

21 d'être là puisqu'on connaissait l'état de votre mari. Est-ce que c'est

22 exact ?

23 R. Oui. C'est justement cela.

24 Q. Bien. Encore un sujet à aborder avant la pause.

25 Si j'ai bien compris, vous et votre fille Tanja, vous étiez derrière Martin

26 lorsqu'on l'a emmené à l'extérieur de l'hôpital et lorsqu'il a traversé la

27 cour sur cette civière.

28 R. Oui.

Page 3882

1 Q. Et c'est ainsi que, puisque vous étiez à côté de lui, vous avez vu que

2 l'on fouillait ces personnes devant l'entrée de la salle d'urgence ?

3 R. Oui.

4 Q. Hier, vous nous avez également expliqué une chose -- mais d'abord

5 permettez-moi de vous demander la question suivante : est-ce que vous-même

6 vous avez fait l'objet d'une fouille corporelle ?

7 R. Non. Je suis passée immédiatement sans que l'on me fouille, mais Tanja

8 a fait l'objet d'une fouille corporelle, oui.

9 Q. Vous avez dit que l'on cherchait sur les personnes des objets pointus,

10 des armes, vous avez même mentionné que l'on cherchait des objets en or ou

11 l'argent. Est-ce que vous avez vu cela personnellement ? Est-ce que les

12 gens demandaient à ce que ces personnes qui faisaient l'objet d'une fouille

13 leur remettent les objets en or ou de l'argent ?

14 R. Non. Je n'ai rien vu de la sorte. Je n'ai pas vu si on a pris des

15 objets en or, ni de l'argent de toutes ces personnes, mais lorsqu'on

16 passait par là, il y avait une petite clôture en béton et c'est là que j'ai

17 vu que les personnes qui avaient sur eux des ciseaux ou des limes à ongles

18 devaient laisser cela sur cette petite clôture en pierre. Mais je n'ai pas

19 vu d'or ni d'argent.

20 Q. Merci. Alors que vous vous dirigiez vers la sortie, est-ce que vous

21 êtes passée à côté de la salle des plâtres ? Est-ce que vous savez où se

22 trouve la salle des plâtres pour commencer ?

23 R. La salle des plâtres, on passait par là, oui. Après le lit de Martin,

24 il aurait fallu passer cinq à six lits avant d'entrer dans la salle des

25 plâtres. Maintenant, à savoir si j'ai remarqué quelque chose d'inhabituel,

26 non, personnellement je n'ai rien remarqué d'inhabituel.

27 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on prendre

28 pause à cette étape-ci. Je souhaiterais passer en revue mes questions, car

Page 3883

1 je souhaiterais aborder un nouveau sujet après la pause.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Certainement. Nous prendrons une pause

3 maintenant pour reprendre nos travaux à 17 heures 50.

4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.

5 --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Maître Lukic.

7 M. LUKIC : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

8 Q. Madame Dosen, continuons et essayons d'en terminer. Pouvez-vous me

9 dire, je vous prie, sans pour autant répéter toute la séquence des

10 événements, mais me dire combien de temps cela a pris entre le moment où

11 votre époux a été placé sur une civière et le moment où il a été emmené

12 devant l'autocar, donc ce passage par le corridor et par la fouille qui a

13 eu lieu ? A votre avis, combien de temps tout cela a-t-il pris ?

14 R. Une dizaine, une quinzaine de minutes, pas plus.

15 Q. Lorsque vous êtes arrivée, et vous avez décrit hier de quoi avait l'air

16 ce troisième autocar très spécifique, que vous avez décrit hier dans le

17 détail, avez-vous remarqué vous-même à ce moment-là, lorsque vous êtes

18 arrivée, que les autres autocars étaient déjà remplis ou pas ?

19 R. La plupart, oui. Il arrivait encore des blessés, mais les autocars

20 étaient presque pleins.

21 Q. Pendant votre séjour devant l'autocar et tous les événements avant le

22 retour dans l'enceinte de l'hôpital, auriez-vous vu si l'on avait fait

23 descendre des gens des autres autocars ? Vous est-il resté une image de ce

24 genre dans la mémoire ?

25 R. Les seuls dont je me souvienne, c'est le fait qu'un jeune homme est

26 descendu de l'autocar grâce à un ami qui l'a ramené à l'hôpital. Cet ami

27 était Serbe et l'autre était Croate. Celui-ci l'a fait revenir à l'hôpital.

28 Bien plus tard, j'ai vu ce jeune homme à Zagreb, ce qui fait que son ami a

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1 réussi à le sauver; nous pouvons le dire.

2 Q. Pouvez-vous me dire dans le temps, quelle était la durée de ce séjour

3 devant l'autocar, avec le retour à l'enceinte, y compris la conversation

4 avec le soldat Sljivancanin et autre ?

5 R. D'après moi, une demi-heure à 45 minutes. Cela ne pouvait pas faire

6 plus. Pour moi, c'était effectivement une éternité entière. Mais je pense

7 que cela n'a pas pu durer plus d'une demi-heure à 45 minutes, une heure au

8 plus.

9 Q. Vous avez apposé des annotations pour ce qui est des endroits qui sont

10 importants pour la détermination des faits. Je voudrais savoir si,

11 s'agissant du soldat qui a pris de l'argent à Markobasic et vous l'a donné,

12 est-ce que cela s'est passé au niveau où Martin était allongé ou un peu

13 plus loin de là ? Et si c'était un peu plus loin, à quelle distance au

14 juste ?

