Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 19 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous êtes toujours sous le coup de la

9 déclaration solennelle que vous avez dite hier.

10 LE TÉMOIN : MARK CRAWFORD WHEELER [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Lukic. Maître Bulatovic.

14 M. BULATOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

15 tous.

16 Contre-interrogatoire par M. Bulatovic :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Wheeler. Je m'appelle Momcilo

18 Bulatovic. Je suis un des avocats qui défend de M. Sljivancanin, vous le

19 savez sans doute. Je vais vous poser plusieurs questions au nom de notre

20 équipe. Je pense que ces questions sont pertinentes, que ce soit pour la

21 stratégie adoptée par notre équipe, ou pour comprendre la totalité de votre

22 rapport.

23 Tout d'abord, Monsieur Wheeler, vous avez parlé de ceci hier. J'aimerais

24 savoir quelles sont les sources de vos informations, de vos connaissances,

25 celles que vous avez investies pour produire ce rapport. Vous avez fait

26 état d'articles parus dans la presse, mais j'aimerais savoir si vous vous

27 êtes servi d'autre chose, des éléments primaires ou secondaires de la

28 littérature scientifique ? Quels auteurs avez-vous consultés, et au cours

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1 de quelle période ?

2 R. Je vais commencer par la dernière partie de votre question. J'ai rédigé

3 ce rapport en décembre 1997, début janvier 1998. Cela s'est fait assez

4 rapidement. Avant qu'on me demande de faire office de témoin expert et de

5 rédiger un rapport, je n'avais pas eu beaucoup de temps. Et il se basait

6 surtout, ce rapport, sur des sources secondaires, récits de journalistes et

7 ceux qui avaient déjà été publiés sous forme de livre, mis à part les

8 éléments fournis par le bureau du Procureur. Beaucoup de ceci avait trait à

9 des publications en Croatie, par exemple, des mémoires, des récits du siège

10 de Vukovar. Je ne me souviens pas de beaucoup de noms d'auteurs, je dois

11 vous le dire. On ne m'a pas demandé de fournir des notes de bas de page

12 dans ce rapport. Apparemment, ce n'est pas ce qui se fait couramment dans

13 les tribunaux, alors que ce serait bien sûr nécessaire pour toute

14 publication scientifique. Et vu le temps qui s'est écoulé, je ne me

15 souviens pas de faits particuliers, d'allégations que j'aurais consignées

16 dans le rapport en précisant leurs sources ou m'en souvenant d'ailleurs. Je

17 dois l'admettre.

18 Q. Vous vous êtes servi de coupures de presse, d'articles. Quand ont-ils

19 été publiés, ces articles ? Au moment de la période couverte par l'acte

20 d'accusation ou ultérieurement, puisque vous avez rédigé ce rapport en

21 1997, pas auparavant ?

22 R. Certains de ces articles étaient contemporains des événements. Les

23 journaux ont beaucoup parlé du siège et de la chute de Vukovar. Il y a eu

24 d'autres articles qui étaient rétrospectifs, qui faisaient le bilan de ce

25 qui s'était passé et de la façon dont la guerre avait éclaté en ex-

26 Yougoslavie.

27 Q. Si je me souviens bien, je vous ai entendu dire hier - et cela se

28 trouve aussi dans votre rapport - que les médias des deux côtés, du côté

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1 serbe comme du côté croate, présentaient un avis partisan avec du parti

2 pris, n'est-ce pas ? Est-ce qu'à un moment donné vous avez eu un certain

3 doute à propos des informations, des sources que vous avez utilisées ?

4 R. Vous savez qu'on réfléchit toujours à deux fois à l'utilisation de

5 sources secondaires si on est historien. Si on essaie d'écrire des choses

6 qui relèvent de l'histoire contemporaine, les articles de presse sont parmi

7 les meilleures sources.

8 Quant à savoir si les médias en Croatie ou en Serbie étaient entachés

9 de parti pris, il faut dire que la ferveur nationaliste et le fait de semer

10 la haine et la peur, ce dont j'ai parlé à quelques reprises hier, ce

11 n'était pas nécessairement ce qui caractérisait la totalité des médias à

12 Zagreb comme à Belgrade. Il y avait même alors de nobles exceptions; il y

13 avait des journaux, des télévisions qui essayaient d'être justes et

14 honnêtes. Bien entendu, je travaillais et je vivais à l'étranger, forcément

15 mes sources les plus fréquentes et les plus régulières c'était la presse

16 étrangère, surtout la presse britannique. Bien entendu, je lisais beaucoup

17 de choses venant de Yougoslavie. Je lisais souvent le Vreme, par exemple,

18 un magazine d'information.

19 Q. Mis à part Vreme, est-ce que vous avez lu d'autres magazines

20 serbes ou est-ce que vous n'avez lu la presse de Serbie, en ce qui

21 concerne la fédération yougoslave est-ce que vous savez se basait

22 uniquement sur ce magazine Vreme ?

23 R. J'en parle parce que j'avais un abonnement à Vreme,

24 personnellement, mais j'ai bien sûr suivi les services, disons de vigilance

25 ou de suivi de la BBC, pour lire des traductions de ce qui se publiait tout

26 au long de la Yougoslavie, dans toute la Fédération.

27 Q. Avant de mettre la dernière main à ce rapport, suite à une demande

28 faite par le bureau du Procureur à la hâtive, un peu comme vous l'avez dit

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1 vous-même, est-ce que vous avez parlé directement à des acteurs directs de

2 ce qui s'était passé en 1990, en 1991 ? Est-ce que vous avez interviewé des

3 gens qui faisaient partie du somment de la hiérarchie, mais en descendant

4 tous les échelons de la hiérarchie, que ce soit en Croatie ou en Serbie ?

5 R. Non. Comme j'avais vécu à Vukovar au cours du printemps 1997, j'avais

6 effectivement rencontré plusieurs des dirigeants de ce qu'on appelait ce

7 Parti démocratique indépendant, mais à ce moment-là cela n'avait rien à

8 voir avec le début de la guerre, tout ce qui se passait pour ce qui était

9 de la campagne électorale menée en Croatie en avril 1997.

10 Q. Vous est-il arrivé d'interviewer des citoyens croates ? Est-ce que vous

11 auriez eu recours à des sources produites par des hommes d'Etat, des hommes

12 politiques croates, que ce soit des mémoires, des recueils d'interview ?

13 R. Pas pour ce rapport-ci. Tout ceci, les plus intéressants de ces livres

14 ont été publiés plus tard, si on parle, par exemple, de ce qu'a fait

15 Sarinic ou d'autres. Cela n'existait pas à l'époque où j'ai rédigé ce

16 rapport. En tout état de cause, l'essentiel de ce rapport ou sa vocation

17 principale s'était d'esquisser le contexte historique. Ce rapport ne visait

18 pas à faire un récit instantané, pas instantané ou coup par coup de la

19 guerre en Slavonie orientale. Il s'agissait dans ce rapport de dresser le

20 contexte local, non pas local mais historique, c'est ce que j'ai dit.

21 Q. Vous en conviendrez, Monsieur Wheeler, ce contexte historique en ex-

22 Yougoslavie, il était des plus complexes, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, oui. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

24 Q. J'ai lu votre rapport et j'ai trouvé plusieurs choses que je trouve

25 tout à fait intéressante. Je voudrais que vous fassiez notamment la lumière

26 sur le roi Aleksandar, lorsque a été introduite la dictature en 1921 afin

27 qu'il sauve son empire. Vous savez qu'il y avait un nombre négligeable de

28 Croates qui a grossi par la suite et ces Croates ont établi une

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1 organisation oustacha terroriste.

2 Vous dites un nombre négligeable de Croates, d'où venaient-ils ? Pourriez-

3 vous nous le dire ? On peut peut-être commencer par cela et nous verrons le

4 reste.

5 R. Le roi a mis en place sa dictature en 1929, pas en 1921. Cela a mené à

6 la formation par Ante Pavlevic de son mouvement oustacha, et il y a eu

7 interdiction des membres de Parlement. Au départ, il y a eu quelques

8 adeptes de ce mouvement, mais très vite on les a fait sortir de la

9 Yougoslavie, et il s'est installé, il a pris résidence, ils ont pris

10 résidence comme résidents effectifs de Mussolini en Italie. Par la suite,

11 vous savez qu'il y a eu tentative de meurtre d'ailleurs réussie sur le roi

12 Aleksandar à Marseille en 1934. Il y avait non seulement des Croates, mais

13 aussi des Bulgares qui venaient d'une organisation terroriste

14 révolutionnaire macédonienne et tout ceci s'était tramé en Hongrie. Il y

15 avait un complot qui a été tramé contre Aleksandar, mais il y avait une

16 minorité de Croates radicaux qui avaient beaucoup de sympathie pour les

17 fascistes et qui étaient très différents du nationalisme du siècle

18 précédent de Starcevic. Ils disaient être les héritiers du Parti des Droits

19 de Starcevic, mais en fait c'étaient des gens qui étaient d'une mouture

20 tout à fait radicale de ce parti ou de la constellation politique croate de

21 droite auparavant.

22 Q. J'ai bien dit -- excusez-moi, j'avais bien dit 1929. Sans doute qu'il y

23 a une erreur au niveau du compte rendu, ligne 5, page 9, je pense. Parlons

24 de cette organisation radicale, l'organisation terroriste oustacha. A quel

25 moment a-t-elle pris une importance quelconque en Yougoslavie ?

26 R. Elle n'a jamais eu beaucoup d'importance politique jusqu'au moment où

27 Hitler a décidé de la mettre au pouvoir en avril 1941. C'est vrai de toutes

28 les organisations terroristes où qu'elles soient. Elles pouvaient

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1 installer, par exemple, des bombes dans des toilettes publiques de gares

2 ferroviaires. Il a fallu très peu de gens pour faire ce qui était des

3 attentats, finalement, ou des coups assez naïfs, du moins à l'époque. Son

4 importance politique dépend, en fait, du soutien du messena [phon], pour

5 ainsi dire, dans cette organisation a bénéficié par la suite de Mussolini

6 et de Hitler, et surtout de Hitler.

7 Q. Vous en avez parlé hier. Est-ce que vous pourriez étoffer votre propos.

8 Pourquoi est-ce que Hitler voulait avoir une organisation terroriste

9 oustacha au pouvoir, une organisation de ce genre ? Pourquoi Hitler

10 voulait-il leur donner une aussi grasse récompense ? Est-ce que ceci tient

11 à l'antagonisme qu'il y avait entre les Serbes et les Allemands du fait de

12 ce qui s'était passé pendant la Première Guerre ? Et ici, je place aussi

13 dans la perspective des ennemis qui étaient autour de la Serbie.

14 R. Ce qui compte ici, ce qu'il faut dire, c'est que Hitler ne voulait pas

15 installer Pavelic et les Oustachi au pouvoir. Il aurait de loin préféré

16 avoir le Parti paysan de Macek. Mais il voulait une sécurité en Croatie,

17 une Croatie sûre, mais Macek et la majorité générale de son parti avait

18 refusé l'idée de recevoir comme cadeau de Hitler une Croatie indépendante

19 ou en principe. Des efforts sérieux ont été faits pour séduire Macek et le

20 Parti paysan. Il a bien quitté le monde politique en guise de protestation

21 lors du coup de Mirkovic-Simovic, mais ce Parti paysan est quand même resté

22 au gouvernement. Que ce parti paysan croatique [phon] n'acceptait pas de

23 représenter les forces du grand axe au pouvoir, il a dû retomber, Hitler,

24 ou se replier sur ce qui avait été le protégé de Mussolini, Pavelic.

25 C'était le seul qui était prêt à avoir un Etat satellite du grand axe, des

26 forces de l'axe. C'était un désastre, parce que pour ce qui est de l'ordre

27 public et de l'expression des atouts économiques et de l'infrastructure des

28 transports, ce que voulait Hitler, en fait, Pavelic a créé carrément le

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1 contraire de ce que voulait Hitler. Cela a créé le chaos, le

2 bouleversement, la perturbation des activités économiques.

3 Oui, ici, on voit au compte rendu d'audience "Pavlovic". En fait, c'est

4 Pavelic.

5 Q. Monsieur Wheeler, entre 1934 et 1941, c'est le prince régent Paul qui

6 dirigeait la Yougoslavie. Diriez-vous qu'il a conclu un pacte de paix

7 séparé avec le parti croate le plus important. Quel est-il, ce parti, et de

8 quel pacte de paix séparé s'agit-il ?

9 R. Bien, le parti politique croate le plus important à l'époque, c'était

10 effectivement le Parti paysan croate de Macek. Bien sûr, à l'époque, il

11 était favorable à la venue du prince régent au pouvoir et à cet accord. Il

12 avait été allié avec Pribicevic et le Parti démocratique serbe indépendant

13 en Croatie dans ce pacte opposé à la dictature. J'ai parlé de Spozarum, de

14 l'accord Cvetkovic-Macek comme étant différent, parce qu'il a détaché le

15 Parti paysan croate du bloc pro-démocratique unifié qui avait unifié les

16 Slovènes, les Serbes et les Croates dans la dernière phase de la dictature

17 du roi Alexandre.

18 Macek prenant un accord avec le prince Paul sur le transfert de

19 compétences à la Croatie, ceci avait eu pour effet d'affaiblir cette

20 opposition à la dictature dans tout le pays.

21 Q. S'agissant de la Deuxième Guerre mondiale, de l'invasion de l'Allemagne

22 et du fait que les pays occupés ont été divisés, vous dites que c'était une

23 idée de Hitler qui voulait à tout jamais détruire l'idée même d'une

24 Yougoslavie afin de mettre en place un système efficace d'occupation au

25 cours de la Deuxième Guerre mondiale. Du point de vue purement historique,

26 pourriez-vous m'expliquer quelles étaient ses intentions quand vous dites

27 qu'il voulait à tout jamais détruire l'idée même qu'on aurait pu avoir d'un

28 Etat yougoslave. Comment aurait-il pu faire réaliser ceci, avec

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1 l'assistance de qui et dans quelle mesure y est-il parvenu ?

