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1 (Affaire Vukovar – IT-95-13-R61)
2 (Mercredi 27 mars 1996.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président: D'abord, je voudrais m'assurer que la technique
5 d'interprétation fonctionne bien. Alors, tout d'abord, est-ce qu'au banc
6 des Procureurs, on m'entend bien? Oui, Procureur? Au banc du Greffe? Bien.
7 Mes collègues? Parfait.
8 Monsieur le Procureur, l'audience est reprise. Vous avez la parole pour
9 introduire le témoin suivant.
10 D'abord, voulez-vous bien informer le Tribunal du niveau de protection
11 requis par le témoin et que vous auriez demandé au Tribunal? Nous sommes
12 en état d'une ordonnance que notre Chambre prise et qui, à votre demande
13 et à la demande des témoins, prévoyait un certain niveau de protection. Le
14 témoin que vous allez faire citer est-il inclus dans ce niveau de
15 protection, s'il vous plaît, Monsieur le Procureur?
16 M. Williamson (interprétation): La personne que nous allons appeler avait
17 demandé des mesures de protection mais, maintenant, il vient de changer
18 son niveau et il a décidé de ne demander des mesures de protection.
19 M. le Président: Est-ce que ce témoin faisait partie des personnes
20 incluses dans notre ordonnance? Vous m'avez répondu oui.
21 Pouvez vous me donnez son identité, s'il vous plaît, Monsieur le
22 Procureur?
23 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, c'est Zarko Kojic,
24 le témoin qui a été déjà identifié par son nom dans notre ordonnance.
25 M. le Président: Je vais me concerter avec mes collègues pendant quelques
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1 minutes; ne quittez pas.
2 Madame la Greffière, le Tribunal a décidé de modifier l'ordonnance qu'il
3 avait prise précédemment sur la protection de M. Kojic. Est-ce que vous
4 voudrez bien dans les minutes de la présente audience préparer cette
5 modification que vous soumettrez au greffier? Merci.
6 Monsieur le Procureur, pouvez-vous faire introduire le témoin, M. Kojic?
7 (Le témoin, M. Kojic, est introduit dans le prétoire.)
8 Je profite de ce court moment pour indiquer que le Tribunal fera une pause
9 à 10 heures 15, en fonction aussi bien entendu de la déposition du témoin
10 que nous ne couperons pas s'il est prêt d'avoir terminé. En principe, ce
11 sera 10 heures 15. Merci.
12 Monsieur Kojic, d'abord, m'entendez-vous dans votre langue? Vous
13 m'entendez dans votre langue avec une traduction?
14 M. Kojic (interprétation): Oui.
15 M. le Président: On vous a présenté une déclaration... (Hors micro.)
16 M. Kojic (interprétation): Je m'appelle Zarko Kojic. Je déclare
17 solennellement que dirai la vérité, rien que la vérité et toute la vérité.
18 M. le Président: Asseyez vous.
19 Alors, Monsieur Kojic, vous êtes devant le Tribunal pénal international.
20 Vous devez vous exprimer conformément au serment que vous venez de
21 prononcer. Le Tribunal vous demande de surcroît et vous indique que vous
22 devez déposer en toute quiétude et en toute sérénité. Vous êtes devant un
23 Tribunal international.
24 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
25 (Interrogatoire principal du témoin, M. Zarko Kojic, par M. Williamson.)
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1 M. Williamson (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Monsieur
2 Kojic, d'où venez-vous?
3 M. Kojic (interprétation): De Vukovar. Je suis né à Vukovar.
4 Question: Avez-vous vécu à Vukovar toute votre vie?
5 Réponse: C'est cela, tout à fait.
6 Question: Quelle est votre nationalité?
7 Réponse: Je suis croate.
8 Question: Où était votre maison en 1991?
9 Réponse: A Kersovanija à Vukovar, la rue Kersovanija.
10 Question: Quelle était votre profession à cette époque? Avez vous
11 travaillé?
12 Réponse: Oui, c'est-à-dire que je venais de passer mon baccalauréat dans
13 une école secondaire.
14 Question: Etes-vous au courant d'un incident qui s'est passé à Borovo
15 Selo, le 2 mai 1991?
16 Réponse: Oui, je sais qu'on a tué…, qu'on a tué des policiers croates.
17 Question: Et quelle était l'atmosphère en conséquence?
18 Réponse: C'était très tendu. Je crois que, pendant une semaine, nous
19 n'étions pas à l'école. Nous n'avions pas de classe. Si je me rappelle
20 bien, il y avait des entrées et des sorties: la ville était bloquée,
21 c'était pas impossible de sortir de la ville.
22 Question: Lorsqu'il y a eu ces tensions qui ont dégénéré dans les conflits
23 dans la région, est-ce que ça s'est dégénéré?
24 Réponse: A l'époque, non, pas encore. De quelle période parlez-vous?
25 Question: Un peu plus tard, il y a eu l'ouverture des conflits?
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1 Réponse: Je ne vois pas ce que vous sous-entendez sous ce terme.
2 Question: Donc après l'incident de Borovo Selo, en mai, vous avez dit
3 qu'il y avait eu des tensions dans la région?
4 Réponse: C'est cela.
5 Question: Et après, en été, il y a eu des conflits armés entre les Croates
6 et la JNA. C'est bien ça?
7 Réponse: Oui, à Borovo Selo, il y a eu des incidents en juillet. Mais en
8 juillet, je n'étais pas là mais j'ai vu des programmes à la télévision.
9 Après juillet, il y a eu des attaques, des bombardements, le 24 août.
10 Question: Est-ce que vous avez rejoint les rangs de la défense de la
11 ville?
12 Réponse: Pas encore. C'est le 18 août que j'étais de retour des vacances.
13 J'étais à Bjelovar chez ma famille; le 18 août, j'étais de retour et, à
14 cette époque-là, il y avait encore la paix mais il y a eu déjà des obus,
15 on a entendu des tirs. Mais à Vukovar, on a juste entendu les tirs de
16 l'infanterie.
17 A partir du 24, il y a eu des bombardements; des obus sont tombés dans
18 toute la région et j'étais dans ma maison, dans la cave, jusqu'au 15
19 septembre. C'est à cette époque-là que les Chetniks se sont établis à 150
20 mètres de la maison et que j'ai rejoint un genre de service logistique
21 auprès des défenseurs. C'était un groupe de logistique, chargé de la
22 logistique.
23 Question: Vous avez dit que les Chetniks se sont installés à 100 ou 150
24 mètres de votre maison; est-ce que vous pouvez préciser ce terme "les
25 Chetniks"?
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1 Réponse: A l'époque, j'ignorais qu'il s'agissait des Chetniks. Je peux les
2 définir à partir du jour de la reddition de la ville. C'étaient des
3 personnes habillées à moitié dans des habits militaires, à moitié dans des
4 habits civils, parfois ils avaient des uniformes, des tenues de camouflage
5 ou des uniformes de l'armée JNA. Ils n'étaient pas bien rasés, ils avaient
6 des cheveux longs et il y avait une différence claire, très apparente
7 entre eux et les soldats réguliers.
8 Question: Vous avez dit que, lorsque vous avez rejoint les rangs de la
9 défense, vous avez travaillé en logistique.
10 Réponse: C'est cela.
11 Question: Où était votre unité, quel était le siège de votre unité?
12 Réponse: A Olajnica. Olajnica était la base; c'est là que nous avons réuni
13 les vivres, l'eau, les blessés: le traitement des blessés se faisait là et
14 toute autre activité.
15 Question: Etes-vous resté sur le même lieu, à la même base pendant tout ce
16 temps?
17 Réponse: C'est ça: du 15 septembre jusqu'au 18 novembre, j'y étais, dans
18 cet abri antinucléaire, à Olajnica. C'est là que nous avons dormi et
19 travaillé.
20 Question: Le 18 novembre, où est-ce que vous étiez?
21 Réponse: Le 18, j'ai encore dormi là-bas; le 19, dans la matinée, il y a
22 eu un groupe de civils: il y avait une femme qui est venue, qui portait un
23 drapeau blanc. Ils nous ont renseigné sur le fait qu'il y avait l'armée
24 serbe qui venait, qui occupait. Celui qui voulait partir pour la Croatie
25 devait aller à l'hôpital. C'est à ce moment-là que j'ai décidé d'aller à
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1 l'hôpital. Il y avait aussi un groupe de civils, un grand groupe qui s'y
2 rendait.
3 Question: Quelle était la situation quand vous êtes arrivé à l'hôpital?
4 Réponse: Il y a eu beaucoup de civils, de blessés, de femmes, d'enfants.
5 L'hôpital était surchargé, complet de personnes. Le 19, l'armée était déjà
6 à l'hôpital; ils nous ont dit que les gens devaient se rendre à
7 Velepromet. Tout le monde s'y: les femmes, les hommes, les enfants. Moi,
8 j'étais en train de me demander si je devais partir moi aussi, mais ma
9 mère était blessée; alors, je voulais rester mais… On m'a donc permis de
10 rester auprès de ma mère et que je pouvais l'accompagner dans le convoi de
11 blessés.
12 Question: A ce moment, est-ce que qu'il y a eu encore des attaques ou des
13 tirs d'artillerie?
14 Réponse: C'est ça.
15 Question: Et pendant la bataille, est-ce que vous avez porté un uniforme?
16 Réponse: J'ai eu juste les bottes qui ne faisaient pas partie de
17 l'uniforme, mais c'étaient des bottes de qualité qui me permettaient de
18 marcher; c'était la seule chose qui me restait de l'uniforme même. Le
19 béret était genre béret de camouflage, mais ce n'était pas vraiment un
20 béret croate, je dirai. C'était un béret que j'avais acheté au marché de
21 Zagreb.
22 Question: Pendant la bataille, est-ce que vous étiez armé?
23 Réponse: Oui.
24 Question: L'avez-vous été à l'hôpital?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Avez-vous vu d'autres soldats qui portaient des armes?
2 Réponse: Non. Les soldats croates, non.
3 Question: Comment avez-vous passé la nuit entre le 19 et 20 novembre?
4 Réponse: J'étais dans la cave de l'hôpital, j'ai parlé longtemps à ma
5 mère, nous avons parlé de l'avenir: où aller, comment s'organiser. J'ai
6 parlé à d'autres blessés, à des civils. J'ai dormi sur une chaise; je n'ai
7 pu fermer les yeux du tout.
8 Question: Le matin du 20 novembre, qu'est-ce qui s'est passé exactement?
9 Réponse: Lorsque je me suis réveillé, il y a eu certains officiers de
10 l'armée, de la JNA, avec une liste; ils ont lu les noms de cette liste. Je
11 ne peux pas vraiment dire combien il y en avait, peut-être sept ou huit.
12 C'étaient des blessés, des civils, une liste mixte. Plus tard, ces
13 officiers ont dit que tous les hommes de 16 à 60 ans et que tous les
14 blessés qui peuvent encore marcher doivent partir de l'hôpital; parmi ceux
15 qui pouvaient se déplacer, il y en avait même avec des béquilles et même
16 certains qui avaient des blessures graves, par exemple, de l'estomac ou
17 d'autres parties, mais ils devaient partir, quitter l'hôpital.
18 Question: Vous aussi, vous avez quitté l'hôpital à moment-là?
19 Réponse: C'est ça. Je suis sorti de l'hôpital mais j'étais toujours à
20 l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital.
21 Question: Quel est votre âge? Quel était votre âge?
22 Réponse: J'avais 18 ans et demi.
23 Question: Qu'est-ce qui s'est passé après le départ de l'hôpital?
24 Réponse: On nous a alignés; il y avait deux lignes, il y avait beaucoup de
25 Chetniks, de soldats de l'armée de la JNA. On nous a fouillés. C'est le
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1 major Sljivancanin qui était responsable de toute l'opération; je l'ai
2 reconnu. Il a donné des ordres.
3 A gauche de lui, il y a eu le capitaine Radic, à qui il s'adressait par le
4 nom; il disait par exemple: "Capitaine Radic, fouillez les gens". Et à ce
5 moment-là, Radic a agi, a fouillé cette personne ou il a donné des sous-
6 ordres à ses inférieurs.
7 Question: C'étaient donc des soldats de l'armée, des soldats réguliers?
8 Réponse: C'est ça. Les soldats de l'armée nous ont fouillés mais les
9 Chetniks étaient tout le temps présents et autour. Après, on nous a pris
10 toutes les pièces, par exemple, les briquets et tout ce que nous portions
11 et on nous a emmenés vers les bus. On nous a fait monter dans ces buses;
12 ces bus étaient dans la rue de Gunduliceva. Les buses sont partis vers la
13 caserne militaire.
14 Question: Une fois montés dans les bus, étiez-vous gardés?
15 Réponse: En effet, il y avait un soldat avec un kalachnikov et le
16 chauffeur.
17 Question: Et les gardiens des bus, c'étaient des soldats de l'armée, des
18 soldats réguliers?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Où se sont rendus les bus?
21 Réponse: A travers la Gunduliceva, la rue Bozidara Adzije, à travers le
22 pont; après, à droite, dans la rue de Josip Kras, nous avons traversé
23 toute la rue jusqu'au croisement avec la rue de Prica. Au carrefour, il y
24 a eu une autre rue, Ognjen Prica et nous avons emprunté cette rue jusqu'à
25 la caserne de Vukovar.
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1 Question: Est-ce qu'il y a eu des événements dans cette période-là dans
2 les bus, en route?
3 Réponse: Oui, nous étions assis dans les bus. Les bus ont été garés et
4 c'est dans la caserne que les Chetniks sont entrés, ont traversé les bus.
5 Ils ne nous ont pas infligé des sévices mais ils nous ont menacés; par
6 exemple, quelqu'un est venu et il a dit: "N'ayez pas peur, je ne fais que
7 couper les oreilles et les langues". Un autre est venu et a dit: "Pourquoi
8 avez-vous fait tout ça? C'est de votre faute". C'est comme ça qu'on nous a
9 provoqués. Ils étaient autour du bus; par exemple, ils ont mis des
10 couteaux dans la bouche, ils ont pris des photographies en disant: "Voilà,
11 j'ai capturé moi-même tout un bus d'Oustachis.". Ils ont pris des outils;
12 je suppose que c'étaient des outils contre les incendies et ils ont pris
13 des manches, des bâtons, des manches en acier et ils se préparaient
14 simplement pour nous passer à tabac.
15 M. le Président: Est-ce que la cabine peut nous brancher: vous n'avez plus
16 de traduction.
17 M. Kojic (interprétation): Je change de micro. M'entendez-vous?
18 M. le Président: Vous m'entendez, Monsieur le Procureur, vous m'entendez?
19 M. Kojic (interprétation): Pas de traduction.
20 M. le Président: Où en est-on, Monsieur le Greffier?
21 M. Kojic (interprétation): Est-ce que je peux continuer?
22 Donc le capitaine Radic est arrivé, il a fait l'appel de cinq ou six noms
23 de personnes qui se trouvaient dans l'autocar et on les a fait sortir pour
24 les emmener dans un autre autocar. Ce qu'il leur est arrivé par la suite,
25 eh bien, je l'ignore. J'ai entendu dire qu'on les avait remmenés à
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1 l'hôpital et qu'ils étaient aujourd'hui libres.
2 Nous avons passé quelque trois heures, ou peut-être davantage, dans la
3 caserne. Il ne nous est rien arrivé pendant cette période, on ne nous a
4 pas battus mais, effectivement, les Chetniks sont venus dans l'autocar
5 mais les gardes de l'autocar ne leur ont pas permis d'intervenir. Donc ils
6 se sont contentés de nous menacer, de nous menacer de blessures et ils
7 ont, bien sûr, continué à nous insulter.
8 M. Williamson (interprétation): J'aimerais maintenant vous projeter une
9 petite vidéo qui a été indiquée comme la pièce n°3à verser au dossier.
10 Réponse: Je ne vois pas l'écran en raison de l'éclairage. La lumière tombe
11 directement et donne une réflexion sur mon écran: je ne vois pas l'écran.
12 Ça va mieux maintenant.
13 Question: Est-ce que vous reconnaissez la personne que l'on voit sur
14 l'écran?
15 Réponse: Oui, la personne qui est derrière le casque, dont on voit à
16 nouveau le visage maintenant, s'appelle… C'est le capitaine Radic. Mais il
17 était habillé différemment quand il est venu à l'hôpital: il avait un
18 béret et il avait également un blouson de cuir.
19 Question: C'est celui qui a fouillé les hommes devant l'hôpital, n'est-ce
20 pas?
21 Réponse: Oui, oui. C'est la même personne.
22 Question: Et c'est celui qui a également pris les noms des personnes à la
23 caserne?
24 Réponse: Oui, effectivement.
25 Question: Merci. Nous pouvons arrêter la vidéo.
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1 Vous avez dit que les autocars sont restés à la caserne pendant deux ou
2 trois heures; c'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas?
3 Réponse: Trois, peut-être même plus. Trois heures au moins.
4 Question: Lorsque les autocars sont partis, où vous êtes-vous rendus?
5 Réponse: Eh bien, nous avons quitté la caserne le long de la rue Sajmiste,
6 vers Negoslavci, et nous avons tourné à gauche sur une route bitumée mais
7 qui traversait les champs. Donc nous avons emprunté cette route, nous
8 avons traversé les champs et nous sommes arrivés. Nous sommes arrivés à un
9 embranchement: à gauche, il y avait les bâtiments, des fermes, d'anciens
10 bâtiments, mais nous nous avons pris à droite. Ensuite, après 50 mètres,
11 nous nous sommes arrêtés devant un hangar. Mon autocar ne s'était pas
12 arrêté directement puisqu'il y en avait d'autres devant qui s'étaient
13 arrêtés au portail du hangar.
14 Question: Est-ce que vous connaissez le nom de cet endroit?
15 Réponse: Oui, oui. Il s'agissait d'Ovcara puisque c'était une ferme
16 collective avant.
17 Question: Avant la guerre?
18 Réponse: Oui, il s'agissait de la route sur laquelle j'ai passé mon permis
19 de conduire. Mais auparavant, en tant qu'enfant, pour des excursions à
20 l'école, c'est là où nous venions et, parfois, j'empruntais cette route à
21 bicyclette. Donc je savais que c'était Ovcara.
22 Question: Vous avez dit qu'il y avait d'autres autocars devant vous et que
23 cet autocar ne s'est pas arrêté devant le hangar directement, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que vous savez ce qui se passait quant aux passagers de
2 l'autocar devant vous?
3 Réponse: Non, je ne voyais pas ce qui se passait jusqu'à ce que je me sois
4 rapproché, jusqu'à ce que mon autocar s'arrête devant le portail du
5 hangar. J'étais, moi, au fond de l'autocar.
6 Question: Lorsque l'autocar s'est arrêté devant le hangar, qu'est-ce que
7 vous avez vu alors?
8 Réponse: J'ai vu par la vitre que l'on était en train de frapper les gens,
9 qu'on leur enlevait leur casquette, leur veste, qu'ils étaient en train de
10 passer entre une haie de soldats qui les frappaient. J'ai vu nombre de
11 Chetniks; donc tout le monde devait passer entre cette rangée, cette haie.
12 Question: Et vous les avez vus en train d'être battues comment?
13 Réponse: Eh bien, deux ou trois d'entre eux avaient des manches, des
14 cognées, des cognées ou des haches, par exemple, mais les autres tout
15 simplement les bourraient de coups de poing et de coups de pied.
16 Question: Lorsque vous êtes arrivé devant le hangar et que vous avez vu ce
17 qui se passait, qu'est-ce que vous avez pensé qu'il vous arriverait à
18 vous?
19 Réponse: Eh bien, pendant que j'étais dans l'autocar, j'ai vraiment pensé
20 que j'allais mourir. La situation semblait désespérée.
21 Question: Lorsque vous avez quitté l'autocar, qu'est-ce qui vous est
22 arrivé effectivement?
23 Réponse: Lorsque je suis descendu de l'autocar, ils ont commencé à me
24 frapper et j'ai dû traverser la haie, j'ai dû enlever ma veste, leur
25 donner tous mes documents; ils ont jeté les documents sur une pile qui se
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1 trouvait déjà devant le hangar. Ils m'ont enlevé mon argent, ils m'ont
2 frappé, ils m'ont battu. Et je suis resté en sweat-shirt et j'ai donc
3 couru jusqu'au hangar. Et ils ont continué à me frapper de cognées, de
4 matraques, de knouts, de chaînes.
5 Il y avait également un knout avec lequel ils m'ont frappé; lorsque la
6 personne suivante est arrivée, on m'a écarté à gauche du hangar: il y
7 avait de la paille au sol. Il nous a fallu tout d'abord nous tenir debout
8 et, ensuite, on nous a permis de nous asseoir.
9 Question: Est-ce que vous connaissiez l'identité de ceux qui étaient avec
10 vous dans l'autocar?
11 Réponse: Eh bien, j'en connaissais un certain nombre d'entre eux, que je
12 connaissais parce que je les avais vus, mais je ne connaissais pas leurs
13 noms.
14 Question: Est-ce que vous avez vu quelqu'un qui a été isolé, isolé à
15 l'intérieur du hangar, aux fins de traitements plus durs?
16 Réponse: Lorsque nous sommes entrés et lorsque nous nous sommes tenus sur
17 la paille, les Chetniks sont venus nous demander Kemal Saiti; il
18 s'appelait Kemal: c'était son surnom. Il a dit: oui, effectivement, il
19 était albanais; puisque c'était la question. Ensuite, trois ou quatre
20 Chetniks ont commencé à le frapper, à le rouer de coups, plus
21 particulièrement violemment; il y avait une personne qui l'a frappé plus
22 particulièrement et qui lui est passé sur le corps alors qu'il était tombé
23 au sol; il est revenu à lui et la personne en question a continué à le
24 frapper de coups de matraque et à lui sauter sur le corps. Il a commencé à
25 saigner de la bouche, des poumons et des oreilles. C'est ainsi qu'il est
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1 mort.
2 Et je suis absolument sûr que c'est comme ça qu'il est mort.
3 Question: Quelqu'un d'autre a-t-il été tué ou gravement blessé à la suite
4 de ce passage à tabac?
5 Réponse: Une autre personne qui a été frappée de façon très grave était
6 Damjan. C'était un homme grand et ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il tombe
7 au sol, qu'il perde conscience. Mais je n'ai pas vu très bien parce que
8 j'avais cassé mes lunettes en arrivant; donc je ne voyais pas bien. Mais
9 Kemal a été roué de coups devant moi.
10 Mais M. Kovacic a été également frappé; je crois qu'on l'appelait Kole,
11 que c'était son surnom. Il avait été blessé aux poumons, il avait un
12 shrapnel, un éclat de grenade dans les poumons. On lui a demandé s'il
13 avait fait partie de la garde nationale croate et "pourquoi vous avez fait
14 ceci et ça?" Et on a commencé à le rouer de coups: deux gardes et tout
15 particulièrement quelqu'un qui le connaissait. Et Damjan a commencé à
16 cracher du sang après avoir été frappé, il a également saigné de la bouche
17 et je crois, je présume que sa blessure qu'il avait au poumon s'est
18 réouverte.
19 Tomislav Papp, qui se trouvait à côté de lui, a demandé aux Chetniks de
20 lui donner des bandages, des pansements, car ils avaient effectivement une
21 trousse de premiers secours; il a demandé des bandages mais on ne lui a
22 rien donné. Donc il a couvert sa blessure. D'ailleurs il y a des documents
23 qui ont indiqué la nature de ses blessures; donc ce sont ses documents
24 médicaux, son dossier médical qu'ils lui ont posé sur la poitrine pour
25 arrêter l'hémorragie.
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1 Question: Vous avez dit que la plupart de ces passages à tabac étaient le
2 fait de Chetniks, de ceux que vous appelez des Chetniks; est-ce que qu'il
3 y avait des soldats de la JNA qui participaient également à ces passages à
4 tabac?
5 Réponse: Lorsqu'on traversait là haie et qu'ils nous frappaient, il y
6 avait des soldats de la JNA dans le hangar également. En fait, il y avait
7 toujours quelqu'un qui vous frappait mais les principaux passages à tabac
8 venaient effectivement des Chetniks. Il y avait un officier, un officier
9 de la JNA qui se trouvait au milieu de la salle qui disait: "Ne les
10 frappez pas", mais bien évidemment, on ne lui obéissait pas. En fait, il
11 ne faisait rien non plus pour se faire obéir. Je crois que c'était
12 réellement une tentative, une farce.
13 Question: Combien d'hommes, donc des Chetniks et des hommes de la JNA se
14 trouvaient à l'intérieur du hangar? Leur nombre?
15 Réponse: Eh bien, je dirais au total quarante; je présume quarante.
16 Question: Est-ce qu'ils vous ont dit pourquoi, pourquoi ils agissaient
17 ainsi?
18 Réponse: Non.
19 Question: Combien de temps ont continué ces mauvais traitements?
20 Réponse: Eh bien, il y avait toujours quelqu'un en train d'être frappé, il
21 y avait toujours quelqu'un qui était roué de coups. Tout d'abord, on était
22 battu quand on arrivait dans le hangar; ensuite, on a choisi Kemal, Damjan
23 à l'intérieur du hangar; on frappait les autres.
24 Lorsque la situation s'est légèrement calmée, Sasha Guja est venu me voir.
25 Et c'est comme ça que je sais que ce n'est pas son nom, son nom de famille
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1 mais, sans doute, son beau-père s'appelait Guja ou c'était peut-être son
2 surnom. Il avait environ mon âge, nous avions été amis, nous sortions le
3 soir ensemble; il était en uniforme de la JNA mais il n'était pas soldat.
4 Il m'a dit qu'il était membre des forces territoriales et c'était
5 d'ailleurs le nom que l'on donnait aux Chetniks locaux.
6 Bref il m'a demandé: "Qu'est-ce que tu fais, pourquoi tu es là?". Bien
7 sûr, j'ai haussé les épaules, je ne pouvais pas répondre. Il m'a demandé:
8 "Est-ce que tu as participé aux tirs?" J'ai répondu: "Non". "Est-ce que tu
9 as des armes?", m'a-t-il dit. J'ai répondu: "Non". "Est-ce que tu as porté
10 l'uniforme?", m'a-t-il demandé. J'ai répondu: "Non." "Est-ce que tu as été
11 mobilisé?" "Non". Donc toutes mes réponses étaient négatives.
12 Donc Tomislav Papp, qui était à deux ou trois mètres de moi, a dit: "Non,
13 non, il était dans un abri". Et il a donc confirmé mes dires. Et il m'a
14 pris de côté, il m'a mis le long du mur, à gauche, dans le hangar, à
15 l'intérieur du hangar; il m'a mis à gauche près de la porte donc. Sindilj
16 était également là, puisque qu'on l'avait également amené à cet endroit
17 pour tenter de nous sauver la vie. Donc un soldat qui nous gardait et qui
18 avait une arme, il était à deux ou trois pas de nous; donc il nous
19 gardait.
20 Question: Et à quel moment vous a-t-on emmené, vous a-t-on fait sortir du
21 hangar?
22 Réponse: Oui, effectivement. Je suis resté quelques instants là et on m'a
23 fait sortir, alors que Vjekoslav est resté. Donc ils m'ont fait sortir et
24 Igor Kacic se trouvait à l'extérieur, et Samo Poti qui est arrivé plus
25 tard. Les Chetniks sont arrivés et ont dit: "Qui sont-ils?" "Eh bien, leur
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1 a-t-on répondu, ils sont des nôtres". Les Chetniks ont dit que nous étions
2 des leurs et on a tenté de nous faire rentrer de nouveau dans le hangar.
3 Guja est arrivé et d'autres et ont dit: "Laissez-les tranquilles". Donc on
4 nous a laissés là, sur place; nous étions au nombre de neuf devant le
5 hangar.
6 La nuit tombait; il était déjà 17 heures parce qu'en novembre, la nuit
7 tombe rapidement. Nous étions donc au nombre de neuf. Ensuite -attendez,
8 je réfléchis-, un homme est venu: c'était celui qui avait frappé Kovacic.
9 Il a demandé à Igor Kacic de venir. Il avait 16 ans. On lui a dit que nous
10 étions le groupe qui serait emmené mais il est revenu, il est retourné au
11 hangar. D'ailleurs, nous avons tous dû retourner au hangar où une liste
12 était faite de nos noms, une copie tout du moins. Un exemplaire a été
13 remis à un officier de l'armée, qui était, je crois, un agent de sécurité,
14 puisqu'il me semble qu'on l'appelait l'officier de la sécurité de l'Etat.
15 Donc une copie de la liste lui a été remise et l'autre exemplaire était
16 entre les mains de la personne qui nous escortait.
17 Kacic est revenu parmi nous et, alors que nous quittions le hangar, j'ai
18 vu ce Glavesevic qui était entouré de Chetniks et d'officiers. Il a dit:
19 "Vous êtes le journaliste de l'Ustacha, qui a écrit des articles sur
20 nous". C'est à ce moment-là qu'on l'a roué de coups.
21 Nous avons quitté le hangar avec Kacic, qui est revenu parmi nous. Nous
22 sommes allés à l'estafette qui était supposée nous remmener à Vukovar.
23 Alors que nous nous y rendions, Ivan Ajasovic nous a rejoints, puis
24 Miroljub est venu: il s'agissait d'un commandant de la Défense
25 territoriale. Je ne me souviens plus de son surnom, je crois qu'il
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1 s'appelait Vujasinovic, je n'en suis pas sûr. Donc il a pris Nejasmic de
2 nouveau en disant: "Voilà, c'est le secrétaire de la HDZ. Pourquoi est-il
3 parmi vous?" Ajasovic a donc été ramené au hangar et sept d'entre nous
4 sont montés dans l'autocar.
