LA CHAMBRE DAPPEL
Devant : M. le Juge David Hunt, Juge de la mise en état en appel
Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le : 20 avril 2000
LE PROCUREUR
C/
ZEJNIL DELALIC, ZDRAVKO MUCIC alias «PAVO»
HAZIM DELIC, ESAD LANDZO alias «ZENGA»
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DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS DESAD LANDZO CONCERNANT UNE CASSETTE DEXTRAITS
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Le Bureau du Procureur :
M. Upawansa Yapa
M. Christopher Staker
M. Norman Farrell
Le Conseil de la Défense :
M. John Ackerman, pour Zejnil Delalic
MM. Tomislav Kuzmanovic et Howard Morrison, pour Zdravko
Mucic
MM. Salih Karabdic et Thomas Moran, pour Hazim Delic
Mme Cynthia Sinatra et M. Peter Murphy, pour Esad Landzo
Rappel de la procédure concernant la demande principale
Lappelant Esad Landzo («Landzo») a déposé une requete par laquelle il sollicitait, tout dabord, des renseignements concernant lenregistrement vidéo produit par la Section audiovisuel des Services d
appui électronique à lusage de la Chambre dappel dans lappel en préparation1.Rappelons brièvement que lun des motifs dappel de Landzo contre le jugement à son encontre se fonde sur lallégation selon laquelle on avait permis au juge qui présidait la Chambre saisie de laffaire «de dormir durant la plus grande partie de la procédure2». Une ordonnance a permis aux représentants juridiques de Landzo de visionner certains enregistrements vidéo pris durant le procès pour laider à présenter ce motif dappel3. Les détails des passages des enregistrements vidéo employés ont été fournis par chaque partie, et la Section audiovisuel a réuni ces passages sur une cassette, par ordre chronologique. Cet enregistrement, désigné sous le nom de Cassette dextraits, offre à la Chambre dappel, selon ses propres dires, un «moyen pratique [...] de visionner les pièces à lappui du Quatrième motif dappel4».
La Cassette dextraits est actuellement visionnée, en leur cabinet, par les juges saisis de lappel, de manière à ne pas perdre de temps en audience, comme il a été indiqué5. Le conseil de Landzo a officieusement demandé la permission de visionner également la cassette dextraits, ce qui lui a été accordé. En la visionnant, il sest rendu compte quoutre les extraits sur lesquels Landzo sappuie (marqués dun «D» en surimpression) et ceux sur lesquels se fonde lAccusation (identifiés par la lettre «P»), la cassette contient un certain nombre dautres passages marqués de la lettre «J».
La demande principale
Suite à cette découverte, il était allégué dans la Requête quune tierce partie avait été autorisée à insérer des extraits, ce qui revenait apparemment à exercer «une influence préjudiciable [...] modifiant le format en termes de longueur et de contenu» des passages choisis par les parties6 ; que permettre à un tiers «dadopter une position préjudiciable dans la procédure» pourrait soulever des problèmes au regard du Statut du Tribunal et des «principes généraux du droit pénal et de sa pratique7» et que, comme Landzo «ne dispose daucun moyen de savoir quelle est lintention de J», il «ne peut que supposer à ce stade que son intervention pourrait jouer contre lui8».
La Cassette dextraits est décrite dans la Requête comme «un choix dextraits de lenregistrement des audiences, fait par les parties, aux fins dun débat juridique contradictoire, et qui montre la manière dont les parties ont lintention de présenter leur cause9». Landzo poursuit10 :
Le fait que les deux parties ont pu faire un choix garantissait léquité et léquilibre de la sélection, tout comme le fait quelles ont eu la possibilité et lobligation dexpliquer leurs choix et de les justifier dans leurs Mémoires.
Par ailleurs, selon Lando, lintroduction des picces marquées «J» «constitue un commentaire préjudiciabl
e sur le poids des éléments de preuve et sur le fond de laffaire11».En se fondant sur ces allégations, Landzo demande à être informé :
1) de lidentité de la ou des personnes a) qui ont ordonné ou autorisé le choix des pièces marquées «J» et b) qui ont compilé ces pièces,
2) des critères ayant présidé a) au choix des pièces marquées «J» et b) les motifs de leur insertion à certains points donnés de la Cassette dextraits et
3) de lincidence que les pièces «J» sont censées avoir sur le quatrième motif dappel.
