Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 21 janvier 2009

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons un problème technique.

  7   Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, citer l'affaire en

  8   appel.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

 10   Bonjour à tout le monde.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-95-13/1-A, l'Accusation contre Mile Mrksic et

 12   Veselin Sljvancanin. 

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant

 14   vérifier auprès de M. Mrksic et M. Sljivancanin quant à savoir s'ils

 15   m'entendent dans une langue qu'ils comprennent.

 16   Monsieur Mrksic, qu'en est-il ?

 17   L'ACCUSÉ MRKSIC : [interprétation] Je peux suivre la procédure.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 19   Monsieur Sljivancanin, qu'en est-il ?

 20   L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les

 21   Juges. Oui, je peux suivre dans une langue que je comprends.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. Je vais maintenant demander

 23   les présentations. Tout d'abord, l'Accusation.

 24   Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Helen

 25   Brady pour l'Accusation. Avec moi, nous avons M. Paul Rogers, M. Kyle Wood,

 26   Mme Nicole Lewis et notre commis aux affaires, Mme Alma Imamovic. Et pour

 27   le transcript, je tiens à dire que cet après-midi, nous serons rejoints par

 28   Mme Kristina Carey, M. Marwan Dalal et M. Najwa Nabti. Ce sera pour l'appel

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  1   Sljivancanin.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Brady.

  3   Passons aux présentations pour l'Accusé Mrksic.

  4   M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à

  5   tous dans le prétoire.

  6   M. Miroslav Vasic pour la Défense de M. Mrksic, ainsi que mon confrère, Me

  7   Domazet.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, M. Vasic.

  9   Maintenant qu'en est-il du conseil de M. Sljivancanin ?

 10   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour à tous.

 11   Je suis Me Novak Lukic pour la défense de M. Sljivancanin avec M.

 12   Stéphane Bourgon, co-conseil; notre assistante, Mme Dokmanovic.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 14   Je vais maintenant résumer rapidement notre ordre du jour.

 15   Pour l'instant, nous allons entendre l'audience en appel de l'Accusation

 16   contre Mrksic et Sljivancanin. Je vais rapidement résumer les appels qui

 17   sont en suspens devant la Chambre d'appel et la façon que nous allons

 18   procéder.

 19   Tout d'abord, les appels portent sur la responsabilité de M. Mile Mrksic et

 20   M. Veselin Sljivancanin en ce qui concerne les événements qui ont eu lieu à

 21   la ferme d'Ovcara les 20 et 21 novembre 1991. A cette époque, 194 personnes

 22   identifiées venant de l'hôpital de Vukovar, dont la majorité était

 23   prisonniers de guerre, ont été soumises à des sévices, torturées et

 24   finalement exécutées.

 25   Mile Mrksic, Veselin Sljivancanin, et l'Accusation ont tous fait appel du

 26   jugement rendu le 27 septembre 2007 par la Chambre de première instance

 27   numéro II, composée du Juge Parker qui présidait et des Juges Van Den

 28   Wyngaert et Thelin. La Chambre de première instance a condamné M. Mrksic en

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  1   application de l'article 3 et 7(1) du Statut d'avoir aidé et encouragé le

  2   meurtre de 194 personnes sur le site près du hangar d'Ovcara les 20 et 21

  3   novembre 1991, chef numéro 4; complicité pour la torture des prisonniers de

  4   guerre au hangar d'Ovcara, chef numéro 7; et traitements cruels pour avoir

  5   aidé et encouragé à avoir des conditions inhumaines de détention dans le

  6   hangar d'Ovcara, chef numéro 8. La Chambre de première instance a acquitté

  7   M. Mrksic des autres chefs. La Chambre de première instance a condamné M.

  8   Mrksic à une seule peine de 20 ans de prison.

  9   La Chambre de première instance a condamné M. Sljivancanin en application

 10   des articles 3 et 7(1) du Statut pour avoir aidé et encouragé la torture

 11   des prisonniers de guerre détenus à Ovcara le 20 novembre 1991, il s'agit

 12   du chef numéro 7. La Chambre de première instance a acquitté M.

 13   Sljivancanin de tous les autres chefs. M. Sljivancanin a été condamné à une

 14   peine unique de cinq ans d'emprisonnement.

 15   Je vais maintenant rapidement résumer les moyens d'appel.

 16   M. Mile Mrksic présente 11 moyens d'appel. En ce qui concerne les huit

 17   premiers moyens d'appel, M. Mrksic conteste un grand nombre de conclusions,

 18   il considère que ces conclusions ont été rendues du fait que la Chambre de

 19   première instance n'a pas réussi à appliquer le standard de la preuve au-

 20   delà de tout doute raisonnable. En ce qui concerne son neuvième moyen

 21   d'appel, il considère que suite aux erreurs alléguées en ce qui concerne

 22   les huit premiers moyens d'appel, la Chambre de première instance a fait

 23   une erreur de droit lorsqu'elle l'a condamné en application de l'article

 24   7(1) du Statut pour avoir aidé et encouragé au meurtre, à la torture et aux

 25   traitements cruels au titre de l'article 3 du Statut.

 26   En ce qui concerne son dixième moyen d'appel, M. Mrksic conteste certains

 27   faits. Selon lui ces faits n'étaient pas excessivement importants en ce qui

 28   concerne la décision prise par la Chambre de première instance, mais en

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  1   revanche étaient extrêmement importants en ce qui concerne sa Défense et sa

  2   position au sein de l'armée de la JNA.

  3   En ce qui concerne son onzième moyen d'appel, il fait valoir que la Chambre

  4   de première instance a fait une erreur en évaluant les circonstances

  5   aggravantes et les circonstances atténuantes lorsqu'elle l'a condamné à 20

  6   ans de prison.

  7   Avant de parler maintenant des moyens d'appel de M. Sljivancanin, j'ai un

  8   point de procédure à aborder. Etant donné que tout ceci concerne des dépôts

  9   qui ont été déposés confidentiellement, pouvons-nous passer, s'il vous

 10   plaît, à huis clos.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Passons à l'appel de Veselin Sljivancanin. Il présente six moyens d'appel.

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  1   Au titre de son premier moyen d'appel, M. Sljivancanin fait valoir que la

  2   Chambre de première instance a fait une erreur en concluant qu'il était

  3   présent à Ovcara le 20 novembre 1991.

  4   Deuxième moyen d'appel, il fait valoir que la Chambre de première instance

  5   a fait une erreur de droit et de fait en basant ses conclusions sur le fait

  6   qu'il aurait aidé et encouragé par omission.

  7   Troisième moyen d'appel, il considère que la Chambre de première instance a

  8   fait une erreur en déclarant qu'il était responsable de l'évacuation de

  9   l'hôpital de Vukovar et qu'il avait donc une responsabilité légale envers

 10   les prisonniers de guerre détenus à Ovcara.

 11   Dans son quatrième moyen en d'appel, M. Sljivancanin fait valoir que la

 12   Chambre de première instance a fait une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il

 13   avait dû assister aux sévices infligés aux prisonniers de guerre à Ovcara.

 14   Le cinquième moyen d'appel de M. Sljivancanin fait valoir que la Chambre de

 15   première instance a fait une erreur en trouvant que son omission même a

 16   contribué de façon significative à la commission des crimes et qu'il devait

 17   savoir que par le biais même de cette omission, il avait facilité la

 18   commission de ces crimes.

 19   Sixième moyen d'appel, il considère que la Chambre de première instance a

 20   fait une erreur en lui imposant une peine trop lourde.

 21   L'Accusation, quant à elle, a quatre moyens d'appel. Premier moyen d'appel,

 22   elle considère que la Chambre de première instance a fait une erreur de

 23   droit en excluant les personnes hors de combat qui, selon elle, n'étaient

 24   pas victimes de crime contre l'humanité et demande à la Chambre d'appel de

 25   renverser l'acquittement de MM. Sljivancanin et Mrksic au titre de

 26   l'article 5 du Statut et donc, un, de les condamner pour torture, un crime

 27   contre l'humanité au titre de l'article 5 du Statut, et ce, contre M.

 28   Sljivancanin; et deuxièmement, condamner M. Mrksic pour meurtre, torture et

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  1   actes inhumains, crimes contre l'humanité au titre de l'article 5 du

  2   Statut.

  3   Ensuite, au titre de son deuxième moyen d'appel, l'Accusation demande à la

  4   Chambre d'appel de renverser l'acquittement de M. Sljivancanin pour meurtre

  5   et de le condamner au titre de l'article 3 du Statut pour avoir aidé,

  6   encouragé aux meurtres de 194 personnes exécutées dans la fosse commune

  7   près d'Ovcara les 20 et 21 novembre 1991. Dans le cadre de son

  8   argumentaire, pour ce moyen d'appel, l'Accusation fait valoir que la

  9   Chambre de première instance a fait une erreur lorsqu'elle a considéré que

 10   la responsabilité légale de M. Sljivancanin envers les prisonniers de

 11   guerre était terminée lorsque les forces de la JNA avait été retirée

 12   d'Ovcara. L'Accusation fait remarquer que M. Sljivancanin, selon elle,

 13   avait une responsabilité légale qui se poursuivait au titre du droit

 14   humanitaire international même après que M. Mrksic ait donné l'ordre que

 15   les forces de la JNA se retirent.

 16   Les troisième et quatrième moyens d'appel de l'Accusation cherchent, et je

 17   cite, "premièrement, à réviser et à augmenter la peine de M. Sljivancanin

 18   afin de refléter la gravité de son crime; deuxièmement, réviser et

 19   augmenter la peine de M. Mrskic afin de mieux refléter la gravité de son

 20   crime; et troisièmement, réviser et augmenter les peines de MM.

 21   Sljivancanin et Mrskic au cas où le premier moyen d'appel de l'Accusation

 22   réussisse et si la Chambre de première instance [comme interprété] les

 23   condamne au titre de l'article 5 du Statut.

 24   Au cours de cette audience d'appel, les conseils peuvent présenter les

 25   moyens d'appel dans l'ordre qu'ils préfèrent, mais je leur demanderais,

 26   s'il vous plaît, de ne pas répéter ce qui est déjà dans leurs mémoires. Je

 27   tiens à dire qu'en application à l'addendum à l'ordonnance portant

 28   calendrier du 12 décembre 2008, la Chambre d'appel a invité les parties à

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  1   aborder des points bien spécifiques au cours de cette audience, des points

  2   qui n'ont pas à être recités tout de suite. Les questions dans l'addendum

  3   ont été posées, ces points ne constituaient absolument pas une expression

  4   de l'opinion que pourrait avoir la Chambre d'appel sur le fondement même de

  5   cet appel.

  6   J'aimerais maintenant vous rappeler quels sont les critères d'examen

  7   applicables aux erreurs de fait et de loi. Cet appel n'est pas un nouveau

  8   procès. Ce n'est pas une occasion pour les parties de répéter ce qu'ils ont

  9   déjà dit lors du procès. En application de l'article 25 du Statut, les

 10   appelants doivent limiter leurs arguments aux erreurs de droit qui, selon

 11   eux, invalident le jugement ou aux erreurs de fait qui, selon eux, auraient

 12   provoqué un déni de justice. De plus, il est rappelé aux appelants qu'ils

 13   doivent toujours donner des références extrêmement précises à leurs

 14   arguments afin de les étayer.

 15   Maintenant passons à l'ordre du jour de cette audience. Cette audience se

 16   déroulera selon l'ordre du jour qui a été déterminé dans la décision sur

 17   les requêtes Sljivancanin et Mrksic demandant un délai supplémentaire pour

 18   la présentation de leurs arguments supplémentaires au cours de l'audience

 19   d'appel, c'est-à-dire cette décision qui a été rendue le 25 novembre 2008.

 20   Les conseils de M. Mrksic présenteront leurs arguments ce matin, ils ont

 21   une heure et demie pour cela. Ensuite nous aurons une pause de 15 minutes,

 22   l'Accusation présentera sa réponse pendant une heure trente. Ensuite, il y

 23   aura une heure et demie pour les conseils de M. Mrskic qui répondront.

 24   Ensuite le conseil de M. Sljivancanin présentera son appel pendant une

 25   heure et demie. Nous aurons une pause de 15 minutes, l'Accusation ensuite

 26   présentera sa réponse pendant une heure et demie, et ç'en sera fini pour

 27   aujourd'hui. L'audience reprendra vendredi, commencera d'abord par la

 28   réponse de M. Sljivancanin, ensuite l'appel de l'Accusation.

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  1   Je tiens à dire que nous ne donnerons pas de temps supplémentaire aux

  2   conseils. L'ordre du jour qui a été déterminé donne les temps maximums

  3   permis.

  4   Il serait très utile pour la Chambre d'appel si les parties pouvaient

  5   présenter leurs arguments de façon extrêmement précise et claire. Je tiens

  6   à rappeler aux parties que les Juges peuvent les interrompre à tout moment

  7   pour leur poser des questions ou les Juges peuvent parfois préférer poser

  8   des questions après les arguments présentés par chaque partie.

  9   Voici comment l'audience va se dérouler aujourd'hui, et maintenant je

 10   demande aux conseils de M. Mrksic de présenter les arguments étayant son

 11   appel.

 12   Maître Vasic, vous avez la parole.

 13   M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Madame, Messieurs les Juges, la Défense de M. Mile Mrksic va suivre ses

 15   onze moyens d'appel. Néanmoins, dans le cadre des arguments présentés

 16   verbalement et sur lesquels nous avons peu de temps, nous allons nous

 17   attarder uniquement sur les points essentiels de cet appel.

 18   Tout d'abord, nous tenons à dire que le jugement qui est étudié en l'espèce

 19   résulte d'une décision prise par la Chambre d'appel qui a décidé de ne pas

 20   s'en tenir aux critères du doute raisonnable, et la Chambre de première

 21   instance avait décidé de rendre des conclusions qui sont basées sur une

 22   peine à laquelle il fait référence au paragraphe 321 du jugement, et il est

 23   écrit un tel ordre n'aurait pu être donné que par Mile Mrksic.

 24   En plus de tout ce que l'on a dit sur l'autorité des organes de sécurité et

 25   le fait que capitaine Karanfilov appartenait à ces organes de sécurité et

 26   avait donné l'ordre de retrait, qu'il avait quand même une ligne

 27   hiérarchique bien séparée, la Chambre de première instance a traité de cela

 28   au paragraphe 285 du jugement, et de ce fait, la conclusion que Mrksic

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  1   était responsable pour avoir donné l'ordre de retirer la police militaire

  2   pourrait être l'objet d'une controverse, parce qu'elle semble être basée

  3   sur le principe : ça ne pouvait être que lui. Ça ne pouvait être personne

  4   d'autre. Mais ça ne semblait pas être une conclusion au-delà de tout doute

  5   raisonnable.

  6   La Chambre de première instance a essayé d'établir une connexion entre

  7   cette conclusion et les moyens de preuve présentés. Ils ont dû accepter des

  8   déclarations de témoins qu'ils ne considéraient pas comme étant extrêmement

  9   crédibles. C'est des témoins qui essayaient en fait de cacher leur

 10   responsabilité personnelle, et la responsabilité de leurs frères d'armes

 11   dans ce qui était arrivé. Ici, je fais référence aux témoins Vojnovic,

 12   Kosajnovic [phon], Panic, Vukasinovic, Karanfilov, Vojic, Susic et

 13   Trifunovic.

 14   La Chambre de première instance, pour prendre sa décision n'a pas voulu

 15   prendre en compte des pièces comme la 375, 371, 375, 429 [phon] et

 16   d'autres. Ils ont conclu que les déclarations de témoins étaient plus

 17   fiables que les documents qui leur étaient présentés, documents qui,

 18   pourtant, avaient été rédigés à l'époque pertinente. Les déclarations des

 19   témoins auxquelles la Chambre de première instance fait référence ici

 20   tombent justement dans la catégorie dont on vient de parler.

 21   Pour arriver à condamner M. Mrksic avec ce type de preuve, la Chambre de

 22   première instance a décidé de ne pas s'occuper de la chronologie de

 23   certains événements, du déroulement de certains événements, et de leurs

 24   raisons et de leurs conséquences.

 25   Dans le jugement, au paragraphe 321, la Chambre de première instance, après

 26   le procès, n'a pas vraiment réussi à savoir qui avait bel et bien donné cet

 27   ordre. On n'a pas réussi à savoir qui aurait pu donner cet ordre si ce

 28   n'était M. Mrksic. Ils n'ont pas su quand cet ordre a été donné, si c'était

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  1   avant ou après le briefing régulier, et ils ne savent absolument pas quand

  2   cet ordre a été fait. Ils ne savent pas non plus pourquoi les gardes ont

  3   été retirés de la ferme.

  4   Donc avec toutes ces questions, on en arrive à se dire qu'on ne peut pas

  5   arriver à la conclusion que ce ne peut être que Mrksic qui connaît la

  6   réponse. Donc la seule chose que la Chambre de première instance établit

  7   avec précision, c'est que ce retrait s'est fait avant 21 heures, et même si

  8   dans le carnet de bord opérationnel de la 80e Brigade motorisée, pièce 371,

  9   pour ce qui est du 20 novembre 1991, il est bel et bien écrit que les

 10   forces de sécurité se sont retirées à "22 heures 35" précisément. Alors, il

 11   n'est pas écrit "22 heures" ni "22 heures 30." Il est écrit extrêmement

 12   précisément "22 heures 35." Si quelqu'un fabriquait ce type de document, il

 13   ne s'y prendrait pas comme ça.

 14   Ensuite, la Chambre de première instance a établi que Mile Mrksic

 15   commandait le OG sud, et que toutes les autres unités lui étaient

 16   subordonnées, mais ça ne peut pas être la seule base permettant de conclure

 17   que c'est lui qui avait donné l'ordre de retrait à la police militaire de

 18   la 80e Brigade motorisée. Il leur donnait l'ordre de se retirer du hangar

 19   de la ferme d'Ovcara. En effet, si l'on suit le principe qui a été appliqué

 20   dans le jugement, on voit bien que n'importe quel officier aurait pu donner

 21   cet ordre, depuis les officiers chargés de la sécurité, donc dans cette

 22   ligne de commandement, jusqu'à tout officier en fait commandant la 80e

 23   Brigade motorisée.

 24   La responsabilité d'assurer la sécurité dans une zone où il n'y a plus

 25   d'autorité civile, c'est-à-dire comme ce qui se passait à Vukovar

 26   d'ailleurs à la fin novembre -- enfin, en novembre 1991, selon la décision

 27   du commandement Suprême et du commandement du district militaire était aux

 28   mains des autorités de la ville. En fait, c'était les autorités militaires

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  1   dans ces régions. Ils étaient là pour protéger les personnes qui se

  2   trouvaient sur ce territoire, les biens et aussi les prisonniers de guerre,

  3   si tant est qu'il y en ait eu.

  4   La responsabilité du commandant de la ville, dont cette autorité lui

  5   est donné, lui est délégué, en fait, par l'article 72 et 78 des règles de

  6   service qui portent sur les missions des commandants de garnison et des

  7   commandements de caserne.

  8   Le commandement Suprême le savait, que c'est en créant un

  9   commandement dans la ville à un niveau plus bas que l'on peut assurer la

 10   sécurité à la fois des biens et des personnes jusqu'à ce que l'autorité

 11   civile soit rétablie. C'est pour cela que Mile Mrksic, sur son ordre, a

 12   nommé le commandant de la 4e [phon] Brigade motorisée en tant que commandant

 13   de la zone. Avec toutes les obligations dont nous avons parlé précédemment,

 14   et en resubordonnant de ce fait sous ses ordres plus de 1 000 soldats et un

 15   certain nombre de blindés, d'équipement blindé.

 16   De plus, la pièce 375 du journal de guerre de la 80e Brigade motorisée

 17   montre que le 19 novembre 1991, on a donné comme mission au lieutenant-

 18   colonel Vojnovic de préparer ses unités à monter la garde auprès des

 19   prisonniers de guerre dans la zone de l'hôpital d'Ovcara le 20 novembre

 20   1991. Donc de ce fait, les conclusions de la Chambre de première instance

 21   auxquelles il est fait référence au paragraphe 316 du jugement sont assez

 22   étonnantes, parce que tout juge des faits doit en conclure, ne peut que se

 23   dire que ce qui avait été noté dans le journal de guerre n'a pas été

 24   apporté à la connaissance du commandant de la 4e [phon] Brigade motorisée.

 25   Enfin, le chef d'état-major de la 4e [phon] Brigade motorisée,

 26   Tokolev Dotchevic [phon] a dit que l'unité avait bel et bien reçu cette

 27   mission et s'y préparait.

 28   Pour ce qui est de l'évaluation de ce qu'on trouve dans le journal du

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  1   Caire, la Chambre de première instance ici, en l'occurrence, comme dans

  2   d'autres affaires, établit que les rubriques que l'on trouve dans ce

  3   journal au moment des faits, que ces rubriques ne sont pas mises à jour.

  4   Par conséquent, la Chambre ne les accepte pas comme étant des éléments

  5   exacts. Cependant, la partie qui est responsable de veiller à l'exécution

  6   et à l'exactitude des documents, le lieutenant-colonel Milosinovic [phon]

  7   confirme parfaitement l'exactitude de tout ceci et le fait que les

  8   documents de la 80e Brigade motorisée avaient toujours été mis à jour.

  9   Enfin, les documents dont il est question ici, le journal de guerre, le

 10   journal opérationnel, ce sont des documents tenus par deux individus

 11   différents. Des gens formés, intellectuels, et qui connaissaient bien leur

 12   travail. L'un était directeur d'entreprise, et l'autre était un commandant

 13   de la JNA. L'exactitude de ces rubriques, le fait que le service de

 14   Sécurité, cet organe qui avait la responsabilité du triage, de la sélection

 15   et du transport, et le fait que la 80e avait été chargée de surveiller des

 16   prisonniers à Ovcara, tout ceci est attesté par le fait qu'au moment où les

 17   bus ont commencé à arriver à Ovcara, d'abord il y avait le commandant

 18   Vojnovic sur place, et le commandant d'Ovcara, ainsi que l'unité de la

 19   politique militaire de la 80e Motorisée, ainsi que le chef d'état-major du

 20   groupe opérationnel sud, ainsi que le commandant Vukasinovic qui dirigeait

 21   le convoi, était à la tête du convoi, ainsi que le capitaine qui avait la

 22   responsabilité du groupe de prisonniers de guerre de Mitrovica [phon] le

 23   18, ainsi qu'un grand nombre de membres du groupe chargé de la sécurité

 24   ainsi qu'un groupe du contre-renseignement venant de Sid.

 25   Les organes de sécurité ont fait descendre des bus, donc ont fait sortir

 26   des bus les soldats de la JNA, ceux qui étaient Croates d'origine, ils ont

 27   témoigné ici. Et on les a fait sortir, mais on n'a pas posé de questions à

 28   ce propos au commandant du Groupe opérationnel sud. C'était un colonel de

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  1   la sécurité qui était là en voiture, qui a observé tout cela, et il y avait

  2   aussi les hommes qui avaient été envoyés à cet endroit par le chef du

  3   service de Sécurité, le général Aleksandar Vasiljevic.

  4   Tout juge des faits raisonnable aurait eu du mal à conclure que Mrksic a

  5   tout d'un coup ordonné qu'on change de direction, de destination, et qu'il

  6   a envoyé les prisonniers de guerre à Ovcara plutôt qu'à Sremska Mitrovica.

  7   Paragraphe 610 à 612 du jugement. Mrksic n'a pas pris ce genre de décision,

  8   parce qu'il n'avait pas la responsabilité des prisonniers de guerre.

  9   La Chambre de première instance, pour établir un lien entre Mrksic et le

 10   destin qui était réservé aux prisonniers de guerre, a tenu compte de ce

 11   qu'a dit le Témoin Panic lorsqu'il a parlé de sa présence à ce qu'on a

 12   appelé la réunion du gouvernement. Cette séquence d'événements, ce qu'a dit

 13   le témoin Belic [phon], ne coïncide cependant pas avec le moment des

 14   événements ni avec ceux-ci, les événements de ce jour-là à Vukovar. Par

 15   conséquent, la Chambre de première instance a modifié également le moment

 16   des événements. Même si les faits matériels qu'on trouve aux pièces 268 et

 17   269 sont les éléments cruciaux, il a été prouvé qu'à l'époque, au moment où

 18   la Chambre de première instance a déclaré que la réunion s'était tenue à un

 19   moment précis, Slavko Dokmanovic, lui, était présent à la réunion, et il se

 20   trouve qu'il était avec la délégation de Kladovo à Backa Palanka, et plus

 21   tard il s'est mis en route pour aller à Vukovar. Nous avons vu ces deux

 22   pièces, 268 et 269, sont des clips vidéo, on voit l'arrivée de la

 23   délégation à Velepromet, dans la cour de Velepromet, alors qu'il n'est pas

 24   encore 14 heures.

 25   A l'appui de ces faits matériels, de ces éléments de preuve concrets,

 26   l'Accusation -- on pourrait aussi inclure des pièces à charge versées en

 27   application de l'article 92 bis du Règlement, il s'agit des déclarations

 28   des ministres du soi-disant gouvernement qui confirment l'authenticité de

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  1   ces séquences vidéo. Mais le problème c'est que la Chambre s'est appuyée

  2   sur ce qu'a dit Panic, et à propos de lui, la Chambre conclut que

  3   l'essentiel de son témoignage ne représente pas la vérité. La Défense a

  4   abordé la question dans les paragraphes 201 à 224 de son mémoire d'appel.

  5   J'insiste sur une chose ici, et c'est en rapport avec ce qu'a dit Mrksic à

  6   Panic à propos de cette réunion du gouvernement à Velepromet. Tout d'abord,

  7   aucun témoin n'a été appelé pour parler de cette conversation téléphonique.

  8   Or, la Chambre de première instance a décidé de faire confiance à Panic,

  9   même si la déclaration ne coïncide pas avec ce qu'a dit le témoin Vujic.

 10   Celui-ci n'a pas confirmé que Panic aurait présenté ou fait une déclaration

 11   liminaire lors de cette réunion du gouvernement, pas plus qu'il n'aurait

 12   relayé les propos de Mrksic. Nous avons la pièce 852, c'est un petit carnet

 13   de notes dans lequel on trouve une mention de la réunion à Velepromet, qui

 14   aurait eu lieu le 20 novembre 1991, et en l'espace de quelques phrases à

 15   peine, une ou deux, apparemment on trouverait là consigné ce qui se serait

 16   passé. Mais le témoin qui a pris ces notes, Panic, affirme que ce sont des

 17   conclusions qui ont été adoptées mais que lui ne les a pas consignées dans

 18   ces deux phrases, comme si elles n'avaient pas d'importance pour lui. Alors

 19   soit elles n'ont pas été adoptées, ces conclusions, soit il n'y a pas eu du

 20   tout ce genre d'événement, ce qu'affirme la Défense de M. Mrksic.

 21   Il est intéressant de noter que cette partie du témoignage de M. Panic et

 22   les conclusions de la Chambre se retrouvent dans le compte rendu d'audience

 23   de la page 14 382 à la page 14 384. Là on voit clairement que le Témoin

 24   Panic, jusqu'en 2001, lui, parle du 21 novembre, pour lui c'est ce jour-là

 25   qu'a eu lieu la réunion du gouvernement. La Défense, si l'on pense que ce

 26   petit carnet qu'on trouve à la pièce 852 est authentique et si M. Panic

 27   l'avait eu, il n'aurait pas pu faire une telle erreur, car il aurait pu se

 28   servir de ce carnet pour se rappeler de la date si effectivement cette

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  1   rubrique avait été apportée dans ce carnet le 21 novembre. C'est la raison

  2   pour laquelle la Défense pense qu'en fait ces notes, on les a écrites plus

  3   tard. Dès lors, s'agissant de cet élément de preuve-ci, nous pensons que la

  4   conclusion tirée par la Chambre de première instance, qui découle de ce

  5   qu'affirmait le Témoin Panic, c'est une conclusion qu'aucun juge des faits

  6   raisonnable ne pourrait tirer au-delà de tout doute raisonnable. Cependant,

  7   le fait que les prisonniers de guerre ne se trouvaient pas sous l'autorité

  8   de M. Mrksic se constate à l'examen de l'ordre d'évacuation de l'hôpital.

  9   Pièce 419, là on voit les catégories de personnes autorisées, on retrouve

 10   ces personnes qui ont reçu l'autorisation de M. Mrksic.

 11   Et là, c'est tout à fait logique, un ordre pour la même mission avait été

 12   donné en partie oralement, une autre partie s'est faite par écrit, mais ça

 13   ne se fait pas normalement en pratique. Ce qui est dit à la pièce 419,

 14   c'est que la mission confiée par M. Mrksic, c'est une mission d'évacuation

 15   des blessés et des malades de l'hôpital de Vukovar, ça n'a rien à voir du

 16   tout avec la question de mauvais traitements infligés à des prisonniers de

 17   guerre.

 18   Les services de Sécurité ont pour mission de s'occuper de la sécurité des

 19   prisonniers de guerre, on le voit à la pièce 819. Il y a aussi le fait que

 20   des personnes chargées de cette opération étaient envoyées par le général

 21   Aleksandar Vasiljevic, qui était, lui, à l'époque, chef du service de la

 22   Sécurité. Quant au triage, quant à l'évacuation de ces personnes qui

 23   avaient été dirigées par un groupe qui avait à sa tête le témoin, vous

 24   voyez que c'est quelque chose qui est mené par ce groupe. Les organes de

 25   sécurité, ces services ont reçu de Belgrade une liste des membres de la ZNG

 26   qui se cachaient à l'hôpital et, autre ordre donné, c'était l'ordre qui

 27   consistait à voir qui se trouvait dans ces personnes et s'ils trouvaient

 28   des individus dans ce groupe, de les détenir. Ce que le commandant Mrksic

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  1   peut avoir comme rapport avec ceci, d'après les conclusions de la Chambre,

  2   c'est ceci. Les organes de sécurité ont communiqué directement avec le

  3   général Vasiljevic, les bus qui sont allés de l'hôpital à la caserne ont

  4   été envoyés par Vujic et Sljivancanin, personne n'en a informé Mrksic parce

  5   que ce n'était pas nécessaire, parce qu'il n'avait pas la responsabilité de

  6   cette catégorie de personnes.

  7   Nous avons l'ordre d'évacuation de ces personnes se trouvant à l'hôpital

  8   dans cette pièce 419 dont nous avons parlé, mais en plus de cela, Mrksic a

  9   rappelé aux commandants de la ville leur devoir qui était d'assurer la

 10   protection des biens et des personnes se trouvant dans leurs zones de

 11   responsabilité respectives. Mrksic dit à tous les commandants qu'ils

 12   doivent respecter le droit international humanitaire, qu'il faut établir un

 13   commandement de la ville, aux personnes qui en ont la responsabilité,

 14   Mrksic rappelle l'application qu'il y a de protéger les biens et les

 15   personnes partout où il y a un commandement militaire plutôt qu'une

 16   autorité civile. Cet ordre a été donné le 20 novembre 1991. Ordre reçu par

 17   le commandant de la 80e Brigade motorisée, lequel devait le respecter. En

 18   effet, outre sa propre unité, il avait aussi sur place 1 000 soldats qui

 19   lui avaient été rattachés et qui se trouvaient dans le secteur de Grabovo-

 20   Ovcara-Jakobovac. Il avait aussi une unité de chars qui se trouvait à moins

 21   de 100 mètres d'Ovcara, et il avait des canons antiaériens, des mortiers

 22   qui se trouvaient à proximité de la maison jaune, à peine à 200 mètres du

 23   lieu d'Ovcara. On le voit, on voit la maison jaune sur des photos qui font

 24   partie des pièces 378 à 380.

 25   Le Témoin P-014 est arrivé au commandement dans la soirée, il devait être

 26   22 heures, pour voir le lieutenant-colonel Vojnovic pour demander que la

 27   police militaire ne se retire pas de la ferme d'Ovcara. (expurgé)

 28  (expurgé)

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  1  (expurgé)

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 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vais demander une expurgation.

 27   Maître Vasic, chaque fois que vous devez mentionner un élément qu'il ne

 28   faut pas dire en audience publique, vous pouvez chaque fois nous demander

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  1   de passer à huis clos partiel, en ce qui concerne la divulgation éventuelle

  2   de l'identité d'un individu.

  3   Poursuivez, Maître Vasic.

  4   M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien entendu, l'expurgation portera sur

  6   ce que vous avez dit, Monsieur Rogers.

  7   M. ROGERS : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous êtes prêt à poursuivre, Maître.

  9   M. VASIC : [interprétation] Oui, merci beaucoup.

 10   Je parlais des conclusions tirées au paragraphe 625 par la Chambre, à

 11   savoir que des membres de la TO peuvent avoir primauté en matière

 12   d'autorité sur la JNA. Aucun juge raisonnable ne saurait conclure cela

 13   quand le colonel Vojnovic en personne affirme qu'il n'y avait pas plus de

 14   40 membres de la TO sur place, et que lui, il disposait de plusieurs

 15   milliers d'hommes dans son unité et qu'il avait aussi à sa disposition des

 16   blindés tout près du hangar. En qualité de commandant de la 80e, il avait

 17   aussi préparé ses hommes, son unité, nous l'avons déjà dit, il a reçu un

 18   ordre de mission le 19, qui était de préparer les effectifs pour garder et

 19   surveiller des prisonniers de guerre. Dans la situation où il se trouvait,

 20   le lieutenant Vojnovic, qui était un officier et un commandant aguerri,

 21   devait refuser de livrer les prisonniers à qui que ce soit, si ce n'est au

 22   pouvoir habilité à les prendre. Il aurait dû demander des renforcements ou

 23   il aurait dû les surveiller s'il n'avait pas assez d'hommes, il aurait du

 24   demander des bus pour les transporter ailleurs. Si on lui avait donné

 25   l'ordre de les livrer à une unité de la TO, disons, il fallait d'abord

 26   qu'il veille à ce que ces prisonniers de guerre ne courent aucun risque, il

 27   aurait pu exécuter l'ordre dans ces conditions uniquement s'il avait reçu

 28   un ordre écrit et après s'être enquis de façon détaillée des conséquences

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  1   de cet ordre. Sinon, il aurait dû refuser d'exécuter cet ordre, il aurait

  2   dû s'adresser au commandement supérieur immédiat. De toute façon, il avait

  3   des forces à sa disposition, il aurait pu sortir du hangar les membres de

  4   la TO, et empêcher que ces hommes restent dans sa zone de responsabilité.

  5   Mrksic n'avait donné aucun ordre - c'est ce que le lieutenant

  6   Vojnovic a dit en personne - ce que je veux dire, c'est qu'il a essayé

  7   d'interpréter ce qu'a dit Mrksic. Un commandant de ville a un devoir clair,

  8   Vojnovic manifestement en était conscient, pourtant il n'a pas fait ce dont

  9   il était conscient. Pourquoi a-t-il agi autrement, c'est quelque chose que

 10   la Chambre n'a pas établi. Elle a considéré que c'était un des témoins

 11   essentiels pour établir la responsabilité de M. Mrksic.

 12   Mais la Chambre n'a pas dit pourquoi cette liste des prisonniers de

 13   guerre avait disparu. Or, il s'agit des prisonniers de guerre qui se

 14   trouvaient le 20 novembre 1991 au hangar, liste qui s'est retrouvée sur le

 15   bureau du commandant de la 80e, le lieutenant-colonel Vojnovic, dans la

 16   soirée de ce jour-là. On sait fort bien pourquoi cette liste a été établie;

 17   c'est parce que cette procédure s'était déjà appliquée pour les prisonniers

 18   de guerre de Mitnica qui s'étaient trouvés à Ovcara du 18 au 19 novembre

 19   1991, et qu'eux aussi avaient été surveillés par la police militaire de la

 20   80e Brigade motorisée.

 21   Il est étrange de voir qu'en dépit de la présence nombreuse des

 22   services de Sécurité ce jour-là à Ovcara, qu'en dépit de la présence du

 23   commandement Suprême de la région militaire, en dépit de la présence

 24   d'enquêteurs militaires et civils, de représentants des médecins légistes

 25   qui faisaient leur travail en application des ordres donnés par le tribunal

 26   militaire, comment il se fait qu'un si grand nombre de personnes aient pu

 27   disparaître, après être venues de toutes sortes d'endroits de Vukovar;

 28   comment se fait-il que pendant de si longues années ce groupe ait disparu

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  1   et soit resté invisible ?

  2   D'après les conclusions tirées par la Chambre, ce secret a été créé,

  3   pour des raisons que lui seul connaît, par le colonel Mrksic, un commandant

  4   de brigade, et qui était commandant d'une force provisoire, celle qu'on

  5   appelait le "Groupe opérationnel sud." Si c'est quelque chose qui peut être

  6   affirmé au-delà de tout doute raisonnable, là c'est une conclusion que

  7   vous, vous devez tirer. On a du jour au lendemain envoyé une unité à

  8   Vukovar, mais elle n'avait aucun pouvoir, elle n'était pas habilitée à

  9   faire ce que j'ai mentionné auparavant. Ça ne pouvait pas être Mrksic,

 10   pourquoi ? Parce que si ça avait été lui, le lendemain il aurait dû être

 11   arrêté par les organes de sécurité qui sont chargés de découvrir les

 12   auteurs de crimes de guerre et d'autres infractions. Par conséquent, il

 13   n'aurait pas été possible que Mrksic donne l'ordre aux services de Sécurité

 14   de se retirer de la ferme d'Ovcara, et sûrement pas en passant par

 15   Karanfilov, qui était le capitaine chargé de la sécurité, et il n'aurait

 16   pas pu veiller à ce que toutes les structures de la JNA gardent le silence

 17   le plus complet là-dessus.

 18   Nous sommes convaincus que ce n'est pas Mrksic qui a donné l'ordre de

 19   retrait de la police militaire. Pourquoi sommes-nous sûrs que la Chambre

 20   s'est trompée dans ses conclusions ? C'est une question que va aborder mon

 21   confrère, Me Domazet.

 22   Je vous remercie.

 23   M. DOMAZET : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, je vais

 24   aborder la partie des arguments juridiques qui m'est réservée, mais il y a

 25   une erreur au compte rendu d'audience.

 26   Ligne 9, page 22, Me Vasic a mentionné une pièce, au compte rendu,

 27   vous allez voir "429", mais en fait, il s'agissait de la pièce "419." Quant

 28   à la pièce 268, et s'agissant de la pièce 269, on ne trouve pas non plus

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  1   leur mention dans le compte rendu. Pourtant, Me Vasic avait donné ces

  2   cotes.