5 Question: J'aimerais revenir un petit peu sur ces événements. Vous avez
6 indiqué que Sinisa Glavasevic était roué de coups près de la porte?
7 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit.
8 Question: Qu'est-ce qu'il avait fait? Quelles étaient ses fonctions
9 pendant les combats?
10 Réponse: Avant la guerre et pendant la guerre, il avait été journaliste;
11 il travaillait à la radio de Vukovar. Il s'agissait d'une radio croate à
12 Vukovar. Il relatait les événements de Vukovar, avant la guerre et pendant
13 la guerre.
14 Question: Lorsque vous êtes retourné à l'intérieur pour avoir votre nom
15 sur la liste, est-ce que vous l'avez vu? Est-ce que vous avez vu d'autres
16 personnes rouées de coups à ce moment-là?
17 Réponse: J'ai vu effectivement d'autres personnes se faire rouer de coups,
18 tout particulièrement Zvonimir Ivan, qui avait dit d'ailleurs qu'il
19 n'avait rien fait, qu'il était âgé; ils lui ont répondu: "Nous vous
20 connaissons: votre fils a été le commandant d'une section de défense
21 municipale". Ils l'ont donc frappé et ont frappé d'autres personnes, mais
22 je ne voyais pas bien parce que qu'il faisait sombre; encore une fois, je
23 n'avais pas mes lunettes et je ne pouvais pas vraiment pas bien voir.
24 Question: Lorsqu'on vous a fait monter dans l'estafette avec les autres
25 qui avaient été sauvés, où vous a-t-on emmenés?
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1 Réponse: Tout d'abord, on nous a emmenés à Velepromet et, ensuite, on nous
2 a fait sortir de l'estafette. Mais on leur a dit qu'il n'y avait pas
3 suffisamment de place pour nous. Il y avait un Chetnik, Ljubin Milikovic
4 qui a dit qu'il n'y avait pas suffisamment de place pour nous. Donc nous
5 avons repris l'estafette et on nous a emmenés à Modateks, qui est une
6 usine textile. Plusieurs femmes s'y trouvaient, du centre ville; elles
7 étaient restées au centre ville pendant la guerre. On nous a mis sur une
8 table en marbre qui, en fait, servait dans l'usine pour étirer les tissus.
9 On nous a donc mis sur cette table pour y dormir. Personne ne nous a rien
10 fait ce soir-là. En fait, nous nous sommes reposés sur du capiton.
11 Question: Combien de temps êtes-vous restés?
12 Réponse: Nous y avons passé la nuit et, le matin, un officier de la JNA
13 est arrivé, un Macédonien; il portait une veste et un béret. Il est venu
14 nous interroger; il nous a demandé nos noms, notre nationalité, nos
15 professions. Encore une fois, ils ont commencé à insulter les gens.
16 Sladana Korda était également là, en uniforme. Elle est née en 1973 et a
17 donc environ mon âge, mais elle était extrêmement arrogante; elle se
18 trouvait donc là. Lorsque le Macédonien, cet officier m'a demandé si je la
19 connaissais, j'ai dit: "Bien sûr, je la connais. Je la connais du Café des
20 Trois Roses". C'était le café où la plupart des jeunes Serbes se
21 rendaient. Mais je connaissais tous les cafés et je l'y voyais dans ce
22 café-là. "Bon, puisque vous l'avez vue dans ce café, m'a-t-on dit, c'est
23 une bonne chose vous vous".
24 Question: Est-ce qu'on vous a relâché de Modateks?
25 Réponse: Oui. Miroslav Slavic est arrivé pour m'emmener et il m'a amené à
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1 la rue Markovica où je me suis retrouvé avec des personnes âgées, qui
2 étaient les parents de Chetniks, d'autres de la garde nationale,
3 principalement des personnes du troisième âge et moi-même. Il s'agissait
4 d'un bâtiment qui avait été réquisitionné par les Chetniks. Mirko Stajic
5 avait donc annexé ce bâtiment en déclarant que c'était son domicile.
6 Question: Combien de temps êtes-vous resté à Vukovar, après votre
7 libération?
8 Réponse: Je suis resté jusqu'au 14 décembre, mais je n'ai pas été libéré.
9 Je suis resté dans ce bâtiment; les Chetniks y venaient tous les jours et
10 ils procédaient à des interrogatoires: "Qui était dans la garde nationale,
11 qui était dans les organisations croates de la garde nationale, par
12 exemple?" Donc je leur ai parlé de ceux qui étaient morts et je leur ai
13 donné le nom de ceux qui étaient morts. Pour le reste, je leur ai dit que
14 je ne savais pas.
15 Je leur ai également dit que j'avais une hernie, que j'avais été
16 emprisonné et qu'il conviendrait qu'ils me laissent partir pour que
17 j'aille voir ma marraine à Belgrade pour être soigné. La mère de mon père,
18 ma grand-mère, était en uniforme serbe; elle était loyale aux Serbes et
19 grâce à ses relations, elle a obtenu un document pour m'obtenir un
20 laissez-passer pour sortir de Vukovar. Donc, le 14 décembre, j'ai quitté
21 Vukovar pour aller à Sid, pour y vivre avec son frère, et ma marraine de
22 Belgrade est venu me chercher. Je suis resté à Belgrade et, ensuite, par
23 la Bosnie, je suis allé en Croatie.
24 Question: Pendant la période où vous êtes resté à Vukovar, où êtes-vous
25 descendu?
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1 Réponse: Rue Markovic 127, Svetozar Markovic. Je ne sais pas à qui
2 appartenait cet endroit avant la guerre, mais Miroslav Savic avait occupé
3 cette maison pendant la guerre.
4 Question: Et votre grand-mère y avait également descendue?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Pendant cette période, vous avez pu vous mouvoir librement dans
7 Vukovar?
8 Réponse: Non. Je n'ai pas pu.
9 Question: Pendant la période où vous êtes resté, est-ce que vous avez vu
10 des Serbes qui avaient été à Ovcara avec vous?
11 Réponse: Miroslav Savic se trouvait à Ovcara et Goran Mugosa y venait
12 également; lui aussi avait été à Ovcara.
13 Question: J'aimerais maintenant projeter une autre partie de la vidéo,
14 pièce 23 à verser au dossier. Pourrait-on baisser les rhéostats?
15 (Diffusion de la vidéo.)
16 Est-ce qu'on pourrait faire un retour vers l'arrière?
17 Est-ce que vous reconnaissez qui que ce soit sur cette image?
18 Réponse: Oui. Oui, est-ce que vous pourriez faire un arrêt sur l'image?
19 La personne…, le barbu se trouvait à Ovcara. C'est celui qui a frappé
20 Kemal; il a dit qu'il venait du Monténégro, "qu'il était venu au
21 Monténégro pour voir la culture", a-t-il dit.
22 C'est comme ça que j'en ai conclu qu'il était du Monténégro, il était à
23 Ovcara; c'était l'un des plus brutaux.
24 Question: Est-ce que vous avez la possibilité, pendant cette période où
25 vous êtes restés à Vukovar, de parler avec ces Serbes quant à ce qui
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1 s'était passé à Ovcara?
2 Réponse: J'ai eu la possibilité uniquement de parler avec Miroslav Savic,
3 parce que je lui ai dit, par exemple: "Qu'est-ce qui est arrivé aux
4 autres?", lui ai-je demandé; et il m'a dit: "Ils sont tous en terre" ou
5 "Ils mangent de l'herbe par la racine". C'est-à-dire qu'en fait, ils
6 étaient déjà enterrés.
7 J'ai également parlé de Goran Mugosa. J'ai dit qu'il avait pris mes
8 documents, qu'il m'avait pris mon argent, qu'il m'avait frappé et il a
9 dit: "Non, non, c'était juste une blague! En fait, tu as de la chance
10 d'être vivant !"
11 Question: Et tous ceux qui ont quitté Ovcara dans l'estafette avec vous,
12 en novembre, est-ce que vous les avez revus? Est-ce que vous en avez revu,
13 à part ceux-là?
14 Interprète: Nous avons de nouveau perdu l'interprétation. L'interprète en
15 cabine française n'a absolument rien touché.
16 M. le Président: Vous n'avez touché à rien. Monsieur le greffier?
17 Oui. Bon, écoutez, je propose peut-être de prendre une suspension de dix
18 minutes ou d'un quart d'heure pour que la technique audiovisuelle se
19 remette au point: nous avons trop de problèmes.
20 L'audience est suspendue.
21 (L'audience, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 15.)
22 M. le Président: Alors est-ce que la technique est au point, Monsieur le
23 Greffier? Je me tourne vers les différentes cabines. Monsieur le
24 Procureur, m'entendez vous?
25 M. Williamson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
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1 M. le Président: Le Greffe m'entend-il? Mes collègues m'entendent? Dans
2 les cabines, est-ce que tout va bien?
3 Les interprètes: Oui, oui. Oui, pour l'instant.
4 M. le Président: Je sais que c'est difficile. Nous essayons tous d'y
5 mettre la meilleure volonté possible, mais les instruments les plus
6 sophistiqués ont leurs défaillances.
7 Monsieur Kojic, vous vous asseyez. Alors êtes-vous sur le bon canal? Est-
8 ce que vous m'entendez, Monsieur Kojic?
9 M. Kojic (interprétation): Oui, oui. Oui, tout va bien.
10 M. le Président: Vous êtes un peu reposé? Vous vous êtes détendu un petit
11 peu pendant cette pause?
12 M. Kojic (interprétation): Oui, je me suis reposé là-haut.
13 M. le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
14 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, j'avais simplement
15 encore une question à poser à M. Kojic.
16 Un homme a quitté Ovcara dans la camionnette avec vous, le 20 novembre
17 1991, mais à part lui, est-ce que vous avez revu l'un quelconque des
18 hommes qui ont été sortis de l'hôpital avec vous?
19 M. Kojic (interprétation): Oui, j'ai vu un homme qui habite près de
20 Bjelovar en Croatie, c'est un village en Croatie. Il était armé, il a fait
21 son service dans les chars, et en septembre il s'est sauvé pour venir de
22 notre côté. A ce moment-là, il était stationné aux environs de Mupa et ils
23 l'ont arrêté. Je raconte son histoire. Quand ils ont commencé à les
24 battre, il a dit: "Arrêtez de nous battre, nous sommes des soldats de la
25 JNA". Et avant de rentrer dans le hangar, ces quatre hommes ont ensuite
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1 été emmenés à Negoslavci. Plus tard, il a été jugé à Belgrade et il a
2 passé deux ans en prison à Valjevo. Aujourd'hui, il est là-bas chez lui à
3 son domicile. Lui, je le connais, je connais son nom et des trois autres
4 c'est lui qui connaît leurs noms. Son nom est Hajro Dode. Il est albanais
5 de nationalité.
6 Question: Parmi les hommes qui sont restés à l'intérieur du hangar après
7 que vous soyez sortis de la camionnette, est-ce qu'il y en a que vous avez
8 revus plus tard?
9 Réponse: Non.
10 M. Williamson (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur
11 le Président.
12 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur. Madame le Juge, avez-vous
13 des questions?
14 Mme Odio-Benito (interprétation): Oui, merci.
15 (Questions de Mme le Juge Odio-Benito à M. Zarko Kojic.)
16 Monsieur Kojic, lorsqu'on vous a fait sortir de l'hôpital, est-ce que les
17 hommes qui se trouvaient avec vous dans l'autocar étaient des patients
18 soignés à l'hôpital ou est-ce qu'il s'agissait de soldats, à moins qu'ils
19 aient été des civils?
20 M. Kojic (interprétation): Il y avait des blessés, il y avait des membres
21 du personnel de l'hôpital et des civils, mais je n'ai remarqué aucun
22 soldat. Mais tous ces soldats avaient l'habitude de se déplacer en civil
23 et ne portaient pas leurs armes si les gens qui étaient avec moi dans
24 l'autocar étaient des soldats.
25 Question: Excusez-moi, est-ce qu'ils étaient tous Croates?
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1 Réponse: Je suppose qu'il y avait aussi des Hongrois, je suppose qu'il y
2 avait des Croates et aussi des Serbes.
3 Question: Et des Musulmans?
4 Réponse: Peut-être, c'est possible.
5 Question: Lorsque vous êtes allé à l'hôpital, votre mère était là, elle
6 était blessée n'est-ce pas? Où et à quel moment a-t-elle été blessée?
7 Réponse: Le 8 novembre, ils sont venus nous chercher de l'hôpital parce
8 qu'ils avaient besoin de sang pour les blessés. Nous avons pris place dans
9 une automobile, une petite voiture, je crois que vous l'appelez la Fiat
10 500. Damir Bosnjakovic, le chauffeur, moi-même et ma mère qui était assise
11 derrière, il y avait aussi Mme Subasic, une femme assez âgée dont je ne
12 connais pas le prénom, et puis une femme dont je connais le prénom, Delfa,
13 dont je ne connais pas le nom de famille. Nous avons donc pris place dans
14 la voiture et nous avons commencé à nous diriger vers la rue Kidriceva
15 dans la direction de l'hôpital et c'est à ce moment-là que des coups de
16 feu ont été tirés contre notre voiture au moment où nous approchions de la
17 rivière Vuka, la rue montait. De nous tous, ma mère a été la seule
18 blessée, elle a reçu un éclat dans le foie.
19 On l'a emmenée à l'hôpital, elle a été opérée mais le problème finalement
20 est demeuré en l'état parce qu'aucun d'entre nous n'a pu donner son sang.
21 Certains parmi nous en avaient déjà donné un mois avant et d'autres
22 étaient sous-alimentés et très épuisés, donc on n'a pas pu prendre leur
23 sang. Donc on est rentré de l'hôpital et Damir Bosnjakovic a été blessé
24 sur le trajet du retour. Ma mère était à ce moment-là déjà hospitalisée.
25 Question: Et qu'est-ce qui s'est passé avec votre mère après la prise de
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1 l'hôpital?
2 Réponse: Elle a été embarquée par Sremska Mitrovica avec les blessés et
3 elle a été emmenée à Bjelovar.
4 Question: Comment va-t-elle aujourd'hui?
5 Réponse: Elle va mieux. Son foie a récupéré, mais elle a eu plusieurs
6 opérations du côté droit. Il a même fallu rouvrir sans nécessité en fait
7 parce qu'il n'y avait pas de radio et donc pour réaliser une vérification
8 on a dû ouvrir. Alors, du côté droit, elle a quand même quelques
9 problèmes, elle tire un peu la jambe. Elle ne va pas vraiment mal, mais
10 elle ne va pas non plus terriblement bien.
11 Question: Lorsque vous vous trouviez à l'intérieur du hangar, est-ce que
12 l'on vous a donné de la nourriture, de l'eau, une aide quelconque?
13 Réponse: Non, que des coups.
14 Mme Odio-Benito (interprétation): Merci, je n'ai pas d'autres questions.
15 (Questions de M. le Juge Riad au témoin, M. Zarko Kojic.)
16 M. Riad (interprétation): Monsieur Zarko Kojic, pourriez-vous, je vous
17 prie, m'éclairer sur quelques points. Vous avez dit que le matin du 20
18 novembre quelqu'un a donné l'ordre que les hommes de 16 à 60 ans ainsi que
19 les blessés en état de marche quittent l'hôpital. Est-ce que vous pouvez
20 vous rappeler l'identité de la personne qui a donné cet ordre?
21 M. Kojic (interprétation): Un représentant de la JNA est arrivé, moi je ne
22 connais pas son rang parce que je n'ai pas fait partie de cette armée. Il
23 portait un sac sur le dos, il était petit, plutôt gros, un peu chauve, aux
24 alentours de 55 ans. Pour moi, il ressemble à cet homme qui, dans le
25 hangar, a demandé que l'on ne nous batte pas et qui s'est beaucoup agité à
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1 ce moment-là mais je ne peux pas l'affirmer avec certitude.
2 Question: Est-ce que vous avez revu plus tard l'une des personnes
3 quelconques qui a quitté l'hôpital à ce moment-là, ou est-ce qu'ils ont
4 complètement disparu?
5 Réponse: Non, plus tard je ne les ai pas revus.
6 Question: Vous n'avez jamais revu aucun d'entre eux depuis cette date?
7 Réponse: Non.
8 Question: Lorsque vous êtes arrivé à Negoslavci dans la ferme Ovcara, vous
9 avez dit qu'à Ovcara vous êtes entré dans le hangar et qu'avant il y avait
10 cette haie d'hommes qui vous frappaient au passage, n'est-ce pas?
11 Réponse: J'ai dit… Ce n'était pas à Negoslavci. J'ai simplement dit que
12 Negoslavci était sur la route. C'était la direction de Negoslavci.
13 Question: Bon, ça n'a pas d'importance. Le hangar se trouvait à Ovcara,
14 c'est bien cela?
15 Réponse: oui.
16 Question: Et à ce moment-là, vous êtes descendu de l'autocar et vous avez
17 dû passer à travers -comme vous l'avez dit- une haie d'hommes et vous avez
18 été frappé à coups de pied, à coups de barres de fer, à coups de haches et
19 à coups d'autres instruments.
20 Est-ce que Sljvancanin était dans les parages?
21 Réponse: Non, je ne l'ai pas remarqué. Il était peut-être là mais je ne
22 l'ai pas remarqué.
23 Question: Et à l'intérieur du hangar, au moment où vous avez été frappé,
24 est-ce que Radic et Sljvancanin étaient dans les parages?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Vous avez dit que certaines personnes étaient distinguées -je
2 dirai- parmi la foule et que ces personnes ont subi un traitement encore
3 plus pénible. Vous avez mentionné les noms de Kemal et de Damjan; est-ce
4 que cela était dû au fait qu'ils appartenaient à un groupe différent? Vous
5 avez dit qu'ils étaient albanais, n'est-ce pas?
6 Réponse: Pour Kemal, je pense que c'était l'une des principales raisons et
7 peut-être même la seule. Pour Damjan, je suppose que c'est parce qu'il
8 était l'un des dirigeants de la garde.
9 Question: Donc vous pensez que ces gens, que certains ont été choisis de
10 cette façon uniquement parce qu'ils faisaient partie de la garde ou parce
11 qu'ils avaient eu un rôle particulier dans le cadre de la résistance? Est-
12 ce que vous pensez que cette hypothèse a quelque validité?
13 Réponse: Oui, mais ce n'était pas la seule raison. Il n'y avait aucune
14 raison, on ne pouvait pas comprendre les raisons si elles existaient.
15 S'ils voyaient quelqu'un de jeune, ils disaient: "C'est parce que vous
16 êtes jeune, parce que vous êtes un enfant". Ils inventaient des raisons.
17 Pour Damjan, ils savaient qu'il faisait partie de la garde; et pour Kemal,
18 Kemal lui-même avait dit qu'il était Albanais, donc c'est deux là ont
19 vraiment souffert terriblement. Sinisa, c'est parce qu'il était
20 journaliste à la radio croate. Damjan, parce qu'il était dans la garde.
21 Mais sans aucune raison en fait, il y a d'autres personnes qui se sont
22 fait battre, les raisons ont été inventées.
23 Question: Oui mais ceux qui ont été sauvés, ont été sauvés pour une raison
24 précise, y compris vous? Pour quelle raison ont-ils épargné certaines
25 personnes à votre avis? Parce que c'étaient des membres de leur famille ou
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1 moi, j'ai été épargné parce que j'étais gentil avec Guja, et ils auraient
2 aussi bien pu décider de me tuer pour cette même raison précisément?
3 Réponse: Vilijez Pasan, je ne sais pas. Il venait de Zagreb, il était
4 volontaire, il a demandé à un soldat de le sauver, et ce soldat a décidé
5 de l'épargner. Emil a été épargné parce qu'il était membre du service
6 municipal, il était inspecteur administratif et il avait fourni quelques
7 papiers qui intéressaient une personne de la mairie, et c'est la raison
8 pour laquelle il a été épargné. Vous savez, les raisons sont difficiles à
9 comprendre, incompréhensibles même. Tout était un cas individuel, tout
10 était le fruit du hasard.
11 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur Kojic.
12 M. le Président: Monsieur Kojic, je crois que vous avez subi beaucoup de
13 questions.
14 Je ne vais peut-être pas vous en poser d'autres. Je voudrais peut-être
15 demander à M. le Procureur l'origine de la vidéo qu'il a eu l'occasion,
16 aujourd'hui comme d'autres la semaine dernière, de nous présenter,
17 l'origine et les sources de cette vidéo.
18 M. Williamson (interprétation): Nous avons montré la vidéo 23, c'est une
19 compilation de sources différentes mais la majorité, 95%, vient d'un
20 programme télévisé qui a été passé à la télévision de Belgrade et donc
21 c'est là l'origine de ces vidéos.
22 M. le Président: Ce sont des sources serbes que vous utilisez?
23 M. Williamson (interprétation): C'est cela, Monsieur le Président,
24 c'étaient des sources serbes, cela a été filmé par une agence de presse de
25 Serbie et ceci a été repassé à la télévision croate et, sur notre demande,
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1 ils nous ont fourni cette vidéo.
2 M. le Président: Est-ce que l'on aurait pu, Monsieur le Procureur,
3 repasser les trois images représentatives des visages des trois accusés au
4 témoin? Car je crois qu'il a reconnu l'un d'entre eux, mais j'aimerais
5 notamment savoir s'il reconnaît notamment le major. Est-ce que c'est
6 possible, Monsieur le Procureur?
7 M. Williamson (interprétation): Oui, Monsieur le Président, ce sont 24, 25
8 et 26. Et je prie la technique de les repasser.
9 Je m'excuse, Monsieur le Président, voulez-vous voir les photographies à
10 partir des vidéos ou souhaitez-vous les faire passer à la vidéo?
11 M. le Président: Non. Je crois, Monsieur le Procureur, que ceci
12 intéresserait le Tribunal, c'est de savoir si le témoin reconnaît bien les
13 trois accusés. Je pense qu'il a bien reconnu le capitaine, je voudrais
14 savoir s'il peut reconnaître le major. Je ne pense pas qu'il puisse
15 reconnaître Mrksic, mais je pense que le major c'est important, je
16 voudrais savoir s'il le reconnaît. Et s'il le reconnaît, s'il le reconnaît
17 parce qu'il l'a vu lui même ou si tout simplement il le sait parce qu'il a
18 vu le major à la télévision. Voilà.
19 M. Williamson (interprétation): Nous allons montrer les photographies. En
20 ce moment, nous allons montrer l'image 25, la pièce à conviction 25.
21 M. le Président: Là, on ne voit plus rien.
22 M. Williamson (interprétation): Il faut appuyer sur le moniteur
23 ordinateur.
24 M. le Président: C'est une photocopie, oui. Il y avait les photographies
25 de l'homme sur la vidéo active qu'on avait vu. Voilà ce qui a été extrait
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1 de la vidéo. Je ne sais pas, là j'ai… peut-être en éclairant l'écran. Est-
2 ce que le témoin voit quelque chose?
3 (Questions de M. le Président Jorda au témoin, M. Zarko Kojic.)
4 Monsieur Kojic, est-ce que vous voyez la photographie?
5 M. Kojic (interprétation): Oui, c'est le major Veselin Sljvancanin. Je
6 l'ai vu moi-même devant l'hôpital.
7 Question: Est-ce qu'il vous donnait l'impression d'être celui qui
8 dirigeait les opérations d'évacuation?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Alors, peut-être que ce n'est pas la peine dans ces conditions,
11 Monsieur le Procureur, merci Monsieur Kojic, ce n'est pas la peine de
12 prolonger une audition qui a été longue. A moins que pour Mrksic, on
13 puisse également procéder à la vision? Le capitaine, le témoin l'a déjà
14 reconnu donc ce n'est pas la peine. Est-ce qu'on peut passer le…?
15 M. Williamson (interprétation): Oui, Monsieur le Président, le témoin a
16 reconnu… Maintenant, nous allons montrer la pièce à conviction 26. C'est
17 aussi un extrait de la vidéo.
18 M. le Président: Alors, je ne sais pas si vous voyez bien. Monsieur Kojic,
19 est-ce que vous reconnaissez? Vous ne l'avez certainement pas vu
20 directement, mais est-ce qu'au moins vous…? Voilà. Qu'est-ce que vous
21 voyez? Est-ce que vous pouvez nous dire ce que ça évoque pour vous?
22 M. Kojic (interprétation): Oui, je sais qui c'est mais je ne sais pas si
23 je l'ai vu.
24 M. le Président: Bien. Monsieur Kojic, le Tribunal vous remercie. C'est
25 difficile de venir jusqu'ici, devant le Tribunal pénal international.
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1 C'est une audition qui est longue, qui vous rappelle des choses difficiles
2 et douloureuses de votre vie, donc il vous remercie particulièrement, il
3 vous souhaite un bon retour.
4 Je crois que nous pouvons maintenant raccompagner M. Kojic, Monsieur
5 l'huissier.
6 (Le témoin, M. Zarko Kojic est reconduit hors du prétoire.)
7 M. le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
8 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, le témoin suivant
9 est Witness K. Et nous avons demandé quelques mesures de protection.
10 Nous aimerions que son image soit floue et qu'il ne soit pas vu de la
11 galerie du public. C'étaient des demandes qui n'ont pas été formulées
12 auparavant dans l'ordonnance.
13 M. le Président: Bien. Alors écoutez, le Tribunal est bien sûr tout à fait
14 d'accord pour accorder cette protection au témoin.
15 Monsieur le Greffier, pouvez-vous compléter dans vos minutes les
16 dispositions qui avaient été précédemment prises pour deux ou trois
17 témoins, les compléter et les adjoindre pour le témoin qui va être
18 présenté. Dont on ne dissimulera pas l'identité, Monsieur le Procureur?
19 M. Williamson (interprétation): C'est cela, Monsieur le Président.
20 J'aimerais que les stores soient descendus et qu'il y ait l'écran derrière
21 le témoin.
22 M. le Président: Non. Non, non, pas du tout, ça va marcher.
23 Monsieur le Greffier, cela ne vous dérange-t-il pas de faire demander à
24 l'huissier de baisser les stores, le temps d'introduire le témoin qui
25 ensuite sera protégé dans son image?
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1 (Audience publique avec mesures de protection.)
2 M. le Président: Bien. Monsieur le Greffier, tout est prêt. Alors, vous
3 pouvez peut-être introduire le témoin. Il s'agit donc de M.
4 Witness K.
5 (Le témoin, Witness K, est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président: Monsieur Witness K, prenez l'écouteur, vérifiez d'abord
7 que vous m'entendez. Vous m'entendez et que la traduction est correcte.
8 Vous m'entendez, Monsieur Witness K? Oui? Je n'ai pas entendu la réponse?
9 Oui?
10 M. Witness K (interprétation): Oui.
11 M. le Président: Vous avez une déclaration que vous pouvez lire devant le
12 Tribunal, s'il vous plaît.
13 M. Witness K (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
14 vérité, rien que la vérité.
15 M. le Président: Monsieur Witness K, pouvez-vous nous donner votre
16 identité? Asseyez-vous. Asseyez-vous. Pouvez-vous nous rappeler votre
17 identité, votre âge?
18 M. Witness K (interprétation): Je m'appelle Witness K, j'ai 26 ans.
19 M. le Président: Monsieur le Procureur, le temps de relever les rideaux
20 puisque l'audience est publique. Mais M. Witness K le sait, des mesures de
21 protection conformes à sa propre demande et à la demande du Procureur ont
22 été prises. Vous pouvez donc témoigner, Monsieur Witness K, en toute
23 sérénité devant cette instance internationale qui assure votre protection
24 dans votre témoignage. Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
25 (Interrogatoire principal de M. Witness K par M. Williamson.)
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1 M. Williamson (interprétation): Monsieur Witness K, d'où venez-vous?
2 M. Witness K (interprétation): De Zagreb.
3 Question: Avez-vous vécu à Zagreb toute votre vie?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Votre nationalité est croate, c'est cela?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et vous avez vécu à Zagreb au début de l'année 1991?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Un moment plus tard, vous êtes entré dans l'armée croate, c'est
10 cela?
11 Réponse: Oui.
12 Question: C'est à quel moment?
13 Réponse: En août, au début du mois d'août, en 1991.
14 Question: Et à quelle époque avez-vous rejoint ZNG, garde nationale
15 croate?
16 Réponse: La situation en Croatie, nous étions attaqués, j'ai décidé de
17 rejoindre les défenseurs de la patrie.
18 Question: Lorsque vous avez rejoint les gardes nationales, où est-ce que
19 vous êtes allés?
20 Réponse: J'y suis entré le 5 août 1991 et nous sommes partis à Kumerovec
21 où nous avions la formation.
22 Question: Quelle était la durée de cette formation?
23 Réponse: Très peu, peut-être une vingtaine de jours.
24 Question: Lorsque vous êtes partis pour Vukovar, quand est-ce que cela
25 s'est passé?
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1 Réponse: Le 30 septembre, nous sommes partis pour Vukovar et le 1er, le
2 lendemain, nous sommes arrivés tôt dans la matinée.
3 Question: A quelle heure, comment êtes-vous arrivés?
4 Réponse: Jusqu'à Bogdanovci, nous sommes arrivés en bus et de Bogdanovci
5 nous sommes allés à pied vers Vukovar où nous sommes arrivés le 1er
6 octobre.
7 Question: A cette époque-là, la ville de Vukovar a été encerclée par les
8 formes armées de la JNA?
9 Réponse: C'est ça.
10 Question: Etiez-vous en mesure de prendre une route pour accéder à la
11 ville? Comment vous y êtes entrés?