LAccusation, qui na pas encore eu loccasion de visionner la Cassette dextraits, et qui ne peut donc pas fournir les renseignements demandés, ne soppose pas à ce quils soient communiqués à Landzo, sous réserve quils le soient également aux autres parties12.
Examen
Les allégations faites au nom de Landzo sont sans aucun fondement. Elles reposent sur la présomption 1) que la Cassette dextraits appartient en quelque sorte aux parties et 2) que les parties peuvent, en choisissant les passages sur lesqu
els elles se fondent, restreindre les pièces auxquelles la Chambre dappel peut se référer lors de son examen du quatrième motif dappel. Ces présomptions sont erronées.La Cassette dextraits a expressément été préparée par le Tribunal aux fins daider la Chambre dappel à visionner les pièces que les parties considèrent comme pertinentes sagissant du Quatrième motif dappel. Sinon, la Chambre dappel navait dautre choix que de chercher dans tous les enregistrements vidéo des vingt mois de procès les passages sur lesquels les parties se fondaient. La Cassette dextraits montre très clairement (comme le reconnaît la Requête)13 sur quels passages sappuient les parties. La Chambre dappel peut cependant, en vertu de larticle 109 D) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, consulter lensemble du dossier de première instance si tel est son souhait. Les parties nont aucun droit de regard sur les autres parties du dossier de première instance que la Chambre dappel peut trouver pratique dinclure dans un enregistrement vidéo préparé à son usage. Les allégations de faute de la part de la Chambre dappel nauraient jamais dû voir le jour.
En toute éventualité, la Cassette dextraits elle-même montre à lévidence que les passages marqués «J» ont été inclus pour des raisons pratiques et non dans lun des sinistres buts allégués. Si, avant de déposer cette requête inutile, le conseil de Landzo avait pris le temps de regarder les cotes horaires figurant au bas de lécran dans la Cassette dextraits, il aurait compris sans peine que les extraits marqués «J» se contentent de joindre deux extraits sur lesquels les parties souhaitent sappuyer, lorsque le passage de lun à lautre dure moins dune minute (doù leur désignation par la lettre «J»). Les six premières séquences de la Cassette dextraits en fournissent une bonne illustration. Chaque séquence est séparée des autres par un noir de deux secondes. Les six séquences contiennent les douze premiers extraits sur lesquels Landzo ou lAccusation sappuient. Ils sont tous tirés de la cassette 034, enregistrée durant laudience du 11 mars 1997. Les heures indiquées sur chacune de ces séquences sont celles qui avaient été ajoutées sur les enregistrements dorigine et à partir desquelles les parties avaient détaillé les séquences qui les intéressaient.
La première séquence (continue) se trouve entre les cotes 00:24:02:00 et 00:30:17:00 soit une durée de 6 minutes et 15 secondes. La séquence se compose de :
D |
00:24:02:00 à 00:24:19:00 |
(17 secondes) |
J |
00:24:19:00 à 00:25:15:00 |
(56 secondes) |
D |
00:25:15:00 à 00:25:28:00 |
(13 secondes) |
J |
00:25:28:00 à 00:25:57:00 |
(29 secondes) |
D |
00:25:57:00 à 00:30:17:00 |
(4 minutes 20 secondes) |
La deuxième séquence (continue) se trouve entre les cotes 00:33:45:00 et 00:42:00:00, soit une durée de 8 minutes et 15 secondes. La séquence se compose de :
D |
00:33:45:00 à 00:38:28:00 |
(4 minutes 43 secondes) |
J |
00:38:28:00 à 00:39:25:00 |
(57 secondes) |
D |
00:39:25:00 à 00:42:00:00 |
(2 minutes 35 secondes) |
La troisième séquence se trouve entre les cotes 00 :43 :00 :00 et 00 :46 :56 :00, soit une durée de 3 minutes 56 secondes. Elle se compose dun seul extrait :
D | 00:43:00:00 à 00:46:56:00 | (3 minutes 56 secondes) |
La quatrième séquence se trouve entre les cotes 00:49:18:00 et 00:49:31:00, soit une durée de 13 secondes. Encore une fois, elle se compose dun seul extrait :
P |
00:49:18:00 à 00:49:31:00 |
(13 secondes) |