  3   Qui a donné l'ordre de retrait de la police militaire de la 80e de

  4   Kragujevac et dans quelle modalité, c'est là une des questions capitales

  5   qui se posent au cours de cette procédure. Si un tel ordre avait bien été

  6   donné par Mile Mrksic, comme l'a affirmé à tort la Chambre de première

  7   instance, il faudrait qu'on en trouve trace écrite dans les documents du

  8   Groupe opérationnel sud et dans les rapports faits au commandement

  9   supérieur, mais outre cela il aurait fallu que dans cet ordre on trouve

 10   aussi les modalités d'exécution, les destinataires et la façon dont on

 11   devait assurer la passation de surveillance de ces prisonniers, comme ça

 12   avait été fait pour les prisonniers qui s'étaient trouvés à Ovcara après

 13   être venus de Mitrovica le jour auparavant. Il ne s'agissait pas ici de

 14   prisonniers de guerre ordinaires, c'étaient des personnes qu'on soupçonnait

 15   d'avoir éventuellement participé à des crimes de guerre, c'étaient des gens

 16   qui avaient participé à une rébellion, et les instances juridiques

 17   militaires appliquaient les dispositions juridiques en vigueur, et c'est

 18   ainsi qu'elles avaient qualifiées, ces personnes qui étaient en conflit

 19   avec la JNA. Par conséquent, Mrksic n'avait pas le droit de décider de

 20   confier ces personnes à qui que ce soit. Il n'avait pas reçu cette

 21   autorisation.

 22   Car ces prisonniers, c'étaient des gens qui étaient soupçonnés de

 23   crimes de guerre contre la JNA, et ils relevaient des organes de sécurité,

 24   d'une équipe spéciale de ces services, composée d'officiers supérieurs qui

 25   avaient été dépêchés de Belgrade et qui avaient été chargés d'enquêter sur

 26   cette question, et éventuellement de poursuivre des prisonniers qu'on

 27   soupçonnait d'avoir commis des crimes de guerre contre la JNA.

 28   De plus, l'ordre était clair, il interdisait tout échange de tous les

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  1   prisonniers de guerre, et ceci n'a pas été contesté, et ceci sans nul doute

  2   s'applique à tous ces prisonniers d'autant qu'ils étaient soupçonnés

  3   d'avoir commis des crimes de guerre.

  4   La Chambre de première instance n'a pas envisagé cette possibilité, elle ne

  5   s'est pas demandé si Karanfilov avait bien donné l'ordre à Vezmarovic, et

  6   s'il y avait eu un tel ordre, il ne pouvait émaner que de la structure

  7   supérieure des services de Sécurité en passant par la voie hiérarchique, et

  8   ceci n'avait rien à voir avec la voie hiérarchique de la brigade ni avec le

  9   commandant Mrksic, pas plus qu'avec les officiers de la brigade.

 10   Ici se pose une question tout à fait distincte, celle de savoir si la 80e,

 11   qui avait la responsabilité de la sécurité et de la surveillance des

 12   prisonniers, si elle avait le droit, en raison d'un ordre donné oralement

 13   par un officier de la sécurité, si elle avait le droit d'abandonner sa

 14   mission de sécurité et de retirer la police militaire sans veiller

 15   auparavant à bien transmettre les prisonniers. Et ceci est repris dans

 16   l'appel, car de l'avis de la Défense, la 80e n'était pas habilitée,

 17   n'aurait pas pu retirer, pas plus qu'elle n'aurait pu retirer la police

 18   militaire d'Ovcara sans ordre écrit. Et ceci aurait dû être fait dans le

 19   respect des prisonniers régissant la transmission de prisonniers partant

 20   d'un tel ordre. Aucun juge du fait raisonnable n'accepterait la conclusion

 21   qui a été tirée par la Chambre de première instance.

 22   Si un tel ordre avait été donné par Mrksic au moment du briefing,

 23   ceci aurait certainement été mentionné lors du briefing. Mais aucun témoin

 24   n'a confirmé que ceci ait eu lieu. Au contraire, au briefing, en plus de

 25   nombreuses autres questions, celle de la sécurité des prisonniers a été

 26   discutée, compte tenu du fait qu'ils pourraient se trouver menacés par des

 27   paramilitaires ou par des civils. Mais aucune mention n'a été faite du fait

 28   que quiconque, y compris Mrksic, ait déjà donné un ordre sur la remise des

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  1   prisonniers à qui que ce soit, y compris la Défense territoriale, TO, comme

  2   la Chambre de première instance l'a conclu à tort.

  3   Les mêmes éléments de preuve excluent la possibilité que Mrksic ait donné

  4   un tel ordre pendant le briefing, parce que non seulement aucun témoin de

  5   l'Accusation ou de la Défense n'a confirmé cela - et je me réfère aux

  6   témoins qui étaient présents au briefing - mais il n'y a aucune mention de

  7   cela dans aucun document, y compris le rapport adressé à partir du

  8   briefing, rapport régulier. Un tel ordre donné par le commandant aurait

  9   certainement été consigné par écrit et on s'en serait souvenu, les

 10   participants s'en seraient souvenus, les participants au briefing.

 11   Le témoin Vojnovic ne confirme pas ceci. Il tente plutôt, d'après sa

 12   propre interprétation des termes qui auraient été prononcés par Mrksic et

 13   des actions que Mrksic auraient eues, il essaie de dire qu'un tel ordre

 14   existait. Mais c'est quelque chose que seul lui a compris ou aurait

 15   compris. A aucun moment il n'a demandé de façon directe et simple à son

 16   commandant, avez-vous donné un ordre sur le retrait de la 80e Brigade

 17   motorisée ? Est-ce que c'est la façon dont je dois comprendre la réponse,

 18   votre réponse. Est-ce qu'un juge raisonnable du fait pourrait accepter le

 19   fait qu'une telle interprétation donnée par un officier aussi expérimenté

 20   que Vojnovic pourrait prendre la décision, une décision aussi importante,

 21   aussi importante que la décision de retirer son unité, et aurait transmis à

 22   son officier de sécurité cela, Vukosavljevic, sans avoir reçu un ordre

 23   directement de son commandant, Mrksic, ou lui avoir demandé si un ordre

 24   avait été donné, existait.

 25   L'équipe de Défense de Mrksic souhaite faire remarquer que non

 26   seulement Mrksic n'était pas autorisé sans ordre d'un commandement

 27   supérieur de décider du sort des prisonniers et il n'était pas compétent ni

 28   habilité pour le faire. Mais il n'avait aucun motif, quel qu'il soit, de

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  1   faire une telle chose et de remettre les prisonniers à l'autorité

  2   territoriale locale, à la Défense territoriale locale. Parce que comme mon

  3   confrère l'a déjà fait remarquer, ce n'est pas seulement le fait qu'il n'y

  4   avait aucun ordre de ce genre qui aurait été donné par le prétendu

  5   gouvernement, mais il n'y avait également aucune demande émise par ce qu'on

  6   a appelé le gouvernement, soit adressé au commandant du groupe opérationnel

  7   sud ou qui que ce soit d'autre. Et tout ceci fait l'objet d'une partie

  8   distincte d'un moyen d'appel.

  9   Ici, nous souhaitons faire remarquer que la Chambre de première

 10   instance n'a pas tenu compte de la déposition d'un témoin très important,

 11   le Témoin Jaksic, qui a dit qu'il était allé voir Mrksic avant cette

 12   réunion à Velepromet et que Mrksic avait catégoriquement refusé de discuter

 13   de la question de la remise des prisonniers à qui que ce soit, y compris la

 14   Défense territoriale ou les prétendues autorités civiles ou ce que l'on a

 15   appelé le gouvernement, et qu'elle  a également pas pris en considération

 16   sa déposition en tant que participant à cette session en ce sens que la

 17   question n'a pas été discutée du tout à cette séance.

 18   La Chambre de première instance a conclu ou établi qu'après la deuxième

 19   réunion qui aurait eu lieu, Vojnovic et Mrksic étaient ensemble, se

 20   promenant, et que Vojnovic était revenu et avait donné l'ordre à

 21   Vukosavljevic, son officier de sécurité, de se rendre à Ovcara et de

 22   retirer les policiers militaires de la 80e Brigade motorisée. Aucun juge du

 23   fait raisonnable ne pourrait parvenir à une telle conclusion. Premièrement,

 24   il n'y a pas eu de deuxième réunion. Le témoin Vojnovic et le témoin

 25   Vukosavljevic ont inventé de façon à ce que la responsabilité du retrait

 26   d'Ovcara tombe sur Mrksic plutôt que sur ceux qui en étaient véritablement

 27   responsables de ce qui s'est passé et qu'ils l'ont fait.

 28   Premièrement, il faudrait garder à l'esprit ce qu'a dit Vojnovic en 1998,

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  1   lorsque non seulement sa mémoire était beaucoup plus fraîche et beaucoup

  2   plus objective, parce qu'à l'époque personne n'avait encore été accusé, y

  3   compris Mrksic, et sa déposition devant le tribunal militaire de Novi Sad,

  4   où il a déclaré, il a parlé dans sa déposition de l'arrivée d'un officier

  5   de la 80e Brigade qui était immédiatement subordonné à Vojic [phon], et il

  6   a dit qu'il était venu le voir à 22 heures et lui avait parlé de --

  7   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  8   M. DOMAZET : [interprétation] -- et il a dit que Vojnovic, ceci indiquait

  9   que Vojnovic ne disait pas la vérité lorsqu'il a déclaré tout ceci avait

 10   été organisé avant 22 heures. L'horaire est très important ici, parce que

 11   la Défense estime que l'heure qui a été inscrite dans le registre, dans le

 12   journal, 22 heures 35, est l'heure exacte du retrait de la police militaire

 13   et que les tentatives faites par certains témoins sur lesquels la Chambre a

 14   fait fond et qui ont essayé de dire que cet horaire, en fait, aurait dû

 15   être inscrit comme étant quelques heures plus tôt n'est pas exact. La

 16   Chambre de première instance aurait dû tenir compte du fait que le Témoin

 17   Vojnovic, dans le cours de sa déposition devant la Chambre, a avoué que

 18   jamais avant cela au cours de ces dépositions n'avait-il mentionné le fait

 19   que Vukosavljevic avait été avec lui lors de la réunion du 20 dans l'après-

 20   midi. Et la réponse à cela avait été qu'il avait oublié que Vukosavljevic

 21   s'était trouvé avec lui, mais parce qu'il faisait confiance Vukosavljevic,

 22   il avait attesté ce fait devant la Chambre de première instance bien qu'il

 23   ne se souvient pas, même s'il acceptait le fait, parce que c'était ce que

 24   Vukosavljevic affirmait dans sa déposition et il avait donc discuté de la

 25   question avant de faire la déposition.

 26   Ce qui fait que tout ceci indique que ces deux témoins étaient de

 27   mèche avant de faire leur déposition et qu'ils voulaient que leur

 28   déposition se corrobore l'une l'autre lorsqu'ils déposeraient devant la

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  1   Chambre de première instance. Ceci est également étayé par l'autre fait que

  2   ces deux témoins ont essayé d'inclure dans leur déposition, et nous

  3   discuterons de cela dans une autre partie de notre appel, de nos moyens

  4   d'appel.

  5   Dans l'intervalle, dans l'affaire Seselj, la nouvelle déposition de

  6   Vojnovic a complètement --

  7   M. ROGERS : [interprétation] Ceci a trait à une requête confidentielle et

  8   ne devrait pas être évoquée à ce stade. C'est une question qui a déjà été

  9   évoquée avec les conseils au début et ceci ne devrait pas faire l'objet de

 10   moyens ou d'arguments tel que je comprends les choses. Tout ce qui

 11   appartient à une autre affaire et qui n'est pas été inclus dans la requête

 12   pour être admise dans le présent appel, ça ne fait tout simplement pas

 13   partie du dossier de cet appel et on devrait en rester là.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Domazet, que répondez-vous à

 15   cela ?

 16   M. DOMAZET : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 17   Juges, tout ce que je fais, c'est de me référer à la déposition du témoin

 18   Vojnovic devant cette Chambre de première instance et pas une autre

 19   déposition, y compris celle qui a trait à l'article 115 du Règlement. Donc

 20   maintenant je fais référence à la déposition faite devant la Chambre de

 21   première instance de la présente affaire. Je n'évoque pas l'une quelconque

 22   de ces déclarations qu'il ait pu faire par la suite à propos de l'article

 23   115.

 24   De sorte que Vojnovic, en la présente affaire, a dit dans sa

 25   déposition qu'avant de se rendre au briefing à Negoslavci, il avait envoyé

 26   Vukosavljevic à Ovcara pour voir quelle était la situation. Et il a dit -

 27   et Vukosavljevic, dans le présent procès, a attesté que Vojnovic et lui,

 28   devant la pièce où le briefing avait eu lieu, il avait attendu une heure et

Page 59

  1   demie et ceci s'exclut l'un à l'autre en particulier si on garde à l'esprit

  2   le fait que dans sa déposition, Vojnovic a dit à la Chambre qu'il était

  3   arrivé en retard à la réunion et a déclaré, je cite :

  4   "Toutefois, j'étais en retard à la réunion, et au moment où je suis arrivé

  5   les autres officiers étaient déjà en train de partir."

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Rogers, je vois que vous

  7   n'avez pas d'autres problèmes.

  8   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, non, mais il y a

  9   évidemment ce qui est très clair au compte rendu, le transcript, la

 10   référence à l'affaire Seselj et il semblerait que Me Domazet n'a pas

 11   l'intention de se référer à l'affaire Seselj et, bien entendu, je n'ai pas

 12   d'objection à ça.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Maître Domazet, vous pouvez

 14   poursuivre et vous savez quelles sont les règles que vous devez respecter.

 15   M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne cite pas

 16   la déposition dans l'affaire mentionnée.

 17   Si les choses se sont passées ainsi, Vojnovic ne pouvait pas avoir renvoyé

 18   Vukosavljevic à Ovcara dans un laps de temps si bref ni revenir et attendre

 19   pendant une heure et demie, parce que pendant cette période, Vojnovic a

 20   passé de 15 à 20 minutes, ou tout au plus, dans la salle où avait eu lieu

 21   le briefing, puisque comme il l'a dit lui-même, ça a duré très peu de

 22   temps. A cause de cela, nous considérons que cette prétendue rencontre des

 23   trois a été inventée, Mrksic, Vukosavljevic, après le briefing. Et la

 24   déposition d'un témoin important exclut complètement cette possibilité et

 25   pas seulement sa déposition, mais d'autres dépositions aussi. Vojnovic qui

 26   ne se rappelait pas du tout que Vukosavljevic s'était trouvé à Negoslavci

 27   au cours de la réunion, comme il l'a dit lui-même devant la Chambre, comme

 28   il faisait confiance à Vukosavljevic, non seulement il s'est rappelé de

Page 60

  1   cela que par la suite mais également sa réunion de trois personnes. Si

  2   cette réunion avait vraiment eu lieu, Vojnovic se serait bien rappelé de

  3   cela et aurait dit cela dans sa déposition précédemment et pas seulement

  4   lors de ce procès. Après avoir entendu ce que le témoin Vuskosavljevic

  5   avait dit qu'il l'avait vu à Negoslavci à cette occasion.

  6   Vojnovic a dit que lors du briefing, il avait parlé de la menace concernant

  7   les prisonniers et il a admis qu'il n'avait même pas mentionné le fait

  8   qu'un officier de sécurité, c'est-à-dire Vukasinovic, officier de sécurité

  9   de la Brigade des Gardes, se trouvait présent. Sur une question de la

 10   Défense, il a également dit que pendant qu'il était là, les prisonniers

 11   avaient été isolés par une corde, on avait placé une corde pour les isoler,

 12   et ils ne faisaient pas l'objet d'une menace matérielle ou physique. Ceci

 13   indique aussi que la déposition faite devant la Chambre de première

 14   instance a été arrangée, ajustée après qu'il se soit mis de mèche avec

 15   Vukosavljevic et quelques autres.

 16   Lorsque la Défense lui a demandé devant cette Chambre de première instance

 17   si avant que le juge enquêtant sur le tribunal spécial, il a dit qu'il

 18   avait des obligations spéciales, et je cite ce qui est dit dans les

 19   obligations d'Ovcara, je le cite :

 20   "Non, il ne m'a pas dit cela. Il a dit que : "Drago Vukosavljevic m'avait

 21   dit à moi : 'Ne me dites rien à ce sujet. Ne m'en parlez pas.' Il n'a rien

 22   dit d'autre."

 23   Vojnovic ensuite affirme qu'il n'a pas entendu quoi que ce soit de la part

 24   de Mrksic et à un moment donné, il fait passer cela à Vukosavljevic, il

 25   prête cela à Vukosavljevic et Vukosavljevic affirme quelque chose de tout à

 26   fait différent dans sa déposition. Il dit que Mrksic et Vojnovic seraient

 27   allés à part pour parler pendant quelques minutes hors de sa présence, et

 28   qu'ensuite Mrksic était parti dans une autre direction et que Vukosavljevic

Page 61

  1   s'était approché de Vojnovic et lui aurait dit d'aller à Ovcara et il lui

  2   avait transmis son ordre de retirer cette unité.

  3   Pour le compte rendu, mon confrère dit que ça n'a pas été inscrit au compte

  4   rendu. Avant qu'il ait été question du juge du tribunal spécial, il dit que

  5   Mrksic ne lui avait donné aucun ordre concernant la situation à Ovcara.

  6   Aucun juge raisonnable du fait n'aura pu conclure sur la base de sa

  7   déposition que Mrksic avait donnée cet ordre de retrait de la police

  8   militaire de la JNA à Ovcara.

  9   Si nous tenons compte de la déposition de Trifunovic, témoin sur lequel la

 10   Chambre s'est fondée, non seulement il ne se rappelait pas qu'il avait vu

 11   Vojnovic au briefing ou immédiatement après, c'est le témoin qui a, en

 12   fait, rédigé les notes. Et ce témoin dit que Vojnovic est bien arrivé, mais

 13   beaucoup plus tard, cherchant Mrksic qui était absent, il n'était pas là.

 14   Toutefois, d'après la déposition de Trifunovic, il s'ensuit que Vojnovic

 15   n'a pas trouvé Mrksic sur place. A l'évidence, ceci ne porte pas sur la

 16   prétendue réunion à la fin du briefing, et cette réunion n'a jamais eu

 17   lieu, mais le témoin Vojnovic est venu beaucoup plus tard dans la soirée en

 18   cherchant Mrksic et n'a pas réussi à le trouver, assurément parce que

 19   Mrksic avait déjà quitté Belgrade. Il est intéressant de voir que Vojnovic

 20   n'a pas attesté cela du tout, il ne l'a même pas mentionné dans sa

 21   déposition. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Nous ne pouvons que supposer

 22   que c'est parce qu'il souhaitait cacher quelque chose, et lorsqu'il n'a pas

 23   réussi à trouver Mrksic, il a parlé à quelqu'un d'autre.

 24   En ce qui concerne le témoin Trifunovic, l'un des témoins sur

 25   lesquels la Chambre de première instance s'est fondée, bien qu'elle ne l'a

 26   pas cru uniquement lorsqu'il a à juste titre dit, et il était l'un de ceux

 27   qui faisaient le procès-verbal, à savoir que la réunion avait eu lieu à 17

 28   heures et pas plus tard, comme la Chambre de première instance l'a conclu,

Page 62

  1   et que les rapports étaient envoyés au commandement supérieur vers 18

  2   heures.

  3   La Chambre a estimé que ce témoin, en ce qui concernait d'autres

  4   faits, il les avait à l'évidence mal présentés. La Défense pense en

  5   l'occurrence qu'il a menti exprès de façon à ôter la responsabilité

  6   d'autres personnes et à attribuer la responsabilité à Mrksic, qui faisait

  7   déjà évidemment l'objet d'un procès, et que ce n'est pas seulement sur la

  8   base de ses observations personnelles; plutôt, il se réfère au compte

  9   rendu, page 8 138 et sur le journal de guerre. Il dit que Mrksic est allé à

 10   Belgrade dans la matinée du 21. La Défense estime que ceci est une erreur

 11   en ce qui concerne ce qui a été consigné par écrit; plutôt, c'était une

 12   mention écrite avec de mauvaises intentions, qui est erronée, et qui a été

 13   faite par ce témoin. Il savait parfaitement qui avait émis et signé l'ordre

 14   du 21 à 6 heures. Ceci est sur la référence de transcription 8 138, et il a

 15   attesté qu'il n'avait pas reconnu la signature de Mrksic.

 16   Ce n'est pas seulement qu'il ne s'agissait pas de la signature de

 17   Mrksic et de l'ordre, parce que cet ordre a été fait et signé par le

 18   lieutenant-colonel Panic; ici il s'agit plutôt en fait d'un faux et une

 19   tentative pour essayer de cacher quelque chose en se servant de cet ordre.

 20   C'est la raison pour laquelle le témoin essaie de prouver, en l'occurrence,

 21   comme il le soutient, comme étant le seul témoin à le faire, que Mrksic en

 22   l'occurrence se trouvait à Negoslavci vers minuit. De cette manière, il

 23   aide évidemment la personne qui représentait le commandant absent à entrer

 24   cet ordre falsifié vers 6 heures du matin, toutefois, sans la signature de

 25   Mrksic, parce que tout simplement il n'était pas là, ils ont à ce moment-là

 26   intentionnellement consigné par écrit ceci, qui était faux, parce que

 27   Mrksic était parti pour Belgrade par hélicoptère.

 28   Malheureusement, le témoin Trifunovic, avec ceux qui ont participé à cela,

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  1   ont réussi avec ce faux témoignage à tromper la Chambre de première

  2   instance et à diriger la responsabilité du sort des prisonniers à Ovcara

  3   sur Mrksic, et c'était les seuls qui pouvaient faire cela alors que Mrksic

  4   était allé à Belgrade, après que Mrksic se soit rendu à Belgrade le 20

  5   novembre 1991.

  6   De façon à développer cette histoire qu'il avait inventée, devant la

  7   Chambre de première instance, il a même inventé qu'il y avait eu une

  8   réunion à minuit ce soir-là, et il a dit dans sa déposition à la page 8 168

  9   :

 10   "Par la suite, j'ai entendu que le colonel Mrksic était revenu juste avant

 11   minuit."

 12   Ce n'est pas le fait qu'il soit le seul témoin à dire cela et que ceci soit

 13   en contradiction totale avec la déposition d'autres témoins de la Défense,

 14   mais c'est inexplicable de savoir quand et d'où Mrksic est revenu. Si

 15   Mrksic était à Negoslavci ce soir-là, pourquoi ne serait-il pas venu signer

 16   personnellement le lendemain matin l'ordre qui était entré dans le journal,

 17   tout ceci est peu crédible, comment j'ai déjà dit, et s'il est allé à

 18   Belgrade à 8 heures 15, ce qui est également mal noté dans le journal.

 19   Peut-être que le motif de ce témoin peut être considéré comme, je

 20   cite le compte rendu page 8 168, lorsque répondant à la question du

 21   Procureur pour savoir où se trouvait le lieutenant-colonel Panic, il dit

 22   que le 18 -- lorsque Panic se trouvait le 18 et le 19, répondant à une

 23   question directe de l'Accusation :

 24   "Qu'en est-il du 20 ?

 25   "Vous n'avez pas noté cela. Savez-vous où il était le 20 ? Pouvez-vous le

 26   dire ou non ?

 27   "Réponse : Je ne peux pas. Je ne le sais pas."

 28   Il est absolument impossible qu'il ne puisse pas le faire et qu'il ne sache

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  1   pas, tout particulièrement lorsque Mrksic n'était pas à Negoslavci. A

  2   l'évidence, ce n'est pas le fait qu'il n'est pas en mesure de le faire,

  3   c'est le fait qu'il ne veut pas savoir que Panic avait donné cet ordre et

  4   l'avait signé ce matin-là.

  5   Il est impossible que ce témoin ne sache pas où se trouvait le

  6   lieutenant-colonel Panic, alors que c'était son supérieur immédiat, plus

  7   particulièrement cette nuit lorsqu'il a vu que Panic, en l'absence de

  8   Mrksic, était le commandant pour l'ensemble des opérations du Groupe sud.

  9   Voilà les contrevérités qui ont été dites et affirmées par ce témoin, et

 10   qui, de façon regrettable, étaient acceptées par la Chambre de première

 11   instance, et qui sont en contradiction totale avec les éléments de preuve

 12   qui avaient été présentés de façon détaillée en ce qui concerne Mrksic et

 13   son départ pour Belgrade. Aucun juge du fait raisonnable n'accepterait

 14   cela. A l'évidence, cette déposition de Trifunovic avait pour objectif de

 15   contredire les dépositions sur lesquelles Mrksic ce soir-là, la soirée du

 16   20 après le briefing, s'était rendu à Belgrade avec le colonel Coric en

 17   voiture.

 18   La Défense a analysé les éléments de preuve dans son appel, tout

 19   particulièrement la déposition du colonel Coric, ancien commandant de la

 20   Brigade des Gardes, qui, ce soir-là et d'accord avec Mrksic l'avait

 21   attendu, avait qu'il ait terminé le briefing pour aller à Belgrade;

 22   ensuite, il y a eu également la déposition de Mme Mrksic, la femme de

 23   Mrksic, qui dit que sa sœur est arrivée de Belgrade -- était arrivée à

 24   Belgrade ce soir-là, elle était arrivée avec un groupe de réfugiés de

 25   Borovo Naselje, et elle était censée organiser cette arrivée; et finalement

 26   la déposition de [inaudible], qui est allé chercher la sœur de Mrksic et

 27   l'a emmenée à l'appartement de Mrksic le même soir, qu'il lui a parlé, et

 28   plus tard dans la matinée suivante, quand il est venu chercher Mrksic à son

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  1   appartement, il l'a conduit au commandement de la Brigade des Gardes à

  2   Belgrade, comme cela avait été précédemment convenu, ensuite il est allé où

  3   se trouvait l'hélicoptère à Negoslavci sur lequel le commandant Tesic était

  4   arrivé, et à ce moment-là il est parti en voiture a une réception donnée

  5   par le secrétaire d'Etat de la Défense nationale, c'est la raison pour

  6   laquelle il était venu à Belgrade.

  7   Contrairement à cette déposition très claire et sans équivoque, c'est

  8   seulement ce témoin Trifunovic qui dit cela de façon inexacte ou

  9   intentionnellement a falsifié la mention inscrite dans le journal de guerre

 10   et essaie de présenter des choses comme si Mrksic était allé à Belgrade le

 11   jour suivant seulement.

 12   Quant au sixième moyen, la Défense a analysé ce faux témoignage du témoin

 13   Trifunovic, qui, à dire vrai, n'atteste pas avoir vu quiconque d'une façon

 14   personnelle ni le départ en hélicoptère, et cetera, mais atteste les choses

 15   sur la base de ce qu'il aurait vu dans le journal de guerre, et c'est

 16   évident.

 17   Il aurait travaillé sur une carte cette nuit-là et le colonel Pavkovic

 18   l'avait aidé. Il a été établi que le colonel Pavkovic s'occupait d'une

 19   tâche complètement différente ce soir-là, donc ceci est encore une

 20   contrevérité énoncée par ce témoin, et c'est de cette manière qu'il

 21   essayait d'établir que Mrksic se trouvait à Negoslavci ce soir-là. Pourquoi

 22   ? On peut comprendre, évidemment. Mais d'un autre côté, il est dit ici

 23   qu'un groupe d'officiers se sont rendus par hélicoptère avec M. Mrksic,

 24   mais il n'y avait que Tesic qui est parti ce matin-là par hélicoptère à

 25   Belgrade, puisque Mrksic était déjà parti la veille.

 26   La Chambre de première instance a établi que l'intention de Mrksic n'était

 27   pas que la JNA donne les prisonniers de guerre à une autre armée serbe, ça

 28   se trouve au paragraphe 610 du jugement. Ce qui est parfaitement correct,

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  1   d'ailleurs, mais par la suite la Chambre de première instance a modifié sa

  2   conclusion en disant qu'à un moment, Mrksic a pris une autre décision. Or,

  3   Mrksic n'a jamais changé d'avis, il n'a jamais ordonné que les prisonniers

  4   soient donnés à une unité militaire serbe quelle qu'elle soit. La Chambre

  5   de première instance arrive à cette conclusion, parce qu'ils prennent en

  6   compte et reconnaissent une partie du témoignage de Panic, Panic qui est

  7   son adjoint, à propos de ce qui s'est passé dans la nuit du 20 au 21, donc

  8   son faux témoignage comme quoi cela aurait été discuté lors de la réunion

  9   du soi-disant gouvernement à Velepromet, et ce qui aurait été dit c'est que

 10   les prisonniers de guerre devaient être donnés aux organes civils.

 11   Et la Chambre de première instance a établi que Mrksic a ordonné que l'on

 12   donne les prisonniers de guerre -- qu'on les envoie à la caserne. Mais ce

 13   n'est pas vrai. Veselin Sljivancanin dit qu'il a demandé à ce que les bus

 14   aillent directement de l'hôpital à la caserne de la JNA, il faut se

 15   souvenir aussi que Mrksic devait aussi faire évacuer l'hôpital, il

 16   s'agissait pas uniquement de l'évacuation des prisonniers de guerre mais

 17   surtout de l'évacuation des malades et des blessés.

 18   Le commandant Sljivancanin, selon la chaîne de sécurité, selon les missions

 19   qu'on lui avait données de la part de ses supérieurs dans la chaîne

 20   hiérarchique de la sécurité, devait non seulement s'occuper des prisonniers

 21   de guerre -- je suis désolé, mais je tiens à répéter parce que ceci est

 22   absolument essentiel. Et on voit qu'au compte rendu, il y a des erreurs.

 23   Nous considérons que Mrksic avait ordre de faire évacuer l'hôpital, surtout

 24   de faire évacuer les malades et les blessés, et tous ceux qui se trouvaient

 25   à l'hôpital, et les organes de sécurité, eux, étaient responsables de trier

 26   les personnes, savoir qui était infiltré dans cet hôpital, qui n'était pas

 27   malade, qui s'était déguisé en malade, et qui s'était trouvé à l'hôpital

 28   pour s'y cacher et qui auraient pu être des criminels de guerre, et c'est

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  1   ce qui a été fait à l'hôpital d'ailleurs, et ceci n'a rien à voir avec des

  2   ordres qui auraient été donnés avec Mile Mrksic.

  3   D'autre part, le commandant Sljivancanin, dans sa propre déposition, a dit

  4   qu'il avait donné l'ordre aux autocars de s'arrêter aux casernes de la JNA,

  5   et il n'avait pas demandé à Mrksic d'approuver cet ordre, d'ailleurs il

  6   n'avait pas besoin de le faire, il n'avait même pas besoin de l'informer de

  7   ce fait. Non seulement il ne l'a pas informé de quoi que ce soit au cours

  8   de la journée, ce qui était parfaitement logique puisqu'il avait son

  9   travail à faire, travail qu'il faisait non pas sur les ordres de Mrksic,

 10   mais sur les ordres de son supérieur hiérarchique dans le commandement en

 11   charge de la sécurité, il devait s'occuper de trier parmi les blessés et

 12   les malades ceux qui étaient des -- de crimes de guerre potentiels. On le

 13   voit puisque, lorsque le colonel Vujic et le major Sljivancanin étaient à

 14   l'hôpital, ils ne savaient pas très bien comment s'y prendre. Ils n'ont pas

 15   appelé le colonel Mile Mrksic; ils ont appelé le général Tumanov et le

 16   général Aleksandar Vasiljevic, qui étaient leurs supérieurs dans la

 17   hiérarchie de l'organe de sécurité.

 18   Donc sur la base de tout ceci, aucun juge raisonnable ne pouvait établir et

 19   conclure que Mile Mrksic avait donné ordre de retirer la police militaire

 20   de la 4e du hangar d'Ovcara ou que ce retrait ait eu lieu à un autre moment

 21   qu'à 22 heures 35, comme ce qui a été inscrit dans le journal de guerre de

 22   la 80e Brigade motorisée.

 23   M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges,

 24   j'aimerais reprendre maintenant, s'il vous plaît, avec votre permission. Je

 25   pense qu'il nous reste 10 minutes.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, vous avez 10 minutes en effet,

 27   mais j'aimerais que vous accordiez une partie de ces 10 minutes pour

 28   résumer les arguments que vous nous avez présentés, vous avez 10 minutes

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  1   pour résumer vos arguments.

  2   M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.

  3   J'aimerais juste utiliser deux ou trois minutes pour parler de la

  4   complicité et des traitements inhumains qui ont été reprochés à notre

  5   client et pour lesquels il a été condamné, ceci se base sur ce qui est dans

  6   les paragraphes 308 à 316 du jugement, qui dirait que Panic et Vukasinovic

  7   avaient informé Mrksic de ce qui s'était passé l'après-midi à Ovcara et que

  8   Mrksic n'a pas réagi à ces rapports, c'est ce qui est allégué, en tout cas,

  9   dans le jugement.  

 10   Tout d'abord, en ce qui concerne le contenu de ce que Panic aurait dit à

 11   Mrksic, d'après les mots mêmes de Panic, on pourrait en conclure qu'il

 12   avait dit que la situation était plus ou moins maîtrisée, mais qu'il

 13   fallait aller consulter Vojnovic pour qu'il assure la sécurité des

 14   prisonniers de guerre. La crédibilité de ce témoin a déjà été mise en

 15   cause, et je tiens à vous dire que ce témoin ne peut pas être pris pour un

 16   témoin fiable en ce qui concerne aucune de ses déclarations, et surtout

 17   celle-ci.

 18   Cela dit, après 16 heures, dans le journal opérationnel de la 80e, on

 19   trouve un ordre demandant à ce que l'on renforce les membres de l'équipe de

 20   sécurité à la ferme d'Ovcara, donc finalement il y a bel et bien eu une

 21   réaction.

 22   En ce qui concerne ce qu'a dit le témoin Vukasinovic à Mrksic, sachez

 23   que cela s'est passé après 17 heures, en tous cas d'après ce qu'a dit

 24   Vukasinovic, d'abord il s'est reposé visiblement, ensuite il a fait rapport

 25   à Mrksic, cela signifie donc qu'il n'y avait pas vraiment grand-chose

 26   d'urgent à traiter, qu'il y avait eu des renforts au niveau de la sécurité,

 27   et que Mrksic lui a dit qu'il pouvait s'en aller.

 28   En ce qui concerne maintenant ce que Vojnovic aurait dit à propos de

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  1   ce qui s'était passé cet après-midi, Me Domazet en a parlé, et on voit

  2   aussi ce qui s'est passé d'après le témoignage de ceux qui avaient assisté

  3   au briefing. Ils ont dit qu'ils ne se souvenaient pas que Vojnovic avait

  4   fait référence à un problème urgent, et il n'aurait pas pu le faire

  5   d'ailleurs, parce qu'il a quitté Ovcara alors que tout se passait toujours

  6   très bien à Ovcara, et que la police militaire contrôlait parfaitement ce

  7   qui se passait à Ovcara à ce moment-là.

  8   Après le briefing, certains, dans leur déposition, ont dit que Mrksic

  9   aurait appelé le commandant de la compagnie de blindés et lui aurait dit de

 10   se tenir prêt à assurer la sécurité des prisonniers de guerre.

 11   Donc on voit bien que Mrksic a fait beaucoup de choses avant de se rendre à

 12   Belgrade le soir du 20 novembre 1991. Mrksic ne peut pas être considéré

 13   responsable s'il avait ordonné ce qu'a conclu la -- s'il avait donné

 14   l'ordre, comme l'a établi la Chambre de première instance, il l'aurait fait

 15   le long de sa propre chaîne de commandement. Or, cet ordre n'est pas passé

 16   pas sa propre chaîne de commandement mais par la chaîne de sécurité, et

 17   Mrksic n'aurait pas pu ce donner type d'ordre puisqu'il n'avait pas le

 18   mandat pour le faire. Donc il n'a pas commis quoi que ce soit par omission

 19   et donc il ne  peut pas être tenu responsable de complicité en matière de

 20   torture et de traitements inhumains alors conclusion qui a pourtant été

 21   atteinte par la Chambre de première instance.

 22   Et pour cette raison, en ce qui concerne tous les chefs pour lesquels il a

 23   été inculpé et condamné, nous demandons que Mile Mrksic soit déclaré non

 24   coupable, non responsable. Parce qu'en fait, il n'y a aucun élément de

 25   preuve qui permet au-delà de tout doute raisonnable de conclure que les

 26   éléments existent permettant de le condamner.

 27   Pour ce qui est de la peine maintenant, nous considérons que la Chambre de

 28   première instance n'a pas pris en compte toutes les circonstances

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  1   atténuantes lorsqu'elle a pris en compte leur peine. Tout d'abord, pour ce

  2   qui est de la complicité et selon nous, la peine est beaucoup trop lourde.

  3   Mile Mrksic n'avait pas l'autorité, il n'avait pas l'obligation de

  4   s'occuper du triage, du transport et de la sécurité des prisonniers de

  5   guerre.

  6   Il me reste très peu de temps, et j'aimerais juste que l'on passe

  7   maintenant, s'il vous plaît, à huis clos partiel, car je voudrais que l'on

  8   aborde un nouveau sujet. J'en ai pour deux ou trois phrases. Cela porte

  9   certes un témoin protégé. C'est pour cela que je l'ai laissé pour la fin.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. Passons maintenant à huis

 11   clos partiel.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 13   partiel.

 14   [Audience à huis clos partiel]

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  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16   [Audience publique]

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons maintenant reprendre, bien

 18   sûr, l'audience publique et je vais répéter ce que je viens de dire. Donc

 19   la présentation des arguments de la Défense de M. Mrksic est terminée et

 20   nous allons maintenant faire une pause de 15 minutes.

 21   --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.

 22   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est à vous donc, Monsieur Rogers ?

 24   M. ROGERS : [interprétation] Tout à fait.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Allez-y, vous avez une heure et demie.

 26   M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Je me rappelle de ce que vous avez dit au départ de cette audience en ce

 28   qui concerne le fait que vous ne vouliez pas réentendre ce qui avait été

Page 73

  1   écrit dans notre mémoire, j'ai bien compris cela, et nous ne sommes pas ici

  2   non plus pour refaire le procès.

  3   On pouvait peut-être oublier en écoutant ce que nous a présenté le

  4   conseil de M. Mrksic. Mais tout ce que vous avez entendu jusqu'à présent

  5   des conseils représentant M. Mrksic a déjà été dit de toute façon, a été

  6   présenté et a été jugé, si je puis dire, a été vérifié. Et malheureusement

  7   pour M. Mrksic, tous leurs arguments ont été rejetés. C'est quand même la

  8   fonction de ce Tribunal, et donc la fonction de cette Chambre d'appel n'est

  9   pas de reprendre ce qui a déjà été jugé à moins que l'on puisse en

 10   démontrer de bons motifs pour cela.

 11   Donc nous avons répondu à l'appel de M. Mrksic dans notre mémoire,

 12   nous avons répondu à pratiquement tous les points, je ne vais pas répéter

 13   du tout ce qui a été dit.

 14   Mais nous allons procéder de la sorte. D'abord, je vais donner une

 15   petite présentation générale de notre réponse, ensuite mon

 16   co-conseil, Mme Lewis et M. Wood vont parler de points précis portant sur

 17   l'appel de M. Mrksic qui, selon nous, étaient les plus essentiels et ceux

 18   qui étaient présentés par la partie adverse, c'est-à-dire le fait de

 19   l'ordre qui aurait été donné de retirer les forces de sécurité et peut-être

 20   aussi la ligne de commandement, la hiérarchie en ce qui concerne la

 21   sécurité. Donc M. Wood va parler des chefs 6, 7 et 8, et Mme Lewis va

 22   parler des chefs 1, 2 et 3 portant sur les organes de sécurité de la 80e et

 23   de la commande.

