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1 Le mardi 5 mai 2009
2 [Jugement en appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour. Monsieur le Greffier, veuillez
7 citer le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour
9 Mesdames et Messieurs dans le prétoire et autour du prétoire. Il s'agit de
10 l'affaire IT-95-13/1-A, le Procureur contre Mile Mrksic et Veselin
11 Sljivancanin.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
13 Messieurs Mrksic et Sljivancanin, m'entendez-vous ?
14 L'APPELANT MRKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous
15 entends.
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Sljivancanin.
17 L'APPELANT SLJIVANCANIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
18 Madame, Monsieur les Juges. Je vous entends.
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Je demanderais maintenant aux
20 parties de se présenter, en commençant par les conseils de MM. Mrksic et
21 Sljivancanin.
22 M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à tous
23 dans le prétoire. C'est Miroslav Vasic et Vladimir Domazet, tous deux
24 avocats, qui vont assurer la Défense de M. Mrksic aujourd'hui.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Et pour M. Sljivancanin.
26 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
27 Monsieur les Juges. Bonjour à toutes les personnes participant à la
28 présente affaire. En compagnie de Me Bourgon, je vais assurer la Défense de
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1 M. Sljivancanin aujourd'hui. Mon nom est Novak Lukic, je suis avocat de la
2 Défense. Et nous sommes accompagnés de M. William St. Michel.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et du côté de l'Accusation.
4 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
5 Monsieur les Juges. Je m'appelle Paul Rogers. Je suis accompagné de Marwan
6 Dalal et de notre assistante, Alma Imamovic.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
8 Comme l'a annoncé M. le Greffier, nous sommes réunis ici aujourd'hui dans
9 le cadre de l'affaire le Procureur contre Mile Mrksic et Veselin
10 Sljivancanin. En application de l'ordonnance portée au calendrier du 9
11 avril 2009, la Chambre d'appel va aujourd'hui délivrer son arrêt.
12 Les événements à l'origine de la présente affaire se sont déroulés les 20
13 et 21 novembre 1991 et concernent des sévices subis par des Croates et
14 autres non-Serbes extraits de l'hôpital de Vukovar par les forces serbes le
15 20 novembre 1991 avant d'être exécutés. La ville de Vukovar avait été la
16 cible d'une attaque menée par l'armée populaire yougoslave, ci-après
17 désignée par le sigle JNA, entre les mois d'août et novembre 1991. Pendant
18 le siège de la ville qui dura trois mois, celle-ci fut en grande partie
19 détruite par les pilonnages de la JNA, qui firent des centaines de victimes
20 au sein de la population. Lorsque les forces serbes occupèrent la ville,
21 elles provoquèrent la mort de centaines d'autres non-Serbes. La plupart des
22 non-Serbes encore présents à Vukovar en furent expulsés dans les jours
23 immédiatement postérieurs à la chute de la ville. Au cours des derniers
24 jours du siège, plusieurs centaines de personnes cherchèrent à se réfugier
25 dans l'hôpital, espérant que celui-ci serait évacué en présence
26 d'observateurs internationaux.
27 L'accord de Zagreb conclu le 18 novembre 1991 prévoyait cette
28 évacuation; mais le matin du 20 novembre 1991, les soldats de la JNA
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1 procédèrent à une opération de sélection dans l'hôpital de Vukovar avant de
2 faire monter les personnes choisies à bord de plusieurs autobus. La grande
3 majorité des personnes choisies de cette façon étaient, en tout état de
4 cause, des prisonniers de guerre. Ces prisonniers furent d'abord emmenés à
5 la caserne de la JNA à Vukovar, puis transportés jusqu'à une ferme
6 d'élevage porcin à Ovcara. Là, les prisonniers durent descendre des autobus
7 pour être enfermés dans un hangar. A leur descente des autobus,
8 pratiquement tous les prisonniers durent passer entre deux haies de soldats
9 serbes qui leur assénaient des coups à l'aide de toutes sortes d'objets, au
10 nombre desquels nous citerons des bâtons en bois, des crosses de fusils,
11 des pieux, des chaînes et des béquilles, en même temps qu'ils les
12 abreuvaient d'insultes en tous genres. Les coups continuèrent de pleuvoir
13 sur les prisonniers après leur entrée dans le hangar, et ce, pendant des
14 heures. Nombreux furent les prisonniers frappés à coups de pied ou à coups
15 de barres de fer et de crosses de fusil. Dans la soirée, les soldats de la
16 JNA, qui assuraient la garde des prisonniers, furent transférés ailleurs
17 laissant les détenus seuls à la merci de la Défense territoriale, ci-après
18 désignée par le sigle TO, et des paramilitaires. La Chambre de première
19 instance a considéré que suite au retrait de la 80e Brigade motorisée, les
20 hommes de la TO et les paramilitaires assassinèrent près de 200 personnes à
21 Ovcara avant de les enterrer dans une fosse commune. L'identité des
22 personnes assassinées est précisée dans l'annexe du Jugement en première
23 instance.
24 Pendant la période visée à l'acte d'accusation, Mile Mrksic était colonel
25 de la JNA et commandait la Brigade des Gardes motorisée ainsi que le
26 Groupement opérationnel sud, ci-après désigné par les mots OG Sud. En sa
27 qualité de commandant de l'OG Sud, il était à la tête de toutes les forces
28 serbes, qu'il s'agisse de la JNA, de la TO ou des paramilitaires. M. Mrksic
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1 a été condamné en application des articles 3 et 7(1) du Statut pour meurtre
2 constitutif d'une violation des droits ou coutumes de la guerre, au motif
3 que les 20 et 21 novembre 1991, il a aidé et encouragé à commettre, dans un
4 lieu situé non loin du hangar d'Ovcara, le meurtre de 194 personnes, dont
5 les noms figurent dans l'annexe du Jugement en première instance; pour
6 tortures constitutives d'une violation des lois ou coutumes de la guerre,
7 au motif que le 20 novembre 1991, il a aidé et encouragé à commettre des
8 tortures sur des prisonniers de guerre dans le hangar d'Ovcara, ainsi que
9 pour traitements cruels constitutifs d'une violation des lois ou coutumes
10 de la guerre, au motif que le 20 novembre 1991, il a aidé et encouragé à
11 maintenir des conditions de détention inhumaines dans le hangar d'Ovcara.
12 La Chambre a acquitté M. Mrksic de tous les chefs d'accusation constitutifs
13 de crimes contre l'humanité, au nombre desquels nous citerons les
14 persécutions, l'extermination, le meurtre, la torture et les actes
15 inhumains. Elle l'a condamné à une peine unique de 20 ans de réclusion
16 criminelle.
17 Pendant la période visée à l'acte d'accusation, Veselin Sljivancanin
18 était commandant au sein de la JNA et exerçait les fonctions de chef des
19 services de sécurité au sein de la Brigade des Gardes motorisée comme au
20 sein de l'OG Sud. La Chambre de première instance a constaté que M.
21 Sljivancanin avait été chargé par M. Mrksic d'évacuer l'hôpital de Vukovar.
22 Elle l'a jugé responsable de la conduite de l'opération de sélection, du
23 choix des suspects de crimes de guerre extraits de l'hôpital de Vukovar le
24 20 novembre 1991, de leur transfert et de l'organisation de leur sécurité
25 ainsi que de l'évacuation des civils. La Chambre de première instance l'a
26 condamné, en application des articles 3 et 7(1) du Statut, au motif que le
27 20 novembre 1991, il a aidé et encouragé à commettre des actes de torture
28 sur les prisonniers de guerre enfermés dans le hangar d'Ovcara. Elle n'a
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1 prononcé aucune condamnation pour traitements cruels constitutifs d'une
2 violation des lois ou coutumes de la guerre, compte tenu du caractère non
3 cumulatif des condamnations, qui interdisent d'ajouter cette condamnation à
4 celle déjà prononcée pour actes de torture. Par ailleurs, elle l'a acquitté
5 de tous les chefs d'accusation constitutifs de crimes contre l'humanité,
6 ainsi que du chef de meurtre constitutif d'une violation des lois ou
7 coutumes de la guerre.
