Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 20 mars 1996.)

2 (Audience publique.)

3 (L’audience est ouverte.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président: Est-ce que tout le monde m’entend? Est-ce que les cabines

6 sont prêtes?

7 Alors, d’abord, est-ce que le Bureau du Procureur m’entend? Monsieur

8 Niemann?

9 M. Niemann (interprétation): Oui, monsieur le Président.

10 M. le Président: Oui, d’accord.

11 Monsieur le Greffier, vous m’entendez? Vous n’avez pas de problèmes? Mes

12 collègues m’entendent? Les assistants entendent? Les cabines de traduction

13 sont prêtes? Bien.

14 Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler l’affaire inscrite à notre

15 audience de ce jour?

16 M. le Greffier: Dossier IT-95-13-R61, Le Procureur du Tribunal contre Mile

17 Mrksic, Miroslav Radic et Veselin Sljivancanin.

18 M. le Président: Bien. Qui représente le Bureau du Procureur, s’il vous

19 plaît?

20 M. Niemann (interprétation): Monsieur Niemann. Je viens avec M. Williamson

21 et je suis appuyé, comme vous le voyez, par Mlle Sutherland.

22 M. le Président: Bien. Monsieur le Procureur, avant de vous donner la

23 parole, je voudrais rappeler pour tous ceux qui nous écoutent -ce Tribunal

24 étant un Tribunal international- qu’il s’agit ici d’une audience au titre

25 de l’Article 61 qui prévoit que, lorsqu’un mandat d’arrêt n’a pu être

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1 exécuté pour des raisons que devra expliquer le Procureur mais qu’il a

2 déjà expliquées aux Juge de la confirmation, une Chambre doit se réunir

3 -présentement, elle le fait- pour écouter les éléments pertinents de

4 l’accusation, entendre des témoins si le Procureur souhaite citer des

5 témoins ou des victimes, les pouvoirs de la Chambre étant , si elle en est

6 convaincue évidemment, de décerner un mandat d’arrêt international et, par

7 l’intermédiaire du Président du Tribunal, de signaler l’état défaillant au

8 Conseil de sécurité.

9 Voilà pourquoi nous sommes réunis dans l’affaire présente que vient

10 d’annoncer le Greffier.

11 Monsieur le Procureur, je vais vous donner la parole et je voudrais, en

12 même temps, vous demander si des mesures spécifiques seront prises dans la

13 mesure où vous avez demandé que soient cités des témoins.

14 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

15 M. Niemann (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Effectivement, il y a eu une demande qui a été déposée…

17 L’interprète: L’interprète s’excuse, mais le Procureur ne parle pas dans

18 le micro et l’entend très mal. Le micro… Voilà. Très bien.

19 M. Niemann (interprétation): Je l’occultais, mais je vois bien que le

20 petit voyant est allumé. Effectivement donc, une demande a été déposée en

21 ce qui concerne deux témoins qui seront respectivement nommés au cours de

22 cette affaire comme étant les témoins A et B. Je crois que je vais voir le

23 sujet un peu plus tard quand nous y reviendrons et que je parlerai de la

24 pertinence de leurs témoignages.

25 Il y a une exception préjudicielle, je crois, ou tout du moins une

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1 question préjudicielle en ce qui concerne l’Acte d’accusation lui-même

2 avant que de procéder. À la page 4 de l’Acte d’accusation, il y a une

3 liste de noms relativement exhaustive qui s’y trouve. On y trouve donc le

4 nom de Goran Edelinski. En fait, c'est Edelinski Goran. Donc, il y a une

5 référence quant à sa date de naissance de 75; nous venons de découvrir que

6 la Chambre enlève ce nom de cette liste.

7 M. le Président: C’est une erreur ou… C’est une erreur? Vous pouvez nous

8 expliquer?

9 M. Niemann (interprétation): Oui, c’est une erreur, effectivement. Nous

10 avons découvert que la personne ne se trouvait pas à l’endroit nommé.

11 Donc, nous aimerions que ce nom soit retiré de la liste.

12 M. le Président: Vous pouvez mieux me préciser? Je n’ai pas… Excusez-moi,

13 Monsieur le Procureur. C’est à la page 4 dans la version française,

14 évidemment; c’est vers le milieu? C’est vers…

15 Monsieur le Greffier pourrait me l’indiquer, si ça ne le dérange pas.

16 M. Niemann (interprétation): Au milieu de la page. Je vais vous l’épeler,

17 si vous le voulez: E-D-E-L-I-N-S-K-I.

18 M. le Président: Je vois. Dans la version française, c’est à la fin de la

19 page. Voilà. Bon. Merci, Monsieur le Procureur. Merci, Monsieur le

20 Greffier.

21 Monsieur le Procureur, vous pouvez donc reprendre maintenant vos

22 développements sur le fond et sur l’ensemble de l’affaire et, bien

23 entendu, nous demander, demander au Tribunal comment vous comptez

24 organiser la présentation de vos témoignages, d’une part, et puis la

25 présentation de votre exposé, d'autre part. Je suppose que vous allez

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1 commencer par un exposé préliminaire. Vous avez la parole, Monsieur le

2 Procureur.

3 M. Niemann (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Effectivement,

4 c’est ce que j’avais l’intention de faire.

5 Mesdames et Messieurs, l’Acte d’accusation que vous avez devant vous aux

6 fins de "reconfirmation" au titre de l’Article 61 du Règlement de

7 procédure et de preuve accuse Mile Mrksic, Miroslav Radic et Veselin

8 Sljivancanin d’infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, de

9 violation des lois et coutumes de la guerre et de crimes contre

10 l’humanité. Cette terminologie technique et juridique exprimée en termes

11 moins formels signifie "rossée" et "homicide". L’Acte d’accusation porte

12 donc sur la rossée et l’homicide d’environ 260 hommes et jeunes hommes

13 d’Ovcara, près de Vukovar en Croatie, et ce, le 20 novembre 1991.

14 Le motif de ces meurtres se fondait sur la haine, fondée sur l’ignorance,

15 les préjugés d’intolérance. Il n’existe aucune justification de ce crime.

16 Ces hommes n’ont pas participé de façon active à un conflit armé. Au

17 moment de leur décès, ils n’avaient commis aucun crime. Certains d’entre

18 eux avaient sans doute des opinions politiques différentes de celles de

19 leurs bourreaux; certains d’entre eux avaient sans doute pris les armes en

20 autodéfense: mais ce ne sont pas là des crimes, tout du moins des crimes

21 qui justifieraient leur exécution sommaire. La base unique de leur choix,

22 de leur exécution était le fait qu’ils venaient d’un groupe politique et

23 ethnique national différent, c’est-à-dire qu’ils étaient croates.

24 Eh bien, dans ces circonstances, comment cela s’est-il passé?

25 S’il plaît à la Cour, Vukovar se situe dans la région de la Slovénie

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1 orientale, de la Croatie, sur les rives du Danube, ce qui signifie la

2 frontière entre la Croatie et l’ex-République de Yougoslavie, la région

3 Vojvodina de Serbie. La ville se trouve sur la rivière Vuka qui se jette

4 dans le Danube au nord du centre-ville. Au sud-est de cette rivière, le

5 terrain se compose principalement de vallons, de falaises le long du

6 Danube jusqu’à la montagne de Fruska Gora qui se trouve à 20 milles au

7 sud-est. Au nord de la rivière, le terrain est extrêmement plat ainsi

8 qu’on le relève au sud et à l’ouest. La région est principalement agricole

9 et la plupart des terres sont arables; il y a relativement peu de forêts.

10 Selon le recensement de 1991, la ville de Vukovar avait environ 44.000

11 habitants comprenant 21.000 Croates, 14.500 Serbes, 4.300 Yougoslaves,

12 4.500 autres. La municipalité de Vukovar ou Opstina qui englobait la ville

13 et les villages avoisinants avait environ 40, pardon 84.000 habitants,

14 dont 36.910 étaient des Croates, 31.445 Serbes, 1 375 Hongrois, 6.124

15 Yougoslaves et 8.335 d'autres nationalités.

16 La région au nord et à l’ouest de Vukovar était principalement serbe,

17 alors qu’au sud et à l’est, les villages étaient principalement croates.

18 En 1991, Vukovar était une ville riche de Croatie, principalement en

19 raison de son emplacement en tant que centre de services des régions

20 agricoles avoisinantes ayant la réputation de terres arables les plus

21 riches de l’ex-Yougoslavie. L’économie régionale était également appuyée

22 par des réserves de gaz et de pétrole naturelles, ainsi que par une usine

23 de Borovo qui employait environ 3.000 personnes et produisait des

24 chaussures, du cuir et du caoutchouc.

25 De par son histoire, Vukovar a fait partie de la Croatie. Pendant la

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1 Seconde Guerre mondiale, la région autour de Vukovar était relativement

2 pacifique et semble avoir échappé à la plupart des combats ethniques

3 intestins qui sont intervenus dans d’autres régions de la Yougoslavie.

4 Toutefois, après la guerre, la population allemande ethnique –un groupe

5 relativement important– a été repoussée de cette région par le régime de

6 Tito, ce qui a amené un afflux de colons d’autres régions, venus d’autres

7 régions de la Yougoslavie. Certains de ces nouveaux arrivants ont été

8 envoyés de force en Slovénie orientale, mais la plupart sont venus de leur

9 propre volonté de régions pauvres de la Krajina -principalement des

10 Serbes- et de la Herzégovine -principalement des Croates- à la recherche

11 de terres arables qui faisaient la réputation de la région.

12 La tension ethnique s’est manifestée principalement dans la région de

13 Vukovar après le décès de Tito. Les tensions ont été exacerbées par les

14 radicaux serbes et, dans une moindre mesure, par les radicaux croates qui

15 s’étaient rendus dans la région dès 1990, en appelant à des réponses

16 violentes aux provocations de l’autre bord.

17 A la suite de ces appels serbes, afin de défendre leurs frères en Croatie

18 contre un nouveau gouvernement croate, un grand nombre de nationalistes

19 extrémistes serbes sont arrivés dans la région afin d’étoffer les forces

20 irrégulières serbes. Ces unités étaient armées et ont reçu un apport

21 logistique de la JNA.

22 Pour répondre à ce renforcement d’éléments hostiles, des Croates ont

23 également envoyé un grand nombre de volontaires, d’agents de police et,

24 plus tard, de la Garde nationale nommée ZNG. Des deux côtés,

25 l’introduction de renforts ultranationalistes très bien armés et de

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1 nationalistes également a amené la détérioration plus avant de cette

2 situation.

3 En avril 1991, plusieurs villages serbes près de Vukovar ont érigé des

4 barricades à l’entrée de la ville. Ces barrages routiers étaient tenus par

5 des particuliers armés qui empêchaient les non-Serbes de se rendre dans

6 ces villages. C’est à l’un de ces barrages routiers de Borovo Selo -la

7 plus grande ville de la municipalité de Vukovar- que deux agents de police

8 croates ont été détenus la nuit du 1er mai 1991. Le lendemain, environ

9 trente agents de police croates en tenue antiémeute ont été envoyés à

10 Borovo Selo afin de reprendre les détenus. Lorsqu’ils sont sortis des

11 autocars, on leur a tiré dessus et ce, de la part d’un certain nombre de

12 Serbes qui les attendaient, embusqués près du centre communautaire du

13 village. Douze agents de police croates ont été tués et presque tous les

14 autres ont été blessés.

15 Cet incident marque le début du véritable conflit armé de la région et, à

16 partir de là, il y a eu des échanges de coups de feu entre les Serbes et

17 les Croates et ce, de façon de plus en plus régulière. Ces combats étaient

18 d’intensités diverses mais, en général, ils se terminaient par l’arrivée

19 d’unités de la JNA qui intervenaient à cette étape afin de séparer les

20 combattants.

21 Dès la mi-juillet toutefois, la JNA a abandonné toute prétention

22 d’arbitrage neutre et a pris le côté des insurgés serbes. Ce changement

23 dans la position de la JNA à Vukovar est devenue plus évidente de par

24 plusieurs événements mineurs: par exemple, un char de la JNA a détruit une

25 voiture de la police croate le 8 juillet 1991, deux attaques aériennes de

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1 la JNA contre les positions de la Garde nationale entre le 13 et 22

2 juillet, deux attaques de chars, pardon, une attaque de chars contre une

3 installation d’entraînement de la police. Au fur et à mesure de ces

4 incidents, la JNA a renforcé sa présence dans la région de Vukovar.

5 Dès la mi-août, la JNA avait déployé des troupes du côté croate du Danube

6 de manière à encercler, presque intégralement, la ville de Vukovar. En

7 août, la JNA a positionné des unités supplémentaires du côté serbe de la

8 rivière et a érigé un certain nombre de positions d’artillerie et

9 d’obusiers. Ces forces ont également été étoffées par trois canonnières du

10 Danube qui ont été déployées sur le fleuve en amont de la ville.

11 Le 25 août 1991, la JNA a lancé un assaut sur une grande échelle sur

12 Vukovar. Pour la première fois, les forces de terre, d’air et navales ont

13 été utilisées de façon coordonnée, appuyées en outre par les forces

14 irrégulières serbes. Selon certaines sources, des milliers de roquettes et

15 d’obus d’artillerie ont été tirés sur la ville et un certain nombre de

16 bombes ont été larguées d'aéronefs de la JNA. Le bombardement a provoqué

17 des dégâts exhaustifs particulièrement pour l’hôpital, le château d’eau de

18 la ville, l’émetteur radio et plusieurs églises. De façon simultanée, la

19 JNA a lancé un assaut de blindés par des chars et des transports de

20 personnel blindés, mais avec peu d’appui de l’infanterie. Cette attaque au

21 sol a été repoussée par la JNA, mais l’armée était en mesure d’enserrer

22 Vukovar en coupant les lignes de téléphone qui reliaient la ville au monde

23 extérieur.

24 Lorsque cette attaque s’est estompée, trois jours plus tard, la voie vers

25 Vinkovci avait été coupée par la JNA et les Croates n’avaient plus qu’une

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1 piste improvisée au travers de champs de maïs pour la communication et

2 leur approvisionnement.

3 Du côté croate, il y avait environ 1.800 hommes qui s’étaient formés en

4 force de défense volontaire de la ville. Tout d’abord, cette force était

5 relativement mal organisée et englobait peu de soldats professionnels.

6 Toutefois, au fil du temps, elle s’est organisée en unité beaucoup plus

7 efficace dans la structure d’une brigade d’infanterie avec une filière de

8 commandement extrêmement claire et des domaines de responsabilité bien

9 cernés.

10 Le gros des forces croates, eh bien, c’étaient tout d’abord des agents de

11 police du ministère de l’Intérieur croate qui ont été étoffés par des

12 habitants locaux. Nombre d’entre eux avaient d’ailleurs rempli leur

13 service militaire obligatoire auprès de la JNA en tant qu’appelés.

14 Les tensions se développent dans la région; plusieurs unités de la Garde

15 nationale croate -la ZNG- viennent se joindre à cette force. Au départ,

16 les défenseurs conservent une ligne de défense de quelque 36 kilomètres

17 qui recouvre la plupart de la ville et également les banlieues croates de

18 Borovo Naselje. Bien que les territoires détenus par les Croates en dehors

19 de cette ligne avaient été repris par la JNA, la ligne de défense elle-

20 même a, en fait, résisté à l’attaque du 25 août. Au fil des trois mois

21 suivants toutefois, elle a été repoussée petit à petit, à la suite de

22 bombardements continus et d’assauts de blindés répétés.

23 Tout au cours de cette attaque jusqu’à ce que la ville ne tombe, la JNA a

24 poursuivi le pilonnage de la ville. La plupart des jours, le bombardement

25 de la ville était continu, 24 heures par jour, sans aucun intervalle que

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1 l’on puisse discerner entre les tirs. Selon des estimations de source

2 croate, le nombre de tirs sur la ville était de 2.500 au moins par jour

3 et, parfois, jusqu’à 16.500. En outre, selon des comptes rendus fiables,

4 les aéronefs de la JNA exécutaient environ cinquante sorties par jour

5 contre la ville ajoutant leurs bombes et leurs missiles à ce massacre. La

6 plupart de ces bombardements sont intervenus sans aucune activité appuyée

7 des forces au sol.

8 Une fois que la JNA n’a pu reprendre du terrain, des renforts ont été

9 envoyés au théâtre de Vukovar de façon importante. Les renforts et les

10 armes arrivent; la JNA s’engage alors dans plusieurs attaques de grande

11 échelle contre la ville, principalement commençant le 5 septembre jusqu’au

12 4 novembre 1991. Tout au long de cette période, la campagne de

13 bombardements a endommagé la plupart des bâtiments de la ville et

14 intégralement détruit nombre d’entre eux. Au moment de l’attaque du 4

15 novembre, peu de bâtiments dans les zones croates de la ville restaient

16 encore debout. Cette dernière offensive progresse pendant une période de

17 deux semaines et aboutit à l’isolement total des forces croates de Borovo

18 Naselje -des forces se trouvant à Vukovar, la ville elle-même-, le 15

19 novembre 1991.

20 Trois jours plus tard, les forces croates ont été encore davantage

21 divisées lorsque les unités de Mitnica ont été coupées des forces du

22 centre de la ville. Les défenseurs croates restants ont effectué une

23 reddition, le 18 novembre 1991, bien qu’un grand nombre d’entre eux aient

24 été tués sur place ou exécutés peu de temps après.

25 Au moment de la chute de la ville, la JNA avait rassemblé plus de 30.000

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1 soldats dans la région de Vukovar. La grande majorité de cette troupe

2 venait du premier district militaire de Belgrade, principalement le corps

3 de Novi Sad, de Tuzla, de Kragujevac, la division mécanique de la garde,

4 la brigade de la garde et la la flotte du Danube. D’autres unités ont été

5 virées du district militaire de Skopje, ces forces de la JNA ont également

6 été étoffées par un grand nombre de Serbes irréguliers venant des unités

7 de défense territoriale ainsi que de volontaires qui s’étaient amassés

8 dans la région de la Serbie, du Monténégro et des régions serbes de la

9 Croatie.

10 Les forces de la JNA serbes avaient, apparemment, à leur disposition la

11 plupart des armes de l’arsenal de la JNA. Les emplacements de roquettes et

12 d’artillerie étaient implantés de tous les côtés de la ville et tous les

13 types d’armes lourdes de la JNA étaient utilisés, dont des obusiers, des

14 mortiers, des chars d’assaut, des transports blindés, des canonnières du

15 Danube, des chasseurs et des bombardiers.

16 Les forces de la JNA et serbes dépassaient de loin en force les forces

17 croates défendant Vukovar. Les attaquants avaient l'avantage d’un rapport

18 de quinze à un en effectifs, et leur avantage en artillerie et en chars

19 étaient de cent à un. En outre, la JNA a utilisé des aéronefs et des

20 canonnières dont ne disposaient absolument pas les Croates.

21 En dépit de cette supériorité haut la main, la bataille de Vukovar a duré

22 quelque trois mois. Au cours de cette bataille, près de 50% des bâtiments

23 de la ville ont été totalement rasés, 90% d’entre eux se trouvaient au

24 centre-ville, 40 autres pour-cent ont subi de graves dégâts. Près de 1.100

25 civils sont morts avant que la ville ne tombe, la plupart en raison des

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1 pilonnages. Ce nombre constitue près de 10% des personnes qui étaient

2 restées à Vukovar après que la ville ait été encerclée. 350 autres soldats

3 ont également été tués au cours de cette attaque. Les quartiers

4 résidentiels serbes ont été épargnés des attaques d’artillerie, de

5 roquettes aériennes lancées contre la ville, ceci en dépit du fait que ces

6 mêmes régions se trouvaient derrière les lignes croates et que des soldats

7 croates avaient implanté des positions de défense en cet endroit. Il

8 semble que ces quartiers n’ont été touchés que lorsqu’il n’y avait aucune

9 autre possibilité de déloger des Croates. En dehors du fait que l’on ait

10 évité les quartiers principalement serbes, tous les autres éléments de la

11 ville ont été soumis à des attaques, ce qui incluait l’hôpital, les

12 églises, le musée de la ville.

13 En général, les capacités militaires des Croates contre les forces de la

14 JNA étaient extrêmement limitées. Ils n’auraient pu, à l’évidence, lancer

15 des opérations d'offensive de quelque type que ce soit, et les munitions

16 des armes lourdes étaient soigneusement conservées aux fins de défense

17 uniquement. D’ailleurs, on relève le fait que les casernes de la JNA au

18 sud de Vukovar sont restées entre les mains de la JNA pendant toute la

19 bataille, bien qu’elles aient été contiguës au front. Et cette

20 installation n’a subi aucun dégât matériel.

21 Tout au long du siège, l’hôpital de Vukovar a poursuivi son

22 fonctionnement, nonobstant le fait qu’il subissait un pilonnage constant.

23 Le médecin en chef et directeur de l’hôpital, le docteur Bosanac -qui

24 présentera son témoignage- a conservé une veille héroïque en contactant le

25 monde extérieur et les organisations internationales, en informant le

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1 monde de ce qui se passait à Vukovar et principalement à l’hôpital. Elle a

2 pris contact avec les casernes locales de la JNA et a demandé pourquoi

3 l’hôpital était attaqué par l’armée fédérale mais ceci, bien sûr, sans

4 aucun effet.

5 L’hôpital de Vukovar est situé en centre-ville. Cet hôpital était fort

6 bien signalé: sur le toit, on avait peint la croix rouge et une autre

7 croix était apposée dans la cour. Mais plutôt que d’épargner ainsi

8 l’hôpital de tout bombardement, y compris des bombardements aériens,

9 l’hôpital a été constamment attaqué comme si ces croix rouges étaient

10 utilisées, aussi bien sur le toit que dans la cour, en tant que cibles.

11 Des efforts ont été effectués par le directeur de l’hôpital afin d’arrêter

12 le pilonnage de l’hôpital mais, bien sûr, à ces appels à l’aide, on a fait

13 sourde d’oreille.

14 Le docteur Bosanac a organisé une évacuation des malades et des blessés

15 sous la supervision de la mission de supervision de la Communauté

16 européenne et de la Croix-Rouge internationale. De fait, c’est elle qui a

17 réussi à faire participer ces deux organisations et a pu ainsi épargner

18 nombre de vies. On a su dans la communauté assiégée de Vukovar qu’une

19 évacuation allait avoir lieu à l’hôpital sous la supervision de la mission

20 européenne et de la Croix-Rouge internationale. L’évacuation était censée

21 se tenir le 18 novembre 1991, de l’hôpital vers la Croatie libre. Nombre

22 d’habitants de la ville se sont réunis à l’hôpital.

23 Au début de l’évacuation, l’accusé, le major Sljivancanin, officier de la

24 JNA, pénétrait dans l’hôpital avec ses troupes et prenait le contrôle de

25 cet hôpital. Il a commandé au personnel médical de se regrouper dans une

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1 pièce sous le prétexte de réunir, d’organiser une réunion. Ses troupes,

2 pendant ce temps-là, prenaient le contrôle de l’hôpital et séparaient les

3 hommes des femmes. Aucun respect n’a été accordé au fait que la majorité

4 des hommes étaient malades ou blessés. Aidés de forces paramilitaires et

5 de profiteurs de guerre, les soldats de la JNA ont entraîné rapidement

6 près de 300 hommes à l’extérieur de l’hôpital, hommes et jeunes hommes.

7 Ces événements, apparemment, se sont reproduits à de très nombreuses

8 reprises au cours de cette terrible guerre. La répétition et la similitude

9 de ces événements sont si frappante qu’elles permettent d’exclure toute

10 idée de coïncidence. En effet, jusqu’au moindre détail, les événements se

11 ressemblent et la conclusion donc, c’est que ces événements font partie

12 d’un plan. Les événements qui se sont produits à Vukovar, depuis le début,

13 sont des événements que l’on peut qualifier, sans aucun doute, de

14 nettoyage ethnique, nettoyage ethnique planifié, qui a semé les germes du

15 génocide dans le conflit de l’ex-Yougoslavie.

16 Donc ces hommes, ces malheureux hommes ont été entassés dans des autobus

17 sous les ordres directs du major Sljivancanin et amenés à Ovcara. À partir

18 de là, on les a contraints à courir entre deux rangées de soldats et de

19 membres des forces paramilitaires qui les frappaient au passage et, à

20 l’intérieur d’un bâtiment -une ferme, en fait- ces hommes ont été battus

21 encore dans une orgie de violences qui a duré plusieurs heures. Deux

22 hommes au moins ont succombé à ces bastonnades et sont donc morts. Les

23 prisonniers ont ensuite été chargés dans des camions, par groupes de dix

24 ou vingt, et emmenés au lieu de leur exécution. Sur ce lieu, un charnier

25 avait été préparé et c’est là qu’ils ont été systématiquement et très

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1 violemment assassinés. Cette exécution s’est déroulée sur le contrôle de

2 l’accusé, le colonel Mrksic. Près de 260 hommes et jeunes hommes ont été

3 assassinés cette nuit-là.

4 Au cours de notre audience, l’accusation va appeler onze témoins. Le

5 premier témoin, le docteur Gow, va nous présenter l’historique de la

6 Yougoslavie d’avant la guerre. Il témoignera des événements qui se sont

7 déroulés jusqu’à la guerre entre la Serbie et la Croatie -au milieu de

8 l’année 1991, en particulier- et témoignera, fournira un témoignage qui

9 montrera, qui démontrera la nature étendue et systématique des crimes

10 commis.

11 Le deuxième témoin sera un enquêteur du Tribunal qui nous donnera une idée

12 générale de l’affaire du point de vue des enquêteurs. Nous entendrons

13 également les examens préliminaires qui ont été réalisés par des experts

14 sur le charnier d’Ovcara.

15 Au cours de ces témoignages, nous verrons également une vidéo qui a été

16 tournée à l’époque des faits mentionnés dans l’Acte d’accusation.

17 Comme je l’ai déjà dit précédemment, les accusations d’infractions graves

18 des Conventions de Genève de 1949, de violations des lois et coutumes de

19 la guerre et de crimes contre l’humanité, au titre des accusations des

20 charges 1, 2 et 3, concernent donc les bastonnades dont il a été question,

21 qui se sont déroulées dans ce bâtiment de la ferme, à Ovcara. Les charges

22 4, 5 et 6 concernent les assassinats qui se sont réalisés sur le site où

23 l’on a trouvé le charnier.

24 Aucun de ces chefs d’inculpation n’est alternatif et les éléments de ces

25 crimes sont les suivants:

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1 Infractions graves: charges 1 à 4.

2 Éléments communs: Les victimes sont des personnes protégées par l’une des

3 Conventions de Genève de 1949.

4 Préalables juridiques: Les actions ou omissions commises durant un conflit

5 armé partiel ou une occupation totale dans laquelle le droit international

6 applicable au conflit s’applique.

7 L’article 2(c) porte donc sur l’intention de provoquer de graves

8 souffrances.

9 Les éléments:

10 -Premièrement, le fait que l’accusé ou un subordonné a commis un acte

11 précis ou une omission contre une victime.

12 - Deuxièmement, que l’accusé ou un subordonné a commis un acte précis ou

13 une omission avec l’intention d’infliger, de façon volontaire, des graves

14 souffrances;

15 -Troisièmement, les graves souffrances ont été infligées de la sorte.

16 Commentaires: Ce délit porte sur le fait d’infliger des souffrances sans

17 avoir le but de torturer ou d’expérimenter biologiquement. Il couvre les

18 actes intentionnels, tels que le viol ou d’autres attaques sexuelles, par

19 exemple, et les omissions aussi longtemps qu’elles ont été commises dans

20 l’intention de causer de grandes souffrances morales, mentales et/ou

21 physiques.

22 Article 2: Assassinat - Homicide intentionnel

23 Les éléments:

24 -Premièrement, que la victime soit morte.;

25 -Deuxièmement, que la mort ait résulté d’un acte illicite ou d’une

Page 17

1 omission illicite auquel l’accusé ou un subordonné a participé.

