Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 23 février 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je vous prie de vous lever,

7 Monsieur.

8 J'aimerais que vous donniez lecture à haute voix le texte qui figure sur la

9 carte que l'on vous tend.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 LE TÉMOIN: RUDOLF VILHELM [Assermenté]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

15 asseoir.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, à vous.

18 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie. Le témoin suivant va nous

19 parler de l'hôpital de la caserne de la JNA, du retour à l'hôpital et de

20 bon nombre de personnes qui ont fini à Ovcara.

21 Interrogatoire principal par M. Moore :

22 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez nous donner votre nom et prénom.

23 R. Je m'appelle Vilhelm, Rudolf.

24 Q. Je crois que l'on peut dire que vous résidez à Vukovar, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, je réside à Vukovar. J'ai une épouse ainsi que deux enfants.

26 Q. Si vous voulez bien le permettre, je voudrais indiquer que vous habitez

27 dans un quartier qui s'appelle Hollywood, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. On peut également dire que vous n'avez jamais témoigné auparavant.

2 C'est la première fois que vous venez devant un tribunal.

3 R. La première fois de ma vie. Je n'ai jamais été condamné pour quoi que

4 ce soit, et c'est la première fois que je témoigne.

5 Q. Merci. Quelle est votre appartenance ethnique ?

6 R. Je suis Croate.

7 Q. J'aimerais à présent vous poser plusieurs questions sur le mois de

8 novembre 1991. Cette Chambre a entendu bon nombre d'éléments de preuve

9 relatifs à ce qui s'est passé dans le courant du mois d'août, septembre,

10 octobre, novembre 1991. Je ne voudrais pas m'attarder davantage sur les

11 détails qui y seraient liés. Ce que je voudrais, c'est parler de la façon

12 dont vous êtes parti de chez vous pour aller à l'hôpital de Vukovar.

13 J'aimerais que vous commenciez votre témoignage à partir de ce moment-là.

14 Me comprenez-vous ?

15 R. Oui.

16 Q. Je crois que l'on pourrait dire que vous êtes allé à l'hôpital à la

17 date du 17 novembre, n'est-ce pas ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Pourquoi êtes-vous allé à l'hôpital ?

20 R. Des Chetniks venaient de toute part et ma femme travaillait à

21 l'hôpital, ce qui fait que quelques jours avant mon arrivée à l'hôpital,

22 nous avons été dans un entrepôt qui se trouvait au sous-sol de la société

23 Velepromet, et je suis arrivé à l'hôpital le 17 au soir.

24 Q. Merci. Avec qui êtes-vous allé à l'hôpital ?

25 R. Avec mon épouse.

26 Q. Une fois arrivée à l'hôpital, quelles étaient les conditions qui

27 prévalaient ?

28 R. Les conditions, cela a été pilonné, détruit. Il y avait dans les

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1 couloirs des blessés. Avec ma femme, je suis allé dans une partie du

2 couloir où il y avait une infirmière avec le Dr Kolak et ceci à l'endroit

3 où il y avait des enfants en bas âge.

4 Q. Puis-je vous demander de parler un peu plus lentement parce que la

5 tâche sera facilitée à l'égard des interprètes pour interpréter vos propos.

6 Etes-vous d'accord ?

7 R. Oui.

8 Q. Grand merci. Alors, pouvez-vous vous rappeler quand est-ce que la JNA

9 ou les paramilitaires sont arrivés pour la première fois à l'hôpital ?

10 R. Ils sont entrés le 19 pour la première fois, au soir. Mais je ne les ai

11 pas vus à ce moment-là. Je n'ai fait que les entendre. Je les ai vus le 20,

12 au matin.

13 Q. Est-ce que nous pouvons à présent parler de la matinée du 20 ? Alors

14 qu'avez-vous vu ou qui avez-vous vu arriver ?

15 R. Je me trouvais dans la cave avec des enfants et je me trouvais vers le

16 milieu de ce sous-sol et j'ai ouï-dire que les soldats avaient donné ordre

17 de sortir tous à l'extérieur.

18 Q. Etes-vous sorti ?

19 R. Ma femme est allée à une réunion parce qu'elle était médecin. Elle est

20 allée à une réunion avec le personnel médical et je suis resté encore un

21 peu. Ensuite, je suis sorti vers la porte arrière de l'hôpital.

22 Q. Avec qui êtes-vous sorti ?

23 R. Je suis sorti avec d'autres personnes qui se trouvaient également à

24 l'hôpital.

25 Q. Qu'est-il arrivé lorsque vous êtes sorti à la porte arrière ?

26 R. Quand nous sommes sortis par la porte arrière, il y avait des soldats,

27 et ceux-là nous ont aligné à côté du mur à gauche de ce portail d'entrée.

28 On leur a donné le dos. On a placé les mains contre le mur et on nous a

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1 fouillé. Voilà.

2 Q. Lorsque vous êtes sortis, est-ce que les hommes et les femmes se

3 trouvaient encore ensemble ?

4 R. Non. Les hommes ont été mis d'un côté, et les femmes se sont dirigées

5 de l'autre.

6 Q. Etait-ce là un choix qu'ils ont fait ou est-ce qu'on leur a dit de

7 faire ainsi ?

8 R. Je ne le sais pas mais c'est l'ordre qu'on a reçu.

9 Q. Mais qui a donné l'ordre à qui ?

10 R. Ce sont les soldats qui, à la sortie, nous ont dit de nous aligner le

11 long du mur et de passer nos mains contre le mur. Ils nous ont fouillé pour

12 voir si nous n'avions pas d'armes.

13 Q. Permettez-moi de parler -- ou plutôt, vous nous avez dit que les hommes

14 et les femmes ont été séparés. Ce qui m'intéresse à présent, ce sont les

15 hommes.

16 R. [aucune interprétation]

17 Q. Alors, quand vous êtes sortis, y avait-il d'autres hommes d'alignés là-

18 bas ?

19 R. Non. Au fur et à mesure qu'on sortait, on les alignait -- ou plutôt, on

20 nous disait de nous aligner le long du mur.

21 Q. Combien de gens y avait-il d'aligner là-bas, à peu près ? Plus de 100,

22 moins de 100 ? Pouvez-vous nous faire une estimation ?

23 R. Je ne sais pas vous donner de chiffres exacts, mais d'après les trois

24 ou quatre autocars qui ont été acheminés vers les casernes, si l'on a placé

25 entre 20 et 22 personnes à bord de chacun d'entre eux, cela vous fait 80,

26 90 personnes.

27 Q. Parlons maintenant de ces autocars. Est-ce qu'on vous a fait monter à

28 bord de l'un d'entre eux ?

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1 R. On m'a fait monter à bord du deuxième autocar de ceux qui étaient garés

2 à la sortie arrière de l'hôpital en direction du cimetière. Je suis monté à

3 bord du deuxième autocar et je me suis assis vers le milieu de celui-ci.

4 Q. Alors, j'aimerais que nous parlions de votre autocar ?

5 R. Oui.

6 Q. Lorsque l'on a fini de faire monter les gens à bord de ces autocars,

7 selon vous, combien de personnes y avait-il à bord ?

8 R. Entre 20 et 22 personnes.

9 Q. Combien de personnes pouvait-on normalement faire monter à bord d'un

10 autocar ?

11 R. Je ne sais pas combien de personnes on peut faire monter à bord d'un

12 autocar, mais c'est à peu près entre 20 et 25.

13 Q. Alors, voulez-vous nous dire par là que l'autocar était presque plein -

14 - ou plutôt, dites-nous dans quelle mesure, il était plein ?

15 R. Notre autocar était plein. Pour les autres, je ne sais pas.

16 Q. Alors, parlons du vôtre. Y avait-il à bord de votre autocar des

17 femmes ?

18 R. Aucune.

19 Q. Avez-vous reconnu certaines des personnes qui se trouvaient à bord de

20 votre autocar ?

21 R. Parmi ceux qui sont montés avec moi, je connaissais quelques personnes

22 parce que je suis né à Vukovar.

23 Q. Mais parmi les personnes que vous avez pu reconnaître, êtes-vous à même

24 de nous dire à quel groupe ethnique ces gens-là appartenaient-ils ?

25 R. Ils étaient tous du groupe ethnique croate.

26 Q. Une fois de plus, j'aimerais que vous m'indiquiez si vous savez s'il y

27 a eu des soldats à bord ?

28 R. Il y avait à l'entrée un soldat avec un fusil et je n'en suis pas trop

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1 sûr, mais il me semble que le chauffeur aussi portait un uniforme

2 militaire.

3 Q. S'agissant de ce soldat avec un fusil, pouvez-vous nous dire si c'était

4 un soldat de l'armée régulière ou ce que l'on qualifie ici de membre des

5 unités paramilitaires ?

6 R. C'était un soldat de l'armée régulière.

7 Q. Vous a-t-on dit pourquoi on vous fait monter à bord de cet autocar ?

8 R. On nous a rien dit. Tout simplement, lorsque les autocars ont été

9 remplis, on a traversé le centre-ville en direction de Vasariste, le

10 quartier où se trouvait la caserne.

11 Q. Bien. Voyons maintenant par où vous êtes passé. Une fois que les

12 autocars ont quitté l'hôpital, se sont-ils arrêtés quelque part ?

13 R. Non. Ils ne se sont pas arrêtés. Ils sont allés à la caserne.

14 Q. S'agissant de cette caserne, pouvez-vous nous dire de laquelle il

15 s'agit ?

16 R. Il n'y a qu'une caserne qui se trouve à Vasariste, c'est ainsi qu'on

17 l'appelle. C'était la seule caserne dans Vukovar.

18 Q. Quand vous dites "caserne", avez-vous à l'esprit la caserne de la JNA ?

19 R. Oui, la caserne de la JNA, là où il y avait les membres de l'armée,

20 donc, là, où les gens venaient faire leur service militaire.

21 Q. Parlons maintenant des périodes de temps. Vous êtes monté à bord à

22 l'hôpital, puis, on vous a emmené jusqu'aux casernes. L'autocar s'est

23 arrêté à la caserne et, selon vous, combien de temps s'est-il passé entre

24 le moment où on vous a fait monter à bord de cet autocar et le moment où

25 vous êtes arrivé à la caserne ? Je ne parle pas du temps passé à rouler. Je

26 parle du temps entre le moment où on vous a fait monter à bord et le moment

27 où il s'est arrêté à la caserne, à peu près.

28 R. Je ne suis pas capable de vous le dire.

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1 Q. Très bien. Merci. Voyons maintenant, comment la situation se

2 présentait-elle au niveau des personnes qui étaient dans l'autocar ? Ce qui

3 m'intéresse, c'est de savoir si vous avez reconnu les personnes qui se

4 trouvaient à bord de l'autocar et si vous connaissiez leurs noms.

5 R. Je connaissais le nom de certaines personnes et je connaissais aussi le

6 prénom d'autres personnes. Mais, en général, à Vukovar, on connaissait les

7 personnes par leurs noms de famille.

8 Q. Bien. On va commencer par les noms de familles et, ensuite, on passera

9 aux prénoms. Pouvez-vous me dire certains noms de familles de personnes que

10 vous avez reconnues à bord de votre autocar ?

11 R. J'ai reconnu Barbir, Lovro; Simunovic, Jakov; et Simunovic, Sime, le

12 père et le fils; puis, Medjesi, père et fils; puis, le fils de Pajo Djukic.

13 Je sais que son nom est Djukic, son père était médecin; et il y avait un

14 dénommé Kolesar, un voisin à moi.

15 Q. Connaissez-vous quelqu'un répondant au nom d'Adzaga ?

16 R. Oui, je connais le dénommé Adzaga. On l'a ramené à l'hôpital lorsque

17 nous avons été déportés ou transportés de l'hôpital vers la caserne.

18 Q. Pouvez-vous nous dire s'il était à bord de votre autocar lorsque vous

19 avez fait le trajet de l'hôpital à la caserne ?

20 R. Il était avec moi. Il était à l'hôpital et il était avec moi en allant

21 à l'hôpital.

22 Q. Vous nous avez dit que vous alliez parler des prénoms, mais est-ce là

23 tous les noms de familles dont vous pouvez vous souvenir concernant les

24 personnes qui se trouvaient à bord du même autocar ?

25 R. Je me souviens encore de Josip Zeljko que j'ai aussi vu à bord de

26 l'autocar envoyé à l'hôpital. Un autre dont j'ignore le nom, mais sa femme

27 a travaillé avec la mienne, et lui, il travaillait dans Elektroslavonija.

28 Q. Ce que je voudrais savoir, c'est quelque chose de plus au sujet du

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1 dénommé Zeljko, mais laissez-moi finir la question. Se trouvait-il à bord

2 de l'autocar qui allait de l'hôpital vers les casernes ?

3 R. Je m'excuse, ce n'est pas Zeljko. C'est Zelko, Z-e-l-k-o, Josip Zelko.

4 Il a été renvoyé vers l'hôpital avec moi, alors que les autres ont été

5 relâchés.

6 Q. Ce que j'essaie de faire à présent, c'est de déterminer lesquelles des

7 personnes se trouvaient à bord de l'autocar qui allait de l'hôpital vers la

8 caserne. C'est le seul itinéraire qui m'intéresse pour le moment. Par la

9 suite, on pourra en parler des autres trajets.

10 Je vous demande maintenant de vous centrer sur ce trajet de l'hôpital

11 à la caserne. M. Zelko se trouvait-il à bord de l'autocar qui a fait le

12 trajet entre l'hôpital et la caserne ?

13 R. Oui.

14 Q. Bien. Pour ce qui est de cette arrivée à la caserne, vous souvenez-vous

15 si, au moment où vous vous êtes arrivé à la caserne, il y avait là-bas

16 d'autres autocars ?

17 R. Je n'ai vu aucun autocar. J'étais dans le deuxième des autocars. Je ne

18 sais pas exactement, mais ils étaient quatre ou cinq. Les autocars ont

19 quitté l'hôpital, et nous étions alignés en demi-cercle, autocar derrière

20 autocar.

21 Q. Nous allons à présent parler de ces autocars. Vous dites qu'ils

22 étaient garés en demi-cercle l'un derrière l'autre. Pouvez-vous nous

23 décrire ce qui s'est produit à l'extérieur de l'autocar une fois que vous

24 êtes arrivé là-bas ?

25 R. Lorsque les autocars sont arrivés, il y avait dix à 12 soldats et

26 civils qui ont entouré les autocars et qui se sont alignés en menaçant, en

27 brandissant leurs pistolets et fusils, mais sans tirer avec.

28 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions de ces gens qui ont entouré

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1 chacun de ces autocars. Parlons d'abord du vôtre. Vous étiez à bord de cet

2 autocar, celui-ci arrive à la caserne de la JNA, et comme vous nous l'avez

3 dit, il y avait dix à 12 personnes qui se sont approchées de chacun de ces

4 autocars. Quel effet cela vous a-t-il fait lorsque vous avez vu ces gens

5 menaçants arrivés et brandissant des pistolets et des fusils ?

6 R. Je ne sais pas. Nous avions tous peur. Nous avions tous la tête

7 baissée. Je ne sais pas qui est-ce qui pourrait ne pas avoir peur de

8 pistolets ou de fusils lorsque ceux-ci sont brandis contre vous. Nous

9 étions tous apeurés, terrifiés.

10 Q. Est-ce que quelqu'un est venu monter à bord ?

11 R. Au début personne n'est monté à bord de l'autocar.

12 Q. Bien. Ne parlons pas du début mais plus tard. Est-ce que quelqu'un est

13 monté à bord ?

14 R. Il est arrivé de l'hôpital une liste de soldats dont les épouses ou

15 dont les époux travaillaient à l'hôpital et on demandait à ce que les

16 conjoints soient ramenés à l'hôpital. D'après cette liste, on interpellait

17 les gens un par un et ceux-là allaient vers un autocar à part qui, par la

18 suite, est retourné à l'hôpital.

19 Q. Nous allons en parler tout à l'heure. Mais voyons ce qu'il en a été des

20 personnes que vous avez vues à l'extérieur, c'est dix à 12 personnes qui

21 avaient des pistolets et des fusils. Est-ce que l'une quelconque de ces

22 personnes serait montée à bord ?

23 R. Une fois qu'on en ait terminé avec cette liste, il est monté dans

24 l'autocar des soldats. Pendant que nous étions en train de monter à bord,

25 il y avait un cordon et ces gens-là nous tapaient jusqu'à ce que nous

26 montions à bord de l'autocar, et même dedans, lorsqu'on était déjà à bord.

27 Q. Alors, avant de passer par cette haie d'hommes, dites-moi si vous avez

28 reconnu l'un quelconque des civils ou des soldats qui se trouvaient autour

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1 de l'autocar ?