8 Elle l'a condamné à une peine unique de cinq ans de réclusion
9 criminelle. Selon la pratique en vigueur au TPIY, je ne donnerai pas
10 lecture du texte intégral de l'arrêt mais seulement de son dispositif. Je
11 résumerai, en revanche, les questions qui ont justifié le pourvoi en appel
12 et les conclusions de la Chambre d'appel. Ce résumé ne fait pas partie
13 intégrante du texte de l'arrêt, qui demeure l'unique document faisant foi,
14 apte à détailler les conclusions de la Chambre d'appel et les motifs qui
15 les fondent. Des copies du texte de l'arrêt seront distribuées aux parties
16 à l'issue de la présente audience.
17 Le bureau du Procureur, ci-après désigné par les mots l'Accusation, a
18 invoqué quatre motifs d'appel à l'encontre du jugement prononcé en première
19 instance et demandé à la Chambre d'appel de revenir sur sa décision
20 d'acquitter Veselin Sljivancanin et Mile Mrksic des charges de crimes
21 contre l'humanité visées à l'article 5 du Statut; de revenir sur sa
22 décision d'acquitter Veselin Sljivancanin du chef de meurtre constitutif
23 d'une violation des lois ou coutumes de la guerre; de revoir à la hausse la
24 durée des peines infligées à Veselin Sljivancanin et Mile Mrksic afin que
25 celles-ci rendent dûment compte de la gravité de leur comportement
26 criminel; et enfin, de revoir à la hausse la durée des peines infligées à
27 Veselin Sljivancanin et Mile Mrksic si de nouvelles condamnations devaient
28 être prononcées par elle en fonction des dispositions de l'article 5 du
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1 Statut.
2 M. Mrksic a invoqué 11 moyens d'appel contre le Jugement en première
3 instance. Il demande à la Chambre d'appel de l'acquitter des condamnations
4 prononcées contre lui pour les crimes relevant de l'article 3 du Statut, au
5 motif qu'il a aidé et encouragé à commettre des actes de meurtre, de
6 tortures et des traitements cruels. Il fait valoir, par ailleurs, que la
7 Chambre de première instance a commis une erreur en le condamnant à 20 ans
8 de réclusion criminelle.
9 M. Sljivancanin a invoqué six moyens d'appel contre le jugement
10 prononcé en première instance. Il demande à la Chambre d'appel de revenir
11 sur ce jugement en le déclarant non coupable des actes de torture
12 constitutifs d'une violation des lois ou coutumes de la guerre, selon les
13 dispositions de l'article 3 du Statut; ou subsidiairement, d'ordonner qu'un
14 nouveau procès soit organisé sur ce seul chef d'accusation; voire, si la
15 condamnation est confirmée, que la durée de la peine de cinq ans de
16 réclusion criminelle prononcée à son encontre en première instance soit
17 revue à la baisse.
18 Les 21 et 23 janvier 2009, la Chambre d'appel a entendu les arguments
19 présentés par les deux parties sur les moyens d'appel invoqués.
20 Avant de parler des pourvois en appel de M. Mrksic et Sljivancanin,
21 je vais aborder le premier moyen d'appel invoqué par l'Accusation, car il
22 pose une question juridique qui les intéresse tous les deux.
23 Dans son premier moyen d'appel, l'Accusation fait valoir que la Chambre de
24 première instance a commis une erreur de droit en considérant que l'article
25 5 du Statut implique que les victimes de crimes contre l'humanité ne
26 peuvent qu'être que des civils, excluant de ce fait les personnes mises
27 hors de combat. L'erreur subséquente a donc consisté à ne prononcer des
28 accusations qu'au titre de crime de guerre. La Chambre d'appel considère
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1 que si le statut civil des victimes, le nombre des civils et leur
2 proportion au sein de la population considérée sont des éléments pertinents
3 s'agissant de savoir si les conditions préalables énumérées dans le
4 préambules de l'article 5 du Statut sont réunies, c'est-à-dire si l'attaque
5 considérée visait la population civile, rien dans cet article 5 n'impose
6 que les victimes d'un crime contre l'humanité soient des civils et le
7 statut civil des victimes n'est pas constitutif du crime contre l'humanité.
8 La Chambre d'appel accueille donc le premier moyen d'appel de l'Accusation
9 dans lequel celle-ci fait valoir que la Chambre de première instance a
10 commis une erreur de droit en décidant que pour les dispositions de
11 l'article 5 du Statut s'applique, les victimes de crime contre l'humanité
12 devaient être des civils ce qui excluait ipso facto qu'une personne mise
13 hors de combat puisse être victime d'un crime contre l'humanité. Même si la
14 Chambre de première instance a commis une erreur de droit en créant une
15 nouvelle condition, à savoir que les victimes des crimes relevant de
16 l'article 5 du Statut devaient toutes être des civils, la Chambre d'appel
17 convient avec la Chambre de première instance, mais pour des motifs
18 différents, que les conditions préalables de nature juridictionnelle
19 contenues dans l'article 5 n'ont pas été réunies. Ceci est dû au fait qu'en
20 l'espèce, les auteurs des crimes commis contre les prisonniers d'Ovcara ont
21 agi en partant du principe que leurs actes visaient des membres des forces
22 armées croates. Le fait qu'ils aient agi comme ils l'ont fait interdit de
23 penser qu'ils aient pu souhaiter par leurs actes s'intégrer à une attaque
24 généralisée et systématique visant la population civile de Vukovar, et rend
25 leurs actes si étrangers à cette attaque qu'aucun lien ne peux être établi
26 entre les deux. La Chambre d'appel estime qu'en l'absence du lien dont
27 l'existence est requise dans l'article 5 du Statut, et notamment dans son
28 préambule, les crimes commis ne peuvent être qualifiés de crimes contre
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1 l'humanité. Elle rejette donc le premier moyen d'appel de l'Accusation pour
2 le surplus et confirme l'acquittement de M. Sljivancanin et Mrksic au titre
3 de l'article 5 du Statut.
4 Dans ces premier, deuxième, troisième, quatrième, sixième et dixième
5 moyens d'appel, M. Mrksic soutient que la Chambre de première instance a
6 commis une erreur en n'appliquant pas, comme elle aurait dû le faire, le
7 concept de preuve au-delà de tout doute raisonnable. Mais la Chambre
8 d'appel considère qu'il n'est pas parvenu à démontrer que la Chambre de
9 première instance aurait appliqué à tort ce concept.
10 Dans son premier moyen d'appel, M. Mrksic fait valoir que la Chambre
11 de première instance a mal évalué le rôle et la responsabilité de la 80e
12 Brigade motorisée, sa structure hiérarchique et les éléments de preuve
13 pertinents sur ces points. La Chambre d'appel constate qu'un nombre
14 significatif d'arguments développés par M. Mrksic au titre de ce moyen
15 d'appel ne constitue qu'une reprise d'arguments déjà développés devant la
16 Chambre de première instance est déjà rejeté sans que des explications
17 claires soient apportées quant à la façon dont de tels arguments pourraient
18 davantage appuyer les allégations invoquées dans son premier moyen d'appel.
19 M. Mrksic ayant échoué dans son obligation de s'acquitter de la charge de
20 la preuve qui lui incombait, la Chambre d'appel rejette donc intégralement
21 son premier moyen d'appel.
22 Dans son deuxième moyen d'appel, M. Mrksic fait valoir que la Chambre
23 de première instance a commis une erreur en ne concluant pas à la
24 responsabilité des services de sécurité dans la sélection et l'extraction
25 des prisonniers de guerre de l'hôpital de Vukovar. La Chambre d'appel
26 constate qu'un nombre significatif des arguments qu'il présente en appel ne
27 fait que reprendre ce que contenait son mémoire en clôture, tous rejetés
28 par la Chambre de première instance et que d'autres arguments sont avancés
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1 au mépris des conclusions fondées de la Chambre de première instance. La
2 Chambre d'appel rejette donc intégralement son deuxième moyen d'appel.
3 Dans son troisième moyen d'appel, M. Mrksic fait valoir que la
4 Chambre de première instance a commis une erreur dans sa façon d'apprécier
5 le rôle et les responsabilités des officiers présents dans la caserne de la
6 JNA. Il soutient que la Chambre de première instance s'est trompée en
7 déterminant l'horaire du transfert et le moment où s'est tenue la réunion
8 gouvernementale du secrétariat fédéral à la Défense nationale, ci-après
9 désigné par le sigle SAO. Mais la Chambre d'appel constate que la Chambre
10 de première instance a soigneusement tenu compte de tous les éléments de
11 preuve contradictoires qui lui ont été présentés sur cette question et que
12 rien n'indique qu'elle aurait méconnu le moindre élément. La Chambre
13 d'appel rejette donc intégralement le troisième moyen d'appel de M. Mrksic.