2 -Troisièmement, qu’au moment de l’acte ou de l’omission, l’accusé ou son

3 subordonné ait eu l’intention de tuer ou d’infliger des blessures

4 physiques graves à sa victime.

5 Violations des lois ou coutumes de la guerre: l’élément commun à

6 l’ensemble de ces charges, c’est que l’acte ou l’omission se soit

7 produit pendant un conflit armé international, interne ou les deux.

8 Troisièmement: Article 3: Traitements cruels.

9 Les éléments de ce délit:

10 -Que l’accusé ou un subordonné ait commis un acte précis ou une omission

11 contre la victime.

12 -Deuxièmement, que la victime ait été non-combattante ou hors de combat.

13 -Troisièmement, que l’accusé ou le subordonné ait eu l’intention de

14 soumettre la victime à un traitement cruel.

15 Le meurtre ou l’assassinat:

16 Les éléments:

17 -Que la victime soit morte, que la victime ait été non-combattante

18 ou hors de combat.

19 -Que la mort ait résulté d’un acte ou d’une omission illicite auquel

20 l’accusé ou un subordonné ait participé.

21 -Qu’au moment de l’assassinat, l’accusé ou son subordonné ait eu

22 l’intention du tuer ou d’infliger de graves blessures physiques à sa

23 victime.

24 Crimes contre l’humanité: charges 3 à 6.

25 Les crimes contre l’humanité sont des délits graves dirigés contre des

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1 personnes et faisant partie d’une attaque à grande échelle ou systématique

2 contre une population civile.

3 Les victimes de crimes contre l’humanité constituent une classe plus large

4 que ceux qui ont déjà été évoqués par les articles 2 et 3 du Statut du

5 Tribunal, et peuvent inclure des compatriotes de la personne commettant le

6 délit ainsi que des personnes apatrides. Bien que dirigés contre un groupe

7 spécifique, les crimes contre l’humanité peuvent se distinguer du génocide

8 dans lequel il n’est pas exigé qu’il y a intention de détruire le groupe.

9 Seule la preuve que l’acte faisait partie d’une attaque à grande échelle

10 ou systématique contre une population civile étant exigée.

11 Les éléments communs qui caractérisent les crimes contre l’humanité:

12 -Que l’acte ou l’omission fasse partie d’une attaque à grande échelle ou

13 systématique contre une population civile.

14 -Que l’accusé ait su ou ait eu des raisons de savoir que ces actes

15 faisaient partie d’une attaque dirigée contre une population civile.

16 Article 5(i): Actes inhumains.

17 Les éléments caractéristiques de ce délit sont les suivants:

18 -Premièrement, que l’accusé ou un subordonné ait commis un acte spécifique

19 ou une omission contre la victime;

20 -Deuxièmement, que l’acte ou l’omission commis par l’accusé ou un

21 subordonné ait été illicite et soit compris, inclus, mais n’ait pas été

22 limité à l’un ou à plusieurs des actes suivants:

23 Atteinte à la dignité personnelle de la victime par humiliation ou

24 traitement dégradant.

25 Condamnation et exécution de la sentence sur la victime sans jugement

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1 préalable émanant d’un tribunal constitué de façon régulière et offrant

2 donc les garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les

3 peuples civilisés.

4 -Troisième caractéristique: que d’autres actes illicites ayant l’intention

5 de nuire à l’intégrité physique, intellectuelle ou morale de la victime

6 aient été commis contre cette victime ainsi que d’autres indignités,

7 souffrances hors de proportions par rapport à ce que l’on peut attendre

8 d’un traitement humain.

9 Les éléments de ce délit:

10 -Que la victime soit morte.

11 -Que la mort ait résulté d’un acte ou d’une omission illicite de la part

12 de l’accusé ou d’un subordonné.

13 - Et qu’au moment de l’assassinat, l’accusé ou son subordonné ait eu

14 l’intention de tuer ou d’infliger de graves blessures physiques à la

15 victime.

16 La décision prise en vertu de l’article 61 du Règlement consiste à ce que

17 la Chambre de première instance se soit dite satisfaite des preuves selon

18 lesquelles il existe des raisons raisonnables de croire que l’accusé a

19 commis tout ou partie des crimes dont il est accusé dans l’Acte

20 d’accusation.

21 Cela doit être mis en rapport avec ce qui se passe lorsqu’un Acte

22 d’accusation est confirmé au titre de l’article 18(4) du Statut, car, dans

23 ce cas, c’est au Procureur qu’il appartient de décider s’il existe un cas

24 de "prima facie" avant de préparer l’Acte d’accusation. Lorsque l’Acte

25 d’accusation est préparé par le Procureur, il est soumis au juge de

Page 20

1 confirmation qui doit se satisfaire du fait que la décision prise par le

2 Procureur…, qui doit confirmer que la décision prise par le Procureur

3 justifie donc l’existence d’un cas "prima facie".

4 Ainsi, le juge de confirmation ne décide rien de lui-même s’il n’existe

5 pas de cas "prima facie", mais vérifie la décision du Procureur afin de

6 voir si sa décision était exacte, justifiée. La première décision avant la

7 confirmation est donc prise par le Procureur lorsqu’il existe des raisons

8 raisonnables de penser qu’une divergence peut intervenir.

9 Quant à la justification ou non d’un cas "prima facie", cette décision est

10 soumise à la détermination du Procureur.

11 Quant à la signification du cas "prima facie", la règle 47 du Règlement du

12 Tribunal s’applique et utilise l’expression "raison, cause raisonnable de

13 croire qu’un suspect a commis un crime relevant de la compétence du

14 Tribunal". Ces mots sont considérés par le juge Sidhwa, le 29 août 1995,

15 comme confirmant l’accusation portée contre Ivica Rajic, dans l’affaire

16 IT-95-12-1.

17 J’appelle maintenant le docteur James Gow.

18 M. le Président: Monsieur le Procureur, avant que vous n’appeliez le

19 témoin, M. Gow, je voulais revenir très, très brièvement sur ces

20 incriminations.

21 L’Acte d’accusation -qui a d’ailleurs été confirmé par le juge Riad-

22 portait sur trois chefs d’accusations: des infractions graves aux

23 Conventions de Genève, des violations des lois ou coutumes de guerre, et

24 des crimes contre l’humanité. Ceci se retrouve aussi bien dans la

25 catégorie des coups et blessures que dans la catégorie de l’homicide.

Page 21

1 Alors, ma question est celle-ci: dans la représentation que vous venez de

2 faire, Monsieur le Procureur, considérez-vous que vous avez complété votre

3 Acte d’accusation?

4 Si je vous le dis, c’est parce que vous avez dit qu’il n’y avait pas

5 d’alternative, qu'en quelque sorte, tout était cumulatif.

6 Moi, j’avais compris –et je pense parler au nom de mes collègues–, j’avais

7 compris qu’il y avait une alternative en ce qui concernait,

8 éventuellement, les coups et blessures, et les homicides lorsqu’il y a eu

9 disparition -parce qu’au fond la disparition entraîne un doute sur ce

10 qu'il est advenu des victimes- ou bien alors, j’ai compris que c’était

11 cumulatif dans la mesure où, à la fois, une personne peut avoir disparu

12 mais, auparavant, peut avoir subi des coups et des blessures. Par contre,

13 j’ai un peu l’impression que vous avez complété votre Acte d’accusation

14 dans la présentation que vous venez d’en faire.

15 Est-ce que vous pouvez me le confirmer ou non? Ou est-ce une présentation

16 différente dans votre esprit, notamment au plan de l’"alternativité" des

17 infractions?

18 Je voudrais qu’on comprenne bien que le Tribunal ici ne fait pas de

19 juridisme superflu. Le Tribunal est gardien de la règle de droit qui doit

20 être gardée, à l’égard aussi bien de l’Accusation que de la Défense. Le

21 débat doit donc être très clair, transparent. C’est pour cela que je me

22 permets de vous demander quel est votre sentiment sur la présentation que

23 vous venez de faire des chefs d’accusation, pour que le Tribunal les

24 retrouve ensuite dans les transcripts. Merci.

25 M. Niemann (interprétation): Oui, effectivement. Nous déclarons, nous

Page 22

1 affirmons que les charges sont toutes cumulatives. En fait, il y a deux

2 séries de faits différents: les coups et blessures, d’une part, le meurtre

3 et l’assassinat, de l’autre, qui donnent lieu à un certain nombre de

4 charges respectivement.

5 Outre cela, nous disons également que tout justifie que l’on distingue

6 entre les infractions graves, d’une part, les violations des droits et

7 coutumes de la guerre, d’autre part. Nous le faisons selon la

8 classification des personnes qui ont été affectées par les crimes commis

9 contre elles, à savoir qu’on peut avoir des groupes de gens que je ne

10 qualifierai pas de façon plus détaillée dans l’immédiat. Mais enfin, ces

11 différents groupes peuvent être, par exemple, d’une part, les combattants,

12 d’autre part, des civils qui ont observé les faits sans y participer. Et

13 puis, on peut avoir également des gens qui n’appartiennent pas au groupe

14 des Croates, qui appartiennent à un autre groupe.

15 Donc ce que nous disons, c’est que les distinctions établies dans l’Acte

16 d’accusation sont nécessaires pour toutes ces raisons.

17 M. le Président: Je veux juste donner un exemple, Monsieur le Procureur.

18 Par exemple, dans la catégorie des coups et blessures –je le dis parce que

19 l’accusé n’est pas là, et c’est donc très important vis-à-vis des droits

20 de la Défense– mais, lorsque nous prenons la catégorie "coups et

21 blessures", Monsieur le Procureur, je voudrais simplement essayer de

22 comprendre: quelqu’un est battu, il est battu et la mort ne s’en est pas

23 suivie; il est battu très violemment. Est-ce que, pour vous, c’est

24 cumulatif dans votre esprit que ce soit qualifié à la fois d’infraction

25 grave aux Conventions de Genève 2 (C), c’est-à-dire le fait de causer

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1 intentionnellement de grandes souffrances? Battre quelqu’un, c’est lui

2 causer de graves souffrances. Est-ce que c’est cumulatif avec le chef

3 d’accusation 2 -violations des lois ou coutumes de la guerre-, ou vous

4 parlez de l’article 3 -traitements cruels-? Car battre quelqu’un, c’est

5 également un traitement cruel. Et est-ce que c’est cumulatif avec le chef

6 d’accusation 3 -qui est le crime contre l’humanité, actes inhumains-,

7 l’article 5(i) de notre Statut? Car battre quelqu’un peut être considéré

8 aussi comme un acte inhumain.

9 Là, le Tribunal aimerait avoir un éclaircissement. Autrement dit est-ce

10 que vous donnez au Tribunal la possibilité de choisir ou est-ce que vous

11 estimez, selon une théorie qu’on peut appeler "le cumul idéal

12 d’infractions" dans mon droit interne, vous estimez ce fait de battre

13 quelqu’un de façon très violente peut à la fois être une grande souffrance

14 (infraction grave aux Conventions de Genève), un traitement cruel

15 (violation de lois et coutumes de guerre), un acte inhumain (crime contre

16 l’humanité)?

17 C’est cela que le Tribunal aimerait bien saisir pour qu’il puisse donner

18 une décision en toute connaissance de cause.

19 M. Niemann (interprétation): Oui, effectivement. Il existe des

20 distinctions entre ces différents délits et nous disons que nous accusons

21 les accusés de façon cumulative de ces trois catégories de délit.

22 Maintenant, qu’est-ce qu’il en sera fait? C’est une question qui peut se

23 poser, mais ce n’est pas celle à laquelle nous allons répondre maintenant;

24 c’est un problème tout à fait différent.

25 Notre Acte d’accusation repose sur le fait que chacune de ces accusations

Page 24

1 recouvre et relève de circonstances différentes, en conséquence de quoi il

2 y a deux possibilités: d’abord, qu’une personne puisse éventuellement

3 relever de deux ou même de trois de ces catégories, c’est-à-dire que,

4 lorsqu’il y a une victime qui relève des trois éléments, eh bien, nous

5 portons des accusations dans les trois catégories. Mais il peut aussi,

6 alternativement, y avoir un autre classement des gens.

7 Il faut donc bien que l’on ait ces trois catégories de façon à ce que, si

8 quelqu’un ne relève pas de façon tout à fait manifeste d’un groupe, eh

9 bien, cette personne puisse relever d’un autre groupe de charges, auquel

10 cas il est peut-être exagéré de parler de cumul. Mais, en tout cas

11 j’insiste sur le fait qu’il est possible, sinon obligatoire, de

12 considérer, de prendre en compte ces trois catégories de délit, puisque

13 certaines personnes relèveront des trois.

14 M. le Président: Merci. Bon. Merci, Monsieur le Procureur.

15 Je crois que vous voulez appeler maintenant M. le témoin Gow; c’est ça?

16 M. Niemann (interprétation): Oui.

17 (Le témoin, M. Gow, est introduit dans le prétoire.)

18 M. le Président: Monsieur Gow. Peut-être faudrait-il donner la déclaration

19 à M. Gow qui est témoin dans cette instance? Vous pouvez, Monsieur Gow…

20 D’abord, vous mettez les écouteurs. Est-ce que vous m’entendez bien? Vous

21 m’entendez bien parce que vous n’avez pas les écouteurs, mais j’espère que

22 vous m’entendrez bien aussi dès que vous aurez les écouteurs.

23 Est-ce que vous pouvez donc vous lever pour faire votre déclaration et

24 vous présenter d’abord devant le Tribunal?

25 M. Gow (interprétation): Je m’appelle Andrew James William Gow. Je déclare

Page 25

1 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

2 vérité.

3 M. le Président: Merci. Asseyez-vous.

4 Monsieur le Procureur.

5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Gow, par M. Niemann.)

6 M. Niemann (interprétation): Docteur Gow, vous êtes un expert en sciences

7 politiques et vous enseignez dans une université de Londres qui relève de

8 l’université de la capitale britannique. Vous avez publié un certain

9 nombre d’études, en particulier sur les affaires d’Europe de l’Est, dans

10 un collège polytechnique de l’est de Londres, n’est-ce pas?

11 M. Gow (interprétation): Oui, tout à fait.

12 Question: Vous avez préparé, à l’Université de Londres, votre thèse de

13 doctorat sur l’ex-Yougoslavie dans le cadre des études d’Europe orientale,

14 n’est-ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Est-ce que ces dernières années votre travail s’est concentré

17 sur l’ex-Yougoslavie, en particulier sur les affaires politiques et

18 militaires concernant ce pays? Est-ce que vous avez enseigné et lu

19 beaucoup à ce sujet?

20 Réponse: Je crois.

21 Question: Docteur Gow, est ce que votre témoignage repose sur votre

22 connaissance personnelle et non sur celle d’autrui?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que vous avez publié des rapports? Est-ce que vous avez

25 lu également des rapports

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1 et d’autres documents officiels, militaires et autres, concernant l’ex-

2 Yougoslavie?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que vous connaissez la langue parlée en Yougoslavie?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Est-ce que vous avez fait reposer votre connaissance sur les

7 documents et autres mémos qui vous ont été mis à votre disposition par des

8 personnes compétentes?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que vous avez lu de très nombreux livres sur le sujet?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que vous avez déjà témoigné devant cette Chambre de

13 première instance en d’autres circonstances?

14 Réponse: Oui, dans le cadre de l’Acte d’accusation contre Dragan Nikolic

15 en Bosnie-Herzégovine.

16 Question: Docteur Gow, en ce qui concerne la République yougoslave, avant

17 1991, est-ce que vous pouvez nous parler de la composition politique de

18 cette fédération?

19 Réponse: La Fédération yougoslave comportait six républiques: la Slovénie,

20 la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro; dans la

21 Serbie, il y avait deux provinces autonomes:, au nord, la Vojvodine et, au

22 sud, le Kosovo. Ces six républiques composaient donc les éléments

23 fédératifs du pays.

24 Question: Est-ce que vous accepteriez, je vous prie, de jeter un coup

25 d'œil à une carte?

Page 27

1 Je demanderai, Monsieur le Procureur, l’aide des personnes compétentes

2 pour installer la carte sur le projecteur.

3 Docteur Gow, est-ce que vous accepteriez, je vous prie, de jeter un coup

4 d'œil à cette carte, pièce à conviction numéro 1?

5 Il faudrait que vous appuyez sur le bouton "vidéo moniteur" pour

6 recevoir une image de ce document auquel le Dr Gow se référera pendant son

7 témoignage.

8 C’est donc la pièce à conviction numéro 1. Dites-nous, je vous prie, que

9 représente cette carte?

10 Réponse: C’est la carte qui vous montre les territoires des républiques et

11 provinces autonomes qui constituaient la République fédérative de la

12 Yougoslavie, avant sa dissolution en 1991.

13 Vous y voyez donc les frontières des républiques et des provinces

14 autonomes, ainsi que les capitales de ces républiques et de ces provinces

15 autonomes. Etant donné notre affaire, la ville de Vukovar figure également

16 sur la carte.

17 Question: Est-ce que vous pouvez nous la montrer?

18 Réponse: Oui, elle se trouve là.

19 Question: Cette carte a été préparée sous votre contrôle?

20 Réponse: Oui, effectivement.

21 Question: Est-ce que vous pourriez nous montrer les différentes entités

22 politiques qui composaient l’ex-Yougoslavie avant 1991?

23 Réponse: Alors, les six républiques, comme je l’ai dit, étaient la

24 Slovénie au nord, la Croatie de forme annulaire à l’ouest du pays, la

25 Bosnie-Herzégovine, république centrale du pays, le Monténégro au sud-est,

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1 la plus petite république, au sud, la Macédoine et la Serbie qui est la

2 république la plus importante avec ses deux provinces autonomes: le Kosovo

3 au sud et la Vojvodine au nord.

4 Question: Classons ce document comme pièce à conviction de l’accusation

5 numéro 1.

6 Docteur Gow, est-ce que vous pouvez dire à la Chambre de première instance

7 quelle était la composition ethnique de la République fédérative

8 socialiste de Yougoslavie avant 1991?

9 Réponse: La République fédérative socialiste de Yougoslavie était une

10 fédération multiethnique dont la population totale comportait 34, 35 pour-

11 cent de Serbes –le groupe ethnique le plus important– ainsi que des

12 Croates, des Slaves islamisés en Bosnie-Herzégovine. Il y avait également

13 des Slovènes et des Macédoniens qui sont des Slaves, mais des groupes

14 ethniques différents. Il y avait également des populations non slaves:

15 quelques Hongrois, quelques Slovaques, des Albanais également qui sont un

16 peuple non slave.

17 Question: Regardez, je vous prie, ce document qui est vous montré en

18 qualité de pièce à conviction numéro 2 pour l’accusation.

19 Est-ce que vous pouvez me dire de quoi il s’agit?

20 Réponse: C’est une carte qui vous montre la répartition ethnique des

21 groupes les plus importants selon les régions de la République fédérative

22 socialiste de la Yougoslavie. J’insiste sur le fait qu’il s’agit des

23 groupes ethniques les plus importants, qui ne sont pas forcément

24 majoritaires. En effet, dans la plupart des régions du pays, les groupes

25 ethniques étaient très mélangés.

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1 Question: Cette carte a-t-elle été préparée sous votre contrôle?

2 Réponse: Oui, par le Bureau du Procureur, mais sous mon contrôle.

3 Question: Donc, pièce à conviction numéro 2 pour l’accusation.

4 Nous vous montrons maintenant le document suivant, Docteur Gow, si vous le

5 voulez bien.

6 Pourriez-vous nous dire ce qu’il représente?

7 Réponse: C’est un tableau qui indique quelles étaient les proportions de

8 chaque groupe ethnique dans la population totale de la République

9 socialiste fédérative de Yougoslavie, selon le recensement de 1981 et de

10 1991.

11 Question: Est-ce que ce document a été préparé sous votre contrôle?

12 Réponse: Oui, sous mon contrôle, par le Bureau du Procureur.

13 Question: Bien. Il s’agira donc de la pièce à conviction numéro 3 pour

14 l’accusation.

15 Docteur Gow, est-ce qu’un groupe ethnique particulier pouvait être

16 considéré comme étant contenu uniquement dans une république?

17 Réponse: Je crois que, pour être exact, il convient de dire qu’aucun

18 groupe ethnique n’existait que dans une république de la République

19 socialiste fédérative de la Yougoslavie. La Slovénie était la république

20 la plus homogène avec 90% de Slovènes ethniques; dans la République serbe

21 de Serbie, par exemple, deux tiers de la population étaient composés de

22 Serbes et, en Bosnie-Herzégovine, la population était très mélangée: 44%

23 de Musulmans environ, un peu plus de 30% de Serbes et 17% de Croates.

24 En Croatie, de la même façon, les proportions étaient de près de trois

25 quarts de Croates et un quart de non-Croates.

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1 Question: Est-ce que vous accepteriez maintenant, je vous prie, de

2 regarder le document suivant: pièce à conviction numéro 4 pour

3 l’Accusation?

4 J’aimerais que vous nous disiez ce que représente ce document, s’il vous

5 plaît.

6 Réponse: Il représente le pourcentage des plus grands groupes ethniques

7 dans chaque république jusqu’au recensement de 1991 et pendant la période

8 qui a abouti à la dissolution de la République socialiste fédérative de

9 Yougoslavie.

10 Je vous ai dit que 90% de Slovènes se trouvaient en Slovénie et qu’en

11 Croatie, 75,1% de la population était croate; le reste étant non croate.

12 Vous remarquerez cependant que, dans la Serbie étroite, dans la Petite

13 Serbie, c’est-à-dire sans les régions autonomes, le pourcentage de Serbes

14 était plus important qu’avec les régions autonomes.

15 Ce document a été préparé sous mon contrôle par le Bureau du Procureur.

16 Question: Nous l’enregistrons donc comme pièce à conviction numéro 4 pour

17 l’accusation.

18 Docteur Gow, y a-t-il quelque variation en ce qui concerne les obédiences,

19 je dirais, religieuses entre les différents groupes ethniques?

20 Réponse: La République donc englobait plusieurs groupes religieux,

21 d’obédience religieuse: les plus importants étant les Catholiques romains,

22 principalement dans la partie occidentale, les Slovènes et les Croates,

23 ensuite un autre groupe important était les Orthodoxes, les Serbes, les

24 Monténégrins et l’église de Macédoine, bien que ce soit là la plus

25 ancienne et, sans doute, la plus importante de ces églises. Et bien sûr,

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1 l’Islam qui englobait les Musulmans slaves de Bosnie et de Serbie, ainsi

2 que la majorité des Albanais.

3 Question: Passons maintenant aux antécédents politiques et historiques de

4 l’ex-Yougoslavie. Quand a-t-on d’abord parlé de la Yougoslavie?

5 Réponse: La Yougoslavie a tout d’abord été proclamée le 1er décembre 1918,

6 comme étant le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes; elle

7 changea son nom en royaume de Yougoslavie en 1929.

8 Question: Je vous demanderai de passer aux pièces 5, 6, 7, 8 et 9 pour

9 l'accusation, des cartes dont je parlerai de façon globale. Et nous

10 passerons par ordre.

11 Numéro 5: pourriez-vous nous dire ce que cela représente?

12 Réponse: Cette carte représente les territoires qui composaient par la

13 suite la Yougoslavie, avant la guerre des Balkans, de 1911 à 1913. Donc,

14 vous voyez là les territoires –les couleurs ne sont pas très distinctes

15 sur l’écran que je vois– mais les territoires se distinguent: d’un côté,

16 la Serbie indépendante qui a pris son indépendance au 19e siècle. Et vous

17 voyez une coloration légèrement différente en rouge –que l’on ne voit pas

18 bien- le long de cette ligne ici, que je viens d’indiquer: les territoires

19 qui ont été acquis par les Serbes, pendant la guerre des Balkans, que je

20 viens de citer. Egalement, vous voyez ici, en rose, les Monténégrins, la

21 région du Monténégro qui est devenue indépendante également sous

22 l’occupation turque de la péninsule.

23 Question: Pièce à verser au dossier pour l’Accusation. Numéro 6?

24 Réponse: Sur cette carte, vous voyez les territoires qui ont ensuite

25 constitué la Yougoslavie, en 1918, lorsqu’elle a été proclamée pour la

Page 32

1 première fois. Les territoires, aujourd’hui, englobent ce qui était la

2 Serbie indépendante: Monténégro, ici, que je vous montre, les territoires

3 qui auparavant étaient, jusqu’en 1918, sous l’empire austro-hongrois, la

4 Bosnie-Herzégovine qui était une principauté; ensuite, la Croatie, la

5 Slovénie et la Dalmatie qui englobent plus ou moins la République de

6 Croatie, aujourd’hui –mais peut-être pas exactement– et là ensuite, cette

7 région au nord et les territoires qui ont constitué la Slovénie et qui ne

8 forment pas encore partie intégrante de la Yougoslavie.

9 Il y a une erreur quant à la frontière que vous voyez ici, dans le tracé,

10 à l’ouest.

11 Question: Document suivant: pièce numéro 7?.

12 Réponse: Sur cette carte, on voit la structure administrative du royaume

13 de Yougoslavie à la suite de la déclaration de Rome du royaume de la

14 Yougoslavie et de la dictature en 1929. Le roi Alexandre, à l’époque,

15 s’est efforcé de retirer le poids de territoires historiques et de leur

16 identité, pour tenter de constituer une identité yougoslave en

17 restructurant l’organisation administrative du pays. C’est ce que vous

18 voyez ici. Cela faisait partie de cet agencement.

19 Question: Document suivant?

20 Réponse: Sur ce document, on voit les frontières de la Banovina croate, au

21 sein du royaume, qui ont été établies en 1939 de par un accord entre les

22 hommes politiques croates et le gouvernement royal. La première

23 Yougoslavie avait été, bien sûr, victime de nombreux différends, de

24 difficultés en raison de difficultés ethniques nationales. La solution à

25 ce problème -comme on l'estimait à l’époque- était de constituer une zone

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1 qui serait donc dirigée de façon autonome par les Croates, au sein du

2 royaume de Yougoslavie.

3 Ce que vous voyez en rouge, ce sont les frontières de la Banovina. Vous

4 voyez également Vukovar; oui, la ville de Vukovar se trouve ici sur la

5 carte, c’est-à-dire juste en dedans de cette frontière de la Banovina.

6 Vous voyez ici également le Danube.

7 Question: Vous pourriez peut-être nous l’indiquer?

8 Réponse: Le Danube suit ce tracé ici et passe d’un côté et de l’autre de

9 la frontière.

10 Sur cette carte, on voit les différentes dispositions territoriales prises

11 au cours de la Seconde Guerre mondiale: en blanc, territoire de l’Etat

12 indépendant de Croatie, dirigé par l'Ustacha qui était appuyé par les

13 puissances de l’Axe, à la suite de l’invasion allemande d’avril 1941.

14 Vous y voyez les régions relevant de l’influence de l’Italie vers la

15 Dalmatie, la côte de la Dalmatie et de l’Allemagne, au centre de l’Etat

16 indépendant de Croatie et des territoires qui ont été cédés à l’Italie: la

17 Slovénie, l’Allemagne, la Slovénie, comme vous le voyez ici, et les

18 territoires qui relevaient d’autres pouvoirs. L’Italie: le Kosovo, comme

19 vous le voyez ici; les Bulgares:, la Macédoine, la Serbie du Sud, la

20 Serbie elle-même étant un protectorat des Allemands avec une

21 administration locale.

22 Question: Et ensuite, tableau de nouveau. C’est tout, ce sont tous les

23 documents que je voulais présenter. Ce sont donc les pièces 5, 6, 7 et 8

24 pour l’accusation à verser au dossier.

25 Si vous voulez bien regarder la carte suivante?

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1 Pourriez-vous nous dire ce qu’elle représente?

2 Réponse: Cette carte indique la répartition des populations orthodoxes sur

3 le territoire de l’ex-Yougoslavie au préalable de sa formation, en 1918.