2 R. J'en ai reconnu un. J'en ai reconnu un autre lorsque nous sommes entrés

3 par le portail. Etant donné que je connais pratiquement tout le monde à

4 Vukovar, j'ai reconnu le dénommé Vojinovic Dule, surnommé Robija. Il est

5 originaire de Negoslavci, mais ce n'est pas quelqu'un de normal.

6 Q. Bien, parlons de lui. Pour le moment, ce qui m'intéresse c'est

7 l'autocar, non pas la guérite d'entrée. Alors, où l'avez-vous vu lorsque

8 vous étiez à bord de l'autocar ?

9 R. Il était juste devant. Ils étaient alignés en direction de l'autocar,

10 en parallèle avec l'autocar.

11 Q. Alors, ces soldats que vous avez vus, pouvez-vous nous dire si

12 c'étaient des soldats de l'armée régulière ou des paramilitaires ? Quel

13 type de soldats était-ce ?

14 R. A partir du moment où il y avait ce Vojinovic, je veux dire par là

15 qu'il y avait des réservistes et des soldats de l'armée régulière, des

16 jeunes soldats. J'ai été commandant d'une prison à Trebinje, ce qui fait

17 que je sais faire la différence entre les réservistes et les jeunes

18 soldats. Les jeunes soldats sont rasés très propres et les réservistes ne

19 sont pas très bien rasés et ils sont plus âgés d'une manière générale.

20 Q. Merci. Le dénommé Robija s'est-il adressé à vous ?

21 R. Oui. Il m'a dit : "Toi aussi, Rudolf, tu es Oustacha," et il a dit que

22 je ne pêcherais plus jamais, que je ne pourrais plus aller pêcher sur les

23 rives du Danube. Je lui ai dit que je reviendrais, que lui ne sera pas là,

24 et c'est précisément ce qui est arrivé.

25 Je le prenais pour un ami parce qu'on jouait au football à l'époque.

26 Il a joué pour l'équipe de Borovo. Je lui ai même procuré des chaussures de

27 foot. Je lui ai appris à pêcher. Je lui ai donné des hameçons. Je lui ai

28 même fabriqué un canot. Je ne m'attendais pas du tout à un traitement

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1 pareil de sa part.

2 Q. Peut-on maintenant parler un peu de cette liste dont vous nous avez

3 parlé ? Je voudrais vous poser des questions à propos de cette liste. Dans

4 cette liste de noms, est-ce que vous savez qui contrôlait la liste à ce

5 moment-là ?

6 R. Je n'en sais rien.

7 Q. Pourquoi est-ce que vous n'en savez rien ?

8 R. Quand je suis monté à bord du bus, j'avais très peur, donc, je baissais

9 la tête. Je n'étais pas tellement en train de penser à ce genre de chose,

10 qui avait compilé la liste, ceci, cela. Mais je parle, bien sûr, du bus qui

11 est retourné à l'hôpital.

12 Q. On peut dire que vous êtes ensuite descendu du bus ?

13 R. Oui. On a appelé mon nom ainsi que d'autres qui étaient déjà montés

14 dans les bus. Là, on a dû passer à travers d'une haie d'hommes et on s'est

15 fait bastonner; enfin, c'étaient des Chetniks qui nous ont bastonnés.

16 Q. Quand vous dites que vous avez dû passer au travers d'une haie

17 d'hommes, pouvez-vous expliquer exactement ce que cela signifie, passer par

18 une haie d'hommes ? C'était qui ces hommes ?

19 R. C'était à la fois des soldats et des réservistes, je pense. Ils

20 bastonnaient les gens qui essayaient d'atteindre les bus. Ils ne m'ont pas

21 battu parce que j'étais le premier à atteindre le bus, mais j'avais

22 horriblement peur. J'arrivais à peine à me souvenir de mon propre nom.

23 Q. Avec quoi est-ce qu'ils battaient les gens qui venaient d'un bus ou qui

24 étaient transférés d'un bus à un autre bus ?

25 R. A l'extérieur du bus, ils ont battu tout ce qu'ils avaient sous la

26 main. Ils nous ont frappés avec leurs crosses de fusil. Ils nous ont tapé.

27 Ils nous ont tapés avec leurs pieds aussi. Or dans le bus, ils ont bastonné

28 Kolesar et les deux Simunovic; c'est ce que j'ai vu, en tout cas. Ils les

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1 tapaient sur la tête, partout.

2 Q. Avez-vous vu le moindre soldat, officier ou une moindre personne

3 s'interposer pour arrêter cette bastonnade lors du passage au travers de la

4 haie d'hommes ?

5 R. Non. Ils regardaient en riant. Personne n'a soulevé le petit doigt.

6 Q. Vous nous avez parlé de Kolesar. Enfin, parlons un peu de Kolesar.

7 Comment est-ce qu'on l'a bastonné ?

8 R. Kolesar a été bastonné très sévèrement. Ils disaient qu'il était

9 d'appartenance ruthène, qui n'avait rien à voir avec cette guerre. On lui

10 disait : "Oui, oui, tant pis, tu vas te faire battre quand même." Ils l'ont

11 frappé partout. Ils l'ont frappé sur la tête et ils l'ont frappé sur tout

12 le corps.

13 Q. Avez-vous vu d'autres personnes se faire bastonner très sérieusement ?

14 R. Je n'ai pas vu les soldats parce que je baissais la tête, mais j'ai

15 entendu les deux Simunovic gémir et hurler.

16 Q. Avez-vous entendu la moindre parole qui aurait été proférée par les

17 personnes qui étaient en train de se faire passer à tabac ?

18 R. Les soldats ne disaient rien. Ils s'occupaient juste de battre et de

19 bastonner sérieusement les gens. Je ne les ai pas entendu parler.

20 Q. Pour ce qui est des personnes qui se faisaient bastonner, est-ce que

21 vous les avez entendus dire quoi que ce soit ?

22 R. Bien. Ils demandaient de l'aide. Ils pleuraient. Ils gémissaient et ils

23 priaient, suppliaient pour que l'on les arrête de les battre. J'avais très,

24 très peur. Je n'ai pas ouvert la bouche, c'est peut-être pour cela que je

25 n'ai pas été bastonné. Mais, enfin, ils demandaient de l'aide et ils

26 continuaient à parler, à proférer des paroles. Peut-être c'est pour cela

27 que l'on continuait à les battre d'ailleurs. Je ne sais pas.

28 Q. Vous dites que vous avez été le premier à arriver à ce que je vais

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1 appeler le nouveau bus. Combien de personnes ont été transférées dans cet

2 autre bus dans lequel vous êtes monté ?

3 R. En gros, à peu près 16 ou 17. C'étaient ceux qui devaient revenir,

4 rentrer à l'hôpital. Mais on ne savait pas encore où on allait à ce moment-

5 là.

6 Q. Bon. Occupons-nous un peu de ces 16 à 17 personnes qui sont montés à

7 bord de ce nouveau bus. Vous êtes dans la caserne de la JNA, vous êtes

8 tous à bord du bus, est-ce que vous avez quitté la caserne à un moment ou à

9 un autre ?

10 R. Oui, on a quittés la caserne à bord du bus dans lequel on était montés.

11 On a quittés la caserne et le bus est revenu à l'hôpital. Il s'est garé à

12 l'extérieur de l'hôpital.

13 Q. Parlons maintenant de votre retour à l'hôpital, d'accord ?

14 R. Parfait.

15 Q. Quand vous êtes revenu à l'hôpital, êtes-vous resté à bord du bus ?

16 R. Quand on est revenus à l'hôpital, on nous a ordonné de descendre du bus

17 et on nous a mis en rang. Nos femmes nous attendaient, je ne sais qui leur

18 avaient dit que nous allions revenir à l'hôpital. Donc on s'est mis en

19 ligne.

20 Q. Avez-vous reconnu qui que ce soit mis à part les seuls membres de votre

21 famille qui vous auraient attendu ?

22 R. J'ai reconnu les épouses de Simunovic, de Kolesar, toutes celles qui

23 étaient là qui attendaient qu'on libère leurs maris. Biba Kolesar habite

24 dans ma rue. Je la connais bien. Elles attendaient toutes leur propre mari

25 ou leurs fils, ou leurs parents qui étaient à bord du bus.

26 Q. Vous nous avez dit qu'on vous a ordonné de descendre du bus, qui en a

27 donné l'ordre ?

28 R. Je ne sais pas. Sans doute l'un des soldats, j'imagine. Aussi parce

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1 qu'il y avait quand même le commandant Sljivancanin dans le coin.

2 Q. Comment est-ce que vous savez que c'était bien le commandant

3 Sljivancanin et pas un autre officier ?

4 R. Je ne l'avais jamais vu, je n'avais jamais vu ce camarade, comme on

5 disait dans l'armée. Je ne l'avais jamais vu. La première fois que je l'ai

6 vu, c'est quand je suis arrivé à Zagreb. C'est là que j'ai appris son nom,

7 Sljivancanin. Mais mon épouse l'avait supplié de me libérer, c'est elle qui

8 m'a dit qu'il s'agissait de Sljivancanin.

9 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la stature de l'homme qui, selon

10 vous, était Sljivancanin ?

11 R. A peu près ma taille. Même un plus grand que moi, mettons peut-être

12 quatre à cinq centimètres de plus. Il avait une moustache, un uniforme, une

13 calotte.

14 Q. Quand vous avez vu cet homme qui, selon vous, était Sljivancanin, y

15 avait-il d'autres hommes avec lui, d'autres soldats ?

16 R. Il était avec Miroljub Vujovic et Darko Kovacevic, un homme qui est

17 plus connu sous le surnom de Drko.

18 Q. Comment étaient-ils habillés ?

19 R. En uniforme militaire.

20 Q. Quand on vous a mis en rang, il s'agissait de tous les hommes qui

21 étaient à bord du bus, ils ont tous été mis en rang ou est-ce qu'il y a eu

22 une sélection ?

23 R. Nous tous. On est descendu du bus et on s'est tous mis en rang, tous.

24 Q. Pouvez-vous dire ensuite ce qui s'est passé alors que vous étiez tous

25 en rang ?

26 R. Quand on était en rang, il y avait Miroljub et le commandant

27 Sljivancanin, ils ont demandé à chaque personne individuellement s'ils

28 étaient corrects du point de vue idéologique. Miroljub était en train de

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1 pointer de son index à plusieurs personnes, disant : "Celui-là peut être

2 libéré, celui-là non." Quand il est arrivé vers moi, il a dit, celui-là, il

3 a été loyal jusqu'à un mois de l'année, mais ensuite il a dit qu'on était

4 devenu Oustachi, moi et mon fils, et c'est à ce moment-là qu'on m'a demandé

5 de descendre du bus.

6 Q. Pourriez-vous attendre une petite seconde, s'il vous plaît ?

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Lukic.

8 M. LUKIC : [interprétation] Je vois que les interprètes ont fait une pause

9 quand le témoin a utilisé le mot B/C/S "podoban" p-o-d-o-b-a-n.

10 Interprétation à la page 15, ligne 16. Je pense que l'interprétation n'a

11 pas été tout à fait correcte avec ce que voulait dire le témoin. "Etre

12 correct du point de vue idéologique," il faudrait sans doute que le témoin

13 nous explique exactement ce que Sljivancanin a voulu dire quand il a

14 demandé à Vujevic si quelqu'un était "podoban" ou pas ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment répondre à cela. Ce

16 qu'il voulait dire sans doute, c'est que jusqu'à quelques mois

17 précédemment, je n'avais rien contre les Chetniks. J'étais juste un citoyen

18 comme un autre. Puis, quand la guerre a commencé, j'ai changé de camp et je

19 suis passé du côté du camp des Croates. Je pense que c'est ce qu'il voulait

20 dire, à mon avis, c'est cela.

21 Je ne vois pas ce que cela pourrait être d'autre. Il y a longtemps,

22 c'était de savoir si on était capable ou si on était bon pour le parti, si

23 je puis dire, Parti communiste, c'est, à ce moment-là, c'est comme cela

24 qu'on employait ce mot "podoban."

25 M. MOORE : [interprétation] Merci. Je suis sûr que mon confrère, M. Lukic

26 aurait pu poser cette question lors de son interrogatoire. Enfin, revenons

27 quand même à nos moutons.

28 Q. Vous étiez en rang et il y avait le commandant Sljivancanin et Miroljub

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1 était en train de pointer et de désigner les gens avec son doigt. Revenons-

2 en à ce moment-là, et dites aux Juges ce qui s'est passé exactement quand

3 Miroljub était en train de désigner des gens en les pointant du doigt.

4 R. Miroljub désignait les gens et quand ils étaient désignés, ils étaient

5 libres. Ils pouvaient rejoindre leurs épouses et aller dans d'autres bus.

6 Ils partaient un par un, une fois libéré, ils partaient avec leurs femmes

7 vers les bus qui étaient garés devant l'entrée de l'hôpital, là où se

8 trouvaient les bus d'évacuation. Ils étaient tous garés à cet endroit-là.

9 Ceux que Miroljub Vujevic désignaient comme étant des Oustachi étaient

10 emmenés d'un autre côté et devaient remonter dans le bus.

11 Q. Si vous pouviez ralentir, s'il vous plaît. Vous parlez vraiment

12 extrêmement vite. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire exactement ce

13 qui s'est passé en ce qui vous concerne ? Qu'est-ce qui a été dit en ce qui

14 vous concerne ?

15 R. Miroljub a dit au commandant que j'étais un Oustachi et j'ai été

16 renvoyé dans le bus. Là, ma femme a supplié le commandant Sljivancanin de

17 me laisser aller, de me laisser partir, elle a dit que je n'étais pas

18 Oustachi. Elle a supplié auprès de tous les Serbes qu'elle connaissait, ils

19 disaient : "Peut-être demain." Elle savait bien que demain serait beaucoup

20 trop tard.

21 Un de nos voisins était docteur à l'hôpital, c'était le Dr

22 Stanojevic, et elle l'a supplié d'essayer de me libérer, il a dit : "Peut-

23 être demain," mais elle savait que ce serait trop tard. Le Dr Stanojevic

24 était marié à une Croate. C'était un de mes voisins, il habitait à deux

25 maisons de la mienne. Il est allé voir un colonel qui venait de Belgrade,

26 ils avaient visiblement été à l'école ensemble, enfin, à l'université

27 ensemble, et c'est grâce à cela que j'ai été libéré. Un soldat qui a amené

28 un petit morceau de papier avec mon nom dessus. J'ai pu descendre du bus.

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1 Je me suis jeté dans les bras de ma femme, on pleurait et on est vite parti

2 de l'autre côté, là où se trouvaient toutes les autres personnes de

3 l'hôpital qui se préparaient à l'évacuation vers Sremska Mitrovica.

4 Q. Merci. Si vous pouviez, s'il vous plaît, découper vos réponses en

5 parties plus petites ?

6 R. O.K.

7 Q. Bon. Parfait. Parlons du bus. Vous étiez dans le bus, mais avant que

8 vous soyez libéré, je tiens à savoir ce qui s'est passé exactement quand

9 vous êtes descendu du bus, puis quand vous avez été entre les bus. Combien

10 de personnes y avait-il sur ce bus ? Combien y avait-il de personnes qui

11 ont dû remonter dans le bus ?

12 R. Il y en a eu cinq ou six qui ont dû remonter dans le bus. J'avais très,

13 très peur. J'étais terrifié. Ma femme m'a dit qu'elle ne m'avait jamais vu

14 avoir cette tête. Je savais très certainement tout au fond de moi qu'on

15 allait m'emmener pour me tirer dessus, pour m'exécuter. Il y avait Adzaga

16 et Josip Zelko aussi.

17 Q. Vous dites qu'il y avait Adzaga et Zelko ?

18 R. Je connaissais Adzaga et Zelko de vue seulement. Enfin, je connaissais

19 un petit mieux Adzaga parce qu'il habite dans la rue de mon frère. Lui et

20 son frère habitent dans la même rue que mon propre frère.

21 Q. Vous les avez vus remonter dans le bus ?

22 R. Non. Je suis parti, mais j'ai entendu plus tard que le bus était

23 reparti vers la caserne. Enfin, je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé.

24 Je suis allé ailleurs. J'étais tellement content de ne plus être dans ce

25 bus, dans ce bus précédent, donc je suis parti avec mon épouse. J'étais le

26 dernier à monter dans ce bus qui est allé à Sremska Mitrovica.

27 Q. S'il vous plaît, pourriez-vous vraiment nous donner des réponses

28 courtes, et ne pas rentrer dans autant de détails. Vous avez parlé de

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1 Zelko.