 24   Nous considérons que la Chambre de première instance a condamné tout à fait

 25   raisonnablement Mile Mrksic d'avoir aidé et encouragé au meurtre de 194

 26   prisonniers de guerre, lorsqu'il a demandé à la sécurité de la 80e Brigade

 27   de se retirer, qui était quand même la seule force permettant de protéger

 28   ces prisonniers jusque-là. De plus, la Chambre de première instance a eu

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  1   raison de condamner Mile Mrksic d'avoir aidé à encourager la torture et aux

  2   traitements cruels de ces prisonniers.

  3   Donc la Chambre de première instance a considéré aux paragraphes 627 et 628

  4   du jugement que le fait que Mile Mrksic n'ait pas agi a permis d'aider et

  5   d'encourager les personnes à Ovcara qui voulaient se -- a permis d'aider et

  6   d'encourager les personnes à Ovcara qui voulaient se venger sur les

  7   malheureux s'y trouvant.

  8   Donc pour bien comprendre la position d'autorité occupée par Mile Mrksic,

  9   il faudrait mieux comprendre dès le départ comment fonctionnait et s'était

 10   structuré le G sud. J'ai quelques diapositives, j'ai une petite

 11   présentation Powerpoint, elle est très courte, ne vous inquiétez pas, et

 12   elle explique un peu la structure.

 13   Tout d'abord, on voit en haut, on voit tout en haut le "Groupe opérationnel

 14   sud" et on voit que le G sud et le 80e, c'est la même chose, Mile Mrksic

 15   est le commandant et le lieutenant-colonel Miodrag Panic en est le chef

 16   d'état-major.

 17   Est-ce que vous avez cela à l'écran ?

 18   Mrksic a été nommé le 8 octobre 1991 en tant que commandant de l'OG sud et

 19   ça se trouve au paragraphe 70. Donc toutes les unités qui servaient dans

 20   cette zone de responsabilité étaient sous son commandement, le commandement

 21   de la 80e GMBTR. Au départ, l'hôpital de Vukovar était sous la zone de

 22   responsabilité de l'OG nord, mais le 18 novembre 1991, avec la prise de

 23   l'hôpital, on a donné l'hôpital à la zone de responsabilité qui était sous

 24   le commandement de M. Mrksic.

 25   Au sein de la structure de commandement de la Brigade des Gardes, il y

 26   avait, bien sûr, un organe de sécurité. Et vous verrez que le chef de la

 27   sécurité, en ce qui concerne la 80e, était le commandant Sljivancanin.

 28   C'était aussi la structure de commandement de l'OG sud, donc il était aussi

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  1   dans cette position de responsabilité. Et son adjoint était le commandant

  2   Vukasinovic et dans sa branche il y avait aussi un officier chargé de la

  3   sécurité, le capitaine Karanfilov. Je vous redonne tous ces noms pour que

  4   vous sachiez exactement où ils se trouvent dans l'organigramme.

  5   Les autres organes de sécurité lui étaient aussi subordonnés; celle de la

  6   80e Brigade motorisée, par exemple, que l'on trouve à la page 127, et les

  7   autres organes de sécurité avaient leur propre chaîne de commandement. Mais

  8   pour ce qui est de contre-renseignement, on en a parlé d'ailleurs. Et je

  9   l'aborderai aussi. Et Mme Lewis en parlera.

 10   Ensuite, nous avons la 80e Brigade motorisée qui était au sein de

 11   l'OG sud,  - ceci, paragraphe 74 [comme interprété] -, et qui était donc

 12   subordonnée à Mile Mrksic. Et on voit qu'il y a une compagnie de police

 13   militaire dans la 80e qui est sous le commandement de Dragan Vazmarovic,

 14   qui a son propre organe de sécurité, c'est-à-dire M. Vukosavljevic. La

 15   brigade motorisée avait aussi deux bataillons de police militaire à sa

 16   disposition. Je ne les ai pas montrés sur l'organigramme parce qu'ils

 17   encombrent un peu les choses. Donc la 80e n'avait qu'une compagnie, environ

 18   160 [comme interprété] hommes, mais les gardes eux avaient deux bataillons.

 19   Donc ils avaient beaucoup plus d'hommes à leur disposition.

 20   Donc si cela vous suffit, je vais maintenant mettre un terme à cette

 21   présentation Powerpoint pour ne pas distraire, si je puis dire, l'audience.

 22   Maintenant, passons à mon argument principal. Lorsque j'écoutais les

 23   présentations du conseil de M. Mrksic, il dit, en fait, que les conclusions

 24   de la Chambre de première instance étaient basées sur un argument.

 25   L'argument, c'est qui cela pouvait être, sinon Mrksic ? A notre avis, il

 26   dit cela pour dire que ça pouvait être n'importe qui. En fait, on demande à

 27   la Chambre d'appel d'évaluer l'envers de ce qui s'est passé. Donc il était

 28   commandant quand même de la brigade motorisée, qui était quand même la

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  1   meilleure unité de la JNA - c'est au paragraphe 61 - commandant du groupe

  2   d'opération en charge d'une évacuation politique extrêmement sensible. Il

  3   fallait évacuer les prisonniers de guerre de l'hôpital de Vukovar, cette

  4   évacuation se faisant d'ailleurs sous les yeux de la communauté

  5   internationale, sous les yeux des médias internationaux, en présence

  6   d'observateurs européens, de la Croix-Rouge, de diplomates de haut rang et

  7   d'un grand nombre de personnes. Et malgré les éléments de preuve

  8   extrêmement fiables montrant qu'il avait toujours été impliqué dans les

  9   décisions prises à propos du sort des prisonniers le 19 et le 20 novembre

 10   1991.

 11   Malgré tout ça, il déclare qu'il n'était pas en charge de la protection de

 12   ces prisonniers, en aucune façon. Il considère, et il nous dit que c'était

 13   une autre personne, d'autres personnes qui étaient chargées de cela.

 14   Dans ses arguments - et d'ailleurs c'est très apparent ce matin - on

 15   voit bien que Mrksic critique sans cesse l'approche de la Chambre de

 16   première instance en citant d'autres moyens de preuve du transcript en

 17   déclarant que d'autres conclusions auraient dû en être tirées. Il attaque

 18   la crédibilité des témoins, des éléments de preuve. Il montre qu'il y a

 19   d'autres preuves qui auraient dû être utilisés pour en tirer d'autres

 20   conclusions. En fait, il n'a pas du tout compris la façon dont fonctionne

 21   cette Chambre de première instance, et surtout la Chambre d'appel,

 22   puisqu'ici on n'est pas pour réentendre les faits. On n'est pas pour

 23   répéter ce qui s'est déjà fait lors du procès.

 24   Pour repousser les conclusions de la Chambre de première instance à propos

 25   des faits, donc les constatations, l'appelant doit démontrer que les

 26   constatations de la Chambre de première instance étaient des constatations

 27   qu'aucune Chambre de première instance raisonnable aurait pu faire

 28   lorsqu'elle évaluait tous les moyens de preuve à sa disposition. Donc c'est

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  1   normal que la Défense attaque des petits éléments individuels, mais la

  2   Chambre de première instance savait qu'elle risquait de se faire attaquer

  3   de façon individuelle, et les a pris en compte d'ailleurs dans son

  4   jugement, et a en fait évalué la totalité des faits.

  5   Le critère s'applique à des constatations basées sur des preuves directes

  6   et aussi sur des preuves indirectes. Ça se trouve d'ailleurs à l'arrêt

  7   Martic, paragraphe 11, puis note de pied de page 23, à ce moment-là déjà

  8   établi dans Strugar, Hadzihasanovic, l'arrêt Blagojevic, et cetera.

  9   Donc la relation -- en fait, le fait que quand on dit que c'est Mrksic qui

 10   a ordonné que la 80e Brigade motorisée se retire d'Ovcara, nous considérons

 11   que cette constatation doit laissé en état, puisque Mrksic n'a pas réussi à

 12   prouver qu'aucune Chambre raisonnable aurait pu prouver le contraire, y

 13   trouver le contraire et en déduire le contraire.

 14   Donc la Chambre de première instance a traité de cet incident qui n'a eu

 15   lieu que pendant deux à trois jours. Mais la Chambre de première instance

 16   avait là une responsabilité extrêmement lourde, puisqu'elle devait

 17   déterminer la responsabilité pénale de l'appelant. Elle a pesé, évalué,

 18   réfléchi à énormément de choses. Il y avait 188 jours d'audience, 84

 19   témoins qui ont témoigné. La Chambre de première instance a pris en compte

 20   885 pièces sous toutes sortes de formes et formats. Il y avait des photos,

 21   des films vidéo, des documents, des déclarations, et cetera, et cetera.

 22   Elle a pris en compte un grand nombre des éléments dont mes confrères ont

 23   parlé. Ils ont fait référence à Trifunovic au compte rendu page 8 168, mais

 24   la Chambre de première instance l'a pris en compte d'ailleurs, et une note

 25   de pied de page existe dans le jugement, la note de pied de page 1289. Ça

 26   montre bien les détails dans lesquels la Chambre de première instance est

 27   rentrée, la prudence qu'elle a employée.

 28   Elle a fait référence entre Vujsanovic [phon] et Vojnovic en ce qui

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  1   concerne le briefing qui ont été présentés à l'envi d'ailleurs. Et la

  2   Chambre de première instance a parlé pendant six pages de ce qui avait bien

  3   pu se passer lors de ce briefing. Ce sont les paragraphes 309 à 322.

  4   Toute Chambre d'appel qui ne procède pas à un procès de novo - ce n'est pas

  5   le cas ici - reconnaît qu'elle ne peut pas faire la tâche qui était conviée

  6   à la Chambre de première instance. Mais une Chambre d'appel peut revoir les

  7   modalités du processus de prise de décisions, ce qui montre tout le respect

  8   nécessaire qu'il faut donner à un tribunal des faits. Surtout ici,

  9   lorsqu'on a dû examiner beaucoup d'éléments de preuve, cette déférence va

 10   être grande. La Chambre de première instance a pu voir les témoins en

 11   audience. Elle a pu examiner leur comportement et en fin de compte leur

 12   crédibilité, surtout ici quand beaucoup des éléments de preuve ont été

 13   entendus à l'audience. Ici, ce n'est pas un dossier papier, si j'ose dire.

 14   J'ai une certaine expérience lorsqu'il y a fraude. Là, on n'a pas besoin de

 15   beaucoup de témoins. On a simplement besoin de montagnes, de piles entières

 16   de papier. Alors là il n'est pas facile de voir quelle est la crédibilité

 17   des témoins, mais ici ce n'est pas le cas. Il y a eu énormément de témoins

 18   de vive voix.

 19   Ceci était reconnu par la Chambre d'appel. L'arrêt Tadic, où on dit

 20   que plusieurs Juges de fait ont tirer des conclusions différentes alors que

 21   les éléments de preuve sont les mêmes. Ceci montre le seul fait qu'il y a

 22   d'autres éléments de preuve qui existent qui pourraient entraîner une autre

 23   conclusion ne vont pas pour autant entacher des condamnations d'erreur.

 24   Ici, c'est une question de droit qui se pose, et même dans les faits

 25   l'appelant n'a pas réussi à montrer que la Chambre aurait fauté, que ce

 26   soit de la façon dont les témoins ont été jugés ou de façon générale.

 27   La Chambre a pris grand soin à voir comment la Chambre allait s'y

 28   prendre pour évaluer les moyens de preuve, paragraphes 11 à 16. Il y aurait

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  1   des conflits. Elle l'a reconnu. Il faudra les régler, mais pas tous.

  2   Lorsqu'elle soupèse le témoignage, elle explique pourquoi elle rejette un

  3   témoin ou l'accepte. Par exemple, pour ce qui est du commandant adjoint

  4   Panic, du chef d'état-major. Elle dit ceci au paragraphe 297. Elle dit :

  5   "La Chambre relève qu'elle a examiné la déposition de Panic avec beaucoup

  6   de soin, surtout pour ce qui est des événements importants, ceux du 19 et

  7   du 20 novembre. Elle les a examinés à la lumière des autres éléments de

  8   preuve y afférents. Elle a procédé à un examen précis et minutieux de la

  9   crédibilité de Panic en tenant compte de son comportement au moment de

 10   déposer, les événements qui ont été établis ou dont on a dit qu'ils avaient

 11   eu lieu, et le comportement de ceux qui les ont relatés de façon

 12   différente."

 13   De l'avis de la Chambre, le lieutenant-colonel Panic a été de façon

 14   générale et à propos de la plupart des questions posées, un témoin honnête

 15   et fiable, comparé ceci avec ce qu'a dit la Défense. La Défense elle dit

 16   que c'est un témoin qui n'est pas fiable, elle a tort de le dire.

 17   Autre exemple - et j'en donne quelques-uns - en ce qui concerne le témoin

 18   Susic, paragraphes 299 à 302 du jugement. La Chambre consacre deux pages et

 19   demie de son jugement à la présentation des préoccupations de la Défense.

 20   Elle y répond et elle soupèse le témoignage de témoins qui se contredisent.

 21   Par exemple, Vojnovic, paragraphe 321, voici ce que la Chambre dit :

 22   "Les circonstances présentées par les moyens de preuve montrent que c'est

 23   un point en litige qui n'est pas résolu. De ce fait, la Chambre examine la

 24   déposition du lieutenant-colonel Vojnovic avec beaucoup de précaution. Mais

 25   elle relève que sur ce point, Vojnovic a donné une impression très nette

 26   d'être franc, honnête pour ce qui est de la question du rapport qu'il

 27   aurait présenté à Mrksic et d'après ce dont il se souvient par rapport à

 28   une procédure qui a eu lieu en 1998."

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  1   Là il y avait un conflit entre Vujic et Korica, paragraphe 173 du jugement.

  2   Là aussi, la Chambre procède à un examen très minutieux et explique

  3   pourquoi elle a privilégié la déposition de Vujic et a rejeté, ne serais-ce

  4   qu'en partie, l'autre témoin.

  5   De notre avis, il est donc manifeste que la Chambre de première instance,

  6   tous les Juges de cette Chambre voulaient être très précis dans leur examen

  7   des preuves pour arriver à une juste conclusion quant à la fiabilité d'un

  8   témoin, si c'était nécessaire. Elle n'a pas dû le faire tout le temps, mais

  9   quand on voit la démarche collégiale de la Chambre que les Juges de la

 10   Chambre, c'est dans les formes voulues qu'elle a évalué la situation. Par

 11   conséquent, quand on voit la façon dont la Défense attaque les conclusions

 12   de la Chambre, ces conclusions peuvent être rejetées.

 13   Mrksic cherche à faire porter le blâme pour les commandements locaux

 14   ou le commandement de la 80e Brigade motorisée ou l'organe de sécurité. Par

 15   rapport à la 80e, il renvoie à une pièce, même s'il ne donne pas la cote,

 16   une pièce du 19 novembre où il dit qu'en fait, on attendait des prisonniers

 17   le lendemain. Mais ce n'est pas notre avis. En fait, lors du briefing il y

 18   a eu une discussion concernant l'évacuation de l'hôpital mais pas sur la

 19   question de savoir où allaient les prisonniers et qui allaient les prendre

 20   en charge. Parce que ça n'avait pas été décidé ce jour-là, le 19 ou le 18.

 21   La Défense essaie de semer le doute quant à la question de savoir qui a

 22   donné l'ordre de retrait. La Chambre a estimé qu'il n'y avait aucun doute à

 23   cet égard.

 24   La Défense ne conteste pas que Mrksic était le commandant général pour le

 25   Groupe opérationnel sud et ne rejette pas l'idée que cette zone se trouvait

 26   dans sa responsabilité. Ce qu'il essaie de faire au contraire c'est de

 27   limiter sa responsabilité à la seule évacuation des civils, du personnel

 28   hospitalier, des blessés et des malades de Vukovar. En plus, que ceci avait

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  1   été délégué à Sljivancanin. Comme le dit le paragraphe 139. Il dit que

  2   c'était Sljivancanin qui en était chargé, parce que c'était le service de

  3   Sécurité qui avait cette responsabilité de l'évacuation des prisonniers de

  4   guerre et de leur sécurité. Donc il dit qu'il n'a aucune responsabilité à

  5   la matière. Et à l'audience il vous a demandé de tenir compte de la pièce

  6   819, où il dit que là on montre que cette responsabilité est confiée au

  7   service de Sécurité.

  8   Mais regardez cette pièce, c'est un rapport du 12 octobre 1991, bien avant

  9   la date, et ça vient de l'organe de sécurité de 80e Brigade. Ici, on parle

 10   de l'évaluation des questions de sécurité, de l'interrogatoire de suspects

 11   et dans le corps même du rapport, on voit le détail de l'exécution de cet

 12   ordre. Mais on ne parle pas de la sécurité des prisonniers de guerre,

 13   uniquement de leur interrogatoire. Et ceci correspond tout à fait à

 14   l'opération de triage. Ce qui est intéressant, c'est que toute à la fin,

 15   l'auteur du rapport dit ceci :

 16   "Les services de Sécurité sont très stressés, car ils sont chargés de

 17   plusieurs responsabilités qui ne relèvent pas de leur compétence."

 18   Ici, l'ordre d'évacuation de l'hôpital, l'ordre de s'occuper des

 19   prisonniers de guerre, il vient de Mile Mrksic. Normalement un organe de

 20   sécurité -- alors que la sécurité des prisonniers ça ne relève pas de

 21   l'organe de sécurité normalement ça revient à Mrksic. C'est pour ça qu'il

 22   donne cet ordre, cette tâche à Sljivancanin, et c'est d'ailleurs ce qu'a

 23   constaté la Chambre de première instance.

 24   Madame et Messieurs les Juges, il soutient que le choix manifeste pour ce

 25   qui était des civils, c'était Sljivancanin. Nous affirmons que c'est le

 26   contraire. Il dit que le mouvement des prisonniers n'avait rien à voir avec

 27   lui. Quel que soit le sort qui leur a été réservé quel qu'il soit, bien,

 28   c'était quelque chose qui incombait à Sljivancanin et aux organes de

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  1   sécurité; mémoire en appel 140 à 149. Il dit aussi que ceci s'est passé

  2   dans la zone de responsabilité du 80e et comme Mrksic avait pris les

  3   commandements locaux, c'étaient ces derniers quelque part qui étaient

  4   responsables de ce qui s'est passé; mémoire d'appel 25 à 102. Mais la

  5   Chambre a, à juste titre, nous semble-t-il, s'est beaucoup appuyée sur ce

  6   qu'a dit le lieutenant-colonel Panic, son chef d'état-major, pour ce qui

  7   est dit au paragraphe 105 [phon] pour ce qui est de ce qui s'est passé à

  8   Ovcara. Parce que Mile Mrksic avait pris une décision intérimaire pour ce

  9   qu'il fallait faire du transport des prisonniers - paragraphe 305 du

 10   jugement - à la suite de la réunion du gouvernement.

 11   Relevons que dans son mémoire en appel, au paragraphe 167, Mrksic en

 12   personne dit que le rôle de Panic c'était "de commandant adjoint." Oui,

 13   c'est vrai. Puis, il ajoute :

 14   "C'est lui qui avait la responsabilité de la surveillance et de l'exécution

 15   des ordres du commandement. C'est comme ça qu'il faudrait voir son rôle."

 16   La Chambre a bien étudié le rôle joué par Panic dans cet éclairage, mais

 17   nous disons - et ce n'est pas surprenant - pour ce qui est de l'exécution

 18   des différents ordres donnés par Mrksic à propos des prisonniers, on voit

 19   souvent apparaître Panic. On le voit présent à la réunion du gouvernement,

 20   paragraphes 225, 296, 305 du jugement, là où on discute du sort des

 21   prisonniers. Il est à la caserne le matin du 20, lorsqu'on détient des

 22   prisonniers et qu'on les maltraite - paragraphe 296 - plus tard, on le voit

 23   à Ovcara, c'est là qu'ils ont été transférés, frappés et finalement,

 24   assassinés; paragraphe 308. Partout, Mrksic reçoit des rapports de Panic,

 25   il relate ses observations à la caserne, à la réunion du gouvernement, à

 26   Ovcara où il dit qu'il l'a vu. Pourquoi le fait-il, si ce n'est pas Mrksic

 27   qui est le responsable ?

 28   De plus, une chose est claire, Mrksic donne ordre à Sljivancanin

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  1   d'effectuer l'évacuation et d'envoyer les prisonniers à Sremska Mitrovica;

  2   paragraphe 191 et 295. Chacun a son rôle, mais ces rôles ne s'excluent pas.

  3   C'est simplement qu'ils éclairent des aspects différents des événements de

  4   ce jour-là alors que Mrksic garde la responsabilité générale et générique.

  5   La conclusion de la Chambre, elle dit que Panic fait part de ses

  6   observations à Ovcara à Mile Mrksic, paragraphe 308. Aux pages du compte

  7   rendu d'audience 14 473, voici ce que dit Panic par rapport à l'objet, des

  8   rapports qu'il a faits :

  9   "J'ai fait comprendre qu'il fallait vérifier la sécurité, renforcer les

 10   éléments de sécurité et j'ai pensé qu'il fallait envoyer quelqu'un sur

 11   place dont c'était la spécialité afin que des mesures correctives se soient

 12   mises en œuvre, et j'ai conclu la même chose avec Vojnovic, à savoir qu'il

 13   fallait renforcer la sécurité.

 14   "Question : Mais vous dites au paragraphe 86 de la déclaration préalable :

 15   'Dans ce cadre, vous avez dit à Mrksic que vous aviez des doutes quant à la

 16   sécurité de ces prisonniers à Ovcara ?

 17   "Réponse : Oui.

 18   "Question : Et vous vouliez que quelqu'un 'fasse le point sur la situation

 19   sécuritaire' - si vous regardez la page 87 - 'pour être sûr que la sécurité

 20   des prisonniers était garantie.' C'est bien ce que vous avez dit au

 21   paragraphe 87, n'est-ce pas, de votre déclaration ?

 22   "Réponse : Oui."

 23   Il poursuit à la page 14 474 pour donner son avis sur la raison de ce qu'il

 24   a dit. Il dit :

 25   "A propos des sentiments que j'avais sur la TO serbe locale et le fait que

 26   Mrksic savait qu'il y avait des menaces sur la sécurité des prisonniers à

 27   cause de la TO, il aurait pu utiliser des unités de la brigade pour

 28   neutraliser cette menace. Mais la To serbe locale ne faisait pas le poids

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  1   de toute façon par rapport à la 80e Brigade motorisée."

  2   Et le témoin, lorsqu'on lui pose la question, confirme cela.

  3   Je reviens à Sljivancanin, l'Accusation reprend les arguments qu'elle a

  4   présentés quant à son rôle, arguments qu'elle présente dans son appel, et

  5   je n'ai pas l'intention de répéter maintenant ce que nous avons dit dans ce

  6   mémoire d'appel et dans celui de réponse.

  7   Celui qui prend de façon ultime les décisions s'agissant du sort des

  8   prisonniers, c'est Mrksic. Il est intéressant de voir ce qu'a dit le témoin

  9   à décharge Jaksic, c'était un témoin appelé par la Défense, il avait été

 10   commandant de la TO locale avant d'être remplacé par Mrksic, et voici ce

 11   que dit Jaksic, le matin du 20 novembre, ce qu'on appelle le gouvernement,

 12   lui avait demandé d'intervenir en tant que médiateur - c'est lui qui a

 13   choisi ce terme, "médiateur" - entre le gouvernement et Mile Mrksic ce

 14   jour-là, à la page 11 920, il dit qu'il est allé voir Mrksic pour lui

 15   demander si au nom du gouvernement, si les gouvernements [comme interprété]

 16   pouvaient rester sur zone et non pas être envoyés à Sremska Mitrovica, mais

 17   la réponse était ferme, non, ils devaient aller à Mitrovica.

 18   Qu'est-ce qui est important ici, à notre avis, c'est que les locaux, ceux

 19   qui savaient pour ainsi dire, ceux dont on pouvait s'attendre à ce qu'ils

 20   sachent à qui s'adresser s'ils voulaient avoir une décision, ils ne sont

 21   pas allés voir Sljivancanin, ils ne sont pas allés voir la filière de

 22   sécurité dans la voie hiérarchique; ils sont allés voir pour cette décision

 23   le matin du 20 novembre Mile Mrksic. Pourquoi, s'il était vrai de dire

 24   qu'il n'était investi d'aucune responsabilité ?

 25   Mrksic était informé de la présence des prisonniers le matin du 20. Et il a

 26   pris des décisions. Il savait les incidents de la caserne - c'est le

 27   paragraphe 301 - et la Chambre a conclu que normalement il devait avoir été

 28   informé de ces incidents, car c'était un incident pour lequel "il avait des

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  1   préoccupations et une responsabilité directe, tout comme pour ce qui était

  2   du devenir des prisonniers ce jour-là." Et c'est lui qui a décidé de

  3   rediriger les prisonniers sur Ovcara, c'est lui qui a donné l'ordre à la

  4   80e de d'accueillir les prisonniers à Ovcara. Il savait qu'il y avait là

  5   des problèmes, et il n'a rien fait à ce moment-là pour y remédier ni à ce

  6   moment-là ni après. La seule chose qu'il a faite, c'était pour les priver

  7   de la seule sécurité qu'ils avaient et de les livrer à leur sort.

  8   La présence de ces prisonniers et la situation politique, s'agissant de

  9   leur traitement, c'était à l'avant-plan de toutes les préoccupations. Il y

 10   avait des délégations qui étaient envoyées régulièrement au poste de

 11   commandement de Mrksic. Pourquoi les envoyer là si c'était quelqu'un

 12   d'autre qui était responsable ? Et à notre avis, il est absurde de vouloir

 13   laisser entendre que la seule préoccupation de Mrksic c'était les civils et

 14   que quelque part les prisonniers qui se trouvaient dans sa zone de

 15   responsabilité ne relevaient pas de sa zone de responsabilité morale.

 16   C'est lui qui était le commandant qui avait été chargé de la mission de

 17   prendre l'hôpital et puis de l'évacuer. Et c'était vers lui que se

 18   tournaient ses adjoints pour que des décisions soient prises en matière de

 19   sécurité et le mouvement des prisonniers, il est absurde de penser qu'il

 20   n'avait pas partie prenante à ce processus vu le caractère très délicat de

 21   la situation et la nécessité impérieuse qu'il y ait quelqu'un qui dirige la

 22   situation, qui, sinon lui, aurait pu ordonner le retrait de la 80e ?

 23   La Défense vous a demandé ceci : "Il n'aurait pas pu le faire parce qu'il y

 24   en avait d'autres dans la hiérarchie de la JNA qui auraient été très

 25   inquiétés de voir ce genre d'activité." Mais ceci ne traduit pas ce qui

 26   était peut-être la réalité, à savoir qu'il aurait peut-être fallu que

 27   d'autres soient traduits en justice, que d'autres aient à répondre de leurs

 28   responsabilités pénales devant ces événements. La Chambre de première

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  1   instance n'a jugé que ces accusés-ci, peut-être qu'elle n'a pas pu

  2   expliquer de façon précise pourquoi les événements se sont déroulés. On ne

  3   peut pas toujours répondre à tout, mais ici en l'occurrence après avoir

  4   filtré, soupesé et étudié tous les éléments de preuve, la Chambre était

  5   convaincue que Mile Mrksic, que sa responsabilité pénale avait été établie,

  6   et à notre avis, les conclusions de la Chambre sont autant logiques

  7   qu'inattaquables, et l'appel doit être rejeté.

  8   Je me propose maintenant de passer la parole à M. Wood qui va vous

  9   présenter nos arguments sur l'ordre de retrait, à moins que vous n'ayez des

 10   questions à poser à ce stade à moi personnellement.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pas de questions pour le moment.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Wood, vous avez la parole.

 14   M. WOOD : [interprétation] Merci. Madame et Messieurs les Juges, au cœur

 15   même de la condamnation de Mrksic pour complicité de meurtre de 194

 16   personnes, nous avons la constatation qu'il avait ordonné le retrait de la

 17   police militaire de la ferme d'Ovcara le 20 novembre 1991. Vous le savez,

 18   la Chambre a conclu que le colonel Mrksic avait ordonné à la Compagnie de

 19   police militaire de la 80e Brigade motorisée de quitter ce soir-là Ovcara,

 20   un acte qui allait livrer les prisonniers de l'hôpital de Vukovar aux mains

 21   des 300 paramilitaires et membres de la TO meurtriers qui s'étaient

 22   rassemblés à cet endroit. La Chambre a conclu que la connaissance qu'avait

 23   Mrksic de cet acte entraînait de façon prévisible l'assassinat de ces

 24   femmes et de ces hommes. Mrksic n'a pas réussi à vous montrer dans les

 25   moyens 6, 7 et 8 que la Chambre aurait tiré une conclusion déraisonnable,

 26   par conséquent, l'appel interjeté par Mrksic doit être rejeté.

 27   Je vais maintenant vous montrer les conclusions principales de la Chambre

 28   lorsqu'elle a étudié ce dossier volumineux pour arriver à la conclusion que

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  1   c'était bien Mrksic qui avait donné cet ordre. Nous allons voir les

  2   conclusions les plus saillantes de la Chambre pour montrer à quel point

  3   l'analyse à laquelle elle a procédé était précise, pour vous montrer que

  4   cette conclusion était la seule conclusion raisonnable que pouvait tirer

  5   une Chambre après l'examen de ces éléments de preuve.

  6   Commençons par étoffer ce que vous a dit mon confrère sur le passé de

  7   Mrksic, le poste qu'il occupait et le rôle qu'il a joué dans les événements

  8   des 19 et 20 novembre 1991.

  9   La Chambre a conclu qu'il était le commandant principal pour ce qui était

 10   de l'évacuation de l'hôpital de Vukovar. Beaucoup d'éléments montrent que

 11   c'était lui le point de référence de tous les officiers lorsqu'il fallait

 12   prendre des décisions. Un exemple, Vesna Bosanac se tourne vers lui, elle

 13   est directeur de l'hôpital, et c'est vers lui qu'elle se tourne le 19

 14   novembre lorsqu'il s'agit de prendre les mesures d'évacuation. Paragraphe

 15   137. Les observateurs de la MOCE rencontrent Mrksic le 19, là aussi pour

 16   discuter des modalités de l'évacuation. Paragraphe 139. La mission

 17   diplomatique des Nations Unies rencontre Mrksic le 19 novembre, car elle

 18   cherche à recueillir des informations sur l'endroit où envoyer les forces

 19   de maintien de la paix des Nations Unies. Même des hommes du même grade que

 20   lui reconnaissent que c'est lui qui était le commandant de zone; ainsi

 21   lorsque les trois officiers du contre-renseignement de la JNA, Vujic, Tomic

 22   et Kijanovic dont vous avez entendu parler aujourd'hui, sont arrivés de

 23   Belgrade le 19 novembre, ils font rapport à Mrksic et c'est à lui qu'ils se

 24   présentent; ils ne donnent pas d'ordre. Ça se trouve au paragraphe 169 du

 25   jugement. Lorsqu'ils arrivent, ces colonels, le 19 novembre à Velepromet,

 26   ils demandent des renforts à Mrksic. Ils ne lui donnent pas d'ordre de

 27   fournir ces renforts. Ça se trouve au paragraphe 173 du jugement. Enfin,

 28   lorsque ces colonels en ont vu assez à Velepromet, la Chambre conclut

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  1   qu'ils avaient vu un homme qui avait été frappé à Velepromet et que les

  2   colonels eux-mêmes avaient été menacés par les membres de la Défense

  3   territoriale qui s'y trouvaient. Ils disent à Mrksic qu'ils ne vont rien

  4   faire d'autre. Paragraphe 172. L'un d'eux, le colonel Vujic, dit à Mrksic -

  5   au paragraphe 174 - que "c'est une attaque contre vous, le commandant."

  6   Cela reconnaît de façon explicite que la responsabilité, c'est Mrksic qui

  7   l'avait et qu'il a failli dans l'obligation qu'il avait de protéger les

  8   prisonniers. Et nous sommes là la veille des événements du 19, donc ce sont

  9   vraiment des mots prophétiques qui sont ainsi prononcés.

 10   Les éléments de preuve montrent qu'il a participé de façon directe et

 11   personnelle à tous les moments de l'évacuation, du transport des

 12   prisonniers, et aussi à la sécurité jusqu'au moment où ils ont trouvé la

 13   mort, nous avons peut-être une planche qui vous montrera sous forme de

 14   Powerpoint ce qui s'est passé.

 15   A 6 heures du matin, il ordonne l'évacuation des prisonniers, de l'hôpital.

 16   La veille au soir, il avait, bien sûr, chargé Veselin Sljivancanin, son

 17   subordonné, de l'évacuation des prisonniers et de leur sécurité ainsi que

 18   de leur transport. Paragraphes 295 et 400 du jugement.

 19   Vers 10 heures 30, il envoie son chef d'état-major, Miodrag Panic, à une

 20   réunion du gouvernement de la SAO. Il dit à Panic de donner des

 21   instructions à ceux qui seront présentés pour dire qu'ils doivent accepter

 22   la décision du gouvernement et agir conformément pour ce qui est de ce

 23   qu'il faut faire avec les prisonniers.

 24   Après l'évacuation de l'hôpital, il donne l'ordre que les prisonniers

 25   soient détenus à la caserne de la JNA à Vukovar, ce qui contredit l'ordre

 26   précédent qu'il avait donné, à savoir qu'ils devaient être envoyés à

 27   Mitrovica.

 28   A 11 heures, à l'arrivée des bus à la caserne, il renforce leur sécurité,

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  1   parce qu'il a reçu un coup de fil alarmé du commandant de la police

  2   militaire, et j'y reviendrai dans un instant.

  3   A 14 heures, il donne l'ordre d'amener les prisonniers à la ferme d'Ovcara

  4   - et je vais vous l'expliquer dans un instant - il donne le dernier ordre

  5   de la journée celui du retrait de la police militaire de la 80e Brigade

  6   motorisée.

  7   Ces éléments de preuve vous montrent - et c'est là la conclusion tirée par

  8   la Chambre - qu'il recevait des mises à jour incessantes de la part de ses

  9   subordonnés qui lui disaient qu'on violentait les prisonniers de guerre.

 10   A 10 heures 30 du matin, c'est Panic qui lui fait rapport de la caserne de

 11   la JNA, je ne sais pas si vous voulez bien vous tourner sur votre écran,

 12   nous avons notre planche à cet égard. A 11 heures du matin, un des chefs de

 13   bataillon, Susic, lui fait rapport là aussi de la caserne. Peu de temps

 14   après 15 heures, son chef d'état-major lui fait un nouveau rapport à propos

 15   d'Ovcara cette fois-ci.

 16   Dans le courant de l'après-midi du 20, Vukasinovic lui fait rapport, lui,

 17   il est du service de Sécurité, à propos d'Ovcara aussi. Deux fois pendant

 18   le briefing et peu de temps après le briefing, Vojnovic, le commandant de

 19   la 80e, lui fait rapport une fois de plus à propos d'Ovcara. Et enfin,

 20   après le briefing, Mrksic reçoit un rapport de Vukosavljevic, c'est le chef

 21   de la sécurité de la 80e, qui lui parle lui aussi d'Ovcara, ce qu'il entend

 22   de la bouche de ses hommes est effectivement alarmant. Susic lui parle de

 23   la sécurité, de la sûreté de ces gens qui est compromise à la caserne.

 24   Vukasinovic lui parle d'Ovcara, il dit :

 25   "Je propose qu'on renforce la sécurité à Ovcara, car j'ai le sentiment

 26   qu'il y aura peut-être des problèmes à l'avenir."

 27   Vojnovic lui fait rapport deux fois, il a déposé à l'audience, il dit avoir

 28   dit à Mrksic que "c'est la merde à Ovcara," qu'il a vu "qu'on donnait des

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  1   coups de crosse de fusil alors que les prisonniers devaient franchir une

  2   haie de militaires au hangar, à l'entrée."

  3   Vukosavljevic parle aussi d'Ovcara, il dit :

  4   "Il y avait un groupe qui menaçait les prisonniers qui étaient surveillés

  5   par la 80e, un groupe d'hommes a affirmé que les prisonniers leur

  6   appartenaient et pas à la 80e."

  7   La Chambre constate ensuite que tout au long de cette journée, Mrksic a

  8   participé à toutes décisions importantes concernant le transport et la

  9   sécurité des prisonniers et qu'il était constamment mis au courant en ce

 10   qui concerne leur sécurité. Il est, par conséquent, illogique que Mrksic

 11   n'ait pas pu aussi prendre la décision finale ce jour-là, de laisser les

 12   prisonniers aux mains de Défense territoriale et les paramilitaires. La

 13   seule explication raisonnable, c'est que l'ordre de retrait provenait du

 14   même homme que celui qui avait donné les autres ordres importants ce jour-

 15   là, à savoir Mrksic. Mais la Chambre ne s'est pas uniquement fondée sur le

 16   poste d'autorité de Mrksic ce jour-là pour conclure que c'était bien lui

 17   qui avait donné l'ordre. Elle a également examiné à fond les éléments de

 18   preuve de l'ordre lui-même pour parvenir à la seule conclusion raisonnable

 19   : c'était Mrksic qui avait donné cet ordre.

 20   Plus particulièrement, la Chambre a constaté qu'il y avait un fil continu

 21   entre Mrksic et le retrait, et là encore, je voudrais illustrer mon

 22   argument par une diapositive. Pour commencer, Mrksic a ordonné à

 23   Karanfilov, l'un des officiers de sécurité de Sljivancanin, de retirer la

 24   Compagnie de la police militaire motorisée d'Ovcara. C'est aux pages 293 et

 25   329 du jugement. Karanfilov, dans les constatations de la Chambre, a

 26   transmis cet ordre au capitaine Dragan Vezmarovic, qui était le commandant

 27   de la Compagnie de la police militaire de la 80e Motorisée. Pages 277 et

 28   321 du jugement de la Chambre de première instance. Maintenant, Vezmarovic

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  1   dit que ceci a eu lieu une heure et demie après son arrivée à Ovcara, ce

  2   qui, dans sa déposition, était environ à 17 heures. Après que Karanfilov

  3   soit arrivé à Ovcara, la Chambre a constaté que lui-même et Vezmarovic, le

  4   commandant de la police militaire qui assurait la sécurité, avaient eu un

  5   entretien très développé. Karanfilov a dit à Vezmarovic : "La Défense

  6   territoriale de Vukovar devait prendre le contrôle de la sécurité du

  7   bâtiment" - c'est-à-dire du hangar - "et des prisonniers" par un

  8   arrangement qui avait été fait lors de la réunion. Ceci à la page 277 du

  9   jugement de la Chambre de première instance.

 10   Karanfilov a ensuite introduit les commandants de la Défense territoriale,

 11   il les a présentés à Vezmarovic et a dit au commandant de police militaire

 12   que ce serait eux qui prendraient en charge les prisonniers. Vezmarovic a

 13   demandé aux commandants s'ils avaient suffisamment d'hommes pour assurer

 14   les tâches de sécurité. Ceci est à la page 277 du jugement.

 15   D'autres éléments de preuve corroborent à la fois les horaires et la source

 16   de cet ordre. La Chambre a constaté que Milorad Vojnovic, commandant de la

 17   80e Brigade motorisée, avait rendu compte à Mrksic de ce qu'il avait vu

 18   deux fois dans la soirée; premièrement, lors du briefing - page 315 du

 19   jugement - et peu de temps après la fin du briefing, c'est-à-dire la page

 20   316 du jugement. Au cours de cette deuxième conversation, Mrksic a demandé

 21   à Vojnovic quelque chose dans le genre de : Qu'est-ce que vous faites là ?