4 Vous relèverez qu’il y a deux nuances de vert: vert foncé étant les

5 régions où il y avait une majorité absolue d’Orthodoxes et, en vert clair,

6 les régions de population conjuguée, mais avec une majorité relativement

7 importante, toujours orthodoxe.

8 La carte indique l’intégralité de la population orthodoxe et ne fait donc

9 pas de distinguo entre les Serbes orthodoxes et les autres Orthodoxes. Par

10 exemple, l’église de la Macédoine orthodoxe, qui n’a été établie que plus

11 tard, est indiquée ici, aux fins de cette carte, tout simplement.

12 L’importance est pour mieux comprendre que la Yougoslavie a été formée,

13 formée à partir des territoires qui ont englobé tout d’abord, la

14 Yougoslavie royale, ensuite, la République fédérative socialiste. C’était

15 donc un Etat yougoslave qui représentait deux idées, l’une étant de la

16 formation qui pourrait être l’autodétermination pour les différents

17 peuples dont je vous ai parlé dans ma déposition, mais c’était également

18 un Etat où tous les Serbes seraient en mesure de vivre ensemble. Vous

19 voyez donc bien les territoires à partir de cette population orthodoxe,

20 qui seraient inclus dans cet Etat, et si ces populations orthodoxes

21 pouvaient vivre ensemble.

22 La conséquence –vous le voyez– est qu’il y a une conjugaison extrêmement

23 appuyée de ces différentes populations dans toutes ces régions.

24 Question: J’aimerais que l’on verse cette pièce comme pièce n°10 au

25 dossier de l’accusation.

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1 Docteur Gow, d’où vient le concept de la Yougoslavie unie, unifiée?

2 Réponse: Ainsi que je l’ai indiqué, il y a eu deux notions qui ont mené à

3 la formation de l’Etat yougoslave, l’une étant un Etat où tous les

4 Yougoslaves, les Slaves, Slaves du Sud, donc Yougoslaves, pourraient venir

5 ensemble et pourraient obtenir l’autodétermination, ceci sur la base de

6 principes d’intellectuels croates sous l’empire austro-hongrois qui ont

7 décidé que les Slaves du Sud auraient suffisamment d’éléments en commun,

8 qu’ils pourraient vivre ensemble et que la plupart seraient trop faibles,

9 en autonomie, pour établir un Etat en soi.

10 L’idée optionnelle qui est venue ensuite, lorsque la Serbie a pris son

11 indépendance de l’empire Ottoman, c’est qu'un Etat devrait être créé où

12 tous les Serbes pourraient vivre ensemble. La carte précédente indiquait

13 la dissémination des populations serbes orthodoxes; la carte précédente

14 indiquait les petites régions et ce qui a été acquis après la guerre des

15 Balkans.

16 Donc les populations orthodoxes restaient encore en dehors de la Serbie,

17 de la Bosnie et de la Croatie, à l’époque. L’inspiration serait un Etat où

18 ils seraient tous ensemble. La création de la Yougoslavie a donc été dans

19 le cadre pour que tous les Serbes vivent ensemble et pour

20 l’autodétermination, leur autodétermination.

21 Question: Quelle incidence la Première Guerre mondiale a-t-elle eue

22 éventuellement sur la formation de la Yougoslavie?

23 Réponse: La Première Guerre mondiale -ou tout du moins son issue- a été

24 très importante, car les alliés avaient promis à l’Italie, et dans le

25 traité de Londres de 1915 où les territoires de ce qui est aujourd’hui la

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1 Slovénie et la Croatie étaient promis à l’Italie, pour en quelque sorte

2 les remercier d’avoir pris parti pour les alliés. Il y avait donc deux

3 idées. Et au cours de la Première Guerre mondiale, on a parlé de la

4 Yougoslavie. L’Etat yougoslave qui a été formé en 1918 a été

5 principalement une expression du royaume serbe existant en raison de la

6 menace d’annexion italienne. On s'est donc tournés vers la Serbie pour une

7 certaine protection, donc pour former un Etat selon les Serbes.

8 Question: Quels ont été les développements politiques entre la Première et

9 la Seconde Guerre mondiale en l’occurrence?

10 Réponse: Puisque l’Etat était formé, constitué de cette manière en tant

11 que prolongation, si vous voulez, du royaume serbe, les Croates en

12 particulier étaient particulièrement mécontents de la chose. Il y a eu, je

13 le répète, un mécontentement politique, les problèmes ont foisonné, par

14 exemple, le nationalisme, ce qui a mené à la déclaration de la dictature

15 -dont je vous ai parlé- en 1929, après que le chef du Parti des paysans

16 croates ait été assassiné; ensuite, un agencement où la Banovina -dont je

17 vous ai parlé tout à l’heure- s’est vu accorder sa création.

18 Question: Quel a été l’état de l’Etat unifié de la Yougoslavie à la veille

19 de la Seconde Guerre mondiale?

20 Réponse: Bien qu’un compromis ait été rempli ou atteint dans la création

21 de la Banovina croate, il n’en reste pas moins que l’Etat restait divisé

22 et victime de nombreux problèmes nationalistes. Lorsque les puissances de

23 l’Axe l’ont envahie, il leur a été très facile d’annexer et de démembrer

24 le pays.

25 Question: Quelles étaient les caractéristiques principales de ces

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1 événements?

2 Réponse: La Seconde Guerre mondiale…

3 M. le Président: Monsieur le Procureur, pour l'ordonnancement de nos

4 travaux -et je pense surtout à la fatigue de nos interprètes-, je pensais,

5 avec l’accord de mes collègues, faire une pause à 11 h 15. Mais d'un autre

6 côté, il n’est jamais plaisant d’introduire une interruption dans la

7 cohérence d’un propos. Alors, je voudrais à la fois que, pour nos

8 traducteurs et interprètes, on puisse respecter une pause et, en même

9 temps, savoir si vous avez une séquence qui, intellectuellement,

10 représente une coupure pas trop importante pour le témoin, Monsieur le

11 Procureur?

12 M. Niemann (interprétation): Effectivement, il serait fort commode de nous

13 arrêter une fois que j’aurai posé cette question, pour autant que le

14 témoin le souhaite.

15 M. Gow (interprétation): Je puis répondre maintenant ou après la pause.

16 La Seconde Guerre mondiale, en Yougoslavie, a été une chose extrêmement

17 complexe: trois grands groupes que l’on doit situer, donc guerre conjuguée

18 de libération nationale associée à une guerre civile et à une révolution.

19 Les groupes principaux concernés étaient l’Ustacha croate, qui avait été

20 appuyé au pouvoir par les puissances de l’Axe et l’Etat indépendant de

21 Croatie, un groupe, les Chetniks -donc loyaux à l’ex-Yougoslavie,

22 l’ancienne Yougoslavie- qui ont formé une résistance sous la direction du

23 colonel Mihajlovic, et Parti communiste paysan, sous la direction de Tito

24 qui est par la suite devenu président de la Yougoslavie, à la suite de la

25 guerre.

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1 La guerre, comme je l’ai dit, est une affaire complexe. Nombre de ses

2 éléments, je pourrais les développer, mais je n’oublie pas que nous avons

3 demandé une pause. Je préférerais, plutôt que de commencer maintenant,

4 m’arrêter maintenant pour reprendre ensuite, après la pause. Si, bien sûr,

5 Monsieur le Président, vous en convenez avec moi.

6 M. le Président: L’audience est levée jusqu’à 11 h 35.

7 (L’audience est suspendue.)

8 M. le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole ainsi que le

9 témoin.

10 M. Niemann (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Docteur Gow, la persécution ethnique adoptée par les participants comme

12 étant une caractéristique de leur campagne, à cette époque…

13 Interprète: L'interprète s'excuse, mais le témoin n'a pas son micro.

14 M. Gow (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président.

15 Effectivement, il y a eu nombre d'incidents, d'actions des deux côtés

16 belligérants, des atrocités des Chetniks, par exemple, serbes qui ont

17 massacré des Musulmans. Toutefois, l'Oustacha, l'Etat indépendant tout

18 particulièrement de la Croatie, a adopté une politique de nettoyage

19 ethnique, comme on le dit aujourd'hui, politique qui était de tuer, de

20 repousser et d'éliminer un tiers de la population.

21 Si je pouvais demander la carte de la Seconde Guerre mondiale, cela

22 viendrait m'appuyer. C'est la pièce 9 qui a été versée au dossier.

23 (Plus d'interprétation en français. L'enregistrement se poursuit en

24 anglais.)

25 M. le Président: Excusez-moi, je n'ai pas de traduction.

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1 Interprète: M'entendez-vous, Monsieur le Président?

2 M. le Président: Je n'entendais pas la réponse, l'intervention de

3 l'expert: peut-on reprendre? Excusez-moi, Monsieur, peut-on reprendre?

4 Cela ne vous dérange pas? Je vais voir si cela marche.

5 M. Gow (interprétation): Je reprendrai avec plaisir, Monsieur le

6 Président.

7 Il y avait deux zones d'influence relevant de l'occupation des puissances

8 de l'Axe en ex-Yougoslavie, l'une relevant de zone italienne, l'autre

9 allemande. La purification ethnique, le programme exécuté par le régime

10 Oustachi, encore une fois, dans les frontières de la Croatie et de la

11 Bosnie-Herzégovine, dans Banja Luka, ce programme était entre les mains du

12 mouvement partisan communiste qui était très important en Serbie, ici, et

13 en Dalmatie, ici, où la population disconvenait de l'occupation italienne

14 et appuyait donc de l'action des partisans, bien qu'il y ait eu des

15 Chetniks. Mais, en particulier, les partisans venant de la campagne de

16 purification ethnique, des Serbes qui étaient conscients des massacres

17 tenus, prenaient le parti des partisans, car ainsi il pouvait résister au

18 régime de l'Oustachi et également les Croates, qui formaient le parti

19 antifasciste, se sont joints aux partisans, donc des résistants contre le

20 régime de l'Oustachi et donc contre les puissances de l'Axe d'occupation.

21 Merci.

22 M. Niemann (interprétation): J'aimerais que vous voyez le document que

23 nous allons vous remettre, pièce 11, à verser au dossier de l'accusation.

24 Pourriez-vous nous dire, Docteur Gow, quel est ce document?

25 Réponse: Ce document est une copie d'un article qui a été pris dans le

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1 Journal des Affaires étrangères de décembre 1993, "Journal of Foreign

2 Affairs", qui englobe différentes informations, qui sont très importantes

3 pour comprendre aussi bien le programme de purification ethnique que le

4 déroulement de la Seconde Guerre mondiale.

5 Question: Pourriez-vous prendre des extraits à la page 166? Pourriez-vous

6 donc le souligner -pardon, page 116- pour que l'on puisse également faire

7 un gros plan?

8 Réponse: Le document comprend une citation de Mile Budak, dont on ne voit

9 pas le nom ici même, qui était le sous-chef de l'Oustacha, Poglavnik,

10 ministre de l'Education. Le 22 juin 1941, il aurait dit la chose suivante

11 dans un discours qu'il avait prononcé: "Le programme est qu'un tiers des

12 Serbes seront tués, un autre tiers sera déporté et le dernier tiers sera

13 forcé à adopter la religion catholique. Enfin, nous en ferons des

14 Croates".

15 Question: Pièce 11. Docteur Gow, quelle était la politique adoptée par

16 Tito pendant la Seconde Guerre mondiale? Quelles sont les politiques qu'il

17 a suivies?

18 Réponse: Le mouvement des partisans, dirigé par Tito, Josip Tito, organisé

19 par des communistes, visait à obtenir l'appui des différentes communautés

20 ethniques afin de créer une nouvelle Yougoslavie;, cette dernière serait

21 un Etat où toutes les communautés pourraient se retrouver. Les partisans

22 ont appuyé l'idée selon laquelle il y aurait fraternité et unité, ce qui

23 était leur slogan, leur leitmotiv afin de mobiliser un appui à cet effet

24 et de ne pas préserver un groupe ethnique au sein de la Yougoslavie, à la

25 différence de l'Oustachi ou des Chetniks, chacun de ces derniers était

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1 principalement loyal aux Croates ou encore à une opinion serbe

2 particulière.

3 Le mouvement des partisans offrait les perspectives d'une nouvelle

4 Yougoslavie fédérale et, ce faisant, pourrait corriger nombre des

5 problèmes dont avait été victime la première Yougoslavie, qui était le

6 Royaume de Yougoslavie, ce qui créait une structure fédérale où les

7 différentes communautés nationales auraient leur propre élément, une

8 formation d'un certain Etat conjugué se fondant, pendant la Seconde Guerre

9 mondiale, de constituer des gouvernements dans les territoires libérés

10 afin que cette Fédération soit dégagée des conseils populaires qui ont été

11 établis par les partisans, parallèlement à la campagne militaire, afin de

12 repousser les puissances de l'Axe et également un processus de

13 constitution des pouvoirs politiques et administratifs dans les

14 territoires relevant des partisans.

15 Question: Pourriez-vous nous donner votre observation en ce qui concerne

16 les différents événements en Croatie, à cette époque?

17 Réponse: Il convient de relever que le mouvement des partisans en Croatie

18 s'est développé avec une identité croate extrêmement puissante. Le conseil

19 antifasciste de la Croatie est devenu extrêmement puissant,

20 particulièrement dans les régions dalmates. Pendant la guerre, presque

21 jusqu'à l'issue de la guerre, les grandes régions de la Croatie et de

22 Slavonie étaient sous contrôle de l'Oustachi, de la Slavonie. Le mouvement

23 partisan en Croatie a pu gagner un certain appui des Serbes, car ils

24 étaient à l'évidence opposés au programme de l'Oustachi, mais des Croates

25 également et des habitants de la Dalmatie, car cela offrait le type,

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1 semble-t-il, de solution aux problèmes des Croates qui estimaient n'avoir

2 pas existé dans la première Yougoslavie.

3 Il s'agit donc d'un conseil autonome extrêmement puissant au sein des

4 partis fédéraux et du mouvement communiste qui, à l'issue de la guerre, a

5 été considéré par Tito comme étant extrêmement puissant. Il a donc pris

6 des mesures, bien sûr, il a emmené le chef de ce mouvement à Belgrade et a

7 essayé de diffuser son poids, le poids de ce parti indépendantiste

8 communiste.

9 Question: La seconde guerre mondiale a-t-elle eu une influence sur la

10 Yougoslavie jusqu'aux périodes dont on a parlé?

11 Réponse: On peut dire que la seconde guerre mondiale a effectivement eu

12 une influence considérable sur la Yougoslavie pendant cette première

13 période, à un certain niveau. Tout d'abord, parce que la légende de la

14 réussite des partisans était un mythe fondateur de la Yougoslavie, de la

15 seconde Yougoslavie. Cette dernière était un Etat fondé sur la réussite de

16 Tito, des partisans également, au sein de la Seconde Guerre mondiale. Et

17 importance poursuivie pour la bonne raison que les partisans et Tito n'ont

18 pas tenté de redresser ni d'avoir une responsabilité "redditionnelle" des

19 différents crimes qui étaient intervenus pendant la Seconde Guerre

20 mondiale.

21 Les Croates ont estimé que la population dans son intégralité était

22 identifiée comme étant Oustachi, parce qu'il n'était pas possible

23 ouvertement d'en débattre. Nombre de questions ont été laissées sans

24 réponse, sans solution; nombre de personnalité tuées en des endroits

25 particuliers, leur mort n'a jamais été résolue. Ceci était donc très

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1 important, tout particulièrement dans certaines régions à la frontière de

2 la Croatie et de la Bosnie. La population serbe, on peut dire, a continué

3 de se voir comme étant en position vulnérable bien qu'elle était

4 extrêmement importante dans les structures officielles de la République.

5 12% de la population, 60% même, on dirait, des forces de police était de

6 la communauté serbe, provenait de la communauté serbe.

7 Donc d'un côté, les Serbes s'estimaient vulnérables mais, d'un autre côté,

8 les Croates voyaient en revanche les communistes comme reflétant les

9 intérêts du groupe serbe au sein de la Croatie. Donc, à un niveau, il y a

10 eu des tensions qui se sont poursuivies et des exemples spécifiques qu'il

11 faut noter, par exemple, à Vukovar.

12 Question: Pour traiter de Vukovar, pourriez-vous nous apporter votre

13 commentaire, à savoir si la Seconde Guerre mondiale a eu une incidence sur

14 cette région et quelle était cette incidence?

15 Réponse: Vukovar a été l'une des dernières régions à tomber aux mains des

16 partisans, en 1945, je crois. Je n'ai plus les dates malheureusement. Mais

17 c'était donc lors de la dernière campagne, alors que les partisans sont

18 passés par la Slavonie en se dirigeant sur Zagreb. C'était une région où,

19 au cours de la guerre, il y avait une modification de l'équilibre des

20 populations. Les Serbes avait été tués ou expulsés; et l'Oustachi, les

21 familles de l'Oustachi étaient signalées par les partisans comme étant

22 arrivées dans la région. Il est important de relever que c'est une

23 question qui a pu avoir une incidence qui s'est poursuivie à la suite de

24 la Seconde Guerre mondiale.

25 Question: Quelles mesures constitutionnelles ont-elles été adoptées à

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1 l'issue de la guerre?

2 Réponse: Le mouvement des partisans a mis en œuvre officiellement une

3 structure fédérale: six Républiques, deux provinces autonomes, dont je

4 vous ai parlé tout à l'heure. A ce moment-là, les provinces étaient des

5 régions autonomes; c'est ainsi qu'on les appelait. Elles n'avaient pas

6 d'autonomie réelle comme elles l'ont acquise par la suite, dans les années

7 70. Mais elles étaient là, elles existaient.

8 La Fédération en elle-même a été empruntée, je dirai, à un modèle de

9 l'Union soviétique et les communistes ne souhaitaient pas qu'il y ait une

10 signification profonde et réelle à cette structure.

11 Question: Quel rôle Tito a-t-il joué dans le système fédéral créé en

12 Yougoslavie, après la Seconde Guerre mondiale?

13 Réponse: Tito était la cheville ouvrière de ce système qui s'est peu à peu

14 développé. En tant que dirigeant de la période de guerre, il jouissait

15 d'une autorité énorme. En 1948, il a été la personne qui s'est opposée à

16 Staline, au moment où la Yougoslavie a été expulsée du mouvement

17 communiste international. Son autorité était donc très importante. Dans ce

18 système qui, au fil de son évolution, a commencé à donner un pouvoir de

19 plus à plus important aux structures décentralisées, Tito avait un rôle

20 très important pour régler les conflits. C'est à la mort de Tito que

21 nombre des problèmes qui pouvaient être résolus grâce à son autorité

22 personnelle, par le passé, se sont posés à nouveau parce que, en l'absence

23 de Tito, il est devenu de plus en plus difficile de trouver des solutions

24 à ces problèmes.

25 Question: Quelles sont les évolutions juridiques importantes qui se sont

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1 produites en Croatie, après la Seconde Guerre mondiale?

2 Réponse: L'évolution la plus significative qui s'est produite en Croatie,

3 à mon avis, sur le plan politique, c'est, je pense, le développement du

4 mouvement nationaliste à la fin des années 70, qui a débouché sur ce que

5 l'on a appelé le printemps nationaliste de 1971.

6 Ce mouvement était dirigé par un groupe d'intellectuels qui ont commencé à

7 se pencher de très près sur les problèmes linguistiques, qui ont commencé

8 à se plaindre de la rédaction des dictionnaires serbo-croates, avec le

9 serbe considéré comme la norme et le croate considéré comme un dialecte.

10 Le mouvement a été vraiment très important et, peu à peu, il a évolué de

11 la sphère culturelle vers la sphère politique. Il a commencé à défendre

12 l'identité croate, il s'est penché sur les proportions de population dans

13 toutes les structures de l'Etat, en particulier dans la police et dans les

14 forces de la défense, l'armée. Ce mouvement, sur le plan politique de

15 façon générale, défendait une identité croate avec beaucoup de force. Il a

16 commencé à être défendu par des personnalités communistes également, un

17 peu de la même façon que s'était produite la fondation du conseil

18 antifasciste, pendant la guerre en Croatie. Ce mouvement a rassemblé

19 également un certain nombre d'éléments qui défendaient l'indépendance de

20 la Croatie auprès des Nations Unies.

21 Finalement, Tito et un certain nombre de généraux de l'armée yougoslave

22 ont commencé à considérer ce mouvement comme un mouvement qui pouvait

23 devenir responsable d'un éclatement de la Yougoslavie. C'est ainsi que la

24 réaction en Croatie a été importante et que des tentatives nombreuses ont

25 été faites pour essayer de renforcer le contrôle communiste sur la

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1 Croatie.

2 Dans le même temps, bien entendu, Tito a procédé au même type de purge en

3 Slovénie où il existait également des tentatives nationalistes. En 1971,

4 ce mouvement a commencé à se développer, mais ses conséquences politiques

5 ont pu être constatées en 1974, avec le transfert d'un certain nombre de

6 pouvoirs aux Républiques. Ce qui, bien sûr, a fait perdre au Mouvement

7 nationaliste croate un certain nombre de ses arguments avec la mise en

8 place d'une nouvelle constitution, en 1974, qui résolvait un certain

9 nombre des problèmes.

10 Question: Un processus de centralisation/décentralisation s'est-il produit

11 à ce moment-là?

12 Réponse: La deuxième Yougoslavie, c'est-à-dire la Yougoslavie de Tito,

13 s'est structurée sur une base fédérative, avec le parti communiste à sa

14 tête; elle a toujours eu à s'occuper de ce problème de

15 centralisation/décentralisation. C'est la décentralisation qui était la

16 tendance générale, mais elle a été consolidée sous le contrôle communiste.

17 C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir un seul parti communiste contrôlant

18 l'ensemble de la Fédération, une situation a vu le jour dans laquelle il

19 existait six partis communistes dans le pays, un par République. C'est

20 cette situation qui, de bien des façons, a contribué à la caractéristique

21 politique du pays jusque dans les années 90.

22 Question: Passons, si vous le voulez bien, aux années 1990 et plus tard.

23 Les événements du Kosovo ont-ils eu une influence sur ce qui s'est produit

24 à cette époque?

25 Réponse: Les événements du Kosovo ont eu une incidence tout à fait

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1 importante. Ces événements étaient centrés sur un mouvement qui s'est

2 développé d'abord à partir des étudiants albanais et qui, ensuite, a

3 englobé des forces plus nombreuses, qui demandaient une augmentation des

4 pouvoirs politiques des Albanais au Kosovo.

5 Pourrait-on me montrer la deuxième carte, celle de la répartition

6 ethnique? Je crois qu'elle me serait utile.

7 Question: Pièce à conviction n° 2, s'il vous plaît.

8 Réponse: Madame, Messieurs les Juges, veuillez regarder, je vous prie,

9 cette province du Kosovo en bleu, qui est une zone peuplée majoritairement

10 d'Albanais. La plupart des provinces, dans les années 90, avaient une

11 population majoritaire; au Kosovo, cette population était albanaise.

12 Dans le processus de libération, qui a commencé à partir des années 60, et

13 dans le cadre de la constitution de 1974, la province du Kosovo a pu jouir

14 d'une autonomie importante, bien qu'elle n'ait pas atteint au stade d'une

15 République et n'ait donc pas joui du même degré de souveraineté qu'une

16 république.

17 En conséquence de ces changements au Kosovo, des tensions se sont

18 développées et les Albanais ont commencé à obtenir des emplois qu'ils

19 n'obtenaient pas par le passé, les Serbes ont commencé à fuir la région.

20 Il existait aussi un système d'enseignement en albanais, avec création

21 d'une université en albanais dans la capitale du Kosovo, Pristina, mais

22 les étudiants albanais, qui étaient donc dans une province très pauvre,

23 n'ont pas pu obtenir les emplois correspondant à leur éducation et on donc

24 commencé à défendre l'idée que leur province autonome devrait devenir une

25 république, ce qui a considérablement gêné la République de Serbie: il y

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1 avait des Serbes au Kosovo et en Serbie, ce qui a cristallisé le problème.

2 Finalement, les forces de sécurité de la Fédération, avec un certain

3 nombre de militaires de la JNA, ont mis le grappin sur la province du

4 Kosovo.

5 Les événements qui se sont produits à la fin des années 90 sont les

6 suivants: le Président de la Serbie, Slobodan Milosevic a décidé de

7 retirer l'autonomie effective du Kosovo même si elle existait encore sur

8 le papier. Ces mesures ont été considérées dans d'autres régions du pays,

9 en particulier en Croatie, comme des mesures susceptibles de renforcer

10 encore la centralisation et, en particulier, le pouvoir de la Serbie sur

11 l'ensemble de la Fédération.

12 C'est ainsi que, dans une République comme la Croatie, l'idée que des

13 mesures supplémentaires devraient être prises pour protéger la

14 souveraineté de la Croatie en tant que République devraient être prises.

15 Dans ce mouvement, au début en tout cas, la Slovénie était la république

16 qui dirigeait le mouvement mais la Croatie a emboîté le pas rapidement.

17 En Croatie, un mouvement nationaliste a été élu sous la direction de

18 Franjo Tudjman et le Parti démocrate croate a pris le pouvoir. Ce parti

19 était considéré par nombre de Serbes comme un parti pro-indépendantiste,

20 ce qu'il était effectivement. Etant pro-indépendantiste, il a été

21 considéré par les Serbes comme étant le reflet des Oustachi de la Deuxième

22 Guerre mondiale. Je pense que ce n'était pas le cas mais, en tout cas,

23 cela renforçait la tension à base de nationalisme en Croatie, en

24 particulier la tension entre les communautés serbe et croate en Croatie.

25 Question: Quels changements ont été introduits par les nouvelles autorités

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1 croates en 1990?

2 Réponse: Je crois que l'on peut parler de deux mesures significatives

3 adoptées par les nouvelles autorités croates en 1990, qui ont joué un rôle

4 important dans l'aliénation de la communauté serbe. La première mesure a

5 été un changement de la Constitution de la République croate, qui

6 définissait la Croatie par le passé comme "l'Etat des peuples croate et

7 serbe, et autres". Après le changement, la formule est devenue: "l'Etat du

8 peuple croate, et des Serbes et autres. Ce changement a été considérée par

9 les Serbes comme la volonté de réduire la place occupée par les Serbes en

10 Croatie et, par implication, cela pouvait constituer une progression vers

11 une Croatie indépendante, reflétant les visées indépendantistes des

12 Croates pendant la Deuxième Guerre mondiale, en tout cas du point de vue

13 des Serbes.

14 Deuxièmement, il y a eu une certaine transformation administrative, des

15 structures administratives au niveau des ministères en particulier. Je

16 crois avoirix déjà dit que la proportion, le nombre des Serbes dans le

17 ministère de l'Intérieur, dans les forces de police croates faisait déjà

18 l'objet d'un certain nombre de discussions. Des mesures administratives

19 ont donc été prises à partir de 1990, qui pouvaient être considérées comme

20 des tentatives pour purger les communistes, les anciens partisans de ces

21 forces institutionnelles.

22 Même si l'on peut discuter de la réalité de ce fait, l'effet a été le

23 suivant, à savoir que les Serbes ont commencé à craindre que certains

24 événements négatifs se produisent et, bien sûr, ces craintes ont été

25 utilisées et manipulées par le gouvernement de Serbie, avec un certain

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1 nombre de déclarations qui ont été faites par les autorités serbes contre

2 les autorités croates.

3 Il y a un élément particulier dans tout cela, c'est que la réorganisation

4 du ministère de l'Intérieur et des forces de police a établi le siège de

5 la police à Knin, Knin qui se trouvait sous le contrôle de Mile Martic,

6 chef de la police locale, un Serbe. Et ces forces sont donc passées sous

7 contrôle croate, ce qui a été également considéré comme une remise en

8 cause, Milan Martic partant pour la Krajina et devant devenir

9 ultérieurement le dirigeant de la Republika Srpska de Krajina.

10 Question: Quelle était la population serbe en Croatie? Combien y avait-il

11 de Serbes en Croatie?