2 R. O.K.

3 Q. Avait-il été en rang avec vous avant qu'il n'ait à remonter dans le

4 bus ?

5 R. Oui. Tous ceux d'entre nous qui étions dans le bus ont dû descendre et

6 se mettre en rang.

7 Q. Adzaga aussi était dans le rang avec vous, avant de remonter dans le

8 bus ?

9 R. Oui, Adzaga aussi.

10 Q. Maintenant, on va parler des autres personnes qui étaient dans le bus,

11 mais dont vous ne connaissez pas les noms. Vous comprenez ce que je veux

12 dire ?

13 R. Oui.

14 Q. Avez-vous reconnu le visage des autres personnes qui ont dû remonter

15 dans le bus ?

16 R. Je vous ai dit que je connaissais pratiquement tout le monde à Vukovar.

17 Mais les deux visages, dont je me rappelle, qui sont vraiment gravés dans

18 ma mémoire, ce sont les deux dont je vous ai parlés. J'étais terrifié.

19 J'étais mort de trouille, j'étais juste assis sur le premier siège du bus

20 et je regardais ma femme.

21 Q. S'il vous plaît, la question que je vous ai posée est la suivante :

22 vous nous avez identifié deux personnes nommément, mais il y avait d'autres

23 personnes. Vous avez dit qu'il y en avait cinq ou six, non -- attendez que

24 je vous pose la question.

25 Les gens qui étaient dans le bus et dont vous ne connaissez pas les

26 noms, est-ce que vous les aviez déjà vus ? Est-ce que vous les avez

27 reconnus ?

28 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez vous arrêter, s'il vous

2 plaît.

3 Monsieur Vasic.

4 M. VASIC : [interprétation] Je voudrais prendre la parole. Je suis désolé,

5 mais je crois qu'à la page 19, lignes 5, 6 et 7, le témoin a déjà répondu à

6 la question.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Vasic. Vous

8 pouvez poursuivre, Monsieur Moore.

9 M. MOORE : [interprétation]

10 Q. Je vais quand même poser la question encore une fois. Vous nous avez

11 dit qu'il y avait cinq ou six personnes qui sont montées dans le bus. Il y

12 en a deux dont vous avez pu nous donner les noms. Les autres, est-ce que

13 vous les avez reconnues au moins de visage ?

14 R. Non. Je ne m'en souviens pas. Comme je vous l'ai dit, je connaissais

15 pratiquement tout le monde à Vukovar de vue. Mais je ne me souviens pas qui

16 était sur le bus à ce moment-là ou où que ce soit.

17 Q. Bien. Si on pouvait s'occuper d'un des éléments de preuve, peut-être

18 que j'aurais dû vous poser cette question avant. Vous nous avez dit qu'on

19 vous avait emmené depuis la caserne jusqu'à l'hôpital. Vous vous souvenez

20 que vous avez dit cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce qu'on vous a dit pourquoi vous reveniez de la caserne jusqu'à

23 l'hôpital ? Est-ce qu'on vous a dit quel était le sort qui vous était

24 réservé ?

25 R. Rien. Personne ne nous a dit quoi que ce soit. On ne nous a absolument

26 rien dit. On était tous terrifiés. Personne ne nous a parlé. Personne ne

27 nous a dit le moindre mot.

28 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic, vous avez la parole.

2 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

3 Monsieur et Madame les Juges. Mais c'est mon collègue, M. Domazet, qui va

4 contre-interroger ce témoin.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

6 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, on me dit qu'il y a

7 quand même des noms qui ont été donnés. On en a un particulièrement, et il

8 n'est pas au compte rendu. Pour des raisons évidentes, je tiens à clarifier

9 ce point parce que c'est quand même sur l'acte d'accusation.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a peut-être une petite flèche là

11 où le nom a été mis ? Dans ce cas-là, on le voit plus tard, après que cela

12 a été suivi, après que la bande ait été vérifiée.

13 M. MOORE : [interprétation] On me dit que c'est au 716. Il y a des noms que

14 j'ai vus et je ne vais pas les répéter ici en audience, mais je tiens à

15 savoir si --

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 716 ?

17 M. MOORE : [interprétation] Oui, le 716. Je l'ai quand même sur la

18 déclaration et normalement quand je fais mon interrogatoire à partir d'une

19 déclaration, je coche à chaque fois les noms pour être sûr qu'ils y soient

20 tous.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bon, vous voyez les petites flèches

22 qui y sont, donc il y a des endroits où les sténotypistes n'arrivent pas à

23 trouver les noms et ils les rajoutent par la suite. Mais si vous voulez que

24 le témoin redonne les noms, peut-être vous pourrez le faire avant que M.

25 Domazet ne commence son contre-interrogatoire.

26 M. MOORE : [interprétation] Je suis désolé, mais vraiment je suis un tout

27 petit peu obstiné, mais je ne voudrais quand même pas mettre en péril mon

28 propre témoin. Je sais que, par le passé, ce que j'ai fait, c'est que je

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1 donnais le document à mes confrères et ils l'ont vu et dans ce cas-là ce

2 que je voudrais c'est que l'on reprenne -- nous avons le document, il a été

3 donné à mes confrères et j'ai donné au témoin le nom des personnes qui sont

4 sur l'acte d'accusation et je lui ai demandé de marquer tous les noms des

5 personnes qu'il avait vues sur le bus. J'aimerais bien qu'on adopte cette

6 procédure plutôt que de lui redemander de témoigner à nouveau parce

7 qu'effectivement pour lui c'est assez difficile.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, il n'y a pas de

9 problème. Si vous voulez faire cela, bien sûr, mais même si nous utilisons

10 une autre procédure, nous n'allons pas récuser votre témoin, donc utilisons

11 le système que vous préférez.

12 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je

13 pense que je préfère que l'on passe par la procédure documentaire où on va

14 cocher les noms.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pensais que ce serait mieux, en

16 effet.

17 M. MOORE : [interprétation] C'est aussi sur un compte rendu. Je vois que

18 c'est aussi sur Sanction.

19 S'il vous plaît, donnez-moi une minute.

20 Q. Oui. S'il vous plaît, pourriez-vous regarder ce document.

21 R. Je ne le vois pas; c'est écrit trop petit.

22 Q. Je sais que vous avez des lunettes.

23 R. Non.

24 Q. Cela suffit. On va zoomer.

25 R. Adzaga.

26 Q. Pouvez-vous attendre une minute, on va revoir ce document.

27 Quand on vous a récolé, on vous a montré deux listes de noms. Voici

28 certains des noms. Vous avez coché le nom de personnes que vous avez vues à

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1 bord du bus; c'est bien cela, n'est-ce pas ?

2 R. Je vous ai donné le nom de toutes les personnes que j'avais vues sur le

3 bus, ceux qui sont allés à la caserne avec moi et ceux qui sont revenus à

4 l'hôpital. Je peux lire, s'il vous plaît, je peux vous lire le nom des

5 personnes.

6 Q. Non, il n'y a pas besoin de faire cela. Mais vous voyez qu'il y a le

7 nom d'Adzaga, et vous voyez que ce nom a été coché.

8 R. Oui. Ivan Adzaga.

9 Q. L'avez-vous vu à bord du bus ?

10 R. Oui, bien sûr.

11 Q. Parfait. Passons maintenant au prochain nom que vous avez coché.

12 R. Lovro Barbir.

13 Q. L'avez-vous vu sur le bus ?

14 R. Oui. C'était un auditeur. C'est un métier que j'avais justement occupé

15 alors que j'étais réfugié. J'ai fait cela à Borovo.

16 Q. Merci. Oui, oui. Je vous demande juste de me répondre par oui ou par

17 non quand je parle de la liste. Passez à la page suivante, s'il vous plaît.

18 R. D'accord.

19 Q. Vladimir Djukic, vous l'avez vu sur le bus ?

20 R. Oui, Vladimir Djukic. Son père était un spécialiste très respecté à

21 l'hôpital. C'était un médecin.

22 Q. Parfait. Tournons à la page suivante. Encore à la page suivante.

23 Passons aux deux autres dont les noms sont cochés, les deux qui ont

24 justement été omis et qui n'ont pas figuré au compte rendu.

25 R. Les Medjesi, le père et le fils. Son surnom était Cigo. C'était le

26 majordome à Grand et à Vucedol. Son fils tenait un café.

27 Q. Merci. Passons à la lettre D de cette liste, s'il vous plaît. Revenons

28 plutôt à la lettre D dans la liste. On voit Martin Dosen avec un H. Vous

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1 avez vu Martin Dosen le 20 ?

2 R. Oui, j'ai vu Martin Dosen. Il était encore vivant.

3 Q. Où l'avez-vous vu le 20 ?

4 R. Je l'ai vu devant l'entrée à l'hôpital.

5 Q. Merci.

6 M. MOORE : [interprétation] Très bien. Pour ce qui est de nos dossiers,

7 nous voyons deux M. Je ne suis pas étonné que mes éminents confrères

8 n'aient pas décelé cela. Ils n'ont pas entendu pour m'aider. Donc, deux

9 noms sont omis. Le problème --

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

11 Je vous écoute, Monsieur Vasic.

12 M. VASIC : [interprétation] Je voulais simplement dire que ces deux noms de

13 famille ont été évoqués mais sans leurs prénoms.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas leurs prénoms, mais je sais

15 qu'on a parlé de Dzukic. En fait, on a parlé de Medjesi, du père et du

16 fils, mais j'ignore leur prénom.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Maître Domazet.

18 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Contre-interrogatoire par M. Domazet :

20 Q. [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Maître Domazet. Je

21 représente les intérêts de M. Mrksic. En son nom, je vais vous poser un

22 certain nombre de questions.

23 De par les réponses que vous avez données à mon éminent confrère,

24 nous pouvons voir que vous êtes né à Vukovar et que vous y avez passé toute

25 votre vie. Vous nous avez dit que vous habitiez dans un quartier qui

26 s'appelait Hollywood. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre dans

27 quelle partie de la ville se trouve ce quartier ?

28 R. Monsieur, ce quartier se trouve tout juste après, sous Vuka, devant le

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1 pont. C'est la première rue qui s'appelle Ivana Gorana Kovacica. Le début

2 de la rue, peut-être on peut reconnaître le début de la rue, puisqu'il y a

3 une très grande cheminée. C'était une usine de teinture, et on l'appelait

4 Spitznagel.

5 Q. Je vous remercie. Mon éminent confrère vous a demandé si vous vous

6 trouvez pour la première fois devant un tribunal comme celui-ci, et que

7 vous témoignez pour la première fois dans cette affaire, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Pour vérifier certains faits, certains renseignements que j'ai, est-il

10 exact que vous avez donné une première déclaration en 1995 ?

11 R. Oui, c'était à Zagreb.

12 Q. C'était en juillet ou en août 1995; vous rappelez-vous de cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous souvenez-vous combien de temps avez-vous passé en la présence des

15 enquêteurs pour donner cette déclaration ?

16 R. Cela n'a duré qu'une seule journée.

17 Q. Est-ce que c'était une journée complète ou était-ce une demi-journée ?

18 Vous rappelez-vous de cela ?

19 R. Non, cela n'a pas pris toute une journée; peut-être quelques heures.

20 Q. S'agissant de cette déclaration, vous avez sans doute dû la relire et

21 vous l'avez signée ?

22 R. Oui.

23 Q. Ensuite, ne vous est-il jamais arrivé de donner d'autres déclarations

24 soit aux enquêteurs du bureau du Tribunal ou à d'autres personnes

25 s'agissant d'autres affaires ?

26 R. Non. Je n'ai jamais donné d'autres déclarations.

27 Q. Merci. Si j'ai pu bien comprendre, de par votre déclaration, avant le

28 conflit -- pendant le conflit, vous avez travaillé à Borovo et vous étiez

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1 comptable ?

2 R. Oui. J'étais dans l'audit. J'étais contrôleur interne avant la guerre -

3 - pendant la guerre et avant la guerre, j'étais comptable et --

4 Q. Lorsque vous avez dit que vous avez travaillé avant la guerre,

5 pourriez-vous nous dire ce que -- pendant la guerre, pouvez-vous nous dire

6 ce que vous avez fait ?

7 R. Je suis allé à Zagreb, et j'ai travaillé à Borovo de nouveau lorsque

8 l'autocar nous a ramenés de Sremska Mitrovica.

9 Q. Merci. Vous parlez de la période qui a suivi la chute de Vukovar. J'ai

10 cru que vous parliez de la période pendant le conflit même.

11 R. Il était impossible de travailler. Au mois de juillet, nous avons tous

12 dû quitter Borovo.

13 Q. Merci. Je n'avais pas très bien compris, puisque vous avez dit que vous

14 aviez pendant la guerre, et je pensais que c'était pendant le conflit même.

15 R. Vous avez sans doute mal compris. Pendant que j'étais contrôleur à

16 Zagreb, je me rendais dans les magasins. La guerre faisait encore rage en

17 Croatie, à Zadar et dans d'autres villes dalmates.

18 Q. Merci, merci. Vous avez très bien précisé ce point.

19 Lors d'une réponse posée par mon éminent confrère, M. Moore, vous lui

20 avez dit avoir fait votre service militaire. J'aimerais savoir à quel

21 moment, quand et dans quelle arme ?

22 R. J'ai fait mon service militaire à Trebinje en 1965, peut-être 1966. En

23 1965, plutôt.

24 Q. Dans quelle arme ? Est-ce que vous aviez un grade ?

25 R. Non, je n'avais absolument aucun grade. Etant donné que j'étais coach

26 d'une équipe de foot de la caserne, on m'a demandé d'être le commandant

27 d'une prison à Trebinje.

28 Q. Vous étiez le commandant ou le chef d'une prison militaire de la

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1 caserne de Trebinje; est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce qu'on vous a donné le grade d'adjudant, par exemple, ou un autre

4 grade ?

5 R. Non, je n'ai jamais reçu de grade. Mon chef, mon supérieur immédiat

6 était le colonel Puzigaca.

7 Q. Dans quelle arme étiez-vous ?

8 R. Dans l'infanterie.

9 Q. Après avoir fait votre service militaire, vous habitiez à Vukovar.

10 Dites-nous si vous étiez conscrit militaire. Est-ce que vous vous rendiez

11 quand on vous appelait pour faire des exercices ? Est-ce que vous aviez

12 reçu une mission de guerre ?

13 R. Non, mais seulement lorsque les Russes attaquaient, on m'avait

14 convoqué. Il y avait un endroit tout près de Vinkovci. Il s'agissait de la

15 JNA. J'y ai passé un mois en tant que soldat de réserve.

16 Q. Si je comprends bien, vous parlez de 1968 lorsque la Tchécoslovaquie

17 était occupée. Est-ce que vous parlez de cette période-là ?

18 R. Je ne me souviens plus de quelle année, mais j'ai passé plus d'un mois

19 tout près de Vinkovci. Je ne me souviens plus de l'endroit. Nous étions

20 dans une forêt. Je ne me souviens plus comment elle s'appelait. Nous

21 séjournions dans des tentes. Nous creusions des tranchées que nous avions

22 recouvertes, parce qu'on nous avait dit qu'il fallait faire cela si jamais

23 on était attaqué. C'est ainsi que nous étions censés nous défendre.

24 Q. Merci. Est-ce que vous n'avez jamais été membre de la Ligue des

25 Communistes yougoslaves ? Je parle, bien sûr, de la période avant les

26 élections multipartites quand on avait en Yougoslavie un seul parti.

27 R. Non. J'étais joueur de foot. Je n'ai jamais eu de temps pour des

28 réunions. Je travaillais. Avant et après mes heures de travail, j'avais des

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1 sessions d'entraînement. Nous travaillions de 9 heures à 17 heures,

2 ensuite, j'allais m'entraîner car j'étais joueur de foot.

3 Q. Est-ce que vous avez rejoint les rangs du Parti communiste ?

4 R. Non, jamais.

5 Q. Pourriez-vous nous dire brièvement, si vous pouvez, quelle était la

6 situation qui prévalait à Vukovar au début de l'année 1991 ? Dites-nous

7 d'abord si on a commencé à sentir des tensions entre la population croate

8 et la population serbe, et si oui, pourriez-vous nous donner une évaluation

9 de ces tensions et des raisons de ces tensions ?

10 R. Lorsque les policiers ont été tués à Borovo Selo, ni les Serbes ni les

11 Croates ne pouvaient imaginer qu'il y aurait une guerre. Personne n'avait

12 même pas jamais songé à une guerre.

13 Q. Je vous remercie. Je ne vous ai pas posé cette question-là, mais je

14 voulais savoir s'il y a eu des incidents tels des incendies, ou des

15 explosions. Y a-t-il eu des personnes qui étaient portées disparues, qui

16 avaient disparu ?