14 Dans son quatrième moyen d'appel, M. Mrksic allègue d'erreurs
15 commises au sujet de la réunion gouvernementale du SAO. Encore une fois,
16 nombre des arguments avancés par M. Mrksic ne sont qu'une répétition de
17 thèses déjà présentées dans son mémoire en clôture, voire d'allégations
18 présentées dans le cadre d'autres moyens ou branches de moyens d'appel et
19 déjà rejetés. La Chambre d'appel rejette donc intégralement le quatrième
20 moyen d'appel de M. Mrksic.
21 Dans son cinquième moyen d'appel, M. Mrksic affirme que la Chambre de
22 première instance a commis une erreur de fait en concluant que le 20
23 novembre 1991, il avait été informé des événements en cours à Ovcara avant
24 la réunion quotidiennement tenue à Negoslavci. Mais la Chambre d'appel
25 considère que M. Mrksic a échoué dans sa volonté de démontrer que l'erreur
26 présumée de la Chambre de première instance sur ce sujet aurait conduit à
27 une erreur judiciaire. La Chambre d'appel rejette donc intégralement le
28 cinquième moyen d'appel de M. Mrksic.
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1 Dans son sixième moyen d'appel, M. Mrksic soutient que la Chambre de
2 première instance s'est trompée en concluant que c'est lui qui avait
3 ordonné le retrait d'Ovcara de la 80e Brigade motorisée. Il conteste
4 l'heure à laquelle cet ordre de retrait a été donné de même que la
5 conclusion selon laquelle il aurait été informé à deux reprises de ce qui
6 se passait à Ovcara et affirme que l'appréciation faite par la Chambre de
7 première instance du rôle joué le 20 novembre 1991 par le capitaine Dragi
8 Vukosavljevic et le colonel Radoje Trifunovic est erronée. S'agissant de
9 l'ensemble de ces arguments, M. Mrksic ne démontre pas que les
10 appréciations factuelles de la Chambre de première instance, considérées
11 avec le respect qui leur est dû, aient constitué une erreur. La Chambre
12 d'appel rejette donc intégralement le sixième moyen d'appel de M. Mrksic.
13 Dans son septième moyen d'appel, M. Mrksic soutient que la Chambre de
14 première instance s'est trompée en concluant qu'il s'était rendu à Belgrade
15 tard le 20 novembre 1991, voire tôt le 21 novembre 1991, affirmant que
16 c'est cela qui avait conduit à conclure à tort que c'était lui qui avait
17 ordonné le retrait de la police militaire d'Ovcara. La Chambre d'appel
18 estime que l'argument développé par M. Mrksic ne permet pas de démontrer
19 que la Chambre de première instance aurait commis une erreur de fait qui
20 aurait provoqué une erreur judiciaire et rejette intégralement son septième
21 moyen d'appel.
22 Dans son huitième moyen d'appel, M. Mrksic affirme que la Chambre de
23 première instance s'est trompée en concluant que le commandement de l'OG
24 Sud qu'il dirigeait avait une responsabilité par rapport au secteur de
25 Vukovar entre le 8 et le 24 novembre 1991. Ces arguments ne sont
26 pratiquement qu'une répétition d'arguments déjà défendus pendant le procès
27 et déjà rejetés par la Chambre de première instance et ne parviennent pas à
28 démontrer en quoi l'erreur alléguée dans une des branches de ce moyen
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1 d'appel aurait pu avoir une incidence telle sur les conclusions de la
2 Chambre de première instance qu'elle aurait provoqué une erreur judiciaire.
3 La Chambre d'appel rejette donc intégralement son huitième moyen d'appel.
4 Dans son neuvième moyen d'appel, M. Mrksic soutient qu'en raison des
5 erreurs factuelles qu'il impute à la Chambre de première instance dans ses
6 huit moyens d'appels précédents, celle-ci se serait rendue coupable d'une
7 erreur de droit en le condamnant au titre de l'article 7(1) du Statut au
8 motif qu'il aurait aidé et encouragé à commettre les crimes de meurtres ou
9 assassinats, traitements cruels et tortures. Certains des arguments
10 développés dans ce neuvième moyen d'appel ont déjà été avancés et rejetés
11 dans des moyens d'appels précédents. D'autres ne sont qu'une répétition
12 d'arguments défendus pendant le procès, mais aucun ne parvient à démontrer
13 que leur rejet en première instance puisse constituer une erreur justifiant
14 une intervention de la Chambre d'appel. M. Mrskic a donc échoué dans sa
15 volonté de démontrer que la Chambre de première instance avait commis une
16 quelconque erreur de droit susceptible d'invalider le jugement en se
17 prononçant, comme elle l'a fait, sur l'intention délictueuse ou élément
18 moral qui l'aurait poussé à aider et encourager les auteurs des meurtres de
19 prisonniers de guerre.
20 Dans son neuvième moyen d'appel, M. Mrksic soutient aussi qu'en raison des
21 erreurs factuelles qu'il impute à la Chambre de première instance dans ses
22 huit moyens d'appels précédents, cette dernière aurait commis une erreur de
23 droit en concluant qu'en application de l'article 7(3) du Statut afférent à
24 la responsabilité du supérieur hiérarchique, il était coupable de meurtres
25 ou d'assassinats, de traitements cruels et de tortures. Mais la Chambre
26 d'appel rappelle que la Chambre de première instance n'a prononcé aucune
27 condamnation contre M. Mrksic au titre de l'article 7(3) du Statut. Compte
28 tenu de ce qui précède, la Chambre d'appel rejette intégralement le
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1 neuvième moyen d'appel de M. Mrksic.
2 Dans son dixième moyen d'appel, M. Mrksic évoque ce qu'il appelle des faits
3 contestables, c'est-à-dire des faits dont il reconnaît qu'ils n'ont guère
4 pesé aux yeux des Juges de la Chambre de première instance au moment de
5 statuer, mais dont il affirme l'importance pour la Défense et l'image de la
6 JNA. La Chambre d'appel tient à dire une nouvelle fois que pour autant que
7 des faits avérés aient servi de base au verdict de culpabilité et à la
8 détermination de la peine infligée à M. Mrksic, elle-même se donne en
9 général pour règle de ne pas discuter d'erreurs liées à d'autres faits qui
10 n'ont eu aucune incidence sur le jugement prononcé par la Chambre de
11 première instance. Compte tenu de ce qui précède et puisque M. Mrksic admet
12 que les erreurs invoquées par lui dans ce moyen d'appel n'ont influé en
13 rien sur le jugement ou la détermination de la peine, la Chambre d'appel
14 rejette intégralement le dixième moyen d'appel de M. Mrksic.
15 Le onzième moyen d'appel invoqué par M. Mrksic ayant un rapport avec la
16 durée de la peine qui lui a été infligée, il sera traité à la fin du
17 présent résumé dans la partie consacrée à la durée de la peine.
18 Je vais maintenant aborder le pourvoi en appel de M. Sljivancanin.
19 Dans son premier moyen d'appel, M. Sljivancanin fait valoir que la
20 Chambre de première instance a commis une erreur en concluant à sa présence
21 à Ovcara l'après-midi du 20 novembre 1991. Il affirme que cette erreur
22 provient de ce que la Chambre ne s'est appuyée que sur la déposition du
23 Témoin P009. La Chambre d'appel considère que la Chambre de première
24 instance a dûment examiné les éléments de preuve pour parvenir à sa
25 conclusion et rejette intégralement le premier moyen d'appel de M.
26 Sljivancanin.
27 Dans son deuxième moyen d'appel, M. Sljivancanin conteste le fait qu'aider
28 et encourager par omission puisse constituer un mode de responsabilité. A
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1 l'appui de ces dires, il fait d'abord valoir qu'aider et encourager par
2 omission n'est pas un mode de responsabilité prévu dans le système
3 judiciaire appliqué par le Tribunal international. La Chambre d'appel
4 considère toutefois que la Chambre de première instance a eu raison de
5 considérer le fait d'aider et d'encourager par omission comme un mode de
6 responsabilité reconnu dans le système judiciaire en vigueur au Tribunal
7 international.