12 Réponse: Je crois l'avoir déjà dit, la population serbe en Croatie, à

13 cette époque, craignait de plus en plus pour son sort. Il y avait une

14 certaine désintégration ethnique, des antagonismes se développaient, dans

15 les zones rurales en particulier, en Croatie. Je ne suis pas sûr que l'on

16 puisse dire la même chose pour les zones urbaines et, notamment, pour les

17 grandes villes comme Zagreb.

18 Question: Comment la JNA a-t-elle réagi à tout cela?

19 Réponse: La JNA, l'armée populaire yougoslave, a réagi avec certaines

20 unités, pas forcément partout mais, dans certains cas, des unités de

21 l'armée ont apporté une aide matérielle aux Serbes en les aidant à

22 s'armer, en particulier dans la région de Krajina. Les Serbes ont donc

23 réussi, de ce fait, à créer des barricades et à créer des zones dans

24 lesquelles les Croates ne pouvaient absolument pas pénétrer sur le

25 territoire croate. La JNA, à partir de Pâques 1991, s'est déployée de

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1 façon un peu différente que par le passé, en se considérant comme une

2 force de protection de la paix, ce qui revenait de façon importante à

3 défendre en fait les Serbes de Croatie.

4 Question: Quelle a été l'incidence de ce processus de dissolution de la

5 Yougoslavie?

6 Réponse: L'impact de tout cela sur la dissolution de la Yougoslavie, de la

7 Fédération, a été important. En effet, tous ces événements ont eu pour

8 effet d'affaiblir le tissu multiethnique qui existait dans des Républiques

9 comme la Croatie et des pressions ont été créées, ont commencé à peser sur

10 la Bosnie-Herzégovine. Des divergences politiques se sont développées au

11 niveau fédéral entre les différentes Républiques quant à l'avenir de la

12 Yougoslavie. Que serait la Yougoslavie à l'avenir?

13 Dans la République de Croatie, la question la plus importante était de

14 savoir si la Croatie devait ou ne devait pas affirmer sa souveraineté dans

15 le cadre d'une fédération ou d'une confédération; si elle devait peut-être

16 devenir complètement indépendante en faisant des Serbes un groupe

17 minoritaire dans les frontières d'une République croate. Les Serbes, bien

18 entendu, s'opposaient à ce genre d'idée et demandaient l'appui des Serbes

19 de Belgrade pour contrer ce genre de tendance.

20 Donc, l'incidence des événements a consisté à renforcer le processus qui

21 devait aboutir à la dissolution de la Yougoslavie en jetant de l'huile sur

22 le feu et en intensifiant les tensions ethno-nationales, sur la base des

23 divergences discutées au niveau fédéral, divergences qui portaient sur des

24 questions politiques en particulier.

25 Question: A votre avis, quand est-ce que la Fédération yougoslave a cessé

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1 d'exister?

2 Réponse: La RFSY a cessé d'exister, à mon avis, le 15 mai 1991, date à

3 laquelle le système de nomination d'un chef de la présidence collective de

4 la République fédérative socialiste de Yougoslavie a éclaté. Je vais vous

5 expliquer un peu les choses.

6 La Yougoslavie avait à sa tête un organe collectif composé d'un

7 représentant de chacune des six Républiques et de chacune des deux

8 provinces autonomes. Donc, la présidence collective comportait huit

9 membres. Ce mécanisme, qui avait été créé dans le cadre de la Constitution

10 de 1974, impliquait donc une rotation dans un ordre précis; chaque année

11 se produisait donc cette rotation.

12 Dans la période qui a abouti au 15 mai 1991, le Président de la présidence

13 était Borislav Jovic, un Serbe. Le 15 mai 1991, il devait donc y avoir

14 rotation de la présidence et c'est Stipe Mesic, le représentant croate,

15 qui devait prendre la tête de la présidence collective. Le groupe des

16 Serbes, sous la direction de Jovic, qui comportait également des

17 contrôleurs du Monténégro, de Kosovo et de Macédoine, a bloqué le

18 processus. Et, à ma connaissance, c'est la première fois qu'un vote a été

19 nécessaire pour confirmer la rotation de la présidence, d'où blocage total

20 en Yougoslavie et éclatement de la crise.

21 C'est à partir de là, pour ces raisons, que je dis que la Fédération ne

22 fonctionnait plus à partir de 1991.

23 Question: Des événements se sont-ils produits en 1991, qui ont modifié

24 considérablement la situation en Croatie?

25 Réponse: Ces événements se produisaient donc au niveau fédéral. Des

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1 tensions se développaient également au niveau local, dans certains cas. Ce

2 qui est important, c'est qu'à partir de l'été 1991, des incidents violents

3 ont commencé à éclater sur le territoire de la République de Croatie.

4 Plus de 180 détonations et attaques à la bonne, attaques contre des lignes

5 de chemin de fer, par exemple, ont eu lieu. J'ai dit que l'armée populaire

6 yougoslave commençait à aider les Serbes de Krajina à s'armer; ces Serbes

7 de Krajina obtenaient également des armes de Martic, du chef de la police.

8 Et puis, le 2 mars, il y a eu des incidents à Pakrac. En avril, il y a eu

9 également eu des tirs entre Serbes de la région et autorités croates.

10 C'est ainsi que l'armée populaire yougoslave a été déployée pour maintenir

11 la paix de façon assez ostentatoire.

12 Et puis, un incident relativement désagréable a eu lieu à Borovo Selo,

13 dans le district de Vukovar, incident qui s'appuyait sur une série de

14 tensions qui s'étaient développées le mois précédent dans cette région. Je

15 crois qu'il me serait difficile d'entrer dans les détails mais, pour

16 l'essentiel, je dirai qu'il y avait des groupes de chaque côté -des

17 Serbes, d'un côté, des Croates, de l'autre- qui menaient des attaques

18 armées les uns contre les autres. C'étaient des gens qui étaient un peu

19 entre des gangsters politiques et des forces paramilitaires; ils avaient

20 tendance à jeter des grenades devant les portes des uns ou des autres et,

21 en tout cas, intensifiaient la tension.

22 Le 2 mai, deux policiers croates ont ainsi été enlevés par des groupes

23 paramilitaires serbes. Les Croates ont réagi et, suite à ces incidents,

24 les autorités croates ont eu le sentiment qu'une embuscade avait été

25 montée contre les agents de police croates. Il y a eu des morts parmi les

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1 forces de police croates. Selon les rapports, un certain nombre d'agents

2 de police croates avaient été également mutilés. De nombreuses références

3 existent à cet égard avec les événements qui y ont eu lieu pendant la

4 Deuxième Guerre mondiale.

5 Question: Qu'est-ce que la Croatie a fait au moment où la Fédération a

6 éclaté?

7 Réponse: La Croatie, au moment où la Fédération a éclaté, a rapidement mis

8 en place un référendum sur l'indépendance. Le vote a abouti, à une très

9 forte majorité de voix, en faveur de l'indépendance. Et le 25 juin 1991,

10 la Croatie a déclaré son indépendance de la Fédération, en même temps que

11 le faisait également la Slovénie.

12 Question: Docteur Gow, j'aimerais que nous examinions maintenant le rôle

13 et les caractéristiques de l'armée populaire yougoslave, la JNA, dans la

14 République fédérative socialiste de Yougoslavie.

15 Selon la Constitution, quelle était la place des forces armées yougoslaves

16 au début du conflit armé de 1990?

17 Réponse: J'aimerais que vous me permettiez de vous donner un avis par

18 rapport à l'utilisation de ces termes "armée populaire yougoslave". Je

19 crois qu'il faut comprendre que nous sommes là en présence d'un mouvement

20 communiste et que le terme "populaire" peut donc avoir une signification

21 quelque peu différente de celle qui lui est donnée dans d'autres régions:

22 c'est un terme qui se rapproche plutôt de l'emploi qui en est fait en

23 Chine, en République populaire de Chine.

24 Quoi qu'il en soit, la JNA a fourni la première ligne de défense et,

25 ensuite, il y a eu mobilisation de la force de Défense territoriale,

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1 deuxième niveau de l'armée. Cette force territoriale était organisée par

2 le secrétaire à la force territoriale, qui existait dans chaque République

3 et qui avait pour mission de protéger la région dont elle était

4 responsable contre toute forme d'invasion. La JNA dépendait des autorités

5 fédérales; elle était placée sous le contrôle du ministère de la défense.

6 Outre son rôle de défense, elle avait également un rôle politique

7 important dans le cadre de la constitution de 1974. En effet, l'armée

8 était chargée d'une mission consistant à défendre l'ordre constitutionnel

9 de la RFSY. En conséquence de quoi, elle avait un rôle politique important

10 au sein de la Ligue des communistes yougoslaves, qui était le parti

11 communiste de Yougoslavie.

12 Question: Quelle était l'intention dans l'existence de ce système à deux

13 étages, qui caractérisaient les forces armées de la RFSY?

14 Réponse: L'objectif de ce système à deux étages consistait à disposer de

15 forces plus professionnelles, mieux capables de lutter contre une

16 invasion, y compris 24 heures sur 24, si nécessaire. En effet, le premier

17 étage intervenait et, ensuite, le deuxième étage, plus nombreux, était

18 capable de mener une guerre de guérilla et donc de garder le contrôle sur

19 le pays en cas de nécessité. Ce système était censé fonctionner de deux

20 façons, c'est-à-dire, en cas d'invasion par exemple, rendre l'occupation

21 plus difficile pour l'occupant éventuel, maintenir le contrôle sur le

22 pays. Cela, c'était par référence à ce que les partisans avaient fait

23 pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et puis, évidemment, le deuxième

24 aspect était la dissuasion, c'est-à-dire que, grâce à ce système,

25 l'objectif consistait à convaincre chacun que ce n'était pas la peine de

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1 tenter d'envahir le pays.

2 Question: Quel est le rôle que Tito pensait que la JNA pourrait remplir en

3 Yougoslavie, après sa mort?

4 Réponse: Je crois que la raison principale pour laquelle la JNA a pu

5 bénéficier de son rôle politique important après 1974, je crois que cette

6 raison est que Tito pensait qu'il allait mourir dans le cadre de cet

7 équilibre entre République et provinces qui, bien sûr, de temps en temps,

8 avaient des intérêts exclusifs et que la JNA, dans ce système, pourrait

9 représenter une idée pan-yougoslave, c'est-à-dire que, d'après Tito,

10 l'armée était la mieux à même de défendre une idée fédérative et non une

11 idée séparatiste.

12 Question: Est-ce que l'éclatement de la Fédération a eu une influence sur

13 la JNA?

14 Réponse: Le processus de désintégration a eu une incidence importante sur

15 la JNA, dans la mesure où la JNA a eu de plus en plus de mal à défendre

16 l'option pan-yougoslave sur le plan politique.

17 Il y a eu également incidence sur le plan de la composition de la JNA, à

18 savoir que la JNA était une armée multiethnique dont les cadres, la

19 représentation ethnique des cadres correspondait à celle des populations

20 dans le pays. Donc les tensions qui se déroulaient dans le pays se sont

21 reflétées également à l'intérieur de l'armée, en tout cas, au niveau des

22 conscrits et, peut-être dans une certaine mesure, au niveau des officiers

23 également.

24 Question: Si nous poursuivons, j'aimerais vous demander s'il y a eu des

25 modifications dans la structure des forces de la JNA, au moment de la

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1 désintégration du pays?

2 Réponse: A la fin de 1988, une modification est intervenue qui, par la

3 suite, devait devenir une modification très importante de la structure de

4 la JNA. Elle a été réorganisée; avant, elle était organisée sur base de

5 districts locaux et elle devenue organisée sur la base de districts

6 militaires, la grande de différence étant que, par exemple, pour la zone

7 de Vukovar, il y a eu un changement. Avant, Vukovar a été sous le

8 commandement de Zagreb, donc du district de l'armée de Zagreb; plus tard,

9 cette zone est tombée sous le contrôle du 1er district militaire dirigé

10 par Belgrade.

11 Je crois que cet événement a eu une très grande importance au moment où la

12 guerre a éclaté.

13 Est-ce que je pourrais vous demander de me remontrer la première carte, je

14 vous prie, pour vous donner plus de détails?

15 Si vous jetez un coup d'œil à la carte, vous voyez ici -je montre où se

16 situe la frontière entre la Croatie et la province autonome de Vojvodine,

17 qui appartient à la République de Serbie. Vous voyez également Vukovar.

18 Cette frontière est constituée par le Danube.

19 Je pense personnellement, je crois savoir que la frontière entre les

20 districts militaires était constituée par le fleuve, alors qu'après la

21 modification, le 1er district militaire s'est étendu au-delà du Danube

22 vers l'ouest et a donc inclus, intégré la ville de Vukovar.

23 Question: La JNA était donc sous le contrôle de Zagreb précédemment et ce

24 contrôle est passé entre les mains de Belgrade, c'est bien cela?

25 Réponse: Oui, exactement.

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1 Question: Merci beaucoup. Docteur Gow, quel était le principe de

2 répartition ethnique? Comment fonctionnait cette répartition?

3 Réponse: La Yougoslavie était un Etat complexe, fédéré, composé de

4 plusieurs républiques, avec des communautés ethniques multiples et

5 nombreuses. Il y avait donc un système de répartition ethnique pour les

6 secteurs clefs du pays. C'est-à-dire que, dans les grandes institutions,

7 on pratiquait une répartition correspondant à la répartition ethnique.

8 Pour la JNA, la tentative consistait à maintenir un équilibre, dans le

9 corps des officiers en particulier, équilibre ethnique donc. Mais la

10 tradition et les modes de recrutement faisaient que, traditionnellement,

11 il y avait un déséquilibre. Cette répartition n'a donc pas pu être

12 appliquée au niveau de l'ensemble des officiers mais, en tout cas, au

13 niveau du commandement suprême.

14 Question: Voyez ici la pièce à conviction n°12 pour l'accusation.

15 Pouvez-vous nous dire ce qu'est ce document, pour commencer?

16 Réponse: C'est un document qui vous montre deux tableaux indiquant quelle

17 est la composition ethnique au sein de l'armée populaire yougoslave, au

18 printemps 1991.

19 En haut de la page, vous avez un premier tableau où vous voyez les

20 pourcentages des différents groupes nationaux, au sein des officiers de la

21 JNA pour la première colonne et parmi la population yougoslave pour la

22 deuxième colonne.

23 Si vous regardez la première ligne, les Monténégrins, vous vous rendez

24 compte qu'ils sont représentés au sein des officiers de l'armée à raison

25 de 6,2%, alors qu'ils ne représentent que 2,4% de la population totale. Il

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1 y a donc déséquilibre favorable. De même, nous voyons Slovène 7,8% de la

2 population totale de la RSFY, alors qu'ils ne représentent que 2,8% des

3 officiers de l'armée.

4 Les Serbes: 36% de la population totale de la République fédérative

5 socialiste de Yougoslavie et 60% des officiers de la JNA.

6 Vous voyez donc les difficultés qui existaient en termes de répartition,

7 qui étaient le fruit de la tradition parce que, traditionnellement, les

8 Serbes étaient considérés comme des gens ayant tendance à entrer dans

9 l'armée davantage que les autres, alors que les Slovènes étaient

10 considérés comme ayant plutôt tendance à embrasser d'autre professions.

11 C'est ainsi que des déséquilibres se sont manifestés au sein de l'armée,

12 avec prédominance serbe.

13 Le deuxième tableau, au bas de la page, vous donne les chiffres absolus

14 pour chaque groupe démographique, au niveau des trois grades les plus

15 importants de l'armée: général, colonel et lieutenant-colonel.

16 C'est la même disproportion, le même déséquilibre que dans le tableau

17 précédent. On voit qu'il n'y a qu'un seul général albanais, alors qu'il y

18 a 77 généraux serbes. Les généraux, je crois, sont plus représentatifs de

19 ce mode de répartition ethnique, et vous voyez qu'au niveau des colonels

20 et lieutenants-colonels, les chiffres augmentent.

21 Question: D'où vient ce document?

22 Réponse: Ce document a été préparé sur mes instructions au Bureau du

23 Procureur, fondé sur des informations qui nous ont été remises par les

24 publications de la défense de la RSFY, donc "Ravija Obramba", un

25 périodique slovène de 1981. Des chiffres légèrement différents viennent de

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1 "Politika", mais non pas des chiffres intégraux. Un mois plus tard, ils

2 reflétaient dans l'ensemble la même situation.

3 Question: Quelle incidence a eu l'effondrement de la République sur le

4 conflit de 1991-1992 sur la composition ethnique de la JNA? Et sur la

5 composition ethnique?

6 Réponse: Eh bien, cette composition ethnique a été totalement remaniée par

7 le conflit armée, partant d'une armée où le corps des officiers était

8 principalement serbe mais, à l'évidence, multiethnique, et où l'élément

9 appelé était tout à fait multiethnique, et représentait bien les

10 différents groupements de la population. La grande majorité des non-Serbes

11 ont quitté le service de la JNA, aussi bien au niveau des officiers qu'au

12 niveau des appelés, au cours du conflit armé en Croatie. Donc, dès le

13 printemps 1992, on a estimé que, sur un total de 180.000 effectifs de la

14 JNA, proportionnellement en ce qui concerne les appelés répartis entre les

15 différentes communautés ethniques, d'ici 1992, 11%, je crois, de l'armée

16 dans son ensemble, y compris le corps des officiers, étaient des non-

17 Serbes. Ce chiffre comprend bien sûr les Monténégrins.

18 Question: J'aimerais que vous jetiez un coup d'œil sur ce document que

19 nous vous remettant. Ce document a trait justement à ce que vous venez de

20 dire.

21 Réponse: Le document est une représentation schématique illustrant ce que

22 je viens de dire. Vous y voyez en blanc le nombre de Serbes au sein de

23 l'armée dans son ensemble, et ce chiffre se situe, en juin 1991, à un peu

24 moins de 40%. Ce chiffre devient 90% en mars 1992. Cela indique bien

25 l'incidence sur la JNA, de facto, devenant une armée où tous les

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1 yougoslaves sont représentés en une armée où seuls les Serbes sont

2 représentés.

3 Pour un point de détail, en noir: la colonne en noir concerne les non-

4 Serbes et, en blanc, ce sont les Serbes. Le premier groupe, c'est mars

5 1991 et le second groupement, c'est mars 1992. Il y a donc une différence.

6 Cela illustre bien l'incidence très profonde du conflit armé sur la

7 composition de la JNA.

8 Question: Bien. Nous reprenons cette pièce que nous versons au dossier de

9 l'accusation.

10 Est-ce que la JNA est devenue serbe plutôt que pro-yougoslave à la suite

11 de cette évolution?

12 Réponse: Oui, des pressions ont été exercées pour ce faire sur la JNA.

13 La JNA, pourrait-on dire, à l'évidence, est devenue de facto pro-serbe à

14 la suite de la modification de la composition de l'armée. Il y a eu

15 également des pressions exercées de sources politiques, de plus en plus,

16 pour faire en sorte que la JNA devienne, agisse dans les intérêts serbes.

17 On peut dire que, bien que la JNA et ses dirigeants -et le leadership

18 serbe n'était pas un et unique- ont élaboré cette position qui s'est

19 alignée de plus en plus l'une sur l'autre et agissaient avec les mêmes

20 objectifs en tout cas.

21 Question: Du fait de cette réorientation de la JNA, n'est-elle pas devenue

22 en fait une force serbe en soi?

23 Réponse: On peut dire que, dans une grande mesure, la JNA est devenue de

24 facto une force serbe bien que d'aucuns, au sein du leadership de la JNA,

25 ont été réticents et ont refusé de devenir une force totalement serbe. La

Page 62

1 situation en fait était inévitable et elle est devenue effectivement une

2 force: même si elle était appelée yougoslave, elle agissait principalement

3 dans les intérêts de la République serbe.

4 Question: Quelles relations existait-il entre les forces paramilitaires et

5 la JNA?

6 Réponse: La guerre de dissolution de la Yougoslavie se caractérise par la

7 présence de différents groupes paramilitaires de divers types. Dans la

8 guerre en Croatie, et en Bosnie également, les groupes paramilitaires ont

9 agi, dans un certain sens, indépendamment mais très souvent en action

10 coordonnée avec la JNA. Si vous voulez, ils étaient des agents de la JNA

11 et ajoutaient un poids de main-d'œuvre.

12 Et du fait des désertions qui se retrouvent dans le graphique que nous

13 venons de voir et ainsi que je l'ai dit également, les non-Serbes vont

14 quitter l'armée; donc cette dernière manquait de main-d'œuvre et se

15 reposait davantage sur les paramilitaires dans certaines situations, tout

16 simplement comme fantassins.

17 Question: D'autres raisons pour laquelle la JNA a accepté l'insertion de

18 ces paramilitaires?

19 Réponse: Je crois que la raison principale pour laquelle elle a accepté

20 cette participation des paramilitaires, que la JNA a accepté cette

21 participation, c'est que ces derniers… Il y avait une guerre qui se

22 déroulait, qui était de plus en plus… D'un côté de cette guerre, on

23 exécutait des activités appuyant les intérêts de la cause serbe et ce, de

24 plus en plus, mais la JNA n'avait pas la main-d'œuvre pour ce faire. En

25 outre, il était important, en raison de l'identité yougoslave et puisqu'au

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1 sein du leadership de la JNA, on tentait encore de résister à la

2 "serbanisation" totale, on considérait que la JNA était une force non

3 serbe, yougoslave. Donc nombre des paramilitaires allaient lutter pour un

4 groupe appelé serbe mais qui ne serait pas du côté de la JNA et la JNA, à

5 l'époque, n'appuyait pas encore les intérêts totalement serbes.

6 Question: Y avait-il un manque de confiance au sein de la JNA, en ce qui

7 concerne les Serbes?

8 Réponse: Je ne comprends pas totalement votre question mais cela voudrait-

9 il dire que des éléments de la population serbe n'avaient pas confiance

10 dans la JNA en tant qu'institution pro-serbe? Oui, effectivement, c'est le

11 cas. Et c'est l'un des facteurs qui a indiqué pourquoi les groupes

12 paramilitaires sont arrivés dans une situation de transition. Ils ont pu

13 attirer l'appui paramilitaire de certains Serbes qui, encore une fois, ne

14 faisaient pas totalement confiance à la JNA à cet égard.

15 Question: Quel rôle les paramilitaires ont-ils joué en Croatie et, plus

16 précisément, à Vukovar?

17 Réponse: Plusieurs groupes paramilitaires se trouvaient dans la région de

18 Vukovar. Ces derniers comprenaient les "Tigres" sous la direction de

19 Zeljko Raznjatovic, connu sous le nom de guerre de "Arkan", les forces

20 Chetniks, ceux qui étaient nommés les "Aigles blancs", qui étaient dirigés

21 par Vojislav Seselj, selon certaines sources. Ces forces étaient

22 présentes, composées de beaucoup d'éléments criminels mais également comme

23 de fantassins de la JNA qui, encore une fois, manquait de soldats qui

24 auraient pu aller dans les zones renforcées et auraient pu mener des

25 actions que les paramilitaires ont effectivement exécutées.

Page 64

1 Cette situation ou la présence paramilitaire est venue aggraver la

2 déstabilisation. Je vous ai parlé d'incidents au mois de mai où les

3 paramilitaires ont pris part à ces événements. C'était une situation de

4 déstabilisation de la région, je le répète.

5 Cette déstabilisation s'est poursuivie. On peut dire que la tension entre

6 les groupes paramilitaires et l'autre bord ont abouti à la situation

7 particulière de Vukovar où certains éléments qui se sont déroulés ont été

8 plus intenses, dirai-je, que dans d'autres régions.

9 Question: Quelle a été la réaction de la JNA à la déclaration

10 d'indépendance de la Croatie dont vous avez parlé tout à l'heure?

11 Réponse: La JNA a repoussé, a rejeté la déclaration d'indépendance de la

12 Croatie et de la Slovénie. Elle s'est déployée, sur les instructions du

13 gouvernement fédéral, en Slovénie mais, parallèlement, a entamé des

14 activités en Croatie. De fait, son rôle relevait de ce que l'on appelait

15 la séparation des partis. Mais je dirai qu'elle est devenue l'appui de

16 l'effort serbe afin d'établir le contrôle des territoires en Croatie.

17 Question: C'est la manière dont elle a procédé à la guerre contre la

18 Yougoslavie pendant la seconde moitié de 1991?

19 Réponse: Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre question, Monsieur?

20 Question: Comment la JNA a-t-elle procédé à la guerre pendant la seconde

21 partie, le second semestre de l'année?

22 Réponse: Eh bien, la JNA a procédé en trois phases: la première, une

23 certaine incertitude quant aux événement ultérieurs, une campagne en deux

24 volets a été entamée au mois de juillet 1991, des préparatifs ont été

25 effectués pour différentes actions. Cela a été jusqu'en septembre. A cette

Page 65

1 période, les préparatifs ont été parachevés dès la fin d'août; dès le 15

2 août, dirais-je, une campagne a été entamée par la JNA, qui agissait

3 encore dans le cadre de la séparation des populations et donc pour établir

4 les frontières de nouvelles instances.

5 Le second volet: une fois que ces populations, principalement serbes,

6 étaient sous contrôle et contrôlées -mais la plupart de ces régions

7 étaient principalement serbes-, une fois que ces régions étaient amenées

8 sous contrôle, et les populations, on devait protéger selon la JNA; cela a

9 été le tremplin de la seconde phase des attaques lancées en Croatie afin

10 de renverser les autorités croates de Zagreb.

11 Pourrais-je ajouter un élément? La seconde phase, le second volet a été

12 abandonné au vu de la réalité de la situation dans laquelle se trouvait la

13 JNA.

14 Question: Pourriez-vous regarder maintenant le document que nous vous

15 remettons: la pièce 14? Que représente cette carte tout d'abord?

16 Réponse: C'est une carte qui indique d'abord la division territoriale

17 entre les républiques de la RFSY et les nouveaux Etats. Elle indique

18 également, en vert, des régions qui étaient sous contrôle serbe, vers la

19 fin 1991 et dont la plupart, ou du moins, à un moment où il y avait une

20 population serbe très importante, un point où il y a une population serbe

21 très importante.

22 En rouge, vous voyez, ici, de Mostar à Split, sur le littoral, l'axe

23 principal des déplacements de la JNA, selon le chef de la JNA, le général

24 Kadijevic, et les axes de ces actions qui couperaient la Croatie. C'est

25 dans le cadre de l'établissement d'un contrôle territorial au sein des

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1 frontières que vous voyez ici.

2 La JNA a également exécuté des actions en Slavonie orientale, la région

3 que je viens d'indiquer ici, près de Vukovar. Ces activités, alors que les

4 autres sortaient de bases de Croatie et de Bosnie, ces activités-là

5 étaient appuyées par les forces du 1er District militaire de Belgrade.

6 Alors que les autres régions indiquées en vert étaient principalement

7 serbes, démographiquement parlant, seule une petite partie de ce

8 territoire était principalement serbe, mais la JNA a saisi le contrôle de

9 parties très importantes de ce territoire, dont les zones arables de

10 Baranja.

11 Question: Et en vert, vous voyez les différentes sphères d'opération de la

12 JNA?

13 Réponse: La JNA avait trois campagnes distinctes pendant la guerre en

14 Croatie et, la Croatie étant un théâtre unique, les trois campagnes

15 distinctes étaient au sud.

16 Dans le détroit de Prevlaka, dans cette région, les activités sont presque

17 entièrement menées par la JNA à partir d'unités de Monténégro; d'ailleurs

18 les réservistes du Monténégro y ont participé. Cela, c'étaient des

19 opérations JNA, JNA seule.

20 Deuxième région, ici, en Bosnie, près de la Bosnie, y compris l'intérieur

21 des terres, la Dalmatie: donc des forces locales serbes de la JNA tirées

22 principalement de l'ancien système de Défense territoriale, ou en

23 conjonction avec des Serbes locaux avec la JNA.

