LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit : M. le Juge Adolphus G. Karibi-Whyte, Président

Mme le Juge Elizabeth Odio-Benito

M. le Juge Saad Saood Jan

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le : 28 avril 1997

 

LE PROCUREUR

C/

ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC alias "PAVO"
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO alias "ZENGA"

_____________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE AUX REQUÊTES DÉPOSÉES PAR L'ACCUSATION
AUX FINS D'OBTENTION DE MESURES DE PROTECTION
POUR LES TÉMOINS À CHARGE "B" À "M"

_____________________________________________________________

 

Le Bureau du Procureur :

M. Eric Ostberg M. Giuliano Turone
Mme Teresa McHenry Mme Elles van Dusschoten

Le Conseil de la Défense :

Mme Edina Residovic, M. Ekrem Galijatovic, M. Eugene O’Sullivan, représentant Zejnil Delalic
M. Branislav Tapuskovic, Mme Mira Tapuskovic, représentant Zdravko Mucic
M. Salih Karabdic, M. Thomas Moran, représentant Hazim Delic
M. Mustafa Brackovic, Mme Cynthia McMurrey, représentant Esad Landzo

 

I. INTRODUCTION ET CONTEXTE PROCÉDURAL

Le 10 mars 1997, s'est ouvert devant la présente Chambre de première instance du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de
l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (ci-après le "Tribunal international"), le procès de Zejnil Delalic, Zdravko Mucic, Hazim Delic et Esad Landzo, quatre personnes accusées de crimes relevant de la compétence du Tribunal international, à savoir des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 et de violations des lois ou coutumes de la guerre, qui auraient été commises dans l'enceinte du camp de Celebici, dans la municipalité de Konjic, en République de Bosnie-Herzégovine.

La Chambre de première instance est saisie de six requêtes distinctes ("les Requêtes") introduites par le Bureau du Procureur ("l'Accusation") aux fins d'obtenir des mesures de protection en faveur de douze témoins cités dans la présente affaire et désignés par les pseudonymes "B", "C", "D", "E", "F", "G", "H", "I", "J", "K", "L" et "M".

La première requête, qui vise à obtenir des mesures de protection pour le témoin "B", a été déposée le 25 février 1997 (Répertoire général("RP") du Greffe, p. D 2852 - D 2856). Les deuxième, troisième et quatrième requêtes, visant à assurer la protection des témoins "C", "D" et "E" respectivement, ont été déposées le 26 février 1997 (RP p. D 2876 - D 2880, D 2881 - D 2885, et D 2886 - D 2890 respectivement). La cinquième requête, visant à garantir la protection du témoin F, a été déposée le 28 février 1997 (RP p. D 2892 - D 2896) et la sixième requête, visant à assurer la protection des témoins "G" à "M", a été déposée le 13 mars 1997 (RP p. D 3013 - D 3017).

Les conseils représentant trois des quatre accusés, à savoir Zejnil Delalic, Hazim Delic et Esad Landzo, ont déposé le 10 mars 1997 une Réponse conjointe de la Défense à la Requête de l'Accusation aux fins d'obtenir des mesures de protection pour les témoins "B", "C", "D", "E" et "F (RP p. D 2993 - D2995). Le 11 mars 1997, le conseil de la Défense représentant Zdravko Mucic, a déposé une Réponse à la Requête de l'Accusation aux fins d'obtenir des mesures de protection pour les témoins "B", "C", "D", "E" et "F.

Le 14 mars 1997, l’Accusation et les Conseils représentant les quatre accusés ont présenté leurs arguments devant la Chambre de première instance siégeant à huis clos. Au cours de cette même audience, la Chambre de première instance a entendu M. William McGreeghan, de la Division d'aide aux victimes et aux témoins du Tribunal international, à propos de certaines questions concernant les témoins "G" à "M".

Le 24 mars 1997, la Chambre de première instance a rendu une décision verbale, faisant droit à certains points des Requêtes et en rejetant d'autres, et réservant sa décision écrite à une date ultérieure.

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE,

VU les conclusions écrites et entendu les exposés des parties,

STATUE EN CES TERMES.

II. EXAMEN

A. Dispositions applicables

1. L'Accusation invite la Chambre de première instance à accorder les mesures de protection demandées en vertu des dispositions de l'article 75 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le "Règlement").

article 75

Mesures destinées à assurer la protection des victimes

et des témoins

(A) Un juge ou une Chambre peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une des parties ou de la victime ou du témoin intéressé, ou de la Division d’aide aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité de victimes ou de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l’accusé.

(B) Une Chambre peut tenir une audience à huis clos pour déterminer s'il y a lieu d'ordonner notamment:

(i) des mesures de nature à empêcher la divulgation au public ou aux médias de l'identité d'une victime ou d'un témoin, d'une personne qui leur est apparentée ou associée ou du lieu où ils se trouvent, telles que:

(a) la suppression, dans les dossiers du Tribunal, du nom de l'intéressé et des indications permettant de l'identifier,

(b) l'interdiction de l'accès du public à toute pièce du dossier identifiant la victime,

(c) lors des témoignages, l'utilisation de moyens techniques permettant l'altération de l'image ou de la voix ou l'usage d'un circuit de télévision fermé, et

(d) l'emploi d'un pseudonyme;

(ii) la tenue d'audiences à huis clos conformément à l'article 79 ci-après;

(iii) les mesures appropriées en vue de faciliter le témoignage d'une victime ou d'un témoin vulnérable, par exemple au moyen d'un circuit de télévision fermé unidirectionnel.

(C) La Chambre assure le cas échéant le contrôle du déroulement des interrogatoires aux fins d'éviter toute forme de harcèlement ou d'intimidation.

2. D’autres dispositions du Statut du Tribunal international (le "Statut") et du Règlement, dont certaines sont énoncées ci-après, sont également pertinentes pour permettre à la Chambre de première instance de statuer sur cette question.

article 78

Audiences publiques

Sauf disposition contraire, la procédure devant une Chambre de première instance est publique, à l'exception du délibéré.

article 79

Audiences à huis clos

(A) La Chambre de première instance peut ordonner que la presse et le public soient exclus de la salle pendant tout ou partie de l'audience:

(i) pour des raisons d'ordre public ou de bonnes moeurs;

(ii) pour assurer la sécurité et la protection d'une victime ou d'un témoin ou pour éviter la divulgation de son identité en conformité à l'article 75 ci-dessus; ou

(iii) en considération de l'intérêt de la justice.

(B) La Chambre de première instance rend publiques les raisons de sa décision.

article 90

Témoignages

(A) En principe, les Chambres entendent les témoins en personne à moins qu'une Chambre n'ordonne qu'un témoin dépose selon les modalités prévues à l'article 71.

....

B. Argumentation

I. L'Accusation

3. L'Accusation requiert onze mesures distinctes destinées à assurer la protection des douze témoins, à savoir "B" à "M", comme suit :

Demande n° 1 : que le nom, l’adresse d'un témoin désigné par pseudonyme, le lieu où il se trouve ou tout autre renseignement permettant de l'identifier ne soient divulgués ni au public ni aux médias.