15 R. Cela s'est passé là où Martin était allongé, parce qu'il était sorti de

16 l'autocar, celui-ci. A l'occasion de sa descente de l'autocar, il m'a remis

17 l'argent entre les mains. Il avait accompagné Ruzica et il l'a laissée à

18 bord de l'autocar. C'était un jeune homme, un réserviste qui avait l'air

19 d'être tout à fait décent. C'est pourquoi j'ai osé lui poser les questions

20 que je lui ai posées.

21 Q. Tanja était tout le temps à côté de vous, à côté de Martin, là où il

22 était allongé lui-même, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Le dialogue avec Drko, est-ce que cela s'est passé au même endroit ou

25 est-ce que vous vous êtes déplacée pour lui parler ? Est-ce que c'est lui

26 qui est venu là, à côté de l'emplacement où Martin se trouvait être

27 allongé ?

28 R. Avec Drko, je me suis entretenue avec lui lorsque Martin a été ramené

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1 vers l'hôpital, parce que mon intention avait été de le ramener à

2 l'hôpital, et peut-être par la suite, m'étais-je dit, je réussirais à ce

3 qu'il ne soit pas allongé sur le béton. C'est donc là qu'a eu lieu cette

4 conversation, alors que Martin était déjà en train de s'éloigner de

5 l'autocar.

6 Q. Donnez-moi un instant, je vous prie.

7 Donc, vous vous êtes entretenue avec lui après vous être entretenue avec

8 Sljivancanin, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Je m'étais déjà entretenue, et lorsque j'étais en train de revenir

10 vers Martin, alors que ces soldats venaient chercher Martin pour prendre le

11 sac, puisqu'il était juste à côté, Drko est arrivé et je lui ai dit :

12 "Ecoute, est-ce que tu pourrais… " --

13 Q. Pas la peine de répéter cela.

14 R. C'est encore à proximité de l'autocar, mais pas exactement à l'endroit

15 où Martin était allongé. Mais c'est toujours à proximité de l'autocar.

16 Q. Je voudrais maintenant vous montrer une partie de votre témoignage dans

17 l'affaire Dokmanovic, page 55, compte rendu d'audience du 6 février 1998.

18 Je vais vous donner lecture de ce texte en anglais tel que noté, et vous

19 allez vous prononcer à ce sujet. "J'ai compris que les autochtones, les

20 gens de Vukovar, ne pouvaient pas nous aider. J'ai donc dit à mon époux :

21 Je vais voir le commandant et je vais lui poser la question à lui, pour

22 savoir ce que moi et ma fille faisions là."

23 Vous parlez de cette conversation avec Drko, et c'est suite à cela que vous

24 vous êtes décidée à aller vous entretenir avec Sljivancanin. Alors, est-ce

25 que cela s'est passé comme vous l'avez dit en 1998 ou comme vous l'avez dit

26 aujourd'hui ?

27 R. Je ne sais pas. Il y a quelque chose qui cloche. Parce qu'avec Drko, je

28 me suis entretenue après m'être entretenue avec M. Sljivancanin, et c'est

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1 sur mon retour que lui est arrivé.

2 Q. Donc, vous maintenez ce que vous avez déclaré aujourd'hui, n'est-ce pas

3 ?

4 R. Oui.

5 Q. Dans votre déclaration auprès du bureau du Procureur du Tribunal de La

6 Haye, et c'est une déposition datée de 1995, en page 6, où vous dites --

7 alors, je vous demande de consulter la page 6, avant-dernier paragraphe :

8 "J'ai dit à Drko…" Vous avez retrouvé le passage ?

9 R. Page 6, dites-vous ?

10 Q. Avant-dernier paragraphe.

11 R. Mais ce n'est pas cela. Page 6, dites-vous ?

12 Q. Est-ce que vous voyez le passage qui nous intéresse ? Le denier passage

13 dit : "Lorsque j'ai compris qu'il n'y aurait pas d'aide de ce côté-là, je

14 suis allée voir Sljivancanin."

15 Est-ce que vous en êtes arrivée à cet endroit-là ? Peut-être pourrais-je

16 donner lecture, et les représentants du bureau du Procureur seront là pour

17 se prononcer s'il y a des doutes.

18 Je parle de la déclaration que vous avez faite en 1995, page 6, deuxième

19 paragraphe à compter du bas : "J'ai dit" --

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, je pense que le témoin a

21 fini par retrouver le paragraphe.

22 M. LUKIC : [interprétation]

23 Q. Avez-vous réussi, Madame Dosen, à le retrouver ?

24 R. Oui, mais on m'a donné un texte en anglais ici.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez en donner lecture en B/C/S et

26 demandez-lui si elle accepte ce qu'elle a dit à l'occasion de sa

27 déposition.

28 M. LUKIC : [interprétation] Je tiens à préciser que je vais donner lecture,

Page 3887

1 version anglaise, page 5. Les deux dernières phrases.

2 "J'ai dit à Drko : Aide-moi à sauver mon mari. Il a répondu : Tais-toi, la

3 Dosen. Vous, les Dosen, vous avez bien des choses à vous reprocher. C'est

4 une chose qui signifie que vous avez fait pas mal de choses et il y a de

5 quoi répondre. Alors, quand j'ai réalisé qu'il n'y avait pas d'aide à

6 espérer de ce côté-là, je suis allée voir Sljivancanin."

7 Dans cette déclaration aussi, vous dites que vous vous êtes d'abord

8 entretenue avec Drko, et qu'ensuite vous êtes allée voir Sljivancanin.