8 M. Sljivancanin soutient, par ailleurs, ne pas avoir été informé à
9 temps de la volonté de l'Accusation d'utiliser ce mode de responsabilité
10 contre lui. La Chambre d'appel conclut que l'acte d'accusation détaille
11 suffisamment les charges retenues à son encontre et notamment celle d'avoir
12 aidé et encouragé par omission à commettre des sévices sur les prisonniers
13 de guerre d'Ovcara.
14 Elle estime par ailleurs que M. Sljivancanin n'a pas apporté à la preuve de
15 ce que sa Défense ait été matériellement lésée par ce défaut d'information
16 allégué.
17 La Chambre d'appel, ayant analysé les éléments constitutifs de l'aide
18 et encouragement par omission, considère comme identique l'élément moral et
19 l'élément matériel requis, que l'on parle d'aide et d'encouragement par
20 omission ou d'aide et d'encouragement par action positive. Il faut donc que
21 l'omission ait visé à aider, encourager ou appuyer moralement la commission
22 d'un crime et que cela ait eu un effet substantiel sur la commission du
23 crime, ce qui représente l'élément matériel. Par ailleurs, la personne à
24 l'origine de l'aide et de l'encouragement doit savoir que par son omission,
25 elle apporte un concours à l'auteur d'un crime finalement commis par
26 l'auteur principal, ce qui représente l'intention délictueuse ou l'élément
27 mental. La question la plus délicate qu'il importe de régler consiste à se
28 demander si l'examen des faits lié à une affaire déterminée a permis
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1 d'établir que le fait de ne pas s'être acquitté d'un devoir prévu par la
2 loi a aidé, encouragé ou appuyé moralement les auteurs d'un crime et a eu
3 une incidence substantielle sur sa commission.De surcroît, la Chambre
4 d'appel considère que la notion d'aide et d'encouragement par omission
5 comporte l'obligation implicite que l'accusé ait eu la possibilité d'agir,
6 à savoir, par exemple, qu'il disposait des moyens nécessaires pour remplir
7 son devoir.
8 Eu égard à la nature du devoir en question, la Chambre d'appel
9 rappelle qu'elle a déjà statué quand au fait que du non-respect de
10 l'obligation d'agir imposée par la loi -- par les lois ou coutumes de la
11 guerre, découlait une responsabilité pénale individuelle. Le devoir de
12 protéger les prisonniers de guerre qui incombait à M. Sljivancanin lui
13 était imposé par les lois ou coutumes de la guerre. Je reviendrai plus en
14 détail sur ce point ultérieurement, lorsque je traiterai du deuxième moyen
15 d'appel de l'Accusation. La Chambre d'appel considère, par conséquent, que
16 parce qu'il a failli à l'obligation de s'acquitter de son devoir, sa
17 responsabilité pénale individuelle est engagée. En conséquence de quoi, la
18 Chambre d'appel rejette intégralement le deuxième moyen d'appel de M.
19 Sljivancanin.
20 Dans son troisième moyen d'appel, M. Sljivancanin fait valoir que la
21 Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que M. Mrksic
22 l'avait chargé de l'évacuation de l'hôpital de Vukovar lui conférant de ce
23 fait le devoir légal de protéger les prisonniers de guerre d'Ovcara. La
24 Chambre d'appel considère que la Chambre de première instance, se fondant
25 sur l'ensemble des éléments de preuve qui lui ont été présentés, avait de
26 bonnes raisons de conclure que le devoir de protéger les prisonniers de
27 guerre de l'hôpital de Vukovar incombait à M. Sljivancanin suite à une
28 délégation de responsabilités faite à son intention par M. Mrksic. En
Page 335
1 conséquence de quoi, elle rejette intégralement le troisième moyen d'appel
2 de M. Sljivancanin.
3 Dans son quatrième moyen d'appel, M. Sljivancanin conteste la conclusion de
4 la Chambre de première instance qui considère qu'il a dû être témoin des
5 sévices infligés aux prisonniers de guerre à Ovcara. La Chambre d'appel
6 rappelle qu'eu égard au premier moyen d'appel de M. Sljivancanin, elle a
7 conclu qu'il n'avait pas démontré que la Chambre de première instance avait
8 commis une erreur de droit ou de fait concernant sa présence à Ovcara dans
9 l'après-midi du 20 novembre 1991 où la séquence chronologique des
10 événements survenue à ce moment-là. Dans son quatrième moyen d'appel, M.
11 Sljivancanin ne fait aucun effort pour fonder les arguments déjà avancés
12 par lui au titre de son premier moyen d'appel. En conséquence de quoi, son
13 quatrième moyen d'appel est intégralement rejeté.
14 Dans son cinquième moyen d'appel, M. Sljivancanin soutient que les éléments
15 nécessaires pour constituer l'aide et l'encouragement aux tortures des
16 prisonniers d'Ovcara font défaut.
17 D'abord, s'agissant de déterminer si le défaut d'action de M. Sljivancanin
18 a eu une incidence significative sur la commission des crimes d'Ovcara, la
19 Chambre d'appel conclut que le fait que d'autres officiers mieux placés que
20 lui pour assurer la protection des prisonniers de guerre d'Ovcara n'aient
21 pas agi davantage que lui, n'enlève rien en soi à l'effet produit par son
22 défaut d'intervention pour empêcher les sévices. Quant aux affirmations de
23 M. Sljivancanin indiquant qu'il n'était pas responsable de la sécurité des
24 prisonniers de guerre détenus à Ovcara et que la preuve qu'il aurait pu
25 obtenir d'empêcher les sévices infligés aux prisonniers de guerre n'avait
26 pas été apportée, la Chambre d'appel rappelle avoir confirmer la conclusion
27 de la Chambre de première instance selon laquelle M. Mrksic avait ordonné à
28 M. Sljivancanin de diriger l'évacuation en l'autorisant à employer le
Page 336
1 nombre de policiers militaires dont il pourrait avoir besoin pour escorter
2 les prisonniers de guerre et leur garantir un transfert sans encombre. La
3 Chambre d'appel conclut que M. Sljivancanin n'a pu démontrer la présence
4 d'aucune erreur dans le travail de la Chambre de première instance
5 s'agissant de déterminer si sa contribution a eu un effet substantiel sur
6 les sévices infligés aux prisonniers de guerre d'Ovcara.
7 Deuxièmement, eu égard à l'argument de M. Sljivancanin selon lequel
8 la Chambre de première instance a eu tort de conclure qu'il devait savoir
9 que par son refus de donner des consignes claires aux policiers militaires
10 et de leur fournir des renforts, il avait aidé à commettre les crimes, la
11 Chambre d'appel considère que M. Sljivancanin a vu les prisonniers de
12 guerre subir des sévices à Ovcara, en dépit de la présence des soldats de
13 la JNA et que, par conséquent, il a dû comprendre qu'à l'évidence les
14 officiers et soldats de la JNA présents sur les lieux ne pouvait pas ou ne
15 voulait pas empêcher les passages à tabac. M. Sljivancanin devait savoir
16 que la responsabilité de protéger les prisonniers de guerre lui incombait
17 et qu'il était investi de l'autorité nécessaire pour agir. Compte tenu de
18 tout ce qu'il s'agit, la seule conclusion qui est raisonnablement permis de
19 tirer consiste à penser qu'il savait que le défaut de toute action de sa
20 part pour protéger les prisonniers de guerre a aidé la Défense territoriale
21 et les paramilitaires à leur infliger les sévices qu'ils ont subi. La
22 Chambre de première instance était en droit de conclure que M. Sljivancanin
23 était animé de l'intention délictueuse d'aider et d'encourager des actes de
24 tortures. La Chambre d'appel rejette donc intégralement le cinquième moyen
25 d'appel de M. Sljivancanin.
26 Le sixième moyen d'appel de M. Sljivancanin sera traité à la fin du présent
27 résumé dans la partie relative à la détermination de la peine.
28 J'aborde maintenant le deuxième moyen d'appel de l'Accusation qui a
Page 337
1 aussi un rapport avec M. Sljivancanin.
2 Dans son deuxième moyen d'appel, l'Accusation soutient que la Chambre
3 de première instance a commis des erreurs de fait et de droit en omettant
4 de constater que M. Sljivancanin ait une responsabilité pour avoir aidé et
5 encouragé à commettre le meurtre de 194 personnes qui sont identifiées dans
6 l'annexe au Jugement de première instance comme ayant été tuées à Ovcara
7 dans la soirée du 20 au 21 novembre 1991.