 22   Page 281 du jugement. Ceci montre, du point de vue de la constatation faite

 23   par la Chambre, que Mrksic était surpris de découvrir que la police

 24   militaire se trouvait encore à Ovcara, et ceci, constate la Chambre, c'est

 25   parce que Mrksic avait déjà donné l'ordre que la police militaire se retire

 26   de ce lieu.

 27   Il s'adresse ensuite à son chef de la sécurité. On voit ceci à la page 281

 28   du jugement. Et Vujkovic [comme interprété] arrive à ce moment-là mais

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  1   trouve qu'on était en train de se préparer à quitter le secteur, ceci à la

  2   page 276. Maintenant ceci confirme que la police militaire avait déjà reçu

  3   son ordre de mission, son ordre de marche de Mrksic par le truchement de

  4   Karanfilov. Les éléments de preuve conviennent et confortent cela.

  5   Maintenant, comme la Défense l'a fait remarquer, les éléments de preuve

  6   concernant cet ordre n'étaient pas dépourvus de contradictions. Karanfilov

  7   a dit à la Chambre de première instance qu'il n'avait jamais eu de

  8   conversation avec Vezmarovic le 20 novembre 1991. La Chambre donc a eu à

  9   faire face à deux récits qui se contredisaient. Et pour résoudre cette

 10   contradiction, finalement, elle a ramené à une question essentielle qui

 11   était : la Chambre devait-elle croire Karanfilov et rejeter la déposition

 12   de Vezmarovic, Vujaskovic [comme interprété], et est-ce que la Chambre

 13   devait croire ces trois derniers et rejeter la déposition de Karanfilov ?

 14   En appréciant, ces dépositions, il fallait voir quelle était la crédibilité

 15   de chacun de ces hommes. La Chambre a constaté que Karanfilov n'était pas

 16   fiable et que les autres l'étaient. La Chambre était en droit de parvenir à

 17   une telle conclusion, et effectivement, c'était les conclusions

 18   raisonnables. Quant à Karanfilov, la Chambre a constaté que personnellement

 19   il était le parti pris - et ceci on le trouve à la page 282 du jugement -

 20   et que sa déposition contenait des éléments illogiques qui ne pouvaient pas

 21   être rectifiés par d'autres éléments de preuve tels que quand il avait

 22   parlé avec Sljivancanin le 20 novembre. Et je voudrais vous demander de

 23   regarder la page 282 du jugement pour cela. La Chambre a également constaté

 24   que Karanfilov n'était pas crédible sur d'autres aspects importants de sa

 25   déposition, et plutôt que d'entrer dans ces éléments, je voudrais vous

 26   renvoyer aux paragraphes 216 et 300 du jugement.

 27   En revanche, la Chambre a constaté que la déposition des trois autres

 28   hommes était crédible et que Vezmarovic en particulier n'avait pas

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  1   d'intérêt personnel à inventer une histoire, d'après ce qu'a conclu la

  2   Chambre. Si tel avait été le cas, il est probable qu'il aurait présenté un

  3   meilleur récit, selon les constatations de la Chambre.

  4   Je voudrais maintenant appeler à nouveau votre attention sur l'écran. Vous

  5   vous rappellerez que Karanfilov était subordonné de Veselin Sljivancanin.

  6   Il a travaillé pour l'organe de sécurité de la Brigade motorisée des

  7   Gardes. Et comme la Défense l'a fait remarquer, Vezmarovic était un membre

  8   d'une unité tout à fait différente, la 80e Brigade motorisée. Vezmarovic

  9   normalement rendait compte à Vojnovic, commandant de cette brigade. Ces

 10   deux hommes avaient le même grade, celui de capitaine. Et selon les

 11   constatations de la Chambre, si Vezmarovic avait décidé d'inventer quelque

 12   chose, pourquoi à ce moment-là aurait-il inventé un récit qui comportait

 13   une chaîne de commandement aussi inhabituelle ? Ceci pour pouvoir être cru,

 14   si vous rêvez [phon] d'un cas de quelqu'un qui est en train d'inventer des

 15   histoires, il aurait également eu l'avantage supplémentaire d'alléger la

 16   situation pour Vezmarovic et de dégager pour ce qui était de quitter Ovcara

 17   sans avoir l'ordre ou l'approbation de son commandant, et la Chambre a

 18   procédé à cette analyse, page 283 du jugement.

 19   Un autre élément de preuve a été évoqué à l'audience d'aujourd'hui, à

 20   savoir le journal de guerre de la 80e Brigade motorisée. La Défense dit que

 21   ceci indique que la police militaire n'avait pas quitté les lieux jusqu'à

 22   22 heures 35, et que plutôt, à un moment quelconque avant 9 heures du soir,

 23   comme la Chambre l'avait constaté. Bien, cet argument ne tient pas compte

 24   du fait que la Chambre a considéré ces éléments de preuve, les a appréciés,

 25   et qu'à la page 286 de son jugement, a comparé cela à tous les autres

 26   éléments de preuve et a conclu qu'on ne pouvait pas se fonder sur ce qui

 27   était écrit dans le journal. La Chambre a considéré ceci et s'est décidée

 28   en se basant totalement sur l'ensemble des éléments de preuve, comme elle

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  1   doit le faire.

  2   La Chambre a également examiné d'autres possibilités pour parvenir à la

  3   conclusion que c'était bien Mrksic qui avait donné l'ordre. Elle a posé la

  4   question : Est-ce que Vezmarovic aurait pu agir tout seul ? C'est-à-dire,

  5   Vezmarovic, le commandant de la compagnie de police militaire. Est-ce qu'il

  6   aurait pu avoir agi de son propre chef ? Est-ce que Sljivancanin avait un

  7   rôle dans la transmission de cet ordre ? La Chambre a examiné chacune de

  8   ces questions et est parvenu à la seule conclusion raisonnable d'après les

  9   éléments de preuve, à savoir que l'ordre ne pouvait provenir que de Mrksic

 10   - ceci page 321 - et vous avez également entendu parler de cette question

 11   aujourd'hui.

 12   A la page 9, la Défense, à la ligne 11 de l'audience de ce jour, semble

 13   impliquer que cette conclusion, qui est une indication des aspects

 14   indirects de certaines parties de cette déposition, ne saurait constituer

 15   une preuve au-delà de tout doute raisonnable, et que cette conclusion est à

 16   l'évidence erronée.

 17   Quant à ces témoins, la Chambre rejette, sur la base de ses évaluations --

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Wood. Mais je

 19   voudrais m'assurer qu'à un moment ou à un autre, vous ou vos confrères de

 20   l'Accusation parlerez des questions que nous avons inscrites sur le tableau

 21   de l'Accusation.

 22   Mme BRADY : [interprétation] Peut-être que je suis mieux placée pour

 23   répondre à cette question, Monsieur le Président.

 24   Oui, l'Accusation répondra à toutes les questions, aux quatre questions que

 25   vous avez posées. Deux ont directement trait à l'appel interjeté par

 26   l'Accusation et seront traitées vendredi, et deux, en l'occurrence --

 27   excusez-moi, trois d'entre elles concernent l'appel de l'Accusation et

 28   seront traitées vendredi, et l'une d'entre elles sera traitée cet après-

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  1   midi en ce qui concerne Sljivancanin.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame

  3   Brady. Je voulais juste m'assurer de cela et que ça figurait bien à votre

  4   tableau.

  5   M. WOOD : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  6   Là encore, revenons à l'examen de la crédibilité de Vojnovic et Vezmarovic,

  7   je voudrais vous référer aux paragraphes 279 et 321 du jugement pour cela.

  8   Pour l'essentiel, la Chambre a fait ses évaluations, ses appréciations

  9   après avoir entendu ces hommes déposer et après avoir apprécié leur

 10   déposition par rapport à tous les éléments de preuve et a estimé qu'ils

 11   étaient fiables et, bien sûr, ce sont des conclusions raisonnables.

 12   Quant à Sljivancanin, la Chambre a rejeté l'idée que cet ordre aurait pu

 13   avoir été transmis par son truchement, et je voudrais vous demander de vous

 14   référer au paragraphe 661 du jugement de la Chambre de première instance,

 15   lorsque la Chambre a constaté qu'il n'était pas revenu avant 8 heures du

 16   soir, c'est-à-dire le retour à Negoslavci, alors que la Chambre a constaté

 17   que Karanfilov, qui était l'intermédiaire pour les transmissions,

 18   transmettant cet ordre, aurait pu être à Negoslavci au moment où l'ordre a

 19   été donné.

 20   Et répondant à la thèse de la Défense selon laquelle ce serait illogique

 21   qu'un ordre venant de Mrksic ait été adressé par Karanfilov, la Chambre a

 22   également constaté qu'il n'était pas inhabituel que Mrksic traite

 23   directement avec ces organes de sécurité ce jour-là. Il a constaté, par

 24   exemple, qu'il avait directement traité avec Vukasinovic. Page 285 du

 25   jugement.

 26   Par rapport à tout ceci, la Chambre a examiné le rôle unique joué par

 27   Mrksic en ce qui concerne les efforts de ce jour-là pour protéger les

 28   prisonniers, protéger la vie les prisonniers. Selon les constatations de la

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  1   Chambre, Mrksic s'est occupé directement de ce qui se passait ce jour-là

  2   avec le gouvernement de la SAO et la JNA. Ceci est évoqué à la page 285 du

  3   jugement. La Chambre a trouvé pratiquement, inévitablement, que Mrksic

  4   avait une responsabilité directe dans la prise de décisions et leur mise en

  5   œuvre au cours de ce processus; là encore, je parle de 285.

  6   Sur la base de la totalité des éléments de preuve, après avoir

  7   entendu toutes les dépositions et après les avoir appréciées par rapport à

  8   tous les éléments de preuve, la Chambre a conclu que cet ordre ne pouvait

  9   provenir que de Mrksic. C'était la seule conclusion possible d'après les

 10   éléments de preuve.

 11   Mrksic - et cela est clair - est en désaccord avec cette conclusion

 12   et présente son argument comme il l'a fait aujourd'hui, mais ne parvient

 13   pas toutefois à démontrer comment cette conclusion essentielle, à savoir

 14   que c'était lui qui avait donné l'ordre, n'est pas une conclusion

 15   raisonnable, et qu'une Chambre de première instance raisonnable n'aurait

 16   pas pu y parvenir. Comme l'Accusation l'a fait remarquer dans son mémoire

 17   en réponse, les attaques de Mrksic à l'occasion de cet appel, vous avez

 18   entendu aujourd'hui, sont ou bien une nouvelle argumentation de ses thèses

 19   au procès de première instance, et devraient être rejetées sommairement

 20   pour ce qui est de Brdjanin et les autres appels. Il ne parvient pas à

 21   démontrer sa charge essentielle, qui était que les conclusions de la

 22   Chambre ne tiennent pas, parce qu'aucun juge raisonnable ne pouvait

 23   parvenir à cette conclusion. Les arguments de Mrksic devraient être

 24   rejetés.

 25   Je voudrais maintenant que vous donniez la parole à ma collègue Mme Lewis.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Lewis.

 27   Mme LEWIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Je vais maintenant évoquer les moyens 1, 2, et 8 de l'appel de Mrksic, dans

Page 99

  1   lesquels il soutient que la Chambre de première instance a commis une

  2   erreur en le condamnant pour des crimes commis à Ovcara, parce qu'en fait

  3   la responsabilité serait celle des organes de sécurité du commandement

  4   local. Je parlerai d'abord du moyen numéro 2 dans lequel il soutient que

  5   c'était les organes de sécurité qui étaient responsables de l'évacuation,

  6   parce que cette fonction était dans leur mandat et dépendait de la voie

  7   hiérarchique de la chaîne de commandement. Par conséquent, il soutient

  8   qu'ils étaient responsables de ces crimes. Je parlerai ensuite des moyens 1

  9   et 8 dans lequel il soutient que c'était le commandement local qui était

 10   responsable.

 11   Ensuite, je passerai au moyen numéro 2 et je démontrerai pourquoi ces

 12   arguments ne tiennent pas pour deux motifs. Premièrement, d'abord parce que

 13   comme mon co-conseil M. Wood l'a plaidé, la Chambre de première instance a

 14   constaté que l'évacuation des prisonniers, finalement, dépendait du

 15   commandement et du contre de Mrksic et que c'était lui qui avait pris

 16   chacune des décisions critiques essentielles qui ont conduit à l'ordre de

 17   retirer les forces en question et les crimes contre les prisonniers. Compte

 18   tenu de ce fait que M. Wood a exposé de façon complète, je n'irai pas au-

 19   delà. Toutefois, je voudrais évoquer la deuxième base pour laquelle

 20   l'argument de Mrksic ne tient pas, qui est fondamentalement qu'on méconnaît

 21   la fonction du contre-renseignement des organes de sécurité, en particulier

 22   en ce qui concerne l'évacuation. Les organes de sécurité auraient eu la

 23   responsabilité essentielle de contre-renseignement de cet élément dans

 24   l'opération, à savoir le tri des prisonniers, et pour cet élément ils

 25   auraient été responsables à l'égard des organes de sécurité supérieurs,

 26   mais il y a également l'autre élément qui est celui de l'évacuation et les

 27   éléments opérationnels, le fait de garantir le transport des prisonniers,

 28   ceci se trouvant tout à fait sous la direction du commandement de Mrksic.

Page 100

  1   Mme LEWIS : [interprétation] Monsieur le Président, la Chambre de première

  2   instance a jugé que pour ce qui est des fonctions de contre-renseignement,

  3   l'organe de sécurité était responsable à l'égard de organes de sécurité

  4   supérieur, mais que pour toutes les autres fonctions ils étaient soumis au

  5   commandement de l'unité.

  6   En ce qui concerne le Groupe opérationnel sud, la Chambre de première

  7   instance a constaté par conséquent que les organes de sécurité subordonnés

  8   auraient rendu compte à Sljivancanin, et qu'il aurait été à même de

  9   diriger, coordonner et guider leurs tâches, mais qu'il ne les commandait

 10   pas. A la page 127, le jugement de première instance, aux paragraphes 127

 11   et 398, vous trouverez cela. Quant à cette conclusion, la Chambre de

 12   première instance s'est fondée sur un certain nombre d'éléments de preuve.

 13   Premièrement, elle s'est fondée sur la pièce 107, le règlement de service

 14   des organes de sécurité, en particulier les paragraphes 16 et 18. Le

 15   paragraphe 16 prévoit que les organes de sécurité sont directement

 16   subordonnés à l'officier commandant l'unité, et dans ce cas Mrksic. Au

 17   paragraphe 18, il est prévu que les organes de sécurité du commandement

 18   supérieur prêtent assistance à ces organes et organisent, dirigent,

 19   coordonnent et supervisent leurs tâches. Au paragraphe 128, le jugement de

 20   première instance énonce cela. La Chambre de première instance s'est

 21   également fondée sur la déposition de Theunens, l'expert militaire de

 22   l'Accusation, qui a affirmé qu'il existe une unité établie, l'organe de

 23   sécurité existe seulement en ce qui concerne les activités de contre-

 24   renseignement, et la référence est ici aux paragraphes 867 à 868, et le

 25   jugement de première instance, paragraphe 129.

 26   Theunens a dit dans sa déposition au-delà que la relation entre les organes

 27   de sécurité et le commandement supérieur ou un commandement inférieur

 28   n'était pas une relation de commandement et de contrôle au sens militaire,

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  1   mais plutôt d'éclairer de façon spécialisée. Alors que les organes de

  2   sécurité rendaient compte selon la voie hiérarchique et recevaient ses

  3   directives, ils étaient subordonnés au commandant de l'unité. Vous trouvez

  4   cela à la page

  5   10 727 [comme interprété] et 10 858. La déposition a été confirmée par

  6   celle de Sljivancanin lui-même, qui a décrit les relations qui existaient

  7   entre les organes de sécurité et les niveaux supérieurs et inférieurs pour

  8   ce qui était de la gestion, c'était une relation de gestion et non pas de

  9   commandement. Sljivancanin a déposé également disant qu'il n'y avait pas de

 10   double chaîne de commandement où de double chaîne hiérarchique, et que les

 11   organes de sécurité, comme tout autre, étaient subordonnés à leur

 12   commandant d'unité, mais qu'en ce qui concernait les fonctions de contre-

 13   renseignement à cause de la nature confidentielle de ces fonctions, ils

 14   auraient reçu des directives et des avis au sein de la structure des

 15   organes de sécurité.

 16   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que l'on ralentisse, s'il vous plaît.

 17   Mme LEWIS : [interprétation] Excusez-moi.

 18   La référence est la page 13 440 jusqu'à 41, et 13 434 à 36 et pour le

 19   jugement de première instance au paragraphe 127.

 20   Cette conclusion a été confirmée par la déposition d'autres témoins

 21   auxquels la Chambre de première instance a également fait référence. Il

 22   s'agit de la déposition du colonel Agotic dans le procès de Slobodan

 23   Milosevic, qui a été admise au dossier de la présente affaire, page 3271

 24   [comme interprété]; la déposition de Vojnovic, commandant de la 80e Brigade

 25   motorisée, page 8 827; et Vukosavljevic, chef de la sécurité de la 80e,

 26   pages 8 651 à 8 652; et Karan, T15 539 [comme interprété], 15 540. Et vous

 27   verrez la référence au paragraphe 127 du jugement.

 28   Par conséquent, si nous considérons l'opération de l'évacuation par rapport

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  1   au cadre général des nécessités de rendre compte et la structure du

  2   commandement des organes de sécurité, il devient clair que l'opération

  3   d'évacuation, que les arguments de Mrksic ne peuvent être accueillis.

  4   L'opération d'évacuation a deux éléments. Nous savons qu'il y avait un

  5   élément contre-renseignement, le tri, l'identification de quels étaient les

  6   prisonniers qui avaient été membres des forces armées et avaient commis des

  7   crimes au cours des hostilités, et cette fonction était la responsabilité

  8   essentielle des organes de sécurité. Et nous voyons d'après la déposition

  9   du commandant Pringle, qui est un témoin militaire de l'Accusation à la

 10   page 11 101 et encore également de la déposition du capitaine Karan à la 15

 11   555, le commandant Pringle a dit que compte tendu de la nature essentielle

 12   de cet élément relative à l'évacuation, il n'était peut-être pas

 13   surprenant, et on aurait pu s'attendre à ce que les officiers de sécurité

 14   étaient présents aux divers lieux tout au long de la journée.

 15   C'est pour ces raisons que la Chambre d'appel devrait rejeter ce qui

 16   a été évoqué par Me Vasic au [inaubible] de la Défense, à savoir qu'il y

 17   avait quelque chose de très inquiétant dans cela. Au contraire, ça

 18   correspondait pleinement aux constatations de la Chambre de première

 19   instance en ce qui concerne le rôle des organes de sécurité ce jour-là.

 20   De sorte qu'en ce qui concerne les autres éléments relatifs à

 21   l'opération d'évacuation, les éléments opérationnels, le fait d'assurer le

 22   transport des prisonniers, les organes de sécurité se seraient trouvés sous

 23   le commandement de Mrksic.

 24   Je ne vais pas traiter de façon détaillée des arguments que Mrksic

 25   invoque dans son mémoire. Notre réponse à cela est pleinement développée

 26   dans notre mémoire en réponse. Toutefois, je voudrais évoquer deux

 27   arguments précis qu'il a présentés aujourd'hui.

 28   Dans ses moyens, Me Vasic a soutenu que les dépositions de Vujic et

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  1   Sljivancanin montrent que les organes de sécurité agissaient sous le

  2   commandement de l'administration de la sécurité. Au contraire, Monsieur le

  3   Président, la déposition de ces témoins ne fait que confirmer les

  4   conclusions de la Chambre de première instance, à savoir que même s'ils

  5   recevaient des instructions des organes de sécurité supérieurs pour ce qui

  6   est de l'aspect relatif au contre-renseignement de l'évacuation et du tri,

  7   à tout autre égard, ils agissaient sous le commandement de Mrksic. Les

  8   références pertinentes sont à la page 4 622 à 4 627 et 4 521 à 4 522, ça

  9   c'est pour Vujic. Quant à la déposition de Sljivancanin à laquelle j'ai

 10   déjà fait référence ainsi qu'aux références suivantes : 13 911 [comme

 11   interprété] à 92 et 13 617.

 12   La Chambre d'appel devrait par conséquent rejeter les arguments de

 13   Mrksic en ce qui concerne les organes de sécurité, et je vais maintenant

 14   vous parler de ses arguments en ce qui concerne le rôle du commandement

 15   local.

 16   Mrksic a fait valoir, en tant que commandement local, que c'était Vojnovic

 17   qui était responsable des crimes commis à Ovcara, soit parce qu'il n'avait

 18   pas assuré comme il le fallait la sécurité des prisonniers, soit parce

 19   qu'il avait permis le retrait ou parce qu'il avait lui-même donné l'ordre

 20   du retrait. Cet argument devrait être rejeté, parce qu'il ne tient pas

 21   compte des conclusions essentielles de la Chambre de première instance, en

 22   particulier, il ne veut pas tenir compte du fait que Mrksic a, en fin de

 23   compte, été considéré et jugé responsable pour sa conduite personnelle en

 24   ce sens. Il a été jugé responsable d'avoir donné l'ordre pour que la 80e

 25   Brigade motorisée se retire. Ceci se trouve dans le jugement de première

 26   instance aux paragraphes 321 et 329.

 27   En outre, cet argument ne tient pas compte du fait que la Chambre de

 28   première instance a conclu qu'à tous les moments pertinents le 20 et le 21

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  1   novembre, Vojnovic et la 80e étaient sous les ordres et le commandement de

  2   Mrksic. Par conséquent, comme mon co-conseil, M. Rogers l'a plaidé, même

  3   s'ils remplissaient leurs propres fonctions, ils se trouvaient à tout

  4   moment sous le commandement de Mrksic, et la responsabilité ultime de ce

  5   qui s'est passé lui revient; le jugement de première instance l'évoque aux

  6   paragraphe 69 à 71 [comme interprété] et 111 à 113.

  7   En ce qui concerne le huitième moyen (a) de ses arguments, Mrksic fait

  8   valoir qu'après son départ de Belgrade, il n'exerçait plus de commandement

  9   ni de responsabilité qui, à ce moment-là, étaient passée à Vojnovic. Là

 10   encore, cet argument ne saurait être accueilli, parce qu'il ne tient pas

 11   compte de la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle

 12   Mrksic a été considéré comme responsable de sa propre conduite pour avoir

 13   retiré la 80e Brigade motorisée et qu'à tout moment pertinent, le

 14   commandement local était subordonné au Groupe opérationnel sud et, en fin

 15   de compte, à Mrksic, là encore, on trouvera les références aux paragraphes

 16   69 à 73 et 321 à 329.

 17   Pour conclure, la Chambre d'appel devrait rejeter les arguments de Mrksic

 18   selon lesquels ce serait Sljivancanin et les organes de sécurité Vojnovic

 19   et le commandement local, en l'occurrence n'importe qui et tout le monde,

 20   et non pas lui, qui étaient responsable des crimes commis à Ovcara. Ceci ne

 21   tient pas compte des constatations et conclusions de la Chambre de première

 22   instance, et ignore le fait que Mrksic, en tant que commandant notamment

 23   d'une unité de la JNA, avait reçu spécifiquement pour tâche de s'occuper

 24   d'effectuer l'évacuation, et que Mrksic a, en fait, pris chacune des

 25   décisions essentielles qui ont abouti aux crimes commis contre les

 26   prisonniers. Mrksic a donné l'ordre à Sljivancanin d'effectuer

 27   l'évacuation. C'est Mrksic qui a donné l'ordre à Panic de participer à la

 28   réunion du gouvernement de la SAO et de lui communiquer qu'il agirait

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  1   d'après leurs vœux. C'est Mrksic qui a ordonné que les prisonniers soient

  2   détenus à la caserne en attendant sa décision, et c'est Mrksic qui a

  3   ordonné que les prisonniers soient transférés à Vukovar. En outre, c'est

  4   Mrksic à qui tout le monde s'adressait pour leurs préoccupations concernant

  5   les menaces que posait la Défense territoriale pour la sécurité des

  6   prisonniers. Son chef d'état-major, Panic; le commandant de l'un de ses

  7   bataillons de police militaire, Susic; Vojnovic; et Vukosavljevic, le

  8   commandant et chef de la sécurité de la 80e; et les officiers de sécurité

  9   de Belgrade, Vujic, Tomic et Kijanovic, ont tous fait connaître leurs

 10   préoccupations et leurs inquiétudes à Mrksic. Et en dépit de ces

 11   avertissements répétés, en dépit du fait qu'il a été averti maintes et

 12   maintes fois de la menace que présentait la Défense territoriale et les

 13   paramilitaires, Mrksic n'a pris aucune mesure pour accroître la sécurité et

 14   faire cesser cette menace. Au contraire, il a retiré la seule protection

 15   dont disposaient ces prisonniers qui ont fini par être malmenés, torturés

 16   et finalement assassinés.

 17   Monsieur le Président, nous voudrions insister pour que la Chambre d'appel

 18   rejette cet appel.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Conseil, pourriez-vous nous dire quand

 20   Mrksic a donné l'ordre de retrait ?

 21   Mme LEWIS : [interprétation] Monsieur le Président, la Chambre de première

 22   instance a constaté que Mrksic avait communiqué l'ordre à Sljivancanin,

 23   ordre donné oralement dans l'après-midi du 19, la veille -- mais excusez-

 24   moi, Monsieur le Président, il se peut que j'aie mal compris votre

 25   question.

 26   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 27   Mme LEWIS : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis désolée, je n'avais

 28   pas bien compris la question.

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  1   C'était environ vers 20 heures le 20 novembre, mais ceci sera abordé dans

  2   la présentation de Mme Brady, elle en parlera.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, c'est donc à vous ?

  4   Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vais passer pas mal de

  5   temps vendredi sur ce point, et je vais tout d'abord présenter les preuves,

  6   les constatations sur lesquelles nous nous basons pour montrer que la seule

  7   conclusion raisonnable à tirer des moyens de preuve, c'est que M.

  8   Sljivancanin est rentré de Negoslavci vers 20 heures, et qu'il a dû

  9   apprendre à ce moment-là que Mrksic avait ordonné aux troupes de la JNA qui

 10   restaient de quitter Ovcara. Peut-être qu'il serait mieux d'entendre ma

 11   présentation parce que je vais aborder ce point en détail.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.

 13   Mme LEWIS : [interprétation] Si vous n'avez plus de questions, je vais

 14   terminer ma présentation.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 16   [La Chambre d'appel se concerte]

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il ne reste plus que dix minutes

 18   avant notre pause déjeuner, donc je ne vais pas demander à l'appelant de

 19   répondre, je pense qu'il vaut mieux faire la pause tout de suite et nous

 20   reprendrons à 14 heures pile.

 21   Merci.

 22   -- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 19.

 23   --- L'audience est reprise à 14 heures 01.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons reprendre la deuxième

 25   partie de cette journée, mais j'aimerais tout d'abord vous informer d'une

 26   petite modification de l'ordre du jour en ce qui concerne la présentation

 27   des moyens. On vient de nous dire que nous ne pouvons siéger que pendant

 28   une heure quarante-cinq à la file, sinon les bandes risquent de ne pas être

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  1   assez longues et les débats ne pourront pas être enregistrés. Donc j'ai

  2   modifié l'ordre du jour pour l'après-midi et je demanderais à l'huissier

  3   [comme interprété] de diffuser cet ordre du jour modifié aux différentes

  4   parties.

  5   Nous allons commencer par la réplique de l'appelant Mrksic, qui a 30

  6   minutes pour présenter ses arguments.

  7   Maître Vasic, vous avez la parole.

  8   M. VASIC : [interprétation] Mes éminents confrères de l'Accusation, en

  9   réponse à nos arguments, ont essayé de présenter des arguments en ce qui

 10   concerne les ordres qui avaient été donnés par le colonel Mrksic,

 11   commandant du OG sud, et on dit qu'étant donné qu'il était commandant de

 12   l'OG sud, c'est bien lui qui avait donné l'ordre de retirer la police

 13   militaire d'Ovcara. Ceci a à voir avec les ordres qu'il devait prendre en

 14   tant que commandant, ce qui est naturel évidemment, et le retrait de la

 15   police militaire, c'est quelque chose qu'on lui reproche au titre de sa

 16   responsabilité individuelle pénale. Or, il n'y a aucune preuve qui étaye

 17   ceci. Aucun témoin n'a dit que Mile Mrksic avait bel et bien dit qu'il

 18   avait donné l'ordre de retirer les forces d'Ovcara. Même Vojnovic ne le dit

 19   pas. Vojnovic dit que ce n'est pas ce que Mile Mrksic lui avait dit. Il l'a

 20   dit de façon tout à fait évidente. C'est ainsi qu'il a compris sa question

 21   : Mais qu'est-ce que tu fais là ?

 22   Cela dit, tout ceci intervient, parce que dans le jugement on ne prend pas

 23   en compte des éléments de preuve matériels, comme par exemple, les journaux

 24   de bord, les ordres écrits. Tout ceci n'est pas pris en compte, parce qu'on

 25   préfère prendre en compte les déclarations des témoins. De ce fait, la

 26   Chambre de première instance a eu beaucoup de mal en ce qui concerne la

 27   chronologie des faits. Ils en ont conclu que ce qui est écrit dans les

 28   preuves écrites, dans les documents écrits, est faux et que ce qu'on dit en

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  1   revanche des témoins comme Panic et Vojnovic est vrai. Mais ce n'est qu'en

  2   2001 que Panic s'est souvenu que l'évacuation de l'hôpital a eu lieu le 20

  3   novembre et non pas le 21 novembre, et Vojnovic a attendu 1998 pour se

  4   souvenir que le 21 novembre, il avait bel et bien vu Mile Mrksic en fin de

  5   compte.

  6   Je tiens à rappeler à mes éminents confrères et à la Chambre d'appel que

  7   les prisonniers de guerre ont été envoyés à Sremska Mitrovica sur la base

  8   d'une procédure parfaitement régulière. Vous le verrez dans le jugement,

  9   d'ailleurs. La Chambre de première instance a confirmé que le 18 novembre

 10   un groupe a été de Mitnica à Sremska Mitrovica. Quand il s'est rendu à

 11   Sremska Mitrovica, ils ont d'abord passé par Ovcara, ils y ont passé la

 12   nuit, on a établi des listes, on a fait une sélection, mais Mile Mrksic n'a

 13   absolument rien eu à voir avec tout cela. Je crois que ceci n'est même pas

 14   remis en question. Aller à Sremska Mitrovica via Ovcara est quelque chose

 15   qui avait été mis en place par les organes qui traitaient de ce type

 16   d'affaire.

 17   Mes éminents confrères ont dit que la 80e Brigade motorisée n'avait pas

 18   reçu l'ordre de se préparer à assurer la sécurité des prisonniers d'Ovcara

 19   le 20 novembre. Je pense que ce n'est pas vrai. Nous devrions regarder la

 20   pièce 375, ce qui a été noté le 19 novembre dans le journal. Ça, c'est à la

 21   page 819.

 22   Ceci n'a rien à voir avec ce qui s'est passé au niveau des prisonniers de

 23   guerre, en effet. On a dit qu'ils interrogeaient des criminels de guerre et

 24   des personnes soupçonnées de crimes de guerre, et qu'ensuite ils les

 25   passeraient à d'autres organes sans consultation ni du commandement ni du

 26   commandant.

 27   L'INTERPRÈTE : La sténotypiste fait remarquer qu'il y a un problème au

 28   niveau du transcript. La sténotypie ne marche plus, visiblement.

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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pouvons-nous commencer ? Est-ce que ça

  2   marche ? On dirait que ça marche. Très bien. Nous pouvons reprendre les

  3   débats, et vous remplirez ce qui manque plus tard.

  4   Maître Vasic, vous pouvez reprendre.

  5   M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie. Je vais reprendre là où le

  6   compte rendu s'est arrêté.

  7   Mes éminents confrères disent que le commandement de la 80e Brigade n'avait

  8   pas été informé que le 20 novembre, des prisonniers de guerre venant de

  9   l'hôpital allaient être transférés sur Ovcara. Or, je pense que ce n'est

 10   pas vrai. Il convient donc de regarder le document 375, la mention inscrite

 11   pour le 19 novembre à 18 heures.

 12   En ce qui concerne la pièce 819, je pense qu'elle démontre très clairement

 13   que les organes de sécurité sont chargés de la sélection et de filtrer les

 14   personnes pour trouver les criminels de guerre et les personnes ayant

 15   commis des crimes. Après avoir interrogé ces personnes, ils doivent décider

 16   de les passer à d'autres organes sans avoir consulter au commandement.

 17   J'ai déjà parlé de la pièce 419 et de l'ordre donné par Mile Mrksic, ordre

 18   portant sur l'évacuation des civils, des blessés et des malades de

 19   l'hôpital, et du fait que lorsqu'un ordre est donné pour faire une mission,

 20   ce n'est pas un ordre qui est découpé en morceaux, en plusieurs volets,

 21   comme l'a dit la Chambre de première instance, mais c'est un ordre qui est

 22   toujours unique.

 23   La décision de mise en place d'un commandement de la ville à Ovcara n'a pas

 24   été faite par Mile Mrksic, parce qu'il y avait transfert de prisonniers de

 25   guerre, mais sur la base d'un ordre donné par le commandement du 1er

 26   District militaire et par le commandement Suprême. J'en ai déjà parlé,

 27   d'ailleurs. Ceci a été fait pour assurer la sécurité des civils, assurer la

 28   sécurité des biens dans les endroits où les autorités civiles ne

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  1   fonctionnaient plus.

  2   Je tiens aussi à dire que mon éminent confrère a essayé de nous dire que le

  3   colonel Mrksic était la personne à qui l'on demandait tout. En tant que

  4   commandant, on lui posait un certain nombre de questions, on lui demandait

  5   son avis à propos de certaines choses, mais les moyens de preuve ne

  6   montrent pas qu'il devait répondre à tout. Il avait, par exemple, reçu les

  7   représentants de la Mission d'observation de la Commission européenne parce

  8   que le témoin Kipper a montré qu'il a reçu, par exemple, Cycus Vance

  9   pendant quelques minutes. C'était juste protocolaire. C'était une visite

 10   protocolaire, une visite de courtoisie. En fait, c'était plutôt le colonel

 11   Pavkovic et les officiers du 1er District militaire qui étaient chargés de

 12   tout cela.

 13   Pour ce qui est de Vujic, Kijanovic et une troisième personne, les moyens

 14   de preuve n'ont pas démontré qu'ils avaient demandé de renforts auprès de

 15   Mrksic en ce qui concerne ce qui se passait à Velepromet. Je pense que le

 16   fait que le témoin Jaksic soit venu auprès de Mrksic à la demande du

 17   ministre de la Justice ne devrait pas nous amener à conclure que Mrksic est

 18   la personne à qui on posait la question à propos des prisonniers de guerre,

 19   ce que l'Accusation essaye de suggérer. C'est juste parce que le

 20   gouvernement de la Slavonie orientale, Baranja et Srem occidental est venu

 21   à Vukovar le 20 novembre 1991 pour la première fois, parce que le conflit

 22   venait d'émerger et qu'ils ne savaient pas du tout ce qui se passait sur le

 23   terrain. Ils ne savaient pas du tout qui était en charge sur Vukovar, et

 24   c'est pour ça qu'ils sont allés voir Mrksic.

 25   Mais quand on regarde le jugement en première instance, le problème c'est

 26   la chronologie. En effet, la Chambre de première instance a essayé

 27   d'utiliser les déclarations des témoins en qui elle avait confiance pour

 28   rétablir la chronologie. Mais ça n'a pas été confirmé ni par les éléments

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  1   de preuve matériels, par les documents, ni par le fait qu'entre 19 et 20

  2   heures le 20 novembre -- le 17 novembre Mile Mrksic est allé à Belgrade,

  3   ils ont essayé de modifier la chronologie. Ils ont avancé la session du

  4   gouvernement, alors que nous avons un clip vidéo, 268-269, qui montre bien

  5   que la séance n'aurait pas pu commencer avant 14 heures, or dans le

  6   jugement il est dit que cette séance a commencé entre 10 et 11 heures du

  7   matin. D'autre part, les autocars ne pourraient pas être dans la cour de la

  8   caserne alors que la séance était encore en cours, étant donné qu'ils

  9   étaient à Ovcara à 13 heures 30 et que la séance n'a commencé qu'à 14

 10   heures.

 11   Il y a aussi des erreurs en matière de chronologie à propos du début du

 12   briefing. Trifunovic dit que ce briefing a commencé à 17 heures, et on l'a

 13   déplacé à 18 heures; 18 heures, c'est l'heure où on envoie les rapports au

 14   commandement supérieur. Mais on a un petit peu modifié la chronologie en

 15   avançant un petit peu tous les événements qui ont eu lieu ce jour-là pour

 16   établir, en fin de compte, que Mile Mrksic aurait pu donner l'ordre de

 17   retirer la police militaire avant qu'il ne se rende à Belgrade.

 18   Enfin - et c'est peut-être absolument essentiel dans le jugement - je vais

 19   parler maintenant du retrait de la police militaire. D'après le journal des

 20   opérations de la 80e Brigade, ce retrait aurait eu lieu à 22 heures 35

 21   exactement; ce qui a été confirmé par le chef d'état-major de la 4e

 22   Brigade, c'est lui qui est chargé quand même que les documents soient

 23   parfaitement corrects. Or, c'est correct, et si c'est correct, la Chambre

 24   de première instance s'est trompée lorsqu'elle a dit que le retrait avait

 25   été effectué à 22 heures. Parce que si ça avait été le cas, c'est ce qui

 26   aurait été inscrit, car ce type d'ordre de retrait aurait -- s'il était

 27   intervenu une demi-heure avant, Mile Mrksic était déjà à Belgrade, donc il

 28   n'aurait absolument pas pu donner cet ordre.

Page 113

  1   Ce qui a aussi à voir avec ce que mon collègue a dit à propos du capitaine

  2   Karanfilov, en ce qui concerne ce qu'il a dit. C'est soit lui qui a dit

  3   vrai, soit le témoin de la 80e Brigade. Mais même aujourd'hui, je n'ai rien

  4   entendu et je n'ai rien trouvé dans le jugement qui indiquerait que

  5   Karanfilov se trouvait bel et bien à Negoslavci au moment où la Chambre de

  6   première instance allègue que Mile Mrksic aurait donné l'ordre de retirer

  7   la police militaire d'Ovcara. La Chambre de première instance ne s'explique

  8   absolument pas sur ce fait, d'ailleurs, et n'explique pas comment elle a

  9   tiré cette conclusion, et n'explique pas non plus comment cette

 10   constatation est étayée. Donc ce n'est pas une constatation au-delà de tout

 11   doute raisonnable, et donc tout juge raisonnable ne pourrait que conclure

 12   que le capitaine Karanfilov avait reçu cet ordre à Negoslavci, et ne peut

 13   pas en conclure donc que Karanfilov a reçu un ordre à Negoslavci venant de

 14   Mile Mrksic et émanant du commandement du Groupe de l'OG sud.

 15   D'ailleurs, dans la réponse à l'appel, nos confrères ont dit la chose

 16   suivante : ils ont dit que cet ordre tel que décrit par la Chambre de

 17   première instance dans le jugement suit, en fait, une filière de

 18   commandement et de contrôle assez étrange. Mais pour qu'un juge raisonnable

 19   en arrive à une conclusion au-delà de tout doute raisonnable, il faudrait

 20   qu'il puisse étayer de type de conclusion parfaitement inhabituelle. Le

 21   fait que l'on n'ait pas suivi la règle habituelle en l'espèce.