2 R. Ses intentions se sont matérialisées vu la façon dont il a divisé le

3 pays. Il a donné des bouts de territoire à des Hongrois, aux Bulgares. Vous

4 aviez ce simulacre d'Etat albanais qui était dirigé par les Italiens. Cela

5 a fait du Monténégro un Etat soi-disant indépendant dirigé par la maison de

6 Savoy, la monarchie italienne. Ce système, il a échoué, car aucun des

7 bénéficiaires de la générosité, des largesses de Hitler, y compris les

8 Croates qui avaient cet Etat croate soi-disant indépendant, aucun des

9 bénéficiaires n'était satisfait des résultats. Soit qu'ils en voulaient

10 beaucoup plus de territoires que ce qu'ils ont reçu, soit que dans le cas

11 des Bulgares, où ils avaient reçu le droit d'occuper la Macédoine, Vardar,

12 ils n'ont pas eu le droit de le faire. Au lieu de remplacer un régime

13 d'occupation ordonné, ou plutôt au lieu de créer un régime d'occupation

14 bien ordonné, Hitler se retrouvait à la tête de ce qui était un système

15 d'occupation tout à fait désordonné. Il a fallu beaucoup plus de forces

16 d'occupation et il a fallu collaborer avec beaucoup plus de forces que cela

17 n'avait été son intention au départ.

18 Au départ, il était hostile à l'idée de l'Etat yougoslave. Il était surtout

19 hostile à l'idée d'avoir un Etat yougoslave dominé par les Serbes. Ceci

20 remonte effectivement, comme vous l'avez laissé entendre, à une animosité

21 très ancienne entre les Allemands et les Serbes. Vous savez que Hitler

22 avait une idée très raciste d'une espèce de hiérarchie dans les peuples. Il

23 y en avait qui étaient acceptables d'autres pas. Il voyait des Slovènes

24 comme étant génétiquement des gens suffisamment décents pour pouvoir être

25 germanisés, ceci dans le cadre des Slaves du sud. Mais pour les Serbes,

26 comme c'était possible pour les Polonais et les Ukrainiens, la seule

27 solution pour lui, c'était d'en faire des esclaves.

28 Pour les Croates là, c'était une situation assez gênante. Parce que

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1 manifestement ce sont des Slaves, mais le régime oustacha a dû s'inventer

2 une espèce d'origine soi-disant arienne, une généalogie non-slave, un arbre

3 généalogique différent, ce qui était, bien sûr, ridicule à l'extrême. Pour

4 se conformer aux vues de Hitler, si folles soient-elles, c'est ce qui a été

5 fait.

6 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, m'expliquer quelle sorte d'influence

7 l'Eglise catholique a eu à cet égard sur l'ensemble ?

8 R. Pas une influence très positive, il faut le dire, sur l'ensemble. Ceci

9 demeure une question extrêmement controversée du point de vue historique.

10 L'Eglise catholique, d'une façon traditionnelle en Croatie, et en

11 l'occurrence également en Slovénie, en Bosnie-Herzégovine, laissait le côté

12 serbe des franciscains qui se trouvaient - si on met à part certains

13 franciscains - dans les parties septentrionales de Bosnie, cette Eglise

14 catholique était extrêmement traditionnelle et conservatrice, très

15 nationaliste, extrêmement nationaliste. Un très grand nombre de prêtres

16 catholiques croates et même un certain nombre d'évêques et plus

17 particulièrement l'évêque de Mostar, se sont montrés en faveur des

18 Oustachi. Certains prêtres ont même quitté la prêtrise pour devenir

19 Oustachi. J'ai oublié le chiffre et combien, si c'était des chefs des

20 bandes oustacha, le terme employé.

21 La hiérarchie de l'Eglise, bien entendu, conduite par l'archevêque,

22 d'une part, a protesté de façon régulière, alors - "golajter", c'était le

23 terme que l'on cherchait tout à l'heure - malheureusement, de façon privée

24 à l'égard de Pavelic et Oustachi, en ce qui concerne les persécutions de

25 non-Croates. En revanche, elle a également eu la possibilité positive de

26 développer ses ouailles en vertu des conversions qui ont eu lieu. Stepinac,

27 nous l'avons compris, était préoccupé et peu satisfait des conversions

28 forcées. Néanmoins, il préférait cette idée d'avoir davantage de

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1 catholiques et de confirmer davantage de catholiques. L'histoire ne l'a pas

2 traité de façon très positive à l'extérieur de la Croatie, bien entendu. A

3 mon avis, il a été présenté à tort comme un presque saint. L'histoire à

4 l'extérieur n'a pas été très en sa faveur, parce qu'en fait, non pas parce

5 que c'était un homme mauvais, mais parce que c'était un homme faible et

6 qu'il n'a pas réussi à se hausser au niveau spirituel et moral qu'on aurait

7 pu attendre d'un prélat catholique de l'Eglise catholique romaine en

8 Croatie ou parmi les Croates. Comme vous l'avez dit, il y a eu d'autres

9 prêtres et des évêques qui avaient moins d'ancienneté, qui auraient été

10 moralement beaucoup plus compromis à cause de leur comportement pendant la

11 guerre que ne l'a été Stepinac.

12 Q. Vous avez mentionné la conversion de Serbes, Monsieur Wheeler. Peut-

13 être savez-vous quel est le nombre de Serbes qui ont été convertis de cette

14 manière ?

15 R. Non, je ne connais pas ce chiffre et je ne sais si nous avons un

16 chiffre exact. Pour le moment, je ne peux même pas me rappeler quelles sont

17 les estimations qui ont pu être faites et qui soient significatives.

18 Certainement, nous parlons de quelque chose qui va environ autour de 100

19 000, peut-être davantage. Certaines de ces conversions ont été préparées,

20 arrangées entre des prêtres catholiques et orthodoxes, simplement de façon

21 à assurer une protection pour les personnes qui en faisaient l'objet.

22 D'autres conversions -- en fait, tout le monde s'est rendu compte que

23 c'étaient des fausses conversions. Elles étaient simplement destinées à

24 sauver la vie des personnes en question. Bien sûr, ces conversions n'ont

25 pas été faites de cette façon aussi bénignes, aussi douces. C'était surtout

26 pour aider. Quant au nombre exact, je ne le sais pas.

27 Q. Je vous remercie, Monsieur Wheeler. Là encore, dans votre déclaration

28 ou votre rapport, ici il y a une affirmation selon laquelle les Serbes,

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1 d'emblée, au tout début, avaient été mis à part en vue de punitions

2 méritées. Pourriez-vous expliquer, s'il vous plaît, ce que ceci veut dire,

3 à savoir, "depuis le début" et quelles auraient été les "punitions

4 méritées," et pourquoi ils auraient été mis à part en particulier et quelle

5 aurait été la raison de cela ?

6 R. Je n'ai certainement pas écrit que les punitions étaient méritées. J'ai

7 dit qu'il s'agissait de punitions sévères, particulièrement dures. C'est ce

8 que cela veut dire en anglais. Les Serbes ont été mis à part en vue de les

9 punir de cette manière, parce qu'ils étaient autour des puissances de l'axe

10 comme étant la population la plus dangereuse en Yougoslavie, celle qui

11 avait commis l'insulte du 25 mars, gifle dans la figure de Hitler, les

12 ennemis traditionnels de la race humaine. Ces personnes qui avaient été

13 traitées particulièrement durement, pas parce que les Serbes étaient

14 considérés comme étant dangereux, mais aussi pour donner une leçon à toutes

15 les populations en Yougoslavie de ce que serait le prix à payer si on ne se

16 comportait pas comme il le fallait. Parce que ce mot de "condign" en

17 anglais, qui veut dire très dur, voulait dire que les Serbes seraient punis

18 pour qu'ils se comportent comme on s'attendait à ce qu'il le fasse, et pour

19 rappeler également aux autres que c'était ce qu'ils leur arrivait

20 maintenant. Je ne l'exprime peut-être pas très bien, mais pour rappeler aux

21 autres à quel point ce serait pire pour eux, s'ils suivaient le mauvais

22 exemples des Serbes en s'opposant aux intérêts du Reich.

23 Vous le savez, il faut le dire aussi, que l'objectif de Hitler était

24 tout simplement de déclencher autant de haine que possible dans les peuples

25 Slaves du sud. Si vous récompensez les uns et punissez les autres, l'effet,

26 bien entendu, est de faire en sorte que ces peuples se détestent de plus en

27 plus. C'était une partie de son objectif, comme je le dis, de détruire

28 cette idée d'un Etat, d'un futur Etat yougoslave.

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1 Q. Puis-je considérer, alors, Monsieur Wheeler, par rapport à ce que vous

2 venez de dire, que c'est là qu'il y avait des racines de la mise en œuvre

3 d'une politique de génocide au printemps 1941, qui, à ce moment-là, a

4 incité les Serbes à se rebeller; rébellion qui a commencée en Herzégovine

5 orientale ? Pourriez-vous expliquer cette politique, qui l'a mise en œuvre

6 et aux dépens de qui ?

7 R. Cette politique a été mise en œuvre à partir du mois de

8 mai 1941 par le nouveau régime oustacha. C'était leur idée, c'était leur

9 plan. Cela a été effectué par des bandes d'égorgeurs et par les Oustachi

10 eux-mêmes, non pas par ce qui est devenu l'armée croate, ce que l'on a

11 appelé la Domobranci. Ceci a provoqué, comme vous l'avez suggéré, une

12 opposition fervente et naturelle de la part des Serbes. Là où cela a été

13 mis en œuvre, cela a causé, à ce moment-là, la manifestation de la

14 résistance, comme je l'ai dit hier. Et éventuellement, ceci a conduit à un

15 tel chaos, que Hitler lui-même, loin de penser que c'était une bonne idée,

16 a essayé d'arrêter les choses, bien que là encore il était très difficile

17 de parler de façon raisonnable dans certains de ces cas des puissances de

18 l'Axe au cours de la Deuxième Guerre mondiale, parce que les politiques

19 mises en œuvre sur le terrain, en particulier par les généraux allemands ou

20 italiens pouvaient s'écarter de façon importante des ordres donnés, soit

21 par Rome, soit par Berlin. De sorte que -- je généralise, mais je voudrais

22 donner un avertissement à ce sujet. Parfois, il y avait des détails, des

23 précisions qui étaient données pour certains secteurs parce qu'il y avait

24 des personnalités et des politiques qui pouvaient varier selon les lieux.

25 En d'autres termes, à certains endroits il pouvait y avoir des unités

26 allemandes qui appuyaient le génocide oustachi, et dans d'autres zones il

27 pouvait y avoir des unités allemandes qui s'y opposaient. Dans la plupart

28 des cas, les Italiens, heureusement pour leur réputation au regard de

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1 l'histoire, y étaient opposés.

2 Q. Je n'ai pas bien entendu, Monsieur Wheeler, qui était les victimes du

3 génocide, de ces égorgeurs oustachi ou de ces bandes telles que vous les

4 avez décrites.

5 R. Bien sûr, du point de vue numérique, les victimes les plus nombreuses

6 étaient les Serbes, mais les Oustachi étaient aussi profondément

7 antisémites que Hitler lui-même, de sorte que les Juifs de Yougoslavie, en

8 particulier les Juifs de l'Etat indépendant de Croatie, étaient également

9 les objectifs de la liquidation, comme l'étaient par ailleurs les Rom et

10 les Tsiganes. J'aurais également vu d'autres objectifs pour ce génocide, si

11 les valeurs patriarcales dans l'Europe du sud-est que Pavelic aurait pu

12 concevoir cette idée de l'homosexualité sinon, il y aurait eu également des

13 victimes, mais pour ce qui est des Serbes, des Juifs et des Rom, c'étaient

14 les victimes principales, comme l'étaient également les Croates

15 antifascistes, plus particulièrement ceux qui s'étaient associés avec le

16 Parti communiste, ou qui ont rejoint la résistance partisane.

17 Q. Pourrions-nous être d'accord à ce moment-là, Monsieur Wheeler, que sur

18 la base de ce que vous nous avez dit jusqu'à maintenant, la Yougoslavie est

19 quelque chose dont les Serbes avaient besoin ? C'était leur idée, c'était

20 leur vœu de vivre dans un Etat qu'ils appelleraient la Yougoslavie pour les

21 raisons que vous avez citées ? Et c'est dans cet Etat, que la Croatie, la

22 Slovénie, une Slovénie séparatiste, des tendances séparatistes parce que la

23 vie ensemble avec des Serbes, des Tsiganes et des Juifs était quelque chose

24 qui ne leur convenait pas ?

25 R. Non. Comme je l'ai expliqué hier, les inventeurs à l'origine de l'idée

26 yougoslave étaient des Croates. C'était vers la fin du XIXe siècle. Il y

27 avait de nombreux Slovènes qui étaient en faveur d'un état yougoslave,

28 comme vers la fin du XIXe siècle des intellectuels serbes étaient en faveur

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1 d'un état yougoslave.

2 Lorsque j'ai dit qu'un état yougoslave correspondait mieux aux

3 intérêts des Serbes, ce n'était pas pour expliquer quel était le type de

4 Yougoslavie qui allait commencer à exister en 1918 en vertu de sa

5 constitution en 1921, qui avait pour but de mieux servir les intérêts des

6 Serbes que ceci n'était considéré par les Slovènes ou les Croates comme

7 étant susceptible de servir leurs intérêts à eux. Ils n'avaient pas le

8 sentiment qu'ils avaient la communauté qu'ils espéraient. Ils pensaient que

9 ceci -- il y avait là un état serbe agrandi, et qu'il serait trop fort pour

10 pouvoir dire -- pour ne pas craindre d'être des citoyens de deuxième

11 classe. Ils estimaient qu'ils avaient des griefs légitimes, parce que le

12 type de Yougoslavie qu'ils avaient voulu n'était pas né. Ils avaient le

13 sentiment que les Serbes étaient un peuple qui était particulièrement

14 nombreux, et qui avait l'expérience récente la plus longue d'une vie

15 politique indépendante, était en train de dominer.