Demande n° 2 : que toutes les audiences consacrées aux mesures de protection en faveur de témoins désignés par pseudonyme se tiennent à huis clos mais qu'une version expurgée de l'enregistrement ou du procès-verbal des audiences soit, dans la mesure du possible, communiquée au public et aux médias après examen par le Bureau du Procureur, en consultation avec la Division d'aide aux victimes et aux témoins afin d'éviter la divulgation de toute information permettant d’identifier les témoins;

Demande n° 3 : que le nom, l'adresse d’un témoin désigné par pseudonyme, le lieu où il se trouve et tout autre renseignement permettant de l'identifier soient placés sous scellés et ne figurent dans aucun des documents publics du Tribunal international;

Demande n° 4 : que soit supprimée des documents publics existants du Tribunal international toute information mentionnant le nom, l'adresse d'un témoin désigné par pseudonyme, le lieu où il se trouve ou tout autre renseignement permettant de l'identifier;

Demande n° 5 : que les documents du Tribunal international identifiant les témoins désignés par pseudonyme ne soient divulgués ni au public ni aux médias;

Demande n° 6 : que les pseudonymes soient utilisés chaque fois qu'il est fait référence aux témoins dans la procédure du Tribunal international ou dans les échanges d'arguments entre les parties;

Demande n° 7 : que les témoins désignés par pseudonyme soient entendus à huis clos ou, si un témoin est disposé à comparaître en audience publique, que des moyens techniques permettant l'altération de l'image ou de la voix soient utilisés lors de son témoignage de façon à empêcher que l'identité dudit témoin soit porté à la connaissance du public ou des médias;

Demande n° 8 : si les témoins désignés par pseudonyme sont entendus à huis clos, qu'une version expurgée de l'enregistrement ou du procès-verbal de la ou des audiences soit communiquée au public et aux médias après examen par le Bureau du Procureur, en consultation avec la Division d'aide aux victimes et aux témoins, afin d'éviter la divulgation de toute information permettant d’identifier les témoins;

Demande n° 9 : que les accusés, les conseils de la Défense et leurs représentants agissant sur leurs instructions ou à leur demande ne dévoilent au public et aux médias ni les noms des témoins désignés par pseudonyme ni aucun autre renseignement permettant de les identifier, sauf dans la mesure limitée où l'interrogatoire des témoins ne peut être mené à bien sans une divulgation partielle à des membres du public. Une telle divulgation devra se faire de façon à réduire au minimum le risque de voir les noms des témoins dévoilés au grand public ou aux médias.

Demande n° 10 : que les accusés, les conseils de la Défense et leurs représentants agissant sur leurs instructions ou à leur demande, notifient au Bureau du Procureur toute demande de contact avec les témoins désignés par pseudonyme ou avec des membres de leur famille, et le Bureau du Procureur prendra les dispositions qu'il jugera nécessaires pour l'organisation de ces contacts; et

Demande n° 11 : que le public et les médias ne soient pas autorisés à prendre de photographies, à effectuer des enregistrements vidéo ou à faire de croquis des témoins désignés par pseudonyme quand ces derniers se trouvent dans l'enceinte du Tribunal international;

4. En outre, s'agissant du témoin "B", l'Accusation requiert les mesures de protection suivantes :

[L]e témoin "B" fera sa déposition dans la salle réservée à l'audition à distance des témoins, et son témoignage sera diffusé dans le prétoire par un circuit de télévision fermé unidirectionnel. Le témoin "B" apparaîtra sur les écrans de la Chambre de première instance, sur ceux de la Défense et de l'Accusation, mais pas sur les écrans des accusés, qui, eux, verront s'afficher une image déformée

...

RP D 2853 paragraphe 6

5. Les mesures de protection demandées par l'Accusation peuvent se ventiler en trois groupes. Le premier groupe de mesures, qui concernent les 12 témoins, porte sur la confidentialité ou la protection à assurer à l'égard du public et des médias. Le second groupe de mesures, qui concernent uniquement le témoin "B", porte sur une forme d'anonymat partiel recherché par rapport aux accusés. Le troisième groupe qui, lui aussi, concerne uniquement le témoin "B", vise à protéger le témoin de l'éventualité de la réactivation du traumatisme.

i. Confidentialité

6. Dans ses mémoires et réquisitions, l'Accusation a motivé les requêtes visant à la confidentialité pour chacun des témoins.

7. Dans le cas du témoin "B", qui aurait été détenu au camp de Celebici, le motif invoqué est que sa famille vit toujours dans la municipalité de Konjic. Le témoin "B" craint que sa famille soit victime de représailles s 'il était de notoriété publique qu'il a témoigné à ce procès.

8. Pour ce qui est du témoin "C", l'Accusation fait valoir que ce témoin, lors de sa détention au camp de Celebici, a été victime de sévices sexuels, qu'il éprouve de grandes difficultés et beaucoup de gêne à l'idée d'en parler en public, et qu'il souhaite également éviter qu'une autre personne, elle-même victime de sévices sexuels, soit exposée au public.

9 A propos du témoin "D", l'Accusation déclare que, même si ce témoin n'a pas été détenu à Celebici, il a une connaissance très précise de ce qui s'est passé au camp. Le témoin a exprimé la crainte de se trouver en danger dans la communauté bosniaque de réfugiés dont il fait partie dans le pays d'accueil s'il était de notoriété publique qu'il a témoigné à ce procès.

10. L'Accusation déclare que le témoin "E", qui, lui aussi, aurait été détenu au camp de Celebici, a un statut de réfugié dans un pays d'accueil où des actes violents ont été commis à l'encontre de ressortissants de son groupe ethnique. L'Accusation affirme que le témoin courra des risques pour sa sécurité au sein de cette communauté s'il devient de notoriété publique qu'il a témoigné au procès.

11. S'agissant du témoin "F", l'Accusation déclare qu'il vit dans une communauté où les ressortissants de son groupe ethnique constituent une minorité, qu'il existe des tensions entre les différents groupes ethniques de cette communauté et que la sécurité du témoin "F" serait compromise s'il était de notoriété publique qu'il a témoigné au procès.

12. L'Accusation fait également valoir que les témoins "G" à "M" ont tous été détenus, pendant des périodes de plus ou moins longue durée, au camp de Celebici. Ils ne veulent pas que leur participation au procès en qualité de témoins devienne un fait de notoriété publique car ils vivent dans un pays d'accueil, dans une communauté de réfugiés bosniaques composée de personnes de divers groupes ethniques, et le fait de témoigner va les exposer à des actes de représailles. En outre, l'Accusation fait état d'un rapport selon lequel une personne a mené des enquêtes dans le pays d'accueil sur des témoins cités à comparaître dans ce procès, ce qui renforce leur volonté de se prémunir contre d'éventuels actes violents de la part de cette personne. M. William McGreeghan, de la Division d'aide aux témoins et aux victimes a confirmé que la Division avait reçu ce rapport et que des mesures appropriées avaient été prises afin qu'une enquête soit diligentée par les autorités compétentes du pays d'accueil.