9 Mme TUMA : [interprétation] Puis-je interrompre ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il se peut alors que je sois maintenant

11 fatiguée et quelque peu confuse.

12 Mme TUMA : [interprétation] Je crois que la question a prêté à confusion et

13 a fait égaré le témoin. Si nous prenons le compte rendu d'audience d'hier,

14 page 3 804, lignes 8 et 9.

15 Il y a eu une question là que j'ai posée. J'ai dit : "Merci, Madame Dosen.

16 Vous avez mentionné ici le fait que vous n'aviez plus personne à qui vous

17 adresser. Vous étiez-vous adressée à cet officier grand de taille pour

18 obtenir de l'aide ?"

19 Et vous avez répondu : "J'ai d'abord essayé de parler avec un ami de Martin

20 qui s'appelait Darko Vuk. Je lui ai dit…"

21 Pour tirer cela au clair, vous vous référez à la déclaration qu'elle a

22 faite hier.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc, vous êtes en train de citer ce

24 que le témoin a dit hier en indiquant qu'elle s'était entretenue avec Drko

25 d'abord et avec le commandant Sljivancanin ensuite.

26 M. LUKIC : [interprétation]

27 Q. Madame Dosen, mon intention n'avait pas été de vous placer dans une

28 espèce de confusion. J'ai plutôt, moi, été confus par les réponses que vous

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1 avez apportées, mais peut-être pourrions-nous aller de l'avant.

2 R. Merci.

3 Q. Alors que vous quittiez l'hôpital et le secteur où étaient les

4 autocars, vous avez dit hier qu'il y avait des personnes blessées qui ne

5 pouvaient pas marcher toutes seules. Ma question est la suivante : quand

6 vous êtes revenue à l'enceinte de l'hôpital, est-ce que ces blessés étaient

7 encore là-bas, si tant est que vous vous en souvenez ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci. Vous avez dit hier, et vous l'avez dit à mon confrère, Borovic,

10 je pense, je n'en suis pas trop sûr, vous avez dit que votre mari précédent

11 avait été un officier d'active au sein de la JNA, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez dit hier que c'est la raison pour laquelle vous connaissiez

14 vous-même les grades au sein de la JNA. C'est ce que vous avez dit dans la

15 déclaration auprès du bureau du Procureur et vous l'avez redit en

16 témoignant hier, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Etant donné que j'en tire la conclusion d'une connaissance des grades

19 au sein de la JNA, je voudrais savoir si à l'époque, alors que vous

20 sortiez, lorsque vous étiez fouillée, lorsque vous vous trouviez devant les

21 autocars, il vous a été possible de voir d'autres officiers de la JNA qui

22 se trouveraient être présents sur les lieux ?

23 R. Personnellement, non. Aucun officier, exception faite de M.

24 Sljivancanin à proximité des autocars.

25 Q. Vous avez vu mon client, comme vous l'avez annoté hier sur la photo,

26 vous l'avez vu devant le premier autocar, au niveau de la guérite d'entrée

27 de l'enceinte de l'hôpital, et vous avez dit qu'il avait un uniforme de

28 camouflage sur lui avec des galons de commandant ?

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1 R. Oui, un uniforme bariolé.

2 Q. Vous avez entendu d'autres personnes s'adresser à lui en disant "Mon

3 commandant," n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Me tromperais-je, Madame Dosen, si je dis que le visage de mon client,

6 vous l'avez souvent vu dans les articles de journaux et les photos dans la

7 presse, à la télévision, et c'est ainsi que vous avez su qu'il s'agissait

8 de M. Sljivancanin, n'est-ce pas ?

9 R. Vous voulez dire maintenant, après la guerre ?

10 Q. Oui, après les événements.

11 R. Oui. Je l'ai vu. Mais soyez certain que je l'ai vu et que je me suis

12 entretenue avec lui à l'hôpital, parce que jamais je n'affirmerais chose

13 pareille si cela n'avait pas été vrai.

14 Q. Vous avez vu mon client seulement lorsque vous avez décidé de requérir

15 de l'aide auprès d'autrui parce que vous avez vu que personne n'était à

16 même de vous apporter une réponse concernant le sort de ces autocars,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous vous êtes approchée de Sljivancanin et vous avez resté votre fille

20 Tanja aux côtés de votre mari, qui se trouvait encore devant le troisième

21 autocar, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Pouvez-vous me dire à peu près, quoique probablement partant des

24 schémas et des annotations il nous est aisément donné de le constater,

25 pourriez-vous nous dire quelle est la distance séparant l'endroit où se

26 trouvait M. Sljivancanin et l'endroit où était allongé Martin sur sa

27 civière ?

28 R. C'est la longueur, enfin la distance qui correspond à la longueur d'un

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1 autocar ou alors à la longueur d'un autocar et demi.

2 Q. Après cette conversation avec Sljivancanin, vous êtes retournée vers

3 votre mari et votre fille, et lui, Sljivancanin, est resté là où vous aviez

4 eu auparavant cette conversation; vrai ou faux ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous nous avez dit hier que Sljivancanin aurait donné instruction à

7 deux soldats de soulever Martin et de l'emporter. De l'emporter où ? Avez-

8 vous entendu ses propos ? Que leur a-t-il dit ? L'emmener où ? Le

9 transporter où au juste ?