16 Ce sentiment était beaucoup plus prononcé parmi les Croates pendant

17 la période entre les deux guerres que cela n'a été parmi les Slovènes. La

18 chose remarquable à ce sujet, sur ce qui allait se passer en 1980 ou 1990,

19 c'était que les Slovènes ont commencé à penser pour la première fois qu'ils

20 avaient besoin de pouvoir avoir une existence séparée. Ils n'avaient pas,

21 par le passé, eu d'idées de ce genre.

22 Q. Que veut-on dire, Monsieur Wheeler, comme je l'ai dit avant cela, que

23 l'idée de disloquer la Yougoslavie n'était pas une idée serbe, mais une

24 idée croate ou une idée slovène, de ceux qui n'avaient pas réussi ou qui

25 pensaient ne pas avoir réussi à obtenir l'importance et la place à laquelle

26 ils s'attendaient en faisant partie de cette communauté, telle qu'était la

27 Yougoslavie de l'époque ?

28 R. Ici, nous courrons le risque d'amalgamer des expériences très

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1 différentes de la période entre les deux guerres avec ce qui s'est passé

2 après la mort de Tito et le déclin progressif de la légitimité et la

3 croyance dans l'Etat socialiste yougoslave, parce que dans le cas de l'Etat

4 socialiste yougoslave, le déclin et la dissolution, le résultat de tout

5 cela finirait par être le recours à la guerre, et c'était certainement --

6 Milosevic a pris la tête de cela dans le régime de Belgrade. C'est le

7 régime de Milosevic à Belgrade qui a été considéré par les autres peuples

8 en Yougoslavie comme étant en train d'essayer de modifier les règles de la

9 fédération de telle sorte que ceci serait désavantageux pour eux. Les

10 Slovènes ont été les premiers à se rendre compte de quelle façon le type de

11 Yougoslavie que Milosevic semblait vouloir, que cette Yougoslavie n'était

12 pas un Etat dans lequel ils souhaitaient vivre. Les Slovènes, par

13 conséquent, ont été le premier peuple parmi les différents peuples de la

14 Yougoslavie à décider qu'il pourrait avoir à quitter la fédération. Mais

15 j'ai essayé de souligner hier que la crise de 1989, 1990, 1991, qui était

16 devenue de plus en plus intense, ne donnait pas l'impression que ceci

17 conduirait inévitablement au démembrement de la Yougoslavie. J'ai essayé

18 d'expliquer, par exemple, qu'il y avait -- on l'a vu dans les consultations

19 populaires -- beaucoup de courants d'opinion, montrant qu'en Slovénie, par

20 exemple, même dans la première moitié de 1991, bien que le gouvernement ait

21 en fait prévu qu'il y aurait une déclaration d'indépendance le 25 juin, la

22 plupart des gens ne pensaient pas que ceci allait avoir lieu. Ils pensaient

23 qu'ils étaient engagés dans un processus différent et beaucoup plus

24 dynamique de négociation ou de bluff. De plus en plus de non-Serbes,

25 effectivement vers la fin des années 1980, au commencement des années 1990,

26 envisagent de quitter la Yougoslavie en tant qu'Etat. Mais pour la plupart

27 d'entre eux, la référence est de viser une Yougoslavie d'un type différent.

28 Q. N'est-ce pas une indication, Monsieur Wheeler, comme vous l'avez dit

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1 plus tôt, que la Slovénie soit le premier Etat dans le royaume qui ait

2 voulu se séparer du royaume parce qu'elle ne parvenait pas à réaliser une

3 partie de leurs intérêts, et que ce régime ne leur convenait pas ?

4 Maintenant, dans le cas de la République fédérale socialiste de

5 Yougoslavie, les Slovènes encore étaient mécontents. Est-ce que ceci veut

6 dire que leur participation dans une communauté appelée la Yougoslavie, où

7 ils étaient insatisfaits de leur position, faisait qu'ils voulaient

8 continuer de quitter cette communauté ? La Yougoslavie était quelque chose

9 qui ne leur convenait pas. Ils ne parvenaient pas à réaliser certains de

10 leurs ambitions, à atteindre certains des objectifs, certains de leurs

11 désirs. Que pourriez-vous dire de cela ?

12 R. Votre description de la position slovène vers la fin des années 1980,

13 au début des 1990, je serais d'accord avec cela, mais pas la façon dont

14 vous qualifiez le mécontentement slovène dans la période entre les deux

15 guerres concernant le royaume. En gros, les Slovènes avaient un sort

16 satisfaisant pour ce qui concerne leur position dans le royaume de

17 Yougoslavie. Pour commencer, bien sûr, cela les sauvait de l'impérialisme

18 tant italien qu'autrichien ou allemand. Cela sauvait leur territoire d'être

19 avalé soit par l'Italie ou l'Allemagne ou l'Autriche, de sorte que les

20 Slovènes étaient satisfaits de leur sort entre les deux guerres ce qui a

21 permis d'être efficace, prospère et heureux. Leur langue distincte était

22 protégée par de nombreuses mesures qui ennuyaient les Croates qui, bien

23 entendu, partageaient une même langue avec les Serbes.

24 Q. Monsieur Wheeler, je voudrais maintenant revenir sur un sujet

25 particulier, en fait, je veux passer à un sujet qui a des rapports avec ce

26 dont nous avons parlé et qui concerne l'ordre de ce qui était alors l'Etat,

27 la République socialiste fédérative de Yougoslavie et l'un de ses éléments.

28 Je ne sais pas à quel point vous avez étudié la question, mais nous parlons

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1 des forces armées de la République socialiste fédérative de Yougoslavie.

2 Est-ce que vous savez en quoi consistaient ces forces armées de la

3 République fédérative de Yougoslavie conformément à la constitution de

4 1974 ?

5 R. D'une façon générale, oui, mais je ne prétendrais pas être quelqu'un

6 qui sache beaucoup de choses concernant l'armée populaire yougoslave.

7 Q. Savez-vous que faisant partie des forces armées de la RSFY, d'après la

8 constitution de 1974, dont nous avez dit que vous l'avez lue, et si vous

9 vous rappelez cela tant mieux, que l'armée populaire yougoslave et la

10 Défense territoriale constituent les forces armées de la RSFY ? Est-ce que

11 c'est quelque chose que vous savez ?

12 R. Bien sûr. Je suis au courant de toutes les idées des Forces nationales

13 des peuples au fur et à mesure qu'elles se sont fait connaître dans les

14 dernières années de la vie de Tito.

15 Q. Pendant la vie de Josip Tito, il était commandant suprême des forces

16 armées d'un Etat qui était appelé ce qui était appelé; c'est exact ?

17 R. Oui, effectivement.

18 Q. Après son décès, savez-vous qui a assuré ou pris le commandement et la

19 direction des forces armées de la République fédérale socialiste de

20 Yougoslavie ?

21 R. Oui, effectivement, ce commandement a été partagé entre les membres

22 d'une présidence collective.

23 Q. Pourriez-vous nous dire, si vous le savez, et il est vraisemblable que

24 vous le savez, parce que c'est quelque chose que vous avez étudié, qui

25 constituait cette présidence collective ? Combien de membres elle

26 comportait ? Qui en était le président pendant la période pertinente

27 correspondant à l'acte d'accusation ? Qui était le président de cette

28 présidence et combien de membres elle comportait ?

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1 R. Elle comportait un membre de chacune des six républiques plus un membre

2 de chacune des deux provinces autonomes de la Serbie plus un membre qui

3 était le secrétaire général du Parti communiste de la Ligue des

4 Communistes, et il y avait également un membre militaire.

5 Q. Pendant la période qui est pertinente aux fins de l'acte d'accusation,

6 savez-vous qui était le chef de la présidence ou le président de la

7 présidence ?

8 R. Le président de la présidence dans la première partie de 1991 était

9 Borisav Jovic. Il a démissionné après cela, il est revenu. Puis il y a eu

10 une crise sur le point de savoir si Stipe Mesic devrait succéder, c'était

11 le suivant, candidat de la Croatie. Mesic a assumé le rôle de président de

12 la présidence à la suite de l'intervention de la Communauté européenne à la

13 fin du mois de juin, au début de juillet 1991. De sorte que pendant la

14 période du siège de Vukovar, le président théorique de la présidence était

15 Stipe Mesic.

16 Q. Vous avez absolument raison, Monsieur Wheeler. Il était le président de

17 la présidence du 30 juin jusqu'au 3 octobre 1991. Dans les médias, et vous

18 avez probablement suivi ce qui s'y disait, on a publié comme élément

19 d'information que M. Mesic, après avoir quitté la présidence de la manière

20 dont il l'a quittée, je ne vais pas entrer dans les détails, mais si

21 nécessaire je pourrais expliquer, il a dit que : "J'ai achevé mon travail.

22 La Yougoslavie n'est plus. Je repars." Vous rappelez-vous de cela, Monsieur

23 Wheeler ?

24 R. Oui, je m'en souviens. Il a d'ailleurs intitulé le premier volume de

25 ses mémoires : "Comment j'ai fait tomber la Yougoslavie."

26 Q. Je vois que vous avez vu le livre de M. Mesic, vous l'avez examiné,

27 vous le connaissez. Vous êtes-vous servi de ce livre de façon à rédiger vos

28 conclusions d'expert ?

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1 R. Non. Je n'avais pas d'exemplaire de ce livre à ce moment-là.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner.

3 M. WEINER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais pour

4 le compte rendu, pourrions-nous avoir le titre en anglais ? On l'a donné en

5 B/C/S, mais il n'y avait pas de traduction.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est : "Comment nous avons détruit la

7 Yougoslavie," bien que la deuxième édition ne dit plus "nous," je crois, il

8 dit : "Comment la Yougoslavie a été détruite." "Comment la Yougoslavie a

9 été détruite," je ne m'en rappelle pas exactement.

10 M. BULATOVIC : [interprétation]

11 Q. Le titre de ce livre n'est pas vraiment important pour moi. Ce qui est

12 important pour moi, c'est que vous soyez au courant de cette déclaration

13 faite par M. Mesic et qu'il s'agisse de quelque chose qui est incontesté.

14 Ce qui m'intéresse, c'est l'attitude de la Croatie à l'égard de cette

15 communauté qui portait comme nom la République socialiste fédérative de

16 Yougoslavie dont il était le président de la présidence.

17 Monsieur Wheeler, savez-vous ce que la constitution de 1974, même si vous

18 n'êtes peut-être pas la personne à qui je devrais poser la question, mais

19 l'ensemble de ce contexte historique suivant tous les événements à travers

20 le cadre constitutionnel et les solutions constitutionnelles, savez-vous

21 quelles étaient les tâches des forces armées de la RFSY telles que prévues

22 par la constitution ? Ou si vous souhaitez que je vous le rappelle ce qui

23 est dit dans l'article 240 de la constitution, peut-être que nous pouvons

24 parler de cela. Ce qui est dit c'est que les forces armées de la République

25 socialiste fédérative de Yougoslavie protège la souveraineté,

26 l'indépendance, l'intégrité territoriale de la Yougoslavie et l'ordre

27 social établi par la présente constitution. Est-ce que vous vous rappelez

28 ces dispositions de la constitution de 1974 et du fait que ceci a trait aux

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1 forces armées de la RSFY ?

2 R. Assurément, certainement, et vous trouverez d'ailleurs dans mon rapport

3 que je me réfère de façon explicite à l'obligation pour la JNA non

4 seulement de défendre le pays mais également de défendre son système

5 social. C'est du socialisme autogestionnaire.

6 Q. Ce qui m'intéresse, c'est une autre obligation des forces armées et il

7 s'agit de l'intégrité territoriale. Cet aspect-là, pourriez-vous, s'il vous

8 plaît, le préciser ce devoir qu'avaient les forces armées; que pourriez-

9 vous nous dire à ce sujet dans la mesure où il s'agit de l'intégrité

10 territoriale ?

11 R. Toutes les forces armées de tous pays sont chargées de défendre

12 l'intégrité territoriale de l'Etat en question. Dans le contexte

13 yougoslave, bien sûr, cela devient quelque chose de beaucoup plus

14 problématique lorsqu'un Etat est en cours de démembrement et que l'un ou

15 l'autre de ses éléments constitutifs est en train d'essayer de faire

16 sécession. Et effectivement, ceci fait qu'une armée qui est chargée de

17 défendre l'intégrité territoriale du pays se trouve dans une position

18 difficile.

19 Q. Monsieur Wheeler, pourriez-vous me dire la chose suivante : comme vous

20 dites, le pays a commencé à se dissoudre, et la conséquence de cela, ce

21 dont nous n'allons pas discuter en ce moment, mais ce que je veux savoir,

22 c'est est-ce que l'armée participe à la création de certaines décisions

23 politiques ou est-ce qu'elle ne fait qu'exécuter les ordres donnés par ceux

24 qui la commandent. On a entendu, pendant qu'il était vivant, c'était Josip

25 Broz qui était le commandant suprême, puis après c'était la présidence.

26 Est-ce que l'armée a une quelconque influence ou est-ce qu'il s'agit d'un

27 organe exécutif qui exécute les ordres donnés par les organes politiques

28 compétents ?

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1 R. Non. L'armée, certainement au cours de ces années de la crise, a

2 commencé à jouer un rôle politique de plus en plus explicite. Le général

3 Kadijevic, le ministre de la Défense, et ses successeurs ont participé de

4 manière active à la politique à l'époque. La dissatisfaction [phon] qui

5 prévalait au sein de la présidence collective signifiait que l'armée avait

6 plus de place de manœuvre pour jouer un rôle explicitement politique.

7 Q. Vous dites, Monsieur Wheeler, que l'armée a pris un rôle actif. Quel

8 était le but ? Est-ce que c'était afin de maintenir, de préserver la

9 communauté yougoslave, la RSFY ou afin de participer à cet effondrement ?

10 Je ne parle pas de ce qui s'est passé par la suite; je parle de la période

11 qui a précédé et du rôle de l'armée. Quelles étaient les opinions, les

12 attitudes de M. Kadijevic et des autres dirigeants militaires au sujet de

13 la Yougoslavie, du maintien de la Yougoslavie et de sa dissolution ?