13. En résumé, exception faite du témoin "B", dont la situation particulière sera examinée plus en détail ci-après, les 12 témoins ne demandent pas à être protégés des accusés, et l'Accusation a communiqué le nom de chacun des témoins à la Défense. Les demandes relatives à la confidentialité concernent des tiers, à savoir le grand public et les médias. En principe, l'Accusation souhaite que le plus grand nombre possible de témoins soient entendus en audience publique, tout en se réservant la possibilité de passer à huis clos pour de brèves périodes lorsque le témoignage comporte des informations délicates. De surcroît, selon l'Accusation, les témoins "D", "E", "H" et "M" ne voient pas d'inconvénient à ce que leur nom soit mentionné par d'autres témoins; leur seul souhait est que le public et les médias ne soient pas informés du fait qu'ils ont témoigné à ce procès.

ii. Anonymat partiel et réactivation d'un traumatisme

14. L'Accusation déclare que le témoin "B" tient , au cours de sa déposition, à éviter toute confrontation directe avec les accusés, et ceci pour deux raisons. Premièrement, le témoin "B" est convaincu que les accusés le reconnaîtront s'ils le voient dans le prétoire, ce qui fera courir "des risques supplémentaires" aux membres de sa famille (RP 2855 paragraphe 4). Le témoin "B" croit que sa famille ne sera pas exposée à de tels risques en l'absence de confrontation directe car son nom, déjà communiqué aux accusés, ne suffit pas à l'identifier. Deuxièmement, l'Accusation dit avoir appris, par une conversation téléphonique avec le témoin "B", que celui-ci est très traumatisé par ce qu'il a vécu au camp de Celebici. Selon l'Accusation, le témoin "B" est très nerveux à la perspective de témoigner et il souhaite ne pas être obligé de voir les accusés quand il témoignera. Il affirme qu'il lui serait insupportable de voir les accusés, même si quatre ans se sont écoulés depuis les événements. Ce sont les raisons invoquées par l'Accusation pour inviter la Chambre de première instance à autoriser le témoignage du témoin "B" à partir de la salle réservée à l'audience à distance des témoins, hors de vue des accusés.

15. Dans l'ensemble, l'Accusation demande la Chambre de première instance à reconnaître que chaque individu évalue les risques à sa manière, de sorte que le risque de réactivation du traumatisme, l'appréhension d'une menace et la peur de représailles seront évalués différemment par l'un et par l'autre. L'Accusation fait valoir que les mesures de protection demandées répondent aux besoins individuels de chaque témoin tout en sauvegardant les droits de l'accusé. Elle affirme que, si la Chambre de première instance faisait droit à la présente requête, elle trouverait le juste équilibre entre l'intérêt public en faveur de la protection des témoins et le respect des droits de l'accusé.

II. La Défense

16. Dans leur Réponse écrite conjointe, les conseils représentant les accusés Zejnil Delalic, Hazim Delic et Esad Landzo déclarent ne trouver aucun fondement objectif aux requêtes ayant pour motifs la peur, le danger ou les représailles. Toutefois, "dans l'intérêt de l'économie judiciaire", la Défense ne s'oppose pas aux requêtes de l'Accusation pour autant "qu'il y ait audition directe des témoins dans le prétoire du Tribunal"(RP 2994). La Défense soutient qu'une telle confrontation directe entre les accusés et les témoins à charge est garantie par les dispositions de l'article 90 A). Le conseil chargé de la défense de Zdravko Mucic souscrit, dans sa réponse écrite, aux arguments présentés par les autres accusés.

17. Au cours des exposés oraux, chaque conseil a présenté les arguments de l'accusé qu'il défend.

Zejnil Delalic

18. Le conseil de cet accusé avance qu'il n'existe pas de motif objectifs justifiant des mesures de protection pour près d'un cinquième des témoins de fait cités dans cette espèce. Plus particulièrement, s'agissant du témoin "B", le conseil affirme qu'aucun argument valable, qu'aucune explication n'ont été fournis qui soient de nature à justifier les modalités de protection demandées par ce témoin. Quant au témoin "C", le conseil déclare "n'avoir à faire aucun commentaire". Pour ce qui est des témoins "G" à "M", la Défense déclare que le fait qu'une personne soit à la recherche de témoins cités dans la présente instance ne compromet en rien la sécurité de qui que ce soit. Elle laisse entrevoir la possibilité que la recherche de témoins soit à replacer dans le cadre d'enquêtes liées à l'espèce.

Zdravko Mucic

19. Le conseil de cet accusé estime que l'Accusation n'a pas suffisamment motivé les mesures de protection demandées pour chaque témoin. Il soulève des objections particulières eu égard aux mesures de protection demandées pour le témoin "D" qui, selon lui, occupait une fonction au camp de Celebici et devrait, par conséquent, témoigner en audience publique.

Hazim Delic

20. Le conseil de cet accusé conteste l'argument avancé par l'Accusation selon lequel l'évaluation du risque serait une question personnelle et déclare que l'accepter serait complètement aller à l'encontre des critères déterminant s'il convient d'autoriser les mesures de protection. Affirmant que l'Accusation n'a fourni aucun élément de preuve objectif à l'appui de ses requêtes, la Défense fait valoir que la Chambre de première instance doit précisément se fonder sur de tels éléments objectifs pour savoir si elle doit exercer son pouvoir d'appréciation et accorder ainsi les mesures de protection. La Défense souligne que l'accusé a droit à un procès public et met en garde contre le risque, d'après elle réel, que le procès soit perçu comme étant entaché d’iniquité si un cinquième des témoins de fait à charge étaient entendus à huis clos.

Esad Landzo

21. La Défense de Esad Land`o se rallie aux arguments avancés au nom des autres accusés. En ce qui concerne le témoin "B", elle estime que l'Accusation n'a pas satisfait aux conditions minimales indispensables à l'obtention des mesures de protection demandées. Selon la Défense, si une expertise médicale n'apporte pas la preuve que la situation affective du témoin "B" est d'une telle gravité qu'une confrontation directe avec les accusés entraînerait inévitablement un nouveau traumatisme, la Chambre de première instance ne devrait pas accorder les mesures demandées. Pour ce qui est des témoins "G" à "M", le conseil de la Défense est d'avis que les raisons invoquées pour demander les mesures de protection sont imaginaires et fabriquées par ces témoins.

 

C. Conclusions

22. Les requêtes dont a à connaître la Chambre de première instance soulèvent des questions revêtant une importance fondamentale et décisive pour les jugements qui seront rendus dans des affaires relevant de la compétence du Tribunal international. Elles mettent, plus particulièrement, en relief les questions de conflits entre les droits de l'accusé et la protection des témoins au cours d'un procès. En résumé, les questions sur lesquelles il convient de se prononcer sont les suivantes. Se pose, en premier lieu, la question de la confidentialité ou de la non-divulgation au public et aux médias du nom des accusés et de toute information permettant de les identifier. Vient, ensuite, la question de l'anonymat partiel d'un témoin qui serait assuré par des mesures de protection à l'égard du public, des médias et des accusés. Se pose, enfin, la question de savoir s'il est possible de prévenir un nouveau traumatisme du témoin en le protégeant des accusés. La Chambre de première instance va examiner tour à tour chacune de ces questions. Il convient cependant d'examiner d'abord le droit applicable ainsi que la jurisprudence.

I. Le droit applicable

23. Plusieurs des dispositions applicables du Statut et du Règlement ont été énoncées
ci-dessus. Le Statut, tout en veillant à la protection des victimes et témoins, est très rigoureux, explicite et dénué de toute ambiguïté dans la définition qu'il donne des droits de l'accusé.

24. L'article 15 du Statut confère aux juges du Tribunal international le pouvoir d'élaborer et d'adopter le Règlement de procédure et de preuve et d'y inclure des dispositions relatives à la protection des victimes et témoins. L'article 22 précise que les mesures visées dans lesdites dispositions "comprennent, sans y être limitées, la tenue d'audiences à huis clos et la protection de l'identité des victimes". Cette disposition trouve son fondement au paragraphe 108 du Rapport du Secrétaire général conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de Sécurité (U.N. Doc. S/25704, 3 mai 1993) (le "Rapport").

Étant donné le caractère particulier des crimes perpétrés dans l'ex-Yougoslavie, le Tribunal international devra assurer la protection des victimes et des témoins. Les règles de procédure et de preuve devront par conséquent prévoir les mesures de protection voulues des victimes et des témoins, s'agissant notamment des cas de viols ou de sévices sexuels ...