8 L'Accusation affirme que la Chambre de première instance s'est
9 fourvoyée en ne constatant pas que M. Sljivancanin savait, lorsqu'il s'est
10 rendu à Ovcara, que les membres de la TO et des paramilitaires tueraient
11 probablement les prisonniers. En ce qui concerne l'intention délictueuse
12 consistant à encourager à aider à commettre ces meurtres, la Chambre de
13 première instance a conclu que c'était seulement à partir du moment où les
14 soldats s'étaient définitivement retirés d'Ovcara dans la soirée du 20
15 novembre 1991 que le meurtre des prisonniers de guerre est devenu probable,
16 et pourtant, qu'il était possible que M. Sljivancanin n'ait pas prévu,
17 avant d'avoir appris le retrait de ces soldats, que ces meurtres seraient
18 probables. La Chambre d'appel estime qu'il n'est pas déraisonnable que la
19 Chambre de première instance ait conclu qu'aussi longtemps que durerait la
20 présence des soldats de la JNA, ces soldats auraient pu continuer de
21 constituer un élément d'intervention suffisant pour empêcher que les
22 mauvais traitements infligés aux prisonniers par des membres de la TO et
23 par des paramilitaires n'empirent au point de dépasser les sévices pour
24 aboutir à des meurtres, même s'il ne pouvait entièrement empêcher que des
25 sévices soient infligés aux prisonniers. S'il n'était pas déraisonnable que
26 la Chambre ait conclu que M. Sljivancanin pouvait raisonnablement avoir cru
27 dans ces conditions que les membres de la TO et des paramilitaires ne
28 recourraient vraisemblablement pas au meurtre. Il en résulte que la Chambre
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1 d'appel conclue que M. Sljivancanin n'avait pas l'intention délictueuse ou
2 l'élément moral visant à aider et à encourager au meurtre tant qu'il a cru
3 que les soldats de la JNA resteraient à Ovcara.
4 La Chambre d'appel relève que la Chambre de première instance ne
5 s'est pas prononcée pour dire ou déduire si, et dans l'affirmative quand,
6 M. Sljivancanin a eu connaissance de l'ordre de retrait des soldats de la
7 JNA dans la nuit du 20 novembre 1991. Néanmoins, la seule conclusion
8 raisonnable qu'on peut tirer est que M. Mrksic a fait savoir à M.
9 Sljivancanin au cours de leur réunion, dès que M. Sljivancanin a été de
10 retour à Negoslavci cette nuit-là, qu'il avait retiré la protection de la
11 JNA aux prisonniers de guerre gardés à Ovcara. Etant donné que la Chambre
12 de première instance a conclu que c'était la connaissance qu'avait M.
13 Sljivancanin dès la présence des soldats de la JNA qui l'empêchait de
14 conclure qu'il était probable que les prisonniers de guerre seraient
15 probablement tués, la seule hypothèse raisonnable est que lorsqu'il a
16 appris que l'ordre de retirer les soldats était donné, que M. Sljivancanin
17 s'est rendu compte que le meurtre des prisonniers de guerre à Ovcara était
18 devenu probable.
19 De même, sachant que le meurtre de prisonniers de guerre allait être
20 le résultat probable du fait qu'ils avaient été laissés sous la garde des
21 membres de la TO et des paramilitaires, M. Sljivancanin s'est forcément
22 rendu compte aussi qu'étant donné qu'il était responsable des prisonniers
23 de guerre, s'il ne prenait pas des mesures pour assurer la protection
24 continue des prisonniers de guerre, il aiderait les membres de la TO et les
25 paramilitaires à commettre les meurtres en question. Partant, la Chambre
26 d'appel conclut que dès qu'il a appris de M. Mrksic à leur réunion dans la
27 nuit du 20 novembre 1991, que l'ordre avait été donné de retirer les
28 soldats de la JNA, la seule déduction raisonnable est que M. Sljivancanin
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1 savait que les membres de la TO et les paramilitaires tueraient
2 probablement les prisonniers de guerre et que s'il n'agissait pas, son
3 omission aiderait à commettre le meurtre des prisonniers de guerre. En
4 conséquence, la Chambre d'appel conclut que dès qu'il a eu connaissance de
5 l'ordre de M. Mrksic de retirer les soldats de la JNA, M. Sljivancanin a eu
6 l'intention délictueuse d'aider et d'encourager ces meurtres.
7 Dans son deuxième moyen d'appel, l'Accusation conteste aussi la
8 conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle les
9 responsabilités juridiques de M. Sljivancanin à l'égard des prisonniers ont
10 pris fin lorsque les derniers soldats de la JNA se sont retirés d'Ovcara
11 sur l'ordre de M. Mrksic.
12 Avant de rechercher si cette conclusion est bonne, il est pertinent à
13 ce stade de rappeler que la Chambre de première instance ne s'est pas
14 prononcée sur le point de savoir si le conflit armé dans la municipalité de
15 Vukovar, à l'époque des faits, avait un caractère international ou non.
16 Mais même dans le contexte d'un conflit armé interne, la Convention III de
17 Genève, relativement au traitement des prisonniers de guerre, trouve à
18 s'appliquer lorsque les parties au conflit ont convenu que cette convention
19 s'appliquerait. A cet égard, la Chambre d'appel rappelle les instructions
20 que la mission de surveillance de la Communauté européenne a données à ses
21 observateurs pour ce qui est de la mise en œuvre de l'accord de Zagreb, qui
22 précisait que les conventions de Genève devaient être appliquées aux
23 prisonniers de guerre. Dans un ordre donné le 18 novembre 1991, le
24 lieutenant général Zivota Panic a donné pour instruction que les unités de
25 la JNA dans la région de Vukovar, y compris le Groupement opérationnel sud,
26 devaient respecter tous les aspects de la convention de Genève III
27 outre, le colonel Nebojsa Pavkovic a informé les observateurs des
28 instructions du général Raseta allant dans le sens que les forces croates
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1 ne seraient pas évacuées avec le reste du convoi humanitaire, mais
2 demeureraient des prisonniers de guerre et que les conventions de Genève
3 s'appliqueraient.
4 La Chambre d'appel considère qu'il y a là des éléments de preuve
5 suffisants pour conclure que la JNA était d'accord pour reconnaître que ces
6 personnes-là des forces croates devaient être considérées comme des
7 prisonniers de guerre et que la Convention III
8 s'appliquer. Examinons ensuite la responsabilité de M. Sljivancanin en ce
9 qui concerne la sécurité et le sort des prisonniers au regard de la
10 Convention III de Genève. La Chambre d'appel rappelle que le principe
11 fondamental que consacre la Convention III
12 prisonniers de guerre doivent être traités avec humanité et doivent être
13 protégés contre toute souffrance physique et mentale et que cela s'applique
14 dès qu'ils tombent au pouvoir de l'ennemi jusqu'au moment de leur
15 libération définitive et leur rapatriement. Ce principe implique donc que
16 chacun des agents qui est chargé de la protection ou de la garde des
17 prisonniers de guerre a l'obligation de garantir que leur transfert à un
18 autre agent ne diminuera pas la protection à laquelle les prisonniers ont
19 droit.
20 De plus, bien que l'obligation de protéger les prisonniers de guerre
21 s'impose en premier lieu à la puissance détentrice sous la garde de qui se
22 sont trouvés les prisonniers, cela n'exclut pas la responsabilité
23 individuelle. La Chambre d'appel juge que la Convention III
24 obligation à tous les agents de la puissance détentrice qui se trouvent
25 chargés de garder les prisonniers de guerre, d'assurer leur protection.
26 Elle considère qu'ils ont ce droit, indépendamment de savoir s'ils sont
27 investis par une délégation de pouvoir, par exemple, par un ordre supérieur
28 ou comme le fait qu'un agent de l'Etat se trouve avec une garde de facto
Page 341
1 des prisonniers de guerre, le cas où un prisonnier de guerre se serait
2 rendu à cet agent.