17 R. Non, jusqu'à ce moment-là, jamais, non.

18 Q. Merci. Est-ce que vous savez de par les récits ou par ouï-dire -

19 puisque vous nous avez dit vous-même que vous n'avez jamais été membre

20 d'aucun parti ni du HDZ - est-ce que vous savez si au printemps de cette

21 année-là le HDZ avait organisé autour de Vukovar des rassemblements, et

22 cetera, des rassemblements non armés ?

23 R. Non. J'étais joueur de foot. Cela ne m'intéressait pas. Je n'ai aucune

24 connaissance de ce genre de rassemblement ou de manifestation.

25 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, si à l'époque, les gens avaient

26 commencé à acheter des armes illégales ?

27 R. Monsieur, dans ma rue à moi, lorsque les enfants étaient rentrés des

28 vacances scolaires, nous montions la garde. Mais toute notre rue ne

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1 disposait que d'une arme.

2 Q. Est-ce que le nom de Slavko Dokmanovic vous dit quelque chose ?

3 R. Oui. Ce nom me dit quelque chose puisqu'il était le président du club

4 de foot de Trpinja. J'étais joueur de foot, donc je le connaissais. Il

5 travaillait dans la municipalité.

6 Q. Nous avons certains renseignements selon lesquels il était également

7 joueur de foot, que vous le connaissiez en tant que joueur de foot

8 également, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Je souhaiterais revenir en arrière. J'ai cru qu'il y avait une erreur

11 au compte rendu d'audience, mais on m'apprend à l'instant que cela a été

12 corrigé.

13 Pourriez-vous me dire, je vous prie, qu'est-ce que vous avez fait pendant

14 le conflit à Vukovar ? Est-ce que vous avez été mobilisé ou avez-vous

15 travaillé éventuellement en tant que volontaire au sein du ZNG ?

16 R. Non, dans ma rue, personne n'avait été mobilisé. Nous avons seulement

17 monté la garde. Nous n'avions pas d'armes. Nous avions une arme que l'on se

18 relayait, que l'on passait d'une main à l'autre, et nous montions la garde

19 dans la rue.

20 Q. C'était à quelle époque, Monsieur ?

21 R. Nous avons commencé à monter la garde après les événements de Borovo

22 Selo, après le massacre des policiers de Borovo Selo, les enfants sont

23 revenus des vacances scolaires. C'est à ce moment-là que le pilonnage avait

24 commencé.

25 Q. Je vous demande de nous dire si vous avez été membre de la défense

26 civile, puisque vous en parlez dans votre déclaration. Ma question vise à

27 savoir si vous avez vous-même été membre de la défense civile et à quel

28 moment vous êtes-vous organisé ?

Page 4892

1 R. C'était vers la fin du mois de juillet.

2 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée aux membres du bureau du

3 Procureur, vous avez évoqué la fin de juin, début juillet.

4 R. Non, c'était au début du mois d'août.

5 Q. Je souhaiterais vous montrer votre déclaration car je vais vous citer

6 un passage. Est-ce que vous l'avez sous les yeux ?

7 R. Non.

8 M. DOMAZET : [interprétation] Je vais demander à Mme l'Huissière de bien

9 vouloir s'approcher de mon banc pour qu'elle puisse vous donner cette

10 déclaration en croate, alors qu'en anglais on peut retrouver vos propos à

11 la page 00327866.

12 Q. Je vous demanderais de prendre connaissance de la première page et de

13 jeter un coup d'œil sur le paragraphe qui se lit comme suit : "Je vais

14 maintenant vous raconter ce qui m'est arrivé."

15 R. Oui, au cours du conflit.

16 Q. Oui. Voilà. Pourriez-vous nous lire les deux phrases qui suivent la

17 phrase à la fin du mois de juin.

18 R. "Avec les autres civils, je me suis --

19 Q. Non, non, non. Commencez depuis le début.

20 R. "Je vais vous résumer ce qui s'est passé à Vukovar. Le conflit a débuté

21 après le meurtre d'un certain nombre de policiers à Borovo Selo dans la

22 même année. Au tout début du mois de juillet et à la fin du mois de juin,

23 je suis devenu membre de la protection civile de la ville de Vukovar. Je

24 n'ai pas rejoint le ZNG, je ne portais pas d'uniforme, mais j'avais une

25 arme."

26 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire, Monsieur, qu'à l'époque,

27 lorsque vous avez donné cette déclaration, votre mémoire était sans doute

28 plus fraîche qu'aujourd'hui ?

Page 4893

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que vous évoquez la

3 défense civile et vous la placez au mois de juin, à la fin du mois de juin

4 et au début de juillet. Est-ce possible qu'à l'époque vous étiez déjà

5 membre de la défense civile ?

6 R. Je vous ai déjà dit que nous avons rejoint les rangs de la défense

7 civile lorsque les enfants sont revenus des vacances scolaires et lorsqu'il

8 y a eu le pilonnage des autobus. C'était peut-être un lapsus, mais c'était

9 vraiment à l'époque et je vous le dis vraiment honnêtement.

10 Q. Merci. Il n'est plus nécessaire de s'attarder là-dessus.

11 Pourriez-vous nous dire, je vous prie, quelque chose d'autre. Il n'est plus

12 nécessaire de consulter votre déclaration. Vous pouvez la garder là, nous

13 allons peut-être revenir là-dessus.

14 Mais pour l'instant, dites-nous quels étaient vos devoirs ? Je sais

15 que vous en avez parlé dans la déclaration, mais je souhaiterais savoir ce

16 que vous avez fait pendant les conflits ?

17 R. Pendant les conflits, j'avais un ami qui s'appelait Menges. Cet ami

18 allait avec moi à l'école, je le connaissais depuis longtemps, comme

19 j'écrivais très bien, il m'a demandé de venir à l'école de Novi Sokak et

20 c'est là que j'ai travaillé. Je faisais des listes des personnes qui se

21 trouvaient dans les caves pour que l'on puisse leur apporter de la

22 nourriture.

23 Q. Est-ce que c'était quelque chose que vous avez fait pendant toute la

24 durée des conflits ? Est-ce que c'était Menges qui écrivait ces listes, qui

25 les rédigeait ?

26 R. Non. S'agissant de la rue Ivana Gorana Kovacica, on est venu me

27 chercher et on m'a demandé si je pouvais leur venir en aide pour rédiger

28 des listes, ces listes-là dont je vous ai parlées.

Page 4894

1 Q. Et vous les avez faites ?

2 R. Oui. On m'a dit de bien écrire, de bien indiquer où se trouvaient les

3 personnes, dans quelles caves afin que ces personnes puissent avoir de la

4 nourriture, car toute la nourriture se trouvait à l'école hongroise dans

5 une très grande salle et on apportait de la nourriture depuis cette grande

6 salle en direction des caves.

7 Q. Vous nous avez parlé de cette école hongroise. Où se trouve l'école

8 hongroise ?

9 R. L'école hongroise se trouve de l'autre côté du pont dans la rue

10 Radiceva en direction de Mitnica.

11 Q. Est-ce qu'il y avait là un QG de la défense de Vukovar ?

12 R. Je ne sais pas où étaient situés les QG, mais il est tout à fait

13 certain qu'il y avait des hommes armés. Nos hommes armés étaient là et il

14 n'était pas nécessaire pour moi d'avoir une arme. Je travaillais dans le

15 bureau. Mais il y avait beaucoup de caves dans lesquelles se trouvaient un

16 très grand nombre de personnes.

17 Q. Bon. A combien de reprises est-ce que vous avez rédigé ces listes ?

18 R. Pendant quelques jours. Lorsque je terminais mon travail, je me rendais

19 à la maison et on me disait de m'assurer que ces listes fassent état des

20 personnes qui se trouvaient dans les caves. Donc j'y allais en bicyclette.

21 Cela prend de dix à 12 minutes entre l'école et ma maison qui se trouvait

22 sur la rue Ivana Gorana Kovacica.

23 Q. Cela a duré quelques jours, la rédaction de ces listes. C'était quand

24 exactement ?

25 R. C'était en novembre, au début du mois de novembre.

26 Q. C'était la première fois que vous avez fait une liste. C'était en

27 novembre ?

28 R. Oui.

Page 4895

1 Q. Etant donné que dans votre déclaration vous avez dit que votre tâche

2 principale était de compiler ces listes, qu'est-ce que vous aviez fait

3 avant le mois de novembre ?

4 R. Avant cela, j'étais dans ma rue. Je montais la garde tout comme les

5 autres membres.

6 Q. Jusqu'à ce moment-là, vous montiez la garde comme vous avez dit dans

7 votre déclaration sans uniforme, mais avec une arme ?

8 R. Oui, sans uniforme, mais je vous ai dit qu'au début nous n'avions

9 qu'une seule arme et que cette arme nous la passions d'une main à l'autre.

10 Q. Oui, d'accord, donc c'était au début. Et plus tard ?

11 R. Plus tard, je ne sais pas exactement à quel moment, mais il est arrivé

12 un soir des Kalachnikovs. Nous n'en n'avions pas eu suffisamment pour

13 chacun, car ils avaient également distribué des Kalachnikovs dans Sajmiste.

14 Nous avons reçu quelques Kalachnikovs et nous les avions nettoyées pendant

15 toute une nuit car ces Kalachnikovs étaient enduites d'huile.

16 Q. Vous avez nettoyé ces Kalachnikovs. Je présume que vous saviez comment

17 le faire puisque vous avez fait votre service militaire, et je présume que

18 ces Kalachnikovs étaient complètement neuves ?

19 R. Oui. Ces armes étaient neuves.

20 Q. Il y avait des personnes avec vous qui avaient passé la nuit à nettoyer

21 les Kalachnikovs. Combien d'armes y avait-il, que vous avez dû nettoyer

22 comme cela ?

23 R. Entre dix et 15, pas plus.

24 Q. S'agissant de ces listes que vous avez évoquées il y a quelques

25 instants, est-ce que vous savez à quelles fins elles servaient exactement ?

26 R. Je ne sais pas exactement, mais je crois que Menges a apporté cette

27 liste à Zagreb, alors qu'il essayait de passer.

28 Q. Voilà, c'est ce que je vous demande. Car dans votre déclaration, vous

Page 4896

1 avez parlé de Menges et vous avez dit que ces listes ont été emmenées à

2 Zagreb de Vukovar, c'était une action continue de sa part ?

3 R. Je ne sais pas s'il avait ces listes sur lui lorsqu'il avait fait cette

4 tentative de percée, mais son fils avait été tué.

5 Q. Est-ce que vous savez s'il y a eu une réunion au bâtiment municipal, le

6 samedi, 17 novembre ?

7 R. Non. Je ne sais pas s'il y avait une réunion, mais je sais que le Dr

8 Bosanac avait été à l'hôpital. Quoique pendant mon séjour à l'hôpital, je

9 ne l'avais pas vue.

10 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu'on vous a raconté concernant cette

11 réunion ?

12 R. Concernant cette réunion, j'avais entendu dire à Zagreb que le Dr

13 Bosanac avait proposé, ou peut-être d'autres personnes qui étaient

14 présentes à la réunion, que les soldats devraient endosser la blouse

15 blanche afin de pouvoir se sauver. Ils ne l'avaient pas fait. Je crois que

16 c'était une très bonne décision.

17 Q. Si je vous ai bien compris, vous dites que vous n'avez appris

18 cela que plus tard à Zagreb. Vous ne l'avez pas entendu personnellement.

19 Vous n'avez pas entendu ces propos ?

20 R. Non, et je n'ai pas vu non plus le Dr Bosanac ces derniers jours, ces

21 trois ou quatre derniers jours que j'ai passés à l'hôpital.

22 Q. Vous avez dit aujourd'hui que vous êtes entré à l'hôpital dans la

23 soirée du 17 ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous serez d'accord pour dire qu'il y a eu une réunion à

26 l'hôpital avant que vous y arriviez, le 17 ?

27 R. Non, je ne sais pas. Ma femme et moi, nous nous trouvions dans la cave

28 de Velepromet. Nous avons passé quelques nuits à Velepromet dans la cave,

Page 4897

1 c'était en face de l'hôpital.

2 Q. Vous, personnellement, vous étiez là ?

3 R. Oui, ma femme et il y avait plusieurs personnes de Luzak qui elles

4 aussi fuyaient et qui s'étaient cachées dans la cave.

5 Q. Votre femme travaillait à l'hôpital en tant que dentiste, n'est-ce pas

6 ?

7 R. Ma femme travaillait à l'hôpital en tant que dentiste, alors

8 qu'aujourd'hui elle s'est spécialisée, elle est maintenant orthodontiste.

9 Q. Mais à l'époque, est-ce qu'elle se trouvait tout le temps à l'hôpital ?

10 R. J'allais la chercher de temps en temps à l'hôpital. Elle n'était pas

11 tout le temps à l'hôpital, mais seulement elle y allait sur appel.

12 Q. Elle ne dormait pas à l'hôpital. Elle n'était pas tout le temps à

13 l'hôpital et vous êtes allé avec elle dormir dans les caves de Velepromet ?

14 R. Oui. C'est cela. Je suis allé avec elle dans la cave de Velepromet.

15 Q. Cela veut dire qu'à ce moment-là, vous avez quitté l'endroit où vous

16 vous trouviez précédemment ?

17 R. Oui. Nous fuyions tous. Toutes les personnes qui étaient dans ma rue

18 fuyaient, et nous nous sommes dirigés vers l'hôpital. Par contre, nous

19 n'avons pas d'abord été à l'hôpital, mais bien dans l'entrepôt ou nous

20 avons passé quelques jours. C'était toujours ainsi.

21 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je me demandais si

22 l'heure était opportune pour prendre une pause ?

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Merci, Maître Domazet.

24 Puis-je mentionner pour le bénéfice des conseils de la Défense que

25 les éléments de preuve recueillis par ce témoin qui a déposé une heure lors

26 de l'interrogatoire principal, que s'agissant du contre-interrogatoire, le

27 contre-interrogatoire a été plus long d'une demi-heure. Maître Domazet, je

28 me demandais si vous avez presque terminé. Je me demandais si l'ensemble du

Page 4898

1 contre-interrogatoire pour ce qui est des conseils de la Défense, si ceci

2 peut-être fait en deux heures. Après la pause, je demanderais au conseil de

3 la Défense de bien prendre ceci en compte et nous allons prendre une pause

4 maintenant.

5 Nous reprendrons nos travaux à 16 heures cinq.

6 --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.

7 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

8 M. DEMRIDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse

9 d'interrompre la procédure. J'aurais une petite requête concernant le

10 témoin suivant.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

12 M. DEMRIDJIAN : [interprétation] Le témoin suivant a un problème médical.

13 Il s'est fait arracher une dent hier soir, et il a mal aux dents. Il prend

14 des médicaments. Il demande si on ne pourrait pas commencer demain matin

15 plutôt que cet après-midi.

16 Je me suis entretenu avec mes distingués confrères, et ils pensent ne

17 pas avoir de problèmes à ce sujet. C'est à ce sujet-là que je présente une

18 requête en ce sens. Je vous laisse le soin d'en décider, Madame et

19 Messieurs les Juges.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, oui.

21 M. BOROVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Peut-être

22 ai-je été trop rapide à me lever.

23 En principe, une demande de cette nature devrait être acceptée par

24 les conseils de la Défense. Très brièvement, j'aimerais m'adresser, enfin,

25 aux Juges pour dire que je préférerais que le témoin comparaisse ici pour

26 dire de quoi il en retourne parce qu'il se peut que demain cela n'aille pas

27 mieux.

28 S'agissant de ce témoin-là, je crois avoir pris lecture de certaines

Page 4899

1 choses de ce genre dans un document. Je ne vais pas dire lesquels

2 maintenant. A chaque fois qu'il doit être interrogé, la même chose se

3 reproduit.

4 Alors, je propose que ce témoin entre dans le prétoire, communique

5 ces difficultés aux Juges, et aux Juges d'en décider.

6 M. DEMRIDJIAN : [interprétation] Messieurs et Madame le Juge, le témoin a

7 déjà confirmé qu'il est disposé à commencer demain si cela peut être utile.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La dent a été arrachée quand ?

9 M. DEMRIDJIAN : [interprétation] Cela s'est passé hier, tard en après-midi.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crains fort que cette requête ne

13 veuille dire que nous pourrions perdre environ 40 minutes de notre horaire

14 de travail d'aujourd'hui. Compte tenu du fait aussi qu'il s'agit d'une

15 question médicale, vu que la personne en question s'est fait arracher une

16 dent, il me semble que sans poser d'autres questions supplémentaires, nous

17 pourrions accepter les assurances fournies par le conseil de l'Accusation

18 aujourd'hui. Nous permettrons au témoin de s'en aller pour se remettre de

19 cet arrachage de dents, et nous allons l'entendre demain matin. Nous allons

20 travailler demain matin à 9 heures et non pas l'après-midi, et ceci dans la

21 salle d'audience numéro II.