25. L'importance accordée à la protection des victimes et des témoins est illustrée par le fait que le Rapport, en son paragraphe 99, dit expressément que les Chambres de première instance doivent également assurer la protection des victimes et des témoins au cours de l'instance. L'article 20, qui régit l'ouverture et la conduite du procès, précise, en son paragraphe premier, ce qui suit :

La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

 

Le paragraphe 4 de ce même article prévoit que "les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à ses règles de procédure et de preuve".

26. En outre, le Secrétaire général a fait, au paragraphe 106 du Rapport, les observations suivantes :

Il va sans dire que le Tribunal international doit respecter pleinement les normes internationalement reconnues touchant les droits de l'accusé à toutes les phases de l'instance. De l'avis du Secrétaire général, les normes internationalement reconnues sont notamment énumérées à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques

 

L'article 21 4) définit les garanties minimales à respecter pour qu'un procès soit équitable.

A l'alinéa e), il est dit que l'accusé a le droit "d'interroger, ou de faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge". Dans le droit fil des pouvoirs conférés aux juges, les articles 69, 75, 79, 90 et 96 ont été adoptés afin d'assurer la protection des victimes et des témoins.

27. Lorsque nous statuerons sur les présentes requêtes, nous nous fonderons sur l'interprétation du Statut et du Règlement. Au fil des décisions rendues par les Chambres de première instance, le Tribunal international est en voie de créer sa propre jurisprudence - élément qui lui faisait défaut au moment de sa création. Aux fins d'interprétation, il est, par conséquent, utile d'examiner les décisions rendues récemment par les Chambres de première instance à l'encontre des dispositions applicables. L'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (U.N. Doc. A/CONF. 39/27) s'est avéré utile et pertinent dans l'interprétation du Statut et du Règlement. De même, les décisions portant sur les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ("Pacte international") et la Convention européenne des droits de l'homme ("Convention européenne") se sont avérées être des décisions applicables et faisant autorité. Cette méthode est conforme à l'avis du Secrétaire général, pour qui le libellé de nombreuses dispositions du Statut est fondé sur des dispositions d’ instruments internationaux en vigueur (Voir paragraphe 17 du Rapport).

28. La Chambre de première instance interprétera les dispositions pertinentes à la lumière de l'objet et du but du Tribunal international. L'objet et le but de la résolution 827 du Conseil de Sécurité portant création du Tribunal international sont considérés comme triples : il servira à rendre justice, à empêcher la perpétration de nouveaux crimes, et à contribuer à la restauration et au maintien de la paix. (Premier rapport annuel du Tribunal international, paragraphe 11, U.N. Doc A/49/150 (1994)).

29. La Chambre de première instance va désormais examiner les requêtes au fond, en procédant par ordre de gravité.

II. Confidentialité

30. Les demandes aux fins de confidentialité ont pour objet de ne pas divulguer au public ou aux médias de renseignements permettant d'identifier un témoin. Ce faisant, elles visent, implicitement, à refuser aux accusés le droit à un procès public, droit qui est protégé par l'article 21 2) du Statut et condition préalable visée à l'article 20 4) sauf décision contraire de la Chambre de première instance. L'article 78 se fonde sur l'article 20 4) du Statut. Les circonstances dans lesquelles la Chambre de première instance ordonne que les médias et le public soient exclus de la salle pendant tout ou partie de l'audience sont énoncées à l'article 79. La peur est la raison invoquée par 11 des 12 témoins pour qui une protection à l'égard du public et des médias est demandée. Ils craignent que leur témoignage, s'il devenait de notoriété publique, les mettent en péril, eux-mêmes et leurs proches. L’un des témoins, le témoin "C", ne motive pas sa demande de confidentialité par la peur, mais bien par le souci de sauvegarder sa vie privée, car il ne veut pas être associé publiquement aux sévices sexuels dont lui ainsi qu'une autre personne auraient été victimes.

31. Dans l'affaire Le Procureur c/ Dusko Tadic (Décision sur la requête du Procureur en vue d'obtenir des mesures de protection pour le témoin R, IT-94-1-T, Chambre de première instance II, 31 juillet 1996, paragraphe 6), la Chambre de première instance II (Mme le Juge McDonald, Président, M. le Juge Stephen et M. le Juge Vohrah), interprétant les dispositions de l'article 79 A) ii) a déclaré ce qui suit :

En mettant en balance les intérêts de l'accusé, du public et du témoin R, la présente Chambre de première instance considère que le droit du public à l'information et le droit de l'accusé à un procès public doivent, dans les circonstances actuelles, céder le pas à la confidentialité, compte tenu de l'obligation positive, qu'imposent le Statut et le Règlement, d'assurer une protection aux victimes et aux témoins. La présente Chambre de première instance doit tenir compte de ce que le témoin "R" craint que la divulgation au public ou aux médias de renseignements concernant son identité puisse avoir des conséquences graves pour lui-même et pour les membres de sa famille.

 

32. L'article 21 2) du Statut du Tribunal international stipule, parmi les droits de l'accusé,

que "toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l'article 22 du Statut". Cette disposition, qui est régie par l'article 22, prévoit les circonstances dans lesquelles un accusé ne devrait pas être autorisé à exercer son droit à un procès public. L'article 22 donne instruction aux juges d'élaborer des règles relatives à la protection des victimes et des témoins permettant la tenue d'audiences à huis clos et la protection de l'identité de la victime. Le fait de protéger un témoin par la tenue d'audiences à huis clos ne diminue pas de manière systématique les droits de l'accusé, pas plus qu'il n'exonère la Chambre de première instance de son devoir de pleinement respecter les droits de l'accusé (Voir l'article 75 B) i)).

33. Il convient de noter que la Chambre de première instance ne peut pas, sans disposer de motifs valables, refuser à l'accusé le droit à un procès public, qui est un droit inscrit aux articles 20 4) et 21 2) du Statut. L'article 75 A) du Règlement, établi conformément à l'article 22 du Statut, stipule que :

Un juge ou une Chambre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties ou de la victime ou du témoin intéressé, ou de la Division d'aide aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité de victimes ou de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l'accusé.

A ce titre, les mesures visées à l'article 22 doivent être compatibles avec les droits de l'accusé. Le Statut du Tribunal international met l'accent sur le fait que le caractère public d'un procès est une composante essentielle de la procédure (articles 20 4) et 21 2)).

34. Permettre la présence du public et l'accès de la presse aux audiences a pour principal avantage de contribuer à garantir un procès équitable. Dans l'affaire Pretto & Ors c/ Italie (Série A, n° 71 (1984) 6 EHRR 182) la Cour européenne des droits de l'homme déclarait que "la publicité est considérée comme une garantie de l'équité d'un procès; elle constitue une protection contre des décisions arbitraires et renforce la confiance en permettant au public de voir que justice est rendue". Ainsi le caractère public de l'audience sert-il surtout les intérêts de l'accusé, et non pas nécessairement ceux du public. Le dictum du Juge Warren, Président de la Cour Suprême des Etats-Unis, dans l'affaire Estes c/ Texas tranchée par ladite Cour, vient corroborer ce point de vue.

Il est indéniable qu'il est du plus grand intérêt pour la société que des causes soient entendues publiquement. Le caractère public d'une procédure pénale peut améliorer la qualité des témoignages, inciter des témoins inconnus à présenter des éléments de preuve pertinents, faire que tous les participants au procès soient plus consciencieux dans l'exercice de leurs fonctions...