12 Réponse: Nous avions un guide qui nous a guidés à travers les champs.
13 Question: Combien de personnes y avait-il dans votre groupe?
14 Réponse: Mon unité comptait 20 personnes.
15 Question: Qu'est-ce qui s'est passé après votre arrivée à Vukovar?
16 Réponse: Là, nous avons eu tout d'abord la tâche d'assurer la protection
17 d'un silo qui se trouvait près du Danube et nous devions protéger le
18 passage de Dunav contre le passage de l'armée yougoslave.
19 Question: Quelles étaient vos armes?
20 Réponse: Nous avions des armes légères, les Kalashnikov, les fusils, les
21 armes de l'infanterie.
22 Question: Quelles étaient les armes de l'armée opposée de la JNA?
23 Réponse: Tout, tout ce qui existe, tout ce qu'on peut s'imaginer. Ils ont
24 tout utilisé, les avions, l'escale, l'artillerie.
25 Question: Etes-vous restés sur ce point, cette position durant les
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1 batailles?
2 Réponse: Non.
3 Question: Quand est-ce que vous avez changé d'endroit?
4 Réponse: Peut-être vers le 20 octobre, nous avons quitté cette position et
5 sommes partis de l'autre côté de la ville.
6 Question: Et où exactement?
7 Réponse: Cette partie de la ville s'appelle Sajmiste, la rue où je me
8 trouvais s'appelle la "rue du 1er mai", Prvomajska.
9 Question: Vers la mi-novembre, quelle était la situation générale à
10 Vukovar?
11 Réponse: A cette époque-là, il nous paraissait clair que la ville allait
12 tomber, la situation était difficile. L'armée entrait dans certaines
13 parties de la ville, nous étions poussés vers le centre. Ce n'était
14 pratiquement pas possible de circuler à l'intérieur de la ville.
15 Question: Alors il y a eu un moment où vous êtes parti à l'hôpital de
16 Vukovar?
17 Réponse: C'est ça.
18 Question: Quand est-ce que cela s'est passé?
19 Réponse: Je pense que c'était le 16 novembre.
20 Question: Quelle en était la raison? Pourquoi êtes-vous parti pour
21 l'hôpital?
22 Réponse: Parce que de mon unité, j'étais le seul qui restait intact, qui
23 n'a pas été blessé. Je n'ai pas eu de blessures graves et je me sentais
24 sûr seulement à l'hôpital, à attendre la reddition à l'hôpital.
25 Question: Quelle était la situation lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital?
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1 Réponse: Tout d'abord, beaucoup de blessés. Deuxièmement, la peur, la peur
2 générale parce qu'on sentait que la ville allait tomber aux mains de
3 l'adversaire et il y avait une panique. Tout le monde était paniqué.
4 Question: Y avait-il d'autres personnes à part des blessés, les civils de
5 la ville?
6 Réponse: Oui, surtout -peut-être pas exactement le 16- mais au moment
7 avant la tombée de la ville, il y a eu des civils, beaucoup de gens autour
8 de l'hôpital.
9 Question: Avez-vous pris vos armes à l'hôpital?
10 Réponse: A l'hôpital, non.
11 Question: Qu'est-ce que vous avez fait avec votre arme?
12 Réponse: Je l'ai laissée dans une maison où j'étais, où je me trouvais en
13 dernier lieu.
14 Question: Avez-vous rencontré d'autres soldats croates armés à l'hôpital?
15 Réponse: Non, personnellement je n'ai pas vu de soldats croates à
16 l'hôpital portant des armes.
17 Question: Le 19 novembre, y a-t-il eu des combats dans l'ère de l'hôpital?
18 Réponse: Non, les combats ont cessé parce que l'armée avait déjà encerclé
19 l'hôpital et le 19 novembre -si je me rappelle- il n'y a pas eu de grands
20 combats aux alentours.
21 Question: Alors, à l'époque est-ce que vous avez remarqué la présence des
22 soldats de l'armée?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Comment se sont-ils comportés ces premiers soldats de la JNA?
25 Réponse: A l'entrée de l'armée, le 19, ils ne réagissaient pas, ils
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1 étaient plutôt calmes. Ils passaient par l'hôpital. Moi, j'étais resté à
2 un endroit, je ne me déplaçais pas trop.
3 Le 19, il n'y a pas eu beaucoup de réaction de leur part.
4 Question: Dans la matinée du 20 novembre, la situation a changé, est-ce
5 qu'ils se sont comportés autrement?
6 Réponse: Oui, je sais qu'en un instant -nous devions sortir de l'hôpital-
7 ils ont commencé à nous séparer, à nous fouiller, à nous insulter.
8 Question: Et qu'est-ce qui s'est passé avec vous? Personnellement, vous a-
9 t-on emmené de l'hôpital?
10 Réponse: Oui, avec un groupe de gens, on nous a fait sortir, on nous a
11 fouillés, on nous a fait monter dans les autocars qui étaient derrière
12 l'hôpital.
13 Question: Qui a procédé à ces fouilles?
14 Réponse: Les soldats de l'armée yougoslave de la JNA.
15 Question Qu'est-ce qu'ils cherchaient?
16 Réponse: Probablement les armes, je pense que c'est ça.
17 Question: Vous avez dit qu'il y avait des bus, des autocars, où ont-ils
18 été garés?
19 Réponse: Ils étaient garés de l'autre côté de l'hôpital, je dirai le côté
20 latéral, ou derrière l'hôpital. Pour moi, c'était le côté arrière parce
21 qu'avant je n'y suis jamais entré par cette entrée, par ce portail de
22 derrière. Je pense que c'était exprès qu'il était derrière.
23 Question: Combien de personnes ont été dans un bus approximativement?
24 Réponse: C'était plein, tous les sièges étaient occupés, peut-être qu'il y
25 avait 50 personnes.
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1 Question: Et combien de bus y avait-il environ?
2 Réponse: Combien de bus?
3 Question: Combien de bus y avait-il?
4 Réponse: A l'hôpital, je n'ai pas pu tout à fait constater le nombre exact
5 mais lorsque nous étions en caserne de Vukovar, j'ai pu constater qu'il y
6 en avait six.
7 Question: Quand vous étiez dans les bus, y avait-il des gardes?
8 Réponse: Oui, il a eu deux soldats qui nous gardaient. C'étaient les
9 soldats réguliers de l'armée JNA. C'est ce qu'il disait, c'est ce qu'il
10 prétendait être.
11 Question: Vous avez dit que lorsque vous étiez dans la caserne, c'était la
12 caserne de l'armée JNA?
13 Réponse: C'est ça.
14 Question: Qu'est-ce que vous avez observé à cette époque-là?
15 Réponse: Il y a eu beaucoup de soldats réguliers de la JNA, mais il y a eu
16 aussi des Chetniks. C'étaient des formations paramilitaires qui étaient à
17 l'époque sous contrôle de la JNA, c'est ce que j'ai pu remarquer.
18 Question: Quand vous parlez des Chetniks, à quoi vous référez-vous? C'est
19 qui?
20 Réponse: Personnellement, je pense que ce sont des extrémistes, ce sont
21 les Serbes les plus extrémistes qui sont aptes à faire des crimes graves
22 pour leur propre intérêt.
23 Question: Alors, comment eux, les Chetniks et les soldats se comportaient-
24 ils?
25 Réponse: Ils se comportaient -comment dirai-je- comme une bande, ils
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1 n'avaient pas l'air d'une armée régulière.
2 Question: Comment se comportaient-ils dans la caserne, qu'est-ce qu'ils
3 ont fait?
4 Réponse: A ce moment-là, on avait l'impression que l'armée a toujours le
5 contrôle des choses, des événements. La seule chose qui s'est passée, ils
6 sont venus avec une liste et ils ont appelé certains noms. J'ai vu un bus
7 qui était un peu à l'écart et les personnes qui ont été appelées d'un
8 autre bus sont sorties pour monter dans l'autre bus, et j'ai vu que là ils
9 ont été tabassés. Alors que nous, à l'époque, nous étions encore laissés
10 tranquille.
11 Question: Est-ce que ces soldats paramilitaires sont montés dans votre
12 bus, les Chetniks?
13 Réponse: Oui, mais seulement à l'entrée, ils n'ont pas traversé le bus.
14 Question: Avez-vous pu entendre ces hommes dire quelque chose?
15 Réponse: Oui, bien sûr, il y avait des injures, il y avait des menaces.
16 Ils nous ont dit: "C'est la fin. Vous êtes finis. Il n'y a plus de
17 Croatie". Voilà.
18 Question: Etaient-ils armés? Quelles étaient leurs armes?
19 Réponse: Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît? Oui, oui, ils
20 étaient tous armés.
21 Question: Combien de temps les bus restaient dans la caserne JNA?
22 Réponse: Je suis sûr qu'au moins deux heures, peut-être même plus. Je ne
23 peux pas dire exactement et je n'avais pas ma montre. Je n'avais pas
24 exactement le sens pour le temps.
25 Question: Lorsque les bus partaient, où se dirigeaient-ils?
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1 Réponse: A l'époque, je ne le savais pas. Je savais que c'était quelque
2 part, à l'extérieur de la ville. J'ai vu des champs d'une part et de
3 l'autre mais je ne connaissais pas la région. Mais une fois venu au
4 hangar, j'ai compris qu'il l'appelait Ovcara.
5 Question: Et jamais auparavant, vous n'étiez pas sur ce lieu-là? Dans quel
6 autocar vous trouviez-vous?
7 Réponse: Dans le groupe d'autocars qui se sont rendus à Ovcara. Eh bien,
8 je me trouvais dans le cinquième autocar, l'avant-dernier.
9 Question: Qu'est-ce que les autocars ont fait donc en arrivant à Ovcara?
10 Réponse: Eh bien, ils se sont arrêtés, tous les autocars ont arrêté leur
11 moteur et les gens ont commencé à descendre de l'autocar. Je dirai que
12 nous avons attendu –disons- un quart-d'heure avant qu'on puisse sortir de
13 l'autocar. Mais donc nous sommes descendus de l'autocar et nous sommes
14 allés vers le hangar.
15 Question: Est-ce que vous avez vu ce qui s'est passé quant aux autres
16 passagers qui descendaient des autocars devant vous?
17 Réponse: Oui, j'ai vu que devant le hangar il y avait une haie d'hommes,
18 de Chetniks et également de soldats de la JNA, qui nous enlevaient nos
19 vêtements, les documents, l'argent, tous les objets, tous les effets
20 personnels, qu'ils jetaient les vêtements en piles. Mais plus
21 particulièrement, ce que j'ai vu c'est qu'alors que les gens traversaient
22 cette haie, on les rouait de coups. Et je dois dire qu'ils s'assuraientque
23 nous ne puissions pas courir au travers de cette haie, c'est-à-dire qu'il
24 fallait marcher et donc être roué de coups.
25 Question: Une fois que vous êtes descendu de l'autocar, qu'est-ce qui vous
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1 est arrivé, vous personnellement?
2 Réponse: Eh bien, je me suis arrêté devant mon autocar qui était donc garé
3 parallèlement au hangar. Il y avait des soldats de la JNA qui s'y
4 trouvaient, qui se sont assurés que nous ne pouvions nous enfuir.
5 Question: Est-ce que l'on vous a battu?
6 Réponse: Non, pas à ce moment-là. Mais je puis continuer à vous relatez
7 les faits, ça serait peut-être plus facile. Eh bien, à ce moment-là, alors
8 que nous nous sommes déplacés, que nous avons traversé la haie des
9 soldats, un jeune soldat, un jeune homme de mon âge -environ 20 ans- m'a
10 demandé: "D'où tu viens?" et je lui ai dit: "Je suis de Zagreb". Il m'a
11 dit: "Qu'est-ce que tu fais ici?", j'ai répondu, j'ai haussé les épaules
12 et j'ai dit: "Je ne sais pas". Il ne m'a pas insulté ni quoi que ce soit
13 et j'ai remarqué, peut-être que je pourrais établir un contact humain avec
14 lui, et je lui ai demandé: "Et toi, tu viens d'où?", et je lui ai demandé
15 plutôt: "Est-ce que je peux te demander à toi, d'où tu viens?", il m'a
16 répondu: "Je suis de Ruma", c'est en Serbie. J'ai dit: "Ecoute, avant la
17 guerre j'allais à Ruma, avant la guerre j'avais un ami". Il m'a dit: "Mais
18 tu venais où à Ruma?" J'ai dit: "Je ne me souviens plus, je ne me souviens
19 plus du nom de la rue mais c'était la rue des Partisans qui se trouve près
20 du centre de la JNA". Il m'a dit: "Mais c'est ma rue!", et il m'a demandé
21 le nom de mon ami de Ruma, je lui ai donné son nom, Miroslav, je ne me
22 souvenais plus de son nom de famille, mais on l'appelait Kemo. Il m'a dit:
23 "Oui, je le connais très bien".
24 Donc nous nous sommes dirigés vers le hangar et j'ai dit: "Essaie de me
25 sauver, essaie de me sauver la vie. Regarde ce qui se passe". Il n'a rien
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1 fait, il n'a rien dit, donc je me suis dirigé vers la haie, vers la haie
2 de ceux qui nous ruaient de coups. On m'a enlevé mes vêtements, pas tous
3 mes vêtements mais ma veste. Ils m'ont enlevé également mes documents, les
4 photographies de famille que j'avais sur moi, l'argent, ma bague et
5 également le rosaire que j'avais autour du cou et ils ont continué à me
6 battre et je suis entré au hangar. Mais dans le hangar, il y avait des
7 personnes qui s'y trouvaient, qui étaient en train d'être battues et ceux
8 qui nous frappaient, nous frappaient de matraques, de chaînes, de crosses
9 de fusil également et bien sûr ils nous bourraient de coups de poing et de
10 coups de pied.
11 Donc je me suis dirigé vers la gauche du hangar, vers le mur et là encore
12 ils ont recommencé à me battre, mais à un moment donné j'ai entendu
13 derrière moi quelqu'un qui a dit: "Laissez-le, ne le battez pas".
14 Quelqu'un m'a pris par l'épaule, m'a fait me retourner et j'ai vu que
15 c'était le jeune soldat de Ruma qui avait emmené quelqu'un auquel il
16 s'adressait sous le titre de capitaine. Il lui a dit: "Est-ce que nous
17 pouvons le sauver, capitaine? Je le connais, je le connais d'avant la
18 guerre, nous sommes amis. Est-ce que nous pouvons le sauver?". Le
19 capitaine a dit: "D'accord. Fais-le sortir du hangar et surveille-le à
20 l'extérieur afin que personne le tue".
21 Question: Combien de temps pensez-vous être resté à l'intérieur du hangar?
22 Réponse: Là encore, il m'est difficile de le dire, je n'avais la notion du
23 temps, pas très longtemps. Je dirai qu'à partir du moment où nous sommes
24 passés par la haie dans le hangar lui-même, je dirai qu'il serait réaliste
25 de dire que ça n'était sans doute que dix minutes, mais, honnêtement, je
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1 ne peux pas vous dire, cela aurait pu être davantage ou moins, je ne sais
2 pas, mais je présume dix minutes.
3 Question: Une fois que vous étiez à l'intérieur du hangar, vous avez dit
4 que vous avez vu d'autres hommes qui étaient battus, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Est-ce que vous avez vu qui que ce soit qui aurait été tué ou
7 gravement blessé à la suite de ce passage à tabac?
8 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, je n'ai pas vu grand-chose, je n'ai vu
9 que les coups et blessures, moi aussi j'étais battu. D'autres étaient
10 tombés au sol. Mais lorsque je suis entré une seconde fois, c'est-à-dire
11 une heure ou deux plus tard, parce que je suis resté une ou deux heures
12 dehors, là j'ai vu les gens tomber au sol, sans mouvement. Bien sûr, je
13 n'ai pas pris leur pouls pour savoir s'ils étaient vivants ou morts mais
14 certains pleuraient, d'autres hurlaient et d'autres tout simplement
15 étaient au sol sans mouvement.
16 Question: Vous avez dit que vous êtes sorti et que vous êtes resté dehors
17 pendant deux heures. Qu'est-ce que vous avez fait pendant que vous étiez à
18 l'extérieur du hangar?
19 Réponse: Rien, j'étais là, je me tenais debout et j'écoutais ce qui se
20 passait à l'intérieur du hangar.
21 Question: Quelle était la raison pour laquelle on vous a remmené à
22 l'intérieur du hangar?
23 Réponse: Eh bien, on nous a dit qu'il fallait faire une liste, qu'il
24 fallait rendre nos noms. Il y avait sept… Sept d'entre nous étions dehors,
25 donc ils nous ont ramenés à l'intérieur vers 18 heures. La nuit tombait,
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1 et on nous a dit qu'on prendrait nos noms dans le hangar.
2 Question: Et ils ont, effectivement, pris votre nom?
3 Réponse: Oui, ils ont pris mon nom, mais ils n'ont pas pris le nom de tous
4 ceux qui étaient dans le groupe. Ils ont commencé à dresser la liste de
5 noms et ensuite ils ont arrêté.
6 Question: A l'intérieur du hangar, combien de Chetniks, combien de soldats
7 de la JNA, combien de soldats paramilitaires se trouvaient à l'intérieur
8 du hangar?
9 Réponse: Eh bien, je ne puis que vous donner une estimation, peut-être
10 100.
11 Question: Combien de Croates qui avaient été emmenés de l'hôpital, le
12 matin même, se trouvaient à l'intérieur du hangar?
13 Réponse: Eh bien, là encore, j'essaie de penser de façon logique; s'il y
14 avait 50 places dans les autocars, vous avez 300 personnes puisqu'il y
15 avait six autocars.
16 Question: Une fois que votre nom a été relevé à l'intérieur du hangar, que
17 s'est-il passé ensuite?
18 Réponse: On nous a fait sortir du hangar et nous avons attendu qu'un
19 véhicule vienne nous chercher.
20 Question: Pendant ce temps-là, est-ce que vous avez eu la possibilité de
21 parler avec le soldat de la JNA à nouveau?
22 Réponse: Oui, oui, j'en ai eu la possibilité.
23 Question: De quoi avez-vous parlé avec lui?
24 Réponse: Eh bien, je ne peux peut-être pas vous donner la série, la série
25 de termes que nous avons employés mais je peux vous donner la teneur.
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1 "Qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qu'on va faire de nous?" lui ai-je dit?
2 Il a répondu que tous les autres seraient sans doute tous tués, qu'il
3 essaie de sauver ma peau, de me sauver la vie. Alors que nous quittions le
4 hangar, il m'a dit: "Si on te pose des questions, si on te demande quoi
5 que ce soit, nous sommes de vieux amis d'avant la guerre. Je suis Ilija et
6 mon surnom c'est Stuka". Et il m'a dit que tous les autres seraient tués
7 mais qu'il essayait de me sauver la vie, il m'a même donné de l'argent. Je
8 me souviens encore une fois, à quelque 400 mètres de là, j'ai entendu des
9 machines, je pensais que c'étaient des chars et j'ai dit: "Qu'est-ce que
10 c'est ce bruit? Qu'est-ce qu'on entend?". Il m'a dit: "On est en train de
11 creuser la fosse commune de ceux qui vont être tués".
12 Question: Est-ce qu'on vous a emmené en estafette, on vous a fait sortir
13 d'Ovcara?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Où vous a-t-on emmené?
16 Réponse: Eh bien, on m'a emmené à Modateks. C'était une usine de
17 confection, Modateks.
18 Question: Combien de temps vous a-t-on gardés en cet endroit?
19 Réponse: J'ai oublié de vous dire une chose. Tout d'abord, on nous a
20 emmenés à Velepromet. Mais à Velepromet, il n'y avait pas suffisamment de
21 place pour nous et on a donc décidé de nous emmener à Modateks. Notre
22 groupe y est resté, nous sommes arrivés le soir, nous y avons passé la
23 nuit jusqu'à midi le lendemain.
24 Question: Et où vous êtes-vous rendus en partant de Modateks?
25 Réponse: Nous sommes retournés à Velepromet car à Modateks les Chetniks y
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1 sont arrivés. J'en ai reconnu certains comme étant certains des
2 participants d'Ovcara. Ils ont commencé à hurler des insultes aux gardes
3 de Modateks en disant: "Qui les a amenés ici? Pourquoi sont-ils ici? Nous
4 devrions tous les tuer, nous devrions tuer celui qui les a emmenés ici".
5 C'était le genre de pression psychologique qui est exercée, et donc les
6 gardes ont décidé de nous renvoyer à Velepromet. J'ai également oublié de
7 vous dire que la personne qui est venue à Modateks, que celui qui est venu
8 à Modateks lorsqu'il a menacé de nous tuer, il s'est également vanté, il a
9 dit: "J'ai tué toute la nuit, donc je peux continuer et je peux terminer
10 la tâche. Pas de problème pour moi".
11 Question: Combien de temps êtes-vous resté à Vukovar?
12 Réponse: Je suis resté jusqu'au 22 novembre.
13 Question: Et ensuite?
14 Réponse: A Sremska Mitrovica, j'y suis resté six mois. Je suis parti le 22
15 mai 1992.
16 Question: Et à ce moment-là, vous avez été en mesure de retourner en
17 Croatie?
18 Réponse: Oui, il y a eu un échange important.
19 Question: En dehors des hommes qui sont partis en estafette avec vous le
20 20 novembre, est-ce que vous avez revu les hommes, certains des hommes qui
21 étaient avec vous dans le hangar à Ovcara?
22 Réponse: Je n'ai pas bien compris la question. Vous voulez dire les gens
23 qui nous ont emmenés dans l'estafette, qui ont été emmenés dans
24 l'estafette?
25 Question: Vous avez quitté le hangar accompagné de six ou sept autres
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1 personnes, le 20 novembre, d'Ovcara pour vous rendre à Modateks. Ceux qui
2 sont restés dans le hangar à Ovcara, est-ce que vous en avez revus, depuis
3 lors, vivants?
4 Réponse: Non, pas les gens de mon groupe, en dehors de mon groupe. Non, je
5 n'en ai revu aucun.
6 M. Williamson (interprétation): Merci, je n'ai pas d'autres questions.
7 (Questions de Mme le Juge Odio-Benito au témoin, Witness K.)
8 Mme Odio-Benito (interprétation): Merci. Oui, j'aimerais simplement
9 demander des éclaircissements en ce qui concerne les Chetniks. Est-ce
10 qu'ils venaient de Belgrade, de Zagreb, de Vukovar, est-ce que vous le
11 savez?
12 M. Witness K (interprétation): Je ne puis que présumer qu'ils venaient de
13 partout. Je ne peux pas vous dire précisément d'où ils venaient. Certains
14 d'entre eux disaient: "Oui, nous sommes de Belgrade ou d'ailleurs en
15 Serbie", mais pour savoir précisément d'où ils venaient, je ne peux pas
16 vous dire.
17 Question: Ils étaient tous Serbes? Oui, il y avait également des Croates
18 parmi eux.
19 Réponse: Moi, je pense qu'ils étaient tous Serbes et 99,9% d'entre eux
20 étaient Serbes.
21 Mme Odio-Benito (interprétation): Merci, je n'ai pas d'autres questions.
22 (Questions de M. le Juge Riad au témoin Witness K.)
23 M. Riad (interprétation): Monsieur, vous avez dit tout d'abord que vous
24 vous êtes rendu à l'hôpital le 16 novembre. Vous n'étiez pas blessé,
25 n'est-ce pas?
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1 M. Witness K (interprétation): Oui, pas à l'hôpital.
2 Question: Lorsqu'ils ont commencé à faire monter les gens dans l'autocar,
3 vous avez dit qu'il y avait un autocar supplémentaire où ils ont emmené
4 les gens pour être battus. C'est ce que… "Les Chetniks ont appelé les gens
5 et les ont fait monter dans un autre autocar". Pourquoi cette séparation?
6 Est-ce qu'ils étaient différents des autres? Quelle était leur différence?
7 Qu'est-ce qui les distinguaient des autres à votre avis?
8 Réponse: Je dirai que ce n'est pas les Chetniks qui les ont fait venir
9 mais un officier de l'armée yougoslave qui est venu, muni d'une liste, et
10 qui les a séparés et qui les a fait monter dans un autre autocar. C'est ce
11 qui s'est passé à la caserne de Vukovar et, là encore, le responsable
12 était un officier de la JNA. Je ne comprenais pas le critère, je n'ai pas
13 compris pourquoi on les a fait monter dans un autocar différent. Mais
14 lorsqu'ils sont… Les Chetniks à ce moment-là les ont battus et les soldats
15 de la JNA également, mais je ne sais pas quel était le critère. Moi, je
16 vous ai dit qu'on m'avait emmené dans un autocar, donc je ne sais pas.
17 Question: Donc la rossée était réalisée par les soldats de la JNA, de
18 l'armée régulière et des Chetniks également, donc pas uniquement les
19 Chetniks?
20 Réponse: Oui, oui, absolument. Il y avait des soldats de l'armée
21 régulière, il y avait des réservistes sans doute et des Chetniks. Encore
22 une fois, ils battaient de concert, si je puis m'exprimer ainsi.
23 Question: Ils leur ont enlevé les vêtements, les documents, etc; c'étaient
24 également des soldats de la JNA?
25 Réponse: Oui, à Ovcara, oui, absolument, ensemble.
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1 Question: Pendant tout ce temps-là, est-ce que vous avez remarqué une
2 personne, plus particulièrement, qui semblait responsable des événements,
3 qui donnerait des ordres?
4 Réponse: A deux reprises, je l'ai remarqué. C'était la première fois que
5 j'ai vu quelqu'un dont je sais maintenant qu'il est le major Sljvancanin,
6 je ne connaissais pas son nom à l'époque, mais je savais qu'il y avait eu
7 un commandant qui avait été nommé pour reprendre le commandement de
8 l'hôpital. C'est ce que j'avais entendu dire à l'hôpital. Je l'ai vu en
9 passant, je l'ai vu en train de hurler, en train de gesticuler. Il était
10 plus grand que moi, donc assez grand, avec une moutache. Et maintenant
11 quand j'y repense, effectivement, je pense que c'était le commandant
12 Sljvancanin qui était le commandant de la place mais à l'époque je ne le
13 savais pas. Puis à Ovcara, j'ai également remarqué un officier de rang
14 supérieur, de grade supérieur, de l'armée yougoslave qui est venu et il a
15 dit qu'il était colonel. Mais j'ai oublié son nom, je ne peux pas vous
16 dire, citer le colonel Ivanovic, Ivankovic, Jorvanovic mais il s'est
17 présenté comme étant un colonel, donc un gradé, à Ovcara il est arrivé
18 avec une délégation et c'était quelqu'un d'assez grand également.
19 Question: Si vous voyez des photographies, vous pourriez le reconnaître?
20 Réponse: Sljvancanin oui, je le reconnaîtrais. De fait, j'ai compris plus
21 tard que c'était lui lorsque j'ai vu ces photographies. Et j'ai dit: "Mais
22 c'est le même homme que j'ai vu donc à l'hôpital". Et l'autre colonel, je
23 crois que je pourrais le reconnaître si j'en voyais la photographie.
24 Question: Pendant la séparation, et plus particulièrement pendant les
25 rossées, est-ce que vous l'avez vu uniquement à l'hôpital, de passage?
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1 Réponse: Vous parlez du colonel, pas de Sljvancanin? Non, j'ai vu
2 Sljvancanin alors que je quittais l'hôpital et je l'ai peut-être vu une
3 minute ou deux. Alors que je partais, il était à droite, je l'ai vu en
4 train de gesticuler, de hurler, de donner des ordres aux soldats, etc. Et
5 il y avait deux personnes en blouse blanche, j'ai pensé que c'étaient des
6 employés hospitaliers ou peut-être des observateurs européens qui étaient
7 aussi habillés en blanc.
8 Question: Il avait la maîtrise totale de la situation?
9 Réponse: Oui, c'est l'impression que j'ai eue et c'est maintenant que je
10 pense qu'il a sans doute été le commandant. Maintenant, lorsque j'ai vu
11 ces photographies, quand j'ai quitté le camp, en fait je suis même arrivé
12 à la conclusion que c'était celui qui donnait des ordres. On le voyait
13 dans son expression corporelle. Encore une fois, il donnait des ordres, il
14 est assez grand.
15 Question: Dernière question. Vous avez dit que vous avez entendu des sons,
16 le bruit de bulldozers et vous avez demandé à celui qui vous avait sauvé
17 la vie ce que c'était. Il vous a répondu que l'on creusait une fosse
18 commune. Est-ce que vous êtes passé à côté de cette fosse commune ou est-
19 ce que vous avez simplement entendu le bruit?
20 Réponse: Non, je ne suis pas passé à côté, je n'ai entendu que le bruit.
21 Il faisait déjà nuit quand je suis parti.
22 Question: Est-ce qu'on vous a donné d'autres détails quant à cette fosse?
23 Réponse: Malheureusement non, lorsqu'on m'a laissé à Modateks, il a dit:
24 "Il faut que nous allions dans d'autres villes pour les saisir. Tu as sans
25 doute sauvé ta vie mais sans doute la mienne ne sera pas sauvée parce
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1 qu'il va nous falloir aller à Vinkovci pour attaquer la ville".
2 M. Riad (interprétation): Merci, Monsieur.
3 (Question de M. le Président au témoin Witness K.)
4 Pour l'hôpital, est-ce que vous étiez nombreux dans la situation qui était
5 la vôtre? C'est à dire que vous n'étiez pas blessé et vous êtes allé à
6 l'hôpital au fond parce que c'était un endroit –v
7 Vous nous l'avez dit- à peu près sûr. Est-ce que vous étiez nombreux dans
8 votre situation? Est-ce que vous portiez une sorte d'uniforme, quelque
9 chose qui montrait que vous n'étiez pas un blessé, mais que vous étiez
10 quelqu'un qui combattait? Est-ce que vous pouvez vous souvenir de ce
11 point?