10 R. Non. Je n'ai pas entendu où est-ce qu'ils devaient le transporter. J'ai

11 juste entendu qu'il fallait qu'ils prennent la civière. J'ai pris le sac et

12 j'ai suivi. Personnellement, j'avais cru qu'on le ramenait à l'hôpital,

13 cependant on l'a laissé au niveau du passage --

14 Q. Vous l'avez dit.

15 R. Mais je n'ai pas entendu ce que M. Sljivancanin a dit au sujet de

16 l'endroit où il fallait qu'ils l'emportent.

17 Q. Je vais une fois de plus vous donner lecture d'une partie de votre

18 déclaration faite dans l'affaire de Dokmanovic sous serment, je me réfère

19 notamment à la page 56 à la même date, le 6 février 1998. J'en donnerai

20 lecture en langue anglaise, étant donné que le procès-verbal est en

21 anglais.

22 "Il m'a regardée et s'est retourné vers les soldats pour leur dire de

23 revenir chercher Martin et de l'emporter vers l'hôpital, et nous, nous

24 devions les suivre."

25 En 1998, vous avez entendu, comme vous l'avez dit dans votre témoignage,

26 vous avez entendu mon client dire à ses soldats de ramener votre époux vers

27 l'hôpital. Est-ce que ceci vient de rafraîchir votre mémoire à présent ou

28 pas puisqu'il leur aurait dit de le ramener à l'hôpital ?

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1 R. Pas à l'hôpital, mais devant l'hôpital. C'est là qu'ils l'ont laissé,

2 ils ne l'ont pas mis dans l'hôpital.

3 Q. Mais vous avez entendu ses propos. Or, aujourd'hui, vous nous dites que

4 vous n'avez pas entendu ses propos. Lui, il a donné des instructions, vous

5 les avez entendues.

6 R. Je vous ai dit que je n'ai pas entendu M. Sljivancanin leur dire où

7 l'emporter ou par quel chemin. Il leur a dit de l'emmener devant l'hôpital.

8 Il leur a dit de prendre la civière et de l'emmener non pas dans l'hôpital,

9 mais à l'hôpital.

10 Q. Bon. Mais vous venez d'entendre ce que je viens de vous lire. Vous avez

11 déclaré cela, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. Il leur a dit de le ramener avec la civière, donc il est sous-

13 entendu, devant l'hôpital, là où il se trouvait déjà auparavant.

14 Q. Vous souvenez-vous de cette conversation que vous avez eue avec

15 Sljivancanin et du fait d'avoir dit à ce moment-là que vous alliez porter

16 vous-même ses effets personnels ? Vous l'avez dit à mon client. Vous en

17 souvenez-vous ?

18 R. Oui. J'ai dit que j'avais ses effets personnels, ses affaires et que je

19 voudrais que ses affaires l'accompagnent, le suivent. Ensuite, M.

20 Sljivancanin m'a dit --

21 Q. Vous nous l'avez déjà dit, ne vous répétez pas.

22 R. Lorsqu'il a dit : "Mais qui est-ce qui va porter ses affaires ?" J'ai

23 dit : "Mais c'est moi qui vais les porter."

24 Q. Ensuite, vous avez pris votre fille, vous l'avez poussée quelque peu

25 devant vous et vous avez pris le chemin de l'hôpital, n'est-ce pas ?

26 R. Exact.

27 Q. Alors, vous venez de confirmer la chose, mais je vais donner lecture de

28 ce que vous avez déclaré à l'époque. A la page suivante du compte rendu

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1 d'audience, il est dit ce qui suit, et j'aimerais que vous me confirmiez.

2 Donc après cette conversation au sujet des affaires, des effets personnels,

3 vous avez dit, et à l'intention de mes éminents confrères de l'Accusation,

4 je précise qu'il s'agit de la page 57.

5 "J'ai alors dit s'il n'y a personne pour les porter, je les porterai,

6 moi. Ensuite, j'ai poussé ma fille devant moi et je leur ai dit d'aller de

7 l'avant parce que je voulais seulement rejoindre les autres femmes et

8 enfants étant donné que mon mari m'a sans cesse dit qu'il fallait toujours

9 être là où il y avait beaucoup de personnes, là où toutes ces personnes

10 étaient ensemble."

11 C'est bien ainsi que les choses se sont passées ?

12 R. Exactement ainsi.

13 Q. Est-ce que c'est Sljivancanin qui vous a dit d'aller vers la cour ou

14 est-ce que c'est vous qui, de votre gré, êtes partie vers cette cour en

15 faisant aller votre fille devant vous parce que votre mari vous a donné

16 comme instruction qu'il fallait rester toujours dans un grand groupe de

17 personnes ?

18 R. Oui. Mais M. Sljivancanin m'a dit d'aller là où il y avait les femmes

19 et les enfants.

20 Q. Votre fille Tanja n'a pas entendu le dialogue que vous avez eu avec

21 Sljivancanin. Vous lui avez relaté les propos qui ont été échangés.

22 R. Tanja et moi, on a longuement parlé, elle a beaucoup pleuré ensuite. Je

23 lui ai dit M. Sljivancanin nous a dit d'aller là où il y avait les femmes

24 et les enfants et lui ai-je dit au sujet de papa, il m'a dit de faire

25 ainsi. Alors, de là à savoir si Tanja a entendu la conversation, enfin elle

26 a pu l'entendre, nous n'étions pas très loin. Elle a très bien pu

27 l'entendre. Mais comme elle était très liée à son père et comme elle a

28 constamment posé des questions à son sujet. Je ne vais pas m'étendre là-

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1 dessus outre mesure, mais elle a très bien pu entendre. Elle n'était pas

2 plus loin que la longueur d'un bus, d'un autocar.