22 M. DEMRIDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Domazet.

24 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela fournira à Me Lukic un peu plus

26 de temps. Pour ce qui est du temps dont quelqu'un aurait besoin pour ce

27 témoin, je crois que c'est Me Lukic, en effet.

28 M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer de

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1 contribuer moi-même au fait de laisser à Me Lukic suffisamment de temps.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

3 M. DOMAZET : [interprétation]

4 Q. Monsieur Vilhelm, j'aimerais que vous preniez une fois de plus en main

5 la déclaration que vous avez faite, de tourner la page numéro 1 de cette

6 déposition et de vous référer au paragraphe ou alinéa 8 qui commence par :

7 "Dans le bâtiment de l'assemblée municipale." Vous l'avez trouvé ?

8 R. Oui.

9 Q. Je vous demanderais de donner lecture de ce passage mais de le faire

10 lentement pour les interprètes.

11 R. "Au bâtiment de l'assemblée municipale, il a été convoquée une réunion

12 où il a été question de ce qui se passerait. Le Dr Bosanac a assisté à la

13 réunion et a proposé que les défenseurs mettent des blouses blanches et se

14 rendent aux forces d'occupation. La plupart des gens l'ont refusé. Il s'est

15 avéré que c'était une décision intelligente. La réunion s'est tenue samedi,

16 le

17 17 novembre."

18 Q. Merci. C'est votre déposition de 1995, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que ceci ressemble à la description de ce que vous avez entendu

21 être dit par la suite ou est-ce que c'est la description fournie par

22 quelqu'un qui a assisté pour dire qui a été pour qui et qui a été contre,

23 et cetera ?

24 R. A Zagreb, il y avait des gens qui ont témoigné avant moi. A Zagreb,

25 j'entends. Ils n'ont pas bien compris. J'ai bien dit que j'ai ouï-dire

26 qu'une réunion avait eu lieu.

27 Q. Je vous en prie. Vous avez fait cette déposition, vous l'avez relue,

28 vous l'avez signée comme vous l'avez fait aujourd'hui.

Page 4901

1 R. Oui.

2 Q. Ici, on ne dit nulle part que vous l'auriez appris à Zagreb ni de la

3 bouche de qui, et vous ne dites pas que vous l'avez appris autrement, mais

4 vous laissez ce qui a été décidé, ce qui a été présent.

5 R. Comment voulez-vous que je sache qui a été présent ? Je ne l'ai jamais

6 su et je n'ai pas appris, pour ma part, qui avait été présent.

7 Q. Mais vous venez de nous donner lecture.

8 R. Oui.

9 Q. Vous dites dans votre phrase que le Dr Bosanac avait participé à cette

10 réunion et qu'elle a proposé aux défenseurs de mettre des blouses blanches

11 pour se rendre.

12 R. C'est exact. Il en avait été question à Zagreb.

13 Q. Oui.

14 R. C'est là que je l'ai entendu. Parce que le Dr Bosanac n'était pas avec

15 nous à Zagreb. Elle a été internée à Sremska Mitrovica avec le Dr Njavro.

16 Je ne le savais pas du tout. Cela a été relaté par les gens qui ont été

17 installés avec moi à l'hôtel Astoria. Depuis 1995, il s'est passé assez

18 longtemps. C'est ce qu'on a raconté à l'hôtel Astoria où j'ai habité.

19 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas ce qui figure

20 dans vos dépositions. On ne dit pas que vous l'avez ouï-dire de la bouche

21 d'autrui.

22 R. C'est ce qu'il est écrit.

23 Q. J'aimerais que nous allions deux paragraphes en avant, qui commence par

24 : "A la date du 19 novembre."

25 R. "A la date du 19 novembre, je suis allé à l'hôpital de Vukovar où j'ai

26 passé la nuit avec mon épouse et avec le reste du personnel médical. Nous

27 avons dormi sur des bancs dans bureau dans les sous-sols."

28 Q. Cela suffit.

Page 4902

1 R. Oui.

2 Q. Cela suffit. Oui. En 1995, comme vous nous l'avez dit aujourd'hui,

3 votre mémoire était moins déficiente. Vous ne parlez pas seulement du 19

4 novembre, mais vous dites aussi que vous avez passé la nuit. Vous avez

5 passé la nuit et une journée. Maintenant, vous nous dites que c'est le 17.

6 R. C'est exact. Je pensais que c'était le 19, mais c'est le 17 que nous

7 sommes arrivés, au soir. Il pleuvait. J'ai passé trois jours à l'hôpital.

8 Je n'ai pas de raison de mentir. C'est une rectification que j'ai apportée.

9 Parce que je suis arrivé le 17 au soir. Ce jour-là, il pleuvait. Les chars

10 étaient près de la gare ferroviaire, et nous, nous avons dû nous retirer de

11 nos caves vers l'hôpital.

12 Q. Le paragraphe suivant, comment commence-t-il, je vous prie ? Donnez-

13 nous lecture de la phrase suivante.

14 R. "Le matin d'après, le 20 novembre, il est entré dans l'hôpital des

15 soldats de la JNA et des Chetniks."

16 Q. Cela suffit.

17 R. Bien.

18 Q. Est-ce que cela nous dit que vous n'avez pas pu vous tromper à ce

19 point-là ? Parce que vous dites le lendemain le 20, vous avez passé une

20 nuit, et le matin d'après, le 20, vous décrivez ce qui s'est passé avec

21 l'arrivée de la JNA. Comment pouvez-vous nous expliquer ceci maintenant ?

22 R. Je ne peux pas vous l'expliquer du tout. Je suis arrivé le 17 au soir.

23 Quand ils m'ont demandé la chose, peut-être ne me suis-je pas bien

24 débrouillé. Je n'ai pas de raison de mentir parce que je sais que je suis

25 arrivé le 17.

26 Q. D'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, vous avez passé les

27 journées du 17 au 20 au matin à l'hôpital ?

28 R. C'est exact.

Page 4903

1 Q. Vous avez dit que pendant ce temps-là, à un moment donné, vous n'avez

2 pas du tout vu le Dr Bosanac ?

3 R. Non. J'étais avec le Dr Kolak et ma femme. Elle, elle travaillait avec

4 ma femme, là où étaient hébergés et installés les enfants dans les sous-

5 sols.

6 Q. Le 19 non plus, avez-vous dit que vous n'avez vu personne ni soldat ni

7 qui que ce soit d'autre. Vous avez juste appris que quelqu'un était à

8 l'hôpital. Donc, là où vous vous trouviez, il n'est venu personne ?

9 R. C'était le département destiné aux enfants, et personne n'est venu.

10 C'est ce qu'on nous disait. Je n'ai vu personne, Monsieur.

11 Q. Vous savez certainement qui était Marin Vidic, Bili ?

12 R. Marin Vidic, c'est quelqu'un que je connais. Je crois qu'il est

13 originaire de Lovas. Il avait travaillé à la municipalité et à la mairie.

14 Q. Est-ce que vous l'avez vu à l'hôpital ?

15 R. Non.

16 Q. Je vous demande de patienter un peu, d'attendre la fin de la question

17 pour répondre, ceci pour les besoins du compte rendu d'audience.

18 R. D'accord.

19 Q. Vous ne l'avez pas vu à l'hôpital ces jours-là ?

20 R. Non, je ne l'ai pas vu du tout de toute la durée de la guerre.

21 Q. Par la suite, avez-vous appris quel a été son rôle à l'époque, étant

22 donné que vous décrivez que vous avez appris certaines choses de la bouche

23 d'autrui ?

24 R. Non, je ne l'ai pas appris. Ce que je sais, c'est qu'il chantait bien.

25 Je le sais, parce que lui aussi était à Lovas. Je ne sais rien d'autre.

26 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui se passait à l'hôpital à partir

27 de la date d'arrivée, à partir du 17 ?

28 R. Oui.

Page 4904

1 Q. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé ou s'il s'est passé quelque

2 chose le 17, à l'hôpital ?

3 R. Bien, rien. Il y avait beaucoup de blessés qui étaient dans les

4 couloirs qui gémissaient. Il n'y avait plus de médicaments. Il y avait très

5 peu de vivres aussi, et il ne se passait rien d'autre.

6 Q. Et le 18, est-ce qu'il s'est passé quelque chose le 18 ?

7 R. Si quelque chose s'est passé, j'étais dans la cave, dans le sous-sol.

8 Je ne sortais pas. On se relayait sur les lits. Je dormais une heure, une

9 heure ma femme, et on dormait sur les bancs. Je ne sortais pas du tout à

10 l'extérieur.

11 Q. Est-ce que je dois comprendre que le 19, vous n'êtes pas sorti ou vous

12 n'êtes pas sorti du tout jusqu'au 20 au matin ?

13 R. Je suis sorti dans les couloirs et j'ai vu là des blessés que je

14 connaissais. Ces blessés étaient sur des bancs parce que tout était détruit

15 et il n'y avait plus de place dans les chambres.

16 Q. Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital, est-ce que c'est la seule fois où

17 vous êtes arrivé à l'hôpital pendant ces conflits armés ou est-ce

18 qu'auparavant il vous arrivait d'y aller ?

19 R. J'y allais auparavant. J'ai ramené de l'école hongroise des blessés.

20 Lorsque je suis allé chez Menges, moi et M. Skoko, qui avait une voiture,

21 on a pris des blessés pour qu'ils reçoivent une première assistance. Ils

22 venaient de l'école hongroise.

23 Q. Etant donné que vous êtes allé à plusieurs reprises à l'hôpital, avez-

24 vous souvenance du fait que l'hôpital était gardé ou pas avec des personnes

25 en arme ?

26 R. A l'entrée de l'hôpital, il y avait un soldat blessé avec un fusil qui

27 gardait l'entrée. Après, j'ai appris qu'il a été tué. Son nom était

28 Perkovic.

Page 4905

1 Q. Vous dites un soldat ?

2 R. Oui. Il avait un uniforme de la garde. Il montait la garde avec un

3 fusil pour contrôler qui accédait par cette porte d'entrée.

4 Q. Ce même soldat, le voyiez-vous à chaque fois quand vous veniez ?

5 R. Je ne suis pas allé souvent. Je suis allé une seule fois avec des

6 blessés, et je ne suis plus retourné.

7 Q. Lorsque vous nous avez donné lecture tout à l'heure du passage

8 concernant la réunion qui s'est tenue le 17 --

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que c'était un samedi, 17 novembre, que vous avez appris cela de

11 la bouche d'autrui ?

12 R. Probablement, était-ce un samedi ? Après tant d'années, je ne peux pas

13 vous dire du tout quel jour c'était ? Mais c'était probablement le 17,

14 parce que je ne sais pas -- enfin, je sais que cette réunion a eu lieu et

15 je sais qu'il pleuvait. S'agissant de cette réunion, il y avait mon fils.

16 Par la suite, quand il est allé essayer d'opérer une percée, c'est lui qui

17 m'a dit qu'ils avaient eu une réunion.

18 Q. Merci. Cela, c'est un élément nouveau. Merci.

19 R. Je vous dis la vérité.

20 M. DOMAZET : [interprétation] Je viens de terminer mon contre-

21 interrogatoire.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous apprécions grandement la chose,

23 Maître Domazet.

24 Oui, à vous, Madame Tapuskovic.

25 Contre-interrogatoire par Mme Tapuskovic :

26 L'INTERPRÈTE : Madame Tapuskovic est hors micro.

27 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Excusez-moi, peut-être faut-il encore un

28 peu plus de temps pour que nous puissions nous habituer aux équipements

Page 4906

1 nouveaux que nous avons dans ce prétoire. Bonjour à tous et à toutes.

2 Q. Bonjour, Monsieur Vilhelm. Je m'appelle Mira Tapuskovic. Je suis l'un

3 des conseils de la Défense de M. Miroslav Radic.

4 R. Oui.

5 Q. Je me propose de vous poser quelques questions seulement.

6 R. Allez-y.

7 Q. Nous allons nous conformer aux recommandations de la Chambre pour ce

8 qui est d'être concis. J'aimerais que lorsque vous ferez des réponses, il y

9 ait des petites pauses afin que le service de l'interprétariat ait la

10 raison de traduire en temps utile et de façon exacte mes questions et vos

11 réponses.

12 R. Bien.

13 Q. Mon confrère, M. Domazet, vous a posé des questions au sujet de la

14 déposition que vous avez faite à Zagreb en 1995.

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que cette déposition a été faite au poste de police de Zagreb en

17 présence d'enquêteurs ?

18 R. Je ne sais pas où cela a été fait. C'était à un étage. Je ne sais même

19 pas comment s'appelle cet immeuble. Je n'en ai aucune idée.

20 Q. Bien. Mais vous souvenez-vous si entre-temps depuis, parce que cela

21 s'est passé en 1995, vous avez fait à quiconque, à l'intention de quelque

22 organisation que ce soit une autre déposition et où que ce soit, vous avez

23 remis une déposition signée par vos soins ?

24 R. Je n'y ai pas songé à ces dépositions. C'était en 1995 et j'avais déjà

25 oublié que j'avais fait une déposition. Il s'est passé dix ans depuis,

26 Madame. Je n'y ai plus pensé du tout.

27 Q. Merci. Vous nous avez dit où vous avez habité à Vukovar.

28 R. Oui.

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1 Q. Vous avez dit quelle était la profession de votre femme. J'aimerais que

2 vous nous disiez, je vous prie, en 1991, quel âge avaient vos enfants et

3 dites-nous le sexe de vos enfants ?

4 R. Je vous ai dit que mon fils était né en 1970. L'occupation venait de

5 commencer et lui, il était revenu de l'armée. Il avait fait son service

6 militaire à Tuzla. Il était rentré au mois de juillet de l'armée et il

7 était censé se retirer avec l'armée vers je ne sais quel champ de bataille.

8 Il a réussi à rentrer chez lui de Tuzla.

9 Q. Bien, bien. Vous avez mentionné dans votre déposition de 1995, Menges,

10 le dénommé Menges. A son sujet, vous avez dit que son fils a été tué à

11 l'occasion de la tentative de percée ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous souvenez-vous de son prénom ? Etait-ce Vladimir ?

14 R. Je pense que oui, parce que Menges père était peintre.

15 Q. Non. Mais je ne vous ai pas posé cette question.

16 R. Je pense, mais je ne sais pas trop.

17 Q. Faisons l'effort vous et moi-même, Monsieur, de nous conformer aux

18 instructions des Juges de la Chambre. Savez-vous ce qu'il est advenu de

19 Menges ?

20 R. Je ne sais pas. Vous parlez du fils ?

21 Q. Non. Pas le fils; le fils a été tué. Le père.

22 R. Le père est de nos jours encore à Vukovar.

23 Q. Est-ce que le père a été par la suite échangé, une fois qu'il est parti

24 à Sremska Mitrovica ?

25 R. Il n'a pas été emmené à Sremska Mitrovica. Il a pu se frayer un passage

26 à l'occasion de la percée.

27 Q. Bien. J'avais eu une information disant qu'il était à Sremska

28 Mitrovica, si tant est qu'il s'appelait Vladimir.

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1 R. Le Menges dont je parle s'est frayé un passage au niveau de la percée

2 et il est rentré à Zagreb.

3 Q. Quand vous parlez des percées et quand vous parlez de situations où M.

4 Menges avait porté des listes de personnes qui ont été installées dans des

5 abris dans Vukovar, pouvez-vous me dire si c'était, à vos yeux, aux yeux de

6 la protection civile, de communiquer ces listes à Zagreb ?

7 R. Je ne sais pas du tout quelle a été sa fonction. C'est ce que j'ai

8 appris par la suite. J'ai appris qu'il avait emporté des listes. Je ne sais

9 pas.

10 Q. Mais vous devez savoir que le Dr Bosanac avait au quotidien lancé des

11 appels pour qu'on vienne en aide de Vukovar ?

12 R. Je ne le sais pas. Il n'y avait ni électricité, ni radio. Je ne le

13 savais pas, Madame.

14 Q. Etes-vous intervenu au niveau de la confection de listes d'habitants

15 pour assurer des vivres ?

16 R. Madame, j'étais dans une école, dans une salle où il n'y avait ni

17 téléphone, ni rien d'autre. Il y avait une table et je ne faisais que

18 copier les listes.

19 Q. Je vous redemande de faire une pause afin de ménager aux interprètes le

20 temps de traduire.