14 R. Le général Kadijevic était l'un de ceux qui croyaient qu'il était

15 essentiel d'introduire un état d'urgence afin d'empêcher la dissolution. Il

16 a essayé d'obtenir cela en mars 1991 par le biais de la présidence

17 collective. Ceci a été refusé avec des scènes dramatiques dont nous nous

18 souvenons tous. Puis, une pression était exercée sur Bogic Bogicevic, le

19 représentant de la Bosnie-Herzégovine. Tout ceci montre à quel point

20 l'armée essayait désespérément de sauver le pays qu'elle était censée

21 défendre, l'Etat qui, malgré la composition ethnique de l'armée, le but de

22 son existence, la loyauté, l'Etat qui était en train de se dissoudre autour

23 de cette armée qui existait afin de défendre et protéger cet Etat. Ils

24 étaient en train de regarder un Etat qui était en pleine désintégration

25 alors que l'armée était là afin de le protéger. Il s'agissait d'une période

26 extrêmement, incroyablement difficile pour l'armée.

27 Q. Je suis tout à fait d'accord avec votre estimation, Monsieur. Est-ce

28 que vous sauriez me dire quels étaient ces insignes portés par les membres

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1 de la JNA ? S'agissait-il des insignes de république ou de la Yougoslavie ?

2 R. Il s'agissait des insignes yougoslaves.

3 Q. Monsieur Wheeler, M. Kadijevic que vous avez mentionné, est-ce que vous

4 savez quelle était son appartenance ethnique, quelle est son appartenance

5 ethnique ?

6 R. Il était Serbe de Croatie. Je pense qu'il était issu aussi d'un mariage

7 mixte. Je ne me souviens pas exactement. Il considérait qu'il était Serbe

8 de Croatie.

9 Q. S'agissant de ce que vous venez de dire, Serbe de la Croatie, d'autres

10 détails portant sur l'appartenance ethnique. Est-ce que vous savez quelle

11 était la structure nationale des officiers supérieurs hiérarchique au sein

12 de la JNA ?

13 R. Il s'agit là d'une question difficile, car je ne connais pas les

14 chiffres par cœur. Puis, il est difficile de répondre aussi, car cela

15 dépend de la partie des officiers auxquels vous faites référence. Bien sûr,

16 les recrues représentées, les jeunes hommes de la Yougoslavie, de manière

17 tout à fait proportionnelle par rapport à l'existence au sein du pays, donc

18 sur ce plan, l'armée était totalement intégrée.

19 Les officiers de bas niveau avaient tendance à être dominés par les

20 Serbes et les Monténégrins qui, traditionnellement, étaient plus attirés

21 par une carrière au sein de l'armée que ce l'était le cas pour d'autres

22 peuples des Slaves du sud. Au niveau plus supérieur, l'armée représentait

23 de nouveau la population générale yougoslave. La proportion des généraux

24 croates était plus ou moins équivalente à celle des Serbes, Monténégrins,

25 Musulmans de Bosnie, Slovènes, et cetera. Exception faite, exception

26 notable faite, au sujet des Albanais, car il y avait peu de hauts officiers

27 albanais. Cependant, il y en avait.

28 L'une des raisons pour laquelle les Serbes et les Monténégrins

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1 étaient prédominants au niveau moyen de l'armée, comme je l'ai dit, c'était

2 la tradition selon laquelle les gens allaient plus souvent dans l'armée au

3 sein de ces populations-là, notamment les jeunes hommes qui venaient des

4 régions relativement pauvres, puis aussi du fait que l'armée avait une

5 grande bureaucratie qui se situait surtout à Belgrade. Bien sûr, les

6 officiels qui portaient les uniformes étaient Serbes de manière

7 disproportionnée par rapport aux autres.

8 Q. Monsieur Wheeler, hier vous avez dit qu'il n'était pas bien vu, en

9 1991, d'être Yougoslave ou de défendre les positions yougoslaves. Est-ce

10 que vous pouvez expliquer, car hier, vous avez expliqué cela, mais tout

11 n'est pas resté tout à fait clair. Qui était dérangé par cela, quelle

12 force, quelle structure ?

13 R. Il est nécessaire de tenir compte du fait qu'une orientation pro-

14 yougoslave a souffert en raison du déclin général de l'économie de l'Etat

15 yougoslave et de l'ordre politique après le départ de Tito. L'Etat

16 yougoslave n'était plus en mesure de fournir aux citoyens ce qu'un état est

17 censé fournir, à savoir, le sentiment de la prospérité, de la sécurité, une

18 économie qui fonctionne, l'ordre politique, le système en qui les gens

19 peuvent avoir confiance. Autrement dit, le régime socialiste était en train

20 de perdre sa légitimité. Compte tenu que c'était le cas, l'Etat commun

21 représenté par ce régime socialiste perdait sa légitimité également.

22 J'ai remarqué qu'il était très mal vu d'être pro-Yougoslave en 1991.

23 Lorsque que je l'ai dit, il faut tenir compte du fait que de nombreuses

24 personnes se déclaraient comme Yougoslaves lors du recensement en 1991, et

25 que leur nombre avait chuté par rapport à l'année 1981, c'est-à-dire,

26 immédiatement après la mort de Tito, lorsque les gens se sentaient menacés

27 sur le plan patriotique. En 1971, il y avait très peu -- il y avait un

28 grand nombre de personnes pro-Yougoslaves en raison de la menace de

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1 l'invasion russe contre la Tchécoslovaquie.

2 Donc, en 1991, il y avait moins de gens qui se déclaraient comme

3 Yougoslaves, mais l'Etat yougoslave était en train de disparaître. Bien

4 sûr, qu'il y avait moins de gens qui se sentaient pro-Yougoslaves. Je

5 souhaite dire que beaucoup de personnes ne pensaient pas qu'il ne fallait

6 pas qu'il y ait de Yougoslavie, mais ils souhaitaient une autre forme de

7 Yougoslavie. Le problème, c'est que la Yougoslavie que les Serbes, les

8 Croates, les Slovènes, les Macédoniens, les Bosniaques, et cetera,

9 souhaitaient peut-être, n'est jamais devenue la même Yougoslavie. Ils

10 n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur la Yougoslavie qu'ils

11 souhaitaient.

12 Q. Ce qui m'intéresse, Monsieur Wheeler, est de savoir où,

13 géographiquement parlant, il était plus mal vu de se déclarer comme

14 Yougoslave ? Est-ce que c'était en Croatie ? Est-ce que c'était en Bosnie-

15 Herzégovine ou en Serbie-et-Monténégro ? Où est-ce que cela dérangeait le

16 plus si l'on se considérait comme Yougoslave ?

17 R. Il n'y a aucun doute, que le type de Yougoslavie qui existait en 1990-

18 1991 était le moins populaire parmi les Slovènes et les Croates. Les

19 Macédoniens et la plupart des gens de la Bosnie-Herzégovine faisaient tout

20 afin de maintenir la Yougoslavie dans un nouveau format. Bien sûr, ceux qui

21 propageaient le plus l'idée d'une nouvelle Yougoslavie, c'était les gens du

22 gouvernement serbe de Belgrade et leurs acolytes à Titograd ou Novi Sad ou

23 ailleurs, d'ailleurs à Pristina, qui propageait l'idée d'un différent type

24 de Yougoslavie, une Yougoslavie hautement centralisée.

25 Q. Vous avez dit que le 25 juin, la Slovénie et la Croatie avaient déclaré

26 leur indépendance. Est-ce que vous savez, dans leur déclaration

27 d'indépendance, de quelles lois régissait-on les relations s'agissant de la

28 Croatie notamment ? Je ne parle pas pour le moment de la Slovénie. Quel

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1 était le rapport des Croates au sujet de leurs représentants et s'agissant

2 de leur participation dans les organes de l'Etat fédéral qui existait

3 encore et où ils étaient des représentants de l'Etat croate ?

4 R. Les représentants croates étaient censés se retirer.

5 Q. Est-ce que cela veut dire qu'il s'agissait là, encore une fois, d'une

6 manière de faire cesser cette fois-ci, de manière de jure, une entité qui

7 s'appelait la République socialiste fédérative de la Yougoslavie ?

8 R. Oui, certainement.

9 Q. Monsieur Wheeler, vous avez eu l'occasion de vous pencher sur la

10 déclaration portant sur la déclaration de l'Etat souverain et indépendant

11 de Croatie, qui a été publiée dans le journal officiel numéro 31, à la page

12 850, à la date du 25 juin 1991.

13 Au premier paragraphe de cette déclaration, il était écrit : "Se fondant

14 sur 13 siècles de tradition d'Etat, l'Etat croate a gardé la conscience sur

15 son intégrité territoriale et l'indépendance de l'Etat croate." Vous, en

16 tant qu'historien, est-ce que vous pouvez m'expliquer cette référence aux

17 13 siècles de tradition d'Etat, donc tradition de 13 siècles ? Je ne dis

18 pas que cela vient du XIIIe siècle, mais que cela durait 13 siècles. Quels

19 sont les 13 siècles de cette tradition de l'Etat croate ? De quoi s'agit-

20 il ? Car ce dont j'ai entendu parlé, de votre part hier, est tout à fait

21 différent.

22 R. La référence contenue dans la déclaration d'indépendance croate portant

23 sur la tradition de 13 siècles de tradition étatique, correspond à des

24 idées floues et mythiques très en vue parmi toutes les populations de

25 l'Europe de l'Est. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait aucune tradition

26 d'Etat croate. L'idée était pertinente -- mais l'idée que ceci soit

27 pertinent, dans les circonstances de l'année 1991, est absurde, bien sûr.

28 Ce qui est important de savoir dans ce contexte est, bien sûr, qu'il

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1 n'y avait pas de nation de peuple croate. Les Etats croates existaient et

2 disparaissaient, mais il s'agissait des Etats qui n'étaient pas des Etats

3 du peuple ou de la nation croate avant le XIXe siècle. Car il n'y avait pas

4 de nation croate. Il n'y avait pas de nation française. Il n'y avait de

5 notion de la nation. Il n'y avait pas de nation serbe. Cette idée des

6 nations a été créée au cours du XIXe siècle. Donc, ce qui est pertinent,

7 c'est que les Croates se considéraient comme une seule nation à partir des

8 années 1830 environ. La déclaration d'indépendance n'aurait pas dû se

9 référer à cela.

10 En même temps, il s'agissait d'une référence à une tradition

11 médiévale glorieuse, alors qu'en réalité, c'est peu glorieux et d'habitude

12 obscure. Mais il s'agit du type de rhétorique utilisée par la plupart des

13 populations.

14 Q. Il s'agit d'une sorte de marketing politique, n'est-ce pas ?

15 R. Tout à fait.

16 Q. Merci. Monsieur Wheeler, vous avez dit hier que la Croatie était

17 reconnue en tant qu'Etat indépendant par l'Union européenne, si je ne me

18 trompe, en février 1992. Peut-être que je me trompe.

19 R. Oui, c'était janvier.

20 Q. Janvier, c'est cela.

21 R. C'était à la mi-janvier. L'effet de cela était gâté dans une grande

22 mesure au sein des Etats, de la plupart des Etats de l'Union européenne, en

23 faisant du fait que les Allemands avaient annoncé en avance qu'ils allaient

24 le faire. En fait, les Allemands l'ont fait un mois auparavant. Nous avons

25 parlé des raisons pour lesquelles les Allemands considéraient que ceci

26 apporterait une solution pacifique à la guerre.

27 Q. Puisque vous avez mentionné cela, Monsieur Wheeler, je vais vous poser

28 une autre question. La motivation des Allemands est qu'ils considéraient

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1 que ceci allait apporter une solution pacifique. Mais, ma question est la

2 suivante : est-ce que c'était la seule motivation des Allemands ou est-ce

3 qu'ils souhaitaient éventuellement récompenser la Croatie en raison de leur

4 apport issu de la Première Guerre mondiale, de la Deuxième Guerre mondiale,

5 et cetera ? Qu'est-ce qui a motivé l'Allemagne de se séparer dans ce sens

6 de l'Union européenne et de proclamer la reconnaissance de manière

7 unilatérale ? Est-ce qu'il y avait des raisons historiques ou la seule

8 raison était-ce seulement le fait que les Allemands allaient reconnaître la

9 Croatie, et c'est ainsi que la guerre allait s'arrêter et est-ce que ceci

10 n'a pas abouti à un résultat justement contraire à celui qui était

11 escompté ?

12 R. Les Allemands favorisaient de manière ferme la reconnaissance de la

13 réalité de l'indépendance slovène et croate, car comme je l'ai dit, ils

14 considéraient que, pour ce qui est de la Croatie, ceci allait contribuer à

15 ce que la guerre cesse, mais il y avait d'autres raisons bien sûr aussi.

16 Tout d'abord, il y avait un sentiment extrêmement fort et positif au sein

17 de la population en Allemagne en faveur de la reconnaissance de

18 l'indépendance croate et ceci n'a rien à voir avec leur alliance pendant la

19 Deuxième Guerre mondiale concernant laquelle la plupart des Allemands ne

20 savaient rien, mais c'était plus lié au fait que les Allemands

21 bénéficiaient, dans une grand mesure, du processus de l'autodétermination

22 nationale. Je fais référence à l'unification de l'Allemagne de l'Est et de

23 l'Ouest puisque les Allemands croyaient en ce principe du droit des peuples

24 de disposer d'eux-mêmes, ils considèrent que ce principe devait s'appliquer

25 aux Croates et aux Slovènes.

26 Vous me demandez si cette reconnaissance n'est pas devenue

27 responsable de ce qui s'est passé et je pense que c'était responsable ou

28 cela aurait pu être responsable, peut-être si la communauté internationale,

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1 y compris l'Allemagne, avaient pris des mesures à temps qui allaient

2 empêcher ce qui allait se répandre au-delà des frontières et provoquer une

3 guerre en Bosnie-Herzégovine, ceci aurait été plus audacieux.