 22   Mais ici, il est vrai que la situation est assez inhabituelle. Mais

 23   il n'y a aucune preuve qui étaye ces faits. En ce qui concerne ce jugement,

 24   c'est le problème essentiel. Donc il aurait été normal que les ordres

 25   soient donnés par la chaîne de commandement pour ce qui est des ordres

 26   militaires par la chaîne de commandement militaire et pour les ordres de

 27   sécurité par la chaîne de commandement de la sécurité. La Chambre de

 28   première instance, ici, établit que c'est le commandant au travers de son

Page 114

  1   officier de sécurité qui a donné l'ordre, mais il n'y a aucune preuve qui

  2   étaye ceci.

  3   Mes éminents confrères ont aussi déclaré que dans le cadre de ces

  4   activités, l'organe de sécurité se livrait aussi à des activités de contre-

  5   renseignement et de contre-espionnage, détection des crimes, recherche des

  6   criminels, mais qui n'était pas chargé du transport et d'assurer la

  7   sécurité des prisonniers de guerre.

  8   Mais je tiens à attirer votre attention sur les paragraphes 124 et 127 de

  9   notre mémoire en appel où l'on paraphrase une conversation téléphonique,

 10   une conversation qui aurait eu lieu entre M. Sljivancanin et le général

 11   Vasiljevic et Tumanov aussi. Donc c'est entre le général Vasiljevic et

 12   Tumanov. Et il est dit :

 13   "Envoyé à Sremska Mitrovica pour interrogation, c'était la fin de la

 14   conversation ensuite."

 15   Donc lorsqu'il a fait des commentaires sur cette conversation avec le

 16   général Vasiljevic :

 17   "…télégramme reçu par lui-même. J'ai dit qu'on enverrait tous les suspects

 18   en prison à Sremska Mitrovica sans les avoir interrogés et que des enquêtes

 19   supplémentaires auraient lieu là-bas."

 20   Par conséquent, le déplacement de ces personnes c'est manifestement quelque

 21   chose qui a été convenu de la part de la hiérarchie de la sécurité.

 22   Autre tentative faite par l'Accusation, c'est apparu clairement

 23   aujourd'hui. L'Accusation a essayé de présenter Mrksic comme étant le seul

 24   habilité à donner cet ordre pour soutenir la décision rendue par la Chambre

 25   de première instance. Cette tentative revient à dire de la part de

 26   l'Accusation que l'unité commandée était une unité établie dans la règle de

 27   l'art et non pas une unité chaotique.

 28   On ne donne pas d'ordres à des unités bien organisées de façon inusitée

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  1   comme ceci semble être le cas ici. On ne peut pas simplement décider qu'une

  2   unité est désorganisée quand ça nous arrange ou qu'elle l'est quand ça nous

  3   arrange.

  4   S'agissant de la situation, je pense que tout le monde l'aura vu clairement

  5   dans ce prétoire, étaient présents de nombreux représentants des instances

  6   militaires les plus élevées à Ovcara que ce soit en matière de sécurité ou

  7   autrement. Et je pense que les conclusions que nous avons présentées à

  8   l'audience le prouvent. Il aurait été impossible que Mile Mrksic donne un

  9   ordre qui serait resté secret pour toutes ces personnes présentes à Ovcara

 10   pendant si longtemps. D'autant que la Chambre l'a entendu, ce soir-là. Les

 11   organes de sécurité a envoyé à Petkovic et à Babic, puis au général

 12   Vasiljevic, des informations à ce propos. Par conséquent, il est impossible

 13   de retenir la conclusion de la Chambre de première instance, à savoir qu'un

 14   commandant de brigade pouvait garantir et maintenir un tel secret au regard

 15   des événements qui se produisaient là-bas.

 16   Même à la date d'aujourd'hui, on ne sait pas quand cet ordre a été donné.

 17   En effet, le jugement reste muet sur ce point et l'Accusation aussi. La

 18   Chambre garde la possibilité de deux options. Est-ce que c'était avant ou

 19   après le briefing, car elle ne se prononce pas non plus sur le moment du

 20   départ de Mrksic à Belgrade. Mais mon confrère vous a expliqué qu'il était

 21   impossible qu'un tel ordre eût été donné que ce soit avant ou après le

 22   briefing. Si ceci avait été établi au-delà de tout doute raisonnable, si

 23   c'est là le résultat des dépositions des officiers de la 80e, pourquoi est-

 24   ce que le lieutenant-colonel Vojnovic va au GO sud si on avait donné

 25   l'ordre à ses unités de se retirer d'Ovcara ? Ce qu'a dit pourtant un

 26   témoin à charge, Trifunovic.

 27   En conclusion, je suis convaincu qu'il n'y a pas un seul élément de preuve

 28   qui prouverait que M. Mile Mrksic eut donné l'ordre de retrait à la police

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  1   militaire de la 80e Brigade, que ça a été donné au capitaine Karanfilov ou

  2   au lieutenant-colonel Vojnovic, par conséquent, sa culpabilité n'a pas été

  3   établie au-delà de tout doute raisonnable.

  4   Je vous remercie, Madame et Messieurs les Juges.

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Merci d'avoir respecté le délai

  6   qui vous avait été accordé. Nous allons maintenant passer à l'appel

  7   interjeté par M. Sljivancanin. Est-ce que c'est Me Lukic qui va intervenir

  8   ou Me Bourgon ?

  9   Madame Brady, excusez-moi. M. le Juge Guney voulait poser une question.

 10   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Oui, Conseil, Maître, vous avez affirmé

 11   que la Chambre de première instance avait conclu que l'ordre de retrait

 12   donné soit juste avant, soit juste après le briefing régulier, journalier,

 13   était donc  -- donc la Chambre de première instance avait ordonné ou avait

 14   dit que Mrksic avait ordonné ce retrait. Est-ce que vous pourriez étoffer

 15   l'argument que vous avez présenté, à savoir que la Chambre ou que Mrksic a

 16   montré qu'un juge raisonnable n'aurait pas tiré une telle conclusion. De

 17   surcroît, bien entendu, est-ce que Mrksic n'a pas été informé deux fois des

 18   événements survenus à Ovcara ? L'erreur, est-ce qu'il n'y a aussi une autre

 19   information qui lui avait été donnée le 20 novembre par un autre officier -

 20   -

 21   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.

 22   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] -- pourriez-vous étoffer votre

 23   propos?

 24   M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 25   La Chambre de première instance a dit qu'à titre subsidiaire, Mile Mrksic

 26   avait donné un ordre sur le retrait de la police militaire, que ce soit

 27   avant ou après le briefing régulier. Avant ledit briefing, il aurait donné

 28   cet ordre au capitaine Karanfilov, mais c'est quelque chose qu'il était

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  1   dans la possibilité de faire. Pourquoi ? Parce qu'au briefing à proprement

  2   parler, si un tel ordre avait été donné, ça aurait été mentionné. Mile

  3   Mrksic en aurait fait rapport à la réunion. Il aurait dit que son unité

  4   était censée se retirer d'Ovcara. Il aurait dit cela. Il aurait été

  5   illogique qu'il passe pour ce faire par l'officier chargé de la sécurité

  6   puisqu'il avait à la réunion le commandant de l'unité. Il aurait pu

  7   transmettre cet ordre suivant les modalités habituelles. Aucun des nombreux

  8   témoins qui ont participé à ce briefing, aucun n'a dit que ce fut là un

  9   sujet évoqué à ce briefing.

 10   De plus, aucun des témoins n'a dit que le lieutenant-colonel Vojnovic

 11   aurait informé le colonel Mrksic de la situation grave qui existait à

 12   Ovcara. Trifunovic, Gluscevic, Panic, ne disent rien de ce que Vojnovic a

 13   dit à Mrksic à la réunion. Vojonic lui-même - et ceci jusqu'en 1998 - n'a

 14   jamais dit quoi que ce soit à Mrksic à propos des événements survenus à

 15   Ovcara.

 16   A l'issue du briefing, cet ordre n'aurait pas pu être donné non plus, parce

 17   que Gluscevic, Sljivancanin et Coric, ces témoins-là, ont terminé une série

 18   de réunions que Mrksic avait au commandement avant de partir pour Belgrade.

 19   Il avait été conduit par le colonel Coric qui l'avait attendu à l'extérieur

 20   du bâtiment. Ce qui veut dire qu'il n'a pas eu la possibilité de donner un

 21   ordre au capitaine Karanfilov. Il n'a pas eu le temps de voir le

 22   lieutenant-colonel Vojnovic à l'issue de ce briefing, parce que - et c'est

 23   ce que dit la Défense - ces hommes ne se sont pas rencontrés, car le

 24   lieutenant-colonel Vojdovic là dit. C'est seulement en 1998 qu'il en a

 25   parlé. Il y a une conversation avec Lazarevic, comme vous le dit mon

 26   confrère, il a entendu dire que Vukosavljevic apparemment s'était trouvé à

 27   Negoslavci, et comme il l'a cru, il a accepté ce qu'il disait, à savoir

 28   qu'ils s'étaient trouvés là ensemble. Ce récit, de l'avis de la Défense,

Page 118

  1   c'est un élément de preuve qui ne peut être accepté au-delà de tout doute

  2   raisonnable, qui contredit d'ailleurs d'autres éléments de preuve acceptés

  3   à titre subsidiaire par la Chambre, qui a accepté qu'effectivement il a pu

  4   avoir quitter la zone pour partir à Belgrade entre 19 et 20 heures.

  5   Pour ce qui est des questions de sécurité active à Ovcara, c'était le

  6   commandant de la ville, la 80e Brigade motorisée, qui en était chargée, qui

  7   était censée assurer la sécurité. Mrksic a resubordonné plus de 1 000

  8   hommes à cette unité. Mais le journal des opérations de cette 80e, la pièce

  9   371, nous montre qu'il y a un ordre portant renfort de cette unité, et

 10   entre 17 et 18 heures Mrksic appelle l'officier de la 80e et ordonne que

 11   des véhicules transporteurs de troupes blindés soient mis à la disposition

 12   en tant que de besoin au lieutenant-colonel Vojnovic.

 13   Je ne sais pas si j'ai ainsi répondu à votre question, Monsieur le Juge.

 14   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Guney.

 16   Nous allons maintenant --

 17   Mme BRADY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 18   Avant que ne commence Me Lukic, si vous me le permettez, pourriez-vous nous

 19   accorder quelques instants, le temps que quelques- uns de mes collègues

 20   quittent ce prétoire et que n'entrent d'autres collègues qui sont saisis de

 21   l'appel Sljivancanin. Il s'agit de Mme Carey, Mme Dalal et de Mme Nabti.

 22   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 23   Mme BRADY : [interprétation] Merci.

 24   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Un instant. Un instant. Je pense que

 26   Mme Brady attend l'arrivée de ses collègues.

 27   Mme BRADY : [interprétation] Effectivement, ce serait utile, Monsieur le

 28   Président.

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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Voilà, les nouveaux acteurs sont en

  2   place.

  3   Mme BRADY : [interprétation] Oui, nous sommes au complet maintenant. Merci.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

  5   Maître Lukic.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaitais simplement vous informer du fait

  7   que Mme Marie-Claude Fournier venait de nous rejoindre. Je voulais saisir

  8   l'occasion que montrait cette petite interruption.

  9   Je précise que je prendrai la parole pour vous présenter une introduction,

 10   et quelques arguments préalables concernant la première partie de l'acte

 11   d'accusation. C'est Me Bourgon qui prendra la parole par la suite pour

 12   aborder les autres chefs de l'acte d'accusation et pour répondre à vos

 13   questions. Pour répondre à la question numéro 3 que vous avait posée

 14   également au Procureur il y a un instant, bien, nous laisserons cela pour

 15   vendredi, puisque cela fera partie des choses abordées vendredi.

 16   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la Défense de M.

 17   Sljivancanin pour commencer souhaite préciser sa position. Le jugement qui

 18   a été prononcé par la Chambre de première instance qui se fonde sur des

 19   preuves qui ont été prises en considération pour le déclarer coupable, se

 20   fonde sur un certain nombre d'erreurs. Nous souhaitons préciser que la

 21   seule décision qui peut découler des moyens présentés est un acquittement,

 22   ou bien il convient d'organiser un nouveau procès. Nous essayerons de

 23   mettre en exergue nos positions pour ce qui est des positions les plus

 24   importantes. Nous essayerons de vous donner la possibilité de comprendre

 25   bien nos arguments, et nous ne souhaiterions pas qu'il reste des points

 26   d'ombre après cela par rapport aux informations reçues par les Juges de la

 27   Chambre.

 28   La Défense de M. Sljivancanin, depuis le début du procès, n'a pas été une

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  1   partie passive. Nous ne nous sommes pas contentés d'attendre que

  2   l'Accusation présente ses affirmations et ses arguments. Nous avons compris

  3   que c'est sur la base de la présentation des moyens de la Défense de M.

  4   Sljivancanin que la Chambre de première instance a pris en considération

  5   les événements- clés et les faits décisifs. Dans nombre de parties du

  6   jugement c'est ce qui s'est passé.

  7   Voyez à quel point aujourd'hui l'Accusation évoque la déposition de

  8   Panic, qu'ont renoncé eux, Mrksic, et -- il est venu déposer en tant que

  9   témoin de Sljivancanin.

 10   Alors, tout ce qui s'est produit en cette journée tragique du 20 novembre

 11   1991, nous pensons que le moment-clé de cette journée-là était la réunion

 12   du gouvernement de la SAO Krajina, et par la suite le changement du plan

 13   d'évacuation des prisonniers de guerre. A la place, il les envoyait en

 14   prison à Mitrovica. Ils ont été à Ovcara. Et nous estimons que ç'a

 15   constitué un tournant à partir duquel tout s'est engagé sur une mauvaise

 16   voie.

 17   Et un deuxième événement-clé, d'après le jugement, était la décision

 18   de retirer la sécurité d'Ovcara le 20 novembre et cette décision a eu pour

 19   conséquence directe le fait qu'il y a eu accès libre aux membres de la TO,

 20   aux prisonniers et la Chambre de première instance a pu arriver à la

 21   conclusion que c'est ce qui a entraîné leur meurtre. La participation de

 22   Sljivancanin à ces événements n'a pas existé sous quelque forme que ce

 23   soit, et nous avons présenté une défense conséquente tout à fait claire sur

 24   ce point.

 25   D'emblée, Sljivancanin a accepté de témoigner en tant que témoin

 26   pendant 16 heures. Il a été interrogé à la fois par le Procureur et par la

 27   Défense de Mrksic et dans le nombre de ses conclusions, la Chambre de

 28   première instance a considéré que son témoignage a été crédible et c'est

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  1   sur son témoignage que la Chambre a fondé ses conclusions. Cependant, pour

  2   certaines parties de son témoignage et de sa défense, la Chambre de

  3   première instance ne les a pas acceptées et cela concerne le rôle qu'il a

  4   joué, la mission qui a été la sienne dont l'opération d'évacuation de

  5   l'hôpital de Vukovar. Comme on pourra le voir à travers le jugement et par

  6   rapport au fait qui est devenu un fait-clé eu égard à sa responsabilité, à

  7   savoir son témoignage, qu'à aucun moment il ne s'est trouvé à Ovcara le 20

  8   novembre, donc ce jour-là.

  9   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, Veselin Sljivancanin ne

 10   s'est pas trouvé à Ovcara ni à la caserne le 20 novembre 1991 et nous

 11   n'avons eu cesse de l'affirmer depuis le premier moment, depuis le premier

 12   moment où nous avons commencé sa défense. C'est ce que nous avons cité dans

 13   notre mémoire préalable, dans nos propos liminaires, pendant le procès,

 14   pendant toute la durée de la présentation des moyens.

 15   Et si vous vous penchez sur notre premier acte et mémoire en appel

 16   vous verrez que vous n'avez plus besoin d'analyser ni l'appel de

 17   Sljivancanin ni celui du Procureur par rapport à lui.

 18   La Défense de Sljivancanin connaît parfaitement la pratique des Chambres

 19   d'appel qui est extrêmement restrictive pour ce qui est de réexaminer les

 20   faits établis pendant le procès en première instance. Mais lorsque ses

 21   conclusions ne répondent pas aux normes de fiabilité au-delà de tout doute

 22   raisonnable, alors de manière inévitable, elles entraînent à un déni de

 23   justice. Ainsi dans son mémoire en appel, la Défense l'a démontré.

 24   Aujourd'hui, nous allons vous présenter quelques arguments à l'appui de

 25   manière orale que la Chambre de première instance a commis des erreurs

 26   lorsqu'elle est arrivée à la conclusion que Sljivancanin s'est trouvé à

 27   Ovcara le 20 novembre 1991, qu'il lui a été possible de voir les passages à

 28   tabac des prisonniers, qu'il était au courant du comportement préalable

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  1   criminel des membres de la Défense territoriale et qu'il avait pour devoir

  2   d'empêcher des attaques lancées contre des prisonniers.

  3   Suite à ces erreurs qui ont été commises sur des points de fait, la Chambre

  4   de première instance a commis des erreurs de droit en estimant que par ces

  5   omissions, il a contribué de manière substantielle à la perpétration des

  6   crimes, de torture pendant l'après-midi du 20 novembre. Tous les faits sur

  7   la base desquels la Chambre de première instance a conclu à la

  8   responsabilité de M. Sljivancanin, peuvent uniquement, pris dans leur

  9   ensemble, entraîner la conclusion de sa culpabilité, celle à laquelle est

 10   arrivée la Chambre. Mais si la Chambre d'appel constate que la Chambre de

 11   première instance a commis une erreur, sur quelque point de fait que ce

 12   soit, inévitablement cela doit entraîner l'acquittement de Sljivancanin.

 13   Si la Chambre d'appel venait à constater que le plaignant n'était pas au

 14   courant des accusations concernant le fait d'aider et d'encourager par

 15   omission, et que cette forme de responsabilité pénale existe et nous

 16   affirmons que le Procureur ne l'a articulé que pendant son mémoire en

 17   clôture, alors seul un nouveau procès fondé sur un acte d'accusation précis

 18   peut servir l'intérêt de la justice.

 19   Et enfin, pour terminer mon introduction, quelques mots, si vous m'y

 20   autorisez, au sujet des affirmations qui figurent dans l'appel de M.

 21   Mrksic.

 22   La Défense Sljivancanin s'est longtemps interrogée sur ce point, se

 23   demandant s'il convenait de réagir à cet appel. La thèse de la Défense de

 24   M. Mrksic d'une manière considérable se fonde sur la responsabilité de M.

 25   Sljivancanin. Nous avons abordé cela dans notre mémoire en clôture, car

 26   c'est la première fois dans leur mémoire en clôture que nous avons

 27   rencontré ces arguments. Donc c'est quelque chose qui se réitère sans arrêt

 28   dans l'appel, qui se fonde sur leur appréciation propre des faits sur le

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  1   fait d'évoquer des thèses qui n'ont été articulées à aucun moment dans le

  2   procès et qui ne se trouvent pas étayées par des preuves. La Chambre, le

  3   Tribunal se prononcent sur la base de leur propre appréciation et non pas

  4   sur la base de l'appréciation des preuves apportées par quelqu'un d'autre.

  5   C'est le seul commentaire que nous souhaiterions faire à ce sujet.

  6   Je vous remercie.

  7   Permettez-moi à présent d'exposer quelques arguments concernant le premier

  8   point de notre appel.

  9   La présence de Sljivancanin à Ovcara, comme ceci a été constaté dans le

 10   jugement, est devenue la question de fait fondamental eu égard à sa

 11   responsabilité. Si la Chambre de première instance n'était pas arrivée à la

 12   conclusion qu'il s'y trouvait à ce moment-là devant le hangar, elle ne

 13   serait pas arrivée à la conclusion que toute sa responsabilité pénale est

 14   engagée.La Chambre de première instance s'est fondée uniquement sur le

 15   témoignage d'un témoin, le

 16   Témoin P-009 pour constater que Sljivancanin se trouvait à Ovcara le 20

 17   novembre 1991. Lorsqu'il s'agit d'un fait qui, sous de nombreux égards

 18   substantiels, est un fait-clé pour constater la responsabilité pénale d'un

 19   accusé, la Chambre de première instance, si elle est amenée à se fonder

 20   uniquement sur le témoignage d'un seul témoin, bien, doit faire preuve de

 21   la plus grande précaution, particulièrement si cette déposition est

 22   contradictoire par rapport à un grand nombre d'autres preuves portant sur

 23   le même fait.

 24   La Chambre de première instance, dans son jugement, cite un certain nombre

 25   de noms pour lesquels elle dit les avoir pris en considération pour

 26   apprécier un certain nombre de faits-clés, paragraphes 11 à 16 du jugement.

 27   Et compte tenu des éléments contradictoires et compte tenu du temps qui

 28   s'est écoulé depuis les événements, la Chambre affirme avoir pris la plus

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  1   grande précaution pour apprécier ces preuves. La stratégie de la Défense

  2   pour contester cette affirmation dans l'acte d'accusation a été claire :

  3   poser la question à tous les témoins qui sont venus déposés, qui se sont

  4   trouvés à Ovcara comme cela a été le cas du Témoin P-009, s'ils ont vu

  5   Sljivancanin. De l'avis de la Défense, lorsqu'on se penche sur une question

  6   aussi simple et aussi importante à la fois, une question qui constitue la

  7   substance même de l'éventuelle responsabilité pénale, les arguments

  8   apportés doivent être tout à fait précis. Aucun juge du fait raisonnable ne

  9   doit, après avoir entendu les éléments, avoir de doute sur la possibilité

 10   de présenter ou d'arriver à une autre conclusion.

 11   La Chambre de première instance, comme cela figure à l'appel, à savoir pour

 12   ce qui est de la présence de Sljivancanin à Ovcara, a commis des erreurs

 13   considérables. Premièrement, la Chambre n'a pas comparé le témoignage du

 14   Témoin P-009 aux témoignages d'autres témoins qui ont affirmé à l'opposé

 15   qu'ils n'ont pas vu Sljivancanin à Ovcara. Par rapport au groupe de témoins

 16   prisonniers de l'autocar, la Chambre de première instance, au paragraphe

 17   382, ne cite que deux témoins, ceux qui n'ont pas vu Sljivancanin. En plus

 18   de ces deux, pendant le procès des témoins qui se sont exprimés de manière

 19   identique sont les témoins P031, P011, Cakalic Karlavic et Dodaj. Nous

 20   reparlerons de manière plus précise de Dodaj.

 21   Au point 2, La Chambre de première instance a commis une erreur, lorsque

 22   dans son jugement elle a avancé des conclusions erronées sur les raisons

 23   pour lesquelles les dépositions d'autres témoins n'ont pas été acceptées, à

 24   savoir les dépositions des témoins qui affirment le contraire. J'évoque là

 25   les paragraphes 155 à 169 de notre appel.

 26   Au point 3, une erreur a été commise pour ce qui est de l'appréciation

 27   erronée des preuves concernant les circonstances dans lesquelles le Témoin

 28   P-009 aurait vu au préalable Sljivancanin comme étant le fondement de sa

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  1   reconnaissance. Paragraphes 83 à 117 de notre mémoire en appel.

  2   En outre, la Chambre de première instance a commis une erreur en faisant

  3   valoir des conclusions contradictoires, parce que par rapport au fait-clé,

  4   à savoir la présence de Sljivancanin à Ovcara, après avoir apprécié les

  5   preuves, deux témoins qui parlent de ce fait de manière totalement

  6   contraire, se sont vu accepter leur témoignage. Paragraphes 63 à 81. En

  7   outre, des erreurs ont été commises lorsqu'on n'a pas prêté attention au

  8   manque de cohérence dans la déposition du témoin P009 par rapport aux

  9   autres conclusions. Paragraphes 131 à 141. Et enfin, la Chambre de première

 10   instance n'a pas pris en considération ses propres conclusions pertinentes

 11   portant sur la présence de Sljivancanin pendant cette période à l'hôpital.

 12   Paragraphes 147 à 154 [comme interprété] de l'appel.

 13   Cette approche erronée de la preuve et l'appréciation erronée ont

 14   entraîné des conclusions qu'aucun juge raisonnable du fait n'aurait --

 15   auxquelles il ne serait arrivé et nous allons citer quelques exemples.

 16   En estimant que la déposition du Témoin P-009 est crédible, la

 17   Chambre est arrivée à la conclusion, donc le Témoin P-009 a vu Sljivancanin

 18   à Ovcara vers 14 heures 30 ou 15 heures le 20 novembre 1991. D'après la

 19   conclusion de la Chambre, le Témoin P-009 s'était trouvé au préalable

 20   devant le hangar. Il aurait regardé le passage à tabac, ensuite il se

 21   serait rendu derrière le hangar, il serait revenu au bout de 15 ou 20

 22   minutes et c'est là qu'il aurait vu, aperçu Sljivancanin. Il serait passé à

 23   côté de lui et serait entré dans le hangar. D'après lui, à ce moment-là,

 24   les prisonniers étaient déjà introduits dans le hangar. Paragraphe 377 du

 25   jugement.

 26   Le site et le timing auxquels ont conclu les Juges de la Chambre sont

 27   donc plutôt précis, donc les conclusions auxquelles les Juges de la Chambre

 28   sont arrivés sur la base de ce témoignage.

Page 127

  1   La Chambre de première instance, dans son analyse par la suite, en

  2   appréciant la crédibilité du témoignage de ce témoin doit procéder à une

  3   comparaison, à la comparaison entre ces affirmations et les affirmations

  4   d'autres témoins, en particulier ceux qui ont dit ne pas avoir vu

  5   Sljivancanin. Pour ce qui est de tous les témoins, et cela vaut également

  6   pour le Témoin P-009, la Chambre de première instance devait se poser la

  7   question suivante : le témoin était-il en mesure d'observer ce qui se

  8   passait devant lui et est-ce un témoin convaincant et est-ce qu'il avait

  9   des raisons de ne pas être sincère et qu'est-ce qui peut être conclu de

 10   manière fiable sur la base de cette déposition, ce témoignage ?

 11   Un nombre considérable de témoins qui ont été considérés crédibles

 12   par les Juges de la Chambre ont été tellement convaincants que c'est sur la

 13   base de leurs témoignages que les Juges de la Chambre sont arrivés à leurs

 14   conclusions. Et en plus de ce qu'ils ont décrit comme étant en cours et ce

 15   qui a été jugé digne de foi par les Juges de la Chambre, ils ont estimé

 16   également ne pas avoir vu Sljivancanin sur place à ce moment-là.

 17   La Chambre de première instance, dans sa conclusion au paragraphe 382

 18   du jugement, affirme de manière contradictoire que les Témoins Berghofer et

 19   P-030, compte tenu des circonstances, n'ont pas pu remarquer tous les

 20   officiers devant le hangar et donc c'est contradictoire par rapport aux

 21   autres conclusions de cette même Chambre. La Chambre estime que ces témoins

 22   sont crédibles, lorsqu'ils arrivent à ces conclusions portant sur les

 23   protagonistes au passage à tabac, notes de bas de page 938, 939, 932 et

 24   931.

 25   L'affirmation de l'Accusation en répondant à l'appel disant que les

 26   témoins de l'autocar --

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Excusez-moi mais le Juge Guney a une

 28   question qu'il aimerait vous poser.

Page 128

  1   M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Je répète. Vous faites valoir que seul

  2   le manquement délibéré à l'obligation de s'acquitter d'un devoir va

  3   impliquer -- ou plus exactement l'intention coupable de l'accusé peut

  4   entraîner la responsabilité pénale individuelle de l'accusé. Si c'est ce

  5   que vous pensez, j'aimerais avoir votre avis sur les précédents multiples

  6   et l'évolution de notre jurisprudence qui sont fondés sur la commission par

  7   omission.

  8   J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette question de la commission par

  9   omission au regard de l'évolution de la jurisprudence de notre Tribunal.

 10   Merci.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Juge, Me Bourgon va apporter une

 12   explication détaillée sur le point. Permettez-moi de lui laisser le soin de

 13   répondre à cette question. Si vous n'êtes pas satisfait de sa réponse, nous

 14   pourrons l'étoffer.

 15   JUGE GUNEY: [interprétation] O.K.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 17   L'affirmation de l'Accusation à ce qui répond à l'appel disant que les

 18   témoins de l'autocar avaient peur à ce moment-là et donc qu'ils étaient

 19   plutôt concentrés sur la question de leur subsistance, de leur survie, ne

 20   peut pas constituer un fondement pour ne pas accepter leur déposition dans

 21   ces parties-là lorsqu'en même temps c'est sur la base de leur observation,

 22   on arrive à la conclusion sur d'autres points pertinents, à savoir la

 23   description des officiers, de leurs grades et de leurs uniformes.

 24   Lorsque la Défense de Sljivancanin de la part de tous les témoins

 25   d'autocars reçoit en réponse qu'ils n'ont pas vu Sljivancanin à Ovcara,

 26   alors l'Accusation, pendant ces questions supplémentaires, ne leur demande

 27   à aucun ce qu'elle affirme maintenant en procédant à son appréciation

 28   propre des preuves, ce qu'elle souhaite démontrer à savoir que ces témoins,

Page 129

  1   vu leur état, n'étaient pas en mesure d'observer, de remarquer tout ce qui

  2   se passait devant le hangar.

  3   Est-ce que parmi ces témoins victimes de passage à tabac, il y en avait un

  4   seul qui avait des raisons d'occulter le fait que Sljivancanin se serait

  5   trouvé à Ovcara ? Non. Ils ont témoigné sur le comportement de Sljivancanin

  6   à l'hôpital de manière très détaillée, ils n'ont pas cherché à cacher leur

  7   animosité eu égard à Sljivancanin.

  8   La Chambre de première instance n'a pas reçu, en réponse de la part de ces

  9   témoins, le fait que dans cette situation, ils n'étaient pas en moyen

 10   d'observer ce qui se passait devant eux et que donc leurs conclusions se

 11   fondent sur des hypothèses et non pas sur des preuves. Donc une erreur a

 12   été commise ainsi.

 13   Un autre groupe de témoins qui n'ont pas vu Sljivancanin devant le hangar à

 14   ce moment-là sont les trois officiers de la JNA : deux témoins de

 15   l'Accusation, P-014 et le lieutenant-colonel Vojnovic, et le lieutenant-

 16   colonel Panic. La Chambre de première instance cite les raisons possibles

 17   du fait que ces témoins ne l'auraient pas vu à ce moment-là. Paragraphes

 18   378, 381 et 380 du jugement. Mais ce faisant, la Chambre de première

 19   instance commet des erreurs typiques en expliquant pour quelles raisons les

 20   affirmations du colonel Panic et de P-014 ne remettent pas en question la

 21   déposition de P-009. Les raisons pour lesquelles leurs témoignages ne sont

 22   pas acceptés sur ce fait sont contraires à d'autres conclusions adoptées

 23   par la Chambre de première instance portant sur la présence de ces témoins

 24   à Ovcara en même temps.

 25   En effet, la Chambre affirme dans un autre paragraphe, paragraphe 309

 26   du jugement, que Vojnovic et Panic étaient en train de se parler devant le

 27   hangar et qu'ils ont été vus en conversation par le Témoin P-014;

 28   paragraphe 254. Si tel est le cas, si la Chambre considère que le Témoin P-

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  1   014 était sur place pendant qu'il y a eu le passage à tabac devant le

  2   hangar et qu'il est parti pendant que le passage à tabac était encore en

  3   cours, alors la seule conclusion possible est la suivante : le lieutenant-

  4   colonel Panic est arrivé pendant que l'introduction des témoins dans le

  5   hangar était encore en cours, alors la conclusion de la Chambre qui figure

  6   au paragraphe 380 n'est pas valable, à savoir que Panic n'a pas vu

  7   Sljivancanin parce qu'il est arrivé plus tard.

  8   D'autre part, si la Chambre est arrivée à la conclusion que le Témoin

  9   P-014 a vu Panic et qu'en même temps fait confiance à Panic qu'il est

 10   arrivé alors que les prisonniers étaient déjà introduits dans le hangar,

 11   paragraphe 258, alors le Témoin P-014 s'est trouvé à Ovcara après que les

 12   prisonniers n'aient été introduits dans le hangar. Ainsi la raison invoquée

 13   au paragraphe 380, quelle est la raison pour laquelle le Tribunal n'estime

 14   pas que le Témoin P-014 est fiable, pourquoi -- ces raisons qu'il n'a pas

 15   vu Sljivancanin, là, la Chambre n'a pas un argument valable, et nous

 16   l'expliquons en détail au paragraphe 36 de notre réplique.Je comprends

 17   certes que c'est une problématique assez complexe.

 18   La question de la fiabilité des témoins peut être examinée. Nous

 19   avons Vojnovic et nous avons le Témoin P-014, des témoins à décharge, et

 20   Panic, aussi. Est-ce qu'ils avaient des raisons de faire preuve de parti

 21   pris ? Aucunement. Aucun d'entre eux n'avait de raison de dissimuler ce

 22   fait, si effectivement Sljivancanin s'était trouvé sur place. Au contraire,

 23   ils en auraient été contents. Ils étaient dans une situation où ils

 24   auraient discuté de la sécurité des prisonniers de guerre sur zone, est-ce

 25   qu'ils auraient pu ignorer la présence de Sljivancanin ? Non. Aucun juge

 26   des faits raisonnable n'aurait pu conclure ce qu'a conclu la Chambre de

 27   première instance.

 28    Enfin, une erreur qui jette le doute le plus complet sur la

Page 131

  1   conclusion quant à la fiabilité de la déposition du Témoin P-9, nous

  2   trouvons ce doute dans ce que dit le témoin Dodaj Hajdar, nous avons le

  3   fait que ce témoin -- on doit le comparer au Témoin P-09. Hajdar Dodaj,

  4   c'est un témoin à charge, un prisonnier qui se trouvait dans un bus,

  5   d'après ce qui est dit au paragraphe 236 du jugement, il a quitté ce bus

  6   avant d'entrer dans le hangar -- dans lequel il n'est pas entré, il se

  7   trouvait à l'extérieur de celui-ci avec trois autres prisonniers qui

  8   avaient été séparés des autres, et il y avait aussi à cet endroit plusieurs

  9   officiers de la JNA. La Chambre parle de deux lieutenants-colonels et d'un

 10   capitaine. Nous avons les paragraphes 70 à 74 et le paragraphe 129 qui, à

 11   notre avis, sont très importants et qui font référence à sa déposition. La

 12   Chambre d'ailleurs aussi y fait référence.

 13   Dodaj dit qu'il se trouvait là debout en train d'observer ce qui se

 14   passait, il a vu les gens à l'extérieur du hangar et il est resté à les

 15   observer pendant une heure ou deux. On lui a posé une question directe, il

 16   a dit directement ne pas avoir vu Sljivancanin à Ovcara. Alors

 17   qu'auparavant il l'avait vu pendant près d'une demi-heure de tout près à

 18   l'hôpital. Lorsqu'il dit ne pas avoir vu Sljivancanin à Ovcara, la Chambre

 19   le croit lorsqu'il le dit, la Chambre dit que c'est un argument persuasif,

 20   paragraphe 386.

 21   Nous avons donc deux dépositions sur un même fait et sur un même

 22   lieu. Quelqu'un dit avoir vu Sljivancanin à Ovcara, c'est le Témoin P-09,

 23   et la Chambre lui prête foi; l'autre dit ne pas avoir vu Sljivancanin à

 24   Ovcara, c'est le témoin Dodaj, mais la Chambre le croit aussi, ce témoin-

 25   là. L'Accusation essaie d'amenuiser l'erreur commise par la Chambre en

 26   soutenant que Dodaj avait peur et que, par conséquent, il n'a pas pu

 27   observer convenablement la zone qu'il avait sous les yeux. Cependant, la

 28   Chambre a établi que c'était là un témoin convaincant qui n'avait pas vu

Page 132

  1   Sljivancanin. L'Accusation aurait pu demander à Dodaj s'il était à ce point

  2   apeuré qu'il était dans l'impossibilité de voir ce qui se passait devant

  3   lui, mais la question n'a pas été posée par l'Accusation, ni à ce témoin-

  4   là, ni à d'autres, d'ailleurs.

  5   En dépit de la peur qui l'habitait, Dodaj a été cru par la Chambre,

  6   qui l'a considéré comme étant un témoin persuasif. L'Accusation manque

  7   d'arguments, elle n'en présente pas pour invoquer que c'est là une erreur

  8   commise par la Chambre de première instance. Celle-ci s'est trompée

  9   lorsqu'elle n'a pas comparé deux éléments de preuve, deux dépositions

 10   persuasives dont elle avait été saisie. Face à ces deux témoignages, chacun

 11   d'entre eux étant persuasif, la Chambre de première instance aurait dû

 12   trancher la question. La Chambre de première instance n'a pas expliqué sur

 13   quoi elle s'était fondée pour être convaincue du caractère persuasif du

 14   Témoin P-009, en dépit du fait que ses dires sont contradictoires avec

 15   d'autres conclusions de la Chambre.

 16   Le Témoin P-009 dit avoir dépassé Sljivancanin pour entrer dans le

 17   hangar, qu'il n'y avait personne d'autre à cet endroit, qu'il n'y avait pas

 18   d'autres officiers devant le hangar, alors que la Chambre a établi qu'au

 19   moment où les prisonniers sont descendus du bus pour entrer aussitôt dans

 20   le hangar. Vojnovic, comme Panic et deux lieutenants-colonels qui avaient

 21   interrogé Dodaj et son groupe étaient là, c'est ce que dit le paragraphe

 22   258, et on mentionne les deux lieutenants-colonels au paragraphe 236. P-009

 23   est en parfaite contradiction avec la conclusion de la Chambre, à savoir

 24   qu'il n'avait pas vu ce qui se passait dans le hangar alors qu'il est entré

 25   dans ce hangar presque aussitôt après l'arrivée des prisonniers de guerre,

 26   et qu'après un certain temps, il a fait sortir le Témoin

 27   P-030 et le Témoin 287. En dépit de ce qu'a dit le Témoin P-030, la Chambre

 28   tire des conclusions sur les sévices infligés dans le hangar au paragraphe

Page 133

  1   237, et il y a les paragraphes 952, 953, 954 et 956 du jugement qui vous

  2   intéresseront, qui portent tous ce qu'a dit le Témoin P-009 à propos des

  3   sévices corporels, et qui se trouvait au même moment dans le hangar. Ceci

  4   montre au-delà de tout doute raisonnable que le Témoin P-009 ne disait pas

  5   la vérité pendant son audition, car il essayait de diminuer sa propre

  6   participation aux événements.