21 R. O.K. Vous voulez que je redise lentement.

22 Q. Non. Ce n'est pas nécessaire. Vous avez déjà dit ce que vous avez dit.

23 R. Fort bien.

24 Q. Répondant aux questions de Me Domazet, vous nous avez dit quelque chose

25 au sujet des conditions dans lesquelles ces listes ont été rédigées. Vous

26 avez parlé du moment où ces listes ont été apportées. Alors une fois remise

27 à M. Menges, est-ce qu'entre-temps les listes ont été remises à jour ?

28 R. Cela, je n'en sais rien. Je n'en n'ai aucune idée. Ce que je sais,

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1 c'est que j'ai écrit la liste des personnes qui se trouvaient aux sous-sols

2 dans différentes rues.

3 Q. Mais vous ne les avez pas remises à jour, mis à part la fois où vous

4 avez écrit ces listes ?

5 R. Je ne les ai plus jamais revues, plus jamais. Il n'y a que la journée

6 où j'ai copié ces listes partant de listes que j'avais reçues pour que

7 l'écriture soit plus belle. C'est moi qui ai recopié.

8 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire indépendamment du fait d'avoir

9 précisé que votre seule mission avait été celle de recopier ces listes et

10 ceci du fait d'avoir une écriture plus jolie que celle des autres, mis à

11 part le fait d'avoir travaillé au niveau de la protection civile, savez-

12 vous nous dire quand est-ce que le poste de police a été touché et quand

13 est-ce que ce poste a commencé à être la proie des flammes ?

14 R. Je ne peux pas vous le dire exactement. Je ne sais pas quand, mais cela

15 devait être vers le 16 ou le 17, mais je ne sais pas vous dire la date

16 exacte.

17 Q. En tout état de cause, vous serez d'accord pour dire que c'était

18 quelques jours avant -- attendez, attendez, Monsieur. Vous serez d'accord

19 avec moi pour dire que cela s'est passé certainement quelques jours avant

20 la chute de Vukovar ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Merci. Disons que vous étiez impliqué dans la protection civile,

23 n'avez-vous jamais rencontré une personne appelée Frano Kozul ?

24 R. Frano Kozul, non jamais.

25 Q. Bien. Merci.

26 Je dois à nouveau reformuler mes questions parce que certaines que je

27 voulais vous poser vous ont été déjà posées par mon confrère, Me Domazet.

28 Vous avez une copie de la déclaration que vous avez faite. Je ne vais

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1 pas vous citer, mais vous avez dit qu'il y avait eu une tentative de percée

2 pour les membres de la défense de Vukovar; c'est cela ?

3 R. Mais il ce n'était pas organisé ni quoi que ce soit, la police était

4 déjà passée avant. Ils avaient entendu que la police avait déjà commencé

5 une percée, mais que personne n'avait vraiment réussi à percer jusqu'au

6 bout, donc ils ont essayé de faire la même chose.

7 Q. Vous avez votre déclaration devant vous ?

8 R. Oui.

9 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît --

10 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est à la page 1, au paragraphe 7.

11 Q. Si vous pouviez suivre ce que je vais lire et me dire si vous le

12 confirmez. "La percée était une tentative organisée par un grand nombre de

13 personnes qui cherchaient à s'échapper, principalement ceux qui avaient été

14 engagés à la défense de Vukovar."

15 C'est une citation correcte, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Bien. Vous avez signé cette déclaration en 1995 et vous avez confirmé

18 que c'était précis et tout à fait fidèle à ce que vous aviez dit; c'est

19 cela ?

20 R. Oui. C'est quelque chose que mon fils m'a dit parce qu'il avait été

21 impliqué dans la percée. Sa percée a réussi et j'ai entendu que mon fils

22 était en vie, qu'il avait survécu. C'était quand j'étais dans le bus de

23 Djakovo en allant vers Zagreb. Mon fils m'a dit qu'il y avait eu percée et

24 que cela avait pris trois jours, et que finalement il avait réussi à s'en

25 sortir.

26 Q. Vous avez déclaré que vous étiez membre de la protection civile et vous

27 venez de dire en lisant votre déclaration que cette percée était une

28 tentative organisée par un grand nombre de personnes qui auparavant étaient

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1 impliquées dans la défense de Vukovar. Est-ce que vous seriez d'accord avec

2 moi pour dire qu'en plus des devoirs que vous deviez remplir en matière de

3 protection civile, vous aviez d'autres obligations pour ce qui est de la

4 défense de la ville. Vous nous avez dit après tout que vous portiez un

5 fusil, n'est-ce pas ?

6 R. Oui, je portais un fusil, mais dans ma rue, la rue Ivana Gorana

7 Kovecika, j'étais aussi chargé de préparer le planning des gardes, enfin le

8 planning de jours tout comme le planning de nuit.

9 Q. Merci. Avez-vous rencontré une personne appelée Stjepan Pole ?

10 R. Je connais Stjepan Pole, mais à cause du foot. Il faisait partie de la

11 police et je le connaissais.

12 Q. Merci. Pour ce qui est de Stjepan Pole, après les affrontements à

13 Vukovar, est-ce qu'il est resté à Vukovar tout le temps ? Est-ce que vous

14 l'avez vu ?

15 R. Mais je n'allais nulle part. J'étais dans le bâtiment de l'école. Bon,

16 de temps en temps, il fallait aider pour arracher une dent, par exemple.

17 Parfois, on devait conduire les gens à l'hôpital parce qu'ils avaient

18 besoin d'une assistance médicale et on faisait cela sous un pilonnage.

19 Q. Mais pourquoi est-ce que vous n'avez pas décidé de faire partie de la

20 percée puisque vous étiez membre finalement de la défense de Vukovar ?

21 R. Madame, je ne savais même pas qu'il y avait avoir cette percée. Mon

22 fils était venu me voir et ma femme. Il était venu nous voir quatre ou cinq

23 jours avant. Il est venu au sous-sol puisque c'est là qu'on restait. Il

24 voulait un peu d'argent parce qu'il ne voulait surtout pas se rendre aux

25 Chetniks. Et voilà c'est tout.

26 Q. D'où venait-il ?

27 R. Il était aussi à l'école hongroise. Il était dans la position qui était

28 en face de la caserne.

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1 Q. Bien. Après avoir quitté l'hôpital, et en route vers les bus, est-ce

2 que vous avez mis une blouse blanche ?

3 R. Non. Je ne crois pas que qui que ce soit à bord du bus portait une

4 blouse blanche, à part peut-être le conducteur ou deux ou trois personnes.

5 Enfin, personne d'autre n'avait un uniforme militaire ou une blouse

6 blanche.

7 Q. Aucun des 20 personnes et quelques qui étaient à bord du bus ?

8 R. Non, pas dans mon bus.

9 Q. Parfait. Je parle de votre bus qui vous a emmenés de l'hôpital à la

10 caserne. Combien y avait-il de soldats à bord de ce bus ?

11 R. A bord du bus, dans le bus ?

12 Q. Oui. Y avait-il des soldats ?

13 R. Oui. Il y en avait un, et il y avait le conducteur.

14 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez combien de temps vous avez passé

15 dans le bus, dans la caserne, et combien de temps est-ce que cela a pris

16 entre votre arrivée à la caserne et votre retour à l'hôpital ?

17 R. Je ne peux pas vous dire exactement. On n'est pas resté à la caserne

18 très longtemps. Un soldat est arrivé. Je ne sais pas qui. D'ailleurs, je

19 n'ai pas vraiment vu. Il est arrivé avec une liste, la liste d'épouses dont

20 les maris étaient détenus à bord du bus. Ils ont annoncé ces noms. Ils ont

21 appelé les noms. Ceux qui étaient dans le bus sont revenus dans le bus.

22 Q. Très bien. Vous nous avez parlé d'un de vos voisins, Kolesar.

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Vous avez dit qu'il était un bon voisin.

25 R. Oui.

26 Q. Si je vous disais que M. Kolesar a été interviewé par le bureau

27 du Procureur à la même année que vous. Il a dit très clairement qu'il

28 portait une blouse blanche et qu'il n'était pas le seul à porter une blouse

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1 blanche, qu'est-ce que vous diriez ?

2 Excusez-moi, une minute. Je suis en train de trouver la référence

3 pour mes confrères du bureau du Procureur. Il s'agit de la page 5 de la

4 version B/C/S de la déclaration faite par Kolesar.

5 Est-ce que cela rafraîchit un peu votre mémoire ? Cela vous rappelle peut-

6 être que M. Kolesar, une autre personne et vous-même, étiez en blouse

7 blanche à bord de ce bus ?

8 R. Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est Biba Kolesar, c'était

9 l'infirmier en chef. Il n'était pas dans ma rue pendant tout ce temps-là;

10 il était à l'hôpital.

11 Q. Ce n'est pas ma question. Il faut me laisser finir ma question. A cause

12 de l'interprétation, ne répondez pas trop vite.

13 Voici ma question à nouveau : est-ce que cela rafraîchirait votre mémoire

14 si je vous disais que M. Kolesar dans sa déclaration a dit qu'il portait

15 une blouse blanche ? Cela semble suggérer en plus qu'il n'était pas le seul

16 à porter une blouse blanche. Est-ce que cela vous aide à vous rappeler un

17 petit peu de ce qui s'est passé ?

18 R. Cela veut dire qu'il avait sans doute entendu parler de la réunion. Le

19 Dr Bosanac leur a demandé de mettre des blouses blanches puisque leurs

20 épouses étaient employées à l'hôpital.

21 Q. Parfait. Vous m'avez donné quelques noms au passage; les noms des

22 personnes qui étaient dans le bus. Vous nous avez dit que vous étiez voisin

23 avec M. Kolesar; c'est cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Si je vous disais qu'on a posé la question suivante à

26 M. Kolesar : "Connaissiez-vous quelqu'un sur le bus ?" A la même page de sa

27 déclaration du bureau du Procureur qu'il a faite en 1995, il a très

28 clairement affirmé qu'il ne connaissait personne à bord du bus. Que diriez-

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1 vous à ce propos ?

2 R. Cela le regarde. Cela le regarde lui et pas moi. Tout ce que je sais,

3 c'est que j'ai fait serment devant ce Tribunal, et je ne vous dis que la

4 vérité.

5 Q. Très bien. Quand vous êtes arrivé, on vous a préparé pour témoigner.

6 Vous nous avez dit que c'est la première fois que vous témoigner devant le

7 moindre tribunal, et vous nous avez dit que vous n'avez absolument aucun

8 casier judiciaire. Pendant le récolement, est-ce qu'on vous a montré des

9 listes ?

10 R. On m'a montré une liste de personnes que j'avais vues à l'hôpital. La

11 liste du bus --

12 Q. Vous pouvez attendre, s'il vous plaît. Je vous ai demandé si on vous

13 avait montré une liste. Je ne vous ai pas demandé qui il y avait dans cette

14 liste, où ils étaient; je vous ai demandé si on vous avait montré une

15 liste.

16 R. Je tiens à vous dire que je n'ai pas vu de liste. J'ai reconnu quelques

17 personnes, si j'avais vu quelqu'un à l'hôpital.

18 Q. Ce qui signifie que le 17 février, à La Haye, on vous a montré une

19 liste avec des prénoms et des noms de famille de certaines personnes ?

20 R. Oui, tout à fait.

21 Q. Parlez-vous anglais ?

22 R. Non.

23 Q. Est-ce qu'on vous a dit quelle était cette liste ?

24 R. Non.

25 Q. Lors de votre déposition aujourd'hui, à la page 22, ligne 20, lors de

26 l'interrogatoire principal, vous avez parlé d'une personne que vous avez

27 reconnue et qui s'appelait Ivan Adzaga ?

28 R. Je n'ai pas dit Ivan Adzaga; j'ai dit Adzaga seulement. J'ai dit que je

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1 ne savais pas quel était son prénom. Je ne m'en souvenais plus.

2 Q. Parfait. Parfait. Nous allons continuer. Je prends quelques notes à

3 propos de l'interrogatoire principal de ce témoin. Il me faut une petite

4 minute.

5 Cela dit, pour ce qui est de cette liste, vous n'en connaissiez pas

6 la nature, vous avez aussi coché le nom de Lovro Barbir ?

7 R. Oui. Il était dans le bus avec moi.

8 Q. Bien. Vous avez aussi mentionné des personnes s'appelant Medjesi. Vous

9 avez coché leurs noms aussi ?

10 R. Tout à fait.

11 Q. Merci de nous aider à prononcer ce nom correctement. Il y a donc deux

12 noms sur cette liste. Il y a deux "Medjesi."

13 R. Oui, le père et le fils.

14 Q. Parfait. Le père et le fils. Dans votre déclaration, vous avez dit que

15 cette personne s'appelait Zoran Medjesi, alors qu'aujourd'hui, à la page

16 24, à la ligne 4 du compte rendu, vous avez dit que vous ne connaissez pas

17 le nom des Medjesi ?

18 R. Dans cette déclaration, où est-ce que vous voyez le mot Zoran Medjesi ?

19 Q. Je me suis corrigée. J'ai dit que c'était sur la liste que vous avez

20 cochée. Quelqu'un a sans doute ajouté le mot "bus," à côté de votre nom.

21 Vous avez dit aujourd'hui, en page 24, que vous ne connaissiez pas le

22 prénom des Medjesi, père et fils ?

23 R. Père et fils. Cigo, il était serveur. Il n'y a que deux hommes qui

24 s'appellent Medjesi. Ce sont les deux seuls Medjesi que je connaisse. Leur

25 femme, c'est Verica Medjesi.

26 Q. Je n'ai plus qu'une question. Vous nous avez dit que vous avez retrouvé

27 votre famille le 25 ou le 26 novembre à Zagreb.

28 R. Oui, avec mon fils. Avec mon fils.

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1 Q. Dans la déclaration, il est écrit avec votre famille le 25 ou le 26

2 novembre. C'est ce qui est écrit.

3 R. Quand j'ai dit "famille," je voulais dire mon fils parce que ma fille

4 était restée à Osijek.

5 Q. Parfait.

6 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai plus rien à demander au témoin.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.

8 Monsieur Lukic, c'est à vous.

9 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

10 Q. [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président, Monsieur,

11 Madame les Juges. Bon après-midi. Je m'appelle Novak Lukic. Je suis conseil

12 de la Défense pour M. Sljivancanin. Je vais maintenant vous poser une série

13 de questions.

14 Je trouve qu'à la vitesse à laquelle nous posons des questions et des

15 réponses, c'est tout à fait acceptable. Comme mes confrères me l'ont dit,

16 bien que nous nous comprenions alors qu'on parle et les interprètes doivent

17 interpréter, cela prend du temps. Il faut pauser après chaque question.

18 R. Oui, j'ai tendance à être un peu impulsif et à répondre rapidement.

19 Q. Moi aussi. On va essayer de se ralentir.

20 Je vais commencer par vous poser des questions qui traitent de mon client.

21 Vous avez décrit une scène où Sljivancanin est en train de parler à Vujovic

22 à propos de vous tous. Attendez une minute avant de répondre. Pouvez-vous

23 nous dire exactement comment vous avez su que cette personne était bien le

24 commandant Sljivancanin ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous vous souvenez de ce jour ? Est-ce que vous avez revu Sljivancanin

27 après ce jour-là ?

28 R. Après que je suis retourné de l'hôpital, c'est la première fois de ma

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1 vie que je l'ai vu.

2 Q. Merci. C'est ce que j'avais compris, mais je voulais être sûr.

3 Encore une autre de vos réponses que j'aimerais que l'on éclaircisse. Lors

4 de votre interrogatoire principal, on vous a parlé de votre position, de

5 poste. On vous a demandé si vous connaissiez la structure de la JNA, de la

6 TO. Vous avez dit que vous connaissiez les grades et la structure générale

7 de la JNA puisque vous avez fait votre service.

8 Ma question est la suivante : vous avez dit "Chetnik," qu'est-ce que cela

9 voulait dire pour vous "Chetnik ?" Est-ce que pour vous, la JNA est

10 comprise dans cette définition ou est-ce que ce sont les volontaires, la

11 TO, les hommes de Seselj, ce type de personnes ?

12 R. Monsieur, je sais très bien ce que sait qu'une armée régulière. Pour

13 être franc, il n'y avait pas de Chetniks là-bas. J'ai vu des réservistes,

14 mais je n'ai pas vu de Chetniks dans l'armée, enfin pas de vrais Chetniks.

15 Q. Oui, je comprends bien. Mais vous utilisiez sans cesse le terme

16 Chetniks. C'était quoi pour vous ces Chetniks ? C'étaient des réservistes,

17 des officiers d'active de la JNA ?