381 U.S. 532, par. 583 (1965)

35. Les deux intérêts qui appellent l'attention et doivent être sauvegardés dans ce procès, sont le droit de l'accusé à un procès public et le droit du témoin à bénéficier de mesures de protection dans l'intérêt de la justice. Aussi la Chambre de première instance devra-t-elle, dans le cadre de l'examen de la Requête, mettre ces deux intérêts en balance. C'est d'ailleurs ce que dit clairement l'article 79, lequel permet d'ordonner que la presse et le public soient exclus de l'audience pour diverses raisons et, notamment, pour assurer la sécurité d'une victime ou d'un témoin en ne dévoilant pas l'identité de celui-ci. Il en résulte que, suivant les circonstances, le droit à un procès public peut être nuancé et restreint afin de tenir compte d'autres intérêts.

36. Plusieurs articles du Règlement portent sur le maintien de l'équilibre entre le droit de l'accusé à un procès public et la protection des victimes et des témoins. L'article 69 autorise la non-divulgation, au stade de la mise en accusation, de l'identité d'une victime ou d'un témoin qui pourrait être en danger, et ce jusqu'au moment où le témoin sera placé sous la protection du Tribunal international. Cette non-divulgation vaut pour la presse, le public et les accusés. En vertu de l'article 75, des mesures appropriées, qui ne portent pas atteinte aux droits de l'accusé, peuvent être ordonnées pour assurer la protection des victimes et des témoins. L'article 79 permet que la presse et le public soient exclus de la salle pendant l'audience pour des raisons d'ordre public ou de bonnes moeurs, pour assurer la sécurité ou pour éviter la divulgation de l'identité d'une victime ou d'un témoin ou en considération de l'intérêt de la justice.

37. D'après l'interprétation des dispositions des articles pertinents du Statut du Tribunal international, à savoir les articles 20 4), 21 2) et 22, et du Règlement d'application, à savoir les articles 69, 75 et 79, il apparaît clairement que le Statut, qui est le cadre juridique permettant l'application du Règlement, voit dans la nécessité de protéger témoins et victimes une raison valable pour limiter le droit de l'accusé à un procès public. L'article 14 1) du Pacte international et l'article 6 1) de la Convention européenne des droits de l'homme affirment tous deux que chacun à droit à un procès équitable et public. Ces mêmes articles prévoient pourtant que la presse et le public peuvent être exclus pour des raisons de bonnes moeurs, d’ordre public ou de sécurité nationale, lorsque l'exigent les intérêts de la jeunesse et la protection de la vie privée des parties au procès, ou lorsque la publicité risque de nuire à l'intérêt de la justice.

38. En l'espèce, le respect de l'intérêt public est d'une importance cruciale. Outre le fait qu'il est, depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo, le premier procès criminel international à juger plusieurs coaccusés , sur des questions cruciales portant sur la responsabilité du supérieur hiérarchique, ce procès est aussi le second dont est saisi le Tribunal International.

39. Après avoir dûment examiné tous les droits et intérêts en présence, la Chambre de première instance n'est pas convaincue que les arguments avancés par l'Accusation aient établi que tous les douze témoins concernés doivent comparaître en audience à huis clos dans le but de garantir leur protection. La Chambre de première instance note les arguments de la Défense pour qui, s'il est fait droit à toutes les demandes de l'Accusation, un nombre excessif de moyens de preuve devraient être reçus en audience à huis clos. La Chambre de première instance est consciente qu'elle est tenue juridiquement de protéger les témoins, obligation qu'elle ne peut abdiquer à la légère. Il est encourageant de constater qu'aucune des parties ne suggère le contraire. La Chambre de première instance est d'avis qu'une combinaison de mesures de protection, y compris la tenue d'audiences à huis clos, répondront aux besoins des témoins et constitueront des mesures de protection appropriées au cours de l'instance.

(i) Témoin "C"

40. Le témoin dit avoir été victime de sévices sexuels. Le fait de venir témoigner peut être pour lui une expérience extrêmement difficile et humiliante. En l'espèce, il est probable que la déposition concerne également une autre personne qui, elle, n'est pas appelée à témoigner. Le Rapport, au paragraphe 108, fait expressément mention de la nécessité d'assurer la protection des victimes et des témoins, tout particulièrement dans le cas de viol ou de sévices sexuels. La Chambre de première instance fait droit sans la moindre hésitation à la demande de l'Accusation concernant l'audition du témoin "C" en audience à huis clos.

41. Il peut être ordonné que le public et les médias soient exclus pendant toute ou partie de l'audience pour, notamment, des raisons d'ordre public et de bonnes moeurs (article 79 A) i)). C'est à bon escient que l'identité de personnes victimes de sévices sexuels n'est pas considérée comme relevant des éléments à divulguer au public. Un certain nombre de systèmes juridiques internes, tant de droit romain que de Common law, ont pris pour position de ne pas divulguer au public l'identité d'une victime présumée de sévices sexuels. En Angleterre et au Pays de Galles, la section 4 de la loi portant modification de la loi relative aux outrages aux moeurs (1976) dit que, lorsqu'une femme a déposé plainte pour viol, il est interdit de son vivant de publier son nom, son adresse, ou toute image fixe ou animée la représentant si une telle publication est "susceptible de permettre à des membres du public de reconnaître en elle la victime présumée desdits sévices". En outre, la section 442 (3) du Code Criminel du Canada (1954) garantit, sur ordonnance de la Cour, l'anonymat à l'égard du public.

42. Les systèmes juridiques issus du droit romain, dont la Suisse, le Danemark et l'Allemagne, disposent de lois similaires. En Suisse, la loi interdit la divulgation au public de l'identité de la victime si l'anonymat s'avère nécessaire à la protection des intérêts du ministère public ou sur demande de la victime. L'audience peut se tenir à huis clos pour la durée de la déposition du témoin (Bundesgesetz über die Hilfe an Opfer von Straftaten, art 5). Au Danemark, la victime d'un inceste ou d'un viol a le droit de demander et d'obtenir la tenue d'un procès à huis clos (Administration of Justice Act, section 9). En Allemagne, la publicité est parfois limitée ou exclue aux fins de protéger l'accusé et les témoins (Gerichtsverfassungsgesetz sec. 170); (cf Christine van den Wijngaert, Criminal Procedure Systems in the European Community (1993)).

43. En outre, dans l'affaire Le procureur c/ Dusko Tadic (Décision relative à l'exception préjudicielle soulevée par le Procureur aux fins d'obtenir des mesures de protection pour les victimes et les témoins - la "Décision Tadic en matière de protection" - Affaire No IT-94-1-T, Chambre de première instance II, 10 août 1995, paragraphe 40), la majorité de la Chambre de première instance II, en les personnes de Mme le Juge McDonald et de M. le Juge Vohrah, ont cité plusieurs jugements rendus dans des affaires entraînant des sanctions imposées à la presse des Etats-Unis d'Amérique pour avoir divulgué l'identité de victimes de sévices sexuels - Florida Star c/ BJF, 491 U.S. 524 (1989); sont également cités l'affaire Walter c/ Georgia, 467 US. 39, 46 (1984), un cas de huis clos partiel dans l'affaire Douglas c/ Wainwright, 739 F 2d.531 (11 th circ. 1984), ainsi qu'un cas de huis clos complet dans l'affaire Press-Enterprise Co. c/ Superior Court, 464 U.S. 501 (1984).