12 M. Witness K (interprétation): Eh bien, je vous dirai la chose suivante.
13 L'hôpital n'était pas un endroit sûr pendant la guerre mais nous avions
14 entendu dire que la reddition s'y déroulerait et qu'il vaudrait mieux que
15 nous soyons tous ensemble, il vaudrait mieux que nous soyons tous
16 ensemble. J'étais prêt à me rendre, je ne voulais pas sortir en qualité de
17 soldat, les mains levées et dire: "Je me rends". Je pensais qu'il valait
18 mieux se rendre en groupe. Et on a annoncé qu'il y aurait une reddition
19 générale à l'hôpital et j'ai pensé que ce serait d'ailleurs la meilleure
20 procédure pour moi.
21 Qu'il y ait eu d'autres comme moi, qui ait pensé comme moi. Je ne connais
22 pas la situation de l'hôpital, j'ai simplement vu de nombreuses personnes
23 dans l'hôpital, dans la partie de l'hôpital où je me trouvais. Il y avait
24 peut-être d'autres soldats qui voulaient se rendre mais c'étaient surtout
25 des civils de Vukovar dont je ne connaissais pas le nom. J'ai enlevé mon
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1 uniforme parce que, là encore, j'avais entendu dire qu'il faudrait que
2 nous laissions nos uniformes et qu'il serait plus facile d'opérer une
3 reddition et que les soldats qui viendraient seraient en mesure de mieux
4 contrôler les parades militaires s'il y avait pas trop d'uniformes. Donc
5 j'ai quitté mon uniforme, j'y suis allé en vêtements civils et ce qui est
6 arrivé à mon uniforme, eh bien, je ne sais pas puisque je l'ai jeté à un
7 endroit bien précis.
8 En fait, j'ai donné mon uniforme à quelqu'un qui l'a emporté et qui l'a
9 jeté. Le personnel hospitalier refusait aussi bien les uniformes que les
10 armes à l'intérieur de l'hôpital car ils estimaient que cela vaudrait
11 mieux pour les blessés, les malades et pour tous d'ailleurs.
12 M. le Président: Deux précisions à M. le Procureur, où la présence du
13 témoin nous est nécessaire. Est-ce que M. le Procureur fait un lien entre
14 le capitaine qu'a mentionné le témoin, le capitaine à qui l'autorisation
15 de ne plus le battre sur l'intervention de cet ami serbe, est-ce que,
16 Monsieur le Procureur, vous estimez que le témoin a ainsi pu identifier
17 l'un des accusés à travers ce capitaine? C'est une question que vous a
18 posé mon collègue, d'une autre façon je n'ai moi-même pas très bien
19 compris. Il y a le colonel, il y a le major Sljvancanin qu'a bien reconnu
20 le témoin par la suite.
21 Monsieur le Procureur, est-ce que vous-même vous avez fait ce lien avec ce
22 qu'a dit le témoin? Je préférerais que ce soit par votre intermédiaire
23 qu'on puisse avoir la précision.
24 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, en dehors de M.
25 Sljvancanin, nous n'avons pas été en mesure d'identifier de façon positive
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1 les autres particuliers dont il parle. Nous avons tenté de le faire et le
2 témoin a vu nombre de vidéos, a vu des photographies également mais il n'a
3 pas été en mesure de nous donner les identités, donc les patronymes de ces
4 personnes ni de les identifier dans ces vidéos ni sur ces photographies.
5 M. le Président: Je m'adresse toujours à vous puisque c'est vous qui menez
6 l'enquête.
7 Lorsque le témoin fait allusion donc à ces bulldozers, dont a parlé
8 également mon collègue, est-ce que d'après votre enquête, sur la
9 localisation géographique, cela correspond bien au charnier sur lequel
10 sont allés les experts, de fosse commune?
11 M. Williamson (interprétation): Nous pouvons simplement présumer que c'est
12 le cas, étant donné la proximité par rapport au hangar. Selon nous, aucun
13 autre charnier n'a été trouvé dans la région, dans la zone. La fosse
14 commune dont nous parlons dans notre Acte d'accusation se trouve à environ
15 un kilomètre du hangar et, selon nos informations, nous n'avons découvert
16 aucune autre fosse commune dans la région, donc nous pensons que c'est
17 bien le cas.
18 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur.
19 Une dernière question, Monsieur Witness K. Avez-vous revu ce Serbe qui vous
20 a sauvé la vie? Est-ce que vous avez eu des liens depuis avec lui?
21 M. Witness K (interprétation): Non, je ne l'ai jamais revu.
22 M. le Président: Le Tribunal vous remercie, Monsieur Witness K.
23 Avant que vous ne vous leviez, nous allons prendre les précautions pour
24 achever la protection, nous allons donc baisser les rideaux de la salle.
25 Le Tribunal vous souhaite un retour paisible dans votre vie civile. Que
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1 faites-vous à l'heure actuelle, Monsieur Witness K?
2 M. Witness K (interprétation): Je suis officier de l'armée croate. Donc je
3 suis resté sous les drapeaux.
4 M. le Président: Quel est votre rang?
5 Je suis capitaine, capitaine major, entre capitaine et major.
6 M. le Président: Le Tribunal est sensible à votre témoignage et vous
7 souhaite un bon retour chez vous. Merci, Monsieur Karklovic.
8 Le témoin peut être raccompagné.
9 M. Witness K (interprétation): Merci de votre patience.
10 (Le témoin Witness K est reconduit hors du prétoire.)
11 M. le Président: Monsieur le Procureur, nous allons lever la séance pour
12 un quart-d'heure. Nous reprendrons à 11 heures 45. La séance est levée.
13 (L'audience, suspendue à 15 heures, est reprise à …? )
14 (Audience publique.)
15 M. le Président: Monsieur le Procureur, avant d'introduire le témoin
16 nouveau, le Tribunal aimerait savoir, pour l'organisation de ses travaux,
17 où vous en êtes sur l'audition des témoins et combien de témoins sont
18 encore prévus, pour que nous puissions planifier les auditions et le temps
19 de travail de tout le monde, y compris celui des interprètes?
20 M. Niemann (interprétation): Monsieur le Président, il reste encore cinq
21 témoins à entendre. Je puis vous indiquer que nous entendrons un prochain
22 témoin pour lequel aucune ordonnance d'occultation n'a été requise;
23 ensuite; nous entendrons deux témoins qui ont demandé des mesures de
24 protection, puis deux autres témoins qui n'ont pas demandé de mesure de
25 protection. Au total, cinq témoins encore.
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1 M. le Président: Bien. Alors, Monsieur le Procureur, le témoin qui va être
2 introduit n'a demandé aucune mesure de protection. Monsieur le Greffier?
3 Bien, je crois qu'on peut l'introduire.
4 M. Niemann (interprétation): J'appelle Dragutin Berghofer.
5 (Le témoin, Dragutin Berghofer est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président: Monsieur Dragutin Berghofer, d'abord, est-ce que vous
7 m'entendez? Est-ce que le canal est bien réglé?
8 M. Berghofer (interprétation): J'entends.
9 M. le Président: On va vous présenter une déclaration solennelle que vous
10 allez nous lire.
11 M. Berghofer (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 M. le Président: Vous pouvez préciser votre identité -votre nom, votre
14 prénom- et votre date et lieu de naissance au Tribunal, avant que M. le
15 Procureur ne vous pose des questions qu'il juge devoir poser?
16 M. Berghofer (interprétation): Je suis né le 29 octobre 1940 à Osijek.
17 M. le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
18 (Interrogatoire principal du témoin, Dragutin Berghofer, par M. Niemann.)
19 M. Niemann (interprétation): Merci beaucoup.
20 Monsieur Berghofer, vous êtes né en Croatie. Votre nom semble suggérer une
21 origine allemande, est-ce exact?
22 M. Berghofer (interprétation): Oui.
23 Question: Où êtes vous allez à l'école? Est-ce que vous êtes allé à
24 l'école à Vukovar?
25 Réponse: En 1945, j'ai été placé dans un camp, à Valpovo, et en 1946, j'ai
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1 été déporté du camp à Vukovar où je suis resté jusqu'en 1991.
2 Question: De formation, est-ce que vous êtes décorateur?
3 Réponse: Non. Je suis tapissier-décorateur. J'avais mon entreprise, mon
4 magasin privé.
5 Question: Et à Vukovar, vous aviez votre propre entreprise, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui, oui.
7 Question: Je crois savoir que vous avez accompli votre service militaire
8 pendant deux ans?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Le 24 août 1991, lors de l'attaque de Vukovar, où vous trouviez-
11 vous?
12 Réponse: Le 24 août, à minuit 5. Ma maison se trouve à douze mètres de la
13 barrière du bâtiment militaire; il y avait un char à cet endroit et, à
14 minuit 5, des mitrailleuses ont été utilisées pour assurer la défense
15 antiaérienne. Donc je dirai qu'au total, à partir de ce moment et pendant
16 trois heures, il y a eu des tirs incessants.
17 Question: Quand cela a commencé, qu'avez-vous fait?
18 Réponse: Lorsqu'on a tiré sur ma maison, vous savez comment s'est passé
19 cette nuit: moi, j'étais très fatigué, je ne pouvais pas croire à ce qui
20 se passait et, le matin, j'ai pris mon courage à deux mains, je suis sorti
21 de la maison, j'ai vu un voisin qui était un Serbe et je lui ai demandé:
22 "Mile, qui est-ce qui m'a arrangé de cette façon? Vous m'avez détruit ma
23 maison!" Il m'a répondu qu'il n'en avait pas la moindre idée et j'ai pris
24 ma mobylette pour me rendre 800 mètres plus loin, en direction de la ville
25 où se trouvait mon magasin. Et depuis ce moment, je n'ai pas remis les
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1 pieds chez moi.
2 Question: Lorsque vous vous êtes rendu en ville où êtes-vous resté pendant
3 l'attaque de la ville?
4 Réponse: Mon magasin se trouve pratiquement au centre de la ville; c'est
5 un endroit où il y a des caves qui ont vingt à trente mètres de long. Il y
6 a d'autres caves qui sont très profondes et c'est là que j'ai passé toute
7 la bataille avec 2000 autres personnes.
8 Question: Votre famille était-elle avec vous à ce moment-là?
9 Réponse: Oui, une fille était avec moi, mon gendre et ma concubine. Ma
10 concubine est morte. Le 15 septembre, ma fille a été emmenée hors de la
11 maison, là-bas près de la caserne, et je ne l'ai plus revue. Et deux jours
12 avant l'encerclement complet de Vukovar, je suis sorti, accompagné d'un
13 bébé et du petit qui avait trois ans.
14 Question: Est-ce que vous savez qui a emmené votre fille?
15 Réponse: Je ne sais pas.
16 Question: Et votre compagne, vous avez dit qu'elle s'était fait tuer:
17 comment cela s'est-il passé?
18 Réponse: Bien, vous savez, Vukovar était complètement encerclé et on ne
19 savait même plus d'où tombaient les obus. Depuis Backa Palanka, de l'autre
20 côté du Danube, un obus est tombé dans la cour, a fait éclater la porte du
21 magasin, a frappé le mur et elle a reçu un éclat dans le cou.
22 Question: Est-ce que vous-même ou les gens qui se trouvaient avec vous
23 étiez armés pendant votre séjour dans la cave?
24 Réponse: Moi, je n'ai jamais porté d'arme. La dernière fois que j'ai porté
25 des armes, c'était il y a trente ans. Je ne peux pas dire qu'aucun des
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1 garçons qui étaient dans les environs ne portait d'arme, mais, dans la
2 cave, personne n'en avait parce que, vous savez, pour nous les civils,
3 c'était difficile d'avoir des armes à l'époque.
4 Question: Est-ce qu'il y avait des femmes et des enfants également avec
5 vous dans cette cave?
6 Réponse: Dans la cave de mon magasin, il y avait quarante femmes et
7 environ sept enfants en bas âge, deux ou trois ans. Et à trente mètres de
8 mon magasin, il y avait aussi des caves très vastes qui ont donc servi
9 d'abri; là, il se trouvait environ 500 femmes et quelques enfants. Et
10 juste en face, il y avait encore d'autres caves suffisamment vastes dans
11 lesquelles s'étaient abrités 400 à 500 femmes et des enfants. Donc au
12 total, sur 50 à 100 mètres, il y avait plus de 2000 femmes et enfants, il
13 y avait aussi des personnes âgées, il y avait aussi des hommes.
14 Question: Comment est-ce que tous ces gens se sont alimentés pendant la
15 durée du siège de Vukovar?
16 Réponse: Vous savez, nous recevions de l'aide: la route était ouverte.
17 Mais personne ne pouvait croire à une telle horreur; moi, je faisais
18 partie de ces gens qui n'y croyaient pas. Moi, je surveillais deux
19 magasins, celui de ma fille et le mien. Nous, nous étions des habitants de
20 Vukovar, nous n'avions fait aucun mal, nous ne pouvions pas croire que
21 nous en arriverions à un point aussi terrible. Plus tard, l'épicerie a été
22 attaquée également; évidemment, on s'est servi. Puis finalement, vers la
23 fin, nous n'avions pratiquement plus que de la farine.
24 Question: A part le fait que vous receviez de la nourriture des voisins,
25 est-ce que vous en receviez également de l'hôpital? Est-ce que vous en
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1 apportiez à l'hôpital?
2 Réponse: Oui, oui, plusieurs fois, on a apporté de la nourriture à
3 l'hôpital. Il y avait beaucoup de viande disponible parce que les animaux
4 se promenaient dans la ville; il n'y avait pas d'électricité, les
5 réfrigérateurs ne fonctionnaient pas: donc, pour la viande, il n'y avait
6 pas de problème. Et quelquefois, étant donné qu'à l'hôpital, ils ont
7 commencé à manquer y compris de farine, nous en avons apporté une ou deux
8 fois.
9 Question: Et d'où vous procuriez-vous l'eau?
10 Réponse: Vous savez, il y avait quelques puits dans les environs, tant
11 qu'ils n'ont pas été détruits. J'aurais du mal à préciser exactement la
12 date à laquelle les puits ont été détruits mais je sais que quelques
13 personnes arrivaeint, qui s'approvisionnaient dans ces puits. Et je me
14 souviens d'un puits en particulier, qui n'avait sûrement pas servi pendant
15 trente ans et qu'on a utilisé.
16 Question: Est-ce qu'un moment est arrivé où vous avez décidé de tenter de
17 fuir Vukovar?
18 Réponse: Même en rêve, nous ne pensions pas à quitter la ville parce que
19 nous n'arrêtions pas de penser que le cessez-le-feu allait arriver; on
20 avait une radio, on entendait parler sans arrêt de trêve, de cessez-le-
21 feu, qui était censé survenir rapidement.
22 Aux alentours du 17 novembre 1991, quand même, un groupe a décidé de
23 partir, de s'enfuir. Je n'appellerai pas ça une évasion parce que nous
24 n'étions pas suffisamment armés, nous n'avions aucune chance de pouvoir
25 nous battre contre l'ancienne armée yougoslave. Pour la plupart, il
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1 s'agissait de civils et moi aussi, j'ai décidé de quitter Vukovar.
2 Question: Est-ce que vous pouvez décrire au Tribunal les conditions de
3 cette tentative de fuite?
4 Réponse: Le 17, aux alentours de 17 heures 30, ce groupe de gens -il y
5 avait environ 350 personnes, moi inclus-… Je ne peux pas dire que je
6 n'étais pas parmi les premiers parce que moi, j'ai grandi dans cette ville
7 et nous étions nombreux, de nombreux civils qui devions traverser un
8 certain nombre de rues. Nous sommes passés devant le cimetière. Et au
9 moment où nous arrivions à la forêt, un certain Holika Mika connaissait le
10 chemin que nous pouvions utiliser pour continuer notre route. Il était
11 chasseur, il habitait aux environs de la ville. Et donc la colonne
12 avançait et j'ai essayé de le trouver.
13 Il y a un garçon, à la fin de la colonne, qui m'a dit: "Mika, grand-père
14 Beli, je ne suis pas le dernier." J'ai dit: "Comment, tu n'es pas le
15 dernier?" Il m'a dit: "Il y a un groupe qui est retardé, qui est derrière.
16 Vous avez marché très vite." Alors, j'ai fait demi-tour pour chercher le
17 reste du groupe; je les ai trouvés à l'entrée du stade et leur ai dit:
18 "Mais essayez de rattraper le groupe qui est devant vous. Ça doit être
19 possible!"
20 Cela dit, il y avait des blessés, il y avait des gens qui étaient blessés
21 aux jambes, en particulier: ils avaient donc du mal à marcher. Lorsque
22 nous avons essayé de rattraper le premier groupe, nous nous sommes rendus
23 compte que nous étions seuls. Ils ont commencé à nous tirer dessus à
24 partir du pont de chemin de fer qui passe sur la rivière Vuka. On a essayé
25 de traverser la rivière Vuka mais on ne savait pas où se trouvaient les
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1 mines.
2 Un ami à moi, Zoran Njovra, qu'on appelle Njovra en général, Zoran Njovra
3 et Jankovic m'ont dit: "Beli, il ne faut pas aller par là parce qu'il y a
4 des mines. Mais deux garçons n'ont pas obéi et ils ont sauté sur une mine;
5 ils sont tombés dans la rivière Vuka. Moi, j'ai été saisi de crainte. Je
6 n'avais pas tellement peur de mourir, je vous le dirai sincèrement:
7 puisque, finalement, on meurt et on ne se rend plus compte de rien. Mais
8 je craignais beaucoup de rester impuissant dans les champs de maïs.
9 Donc avec Marko Mandic, un ami à moi, plâtrier à l'hôpital, avec sa femme,
10 avec Jankovic et avec un médecin dont je ne me souviens pas exactement du
11 nom de famille, nous sommes retournés sur nos pas vers l'hôpital.
12 Question: Savez-vous ce qui s'est passé avec les autres qui ont continué
13 la route?
14 Réponse: Ce qui s'est passé, je l'ai appris seulement plus tard, lorsque
15 j'ai été fait prisonnier à Sremska Mitrovica. Nous avons appris des
16 nouvelles. On m'a battu beaucoup; après, j'ai été transféré à Proboj, mais
17 on nous a dit: "Il vaut mieux que tu n'y sois pas allé parce que beaucoup
18 ont été égorgés". Ce soir-là, nous étions environs 350; je dis aujourd'hui
19 que peut-être encore 70 sont vivants de cette percée du 17 novembre 1991.
20 Question: Vous avez dit que vous avez essayé cette percée; est-ce que vous
21 savez qui étaient les personnes qui vous attaquaient à ce moment-là?
22 Réponse: Oui, bien sûr. Nous le savions, nous savions que c'étaient des
23 Chetniks et l'ancienne armée yougoslave JNA. Certains de nos hommes
24 avaient déjà des expériences de conflits avec eux, près de la caserne de
25 Mitnica. Nous savions qui étaient ceux qui nous attaquaient et nous
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1 tuaient.
2 Question: Quand vous utilisez le terme "les Chetniks", qu'est-ce que vous
3 entendez par ce terme?
4 Réponse: Je pense que celui qui a rencontré les soldats réguliers de la
5 JNA avait de la chance, mais que celui qui tombait sur un Chetnik était
6 mort. Je ne les connaissais pas, je connaissais très peu les détails de la
7 Deuxième Guerre mondiale mais, malheureusement, je les connais maintenant.
8 Et je les ai sentis.
9 Question: Monsieur Berghofer, qu'est-ce qui s'est passée lorsque vous
10 étiez de retour à l'hôpital?
11 Réponse: Ce soir-là, il pleuvait une petite pluie d'automne; je rentrai à
12 l'hôpital. C'était difficile d'y entrer parce qu'il y a eu un grand nombre
13 de civils, d'enfants, de femmes sans parler de blessés, bien sûr, de
14 blessés qui étaient traités. Cette nuit-là, je l'ai passée assis, avec
15 l'épouse de mon ancienne amie, amie qui avait été tuée au début des
16 hostilités.
17 C'était le 18 et, comme je l'ai dit, il y avait beaucoup de monde. Ce
18 n'était pratiquement pas possible de se déplacer. Du 18 au 19, j'ai passé
19 la nuit dans un lit d'enfant. L'hôpital se trouvait en situation critique,
20 il y avait peu de vivres, peu de nourriture. Moi, j'ai trouvé au premier
21 étage de la nourriture en poudre pour bébés, "Babyvit". Les femmes savent
22 de quoi il s'agit: il s'agit de la bouillie, de la nourriture en poudre
23 pour les enfants de cinq ou six mois, pour les bébés. J'ai trouvé deux ou
24 trois conserves de cela et c'est ce que j'ai mangé jusqu'au 19 novembre.
25 Le 19 novembre, vers 4 heures de l'après-midi, peut-être 3 heures et
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1 demie, les premiers réservistes de l'armée yougoslaves sont entrés à
2 l'hôpital.
3 Question: Pour revenir un petit peu en arrière, est-ce que vous avez
4 remarqué les observateurs ou les paramilitaires ou les soldats de la JNA à
5 l'hôpital?
6 Réponse: Non, non, je n'ai vu personne d'une part ou de l'autre. La seule
7 chose que j'ai vue tout d'abord, le 19, vers 15 heures 30, j'ai vu entrer
8 à l'hôpital les réservistes de la JNA.
9 Question: Lorsque les réservistes sont venus, qu'est-ce qui s'est passé?
10 Réponse: Alors, je me rappelle du concierge de l'hôpital, Kuzmic Bogdan,
11 qui était en train de discuter avec un homme qui s'appelle Stanko Dubnjak.
12 Il était également là, à l'hôpital; peut-être qu'il a été blessé. Monsieur
13 Kuzmic lui a demandé quelque chose et l'autre a dit: "Mais qu'est-ce que
14 j'aurais pu faire? Je n'ai rien pu faire!" Et moi, je n'ai pas pu entendre
15 la conversation par la suite. Je me suis caché près d'un docteur et de
16 certaines infirmières, moi et un monsieur appelé Perkovic, dans un bureau.
17 Là, j'ai passé la nuit avec ces médecins, la nuit du 19 au 20.
18 Question: A partir des réservistes, y avait-il d'autres militaires, du
19 personnel militaire de la JNA?
20 Réponse: Ce soir-là, non. Mais j'ai vu, le lendemain, très tôt le matin,
21 il y a eu des jeunes soldats, beaucoup de jeunes soldats et un officier,
22 un commandant, un chef: tout le monde lui obéissait. C'était quelqu'un
23 d'un grade supérieur, qui portait des moustaches. Il avait un béret comme
24 dans l'armée de Tito, de l'armée de la JNA. Et tout de suite, il a crié et
25 s'est agité: "Qu'est-ce qu'on attend, Docteur? C'est une situation de
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1 guerre. Il faut procéder: les blessés légers et les civils à gauche". Là,
2 il y a l'entrée latérale de l'hôpital; nous, à Vukovar, on l'appelait
3 Sapudl, cette rue ou ruelle à côté de l'hôpital.
4 Question: Je vais revenir un petit peu en arrière: la personne qui vous a
5 accompagné lors de votre entrée à l'hôpital, le 17 novembre, alors donc
6 que vous avez essayé de quitter, est-ce que c'était Ivankovic?
7 Réponse: Non, ce n'était pas lui, le 18. Mladen Ivankovic, c'était
8 quelqu'un qui était un de mes bons amis et c'est lui qui m'a introduit
9 dans cette salle où se trouvaient quelques médecins et quelques
10 infirmières.
11 Question: Est-ce que le docteur Mladen Ivankovic avait un fils prénommé
12 Goran?
13 Réponse: C'est ça. Le docteur Ivankovic avait un fils Joran, surnommé Dzo,
14 qui est venu le saluer. Ils se sont embrassés; peut-être ne s'étaient-ils
15 pas vus pendant trois ou quatre mois. C'est à ce moment que Goran lui a
16 dit: "Je t'ai dit de quitter Vukovar. Nous allons incendier la ville au
17 napalm". Sur la tête, il portait le chapeau d'un Chetnik; il a demandé
18 également où est la grand-mère, pas la mère mais la grand-mère. Il a eu
19 comme réponse: "Elle est décédée lorsque la grosse bombe -qu'on appelait
20 la bombe cochon- est tombé sur l'hôpital". Et lui a dit: "Quel dommage
21 qu'elle n'est va en vie, parce qu'on pourrait me voir habillé comme un
22 Chetnik". C'est quelque chose dans ce sens que j'ai entendu.
23 Question: J'aimerais préciser quelque points.
24 Donc le fils Goran était membre de l'armée? Il était dans les forces
25 Serbes?
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1 Réponse: C'est ça.
2 Question: Et il était absent de la ville pendant quelques mois avant ce
3 jour-là?
4 Réponse: Je pense, mais je ne le sais pas. Seulement, je le juge à partir
5 du comportement lors de cette rencontre entre père et fils. Si je me
6 rappelle bien, il a étudié, il a fait ses études à Novi Sad.
7 Question: Et le docteur Mladen Ivankovic était votre ami, personnellement?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Alors, vous nous racontiez que les soldats de la JNA sont entrés
10 à l'hôpital, le 20 novembre, et qu'une personne a distribué les ordres et
11 paraissait être en charge de la situation. Et qu'on a...?
12 Réponse: C'est ça. C'était le 20 dans la matinée. Le 19, les premiers
13 soldats sont entrés et, le 20 le matin, cet officier de grade supérieur
14 -c'est seulement par la suite que j'ai appris qui il était- a distribué
15 les ordres.
16 Question: Alors, quels étaient son nom et son prénom, puisque vous l'avez
17 appris par la suite?
18 Réponse: Après quatre mois et demi, je suis retourné de la prison de
19 Sremska Mitrovica. Bien sûr, je n'ai eu rien, pas de poste de télévision.
20 Cela a duré environ deux ans; en effet, deux ans plus tard, la BBC a
21 montré une émission sur le Vukovar, près de Novimos, le nouveau pont.
22 C'est là que j'ai pu voir ce monsieur que j'avais vu en 1991 et j'ai pu
23 voir qu'il s'agissait du major Sljivancanin, parce qu'il y a eu des sous-
24 titres. C'était quelqu'un de très décidé. Un représentant de la Croix-
25 Rouge de Grande-Bretagne lui a dit: "Vous ne me permettez pas d'aller à
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1 l'hôpital?" Il a montré du doigt un autre pont, éloigné de 30 mètres, un
2 pont en bois. Là, il y a eu des bus, des bus sont passés par ce pont le
3 20 novembre; je m'y trouvais dans un bus.
4 Question: Lorsque vous étiez dans le bus, où vous dirigiez-vous? Et quel
5 était votre sort après?
6 Réponse: Le matin du 20 novembre 1991, ce même personnage très grand, avec
7 des moustaches, a dit: "Docteur, qu'est-ce qu'on attend? Les blessés
8 légers et les civils à gauche !" Nous étions au nombre de 320; nous nous
9 sommes placés en deux lignes. Toute la nuit, les civils ont été
10 transportés de l'hôpital; ceux d'entre nous qui sont restés, nous devions
11 nous aligner, nous devions écarter nos jambes. Nous devions sortir toutes
12 les pièces en métal. Ils ne prenaient rien d'autre, pas d'argent, pas de
13 portefeuille, pas de cartes d'identité; seulement les objets en métal,
14 peut-être un petit couteau, un canif, un trousseau de clef, etc. C'étaient
15 les ordres que les réservistes ont reçu de ce monsieur qui donnait des
16 ordres. On nous a fait monter dans les bus qui, une fois remplis, sont
17 partis dans la direction de la caserne.
18 Question: Vous avez dit la caserne: c'était la caserne de la JNA, de
19 Vukovar?
20 Réponse: C'est ça. Parce que c'était la seule caserne qui existait à
21 Vukovar.
22 J'ai déjà dit qu'à douze mètres de là, se trouvait ma maison. C'est là que
23 nous étions emmenés.
24 De jeunes soldats nous gardaient, étaient à l'entrée des bus; personne ne
25 pouvait donc entrer dans les bus, mais il y avait des fous, je dirais,
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1 comme les indiens qui ont capturé un blanc: ils ont dansé la danse de
2 guerre autour. C'est de cette manière-là que les Chetniks dansaient autour
3 des bus. Un groupe a détruit comme ça une armoire anti-incendie: ils ont
4 pris les cognées, les pelles, les haches pour en faire des barres, des
5 bâtons. Et ils étaient là, fous, à circuler autour du bus.
6 Un de mes voisins, Antunovic Duro, Duro Antunovic, qui habitait à trois
7 maisons de la mienne -j'étais très ami avec ses parents-, il tapait
8 derrière et il me montrait, par gestes avec son couteau, qu'il allait
9 m'égorger.
10 Question: Donc il faisait partie des Chetniks, du groupe des Chetniks?
11 Réponse: Oui, il était avec les Chetniks dehors. Là, j'ai vu également
12 Darko Gradina.
13 Et j'ai remarqué aussi que certaines personnes étaient sorties. Alors,
14 tout d'abord, je me suis dit: "Oh ! quelle chance. Ils ont de la veine,
15 quelqu'un les a sauvés". Mais, hélas, j'ai pu constater, deux minutes plus
16 tard, que ces personnes ont été pratiquement jetées dans le bus n°7, où
17 les a passés à tabac. On a utilisé les mains, les pieds, les coups de
18 pied, les objets. Alors j'ai compris que ce n'était pas de la chance.
19 Alors, ce bus est allé dans une direction inconnue pour moi, dans la
20 direction de Negoslavci. J'ignorais où il se rendait. Derrière eux, une
21 voiture de marque Fiat 101 a suivi le bus militaire.
22 Question: Lorsque vous étiez dans le bus, c'est-à-dire dans la caserne,
23 est-ce que vous avez reçu des coups, des blessures?