4 La reconnaissance de la Croatie était correcte, mais en même temps,

5 il s'agissait d'une invitation à la guerre en Bosnie-Herzégovine qui est

6 devenue, bien sûr, la pire des guerres yougoslaves de sécession, par la

7 suite.

8 Q. Tout à l'heure, référence a été faite à l'organe collectif qui

9 dirigeait l'Etat et M. Mesic a pris ses fonctions avec l'aide de l'Union

10 européenne. Voici ce qui m'intéresse, vous avez mentionné l'Allemagne et le

11 fait que l'Allemagne avait un intérêt afin d'aider l'indépendance de la

12 Croatie et l'indépendance de la Slovénie, vous pensez qu'ils avaient

13 raison, ils les aidaient.

14 Est-ce que vous avez des connaissances, est-ce que vous savez si

15 d'autres pays ou services ou organisations étrangères aidaient à ce

16 processus visant à permettre à la Croatie de faire sécession par rapport à

17 la communauté appelée la République socialiste fédérative de Yougoslavie ?

18 R. Il y avait d'autres Etats européens qui voyaient d'un bon œil l'idée de

19 l'indépendance de la Croatie parmi lesquels l'Autriche. Je savais qu'il

20 existe encore beaucoup de personnes à la fois en ex-Yougoslavie et à

21 l'étranger qui aimeraient croire qu'il y avait d'autres forces qui ont

22 participé à cela, peut-être des services de Renseignements différents ou le

23 Vatican, mais je n'ai pas vu tellement de preuves corroborants cela. Il

24 n'est pas nécessaire d'inventer des complots. La situation sur le terrain

25 était suffisamment mauvaise en elle-même et avait le potentiel de produire

26 le résultat qu'elle a produit.

27 Q. Etes-vous au courant des réunions tenues entre M. Franjo Tudjman et M.

28 Slobodan Milosevic au sujet justement de la Bosnie que vous avez

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1 mentionnée, au sujet des discussions portant sur le partage de la Bosnie

2 qui était censée être l'une des manières permettant d'empêcher le début

3 d'un conflit qui était imminent et qui se sentait déjà dans l'air ?

4 R. Absolument, la rencontre la plus célèbre entre Milosevic et Tudjman a

5 eu lieu à Karadjordjevo, fin mars 1990. Excusez-moi, c'était en 1991. Bien

6 sûr, ils ont parlé du partage de la Bosnie-Herzégovine, ce qui nous ramène

7 à la notion de l'importance de Banovina de 1939. Tudjman considère que la

8 Croatie en 1991 et 1992 devait disposer de tout ce dont disposait la

9 Croatie en 1939, alors qu'apparemment Milosevic amenait Tudjman à croire

10 qu'un accord avait été conclu, mais presque certainement, il s'agissait

11 simplement de ce qui restait dans l'esprit de Tudjman.

12 Nous n'avons pas de transcription sténographique portant sur ce qui

13 s'est passé et ce qui a été dit à Karadjordjevo, mais nous pouvons

14 simplement nous fonder sur la mémoire des gens qui ont entendu parler de

15 cela immédiatement après la réunion de M. Tudjman. Je ne me souviens pas si

16 Jovic en a parlé dans son livre. Donc, nous ne savons pas exactement ce qui

17 a été décrit, mais certainement Tudjman est parti en croyant que lui et

18 Milosevic allaient partager la Bosnie-Herzégovine et que, par conséquent,

19 il n'y avait plus de raisons d'avoir une guerre ou que la guerre éclate de

20 manière sérieuse en Croatie.

21 Tudjman était un ancien général de la JNA et il lui était toujours

22 très difficile de concevoir une quelconque idée de vraie guerre avec la

23 JNA. Il essaie toujours de trouver un moyen d'éviter des confrontations

24 militaires ouvertes, au moins au cours de cette phase-là.

25 Q. Vous avez tout à fait raison, M. Wheeler, il n'y a pas de sténogramme

26 portant sur cela, mais il y a une interview de Stjepan Mesic qui mentionne

27 cela, mais je ne vais pas entrer dans ces détails-là portant sur cet

28 entretien et les paroles injurieuses que M. Mesic et son interlocuteur ont

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1 échangées au cours de cet entretien. Il sera question de cela une autre

2 fois.

3 M. BULATOVIC : [interprétation] Il me reste quelques minutes avant la pause

4 et il me reste encore un autre sujet que je traiterai dans l'espace d'une

5 demi-heure, 45 minutes. Je pense que le moment est opportun pour procéder à

6 une pause.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Maître Bulatovic. Nous

8 allons reprendre notre travail dans 20 minutes.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

10 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Bulatovic, vous avez la parole.

12 M. BULATOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Poursuivons, Monsieur Wheeler. Nous avons parlé de la JNA, des insignes

14 qu'elle portait, de son rôle en vertu de la constitution. Voici ce que

15 j'aimerais savoir : vous avez sans doute vu dans les documents que vous

16 avez consultés et autrement, vous savez quelle fût l'attitude de la

17 Croatie, de sa population et des représentants de l'Etat de Croatie par

18 rapport à la JNA sur le territoire de la République de Croatie. Comment les

19 Croates ont-ils perçu la JNA ? Avaient-elle de la sympathie, de

20 l'antipathie envers elle ? Pourriez-vous nous le dire ?

21 R. L'attitude de la Croatie, que ce soit celle du gouvernement de Tudjman

22 à Zagreb ou l'attitude de la population, est devenue de plus en plus

23 hostile à l'égard de la JNA. A partir de 1990, en 1991, elle était plus

24 hostile aussi en 1991. Mais en Croatie, comme d'ailleurs dans les médias

25 internationaux, on avait tendance à vouloir croire en 1990 et au début de

26 1991 que la JNA ferait preuve d'équité et lorsqu'elle s'interposait dans

27 des situations qui auraient pu déboucher sur un affrontement armé, qu'elle

28 serait juste. L'expérience a infirmé ceci. Autrement dit, loin d'être un

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1 élément pacificateur dans des conflits régionaux, par exemple, dans la Lika

2 ou à Knin, l'armée a eu tendance à prendre parti, à se ranger du côté des

3 habitants serbes. Par conséquent, les attentes qu'avaient les villageois

4 croates ou le gouvernement de Zagreb à l'égard de l'armée, ont été de plus

5 en plus marquées par l'hostilité.

6 Q. Vous souvenez-vous de l'attaque dirigée contre la JNA à Split le 6 mai

7 1991 ? Ce jour-là, un soldat de la JNA a été étranglé devant des caméras de

8 télévision ? C'était un soldat macédonien.

9 R. Oui, je m'en souviens très bien.

10 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'incidents survenus au tribunal

11 militaire de Zagreb ? Est-ce que vous vous souvenez du siège des casernes

12 de Bjelovar et de Varazdin ? Est-ce que vous pourriez expliciter ce

13 phénomène, le moment où il y a eu des attaques dirigées contre les

14 installations de la JNA ?

15 R. Oui. Tudjman avait pris une décision qui était de ne pas combattre la

16 JNA, mais pour essayer de la rendre impuissante. Par exemple, les casernes,

17 là où il n'y a pas contrôle du gouvernement, constituaient une de ses

18 stratégies principales. Ceci avait pour objectif d'empêcher le

19 fonctionnement de la JNA, ses actions. Ces mesures voulaient également

20 s'opposer à l'armée. Il y avait une Croatie qui était en grande partie sans

21 armes; il fallait pouvoir assurer les activités de cette population tout en

22 essayant de gagner les sympathies de l'étranger.

23 A ce moment-là, à l'inverse d'autres membres du gouvernement, Tudjman

24 était très opposé à l'idée d'une confrontation directe avec l'armée. Il a

25 eu recours, en lieu et place de cela, à une stratégie de siège des casernes

26 et donc de l'armée.

27 Q. Le 5 mai, Franjo Tudjman a lancé un appel à l'économie croate pour

28 qu'elle passe à la fabrication d'armes de façon à lutter contre la JNA;

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1 êtes-vous au courant de cela ?

2 R. Je ne me souviens pas de cet appel-là en particulier, cependant je me

3 souviens d'images publiées à l'époque dans la presse. On voyait des chars

4 de fabrication artisanale, c'était assez amusant. Effectivement, il y avait

5 des tentatives en Croatie qui visaient à obtenir des armes par tous les

6 moyens possibles.

7 Q. Nous avons ce rôle constitutionnel, la constitution était toujours de

8 vigueur. Nous avons également l'existence de jure d'une communauté d'état

9 qui s'appelle encore République fédérative socialiste de Yougoslavie. Nous

10 avons l'armée, nous avons des installations militaires sur le territoire de

11 cette communauté d'Etat. Nous avons des membres de la JNA qui travaillent

12 dans ces locaux, dans ces installations. On en voit étranglés à Split, on

13 assiège les casernes, on coupe l'électricité, le téléphone, l'eau. Il n'y a

14 pas de vivres qui est distribuée. Est-ce que l'armée, dans une telle

15 situation, a le droit légitime d'utiliser les pouvoirs qu'elle a pour

16 essayer de lever le siège de ses casernes et pour y aider les membres de

17 ses unités qui y sont casernés dans une situation qui, finalement, nous

18 donne un résultat ne fonctionne pas ?

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Weiner.

20 M. WEINER : [interprétation] Nous nous trouvons ici une fois de plus dans

21 le domaine des questions constitutionnelles. On demande ce qu'est censée

22 faire l'armée face à une telle situation ? Il semblerait que la question

23 cherche à savoir quelle est la base juridique. Ce n'est pas là la tâche qui

24 revient à un historien.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Bulatovic, qu'en pensez-vous ?

26 M. BULATOVIC : [interprétation] Je suis tout à fait conscient de ce que dit

27 M. Weiner. Cet expert n'est pas un expert en matière constitutionnelle. Je

28 ne cherchais pas, en posant ma question, à voir quels étaient les

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1 fondements juridiques permettant l'intervention de l'armée; je pose la

2 question à un historien qui a suivi du près tous ces événements. Je lui

3 demande de nous donner sa vision historique, avec le recul d'un historien,

4 des événements qui se sont produits. Je lui demande son avis. Je lui

5 demande s'il a des informations, des connaissances à propos de

6 l'intervention de l'armée et des raisons de cette intervention s'il y en a

7 une. Je ne demandais pas à M. Wheeler de répondre à des questions

8 constitutionnelles ou des questions d'ordre juridique. Si je pose cette

9 question, c'est que M. Wheeler a dit avoir lu la constitution. Ceci étant,

10 il peut effectivement répondre aux questions que j'ai posées.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Bulatovic, de l'avis de la

12 Chambre, votre question, de façon assez imprécise, cherchait à sonder ces

13 questions d'ordre constitutionnel, mais aussi à voir quels étaient les

14 mérites ou quelles étaient les options permettant une action quasi

15 politique de la part de forces militaires. Effectivement, ceci semble

16 dépasser le cadre des connaissances d'expert de M. Wheeler. Il faudra peut-

17 être que vous nous posiez à nous cette question, et que vous vous inspiriez

18 de notre réponse à un stade ultérieur de la procédure.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Me permettez-vous de formuler un avis.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne préfère pas.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 M. BULATOVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Wheeler, nous avons parlé d'une armée qui s'appelait l'armée

25 populaire yougoslave; JNA. Parlons maintenant de l'armée de Croatie. Quand

26 a-t-elle été constituée, et comment se composait-elle ? Quelles sont vos

27 informations à ce sujet ?

28 R. Je ne sais pas grand-chose à propos du processus exact établissant

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1 l'armée croate. Bien sûr, sa première forme a été celle de la Garde

2 nationale; ZNG. Je pense qu'elle a été constituée en

3 août 1991. Fin 1991, il y avait officiellement une armée croate. Si vous

4 voulez, c'était un processus de renforcement et d'évolution vers ce que

5 l'on peut appeler définitivement une armée croate. Processus, bien sûr,

6 facilité par la contrebande d'armes, par la désertion des recrus,

7 d'officiers croates, mais aussi d'autres citoyens yougoslaves qui ont

8 désertés la JNA. Parallèlement, Tudjman constituait ou cherchait à

9 constituer la base d'une armée, mais il a aussi créé des unités spéciales

10 au sein de la police. Cela a été sa première tentative. Puis, il y a le

11 ZNG, et fin 1991, troisième étape, nous avons une armée croate à proprement

12 parler; vers la fin de 1991.

13 Q. Le HOS a été mentionné. Qu'est-ce que c'était le HOS ?

14 R. Ce HOS, c'était une formation paramilitaire connue pour l'uniforme noir

15 qu'elle portait, qui rappelait l'uniforme des Oustachi. Cette unité, en

16 tout cas, était censée être loyale au Parti des Droits. C'était une épine

17 dans l'œil de Tudjman, parce qu'elle échappait à son contrôle. Elle

18 semblait avoir un zèle légal dans la persécution des gens, surtout des

19 Serbes, que dans la défense d'un Etat indépendant de Croatie.

20 Q. C'étaient des gens qui étaient adhérents ou fidèles au Parti croate des

21 Droits. Est-ce que c'est le parti de Starcevic ou est-ce que c'est, disons,

22 l'aile radicale du parti ?

23 R. Starcevic, il était mort depuis un siècle. C'était un parti radical qui

24 était censé avoir repris son héritage. Il avait, à ce moment-là, à sa

25 tête, Dobroslav Paraga.

26 Q. Page du compte rendu 36, ligne 13, on voit "Praga." En fait, le nom de

27 cet homme est Paraga, n'est-ce pas ?

28 Monsieur Wheeler, je sais que M. Starcevic, il était mort, et que l'on

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1 parle ici du Parti croate des Droits de 1861. Ici, je parle de Paraga. Le

2 secrétaire de ce parti, est-ce que c'était Ante Pavelic dont nous avons

3 déjà parlé; pas du temps de Paraga, mais bien sûr, d'une période

4 précédente ? Nous parlons ici du parti initial qui a été le fondement de la

5 création de ce nouveau parti.