24 Et troisième campagne, distincte encore une fois: la JNA principalement

25 appuyée par des forces paramilitaires qui n'étaient pas des forces locales

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1 mais qui venaient de l'autre côté de la frontière avec la Serbie. L'un des

2 groupes les plus importants, dont je vous ai parlé, c'étaient les Tigres

3 d'Arkan, qui avaient une base d'entraînement ici, en Croatie.

4 Donc chacune de ces campagnes a une caractéristique tout à fait

5 différente: l'une JNA uniquement, l'autre JNA et paramilitaires venant de

6 Serbie principalement. Ces derniers ont participé à différents

7 affrontements avant même la déclaration d'indépendance mais, de façon plus

8 importante, après la déclaration d'indépendance et ce, en conjugaison avec

9 la JNA.

10 Question: Comme point de référence, c'était pour 1991, comme moitié de

11 1991?

12 Réponse: La première action des groupes serbes se trouvait dans la région

13 de Knin, en août 1990, ensuite Pakrac en mars 1991, et ensuite Borovo Selo

14 en mai 1991. Mais après la déclaration d'indépendance, dans le cas de

15 Knin, des armes ont été remises aux Serbes locaux. Pour Pakrac, il y a eu

16 un déploiement à partir des casernes. Mais ce n'était qu'après la

17 déclaration d'indépendance que la JNA s'est déployée à partir de ces

18 casernes de façon très importante. Après août 1991, elle a réellement

19 commencé sa campagne pour établir le contrôle des territoires en

20 conjonction avec les divers autres groupes.

21 Question: Y a-t-il une action politique qui a été prise, parallèlement aux

22 opérations militaires de la JNA, en 1991, second semestre 1991?

23 Réponse: Oui, politique et même antérieure à ces différentes actions de la

24 JNA. J'ai indiqué qu'il y a eu certaines violences déployées par les

25 communautés serbes contre les Croates avant la déclaration d'indépendance,

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1 le 21 décembre 1990, dans la région de Knin: la région de Krajina autonome

2 a été déclarée par les autorités serbes locales, ce qui a été suivi, le 26

3 février 1991, au cours de l'effondrement qui était déjà engagé, par la

4 déclaration de l'autonomie de la Slavonie, de Srijem, où se trouve

5 d'ailleurs Vukovar, et de Baranja.

6 Et en décembre 1991, à la suite de six mois de combats en Croatie, ces

7 régions qui étaient sous contrôle serbe ont été consolidées par la

8 déclaration de la Republika Srpska Krajina, qui a été établie dans ces

9 régions en tant qu'instance politique distincte. Elle constituait partie

10 prenante de la Yougoslavie, Monténégro et Serbie qui n'avaient absolument

11 pas accepté ces dernières, qu'elles soient donc unies. Il y a eu donc

12 poursuite de la recherche d'une indépendance de la Croatie.

13 Question: Docteur Gow, pour revenir à des détails plus particuliers en ce

14 qui concerne la région de Vukovar en soi, quelle était la situation des

15 frontières entre Vukovar et Vojvodina à la suite de la Seconde Guerre

16 mondiale?

17 Réponse: La frontière entre la Croatie et la Vojvodine a été établie comme

18 étant une frontière entre la Croatie et la république de Serbie, mais

19 également la région autonome populaire de Vojvodine qui était à l'époque

20 serbe.

21 La frontière à l'issue de la Seconde Guerre mondiale a fait l'objet d'un

22 différend entre le conseil antifasciste et le parti croate de l'autre

23 côté, communiste croate qui, comme je vous l'ai dit, avait une

24 caractéristique indépendantiste, et donc entre la cellule communiste

25 régionale de Srijem en Serbie et la province autonome populaire de

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1 Vojvodine. Le noyau de ce différend était donc le comté de Vukovar qui

2 antérieurement se prolongeait en région de Vojvodine.

3 J'aimerais que l'on me remontre la carte de Banovina, cette carte ainsi

4 que la première carte des républiques yougoslaves.

5 Merci de votre patience. Vous voyez Vukovar ici; le comté de Vukovar

6 faisait partie donc de cette zone où la Banovina croate pénétrait pour

7 atteindre pratiquement la porte de Belgrade.

8 La deuxième carte, s'il vous plaît. Vous voyez ici la frontière entre la

9 Croatie et la région autonome populaire de Vojvodine; c'est donc une

10 partie de cette région qui a été étendue ensuite pour aller pratiquement

11 jusqu'aux portes de Belgrade. A ce moment-là, des divergences se sont

12 développées quant à l'emplacement de la frontière. La commission du

13 conseil antifasciste croate, placée sous la direction de Milovan Dilas,

14 l'assistant de Tito, a traité de cette question; il a été décidé que la

15 frontière devrait être constituée par le Danube malgré le fait qu'il y

16 avait une petite majorité serbe dans la partie nord du district de Vukovar

17 et que, malgré cela donc, pour toutes sortes de raisons géographiques et

18 économiques, le Danube continuerait donc à constituer la frontière entre

19 les deux régions.

20 Cette divergence a été très, très importante. Je crois me souvenir que

21 Vukovar a d'ailleurs été l'une des dernières régions contrôlées par les

22 Oustachis. C'est également une région de ce fait où des modifications, des

23 mouvements ethniques importants avaient eu lieu vers la fin de la guerre.

24 Deux mille Serbes environ avaient été tués dans cette région et dans les

25 villages environnants Vukovar, les Croates, les Oustachis ayant amené dans

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1 cette zone 2.000 personnes après le départ des Serbes. Le problème posé

2 par la frontière a donc été réglé par la commission dont j'ai parlé tout à

3 l'heure, mais n'a pas cessé de faire l'objet d'arguments divergents. Le

4 nettoyage ethnique dans la région avait donc été important; et lorsque la

5 JNA a encerclé la zone, il y avait un village qui avait une majorité

6 croate.

7 Mais du côté de la Vojvodine, de l'autre côté de la frontière, en

8 septembre 1991, je crois, la JNA a décidé d'encercler la population

9 croate. C'est avec l'aide de la communauté internationale que cette

10 population a finalement été transportée de Vojvodine en Croatie. Donc il y

11 a eu mouvement de population dans le cadre du nettoyage ethnique à ce

12 moment-là. Je crois avoir déjà dit qu'à la fin de la Seconde Guerre

13 mondiale, cette zone a fait l'objet de controverses et qu'il est probable

14 que certaines de ces controverses se soient poursuivies jusque dans les

15 années 1990.

16 Question: Les événements de 1991: quand est-ce que la JNA a pris fait et

17 cause pour les Serbes dans le siège de Vukovar?

18 Réponse: Je ne crois pas être capable de dire, avec une assurance totale,

19 quel est le moment où la JNA a pris fait et cause pour les Serbes dans le

20 siège de Vukovar, mais il est tout à fait clair qu'à partir du 19 août,

21 date à laquelle -je l'ai déjà dit- la première phase des opérations de la

22 JNA a pris effet et que la JNA a commencé à travailler avec les forces

23 serbes, le siège de Vukovar ayant commencé aux alentours du 24 août, donc

24 dans cette période qui a suivi le 19 août.

25 C'est tout ce que je peux dire, je ne peux pas en dire plus.

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1 Question: Quels types de forces serbes ont été utilisées dans l'attaque

2 contre Vukovar?

3 Réponse: Dans la région de Vukovar, les Serbes ont utilisé des groupes

4 paramilitaires et puis, il y a eu également des opérations combinées,

5 réalisées par certaines unités de la JNA associées à des forces terrestres

6 et à des forces navales.

7 Question: A combien se montent environ les forces de la JNA impliquées

8 dans le siège de Vukovar?

9 Réponse: Les estimations que j'ai pu voir varient: certaines citent le

10 chiffre de 50.000 personnes, d'autres situent ce chiffre aux alentours de

11 30.000. Je ne crois pas que quiconque, étranger à la JNA et ne disposant

12 donc pas des documents officiels, puisse établir ce chiffre avec

13 certitude.

14 Question: De quoi étaient majoritairement composées ces troupes?

15 Réponse: La plupart étaient composées des forces du 1er District de

16 Belgrade avec les unités du 12e Corps basé à Novi Sad, en particulier

17 également des unités du 24e Corps stationné à Kragujvac. Il y avait

18 également des gardes d'élite de Belgrade et des troupes du 5e Corps de

19 Tuzla ainsi que des forces provenant des deux corps stationnés à Tuzla, 3e

20 District militaire.

21 Question: Qu'utilisait la JNA? Quel type d'armes?

22 Réponse: Toutes sortes d'armes ont été utilisées par la JNA dans le siège

23 de Sarajevo.

24 Question: Le siège de...

25 Réponse: Excusez-moi, excusez-moi, je suis tellement habitué. Le siège de

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1 Vukovar, bien sûr. Toutes sortes d'armements avec des mortiers lourds, de

2 calibres 80mm et 120mm, notamment, et puis beaucoup d'artillerie lourde de

3 105 à 155mm de calibre. La JNA possédait un grand nombre de chars, les

4 Croates ont prétendu avoir détruit 200 chars de la JNA -je ne sais pas si

5 c'est un chiffre crédible-, des chars T45, T55, MT4 de production

6 yougoslave, dernière génération également. Et puis, il y avait également

7 les forces navales du Danube. Un usage important a été fait des forces

8 aériennes à certains moments. Des avions ont donc été utilisés pour

9 bombarder Vukovar.

10 Question: Quelles étaient les troupes croates qui ont résisté aux forces

11 serbes approximativement?

12 Réponse: Là encore, je dirais qu'il est difficile de citer des chiffres

13 précis. Selon certaines estimations, les plus importantes, les forces de

14 défense croates seraient montées à 5.000 personnes. Mais la plupart des

15 sources citent des chiffres de 1.500 à 1.800 personnes; Milke Dedakovic en

16 particulier cite ce genre de chiffres. Mais la situation n'est pas très

17 claire parce que je vous ai dit tout à l'heure qu'il y avait trois groupes

18 différents du côté croate qui combattaient dans Vukovar.

19 Question: Quel était le statut de ces forces croates au début des

20 hostilités?

21 Réponse: Au début des hostilités, les forces croates pour l'essentiel

22 étaient assez mal préparées. J'ai dit qu'il existait trois groupes

23 différents. L'un d'entre eux était un groupe paramilitaire croate, le

24 conseil de défense croate HDZ; le deuxième groupe avait des liens avec les

25 forces de police locale et faisait partie de la garde nationale; le

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1 troisième élément était les forces de défense organisées par Dedakovic,

2 que j'ai déjà évoqué.

3 Aucune de ces forces n'était bien équipée pour mener une guerre au début

4 des hostilités, mais au fil de la guerre, ces forces se sont mieux

5 équipées. Cela étant, sur le plan des armements, elles étaient tout à fait

6 dépassées par les armements que possédaient les forces serbes. Les forces

7 croates possédaient quatre ou cinq pièces d'artillerie selon les

8 estimations les plus courantes et peut-être peut-on dire qu'elles ont

9 réussi à capturer un certain nombre de chars. Mais, pour l'essentiel,

10 elles avaient des armes antichars manuelles, qui n'étaient disponibles

11 qu'en faible quantité et qui avaient été parachutées aux forces croates

12 dans les zones qui permettaient d'accéder à Vukovar au début du siège.

13 M. Niemann (interprétation): J'ai encore six questions à poser, Monsieur

14 le Président, mais je pourrai le faire après le déjeuner, si vous le

15 préférez, ou alors nous continuons.

16 M. le Président: Monsieur le Procureur, dans la mesure où les membres du

17 Tribunal le désireront, y compris le Président, poser quelques questions

18 au témoin et, comme vous-même avez encore six questions, je propose, comme

19 nous en étions convenus, de surseoir et de lever l'audience qui reprendra

20 à 14 heures 30. L'audience est levée.

21 (L'audience est suspendue.)

22 M. le Président: Monsieur le Procureur.

23 M. Niemann (interprétation): Merci Monsieur le Président.

24 Docteur Gow, pendant votre déposition avant la pause pour le déjeuner,

25 nous parlions de la région connue sous le nom d'Ilok, d'après ce que j'ai

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1 compris. Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

2 M. Gow (interprétation): Oui, effectivement, j'aimerais ajouter pour

3 élucider la chose que lorsque je parlais de la région objet d'un

4 différend, je me référais plus particulièrement à l'adjudication, à la

5 décision du comité, du conseil antifasciste en 1945/1946 sur la frontière

6 entre la République de Croatie et la province autonome de Vojvodine.

7 C'était donc cette décision où Ilok devrait relever de la province de

8 Vojvodine. J'ajouterai également que la ville d'Ilok est à l'heure

9 actuelle en République de Croatie.

10 Si je pouvais ajouter autre chose, pour ajouter un point de correction, je

11 crois que par erreur j'ai indiqué que Borisav Jovic était le représentant

12 auprès de la présidence collégiale et j'ai dit qu'il y avait également M.

13 Mesic. Monsieur Mesic était en fait le représentant croate et, vous en

14 conviendrez, il s'agit là d'un distinguo très important à établir.

15 Question: Nous parlions donc avant le déjeuner plus précisément des forces

16 croates défendant Vukovar, leur composition, etc., leur ampleur, et

17 j'aimerais que vous nous disiez, si vous le pouvez, d'où venaient les

18 forces croates? Vous avez déjà, je crois, parlé de la chose précédemment.

19 Réponse: J'étais sur le point de dire donc avant le déjeuner, d'après ce

20 que j'ai compris il y avait trois grands groupes croates de la ville: l'un

21 paramilitaire connu sous le nom de HOS, la ligne de défense croate,

22 l'autre étant organisé par la police et le ministère de l'Intérieur ZNG,

23 et je cite le nom d'origine, la garde nationale croate, et ensuite le

24 dernier groupe le plus important, les forces de défense organisées au

25 niveau local par Mile Dedakovic. Pardon, j'aimerais ajouter, je l'ai dit,

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1 ces forces comprenaient 1800 hommes plus probablement armés bien sûr.

2 Question: Vous avez dit donc armés, et les armes étaient disponibles?

3 Quelles étaient-elles pour les Croates?

4 Réponse: Les forces croates, je crois, avaient un petit nombre de pièce

5 d'artillerie lourde qui était à leur disposition, quatre ou cinq, ce que

6 l'on appelle les gros canons, et quelques chars qu'ils avaient saisis

7 auprès des forces de la JNA. Mais ils s'appuyaient principalement sur des

8 armes légères ou encore des armes antiblindés d'épaule. C'est ce que j'ai

9 dit avant le déjeuner, c'est-à-dire qu'ils avaient obtenu, ils étaient

10 approvisionnés en traversant soit les champs de maïs, soit par des

11 larguages par parachute. C'était donc un petit volume par rapport bien sûr

12 aux forces qu'ils encerclaient.

13 Question: Et quel était le rapport entre les Serbes et les Croates à cet

14 égard?

15 Réponse: Selon certaines estimations, entre 1800 ou peut-être même allant

16 jusqu'à 5000 personnes, et ça c'est peu probable, dans les forces croates

17 dans la ville et les 30 000 Serbes qui les encerclaient alliés bien sûr à

18 la JNA, c'était de 1 à 15 en ce qui concerne les effectifs, avec une

19 petite brigade organisée au sein de Vukovar du côté croate, et deux

20 groupes opérationnels organisés en dehors de la ville et qui étaient du

21 côté serbe JNA. L'un au nord, dirigé par le général Biorcevic, et de

22 l'autre côté M. Mrksic. Je crois que ce rapport était de 1 à 15, je

23 dirais. En ce qui concerne les armes, la différence était énorme. Les

24 différences allaient de 1 à 100, je dirais.

25 Question: Enfin, est-ce que la JNA a atteint son objectif à Vukovar?

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1 Réponse: La JNA et ses alliés serbes dans ce contexte, je crois, ont

2 atteint ces objectifs à Vukovar dans la mesure où les Serbes avaient

3 choisi Vukovar pour être la capitale de la région autonome serbe

4 autoproclamée de la Slavonie orientale, Baranja et de Srijem. Donc ce

5 serait une ville détruite et elle aurait été la capitale.

6 Du point de vue de la JNA, elles étaient assurées Vukovar, la région qui

7 serait un territoire serbe, et donc cela remplirait l'un des objectifs

8 principaux de la JNA, selon le général Kadijevic, c'est-à-dire de protéger

9 les Serbes et de saisir une région dont il aurait le contrôle. La JNA, je

10 crois, n'a pas rempli son objectif pour créer le tremplin d'une défensive

11 par la Slavonie vers Zagreb en raison des défections des appelés et des

12 développements également de l'environnement international, et je crois

13 qu'il faudrait le reconnaître. Mais en ce qui concerne la prise de

14 contrôle de Vukovar, oui, l'objectif a été rempli.

15 Question: Et quand ce contrôle a-t-il été acquis?

16 Réponse: Vukovar s'est rendu le 18 novembre 1991.

17 M. Niemann (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

18 questions à poser.

19 M. le Président: Merci, Monsieur le procureur, je me tourne vers mes

20 collègues Juges. Madame le Juge?

21 (Questions de Mme le Juge Benito au témoin.)

22 Mme Benito (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 Docteur Gow, pourriez-vous dire au Tribunal ce qui s'est passé en ce qui

24 concerne les Musulmans pendant la Seconde Guerre mondiale, à la suite de

25 la guerre également?

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1 M. Gow (interprétation): Si vous me posez la question sur les Musulmans,

2 la communauté musulmane dans l'intégralité de la Yougoslavie?

3 Question: Oui certes.

4 Réponse: En Bosnie-Herzégovine certains des Musulmans, presque

5 certainement, ont pris le parti de l'Oustasha et des puissances de l'axe,

6 et la division SS se composait d'ailleurs pour la plupart de volontaires

7 musulmans.

8 D'un autre côté, dans d'autres régions de la Bosnie, d'autres Musulmans,

9 des milliers de Musulmans ont été massacrés par les Serbes et les

10 Tcheniks. Il y a donc eu différents schémas au sein de la population en

11 Bosnie et dans le Sandzak, certains faisant bord avec les partisans, les

12 autres avec les puissances de l'axe de cette manière. Ce qui a donné

13 certains problèmes en Bosnie qui se sont d'ailleurs poursuivis après la

14 guerre.

15 A mon sens, tout particulièrement, il y a la question ayant trait au

16 contexte du débat sur les crimes de guerre qui sont présumés avoir été

17 exécutés en 1991 en Croatie, et particulièrement dans la région de Bihac

18 où les Musulmans de cette région ont été jugés comme étant extrêmement

19 difficiles, si vous voulez, comme groupe démographique, et à un moment

20 donné on a dit mais cela a toujours trait à la Croatie, à la fin de la

21 guerre, la République de Bosnie, que la région de Bihac devait être remise

22 à la Croatie, ce qui n'a pas été le cas.

23 J'espère que ma réponse vous satisfait, Madame, sinon je développerai.

24 Mme Benito (interprétation): Non, merci.

25 (Questions de M. le Juge Riad au témoin.)

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1 M. Riad (interprétation): Docteur Gow, j'aimerais vous poser plusieurs

2 questions au vu de votre exposé historique extrêmement intéressant

3 d'ailleurs. Vous avez dit, d'après ce que j'ai compris, que les Oustachis

4 et donc les Croates responsables ont déclaré qu'ils prévoyaient tuer, et

5 je cite: "Un serbe sur trois, ou les convertir à l'orthodoxie". Jusqu'où

6 a-t-on appliqué ce principe et a-t-il été appliqué uniquement aux Serbes

7 mais également aux Serbes et aux Musulmans bosniaques?

8 M. Gow (interprétation): Le programme a effectivement été mis en oeuvre et

9 il est clair qu'un grand nombre de Serbes ont été exécutés.

10 Le nombre de Serbes victimes bien sûr fait l'objet d'un différend et dans

11 mon témoignage j'ai bien dit que l'une des caractéristiques de la

12 Yougoslavie communiste de Tito après 1945 était que nombre des événements

13 de la Seconde Guerre mondiale n'ont pas été... les responsables n'ont pas

14 été trouvés si vous voulez, et donc les Serbes soit tués pendant la guerre

15 ou à la suite du programme de l'Oustacha, il est tout à fait difficile à

16 définir ce nombre. On peut dire toutefois que c'était un grand nombre de

17 victimes.

18 Au-delà de cela, un grand nombre ont été expulsés des territoires sous le

19 contrôle croate, mais nombre d'entre eux sont restés combattants soit dans

20 les petits groupes avec les Tcheniks ou surtout avec les

21 partisans.L'Oustacha n'était pas exclusivement conçu pour éliminer les

22 Serbes bien que les Serbes étaient le plus grand groupe en Croatie et

23 qu'ils sont devenus le point de mire de cette activité. Les camps établis

24 par l'Oustacha, dont certains d'ailleurs étaient des camps de la mort,

25 comprenaient des Croates anti-Oustachis, des Juifs et d'autres groupes,

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1 mais c'était principalement le groupe qui a été emmené dans les camps.

2 C'étaient donc les Serbes.

3 Les Musulmans bosniaques, certains se sont alignés sur le régime de

4 l'Oustachi et encore une fois faisaient partie des divisions SS, d'autres

5 s'opposaient, se sont opposés au régime croate Oustachi. J'aimerais

6 élucider, si ce n'est pas clair à partir de la carte que je vous ai

7 montrée tout à l'heure, que l'Etat indépendant de la Croatie a englobé une

8 grande partie de la Bosnie-Herzégovine et la Slavonie. Il y a eu des

9 régions où il y a eu action contre les Musulmans principalement parce que

10 ces derniers avaient pris le bord des partisans.

11 Question: Pourriez-vous assimiler ce comportement à la notion de

12 nettoyage, de purification ethnique et considérer qu'il s'agissait là de

13 la première apparition de ce nettoyage ethnique dans l'ex-Yougoslavie?

14 Réponse: Il nous faut sans doute convoquer un séminaire sur la

15 signification même de cette purification ethnique car ce terme, selon

16 d'aucun, devrait s'appliquer à l'agencement entre la Turquie et la Grèce

17 et les échanges pacifiques de population pour la bonne raison que l'on a

18 purifié en quelque sorte les territoires.

19 En termes contemporains toutefois, l'appelation est associée à l'expulsion

20 par la force, y compris d'ailleurs des exécutions de démonstration, de

21 certains groupes démographiques. Dans ce contexte, on peut tout à fait

22 dire que le programme de l'Oustacha, y compris les camps, était

23 effectivement une manifestation d'un programme de nettoyage, de

24 purification ethnique, ceux qui à de nombreux égards, pourrait-on dire,

25 étaient du côté serbe dans les années 1990, qui était en cours. Il y a

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1 même des indices que ce terme de "nettoyage ethnique" a été utilisé dans

2 les documents croates à l'époque. Je n'ai pas vu les documents d'origine,

3 et je ne puis donc m'assurer que c'était bien le cas.

4 Question: Seconde question. J'entens un écho, est-ce que cela vous

5 dérange?

6 Réponse: Pas de problème.

7 Question: Vous avez dit que la JNA a participé à l'attaque contre Vukovar.

8 Pensez-vous qu'il y ait des indices quelqu'ils soient qu'elle avait des

9 ordres du commandement supérieur ou que c'était tout simplement une action

10 spontanée?

11 Réponse: Il serait très difficile à mon sens d'imaginer qu'il s'agisse là

12 d'une action spontanée. Tout militaire expérimenté vous dirait qu'il n'est

13 pas possible d'organiser des unités, ne serait-ce que dans un district, et

14 donc encore davantage d'autres unités, de façon spontanée, de les

15 positionner de façon à encercler une ville et de procéder au siège de la

16 ville, et ce pendant trois mois, et de faire en sorte que ces forces

17 soient approvisionnées. Donc je présume simplement en regardant les choses

18 qu'une force déployée de la manière ne peut absolument pas être considérée

19 comme prenant part à une action spontanée.

20 En outre, j'ajouterai qu'avant que le Tribunal n'ait commencé ses

21 questions, il y avait deux groupes opérationnels, je l'ai dit, dans la

22 région, déployés par la JNA, et cela en soi relevait de Biorcevic, l'autre

23 du commandant Mrksic, ce qui indique en soi qu'il y avait effectivement un

24 contrôle de la JNA serré de cette situation à l'époque. Et j'ajouterai en

25 outre qu'il y avait des preuves qui ont été d'ailleurs projetées à la

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1 radio télévision de Belgrade, des différents commandants, non seulement du

2 commandant Biorcevic et du commandant Mrksic, mais également du commandant

3 du 1er district, M. Zivota Panic, qui est ensuite devenu le chef d'état-

4 major de l'armée yougoslave, qui étaient présents. Donc je ne parle pas de

5 la JNA mais de l'armée qui a été son successeur. Aujourd'hui il est

6 retraité, le général Panic qui était alors commandant du 1er district avec

7 le commandant Mrksic qui est félicité par le secrétaire de la défense, son

8 assistant, et également le chef d'état-major après la chute de Vukovar.

9 Donc ceci indique bien que l'on ne peut pas un instant douter qu'il

10 s'agisse d'une opération de l'ex-JNA qui n'aurait pu être spontanée, et

11 que cela a été organisé et avalisé par les mécanismes du commandement.

12 Question: Ou encore par les dirigeants politiques?

13 Réponse: Je présumerai qu'il y aura eu un aval politique. Cela n'aurait pu

14 se dérouler sans qu'il y ait une organisation et des ordres venant du

15 commandement militaire. A mon sens, j'ai peu de doute que cela a été

16 organisé, avalisé et autorisé donc par les autorités politiques également.

17 Un des indices à cet égard se retrouve, je présume, dans les mémoires du

18 représentant croate à la présidence fédérale aux dernières étapes de la

19 Yougoslavie, M. Mesic, qui cite la manière dont le général prenait ses

20 ordres du représentant du Monténégro, M. Kostic, qui représentait à

21 l'époque la présidence de la RSFY, et l'on essayait de démontrer qu'il y a

22 eu poursuite de cette République et que les représentants constituaient

23 une collégialité de la Serbie, du Monténégro et des deux provinces, Kosovo

24 et Vojvodine, et donc qu'il s'agissait là d'une direction et que le

25 général Kadijevic relevait de M. Kostic, et donc que par la même il y a

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1 une certaine structure d'ordre.

2 Question: Ma dernière question. Vous avez indiqué l'importance de Vukovar

3 en ce qui concerne les Serbes. Au vu de cette importance, à votre sens,

4 quel aurait été le but ultime de l'attaque contre Vukovar?

5 Réponse: Le but serbe principal, selon moi, aurait été d'occuper Vukovar

6 et d'expulser les non-Serbes, les populations non loyales. Un exemple de

7 la pratique dont nous voyons nombre d'exemples par la suite en Croatie,

8 mais également en Bosnie-Herzégovine, c'est ce que l'on appelle donc la

9 purification ethnique. Le but étant d'expulser les populations civiles

10 afin de pouvoir saisir la région, afin de former les frontières des

11 territoires qui devaient faire partie de la Republika Srpska Krajina,

12 précédemment déclarée région autonome serbe, la Slavonie, Baranja et

13 Srijem.

14 Je crois que la preuve, les preuves en seraient que ce fut bien le cas,

15 l'objectif étant de créer un territoire pour les Serbes et de faire en

16 sorte que Vukovar en fasse partie, et donc d'éliminer les populations non-

17 serbes. Il y avait un objectif secondaire pour la JNA, c'est-à-dire le

18 tremplin d'attaque pour la Slavonie par Zagreb, option du deuxième volet

19 donc de la campagne de la JNA qui n'a jamais été mise en oeuvre.

20 En termes serbes de la JNA donc: éliminer les populations et faire en

21 sorte que la ville fasse partie de ce territoire relevant du contrôle

22 serbe; la seconde option étant uniquement pour la JNA et je crois que les

23 communautés serbes ne l'ont pas appuyée suffisamment pour que cela

24 devienne une possibilité ou une réalité.