24 Réponse: Personnellement, dans la caserne, non. Il y a eu des menaces: par
25 exemple, un "bulidza" a dit: "Qu'est-ce qu'il y a, Beli? -c'était mon
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1 surnom- Il n'y a plus de football, c'est fini avec le football. Etc."
2 Question: Y avait-il des gardes, des gardiens dans le bus?
3 Réponse: Oui, il y a eu un jeune homme, un jeune soldat, à l'entrée même.
4 La portière était fermée et personne n'est entré.
5 Question: Ce jeune soldat faisait-il partie de la JNA ou des Chetniks? Ou,
6 tout simplement, l'ignorez vous?
7 Réponse: Eh bien, le jeune soldat qui était notre garde était un régulier,
8 donc un soldat de l'armée régulière, de la JNA.
9 Question: Que s'est-il passé à ce moment-là, à partir de la caserne?
10 Réponse: Eh bien, nous sommes restés à la caserne. Je ne peux pas vous
11 dire exactement combien de temps nous y sommes restés, mais je crois
12 quatre heures. Donc ils étaient sans doute en train de décider ce qu'ils
13 allaient faire de nous. C'est ainsi que je l'ai interprété.
14 Ensuite, nous avons pris la direction de Negoslavci. Personne ne nous a
15 dit exactement où nous aboutirions. Lorsque nous sommes arrivés près de
16 Negoslavci, nous avons tourné à gauche et nous avons pris la route
17 d'Ovcara. A Ovcara, les autocars se sont arrêtés et il nous a fallu
18 quitter les autocars un par un.
19 Question: Que s'est-il passé alors que vous sortiez de l'autocar? Qu'est-
20 ce que vous avez vu? Qu'est-ce qu'il s'est passé?
21 Réponse: Eh bien, lorsque mon tour est venu de descendre, mon ami et moi-
22 même, celui qui était le voisin à mon atelier, "Kustro", Goran Mugosa -je
23 crois qu'il avait 22 ou 23 ans, je ne me souviens plus exactement de son
24 âge-, donc j'étais allé le voir; nous sommes tous allés le voir parce
25 qu'il était là. Et lorsque mon tour est venu, il m'a pris mon
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1 portefeuille, mon argent, il m'a pris tout ce que j'avais dans mes poches
2 et, puisque je n'étais pas le premier arrivé -j'étais le 250e dans la
3 file-, il y avait déjà une pile de documents, d'argent et des valises.
4 Parce que certains étaient venus avec leurs bagages. Moi, je n'avais rien:
5 j'étais venu les mains vides.
6 A partir de là, on devait traverser une haie. C'est difficile à décrire
7 mais, croyez-moi, on en a vu, des étoiles: on était frappés de tous les
8 côtés, de tous les côtés et avec tous les objets possibles et imaginables.
9 J'ai vu quelqu'un qui demandait: "Est-ce que vous le connaissez?",
10 puisque je travaillais à Negoslavci qui était un village serbe, j'y
11 travaillais. Je me suis retourné et quelqu'un m'a frappé, violemment, du
12 côté droit de la tête, donc derrière l'oreille. Et le sang immédiatement
13 s'est répandu sur mon visage. On m'a frappé avec une canne, vous savez les
14 cannes qui servent à marcher; donc c'est ainsi qu'on m'a frappé. Ensuite,
15 on m'a frappé les membres inférieurs, je ne suis pas tombé, j'ai quand
16 même réussi à traverser la haie et à entrer dans le hangar.
17 Question: Et qu'est-ce que vous avez vu, une fois que vous êtes arrivé
18 dans le hangar?
19 Réponse: Eh bien, en arrivant dans le hangar, pour autant que j'ai pu voir
20 alors que je continuais à courir, j'ai vu des gens que je connaissais, des
21 gens plus jeunes que moi. Mais nous étions amis, même mon voisin, Zeljko
22 Begov, s'y trouvait et Podruzic Ante, Zvonko Ilic, Stanko Bosovic et
23 d'autres. C'étaient tous des jeunes hommes qui avaient été sortis de
24 l'autocar à la caserne et c'était absolument horrible à voir. Leur visage
25 était tuméfié, ils étaient ensanglantés, on ne pouvait même pas
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1 reconnaître leur visage parce que, réellement, on les avait massacrés
2 alors qu'on était encore dans l'autocar, à la caserne.
3 J'ai réalisé immédiatement que c'étaient ceux qu'on avait fait monter dans
4 l'autre autocar. J'en connaissais environ vingt. Je me souviens de leur
5 nom et je les écris d'ailleurs: Zeljko Begov, qui vivait à cinq maisons de
6 chez moi, s'est évanoui quatre fois parce qu'il ne pouvait pas ni se lever
7 ni reprendre conscience.
8 Dans le hangar à Ovcara, il y avait quatre ou cinq personnes qui ont
9 continué à nous battre sans interruption. L'un d'entre eux était muni
10 d'une chaîne et l'autre avait un tuyau, un tuyau en métal. On ne nous a
11 pas permis de nous retourner.
12 Question: Est-ce que vous connaissiez ceux qui vous battaient, donc vos
13 tortionnaires?
14 Réponse: J'en connais un qui était un responsable haut gradé serbe; l'un
15 d'entre eux s'appelait Milan Bulic ou "Bulidza". "Bulidza" était son
16 surnom: c'était le boucher de l'hôpital. Et littéralement, il a tué Damjan
17 Samardzic avec une matraque, en fait la cognée d'une pioche.
18 Question: Et cela, devant vous?
19 Réponse: Oui. C'était devant nous tous parce que la porte était restée
20 ouverte.
21 Et plus tard, lorsque nous sommes partis, il était tout ensanglanté. Dans
22 le hangar lui-même, il y avait un Monténégrin qui cherchait un Français.
23 C'était un jeune homme de vingt ans, mais je ne peux pas vous décrire la
24 situation: c'était horrible. On ne pourrait même pas en faire un film pour
25 vous montrer ce qu'il lui a fait. Il avait un Meho également, un nommé
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1 Meho, qui a été roué de coups. Egalement un entraîneur d'un club de
2 football; il était blessé au bras gauche et toutefois, même s'il était
3 blessé, il a continué à frapper le jeune homme jusqu'à ce qu'il perde
4 connaissance.
5 Question: Plus tard dans la journée, est-ce que quelqu'un est venu vous
6 voir? Que s'est-il passé en ce qui vous concerne?
7 Réponse: Désolé, j'ai oublié de vous citer un nom de l'un des
8 tortionnaires: Stevan Zoric était l'un des principaux tortionnaires. J'ai
9 appris par la suite que ses fils étaient en quelque sorte ses aides. Donc
10 il était l'un de nos tortionnaires et eux également. Pendant une heure et
11 demie, on nous a frappés et, personnellement, je n'ai pas été… Bien sûr,
12 on m'a frappé mais je n'ai pas été frappé si violemment.
13 Le pire m'a été administré alors que j'arrivais dans le hangar. Mais
14 Ivankovic est arrivé, il m'a emmené, avec Perkovic et Guncevic, Stevan
15 Zoric a emmené Emil Cakalic. Et pendant que ce dernier sortait de
16 l'autocar et passait donc dans la haie de Chetniks, il s'est précipité
17 dans le hangar où le responsable, le haut gradé serbe a dit: "Ah! Monsieur
18 l'inspecteur, vous êtes là également!" Donc l'autre groupe a commencé à
19 rouer de coups M. Cakalic également. C'était un inspecteur de l'hygiène
20 municipale.
21 Puis j'ai été libéré, c'est-à-dire que Goran est arrivé, il m'a fait
22 sortir avec d'autres: il y en avait plusieurs autres. La nuit tombait, une
23 voiture est arrivée phares allumés; donc on nous a fait monter dans une
24 estafette, dans une Volkswagen Polo. On nous a fait monter et on nous a
25 emmenés à Velepromet, mais là, il n'y avait pas de place pour nous.
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1 Question: Celui qui vous a emmenés, M. Ivankovic, était le fils du docteur
2 Ivankovic?
3 Réponse: Oui, c'est ça. C'était Goran Ivankovic, le fils du docteur
4 Ivankovic.
5 Question: Qui faisait partie du groupe paramilitaire qui s'y trouvait, qui
6 avait donc participé à la rossée?
7 Réponse: Je ne l'ai pas vu en train de frapper qui que ce soit, mais il
8 portait l'uniforme de l'armée yougoslave.
9 Question: Est-ce qu'il vous a dit quoi que ce soit lorsqu'il vous a séparé
10 du groupe?
11 Réponse: Oui, il m'a dit: "Tu vois, Beli, est-ce que tu sais qui est
12 Zambata dans ton groupe?" J'ai dit: "Joran, ce sont tous des jeunes, des
13 gens que je ne connais pas et je ne connais pas leur nom". Parce
14 qu'apparemment, Zambata était juste à côté de moi; il était le beau-frère
15 de mon beau-fils et je ne voulais pas le révéler. Donc j'ai prétendu que
16 je ne connaissais pas son nom. Et donc il a dit: "Je ne le tuerai pas mais
17 je lui briserai tous les os du corps".
18 Question: En dehors de cela, est-ce que Ivankovic vous a dit quoi que ce
19 soit?
20 Réponse: Non, non. Je ne me souviens de rien d'autre. Il nous a emmenés,
21 nous trois, et il nous a mis de côté.
22 Question: Et ensuite, on vous a emmenés en estafette à Velepromet?
23 Réponse: Oui, ils nous ont emmenés à Velepromet, mais il n'y avait pas de
24 place pour nous. Ils ont donc poursuivi leur route pendant un kilomètre ou
25 deux; disons deux et même trois kilomètres. J'étais à l'arrière de la
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1 voiture et ils nous ont emmenés à Modatex, Modatex qui est une usine de
2 mailles, propriété d'Allemands, qui a été construite le long de la route
3 menant à Petrovci.
4 Question: Que s'est-il passé à Modatex?
5 Réponse: Eh bien, il faisait nuit quand nous sommes arrivés; il y avait de
6 nombreuses femmes qui s'y trouvaient, qui étaient à gauche dans un coin.
7 Il y avait des femmes de, je crois, deux ou trois autocars; lorsque je
8 suis arrivé à Modatex, Dorde Pavlovic m'a reconnu. Il était de garde ce
9 soir-là lorsque, le 24 août, ma maison avait été touchée. Et donc il
10 travaillait, il construisait des maisons, en particulier la maison de mon
11 beau-fils; il était maçon. Après trois minutes, un homme de 30-35 ans est
12 venu, Dusko; c'était un quincaillier à Velepromet. Dans le noir, il a dit:
13 "Où est Beli?" Il m'a regardé et a dit: "Mais c'est toit! Nous parlerons
14 demain matin", m'a-t-il dit.
15 Donc ce soir-là, personne ne nous a touchés. Nous avions deux gardes, nous
16 nous sommes couchés sur des tables. Mais vers 4 heures du matin ou 4
17 heures et demie, d'autres autocars sont arrivés et on a fait monter les
18 femmes dans les autocars qui sont ensuite partis dans une direction que je
19 ne connais pas. Sept ou huit d'entre nous sont restés sur place. On nous a
20 donné du travail. Moi, j'étais chargé d'aller laver le plancher de la
21 salle. J'ai dû apporter de l'eau de l'extérieur, accompagné par un garde.
22 Ce soldat a commencé à tirer au-dessus de ma tête. C'était tellement
23 soudain que je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. Un jeune soldat est
24 arrivé en transport de personnel, avec une mitrailleuse; lui aussi a
25 commencé à tirer en l'air. Il a dit: "Ne t'inquiète pas, il est en train
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1 de célébrer la fête de sa famille". C'était le 21 novembre.
2 Question: Combien de temps êtes-vous resté dans la région de Vukovar,
3 après les événements que vous venez de relater, après donc vous être rendu
4 à Modatex?
5 Réponse: Eh bien, pas très longtemps. J'ajouterai simplement que, vers 10
6 heures et demie, une jeune femme de 15 ans, une jeune fille est venue,
7 Sladana Korda, accompagnée de deux soldats. Elle m'a montré du doigt, on
8 m'a emmené de côté, à côté d'autres prisonniers; les deux soldats m'ont
9 pris par le bras, à droite et à gauche. Elle m'a mis un couteau sous la
10 gorge en me disant: "Où est ton uniforme? Combien de Serbes as-tu tués?"
11 Je n'ai pas eu peur, je vous le dis honnêtement. C'était différent
12 d'Ovcara où j'avais les genoux qui tremblaient. J'ai dit: "Ecoute, ma
13 petite…" Parce que j'étais très ami avec son père, nous jouions aux échecs
14 ensemble; c'était quelqu'un qui avait de la culture, il était directeur
15 d'une société médicale. Damjan Korda était également juge. Donc je lui
16 dis: "Pour qui as-tu voté lors des dernières élections?"; c'est plutôt ce
17 qu'elle m'a dit. Je lui ai dit: "Pour Ivica Racan". J'aurais pu voter pour
18 la HDZ, même si je n'ai jamais été membre d'un parti politique, uniquement
19 membre de club de football, comme à Zagreb.
20 Une fois qu'elle en a eu fini de ses menaces et de ses insultes, elle a
21 pris une cigarette de l'un des jeunes soldats, est venue me voir à deux
22 centimètres de l'œil et elle allait m'éteindre la cigarette dans l'œil;
23 mais elle ne l'a pas fait.
24 Donc on m'a laissé partir mais vers treize heures ou treize heures trente,
25 Bulidza est arrivé, le même Bulidza qui avait rossé et tué Damjan
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1 Samardzic à Ovcara. Et il a dit: "Attends, écoute, Beli" Et il m'a dit:
2 "Fils de salopes, qui vous a amenés ici?" Perkovic et moi-même avons
3 répondu d'une seule voix: "Ivankovic, Goran Ivankovic, Dzo", puisque
4 c'était son surnom. Et il a dit: "J'emmerde ta mère et la sienne. D'abord
5 je te tuerai et, ensuite je te tuerai toi" Il y avait un réserviste serbe
6 avec lequel j'étais ami au moment où nous étions tous des civils; son
7 surnom était "Deda". Lui nous a très bien traités. Vers midi, il nous
8 avait donné du pain et également du pâté de foie; c'est ce que nous avions
9 à nous partager entre nous. Ensuite, il avait verrouillé la porte; une
10 heure et demie plus tard, il a déverrouillé la porte et a dit: "Je vous
11 emmène à Velepromet; c'est là que se trouve la police militaire et c'est
12 là où vous serez plus en sécurité qu'ici."
13 Je me souviens que Zelimir Stankovic nous a emmenés avec d'autres soldats
14 à Velepromet.
15 Question: Est-ce que vous avez entendu parler à ce moment-là de ce qui
16 était arrivé à ceux qui étaient restés à Ovcara, qui avaient été laissés à
17 Ovcara?
18 Réponse: J'ai entendu des rumeurs mais, puisque j'avais mal à l'oreille
19 gauche et que j'entendais très mal ce côté-là, j'avais du sang dans
20 l'oreille, je ne pouvais pas vraiment entendre. Mais j'ai entendu dire:
21 "J'ai tué; j'en ai tué pas mal ce soir et je peux te faire exactement la
22 même chose". C'était ça le message.
23 Question: Et lorsqu'on vous a emmenés à Velepromet la deuxième fois,
24 c'est-à-dire quand on vous y a remmenés, où vous êtes-vous rendus à partir
25 de là?
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1 Réponse: Et bien, on nous a emmenés à Velepromet. On nous a fouillés de
2 nouveau, mais nous n'avions rien dans nos poches, bien sûr. Le soir, ils
3 ont fait sortir quatre ou cinq personnes; ces gens, je ne les ai jamais
4 revus. Ils ont emmené Zerk Golac, puis le fils d'un Tzigane, d'un musicien
5 tziganes; ensuite, un jeune homme, celui qui avait été témoin donc qui
6 était devant moi, qui était passé ici avant moi. Et les autres, je ne les
7 ai jamais revus.
8 Parmi ceux qui ont été emmenés, il y avait Perkovic qui était venue avec
9 moi d'Ovcara. Il a été emmené par Draca; c'est d'ailleurs le fils du
10 boucher. Il a été frappé au visage avec une botte de l'armée: "D'abord, je
11 te couperai les oreilles et ensuite la gorge". A dix heures dix, deux
12 jeunes soldats sont arrivés.
13 J'ajouterai également que, lorsque nous sommes arrivés dans la guérite et
14 que le jeune soldat n'a rien trouvé sur moi, nous avions un peu d'argent
15 que nous avions reçu du fils du médecin à Ovcara. Il a demandé: "Qu'est-ce
16 que tu as dans tes chaussures?" Je n'avais rien dans mes chaussures. "Si
17 je trouve quoi que ce soit dans tes chaussures, dit-il, je te couperai les
18 pieds" "Tu peux les couper immédiatement…" Bref, quatre ou cinq personnes
19 ont été emmenées et, vers 11 heures, c'est-à-dire 23 heures, deux autres
20 jeunes soldats sont arrivés dans la salle et ont dit: "N'ayez pas peur. Le
21 capitaine tente de vous sauver".
22 Nous sommes sortis, nous avons poussé l'autocar comme ils nous
23 l'ordonnaient puisqu'il ne voulait pas démarrer. En fin de compte, il a
24 démarré et on nous a emmenés à la caserne. Dans la caserne, on nous a
25 remis 20 ou 25 décigrammes de pain et également une boîte de conserve de
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1 viande.
2 Question: Et à partir de la caserne, où êtes-vous allés jusqu'à ce qu'on
3 vous libère?
4 Réponse: Eh bien, nous avons passé la nuit à la caserne. Le matin, un
5 jeune soldat est arrivé et nous a demandé nos noms, nos surnoms, notre
6 nationalité. J'ai dit que j'étais yougoslave, mais il n'a pas réussi à
7 écrire mon nom de famille; donc, en fait, il m'a donné le nom de
8 "Yougoslave". Après cela, il a fait l'appel et il a dit: "Les noms que je
9 lis, il faudra sortir et le Yougoslave également". Et j'étais le dernier.
10 Donc nous avons pris l'autocar qui nous a emmenés à Sremska Mitrovica.
11 Et maintenant, nous parlons du 22 novembre. Là encore, à Mitrovica, il y
12 avait également une haie d'agents de police, des agents de police à droite
13 et à gauche. Il nous a fallu traverser cette haie. Encore une fois, ils
14 nous ont frappés, battus de matraques, ils nous ont donné des coups de
15 pied. Je n'ai reçu que des coups non pas de pied mais de matraque. On nous
16 a fait déshabiller, j'étais donc nu. Et ils ont continué à nous frapper.
17 Ils ont utilisé une technique de karaté: l'un m'a frappé à l'estomac. Il
18 nous a fallu nous coucher par terre et ils ont continué à nous frapper. Je
19 me suis évanoui par trois fois et, à ce moment-là, Soljic a été tué. Après
20 deux heures dans le froid, il est mort de froid.
21 L'un des tortionnaires qui m'a frappé m'avait pris en grippe; il
22 s'agissait de Dusko. Quelqu'un lui a dit: "Dusko, comment peux-tu le
23 frapper si fort? Comment peux-tu être ce tortionnaire?" Je ne sais pas ce
24 qu'il a répondu, ce Dusko, mais je sais simplement qu'il riait, qu'il
25 ricanait du moins, il ricanait devant les cadavres. Il y avait deux
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1 cadavres, l'un étant le fils de Kata Soljic qui est mort de froid. Il
2 était en train de rire et de dire: "Regarde, il est mort: il a mangé trop
3 de crème glacée!"
4 Je me suis évanoui, je ne pouvais pas rester debout. Je suis donc tombé au
5 sol et l'un des soldats m'a permis de m'asseoir. Plus tard, Slobodan
6 Nikolic et Buljan, Zeljko Buljan m'ont emmené, m'ont traîné dans une salle
7 de trois mètres sur trois. Pendant cinq jours, je n'ai pas pu marcher.
8 D'ailleurs, j'avais la peau gelée.
9 Question: Quand avez-vous été échangé?
10 Réponse: Le 27, à Nemetin. C'est à ce moment-là qu'on a procédé à un
11 échange.
12 Question: Et à partir de l'époque jusqu'à maintenant, est-ce que vous avez
13 revu ceux qui avaient été laissés à Ovcara quand on vous a emmenés?
14 Réponse: Non, non, personne. Je vous ai déjà dit que j'ai une liste de
15 vingt personnes qui étaient avec moi. On ne peut pas se souvenir de tous
16 les noms, mais je me suis souvenu des noms de mes amis, de mes voisins. Je
17 ne les ai pourtant jamais revus depuis lors.
18 M. Niemman (interprétation): Je n'ai pas d'autre question, Monsieur le
19 Président.
20 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur. Madame la Juge?
21 Mme Odio-Benito (interprétation): J'aimerais savoir s'il y a toujours eu
22 une caserne de la JNA à Vukovar?
23 M. Berghofer (interprétation): Oui, il y a toujours eu une caserne à
24 Vukovar. Pour autant que je me souvienne, il y a toujours eu une caserne
25 légèrement à l'extérieur de la ville.
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1 Question: Donc une caserne et des soldats, des soldats de la JNA?
2 Réponse: Oui, oui. Il s'agissait d'une caserne opérationnelle qui a
3 toujours été utilisée.
4 Question: Et les Chetniks, est-ce qu'ils sont venus pour la première fois
5 à cette époque?
6 Réponse: Oui. Voyez-vous, nous les appelions Chetniks, pour ceux qui nous
7 torturaient, qui nous tuaient, qui nous frappaient. Mais ils portaient
8 tous des uniformes de l'armée yougoslave et certains d'entre eux avaient
9 des barbes. Donc ils étaient en uniforme et ils avaient tous des étoiles à
10 cinq branches sur leur couvre-chef. Donc il était difficile de faire la
11 différence entre la JNA et les Chetnik, mais certains de ceux qui étaient
12 de la JNA étaient des gens tout à fait bien et nous ont sauvés.
13 Mme Odio-Benito: Merci. Pas d'autres questions.
14 M. Riad (interprétation): Monsieur Berghofer, si je puis reprendre la
15 suite du déroulement des événements, vous avez dit que, le 17 novembre, il
16 y a eu une tentative de fuite, et 350 personnes ont traversé la forêt.
17 Seuls, 70 d'entre eux ont été sauvés. Pourriez-vous me dire ce qui est
18 arrivé aux autres?
19 M. Berghofer (interprétation): Eh bien, ce soir-là, je ne les ai pas
20 comptés mais je puis dire la chose suivante: j'étais le premier parce
21 qu'ainsi que je vous l'ai dit, j'ai dit: "Si on prend la route principale,
22 on entend l'écho des pas, des voix", je puis donc vous dire que la file
23 indienne des gens était de quelque 450 mètres. J'ai également dit que je
24 cherchais un passeur, que nous n'en n'avions pas, mais le groupe traînait;
25 donc je suis revenu au stade de Sloga. Le premier groupe tout simplement
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1 nous avait laissés; et certains ont décidé de traverser la Vuka à la nage.
2 Le frère, par exemple, de feu Perkovic qui était avec moi à Ovcara, il a
3 survécu lui mais il a été frappé au visage par un shrapnel, un éclat
4 d'obus, et deux autres qui le suivaient de Nasice ont été tués: ils ont
5 sauté sur une mine. Mais je l'ai appris bien plus tard, à Sremska
6 Mitrovica, de ceux qui avaient réussi à survivre.
7 Donc combien d'entre eux ont été tués, ce qui s'est passé dans différents
8 groupes? Eh bien, les différentes groupes se sont divisés, morcelés et ils
9 ne savaient pas exactement où ils se rendaient. Si vous voulez, ils
10 s'étaient perdus dans les champs de maïs. Tout dépend en fait de la chance
11 qu'on a eue.
12 Question: Vous avez dit qu'il y a des gens qu'on a fait monter dans un
13 autre autocar et vous avez découvert, par la suite, qu'ils avaient été
14 frappés violemment, qu'on les avait tellement frappés qu'ils n'étaient pas
15 reconnaissables et que leurs souffrances dépassaient l'imagination. Y a-t-
16 il eu une raison pour cette "distinction", pourquoi on a choisi ceux-là
17 pour leur administrer un traitement plus cruel?
18 Réponse: Vous voyez, il y a des raisons. Par exemple, ils ont pu peut-être
19 être plus jeunes, peut-être à cause d'une jeune fille, ils étaient en
20 conflit. Zeljko, Ante Podruzic étaient des Croates. Il y avait des gens
21 qui ont montré qu'on ne nous aimait pas. Moi, en tant que personne de 52
22 ans, je ne peux pas dire que j'ai eu des séquelles à cause de cela, ou des
23 conflits auparavant. Mais ceci s'est passé, même si un petit poussin est
24 entré dans son jardin, il a voulu se venger pour ceci dans cette période
25 de conflit. Je ne dis pas que tous sont comme ça, mais il y en avait.
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1 Question: Qui a fait le choix? Qui a fait le choix de personnes, de cette
2 séparation de ce groupe qui a bénéficié d'un traitement spécial?
3 Réponse: Je ne sais pas. Moi, j'étais dans le bus, je n'ai pas pu bouger,
4 j'ai juste suivi la situation des yeux. Moi, je ne m'imaginais pas qu'on
5 allait nous tuer.
6 Question: Quelqu'un est venu et a cherché un Français, vous avez dit. Il a
7 dit: "Je veux torturer ce Français" Est-ce que je vous ai bien compris?
8 Réponse: Oui, vous m'avez bien entendu. Ceci s'est déjà passé à Ovcara.
9 Devant moi, à deux ou trois mètres, cette personne a cherché le Français.
10 Cela s'est passé devant moi: ce Français était avec nous, dans le même
11 bus, et ceux qui étaient déjà alignés contre les murs, eux, étaient là
12 depuis un an et demi.
13 Question: Vous savez d'où vient ce Français?
14 Réponse: Personnellement, je ne le connaissais pas. Il avait peut-être 18
15 ou 19 ans, peut-être qu'on l'appelait seulement "le Français". Je ne sais
16 pas.
17 Question: Quel était le rôle de Sljivancanin? Vous l'avez vu souvent:
18 comment se comportait-il?
19 Réponse: Non. Tout ce que j'ai vu, je l'ai vu à l'hôpital lorsqu'il s'est
20 adressé au docteur. Il a dit: "Qu'attendez-vous? C'est un état de guerre.
21 Les blessés légers et les civils à gauche". Il a donné l'ordre qu'on nous
22 fouille, qu'on nous mette dans les bus et beaucoup d'officiers se sont
23 adressés à lui. Donc, de cette situation, j'ai compris que c'était lui le
24 commandant. Deux ans plus tard, je l'ai vu à la télévision.
25 Question: Qui était l'homme qui a dit: "J'ai déjà tué des gens et je vais
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1 continuer à le faire." Vous avez entendu quelqu'un se vanter comme ça à
2 Ovcara: vous le connaissez? Pouvez-vous le reconnaître?
3 Réponse: Cela s'est passé à Modatex, lorsque Milan, nommé Bulic, "le
4 boucher de l'hôpital", était très agité, très révolté. C'est ce que j'ai
5 compris; il a dit: "J'ai déjà assez tué cette nuit. Je vais le faire
6 maintenant. Je veux continuer de le faire".
7 M. Riad (interprétation): Merci.
8 M. le Président: Merci. Le Tribunal remercie le témoin. Il est conscient
9 de la difficulté que représente une audition comme celle-ci. Vous
10 entendez? Non, oui. L'évocation de ces souffrances physiques morales et
11 psychologiques. Il souhaite que vous retrouviez le calme et la sérénité.
12 Voilà votre audition est terminée. Merci. On peut raccompagner le témoin.
13 M. Berghofer (interprétation): Merci beaucoup.
14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
15 M. le Président: Monsieur le Procureur, je propose que nous levions
16 l'audience. Nous la reprendrons à 15 heures.
17 (L'audience est reprise à 15 heures.)
18 M. le Président: D'abord première question. Est-ce que la technique
19 marche?
20 Monsieur le Procureur, m'entendez-vous?
21 M. Niemann (interprétation): Cela fonctionne ici.
22 M. le Président: Mes collègues, m'entendez-vous? Les assistants,
23 m'entendez-vous? Les interprètes, vous entendez-vous?
24 Les interprètes: Oui, nous vous entendons en tout cas.
25 M. le Président: Alors écoutez, c'est parfait. Monsieur le Procureur, vous
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1 avez la parole.
2 M. Niemann (interprétation): Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais
3 présenter une requête si vous m'y autorisez à ce stade, et cette requête
4 ne prendra pas très longtemps. Il s'agit de quelque chose de très bref. Je
5 pense que cela ne devrait pas dépasser cette séance à huis clos. Ce que je
6 demande ne devrait pas dépasser 15 minutes. Je dis cela pour les gens qui
7 sont dans le public.
8 Mais je demande une séance à huis clos étant donné le sujet dont je vais
9 parler et j'aimerais que le procès-verbal ne court plus pendant cette
10 période. J'entrerai davantage dans les détails au moment où je présenterai
11 ma demande.
12 M. le Président: Bien. A la requête de M. le Procureur, nous ordonnons le
13 huis clos. Monsieur le Greffier, pouvez-vous procéder à la mise en place
14 technique propre à assurer le huis clos qui va permettre à M. le Procureur
15 de développer la requête qu'il compte présenter devant nous, sans
16 transcript, aucune transcription. Vous me consignerez cela dans les
17 minutes?
18 Monsieur le Procureur, voyez-vous un inconvénient à ce qu'il y ait
19 enregistrement? Il faut qu'il y ait un enregistrement. Si c'est le huis
20 clos et pas de transcription, vous êtes d'accord sur l'enregistrement?