44. Tous ces systèmes juridiques admettent le témoignage concernant des sévices sexuels comme raison suffisante pour justifier la confidentialité.

45. En conclusion, la Chambre de première instance a pris la décision d'autoriser le témoin "C" à déposer en audience à huis clos. La Défense n'a pas soulevé d'objection particulière à l'encontre de cette demande. Au cours des plaidoiries, le Conseil représentant l'accusé Zejnil Delalic a déclaré en réponse à l'Accusation que "il n'avait rien à dire à propos du témoin "C"".

 

(ii) Témoins "D" à "M"

46. Dans le cadre du Tribunal International, outre les affaires concernant des sévices sexuels, peuvent être considérés comme suffisamment motivés pour justifier la confidentialité, les cas où il existe une peur démontrable d'éventuelles représailles, compte tenu de la communauté dans laquelle vivent les témoins et les membres de leur famille. Cette opinion est conforté par le devoir défini par le Statut qu'a la Chambre de première instance d'assurer la protection voulue dans les circonstances appropriées et par le fait que le Tribunal International n'est pas en mesure de garantir la sécurité des victimes et des témoins en l'absence d'un programme de protection des témoins viable.

47. Pour ce qui est de tous les autres témoins, à l'exception du témoin "B", la Chambre de première instance ne considère pas que l'Accusation a satisfait aux conditions visant à permettre l'audition de témoins au cours d'audiences à huis clos. L'Accusation affirme que la peur est un élément subjectif et que l'évaluation du risque reste une décision personnelle: c'est là un argument bien fondé. Il faut toutefois présenter à la Chambre de première instance certains critères objectifs en fonction desquels elle pourra décider d'accorder ou de rejeter les mesures de protection demandées.

48. L'Accusation n'a fourni aucune précision sur la nature de ces témoignages et sur l'importance qu'ils revêtent. Il nous semble que si leur témoignage était d'une importance cruciale, ces témoins n'en seraient que plus vulnérables au risque d'actes de représailles. Dans le cas des témoins "G" à "M", l'Accusation a reconnu lors de son exposé que l'enquête menée sur la personne qui serait à la recherche de témoins au procès de Celebici et dont l'activité est à l'origine des craintes des témoins, était toujours en cours et que les plaintes n'ont pas encore été étayées.

49. Dans de telles circonstances, la Chambre de première instance juge que les peurs non fondées de ces témoins peuvent être apaisées en prenant des mesures de protection qui sont moins rigoureuses que la confidentialité totale. Nous considérons qu'il suffira, dans ces circonstances, de veiller à ce que ces témoins soient protégés contre toute possibilité d'être vus et reconnus par le public et les médias. Conformément aux dispositions de l'article 75B i) c), ces personnes pourront témoigner en audience publique à l'aide de moyens techniques permettant l'altération de l'image.

 

 

III. Confidentialité/anonymat partiel

50. L'Accusation demande que les renseignements permettant d'identifier le témoin "B" ne soient pas divulgués au public ou aux médias. L'autre mesure de protection demandée par l'Accusation consiste à éviter toute confrontation directe avec les accusés au motif qu'une telle confrontation permettrait aux accusés de voir le témoin "B", ce qui accroîtrait les risques courus par celui-ci. Stricto sensu, de telles mesures de protection équivalent à l'anonymat puisque, aux dires du témoin "B", les accusés ne le reconnaîtraient que s'ils le voyaient réellement face à face. Son nom, s'il était divulgué, ne contribuerait pas à l'identifier.

51. Les déclarations préalables du témoin "B" contiennent de très sérieuses allégations. L'Accusation n'a pas cherché à les étayer; elle s'est plutôt limitée à les présenter, sans autre forme que celle exprimée par le témoin.

52. Le témoin "B" demande plus que la seule confidentialité; il demande une mesure de protection qui exclut toute possibilité pour l'accusé de le reconnaître au cours du procès. Tout en admettant que les accusés ne peuvent pas le reconnaître du fait de son seul nom, qui a déjà été communiqué, l'Accusation demande cette mesure de protection. C'est un principe fondamental de l'administration de la justice par les Chambres de première instance que celles-ci veillent à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée (article 20 du Statut). Il faut donc maintenir l'équilibre entre les droits de l'accusé et la protection des témoins.

53. S'il est fait droit à la requête déposée par le témoin "B", il en résultera sans aucun doute une capacité amoindrie à faire valoir les droits de l'accusé, le plus important de ces droits étant celui d'examiner, d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge (article 21 4) e)). Si la Chambre de première instance fait droit à la requête de l'Accusation, les accusés non seulement seront privés du droit à un procès public, mais ils auront aussi perdu la possibilité de confronter le témoin, alors que c'est un aspect crucial de la procédure pénale. La Chambre de première instance ne peut ignorer un conflit aussi manifeste entre les droits de l'accusé et la protection des témoins au cours du procès. L'art de concilier les intérêts en litige est inhérent à la notion même d'un procès équitable. Un procès équitable signifie un traitement équitable de l'accusé, certes, mais aussi des témoins à charge.

54. La règle générale veut que tous les moyens de preuve soient, dans la mesure du possible, produits en présence de l'accusé à l'audience aux fins de confrontation avec ce dernier. Le raisonnement qui est à la base de la règle favorable à la divulgation de l'identité du témoin est énoncé dans l'affaire Kostovski c/ Pays-Bas

Si la Défense ne connaît pas l'identité de la personne qu'elle veut interroger, elle peut être ainsi privée des détails qui lui permettraient précisément de démontrer que la personne est partiale, réfractaire ou sujette à caution. Il ne peut être exclu qu'un témoignage ou tout autre déclaration incriminant l'accusé soit délibérément faussé ou tout simplement erroné, ce que la Défense aura les plus grandes difficultés à mettre en lumière si lui font défaut les informations permettant de s'assurer de la bonne foi de la personne ou de mettre en doute sa crédibilité

(1990) 12 European Human Rights Reports/EHRR 434.)

55. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 14 du Pacte International, qui sont quasi identiques à l'article 21 4 e) du Statut du Tribunal International, sont significatifs. Aucune concession ne saurait être faite au droit qu'a l'accusé de voir celui ou celle qui l'accuse, sauf lorsqu'il en va de l’intérêt public et du maintien de l'ordre public. Dans l'affaire Unterpertinger c/ Autriche (1991) 13 EHRR, 175, la Cour Européenne des droits de l'homme a jugé que l'absence de confrontation entre l'accusé et celui ou celle qui l'accuse peut constituer une violation de l'article 6 1) de la CEDH. Dans l'affaire Delaware c/ Fensterer, 474 U.S. 15, 22 (1985), concernant la clause de confrontation du 6e Amendement de la Constitution des Etats-Unis, la Cour Suprême des Etats-Unis a rendu la décision suivante:

La clause de confrontation est généralement respectée lorsque la Défense est dotée de moyens complets et équitables lui permettant d'examiner et d'exposer, grâce au contre-interrogatoire, les failles d'un témoignage telles que l'oubli, la confusion, ou la dérobade, appelant ainsi l'attention de celui qui statue sur les faits sur les raisons pour lesquelles il faut accorder peu de poids audit témoignage.

 

Dans l'absolu, la confrontation directe est le fondement même des valeurs qui se manifestent dans la confrontation sur chaque point par l'accusé de celui ou celle qui l'accuse. Elle n'est pas une condition sine qua non du droit.