25 M. Riad (interprétation): Merci.

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1 (Questions de M. le Président au témoin.)

2 M. le Président: Monsieur Gow, en complément des questions qui viennent

3 d'être posées,, en définitive vous pouvez me confirmer qu'au fond il y a

4 bien eu un plan concerté sur Vukovar et une attaque systématique.

5 M. Gow (interprétation): Je puis confirmer qu'il y avait des forces de la

6 JNA et des paramilitaires serbes volontaires déployés afin d'encercler

7 Vukovar en qualité de ville, que le déploiement de ce type n'aurait pu

8 s'instituer sans des préparatifs, sans une organisation de certaines

9 structures et filières de commandement.

10 Je confirmerai également que selon le secrétaire de la défense de

11 l'époque, le général Kadijevic, l'objectif consistait à fournir une région

12 pour les Serbes et que Vukovar aurait été l'élément clé de ce territoire;

13 et ainsi Vukovar et la région de la Slavonie auraient été un aspect

14 extrêmement important du premier volet du plan que la JNA avait décidé au

15 second semestre de 1991, c'est le projet de créer des frontières de

16 nouveaux territoires qui relèveraient de la Yougoslavie fédérale ou de sa

17 poursuite en tout cas.

18 Question: Vous confirmez également qu'il y a des traces écrites ou en tout

19 cas radiophoniques de déclarations des supérieurs de ceux qui sont

20 aujourd'hui mis en accusation, qui ont fait part de leur satisfaction de

21 l'attaque réussie sur Vukovar? Vous confirmez les références que vous avez

22 données sur ces déclarations?

23 Réponse: Je suis en mesure de confirmer que des preuves télévisées

24 existent du fait que le secrétaire de la défense, le général Kadijevic, et

25 le général Adzic, son suppléant, ont félicité le général Panic ainsi que

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1 les deux commandants Mrksic et Biorcevic après la chute de Vukovar.

2 Question: De façon plus générale, Monsieur Gow, quelle était l'attitude

3 des grandes puissances occidentales dans ces années-là, 1991, autour de la

4 déclaration d'indépendance? Comment pouvez-vous la caractériser?

5 Réponse: Merci, Monsieur le Président, de me poser cette très vaste

6 question. Je crois pouvoir dire que l'environnement international dans

7 lequel la déclaration d'indépendance s'est située avec la dissolution de

8 la Yougoslavie était tel que l'on peut parler d'un état de grande

9 insécurité, avec un certain nombre de gens qui étaient très réticents à

10 voir la Yougoslavie se démembrer, notamment en raison du fait que la

11 Yougoslavie était considérée par eux comme une petite version de ce qui

12 s'est passé en plus grand en Union Soviétique.

13 Donc de la part des différents pays de l'Union européenne et de la

14 communauté internationale dans son ensemble, en tout cas d'une majorité

15 d'Etats à l'époque, des avis très divers existaient. Certains étaient soit

16 opposés, soit étaient réticents à la dissolution de la Yougoslavie pour

17 finalement, dans les mêmes pays, aboutir à l'idée que cette dissolution

18 était inévitable. Je crois que cela est visible dans la conférence de

19 l'Union européenne organisée sous l'égide de Lord Carrington, ici même à

20 La Haye, conférence dans laquelle des tentatives ont été faites pour

21 essayer de préserver une Yougoslavie après la séparation d'un certain

22 nombre d'Etats yougoslaves.

23 Mais je crois tout de même qu'au bout d'un certain temps chacun en est

24 arrivé à penser que la dissolution de la Yougoslavie devrait être

25 acceptée. La question qui se pose simplement et qui se posait, c'était

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1 simplement de savoir à quelle époque cette réalité devrait être admise.

2 Bien entendu, je puis vous donner des détails supplémentaires si vous avez

3 des questions plus précises à me poser ou si vous souhaitez que je vous

4 donne davantage de détails.

5 Question: Ma question était relativement simple, c'était de savoir si

6 finalement les grandes puissances, en soutenant l'indépendance ou en ayant

7 telle ou telle attitude, ont favorisé les menées visant au panserbisme ou

8 au pancroatisme, ou au contraire ont eu une attitude de prudence et de

9 respect des entités culturelles, ethniques et religieuses.

10 Autrement dit, est-ce qu'à votre avis en tant qu'expert politologue, vous

11 estimez qu'au fond les grandes puissances mondiales planétaires ont un peu

12 joué avec le feu, ou est-ce que vous pensez qu'au fond tout ceci était

13 inscrit dans la fatalité des Balkans, comme vous nous l'avez très bien

14 décrit au fond depuis peut-être plusieurs centaines d'années?

15 Réponse: Je pense, et c'était sans doute inévitable, que les grandes

16 puissances ont joué avec le feu puisque nous étions face à un conflit

17 armé, à une guerre, à une situation difficile donc et que se posaient des

18 problèmes de rétablissement de l'ordre international. Le problème de

19 l'ordre international était donc remis en cause d'une certaine manière à

20 l'époque.

21 La conférence de la communauté internationale qui s'est déroulée sous

22 l'égide de M. Badinter, représentant de la France, à mon avis a contribué

23 à rendre les choses plus claires et a facilité pour la communauté

24 internationale et plus précisément pour la Communauté européenne une

25 meilleure compréhension des processus qui pourraient être mis en oeuvre

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1 pour traiter de la situation. Une situation dans laquelle par exemple il

2 n'était plus possible de maintenir en existence un Etat composé de toutes

3 les Républiques, mais où il existait néanmoins la possibilité de permettre

4 aux éléments fédératifs de maintenir une certaine souveraineté et de

5 réaliser un certain degré de fédération.

6 Donc de ce point de vue, je dirai que les Etats étrangers ont pour

7 l'essentiel été prudents. Il est largement admis que l'Autriche avant la

8 déclaration d'indépendance et l'Allemagne très peu de temps après la

9 déclaration d'indépendance, mais en tout cas le 24 août, étaient très

10 ouvertes à la possibilité pour la Yougoslavie de reconnaître

11 l'indépendance des Républiques. D'autres commentateurs à l'autre extrême

12 déclarent que la France et l'Espagne en particulier, jusqu'à une date

13 assez avancée, en tout cas jusqu'à la fin de l'année, démontraient pas mal

14 de réticences face à la dissolution de la Yougoslavie, ce qui montre qu'il

15 existait des divergences.

16 La France a un gouvernement très centralisé. L'Allemagne, au contraire, a

17 un système gouvernemental très décentralisé, donc cela explique peut-être

18 les divergences. Pour ce qui concerne l'Espagne, je dirai peut-être que

19 des questions plus précises se posaient étant donné l'existence de la

20 Catalogne et du pays Basque en Espagne. C'est peut-être ce qui explique

21 que l'Espagne avait un peu de difficulté à admettre un tel processus.

22 Badinter a, je crois, permis, a jeté quelque lumière sur les processus en

23 cause et a donc peut-être aidé la communauté internationale à accepter la

24 transformation de la Yougoslavie du point de vue des frontières en faisant

25 remarquer que les frontières demeuraient inchangées, ce qui n'aurait pas

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1 forcément été le cas en Catalogne et au pays Basque. Mais ces pays

2 étrangers étaient eux-mêmes dans une situation difficile à l'époque de la

3 transition yougoslave, tous les regards étaient tournés vers l'Union

4 Soviétique, vers ce qui s'était passé pendant la guerre du Golfe qui avait

5 marqué les esprits en 1990/1991, donc ces Etats ont peu à peu et avec une

6 certaine prudence fini par admettre une interprétation particulière des

7 événements, interprétation qui a amené certains pays à être caractérisés

8 comme pro-serbes et d'autres comme pro-croates pendant la guerre en

9 Croatie.

10 Je ne suis pas absolument sûr pour ma part qu'il soit particulièrement

11 indispensable de caractériser les événements dans ces termes étant donné

12 qu'aucun Etat ne pouvait réellement rentrer dans cette définition étroite

13 de pro-serbe ou de pro-croate, à mon avis.

14 Je conclurai simplement en disant qu'à mon avis le problème le plus

15 important à la fin de 1991 ne consistait pas à reconnaître l'indépendance

16 des pays qui la demandaient, mais résidait plutôt dans la date de cette

17 reconnaissance, dans le fait d'établir un cadre de reconnaissance

18 mutuelle. C'est cela qui a donné lieu à de grandes divergences au sein de

19 la Communauté européenne avec l'Allemagne et le Danemark d'un côté, si je

20 me souviens bien, et d'autres pays de l'autre côté, à la fin de 1991, en

21 décembre. J'espère que ma réponse est utile.

22 Question: Je voudrais poser une autre question à M. Gow. C'est au sujet

23 des milices, vous avez fait allusion aux milices armées, vous avez même

24 cité des noms. Est-ce que dans vos études, vous qui connaissez bien cette

25 région, ces milices sont restées longtemps constituées après les

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1 événements comme ceux de Vukovar? Est-ce qu'elles ont été dissoutes? Quel

2 était le sort de ces milices finalement? Est-ce qu'elles existent toujours

3 plus ou moins clandestinement? Comment cela s'est passé? Elles semblent

4 avoir joué quand même un grand rôle.

5 Réponse: C'est une question à laquelle il est extrêmement difficile de

6 répondre. Sous le terme milice ou groupe paramilitaire, on peut parler de

7 phénomènes très divers en fait. Dans la région de Knin en Krajina, qui

8 était majoritairement serbe, une identité serbe locale prévalait même s'il

9 y avait des Serbes venant de l'extérieur.

10 Vous le savez sans doute, en août 1995, les forces croates ont attaqué la

11 région de Krajina et les forces serbes ont été contraintes de s'en

12 retirer, elles ne sont donc plus présentes dans cette région.

13 Les groupes paramilitaires, et j'en ai mentionné quelques uns dans la

14 région de Vukovar, les Tigres d'Arkan par exemple, ne sont pas présents

15 dans la région à ma connaissance en ce moment. Est-ce qu'elles n'existent

16 plus? Je ne peux pas l'affirmer avec certitude. Tout dépend de la façon

17 dont elles sont organisées. Etant donné cette structure d'organisation,

18 elles peuvent très rapidement se trouver présentes si la situation le

19 requiert, si certains dirigeants ou certaines autorités politiques

20 auxquels ces groupes sont liés exigent leur présence par exemple. Mais

21 pour le moment, je crois pouvoir dire que ces groupes ne constituent pas

22 une caractéristique significative dans la région et brillent plutôt par

23 leur absence.

24 Question: Merci. Je crois que nous voici à la fin des questions, celles du

25 procureur bien sûr et puis celles complémentaires du Tribunal. Monsieur

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1 Gow, le Tribunal tient à vous remercier pour votre contribution à ses

2 travaux concernant cette affaire autour de l'attaque de Vukovar et il vous

3 en remercie très vivement. Je crois que vous pouvez disposer. Je vous

4 remercie.

5 (Le témoin, M. Gow, est reconduit hors du prétoire.)

6 M. Williamson (interprétation): Nous voudrions maintenant appeler Dennis

7 Milner, notre témoin suivant, Monsieur le Président.

8 M. le Président: Que l'huissier fasse entrer M. Dennis Milner!

9 (Le témoin, M. Dennis Milner, est introduit dans le prétoire.)

10 Monsieur Dennis Milner, vous allez procéder à la déclaration, on va vous

11 en donner le texte. Est-ce que d'abord vous m'entendez? Vous pouvez peut-

12 être donner les écouteurs à M. Dennis Milner, s'il vous plaît. Voilà.

13 M. Milner (interprétation): Je déclare solennellement que...

14 M. le Président: Monsieur Milner, vous pouvez d'abord mettre... Voilà. Le

15 Président doit s'assurer que, dans la langue du Président, on entend bien

16 votre déclaration. Vous m'entendez bien? Vous m'entendez? Bien. Alors

17 procédez!

18 M. Milner (interprétation): Oui, je vous entends bien.

19 M. le Président: Alors procédez!

20 M. Milner (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je m'appelle Dennis Milner,

22 je suis inspecteur du Royaume-Uni.

23 M. le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour votre

24 questionnement.

25 (Interrogatoire principal de M. Dennis Milner par M. Williamson.)

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1 M. Williamson (interprétation): Merci Monsieur le Président.

2 Monsieur Milner, vous venez de déclarer que vous êtes officier de police

3 au Royaume-Uni. Est-ce que vous pourriez dire au Tribunal depuis combien

4 de temps vous occupez cette fonction?

5 M. Milner (interprétation): Je suis officier de police depuis plus de 26

6 ans.

7 Question: Quelles sont vos fonctions actuelles?

8 Réponse: Je suis actuellement détaché par le gouvernement britannique

9 auprès du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

10 Question: Quel type de travail effectuez-vous pour le Tribunal?

11 Réponse: Je mène des enquêtes au sujet des événements qui se sont produits

12 dans l'ex-Yougoslavie entre 1991 et la date d'aujourd'hui, et plus

13 particulièrement je travaille avec mes collègues immédiats à des enquête

14 portant sur les événements qui se sont déroulés en Croatie et en Slavonie

15 orientale notamment au cours de l'année 1991.

16 Question: Depuis combien de temps vous occupez-vous d'enquêtes concernant

17 la Slavonie orientale?

18 Réponse: J'ai été détaché auprès du Tribunal international le 1er mai 1995,

19 et depuis cette date je travaille à des enquêtes consacrées exclusivement

20 à la région de Vukovar et à la ville de Vukovar.

21 Question: Dans le cours de vos enquêtes, est-ce que vous vous êtes

22 familiarisé avec les événements qui s'y sont produits en 1991?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Comment est-ce que vous avez obtenu vos informations?

25 Réponse: J'ai acquis mes connaissances sur le sujet en travaillant sur les

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1 documents existants, c'est-à-dire des articles de presse, des auditions de

2 témoins réalisées par des organisations gouvernementales et non

3 gouvernementales et en rencontrant personnellement des témoins, ainsi que

4 grâce au travail de mes collègues immédiats qui ont également entendu des

5 victimes et des témoins et qui ont pris connaissance de leur déclaration.

6 Question: Est-ce que vous avez pu avoir à connaître de l'information

7 fournie par ces témoins?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Au cours de l'année 1991, est-ce que vous avez appris que la JNA

10 avait pris une part active au conflit qui se déroulait à Vukovar?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que vous savez quel était le rôle de la JNA?

13 Réponse: Le rôle de la JNA, pour autant que je le sache -et ma

14 connaissance sur le sujet n'est pas aussi étendue que celle du témoin

15 précédent bien entendu-, mais il semble que le rôle de la JNA à l'époque

16 ait été celui d'un médiateur entre les factions hostiles composées de

17 Croates d'un côté et de Serbes dans des villages où les habitants avaient

18 de petites disputes. Je le dis par rapport à la situation de guerre en

19 Yougoslavie.

20 Question: Est-ce que vous avez connaissance que le rôle de la JNA ait

21 changé à un certain moment?

22 Réponse: Oui.

23 Question: De quelle façon s'est réalisé ce changement?

24 Réponse: A la fin de l'été 1991, nombre de Croates ethniques qui avaient

25 été enrolés dans les rangs de la JNA ont commencé à déserter en grand

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1 nombre. Il est apparu à l'évidence que la JNA s'était donnée pour rôle

2 d'armer certaines unités paramilitaires ainsi que ceux qu'on avait

3 l'habitude d'appeler à l'époque des groupes de Serbes irréguliers, c'est-

4 à-dire des volontaires provenant des villages serbes de la région. La JNA

5 appuyait ce type d'initiative et fournissait des armes à ces groupes.

6 Question: Est-ce que ces actions de la JNA se sont transformées en un

7 engagement actif dans le conflit à un certain moment?

8 Réponse: Absolument. Au cours du mois de juillet et du mois d'août 1991,

9 cela ne fait aucun doute, ce type d'action culminant en août 1991. Vukovar

10 a été assiégée, à ce moment-là par des troupes très nombreuses, composées

11 de forces d'artillerie, de forces aériennes et de forces navales, qui se

12 sont alliées aux groupes paramilitaires de la région et des régions

13 avoisinantes.

14 Question: Quel genre d'activité fut celle de ces forces pendant l'attaque

15 à Vukovar?

16 Réponse: Aux alentours du 29 août, Vukovar a commencé à subir des

17 bombardements constants, bombardements aériens et bombardements par obus,

18 à tel point que les habitants qui demeuraient à l'intérieur de Vukovar ont

19 dû se décider à se rendre dans des abris, je parle de ceux qui étaient

20 encore en vie étant donné que pas mal d'entre eux avaient déjà trouvé la

21 mort suite aux bombardements.

22 Question: Ces bombardements, combien de temps ont-ils duré?

23 Réponse: Les bombardements se sont poursuivis pendant le mois d'août, le

24 mois de septembre, le mois d'octobre et ce, jusqu'à la chute de la ville

25 de Vukovar, survenue le 18 novembre, date à laquelle les soldats croates

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1 qui défendaient la ville ou ce qu'il en restait, n'ont plus eu aucune

2 autre possibilité que de se rendre.

3 Question: Pendant cette période de trois mois, quel a été le résultat des

4 bombardements effectués sur la ville de Vukovar?

5 Réponse: Les bombardements aériens et par obus étaient totalement

6 indiscriminés, cela ne fait aucun doute, et le résultat, c'est que la

7 ville a été totalement détruite.

8 Question: Vous nous avez dit que la ville est tombée le 18 novembre. Est-

9 ce que vous pouvez nous dire en quelques mots comment cela s'est passé?

10 Réponse: Oui. J'ai quelques notes avec moi, j'aimerais m'y référer si

11 Monsieur le Président m'y autorise.

12 M. le Président: Vous y êtes autorisé avec la permission du Tribunal.

13 M. Milner (interprétation): Merci. Au cours des trois mois du siège, comme

14 je viens de le dire, les bombardements ont fini par totalement détruire la

15 ville dont on peut parler comme d'un empilement de ruines à la fin de

16 cette période. La JNA a procédé à un grand nombre d'attaques d'artillerie

17 en particulier. Les lignes de défense croates ne cessant d'être repoussées

18 plus loin en arrière pour en arriver à un stade où elles ne pouvaient plus

19 reculer. Il existait une poche de résistance croate dans un endroit

20 dénommé Borovo Naselje, au sud de Vukovar, qui a fait l'objet d'une

21 défense séparée.

22 Pratiquement la totalité de la population a fini par se rassembler dans

23 l'hôpital de Vukovar qui a été un symbole de résistance pendant cette

24 période de trois mois. Les défenseurs croates n'avaient plus nulle part où

25 aller et finalement ils n'ont plus eu aucune autre alternative que de se

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1 rendre.

2 M. Williamson (interprétation): Vous venez d'évoquer l'hôpital de Vukovar,

3 est-ce que vous pouvez dire à la Chambre ce qui s'est passé en ce lieu à

4 la fin de la bataille?

5 M. Milner (interprétation): Sur la base des témoignages que nous avons

6 obtenus des témoins que nous avons rencontrés pendant notre enquête, il ne

7 fait absolument aucun doute que l'hôpital semble avoir été une cible tout

8 à fait particulière pour les bombardements aériens et les canonnades de la

9 part de la JNA. En effet, c'était au départ un bâtiment de trois étages,

10 et ce bâtiment avait subi tant de bombardements et de canonnades, à un

11 certain moment il y avait des draps blancs comportant des croix peintes en

12 rouge dont le but consistait à tenter de protéger l'hôpital, or il semble

13 que les avions en aient fait des cibles particulières de ces draps et de

14 ces croix rouges.

15 Si bien que finalement toutes les personnes présentes dans le bâtiment ont

16 dû finir par se réunir dans le sous-sol. C'était le seul endroit où le

17 personnel médical pouvait travailler correctement et quand je dis

18 correctement, il s'agit de conditions tout à fait extrêmes, étant donné le

19 nombre important de personnes rassemblées dans le sous-sol, qui était

20 vraiment incroyable quand on y pense aujourd'hui.

21 Question: Il y a un instant, vous nous avez dit également qu'un certain

22 nombre de personnes s'étaient rassemblées dans la zone de l'hôpital, est-

23 ce que vous connaissez les raisons de ce phénomène?

24 Réponse: Oui, je sais que des négociations avaient eu lieu entre les

25 représentants de la JNA, le gal Raseta en particulier, et les organisations

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1 humanitaires notamment le comité international de la Croix-Rouge, avec

2 aussi le Dr Bosanac qui était le directeur de l'hôpital de Vukovar à

3 l'époque, ainsi qu'avec des représentants, des défenseurs de Vukovar avec

4 lesquels un accord a fini par être conclu quant au fait que l'hôpital et

5 le terrain avoisinant l'hôpital constitueraient un terrain neutre, si je

6 puis m'exprimer ainsi, à savoir que les gens présents dans cette zone

7 feraient l'objet d'une évacuation et se verraient accorder un droit de

8 passage en toute sécurité vers l'endroit de leur choix. Parce qu'à

9 l'époque il existait encore des civils serbes qui résidaient encore dans

10 la ville de Vukovar et qui vivaient dans les mêmes conditions que le

11 peuple croate.

12 Question: Donc selon vous, beaucoup de ces gens se sont rendus à l'hôpital

13 de Vukovar pour essayer d'y vivre en sécurité et d'obtenir un droit de

14 passage en toute sécurité vers d'autres lieux?

15 Réponse: Oui. Certaines personnes, en tout cas au moment de la reddition,

16 lorsque Vukovar a été transférée, a été mise sous le contrôle de la JNA,

17 il était admis que les personnes rassemblées à l'hôpital auraient un droit

18 de passage en toute sécurité.

19 Question: Quand est-ce que le transfert de contrôle s'est fait?

20 Réponse: La JNA est arrivée à l'hôpital le 19 novembre, la reddition ayant

21 été négociée le 18.

22 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé lorsque les unités de la JNA sont

23 arrivées à l'hôpital?

24 Réponse: Le 19 novembre, bien entendu il n'y avait plus de résistance à ce

25 moment-là. Le nombre de personnes présentes dans les lieux était vraiment

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1 important, en attente d'évacuation. La JNA a donc compté les personnes

2 présentes, les soldats étaient déjà venus la nuit précédente en

3 établissant des listes, en prenant les noms des gens qui étaient présents

4 dans l'hôpital, en particulier dans le sous-sol où il y avait pas mal de

5 blessés, en particulier des défenseurs de la ville.

6 Question: Dans la nuit du 19 novembre et jusqu'au matin du 20 novembre,

7 quel a été le comportement des membres de la JNA à l'hôpital?

8 Réponse: A ce moment-là, le comportement des membres de la JNA pouvait

9 être qualifié de correspondant à ce qu'on attend d'une armée. Certaines

10 personnes avaient été transférées, mais on ne savait pas encore pourquoi.

11 Question: Mais est-ce qu'il y a eu un moment où le comportement des

12 membres de la JNA a changé?

13 Réponse: Nous savons que le 20 novembre, le matin du 20 novembre, une

14 réunion a été convoquée à laquelle tous les membres du personnel médical

15 de l'hôpital ont reçu l'ordre de participer. Cette réunion s'est déroulée

16 au rez-de-chaussée de l'hôpital. Le commandant Sljivancanin a dirigé cette

17 réunion, il a parlé très longuement à l'ensemble du personnel réuni.

18 Pendant cette réunion, un grand nombre de patients hommes ainsi que des

19 membres du personnel de l'hôpital ont été transférés du lit où ils

20 reposaient et contraints de se rendre dans l'entrée de l'hôpital où ils

21 ont été fouillés et ont reçu l'ordre d'embarquer à bord de cinq ou six

22 autocars qui étaient garés devant l'hôpital dans la rue Gunduliceva.

23 Question: Vous nous avez dit précédemment qu'un accord avait été conclu

24 quant à la surveillance et au contrôle international de l'évacuation.

25 C'est bien cela?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce que l'évacuation de ces hommes, qui a été réalisée à côté

3 de l'entrée de secours, s'est faite conformément aux termes de l'accord?

4 Réponse: Non. C'est d'ailleurs l'incident le plus significatif qui s'est

5 produit ce jour-là, à savoir qu'outre le fait que certains membres du

6 personnel n'avaient plus le droit de se trouver à l'endroit où les

7 patients étaient traités et donc ne pouvaient pas voir quels étaient les

8 patients qui étaient transférés, les organisations humanitaires et

9 notamment, je le répète, les représentants de la Croix-Rouge

10 internationale ont tenté d'accéder à l'hôpital, d'entrer dans l'hôpital.

11 Cela leur a été refusé. On leur a dit que la route était minée, qu'elle

12 était donc dangereuse, et ce en dépit du fait que le jour précédent, le 19

13 novembre, des équipes de journalistes, des représentants des médias

14 étaient entrés dans l'hôpital alors qu'un grand nombre de gens avaient

15 déjà commencé à être évacués.

16 Question: Ces hommes ont donc été emmenés par la sortie de secours.

17 Combien étaient-ils?

18 Réponse: Nous estimons qu'il y avait environ 300 personnes.

19 Question: Que s'est-il passé après qu'on les a fait sortir du bâtiment de

20 l'hôpital lui-même?

21 Réponse: Après qu'on les a fait sortir du bâtiment de l'hôpital, on les a

22 fouillés, prétendument pour une fouille d'armes. On leur a ordonné

23 d'embarquer dans les cinq ou six autocars, nous pensons que cela se

24 chiffre à six, mais nous n'en sommes pas sûrs, et alors qu'ils

25 embarquaient dans les autocars, ils ont attendu jusqu'à ce que tous aient

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1 été fouillés et que tous aient embarqué à bord des autocars.

2 Une fois que tous sont montés dans les autocars, les autocars ont fait

3 demi-tour dans la rue et ont pris un itinéraire se dirigeant vers les

4 casernes de la JNA qui se trouvaient sur Sajmiste, c'est le nom de la rue.

5 Question: Pendant qu'ils étaient dans l'autocar, étaient-ils détenus ou

6 sous garde?

7 Réponse: Chaque autocar avait un ou deux gardes, des soldats de la JNA qui

8 étaient embarqués dans chaque autocar.

9 Question: Que s'est-il passé une fois que les autocars sont arrivés à la

10 caserne de la JNA?

11 Réponse: Lorsque les autocars sont arrivés devant les casernes, et il

12 s'agit là d'un bateau semi-circulaire, donc un demi-cercle de

13 stationnement si vous voulez, à l'intérieur du baraquement il y avait un

14 grand nombre de ce que l'on décrit comme étant des irréguliers serbes. En

15 d'autres termes, non pas des soldats de la JNA, mais des éléments en

16 uniforme partiel, qui les ont menacés, qui leur ont crié à la figure,

17 hurlé, fait des gestes injurieux, et en fait les ont terrorisés

18 verbalement, ont terrorisé les passagers des autocars.

19 Question: A un moment donné, pendant que les autocars se trouvaient devant

20 la caserne de la JNA, a-t-on fait descendre des passagers?

21 Réponse: Oui, certes.

22 Question: Et comment cela s'est-il passé?

23 Réponse: Une liste avait été établie des hommes, une liste relativement

24 exhaustive à notre avis, et l'un des accusés d'ailleurs, le capitaine

25 Radic, Miroslav Radic, est monté dans chaque autocar, les uns après les

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1 autres, armé de la liste et a appelé les noms de la liste, et alors que

2 chaque personne sortait et donnait son nom, ces particuliers, qui sont

3 descendus des autocars, ont dû embarquer dans un autre autocar et en fin

4 de compte tous ceux qui ont dû monter à bord de l'autre autocar ont été

5 remmenés à l'hôpital de Vukovar.

6 Ces hommes étaient surtout des employés de l'hôpital et certains pour

7 lesquels on avait donné des garanties; c'étaient ceux qui étaient restés à

8 l'hôpital qui se portaient garants de ces passagers. Nous savons que

9 certains d'entre eux sont retournés à l'hôpital de Vukovar.