18 R. C'était pour moi les réservistes, des réservistes de Vukovar qui

19 étaient en uniforme militaire.

20 Q. Très bien. Maintenant, je comprends mieux de qui vous voulez parler.

21 J'ai encore quelques questions. Je veux vérifier les réponses. Vous étiez à

22 l'hôpital à partir du 17 novembre. Au cours de ces jours que vous avez

23 passés à l'hôpital, parmi les habitants de Vukovar, avez-vous eu vent, est-

24 ce qu'on vous a dit que les personnes qui n'étaient pas membres de

25 personnel médical, qui n'étaient pas blessées, auraient dû aller à

26 Velepromet plutôt qu'à l'hôpital ? Vous avez entendu parler de cela ?

27 R. Non.

28 Q. Vous savez quand même qu'au cours des derniers jours, il y a eu un

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1 afflux massif de civils qui se rendaient à l'hôpital ?

2 R. Oui.

3 Q. Passons au 20 novembre. D'abord, une question sur le

4 19 novembre. Vous avez dit que vous n'avez pas vu de membres de la JNA. En

5 parlant aux gens dans l'hôpital, est-ce que vous avez entendu dire que la

6 Croix-Rouge internationale et peut-être des journalistes se seraient rendus

7 à l'hôpital le 19 ?

8 R. Non, je n'ai jamais entendu cela.

9 Q. Je vais essayer de vous demander de vous rappeler de quelque chose qui

10 est peut-être difficile. Si c'est difficile, dites-le-nous. Le 20 novembre,

11 quelle heure était-il au matin quand ils vous ont dit de quitter

12 l'hôpital ?

13 R. Je ne m'en souviens pas. Tout ce que je sais, c'est qu'on était au mur

14 et on levait les bras en l'air. Ils nous ont fouillés pour voir si on avait

15 des armes.

16 Q. Quand vous quittiez l'hôpital, votre femme a dû se rendre à une

17 réunion; c'est cela ?

18 R. C'est cela, oui. Ma femme et moi, on s'est séparé. Elle devait aller à

19 une réunion. On leur a dit que tout le personnel de l'hôpital devait se

20 rendre à la réunion. Jusqu'à ce que je revienne de la caserne, je n'ai pas

21 vu ma femme.

22 Q. Bien. C'est ce que j'avais cru comprendre.

23 Peut-être par la suite votre femme vous a parlé de la réunion, vous a dit

24 combien de temps elle avait duré ?

25 R. Non, jamais.

26 Q. Vous nous avez dit que vous aviez été fouillés. Vous l'avez d'ailleurs

27 mimé. Pourriez-vous nous dire ce qu'ils cherchaient, ce que ces soldats

28 cherchaient puisqu'ils fouillaient les gens ?

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1 R. Les soldats qui nous fouillaient cherchaient des armes. Ils nous ont

2 fouillés de tout le corps, nos pantalons et le torse. Une fouille en bonne

3 et due forme.

4 Q. On pourrait peut-être mettre au compte rendu que le témoin a mimé la

5 fouille.

6 R. Oui, vous pourriez.

7 Q. Maintenant, si vous pouviez me dire la chose suivante : à partir du

8 moment où vous êtes sortis, ici, dans le prétoire, on a vu des photos, on

9 sait bien à quoi cela ressemble. Donc, vous êtes partis par la porte

10 arrière, là où il y a le corridor, là où il y a une espèce de tunnel. Donc,

11 vous êtes sortis par cette porte. A partir du moment où vous êtes sortis

12 jusqu'au moment où vous êtes montés dans le bus, combien de temps s'est

13 passé à peu près ?

14 R. Je ne peux pas vous dire. Ils nous ont fouillés. Cela n'a pas pris très

15 longtemps.

16 Q. Si je vous disais un quart d'heure, ce serait cela à peu près ?

17 R. Je ne peux pas vous dire, je ne m'en souviens pas. On est monté dans

18 les bus un par un. Je suis monté dans le deuxième bus. C'est ce que j'ai

19 déclaré.

20 Q. Bien. On va essayer d'attaquer la chose autrement. Si je vous disais la

21 chose suivante : après que vous ayez été fouillés, êtes-vous restés là dans

22 la colonne ou est-ce que vous vous êtes dirigés immédiatement vers le

23 bus après avoir été fouillés ?

24 R. Non, ce n'était pas si long. On n'était pas tant que cela. Après, on

25 allait de l'hôpital au bus. Les bus étaient garés de l'autre côté, près de

26 la porte arrière de l'hôpital, côté cimetière.

27 Q. Plusieurs fois aujourd'hui vous avez donné les noms des personnes que

28 vous avez reconnues et qui étaient montées dans le bus avec vous, dans le

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1 deuxième bus ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce qu'il y avait des blessés ? C'étaient des patients ? Est-ce

4 qu'il y en avait qui était des civils ou des employés de l'hôpital ?

5 R. Jakov Simunovic, Sime, il était employé à l'hôpital. Le père Sime était

6 conducteur pour la Croix-Rouge.

7 Q. Qu'en est-il des autres ? Est-ce qu'il y avait des patients ?

8 R. Pour aucune des personnes dont j'ai parlé.

9 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez de la chose suivante les bus

10 étaient garés. Vous avez dit qu'il y avait entre trois et cinq bus. Est-ce

11 qu'ils étaient différents les uns des autres, en couleur, en taille, ou

12 est-ce qu'ils étaient à peu près identiques ?

13 R. Je ne peux pas vous dire si c'étaient des bus de la JNA ou quoi, je ne

14 m'en souviens pas. Mais ils étaient garés l'un derrière l'autre, à la queue

15 leu leu. Je ne me souviens pas. Non vraiment, je ne sais pas.

16 M. LUKIC : [interprétation] Un instant.

17 [Le conseil de la Défense se concerte]

18 M. LUKIC : [interprétation]

19 Q. Continuons. Bon, à partir du moment où vous êtes monté dans le bus,

20 combien de temps s'est-il écoulé avant que les bus ne partent ?

21 R. J'en sais rien, mais ce n'était pas très long. On s'est dirigé vers

22 Sajmiste là où il y avait la caserne.

23 Q. Je voudrais savoir la durée.

24 R. Je ne peux pas vous dire, ce n'était pas long.

25 Q. Plus d'une demi-heure ?

26 R. Non, moins d'une demi-heure.

27 Q. Pendant que vous étiez à bord du bus en train d'attendre que le bus ne

28 parte, est-ce que vous vous souvenez avoir vu un soldat ou un officier qui

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1 serait monté à bord pour vous dire que ceux qui avaient des badges de

2 l'hôpital devaient redescendre du bus ?

3 R. Oui, je m'en souviens.

4 Q. Est-ce qu'il y en a qui sont descendus ?

5 R. Je ne sais pas. Jakov Simunovic et d'autres ont dit qu'ils avaient

6 leurs badges. Ils les ont montrés et d'autres ont dit qu'ils avaient oublié

7 leurs badges, qu'ils ne les avaient pas sur eux. Donc ceux qui avaient des

8 badges de l'hôpital, les ont montrés. Il y en avait qui étaient employés à

9 l'hôpital aussi et qui n'avaient pas leurs badges sur eux.

10 Q. Oui, mais quand l'Accusation vous a posé la question, vous avez dit que

11 vous vous souvenez avoir vu Martin Dosen sur un brancard.

12 R. Non, je ne l'ai pas vu sur un brancard. Je l'ai vu à l'hôpital près de

13 l'entrée.

14 Q. Dites-moi, quand est-ce que vous avez vu Martin Dosen près de l'entrée

15 de l'hôpital ?

16 R. Je l'ai vu le matin, Martin. J'ai vu Martin le matin à l'hôpital. Je

17 connais tout le monde à Vukovar, or par la suite j'ai appris qu'il avait

18 sauvé Stanislav Avramovic au cours de la guerre. Qu'il l'avait fait

19 transférer sur Rakic, c'est comme cela qu'il lui avait sauvé la vie.

20 Stanislav Avramovic était à l'hôpital. Il lui a demandé de l'aider, mais il

21 ne l'a pas aidé. Il l'a dit : "Plus tard."

22 J'ai vu Avramovic aussi devant l'hôpital. On avait l'habitude de jouer au

23 foot ensemble. Je l'ai entraîné. Il n'ose pas rentrer à Vukovar. Il habite

24 en Amérique maintenant.

25 Q. Donc vous n'avez pas vu Martin Dosen devant le bus ?

26 R. Non.

27 Q. Merci. Merci. S'agissant de ce bus dans lequel vous étiez, est-ce que

28 vous étiez tous assis ou y avait-il des gens debout ?

Page 4923

1 R. Dans mon autobus, il n'y avait personne debout. Pour les autres bus, je

2 ne le sais pas.

3 Q. Encore une dernière question. Concernant les bus, est-ce que vous vous

4 rappelez si alors que vous vous approchiez des bus, si vous êtes entré là

5 où il y avait de la place ou est-ce qu'on vous disait spécifiquement qu'il

6 fallait vous rendre à un bus particulier ?

7 R. Non, nous entrions dans les bus indépendamment du nombre de places

8 qu'il y avait à l'intérieur.

9 Q. Très bien. Merci. Parlons de la caserne. Vous nous avez dit que les

10 autobus étaient placés devant et ils étaient ensemble, enfin l'un derrière

11 l'autre dans l'enceinte ?

12 R. Oui, l'un derrière l'autre.

13 Q. Je ne sais pas si quelqu'un vous a déjà posé cette question, j'entends

14 l'un de mes confrères, mais maintenant dites-nous, ces mauvais traitements

15 qui vous ont été réservés devant les bus lorsqu'on vous a menacé avec les

16 fusils, est-ce que cela a duré tout le temps jusqu'à ce que vous entriez

17 dans les autobus ?

18 R. Non, au début lorsque les autobus sont arrivés, personne ne faisait

19 rien. Ils nous menaçaient avec les armes et nous disaient, "Il faut vous

20 tuer," et cetera. Mais c'était une masse de personne et c'était un peu

21 l'anarchie. Il y avait des personnes qui disaient cela; mais personne n'a

22 tiré depuis ces armes à feu.

23 Q. Nous avons entendu un témoignage et dites-nous si vous êtes d'accord

24 avec cela, M. Simunovic a dit que cela a duré entre dix et 15 minutes, et

25 qu'ensuite les esprits se sont calmés ?

26 R. Non, cela n'a pas été très long, de dix à 15 minutes.

27 Mais, Monsieur permettez-moi de vous dire honnêtement. J'étais

28 effrayé, et je ne regardais pas ma montre. Ces réservistes, ces soldats à

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1 l'extérieur étaient dans chacun des autobus et ils cherchaient les gens

2 qu'ils connaissaient.

3 Q. Si j'ai bien compris c'étaient les habitants de Vukovar, les personnes

4 que vous connaissiez ?

5 R. Je l'ai déjà dit lors de l'interrogatoire principal et je le répète

6 maintenant. Je ne connaissais que deux personnes qui portaient des

7 uniformes, mais c'étaient des réservistes. C'était Dule Robija, l'un

8 d'entre eux. Son vrai nom était Dusko Vojnovic, mais on l'appelait Dule

9 Robija.

10 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète, Dule la prison.

11 M. LUKIC : [interprétation]

12 Q. Et l'autre ?

13 R. L'autre s'appelle Kum. On l'appelle Kum, c'est surnom. Quand j'étais à

14 Sloga, dans mon équipe de foot à Sloga, il était un peu dérangé. Il n'était

15 pas tout à fait normal. Il vivait à Negoslavci. Il était là à l'entrée de

16 la caserne avec une arme. Vous savez, on ne peut rien dire d'un homme qui

17 n'est pas tout à fait normal.

18 M. LUKIC : [interprétation] Madame l'Huissière, veuillez, je vous prie,

19 donner ce document au témoin.

20 Q. Le témoin a-t-il sa déclaration sous les yeux ?

21 R. Oui, oui, je l'ai.

22 Q. Bien.

23 M. LUKIC : [interprétation] Pour mes collègues de l'Accusation, il s'agit

24 de la page 3, paragraphe 5 en anglais.

25 Q. Je vais vous demander de nous donner lecture du quatrième paragraphe

26 qui commence par les mots : "Après un certain temps."

27 Est-ce que vous voyez ce passage ?

28 R. Oui.

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1 Q. Bien ce qui m'intéresse c'est pourriez-vous nous lire la quatrième

2 phrase : "Pour arriver aux autobus."

3 R. Oui, des autres autobus.

4 Q. Veuillez, je vous prie, nous donner lecture lentement.

5 R. "Après un certain temps, quelqu'un est monté à bord de l'autobus avec

6 une liste de noms qu'il a appelés. Il a également appelé mon nom. Je suis

7 sorti de l'autobus et je me suis dirigé, comme on me l'a dit, vers un

8 autobus vide. J'étais la première personne à entrer dans cet autobus. Des

9 autres autobus certaines personnes sont sorties et c'étaient des hommes et

10 ils sont entrés dans le bus dans lequel je me trouvais également. Pour

11 accéder à l'autobus, il leur fallait passer par deux lignes de Chetniks qui

12 les frappaient avec des bâtons de policiers, des crosses de fusil. Ils leur

13 donnaient des coups de pied. Ils leur donnaient des gifles. Kolesar a été

14 passé à tabac. Et il disait : 'Je suis Russe,' non pas Russe, mais Ruthène,

15 'je n'ai rien à voir avec la guerre.' Ils ont également passé à tabac Jakov

16 Simunovic."

17 Q. Merci. Je vous arrête ici. Bien maintenant je voulais vous demander de

18 nous donner lecture de ce passage, car je voulais vous demander de nous

19 apporter une précision. J'imagine que vous maintenez ce que vous avez

20 déclaré au bureau du Procureur à l'époque ?

21 R. Oui.

22 Q. C'est la raison pour laquelle tout à l'heure, je vous ai demandé ce que

23 vous entendez par "Chetniks." Ici, vous employez le mot "Chetnik" et vous

24 dites que c'étaient les Chetniks qui frappaient les personnes qui montaient

25 dans ces autobus. Alors ma question est la suivante : est-ce que vous

26 parlez des soldats de réserve, des habitants de Vukovar ou d'autres

27 personnes ?

28 R. Je ne sais pas qui frappait qui, mais il y avait des civils. Il y avait

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1 également des soldats de réserve, et il y avait également des soldats.

2 Q. Il y a une autre phrase qui m'intéresse, qui m'intrique, quelque chose

3 que vous avez dit aujourd'hui, à la page 12, ligne 24 du compte rendu

4 d'audience aujourd'hui, en réponse d'une question du Procureur lorsqu'il

5 vous a demandé qui avait été passé à tabac. Vous avez dit : "J'ai baissé ma

6 tête. Je n'ai pas vu, mais j'ai entendu dire que c'était Simunovic qui

7 s'était passé à tabac."

8 R. Oui. Je maintiens ce que j'ai dit. Il était en face de moi. J'ai

9 entendu des gémissements, des cris. J'ai été effrayé et c'est la raison

10 pour laquelle j'ai baissé la tête. Je n'ai pas regardé, mais j'entendais

11 des cris et je savais qu'ils étaient passés à tabac.

12 Q. Merci.

13 R. Mais je n'en ai plus reparler avec eux, ni à Zagreb ni plus tard. Je

14 n'ai plus évoqué cet incident, plus jamais.

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21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

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1 [Audience publique]

2 M. LUKIC : [interprétation]

3 Q. Pourriez-vous nous décrire Dule Robija ? Pourriez-vous nous décrire son

4 aspect physique ?

5 R. Il jouait au foot avec moi. Je l'avais aidé car j'étais joueur de

6 Rijeka, de Borovo et du Dinamo de Vinkovci. Puisque lui, il était un

7 excellent joueur, un excellent footballeur, je l'ai aidé à entrer dans

8 Borovo puisqu'il était vraiment excellent. Donc, je l'ai aidé à être

9 l'arrière droit à Borovo.

10 Q. Pouvez-vous nous décrire son aspect physique ?

11 R. Il était plus jeune que moi.

12 Q. [aucune interprétation]

13 R. Il avait des cheveux blonds. Il n'était pas très, très grand de taille.

14 Plus tard, lorsque je suis revenu à Vukovar, je l'ai revu.

15 Q. Vous nous avez parlé de votre retour à l'hôpital. Depuis la caserne,

16 vous nous avez relaté de quelle façon vous avez revu mon client. Je vais

17 immédiatement vous donner la position de mon client. Je suis sûr que cela

18 intéressera certainement mon éminent confrère de l'Accusation. M.

19 Sljivancanin affirme que Miroljub Vujovic était là, qu'il y avait d'autres

20 membres de la Défense territoriale, mais voilà ma question.