56. Trois décisions rendues par les Chambres de première instance du Tribunal International méritent examen. Premièrement, il y a la décision majoritaire rendue par la Chambre de première instance II présidée par Mme le Juge Gabrielle McDonald, dans la Décision Tadic en matière de protection, décision autorisant l'anonymat nonobstant les dispositions de l'article 21 4) e) du Statut. Deuxièmement, il y a l'opinion distincte et dissidente de M. le Juge Stephen ("Opinion Dissidente de M. le Juge Stephen") qui porte sur la même question. Troisièmement, il y a la décision rendue par la Chambre de première instance I dans l'affaire Le Procureur c/ Tihomir Blaskic (Décision relative à la requête du Procureur en date du 17 octobre 1996 aux fins de demander des mesures de protection pour les victimes et les témoins ("Décision Blaskic en matière de protection") affaire No IT-95-14-T, Chambre de première instance. 5 novembre 1996) Dans cette dernière décision, la Chambre de première instance s'est rangée à l'opinion dissidente de M. le Juge Stephen.

57. La question de l'interprétation des dispositions de l'article 21(4)(e), en conflit avec l'article 22, et la question de l'anonymat des témoins se posent dans chaque cas. Dans la Décision Tadic en matière de protection, la majorité a esquissé les principes à respecter lors de l'audition d'un témoin gardant l'anonymat. En premier lieu, les juges doivent être en mesure d'observer le comportement du témoin. Deuxièmement, les Juges doivent être informés de l'identité du témoin afin de s'assurer de la fiabilité de ce dernier. Troisièmement, il faut donner aux accusés la possibilité d'interroger le témoin sur des questions sans rapport avec son identité ou ses coordonnées actuelles, comme, par exemple, les conditions d'obtention des renseignements à charge, à l'exclusion de ceux permettant de découvrir son identité. Enfin, l'identité du témoin doit être rendue publique lorsque disparaissent les raisons ayant nécessité les mesures de sécurité le concernant.

58. Ces principes n'ont pas convenu à M. le Juge Stephen, qui a adopté une position différente. Après examen des dispositions des articles 20(1), 21(4) et 22, il en a tiré la conclusion que le "Statut n'autorise pas l'anonymat des témoins si l'anonymat a pour effet réel d'entamer les droits de l'accusé visés à l'article 21 et plus particulièrement, la garantie minimale mentionnée au paragraphe 4 (voir Opinion Dissidente de M. le Juge Stephen, RP 5025).

59. Dans la Décision Blaskic en matière de protection, la Chambre de première instance I cite, en l'approuvant, l'Opinion Dissidente de M. le Juge Stephen. La Chambre de première instance a fait valoir ce qui suit :

La philosophie qui imprègne le Statut et le Règlement du Tribunal paraît claire : les victimes et les témoins méritent d'être protégés, même de l'accusé, au cours des phases précédant l'instance et ce jusqu'à une date permettant un délai raisonnable avant l'ouverture du procès proprement dit; mais après cette date, le droit de l'accusé à un procès équitable doit prévaloir et nécessite que le voile de l'anonymat soit levé en sa faveur, même si ce voile doit continuer d'obstruer la vue du public et des médias.

RP 2147 paragraphe 24.

60. La Chambre de première instance I marque son accord avec la majorité dans la Décision Tadic en matière de protection, s'agissant des conditions à respecter avant que l'anonymat soit accordé. Ces conditions sont : a) avant tout, le témoin doit avoir des craintes réelles pour sa sécurité ou celle des membres de sa famille; b) deuxièmement, le témoin doit être un témoin à charge important; c) la Chambre de première instance doit être convaincue de l'absence de présomptions raisonnables donnant lieu à douter de la bonne foi du témoin; d) l'inefficacité ou la non-existence d'un programme de protection des témoins mis en place par le Tribunal et e) les mesures de protection demandées doivent être nécessaires. Toutefois, la Chambre de première instance I a ordonné à l'Accusation de démontrer que ces conditions étaient remplies. La présente Chambre de première instance est d'accord avec la Décision rendue par la Chambre de première instance I, en matière de mesures de protection dans l'affaire Blaskic et reprend à son compte les motifs et le dispositif de ladite Décision.

61. L'Accusation a admis que les accusés ne seront pas en mesure de reconnaître le témoin "B" par la seule mention de son nom. Par conséquent, à moins de confrontation directe, en l'absence de mesures de protection, la Défense se trouve dans l'impossibilité de dûment préparer le contre-interrogatoire du témoin. Dans ces circonstances, la Défense ne dispose pas des informations nécessaires pour replacer le témoin "B" dans le contexte qui lui est propre (People c/ Pleasant, 244 NW2d 464 (1976)). Faire droit aux requêtes de l'Accusation constituerait une violation du droit de l'accusé visé à l'article 21(4)(e) et signifierait l'anonymat du témoin "B".

62. La Chambre de première instance peut concevoir une situation où les droits de l'accusé seraient neutralisés par des mesures de protection. Une telle situation ne se présente pas dans la présente affaire. Il est admis que le témoin ne peut être reconnu par la seule mention de son nom. Il semble déraisonnable que le témoin demande des mesures de protection aux fins d'éviter une confrontation directe avec l'accusé, alors que cette confrontation est le seul facteur permettant à l'accusé de compenser son handicap. La Chambre de première instance ne saurait accorder une mesure de protection qui repose sur des allégations non fondées de risques accrus pour la sécurité du témoin. L'Accusation n'a pas satisfait aux conditions préalables à l'octroi de l'anonymat, énoncées par la majorité dans la Décision Tadic en matière de protection.

63. L'Accusation n'a fourni aucune indication du degré de l'importance que revêt le témoignage du témoin "B". Rien ne montre qu'une enquête ait été menée en ce qui concerne la crédibilité de ce témoin. Preuve n'a pas été faite devant la Chambre de première instance que les violences physiques dont le témoin "B" aurait été victime, soient imputables à l'un des accusés. Dans ces circonstances, la Chambre de première instance rejette la requête de l'Accusation visant à permettre au témoin "B" de faire sa déposition dans la salle réservée à l'audition à distance des témoins. Le témoin "B" sera entendu dans la salle d'audience où les Juges et les Conseils de la Défense procédant au contre-interrogatoire seront en mesure d'observer son comportement. En outre, les accusés pourront voir le témoin "B" dans le prétoire et seront autorisés à communiquer librement avec leurs conseils pendant son interrogatoire principal et son contre-interrogatoire.

IV. Réactivation du traumatisme.

64. L'Accusation demande que le témoin "B" ne voie pas les accusés et ne soit pas vu de ceux-ci lors de son audition, au motif que le traumatisme subi par le témoin "B" sera réactivé s'il voit les accusés.

65. En procédure pénale, la confrontation directe entre l'accusé et ceux qui l'accusent n'a pas de prix pour la Chambre de première instance. Elle a ainsi l'occasion et l’avantage, à nuls autres pareils, d'observer les expressions faciales et corporelles du témoin. Dans sa décision rendue dans l'affaire Coy c/ Iowa (487 U.S. 1012, 1016 (1988)), la Cour Suprême des Etats-Unis a jugé qu'il y a un élément profond dans la nature humaine, qui fait de la confrontation directe entre l'accusé et celui ou celle qui l'accuse, un élément constitutif d'un procès pénal équitable. La nature cruciale d'une confrontation directe n'en fait pas pour autant un ingrédient indispensable à l'équité du procès. S'il y a conflit entre la protection d'un témoin vulnérable et la nécessité d'une confrontation directe, c'est l'intérêt public supérieur en faveur de la protection du témoin qui prévaudra. Ce point est illustré par les dispositions de l'article 75 B) iii) qui autorise à la Chambre de première instance d'ordonner "les mesures appropriées en vue de faciliter le témoignage d'une victime ou d'un témoin vulnérable".