3 La Chambre d'appel considère que M. Sljivancanin avait le devoir de
4 protéger les prisonniers de guerre détenus à Ovcara et que sa
5 responsabilité comprenait l'obligation de ne pas autoriser le transfert des
6 prisonniers de guerre à qui que ce soit avant de s'être lui-même assuré
7 qu'il ne leur serait pas fait de mal. L'ordre donné par M. Mrksic de
8 retirer les soldats de la JNA ne lui retirait pas sa qualité d'officier de
9 la JNA. En tant que tel, M. Sljivancanin est resté un agent de la puissance
10 détentrice et a ainsi continué d'être tenu par la Convention de Genève III
11 de ne pas transférer des prisonniers de guerre à un autre agent qui
12 n'assurerait pas non plus leur sécurité. En raison des motifs qui
13 précèdent, la Chambre d'appel constate que la Chambre de première instance
14 a commis une erreur en concluant que le droit de M. Sljivancanin de
15 protéger les prisonniers de guerre en vertu des lois et coutumes de la
16 guerre avait pris fin dès que M. Mrksic ait donné l'ordre de se retirer.
17 A la lumière de ces conclusions, la Chambre d'appel en vient à
18 examiner si le fait que M. Sljivancanin n'a pas agi dès qu'il a appris
19 l'ordre de retirer d'Ovcara des soldats de la JNA a contribué de façon
20 substantielle aux meurtres des prisonniers de guerre par des membres de la
21 TO et des paramilitaires. La Chambre d'appel doit être convaincue au-delà
22 de tout doute raisonnable que l'Accusation a démontré que M. Sljivancanin a
23 contribué de façon substantielle à la tuerie par son inaction et que
24 lorsqu'on tient compte des erreurs commises par la Chambre de première
25 instance, tout doute raisonnable concernant la culpabilité de M.
26 Sljivancanin doit avoir été éliminé. A cet égard, la Chambre d'appel
27 rappelle que le fait d'aider et d'encourager par omission exige
28 implicitement que l'accusé ait eu la possibilité d'agir mais qu'il ne l'a
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1 pas fait.
2 La Chambre de première instance a conclu qu'au moment des faits M.
3 Sljivancanin exerçait le pouvoir et l'autorité que M. Mrksic lui avait
4 conférés pour qu'il dirige l'évacuation de l'hôpital. En cette qualité, il
5 exerçait une autorité de jure à l'égard des forces de police militaire de
6 la JNA du OG Sud et non en vertu de son mandat en tant que chargé des
7 services de sécurité. Par conséquent, un ordre donné par M. Mrksic mettant
8 fin à une obligation spécifiquement déléguée de veiller à la sécurité des
9 prisonniers de guerre aurait aussi mis fin au pouvoir et à l'autorité que
10 M. Sljivancanin avait sur la police militaire de la 80e Brigade motorisée.
11 Cela dit, la Chambre d'appel considère que même si M. Sljivancanin
12 n'avait plus d'autorité de jure sur la police militaire déployée à Ovcara,
13 il aurait pu informer la police militaire déployée à Ovcara que l'ordre
14 donné par M. Mrksic violait l'obligation absolue en vertu des lois et
15 coutumes de la guerre de protéger les prisonniers de guerre. Cet ordre
16 constituait ainsi un ordre illégal donné à la police militaire de la 80e
17 Brigade motorisée, un ordre contraire à celui que M. Mrksic aurait exigé de
18 M. Sljivancanin, aurait exigé qu'il outrepasse les limites de son autorité
19 de jure, autorité qui, en l'occurrence, avait été ôtée par l'ordre de
20 retrait donné par M. Mrksic. Néanmoins, l'illégalité de l'ordre de M.
21 Mrksic exigeait de M. Sljivancanin qu'il le fit. La Chambre d'appel
22 considère que dans certaines circonstances un officier peut avoir
23 l'obligation et le devoir, dans les limites de ses possibilités d'action,
24 d'outrepasser son autorité de jure pour faire échec à un ordre illégal.
25 La Chambre d'appel considère en outre que M. Sljivancanin aurait pu
26 tenter de convaincre M. Mrksic d'annuler l'ordre de retrait. Si ses
27 tentatives pour convaincre M. Mrksic avaient échoué, il aurait été possible
28 à M. Sljivancanin, lorsqu'il a téléphoné à Belgrade pour parler au général
Page 343
1 Vasiljevic, de demander l'aide du général pour cette question.
2 La Chambre d'appel considère que si M. Sljivancanin avait réussi à obtenir
3 le retour de la police militaire à Ovcara, le meurtre des prisonniers de
4 guerre aurait été substantiellement moins probable. La Chambre d'appel
5 conclut que le fait que M. Sljivancanin n'ait pas agi selon son devoir en
6 vertu des lois et coutumes de la guerre a contribué de façon importante au
7 meurtre des prisonniers de guerre.
8 Pour le motif qui précède, la Chambre d'appel conclut, le Juge Pocar et le
9 Juge Vaz, étant d'une opinion dissidente, que toutes les conditions
10 nécessaires pour reconnaître qu'une personne est coupable d'avoir aidé et
11 encouragé par omission à commettre un meurtre sont réunies. Elle est
12 convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, que l'Accusation a démontré
13 que lorsqu'on tient compte des erreurs commises par la Chambre de première
14 instance, tout doute raisonnable concernant la culpabilité de M.
15 Sljivancanin a été dissipé.
16 J'en viens maintenant aux appels interjetés au sujet du prononcé de
17 l'appel.
18 Dans son onzième moyen d'appel, M. Mrksic fait valoir que la Chambre de
19 première instance a mal apprécié les questions des circonstances
20 aggravantes et atténuantes que les lois de l'ex-Yougoslavie, concernant la
21 répression des personnes reconnues coupables d'infractions de ce genre, ne
22 pouvaient jamais faire état de personnes qui auraient encouragé à commettre
23 des crimes, mais ne pouvaient viser que les auteurs de ces crimes. Par
24 conséquent, la peine qui lui a été infligée était "trop sévère et injuste."
25 La Chambre d'appel rejette les griefs que M. Mrksic formule quant à la
26 précession par la Chambre de première instance des circonstances
27 aggravantes et des circonstances atténuantes et elle constate en outre que
28 M. Mrksic n'a pas identifié d'erreur manifeste concernant l'examen par la
Page 344
1 Chambre de première instance de la pratique générale en matière de peine
2 infligée dans l'ex-Yougoslavie. Partant, le onzième moyen d'appel de M.
3 Mrksic est rejeté dans son intégralité.
4 Dans son quatrième moyen d'appel, l'Accusation soutient que la Chambre de
5 première instance a soumis une erreur en infligeant à M. Mrksic une peine
6 manifestement insuffisante, un poids insuffisant ayant été donné au rôle et
7 à la responsabilité de M. Mrksic ainsi qu'à la gravité de ses crimes, à
8 savoir d'avoir aidé et encouragé à faire subir des tortures et des
9 traitements cruels à environ 200 prisonniers détenus à Ovcara et à avoir
10 encouragé et aidé à commettre le meurtre de 194 d'entre eux. Par
11 conséquent, l'Accusation demande que la peine infligée à M. Mrksic soit
12 revue et soit plus lourde.
13 En ce qui concerne le rôle et la responsabilité de M. Mrksic, la Chambre
14 d'appel conclut que la Chambre de première instance a dûment examiné sa
15 situation et son rôle, à la fois pour ce qui est de la manière dont il a
16 contribué à la commission des crimes en question et pour ce qui est
17 d'apprécier si son comportement en tant qu'officier pourrait être considéré
18 comme une circonstance atténuante. Les arguments de l'Accusation sont ainsi
19 rejetés.
20 Quant aux arguments de l'Accusation qui reprochent à la Chambre de première
21 instance d'avoir attribué un poids insuffisant à la "gravité objective" des
22 crimes dont il s'agit, la Chambre d'appel souligne que l'examen de la
23 gravité des infractions implique, en plus de l'examen de la gravité du
24 comportement de l'accusé, d'examiner la gravité des crimes qui sont à la
25 base du procès, mais que la gravité du crime ne vise pas la "gravité
26 objective" d'un crime. S'agissant de l'argument de l'Accusation selon
27 lequel la Chambre de première instance a commis une erreur en ne prenant
28 pas en considération que des cas comparables concernant des tueries de
Page 345
1 masse, mais pas de cas de tortures ou de traitements cruels, la Chambre
2 d'appel rappelle qu'en l'espèce la Chambre de première instance a constaté,
3 je cite :
4 "Qu'aucune autre affaire portée devant le Tribunal ne concernait les mêmes
5 crimes ou des crimes commis dans des circonstances très similaires."