21 M. Niemann (interprétation): Non, nous n'avons rien contre la
22 transcription, Monsieur le Président. Ce que nous demandons, c'est qu'il
23 ne soit pas diffusé à l'extérieur du Tribunal.
24 M. le Président: Enregistrement, transcription, ce que vous demandez c'est
25 qu'il n'y ait aucune divulgation à l'égard du public, donc c'est le seul
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1 huis clos que vous demandez.
2 Alors Monsieur le Greffier, sur ces bases très claires, nous ordonnons le
3 huis clos.
4 Monsieur le Procureur, si vous voulez que le huis clos soit complet, il
5 faudrait que ce soit très clair, il ne faut quand même pas, il faut
6 interrompre la vidéo à l'extérieur?
7 Les interprètes: Que fait-on avec l'interprétation?
8 M. Niemann (interprétation): Peut-être peut-on interrompre la vidéo à
9 l'extérieur, il n'y a pas de problème avec la vidéo qui fonctionne à
10 l'intérieur de la salle.
11 M. le Président: C'est tout à fait comme ça que je l'avais entendu,
12 Monsieur, dans la question que je vous posais. Il faut que la vidéo
13 extérieure soit interrompue. D'accord. Merci.
14 Les interprètes: Monsieur Jorda, qu'en est-il de l'interprétation? Dans le
15 public, ils ont des appareils d'interprétation.
16 M. le Président: Il faut arrêter les appareils, il faut qu'il n'y ait plus
17 d'appareil d'interprétation dans le public. Il faut que je demande à la
18 sécurité d'ôter tous les personnels qui sont dans le public, et je crois
19 que le plus simple c'est peut-être de faire évacuer la salle du public.
20 Monsieur le Greffier, vous vous en occupez? Merci.
21 [Partie du transcript anglais séparée et non communiquée en version
22 anglaise]
23 (Audience à huis clos.)
24 (redacted)
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25 (Audience publique avec mesures de protection.)
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1 (Le témoin B est introduit dans le prétoire.)
2 M. le Président: Monsieur le Témoin B, m'entendez-vous? Vous m'entendez,
3 très bien. On va vous présenter une déclaration que vous allez lire.
4 Témoin B (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, rien que la vérité et toute la vérité.
6 M. le Président: [Pas d'interprétation.]
7 (Interrogatoire principal du Témoin B par M. Niemann.)
8 M. Niemann (interprétation): Monsieur le témoin, où êtes-vous né?
9 Témoin B (interprétation): Je suis né à Vukovar.
10 Question: Est-ce que toute votre famille était originaire de Vukovar?
11 Réponse: Oui, toute ma famille.
12 Question: Et vous avez été également à l'école à Vukovar?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et après l'école, qu'avez-vous fait, quelle profession avez-vous
15 adoptée?
16 Réponse: J'ai travaillé dans une société d'expédition maritime
17 internationale, dans une firme qui s'appelait Transjug-Rijeka, dans
18 l'export, import.
19 Question: Vous êtes marié, et vous habitiez près de la rivière Vuka?
20 Réponse: Oui, effectivement je me suis marié et j'avais une famille et
21 j'ai acheté une maison avec l'aide de mes parents et j'ai simplement
22 ajouté une aile à la maison.
23 Question: Et vous étiez en train de construire cette maison lorsque le
24 conflit a débuté.
25 Réponse: Oui, c'était une maison qui avait été adaptée si vous voulez pour
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1 être une résidence et la nouvelle aile de la maison devait donc m'être
2 destinée. Après le début de la guerre, au début de la guerre, nous étions
3 donc en train de construire cette nouvelle aile de la maison.
4 Question: Auparavant, vous avez fait votre service militaire, service
5 militaire ordinaire de 1984 à 1985?
6 Réponse: Oui. Service militaire un petit peu moins d'un an et c'était à
7 Karlovac et Pivka.
8 Question: Et l'environnement de Vukovar et le style de vie avant la guerre
9 pourriez-vous nous en parler à Vukovar?
10 Réponse: Il est difficile de décrire tout ce qu'il s'est passé mais
11 lorsque qu'on tente de décrire la vie d'un homme ordinaire, de la manière
12 la plus ordinaire, beaucoup de problèmes, tout le monde s'efforçait de
13 faire son travail et après les modifications sociales que l'on connaît, il
14 y a une situation je dirai de confusion, les choses sont allées très
15 vites, très rapidement. Mais c'était très loin de nous et nous ne nous
16 attendions pas à une guerre et certainement pas à ce que la guerre éclate.
17 Question: Est-ce qu'il y avait différents groupes ethniques qui vivaient à
18 Vukovar ou aux environs de Vukovar dans la période jusqu'à la guerre?
19 Réponse: Oui, tout à fait. Vukovar était connue comme étant une région
20 très mixte, plus particulièrement dans cette partie du pays, il y avait 20
21 groupes environ qui y vivaient. Il aura fallu traverser ce qu'ils ont dû
22 traverser.
23 Question: Vous aviez donc des problèmes des hommes de tous les jours, est-
24 ce que les groupes ethniques s'entendaient de façon harmonieuse?
25 Réponse: Je dirai que oui. Nous vivions de façon tout à fait normale. Sauf
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1 pour en qui concerne des petits problèmes, je crois que les gens vivaient
2 de façon tout à fait ordinaire. Il y avait pas d'importance accordée au
3 fait qu'on appartienne à un groupe ethnique donné.
4 Question: Vous avez entendu parler de l'événement ou des agents de police
5 qui ont été tués à Borovo Selo?
6 Réponse: Je ne sais pas, je ne puis parler que de mon point de vue, oui.
7 La tension existait certes, mais on réussissait à la surmonter. Je crois
8 qu'on en faisait même des plaisanteries. La création de la Serbie, c'était
9 effectivement une possibilité.
10 Question: Est-ce que vous vous souvenez du début des combats à Vukovar?
11 Réponse: En dehors des tirs nocturnes de Borovo Naselje et de Borovo Selo,
12 les véritables pilonnages de Vukovar ont commencé au mois de juillet, à
13 deux reprises au début et à la fin du mois.
14 Question: Et y a-t-il eu des évacuations organisées des femmes et des
15 enfants?
16 Réponse: Oui. Il y a eu des évacuations qui ont été procédées de diverses
17 manières. La municipalité en a organisé, des organisations caritatives,
18 nombre d'organisations se sont efforcés, effectivement, d'évacuer les
19 enfants. Nous pensions qu'il s'agissait tout simplement d'envoyer les
20 enfants, par exemple, en villégiature à la mer.
21 Question: Pourquoi est-ce que les enfants ont donc été envoyés?
22 Réponse: Oui, on les a effectivement envoyés par le dernier convoi car
23 j'ai insisté sur ce fait. On les a fait transporter par ce convoi et ils
24 ne sont pas revenus.
25 Question: Le siège de Vukovar, comment cela s'est-il passé? Qu'est-ce que
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1 vous faisiez à ce moment-là?
2 Réponse: Au début, j'ai tenté de survivre, de vivre, de m'occuper de mes
3 parents qui faisaient le va-et-vient entre ma maison et la leur. Nous
4 avons tenté de réparer les maisons. Les maisons qui littéralement
5 disparaissaient. Le toit a été touché par plusieurs obus. Ensuite nous
6 allions sur les toits quand les choses se calmaient et ensuite nous
7 mettions des briques. Nous essayions tout simplement de faire ce que nous
8 pouvions pour survivre et nous attendions la fin des événements.
9 Question: Que s'est-il passé par la suite?
10 Réponse: Cela n'a pas été ma décision de faire autres choses, on m'a
11 appelé à la mairie de Vukovar où une résistance supplémentaire était en
12 cours d'organisation parce que les combats se poursuivaient et on m'a
13 inclus dans la défense de la ville.
14 Question: Quelles étaient vos responsabilités, vos fonctions par rapport à
15 la défense de la ville?
16 Réponse: Ma principale responsabilité consistait à être chargé de l'unité
17 de combat pour les mines donc et pour empêcher l'arrivée de l'ennemi. Eh
18 bien, les membres de mon unité changeaient constamment et donc je les
19 dirigeais.
20 Question: Etiez-vous en uniforme, est-ce que vous portiez un uniforme de
21 soldat?
22 Réponse: Non, pas vraiment parce qu'à l'époque il n'y avait pas
23 d'uniforme. Lorsque qu'on m'a donné la responsabilité de cette unité, il
24 n'y avait pas suffisamment de matériel. Je n'avais que différents éléments
25 d'uniformes de l'ancienne JNA.
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1 Question: Quelle arme aviez-vous, si vous en aviez?
2 Réponse: En tant qu'unité ou moi personnellement? Eh bien, je n'étais pas
3 vraiment armé parce que nous n'avions pas d'armes0. Puisque j'étais le
4 commandant je n'avais que l'autorité et j'avais une communication directe
5 avec notre état-major. De temps à autres des membres de mon unité
6 m'apportaient des armes. Par exemple des armes automatiques ou tout
7 simplement des fusils, mais c'était encore une fois de façon ponctuelle.
8 Et mes soldats avaient soit des armes automatiques ou ce que l'on appelait
9 des "Pap" c'étaient des armes de l'ancienne JNA et nous avions également
10 des armes blanches et des grenades.
11 Question: En octobre 1991, que faisaient vos forces, que faisaient votre
12 unité et les forces de défense de Vukovar que faisaient-elles?
13 Réponse: Eh bien, nous avons tenté désespérément d'arrêter l'avancée de
14 l'ennemi et nous espérions recevoir l'aide de la communauté internationale
15 pour que tout s'arrête et que nous puissions mettre fin à ce conflit
16 inutile.
17 Question: Décrivez-moi la situation dans la ville? En octobre, novembre y
18 avait-il des services publics par exemple, l'eau, l'électricité?
19 Réponse: C'est une question extrêmement problématique. Nous n'avions pas
20 d'électricité. Il y avait des coupures d'électricité en août déjà. En
21 septembre, il n'y avait plus d'électricité du tout. Tout était vraiment
22 improvisé pour tenter d'obtenir des sources énergétiques mais nous
23 n'avions plus d'électricité directe. C'était l'enfer, c'était un enfer
24 dans lequel nous devions survivre.
25 Question: Et pendant la période du siège?
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1 Réponse: Malheureusement, je l'ai vu. J'ai eu la possibilité d'aller dans
2 certains abris de temps à autres et j'ai vu comment les enfants, combien
3 les enfants souffraient. C'était le désespoir, c'était absolument terrible
4 de voir…ces contacts mêmes courts étaient extrêmement pénibles, eux aussi
5 souffraient. Personne ne pouvait vraiment nous venir en aide.
6 Question: Est-ce que vous avez tenté de vous enfuir?
7 Réponse: Sans doute. Il y a sans doute des gens qui ont réussi à s'enfuir,
8 mais je ne peux pas vraiment l'analyser.
9 Question: Et votre père, votre mère, ils sont restés, ils sont partis?
10 Auquel cas, où?
11 Réponse: Oui, malheureusement ils sont restés. J'ai essayé de les
12 convaincre tant que c'était encore possible de quitter la ville. Je leur
13 ai offert ma voiture pour qu'ils s'en aillent, mais ils ont décidé de
14 rester parce que moi, j'étais là ainsi que mon frère. En fait tout ce
15 qu'ils avaient réussi à réaliser, tout ce qu'ils possédaient se trouvait
16 là donc ils n'ont pas voulu partir. Au moment du convoi qui a transporté
17 les blessés un peu plus tard, ils se sont demandés s'ils ne devraient pas
18 partir, mais c'était en fait trop tard.
19 Question: Et votre frère, est-ce qu'il est resté?
20 Réponse: Oui il est resté, lui aussi faisait partie des défenseurs de la
21 ville.
22 Question: Le 16 novembre 1991, quelle était la situation du conflit entre
23 la population de Vukovar et les assiégeants de la JNA?
24 Réponse: Eh bien, jusqu'au bout une bataille forcenée a été menée,
25 pratiquement jusqu'à la mort du dernier survivant. Et j'ai vraiment été
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1 surpris vers la fin lorsque j'ai vu se monter la résistance. Après cette
2 date à quel moment la défense organisée a-t-elle cessé approximativement?
3 Réponse: Votre question est très difficile parce que dans des événements
4 de ce genre on perd le sens du temps. Mais je dirai que c'est aux
5 alentours du 16 ou 17 que l'occupation s'est achevée officiellement.
6 Question: Quand vous dites 16 ou 17 novembre, vous parlez bien de 1991
7 n'est-ce pas?
8 Réponse: Oui, tout à fait, 16, 17 novembre.
9 Question: Lorsque la défense organisée de la ville a dû se rendre, qu'est-
10 ce que vous avez fait vous-même personnellement?
11 Réponse: Quand je me suis rendu compte que nous avions perdu, je me suis
12 rendu auprès de mon unité pour expliquer aux hommes que la résistance
13 était désormais inutile, qu'il n'y avait plus de salut. Et je leur ai
14 montré le chemin en tout cas à ceux qui voulaient organiser des groupes
15 individuels pour partir. Donc j'ai essayé de déterminer par quelle route
16 ils avaient une chance de réussir en essayant de choisir dans chaque
17 groupe quelqu'un de la région qui connaissait mieux que les autres les
18 lieux. Et je leur ai dit au revoir, je les ai donc quittés et je suis
19 rentré dans ma maison pour voir ce qu'il se passait avec mes parents et en
20 tout cas où est-ce qu'ils se trouvaient.
21 Question: Lorsque vous dites que vous leur avez montré le chemin, c'était
22 le chemin de la fuite.
23 Réponse: Oui, dans les grandes lignes j'ai essayé de leur montrer par
24 quelle voie ils pourraient passer.
25 Question: Mais vous n'êtes pas parti avec eux, vous ne les avez pas suivis
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1 sur ce chemin que vous leur montriez?
2 Réponse: Non.
3 Question: Qu'est-ce que vous avez fait?
4 Réponse: Je vous l'ai dit, j'ai essayé de retrouver mes parents, je suis
5 rentré dans ma maison.
6 Question: Est-ce que vous avez fini par retrouver vos parents?
7 Réponse: Oui, je les ai trouvés dans la cave de ma maison.
8 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé à ce moment-là?
9 Réponse: J'ai passé une nuit dans cette maison, j'ai pris un bain, maman a
10 réussi d'une façon ou d'une autre, je ne sais pas exactement comment, à
11 faire un peu de feu. La nuit suivante, en fait je ne sais pas si c'est la
12 suivante je n'en suis plus du tout tout à fait sûr, mais en tout cas, une
13 nuit, on a commencé à entendre parler d'évacuation de l'hôpital et qu'on
14 pouvait se rendre à l'hôpital, c'est ce que nous avons fait.
15 Question: Comment est-ce que vous avez entendu parler de l'évacuation
16 prochaine de l'hôpital?
17 Réponse: Je crois me souvenir que c'était à la radio, on avait des piles
18 quand même et donc on pouvait écouter les informations à la radio. Je
19 crois que c'est par la radio qu'on l'a appris.
20 Question: Est-ce que vous vous êtes donc rendus ultérieurement à
21 l'hôpital?
22 Réponse: Oui, je vous l'ai dit. Nous sommes partis à l'hôpital.
23 Question: Et au moment où vous êtes allés à l'hôpital, que s'est-il passé?
24 Réponse: Quand nous sommes arrivés à l'hôpital, il y avait déjà sur place
25 une grande foule qui s'était rassemblée sur le site de l'hôpital entre
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1 l'entrée principale et le service d'urgence.
2 Question: Qu'est-ce que vous avez fait?
3 Réponse: Je suis resté un certain temps dehors avec mes parents pour
4 observer ce qu'il se passait et puis en fait à ce moment-là je leur ai dit
5 au revoir, et j'ai poursuivi mon chemin pour aller voir mes blessés avec
6 qui j'ai passé quelques heures.
7 Question: A quelle date approximativement, si vous pouvez vous en
8 souvenir, vous êtes-vous trouvé à l'hôpital? Est-ce que vous vous souvenez
9 de la date?
10 Réponse: C'est pour moi une question très difficile. J'ai toujours
11 l'impression d'avoir perdu un jour. Je ne sais plus s'il s'agit du 18 ou
12 du 19. Encore aujourd'hui je n'arrive pas à avoir la moindre certitude à
13 cet égard.
14 Question: En tout cas c'est autour du 18 ou du 19 novembre, n'est-ce pas?
15 Réponse: C'est ça, 18 ou 19 novembre 1991.
16 Question: Quand vous êtes allé à l'hôpital, est-ce que vous y avez vu du
17 personnel médical?
18 Réponse: Oui, j'ai vu le Dr Bosanac et bien d'autres membres de l'équipe
19 médicale.
20 Question: Est-ce que vous avez rencontré le Dr Jozo Tomic?
21 Réponse: Ca c'est un nom qui ne me dit rien. Je ne pourrais vous dire si
22 je l'ai rencontré ou pas.
23 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé à ce moment-là plus tard, toujours à
24 l'hôpital? Quel autre événement est survenu?
25 Réponse: Plus tard, le même jour, ceux que l'on appelait les soldats
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1 yougoslaves ou bien est-ce qu'il faut les appeler réservistes, je ne sais
2 pas exactement, sont entrés dans l'enceinte de l'hôpital après avoir
3 encerclé l'hôpital.
4 Question: Est-ce que c'étaient des forces serbes?
5 Réponse: Moi, tout ce que je sais c'était que c'étaient des forces
6 ennemies. Est-ce qu'ils étaient Serbes? Je ne saurais le dire. Il y a un
7 soldat qui est entré et qui avait toutes les insignes de l'ancienne JNA et
8 parmi les soldats qui l'accompagnaient, les uniformes étaient un petit peu
9 mélangés. Ce qui signifie qu'outre des membres des forces régulières, il y
10 avait également des représentants d'un certain nombre de forces
11 irrégulières habillés en "battledress.".
12 Question: Qu'est-ce que faisaient ces soldats?
13 Réponse: Les soldats comme je l'ai dit, se sont placés à toutes les issues
14 de l'hôpital et ont gardé le site de l'hôpital. Il y avait un jeune soldat
15 qui était là et qui m'a parlé d'ailleurs, qui a parlé à la population, qui
16 a essayé de la tranquilliser, de la calmer. Moi à ce moment-là, je l'ai
17 quitté et je suis allé dans les sous-sols et je ne sais plus exactement ce
18 qui a pu se passer à l'extérieur du bâtiment même de l'hôpital puisque
19 j'étais à l'intérieur.
20 Question: Est-ce que vous avez vu les soldats faire quoi que ce soit aux
21 gens qui étaient rassemblés sur ce site?
22 Réponse: Non, je ne les ai pas vus faire quoi que soit à la population.
23 Question: Y avait-il beaucoup de gens rassemblés à l'hôpital à ce moment-
24 là?
25 Réponse: Oui, il y avait pas mal de gens. Le nombre exact je ne saurais le
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1 dire, mais en tout cas la majorité se trouvait devant le bâtiment mais il
2 y en avait peut-être même encore plus à l'intérieur.
3 Question: Ces gens qui étaient devant l'hôpital, est-ce que c'étaient des
4 patients soignés à l'hôpital ou des gens qui se sont réunis là, qui sont
5 allés à l'hôpital un petit peu comme vous?
6 Réponse: Les gens qui étaient devant l'hôpital étaient des civils qui se
7 sont dirigés vers l'hôpital parce qu'ils avaient peut-être été menacés ou
8 parce qu'ils souffraient de quelque chose, en tout cas ils y étaient
9 allés.
10 Question: Alors vous êtes allé dans le sous-sol, et qui se trouvait dans
11 le sous-sol?
12 Réponse: Dans le sous-sol, dans la cave de l'hôpital il y avait un monceau
13 de blessés et nombre de blessés de mon groupe en particulier. Les gens
14 étaient tellement entassés, je peux vous dire d'ailleurs qu'il y avait
15 aussi bien des défenseurs de la ville que des civils malheureux. Il y
16 avait un peu de tout.
17 Question: Est-ce que vous êtes resté dans ce sous-sol de l'hôpital, ou
18 est-ce que vous êtes allé ailleurs cette nuit-là?
19 Réponse: Cette nuit-là, étant donné qu'en bas il y avait tellement de
20 monde que je ne pouvais même pas trouver un coin pour dormir, je suis allé
21 dans les étages. Je ne sais plus si c'était au premier ou deuxième et j'y
22 ai vu d'autres personnes d'ailleurs, j'y ai passé la nuit.
23 Question: Le matin suivant, qu'est-ce qu'il s'est passé?
24 Réponse: Le matin suivant, je suis retourné dans la cave de l'hôpital et
25 moi je m'attendais à ce que... Et en fait ce n'est pas seulement que je
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1 m'y attendais, c'est que vers 8 heures du matin on a entendu des gens
2 crier et je ne peux pas vous dire de quels gens il s'agit exactement, mais
3 on a entendu des gens crier que tous ceux qui pouvaient le faire avaient
4 l'ordre de sortir à l'extérieur de l'hôpital par l'issue qui se trouvait
5 dans le service d'urgence.
6 Question: Quand vous parlez de gens qui criaient, est-ce que vous savez
7 tout de même si c'étaient des membres du groupe serbe où si c'étaient des
8 membres du personnel de l'hôpital, est-ce que vous êtes capable d'établir
9 cette distinction?
10 Réponse: Non, non, vraiment, je ne sais pas qui criait et je ne sais pas
11 qui a répandu ce bruit. C'est quelqu'un qui traversait les couloirs et
12 criait à tout le monde de sortir: "Tout le monde dehors, tout le monde
13 dehors!". Je crois qu'il s'agissait de soldats, mais je n'en suis pas
14 complètement sûr.
15 Question: Vous avez suivi cet ordre, vous vous êtes rendu dehors? C'est
16 bien cela?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et quand vous êtes sortis, qu'est-ce que vous avez vu?
19 Réponse: On nous a alignés en rang et on nous a fouillés pour voir si nous
20 ne portions peut-être pas sur nous des armes, une bombe un couteau. Donc
21 on nous a fouillés. Et ensuite on nous a dirigés vers la droite, vers la
22 rue qui longe l'hôpital pour nous faire entrer dans des autobus.
23 Question: Est-ce que vous avez été fouillé, est-ce qu'on vous a pris des
24 objets?
25 Réponse: Ils m'ont fouillé, il ne m'ont rien pris. Après la fouille, ils
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1 nous ont emmenés jusqu'à l'autobus.
2 Question: Quand vous dites "ils" nous ont fouillés, est-ce que maintenant
3 vous vous souvenez de l'identité de ces "ils"?
4 Réponse: Il s'agissait de soldats qui assuraient la sécurité de l'hôpital,
5 la garde de l'hôpital.
6 Question: Et lorsque vous êtes arrivés aux autocars, qu'est-ce qu'il s'est
7 passé?
8 Réponse: On nous a amenés jusqu'aux autocars, il y avait au moins trois
9 autocars donc chacun pouvait monter dans l'autobus de son choix et donc
10 prenait place dans cet autobus.
11 Question: Lorsque vous êtes monté dans un autobus, est-ce que vous y avez
12 vu des gardes?
13 Réponse: Oui, il y avait deux soldats qui étaient l'un, un garde, et
14 l'autre le conducteur, le chauffeur.
15 Question: Est-ce que les personnes qui embarquaient à bord des bus ont
16 subi des violences à ce moment-là?
17 Réponse: Pour ceux que j'ai pu en voir, non.
18 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé lorsque vous vous êtes trouvés dans
19 l'autocar.
20 Réponse: On y a passé un temps relativement bref et au bout de ce temps
21 relativement bref, les portes se sont fermées, le moteur a été allumé et
22 l'autocar a pris la direction du centre de la ville.
23 Question: Et où est-ce que vous êtes allés, expliquez-nous l'itinéraire
24 que vous avez suivi?
25 Réponse: Nous sommes passés par la rue Gundeliceva, la place Marko
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1 Oreskovic, la rue Bozidara Adzije jusqu'à la place principale en passant
2 par la rue Dimitrija Tucovica. On a tourné dans la rue Smaj Jove puis dans
3 la rue Kraseva et à la fin nous sommes rentrés dans la rue Sajmiste et
4 c'est à ce moment-là qu'on est arrivé à la caserne qui se trouve dans
5 cette partie de la ville.
6 Question: Et lorsque vous parlez de caserne, il s'agit de quelle caserne?
7 Réponse: C'est la caserne de la garnison de Vukovar, la caserne de
8 l'ancienne JNA.
9 Question: Est-ce qu'il existait d'autres anciennes casernes de la JNA à
10 Vukovar?
11 Réponse: Officiellement, c'était la seule. Peut-être qu'il y avait des
12 bases de moindre importance mais officiellement c'était la seule caserne
13 de la JNA à Vukovar.
14 Question: Est-ce que tous les autocars ont tourné en direction de la
15 caserne?
16 Réponse: Oui. C'était un convoi. Le convoi en question est arrivé et il
17 s'est arrêté dans la partie médiane de la caserne.
18 Question: Est-ce que vous vous souvenez des gens qui se trouvaient à bord
19 de ces bus avec vous?
20 Réponse: Oui, il y avait Zeljko Jurela, il y avait Damjan qu'on appelait
21 "grande chaudière.". Il y en avait un qui s'appelait Kemal, eux, je suis
22 tout à fait en mesure de confirmer leur présence dans cet autobus.
23 Question: Est-ce que vous avez vu des soldats serbes dans la caserne?
24 Réponse: Il y avait un peu de tout, des simples soldats à eux et puis il y
25 avait toutes sortes de gens qui portaient toutes sortes de partie
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1 d'uniformes disparates.
2 Question: Est-ce que vous en avez reconnu parmi eux?
3 Réponse: Oui, j'ai reconnu parce qu'il parlait le plus fort, j'ai reconnu
4 Jakovljevic Radivoje surnommé "frigidaire" qui d'ailleurs a menacé mon
5 collègue qui était assis à côté de moi. Il a essayé de faire pression sur
6 lui en lui disant qu'il avait tué sa femme alors que sa femme en fait est
7 morte à cause d'un obus. Il avait pris la voiture réfrigérée pour le
8 transport de viande qu'il essayait de faire sortir de la ville, et c'est
9 pendant le transport que sa femme a reçu un éclat d'obus et est morte.
10 Mais Jakovljevic disait à mon collègue que c'est lui qui avait tué sa
11 femme. Et il a menacé mon collègue surnommé "grande chaudière" de le tuer.
12 Il chantait des chansons Chetniks d'ailleurs, c'était celui qui parlait le
13 plus fort.
14 Question: Combien de temps avez-vous passé à la caserne?
15 Réponse: Très difficile à dire, peut-être une heure, peut-être deux
16 heures.
17 Question: Et après cela, qu'est-ce qu'il s'est passé?
18 Réponse: Entre temps deux à trois autres autobus nous ont rejoints, je ne
19 sais pas d'où ils venaient, mais ils venaient de la même partie de la
20 ville que nous de la rue Sajmiste. Alors après l'arrivée de ces autocars
21 supplémentaire, au bout d'un moment le convoi a été reformé et nous avons
22 poursuivi notre route en commençant par la rue Sajmiste. Nous avons tourné
23 à gauche vers la sortie de Vukovar. Et c'est à ce moment-là qu'on nous a
24 transportés dans une ferme qu'on appelle Ovcara.
25 Question: Est-ce que vous avez déjà vu cet endroit appelé Ovcara par le
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1 passé?
2 Réponse: Oui, je connaissais cet endroit, j'y avais été en tant qu'enfant.
3 On y allait souvent au printemps. On y passait souvent notre temps libre.
4 J'allais même pêcher là-bas pendant mon enfance.
5 Question: Est-ce que vous pouvez décrire Ovcara très brièvement, s'il vous
6 plaît?
7 Réponse: Oui, je peux vous décrire Ovcara. C'est une coopérative de
8 l'époque de l'autogestion qui faisait de l'élevage bovin en particulier,
9 et il y avait également quelques baraques pour les ouvriers qui
10 travaillaient sur place. Mais sinon c'est un endroit, un tout petit
11 endroit, je ne sais pas si on peut l'appeler village. Sans doute que l'on
12 parle de cet endroit comme un village mais c'est même moins grand qu'un
13 village, c'est plutôt un hameau. Mais sur le plan agricole, c'est un
14 endroit qui se porte bien, qui se portait bien dans le cadre de l'économie
15 d'autogestion.
16 Question: Est-ce qu'on peut qualifier cet endroit de ferme collective
17 appartenant à l'état?
18 Réponse: Oui, effectivement, c'est une entreprise qui s'appelait Vupik.
19 Quel type de viandes est-ce qu'elle faisait exactement? Est-ce que
20 c'étaient des bovins ou du porc, je ne sais pas exactement. Mais le nom de
21 l'entreprise est Vupik.
22 Question: Alors quand vous êtes arrivés à cet endroit, qu'est-ce qu'il
23 s'est passé?
24 Réponse: Quand on y est arrivés, les autocars se sont placés les uns
25 derrière les autres et ils ont été vidés l'un après l'autre, si bien que
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1 les gens sortaient un par un. Et au moment d'entrer dans un hangar, on
2 nous a ordonné de jeter à un endroit précis tous nos objets personnels. A
3 la fin à cet endroit, il y avait tout un tas d'objets. Et puis là encore,
4 il y avait autour de nous des gens très mélangés, des soldats et des gens
5 portant des uniformes disparates. Finalement on a tous été rassemblés dans
6 un hangar où on s'est fait battre, moi y compris, à l'aide de bâtons de
7 bois, de barres de fer et autres instruments.
8 Question: Vous avez parlé des soldats, est-ce qu'il s'agissait des soldats
9 de la JNA à votre avis?