10 Il a fallu donc procéder à une inspection alors qu'ils descendaient de

11 l'autocar, et certains d'entre eux avaient en fait été rejetés, c'est-à-

12 dire qu'on les a remmenés de nouveau aux casernes, à la caserne.

13 Question: Bien. Vous avez donné le nom de plusieurs personnes ayant trait

14 à ces événements, le major Sljivancanin qui s'est adressé au personnel

15 hospitalier, le capitaine Radic qui a donc lui fait l'appel de ces noms,

16 connaissez-vous l'unité militaire à laquelle appartenaient ces deux

17 hommes?

18 Réponse: Oui. Le commandant Sljivancanin était le commandant de la brigade

19 des gardes qui faisait partie du 1er district militaire dont le siège se

20 trouvait à Belgrade, et le capitaine Radic était le commandant d'une unité

21 spéciale au sein de la brigade militaire. Le commandant Sljivancanin

22 était, de fait, responsable directement de la section de la police

23 militaire de la brigade des gardes.

24 Question: Et savez-vous qui était le commandant de la brigade dans son

25 intégralité?

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1 Réponse: Certes. Le colonel Mrksic, qui était responsable de cette

2 brigade-là.

3 Question: Combien de temps les autocars sont-ils restés devant la caserne,

4 une fois qu'ils y sont arrivés?

5 Réponse: Eh bien, les estimations diffèrent, mais disons environ deux

6 heures.

7 Question: Et lorsque les autocars ont quitté la caserne de la JNA, où se

8 sont-ils dirigés?

9 Réponse: Lorsque les autocars ont quitté la caserne, les baraquements, ils

10 ont fait de nouveau demi-tour dans la même rue, Sajmiste, dans la même

11 direction de laquelle ils étaient venus, ont poursuivi leur route sur la

12 même rue qui devient la rue Negoslavci, qui est en fait un petit village

13 devant Vukovar, à quelques kilomètres, et qui en fait avait été pris ou du

14 moins l'un des logements avait été repris, et était en fait le quartier

15 général de M. Mrksic.

16 Une fois qu'ils ont quitté la ville, donc les limites de la ville, à deux

17 kilomètres de la ville, au sud de la ville, ils ont tourné à gauche sur

18 une petite route, ont traversé les champs pour se rendre à la ferme

19 d'Ovcara qui fut une coopérative agricole.

20 Question: Que s'est-il passé lorsqu'ils sont arrivés à Ovcara, ces

21 autocars?

22 Réponse: Alors qu'ils sont arrivés devant le bâtiment principal, qui est

23 en fait un hangar, tout du moins on l'a décrit ainsi, les passagers des

24 autocars ont vu une haie donc d'hommes, de soldats de la JNA ainsi qu'un

25 grand nombre des irréguliers serbes, ainsi que nous les avons décrits.

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1 Chaque autocar a donc été vidé à son tour, alors que chaque passager

2 descendait, on lui a ordonné de traverser la haie d'hommes et alors qu'il

3 traversait cette haie pour se rendre au portail du hangar, il a été soumis

4 à des bastonnades, des passages à tabac, des coups de pieds et des coups

5 de crosse de fusil.

6 Tout bijoux que l'on voyait sur les victimes a été arraché, tous leurs

7 effets personnels ont été déposés devant le hangar. Ensuite, chacun des

8 hommes a dû pénétrer dans le hangar et se mettre visage au mur.

9 Question: Que s'est-il passé une fois qu'ils ont été rassemblés dans le

10 hangar dans cette manière?

11 Réponse: Une fois que tous les autocars ont été vidés, les portes du

12 hangar ont été fermées, mais un certain nombre des irréguliers sont entrés

13 dans le hangar et c'est là qu'une orgie de violence et de rossée s'est

14 déroulée. Certaines personnes ont été victimes des actes les plus

15 horribles de ces irréguliers. Tout du moins deux des particuliers qui se

16 trouvaient à l'intérieur du hangar ont été décrits comme ayant été battus

17 à mort car on les a piétinés, on leur a donné des coups de pieds dans la

18 tête, on les a battus à coups de crosse de fusil. Bref, indescriptible en

19 ce qui concerne l'horreur de la chose.

20 Au même moment, une personne faisait le tour et prenait le nom de tous

21 ceux qui étaient prisonniers donc à l'intérieur du hangar. Nous avons une

22 description qui nous a été donnée par les survivants. Un homme en

23 uniforme, à l'intérieur du hangar, avait un sifflet, et après un certain

24 temps, il donnait des coups de sifflets et les irréguliers qui étaient à

25 l'intérieur du hangar sortaient et se faisaient se remplacer par une autre

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1 série d'irréguliers qui reprenaient la tâche des premiers, et donc

2 continuaient la bastonnade.

3 Question: Savez-vous combien de temps ces passages à tabac ont duré?

4 Réponse: Ils se sont poursuivis pendant plusieurs heures à l'évidence.

5 Comme vous pouvez l'imaginer, si vous étiez dans ce type de situation,

6 vous perdiez le sens du temps, de toute réalité, mais il est clair que

7 cela s'est poursuivi jusqu'à la tombée de la nuit.

8 Mais il y a eu un autre incident qui est intervenu avant que les

9 bastonnades ne s'arrêtent. Pendant les quelques premières heures,

10 plusieurs personnes sont venues dans le hangar qui étaient soit des

11 soldats de la JNA, soit qui faisaient partie des groupes volontaires ou

12 des irréguliers serbes, et ont examiné ceux qui avaient été fait

13 prisonniers. Si ces derniers reconnaissaient quelqu'un qu'ils

14 connaissaient, que ce soit un ami, un collègue, ils identifiaient la

15 personne en question et, si vous voulez, disaient un mot au commandant à

16 l'extérieur, qui se trouvait à l'extérieur, disaient un bon mot pour la

17 personne. Neuf personnes ont été choisies pour être retirées du hangar à

18 moment donné et effectivement ont été emmenées de ce hangar cet après-

19 midi-là. Mais il leur a fallu attendre devant le hangar et elles ont

20 entendu le bruit de ces bastonnades jusqu'à ce qu'elles partent.

21 Question: Une fois qu'elles sont parties, les quelque neuf personnes qui

22 ont été donc sauvées par d'aucun, que s'est-il passé en ce qui concerne

23 ceux qui sont restés dans le hangar?

24 Réponse: Ainsi que je l'ai dit, les bastonnades ont été décrites comme

25 ayant continué jusqu'à la soirée. Personne n'a été en mesure d'être précis

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1 en ce qui concerne le temps, mais l'on sait qu'à un moment donné, une

2 génératrice (sic) s'est mise en place pour la lumière, l'éclairage, donc

3 les lumières se sont allumées. La personne qui a établi la liste des noms

4 a commencé à faire l'appel et des groupes, nous a-t-on décrit, de 10 à 20

5 personnes ont été choisis et emmenés à l'extérieur du hangar, et ne sont

6 jamais revenus.

7 Un témoin en particulier, qui faisait partie du second ou du troisième

8 groupe... Voulez-vous que je continue? Qui était dans le troisième ou le

9 quatrième groupe de personnes choisies, est sorti où se trouvait un

10 camion. La bâche était tendue et accompagné d'autres personnes, on lui a

11 ordonné de monter dans le camion, sur la plate-forme où il y avait un

12 chauffeur, un garde armé. La bâche du camion était descendu et le camion a

13 été piloté du hangar d'Ovcara sur une petite route qui traverse ou plutôt

14 qui se dirige vers Grabovo.

15 A un moment donné, le long de cette route, il y a un trou dans la route,

16 un nid-de-poule, enfin un ravin, et quelqu'un qui connaît l'endroit

17 parfaitement bien pour y avoir vécu toute sa vie et était donc tout à fait

18 informé de la route et du ravin, le camion a tourné à gauche sur la route

19 de Grabovo le long d'une route en terre battue qui est bordée d'arbres et

20 de l'autre côté de champs ouverts. Il faisait extrêmement sombre et les

21 deux personnes ont débattu, à savoir s'il convenait de s'enfuir ou pas.

22 Ceux qui en parlaient ont décidé qu'il serait plus sûr de rester à bord du

23 camion, à moins de se faire tirer une balle, et l'autre personne a décidé

24 de s'échapper et a réussi à sortir, à passer entre la bâche et le camion

25 et sauter au sol et s'est échappé. Il décrit avoir entendu des tirs

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1 rapidement après avoir sauté du camion, mais il n'est pas en mesure de

2 dire combien de balles ont été tirées ni ce qui s'est passé par la suite.

3 Question: Selon vous, à votre connaissance, a-t-on découvert des preuves

4 près de l'endroit où le témoin s'est échappé?

5 Réponse: En 1992, selon les instructions qui avaient été fournies par ce

6 particulier, le Dr Clyde Snow et une équipe de Physicians for Human Rights

7 se sont rendus à l'emplacement près d'Ovcara et ont effectué des fouilles

8 préliminaires. Ils ont découvert ce qui semble être l'emplacement d'un

9 charnier.

10 Question: Par la suite, y a-t-il eu des fouilles exhaustives de ce site?

11 Réponse: Oui, lors de notre première visite en 1992, le Dr Snow et ses

12 collègues ont découvert très rapidement deux squelettes, et à la suite de

13 cette découverte, ils sont revenus sur place en 1993 pour effectuer des

14 fouilles préliminaires de ce que l'on a décrit comme étant un très grand

15 charnier. Après avoir effectué une tranchée d'essai, ils ont découvert

16 neuf squelettes et selon les recherches effectuées à l'époque, il y a des

17 preuves que cette fosse pourrait contenir jusqu'à 300 cadavres.

18 A l'évidence, on relève des indices de squelettes, sur les squelettes

19 trouvés, qu'on leur avait tiré une balle dans la tête avec des impacts de

20 balle sur les arbres et également des douilles à proximité.

21 Question: A-t-on trouvé des effets, des articles personnels sur les

22 squelettes qui ont été découverts?

23 Réponse: Oui. Les lambeaux d'un rosaire, une chaîne en or, une croix de

24 bois et une croix en métal, et ce qui semble également être un médaillon

25 taillé à la main qui était sur une chaîne en métal, le médaillon avait

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1 pour inscription "Bog I Hrvati", ce qui signifie "Dieu et les Croates".

2 Question: Par la suite, s'est-on efforcé de procéder à l'exhumation

3 intégrale de ce site?

4 Réponse: Il y a eu des tentatives effectivement à cet effet, mais tout

5 travaux supplémentaire a été arrêté par les autorités serbes qui avaient

6 le contrôle du territoire.

7 Question: A-t-on égarement tenté d'identifier les corps du charnier?

8 Réponse: Le seul moyen d'identification à ce moment a été les bijoux que

9 l'on a retrouvés. A Zagreb, il existe une organisation appelée "Mères de

10 Vukovar" qui se compose principalement de mères, d'épouses, de filles des

11 hommes disparus de la région de Vukovar. Nous avons lancé donc une enquête

12 par leur intermédiaire pour pouvoir identifier ces personnes, mais jusqu'à

13 ce que nous ayons la possibilité effectivement d'effectuer une fouille

14 intégrale de ce charnier, il sera impossible d'identifier de façon idoine

15 les corps retrouvés dans ce charnier puisqu'il y a 2500 personnes

16 disparues de la région de Vukovar. C'est ce que nous souhaiterions bien

17 sûr faire aussi rapidement que possible, mais donc c'est là l'intégralité

18 de nos tentatives d'identification.

19 Question: Madame et Messieurs les Juges, j'aimerais maintenant que notre

20 témoin nous montre différentes cartes numériques qui seront les pièces 15

21 à 22. J'aimerais donc que l'on nous montre ces cartes et qu'on indique

22 l'endroit en question, et également qu'on retrace l'itinéraire qui a été

23 suivi par les camions à partir de l'hôpital, le 20 novembre 1991. Je crois

24 que vous verrez cette carte sur le moniteur.

25 Réponse: Madame et Messieurs les Juges, je crois que vous pouvez voir les

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1 cartes sur l'écran de l'ordinateur. Nous avons une carte qui indique la

2 ville de Vukovar et également la région avoisinante, la région la plus

3 importante ici étant l'hôpital de Vukovar, la caserne de la JNA dont j'ai

4 parlé, le hangar d'Ovcara où les bastonnades se sont déroulées et où deux

5 meurtres au moins ont eu lieu, et le site du charnier lui-même.

6 Est-ce qu'on pourrait faire un gros plan? Voici donc un gros plan de la

7 ville de Vukovar, l'hôpital sur les rives du Danube et la caserne de la

8 JNA du côté sud. Voici donc le bâtiment de l'hôpital et le promontoire que

9 vous voyez ici est un toit qui recouvre ce que l'on a décrit comme étant

10 l'issue de secours qui est près des cuisines. Du côté latéral donc du

11 bâtiment, à droite, c'est la façade de l'hôpital, c'est là où la plupart

12 des réfugiés se sont rassemblés les 18 et 19 novembre, afin de procéder à

13 l'évacuation vers les territoires croates.

14 Cette issue de secours, c'est là où les blessés ont été sortis de

15 l'hôpital alors que les employés de l'hôpital écoutaient les harangues du

16 major Sljivancanin. Comme vous le voyez, il y a une rampe inclinée, là où

17 vous voyez la flèche, et ici vous avez la rue Gunduliceva. Les autocars

18 étaient garés ici. Cette rue est à sens unique et les autocars étaient

19 tournés vers la gauche, donc à l'encontre du sens unique. Une fois que les

20 passagers sont montés, ils ont fait demi-tour et sont partis dans l'autre

21 sens.

22 Vous voyez ici en jaune l'hôpital de Vukovar, en haut de l'écran. Gros

23 plan. Les autocars sont partis dans cette direction -comme vous le voyez,

24 une route relativement droite-, ont traversé la rivière Vuka. Je suis

25 désolé de me référer à mes documents mais certains des noms sont quelque

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1 peu difficiles pour moi. C'est là où se trouve le square Oreskovic. Les

2 autocars ont tourné à droite et ont suivi cet itinéraire, jusqu'ici,

3 jusqu'à la caserne de la JNA. Cette route est nommée Sajmiste.

4 Ici, ce n'est pas l'entrée principale de la caserne. L'entrée principale

5 de la caserne se trouve ici, où vous voyez les deux lignes blanches. C'est

6 là l'entrée principale. Là, en revanche, c'est l'entrée latérale, c'est là

7 où les autocars sont arrivés, et donc se sont mis, voilà, ici, sur cette

8 allée semi-circulaire, c'est là où à l'évidence la JNA collaborait avec

9 les irréguliers serbes et leur a donc permis de se servir des casernes,

10 d'utiliser les casernes pour se préparer à ce qui allait se dérouler

11 lorsque les passagers arriveraient.

12 Lorsque les autocars ont quitté la caserne, ils ont suivi la même route

13 qui ensuite devient la route Negoslavci, et ensuite virage à droite, comme

14 vous le voyez, on rentre dans les terres agricoles, ensuite, de nouveau

15 virage à droite, sur une petite route vers la ferme Ovcara elle-même. Si

16 vous pouvez faire un gros plan... Ce fut l'un des centres, plutôt le

17 centre de la coopérative agricole, le centre de la main d'oeuvre jusqu'au

18 début du conflit en 1991.

19 Cette route ici, c'est la route Grabovo, comme je l'ai décrit, lorsque les

20 camions ont quitté le hangar la même nuit, ils ont emprunté cette route,

21 Grabovo, ensuite ont traversé ce ravin. Comme vous le voyez, il y a donc

22 une dépression, et on tournait à gauche sur cette route en terre battue et

23 le charnier qui a été découvert et où le Dr Clyde Snow a effectué les

24 premières fouilles se trouve ici.

25 Question: Merci inspecteur. Madame et Messieurs les Juges, je crois qu'à

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1 un moment donné nous vous en fournirons des exemplaires imprimés, mais

2 avant de continuer, avez-vous des questions, Monsieur le Président,

3 Madame, Monsieur, en ce qui concerne ces cartes?

4 M. le Président: Pas de question, Monsieur le Procureur.

5 M. Williamson (interprétation): J'aimerais maintenant projeter une vidéo

6 qui sera la pièce 23 versée au dossier, qui est une compilation de

7 différents clips de différentes sources, principalement de la radio

8 télévision de Belgrade. Il s'agit d'un reportage des événements qui se

9 déroulaient à Vukovar.

10 Je demanderai encore une fois à l'inspecteur de nous en faire une

11 narration en la regardant, pour indiquer les différents emplacements dont

12 nous venons de parler et également pour nous signaler les particuliers qui

13 sont pertinents dans notre affaire alors qu'ils apparaîtront sur l'écran.

14 M. Milner (interprétation): Madame et Messieurs les Juges, vous

15 constaterez que sur une majeure partie de cette bande vidéo, il n'y a pas

16 de son, mais à un certain moment un peu plus tard, le son reviendra, et je

17 crois savoir que des transcriptions de cette vidéo ont été fournies aux

18 personnes intéressées.

19 Ce que vous voyez ici, c'est la ville de Vukovar avant 1991. Vous pouvez

20 constater que Vukovar était une ville opulente très belle, avec de

21 nombreux monuments culturels dont certains en fait remontent au XXIIe

22 siècle, donc de nombreux monuments historiques. La population de Vukovar

23 était composée d'agriculteurs très riches, la région possédait également

24 des ressources naturelles, du gaz naturel, du pétrole et il y avait une

25 usine très importante, l'usine de Borovo, qui travaillait le cuir et

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1 employait 30 000 personnes environ.

2 La population de la ville était de 44 000 personnes au moment des faits et

3 vous voyez donc qu'il s'agissait d'une ville tout à fait plaisante,

4 agréable. On considérait dans la région, en tout cas par comparaison au

5 reste de la Yougoslavie que cette ville était peuplée de gens relativement

6 aisés.

7 Et maintenant vous voyez la différence. La lumière n'est pas très bonne,

8 je crois qu'on pourrait ajuster un petit peu le contraste. Enfin, vous

9 voyez ici à quel point la ville a été détruite, les ravages donc qu'a

10 subis cette ville très belle. Sur ces images, vous avez une idée assez

11 précise de la situation après que la JNA ait terminé sa mission dans les

12 lieux. Je crois qu'à l'époque, ils parlaient de "libération de la ville".

13 Vraiment, les images que l'on voit ici parlent d'elles-mêmes. Elles

14 montrent à l'évidence les ravages inutiles et injustifiés qui ont été

15 causés à cette ville. Certains des monuments historiques notamment ont

16 totalement disparu et ne pourront être reconstruits.

17 Ici, vous voyez un grand-hôtel de la ville, en arrière-plan, qui a subi

18 d'importants dommages ainsi que le reste de cette zone résidentielle. Je

19 ne crois pas qu'il soit besoin d'une foule de mots. En fait, lorsqu'on

20 était présents dans les lieux, l'impression était encore pire, en

21 particulier lorsqu'on se rapprochait du centre de la ville. Ce que vous

22 voyez ici, ce ne sont que des images qui vous donnent des exemples des

23 pilonnages qu'a subis la ville, en particulier dans les quartiers

24 résidentiels. Cette ville ne comportait aucune cible militaire. Le seul

25 endroit qu'il eût été possible de qualifier comme ayant une valeur

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1 militaire, c'était la caserne de la JNA qui a toujours été occupée par la

2 JNA et n'a jamais été prise par les défenseurs croates.

3 Les églises constituaient des cibles particulières pour les destructeurs

4 de la JNA. Là encore, vous voyez d'autres exemples des bombardements, des

5 pilonnages indiscriminés, sans aucune raison. Vous voyez ici le château

6 d'eau, château d'eau qui constitue un symbole important pour les habitants

7 de Vukovar.

8 Quelques cadavres jonchent les rues. Les corps que l'on voit ici se

9 trouvent dans divers endroits dans la ville. Pour l'essentiel, les gens

10 sont morts aux abords de l'hôpital, mais après il a bien fallu les

11 déplacer dans l'attente d'une sépulture.

12 Là, vous voyez une fosse commune dans laquelle devaient être placés les

13 gens morts pendant l'attaque. Il n'y a rien de mystérieux en fait au sujet

14 de cette fosse commune, en tout cas en ce qui concerne les innocents qui

15 auraient pu être tués et y être enterrés. C'est une fosse commune

16 organisée par les autorités pour abriter les corps des combattants

17 décédés.

18 Là, vous voyez une patrouille. C'est un endroit dans la ville où la JNA

19 s'était stationnée à un moment précis de l'offensive pour contrôler le

20 quartier. Ici, vous voyez des soldats membres des forces irrégulières de

21 la JNA. Vous verrez pas mal de gens sur ces images qui n'ont rien à voir

22 avec des soldats réguliers de l'armée yougoslave. Encore des coups de feu,

23 des images de destruction. Ici, à l'évidence, des gens qui n'ont rien à

24 voir avec des soldats de la JNA.

25 Vous allez voir très bientôt un groupe de gens. Vous voyez ici le couvre-

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1 chef noir que porte cet individu, c'est le signe distinctif des Tcheniks,

2 ils s'appellent eux-mêmes ainsi. Des images de coups de feu ne visant

3 aucune cible particulière. Au moment de ces images, la JNA avait déjà

4 occupé la majorité des lieux stratégiques en vue d'attaquer la population.

5 Je crois qu'en regardant ces images, vous avez une idée de l'armement

6 important utilisé par la JNA à opposer aux forces, aux équipements

7 improbables des forces qui défendaient la ville. Encore des scènes de

8 destruction.

9 L'homme au premier plan est le major Veselin Sljivancanin. L'homme qui

10 vient à côté de la voiture, qui pointait du doigt vers quelque chose,

11 c'est le capitaine Milan Mrksic, vous voyez qu'il est en train de diriger

12 les opérations sur la ligne de front.

13 Ici (...fin de la cassette 3 AF)

14 Qui parlait à la radio à son homologue croate. En effet, le système radio

15 était le même des deux côtés. J'imagine que c'est normal. Vous voyez ici

16 le major Sljivancanin qui participe personnellement au bombardement de

17 Vukovar.

18 Ici, des soldats de la JNA, des forces régulières. Donc vous voyez la

19 différence entre leurs uniformes et ceux d'autres personnes que nous avons

20 vues sur l'écran.

21 Le personnel médical de l'hôpital a dû travailler très, très dur; un

22 travail qui dépassait de beaucoup les forces physiques des personnes

23 employées dans l'hôpital.

24 Ici, vous voyez le sous-sol de l'hôpital qui n'est pas encore rempli. Plus

25 on s'approche de l'heure de la reddition, plus augmente le nombre de

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1 blessés affluant vers l'hôpital; vers la fin, on voyait deux blessés par

2 lit, par exemple, avec y compris des blessés sur des matelas par terre ou

3 des blessés placés sur des étagères. Des conditions vraiment incroyables.

4 Mais le personnel médical a vraiment été remarquable.

5 Voilà à quoi ressemble l'hôpital de Vukovar, à quoi ressemblait l'hôpital

6 de Vukovar. Il est absolument impossible que des dommages d'une telle

7 ampleur aient été provoqués d'une façon accidentelle. Il s'agit bien d'un

8 ciblage délibéré de lieux abritant des civils, des lieux où ils savaient

9 qu'il allait se trouver un grand nombre de civils et de gens sans défense.

10 Ce que vous allez voir très bientôt, c'est un grand trou qui part du toit

11 et traverse tous les étages du bâtiment. Ce trou que vous voyez ici a été

12 provoqué par une bombe larguée par les forces aériennes de la JNA. On

13 estime que cette bombe pesait aux alentours de 250 kilos. Par miracle,

14 elle n'a pas explosé. Elle a atterri sur le lit d'un patient entre les

15 jambes du patient apparemment. Vous voyez quelle était la taille de cette

16 bombe. Le personnel de l'hôpital, plus tard, a pris l'habitude de

17 l'appeler "le porc", cette bombe.

18 Voilà la bombe et le lit sur lequel elle a atterri. Ce n'est pas une image

19 très claire, mais je crois qu'elle est expressive. Si cette bombe avait

20 explosé, je pense que le nombre des témoins susceptibles de raconter les

21 horreurs qui se sont déroulées dans cette ville, en 1991, aurait été plus

22 réduit.

23 Vous voyez ici des images de l'évacuation des gens qui se sont rassemblés

24 dans l'enceinte de l'hôpital, le 19 et le 20 novembre 1991. Le plus

25 important dans ces images, me semble-t-il, c'est, comme vous le

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1 constaterez, le très, très faible nombre de jeunes hommes parmi ces

2 personnes évacuées.

3 Ce que vous voyez ici sur l'image, c'est ce que j'ai décrit comme étant

4 l'issue de secours, c'est-à-dire l'issue par laquelle les hommes ont été

5 sortis de l'hôpital le matin du 20 novembre. Nous sommes devant l'hôpital.

6 Regardez un petit peu et voyez le très faible nombre de jeunes hommes dans

7 ce groupe. Il y avait vraiment une politique de séparation des gens avec,

8 d'un côté, les hommes de 15 à 65 ans qui pouvaient être suspects d'une

9 volonté de défendre la ville, et les autres. Il y a quelques hommes ici,

10 mais vraiment très, très peu.

11 A ces gens-là, on a donné le choix de leur destination: vers la Croatie ou

12 vers ailleurs. Ils ont fait leur choix mais, bien entendu, leur foyer se

13 trouve où se trouvait à Vukovar. Voyez quelques-uns des autocars qui ont

14 été utilisés pour les faire partir. Et là, un homme qui a été séparé du

15 reste du groupe. Ces images, encore une fois, parlent d'elles-mêmes. Les

16 victimes du conflit.

17 Et ici, l'un des draps qui avait servi à signaliser l'hôpital comme lieu

18 devant être préservé des destructions. Borovo Selo, qui faisait partie de

19 la région de Vukovar, a été vue sur les images précédentes.

20 Ici, des soldats qui désarment les hommes. Tous ces hommes seront ensuite

21 transférés et enfermés dans des camps. Une grande majorité d'entre eux ne

22 reviendra jamais. Comme je l'ai dit précédemment, 2.500 personnes sont

23 encore portées disparues et leur femme et leurs enfants attendent des

24 nouvelles encore aujourd'hui.

25 Ici, vous voyez les défenseurs de la ville, quelques-unes des 1.800

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1 personnes qui se sont opposées aux 30.000 membres de la JNA, pendant trois

2 mois.

3 Ce que vous voyez maintenant, c'est ce qui s'est passé après la reddition.

4 "- Quel est le problème?

5 - J'ai eu l'habitude d'une meilleure collaboration avec la JNA que celle

6 que j'obtiens aujourd'hui.

7 - Quel est le problème?

8 - Le colonel connaît bien la nature des problèmes. Mais il n'y a aucun

9 problème. Le voilà, le colonel. Je sais seulement qu'il y a quelques

10 individus...

11 - Où est le problème? Expliquez-le.

12 - Le problème, c'est que je vois les soldats qui marchent dans les rues,

13 je vois que des camions circulent. Regardez, regardez là-bas! Mais ce pont

14 a été ouvert à la circulation. Il n'a pas été ouvert à la circulation.

15 Vous m'avez entendu? Mes collègues sont là-bas.

16 - Ecoutez, Monsieur, si ça vous intéresse, si vous vous intéressez aux

17 gens qui étaient dans la cave, eh bien, mes soldats sont là pour les

18 protéger. Moi, j'ai des soldats, des jeunes soldats de 18 ans, 19 ans, 20

19 ans. Vous n'êtes pas bienvenus ici. Et mes soldats meurent ici. Encore ce

20 soir, j'ai eu des pertes parmi mes soldats, Monsieur. Monsieur, ici, c'est

21 la guerre!

22 - Je sais.

23 - Nous sommes là pour assurer votre sécurité et vous, vous me parlez de

24 problèmes. Si ça ne vous plaît pas, retournez là où cela vous plaît.