66. La vulnérabilité du témoin "B" se fonde sur le risque de réactivation du traumatisme. La Chambre de première instance n'a ici pour tout élément de preuve que les propres dires de l'Accusation. La réactivation d'un traumatisme est essentiellement un état de santé médical et psychologique qui nécessite pour être établi une preuve plus convaincante que les éléments qui nous ont été apportés. Ceux-ci ne sont pas de nature à étayer l'allégation selon laquelle le témoin "B" est un témoin vulnérable.

67. La Chambre de première instance rejette l'argument de la Défense selon lequel il découle implicitement de l'article 90 A) qu'un témoin ne peut être entendu qu'en prétoire. Les moyens de preuve directe sont des moyens présentés directement devant la Chambre de première instance soit dans le prétoire soit, le cas échéant, selon des modalités déterminées et ordonnées par la Chambre de première instance, à partir de la salle réservée à l'audition à distance des témoins. Le mandat confié à la présente Chambre de première instance consiste à assurer un procès équitable et à maintenir un juste équilibre entre les droits de l'accusé et la protection du témoin.

68. En l'espèce, la Chambre de première instance ne considère pas qu'elle doive entendre la déposition du témoin "B" depuis une salle réservée à l'audition à distance des témoins, les raisons invoquées à cet effet dans la Requête n'ayant pas été établies. Des mesures de protection moins restrictives devraient permettre de satisfaire aux requêtes du témoin "B" sans pour autant porter atteinte aux droits des accusés. Un écran de protection sera placé dans le prétoire de sorte que le témoin "B" ne verra pas les accusés, prévenant ainsi le risque, qui motivait la requête du témoin, de réactivation d'un traumatisme.

 

 

III. DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE, saisie de la Requête déposée par l'Accusation,

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 75 DU RÈGLEMENT,

ORDONNE CE QUI SUIT:

Mesures spécifiques

(1) La témoignage du témoin "C" sera entendu en audiences à huis clos, auxquelles ne seront présents ni les membres du public ni les médias. Une version expurgée de l'enregistrement et du procès-verbal des audiences à huis clos sera mise à la disposition du public et des médias après avoir été examinée par le Bureau du Procureur et par la Division d'aide aux témoins et aux victimes afin d'éviter la divulgation de renseignements susceptibles de mener à l'identification du témoin "C".

(2) Le témoin "B" sera entendu dans le prétoire en audiences publiques, au cours desquelles la Chambre de première instance et les Conseils de la Défense auront l'occasion d'observer son comportement. Un écran de protection sera placé entre le témoin "B" et les accusés pour éviter que le témoin voie les accusés. Ceux-ci pourront voir le témoin "B" sur les écrans électroniques qui leur sont réservés dans le prétoire. Des moyens techniques permettant l'altération de l'image seront utilisés pour veiller à ce que l'image du témoin "B" ne soit divulguée ni au public ni aux médias. L'écran de protection placé entre les accusés et le témoin "B" n'entravera en aucune manière la conduite des contre-interrogatoires et la Chambre de première instance peut être saisie de requêtes portant sur des mesures spéciales à cet effet.

(6) Les témoignages des témoins "D", "E", "F", "G", "H", "I", "J", "K", "L" et "M" seront entendus en audiences publiques et des moyens techniques permettant l'altération de l'image seront utilisés afin de ne pas dévoiler les témoins au public et aux médias.

(7) Sauf décision rendue par la Chambre de première instance d'entendre en audience(s) à huis clos tout ou partie de la déposition des témoins "B", "D", "E", "F", "G", "H", "I", "J", "K", "L" et "M", chaque partie de leur(s) déposition(s) sera entendue en audience(s) publique(s) de la manière convenue ci-dessus.

(8) Si, en vertu d'une décision rendue par la Chambre de première instance, la déposition de l'un quelconque des témoins "B", "D", "E", "F", "G", "H", "I", "J", "K", "L" ou "M" est entendue en audience(s) à huis clos, une version expurgée de l'enregistrement et du procès-verbal de l'une ou des audiences à huis clos sera communiquée au public et aux médias après avoir été examinée par le Bureau du Procureur et par la Division d'aide aux victimes et aux témoins afin d'éviter la divulgation de tout renseignement susceptible de mener à l'identification des témoins.

(9) En contre-interrogatoire, les conseils de la Défense ne seront autorisés à poser aux témoins désignés par pseudonyme aucune question concernant leur identité ou par laquelle cette identité peut être portée à la connaissance du public ou des médias;

Mesures générales

10) Le pseudonyme utilisé pour désigner le témoin sera utilisé chaque fois qu'il sera fait référence à ce témoin dans la présente instance et dans les échanges entre les parties.

11) Le nom, l'adresse d'un témoin désigné par pseudonyme, le lieu où il se trouve ou tout autre renseignement permettant de l'identifier ne seront pas divulgués au public ou aux médias.

12) Le nom, l'adresse d'un témoin désigné par pseudonyme, le lieu où il se trouve ou tout autre renseignement permettant de l'identifier seront placés sous scellés et ne figureront dans aucun document ouvert au public du Tribunal International.

13) Le nom, l'adresse d'un témoin désigné par pseudonyme, le lieu où il se trouve ou tout autre renseignement permettant de l'identifier qui figureraient dans les documents existants du Tribunal International ouverts au public en seront retranchés.

14) Les documents du Tribunal international identifiant les témoins désignés par pseudonyme ne seront pas divulgués au public ou aux médias.

15) Les mesures énumérées ci-dessus s'appliquent aux témoins "D", "E", "H" et "M" dans la seule mesure où les renseignements permettant leur identification ou contenus dans tout document ou dossier du Tribunal International ouvert au public révèlent leur qualité de témoins à ce procès. Les mesures générales ne s'appliquent à aucun des documents ou dossiers contenant des renseignements relatifs aux témoins "D", "E", "H" et "M" mais ne révélant pas de manière implicite ou directe leur qualité de témoins à ce procès.

16) Les Conseils de la Défense et leurs représentants agissant sur leurs instructions ou à leur demande ne divulgueront le nom des témoins désignés par pseudonyme ou tout autre renseignement permettant de les identifier ni au public ni aux médias sauf dans la mesure limitée où cette divulgation à des membres du public peut se révéler nécessaire aux fins de d'enquêter sur lesdits témoins. Toute divulgation éventuelle sera faite de manière à limiter au maximum le risque que l'identité des témoins ne soit divulguée au grand public ou aux médias.

17) Une version expurgée de l'enregistrement ou du procès-verbal de l'audience à huis clos tenue le 14 mars 1997 sur la présente Requête sera mise à la disposition du public et des médias mais seulement après avoir été examinée par le Bureau du Procureur et par la Division d'aide aux victimes et aux témoins afin d'éviter la divulgation de tout renseignement susceptible de mener à l'identification des témoins.

 

18) Le public et les médias ne seront pas autorisés à prendre de photographies , à effectuer des enregistrement vidéo des témoins désignés par pseudonyme ou à en dessiner un croquis tant que ceux-ci se trouvent dans l'enceinte du Tribunal International.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

____________________________________

Adolphus Godwin Karibi-Whyte

Président de la Chambre de première instance

Fait ce vingt-huit avril 1997

La Haye,

Pays-Bas

[Sceau du Tribunal]