21 R. Darko Kovacevic également.

22 Q. Permettez-moi de vous poser la question suivante : si je vous disais

23 que Sljivancanin, pour chacun d'entre vous qui était là debout, il avait

24 demandé Miroljub Vujovic si vous aviez participé à des opérations de combat

25 et lorsque Miroljub Vujovic lui disait que certaines personnes avaient

26 participé, que ces personnes montaient dans l'autobus, est-ce que vous

27 seriez d'accord pour dire que son affirmation est correcte ?

28 R. Je ne sais pas qui s'est passé pour les autres, mais je peux vous ce

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1 qui en était pour moi. Miroljub Vujovic a dit que j'avais été citoyen loyal

2 de Vukovar jusqu'à un certain point, mais qu'après, mon fils et moi, nous

3 étions devenus des Oustachi.

4 Q. Est-ce qu'il a dit que votre fils avait participé à la défense de

5 Vukovar ?

6 R. Monsieur, il savait tout. Il avait dit que mon fils était un Oustachi,

7 que moi-même et mon fils que nous étions tous les deux des Oustachi que

8 nous n'étions pas.

9 Q. Vous pensez aux habitants de Vukovar ?

10 R. Oui, Maître. Je pense aux habitants de Vukovar.

11 Q. Bien. Une dernière question. Je vous ai demandé de nous dire si Martin

12 Dosen, vous l'aviez vu ce matin-là, à l'hôpital ? Vous avez dit que oui.

13 Donc voici ma question. Attendez. Vous n'avez pas vu cette personne-là, le

14 20, sur un brancard quelque part ?

15 R. Non. Je ne l'ai pas vue.

16 Q. Je vous remercie.

17 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous en

18 sommes tenus à l'heure que vous nous avez impartie. Nous avons été

19 expéditifs.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis fort heureux et cela augure

21 bien l'avenir.

22 Je vous écoute, Monsieur Moore.

23 Nouvel interrogatoire par M. Moore :

24 Q. [interprétation] Monsieur Vilhelm, je souhaiterais vous poser une ou

25 deux questions en guise de questions supplémentaires. Vous nous avez dit

26 que lorsque vous êtes allé à l'hôpital, vous avez vu un garde à l'entrée,

27 au portail et vous nous avez dit que son nom était Petkovic; est-ce que

28 c'est exact ?

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1 R. Non. Perkovic et non pas Petkovic, Monsieur le Président.

2 Q. Mais ce n'est pas le Président qui parle. C'est l'Accusation qui vous

3 parle. Ne m'appelez pas M. le Juge.

4 R. Oui, d'accord. C'est Perkovic.

5 Q. Merci.

6 R. Il n'y a pas de quoi.

7 Q. Comment connaissez-vous M. Perkovic ?

8 R. Je connaissais M. Perkovic car il était un très bon ami de ma fille.

9 Ils allaient ensemble à l'école.

10 Q. Est-ce que vous savez ou pouvez-vous nous donner l'année où votre fille

11 est née ? Je sais qu'il est très difficile de donner des dates précises

12 puisque nous, les pères, nous oublions toujours les dates d'anniversaires

13 de nos enfants.

14 R. Ma fille est née en 1966.

15 Q. Je vous demanderais si vous auriez la gentillesse de bien vouloir jeter

16 un coup d'œil sur la liste que l'on vous a montrée déjà auparavant ?

17 M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas de quel sujet il s'agit. Mon

18 objection est peut-être prématurée. Je ne sais pas quel collègue à moi

19 aurait mentionné ceci dans le cadre de son contre-interrogatoire.

20 M. MOORE : [interprétation] C'est Me Domazet dans le cadre du contre-

21 interrogatoire. On a contre-interrogé le témoin sur sa déclaration. On a

22 fait référence à ceci. En fait, il y avait une question portant sur une

23 personne qui avait été à l'entrée. C'est à ce moment-là que le nom de la

24 personne a été donné si ma mémoire est bonne. Je crois que c'est bien cela

25 qu'a posé comme question,

26 Me Domazet. Je vous remercie.

27 Pourrait-on, je vous prie, prendre la lettre M, et examiner la liste entre

28 la lettre M et la lettre P.

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1 R. Oui. Pour M, je vois Medjesi, Andrija et Medjesi, Zoran.

2 Q. Merci. Ce n'était pas cette partie-là qui m'intéressait. Je vous

3 demanderais de regarder en bas de la page.

4 R. Quoi alors ?

5 Q. Il y a trois noms avec le nom de Perkovic, Damija, Jusef et Stepan.

6 R. Je crois que c'était Perkovic, Josip, mais je ne pourrais vous le dire

7 avec exactitude.

8 Q. Je vous remercie.

9 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Désolée, Monsieur le Président. Le

10 dernier nom qui vient d'être lu n'est pas Perkovic mais Stjepan Petrovic.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de Josip Perkovic. C'est

12 l'avant-dernier nom. Mais le dernier nom est Stjepan Petrovic.

13 Excusez-moi, Madame.

14 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

15 Q. Qui était le gardien qui était à l'hôpital ?

16 R. Lorsqu'ils sont arrivés à l'hôpital vous voulez dire ou qui étaient à

17 l'entrée ? Non, c'était un élève parce qu'il portait un uniforme. Il a

18 empêché les blessés de sortir. Je crois qu'il protégeait l'entrée.

19 Q. Monsieur Vilhelm, je vous prierais de vous concentrer et d'écouter la

20 question, je vous prie. Vous nous avez parlé de ce jeune homme. Vous nous

21 avez dit qu'il était un ami de votre fille. Vous rappelez-vous de cela ?

22 R. Oui, oui. C'est Perkovic Josip.

23 Q. Je vous remercie. Maintenant, s'agissant de Josip Perkovic. Plutôt non,

24 je vais passer à autre chose.

25 Je retire cette question. Parlons maintenant de votre déclaration. Me

26 Domazet vous a posé des questions sur votre déclaration. On vous a demandé

27 de donner lecture de certains passages de votre déclaration.

28 R. Oui.

Page 4932

1 M. MOORE : [interprétation] Un instant, je vous prie, Monsieur le

2 Président.

3 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

4 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, on m'apprend que le

5 document suivant se trouve en version électronique. C'est le document qui

6 porte la cote 04668267. J'imagine que la meilleure façon de décrire ce

7 document est de dire qu'il s'agissait d'un addendum d'une déclaration qui a

8 été prise en 1995. Pourrait-on placer ce document, je vous prie, à l'écran.

9 Est-ce que vous l'avez à l'écran ? Car je ne le vois pas. Je ne vois pas

10 cet addendum. Devrais-je répéter la cote ? Il s'agit du numéro 04668267 et

11 268.

12 On pourrait peut-être placer ce document, le sortir grâce au logiciel

13 Sanction. Cela pourrait peut-être nous aider.

14 Je n'ai qu'une partie du document à l'écran. Pourrait-on placer le document

15 de sorte à ce qu'on puisse le lire en une page. La moitié de la page en

16 B/C/S et l'autre moitié en anglais. D'abord, le document n'était pas

17 précis. C'est un peu embrouillé. Maintenant, je n'arrive pas à lire le

18 document puisque -- d'abord, je ne l'avais pas, maintenant, il est

19 embrouillé.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On pourrait peut-être le déplacer

21 graduellement vers le haut, Monsieur Moore. En le déroulant ainsi, vous

22 allez peut-être pouvoir le lire.

23 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

24 Je me demandais s'il serait peut-être plus propice de commencer avec la

25 page 8 268, ensuite, de se rendre en déroulant le document vers le bas car

26 une signature y figure.

27 Q. Je voudrais savoir si M. Rudolf voit la signature.

28 R. Oui, je vois la signature. Je vois la date également, qui est celle du

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1 18 janvier 2006.

2 M. MOORE : [interprétation] Un instant, je vous prie, Monsieur le

3 Président.

4 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

5 M. MOORE : [interprétation]

6 Q. La date y figure. C'est le 18 janvier 2006 sur la page qui nous

7 intéresse.

8 Pourrait-on examiner la deuxième page ? Est-ce qu'on pourrait

9 dérouler le document vers le bas pour y avoir une signature ? Est-ce que

10 vous voyez votre signature à la deuxième page ?

11 R. Oui, c'est ma signature.

12 Q. On vous a posé un certain nombre de questions concernant votre

13 déclaration. On vous a également demandé de répondre concernant trois

14 sujets. D'abord, on vous a demandé de parler du Dr Bosanac. Vous avez dit

15 que -- on vous a posé une question concernant ce que vous avez dit dans

16 votre déclaration, à savoir que le Dr Bosanac avait dit aux personnes

17 d'endosser les chemises blanches. Vous souvenez-vous que l'on vous ait posé

18 cette question, une blouse blanche ou des blouses blanches ?

19 R. Oui.

20 Q. Si l'on déroule le document vers le haut de la page pour voir le haut

21 de la page, est-ce que vous pourriez déplacer le document afin que l'on

22 puisse voir l'anglais ?

23 Je vous remercie.

24 Maintenant, lorsque l'on vous a posé des questions, lorsque le bureau

25 du Procureur vous a posé des questions, je crois que vous leur avez dit -

26 et je vois que les questions vous avaient été posées en décembre - vous

27 avez signé le document le 18 janvier 2006, mais en réalité, vous n'aviez

28 jamais entendu dire le Dr Bosanac prononcer ces paroles. Ce n'est que

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1 beaucoup plus tard que vous avez appris que certaines personnes qui se

2 trouvaient à l'hôpital avaient endossé des blouses blanches ?

3 R. Oui. C'est quelque chose que j'ai entendu de mon fils, mais plus tard.

4 Mon fils était présent à cette réunion.

5 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie. Je crois que Monsieur Vasic

6 n'a pas d'objection ou est-ce qu'il en avait une ? Non. D'accord.

7 Q. Merci. Passons maintenant au texte suivant. Vous avez dit que : "Le 19

8 novembre, vous vous êtes rendu à l'hôpital." Pourrait-on dérouler le

9 document afin de trouver la deuxième partie modifiée.

10 Encore une fois, est-il exact de dire que lorsque vous avez rencontré

11 les enquêteurs du bureau du Procureur, vous avez changé la date et vous

12 leur avez dit qu'il ne faudrait pas lire le 19 mais bien le 17 ?

13 R. Oui, c'est ce que j'ai dit, et je maintiens ce que j'ai dit.

14 Q. Merci. Il y avait deux autres modifications. Pourrait-on parler d'une

15 dernière modification ? Pourrait-on dérouler le menu jusqu'à la page 2, si

16 possible -- 268. Encore une fois, je ne peux vraiment pas lire ce que j'ai

17 à l'écran.

18 Si l'on se réfère à votre déclaration à la page 27 868, vous dites

19 que : "Le matin suivant, le 20," vous dites dans votre déclaration et dans

20 l'addendum, vous dites qu'il faudrait lire : "Dans la matinée du 20." Est-

21 ce que c'est exact ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Je vous remercie. Pourrait-on dérouler la page jusqu'à la dernière

24 modification, je vous prie.

25 Dans votre déclaration, vous dites que l'homme avait dit : "Je suis Russe."

26 Alors qu'en réalité, il s'agit de "Ruthène." C'était une autre modification

27 que vous avez faite en janvier ?

28 R. Oui, c'est exact. Je crois que Kolesar était Ruthène de Petrovac. Je ne

Page 4935

1 suis pas tout à fait certain. Il avait également un frère qui était

2 Ruthène.

3 Q. Je vous remercie.

4 R. D'accord.

5 Q. N'est-il pas un fait que la déclaration que vous avez donnée était en

6 1995, et que ces modifications que vous avez apportées à votre déclaration

7 ont été faites en janvier 2006 ? Est-ce que des membres du bureau du

8 Procureur ne vous ont jamais demandé de revérifier la précision de vos

9 propos dans votre déclaration entre ces deux dates ?

10 R. Lorsqu'ils étaient chez moi, je leur ai dit que c'était exact, que ce

11 que j'ai dit était exact et j'ai dit que les corrections étaient bonnes. Je

12 leur ai dit que seule une version corrigée était la bonne version.

13 Q. Est-ce que c'était la première fois que vous avez eu la possibilité de

14 modifier votre déclaration ?

15 R. Oui, c'était la première fois. C'était la première fois qu'ils étaient

16 venus me voir.

17 Q. Merci.

18 R. Car en réalité, --

19 Q. Pourrais-je vous poser juste une dernière question concernant un sujet

20 autre. Parlons de la liste que la Défense vous a montrée, cette liste à

21 laquelle moi-même j'ai fait référence. Pourrait-on placer la liste sur

22 l'écran, je vous prie.

23 Je la vois. Merci beaucoup. Elle est tout à fait claire. Merci. Est-

24 ce que tout le monde voit clairement ? Merci.

25 J'aimerais savoir si vous pourriez nous dire ce qui s'est passé exactement

26 lorsque vous êtes arrivé à La Haye ? Est-il exact de dire que vous êtes

27 arrivé à La Haye jeudi dernier, le 16 février. Est-ce que vous vous

28 souvenez de la date ?

Page 4936

1 R. Oui, c'est exact. J'ai passé la nuit à Zagreb, et le lendemain, je suis

2 arrivé à La Haye.

3 Q. Quand êtes-vous arrivé ici à La Haye ? Il n'est pas nécessaire de me

4 donner la date, mais quel jour de la semaine était-ce ?

5 R. C'était un vendredi.

6 Q. Très bien. Merci. Pourriez-vous nous dire exactement ce qui s'est passé

7 lorsque vous êtes arrivé à La Haye ? Est-il exact de dire que d'abord la

8 dame qui est assise à ma droite, Mme Regue, s'était entretenue avec vous ?

9 Pourriez-vous regarder en ma direction, je vous prie ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-il exact de dire qu'elle vous a parlé de votre déclaration ?

12 R. Oui, c'est tout à fait exact. Elle a parlé de ma déclaration.

13 Q. Concernant cette discussion, est-il exact de dire qu'elle vous a

14 demandé de vous rappeler, d'essayer de vous remémorer des personnes qui

15 étaient à bord du bus qui a fait le trajet entre la caserne de la JNA et

16 l'hôpital ?

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. Pourrait-on maintenant avancer dans le temps, et parler de la journée

19 d'aujourd'hui ? Nous sommes le 23 février. Vous êtes venu déposer devant ce

20 Tribunal aujourd'hui pour la première fois. Dites-nous, est-ce exact que

21 vous m'avez vu hier pour la première fois, et que nous avons parlé de votre

22 témoignage; est-ce exact ?

23 M. LUKIC : [interprétation] Objection.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous ai vu pour la première fois hier.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic, je vous écoute.

26 M. LUKIC : [interprétation] Je demanderais de ne pas poser des questions

27 tout à fait suggestives de ce type. Trois fois de suite les questions

28 étaient fort suggestives. Ces questions ne se rapportent pas tellement au

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1 cœur du sujet. Nous n'avons donc pas réagi plus tôt. Mais il faudrait faire

2 attention à la façon dont on pose ces questions.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

4 M. MOORE : [interprétation]

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand on s'est rencontré tous les deux ?

6 R. C'était un matin.

7 Q. Quel jour ?

8 R. Non. Ce n'est pas -- j'ai du mal à me souvenir du jour.

9 Q. Je vais vous aider, alors. C'était hier matin, non.

10 R. Peut-être lundi. En tout cas, ce n'était pas hier. Ce n'était pas hier

11 matin. J'étais ici hier matin. J'attendais à partir de 15 heures pour

12 déposer, mais je n'ai même pas vu cette personne. Je n'ai pas vu M. Moore.

13 Je ne l'ai pas vu.

14 Q. Je vais essayer d'attaquer les choses autrement. Non, je vais plutôt

15 laisser tomber cet aspect des choses. J'essaierai de trouver une autre

16 façon s'il le faut et je déposerai.

17 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Monsieur Moore.

19 Maintenant, Monsieur Rudolf -- Monsieur Vilhelm, j'espère que vous êtes

20 content de savoir que vous en avez fini avec votre déposition. Les Juges

21 tiennent à vous remercier d'avoir pris le temps de venir ici et déposer à

22 La Haye et de l'aide que vous nous avez apportée. Vous pouvez maintenant

23 rentrer chez vous.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je tiens à vous remercier d'avoir écouté ma

25 déposition. Je remercie tous ceux qui m'ont entendu.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

27 Maintenant, on est un peu surpris vu l'horaire. Il nous faut maintenant

28 lever la séance pour aujourd'hui. On reprendra demain à

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1 9 heures du matin.

2 --- L'audience est levée à 17 heures 42 et reprendra le vendredi 24 février

3 2006, à 9 heures 00.

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