3 Q. Mais soyons plus précis. Vous venez de nous dire qu'elle a très bien pu

4 entendre cette conversation. Après la conversation que vous avez vu avec

5 Sljivancanin, vous vous êtes rapprochée de votre fille et vous êtes allées

6 ensemble vers l'hôpital, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci. Dans la déclaration que nous avons consultée avant la pause et

9 qui date de 1993, qui ne comporte que trois pages, nulle part il est

10 question du fait que vous avez eu ce dialogue avec mon client, M.

11 Sljivancanin, au sujet d'effets personnels, des affaires dont vous nous

12 avez parlé aujourd'hui. Si vous voulez bien, vous pouvez consulter la

13 déclaration, non pas que vous avez faite auprès du Procureur, mais la

14 déclaration qui s'étale sur trois pages. Là, vous --

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de celle de 1993

16 ou 1995, Maître Lukic ?

17 M. LUKIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, du désordre

18 que j'ai devant moi. C'est la déclaration qui est datée du 14 avril 1993,

19 déclaration qu'elle a faite auprès du ministère de la Justice et que nous

20 avons vue sur nos écrans. Peut-être pourrions-nous en donner lecture en

21 entier, mais le témoin parle de cela.

22 Q. Page 2, Madame Dosen, à partir du milieu, j'aimerais que vous me

23 confirmiez si, mis à part le dialogue qui s'est effectué, alors qu'on a dit

24 : "Quel Dosen ? Ce Dosen." Mais vous n'avez pas du tout mentionné

25 Sljivancanin.

26 R. Oui, Monsieur, c'est exact. C'est une déclaration qui s'est rapportée à

27 des événements qui n'avaient rien à voir avec un témoignage quelconque. Il

28 était question de voir quel est le sort connu par les uns ou les autres

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1 dans cette guerre. Il ne s'agissait pas d'un acte d'accusation. Je n'ai

2 accusé personne. J'ai juste dit que je m'étais entretenue avec M.

3 Sljivancanin et nous ne sommes entrés dans les détails de ce que j'ai dit à

4 M. Sljivancanin. C'est tout simplement une déclaration recueillie qui a

5 fait état de mon chemin de la croix pour ce qui est du sort que j'ai connu

6 dans cette guerre. Je ne suis pas entrée dans tous les détails de la

7 conversation toute entière et on peut le voir.

8 Q. Juste un instant. Veuillez me confirmer avec un oui ou un non. Dans

9 cette déclaration, vous donnez le détail de la conversation que vous avez

10 eue avec le soldat; puis l'événement avec Ruzica Markobasic; votre dialogue

11 avec Drko; puis votre sortie de l'hôpital et l'arrivée de Capalo et autres

12 personnes de la localité. Au sujet de mon client, vous ne mentionnez que le

13 dialogue. "Quel Dosen ? Ce Dosen." Rien de plus. Vous ne mentionnez rien

14 de plus, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Merci.

17 R. Je vous en prie.

18 Q. Veuillez m'indiquer brièvement encore une fois pour ne pas que nous

19 nous répétions. Je tiens à dire également que nous avons entendu devant ce

20 Tribunal d'autres témoins, entre autres, des personnes qui ont été avec

21 vous à l'hôpital. Certains autres témoins ont dit que mon client n'a pas du

22 tout été devant les autocars jusqu'au départ des autocars. Que diriez-vous

23 au sujet de leurs dires à eux ? Se seraient-ils trompés ?

24 R. Je dirais qu'ils se sont trompés. Et je le dirais sous serment.

25 Q. Merci. Dites-moi quand vous êtes retournée vers la cour, nous allons

26 reprendre la chronologie. Alors, avec Tanja, vous allez vers la cour de

27 l'hôpital. Est-ce que les camions que vous avez décrits étaient déjà

28 arrivés ou est-ce qu'ils sont arrivés après ? Alors si c'est après, combien

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1 de temps combien s'est-il écoulé entre votre déplacement vers la cour et

2 l'arrivée des camions ?

3 R. Lorsque Tanja et moi étions en train de retourner vers la cour, il y

4 avait déjà deux camions là-bas. On faisait monter des blessés, surtout ceux

5 qui ne pouvaient pas se déplacer. C'est là qu'on avait placé ceux qui ne

6 pouvaient pas se déplacer.

7 Q. Juste un moment.

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous avez vu le moment où Martin a été monté à bord de l'un

10 de ces camions ? Vous l'avez vu ou pas ?

11 R. Non.

12 Q. Hier vous avez dit la chose suivante. Vous avez dit, vous pouviez voir

13 les camions mais pas les bus. Si j'ai bien compris, c'est à cause du mur de

14 l'hôpital. Pourriez-vous nous dire si vous aviez vu peut-être un petit bout

15 des bus, peut-être l'avant d'un bus de là où vous vous teniez dans la

16 cour ?

17 R. Quand je suis revenue dans la cour, je pouvais voir l'arrière du

18 premier bus. Une toute petite partie du bus. Pour les voir, il aurait fallu

19 s'avancer, sinon on n'en voyait qu'une petite partie de là où on était. Je

20 voyais bien mieux les camions de là où j'étais que les bus. Il y avait

21 énormément de femmes, d'enfants. J'aurais peut-être vu les bus si j'avais

22 été plus près ou si j'avais été à l'avant du groupe. Mais je suis allée

23 voir ma belle-mère pour lui dire où était Martin, Tadija et Matija.