6 R. Oui. Ante Pavelic - là, c'est quelque chose de compliqué. Pourquoi ?

7 Parce qu'il y avait plusieurs tendances ou mouvances dans ce mouvement de

8 Pravastvo en Croatie. Il y avait notamment ceux qui s'affirmaient être les

9 descendants de Starcevic et il y avait notamment dans cette tendance, dans

10 cette mouvance, le parti dont venait Pavelic. Là, nous parlons des années

11 1920.

12 Q. Vous avez déjà parlé de la façon dont étaient armées ces formations

13 croates. Vous avez parlé d'achat illégal d'armes. Qui a participé à ces

14 ventes d'armes illégales ? Je pense à la Hongrie, mais avez-vous eu

15 connaissance d'autres pays ou d'autre filières permettant l'acheminement de

16 ces armes, l'achat illégal de ces armes par les forces croates ?

17 R. La filière la plus souvent mentionnée à l'époque était sans nul doute

18 la filière hongroise. Dans la foulée de l'effondrement du pacte de

19 Varsovie, il y a eu, bien entendu, une quantité énorme d'armements qui

20 était disponibles à la vente dans toute l'Europe de l'Est. Le régime croate

21 n'a eu aucune difficulté à se procurer ces armes. Aidé en cela, bien

22 entendu, par les éléments droitistes, disons, ou de droite, dans la

23 diaspora croate du monde. De l'argent était disponible. On peut supposer

24 que cette diaspora envoyait-elle aussi des armes à la mère patrie en

25 Croatie.

26 Q. Avez-vous des informations sur le fait que l'armée croate s'est

27 procurée des armes, notamment en prenant les armes de casernes qui avaient

28 été assiégées, une fois que ces casernes ont été abandonnées par les

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1 membres de la JNA, armes utilisées pour combattre ces mêmes forces de la

2 JNA ?

3 R. Je n'ai pas de connaissance allant dans ce sens, mais cela semble

4 marquer du coin du bon sens. Il est raisonnable que ceci ait été fait. Je

5 ne serais pas du tout surpris que des armes ou armements laissés après un

6 repli négocié de la JNA de diverses casernes, de divers camps, aient été

7 saisis par ces forces croates qui étaient en train de se former. Ce serait

8 logique que ces nouvelles forces le fassent ou l'aient fait.

9 Q. Qu'est-il advenu de ces armes après le retrait de la JNA de la

10 Slovénie; ce retrait s'est fait en passant par la Croatie. Un convoi a été

11 attaqué et les forces armées croates ont confisqué 105 wagons remplis

12 d'armes et d'autres armements, ce qui a été conservé par les forces armées

13 croates. Etes-vous au courant de cela ?

14 R. Je ne me souviens pas de cet incident-là en particulier. Je vous ai

15 déjà répondu que je n'étais pas du tout surpris ou je ne serais pas du tout

16 surpris qu'ils l'aient fait. Ce genre d'armements que ces forces auraient

17 pu confisquer à la JNA, était considéré comme ayant déjà été payé en partie

18 par les contribuables croates au cours des années précédentes, et ces

19 forces estimaient en être les propriétaires légitimes.

20 Cela, c'est vrai pour chacun des peuples de Yougoslavie. Nous avons

21 notamment que les Slovènes ont démarré au quart de tour. Lorsqu'ils ont mis

22 en place leur propre armée, ils ont saisi des armes, des arsenaux de la

23 Défense territoriale.

24 Les Croates n'ont pas été aussi agiles. Ils devaient rattraper le

25 temps perdu et acquérir par tous les moyens les armes qui leur semblaient

26 nécessaires.

27 Q. Savez-vous qu'il existait un accord entre la Slovénie et la Croatie

28 portant défense conjointe -- défense commune face à la JNA, accord signé en

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1 avril 1991 ? Kucan était le signataire. Du côté slovène, Tudjman pour les

2 Croates. Vous êtes au courant ?

3 R. Oui. Cela a fini par être un accord que personne n'a respecté ni

4 appliqué.

5 Q. Savez-vous pourquoi ?

6 R. Je dirais de façon concise; intérêts d'état, intérêts nationaux. Car il

7 aurait été impossible, voire dangereux que la Croatie soutienne ou offre

8 son soutien à la Slovénie au cours de la guerre des dix jours, fin juin,

9 début juillet. Dangereux pour la Slovénie de soutenir après la Croatie,

10 lorsque le centre de la guerre, lorsqu'il y a eu un déplacement de ces

11 activités de guerre pour passer de la Slovanie en Croatie en juillet.

12 Vous savez, les deux capitales ne s'aimaient pas beaucoup même si on

13 dit souvent, qu'au moins, les Croates, fin juin 1991, avaient cherché à

14 stopper des colonnes de la JNA pour qu'elles ne passent pas de la Croatie

15 en Slovénie. Je crois, que de toute façon, ceci n'avait pas grande

16 importance, puisqu'il y avait déjà beaucoup d'effectifs de la JNA se

17 trouvant à l'intérieur même de la Slovénie.

18 Q. Cet accord en vue d'une défense commune que signe la Slovénie et la

19 Croatie en avril 1991, l'intervention de la JNA après cela en Slovénie,

20 c'est à ce moment-là qu'il y a intervention, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Si c'est le cas, est-ce que ceci ne veut pas dire que la Slovénie et la

23 Croatie ont délibérément préparé cet accord de façon à ainsi s'organiser de

24 façon à se défendre face à une attaque qui se préparait déjà, alors que, et

25 c'est incontestable à l'époque, la présidence de la RSFY discutait. Puis,

26 nous avons cet incident qui survient.

27 Alors, pour vous, qu'est-ce qui avait comme motif poussant à la

28 signature d'un accord de défense commune alors qu'il n'y avait pas

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1 d'attaques qui se déroulaient à ce moment-là ? Nous parlons d'avril 1991.

2 Pourquoi un accord quand il n'y a pas d'attaques ?

3 R. L'objectif premier - là, c'est une supposition que j'émets - l'objectif

4 premier était sans doute à effet dissuasif pour empêcher ce genre

5 d'attaques, pour empêcher ou dissuader la JNA. Parce qu'il y avait, à ce

6 moment-là, une menace de défense plus importante s'ils étaient deux. Peut-

7 être que c'était pour encourager, pour avoir un effet de soutien du moral

8 des populations slovènes et croates, pour donner l'impression à ces

9 populations qu'elles étaient davantage en sécurité s'il y avait un tel

10 accord, accord qui, je le répète, n'a pas été appliqué ni respecté.

11 Q. Alors, je vous demande ceci : expliquez-moi, s'il vous plaît. Nous

12 avons la date d'avril 1991. La Slovénie, de quelle force armée disposait-

13 elle, et la Croatie, de quelle armée disposait-elle si elle cherchait un

14 accord de défense commune ? De quoi allaient-elles se servir pour se

15 défendre ? J'essaie de dire ici, qu'apparemment, la Slovénie et la Croatie

16 n'ont pas d'armée, n'ont pas d'équipement, de matériel, de force armée.

17 R. Lorsque arrive le mois d'avril 1991, les Slovènes avaient, disons, une

18 armée embryonnaire, puisqu'elle avait réussi à prendre les armes, les

19 dépôts d'armes de la Défense territoriale avant que ne le fasse la JNA.

20 Bien sûr, la Croatie n'avait rien. Vous l'avez dit. Il y avait des

21 effectifs de police dans lesquels Tudjman ne croyait pas vraiment, et ce

22 n'était que les premiers efforts déployés pour créer un embryon d'armée.

23 C'est la raison pour laquelle je dis que l'objectif premier recherché par

24 cet accord, c'était l'effet dissuasif qu'il pouvait avoir et le fait de

25 donner un coup de fouet au moral de la population.

26 Q. Monsieur Wheeler, je n'ai pas dit que les Croates n'avaient rien. Que

27 du contraire. Je pense qu'ils avaient beaucoup de moyens, mais cela a été

28 simplement présenté comme si les Croates n'avaient pas grand-chose. De

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1 toute façon, est-ce que vous savez qu'il y a eu une réunion de la

2 présidence au grand complet, tous les membres étaient présents, tous ceux

3 qui étaient censés participer ont participé. Elle s'est tenue le 12 juillet

4 1991 à Belgrade. Une des conclusions à l'issue de cette réunion de la

5 présidence a été de désarmer les formations paramilitaires se trouvant sur

6 le territoire de la Croatie; le saviez-vous ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que cela s'est fait finalement ? Si cela ne s'est pas fait,

9 pourquoi pas ? Qui a empêché l'application de cette décision prise par le

10 commandement Suprême ?

11 R. Cette décision n'était pas une décision prise de bonne foi par les

12 protagonistes principaux. Que ce soit les représentants Serbes ou Croates,

13 aucun d'entre eux n'avait l'intention de l'appliquer. On peut s'imaginer

14 que les représentants de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine auraient

15 vraiment voulu croire à la réalité d'une telle décision, mais arrivé le

16 mois de juillet 1991, ni les Serbes, ni les Croates parmi ces représentants

17 n'agissaient de bonne foi. C'est un peu comme la réunion de la présidence à

18 cette date-là. Elle se tenait uniquement pour faire plaisir à la communauté

19 internationale, surtout à la Communauté européenne.

20 Q. Vous dites que ni les Croates, ni les Serbes, n'agissaient de bonne

21 foi, ne voulaient vraiment une telle décision. Jusqu'à présent, dans le

22 contexte dont nous avons parlé, s'agissant des représentants de la JNA,

23 nous savons qu'il y a un représentant de la JNA qui a prôné le maintien de

24 cet Etat commun. Est-ce que cette décision aurait été véritablement,

25 sincèrement appuyée si on lui avait donné la moindre chance d'être

26 appliquée ?

27 R. Je ne le sais pas, je ne peux pas en être sûr non plus, mais à ce

28 stade-là, je pense que cela aurait été fort improbable, qu'on ait voulu

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1 appliquer ce genre de décisions sur le terrain, dans les faits. En tout

2 cas, pour les unités militaires serbes. Sans doute voulait-on l'appliquer

3 pour ce qui est des unités paramilitaires non-serbes.

4 Q. Revenons à un des sujets que nous avons abordés auparavant. Nous avions

5 une unité paramilitaire, les chemises noires du HOS, les uniformes noirs

6 avec des insignes oustachi, le damier. Je ne sais pas si je vous ai posé

7 cette question, mais nous avons une tradition historique aussi. Nous avons

8 le génocide des Serbes et des Juifs. Qu'en est-il de la panique qui régnait

9 en Slovénie orientale ? Peut-être qu'elle a été attisée par les militaires,

10 mais était-elle justifiée ?

11 R. Nous en avons parlé hier, et j'en conviens, il y avait beaucoup de

12 peurs justifiées, que ce soit parmi les Serbes ou parmi les Croates de la

13 Slovénie orientale, mais aussi au sein des minorités nationales. Je veux

14 dire, la peur était tangible.

15 Pour ce qui est du HOS, Tudjman voulait vraiment s'en débarrasser, il

16 a d'ailleurs pris des mesures dans ce sens. Au cours de l'été 1991, pour se

17 débarrasser des paramilitaires de Mercep, même si ceci a fini par, au

18 contraire, promouvoir Mercep au ministère de l'Intérieur. Quoi qu'il en

19 soit, des forces qui n'étaient pas disciplinées, ce n'était pas quelque

20 chose que voulait le gouvernement de Tudjman, mais je suppose qu'au début,

21 ces forces étaient considérées utiles mais après, elles n'ont pas vraiment

22 répondues aux besoins et, effectivement, tous les attributs oustachi du HOS

23 ont beaucoup gêné le gouvernement de Tudjman. Vous avez parlé aussi de ce

24 symbole du damier croate, mais personnellement, je n'ai compris pourquoi

25 l'utilisation de ce Sahovnica, de ce damier dans le nouveau drapeau croate,

26 l'importance qu'on lui a donné, pourquoi cela aurait dû choquer qui que ce

27 soit, parce que ce damier se trouvait dans le blason de la République

28 socialiste de la Croatie depuis 1946. Maintenant, elle prenait une place

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1 plus importante, c'était, je suppose, parce que le régime de Tudjman avait

2 une connotation, une substance un peu plus nationaliste, mais pourquoi ceci

3 a choqué les Serbes, je ne comprends pas du tout.

4 Q. Monsieur Wheeler, outre le damier, savez-vous si le HOS a repris

5 d'autres signes distinctifs permettant un lien avec le mouvement oustacha

6 dans l'uniforme du HOS ?

7 R. Je pense que certains individus aimaient arborer le "U," "U" des

8 Oustachi à l'uniforme, et ils aimaient faire des choses dont on savait que

9 les Oustachi ne faisaient pas. Ils portaient beaucoup de chapelets, mais je

10 ne me souviens pas d'autre chose.

11 Q. Je ne sais pas de quel chapelet on parle, est-ce que vous pourriez nous

12 donner des explications ?

13 R. Je parle du chapelet, du chapelet catholique, les grains du chapelet

14 qu'on égraine lorsqu'on fait ses prières à Marie. Ce sont devenus des

15 symboles ostentatoires de la religiosité qui allait de pair avec cette

16 vague de nationalisme croate et aussi ils aimaient avoir des lunettes

17 solaires. Ils n'étaient pas beaux à voir, ces hommes du HOS.

18 Q. Nous avons la JNA, nous avons la TO. Vous dites que la Slovénie s'est

19 emparée des armes de la TO alors que la Croatie l'a fait tardivement. Ce

20 qui était fait, était fait. Parlons du rôle de la TO dans ce système de

21 défense, savez-vous quel était ce rôle ?

22 R. C'était fonction des rapports qu'avait la Défense territoriale avec la

23 JNA, et c'était fonction de savoir si on était en état de guerre ou pas. La

24 TO se trouvait sous le contrôle direct de la JNA en temps de crise ou en

25 temps de guerre. Je ne me souviens pas des modalités précises entérinées

26 par la loi, mais en temps de paix, elle se trouvait sous le contrôle des

27 gouvernements de républiques respectifs. Les unités de la TO, ce qu'elles

28 vous ont fait au cours de ces mois, de ces années-là, c'était qu'il y avait

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1 des lignes de fracture au sein de ces unités tout comme c'était le cas dans

2 toute la Yougoslavie.