La cinquième séquence (continue) se trouve entre les cotes 01:35:20:00 et 01:43:29:00, soit une durée de 8 minutes 9 secondes. La séquence se compose de :
D |
01:35:20:00 à 01:39:16:00 |
(3 minutes 56 secondes) |
J |
01:39:16:00 à 01:39:55:00 |
(39 secondes) |
D |
01:39:55:00 à 01:43:29:00 |
(3 minutes 34 secondes) |
La sixième séquence (continue) se trouve entre les cotes 01:44:50:00 et 01:52:51:00, soit une durée de 8 minutes 1 seconde. La séquence se compose de :
D |
01:44:50:00 à 01:45:44:00 |
(54 secondes) |
J |
01:45:44:00 à 01:46:18:00 |
(34 secondes) |
D |
01:46:18:00 à 01:46:39:00 |
(21 secondes) |
J |
01:46:39:00 à 01:47:28:00 |
(49 secondes) |
D |
01:47:28:00 à 01:52:51:00 |
(5 minutes 23 secondes) |
Laisser les passages de jonction dans ces séquences lors de la production de la Cassette dextraits a permis déviter un travail long et coûteux. Il est ensuite apparu que leur inclusion replaçait certains des très courts extraits sur lesquels Landzo sappuie dans un contexte plus précis, ce qui pourrait laider dans son exposé. Nous lavons déjà dit, tout cela serait apparu clairement au conseil de Landzo sil avait pris le temps de regarder soigneusement la Cassette dextraits avant de se jeter sur sa plume.
La Cassette dextraits destinée à la Chambre dappel et se conformant exactement aux attentes des parties, à savoir que la Chambre dappel puisse aisément reconnaître les passages sur lesquels chacune delles sappuie, la requête de Lando aux fins de renseignements est inappropriée. Bien de lAccusation ne sy soit pas opposée, la requête est rejetée.
Cette requête est, sur lun des points au moins, la trente-septième demande interlocutoire déposée par les parties au présent appel. Quel quait été leur succès, Nombre dentre elles portaient sur le fond, et personne ne saurait priver les parties du droit de faire de telles demandes. Dautres demandes par contre ont été tout à fait superflues. La présente requête fait partie de ces dernières. Lors dune conférence informelle, tenue par nous le 7 octobre dernier, pour résoudre un autre problème lié à la compilation de la Cassette dextraits et à laquelle assistaient les représentants de Landzo et de lAccusation, jai clairement dit que le moyen raisonnable de résoudre tout autre problème concernant la Cassette dextraits serait de me soumettre une demande daide informelle, sans déposer de requête officielle, pourvu que lautre partie en ait été informée. Il est dommage que le conseil de Landzo ne se soit pas saisi de cette possibilité, même sil navait pas compris la nature des extraits marqués J après avoir regardé les cotes indiquées.
La deuxième demande
Landzo mentionne une déclaration faite par la Chambre dappel dans son Ordonnance du 4 octobre, selon laquelle la Cassette dextraits devait etre «authentifiée en étant produite à
la Chambre dappel par lemployé de la Section audiovisuel qui la préparée». Il se plaint de navoir pas reçu de copie de «lauthentification» par lemployé et laisse entendre quil naurait pas été correct que la Chambre dappel commence à visionner la Cassette dextraits avant quune telle authentification ait été fournie14. Puis il demande une copie de «lauthentification» qui a été soumise à la Chambre dappel par lemployé de la Section audiovisuel15.Tant cette plainte que cette requête sont malvenues. LOrdonnance du 4 octobre déclare expressément (dans le passage cité dans la Requête et repris ci-dessus) que lauthentification de la Cassette dextraits résidait dans le fait même que lemployé fournisse la Cassette dextraits à la Chambre dappel. Aucune autre «authentification» nétait requise ou nécessaire.
La demande dauthentification est superflue et na aucun lieu dêtre. Elle est refusée.
Dispositif
La demande de renseignements et celle aux fins dobtenir copie de lauthentification de la Cassette dextraits sont refusées et la Requête est rejetée.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Fait le 20 avril 2000
La Haye (Pays-Bas)
Le Juge de la mise en état en appel
(signé)
Juge David Hunt
[Sceau du Tribunal]