24 Q. On peut dire qu'à tout moment, vous voyiez une portion du bus ainsi que

25 les camions. Ils étaient tous là ensemble.

26 R. Oui. Mais pendant dix minutes à peu près après mon retour dans le

27 groupe. Après, je ne voyais plus rien.

28 Q. Merci. On va reprendre une dernière fois votre déclaration de 1995. Je

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1 vais vous la lire.

2 Avez-vous la déposition devant vous ? Il s'agit de la page 8. Au

3 troisième paragraphe qui commence par : "A peu près une demi-heure plus

4 tard."

5 R. Sur la page 8 ?

6 Q. Dans la version B/C/S, celle que vous lisez.

7 R. Je crois que j'ai un document qui n'est pas numéroté comme le vôtre.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le numéro ERN ?

9 M. VASIC : [interprétation] Il s'agit du numéro qui se termine par 669.

10 C'est la déclaration devant le bureau du Procureur du Tribunal de La Haye

11 du 22 août 1995.

12 Je le répète pour le représentant du greffe qui se trouve à côté du

13 témoin. Il s'agit du numéro ERN 00537469, à la page 8. Je répète le numéro

14 ERN 00537476. Donc, si vous l'avez trouvé ?

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Au paragraphe 3.

16 M. LUKIC : [interprétation]

17 Q. Cela commence par une phrase et je cite : "Environ une demi-heure plus

18 tard."

19 R. Oui, je vois et ensuite on voit Marin Bili Vidic.

20 Q. Pouvez-vous nous lire juste cette phrase, s'il vous plaît ? Pouvez-vous

21 lire la phrase à haute voix ?

22 R. Oui. "Environ une demi-heure plus tard, j'ai vu Marin Bili Vidic avec

23 un groupe d'observateurs de l'Union européenne qui arrivaient vers le

24 groupe de femmes et d'enfants."

25 Q. Merci. Donc, vous vous en souvenez quand le représentant de la

26 Communauté européenne est arrivé et il était accompagné de Marin Bili

27 Vidic ?

28 R. Oui.

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1 Q. Hier, vous avez dit que les représentants étaient arrivés vers 11

2 heures du matin.

3 R. Oui, j'ai dit : "A peu près à 11 heures du matin." On n'avait pas de

4 montre. Je ne peux pas vous donner l'heure exact. J'ai dit que c'était

5 environ 11 heures.

6 Q. Ma question est très simple. Quand on voit ce que vous avez dit dans

7 cette déclaration de 1995, et nous sommes tous d'accord qu'il est beaucoup

8 plus facile de se rappeler des choses qui se sont passées il y a peu de

9 temps que des choses qui se sont passées il y a très longtemps, mais entre

10 le moment où vous êtes arrivée et vous voyiez encore les autobus et les

11 camions jusqu'au moment où les observateurs, les représentants de la

12 Communauté européenne sont arrivés, vous avez dit qu'il s'était écoulé

13 environ 30 minutes. C'est ce que vous avez dit ?

14 R. Oui, à peu près une demi-heure.

15 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez de ce qu'ont fait les

16 représentants de la Communauté européenne et M. Vidic ? A qui ont-ils

17 parlé ?

18 R. Ils parlaient aux représentants de l'armée et ils sont rentrés vers

19 l'hôpital. Ils sont entrés dans l'hôpital, parce qu'il y avait encore des

20 blessés dans l'hôpital. C'est là qu'on a compris qu'il restait encore des

21 blessés à l'hôpital. Ils allaient se mettre d'accord sur l'organisation du

22 convoi et ils diraient ensuite aux femmes et aux enfants où le convoi

23 allait se rendre.

24 Q. Dans votre déclaration à la phrase suivante, vous dites : "Ils nous ont

25 parlé à tous, de façon générale."

26 Vous vous rappelez qu'ils vous aient parlé ?

27 R. Oui. D'abord, ils se sont entretenus entre eux. Ils ont trouvé un

28 accord. Ensuite, ils se sont adressés à nous. Ils nous ont dit que ceux qui

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1 voulaient aller en Croatie devaient monter dans certains bus et ceux qui

2 voulaient monter pour aller à Novi Sad ou à Belgrade devaient monter dans

3 d'autres bus.

4 Q. Vous vous rappelez si plus tard dans le convoi, quand vous êtes arrivés

5 à Mitrovica, est-ce qu'ils ont dressé une liste avec vos noms, pas

6 uniquement les blessés ? Est-ce que vous vous souvenez si les représentants

7 de la Communauté européenne ont dressé une liste de toutes les personnes à

8 bord des convois ?

9 R. Oui, ils ont pris nos noms, nombreuses fois d'ailleurs, ce jour-là

10 quand on est arrivé à Mitrovica, ainsi que le jour suivant quand on a

11 quitté Sremska Mitrovica, ils ont encore repris nos noms.

12 Q. Leur avez-vous dit ce qui était arrivé à votre mari ? Avez-vous montré

13 le dossier médical de votre mari que vous aviez avec vous ?

14 R. Non. Je ne leur en ai pas parlé. Je ne leur ai pas parlé.

15 Q. Avez-vous montré le dossier médical à mon client, ce dossier médical

16 que vous aviez et qui portait sur votre mari ?

17 R. Non. Non, je n'ai pas montré ce dossier à M. Sljivancanin. Je n'y ai

18 même pas pensé d'ailleurs.