  7   Est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel, je souhaite

  8   faire une référence.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier, veillez-y.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 11   le Président.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 28   [Audience publique]

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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

  2   Poursuivez, Maître Lukic.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Ce témoin, qui se trouvait à Ovcara, qui était

  4   membre de la TO, c'est pour ça qu'il était à Ovcara et avant il s'était

  5   trouvé à la caserne à Velepromet, on l'a vu partout armé, il a été reconnu

  6   par des témoins; est-ce qu'il avait des raisons de manifester un parti pris

  7   ? Je pense que tout juge raisonnable dira oui. Ce témoin, on aurait dû

  8   l'aborder avec beaucoup de précaution, c'est le seul témoin à affirmer que

  9   Sljivancanin s'était trouvé à la caserne ce jour-là. Il aurait fallu qu'on

 10   demande à ce témoin s'il avait vu Sljivancanin ce jour-là, indépendamment

 11   du fait que tous ces témoins étaient des témoins à charge, ils ont

 12   manifesté une attitude hostile à l'égard de Sljivancanin, car ils pensaient

 13   de lui que c'était l'homme qui les avait séparés des autres à l'hôpital,

 14   ils ont tous fait des déclarations très précises.

 15   Je pense qu'il faut apporter une correction au compte rendu d'audience, ce

 16   sera à la page 25, on a posé cette question effectivement aux témoins, on

 17   leur a demandé s'ils avaient vu Sljivancanin ce jour-là.

 18   Paragraphe 369, là, la Chambre procède à l'analyse de trois seulement

 19   de ces témoins. Mis à part ces trois témoins, tous les autres témoins qui

 20   s'étaient trouvés dans le bus, ils étaient au nombre de six, ils ont dit

 21   n'avoir pas vu Sljivancanin à la caserne, pourtant la Chambre de première

 22   instance n'en fait pas mention, c'étaient tous des témoins à charge, ils

 23   sont mentionnés au paragraphe 99 et à la note de bas de page 88 dans notre

 24   mémoire d'appel.

 25   La Chambre de première instance a conclu que ces témoins n'ont pas réussi à

 26   fournir une description détaillée de tous les événements survenus devant le

 27   bus en raison des conditions dans lesquelles ils se trouvaient, mais c'est

 28   une nouvelle contradiction par rapport à la conclusion où on dit, on a cru

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  1   ces témoins lorsqu'ils ont parlé des événements relatifs au bus, c'était

  2   les paragraphes 216 et 217.

  3   A la caserne Kob [phon] à Ovcara, le Témoin P-009 est le seul à dire qu'il

  4   n'a pas vu ce que disent tous les autres événements. Or, c'était un

  5   événement-clé, c'était au moment où on transférait les prisonniers dans ce

  6   sixième bus. C'est le seul moment où il y a eu sévices physiques, contacts

  7   physiques avec les prisonniers. Page du compte rendu d'audience 6 279.

  8   L'Accusation fait cette analyse en affirmant qu'il était possible que

  9   P-009 soit arrivé après que ces personnes aient été déplacées vers le

 10   sixième bus et avant le départ du bus pour l'hôpital, mais c'est un piège

 11   parce que ce n'est pas du tout ce que dit la Chambre, à savoir que c'est 30

 12   minutes après l'arrivée du bus que les membres de la défense ont été

 13   retirés de la caserne. Alors comment peut-il, ce Témoin P-009, témoigner de

 14   tellement d'événements survenus à la caserne s'il n'y a passé que quelques

 15   minutes ? C'est impossible. Il a dû s'être trouvé là bien plus tôt, sinon

 16   il aurait vu le moment où plus de 10 prisonniers ont été frappés selon les

 17   modalités établies par la Chambre au paragraphe 217. Par conséquent, la

 18   Chambre a cru le témoin qui était le seul à voir Sljivancanin, sur tous les

 19   témoins qui se sont trouvés sur les lieux, alors qu'aucun de ces autres

 20   témoins ne l'a vu et il a été le seul à ne pas être témoin, à ne pas avoir

 21   vu les sévices corporels infligés à la caserne et au hangar d'Ovcara, et

 22   c'est quelque chose que tous les autres ont vu. Est-ce que c'est sur ce

 23   seul témoin que se fonde la Chambre pour conclure à la responsabilité

 24   pénale de Sljivancanin ?

 25   Si la conclusion-clé de la Chambre se fond sur un seul témoin, il

 26   faut que la Chambre prouve la fiabilité, la crédibilité de ce témoignage,

 27   on ne peut pas accepter ces deux catégories a priori comme pensant que

 28   c'est simplement parce que la Chambre, ce jour-là, a cru une personne

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  1   plutôt qu'une autre. Si la Chambre était convaincue de la crédibilité, mais

  2   si cette crédibilité ne peut pas être mise à l'épreuve comme étant la seule

  3   conclusion possible, ceci sème le doute sur la nécessité d'un appel en

  4   général.

  5   Madame, Messieurs le Juges, nous pensons que vous jouerez le rôle d'une

  6   Chambre des faits raisonnable et que de façon détaillée et complète vous

  7   allez soupeser la crédibilité, la fiabilité de ce témoignage et évaluer les

  8   erreurs commises par la Chambre de première instance lorsqu'il s'agissait

  9   d'établir des faits clés sur le fondement de sa déclaration.

 10   Dernière erreur commise par la Chambre sur la présence de Sljivancanin à la

 11   caserne, c'est quelque chose qu'on ne saurait considérer crédible. Parce

 12   que si on avait vu Sljivancanin dans la zone de la caserne, s'il n'avait

 13   pas passé tout ce temps comme le prétend P-009 avant le départ du sixième

 14   bus, comment peut-il attendre ce bus à l'hôpital, ce que dit pourtant le

 15   Témoin T-660, qui était dans ce bus, et ce que dis aussi le Témoin P-0-- ce

 16   que dit le Témoin Wilhelm. Comment était-il possible qu'il soit là à cette

 17   heure-là si dans le jugement la Chambre établit au préalable que

 18   Sljivancanin se trouvait à l'hôpital au moment du départ du convoi

 19   contenant les civils à 14 heures ou à 14 heures 30. Même si l'Accusation

 20   dit en réponse que la distance à couvrir n'était pas bien grande, ce qui

 21   était réalisable par Sljivancanin, la Chambre conclut autrement. D'après ce

 22   qu'elle dit, il fallait une demi-heure pour que les bus aillent de la

 23   caserne à Ovcara. Paragraphes 222 et 234. Il était impossible, parce que

 24   ceci aurait nécessité un trajet bien plus long. Et nous allons vous

 25   demander d'examiner la pièce 156.

 26   Permettez-moi de dire ceci en conclusion.Madame et Messieurs les

 27   Juges, au moment d'évaluer les éléments de preuve, la Chambre de première

 28   instance, en faisant référence à la présence de Sljivancanin à Ovcara, a

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  1   commis plusieurs erreurs qui ont eu pour conséquence qu'aucun juge des

  2   faits raisonnable n'aurait pu tirer les conclusions qu'elle a tirées, ce

  3   qui a entraîné un déni de justice, une erreur judiciaire qui rend invalide

  4   le jugement.

  5   Je vous remercie. Si vous n'avez pas de questions à me poser, Me Bourgon va

  6   aborder les autres motifs d'appel.

  7   M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  8   Bonjour, Monsieur le Président.

  9   Je m'appelle Stéphane Bourgon et je poursuis la présentation de nos

 10   arguments en appel.

 11   Je crois comprendre que mon collègue a déjà utilisé 44 minutes, il me reste

 12   donc 46 minutes. Je vais intervenir pendant 30 minutes et puisque vous avez

 13   prévu un nouvel emploi du temps, nous allons à ce moment-là faire une

 14   pause.

 15   Monsieur le Président, d'emblée, je voudrais dire quelques mots à propos de

 16   ce que vous nous avez dit s'agissant de la responsabilité pour omission.

 17   Moyen numéro 2. Mais je vais également répondre à la question 4 qu'on

 18   trouve à l'addendum de l'ordonnance portant calendrier en appel pour passer

 19   ensuite aux motifs 3, 4 et 5.

 20   S'agissant de la responsabilité pour omission, nous soutenons, nous l'avons

 21   d'ailleurs déjà fait aussi dans notre mémoire, que cette forme, cette

 22   modalité spécifique de responsabilité par omission, telle que cernée par la

 23   Chambre dans le jugement, n'existe pas. Ceci ne veut pas dire, Monsieur le

 24   Président, même si on tient compte du fait qu'avant, devant la TPI la

 25   situation est tout à fait différente. Nous ne disons pas qu'on ne peut pas

 26   déclarer quelqu'un coupable pour omission en vertu du Statut du TPIY. Il

 27   n'en demeure pas moins qu'il est important de relever que la TPI aborde la

 28   question tout à fait différemment en matière d'omission. Ceci nous dit

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  1   qu'il s'agit ici d'une modalité tout à fait exceptionnelle de

  2   responsabilité pénale et qu'il est capital, lorsqu'on parle de

  3   responsabilité par omission de bien cerner les paramètres, les éléments

  4   qualifiant ce type de responsabilité avant de l'appliquer à un cas concret.

  5   Dans l'affaire le Procureur contre Tadic, la Chambre d'appel reconnaît

  6   qu'une personne peut être déclarée coupable pour omission coupable, en

  7   présence d'une obligation positive d'agir, s'il y avait un manquement

  8   délibéré à l'obligation de remplir ce devoir. Ceci renvoie à l'omission en

  9   tant qu'auteur principal du fait et non pas en tant que complice. Et il

 10   faut prouver que l'accusé partage l'intention, l'élément moral des auteurs

 11   principaux. Pour le dire autrement, il faut montrer que l'accusé avait

 12   l'intention d'obtenir les conséquences du crime commis ou qu'il devait

 13   avoir connaissance de ses conséquences et était d'accord pour qu'elles

 14   interviennent.

 15   Même si la Chambre de première instance en l'espèce fait bien mention

 16   dans l'exposé de ses motifs que Sljivancanin avait l'obligation d'agir,

 17   elle ne le déclare pas coupable en tant qu'auteur principal par omission.

 18   Autre type de modalité par omission reconnu dans le Statut de notre

 19   Tribunal, c'est l'article 7(3), nous le savons, qui parle de la

 20   responsabilité du supérieur hiérarchique. En application de cet article du

 21   Statut, un commandant peut voir engager sa responsabilité pénale pour une

 22   violation commise par un subordonné sur lequel il a un contrôle effectif,

 23   s'il a des raisons de savoir ou s'il sait que ce subordonné est sur le

 24   point de commettre un crime, le commet et s'il ne prend pas les mesures

 25   nécessaires et raisonnables pour l'en empêcher. Quand je parle de la

 26   nécessité de bien identifier les paramètres, la qualification de cette

 27   responsabilité, c'est de cela que je parle.

 28   Vu les principes généraux du droit pénal, ce type de responsabilité,

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  1   cette responsabilité du supérieur hiérarchique, c'est quelque chose

  2   d'exceptionnel en règle générale. On ne déclarera quelqu'un coupable d'une

  3   infraction que s'il a participé d'une façon ou d'une autre à sa

  4   perpétration. Et, bien sûr, s'il était animé de l'intention délictueuse

  5   nécessaire. Prenons l'article 7(3) du Statut. Le commandant ne participe

  6   pas à la commission de l'infraction. Il ne faut pas montrer qu'il était

  7   animé de la même intention délictueuse que l'auteur principal. Pourtant,

  8   parce que la responsabilité du supérieur hiérarchique, c'est un des

  9   fondements du droit pénal international humanitaire. Et s'il y a une

 10   personne qui aurait pu empêcher le crime commis par le subordonné, c'est

 11   bien son commandant. Et c'est pour cela que cette modalité exceptionnelle

 12   de responsabilité est acceptée et reconnue.

 13   Cela dit, la responsabilité du supérieur hiérarchique, elle est formulée de

 14   façon très précise. Pourquoi ? Pour éviter toute forme de responsabilité

 15   stricte. Il faut d'abord prouver qu'il y avait un lien de subordination

 16   existant entre le commandant et l'auteur. Deuxièmement, le commandant

 17   sachant que son subordonné est sur le point de commettre un crime ou est en

 18   train de le commettre ne sera considéré coupable que s'il ne prend pas les

 19   mesures nécessaires et raisonnables de façon à empêcher son subordonné de

 20   commettre cette infraction. Les termes "raisonnables" et "nécessaires" sont

 21   importants ici. Pourquoi ? C'est parce qu'on veut éviter ce dont j'ai déjà

 22   parlé : la responsabilité au sens strict du terme.

 23   Remarquons en fait que s'agissant de l'article 7(3) du Statut, la

 24   responsabilité du commandant, en vertu de cet article, se concentre sur le

 25   fait d'empêcher un subordonné de commettre un crime. Ce n'est pas le fait

 26   d'empêcher qu'un crime soit commis.

 27   A notre avis, ce sont là les deux seules modalités de responsabilité par

 28   omission qui sont consacrées par le Statut de ce Tribunal : une omission

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  1   coupable en tant qu'auteur principal ou la responsabilité du supérieur

  2   hiérarchique, conformément à l'article 7(3) du Statut.

  3   Bien sûr, il y a un autre type de responsabilité qui peut-être va donner

  4   les apparences de la responsabilité par omission mais ce n'en est pas une.

  5   C'est ce spectateur complaisant, ce spectateur, cet observateur.

  6   Effectivement, si vous avez quelqu'un présent sur les lieux du crime et si

  7   le seul fait qu'il est présent constitue un encouragement ou un soutien

  8   moral à l'auteur de l'infraction à ce moment-là, on a accepté et il est

  9   reconnu que cette personne peut être déclarée coupable en tant que complice

 10   si cette personne sait que sa présence va effectivement encourager la

 11   commission de l'infraction parce que sa présence légitimise aux yeux de

 12   l'auteur, c'est très important, la commission du crime. A notre avis,

 13   Monsieur le Président, ceci ne constitue pas une responsabilité par

 14   omission car la présence de l'accusé dans un tel cas de figure sur les

 15   lieux du crime a assisté les auteurs. Cette présence a eu un effet sur

 16   l'acte répréhensible commis par l'auteur principal et a contribué à la

 17   commission de l'infraction.

 18   On a posé auparavant une question à mon confrère à propos de la commission

 19   par omission. Et c'est précisément de cela qu'on parle. Ça ressemble à une

 20   responsabilité par omission mais c'est une commission par omission.

 21   Nous faisons référence à un auteur dans nos écrits mais il y en a

 22   beaucoup, M. Dutweiler, qui a expliqué la différence qu'il y a entre

 23   l'omission en tant que telle et la commission par omission. Pour qu'il y

 24   ait commission par omission, il faut que la personne ait la capacité

 25   matérielle de faire quelque chose. Mais en ne faisant pas ce qu'elle peut

 26   faire, car il en a la capacité matérielle, il participe à la commission de

 27   l'infraction. L'encouragement, le fait de donner un encouragement c'est la

 28   commission par omission exactement.

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  1   Pour nous, pour qu'il y ait commission par omission, il faut même aller

  2   plus loin que ce critère habituel qu'on a du fait d'aider à encourager,

  3   même si nous reconnaissons que la jurisprudence de ce Tribunal s'est déjà

  4   prononcée de façons diverses pour le TPIY mais aussi pour le TPIR.

  5   Monsieur le Président, ici en l'occurrence, la question qui se pose, c'est

  6   l'obligation qu'a cette personne. Faut-il que le spectateur complaisant ait

  7   l'obligation ou non d'empêcher ? Ce que nous disons, c'est que dans ce cas

  8   de figure, il n'est pas nécessaire que ce spectateur complaisant ait

  9   l'obligation d'empêcher un subordonné de commettre un crime ou d'empêcher

 10   qui que ce soit à commettre ce crime. Ça ne veut pas dire que le devoir ne

 11   va pas devenir une considération pertinente. Ce devoir peut être une

 12   considération pertinente si l'auteur sait, par exemple, que la personne

 13   pouvait normalement l'arrêter de commettre ce crime. Du point de vue de

 14   l'auteur, cette personne a le devoir de m'arrêter, de m'empêcher. Je sais

 15   qu'il a ces devoirs, et cette personne ne m'arrête pas, ne me fait pas

 16   cesser. Donc je peux continuer en tout impunité. Toutefois, ce devoir n'est

 17   pas une condition préalable.

 18   La difficulté en l'espèce, Monsieur le Président, c'est que la

 19   Chambre de première instance a utilisé un mélange d'omissions coupables,

 20   d'aider et d'encourager, ainsi qu'un certain nombre de notions des

 21   responsabilités du commandement. Effectivement, la Chambre de première

 22   instance a constaté, décidé, que l'accusé avait le devoir d'agir, qu'il

 23   était présent sur place et qu'il a vu qu'un crime était commis, et qu'il

 24   n'a pas pris de mesures, que le crime n'a pas été commis par ses

 25   subordonnés, et que les auteurs ne l'ont pas vu et ne savaient pas, et ils

 26   n'étaient pas encouragés par sa présence.

 27   A notre avis, sur la base de ces faits, la Chambre de première

 28   instance ne pouvait pas dire que l'accusé était coupable par un type

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  1   quelconque de responsabilité par omission que s'il s'agisse d'une

  2   responsabilité par omission coupable en aidant ou encourageant, et qu'il y

  3   ait eu une forme quelconque d'encouragement fournie par les auteurs.

  4   Est-ce que la Chambre de première instance juge l'accusé coupable

  5   d'après une forme d'omission de responsabilité qui, selon nous, n'existe

  6   pas ? En fait, ceci aboutit à une responsabilité stricte. Effectivement, si

  7   la présence de Sljivancanin ne fournissait pas un encouragement ou un appui

  8   moral, le fait qu'il ait eu le devoir de protéger les prisonniers de guerre

  9   à Ovcara et s'il l'a fait, et qu'ayant vu les passages à tabac, les

 10   sévices, il n'a pas pris de mesures, ceci en suffit pas pour qu'il ait une

 11   responsabilité pénale engagée, à moins, bien sûr, que l'omission coupable

 12   ne soit démontrée.

 13   A cet égard, la nature de l'obligation de protéger les prisonniers de

 14   guerre, qui n'est pas une obligation qui implique que les prisonniers

 15   seront automatiquement en sécurité si cette obligation n'est pas remplie ou

 16   est remplie, la nature de ce devoir doit être examinée. La mesure dans

 17   laquelle ce devoir a été ou n'a pas été rempli doit également être

 18   examinée. En d'autres termes, si nous acceptons le cas ou le type

 19   d'omission de responsabilité, ce qui se passerait si cette obligation n'a

 20   été qu'en partie satisfaite. Comment est-ce qu'on analyse les choses ? Nous

 21   ne pouvons pas, d'après le modèle ou le mode de responsabilité identifié

 22   par la Chambre de première instance.

 23   Il n'est pas possible, Monsieur le Président, qu'une personne qui a le

 24   devoir de protéger, et qui n'agit pas en vertu de son devoir, en tout ou en

 25   partie, puisse être automatiquement ou soit automatiquement responsable

 26   pénalement.

 27   Il y a une autre raison pour laquelle ce type de responsabilité par

 28   omission n'existe pas. Si on lit l'article 7(3) du statut en ce qui

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  1   concerne les prisonniers de guerre, à ce moment-là cet article serait sans

  2   objet. Dans tous les cas où le commandant aura des prisonniers de guerre, à

  3   ce moment-là il ne serait pas nécessaire qu'il y ait l'article 7(3), et par

  4   conséquent l'Accusation ne s'occuperait que de la relation supérieure aux

  5   subordonnées. Si nous acceptons que le Procureur utilise comme mode de

  6   responsabilité cela et pour ce qui est de l'obligation de protéger, les

  7   auteurs n'étaient pas les subordonnés de l'accusé, la personne n'aurait pas

  8   fourni un encouragement moral aux auteurs, mais néanmoins la personne

  9   n'aurait pas pris de mesures. Nous ne pouvons pas évacuer l'article 7(3) du

 10   Statut, vu son importance pour le droit international humanitaire.

 11   Je reviens maintenant à la question 4 posée dans l'additif à l'ordonnance

 12   portant calendrier. Dans cette question, la Chambre d'appel a demandé à la

 13   Défense de préciser ceci : si la Chambre d'appel reconnaît que le fait

 14   d'aider et d'encourager par omission d'une façon spécifique a été suivie

 15   par la Chambre de première instance dans la présente affaire et si la

 16   Chambre d'appel conclut que c'est un mode valable de responsabilité, alors

 17   quelle est la mesure dans laquelle - et la question est tout à fait précise

 18   -  quelle est la mesure dans laquelle pour l'influence concrète et l'effet

 19   décisif des critères que nous avançons dans notre mémoire écrit qui sont

 20   pertinents pour l'appréciation de l'acte coupable consistant à aider et à

 21   encourager par omission ?

 22   Premièrement, Monsieur le Président, il faut remarquer que les deux

 23   critères, critères décisifs et l'autre critère qui était mentionné par la

 24   Chambre de première instance dans l'affaire Blaskic et qui est mentionné à

 25   nouveau par la Chambre d'appel au degré supérieur, c'est-à-dire par la

 26   Chambre d'appel dans l'affaire Oric. Dans les deux cas, la Chambre d'appel

 27   a examiné la question de la responsabilité par omission, mais ne s'est pas

 28   prononcée sur ce point et n'a pas identifié les éléments essentiels de

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  1   cette responsabilité. La Chambre d'appel a été parfaitement claire laissant

  2   ouverte la possibilité que l'acte coupable d'aider et d'encourager puisse

  3   se faire par omission. Ça, c'est la première considération.

  4   Deuxièmement, de notre point de vue, Monsieur le Président, la Chambre

  5   d'appel -- si la Chambre d'appel reconnaît qu'aider et encourager par

  6   omission sous une forme spécifique identifiée par la Chambre de première

  7   instance dans son jugement, à ce moment-là, l'essentiel de la question

  8   devient le fait de poser la question suivante : finalement, tout dépendra

  9   du sens qui doit être attribué au fait de prêter une assistance en pratique

 10   qui a un effet substantiel sur la commission d'un crime, c'est-à-dire le

 11   critère applicable pour être coupable d'aider et encourager dans la

 12   jurisprudence du Tribunal.

 13   A cet égard, notre argument, c'est que les critères concernant les

 14   faits décisifs et le degré le plus élevé d'influence concrète qui est

 15   repris des décisions rendues par la Chambre d'appel sont pertinents s'il

 16   s'agit d'illustration du fait que l'omission doit avoir aidé les auteurs.

 17   Il faut que cela ait eu un effet sur les actes illégaux des auteurs, et il

 18   faut que cela ait contribué de façon importante ou substantielle à la

 19   commission du crime.

 20   Nous pourrions décrire la responsabilité par omission ou ce lien,

 21   cette relation entre l'omission et les auteurs de différentes manières. Ce

 22   que nous savons, c'est qu'une relation de cause à effet n'est pas

 23   nécessaire, et que l'omission n'est pas une condition préalable, ne peut

 24   pas être une condition préalable, ou pour reprendre les termes de la

 25   Chambre d'appel, une condition qui précède la commission du crime. Ceci,

 26   c'était l'arrêt d'appel de l'affaire Blaskic. Ce qui est important, c'est

 27   que l'appréciation sur le point de savoir si l'omission a eu un effet

 28   substantiel sur la commission du crime, il faut que cela ait été fait en

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  1   voyant le crime commis, et non pas par l'omission elle-même. En d'autres

  2   termes, du point de vue des auteurs, si l'omission de l'accusé les a aidé

  3   ou a eu un effet sur leurs actes illicites ou a eu à contribuer de façon

  4   substantielle au fait qu'ils aient commis le crime ?

  5   Une autre façon de voir les choses est que si l'omission n'a pas modifié ou

  6   changé la conduite des auteurs, à ce moment-là il ne peut pas être dit que

  7   ceci ait eu un effet décisif sur la commission du crime ou une influence

  8   concrète sur les auteurs. Bien entendu, ceci nécessite une recherche très

  9   soigneuse sur les faits, parce qu'il se peut qu'il y ait des facteurs

 10   externes à cette omission qui pourraient aider à déterminer si une telle

 11   omission a eu ou non un effet substantiel sur la commission du crime.

 12   Comme ceci a été plaidé dans nos arguments traitant du moyen numéro 5,

 13   selon nous en la présente affaire, même si la Chambre d'appel reconnaît que

 14   le fait d'aider et d'encourager par omission sous la forme spécifique qui a

 15   été identifiée par la Chambre de première instance en l'espèce, que même si

 16   Sljivancanin avait été présent et n'avait pris aucune mesure, ceci n'avait

 17   aucun effet sur les auteurs en l'espèce.

 18   Je passe maintenant au moyen numéro 3, qui concerne la prétendue

 19   erreur commise par la Chambre de première instance en constatant que

 20   Sljivancanin avait l'obligation juridique de protéger les prisonniers de

 21   guerre qui étaient détenus à Ovcara.

 22   Respectueusement, notre argument à cet égard c'est que le 20 novembre

 23   1991, Sljivancanin n'avait pas, à aucun moment, d'obligation juridique de

 24   protéger les prisonniers de guerre détenus à Ovcara. Ce moyen, qui comprend

 25   cinq sous-moyens qui a trait directement à la partie du deuxième moyen

 26   d'appel de l'Accusation, qui sera plaidé vendredi. Nous nous fondons

 27   presque entièrement sur ce qui est dit dans notre mémoire, qui est

 28   suffisamment développé et détaillé. Seulement mes arguments d'aujourd'hui

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  1   seront limités à quelques points précis.

  2   Nous estimons, Monsieur le Président, que le devoir de protéger des

  3   prisonniers de guerre, l'origine de cette obligation provient des

  4   conventions de Genève, mais particulièrement les conventions de Genève

  5   numéro 3 et les articles 12 et 13. Cette responsabilité est imposée aux

  6   Etats et aux parties contractantes. L'Etat a la responsabilité et le

  7   devoir, lorsqu'ils ont des prisonniers de guerre en détention, qu'ils

  8   détiennent, les Etats délèguent cette responsabilité à leurs représentants.

  9   Nous savons, lorsque les militaires détiennent des prisonniers de guerre,

 10   le représentant de l'Etat et le commandant, en l'occurrence, ici, le

 11   commandant du Groupe opérationnel sud ou le commandant de la 80e Brigade

 12   motorisée pour ce qui est des prisonniers et s'ils étaient à Ovcara.

 13   Maintenant, pour remplir cette responsabilité, ce devoir, le commandant

 14   utilise les ressources qu'il a à sa disposition, y compris ses officiers.

 15   Parce que le commandant ne peut pas s'absoudre de cette responsabilité ou

 16   ne peut pas déléguer cette obligation juridique en donnant des tâches ou

 17   des missions et des ordres. Par conséquent, quelles que soient les tâches

 18   ou les ordres qui aient été donnés au commandant Sljivancanin, ceci ne lui

 19   imposait pas une obligation ni une responsabilité qui pouvait mettre en

 20   œuvre sa responsabilité pénale, non plus que tous les autres officiers du

 21   Groupe opérationnel sud qui ont participé aux événements qui avaient trait

 22   aux prisonniers de guerre à la suite des mesures prises par le commandant

 23   Mrksic à cette fin. Si la Chambre d'appel devait conclure autrement et

 24   estimer qu'il y existait une obligation précise imposée à Sljivancanin le

 25   20 novembre en ce qui concerne les prisonniers de guerre à Ovcara, parce

 26   que c'est le lieu où les crimes ont été commis, à ce moment-là, notre

 27   argument c'est que cette obligation avait pris fin immédiatement après la

 28   réunion du gouvernement dit de la SAO lorsque ce plan a été entièrement

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  1   modifié. Tandis que les prisonniers de guerre étaient censés aller à

  2   Sremska Mitrovica, le plan a été modifié et Sljivancanin a finalement été

  3   tenu hors du coup.

  4   Sljivancanin n'a pas participé à la transmission et à la mise en œuvre de

  5   l'ordre d'envoyer les prisonniers de guerre depuis la JNA jusqu'à Ovcara.

  6   Et si la Chambre de première instance aurait constaté que c'était le cas,

  7   nous pensons que cette conclusion ne peut pas être maintenue.

  8   Premièrement, la Chambre de première instance n'a pas trouvé d'éléments de

  9   preuve directs de la participation de Sljivancanin pour le fait de donner

 10   cet ordre ou de l'appliquer. Deuxièmement, la Chambre de première instance,

 11   dans sa conclusion à ce sujet - au paragraphe 659 de ce jugement - se fonde

 12   sur huit autres conclusions qu'elle a prises telles que la présence de

 13   Sljivancanin à la caserne dans la matinée du 20 novembre 1991, ce qui, ou

 14   bien constitue des déductions déraisonnables ou bien ont été adoptées sur

 15   la base d'éléments de preuve indirects et qui ont peu de valeur probante,

 16   voire aucune. Dans ces conditions, nous pensons que les constatations ou

 17   conclusions de la Chambre de première instance qui ont trait à la

 18   participation de Sljivancanin dans la transmission et la mise en œuvre des

 19   ordres d'envoyer les prisonniers à Ovcara ne peut être maintenue. De façon

 20   plus significative, si Sljivancanin n'a pas participé à la mise en œuvre de

 21   cet ordre et tout devoir qu'il aurait pu avoir à l'époque de protéger les

 22   prisonniers de guerre avait pris fin.

 23   Certaines des conclusions que nous avons examinées à cet égard, ça

 24   comprend le fait que lorsque Sljivancanin a dirigé le tri à l'hôpital, il

 25   ne savait pas que les prisonniers de guerre seraient emmenés à Ovcara. On

 26   trouve ça dans le jugement 657. Il ne savait pas non plus ce qu'il s'était

 27   passé à la réunion du gouvernement de la SAO. C'est quelque chose qu'il a

 28   appris beaucoup plus tard. La décision de conserver les autocars à la

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  1   caserne de la JNA pour attendre l'issue de la réunion du gouvernement de la

  2   SAO a été prise par Mrksic; paragraphe 300 du jugement. La décision

  3   d'envoyer la police militaire de la 80e Brigade motorisée à Ovcara pour

  4   être prête à assurer la sécurité des prisonniers a également été donnée par

  5   Mrksic, par son état-major, son commandement, sans aucune participation de

  6   Sljivancanin; jugement 305.

  7   Veselin Sljivancanin, comme cela a été démontré par mon confrère,

  8   n'était pas présent à la caserne de la JNA dans la matinée.

  9   Veselin Sljivancanin n'était pas présent à Ovcara le 20 novembre, et dans

 10   ces conditions, notre argument, c'est qu'après la réunion du gouvernement

 11   de la SAO, cette réunion a pris fin au plus tard - Veselin Sljivancanin, en

 12   l'occurrence, a été exclu de la tâche qui avait trait aux prisonniers de

 13   guerre. Veselin Sljivancanin a achevé la tâche qui concernait l'évacuation

 14   des civils de l'hôpital, et nous savons, à partir de ce moment-là, où il se

 15   trouvait sur la base de sa déposition.

 16   Nous savons que Sljivancanin n'a pas eu à participer en aucune

 17   manière à l'ordre de retrait, et le jugement de la Chambre de première

 18   instance a constaté cela.

 19   J'ai encore --

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez un peu dépassé le temps qui

 21   vous était imparti et nous devons nous arrêter maintenant pour 15 minutes,

 22   ensuite vous pourrez continuer.

 23   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

 24   m'arrêter. J'avais simplement une phrase de plus avant de suspendre la

 25   séance, simplement pour dire qu'il n'avait aucune obligation, il ne lui

 26   était fait aucune obligation par Mrksic dont les tâches pour le Groupe

 27   opérationnel sud étaient adressées par les officiers et d'autres officiers

 28   que Sljivancanin à ce moment-là.

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  1   Merci, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons suspendre la séance pour 15

  3   minutes.

  4   --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.

  5   --- L'audience est reprise à 16 heures 05.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Bourgon, je dois vous dire que

  7   je suis troublé par votre façon de voir, d'une façon très formaliste, la

  8   convention de Genève. Je crains que si votre suggestion était prise au

  9   sérieux, les obligations des Etats seraient très fortement diluées. Vous

 10   connaissez la fameuse phrase au procès de Nuremberg, selon lesquels les

 11   Etats agissent par le truchement d'individus, et si Sljivancanin s'était vu

 12   donner certaines responsabilités pour l'évacuation et le soin de

 13   prisonniers de guerre, est-ce que ces devoirs, ces obligations, ne

 14   continueraient pas en vertu de la 3e Convention de Genève jusqu'au moment

 15   où il aurait pu confier ces devoirs et obligations à quelqu'un qui pouvait

 16   prendre la responsabilité à l'égard des prisonniers de guerre ? Est-ce que

 17   vous pouvez abandonner des prisonniers de guerre à un moment donné à un

 18   programme qui les attend à l'extérieur ? Que se passe-t-il s'il n'y a pas

 19   de délégation officielle du tout, délégation de pouvoir de part de l'Etat,

 20   mais qu'il y a des prisonniers de guerre, des soldats qui se sont rendus à

 21   une autre unité en vertu de certaines notions de la 3e Convention de

 22   Genève. Vous devez supposer, il faut que quelqu'un assume la responsabilité

 23   de ces intermédiaires.

 24   Et je dois dire que j'ai été très troublé par les implications de ce que

 25   vous avez dit concernant cette possibilité de responsabilité juste en

 26   laissant dehors ces questions.

 27   M. BOURGON : [interprétation] Peut-être que je pourrais clarifier ma

 28   position.

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  1   Les prisonniers de guerre ne sauraient être abandonnés à aucun moment,

  2   Monsieur le Président. Merci de votre question. Et je vous prie de

  3   m'excuser si j'ai été mal compris, ce n'est pas ce que je voulais dire.

  4   Ce que je voulais dire c'était que le devoir de protéger les prisonniers

  5   appartient à la personne qui exerce la détention des prisonniers de guerre,

  6   et en concerne l'élément, les faits de présente affaire, les prisonniers de

  7   guerre étaient détenus sous la garde du Groupe opérationnel sud, et le

  8   commandant du Groupe opérationnel c'est Mile Mrksic. De sorte que --

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que Sljivancanin ne s'était pas

 10   vu donner par Mrksic certaines responsabilités ou non ?

 11   M. BOURGON : [interprétation] Mais alors, Monsieur le Président, ce que

 12   nous disons c'est qu'on lui a donné, bien sûr -- dans notre mémoire nous

 13   soutenons que ce n'était pas le cas, mais nous soutenons qu'à supposer

 14   qu'on lui ait donné de telles responsabilités, à ce moment-là, l'argument,

 15   Monsieur le Président, est qu'on lui a donné des tâches à accomplir et on

 16   pourrait constater qu'il n'a pas rempli son obligation d'accomplir un

 17   devoir qui lui aurait été confié par son commandant. Mais à moins que vous

 18   ne concluiez qu'il s'agisse là de quelque chose de coupable à l'égard des

 19   prisonniers de guerre, on ne peut pas le juger coupable.

 20   Toutefois, nous parlons de ces soldats qui étaient sous sa garde et donc

 21   c'est une question différente, parce que le devoir, à ce moment-là, est le

 22   sien à tout moment, c'est une responsabilité de jure.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais la responsabilité la plus directe

 24   et la plus immédiate relevait de Sljivancanin en tant que chef de l'unité

 25   de police militaire qui s'était vu donner, à supposer que c'était Mrksic

 26   qui lui avait donné ces responsabilités.

 27   M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie de cette observation. C'est

 28   très important, parce qu'une façon dont un officier au sein d'une unité

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  1   militaire garde des prisonniers de guerre, il pourrait être par ses

  2   attributions responsable des prisonniers, il pourrait être responsable de

  3   ces prisonniers. Mais nous avons entendu ce matin l'Accusation dire que

  4   l'officier de sécurité n'avait pas cette responsabilité des prisonniers de

  5   guerre et Sljivancanin n'était pas le chef de la police militaire. Loin de

  6   là. Tant s'en faut. Tous les éléments de preuve du dossier ont clairement

  7   démontré ceci. Il n'a pas exercé le commandement, il n'exerçait pas le

  8   commandement sur la police militaire.

  9   Si une personne quelconque exerçait le commandement sur la police militaire

 10   c'était Mile Mrksic. Donc je suis sûr que nous pourrons entendre d'ailleurs

 11   l'Accusation sur ce point.

 12   Je vous remercie, Monsieur le Président. Si vous me permettez, Monsieur le

 13   Président, je voudrais maintenant passer au moyen numéro 4 qui traite de la

 14   question qui n'a pas eu d'omission de la part de M. Sljivancanin simplement

 15   parce que s'il avait été à Ovcara, contrairement à nos arguments, ce que

 16   nous plaidons, à ce moment-là il n'aurait pas vu des passages à tabac et

 17   des crimes qui ont été commis sur place et il n'aurait pas vu ces crimes.

 18   S'il n'avait pas vu ces crimes, à ce moment-là, il ne pouvait pas avoir

 19   omission de sa part.

 20   Monsieur le Président, sur la base du manque de preuve au dossier sur ce

 21   que Sljivancanin a fait ou n'a pas fait à Ovcara, ceci, à notre avis, est

 22   la conclusion raisonnable. Bien sûr, Monsieur le Président, nous soutenons

 23   que Sljivancanin n'a jamais été à Ovcara le 20 novembre 1991 et nous

 24   insistons sur ce point. Comme l'a démontré mon confrère, il y a simplement

 25   trop de torsions intellectuelles qu'a suivies la Chambre de première

 26   instance pour parvenir à une telle conclusion.

 27   Donc je suis en train maintenant d'argumenter sur les questions

 28   abstraites, était-il là ? Est-ce que ceci le rend coupable d'un

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  1   crime ? Premièrement, selon nous, à cet égard, il ne devrait pas être

  2   considéré comme quoi que ce soit de reconnaître que Sljivancanin était là.

  3   D'autre part, il est critique dans notre appréciation, que la

  4   responsabilité de Sljivancanin doit être appréciée précisément sur la base

  5   des éléments de preuve figurant au dossier. Pourquoi est-ce que c'est

  6   important ? Parce que la Chambre de première instance a jugé que

  7   Sljivancanin était coupable, parce qu'il avait été vu et il n'avait pas

  8   pris des mesures. C'est fondamentalement la raison pour laquelle il a été

  9   reconnu coupable par la Chambre de première instance.

 10   Alors, bien sûr, de façon à déclencher son devoir qui était celui de le

 11   protéger, notamment le fait de déclencher le fait qu'il y ait omission de

 12   sa part, il faut qu'il ait vu les passages à tabac, les sévices ayant lieu,

 13   qui avaient lieu, et il fallait qu'il sache qu'ils avaient lieu et qu'il

 14   fallait qu'il n'ait pas pris des mesures.

 15   La Chambre de première instance en l'espèce n'a pas constaté que

 16   Sljivancanin avait vu ces sévices. La Chambre de première instance a dit

 17   qu'il devait avoir vu ces sévices, ce qui est très différent. De façon à ce

 18   que la Chambre de première instance puisse conclure qu'il devait avoir vu

 19   ces sévices, il faut parvenir avec la seule conclusion raisonnable basée

 20   sur la totalité des éléments de preuve. Comme ceci est démontré dans nos

 21   écritures tel n'est le cas. La Chambre de première instance, premièrement a

 22   jugé qu'il n'était pas entré dans le hangar, ce qui veut dire que les seuls

 23   sévices qu'il aurait pu voir étaient ceux qui avaient eu lieu à l'extérieur

 24   lorsque les prisonniers, lorsqu'on les a fait descendre des cars, ensuite

 25   ont été passés par les baguettes, ensuite ils sont entrés dans le hangar.