6 Partant, la Chambre ne s'est pas appuyée sur des décisions antérieures en
7 matière de peine prononcée et a évoqué l'obligation, pour elle, d'adapter
8 sa peine qu'elle prononcera pour s'adapter aux circonstances spécifiques de
9 l'espèce. La Chambre d'appel constate que l'Accusation ne démontre pas que
10 la Chambre de première instance n'ait pas tenu compte d'un précédent
11 comparable. La Chambre d'appel observe aussi que la Chambre de première
12 instance savait quelles étaient ses obligations en vertu de l'article 24(2)
13 du Statut, de tenir compte de la gravité du crime lorsqu'elle aurait dû
14 décider de la peine à infliger. Le Jugement de première instance abonde en
15 conclusions détaillées qui portent sur la gravité des crimes en question,
16 qui comportent les sévices infligés à Ovcara et qui ont précédé les
17 exécutions d'au moins 194 des prisonniers et leur ensevelissement dans une
18 fosse commune.
19 La Chambre de première instance a rappelé ses conclusions et elle a
20 tenu compte de la reconnaissance de la culpabilité de M. Mrksic pour
21 meurtres, tortures et traitements cruels dans son appréciation de la
22 gravité des crimes. La Chambre d'appel souligne que le jugement rendu en
23 première instance doit être lu dans son ensemble. La Chambre de première
24 instance mentionne les crimes en question dans la partie qui concerne le
25 prononcé de la peine et développe en détail ses conclusions dans le corps
26 du Jugement de première instance en évoquant les conditions affreuses dans
27 lesquelles les prisonniers de guerre ont été gardés pendant tout l'après-
28 midi dont il s'agit. La nature des sévices auxquels ils ont été soumis et
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1 la manière dont 194 d'entre eux ont été assassinés indiquant ainsi qu'elle
2 a bien tenu compte de la gravité des crimes commis lorsqu'elle est parvenue
3 à la phase consacrée au prononcé de la peine. Mais la Chambre d'appel n'est
4 pas à même de déterminer comment la Chambre de première instance a apprécié
5 les conséquences des tortures pour les victimes et leurs familles et si
6 elle s'était penchée sur la vulnérabilité particulière des prisonniers et
7 dans quelles mesures. Néanmoins, la Chambre d'appel constate que la Chambre
8 de première instance a dû manquer d'exercer, comme il convenait, de son
9 pouvoir discrétionnaire d'appréciation. En conséquence, l'Accusation n'a
10 pas démontré que la Chambre de première instance ait commis une erreur
11 manifeste dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation en prononçant une
12 peine qui ne rend pas compte de la gravité des crimes que M. Mrksic a aidé
13 et encouragé à commettre.
14 A la lumière de ce qui précède, la Chambre d'appel rejette intégralement le
15 quatrième moyen invoqué par l'Accusation.
16 J'en viens maintenant à l'appel concernant la peine infligée à
17 Veselin Sljivancanin.
18 Monsieur Sljivancanin soutient dans son sixième moyen d'appel que la
19 Chambre de première instance s'est fourvoyée lorsqu'en appréciant son rôle
20 et sa responsabilité en ce qui concerne les tortures infligées aux
21 prisonniers de guerre à Ovcara, elle a conclu que les prisonniers de guerre
22 se trouvaient sous sa responsabilité immédiate; qu'elle a commis une erreur
23 lorsqu'elle a examiné comment il aurait pu empêcher des représentants de la
24 communauté internationale d'avoir accès à l'hôpital le 20 novembre 1991
25 comme circonstance aggravante; qu'elle a commis une erreur en ne tenant pas
26 compte de ses antécédents et de son comportement favorable comme
27 circonstances atténuantes; et qu'elle n'a pas tenu compte, comme il
28 convenait, de la pratique pour le prononcé des peines en Ex-Yougoslavie.
Page 347
1 En ce qui concerne la conclusion de la Chambre de première instance
2 selon laquelle les prisonniers de guerre se trouvaient sous la
3 responsabilité immédiate de M. Sljivancanin, la Chambre d'appel estime que
4 M. Sljivancanin n'a pas démontré que l'emploi de la Chambre de première
5 instance des mots "responsabilité immédiate" soit incompatible avec ses
6 précédentes conclusions concernant ses responsabilités pour les prisonniers
7 de guerre à Ovcara. Ses arguments sont donc rejetés.
8 S'agissant du rôle joué par M. Sljivancanin lors de l'accès de
9 l'hôpital à ces représentants internationaux, le 20 novembre 1991 la
10 Chambre de première instance [comme interprété] a considéré qu'il n'était
11 pas clair que la Chambre de première instance ait pris en considération ce
12 facteur comme étant une circonstance aggravante. La Chambre d'appel n'est,
13 par conséquent, pas convaincue que la Chambre de première instance ait
14 commis une erreur manifeste en exerçant son pouvoir d'appréciation. Par
15 conséquent, les arguments de M. Sljivancanin sont rejetés.
16 En ce qui concerne l'argument de M. Sljivancanin selon lequel la
17 Chambre de première instance a commis une erreur en ne prenant pas en
18 considération sa bonne conduite et sa bonne attitude comme circonstances
19 atténuantes, la Chambre d'appel observe que la Chambre de première instance
20 a examiné les éléments de preuve concernant sa moralité lorsqu'elle a
21 décidé de la peine. En conséquence, aucune présentation n'a été faite
22 concernant la peine prononcée. Par conséquent, les arguments sont rejetés.
23 La Chambre d'appel rejette aussi les griefs que M. Sljivancanin a
24 fait valoir concernant l'examen par la Chambre de première instance de la
25 pratique générale suivie en Ex-Yougoslavie.
26 A la lumière de ce qui précède, le sixième moyen d'appel de M.
27 Sljivancanin est rejeté dans son intégralité.
28 L'Accusation soutient dans le troisième moyen qu'elle invoque que la
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1 peine de cinq ans de prison infligée à M. Sljivancanin par la Chambre de
2 première instance est manifestement insuffisante, parce qu'on a pas accordé
3 assez de poids au rôle et à la responsabilité de M. Sljivancanin et que
4 l'on a pas accordé assez de poids à la "gravité objective" des crimes.
5 L'Accusation fait aussi valoir qu'une peine de cinq ans n'a pas de valeur
6 dissuasive pour les individus qui se trouveront dans une situation
7 similaire à l'avenir. Elle demande que la peine infligée à M. Sljivancanin
8 soit revue dans une fourchette allant de 15 à 25 ans de prison.
9 S'agissant du rôle et de la responsabilité de M. Sljivancanin, la
10 Chambre d'appel note que la Chambre de première instance a dûment pris en
11 compte la façon dont le rôle et la responsabilité de M. Sljivancanin ont
12 contribué à la commission de traitement cruel et de torture infligés à des
13 prisonniers de guerre. La Chambre d'appel observe en outre qu'en examinant
14 son rôle et ses responsabilités pour le prononcé de la peine, la Chambre de
15 première instance a pris soin de rappeler ses conclusions concernant
16 l'étendue exacte de la responsabilité de M. Sljivancanin.
17 Eu égard à la gravité des tortures et traitements cruels infligés aux
18 prisonniers, deux crimes inscrits dans l'acte d'accusation, la Chambre
19 d'appel relève d'abord que la Chambre de première instance n'a fourni aucun
20 détail dans la partie de son jugement consacrée à la peine sur l'aspect
21 massif ou la violence caractérisant ces crimes. Toutefois, le texte de
22 jugement abonde du début à la fin de constatations attestant de l'horreur
23 des tortures et de la cruauté des traitements infligés aux prisonniers de
24 guerre. La Chambre de première instance a constaté que les passages à tabac
25 ont provoqué d'importantes douleurs et de grandes souffrances et que les
26 conditions de détention à Ovcara, notamment le climat de terreur et la
27 constante menace de violence qui y régnaient, ont été la cause de graves
28 souffrances physiques et mentales. A cet égard, la Chambre d'appel relève
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1 que la durée prolongée de souffrances physiques, psychologiques et
2 émotionnelles infligées à des victimes directes est pertinente pour
3 déterminer la gravité des crimes.