3 Q. Il y avait des unités de la TO qui se trouvaient toujours en Croatie,

4 que leur est-il arrivé ?

5 R. Ces unités de la TO, dans les zones où la population croate était

6 majoritaire, en fonction de leurs effectifs, auraient formé l'embryon, le

7 cœur même de l'armée croate qui allait être créée, mais nous l'avons déjà

8 dit. Finalement, elles disposaient, ces unités, de très peu d'armes qui

9 étaient trouvées dans les entrepôts de la JNA. Celles-ci avaient pris la

10 plupart de ces armes avant que les Croates ne le fassent.

11 Là, où il y avait une majorité serbe, les TO avaient été prises par toutes

12 les milices serbes locales, et dans des régions à populations mixtes, comme

13 c'était le cas en Slovénie orientale, ces Défenses territoriales se

14 divisaient par composantes ethniques. C'était vrai aussi pour l'équipement,

15 même si nous avons des raisons de croire que le plus gros des armes a été

16 pris par des organisations de l'ancienne TO qui était Serbe.

17 Q. Ces décisions prises par la Défense territoriale concernant les

18 séparations et le fait de se distinguer, comme vous l'avez décrit, ceci

19 était entièrement illégitime, n'est-ce pas ?

20 M. WEINER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense, cette fois-ci, Monsieur

22 Weiner, que c'est Me Bulatovic, que sa question peut être considérée comme

23 suffisamment légitime compte tenu des opinions qui ont été exprimées à ce

24 sujet.

25 Veuillez poursuivre, Maître Bulatovic.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je dois répondre à la question,

27 Maître Bulatovic ?

28 M. BULATOVIC : [interprétation]

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1 Q. Oui, si vous le pouvez.

2 R. Oui. Je pense que c'était illégitime, mais comme nous l'avons déjà

3 établi plusieurs fois, un très grand nombre de choses illégitimes se

4 passaient en Yougoslavie à l'époque. Des choses qui du point de vue de la

5 loi, du droit, ou du point de vue même des subtilités constitutionnelles

6 étaient tout à fait illégitimes mais qui se produisaient néanmoins partout;

7 et c'est ce qui se passe dans un pays lorsque ce pays se défait, tombe en

8 morceaux et certainement quand une guerre commence.

9 Q. Monsieur Wheeler, nous avons entendu votre déposition. Il y a quelque

10 chose que vous avez confirmé, je ne peux pas vous contredire sur ce point :

11 la JNA était structurée d'une certaine façon, elle avait une certaine

12 structure. Sa constitution du point de vue ethnique était qu'elle

13 conservait tous les insignes et elle semblait s'efforcer de préserver la

14 communauté yougoslave, s'y ait forcée de toutes ses forces. Ceci semble

15 être le concept principal qu'il y avait à la base de la JNA. Ne semblait-il

16 pas à ce moment-là de leur droit légitime de prendre des mesures ou

17 d'intervenir dans un certain domaine où des droits étaient accordés, dont

18 ils jouissaient en vertu de la constitution dans un domaine qui était

19 encore officiellement, formellement partie de ce qu'on appelait encore la

20 République socialiste fédérale de Yougoslavie ?

21 M. WEINER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Bulatovic, vous êtes en train

23 de revenir en tournant vers la même ligne de questions, n'est-ce pas ? Je

24 vous ai laissé progresser jusqu'à ce point, pour la question que vous avez

25 posée il y a quelques minutes, mais je pense que maintenant vous vous

26 trouvez à nouveau dans un domaine qui ne convient pas, un territoire qui

27 n'est pas le bon.

28 M. BULATOVIC : [interprétation] Oui, je reconnais cela. Je l'accepte,

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1 j'accepte l'objection, Monsieur le Président. Ou plus exactement, j'accepte

2 votre décision, votre directive sur cette question.

3 Q. Monsieur Wheeler, juste pour terminer en quelque sorte, pour conclure.

4 En gardant à l'esprit ces divers aspects dont nous avons parlé, des aspects

5 historiques, constitutionnels, les faits eux-mêmes, les faits qui avaient

6 trait à cette communauté multinationale complexe comportant un très grand

7 nombre d'intérêts différents et divergents, qui étaient en jeu, gardant à

8 l'esprit entre autres aussi quel était le rôle de la JNA, comment elle

9 était constituée, quels étaient les principes qu'elle devait suivre, les

10 principes directifs, et tout ceci; gardant à l'esprit la présidence de la

11 RSFY qui fonctionnait de la manière dont elle fonctionnait, qui prenait des

12 décisions de la façon dont elle les prenait; gardant à l'esprit le rôle des

13 représentants de la JNA, par rapport au rôle de la présidence qui est

14 quelque chose que vous nous avez décrit, le rôle étant de préserver la

15 Yougoslavie; gardant tout cela à l'esprit, est-ce que l'armée yougoslave

16 aurait pu être utilisée d'une façon mauvaise pour remplir certaines

17 missions qui lui étaient attribuées et que l'armée devait tout simplement

18 exécuter en vertu du système qui existait à l'époque puisqu'il s'agissait

19 de missions qui lui étaient données par ses commandants ?

20 R. Oui, effectivement. L'armée populaire yougoslave était une armée qui,

21 en juin 1991, n'avait plus d'Etat pour lequel elle devait combattre, pour

22 lequel elle devait défendre, qu'elle devait maintenir. L'Etat était en

23 train de mourir, l'Etat était mourant. Je soutiendrais qu'à la fin de juin

24 1991, l'Etat en tant que tel était mort. Par conséquent, la JNA se trouvait

25 être une armée sans Etat, sans correspondre à un Etat.

26 C'est une façon de voir les choses que nous devons depuis longtemps à

27 Milos Vasic, expert militaire principal des affaires en Serbie ou en

28 l'occurrence de l'ex-Yougoslavie. S'agissant d'une armée sans Etat, elle

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1 avait besoin de se trouver une nouvelle cause, de nouveaux maîtres, un

2 nouvel Etat qu'elle devait servir. Etant donné les hémorragies qu'il y

3 avait du point de vue des désertions des non-Serbes dans ses rangs et du

4 corps des officiers, il est fort peu surprenant que le nouvel Etat qu'elle

5 voulait servir était l'Etat imaginé ou conçu de façons variées et diverses

6 pour une plus Grande-Serbie, tel que Slobodan Milosevic semblait à l'époque

7 souhaiter, être en faveur. En d'autres termes, une Grande-Serbie était la

8 position de repli de la JNA en l'absence d'un Etat socialiste yougoslave

9 qu'elle pouvait légitimement défendre.

10 Ceci ne change rien aux faits, en d'autres termes, ce que j'essaye de

11 dire c'est que la JNA n'avait absolument aucune autre position à prendre

12 que de consacrer sa loyauté au régime de Milosevic. Ce qui est étrange là-

13 dedans, bien sûr, c'est que nous avons dans quelle mesure Milosevic lui-

14 même n'a jamais fait confiance à la JNA et il a, par la suite, déployé tous

15 les efforts pour créer une - excusez-moi, je cherche le terme exact, des

16 forces spéciales du MUP, du ministère de l'Intérieur qu'il a créées. A

17 partir de cela, il a créé une armée qui se trouvait uniquement sous son

18 contrôle parce qu'il n'a jamais fait confiance aux tendances de l'ancienne

19 Yougoslavie qui existaient dans la haute hiérarchie de la JNA. La JNA, pour

20 lui, était toujours un élément douteux même après sa transformation en 1992

21 en ce qui s'est appelé la Vojska Jugoslavija, la VJ.

22 Q. C'est précisément la raison pour laquelle je vous demande s'il est

23 possible, vu le système tel qu'il existait, que cette armée n'ait convenu à

24 personne qui se trouvait au pouvoir et que ces pouvoirs aient pu être

25 utilisés d'une façon qui pourrait discréditer l'armée elle-même et faire en

26 sorte que ceci justifie de faire quelque chose d'autre?

27 M. WEINER : [interprétation] J'objecte à cela, Monsieur le Président. On ne

28 voit pas clairement quelle est la question.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, ceci découle de quelque chose que

2 j'ai écrit dans mon rapport.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne suis pas d'accord, Monsieur

4 Weiner.

5 Veuillez poursuivre, Docteur.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, je suis d'accord avec vous, Maître

7 Bulatovic. Je pense que l'armée a été utilisée de façon abusive et a été

8 intentionnellement utilisée de façon abusive, et d'ailleurs Milosevic s'en

9 est souvent vanté. Il a dit à Jovic au printemps 1990 : "Nous allons mettre

10 la subversion dans ces armées et nous allons jouer dans le sens de nos

11 propres objectifs." Ce processus s'est poursuivi pendant toute la période

12 où Milosevic a été au pouvoir remplissant quelles qu'aient été les

13 fonctions qu'il ait en principe remplies, c'est comme cela que cela s'est

14 passé.

15 L'armée a été, il me semble, elle a fait l'objet de subversion et

16 elle a été trahie et détruite par la destruction de la Yougoslavie.

17 M. BULATOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y a

18 une erreur dans le compte rendu à la page 48, ligne 13. Je pense que l'on

19 devrait lire 1991 et non pas 1990, comme cela est indiqué pour le moment au

20 compte rendu.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'est moi qui ai commis

22 l'erreur. J'ai probablement dit 1990, en fait, je suis sûr qu'il s'agissait

23 du printemps 1990. C'est exact, autrement dit, cela s'est passé très tôt.

24 M. BULATOVIC : [interprétation] Alors je présente mes excuses, j'ai dû mal

25 comprendre.

26 Q. Monsieur Wheeler, compte tenu de votre dernière réponse, en ce qui

27 concerne Slobodan Milosevic et cette faction de la direction serbe dans

28 laquelle il aurait exercé le pouvoir, prétendument exercé le pouvoir, sans

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1 laisser de côté la JNA ou avec les incertitudes que l'on peut avoir

2 concernant la JNA, pourrions-nous être d'accord qu'en 1991, Slobodan

3 Milosevic et la direction qui l'entourait, n'appuyait pas, ne défendait la

4 position constitutionnelle de la JNA, telle qu'elle était simplement parce

5 qu'elle ne convenait pas aux politiques visant à une Grande-Serbie. C'est

6 ce qui est d'habitude ce qu'on lit à ce sujet, c'est ce qui est normalement

7 suggéré.

8 R. Oui, effectivement je suis d'accord, je suis tout à fait d'accord.

9 Revenant à la question précédente, bien entendu, on soutient souvent que

10 l'un des motifs principaux pour lequel la décision a été prise de lancer la

11 JNA dans une mission sans but, qui était de prendre le contrôle des

12 frontières de la Slovénie, le 27 janvier 1991, c'était précisément pour

13 discréditer cette armée et ne lui laisser aucun choix si ce n'est à

14 l'avenir d'aider à la carrière de Milosevic. C'était pour détruire la JNA

15 en tant qu'armée yougoslave et ce faisant, ne laisser à l'armée aucun autre

16 choix que d'être loyale à Milosevic. Comme je l'ai dit, Milosevic lui-même,

17 doutait de la loyauté de cette armée et de celle qui lui a succédé.

18 Q. Je voudrais vous poser la question suivante, Monsieur le Témoin : dans

19 votre rapport, une partie où vous suggérez que la JNA occupait une partie

20 du territoire et a exécuté des actes de nettoyage ethnique. Est-ce qu'en

21 fait cette formulation n'est pas un peu trop forte en se basant sur tout ce

22 que nous avons entendu dire comme étant l'orientation générale de la JNA,

23 compte tenu de ce qu'elle était ? Est-ce qu'elle ne pourrait pas avoir

24 simplement occupé un territoire dans son propre territoire et certainement

25 pas commis des actes de nettoyage ethnique dans son propre territoire ?

26 R. Là, nous nous trouvons dans un champ de mines juridique. S'agissait-il

27 de leur propre territoire à l'automne 1991 ? Je ne pense pas d'un point de

28 vue pratique que c'était le cas. Maintenant, l'utilisation de l'expression

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1 "nettoyage ethnique" est peut-être malheureuse parce que ce terme n'était

2 pas encore entré dans le vocabulaire commun, mais les opérations à Baranja,

3 autour d'Ilok et d'autres villages alentour de Vukovar, certainement

4 présentaient des caractéristiques de ce qui, par la suite, heureusement,

5 excusez-moi "heureusement" n'est pas le mot qui convient, de ce que par la

6 suite on allait appeler "le nettoyage ethnique."

7 Le problème avec cette idée que ceci soit effectué par l'armée du

8 pays même sur son propre territoire, ceci est au cœur du problème auquel

9 l'armée elle-même a eu à faire face. Bien entendu, tout ceci a confronté

10 l'ensemble. Il s'agissait de l'armée de qui, de qui était-ce l'armée en

11 tous les cas ? De quel pays s'agissait-il ? Bien entendu, c'est ce qui a

12 constitué les motifs mêmes de toute cette guerre.

13 Q. Nous sommes bien d'accord, toutefois, qu'il s'agissait là d'opérations

14 de zone de combat, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, effectivement.

16 M. BULATOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

17 remercier Monsieur Wheeler, j'en ai fini de mon contre-interrogatoire, je

18 vous remercie.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître

20 Bulatovic.

21 Monsieur Weiner.

22 M. WEINER : [interprétation] Je n'ai que quelques questions supplémentaires

23 à poser, Monsieur le Président.

24 Je voudrais demander au témoin, je voudrais qu'on lui montre le

25 paragraphe 104, le passage qui se trouve à la page 38 de la décision,

26 Procureur contre Tadic dans IT-94-1-T, il s'agit de la partie relative au

27 contre-interrogatoire par M. Sljivancanin, conseil, en ce qui concerne M.