 26   C'est très important, parce que mon confrère a démontré que le seul témoin

 27   qui a vu Sljivancanin sur place, qui aurait vu Sljivancanin sur place, il

 28   dit qu'il a vu Sljivancanin, les cars étaient partis et tout le monde se

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  1   trouvait dans le hangar. Donc que pouvait voir Sljivancanin ? Il ne pouvait

  2   pas voir les sévices, Monsieur le Président, il ne pouvait pas voir les

  3   passages à tabac et le fait que les prisonniers étaient passés par les

  4   baguettes.

  5   Alors, il y a deux constatations de la Chambre de première instance à cet

  6   égard, aux paragraphes 380 et 663, et ces deux conclusions sont

  7   contradictoires par rapport à sa propre conclusion concernant le fait

  8   qu'elle a accepté ce que disait le Témoin P-009. La question devient,

  9   Monsieur le Président : combien de temps est-ce que Sljivancanin a été à

 10   Ovcara, s'il y était du tout ? Le problème, c'est que nous n'avons pas de

 11   preuve. Quand était-il arrivé ? Nous ne le savons pas. Quand est-il parti ?

 12   Nous ne le savons pas. Qu'est-ce qu'il a vu ? Nous ne le savons pas.

 13   Qu'est-ce qu'il a fait ? Nous ne le savons pas. Comment s'est-il rendu à

 14   Ovcara ? Nous ne le savons pas. Etait-il accompagné par quelqu'un ? Avait-

 15   il un chauffeur ? A-t-il parlé à quelqu'un ? Nous ne savons absolument rien

 16   concernant la participation de Sljivancanin à Ovcara. C'est l'essentiel de

 17   la question, Monsieur le Président. Pour chacune de ces questions, il n'y a

 18   pas le moindre élément de preuve que l'Accusation puisse présenter.

 19   Maintenant, si nous comparons cela à la déposition de Sljivancanin qui a

 20   dit clairement qu'il n'était pas là. Il découle de ces circonstances, par

 21   déduction, que nous ne pouvons pas dire que Sljivancanin était là que ce

 22   soit pour une, deux, cinq ou 15 minutes. Nous devons nous fonder ce que

 23   nous avons qui était là et ça c'est le fait du Témoin P-009 qui pourrait

 24   l'avoir vu, les autocars étant partis, et tout le monde se trouvait dans le

 25   hangar et il n'a pas regardé à l'intérieur du hangar. Voilà ce que nous

 26   avons, ce sur quoi que nous devons nous fonder en partie compte tenu des

 27   éléments de preuve. Par conséquent, aucun juge du fait raisonnable ne

 28   pourrait conclure au-delà d'un doute raisonnable qu'il a dû voir les

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  1   sévices infligés aux prisonniers.

  2   Un dernier argument qui est très important à cet égard, parce que ça touche

  3   également à notre premier moyen d'appel, c'est que si nous acceptons qu'il

  4   se trouvait à Ovcara et qu'il n'a rien fait, ceci conduit à un résultat

  5   totalement absurde. Ça veut dire qu'il se serait rendu à Ovcara

  6   immédiatement, une minute après avoir terminé sa tâche avec des civils

  7   comme il convenait. Il arriva à Ovcara, personne ne le voit. Au moment où

  8   il arrive à Ovcara, il voit des prisonniers de guerre subissant des

  9   sévices; il voit le commandant de la 80e Brigade motorisée; il voit le chef

 10   d'état-major, deux officiers supérieurs qui lui sont supérieurs; il ne va

 11   pas à l'intérieur du hangar pour voir ce qui s'y trouve; il n'interagit

 12   d'aucune manière à Ovcara; il quitte le secteur sans que personne ne l'ait

 13   vu; et ayant quitté le secteur, il ne dit pas un mot à qui que ce soit de

 14   toute la journée. Fondamentalement, donc il s'est enfui en ne tenant aucun

 15   compte du devoir qui lui aurait pu être donné par son commandant. La nuit,

 16   il rencontre Vukasinovic, il aurait soutenu, il aurait prétendu qu'il

 17   n'était pas au courant de ce qui se passait à Ovcara. Il rencontrait son

 18   commandant. Il aurait évité de parler d'Ovcara. Ceci conduit à un résultat

 19   absolument tout à fait absurde en acceptant le fait que ou bien il était à

 20   Ovcara, ce qui est notre moyen numéro un, ou bien il a dû voir les passages

 21   à tabac.

 22   Je vais maintenant passer au moyen numéro 5 --

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il vous reste cinq minutes, vous le

 24   savez.

 25   M. BOURGON : [interprétation] Je croyais en avoir encore dix, Monsieur le

 26   Président, sur la base de mes estimations, mais je vais accélérer. Il ne me

 27   reste qu'en fait que le moyen numéro 5 à traiter. Je vais en parler,

 28   simplement qu'il y a deux sous-moyens et pas le troisième. Le premier étant

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  1   que selon nous, il n'a pas eu la contribution substantielle nécessaire si

  2   vous avez accepté qu'il l'ait aidé, encouragé simplement, parce que ses

  3   actes n'avaient aucun effet quel qu'il soit sur les actions des auteurs, et

  4   ceci est très important. Pourquoi cet acte ? Parce que la Chambre de

  5   première instance a jugé qu'il n'y avait pas eu d'encouragement ou d'appui

  6   moral et parce que lorsque nous regardons la situation et la totalité des

  7   éléments de preuve, ce que font les auteurs, le fait que Sljivancanin

  8   apparaisse n'a aucune implication quelle qu'elle soit ou des faits sur

  9   leurs actions; c'est ce qu'ils font.

 10   L'argument contraire, à savoir dire parce qu'il n'a pris aucune mesure, ils

 11   ont agi avec impunité, est mal fondé. Telle n'est pas la façon d'apprécier

 12   le fait d'aider et d'encourager. La façon d'apprécier cet argument est de

 13   regarder l'effet sur les auteurs des sévices. Les auteurs ont vu ces

 14   officiers supérieurs qui étaient présents. Les auteurs ont vu ces personnes

 15   de la JNA prendre des mesures pour essayer de les arrêter. Les auteurs

 16   l'ont également fait lorsque les mêmes personnes qui étaient à la caserne

 17   de la JNA le matin précédent, lorsque la JNA a pris des mesures pour les

 18   arrêter, donc ils savaient que si on allait les arrêter, si on allait leur

 19   dire de cesser, les personnes qui pourraient les arrêter étaient là. Que

 20   fait Sljivancanin dans ces circonstances, y a-t-il devoir ou pas devoir,

 21   obligation ? Ça ne change absolument rien, et il n'y a eu aucune

 22   participation ou contribution substantielle.

 23   La deuxième partie du cinquième moyen traite du fait que dans son esprit,

 24   est-ce que Sljivancanin savait qu'il allait aider les auteurs ? La réponse

 25   à cette question est : absolument pas. Est-ce que Sljivancanin pouvait

 26   croire raisonnablement que son commandant était en train de prendre des

 27   mesures -- non pardon, pas son commandant, mais le chef d'état-major du

 28   Groupe opérationnel sud qui se trouvait là pour prendre des mesures ? Est-

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  1   ce que Sljivancanin pouvait raisonnablement croire que le commandant de la

  2   80e Brigade motorisée prenait des mesures ? Pouvait-il croire que tous les

  3   membres de la JNA qui se trouvaient là, prenaient des mesures ? Lorsque

  4   vous regardez la totalité des éléments de preuve disponibles, bien entendu,

  5   il pouvait raisonnablement croire qu'avant qu'il ait quitté Ovcara, si

  6   jamais il a été là, est-ce que l'une quelconque de ces personnes, est-ce

  7   que leurs obligations aient été modifiées par le fait que Sljivancanin

  8   aurait été à Ovcara ? Ça n'avait aucune incidence quelle qu'elle soit sur

  9   le devoir pour le commandant de la 80e Brigade motorisée, aucune incidence

 10   sur Panic, aucun effet quel qu'il soit sur les membres de la JNA qui

 11   étaient là, qui agissaient là, faisant ce qu'ils pouvaient, quelles

 12   qu'aient été les circonstances pour arrêter les passages à tabac. Nous

 13   savons cela aujourd'hui. Mais à l'époque, ils prenaient des mesures.

 14   Sljivancanin apparaît. Nous ne savons pas pendant combien de temps. Nous ne

 15   savons pas ce qu'il voit, mais nous savons qu'il aurait pu voir que la

 16   situation était prise en main. Des officiers qui lui sont supérieurs

 17   s'occupent de la situation. Comment est-ce que Sljivancanin peut jamais

 18   croire qu'en quittant, qu'en partant, il va en quoi que ce soit aider les

 19   auteurs ? Il ne peut pas, il n'avait pas l'intention coupable et l'élément

 20   moral qui était d'aider et d'encourager, même si vous mainteniez le fait

 21   d'aider et d'encourager.

 22   En conclusion, Monsieur le Président, il y a deux choses en l'espèce qui

 23   doivent être dites. La première c'est que lorsque nous regardons le

 24   jugement de première instance, à première vue, il semble bien argumenté,

 25   construit, il y a de nombreuses conclusions. Mais lorsque nous examinons

 26   chacune de ces conclusions, la façon dont la Chambre y est parvenue, et

 27   l'interaction entre ces conclusions, il y a tout simplement trop de

 28   contradictions, et trop de questions qui sont restées sans réponses et trop

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  1   de conclusions qui, en fait, sont des déductions. En fin de compte, nous ne

  2   savons pas exactement ce qui s'est passé. C'est pour cette raison

  3   Sljivancanin devrait être acquitté.

  4   Juste pour employer un exemple, la Chambre de première instance s'est

  5   servie du fait qu'il aurait été présent à Ovcara pour dire qu'il avait

  6   participé à l'ordre. Puis, elle s'est servie du fait qu'il avait participé

  7   à l'exécution de l'ordre pour montrer qu'il était à Ovcara.

  8   Il faut qu'on fasse un choix, là. Laquelle précède l'autre ? Quelle est la

  9   situation dans laquelle ces deux faits nous pouvons construire une

 10   responsabilité de l'accusé ? On ne peut pas en l'espèce.

 11   Monsieur le Président, la deuxième chose que je voudrais dire, c'est en ce

 12   qui concerne la responsabilité pour omission telle qu'elle a été invoquée

 13   par l'Accusation. L'Accusation l'a commencée, cette affaire. Il s'agissait

 14   d'entreprise criminelle commune, il s'agissait d'ordres donnés, il

 15   s'agissait d'inciter, d'insister, d'aider, d'encourager, c'était tout.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il vous reste deux minutes au maximum,

 17   s'il vous plaît.

 18   M. BOURGON : [interprétation] J'en aurai fini en deux minutes, Monsieur le

 19   Président.

 20   C'était tout ce qu'on voulait, sauf responsabilité par omission, et le

 21   procès a été conduit non pas sur la base de la responsabilité par omission;

 22   le procès a été conduit sur la base de la théorie du Procureur. Et à la

 23   fin, la Chambre de première instance, malheureusement, a accepté cette

 24   forme de responsabilité. Nous vous demandons de dire que ce type de

 25   responsabilité n'existe pas. Et même si vous dites qu'il existe, à ce

 26   moment-là, il y a eu un préjudice substantiel. Nous décrivons ce préjudice

 27   substantiel dans nos écritures mais j'en ajouterais une de plus.

 28   Il est important de nous demander pourquoi tant de questions sont restées

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  1   ouvertes considérant ce qui s'est passé à Ovcara et qu'est-ce que faisait

  2   Sljivancanin ? Parce que l'affaire n'a pas été conduite sur la base de la

  3   responsabilité pour omission. Et sur cette base, nous vous demandons de

  4   bien vouloir ordonner qu'il y ait un nouveau procès, au moins. Ou bien on

  5   acquitte Sljivancanin et il peut rentrer chez lui, ou nous avons un nouveau

  6   procès, le fait qu'il ait la possibilité de présenter ses moyens maintenant

  7   que nous connaissons tous les arguments de l'Accusation à ce sujet.

  8   Merci, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 10   Mme CAREY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 11   Je suis Kristina Carey, et je vais présenter les plaidoiries de

 12   l'Accusation en ce qui concerne d'abord le moyen 2, c'est-à-dire de savoir

 13   si la complicité par omission est un mode de responsabilité et ensuite,

 14   moyen 5, c'est-à-dire portant sur ce qu'a conclu la Chambre de première

 15   instance à propos des éléments de la complicité. Ensuite, mon co-conseil,

 16   M. Dalal prendra la parole, il présentera les plaidoiries de l'Accusation

 17   en ce qui concerne le moyen 3, c'est-à-dire le pouvoir de délégation de

 18   Sljivancanin. Mme Nabti ensuite parlera des moyens 1 et 4, portant donc sur

 19   la présence de Sljivancanin à Ovcara et ce sur ce qu'il aurait vu à Ovcara.

 20   Tout d'abord, je tiens à vous dire que les écritures portant sur le sous-

 21   moyen 2(a), 2(c), 5(a) et 5(b) peuvent être trouvées dans la mémoire

 22   supplémentaire de l'Accusation. Les autres écritures, pour ce qui est des

 23   moyens 2 et 5 se trouvent dans le mémoire consolidé de l'Accusation.

 24   Lorsque la Chambre de première instance a déclaré Sljivancanin, qui était

 25   un officier de haut rang, à qui Mile Mrksic avait délégué la responsabilité

 26   d'évacuer l'hôpital de Vukovar, avait manqué à son obligation de protéger

 27   les prisonniers de guerre qui étaient emmenés de l'hôpital et en toute

 28   connaissance de cause avait aidé les TO et les paramilitaires à torturer

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  1   ces prisonniers en ne faisant absolument rien pour protéger ces prisonniers

  2   malgré les ressources considérables dont il disposait, la Chambre de

  3   première instance a qualifié la conduite de Sljivancanin de façon

  4   parfaitement correcte comme étant une complicité.

  5   Les conclusions de la Chambre de première instance étaient parfaitement

  6   correctes. En effet, la complicité est un mode de responsabilité au titre

  7   du Statut et est un acte criminel au titre de la loi internationale. Ayant

  8   appliqué le droit correctement, la Chambre de première instance a ensuite

  9   correctement identifié les éléments de ce mode de responsabilité et les a

 10   bien appliqués en l'espèce.

 11   Elle a aussi conclu de façon raisonnable que le procès avait été

 12   parfaitement équitable. En effet, Sljivancanin avait été averti du mode de

 13   responsabilité qui lui avait été reproché et a pu se préparer.

 14   Quant à savoir maintenant si la complicité par omission existe en Statut,

 15   ça c'est une question réglée. La Chambre d'appel dans Oric et dans

 16   Birdjanin a indiqué que ce type de complicité existe bien. Le fait que la

 17   Chambre d'appel n'a pas choisi de détailler les éléments de complicité par

 18   omission de façon précise ni dans les arrêts Oric et dans les arrêts

 19   Brdjanin ne signifie pas que ce mode n'existe pas au titre du Statut. Etant

 20   donné que les constatations dans ces affaires étaient telles, étant donné

 21   que - de toute façon, dans ces arrêts, il n'avait pas été utile

 22   d'approfondir ce mode de responsabilité.

 23   De plus, dans Oric, la Chambre d'appel a déclaré :

 24   "Au minimum, la conduite d'un complice devait satisfaire aux critères

 25   essentiels de la complicité."

 26   Or, les arguments de Sljivancanin en ce qui concerne le libellé de

 27   l'arrêt Oric défient complètement le bon sens, parce qu'il fait l'hypothèse

 28   que la Chambre d'appel aurait spéculé, paré sur un jugement écrit, sur des

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  1   éléments d'un mode de responsabilité auquel il ne croyait pas.

  2   Dans l'arrêt Blaskic, on montre que des conduites comme celle de

  3   Sljivancanin est une conduite criminelle et c'est pour le moins et au

  4   minimum une conduite de complicité. Dans Blaskic, la Chambre d'appel a

  5   conclu que Blaskic avait le devoir de protéger les prisonniers sous sa

  6   garde, connaissait son devoir, et savait que les crimes avaient lieu. La

  7   Chambre d'appel a déduit que Blaskic savait ce qui se passait, parce qu'il

  8   était présent à l'hôtel Vitez lors des crimes. Et le fait qu'il n'ait

  9   absolument rien fait pour remplir ses obligations alors qu'il était au

 10   courant de ce qui se passait, c'est ça qui le rend pénalement responsable.

 11   Les arguments de Sljivancanin à propos de l'omission coupable ne

 12   l'aident en aucun cas, et pour répondre à la question du Juge Guney par

 13   rapport à la commission par omission, l'Accusation fait valoir ce qui suit

 14   : tous les modes de responsabilité qui comprennent l'omission demandent que

 15   l'omission soit une omission coupable. La culpabilité, cela signifie

 16   uniquement que l'individu doit agir, se doit d'agir, il a l'obligation

 17   d'agir, il est au courant de son obligation et manque délibérément à son

 18   devoir avec la mens rea qui est adaptée à ce mode de responsabilité. En ce

 19   qui concerne la complicité, la mens rea c'est la connaissance de la chose.

 20   Il faut le comprendre comme étant le fait que l'on sait qu'un crime risque

 21   d'être commis et que l'omission va aider ou faciliter à la commission de ce

 22   crime.

 23   Alors, Sljivancanin essaie de nous embrouiller un petit peu entre

 24   l'omission coupable, d'un côté qui est un critère absolument essentiel dans

 25   tout mode, y compris l'omission et la commission par omission. Or, ce point

 26   a été réglé par l'arrêt Ntagerura. Au paragraphe 333, la Chambre d'appel a

 27   fait la différence entre la commission par omission, qu'elle identifie

 28   comme résultant en une condamnation de l'auteur principal du crime, et de

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  1   l'autre côté, "aider et encourager un crime en l'encourageant, suite à une

  2   approbation tacite ou à une omission, ce qui permet de contribuer

  3   substantiellement au crime." Donc les deux modes existent bien, et tous les

  4   deux demandent que l'on démontre une omission coupable.

  5   La Chambre d'appel a déjà étudié le problème de la légalité et a

  6   conclu que ce mode existait bel et bien au titre de droit international

  7   coutumier. Donc il ne sert à rien d'en reparler. Cela dit, il est évident

  8   que la conduite même de Sljivancanin en l'espèce telle qu'elle a été

  9   établie par la Chambre de première instance, a résulté en sa responsabilité

 10   pénale au titre du droit international au moment des faits. La Chambre de

 11   première instance a établi que Sljivancanin avait bel et bien une

 12   obligation envers les prisonniers de guerre, obligation de les protéger,

 13   protéger les soldats ou protéger toute autre personne alors qu'ils étaient

 14   sous sa garde. Donc ce devoir découlait, en fait, des droits et des

 15   coutumes de la guerre.

 16   La Chambre de première instance a aussi établi que Sljivancanin

 17   connaissait bien cette obligation et savait bien ce qu'elle impliquait. La

 18   Chambre de première instance a établi que Sljivancanin avait assisté aux

 19   sévices infligés aux prisonniers par les TO et par les paramilitaires sans

 20   intervention et défense de la JNA qui était sous son commandement, alors

 21   qu'il savait que les paramilitaires et les TO voulaient se venger

 22   violemment sur ces prisonniers. D'ailleurs, cette volonté de vengeance, ils

 23   l'avaient déjà mise en pratique la veille, à Velepromet et le matin même, à

 24   la caserne de la JNA.

 25   Or, la Chambre de première instance a établi que Sljivancanin n'avait

 26   absolument rien fait.

 27   La Chambre de première instance a aussi établi que Sljivancanin avait

 28   énormément de ressources à sa disposition pour protéger les prisonniers ou

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  1   pour arrêter les crimes qui étaient en cours. Cela dit, alors qu'il savait

  2   bien que c'était lui, l'officier qui était responsable de ces prisonniers,

  3   responsabilité qui lui avait été déléguée directement par son commandant,

  4   Mile Mrksic, la Chambre de première instance a bel et bien établi que

  5   Sljivancanin n'avait absolument rien fait. Cette conduite était-elle une

  6   conduite criminelle au titre du droit international en 1991 ? Bien sûr.

  7   Les affaires de la Deuxième Guerre mondiale montrent bien que

  8   l'omission coupable aboutit souvent à des comportements criminels. Les

  9   affaires de la Deuxième Guerre mondiale n'identifient pas précisément le

 10   mode de responsabilité sur lequel sont basées ces condamnations. Ce n'est

 11   pas la même chose dans le statut du TPIY, qui fait une différence entre les

 12   différents modes de responsabilité. Pour déterminer si un mode est bel et

 13   bien un mode criminel, il faut d'abord étudier les faits et les tenants et

 14   les aboutissants de l'affaire, ensuite déterminer si la conduite décrite

 15   tombe bel et bien dans un mode de responsabilité établi dans le statut du

 16   TPIY.

 17   Les grandes affaires de la Deuxième Guerre mondiale montrent bien que

 18   la conduite de Sljivancanin a abouti à un comportement criminel et a une

 19   responsabilité criminelle. Par exemple, l'affaire "Essen lynching," les

 20   accusés, qui étaient membres de l'armée militaire, avaient la garde

 21   d'aviateurs alliés. Ils les ont fait marcher, c'étaient des prisonniers de

 22   guerre, au travers d'une zone qui était peuplée par des civils, et les

 23   gardes savaient très bien que les civils étaient furieux contre ces

 24   prisonniers. Ces accusés savaient que les civils allaient très certainement

 25   vouloir se venger contre ces prisonniers capturés, si jamais on leur

 26   donnait l'occasion de le faire. Ils n'ont absolument rien fait alors qu'ils

 27   avaient l'obligation au titre de la convention de Genève de protéger les

 28   prisonniers.

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  1   Donc cette affaire "Essen lynching" est extrêmement proche de notre

  2   affaire ici. Ça montre bien que la conduite était criminelle à l'époque, et

  3   elle est criminelle aussi maintenant. Cette conduite criminelle peut au

  4   moins être qualifiée comme étant complicité au titre du Statut du TPIY.

  5   Ensuite, dans l'affaire de l'incendie de la synagogue, un membre des SS a

  6   été condamné pour avoir aidé et encouragé un crime contre l'humanité. En

  7   effet, l'accusé n'est pas intervenu alors qu'un individu qui était sous sa

  8   garde a été sévèrement battu. Il a été jugé coupable parce que cet individu

  9   était sous sa garde, et de ce fait, il devait le protéger de toute attaque

 10   et devait prévenir toute attaque contre cette personne. C'est une

 11   obligation qu'il avait délibérément enfreint en ne prenant aucune action

 12   pour protéger l'individu ou pour empêcher les attaques. Là encore, cette

 13   conduite pourrait être caractérisée dans notre Statut au minima comme étant

 14   complicité.

 15   Sljivancanin essaie d'échapper aux implications évidentes de ces affaires -

 16   -

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais qu'en est-il de la 3e convention

 18   de Genève ?

 19   Mme CAREY : [interprétation] Non, dans ces affaires-là ce n'était pas la 3e

 20   convention de Genève. Mais il y a quand même une obligation de traiter les

 21   prisonniers de façon humaine. Si vous voulez, je peux me référer au texte

 22   pour ce qui est du droit international coutumier.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Quelle est votre référence à la

 24   convention de Genève ?

 25   Mme CAREY : [interprétation] Je crois qu'il y a un instrument -- ce n'était

 26   pas en fait la convention de Genève numéro 3 -- peut-être que je me trompe,

 27   mais ici dans chacune de ces affaires, il y avait une obligation de

 28   protéger les prisonniers de guerre. C'est une obligation qui existe, en

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  1   effet, à l'article 3 de la convention de Genève, mais l'obligation de

  2   traiter les prisonniers maintenant étaient reconnus dans le code Lieber,

  3   dans un grand nombre de textes juridiques -- cette obligation de toute

  4   façon existe dans le droit international coutumier depuis un grand nombre

  5   d'années.

  6   J'espère que je réponds à votre question; si oui, je vais poursuivre.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais là, on parle de l'histoire, on ne

  8   parle pas de l'affaire ?

  9   Mme CAREY : [interprétation] Je voudrais m'entretenir avec mes confrères.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais vous parlez de Sljivancanin ou

 11   vous parlez d'affaires historiques ?

 12   Mme CAREY : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est ça que je voulais savoir.

 14   Mme CAREY : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Les obligations pour Sljivancanin

 16   étaient bel et bien gouvernées par la 3e convention de Genève, n'est-ce pas

 17   ?

 18   Mme CAREY : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 20   Mme CAREY : [interprétation] Pour ce qui est de votre question, je pense

 21   que mon collègue, M. Dalal, va aborder cette question dans ses

 22   présentations.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien.

 24   Mme CAREY : [interprétation] Ensuite, pour ce qui est --

 25   Je vais maintenant parler de l'articulation des différents modes.

 26   La Chambre de première instance n'a pas fait d'erreur lorsqu'elle a établi

 27   quels étaient les éléments intervenant dans la complicité par omission. Il

 28   avait l'obligation de protéger les prisonniers de guerre, en tant qu'organe

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  1   de sécurité de l'OG sud, et en tant que l'autorité qui lui avait été

  2   déléguée par Mrksic. Il fallait donc qu'il agisse, et cela découle en fait

  3   du droit pénal. C'est-à-dire que s'il enfreignait son devoir, cela

  4   résultait en une responsabilité pénale.

  5   Comme on voit dans l'arrêt Blaskic, lorsque l'on enfreint cette obligation

  6   de protéger les prisonniers de guerre, c'est une conduite criminelle à la

  7   fois au titre du droit international et interne. Il s'agit de l'arrêt

  8   Blaskic ici, note de pied de page 1384.

  9   La Chambre de première instance a aussi établi que Sljivancanin avait la

 10   possibilité d'agir. Il était en position de prendre des mesures pour

 11   arrêter ces sévices infligés aux prisonniers. La JNA généralement avait

 12   toujours les ressources nécessaires et l'organisation nécessaire pour

 13   contrôler et maîtriser les TO et les paramilitaires, et ce à tous moments.

 14   Elle s'est aussi rendu compte que Sljivancanin avait le droit d'utiliser,

 15   et je cite, "autant d'effectifs de police militaire que nécessaire pour

 16   escorter les prisonniers et pour assurer qu'ils soient en sécurité,"

 17   jugement, paragraphe 386 [comme interprété]. Je remarque aussi que la

 18   Chambre de première instance a établi que la Brigade motorisée des Gardes

 19   disposait de deux bataillons de police militaire qui auraient pu être mis à

 20   la disposition de Sljivancanin.

 21   Donc la Chambre de première instance a établi de façon parfaitement

 22   correcte que Sljivancanin a manqué à ses obligations, et que ceci a un

 23   effet substantiel sur la commission des crimes. La Chambre de première

 24   instance a établi le fait que Sljivancanin n'a pris aucune mesure pour

 25   protéger les prisonniers qu'il avait sous sa garde, malgré le fait qu'il

 26   soit l'officier le plus gradé ayant un pouvoir qui lui avait été délégué

 27   par Mrksic lui-même, et malgré le fait qu'il avait assisté à des crimes qui

 28   avaient eu lieu sous ses yeux, tout ceci a un effet essentiel sur la

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  1   commission de ces crimes. Sljivancanin n'a pas réussi à démontrer que cette

  2   conclusion était une conclusion qu'aucune Chambre raisonnable aurait pu

  3   atteindre.

  4   Maintenant pour ce qui est de votre question. Le terme "influence concrète"

  5   est un synonyme avec le critère qui demande que l'Accusation prouve que

  6   cette omission a en effet bel et bien eu un effet substantiel sur la

  7   commission des crimes. Mais contrairement à ce qu'avance Sljivancanin,

  8   l'Accusation n'a pas besoin de démontrer l'existence d'une relation de

  9   cause à effet. Oui, cela a déjà été clarifié, et je m'en excuse. Mais

 10   l'Accusation doit montrer que l'omission a eu un effet substantiel sur le

 11   crime, c'est-à-dire que les crimes auraient moins eu le risque d'être

 12   commis si l'accusé avait bel et bien agi, ce qui a été prouvé d'ailleurs.

 13   Ensuite, pour ce qui est du mens rea, la Chambre de première instance l'a

 14   appliqué correctement. Comme on voit dans l'arrêt

 15   Dinda-ba-hizi, au paragraphe 122, le mens rea nécessaire pour la

 16   complicité, c'est la connaissance. Il faut le comprendre comme étant le

 17   fait que l'on sait qu'un crime va sans doute être commis, et que l'omission

 18   va aider ou faciliter à la commission de ce crime. En l'espèce, cela dit,

 19   les faits trouvés par la Chambre de première instance satisfont aux

 20   critères. En effet, Sljivancanin savait qu'il pouvait agir. Il savait qu'il

 21   avait les ressources à sa disposition pour pouvoir agir de façon efficace,

 22   et il connaissait quels étaient les éléments essentiels des crimes qui ont

 23   finalement été commis par les TO et les paramilitaires. Donc la Chambre de

 24   première instance n'a fait que la seule déduction qu'elle pouvait faire

 25   suite au fait qu'il n'ait pas agi, étant donné qu'il avait le pouvoir

 26   d'agir et qu'il aurait pu agir, c'est-à-dire que Sljivancanin,

 27   délibérément, a choisi de ne rien faire.

 28   Parlons maintenant des arguments de Sljivancanin en ce qui concerne le

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  1   moyen numéro 5. Mon co-conseil, Mme Nabti, va parler des points de fait.

  2   Pour ce qui est des autres éléments, nous vous demandons de vous reporter à

  3   nos écritures.

  4   Mais les conclusions de la Chambre de première instance sur chacun de

  5   ces éléments étaient correctes et représentaient les seules conclusions

  6   raisonnables qui étaient possibles. Sljivancanin n'a pas fait quoi que ce

  7   soit pour protéger les prisonniers de guerre qui étaient sous sa garde, ça

  8   a eu un effet substantiel sur la commission des tortures dans le hangar

  9   d'Ovcara. La conclusion erronée est éclairée par le fait que sa présence

 10   n'est en fait qu'un sous-élément de la complicité. Contrairement à ce qu'il

 11   dit, l'inaction et la passivité des autres individus rendent l'impact d'une

 12   personne qui fait quelque chose encore plus important. Or, il n'a pas su

 13   démontrer comment l'inaction des autres personnes de la JNA à Ovcara rend

 14   les conclusions de la Chambre de première instance à propos de son inaction

 15   déraisonnables.

 16   Ses arguments selon lesquels les autres membres de la JNA auraient pu

 17   rendre ses actions futiles ne prennent pas en compte les conclusions de la

 18   Chambre de première instance qui étaient parfaitement raisonnables.

 19   Dans le paragraphe 670, la Chambre a remarqué que Sljivancanin

 20   pouvait prendre des mesures pour empêcher les auteurs de commettre les

 21   crimes. Il aurait pu demander à ce qu'il y ait plus de police militaire, il

 22   aurait pu empêcher la police militaire à Ovcara de partir lorsque les bus

 23   sont partis, on aurait pu les rappeler aussi. Or, ces conclusions

 24   expliquent bien que le sort des prisonniers n'était pas uniquement dans les

 25   mains de la compétence des membres de la 80e. Sljivancanin disant que s'il

 26   avait fallu demander des ressources supplémentaires, "cela aurait pris trop

 27   de temps," cela n'a absolument aucune base.

 28   La Chambre a conclu qu'en raison de l'autorité que lui avait donnée

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  1   Mrksic, il avait tous les moyens à sa disposition, y compris le Bataillon

  2   de la police militaire, et qu'il avait le devoir de protéger ces

  3   prisonniers. La Chambre conclut aussi au paragraphe 89 que la JNA avait

  4   suffisamment d'hommes, de ressources et d'organisation pour contrôler les

  5   TO et la menace paramilitaire au moment de tous les faits. Manifestement,

  6   objectivement c'était possible de contrôler l'élément criminel à Ovcara.

  7   Mais Sljivancanin a décidé de ne pas le faire. C'est un choix qu'il a

  8   opéré. Au contraire, il dit que parce qu'il y avait d'autres effectifs de

  9   la JNA qui étaient présents et qu'eux ont abandonné leur responsabilité,

 10   lui, il est exonéré de son obligation d'agir. Qu'est-ce que ceci implique

 11   comme conséquence ? C'est que l'abandon de l'obligation que lui donnent les

 12   lois et coutumes de la guerre, c'est justifié par la criminalité, la

 13   négligence ou l'incompétence d'autrui. Ceci doit être rejeté.

 14   La Chambre, dans la conclusion qu'elle fait, à savoir que les omissions de

 15   Sljivancanin auraient facilité la commission des crimes, c'est raisonnable

 16   et c'est basé sur les faits. Tout d'abord, la Chambre conclut qu'il a été

 17   témoin des mauvais traitements. Mme Nabti en parlera plus longtemps pour

 18   répondre au quatrième moyen d'appel. Au vu cette conclusion, les autres

 19   arguments de Sljivancanin se basent sur des suppositions en matière

 20   d'éléments de preuve que vous n'avez pas examinés. Mais même les autres

 21   suppositions qu'il fait sont contradictoires avec les faits établis par la

 22   Chambre de première instance.

 23   Elle a établi que pendant qu'il était présent, la JNA n'a rien fait

 24   pour protéger les prisonniers ou limiter l'action des membres de la Défense

 25   territoriale et des paramilitaires. La Chambre conclut que leur présence a

 26   poussé d'énormes risques pour les prisonniers, que Sljivancanin le savait,

 27   car il savait que c'était ces mêmes hommes des Défenses territoriales et

 28   des paramilitaires qui avaient battu jusqu'au sang des prisonniers à la

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  1   caserne, à tel point qu'on avait dû en enlever deux pour les protéger.

  2   La Chambre conclut aussi que la présence d'autres membres de la JNA, comme

  3   Vojnovic, fait que c'était quelque chose dont devait s'occuper Mrskic. Mais

  4   il n'a rien fait. Inutile de se demander si Sljivancanin était conscient de

  5   la valeur potentielle de ses actions. Il a déposé pour dire ce qu'il

  6   fallait faire dans ce cas de figure. Voyons ce qu'il dit à la page 13 749

  7   et suivantes :

  8   "S'il apprenait que dans la zone du OG sud, zone considérable, des crimes

  9   étaient commis, il devrait d'abord donner l'ordre au commandant de la zone

 10   où se font ces actes répréhensibles, que ce soit à la brigade, et dire

 11   quelles sont les mesures à prendre pour empêcher ce genre de crimes."

 12   Il dit alors :

 13   "Nous nous sommes mis d'accord pour dire qu'il a l'obligation d'agir

 14   et de demander à la personne responsable de la zone où se commet le crime

 15   d'intervenir, et s'il ne peut pas le faire, de l'aider. S'il ne peut pas

 16   l'aider, il doit demander l'aide du commandement supérieur. Je pense avoir

 17   été clair."

 18   Pourtant, la Chambre a conclu que lorsque Sljivancanin était à Ovcara et

 19   pendant tout le reste de la journée, même s'il avait des responsabilités

 20   spécifiques pour ce qui est de la protection des témoins [comme

 21   interprété], il avait l'obligation de les prémunir de tout acte nuisible

 22   des soldats ou d'autres éléments, et alors qu'il avait tous les pouvoirs

 23   que lui avait donnés Mrksic pour parer à la menace criminelle qui était

 24   très nette de part des TO et des paramilitaires, il n'a rien fait.

 25   Vu ces conclusions, la Chambre aboutit à la conclusion qu'il devait savoir

 26   que ses omissions ont facilité la commission des crimes et que ce fut une

 27   conclusion raisonnable.

 28   La Défense a posé une question par rapport à l'acte d'accusation, nous vous

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  1   demandons de vous rapporter à nos écritures. Ceci met fin à la présentation

  2   de mes réquisitions pour ce qui est des moyens 2 et 5. Si vous n'avez pas

  3   de questions, je donnerai la parole à M. Dalal. Merci.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Allez-y. Je ne pense pas qu'il y ait

  5   des questions de la part des Juges de la Chambre.

  6   M. DALAL : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Marwan Dalal, je

  7   présenterai les réquisitions de l'Accusation eu égard au moyen 3.

  8   Auparavant, cependant, permettez-moi deux commentaires rapides pour

  9   répondre d'abord à l'idée de la Défense, à savoir que seul le représentant

 10   de l'Etat est endossé de cette responsabilité. Bien sûr, nous ne sommes pas

 11   d'accord avec cela. Les prisonniers de guerre et les conventions de Genève,

 12   de façon générale, sont trop importants pour faire une analyse très

 13   limitée. Cette obligation, elle existe où que se trouvent les prisonniers

 14   de guerre, et ce qui est certain, c'est vrai, ce ne sont pas simplement les

 15   représentants de l'Etat ou le chef du groupe chargé de la surveillance des

 16   prisonniers de guerre qui a l'obligation de protection de ces prisonniers,

 17   ici Mile Mrksic.

 18   Cette obligation légale et sa violation est déterminée par l'interaction

 19   avec les prisonniers de guerre et le niveau de connaissance du fait qu'ils

 20   sont victimes de violations et du comportement eu égard à cette

 21   connaissance.

 22   Pour ce qui est de la deuxième question, quand est-ce que se termine

 23   une obligation légale, c'est important dans le contexte de l'appel

 24   interjeté par l'Accusation, la connaissance qu'il avait, sa responsabilité

 25   des meurtres commis plus tard les 20 et 21 novembre, Mme Brady en parlera

 26   longuement vendredi lorsqu'elle présentera son appel en la matière.

 27   Abordons maintenant la question de la responsabilité confiée à Sljivancanin

 28   que lui a conféré Mrksic le 19 novembre dans l'après-midi. Il dit ici qu'il

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  1   avait des missions très limitées qu'il lui avait données, que ça se

  2   limitait géographiquement au périmètre de l'hôpital. A notre avis, il se

  3   trompe, et nous avons longuement répondu dans nos écritures. Je vais mettre

  4   en exergue plusieurs points sur ce point.

  5   Mrksic l'avait chargé dans l'après-midi du 19 novembre 1991 de la

  6   responsabilité de l'évacuation le lendemain de l'hôpital et du transport

  7   des prisonniers de guerre de l'hôpital dont il devait assurer le transport

  8   en sécurité. Il pouvait utiliser autant d'hommes de la police militaire

  9   qu'il voulait, pour ce faire. Mrksic a annoncé cette responsabilité confiée

 10   à Sljivancanin lors du briefing à Negoslavci.

 11   Effectivement, la responsabilité de Sljivancanin ne se bornait pas à

 12   l'hôpital. Il avait aussi pour responsabilité d'assurer le libre passage

 13   des prisonniers de guerre.

 14   Sljivancanin le reconnaît dans sa déposition, il reconnaît l'ordre

 15   donné par Mrksic et que sa responsabilité eu égard aux prisonniers de

 16   guerre dépassait le simple cadre de l'hôpital. Paragraphes 191, 192, 390,

 17   396 et 400 du jugement.