4 La Chambre d'appel relève que la Chambre de première instance a déclaré
5 savoir que l'effet multiforme des crimes sur les victimes et leurs familles
6 pouvaient être pris en compte pour en apprécier pleinement la gravité. La
7 Chambre de première instance a notamment relevé ce qui suit : "En l'espèce,
8 les victimes des crimes ont toutes été tuées le jour en question à
9 l'exception d'un tout petit nombre d'entre elles qui ont subi des
10 traitements cruels et des tortures. Ces actes ont entraîné des conséquences
11 terribles. De nombreuses personnes ont perdu leurs proches et pour la
12 plupart d'entre elles, l'incertitude quant au sort des victimes ajoute à
13 leur douleur."
14 Dans la partie de son jugement consacré à la peine, la Chambre de première
15 instance n'a pas précisément évoqué la vulnérabilité des prisonniers de
16 guerre au moment où les actes ont été commis ou l'effet que ces actes ont
17 eu sur ces derniers, bien que des constatations relatives à ces deux
18 aspects figure dans le corps du jugement. La Chambre d'appel relève que
19 dans ces considérations au sujet de l'effet multiforme des crimes sur les
20 victimes et leurs familles, qui figurent au paragraphe I du jugement dont
21 je viens de donner lecture, la Chambre de première instance s'est
22 concentrée sur le fait que la plupart des victimes ont été tuées après
23 avoir subi des tortures. Dans la partie du jugement consacré à la peine, la
24 Chambre de première instance n'a pas explicitement traité des conséquences
25 de la torture en tant que telles sur les victimes ou leurs familles. M.
26 Sljivancanin, ayant été condamné au seul motif qu'il a aidé et encouragé à
27 commettre des actes de torture, l'effet multiforme des tortures sur les
28 victimes et leurs familles. Comment la Chambre de première instance l'a
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1 apprécié pour déterminer la peine ne ressort pas clairement de la lecture
2 du jugement.
3 Si la Chambre d'appel reconnaît que le Jugement en première instance,
4 lu dans son ensemble, renferme de nombreuses constatations indiquant que le
5 meurtre des prisonniers de guerre a privé leurs proches d'êtres chers et
6 que dans pratiquement tous les cas l'angoisse et la souffrance provoquées
7 par cette tragédie ont été aggravées par l'incertitude quant au sort des
8 victimes. La Chambre d'appel est dans l'incapacité de déterminer comment la
9 Chambre de première instance a apprécié le poids des tortures infligées aux
10 victimes et à leurs familles; voire si ou dans quelle mesure elle a pris en
11 compte l'aspect particulier de la vulnérabilité des prisonniers pour
12 déterminer la peine à infliger à M. Sljivancanin. Une extrême cruauté et
13 une extrême violence à l'égard des prisonniers de guerre, dont certains
14 étaient peut-être déjà blessés puisqu'ils ont été extraits de l'hôpital de
15 Vukovar, ont caractérisé les crimes en question. Ces personnes étaient
16 protégées au titre du droit international humanitaire en raison de leur
17 statut et de leur vulnérabilité particulière.
18 Au vu de ce qui précède, la Chambre d'appel constate la présence d'une
19 erreur manifeste dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dévolu à la
20 Chambre de première instance pour déterminer la peine. Si la Chambre de
21 première instance n'a commis aucune erreur dans ses conclusions factuelles,
22 la Chambre d'appel, après avoir examiné les conclusions de la Chambre de
23 première instance au sujet de la gravité des crimes, notamment les
24 conséquences des tortures sur les victimes et leurs familles, l'aspect
25 particulier de la vulnérabilité des prisonniers et le très grand nombre des
26 victimes, considère que la peine de cinq ans de réclusion criminelle est si
27 déraisonnable qu'il est permis d'en déduire que la Chambre de première
28 instance n'a sans doute pas convenablement exercé son pouvoir
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1 discrétionnaire. La Chambre d'appel considère, par conséquent, qu'une peine
2 de cinq années de réclusion criminelle ne rend pas convenablement compte de
3 la gravité des crimes commis par M. Sljivancanin.
4 Enfin, eu égard à l'argument de l'Accusation selon lequel la peine
5 prononcée contre M. Sljivancanin devrait indiquer aux personnes au pouvoir
6 qu'elles seront dûment sanctionnées si elles ne s'acquittent pas de leurs
7 responsabilités, la Chambre d'appel considère que même si la Chambre de
8 première instance n'a pas précisément cité la dissuasion dans les critères
9 pris en compte par elle pour déterminer la peine à infliger à M.
10 Sljivancanin, il est permis de penser qu'elle en a tenu compte au moment de
11 se prononcer sur ce point, puisqu'elle avait déjà évoqué la dissuasion
12 comme étant en général, "un des premiers objectifs de la détermination
13 d'une peine."
14 Je vais à présent donner lecture intégrale du dispositif de l'arrêt de la
15 Chambre d'appel.
16 Je demande à M. Mrksic et à M. Sljivancanin de bien vouloir se lever.
17 Par ces motifs, la Chambre d'appel, en vertu de l'article 25 du Statut et
18 des articles 117 et 118 du Règlement;
19 Vu les écritures respectives des parties et leurs exposés présentés
20 aux audiences en appel du 21 et 23 janvier 2009;
21 Siégeant en audience publique;
22 Accueille le premier moyen d'appel présenté par l'Accusation, pour
23 autant qu'il soutient que la Chambre de première instance a commis une
24 erreur de droit en concluant qu'aux fins de l'article 5 du Statut pour
25 qu'il y ait crime contre l'humanité, les victimes doivent être des civils;
26 rejette en partie le premier moyen invoqué en appel pour le surplus à tout
27 égard; confirme les acquittements de Veselin Sljivancanin et Mile Mrksic au
28 regard de l'article 5 du Statut.
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1 Accueille, à la majorité des voix, le deuxième moyen d'appel de
2 l'Accusation;
3 Annule l'acquittement de Veselin Sljivancanin pour ce qui est du chef
4 d'Accusation 4 de l'Accusation, Mme le Juge Vaz étant d'une opinion
5 dissidente; conclut en vertu de l'article 3 et de l'article 7(1) du Statut,
6 le Juge Pocar et le Juge Vaz étant d'une opinion dissidente, que Veselin
7 Sljivancanin est coupable du chef 4 de l'acte d'accusation, d'avoir aidé et
8 encouragé à commettre le meurtre de 194 personnes dont l'identité est
9 donnée dans l'annexe au Jugement de première instance;
10 Accueille en partie le troisième moyen de l'Accusation, dans la mesure où
11 une peine de cinq années d'emprisonnement ne reflète pas, comme il
12 convient, le niveau de gravité des crimes commis par Veselin Sljivancanin;
13 Rejette pour le surplus l'appel interjeté par l'Accusation;
14 Rejette l'appel interjeté par Mile Mrksic dans son intégralité;
15 Confirme les déclarations de culpabilité de Mile Mrksic au titre des chefs
16 4, 7 et 8 de l'acte d'accusation;
17 Rejette l'appel interjeté par Veselin Sljivancanin dans son intégralité;
18 Confirme la peine au point 7 de l'acte d'accusation;
19 Confirme la peine de 20 années d'emprisonnement prononcée contre Mile
20 Mrksic, le temps passé déjà en détention étant à réduire de la durée totale
21 de la peine, en application de l'article 101(C) du Règlement;
22 Annule la peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée par la Chambre
23 de première instance contre Veselin Sljivancanin et, à la majorité des
24 voix, le Juge Pocar et le Juge Vaz étant d'une opinion dissidente, impose
25 une peine de 17 ans d'emprisonnement, le temps passé en détention étant à
26 déduire de la durée totale de la peine en vertu de l'article 101(C) du
27 Règlement;
28 Ordonne, conformément aux dispositions de l'article 103(C) et de
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1 l'article 107 du Règlement, que Mile Mrksic et Veselin Sljivancanin restent
2 sous la garde du Tribunal international jusqu'à ce que soient arrêtées les
3 dispositions nécessaires pour leur transfert vers l'Etat dans lequel ils
4 purgeront leurs peines.
5 Le Juge Fausto Pocar joint à l'arrêt une opinion partiellement dissidente.
6 Le Juge Andresia Vaz joint à l'arrêt une opinion partiellement dissidente.
7 Monsieur Mrksic et Monsieur Sljivancanin, vous pouvez vous asseoir.
8 Je prie maintenant le greffier de bien vouloir remettre des exemplaires de
9 l'arrêt aux parties à la présente affaire.
10 Je déclare close l'audience de la Chambre d'appel du Tribunal pénal
11 international.
12 --- L'audience de Jugement en appel est levée à 15 heures 26.
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