19 Q. Si on pouvait regarder maintenant un nouveau document. Il est à côté de

20 vous. Il s'agit d'un document qui nous vient du résumé 65 ter, c'est le

21 703. Il s'agit d'un formulaire nous venant du gouvernement de la République

22 de Croatie, la commission pour les personnes portées disparues et les

23 personnes arrêtées. ERN 01006150.

24 Avez-vous ce document sous les yeux ? Est-ce que vous connaissez ce

25 document ?

26 R. Oui. C'était la procédure à suivre. C'était le document à remplir pour

27 les personnes portées disparues.

28 Q. Pouvez-vous passer à la dernière page et confirmer qu'il s'agit bien de

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1 votre signature sur cette page ?

2 R. Oui, c'est bien ma signature.

3 Q. Regardez le formulaire. Est-ce que c'est vous qui l'avez rempli ou

4 l'avez-vous dicté à quelqu'un ?

5 R. Il ne s'agit pas de mon écriture. C'est la dame qui travaillait au

6 bureau qui me l'a rempli.

7 Q. Vous lui avez donné les informations pertinentes ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, ce que signifie le terme

10 "paramilitaires" pour vous ? Qui sont ces paramilitaires ?

11 R. Les paramilitaires, ce sont des soldats qui se sont autoproclamés, qui

12 n'ont pas reçu de formation spéciale, qui n'appartiennent pas -- enfin, je

13 savais qu'il y avait une JNA et je ne connaissais pas d'autre armée à

14 l'époque.

15 Q. Est-ce que je peux vous poser la question plus simplement. Pour vous,

16 la JNA, ce ne sont pas des paramilitaires, mais les autres seraient des

17 paramilitaires ?

18 R. En ce qui me concerne, la JNA, c'était mon armée.

19 Q. Pouvez-vous regarder à nouveau le formulaire à la page 3, item numéro

20 8. Est-ce que vous le voyez ?

21 R. Donnez-moi une minute. Je le vois maintenant.

22 Q. A l'item numéro 8, il y a une question : "Qui était impliqué dans

23 l'enlèvement par la force de différentes personnes ?"

24 Vous avez répondu : "Les membres des unités paramilitaires."

25 Ensuite, au numéro 9, on vous demande : "Est-ce que vous savez qui est

26 responsable ?"

27 Et vous avez répondu : "Oui." Vous avez dit qu'il s'agissait de

28 "types de Vukovar qui portaient des uniformes et qui s'appelaient Capalo et

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1 Drko."

2 Voici ma question : qui était Micko Avramovic ?

3 R. C'était un bon ami de Martin.

4 Q. Est-ce qu'il vous a donné des informations sur votre mari

5 ultérieurement, et quand, et lesquelles ?

6 R. D'abord, je dois dire que mon Martin a transféré Micko de l'autre côté

7 du Danube pendant que les événements se déroulaient. Sa fille se trouvait à

8 l'hôpital de l'autre côté. Ils étaient de bons amis depuis l'école

9 élémentaire. Ensuite, Micko était venu à l'hôpital. Il a dit bonjour à

10 Martin. D'abord, il est allé voir son épouse, il ne savait pas où elle

11 était, et ensuite il a dit qu'il allait retourner à l'hôpital. Ensuite, il

12 est arrivé ce qui est arrivé. Après la chute de Vukovar, il est allé en

13 Allemagne et il a communiqué avec moi par la mère de sa femme. Il lui a

14 demandé de me dire qu'il était arrivé une demi-heure en retard à l'hôpital.

15 Q. Dans ce message, est-ce qu'il vous a également dit que votre mari avait

16 été tué à Negoslavci, qu'Arkan le cherchait puisqu'il connaissait votre

17 mari d'auparavant ? Est-ce que vous vous souvenez qu'il vous ait fait ce

18 message là également ?

19 R. Oui. Mais il a dit qu'il avait entendu dire seulement qu'Arkan aurait

20 tué supposément Martin à Negoslavci. Son message, c'était qu'il était

21 arrivé en retard à l'hôpital d'une demi-heure et que c'est quelque chose

22 qu'il avait entendu.

23 Q. C'est la raison pour laquelle vous avez mentionné Capalo et Drko comme

24 étant les personnes qui l'avait emmené ?

25 R. Oui.

26 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je demander que

27 ce document soit versé au dossier, je vous prie ?

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Certainement.

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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la référence 175, Monsieur le

2 Président.

3 M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai plus d'autre questions, mais j'aurais

4 une proposition à faire. La proposition est la suivante : je ne sais pas si

5 c'est tout à fait possible, puisqu'il s'agit d'un témoin de la Défense, et

6 les membres de l'équipe de la Défense souhaiteraient examiner l'original,

7 car nous n'avons eu que des photocopies. D'abord, la raison étant que nous

8 ne comprenons pas très bien les photocopies et le relevé de fièvre.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais donner à l'Accusation la

10 possibilité de procéder aux questions supplémentaires avant la fin de la

11 séance d'aujourd'hui, avant 19 heures. Pourrait-on aborder votre question

12 un peu plus tard ?

13 M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, est-ce que vous avez des

15 questions dans le cadre des questions supplémentaires ?

16 Mme TUMA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Une question

17 seulement.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

19 Mme TUMA : [interprétation] A ce moment-là, nous aurons sans doute

20 l'occasion d'entendre nos confrères de la Défense.