10 Réponse: Je suppose.
11 Question: Et il y avait des assistants qui ne faisaient pas partie de la
12 JNA?
13 Réponse: J'ai déjà dit tout à l'heure qu'il y avait là un mélange de toute
14 sorte de gens. Des gens très mélangés devant le hangar qui en fait nous
15 attendaient.
16 Question: Est-ce que vous êtes passé à travers une double rangée d'hommes
17 qui vous ont frappé avant d'entrer dans le hangar?
18 Réponse: Oui effectivement, j'ai dû y passer aussi.
19 Question: Est-ce que vous avez été frappé lorsque vous avez traversé cette
20 double rangée d'hommes?
21 Réponse: J'ai été frappé sur plusieurs parties du corps, mais
22 particulièrement à la tête. Ma tête était extrêmement tuméfiée et vraiment
23 c'était difficile à vivre.
24 Question: Qu'est-ce qui est arrivé lorsque vous êtes entrés à l'intérieur
25 du hangar?
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1 Réponse: Comme je l'ai dit, nous sommes passés à travers cette double
2 rangée d'hommes puis nous sommes entrés dans le hangar et on nous a fait
3 asseoir par terre ,à même le sol, avec un peu de paille. Puis se sont
4 formées des groupes de deux ou trois de ces hommes très mélangés et
5 soldats et non soldats et ils ont commencé à approcher les gens en les
6 frappant à coup de pied, à coup de poing avec toutes sortes d'objets,
7 toutes sortes d'instruments.
8 Dado Vladimir Djukic par exemple qui avait des béquilles, il avait un
9 problème aux jambes et il avait des béquilles, eh bien, ils ont pris sa
10 béquille ou sa canne et là, ils lui ont cassée sur la jambe. Ils
11 n'arrêtaient pas de poser des questions aux gens, d'où est-ce que vous
12 venez? Et s'ils ne répondaient pas, eh bien, ils interrogeaient ceux qui
13 étaient autour de cette personne, pourquoi est-il là?
14 Et il y avait parmi eux un homme qui portait un pistolet, dont je dirai
15 qu'il s'agissait de leur chef mais qui n'avait rien, aucun signe
16 distinctif pour le signifier. Donc il utilisait son revolver pour
17 terroriser les gens, les forçait à quitter le hangar puis il rentrait à
18 nouveau à l'intérieur du hangar si bien qu'au fil du temps, ils
19 s'échangeaient assez souvent.
20 Et puis il y avait un soldat, un soldat des forces régulières.
21 Question: Quand vous dites soldat régulier, vous voulez dire de la JNA?
22 Réponse: Oui. Il avait un uniforme en bon et due forme et il avait tout à
23 fait l'allure d'un soldat. Il avait une chemise de camouflage, un uniforme
24 de camouflage et il a pris les noms des gens qui étaient dans le hangar.
25 Question: Connaissiez-vous les noms des personnes qui étaient avec vous,
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1 qui ont battu les personnes dans le hangar, y compris vous?
2 Réponse: Je connais ceux qui ont été battus mais ceux qui les ont battus,
3 je ne les connaissais pas. J'ai vu par la suite leurs noms, j'ai vu une
4 personne, la personne qui était particulièrement cruelle. Je dirais
5 presque avec une satisfaction sadique, une satisfaction. C'est quelqu'un,
6 une personne qu'on appelait Kemal qui se trouvait pas loin de moi, il l'a
7 tellement frappé à l'aide de ses amis ou que dirais-je, de ses complices.
8 Il l'a piétiné, avec les coups de pied il sautait sur lui et pendant qu'il
9 montrait encore des signes de vie, il l'obligeait de chanter certaines
10 chansons de Chetnik, c'était après cela que cette personne ne donnait plus
11 de signe de vie, après un tel mauvais traitement, et je pense qu'il était
12 mort là, à ce moment-là.
13 Question: Y avait-il d'autres personnes que vous avez connues et qui ont
14 été aussi battues de cette manière-là?
15 Réponse: Oui, Dado Djukic oui, c'est comme cela qu'ils se sont comportés
16 envers lui et il y a eu encore quelques autres personnes qui ont reçu des
17 coups particulièrement cruels. Par exemple Damir qui était chauffeur dans
18 l'hôpital. Il a transporté les blessés, il a été frappé par le fusil, par
19 la crosse et par le tuyau directement dans la bouche, c'était très cruel.
20 Question: Combien de temps êtes-vous resté dans le hangar,
21 approximativement, vous vous rappelez?
22 Réponse: C'est très difficile de dire parce que le sens du temps a été
23 perdu, mais je sais qu'il y a eu la nuit, il y a eu le crépuscule, on a
24 mis en marche les phares donc je m'imagine que 5, autour de 5 heures donc
25 nous étions là de 2 à 3 heures, peut-être un peu moins.
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1 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé par la suite?
2 Réponse: Après on a fait sortir des personnes, on a fait sortir des
3 personnes en groupe de 20, peut-être un peu moins, et un groupe après
4 l'autre est sorti par la porte dans des intervalles peut être de 15 à 20
5 minutes.
6 Question: Et qu'est-ce qu'il s'est passé pour vous-même?
7 Réponse: Je suis arrivé, mon tour est arrivé, mon groupe. On nous a dit
8 qu'on allait nous transférer dans un autre hangar et on nous a fait monter
9 dans une toute petite camionnette militaire, on a fermé le derrière avec
10 une toile et on a fait monter la petite échelle, l'escalier. Le camion
11 s'est rendu vers les tombes, vers Grabovo.
12 Question: Quelle était la taille de ce camion, c'était un grand camion,
13 une camionnette?
14 Réponse: C'était plutôt une camionnette de type militaire jusqu'à deux
15 tonnes au maximum.
16 Question: Combien approximativement il y a eu de personnes dans votre
17 groupe dans cette camionnette?
18 Réponse: J'ai dit jusqu'à 20 personnes, pas plus.
19 Question: Et je crois que vous avez dit que cette camionnette a été
20 couverte de toile, alors comment êtes-vous monté ou sorti de cette
21 camionnette?
22 Réponse: A l'entrée il y a eu un escalier qu'on avait monté par la suite,
23 et après on a fermé la camionnette avec une bâche.
24 Question: Quand vous êtes monté dans le camion, vous étiez seulement avec
25 les prisonniers ou il y a eu aussi des gardes derrière dans la partie
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1 arrière?
2 Réponse: Non, nous étions seuls. Les prisonniers, nous les malheureux,
3 mais personne d'eux n'était avec nous à l'intérieur.
4 Question: Et la camionnette, vous dites, partait en direction de Grabovo.
5 Où se trouve Grabovo par rapport à Ovcara?
6 Réponse: Peut être à deux kilomètres d'Ovcara, peut-être même pas.
7 Question: Est-ce que vous êtes arrivé à Grabovo ou il y a eu quelque chose
8 qui est arrivé entre temps?
9 Réponse: Non, à la mi-chemin, il y a eu une petite vallée et c'est dans
10 cette partie que la voiture, le camion a été déplacé un peu vers la gauche
11 parce qu'à gauche il y avait un petit bois. Alors il a dû réduire la
12 vitesse. La camionnette ne s'est pas arrêtée mais la vitesse a été
13 réduite.
14 Question: Comment est la route que vous avez empruntée, c'est une route
15 bien bâtie, pouvez-vous la décrire?
16 Réponse: Non, c'est vraiment seulement un chemin de terre battue par
17 exemple, qu'on emprunte quand on va travailler les champs, pour les
18 voitures. C'est-à-dire ce n'est pas vraiment une route, c'est un chemin.
19 Question: Quand la camionnette avançait, quelle était sa vitesse à peu
20 près?
21 Réponse: Peut-être 20 km/h jusqu'à 30 km/h, pas plus parce que ce n'était
22 pas une véritable route. Le terrain n'était pas plat.
23 Question: Dans cette région, c'est quelque chose que vous connaissiez, la
24 région vous la connaissiez?
25 Réponse: Cet endroit précis je ne le connaissais pas. A droite de cet
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1 endroit-là, je connaissais pas la partie gauche, mais à droite oui. Mais
2 au fond de ce chemin, je n'y suis jamais allé auparavant.
3 Question: Alors lorsque vous avanciez à cette vitesse minimale, est-ce que
4 vous avez entendu les discours?
5 Réponse: Oui, il y a eu une personne de notre groupe, Perak, qui a essayé
6 de le retenir en disant: "Non, ils vont nous tuer si on va le faire." Donc
7 ils l'ont empêché de le faire. Et lui il essayait de se décider.
8 Question: Qu'est-ce que vous avez fait vous?
9 Réponse: A ce moment-là je me suis décidé de faire ça et je l'ai fait.
10 J'ai sauté par une fente qu'il y avait près de l'escalier. J'ai sauté dans
11 l'inconnu.
12 Question: Quand vous avez sauté, comment vous avez atterri?
13 Réponse: Sur les pieds et les mains. Comme on dit sur les quatre pattes et
14 j'ai commencé à courir dans la direction de Kocina vers le mont, la
15 colline.
16 Question: Est-ce que vous avez vu où se dirigeait, après, la voiture?
17 Réponse: Oui, j'ai tourné la tête plusieurs fois pour voir si la
18 camionnette s'est arrêtée ou si quelqu'un me suivait. Et très rapidement,
19 je suis arrivé au sommet de cette colline et de ce sommet-là je n'ai pu
20 voir la camionnette.
21 Question: Lorsque vous étiez allé en direction de Vukovar, avez-vous
22 entendu quelque chose?
23 Réponse: Pas tout de suite, j'ai juste entendu le bruit de la camionnette
24 qui continuait son chemin à une vitesse, à une petite vitesse et c'était
25 tout. Mais après un certain moment de l'autre côté de la colline quand
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1 j'étais déjà de l'autre côté de la colline j'ai entendu que la camionnette
2 s'était arrêtée et j'ai entendu une petite rafale, un tir peut-être d'une
3 arme automatique, juste quelques tirs.
4 Question: Quand vous parlez du tir, vous pensez du fusil juste pour
5 clarifier ce point?
6 Réponse: C'est ça, c'est ça un fusil automatique très probablement.
7 Question: Qu'est-ce que vous avez fait après?
8 Réponse: J'ai dit j'étais en train de courir, de continuer j'ai continué à
9 m'évader. Parfois je marchais à pied, parfois je courais parce que
10 physiquement c'était très difficile.
11 Question: Pour en revenir au moment où vous avez entendu le bruit du
12 fusil, avez-vous entendu beaucoup de rafales ou juste quelques unes?
13 Réponse: Comme je l'ai dit, je le répète, j'entends toujours dans mes
14 oreilles il y avait une rafale très courte et puis quelques unes qui se
15 suivaient mais très courtes au total.
16 Question: Après qu'est-ce que vous avez fait?
17 Réponse: J'ai continué mon évasion dans la direction de Vukovar et avant
18 d'arriver à la partie de la ville appelée Mitnica j'ai évité l'entrée
19 directe dans la ville et j'allais par Sajmiste où il y avait la caserne.
20 J'ai pu voir aussi et éviter une installation militaire avec un radar et
21 j'ai continué ma fuite. Parce que l'on appelait Petrovacki Drum pour
22 accéder au champ et mon objectif était Vinkovci.
23 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé par la suite?
24 Réponse: J'ai réussi à venir à un village que je croyais être le village
25 de Seric et en le traversant j'ai constaté que j'étais trop prêt de la
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1 ligne de démarcation là où il y a eu peut-être des endroits minés et comme
2 j'étais complètement fatigué et déshydraté, je suis retourné pour trouver
3 de l'eau. Je suis entré dans une cave où j'ai réveillé des réservistes
4 militaires.
5 Question: Donc la cave a été occupée?
6 Réponse: Oui, tout le village était occupé c'était ce village Seric qui a
7 été dans les mains de l'ennemi.
8 Question: Peut-être je me suis mal exprimé, la cave était habitée?
9 Réponse: Oui, comme j'ai dit il y a eu des soldats je les ai réveillés
10 donc je les ai surpris en quelque sorte. C'étaient des soldats qui, des
11 sentinelles et je les ai réveillés.
12 Question: Qu'est-ce qu'il s'est passé quand vous les avez réveillés?
13 Réponse: Tout d'abord ils m'ont questionné, qui j'étais? D'où je venais?
14 Ils ont dirigé les armes vers moi, mais je leur ai dit que je venais de
15 Vinkovci, je ne peux pas vivre là-bas et comme ça ils ont eu l'impression
16 que je faisais partie de leur ethnie, de leur nation. Alors ils me
17 laissaient tranquille, ils m'ont donné un oreiller et ils m'ont dit qu'ils
18 allaient décider le lendemain de mon sort.
19 Après cela, j'ai essayé de nouveau 2 à 3 fois de m'évader de cette chambre
20 où on m'a enfermé, mais le garde m'a dit de ne pas essayer. Il a tiré son
21 fusil à plusieurs reprises en me disant que si je continue comme ça, il va
22 me tuer. Alors à ce moment-là, j'ai abandonné, j'ai attendu mon sort. Le
23 lendemain ils m'ont emmené chez un chef commandant et là j'ai dit qui
24 j'étais et qu'au lieu d'aller vers Vinkovci et Zagreb, j'ai dit que je
25 voulais rejoindre ma famille. C'est à ce moment-là qu'ils m'ont transféré
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1 dans leur état-major, je suppose, c'était une maison simple, ils m'ont
2 laissé devant la porte à attendre dans la cour au fait les quelques
3 soldats sont venus ils ont dit que c'était moi qui avais égorgé les leurs
4 et ils ont commencé à me battre, à me maltraiter. Ils m'ont aussi pris une
5 médaille, un médaillon que j'avais comme souvenir de mon père. Ils étaient
6 contents aussi de l'avoir et tout le temps ils m'ont insulté en me disant
7 que j'étais un assassin, Oustasha, que nous avons tué des enfants etc,
8 comme à la télévision. Mais bien sûr, ce n'était pas vrai, je n'ai jamais
9 fait de mal à personne. Après il y a eu un garde qui a été aussi capturé,
10 on nous a mis ensemble dans un camion plutôt grand et on a été transféré
11 dans un village Stari Jankovci et là on a été battu par la police
12 militaire. J'ai rencontré d'autres prisonniers de ma ville et là c'est la
13 première fois où j'ai eu un véritable interrogatoire, on m'a…, là j'ai
14 dormi une nuit après quoi j'ai été transféré à Sid et là, j'ai été
15 maltraité, interrogé , tout ceci dans l'espace d'une journée. Après j'ai
16 été transféré à Sremska Mitrovica et après Sremska Mitrovica de nouveaux
17 interrogatoires et des mauvais traitements, j'ai été envoyé au tribunal
18 militaire de Belgrade où on a entamé un procès contre moi et par la suite
19 au milieu de ce procès j'ai fait l'objet d'un échange de prisonniers et
20 ceci au mois d'août, le 14 août 1992.
21 M. Niemann (interprétation): Je n'ai plus de questions. Merci.
22 M. le Président: Merci, Monsieur le Procureur. Est-ce que vous avez des
23 questions. Non. Monsieur le Juge?
24 (Questions de M. le Juge Riad au Témoin B.)
25 M. Riad (interprétation): Vous avez mentionné que lorsque vous êtes allé à
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1 l'hôpital, vous avez trouvé beaucoup de défenseurs de Vukovar dans le
2 souterrain dans la cave? C'est ça? Portaient-ils des armes?
3 Témoin B (interprétation): Les défenseurs de Vukovar à l'hôpital ne
4 pouvaient pas porter des armes parce que c'était quelque chose d'interdit.
5 Toute personne qui entrait à l'hôpital ne pouvait pas y entrer avec les
6 armes, ça veut dire que tous étaient sans arme.
7 Question: Vous avez également mentionné que dans la caserne il y a eu des
8 passages à tabac dans les intervalles et que certains traitements étaient
9 très durs. Il y a eu un homme qui a utilisé le sifflet, pourriez-vous
10 reconnaître cet homme? Qui était cet homme?
11 Réponse: Oui j'ai mentionné, on a maltraité des personnes certains plus,
12 d'autres moins. Je ne connais pas cette personne je pourrais la décrire,
13 mais je ne le connais pas. C'était plutôt un homme fort, il portait des
14 moustaches, il avait l'uniforme vert de l'armée de l'hiver, il n'avait pas
15 de grade donc je ne sais pas qui c'était vraiment.
16 Question: Personne l'a appelé par le nom?
17 Réponse: Non, je ne me rappelle pas.
18 Question: Quel était le rôle de la JNA d'après vous dans ces opérations?
19 Est-ce que c'était clair; c'était eux qui dirigeaient ou il y en avait
20 d'autres lors des passages à tabac?
21 Réponse: Je dirais que les soldats réguliers étaient plutôt dehors ou dans
22 l'enceinte. Ils utilisaient les armes pour contrôler, capturer les
23 prisonniers, mais ceux qui passaient les gens à tabac, c'étaient plutôt
24 les irréguliers, mal habillés, pas soignés. Mais je peux dire que c'était
25 un mélange de réservistes de l'armée.
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1 Question: Mais les membres de l'armée, donc l'armée était présente et a pu
2 suivre ce qui se passait?
3 Réponse: C'est ça, l'armée était là. C'est l'armée qui tenait le rôle de
4 garde et qui voyait ce qui se passait, c'est eux qui nous ont emmenés là,
5 c'est eux qui nous gardaient dans cet endroit-là.
6 M. Riad (interprétation): Merci.
7 (Questions de M. le Président au Témoin B.)
8 M. le Président: Monsieur le témoin, vous devez être très fatigué. Je ne
9 poserai pas beaucoup de questions. D'abord je voudrais me préoccuper,
10 avez-vous retrouvé votre famille? Vous êtes-vous réunis avec votre
11 famille? Maintenant comment vivez-vous? Vous pouvez nous donner quelques
12 indications si en tout cas ce n'est pas indiscret?
13 Témoin B (interprétation): Non, ce n'est pas indiscret. C'est ce qui me
14 donne la force de vivre parce que je suis rentré dans la vie. J'ai trouvé
15 ma femme, j'ai retrouvé mes deux enfants et j'ai pu reconstruire ma
16 famille dans ce sens-là. Je pense que j'ai profité dans cette situation,
17 que j'ai eu de la chance. En ce moment je suis employé dans la firme qui
18 était active dans la région de Vukovar et je fais partie d'un autre
19 programme de réhabilitation qui est soutenu et où on travaille sur les
20 ordinateurs, c'est un travail opérationnel sur les ordinateurs. Donc je
21 suis actif.
22 M. le Président: Monsieur le témoin, le Tribunal vous remercie pour votre
23 témoignage. Il est sensible à votre venue, aux efforts que cela a dû vous
24 demander. Et il vous souhaite un retour paisible et d'essayer sinon
25 d'oublier tout du moins retrouver une certaine forme de paix. Nous allons
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1 d'abord baisser les rideaux, ne bougez pas. Nous allons baisser les
2 rideaux pour que votre anonymat soit protégé jusqu'au bout et puis ensuite
3 nous vous confierons à la division d'aide aux victimes qui a déjà assuré
4 une grande partie de votre protection.
5 Alors Monsieur le témoin, ne bougez pas. On me signale que pour mieux
6 assurer votre sécurité il faut qu'on prenne encore d'autres dispositions.
7 Le Tribunal va donc lever la séance jusqu'à 17 heures 15. Vous restez là
8 pour l'instant. Monsieur le Greffier va coordonner toutes les opérations
9 permettant d'assurer votre complète protection. Merci.
10 (Le témoin B est reconduit hors du prétoire.)
11 (L'audience, suspendue à 17 heures 05, est reprise à 17 heures 20.)
12 M. le Président: Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
13 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, nous allons
14 maintenant demander au témoin A de venir. Nous avons demandé les mêmes
15 mesures de protection pour le témoin que celles qui ont été mises en œuvre
16 pour le précédent. Et ce sont donc les mesures de protection que vous
17 trouvez dans l'ordonnance.
18 M. le Président: Alors nous essaierons de terminer ce témoignage ce soir
19 si vous voulez bien. Demain matin nous reprendrons si vous voulez bien à 9
20 heures et demie et nous essaierons de terminer. Il restera encore deux
21 témoins, Monsieur le Procureur? C'est tout. Deux témoins, il restera?
22 M. Williamson (interprétation): C'est cela, Monsieur le Président.
23 M. le Président: Demain matin 9 heures et demie, je pense que nous aurons
24 des chances de terminer dans des délais très corrects. Donc nous terminons
25 ce soir avec le témoin A.
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1 (Audience publique avec mesures de protection.)
2 (Le témoin A est introduit dans le prétoire.)
3 M. le Président: D'abord les écouteurs, M. l'huissier. Bien d'abord est-ce
4 que vous m'entendez? Est-ce que vous m'entendez, Oui, vous m'entendez dans
5 votre langue? Si vous m'entendez vous allez lire la déclaration qui vous
6 était tendue. Vous devez le faire en tant que qualité de témoin.
7 Témoin A (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, rien que la vérité et toute la vérité.
9 M. le Président: Merci, vous pouvez vous asseoir. Alors à la demande du
10 Procureur et à votre demande vous bénéficiez, oui ajustez bien le paravent
11 voilà. Vous bénéficiez à la fois d'une protection de votre identité, de
12 votre voix et de votre image. Vous pouvez donc apporter au Tribunal pénal
13 international votre témoignage dans toute quiétude, en toute sécurité et
14 en toute sérénité. Nous relevons les rideaux, mais vous n'êtes pas vu.
15 Votre protection est assurée. Mais l'audience est publique. Monsieur le
16 Procureur.
17 (Interrogatoire principal du témoin A par M. Williamson.)
18 M. Williamson (interprétation): Témoin A, vous êtes de la Bosnie, n'est-ce
19 pas?
20 Témoin A (interprétation): Oui.
21 Question: Et vous êtes Musulman bosniaque, n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui.
23 Question: En 1990, vous êtes rentré dans l'armée de la JNA pour y faire
24 votre service militaire, n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Et quelle était la date exacte?
2 Réponse: C'était le 15 décembre 1990.
3 Question: Et où vous êtes-vous adressé à la JNA?
4 Réponse: Eh bien, je me suis rendu à la caserne du maréchal Tito à
5 Belgrade.
6 Question: Et quand vous êtes arrivé donc à la caserne du maréchal Tito,
7 est-ce qu'on vous a affecté à une Brigade particulière?
8 Réponse: Oui. On m'a affecté à la garde de Tito et mon unité était une
9 unité d'infanterie spéciale.
10 Question: Et le commandant, votre commandant direct était qui?
11 Réponse: Eh bien, mon unité, le commandant était le capitaine Radic
12 Miroslav.
13 Question: Et qui était le commandant de toute la Brigade?
14 Réponse: Le commandant de toute la Brigade était le Gal Milan Mrksic.
15 Question: Est-ce que vous connaissez le nom de Sljivancanin?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Etait-il également officier dans la Brigade?
18 Réponse: Oui. Il était à Avalo, il était à la police militaire.
19 Question: Et c'était donc une autre caserne de celle à laquelle vous vous
20 trouviez?
21 Réponse: Non, c'était également…Cela fait partie de la Brigade des gardes,
22 mais c'était en un autre endroit.
23 Question: Et est-ce que vous savez quelles étaient les fonctions du
24 commandant Sljivancanin? Est-ce qu'il était commandant d'un Bataillon
25 donné?
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1 Réponse: Je sais qu'il était dans la police militaire, mais je ne sais pas
2 exactement.
3 Question: La Brigade dans laquelle vous vous trouviez se composait de
4 différents particuliers qui venaient de partout en Yougoslavie, n'est-ce
5 pas?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Ce qui comprenait des Croates, des Slovènes, des Albanais, des
8 Bosniaques et des Serbes?
9 Réponse: Non, dans l'unité il n'y avait pas d'Albanais.
10 Question: En décembre 1991, est-ce que vous avez remarqué une différence
11 quant à la manière dont les soldats croates de cette même unité ont été
12 traités?
13 Réponse: Oui, avant que d'aller au combat, la manière dont on nous
14 traitait a commencé à changer.
15 Question: Et est-ce que les soldats ont reçu autant de responsabilités que
16 celles qu'on leur avait accordées avant cette époque?
17 Réponse: Non.
18 Question: Et est-ce qu'il est arrivé un moment où les Croates c'est-à-dire
19 les appelés croates, ont commencé à ne plus venir pour remplir leurs
20 obligations militaires ou tout simplement ont commencé à déserter. Ceux
21 qui étaient déjà en service militaire?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Et alors que ces soldats croates partaient, a-t-on tenté de les
24 remplacer ? Est-ce qu'on a tenté de remplacer par d'autres hommes les
25 Croates qui étaient partis?
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1 Réponse: Eh bien, on les a remplacés par des volontaires Serbes.
2 Question: Et est-ce que ces volontaires Serbes étaient différents d'âge
3 des autres conscrits?
4 Réponse: Oui. Ils étaient plus âgés.
5 Question: Et quel était l'âge moyen des appelés?
6 Réponse: Les conscrits avaient entre 18 et 20 ans.
7 Question: Et les réservistes?
8 Réponse: Jusqu'à 30 ans.
9 Question: Est-ce que leur arrivée dans votre caserne a changé l'atmosphère
10 de la caserne?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Est-ce que la discipline est restée la même qu'elle était
13 jusque-là?
14 Réponse: Non. Il n'y avait plus de discipline.
15 Question: Est-ce que vous avez entendu les réservistes qui sont arrivés,
16 qui s'appelaient entre eux Chetniks?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et est-ce qu'ils ont parlé de ce qui se déroulait en
19 Yougoslavie? A l'époque est-ce qu'ils ont débattu d'opinion, de leurs
20 opinions quant aux événements?
21 Réponse: Oui, ils ne s'intéressaient qu'à la Grande Serbie, c'était leur
22 sujet principal.
23 Question: Et est-ce qu'il y a eu un moment où en fait toute la garde a
24 quitté Belgrade?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Et quand ils sont partis, est-ce qu'il y avait une indication
2 des événements qui se déroulaient?
3 Réponse: Oui. Les Croates ont été séparés c'est-à-dire qu'ils ont disparu.
4 Question: Et est-ce qu'on vous a dit dès le départ où votre unité serait
5 déployée?
6 Réponse: Non.
7 Question: Quand est-ce que vous en avez été informés?
8 Réponse: Lorsque nous sommes arrivés à Tovarnik.
9 Question: C'est en Croatie?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Est-ce que vous pourriez décrire les circonstances dans
12 lesquelles votre unité a donc quitté Belgrade?
13 Réponse: Est-ce que vous pourriez répéter la question, je vous prie?
14 Question: A quel moment de la journée avez-vous quitté Belgrade?
15 Réponse: Nous avons quitté après minuit, 3 heures du matin.
16 Question: Et est-ce qu'on vous a dit d'emporter quoi que ce soit avec
17 vous?
18 Réponse: Oui, tout notre matériel militaire.
19 Question: Combien de temps vous a-t-on donné pour vous préparer?
20 Réponse: Cinq minutes ce qui était tout à fait inhabituel.
21 Question: Qu'est-ce que vous avez vu? Alors la garde sortait de Belgrade?
22 Réponse: Il y avait de nombreux civils qui lançaient des fleurs sur notre
23 chemin.
24 Question: Et encore une fois c'était à 3 heures du matin, n'est-ce pas?
25 Réponse: En fait, il était 5 heures quand nous avons quitté Belgrade.
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1 Question: Et vous ne saviez toujours pas où vous vous rendiez, n'est-ce
2 pas?
3 Réponse: Non.
4 Question: Est-ce que vous avez estimé qu'il était inhabituel de voir des
5 civils dans la rue en train de jeter des fleurs sur vos pas?
6 Réponse: Oui. Je ne comprenais pas, mais les réservistes qui se trouvaient
7 dans la Brigade, eh bien, leur ont renvoyé les fleurs.
8 Question: Est-ce qu'ils faisaient des gestes, est-ce qu'ils gesticulaient?
9 Réponse: Oui, ils leur faisaient des signes. Ils leur faisaient des signes
10 de la main et ils leur montraient leur insigne serbe.
11 Question: Est-ce que vous pourriez montrer ce qu'ils faisaient?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Où exactement votre convoi s'est rendu après avoir quitté
14 Belgrade?
15 Réponse: Notre convoi s'est rendu vers Sid et de Sid nous avons quitté la
16 route.
17 Question: Et à Sid vous êtes entrés en Croatie?
18 Réponse: Oui. Nous nous sommes tournés vers la Croatie quand nous sommes
19 arrivés à Tovarnik.
20 Question: Et que se passait-il à Tovarnik une fois que vous êtes arrivés?
21 Réponse: Il y avait des maisons qui avaient été incendiées, il y avait
22 énormément de soldats, des chars, énormément de militaires, des forces
23 militaires.
24 Question: Et à ce moment-là savez-vous qu'il y avait eu des combats en ex-
25 Yougoslavie?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Combien de temps votre unité est restée sur place à Tovarnik?
3 Réponse: Je ne me souviens pas exactement, je sais seulement que nous
4 avons reçu des armes lourdes.
5 Question: Et depuis Tovarnik où est allé le convoi?
6 Réponse: Nous sommes allés à la direction de Negoslavci.
7 Question: Quelles étaient les conditions de ce voyage entre Tovarnik et
8 Negoslavci? Qu'est-ce qui se passait sur le chemin?
9 Réponse: Eh bien, nous voyons des restes d'incendie, tout était détruit.
10 Mais les camions pouvaient circuler encore.
11 Question: Lorsque vous êtes arrivés à Negoslavci, qu'est-ce qui s'est
12 passé à cet endroit?