25 - Je vous en prie, c'est une honte que vous vous conduisiez comme cela à

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1 mon égard. Tout ce que vous m'avez demandé, je vous l'ai accordé. Vous

2 voyez ici le bâtiment du Tribunal. Dans ce bâtiment, il y a eu des coups

3 de feu encore hier et nous avons été témoins de ce qui s'est passé lorsque

4 des soldats ont sorti un certain nombre de fusils de ce bâtiment. Vous

5 voyez ici l'entrée de l'hôpital et nous voyons ici des représentants de la

6 Mission européenne.

7 Les gens qui portent une blouse blanche peuvent entrer, ceux qui ont ce

8 badge, et personne d'autre. Les représentants de la Croix-Rouge ont le

9 droit également de rentrer. Il faut préparer les blessés.

10 - D'accord, d'accord. Vous partirez lorsqu'ils seront prêts. Les gens là-

11 bas, c'est à eux de le faire, indépendamment, et quel que soit le côté

12 qu'ils défendaient. Pas un seul médecin honnête, aucun membre du personnel

13 médical n'a la moindre raison de craindre quoi que ce soit. Oui, je vous

14 en prie?

15 - Ce matin, il y a eu des malentendus avec les représentants de la Croix-

16 Rouge. Est-ce que ces malentendus ont été réglés?

17 - Il n'y a eu aucun malentendu de notre côté. Aucun. Absolument aucun. Je

18 vous en prie, Messieurs, aucun malentendu de notre côté. Je répète une

19 fois encore que nous sommes ici dans une zone de guerre, qu'une guerre se

20 déroule ici, qu'il faut donc respecter un certain nombre de conditions.

21 Vous entendez qu'il y a encore des coups de feu. Il faut que la sécurité

22 de chaque personne, de chaque visiteur qui vient ici soit préservée. Il

23 faut avoir de la patience, il faut avoir les nerfs solides, car ici ce

24 n'est pas la paix et personne ne doit perdre la tête sans raison.

25 En ce qui nous concerne, tout se déroule selon les plans prévus, mais nous

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1 ne voulons plus qu'il se reproduise ce qui s'est passé hier ou avant-hier.

2 Nous avons préparé 50 autocars pour emmener des civils en Croatie, et ces

3 gens en Croatie nous les ont renvoyés à Vukovar.

4 Dans notre caserne, tant que les unités de la JNA n'auront pas achevé la

5 libération de Vukovar, 400 à 500 obus sont tombés. Tous les soldats de

6 notre armée ont fait preuve de la plus grande humanité, se sont occupés de

7 chacun et de chacune.

8 Vous voyez, Messieurs, ici, on parle d'une guerre... C'est une guerre sale

9 qui se déroule, qui n'a jamais eu lieu dans l'histoire jusqu'à présent.

10 L'armée populaire yougoslave est l'armée populaire qui, au cours de la

11 Deuxième Guerre mondiale, s'est battue avec les alliés contre le fascisme.

12 - Est-ce que les hommes ici vont retourner dans leur famille? Est-ce que

13 vous le savez?

14 - Non, non. Nos soldats sont toujours à disposition. Ils sont prêts à

15 participer à la libération de la ville de Vukovar.

16 - Est-ce que vous pouvez prendre des dispositions avec le commandement au

17 nord pour vous rendre à l'hôpital?

18 - Je pense que je ne peux pas vous garantir cette entrée à l'hôpital pour

19 le moment.

20 - Est-ce que quelqu'un d'autre peut le faire?

21 - Il faut voir. Pour l'instant, entre nous et la rivière, il y a le groupe

22 opérationnel Cever (sic) du nord donc. Ce sont eux, je crois, qui peuvent

23 vous assurer un passage sûr. Il y a des mines sur la route;, elle n'est

24 pas sûre. Donc nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de vous

25 conduire à l'hôpital maintenant.

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1 Puisqu'il avait déjà vu la caserne, il n'est resté que peu de temps à

2 Negoslavci. Ici, vous le voyez discutant avec le groupe opérationnel de

3 commandement et, en particulier, le colonel Mile Mrksic, ainsi que des

4 membres de son unité.

5 Nous sommes ici dans le village de Negoslavci, trois kilomètres au sud de

6 Vukovar.

7 - Témoin (Salos Vinks ?): Je vois.

8 Le major Veselin Sljivancanin et le colonel Mile Mrksic ont donc été vus

9 sur les images.

10 Le général d'armée Veljko Kadijevic et des assistants ont reçu le

11 commandant du 1er District militaire, le général Zivota Panic, le

12 commandant du groupe opérationnel Cever (sic), le général major Andrija

13 Biorcevic, le commandant du groupe opérationnel de défense du sud, le

14 colonel Mile Mrksic, et le commandant d'aviation, le colonel Branislav

15 Petrovic. Tous ont participé aux durs combats qui ont eu lieu dans la

16 ville et aux abords de la ville de Vukovar. Pendant cet entretien, le

17 général Kadijevic a reconnu la part prise par ces militaires dans les

18 combats contre les forces Oustachis. Il a déclaré que la neutralisation

19 des combattants serait réalisée au cours d'un combat contre les forces,

20 éprises de sang, qui défendent le fascisme. Il a félicité tous les

21 volontaires qui, dans cette ville et dans ces combats, ont fait le

22 sacrifice de leur vie.

23 Vous verrez ensuite la route menant à Ovcara et le hangar d'Ovcara où les

24 prisonniers ont été emmenés et rossés. Et nous irons ensuite aux charniers

25 qui ont été décrits par les survivants et dans lesquels le Dr Clyde Snow a

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1 effectué des fouilles partielles.

2 Voici les fouilles préliminaires. Vous voyez ici le crâne au premier plan.

3 Voici le médaillon et la croix dont je vous parlais tout à l'heure, au

4 début de mon témoignage, et également les soldats de la Forpronu examiner

5 des impacts de balle sur l'écorce des arbres.

6 - Dr Snow (cité dans la vidéo): A l'évidence, il s'agit d'une exécution en

7 masse qui s'est située à Ovcara et les éléments de preuve relient, semble-

8 t-il, les victimes avec les malades qui ont disparu, qui ont été emmenés

9 de l'hôpital de Vukovar au mois de novembre. Je crois que ceci représente

10 des preuves de crime de guerre. Il y a sans doute 250 cadavres qui ont été

11 exécutés, semble-t-il".

12 Voici donc la fin de cette vidéo.

13 M. le Président: Monsieur le Procureur, peut-être, après cette vidéo,

14 pourrions-nous faire une pause d'un quart d'heure avant que vous ne

15 continuiez à poser des questions au témoin et que le Tribunal ensuite pose

16 lui-même des questions au témoin s'il le souhaite.

17 Oui, Monsieur le Procureur?

18 M. Williamson (interprétation): Je n'ai qu'une ou deux question à ajouter

19 mais, bien sûr, si vous avez, vous, davantage de questions et que vous

20 souhaitez faire une pause, effectivement.

21 M. le Président: Je crois qu'après ces images, le Tribunal et les ...

22 (L'audience, suspendue, est reprise après une pause.)

23 M. le Président: L'audience est reprise. Monsieur le Procureur, vous avez

24 la parole.

25 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, nous aimerions

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1 maintenant vous projeter un clip vidéo bref, extrait de la vidéo que nous

2 venons de voir, qui ne durera que deux minutes et où l'on entend le "voice

3 of a witness". Nous avons également entendu l'interprétation, mais

4 j'aimerais que l'inspecteur nous explique exactement ce qui s'y passe.

5 Encore une fois, extrait très bref, si vous le voulez bien.

6 M. le Président: Vous dites cela, excusez-moi, Monsieur, même si l'extrait

7 n'était pas bref, nous le considérerions quand même.

8 M. Williamson (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Voyons donc

9 la vidéo.

10 Inspecteur, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui se passe ici?

11 M. Milner (interprétation): Oui. Monsieur le Président, ce que vous êtes

12 sur le point de voir, c'est la situation suivante. Nous sommes sur le pont

13 au-dessus de la rivière Vuka. Vous voyez ici un représentant de la Croix-

14 Rouge internationale, M. Nicholas Borsinger, qui tente d'obtenir

15 l'autorisation pour se rendre à l'hôpital, ayant reçu une promesse écrite

16 que l'évacuation de l'hôpital se déroulerait sous la supervision, sous le

17 contrôle des organisations humanitaires internationales.

18 Nous sommes le matin du 20 novembre et, comme nous l'avons vu avant,

19 l'hôpital a été visité le jour précédent, le 19, par des équipes de

20 journaliste et de télévision. En dépit de cela, le 20 novembre, le major

21 Sljivancanin refuse l'accès à l'hôpital aux gens que vous voyez sur

22 l'écran, et ce, jusqu'à une date qui lui convient, date à laquelle bien

23 entendu les blessés présents dans l'hôpital auront déjà été évacués par

24 les soldats de la JNA avec l'aide des paramilitaires serbes. Vous avez

25 entendu les commentaires précédemment, le major Sljivancanin s'oppose donc

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1 à cette visite.

2 Question: Inspecteur, est-ce que vous pouvez nous dire qui est le major

3 Sljivancanin?

4 Réponse: Oui. Le major Sljivancanin est l'homme en uniforme qui porte une

5 moustache. A droite, vous voyez Nicholas Borsinger; c'est le représentant

6 de la Croix-Rouge internationale. Le major Sljivancanin, à l'évidence,

7 fait preuve d'autorité, l'autorité dont il jouit à cet endroit précis et à

8 ce moment précis.

9 Vous avez vu précédemment aussi des images d'une rencontre du major

10 Sljivancanin avec M. Cyrus Vance qui, à l'époque, était l'envoyé spécial

11 des Nations Unies et qui essayait également de contrôler ce qui se passait

12 à Vukovar et plus précisément à l'hôpital.

13 La même tactique a été employée par le major Sljivancanin à l'encontre de

14 M. Cyrus Vance pour tenter de l'empêcher, lui-même ainsi que ses

15 collègues, de se rendre à l'hôpital et de voir ce qui s'y passait.

16 Question: Inspecteur, après ce que nous avons vu de la rencontre entre le

17 major Sljivancanin et Cyrus Vance, est-ce que le major Sljivancanin a

18 rencontré le colonel Mrksic?

19 Réponse: Monsieur Cyrus Vance a rencontré le colonel Mrksic.

20 Question: Ah oui, excusez-moi. Quand est-ce que cette réunion a eu lieu?

21 Réponse: Cette réunion a eu lieu dans un bâtiment que l'on considérait

22 communément comme l'état-major de la JNA à Negoslavci, un village qui se

23 trouve trois kilomètres au sud de Vukovar.

24 Question: Inspecteur, est-ce que vous avez des informations quant aux

25 coordonnées actuelles des trois accusés dans cette affaire?

Page 121

1 Réponse: Oui. Nous savons que Milan Mrksic a été promu à la suite du

2 conflit de Vukovar. Il était commandant de l'armée de la République serbe

3 de Krajina, comme on l'appelait la RSK, mais après l'offensive croate en

4 Krajina l'année dernière, en 1995, on dit qu'il s'est rendu en Bosnie.

5 Aujourd'hui, il est probablement à Belgrade.

6 Quant à Miroslav Radic, il existe de fortes présomptions selon lesquelles

7 il se trouverait à Belgrade où réside également sa famille, son épouse et

8 ses enfants. Il sert toujours dans l'armée serbe.

9 Enfin, Veselin Sljivancanin, il a également été promu au grade de colonel

10 actuellement et, jusqu'à une période récente, il commandait une brigade de

11 l'armée stationnée à Podrica, au Monténégro. Il est Monténégrin d'origine

12 et de naissance, je crois, mais il est fort possible qu'ayant été promu au

13 grade de colonel, il se trouve aujourd'hui à Belgrade. En tout cas, il ne

14 fait aucun doute qu'il est sur territoire serbe.

15 Question: Donc ces trois individus se trouvent actuellement sur le

16 territoire de la République fédérale de Yougoslavie, en Serbie ou au

17 Monténégro?

18 Réponse: Oui, tout à fait.

19 Question: Merci. Nous aimerions maintenant montrer à l'inspecteur, M.

20 Milner, la pièce à conviction n°4. Est-ce que vous pouvez identifier cette

21 pièce pour nous, je vous prie?

22 Réponse: C'est une photographie de Miroslav Radic. Cette photographie a

23 été imprimée à partir de la vidéo et cela faisait partie d'ailleurs de la

24 vidéo que nous venons de vous projeter.

25 Interprète: Les interprètes n'ont pas l'image, Monsieur le Président.

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1 M. le Président: C'est Radic, oui, d'accord.

2 M. Williamson (interprétation): J'aimerais que l'on verse cette pièce n°24

3 au dossier. J'aimerais maintenant proposer la pièce 25 à l'inspecteur.

4 Pourriez-vous identifier la personne qui se trouve sur cette photographie?

5 Réponse: Oui, il s'agit du major Veselin Sljivancanin. Il est colonel

6 aujourd'hui, major, donc commandant à l'époque.

7 Question: Pourriez-vous nous dire d'où vient cette photographie?

8 Réponse: Cette photographie, là encore, a été prise sur la pellicule vidéo

9 qui a été diffusée par la télévision de Belgrade.

10 Question: C'est donc la pièce 25 qui sera versée au dossier. Maintenant,

11 j'aimerais présenter à l'inspecteur une photographie, pièce 26. Pourriez-

12 vous identifier ce document?

13 Réponse: Oui. Il s'agit d'une photographie du colonel Milan Mrksic alors

14 qu'il assistait à la cérémonie à la suite de la chute de Vukovar où

15 plusieurs officiers paramilitaires et de la JNA venaient d'être félicités

16 de leur réussite à Vukovar.

17 Question: Et là encore, d'où vient cette photographie?

18 Réponse: Cette photographie est tirée d'une vidéo qui a été diffusée à

19 l'origine par la télévision de Belgrade.

20 Question: J'aimerais que cette pièce soit la pièce 26 versée au dossier.

21 Monsieur le Président, les pièces 15 à 22, avec les cartes numériques que

22 nous vous remettrons plus tard, et la pièce 23 qui est la vidéo, seront

23 disponibles si, bien sûr, vous souhaitez les revoir. Je n'ai pas d'autres

24 questions.

25 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur. Avant de libérer M. Milner,

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1 peut-être, Madame le Juge, avez-vous une question ou quelques questions à

2 poser.

3 (Questions de Mme le Juge Benito au témoin.)

4 Mme Benito (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Une question

5 simple.

6 Inspecteur, dans votre déclaration, vous avez parlé nombre de fois de

7 personnes s'étant réfugiées à l'hôpital de Vukovar, de personnes qui

8 étaient blessées. Pourriez-vous nous dire si, dans ce cas, cela signifie

9 des hommes, des femmes, des adultes, des enfants, ou seulement des hommes

10 en fait que l'on a emmenés de l'hôpital?

11 M. Milner (interprétation): Eh bien, il s'agissait principalement d'hommes

12 mais nous avons des témoignages quant au fait qu'il y a eu quelques femmes

13 qui ont été emmenées. Mais nous avons pris la liste des personnes

14 disparues des registres officiels de l'Etat croate, et donc de la

15 commission chargée des personnes disparues, et il semblerait qu'il n'y ait

16 eu aucun compte rendu officiel de dépositions des familles des femmes qui

17 ont été emmenées de l'hôpital. Donc ces noms n'ont pas été inclus dans

18 cette liste figurant dans l'Acte d'accusation. La majorité -je dirais 98

19 ou 99% de ceux-là- étaient des hommes.

20 Question: Vous parlez de réfugiés, de personnes réfugiées, et nous avons

21 vu les images de nombre de femmes à l'hôpital.

22 Réponse: Madame le Juge, lorsque je me réfère à des personnes emmenées de

23 l'hôpital...

24 Question: Non, vous parliez de réfugiés, de personnes qui se sont

25 réfugiées à l'hôpital. C'est différent.

Page 124

1 Réponse: Ceux qui s'étaient réfugiés étaient principalement des femmes,

2 des enfants et des hommes âgés.

3 Question: Qu'est-il arrivé aux femmes et aux enfants et aux personnes

4 âgées restant à l'hôpital après que les 300 hommes aient été emmenés?

5 Réponse: Toutes ces personnes ont été évacuées par autocar, principalement

6 au travers de la Bosnie, à destination de territoire croate et se trouvent

7 maintenant dans différentes régions de la Croatie, dans des centres pour

8 réfugiés.

9 Question: Sous la protection de la Croix-Rouge internationale?

10 Réponse: L'évacuation a été effectivement escortée par des observateurs de

11 la CEE et de la Croix-Rouge de ces convois. Je sais de mes entretiens avec

12 les réfugiés que l'évacuation n'a pas été facilitée par les itinéraires

13 qu'ils ont dû emprunter et un certain nombre de femmes ont abouti dans des

14 camps pendant un mois, de un à trois mois. Elles ont en fin de compte été,

15 je ne dis pas toutes… En fait, c'est erroné puisqu'un certain nombre de

16 personnes sont décédées dans les camps, mais la majorité se sont

17 retrouvées en territoire croate, saines et sauves.

18 Question: Savez-vous, inspecteur, ce qu'il est arrivé aux autres hommes,

19 femmes et enfants de l'hôpital de Vukovar, en dehors de l'hôpital?

20 Réponse: Pour autant que je le sache, ils ont tous été évacués.

21 Question: La population de Vukovar?

22 Réponse: Non, pas l'intégralité de la population, pour la bonne raison

23 qu'il y avait encore des Serbes. Une partie importante de ce que l'on

24 connaissait comme étant les quartiers serbes de Vukovar sont restés

25 intouchés des pilonnages. Il me semble qu'il y a eu une tactique où seuls

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1 les quartiers croates étaient en fait visés. A l'évidence, ces habitants y

2 sont restés; il y a encore des résidents qui vivent à Vukovar en dépit des

3 destructions des Serbes.

4 Question: Merci, inspecteur.

5 (Questions de M. le Juge Riad au témoin.)

6 M. Riad (interprétation): Inspecteur Milner, j'aimerais que vous me

7 donniez quelques éclaircissements, bien que votre exposé ait été fort

8 clair et je vous en remercie.

9 D'après ce que j'ai compris, il ressort clairement de votre exposé, que

10 Mrksic, Radic et Sljivancanin avaient des fonctions officielles au sein de

11 la JNA?

12 Réponse: Oui.

13 Question: C'étaient des officiers et ils le restent?

14 Réponse: Oui, Monsieur le Juge.

15 Question: Et j'ajouterai, si encore une fois je ne me méprends pas, que la

16 JNA elle-même y participait directement. Lorsque vous avez parlé des

17 casernes de Sajmiste, qui étaient les casernes de la JNA, donc toute

18 l'opération a été axée ou du moins dirigée à partir de cette caserne?

19 Réponse: Non, non, Monsieur le Juge. L'opération a été une conjugaison de

20 plusieurs unités de la JNA ou de l'ex-JNA. Les casernes, les baraquements

21 eux-mêmes par rapport au nombre de soldats, de forces armées qui ont pris

22 part à l'attaque ou au conflit autour de Vukovar venaient de différentes

23 régions de la 1re Brigade militaire de son territoire. Il y a donc le

24 Corps Novi Sad, qui est une autre ville, et un grand nombre de ces hommes

25 ont participé à ce conflit, ainsi que des unités d'autres villes.

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1 Question: Et la JNA également?

2 Réponse: Tous de la JNA, oui.

3 Question: Tous de la JNA?

4

5

6

7 Réponse: Tous de la JNA, appuyés et épaulés par des unités paramilitaires

8 et des volontaires, que l'on a décrits comme étant des irréguliers serbes.

9 Question: Le ministre de la Défense, quel que soit son nom, a félicité

10 -vous l'avez dit- ceux qui ont exécuté cette opération, l'opération de

11 l'hôpital.

12 Réponse: Oui, Monsieur le Juge.

13 Question: Et c'était le ministre serbe, de la République serbe?

14 Réponse: Eh bien, ils se considéraient encore comme étant l'armée

15 nationale yougoslave. Ils était serbes, mais c'était donc le chef de la

16 JNA.

17 Question: Le chef de la JNA?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Y a-t-il eu des félicitations venant d'autorités supérieures

20 encore?

21 Réponse: Non, rien dont nous ayons la preuve.

22 Question: Mais disons que cela remontait jusqu'au ministre?

23 Réponse: Oui, effectivement, c'était M. Kadijevic qui était celui qui les

24 félicitait, et bien sûr il faisait partie du gouvernement serbe.

25 Question: Si nous revenons à l'hôpital lui-même, vous avez dit que tous

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1 ceux qui sont sortis de l'hôpital ont été fouillés pour port d'armes?

2 Réponse: Oui.

3 Question: A-t-on trouvé des armes sur ces personnes?

4 Réponse: Pour autant que je le sache, tout au moins des témoignages des

5 témoins avec lesquels nous nous sommes entretenus, aucune arme n'a été

6 relevée.

7 Question: Aucune? Et ensuite, on les a emmenés à l'exécution, ce que l'on

8 considère être une exécution?

9 Réponse: Oui.

10 Question: J'aimerais revenir à une vidéo fort importante que vous nous

11 avez projetée. Au vu de ce que vous venez de dire, Vukovar a été bombardée

12 de façon indiscriminée et totalement détruite, n'est-ce pas, pendant trois

13 mois?

14 Réponse: Oui, Monsieur le Juge.

15 Question: Y avait-il des positions militaires à l'intérieur de Vukovar?

16 Réponse: Uniquement la caserne de la JNA.

17 Question: De la JNA?

18 Réponse: De la JNA.

19 Question: Mais pas de Croates, non?

20 Réponse: Non.

21 Question: Et de ce que nous avons vu, c'est une destruction totale?

22 Réponse: Oui, Monsieur le Juge.

23 Question: Et aveugle?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et ensuite, la déportation de 2 500 personnes environ, ou ces

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1 personnes se sont-elles enfuies? Vous avez parlé de 2 500 personnes

2 déportées...

3 Réponse: Je crois que j'ai parlé de 2 500 hommes de Vukovar et de la

4 région de Vukovar qui ont été capturés, prisonniers...

5 Question: Non pas de l'hôpital?

6 Réponse: Non, pas de l'hôpital. De la région dans son intégralité.

7 Question: Est-ce que cette destruction de Vukovar et le fait d'emmener les

8 2.500 personnes ont fait l'objet de votre enquête ou est-ce que vous

9 poursuivez cette enquête?

10 Réponse: C'est effectivement notre enquête en cours, c'est ce à quoi je

11 m'attache et l'enquête porte sur Vukovar, c'est ma tâche, comme vous

12 l'avez vu. Il s'agit d'une tâche gigantesque et nous avons axé notre

13 enquête initiale sur les incidents qui ont entouré l'hôpital de Vukovar et

14 l'exécution en masse à Ovcara.

15 Question: Mais il y a un suivi concernant Vukovar lui-même?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Merci mille fois.

18 M. le Président: Oui, on remercie M. le Juge. Effectivement, je profite de

19 la question posée par mon collègue pour me tourner vers le Bureau du

20 Procureur. Puisque nous sommes dans le cadre d'un article 61, c'est-à-dire

21 sur la question de la confirmation d'un Acte d'accusation, la Chambre est

22 tout à fait légitime à se poser un certain nombre de questions au vu des

23 apports que nous a faits le témoin, avec d'ailleurs beaucoup d'efficacité

24 et de pertinence, et cette vidéo est effectivement très significative.

25 Alors je me tourne vers le Bureau du Procureur -et c'est vrai, car je

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1 crois que cela avait été posé au moment de la confirmation de l'Acte

2 d'accusation- et je voudrais bien être certain que les autres aspects de

3 Vukovar sont toujours traités par le Bureau du Procureur. Bien que ce soit

4 de la compétence du Bureau du Procureur évidemment, on ne peut que se

5 poser la question puisque nous voyons dans cette vidéo le bombardement de

6 Vukovar, car il y a eu un bombardement important, qui a donné lieu à

7 beaucoup de pertes humaines, et en même temps -votre vidéo est très

8 intéressante, Monsieur Milner- les chefs, les chefs supérieurs en train de

9 féliciter les trois accusés: Mrksic, Sljivancanin et Radic.

10 Embrayant en quelque sorte, prenant en quelque sorte la suite des

11 interrogations du juge qui a confirmé l'Acte d'accusation, je voudrais

12 savoir, pour l'éclairage du Tribunal dans cette tâche de reconfirmation de

13 l'Acte d'accusation qui est la sienne en ce moment, où on en est sur tous

14 les aspects de Vukovar, s'il est possible de le savoir bien évidemment.

15 Monsieur le Procureur?...

16 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, comme l'inspecteur

17 l'a dit, il y a plusieurs enquêtes en cours sur les incidents intervenus

18 dans et autour de Vukovar, certaines sur des événements analogues

19 intervenus dans la ville elle-même, d'autres sur des événements dans les

20 collectivités avoisinantes, et également l'un étant la ville elle-même,

21 c'est-à-dire la destruction de Vukovar. Il existe plusieurs enquêtes en

22 cours et il est impossible à l'heure actuelle de dire laquelle de ces

23 enquêtes mènera ou aboutira à un Acte d'accusation. Nous estimons que

24 toutes ces enquêtes sont fort prometteuses, elles se poursuivent et nous

25 espérons qu'elles aboutiront à des actes d'accusation, et ce relativement

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1 rapidement.

2 M. le Président: Je vous remercie de cette précision, M. le Procureur.

3 Peut-être une dernière question. Vous avez publié les photos tout à

4 l'heure sur la vidéo. Ces photos ont-elles été diffusées maintenant auprès

5 de la force d'interposition, enfin de l'IFOR, et de l'ensemble des

6 autorités, puisque vous avez donné ces photos en éléments de preuve?

7 M. Williamson (interprétation): D'après ce que j'ai compris, oui. Si je le

8 puis, toutes ces photos ont été remises aux autorités nationales. Je ne

9 sais pas si elles ont été remises à l'IFOR car nous savons que ces trois

10 personnes ne se situent pas dans la zone relevant du contrôle de l'IFOR.

11 Elles se trouvent effectivement non pas en Bosnie mais en République

12 fédérale yougoslave.

13 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur, précisions qui étaient très

14 précieuses pour le Tribunal. Monsieur le Procureur, quelle est la suite de

15 l'audience? Je crois que nous pouvons libérer le témoin, le remercier pour

16 la clarté de son exposé et la densité et la richesse des documents qu'il a

17 pu présenter au Tribunal.

18 Monsieur Milner, nous vous renvoyons à vos autres tâches et le Tribunal

19 vous remercie de ce témoignage.

20 (Le témoin, M. Milner, est reconduit hors du prétoire.)

21 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

22 M. Niemann (interprétation): Merci, Monsieur le Président. C'était le

23 dernier témoin que nous produisons aujourd'hui. Nous serons en mesure de

24 présenter d'autres éléments de preuve lorsque les témoins viendront la

25 semaine prochaine, le 26. Il n'y a rien d'autre que nous souhaitons

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1 présenter à la Chambre de première instance aujourd'hui.

2 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur. Donc nous allons ajourner la

3 présente audience dans le cadre de l'ensemble de cette attaque de Vukovar,

4 l'ajourner jusqu'au 26 qui est un mardi, le mardi 26, à 10 heures, pour la

5 suite de l'audition des témoins, sachant que pour certains de ces témoins

6 j'ai signé une ordonnance de protection. C'est bien cela, Monsieur le

7 Procureur?

8 (M. Niemann acquiesce.)

9 Donc je me tourne vers la technique: puisque ces mesures de protection que

10 j'ai ordonnées à la requête du Procureur, avec mes collègues, supposent un

11 certain nombre d'aménagements techniques, il convient donc que pour le

12 mardi 26 à 10 heures, toute la technique de la salle d'audience puisse

13 être appropriée pour l'audition des témoins pour lesquels le Procureur a

14 demandé à la Chambre des protections particulières.

15 Je remercie bien entendu la cabine d'interprétation comme toujours, la

16 technique aussi qui nous a permis de voir ces éléments audiovisuels.

17 L'audience est suspendue jusqu'au mardi 26, 10 heures.

18 (L'audience est levée.)

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