21 Nouvel interrogatoire par Mme Tuma :

22 Q. [interprétation] Madame Dosen, est-ce que vous pouvez m'entendre ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-il exact de dire que vous avez dit hier et aujourd'hui dans le

25 cadre de votre déposition, que les Serbes de Vukovar avaient déjà quitté la

26 ville avant que le vrai conflit ne commence et également qu'ils quittaient

27 la ville pendant le conflit ?

28 R. Oui.

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1 Q. Dans le cadre de votre déposition d'hier et d'aujourd'hui, vous nous

2 avez parlé de puits. Lorsque vous avez parlé de puits, vous avez parlé de

3 personnes qui se rendaient aux puits pour aller chercher de l'eau. Est-ce

4 que les habitants de Vukovar savaient de façon générale où étaient situés

5 ces puits ?

6 R. Je ne sais pas pour l'ensemble de la ville de Vukovar si les habitants

7 savaient où étaient situés les puits, mais pour ce qui est de nous qui

8 habitions dans mon immeuble, nous savions très bien que cette maison-là

9 avait un puits. C'est-à-dire que chaque fois qu'il y avait une maison sur

10 notre territoire, il y avait un puits, donc on supposait que chaque maison,

11 dans la cour, disposait d'un puits pour arroser les plantes ou pour s'en

12 servir d'autres façons. Alors, il était tout à fait connu que les maisons,

13 de façon générale, avaient toujours un puits dans leur cour.

14 Q. Je vous remercie, Madame.

15 Mme TUMA : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Madame Tuma.

17 Madame Dosen, je suis sûr que vous serez heureuse de savoir que cela met

18 fin à votre déposition. Il n'y aura plus de questions à votre endroit. Vous

19 comprendrez que nous sommes venus à la fin de votre témoignage. La Chambre

20 souhaiterait vous remercier de l'aide que vous lui avez apportée. Nous

21 souhaiterions vous remercier d'avoir eu l'amabilité de déposer devant cette

22 Chambre. Vous pouvez maintenant disposer. Je vous en remercie. Le

23 représentant du greffe qui se trouve avec vous pourra certainement vous

24 aider. Je vous remercie énormément d'avoir déposé par visioconférence et je

25 vous remercie d'avoir témoigné devant cette Chambre.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

27 [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, nous avons un peu

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1 de temps. Vous vouliez faire une proposition. Vous voulez nous proposer

2 quelque chose ?

3 M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Je

4 voulais m'assurer que ce que j'ai à dire soit dit en la présence du

5 représentant du greffe ainsi que du témoin. Mais cela dit, voilà, la

6 photocopie qui nous a été communiquée est assez difficile à lire en partie.

7 Je sais qu'il y a des façons de faire des photocopies en couleur et je suis

8 tout à fait certain qu'à Zagreb, il est possible soit de faire en sorte

9 qu'une copie couleur nous soit communiquée, soit de scanner l'original, ou

10 s'il était possible, je voudrais demander que le témoin remette les

11 originaux au représentant du greffe qui se trouve présent sur place. Nous

12 aimerions examiner ces originaux, et à ce moment-là, nous retournerions ces

13 documents au témoin.

14 Le problème principal se pose lorsque nous avons essayé de prendre

15 connaissance du relevé de température, du relevé de fièvre, car il est tout

16 à fait illisible, et malheureusement nous n'avons pas pu l'examiner, et

17 c'est un document qui à nos yeux est assez important.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tuma, pourriez-vous nous dire

19 si l'original a été remis au conseil de la Défense ?

20 Mme TUMA : [interprétation] Le document que nous avons ici, dont dispose le

21 bureau du Procureur, est une photocopie. Je dois voir si l'original se

22 trouve entre les mains du greffe. Toutefois, je ne le sais pas. Pour

23 l'instant, je ne pourrais pas vous informer de cela.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est tout à fait possible que si ce

25 témoin a déjà déposé dans un autre procès, que cette pièce se trouve entre

26 les mains du greffe dans le cadre d'un autre procès.

27 M. LUKIC : [interprétation] Si je puis, nous avons entendu hier du témoin

28 que les originaux sont en sa possession. C'est ce qu'elle a déclaré hier,

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1 et nous l'avons entendu dire. Je crois qu'elle opine du chef d'ailleurs.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si c'est le cas, pourrais-je demander

3 le représentant du greffe qui se trouve avec elle en ce moment s'il serait

4 possible d'emmener avec lui, de ramener à La Haye les originaux afin que

5 nous puissions en faire de meilleures photocopies ?

6 Il semblerait, Maître Lukic, que c'est une proposition qui est

7 acceptée par le représentant du greffe. Lorsque les documents seront remis

8 au greffe ici à La Haye, nous pourrions certainement examiner ces

9 documents, en faire une meilleure photocopie et vous les remettre. Je

10 demanderais également que ces documents soient remis à Mme Dosen le plus

11 tôt possible.

12 Je crois que nous allons pouvoir vous venir en aide de cette façon-là,

13 Maître Lukic.

14 Y a-t-il autre chose, Madame Tuma ?

15 Mme TUMA : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je regarde l'heure et je crois qu'il

17 n'est nullement recommandé de commencer l'audition d'un nouveau témoin, car

18 il ne nous reste que sept minutes pour la session d'aujourd'hui. Je propose

19 de lever la séance pour la journée d'aujourd'hui et nous reprendrons nos

20 travaux demain à 14 heures 15.

21 --- L'audience est levée à 18 heures 53 et reprendra le mercredi 8 février

22 2006 à 14 heures 15.

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