28 Kadijevic et la composition ethnique de la JNA et la JNA elle-même en 1991.

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1 Je souhaiterais simplement que l'on montre ceci au Témoin. A la page 38 et

2 je cite : "Ma façon de voir cette dislocation d'une armée sans Etat," par

3 le général Kadijevic. Cela commence par les deux derniers mots par rapport

4 à la troisième tout en haut, les deux derniers mots, si vous pouvez lire.

5 Nouvel interrogatoire par M. Weiner :

6 Q. [interprétation] Je vais vous lire ceci, page 38, très lentement. Il

7 écrit au sujet de la JNA ceci : "En 1991, il ne s'agissait plus d'une armée

8 correspondant à un Etat cohérent qu'elle devait défendre; l'Etat dans

9 lequel elle se trouvait, le devoir qu'elle avait de défendre était en train

10 de se désintégrer. Tout comme ses rangs étaient maintenant remplis de

11 Serbes de souche, de même sa tâche pour l'avenir immédiat allait être de

12 regrouper ses forces et son matériel qui étaient éparpillés dans l'ensemble

13 de l'ex-Yougoslavie, y compris les républiques qui faisaient sécession pour

14 regrouper tout cela dans ce qui restait de la nation, puis de se concentrer

15 sur les tâches de protection de défense des Serbes de souche qui, dans le

16 cours de cette désintégration, se trouvaient à être en dehors de la Serbie-

17 et-Monténégro. Ceci devait conduire, en fin de compte, prévoyait-on, à la

18 création d'un Etat essentiellement serbe, une Yougoslavie ayant son noyau

19 central en Serbie-et-Monténégro mais qui devait inclure également des

20 parties de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie, principalement mais pas

21 exclusivement, les parties des territoires dans lesquels la population

22 était en majorité serbe".

23 Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet, vos observations ?

24 R. Il me semble qu'il y a là une description tout à fait exacte de ce qui

25 était en train de se passer et de ce que ce régime allait chercher à mettre

26 en place.

27 Q. Est-ce que la composition ethnique de l'armée a changé en 1991 et

28 pourquoi ?

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1 R. Comme je viens de le dire à Me Bulatovic ou que je viens de lui

2 rappeler, je suis sûr que ce n'était pas nécessaire, mais la composition

3 ethnique de l'armée était en train de changer de façon spectaculaire dans

4 le courant de 1991. Comme je l'ai dit, du fait des désertions de la plupart

5 de ces soldats non-serbes et d'officiers non-serbes qui partaient aussi,

6 ces désertions, c'est-à-dire qu'elle perdait tous ces hommes et elle avait

7 à faire face également à d'énormes difficultés pour pouvoir recruter des

8 soldats, des hommes du rang, même en Serbie-et-Monténégro. Elle se trouvait

9 d'une façon générale, terriblement affaiblie du point de vue de ses

10 effectifs.

11 Q. Du point de vue des effectifs, comment est-ce que la JNA pouvait-elle

12 remédier à ces pertes des soldats qui partaient en désertant ?

13 R. L'une des recommandations en pratique, bien entendu, c'était de se

14 fonder de plus en plus sur ce qu'on appelait des volontaires. C'étaient des

15 formations paramilitaires qui étaient ou des locaux dans la zone

16 d'opération impliquée ou qui venaient directement de Serbie, certains se

17 trouvant sous l'égide d'autres partis politiques. D'autres auraient pu être

18 des créations de l'Etat, des structures de sécurité de l'Etat serbe. On se

19 fondait de plus en plus dans la JNA, pour utiliser des volontaires, des

20 paramilitaires, et lorsque c'était possible, des restes de l'ancien système

21 de Défense territoriale.

22 Q. A partir de juin 1991 jusqu'à la fin de novembre 1991, en Slavonie

23 orientale, en Croatie, ce qui comporte la zone de Vukovar, est-ce que la

24 Défense territoriale et des membres de formation paramilitaire ou des

25 soldats étaient utilisés par la JNA ?

26 R. Elle y faisait certainement appel et elle y faisait appel pour ce que

27 l'on pourrait appeler les sales besognes.

28 Q. Qu'entend-on par sales besognes ?

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1 R. La sale besogne, c'était d'entrer dans les territoires hostiles ou des

2 villages ou des villes qui étaient considérés comme hostiles et y effectuer

3 ce que j'ai appelé, dans une réponse précédente, ce qu'on a plus tard

4 appelé le nettoyage ethnique. C'était de commettre des meurtres

5 soigneusement ciblés ou au hasard. Cela pouvait être ou enfin le but

6 général c'était la population étrangère, l'amener à ce qu'elle s'enfuie,

7 qu'elle s'enfuie pour garder la vie sauve.

8 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'au cours de la même période,

9 du 1er juillet jusqu'à la fin de novembre ou jusqu'au 22 novembre 1991, 1er

10 juillet 1991 jusqu'à la fin de novembre 1991 en Slavonie orientale, ce qui

11 inclut Vukovar, avez-vous entendu dire que les paramilitaires ou la Défense

12 territoriale serbe oeuvraient conjointement avec la JNA ?

13 R. Oui, bien sûr.

14 Q. Maintenant, on vous a posé des questions sur le fait que des Croates

15 avaient obtenu des armements. Au cours de cette même période de juillet à

16 novembre, les armes que les Croates détenaient, est-ce que c'était un

17 armement comparable à celui de la JNA avec la Défense territoriale et les

18 paramilitaires ?

19 R. Non, pas du tout. Il y avait une disproportion des armes et des

20 munitions disponibles pour la JNA et des forces paramilitaires qui

21 l'assistaient et cette proportion était très, très importante. En d'autres

22 termes, la JNA et ses aides avaient une puissance de feu beaucoup plus

23 grande à sa disposition que ce n'était le cas pour les défenseurs croates

24 ou l'armée croate qui était en cours de création.

25 Q. Est-ce que le nombre ou les forces entre les deux groupes, les Croates

26 d'un côté, la JNA, Défense territoriale et paramilitaires de l'autre, est-

27 ce que ces forces étaient capables, au cours de cette même période de

28 juillet, -- de quoi ils étaient capables entre juillet jusqu'à novembre

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1 1991 ?

2 R. Monsieur Weiner, est-ce que vous posez votre question uniquement en ce

3 qui concerne Vukovar parce que bien sûr, vers la fin de l'été 1991,

4 Vukovar, le centre de la ville, était effectivement encerclé, assiégé, et

5 ceci veut dire qu'il y avait des défenseurs, un petit nombre d'entre eux,

6 en l'occurrence. Les estimations disent qu'il y avait entre 1 000 et 1 500

7 vers la fin du mois d'août 1991. C'étaient des nombres minuscules par

8 rapport aux forces qui étaient en train d'investir Vukovar, les forces de

9 la JNA et les différentes forces qui les aidaient. Mais ceci ne veut pas

10 dire que dans d'autres secteurs du champ de bataille, ailleurs en Croatie,

11 il n'y ait pas eu des endroits où les nombres étaient plus ou moins égaux,

12 tout particulièrement si nous parlons de la Slavonie occidentale ou de

13 Banija où la participation de la JNA, certainement à Banija, était moins

14 commune, et par conséquent, la thèse pourrait être qu'on avait acquis des

15 groupes plus ou moins équivalents, ou des combattants en nombres plus ou

16 moins équivalents. Partout où se trouvait la JNA, bien entendu, au point de

17 vue munitions, elle avait une supériorité énorme.

18 Q. Je vous remercie. Encore un secteur. Le fait que la JNA s'occupait

19 essentiellement de la défense nationale, ne serait-il pas habituel ou

20 serait-il peu habituel que la JNA se fonde sur des membres de la Défense

21 territoriale, des paramilitaires et des volontaires ?

22 R. Il est important de faire une distinction entre les paramilitaires

23 d'une part et le Défense territoriale de l'autre. La Défense territoriale,

24 c'était la réserve active de l'Etat yougoslave et ceci était un reliquat de

25 la doctrine des partisans selon laquelle il y avait une défense nationale

26 impliquant toute la population. Elle était composée soit de personnel qui

27 était entraîné et qui participait régulièrement à des exercices et qui

28 était subordonné au commandement de l'armée dans toutes les situations

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1 d'urgence.

2 Les paramilitaires, c'était un phénomène complètement nouveau, dans lequel

3 -- qui d'ailleurs n'étaient même pas du goût d'un très grand nombre

4 d'officiers de la JNA qui considéraient qu'il s'agissait d'une racaille

5 d'ivrognes, assoiffée de sang.

6 Q. C'étaient encore des membres de la JNA ?

7 R. Oui, parce que le commandement de la JNA ne pouvait pas faire confiance

8 à leurs propres commandants et à ce stade s'engager dans des combats

9 particulièrement durs. Certainement pas des combats de rue, ou des combats

10 au corps à corps, notamment à cause des problèmes de désertion et du fait

11 que le moral était très bas. La JNA se contentait d'utiliser ses avantages

12 de puissance de feu massive, comme je l'ai dit précédemment, et de laisser

13 les paramilitaires faire les sales besognes.

14 Q. Est-ce que ceci comprend le secteur de la Slavonie orientale et Vukovar

15 entre juillet 1991 et le 22 novembre 1991 ?

16 R. Certainement.

17 Q. Je vous remercie.

18 M. WEINER : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

19 Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie Monsieur Weiner.

21 Monsieur, vous serez satisfait de savoir que ceci est la fin de votre

22 déposition. La Chambre vous est reconnaissante de l'aide que vous lui avez

23 apportée et le fait d'être venu à ces audiences. Vous êtes maintenant libre

24 de rentrer à vos autres occupations. Je vous remercie beaucoup.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci Madame et

26 Monsieur les Juges.

27 [Le témoin se retire]

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic.

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1 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite

2 profiter du moment en l'absence du témoin afin de me prononcer au nom des

3 trois équipes de la Défense au sujet de ce que vous avez soulevé hier et au

4 sujet des propositions de mon éminent collègue de l'Accusation concernant

5 les témoins Kostovic et Hrabac, dont nous avons reçu les déclarations et

6 qui concernent les documents que Mme Bosanac a apportés avec elle lors de

7 cette dernière comparution.

8 S'agissant des déclarations, les équipes de la Défense ne s'opposent pas à

9 ce que l'Accusation les versent au dossier conformément à l'article 89 tel

10 quel, 89(F), mais nous considérons qu'il est nécessaire de contre-

11 interroger ces témoins, compte tenu du contenu de ce dont ils parlent et

12 compte tenu des données que nous avons obtenues et qui sont, à notre avis,

13 pertinentes pour l'acte d'accusation.

14 Je sais que nous avons la possibilité de nous prononcer jusqu'à lundi, par

15 écrit, mais je ne sais pas si la Chambre de première instance acceptera une

16 telle présentation de la position de la Défense de manière verbale. Ceci, à

17 mon avis, nous permettra d'agir de manière plus rapide.

18 Puis aussi, aujourd'hui, nous avons reçu une demande écrite de la part de

19 nos éminents collègues de l'Accusation, visant à modifier la liste 65 ter

20 avec un nouveau témoin, et nous proposons de nous prononcer là-dessus par

21 écrit, compte tenu du fait qu'il s'agit là d'une demande spécifique qui

22 s'ajoute à d'autres propositions de ce genre de l'Accusation au sujet des

23 deux autres témoins; Mme Hartmann et M. Aric.

24 Merci beaucoup, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Vasic. En ce

26 que concernent les deux premiers témoins, si j'ai bien compris, vous ne

27 vous opposez pas au versement au dossier de leurs déclarations, mais vous

28 souhaitez les contre-interroger.

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1 M. VASIC : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Si mes

2 éminents collègues souhaitent verser au dossier leurs déclarations, nous ne

3 nous y opposons pas mais nous souhaitons les contre-interroger.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Monsieur Weiner, apparemment,

5 il sera nécessaire de citer à la barre ces deux témoins. Je sais que M.

6 Moore a essayé d'éviter cela.

7 En ce qui concerne la requête visant à modifier la liste

8 65 ter, nous souhaitons recevoir les arguments présentés par écrit par Me

9 Vasic. Est-ce que vous pouvez le faire d'ici lundi ?

10 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense va essayer de

11 le faire avant lundi, mais peut-être il s'agirait d'une charge trop lourde,

12 car je pense que nous aurons un témoin important lundi, qui déposera par le

13 biais de vidéoconférence. Si nous pouvons le faire un peu plus tard au

14 cours de la semaine prochaine, le jour que vous déterminerez, nous vous

15 serons reconnaissants. Car lundi, vraiment, nous avons un témoin qui nous

16 est important, et nous devons nous préparer pour lui au cours du week-end.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, nous voyons, que malgré

18 les pressions auxquelles vous êtes confrontés, vous pourrez certainement le

19 faire avant mercredi de la semaine prochaine.

20 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de

21 votre compréhension.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner.

23 M. WEINER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous n'avons plus

24 de témoins.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez dire que peut-être que la

26 journée commencera tôt ?

27 M. WEINER : [interprétation] Oui, et le week-end aussi.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je souhaite indiquer aux

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1 parties que la Chambre soumettra cet après-midi sa décision sur

2 l'interprétation de l'acte d'accusation, ce qui sera pertinent pour les

3 deux parties.

4 Dans de telles circonstances, nous allons lever l'audience.

5 Est-ce que je peux soulever un autre point ? Apparemment, les horaires que

6 nous avons établis afin de faire avancer les choses et accélérer le procès

7 ont affecté des intérêts des participants différents. Donc, à partir de

8 maintenant, nous allons reprendre notre travail à midi et demi le lundi

9 afin de permettre à avoir suffisamment de temps pour prendre le déjeuner

10 avant de commencer car il n'y aura pas suffisamment de temps. Et les autres

11 jours, nous allons prolonger la pause déjeuner d'un quart d'heure, compte

12 tenu du fait qu'un grand nombre de personnes ont du mal à avoir leur

13 déjeuner en une heure. Donc, les pauses déjeuner seront d'une heure et

14 quart.

15 Nous allons lever l'audience et reprendre lundi à midi trente.

16 --- L'audience est levée à 12 heures 06 et reprendra le lundi 22 mai 2006,

17 à 12 heures 30.

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