13 Réponse: A Negoslavci, nous attendaient beaucoup de civils et des soldats
14 également.
15 Question: Lorsque vous dites que vous avez vu des soldats. Est-ce qu'il
16 s'agissait de soldats de l'armée régulière JNA ou est-ce qu'il y avait
17 aussi des membres de forces paramilitaires?
18 Réponse: Il y avait beaucoup de forces paramilitaires, des Chetniks.
19 Question: Et pendant le transfert de Belgrade jusqu'à Negoslavci, est-ce
20 que vous avez vu le major Mrksic ou Sljivancanin?
21 Réponse: Non.
22 Question: Est-ce que vous les avez vus à Negoslavci?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Qu'est-ce que le colonel Mrksic a fait lorsque vous l'avez vu à
25 Negoslavci?
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1 Réponse: Il donnait des ordres aux autres officiers.
2 Question: Est-ce qu'il a passé en revue les soldats lorsqu'on vous a
3 alignés?
4 Réponse: Non.
5 Question: Combien de temps êtes-vous restés à Negoslavci?
6 Réponse: Nous ne sommes pas restés longtemps.
7 Question: Et de là où est-ce que vous êtes allés?
8 Réponse: Nous sommes allés à pied en direction d'un pré où des gens
9 creusaient, c'est là où on devait passer la nuit.
10 Question: Est-ce que des gardes sont restés à Negoslavci, une partie de la
11 Brigade?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Qui étaient-ils?
14 Réponse: Les armes lourdes, la police et je ne sais plus exactement qui.
15 Question: Mais le quartier général de la Brigade y était établi, n'est-ce
16 pas?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Après avoir passé la nuit dans ce pré aux environs de Negoslavci
19 où est-ce que vous vous êtes dirigés?
20 Réponse: Très tôt le matin nous avons pris la direction de Vukovar.
21 Question: Est-ce que vous êtes allés dans un quartier particulier de
22 Vukovar à votre arrivée dans la ville?
23 Réponse: Oui, nous sommes arrivés dans la zone appelée Petrova Gora, une
24 banlieue.
25 Question: Est-ce qu'il y avait des combats à Petrova Gora lorsque vous y
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1 êtes arrivés?
2 Réponse: Non.
3 Question: Est-ce qu'on vous a logés à Petrova Gora?
4 Réponse: Oui, on nous a logés dans des maisons.
5 Question: A quelle distance vous trouviez-vous de la ligne de front où se
6 déroulaient les combats?
7 Réponse: A peu près 500 mètres.
8 Question: Où se trouvait le capitaine Radic, le commandant de votre unité
9 pendant ce temps?
10 Réponse: Il était avec nous.
11 Question: Est-ce qu'il a établi un quartier général dans cette zone?
12 Réponse: Non. Il a établi son quartier général dans une autre rue.
13 Dans la rue Nova Ulica.
14 Question: Et où exactement dans cette rue, Nova Ulica?
15 Réponse: D'après ce que je sais le quartier général était dans la maison
16 de Stanko, je ne me souviens pas exactement du nom de famille, mais je
17 connais cette personne.
18 Question: Qui était Stanko? Quel genre de personnes?
19 Réponse: C'était un chauffeur de taxi avant la guerre.
20 Question: Est-ce que c'est quelqu'un que vous décririez sous la
21 dénomination de Chetnik?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Est-ce qu'il s'appelait lui-même, est-ce qu'il se désignait lui-
24 même sous le nom de Chetnik?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que le capitaine Radic était logé au même endroit dans la
2 même maison, dans la maison du quartier général?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce qu'à un moment quelconque votre unité a participé au
5 combat qui se déroulait à Vukovar?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Combien de temps après votre arrivée dans la région?
8 Réponse: 2, 3 jours plus tard.
9 Question: Quand est-ce que vous avez commencé à participer au combat, et
10 où?
11 Réponse: Dans la rue Nova Ulica.
12 Question: Y avait-il des troupes paramilitaires, des Chetniks qui
13 participaient également à ces combats avec les soldats de la JNA?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Est-ce qu'ils étaient une unité distincte ou est-ce qu'ils
16 étaient intégrés aux forces de la JNA ces paramilitaires?
17 Réponse: Ils étaient ensemble.
18 Question: Des ordres ont-ils été donnés avant l'attaque quant à la manière
19 dont la JNA devait procéder à cette attaque?
20 Réponse: Je n'ai pas compris la question.
21 Question: Est-ce que quelqu'un vous a dit ce qu'il fallait faire, vous a
22 donné des instructions quant à la manière de vous conduire au début de la
23 bataille?
24 Réponse: Non.
25 Question: Qui commandait votre unité et ces forces paramilitaires au
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1 moment où vous êtes entrés dans la bataille?
2 Réponse: Le capitaine Radic.
3 Question: Pouvez-vous décrire, pour le Tribunal, la façon dont ces combats
4 se sont déroulés ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivés sur la ligne
5 de front?
6 Réponse: Sur la ligne de front il y avait une barricade. Le premier jour
7 nous sommes partis avec des chars et un char a été détruit. Il n'a plus
8 fonctionné. Et nous ne sommes pas allés plus loin.
9 Question: Le jour où l'unité de la JNA est entrée dans le combat, l'a-t-
10 elle fait selon les enseignements que vous aviez reçus pendant votre
11 période de formation?
12 Réponse: Non, cela ne correspondait plus à l'armée et au comportement de
13 l'armée qu'on nous avait appris.
14 Question: Est-ce que votre unité a finalement réussi à l'emporter sur
15 cette barricade croate dans Nova Ulica?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Plusieurs jours après cette bataille, est-ce que le Gal Adzic a
18 rendu visite à Vukovar?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Qu'a-t-il fait lorsqu'il est arrivé dans la zone opérationnelle
21 de votre unité?
22 Réponse: Il a inspecté les lignes.
23 Question: Est-ce que vous avez participé à sa visite d'une façon ou d'une
24 autre?
25 Réponse: Oui, c'est moi qui lui ai fait passer les lignes.
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1 Question: Y avait-il qui que ce soit d'autre qui accompagnait le Gal Adzic
2 au cours de son inspection des lignes?
3 Réponse: Oui, il avait ces gardes, les responsables de sa sécurité.
4 Question: Est-ce que le major Sljivancanin était avec lui également?
5 Réponse: Ca je ne peux pas me souvenir exactement, je ne peux pas me
6 rappeler exactement s'il était là ou pas.
7 Question: Etait-il présent avec lui?
8 Réponse: Après ils ont tenu une réunion dans la maison de Stanko où il y
9 avait aussi Radic, Seselj et d'autres.
10 Question: Et à partir de ce moment, est-ce que votre unité a continué à
11 s'engager dans des combats contre les forces croates?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Et suite à ces attaques de la JNA contre les positions croates,
14 est-ce que les Croates ont été contraints de reculer de plus en plus vers
15 le Danube?
16 Réponse: Oui. Ils se sont retirés vers le centre de la ville. Ils n'ont
17 pas pu résister aux armes lourdes qui détruisaient la ville et à la
18 poussée importante qu'ils subissaient.
19 Question: Et à un certain moment vous êtes allés en mission de
20 reconnaissance avec un lieutenant de la JNA?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Où est-ce que vous êtes allés avec lui exactement?
23 Réponse: Je ne vous ai pas compris.
24 Question: Où est-ce que vous êtes allés exactement avec ce lieutenant?
25 Réponse: Nous sommes allés en reconnaissance et le lieutenant est mort
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1 pendant cette mission. Je l'ai ramené dans l'état où il était au
2 commandement pour qu'on l'emmène à l'hôpital militaire.
3 Question: Pourquoi on vous a envoyé à l'hôpital militaire à l'institut
4 médical militaire?
5 Réponse: Il pensait que je ne pouvais pas être dans un état normal après
6 ce que j'avais vécu.
7 Question: Est-ce que c'est parce que vous aviez porté son corps au
8 quartier général?
9 Réponse: Oui. Mais dans l'armée, moi, j'avais pour mission de ne jamais
10 laisser personne derrière moi et surtout pas un officier.
11 Question: Donc vous vous êtes comporté de la façon qu'on vous avait
12 enseigné? C'est bien cela?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pendant votre séjour à Vukovar, est-ce qu'à un certain moment
15 vous avez commencé à travailler plus près du colonel Radic?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Quel était votre rôle auprès de lui? Que faisiez-vous?
18 Réponse: J'étais messager tout ce qui ne pouvait pas être envoyé par
19 télécommunication c'est moi qui le transportait.
20 Question: Et étant donc le messager de Radic, est-ce que vous avez eu
21 l'occasion de le voir plus souvent?
22 Réponse: J'étais avec lui sans arrêt.
23 Question: Est-ce que vous avez assisté aux réunions auxquelles il a
24 participé?
25 Réponse: Oui. Mais pas aux réunions importantes.
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1 Question: Et étant le messager du capitaine Radic, est-ce que vous êtes
2 entré en contact plus souvent également avec le major Sljivancanin?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Et y a-t-il eu un moment où vous avez commencé à travailler en
5 tant que messager directement pour le major Sljivancanin?
6 Réponse: Oui, oui.
7 Question: Et dans cette fonction, est-ce qu'on vous a transféré à l'unité
8 du major Sljivancanin?
9 Réponse: Non.
10 Question: Où est-ce que Sljivancanin avait établi son quartier général?
11 Réponse: Je ne sais pas exactement où était son quartier général, mais je
12 sais que c'était à Negoslavci à l'endroit où se trouvait le commandement
13 général.
14 Question: Est-ce que vous avez accompagné le major Sljivancanin à quelque
15 moment que ce soit dans la zone de combat?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Est-ce que vous étiez avec lui lorsqu'il a rendu visite aux
18 commandants des autres unités?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et qu'est-ce qui se passait quand il rendait visite à ces autres
21 officiers?
22 Réponse: Il distribuait les ordres, c'était celui qui commandait.
23 Question: Et est-ce que ces autres officiers lui rendaient compte de ce
24 qui se passait dans leur unité?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Donc vous avez le sentiment que le major Sljivancanin commandait
2 la plupart des opérations en cours dans la région?
3 Réponse: Oui. Personne d'autre ne pouvait commander car il surveillait,
4 contrôlait tout. Toutes les missions en cours devaient être rendues
5 compte, il devait être rendu compte de toutes les missions à Sljivancanin.
6 Question: Et qu'en est-il des Chetniks, des forces paramilitaires? Est-ce
7 qu'elles aussi considéraient Sljivancanin comme leur commandant?
8 Réponse: Il y avait un seul commandement, il commandait aux Chetniks et à
9 tout le monde il était le personnage principal. D'après moi, il était le
10 premier responsable du siège de Vukovar.
11 Question: Est-ce que vous connaissez le bâtiment situé de l'autre côté de
12 la rue et un peu plus bas de la maison de Stanko là où on a emmené les
13 soldats?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Qu'est-ce qui est arrivé à ces soldats une fois qu'ils ont été
16 emmenés dans ces lieux?
17 Réponse: Ils ont été interrogés dans la maison de Stanko après quoi on les
18 a emmenés dans une maison plus vieille d'où ils ne sont pas sortis.
19 Question: Vous les avez vus entrer dans cette maison vivants, n'est-ce
20 pas?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que vous les avez vus ressortir de cette maison vivant?
23 Réponse: Non.
24 Question: Est-ce que vous avez vu des corps sortirent de cette maison ou
25 est-ce que simplement vous ne les avez plus jamais revus?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Dans les deux dernières semaines avant la chute de Vukovar,
3 quelles étaient les conditions pour vous et les autres soldats qui vous
4 accompagnaient?
5 Réponse: Ce n'étaient pas des conditions humaines, on ne dormait plus, on
6 était sans arrêt sur les lignes.
7 Question: Pendant cette période, est-ce que les combats contre les forces
8 croates se sont intensifiés?
9 Réponse: Oui, l'artillerie frappait la ville et en fait c'étaient des
10 combats rue par rue, des combats tactiques.
11 Question: Le jour où la JNA a repris le centre de la ville aux force
12 croates, est-ce que vous étiez sur la ligne de front?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion de circuler dans le centre de
15 la ville?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Qu'est-ce que vous y avez vu?
18 Réponse: Il y avait beaucoup de morts parmi les civils.
19 Question: Est-ce que vous pensez qu'il s'agissait de gens qui avaient été
20 tués pendant la bataille à cause des obus ou des gens qui ont été tués
21 très récemment?
22 Réponse: Il y en avait qui étaient morts à cause d'obus et il y en avait
23 qui étaient morts de coups de feu.
24 Question: Ce même jour, est-ce que vous avez vu des civils rassemblés en
25 vue d'une évacuation?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Où est-ce qu'ils étaient rassemblés?
3 Réponse: On les rassemblait dans des endroits précis, à côté de la pompe à
4 essence dans le centre de la ville après quoi on les a transférés vers
5 Velepromet ou Unipromet? Je ne sais plus exactement comment s'appelle cet
6 endroit.
7 Question: Est-ce que vous avez participé à cette évacuation?
8 L'interprète: Je n'ai pas entendu le témoin.
9 M. Williamson (interprétation): Monsieur le Président, je crois que le
10 micro ne marche pas.
11 M. le Président: Allez-y, vous m'entendez, moi?
12 M. Williamson (interprétation): Je vais répéter la dernière question. Est-
13 ce que vous avez participé à cette évacuation des civils depuis la pompe à
14 essence jusqu'à Velepromet ou Unipromet?
15 Témoin A (interprétation): Oui.
16 Question: Comment est-ce que vous y avez participé? Quel a été votre rôle?
17 Réponse: J'ai conduit des civils en voiture vers Velepromet et j'ai fait
18 ce voyage plusieurs fois.
19 Question: Et c'étaient des civils que vous emmeniez, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Est-ce que c'étaient des gens âgés, des gens jeunes, est-ce que
22 vous pouvez décrire l'apparence de la plupart de ces civils?
23 Réponse: Il y avait des personnes âgées, il y avait aussi des enfants.
24 Question: Est-ce que vous avez parlé à ces gens?
25 Réponse: J'ai essayé de leur parler, mais il était impossible de discuter
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1 avec eux ils étaient vraiment terrorisés.
2 Question: Après avoir aidé à ce transfert des gens, ou est-ce que vous
3 êtes allé?
4 Réponse: Je suis allé dans la rue Nova Ulica à ma base.
5 Question: Vous êtes retourné à la maison où vous logiez, c'est bien cela?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Au cours de la nuit, comment est-ce que les soldats de la JNA et
8 les Chetniks qui étaient présents à Vukovar comment se sont-ils comportés?
9 Réponse: Ils ont célébré, ils ont fêté, ils ont tiré dans tous les sens je
10 ne sais pas quoi vous dire. Ca tirait de partout.
11 Question: Tôt le matin, est-ce que vous avez rencontré le capitaine Radic?
12 Réponse: Oui, je n'ai pas compris la question.
13 Question: Le lendemain matin, est-ce que vous avez vu le capitaine Radic?
14 Réponse: Le lendemain matin, oui.
15 Question: Où est-ce que vous l'avez vu?
16 Réponse: A la base, et de là où nous sommes partis vers l'hôpital.
17 Question: Vous avez accompagné le capitaine Radic à l'hôpital en partant
18 de la maison de Stanko, c'est bien cela?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital, qu'est-ce que vous y avez
21 vu?
22 Réponse: L'hôpital était plein de malades, les sous-sols étaient plein,
23 tout était plein.
24 Question: Est-ce que vous êtes entré dans l'hôpital même avec le capitaine
25 Radic?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Est-ce que vous y avez également vu le major Sljivancanin?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce que vous avez vu Sljivancanin parler avec l'un quelconque
5 des Serbes locaux?
6 Réponse: Sljivancanin et Radic sont partis ensemble. Moi, je ne suis entré
7 que dans les sous-sols de l'hôpital et eux ont continué plus loin.
8 Question: Et vous ne les avez pas accompagnés dans le reste du bâtiment,
9 c'est bien cela?
10 Réponse: Non.
11 Question: A un certain moment ce matin-là, est-ce que vous avez vu des
12 blessés que l'on faisait sortir du bâtiment de l'hôpital?
13 Réponse: Oui, les blessés sortaient par l'entrée secondaire de l'hôpital.
14 Enfin je ne sais pas exactement s'il s'agissait de blessés, je dirais des
15 malades, en tout cas un certain nombre de gens sont sortis par la sortie
16 secondaire.
17 Question: Est-ce que ces gens semblaient être sous la garde des soldats de
18 la JNA?
19 Réponse: Tout l'hôpital était sous la garde de la JNA.
20 Question: Combien de temps êtes vous resté à l'intérieur du bâtiment de
21 l'hôpital?
22 Réponse: Je ne suis pas resté longtemps à l'hôpital.
23 Question: Est-ce que vous avez passé un long moment à l'extérieur du
24 bâtiment?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Alors que vous étiez à l'extérieur du bâtiment de l'hôpital,
2 est-ce que vous avez vu ce qui se passait avec ces gens qu'on avait fait
3 sortir par la sortie secondaire?
4 Réponse: Il y avait des camions qu'on remplissait et qui ensuite partaient
5 dans une certaine direction.
6 Question: Pendant que vous étiez à l'hôpital, est-ce que vous aviez eu
7 l'occasion de parler avec un soldat ou avec un Chetnik au sujet du sort
8 réservé à ces hommes?
9 Réponse: Oui, d'après ce qu'ils racontaient il fallait tous les tuer de
10 toute façon ils ne méritaient rien de mieux.
11 Question: Et finalement où est-ce que vous êtes allé?
12 Réponse: Je suis retourné pour rentrer chez moi là où j'habitais.
13 Question: Il s'agit bien de la maison dans la rue de Nova Ulica où vous
14 étiez cantonné?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Un peu plus tard dans la soirée, est-ce que vous avez eu
17 l'occasion de retourner dans la maison de Stanko.
18 Réponse: Oui. Je suis retourné dans la maison de Stanko pour voir ce qui
19 se passait et là se trouvait le capitaine Radic, mais il était tellement
20 nerveux qu'il était impossible de parler avec lui. Il était dans un état
21 inhabituel.
22 Question: Est-ce que vous l'aviez jamais vu auparavant se comporter de la
23 sorte?
24 Réponse: Non.
25 Question: Est-ce qu'il y avait d'autres gens présents à part lui?
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1 Réponse: Dans une autre pièce il y avait Vidacek et Stuka.
2 Question: Est-ce que vous avez entendu l'un quelconque de ces hommes
3 parler des blessés qui avaient été emmenés de l'hôpital plus tôt dans la
4 journée?
5 Réponse: Oui, ils racontaient qu'en bas tout le monde avait été tué et
6 qu'il n'y avait pas de survivants. Je les ai entendus, j'ai entendu Stuka
7 en tout cas le dire.
8 Question: Quelle était leur humeur, leur comportement pendant qu'ils
9 parlaient de la sorte?
10 Réponse: Ils étaient gais, très fiers d'eux-mêmes.
11 Question: Où se trouvait le capitaine Radic à ce moment-là?
12 Réponse: Le capitaine Radic était dans l'autre pièce.
13 Question: Est-ce qu'il était près de l'endroit où se trouvaient ces
14 hommes?
15 Réponse: Oui, il y avait juste une porte qui les séparait.
16 Question: Est-ce qu'il était en mesure d'entendre ce qu'ils disaient?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Quelle a été sa réaction à ces propos? S'il y a eu une réaction?
19 Réponse: Non.
20 Question: Vidacek et Stuka qui parlaient de la sorte faisaient-ils partie
21 de la même unité d'infanterie spéciale que la vôtre?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Donc le capitaine Radic était leur commandant direct, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Le jour suivant, le lendemain, est-ce que vous avez eu
2 l'occasion d'aller à l'entrepôt de Velepromet ou Unipromet?
3 Réponse: Oui, il y avait un certain Zlatko, croate, qui était néanmoins
4 prisonnier à Velepromet.
5 Question: Et pourquoi êtes vous allé là pour le voir?
6 Réponse: J'ai essayé de le sauver de cette prison, de le faire sortir.
7 Question: Pendant cette journée-là, avez-vous eu la possibilité de parler
8 avec Vidacek ou Stuka de ce qu'il s'était passé à Ovcara?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Qu'est-ce qu'ils ont dit? Qu'est-ce qu'il s'était passé?
11 Réponse: Que tous ceux qui étaient là, étaient tués. Qu'il n'y avait pas
12 de survivant.
13 Question: Est-ce qu'on en a parlé ouvertement parmi les soldats de la JNA
14 et des troupes paramilitaires?
15 Réponse: C'est ça, ils se sont même vantés à ce sujet.
16 Question: Combien de temps êtes vous resté à Vukovar après cet événement?
17 Réponse: Qu'est-ce que vous entendez après la chute de la ville.
18 Question: C'est ça.
19 Réponse: Une quinzaine de jours, peut-être une vingtaine.
20 Question: Et pendant ce temps qu'est-ce qui s'était passé? Qu'est-ce qu'il
21 se passait dans la ville?
22 Réponse: Il y a eu des pillages, ils volaient tout ce qu'ils pouvaient.
23 Ils vidaient des maisons.
24 Question: Est-ce qu'il y a eu la discipline des soldats? Est-ce que les
25 commandants ont essayé de les contrôler?
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1 Réponse: Non cela n'a plus été une armée, c'était chaotique.
2 Question: Quand vous avez quitté Vukovar?
3 Réponse: Alors je suis allé à Belgrade dans la caserne.
4 Question: Avec qui êtes-vous allé à Belgrade?
5 Réponse: Nous sommes allés en camions, ceux qui ont survécu.
6 Question: Combien de personnes ont été à l'origine de votre Brigade?
7 Réponse: Je ne peux pas le dire exactement.
8 Question: Comment est-ce qu'on vous a reçu à Belgrade lorsque vous êtes
9 rentré?
10 Réponse: C'était comme au départ il y a eu des civils, ils nous ont jeté
11 des fleurs, encore plus de fleurs.
12 Question: A votre connaissance, y avait-il des soldats qui ont admis la
13 participation dans les passages à tabac? Ont-ils été punis?
14 Réponse: Non. Il a pu seulement être loué pour ça.
15 Question: A ce moment, Monsieur le Président, j'aimerais montrer à notre
16 témoin la pièce à conviction 23 que nous avons déjà montrée auparavant. Je
17 voudrais qu'il identifie certaines personnes que l'on voit. A la vidéo il
18 y a un soldat, pouvez-vous arrêter ceci. Allez en arrière. C'est ça.
19 L'individu qui se trouve à gauche de l'homme chauve qui a un béret, c'est
20 qui?
21 Réponse: C'est Zvone Stuka, mon collègue, mon ancien collègue.
22 Question: Merci. Vous pouvez procéder, voilà. Un peu plus loin, s'il vous
23 plaît. Voilà. Pouvez-vous identifier la personne qui vient de baisser la
24 main?
25 Réponse: C'est le capitaine Radic.
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1 Question: Et qui est-ce celui qui se trouve à droite avec le béret rouge?
2 Réponse: Sirco, c'est un Chetnik de la région.
3 Question: Pouvez-vous continuer sur l'image suivante? Et s'il vous plaît,
4 arrêtez ici. Un peu plus loin, s'il vous plaît. Voilà. Qui est cette
5 personne-ci?
6 Réponse: C'est le major Sljivancanin.
7 Question: Reconnaissez-vous la situation? C'était quand?
8 Réponse: Oui, j'étais dans la Chambre lorsqu'il parlait avec un chef avec
9 un collègue, ils se sont disputés.
10 Question: Pouvez-vous nous expliquer encore une fois, ça n'a pas été très
11 clair?
12 Réponse: Lorsqu'il a parlé à l'officier croate pour lui dire de venir
13 prendre un café, ils se sont disputés.
14 Question: Pouvez-vous continuer à l'image suivante.
15 (Diffusion de la vidéo.)
16 Encore un peu en arrière, commencez maintenant?
17 Réponse: A Negoslavci, il était pendant une courte durée où il discutait,
18 c'était la voix de la vidéo.
19 Question: Vous reconnaissez cet endroit-là?
20 Réponse: Oui.
21 Question: C'est où?
22 Réponse: A Negoslavci.
23 Question: C'est bien l'état-major de Negoslavci.
24 Réponse: C'est ça.
25 Question: Est-ce que c'est Milan Mrksic que vous voyez?
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1 Réponse: C'est ça, c'est l'individu qui porte le béret militaire.
2 Question: C'était lui le commandant de votre Brigade?
3 Réponse: Oui.
4 M. Williamson (interprétation): Merci c'est tout à propos de la vidéo.
5 Merci encore une fois.
6 Monsieur le Président, je n'ai plus de question pour ce témoin.
7 (Questions du Juge Riad au témoin A.)
8 M. Riad (interprétation): Vous avez mentionné que dans le centre de
9 Vukovar il y a eu des corps de civils, pouvez-vous dire si c'étaient des
10 individus tués lors des combats? Y avait-il des armes à côté où c'étaient
11 simplement des corps de civils là, sans trace de résistance?
12 Témoin A (interprétation): Oui, il n'y a pas eu d'arme, il s'agissait de
13 personnes civiles.
14 Question: Y en avait-il en grand nombre?
15 Réponse: Je ne peux pas vous dire exactement combien. Il y en avait
16 beaucoup.
17 Question: Vous avez également mentionné que les soldats croates ont été
18 emmenés dans une vieille maison et qu'après il n'y a pas eu de trace de
19 ces soldats une fois qu'ils étaient dans la maison. Vous en avez conclu
20 qu'ils ont été massacrés, tués où est-ce que vous avez d'autres
21 informations? Quel était leur sort? Où on les a emmenés?
22 Réponse: On les a emmenés dans sa maison. On a pu voir que là, comprendre
23 de la situation qu'ils les ont tués. Celui qui est entré dans cette maison
24 n'en est jamais sorti.
25 Question: Qui a pilonné la ville et l'a détruite? C'était bien les soldats
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1 de la JNA?
2 Réponse: Oui, les Chetniks qui étaient là, les soldats pas vraiment les
3 soldats, nous sommes rentrés à Belgrade dans la caserne.
4 Question: Stuka, votre collègue et Vidacek étaient-ils des soldats de la
5 JNA ou les Chetniks JNA? Etaient-ils présents à Ovcara pendant tout ce
6 qu'il se passait là-bas ou bien ont-ils seulement entendu d'Ovcara?
7 Réponse: D'après ce qu'ils racontaient ils y étaient présents, mais je ne
8 sais pas si on en parlait. Ils devaient être présents.
9 Question: Est-ce que le capitaine Radic était là?
10 Réponse: Je ne sais pas. Je ne peux pas le dire.
11 Question: Vous ne pouvez pas le dire?
12 Réponse: Il y avait un autre point, vous avez dit que vous étiez le
13 messager pour Radic et Sljivancanin. Quelles étaient leurs relations, qui
14 avaient des ordres?
15 Réponse: Sljivancanin était un supérieur officier de rang supérieur c'est
16 lui qui distribuait les ordres à ces inférieurs. Il ne s'agissait pas
17 seulement de mon unité, il y avait au moins trois ou quatre unités dans le
18 cadre de ce Bataillon.
19 Question: Et le rôle de Mrksic dans cette situation, qu'est-ce que
20 c'était?
21 Réponse: Le Gal Mrksic a été le commandant en chef de toutes les unités qui
22 partaient de la caserne de maréchal Tito parce que c'est lui qui était le
23 commandant de la Brigade.
24 Question: En ce qui concerne Vukovar, quelles étaient ses responsabilités?
25 Quelle était sa situation?
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1 Réponse: D'après ce que je comprends de la situation dans la caserne sans
2 lui rien n'a pu être fait parce que c'était lui qui distribuait des ordres
3 aux officiers et aux soldats.
4 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup.
5 (Question de M. le Président au témoin A.)
6 M. le Président: Monsieur le témoin, comment avez-vous terminé cette
7 période de cette guerre, vous personnellement? Autrement dit après ces
8 événements quelle a été votre situation à la fois par rapport à l'unité
9 militaire dans laquelle vous étiez enrôlé et à titre personnel, qu'est-ce
10 que vous avez fait?
11 Témoin A (interprétation): Après mon retour, j'aurais dû rester à la
12 caserne. J'ai dû signer un contrat que je voulais rester. Je n'étais pas
13 d'accord avec cela, j'ai pris la décision de m'évader de la caserne.
14 Question: Que faites-vous maintenant, sauf si vous estimez que les
15 renseignements que vous donnerez seraient de nature à vous identifier? En
16 conséquence de quoi, je retirerai ma question. Je retire ma question si
17 vous le voulez bien. Vous étiez certainement nombreux, étiez-vous nombreux
18 dans votre situation, c'est une situation qui doit être très difficile?
19 Vous étiez donc auprès des responsables, des plus hauts responsables, est-
20 ce que vous étiez beaucoup de Bosniaques musulmans comme vous à Vukovar
21 dans une situation qui a dû être très cruelle et très pénible pour vous?
22 Réponse: Non, nous n'étions pas très nombreux. Je sais ceux qui sont
23 morts, c'est difficile.
24 M. le Président: Le Tribunal vous remercie et il est très sensible à votre
25 venue. Il vous souhaite de retourner chez vous avec la plus grande
Page 375
1 quiétude possible. On va assurer votre protection pour vous. Vous n'allez
2 pas bouger jusqu'à ce que vous dise, nous allons fermer les rideaux.
3 (Le témoin A est reconduit hors du prétoire.)
4 Comme nous l'avons dit au tout début de l'audience, nous allons levez
5 l'audience maintenant et la reprendre demain matin à 9 heures 30 pour
6 entendre les deux derniers témoins. L'audience est levée.
7 (L'audience est levée.)
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