 18   Sljivancanin a suivi l'itinéraire des prisonniers de guerre. Il se trouvait

 19   à l'hôpital au moment de la sélection. Il était à la caserne de la JNA

 20   lorsque ces prisonniers se sont arrêtés là dans les bus, et il était à

 21   Ovcara peu de temps après l'arrivée en bus des prisonniers de guerre. A

 22   notre avis, s'il a suivi les prisonniers de guerre, c'est uniquement en

 23   raison de sa responsabilité assurant le libre passage.

 24   Mrksic et Sljivancanin sont tous deux responsables des crimes commis

 25   contre les prisonniers de guerre à Ovcara et sa responsabilité est engagée

 26   aussi par rapport à Mrksic, qui était le commandant général et devait

 27   prendre des décisions graves eu égard aux prisonniers de guerre. Il savait

 28   que la situation ne cessait de s'aggraver, car ses hommes étaient aux mains

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  1   de ses subordonnés.

  2   Sljivancanin avait la responsabilité de l'évacuation de toute

  3   l'opération, je vous l'ai déjà dit. Cette responsabilité que lui avait

  4   donné Mrksic l'autorisait à utiliser les hommes de la police militaire tant

  5   qu'il le voulait, à l'hôpital, pour le transport en sécurité de ces hommes

  6   aussi. La sélection, le transport, la sécurité des prisonniers de guerre,

  7   c'était effectivement des éléments inhérents à la responsabilité que lui

  8   donne Mrksic.

  9   Voyons quelques éléments de preuve clés, quelques conclusions qui

 10   démontrent la responsabilité de Sljivancanin. Quatre éléments vont montrer

 11   que les conclusions de la Chambre sont tout à fait solides. Premier

 12   élément, son statut, son expérience, car il a effectué la même opération

 13   deux jours seulement avec celle-ci; deuxième élément, c'est sa préparation

 14   en vue de cette opération; troisième élément, c'est son comportement,

 15   l'interaction qu'il a avec d'autres le matin du 20 novembre à l'hôpital;

 16   dernier élément, quatrième élément, c'est sa présence à la caserne de la

 17   JNA ce matin-là et à Ovcara ainsi que l'interaction qu'il a avec des

 18   subordonnés.

 19   Premier élément : son statut et opération similaire effectuée le 18

 20   novembre. Au moment des faits, il était l'officier supérieur, il était le

 21   commandant de la JNA. Il était le chef du service de Sécurité du Groupe

 22   opérationnel sud commandé par Mrksic. En tant que tel, il avait notamment

 23   pour responsabilité de détecter et d'empêcher des activités hostiles contre

 24   les forces armées. Cette responsabilité, c'est quelque chose qu'il

 25   connaissait bien; paragraphes 115 et 668.

 26   Il avait la responsabilité d'une même opération par rapport aux forces

 27   croates qui s'étaient rendues le 18 novembre à Mitnica. La destination de

 28   ce groupe c'était Sremska Mitrovica, et ces gens sont passés par Ovcara

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  1   aussi. Sljivancanin c'était l'officier de commandement pendant le transport

  2   de ces hommes de Mitnica à Ovcara; paragraphe 151. Karanfilov, son

  3   subordonné supérieur, a joué un rôle de leader dans cette opération. Il a

  4   aussi donné des instructions et on lui a fait rapport, la police militaire

  5   lui a fait rapport, qui a assuré la sécurité des prisonniers à Ovcara.;

  6   paragraphes 153, 155 et 668.

  7   Deuxième élément, ces préparatifs en vue de l'opération d'évacuation. Dans

  8   la soirée du 19 novembre, il était 19 heures à peu près, Mrksic venait de

  9   le charger de la responsabilité de toute l'opération d'évacuation. Il

 10   organise un briefing pour ses subordonnés. Son adjoint, Vukasinovic, et

 11   d'autres subordonnés supérieurs, notamment Karanfilov et Karan, assistent à

 12   ce briefing. Sljivancanin ordonne à Vukasinovic d'organiser le transport en

 13   bus  de ces personnes de l'hôpital. Peu de temps après 18 heures le 20

 14   novembre, Vukasinovic quitte Negoslavci pour aller à l'hôpital de Vukovar

 15   suite aux ordres donnés par son supérieur la veille; paragraphes 192 et

 16   198.

 17   De plus, vers 2 heures du matin le 20 novembre, il rencontre un officier

 18   supérieur, le colonel Vujic, à l'extérieur du poste de commandement de

 19   Negoslavci, qui était vu de Belgrade pour aider à l'opération concernant

 20   les prisonniers de guerre. Vujic a déposé, sa déposition a été acceptée par

 21   la Chambre, pour dire que Sljivancanin avait annoncé qu'il allait être

 22   responsable de l'évacuation de l'hôpital le lendemain, paragraphe 395, et

 23   ce n'était pas simplement une mission limitée dans sa portée à l'hôpital.

 24   Ceci montre que d'emblée, la responsabilité qu'il avait, comme il la

 25   comprenait, ne se limitait pas au périmètre des abords de l'hôpital, mais

 26   allait bien au-delà pour inclure le transport en sécurité des prisonniers

 27   de guerre jusqu'à leur destination finale.

 28   Troisième élément, son comportement, son interaction avec d'autres à

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  1   l'hôpital le matin du 20 novembre. Son comportement à l'hôpital montre

  2   clairement qu'il avait la responsabilité de la totalité de l'évacuation de

  3   l'hôpital. Il est arrivé à l'hôpital vers 7 heures du matin, il a rassemblé

  4   le personnel hospitalier pour lui dire que c'était lui qui serait le

  5   responsable, celui qui allait donner des ordres. Le colonel Vujic était lui

  6   aussi présent à l'hôpital. Son témoignage, qui a été accepté, c'est que

  7   Sljivancanin donnait des ordres à la police militaire présente sur les

  8   lieux. Beaucoup de témoins sont venus dire qu'ils l'avaient vu à l'hôpital,

  9   avaient eu affaire à lui, et ceci, ils ont attesté de son statut et de son

 10   rôle; paragraphe 401. C'est lui qui pouvait dire qui pouvait quitter le

 11   périmètre et de bien monter dans les bus. C'est lui qui donnait des ordres,

 12   les autres obéissaient à ce qu'il disait. Les soldats venaient le voir et

 13   disaient, Monsieur le Commandant, Commandant Sljivancanin. Tout se faisait

 14   sous son contrôle, sur ses ordres, au fond.

 15   Quatrième élément : sa présence à la caserne de la JNA à Ovcara et ses

 16   interactions avec ses subordonnés. Son comportement et sa responsabilité

 17   dépassaient de loin le périmètre de l'hôpital. De l'hôpital, il est allé à

 18   la caserne où se trouvait le bus avec les prisonniers de guerre. Il était

 19   présent à cette caserne vers 11 heures, 11 heures et demie du matin. Ce

 20   n'était pas une coïncidence, sa présence sur les lieux. S'il est allé là,

 21   c'est parce que ça faisait partie de la responsabilité du bon transport des

 22   prisonniers de guerre; paragraphe 372. Il poursuit l'exercice de son

 23   contrôle sur les prisonniers à la caserne. Les prisonniers qu'il nomme sont

 24   sortis du bus, sont renvoyés à l'hôpital. Là, il les interroge. Ceux dont

 25   on pense qu'ils ont participé aux combats du côté croate ont été renvoyés à

 26   la caserne; paragraphes 221 et 373. Il reçoit des rapports de ses

 27   subordonnés supérieurs sur la détérioration de la situation en matière de

 28   sécurité pour les prisonniers de guerre à la caserne. Donc il n'a pas comme

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  1   responsabilité simplement la sélection, mais aussi la sécurité.

  2   Son adjoint, Vukasinovic, lui fait rapport, rapporte le comportement

  3   violent et brutal de la TO sur les prisonniers de guerre à la caserne, lui

  4   parle aussi de ce qui s'est passé, Karanfilov fait rapport aussi là-dessus.

  5   Mais malheureusement, Sljivancanin lui dit, tout va bien. Ses subordonnés

  6   lui font rapport pour une raison

  7   claire : leur commandant, Sljivancanin, c'est lui qui avait la

  8   responsabilité du bon transport et de la sécurité des prisonniers;

  9   paragraphes 374 et 375. Son adjoint, Vukasinovic, a joué un rôle-clé dans

 10   cette opération. Autre illustration manifeste de la portée de la

 11   responsabilité de Sljivancanin qui dépasse le périmètre de l'hôpital et qui

 12   comprend aussi le bon transport des prisonniers de guerre.

 13   Vukasinovic dirige les bus de l'hôpital vers Negoslavci début 20

 14   novembre suite à l'ordre donné la veille par Sljivancanin; paragraphe 198.

 15   Puis, Vukasinovic emmène par bus les prisonniers de l'hôpital à la caserne

 16   vers 10 heures du matin; paragraphe 208. Finalement, il arrive avec les

 17   prisonniers de guerre dans les bus à Ovcara; paragraphe 259.  

 18   Si vous cherchez Vukasinovic, vous aurez une idée claire de la portée de la

 19   responsabilité de Sljivancanin.

 20   De plus, Sljivancanin a participé directement à la communication et à

 21   l'exécution de l'ordre de transfert des prisonniers depuis la caserne de la

 22   JNA jusqu'à Ovcara et d'en assurer la sécurité à Ovcara. Cet ordre - et

 23   c'est là la conclusion de la Chambre - cet ordre a facilité la commission

 24   des crimes à Ovcara ce jour-là. C'est une conclusion juste de la Chambre, à

 25   notre avis, elle se fonde sur d'autres conclusions qui sont toutes aussi

 26   justes. Paragraphe 659.

 27   C'est un fait, la présence de Sljivancanin à Ovcara vers 14 heures 30, 15

 28   heures, ce jour-là, le 20 novembre, peu de temps après l'arrivée des bus à

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  1   Ovcara, bus qui venaient de la caserne, s'il était là c'est uniquement

  2   parce qu'il avait la responsabilité du transport et de la sécurité des

  3   prisonniers de guerre. Il était à l'hôpital, à la caserne de la JNA et à

  4   Ovcara. Assurer la sécurité des prisonniers c'était sa responsabilité à

  5   laquelle, manifestement, il a failli ce jour tragique; paragraphe 383.

  6   En conclusion, et vu la totalité des éléments de preuve dont j'ai éclairé

  7   certains aujourd'hui, la seule conclusion raisonnable c'est celle que tire

  8   la Chambre de première instance, à savoir que Sljivancanin avait reçu

  9   l'ordre de Mrksic d'avoir la responsabilité de la totalité de l'évacuation

 10   de l'hôpital, ce qui incluait forcément le transport des prisonniers de

 11   guerre et leur sécurité.

 12   Je ne sais pas si vous avez des questions, Madame et Messieurs les Juges.

 13   Si ce n'est pas le cas, je vais donner la parole à ma collègue, Mme Najwa

 14   Nabti, qui va vous présenter notre réponse aux moyens 1 et 4 de l'appel de

 15   Sljivancanin.

 16   Mme NABTI : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

 17   Moyens 1 et 4 de l'appel de Sljivancanin qui attaquent les

 18   constatations de la Chambre disant qu'il était présent à Ovcara le 20

 19   novembre 1991 et que forcément il a été témoin des sévices infligés aux

 20   prisonniers. C'était des constatations raisonnables vu les autres éléments,

 21   pas seulement parce que P-9 a identifié sa présence à Ovcara, mais aussi en

 22   raison du moment où interviennent ces événements le 20 novembre et sa

 23   responsabilité est engagée ce jour-là.

 24   Aujourd'hui, je ne vais pas reprendre chacun des arguments de Sljivancanin

 25   témoin par témoin, nous le faisons par écrit dans notre mémoire en réponse.

 26   Je vais plutôt m'intéresser à quelques principales contestations formulées

 27   dans les moyens 1 et 4.

 28   Il dit qu'il y a une incohérence entre le fait qu'on l'aurait vu et le

Page 181

  1   moment des événements, le 20 novembre. Il y a aussi contestation de la

  2   fiabilité de l'identification de Sljivancanin parce que P-9 avait déjà vu

  3   Sljivancanin ailleurs et parce qu'il y a des témoins qui disent ne pas

  4   l'avoir vu. Puis je vais parler de l'autre argument qu'il invoque au moyen

  5   4 s'agissant de ce qu'il aurait vu à Ovcara.

  6   Partout, il ne répond pas, il ne remplit pas les critères d'examen en

  7   appel. Les arguments d'aujourd'hui en ont fait la preuve, il essaie de

  8   remplacer par sa propre évaluation l'évaluation de la Chambre, il n'est pas

  9   d'accord avec la Chambre pour ce qu'elle dit en matière de crédibilité.

 10   Ceci ne remplit pas les critères imposés pour montrer qu'aucune Chambre

 11   raisonnable n'aurait pu aboutir à ces conclusions, il faut donc rejeter les

 12   arguments de Sljivancanin.

 13   Je vais parler du détail des observations faites par le Témoin P-9 à Ovcara

 14   ce jour-là, mais il faut dresser le contexte des événements de ce jour-là,

 15   d'autant que Sljivancanin fait valoir qu'il était impossible de le voir à

 16   Ovcara ou à la caserne, que P-9 ne pouvait pas le voir à ces endroits-là

 17   parce qu'il était ailleurs.

 18   Les conclusions de la Chambre sont claires, les observations de P-9 se

 19   recoupent avec l'évolution des événements ce jour-là vu la présence de

 20   Sljivancanin à d'autres endroits et les distances qu'il y a entre ces

 21   différents endroits. La Défense a mentionné la pièce P56 [comme

 22   interprété], une carte qui montre qu'entre l'hôpital et la caserne, il n'y

 23   a que 4 kilomètres. Entre l'hôpital et Ovcara, il y a moins de 10

 24   kilomètres. La Chambre a conclu que c'était des faibles distances,

 25   paragraphes 222 et 223. Il a peut-être fallu une demi-heure pour un convoi

 26   de cinq bus pour aller de la caserne à Ovcara.  Sljivancanin, cependant,

 27   n'aurait pas eu besoin d'autant de temps. Mais même, de toute façon, ça

 28   collait parfaitement avec les conclusions de la Chambre pour ce qui est de

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  1   l'horaire des événements.

  2   Gardons ceci à l'esprit pour évoquer d'abord les événements survenus dans

  3   la matinée du 20 novembre 1991. On peut aller voir ceci à l'écran, à 10

  4   heures 30 ce matin-là, cinq bus de prisonniers de l'hôpital de Vukovar sont

  5   arrivés à la caserne de la JNA. Vers ce moment-là Sljivancanin rencontre

  6   les observateurs internationaux à l'hôpital de Vukovar après les avoir

  7   stoppés sur un pont proche pendant que les bus contenant les prisonniers

  8   quittaient l'hôpital. Une vingtaine de minutes plus tard, à la caserne, de

  9   12 à 15 prisonniers présentés comme étant des membres du personnel

 10   hospitalier ou des membres de leurs familles sont transférés dans ce qu'on

 11   a appelé le sixième bus, un bus militaire vide, et ils sont rentrés [comme

 12   interprété] à l'hôpital après un certain temps. Vers 11 heures, 11 heures

 13   et demie, on voit Sljivancanin à la caserne peu de temps après le départ du

 14   sixième bus, avant midi, Sljivancanin était de retour à l'hôpital pour

 15   sélectionner les passagers du sixième bus avec Vujovic, commandant de la

 16   TO, qui se trouvait lui aussi à la caserne de la JNA.

 17   Passons à l'après-midi, il est 13 heures ou 14 heures, une équipe de la

 18   télévision interviewe Sljivancanin devant l'hôpital de Vukovar. Vers 13

 19   heures 30 ou 14 heures 30, cinq bus de prisonniers arrivent à Ovcara et

 20   chacun est déchargé, chaque déchargement prend de 15 à 20 minutes. Vers 14

 21   heures, 14 heures 30, Sljivancanin était à l'hôpital au moment où les

 22   derniers bus partent contenant les civils. Et vers 14 heures 30 ou 15

 23   heures, on l'a vu alors qu'il était le long de la route qui mène à Ovcara.

 24   Ça cadre avec les faibles distances. Mais la Chambre constate au paragraphe

 25   372 - et comme vous l'a dit aussi M. Dalal - c'est logique, il vérifie le

 26   timing de l'évacuation des prisonniers, car c'est sa mission ce jour-là.

 27   D'ailleurs, il savait que des membres de la TO et des paramilitaires

 28   avaient attaqué ce groupe de prisonniers qui s'était trouvé à la caserne

Page 183

  1   dans la matinée, et ceci, en dépit de la présence d'officiers de la JNA et

  2   de la police militaire; paragraphe 375.

  3   Et Sljivancanin le dit lui-même, Vukasinovic l'a mis en garde. Il lui a dit

  4   qu'il avait "des problèmes à la caserne, parce des membres de la TO pensent

  5   que vous êtes en train de libérer les Oustachi les plus infâmes, et que tu

  6   l'as fait plus exactement hier soir à Mitnica aussi." Page du compte rendu

  7   d'audience 13 656 et

  8   13 657. Il savait qu'à l'inverse de l'opération d'évacuation précédente de

  9   Mitnica à Sremska Mitrovica, cette fois-ci la TO est au courant et

 10   s'opposait de façon violente à l'évacuation des prisonniers. Par

 11   conséquent, il avait des raisons de vérifier où en était l'évacuation cet

 12   après-midi-là, surtout lorsque les bus contenant des civils ont quitté

 13   l'hôpital.

 14   Pour résumer, la Chambre de première instance a estimé la succession des

 15   événements le 20 novembre 1991 comme étant logique par rapport à ce

 16   qu'avait vu P-9 de Sljivancanin ce jour-là.

 17   Je voudrais maintenant parler du fait que la Défense a contesté

 18   l'identification par le Témoin P-9 de Sljivancanin à Ovcara sur la base de

 19   ce qu'avait vu précédemment le Témoin P-9 de Sljivancanin et des positions

 20   faites par d'autres témoins.

 21   Malgré ce qu'a plaidé la Défense, la Chambre de première instance a

 22   apprécié et examiné la fiabilité de l'identification par le Témoin P-9, et

 23   elle a noté en particulier que P-9 avait vu Sljivancanin de près à deux

 24   occasions précédentes : le jour précédent à l'hôpital de Vukovar, et le

 25   matin même à la caserne de la JNA. Sljivancanin avait effectivement un

 26   visage et une personnalité dont on se souvient. P-9 se rappelle

 27   distinctement les différents cas où il est apparu et le fait qu'il

 28   commandait, qu'il avait beaucoup de présence et qu'il a fait une forte

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  1   impression sur ce Témoin P-9. Donc lorsque P-9 a vu Sljivancanin pour la

  2   troisième fois à Ovcara, il ne saurait être question de se demander si

  3   c'était bien le même officier de la JNA. Le jugement de la Chambre de

  4   première instance aux paragraphes 367 et 368, 377 et 383 le confirme.

  5   Un autre témoin a confirmé Sljivancanin, il a dit : "Son aspect était si

  6   frappant que je ne pense pas qu'il soit possible d'oublier un homme comme

  7   cela." Compte rendu, 5 278.

  8   Comme ceci a d'ailleurs été traité de façon complète dans notre mémoire,

  9   les conclusions de la Chambre sur ce qu'avait vu précédemment le P-9 de

 10   Sljivancanin étaient également raisonnables. Et je vais parler de la

 11   présence de Sljivancanin à la caserne de la JNA lorsqu'il s'agira de

 12   répondre à l'argument de Sljivancanin concernant les observations d'autres

 13   témoins. Pour le moment je voudrais faire remarquer que la Chambre de

 14   première instance a soigneusement analysé et expliqué pourquoi elle avait

 15   conclu que les témoignages d'autres témoins ne contredisaient pas ce

 16   qu'avait vu le Témoin P-9, à savoir Sljivancanin aux casernes de la JNA le

 17   20 novembre, et ceci au paragraphe 369 à 372.

 18   Ce que le Témoin P-9 a vu de Sljivancanin à l'hôpital de Vukovar le 19

 19   était de même raisonnable, et correspondait logiquement avec la déposition

 20   d'autres témoins, à savoir que Sljivancanin était là cet après-midi là; la

 21   Chambre de première instance dans son jugement l'évoque aux paragraphes 183

 22   et 367.

 23   Je viens maintenant à la contestation par la Défense du fait que la Chambre

 24   de première instance se fonde sur la déposition du Témoin P-9 sur la base

 25   des dépositions faites par les autres témoins. L'essentiel de cet argument,

 26   c'est parce que les autres témoins n'ont pas vu Sljivancanin à la caserne

 27   de la JNA et à Ovcara, mais P-9 l'a vu, donc la déposition du témoignage de

 28   P-9 serait déraisonnable. Cet argument également est mal fondé. La Chambre

Page 185

  1   de première instance a examiné tous les éléments de preuve concernant ce

  2   qu'avait vu le Témoin P-9 concernant Sljivancanin le 20 novembre. Elle a

  3   adopté une conclusion détaillée sur ce que les autres témoins avaient vu,

  4   et prenant en considération les différents moments et lieux où ces témoins

  5   avaient fait ces observations. Par exemple, à la caserne de la JNA, aux

  6   paragraphes 296 à 298 et 370, la Chambre de première instance a développé

  7   les différents moments et lieux où divers officiers de la JNA se trouvaient

  8   à la caserne dans la matinée du 20, et a expliqué pourquoi ils pourraient

  9   ne pas avoir vu Sljivancanin compte tenu de leurs récits qui divergeaient.

 10   La Chambre a en outre examiné, aux paragraphes 216 et 369, que les

 11   prisonniers à la caserne étaient menacés par les membres de la Défense

 12   territoriale et les paramilitaires qui entouraient les autocars et

 13   n'étaient pas en mesure de reconnaître toutes les personnes qui se

 14   trouvaient près des cars à un moment donné. Des détails supplémentaires

 15   sont fournis dans nos mémoires.

 16   En ce qui concerne les témoins à Ovcara, la Chambre de première

 17   instance explique dans un analyse de plus de dix pages, examinant les

 18   différents comptes rendus d'officiers de la JNA, y compris le Témoin P-14,

 19   Vojnovic et Panic. Les arguments spécifiques sont examinés dans notre

 20   mémoire en réponse, mais pour chacun d'entre eux la Chambre a examiné le

 21   fait que lorsqu'ils se trouvaient à Ovcara, pendant combien de temps, où

 22   ils étaient, où ils se trouvaient, et s'ils sont entrés dans le hangar ou

 23   non, ce qu'ils y faisaient et ce qu'ils ont vu. La Chambre a alors

 24   raisonnablement expliqué pourquoi ces dépositions ne mettaient pas en

 25   question la déposition de P-9, basée sur le fait qu'ils soient à des

 26   endroits différents, et les différences d'horaires et de perspective. En

 27   particulier, plusieurs d'entre eux ne se sont trouvés à Ovcara que pour un

 28   bref laps de temps, d'autres sont allés à l'intérieur du hangar; et le

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  1   jugement de première instance l'évoque aux paragraphes 254 à 274, 378 à

  2   383.

  3   La Chambre de première instance a également examiné le fait que les

  4   prisonniers à Ovcara n'étaient pas en mesure de remarquer la présence de

  5   tous les officiers de la JNA à l'extérieur du hangar. La Chambre a

  6   également examiné les effets de la crainte et de la situation chaotique

  7   pour ces témoins; le jugement aux paragraphe 234, 236 à 238, et 382.

  8   En fait, au moment où on a constaté que Sljivancanin se trouvait à

  9   Ovcara, ils étaient ou bien en train d'être battus et passés par les

 10   baguettes ou ils se trouvaient déjà à l'intérieur du hangar. Les

 11   dépositions de ces témoins telles que citées dans notre mémoire en réponse

 12   confirment ceci et ne laisse aucun doute sur le fait que leur but essentiel

 13   c'était de survivre et d'éviter les sévices à ce moment-là.

 14   Je voudrais également essayer de répondre sur un argument qui a été

 15   présenté par la Défense aujourd'hui et qui nous amène à aller en audience à

 16   huis clos partiel, s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous

 18   plaît, huis clos partiel.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 20   partiel.

 21   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   Mme NABTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Sljivancanin a particulièrement développé la question des liens éventuels

 12   qui auraient existé entre P-9 et Hajdar Dodaj, à l'extérieur d'Ovcara, mais

 13   leurs dépositions montrent très clairement les différentes perspectives de

 14   ces deux témoins qui démontrent que leurs dépositions ne sont pas

 15   contradictoires et que la Chambre de première instance était en droit de se

 16   fonder sur les deux dépositions. P-9 a attesté qu'il avait vu Sljivancanin

 17   se trouvant sur la route qui conduisait au hangar, tandis que Dodaj a

 18   attesté que lui-même et d'autres déserteurs de la JNA se trouvaient à la

 19   droite du hangar -- de l'entrée du hangar, avec la porte du hangar et les

 20   deux files de soldats qui passaient les prisonniers par les baguettes.

 21   Chaque témoin a marqué sur une photographie d'Ovcara pour montrer à quels

 22   endroits ils se trouvaient le 20 novembre et je voudrais maintenant que

 23   l'on vous les présente, Monsieur le Président.

 24   Les marques rouges que l'on voit sur cette pièce ont été apportées par les

 25   témoins et les marques blanches ont été ajoutées par nous.

 26   La première pièce 282, marquée par le Témoin P-9, comporte une lettre "B"

 27   pour montrer où les autocars ont fait descendre les prisonniers, et les

 28   deux lignes marquent l'endroit où se trouvaient les deux files qui

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  1   faisaient passer les prisonniers par les baguettes et les conduisant à

  2   l'entrée du hangar. Après être arrivé à Ovcara, P-9 est allé à l'arrière du

  3   hangar pendant environ 15 à 20 minutes et s'est trouvé à l'endroit marqué

  4   "C." Alors qu'il revenait devant le hangar, il a vu Sljivancanin qui se

  5   trouvait sur la route à l'endroit où on a apposé un "D." Ces explications

  6   sont données par le Témoin

  7   P-9, il s'agit du compte rendu d'audience 6 176 à 6 177.

  8   La pièce suivante, la 238, marquée par le Témoin Dodaj, montre l'endroit où

  9   il se tenait par rapport à l'entrée du hangar. Le chiffre "1" marque

 10   l'endroit où lui-même se trouvait avec d'autres déserteurs de la JNA

 11   jusqu'au moment où ils ont pu quitter Ovcara. Les "2" marquent où il a vu

 12   les passagers du dernier car descendre devant le hangar. Ceci est indiqué

 13   pages 5 661 à 5 663. Ces explications sont données dans la déposition de

 14   Dodaj.

 15   Il est clair que ces positions permettaient de voir très clairement les

 16   choses, l'entrée du hangar entre l'endroit où se trouvait Dodaj et

 17   l'endroit où se trouvait P-9 lorsqu'il a vu Sljivancanin. La Chambre de

 18   première instance a examiné ces différents points d'observation et a

 19   également expressément examiné la déposition de Dodaj, à savoir qu'il

 20   n'avait pas vu Sljivancanin à Ovcara en appréciant les éléments de preuve

 21   d'un autre déserteur de la JNA qui se trouvait juste à côté de Dodaj à ce

 22   moment-là. Ces conclusions figurent aux paragraphes 384 et 385 du jugement

 23   de première instance.

 24   Ces pièces et ces dépositions ne permettent pas de mettre en question le

 25   fait que ces témoins avaient différentes perspectives leur permettant de

 26   voir. En fait, les conclusions détaillées de la Chambre de première

 27   instance montrent qu'elle a soigneusement apprécié la déposition de tous

 28   ces témoins qui se trouvaient également dans une situation chaotique. Il

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  1   n'était pas déraisonnable de conclure que ces dépositions ne sapaient pas

  2   ce qu'avait vu P-9, à savoir Sljivancanin à Ovcara. Effectivement, la

  3   Chambre de première instance a pris en considération les facteurs mêmes que

  4   votre Chambre a jugé pertinents pour apprécier la déposition des témoins

  5   dans le jugement d'appel Nata-Kiru-Timana du 13 décembre 2004. Au

  6   paragraphe 286, la Chambre a dit que :

  7   "La différence entre leurs déclarations respectives peut être expliquée par

  8   l'endroit où ces témoins ont fait leurs observations ainsi que par le fait

  9   que les témoins n'ont pas donné les horaires exacts de ce qu'ils ont

 10   observé."

 11   En plus de ces facteurs, la Chambre de première instance a expliqué de

 12   façon raisonnable pourquoi elle ne pouvait pas pleinement accepter la

 13   déposition de certains témoins, y compris les subordonnés directs de

 14   Sljivancanin, Vukasinovic et Karanfilov, donc 259, 260, 379, aux

 15   paragraphes 216, 278, 282 et 300.

 16   Toute la déposition sur laquelle la Défense se fonde aujourd'hui et dans

 17   ses mémoires a été présentée à la Chambre de première instance et a été

 18   prise en considération comme elle le devait. En bref, la Défense n'a pas

 19   démontré le fait que la Chambre de première instance se fonde sur

 20   l'identification par P-9 de Sljivancanin à Ovcara soit une constatation que

 21   la Chambre ne pouvait pas faire raisonnablement.

 22   J'en viendrai maintenant à répondre à la contestation principale évoquée

 23   par Sljivancanin au moyen 4. La Défense fait valoir qu'il n'y a pas eu

 24   d'omission, parce que la Chambre de première instance a commis une erreur

 25   en concluant que Sljivancanin avait dû être témoin des mauvais traitements

 26   infligés aux prisonniers et au fait qu'ils étaient passés par les baguettes

 27   à Ovcara. Ceci est formulé comme une contestation à la conclusion d'une

 28   omission, mais il est clair que Sljivancanin, en fait, véritablement

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  1   conteste la conclusion de la Chambre pour ce qui est de l'intention

  2   coupable, le mens rea.

  3   Comme mon co-conseil, Mme Carey, l'a mentionné tout à l'heure, la Chambre

  4   de première instance a conclu que Sljivancanin avait le mens rea,

  5   l'intention coupable nécessaire. Il était au courant que des sévices et des

  6   tortures auraient lieu en se basant sur un certain nombre de facteurs pris

  7   en considération ensemble aux paragraphes 363 à 366 [comme interprété], y

  8   compris le fait que Sljivancanin avait connaissance de rapports précédents

  9   selon lesquels des membres de la Défense territoriale et des paramilitaires

 10   à Vukovar avaient tué et maltraité des prisonniers croates et commis des

 11   abus, des manifestations sadiques et des actes de vengeance. Il était au

 12   courant des attaques sur les prisonniers précédemment dans la journée et il

 13   avait remarqué que les membres de la Défense territoriale et les

 14   paramilitaires frappaient les prisonniers en les faisant passer par les

 15   baguettes à Ovcara, et il a ensuite observé qu'ils avaient toute liberté

 16   d'avoir accès aux prisonniers dans le hangar. Ces conclusions montrent

 17   clairement que le fait que Sljivancanin avait été témoin de ce passage par

 18   les baguettes était seulement l'un des facteurs prouvant la connaissance

 19   qu'avait Sljivancanin des tortures et des sévices infligés à Ovcara, et

 20   ceci est logique. Cela ne peut pas être, comme le soulève Sljivancanin,

 21   qu'un accusé qui a ce niveau de connaissance ne se rende pas compte qu'il

 22   avait le devoir d'agir à moins et jusqu'au moment où il avait véritablement

 23   vu que les prisonniers seraient battus devant ses yeux.

 24   Donc qu'est-ce que Sljivancanin a observé à Ovcara ? Premièrement, la

 25   Chambre de première instance a conclu de façon raisonnable que le passage

 26   par les baguettes continuait au moment où Sljivancanin est arrivé à Ovcara,

 27   de sorte qu'il aurait été témoin du fait que les prisonniers étaient

 28   battus. Et il a jugé que P-9 était arrivé à Ovcara lorsque le dernier des

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  1   deux cars de prisonniers était en train de faire descendre ces prisonniers.

  2   Pendant que ces prisonniers descendaient, P-9 est allé à l'arrière du

  3   hangar. Ceci est au paragraphe 377 du jugement de première instance. Et P-9

  4   a donc - page 3 963 [comme interprété] - lorsque P-9 est revenu de

  5   l'arrière du hangar environ 15 minutes plus tard, il a vu Sljivancanin qui

  6   regardait sur la route en direction du hangar, ayant l'air très en colère -

  7   - excusez-moi, se trouvant sur la route, ayant l'air très en colère. Il y

  8   avait plus de prisonniers entrant dans le hangar à ce moment-là; références

  9   377 à 378 [comme interprété] du jugement.

 10   Il était raisonnable que la Chambre conclue que Sljivancanin avait été

 11   témoin des sévices infligés lors du passage par les baguettes. Il est

 12   hautement improbable que Sljivancanin soit apparu instantanément juste pour

 13   un instant où le témoin P-9 l'a aperçu. Les prisonniers étaient encore en

 14   train de descendre des autocars lorsque P-9 est allé à l'arrière du hangar,

 15   et il a fallu environ 15 à 20 minutes pour que chacun des autocars fasse

 16   descendre les prisonniers. Sljivancanin avait toutes raisons de se trouver

 17   là. Il était la personne qui exerçait le commandement pour l'évacuation de

 18   ces prisonniers et c'était lui qui avait la responsabilité de leur

 19   sécurité.

 20   Autre détail important, c'est que Sljivancanin avait l'air très en colère,

 21   donc on peut déduire à l'évidence qu'il réagissait au fait de voir quelque

 22   chose qui était autre que la situation paisible ou de sûreté devant le

 23   hangar. Effectivement, Sljivancanin avait eu une réaction analogue le même

 24   jour, lorsqu'un groupe de la Défense territoriale l'avait confronté à

 25   l'hôpital. Selon les propres termes de Sljivancanin, ils ont "exprimé leur

 26   révolte," pour le fait qu'on ait fait descendre certains prisonniers des

 27   bus à la caserne. Sljivancanin a dû donner pour instruction au commandant

 28   Vujovic de la Défense territoriale "d'avertir ses hommes de ne pas se

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  1   comporter à mon égard d'une façon qui ne soit pas militaire." Transcript

  2   sur Sljivancanin pages 1 356 [comme interprété] à 1 357 [comme interprété].

  3   A Ovcara, les paramilitaires et la Défense territoriale ne pouvaient plus

  4   être contrôlés. Selon tous les éléments de preuve, la conclusion de la

  5   Chambre selon laquelle Sljivancanin a été témoin du passage par les

  6   baguettes était raisonnable. En tout état de cause, même si Sljivancanin

  7   n'avait pas été personnellement témoin de cela, comme il l'allègue, et

  8   qu'il est arrivé après que les prisonniers se soient trouvés déjà dans le

  9   hangar, les conclusions de la Chambre de première instance sur ce qui se

 10   passait à Ovcara ne laisse aucun doute qu'il devait néanmoins savoir que

 11   les prisonniers étaient maltraités.

 12   La Chambre a constaté au paragraphe 235 qu'il n'y avait eu aucune

 13   intervention de la police militaire sur les autocars avant qu'ils ne soient

 14   partis ni par les 15 ou 20 soldats de la JNA qui se trouvaient dans le

 15   hangar pour essayer de faire cesser les sévices. A ce moment-là, comme la

 16   Chambre l'a constaté, la liberté des membres de la Défense territoriale et

 17   des paramilitaires d'entrer librement dans le hangar n'était que trop

 18   évidente. En d'autres termes, quiconque était présent à Ovcara aurait vu

 19   ceci et aurait vu également qu'un très grand nombre de ces hommes étaient

 20   armés et qu'il y avait une forte émotion; la Chambre de première instance

 21   le dit aux paragraphes 309 à 663.

 22   Les sévices contre les prisonniers n'ont pas cessé non plus après être

 23   passés par les baguettes. Ils ont continué pendant un certain temps après

 24   que les prisonniers soient entrés dans le hangar. Ils étaient si violents

 25   que les cris des prisonniers qui étaient battus pouvaient être entendus à

 26   l'extérieur du hangar; paragraphes 230 à 235 du jugement. Egalement à ce

 27   moment-là, la Chambre de première instance a jugé au paragraphe

 28   L'INTERPRÈTE : Inaudible]

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  1   Mme NABTI : [interprétation] -- que la Défense territoriale et les

  2   paramilitaires entraient et sortaient du hangar, venant à tour de rôle

  3   battre les prisonniers, et la sécurité qui se trouvait à l'extérieur du

  4   hangar était, à l'évidence, insuffisante. Même de l'extérieur, quiconque se

  5   trouvait là aurait pu voir qu'il y avait un nombre disproportionné de

  6   membres de la Défense territoriale et paramilitaires en comparaison du

  7   nombre relativement faible de soldats de la JNA; paragraphes 245, 309 et

  8   625 du jugement de première instance.

  9   Ce qui est évident donc c'est ce manque de sécurité et les sévices par des

 10   membres de la Défense territoriale et des paramilitaires qui se sont

 11   poursuivis bien après que les prisonniers soient descendus, bien après

 12   qu'ils aient été passés par la baguette, ce qui, évidemment, sans aucun

 13   doute, correspond à la période où P-9 a vu Sljivancanin sur la route devant

 14   le hangar. Et même si ça n'avait été que pendant un moment, un instant, ça

 15   aurait été suffisant pour que Sljivancanin puisse voir cette scène et

 16   comprendre ce qu'elle signifiait.

 17   Dans ces conditions, il ne saurait être question que Sljivancanin -- il est

 18   évident que Sljivancanin était au courant du fait que les prisonniers

 19   étaient maltraités et torturés et que ces crimes continueraient à moins

 20   qu'il n'intervienne, qu'il soit ou non témoin du passage par les baguettes.

 21   En conclusion, les constatations par la Chambre selon lesquelles

 22   Sljivancanin était présent à Ovcara le 20 novembre et avait dû être témoin

 23   des sévices contre les prisonniers sont des conclusions raisonnables

 24   d'après tous les éléments de preuve présentés. Sur la base de tout ce que

 25   Sljivancanin savait et a vu, il est clair qu'il était au courant du fait

 26   que les prisonniers seraient maltraités et torturés à Ovcara, à moins qu'il

 27   ne prenne des mesures. Ces arguments en 1 et 4, les moyens 1 et 4 devraient

 28   être rejetés.

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  1   Y a-t-il des questions, Monsieur le Président, sinon voilà la fin de mes

  2   conclusions.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous devons terminer, Madame Brady.

  4   Nous devons terminer à 6 heures moins 10. Vous devriez vous dépêcher.

  5   Mme BRADY : [interprétation] Monsieur le Président, on pourrait également

  6   ajouter que ceci conclut la réponse de l'Accusation à l'appel de M.

  7   Sljivancanin, de sorte que --

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez fini ?

  9   Mme BRADY : [interprétation] Nous avons terminé.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pensais que vous aviez l'intention

 11   de parler aujourd'hui.

 12   Mme BRADY : [interprétation] Pas avant vendredi, pas pour ce qui est de

 13   l'appel interjeté par l'Accusation.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bon. A ce moment-là, nous allons lever

 15   la séance et nous nous réunirons vendredi matin, à 9 heures précise.

 16   --- L'audience est levée à 17 heures 39 et reprendra le vendredi 23 janvier

 17   2009, à 9 heures 00.

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