LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit : M. le Juge Adolphus G. Karibi-Whyte, Président

Mme. le Juge Elizabeth Odio Benito

M. le Juge Saad Saood Jan

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le : 28 mai 1997

LE PROCUREUR

C/

ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC alias « PAVO »
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO alias « ZENGA »

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DÉ CISION RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS DE PERMETTRE AUX TÉ MOINS K, L, ET M DE TÉ MOIGNER PAR VOIE DE VIDÉ OCONFÉ RENCE

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Le Bureau du Procureur :

M. Eric Ostberg

Mme Teresa McHenry

M. Giuliano Turone

Mme Elles Van Dusschoten

Le Conseil de la Défense :

Mme Edina Residovic, MM. Ekrem Galijatovic et Eugene O’Sullivan, représentant Zejnil Delalic

MM. Zeljko Olujic et Michael Greaves, représentant Zdravko Mucic

MM. Salih Karabcic et Thomas Moran, représentant Hazim Delic

M. John Ackerman et Mme Cynthia McMurrey, représentant Esad Landzo

 

I. INTRODUCTION

La présente Chambre de première instance du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international") a été saisie d’une Requête aux fins de permettre aux témoins K, L et M de témoigner par voie de vidéoconférence (Répertoire du Greffe, page D3126-D3219), (la "Requête"), déposée le 3 avril 1997 par le Bureau du Procureur (l’"Accusation"). Le conseil de la Défense de l’accusé Hazim Delic a déposé le 21 avril 1997 sa Réponse à la Requête aux fins de permettre aux témoins K, L et M de témoigner par voie de vidéoconférence (RG, page D3408-D3410), (la "Réponse").

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE,

VU les mémoires écrits de l’Accusation et du Conseil de l’accusé Hazim Delic, et ayant entendu les exposés de l’Accusation et des Conseils des quatre accusés le 22 avril 1997, la Chambre de première instance a rendu sa décision orale le même jour, et renvoyé sa décision écrite à une date ultérieure.

PAR LA PRÉSENTE, LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE REND SA DÉCISION ÉCRITE.

II. ARGUMENTS

1. Arguments de l’Accusation

1. L’Accusation requiert que trois de ses témoins, désignés par les lettres K, L et M, puissent témoigner par vidéoconférence, afin de leur permettre de déposer sans se rendre à La Haye, au siège du Tribunal international. Au cours de son exposé sur cette Requête, l’Accusation a retiré sa demande concernant le témoin M, au motif que ce dernier est maintenant en mesure de comparaître. Ceci ne modifie pas les dispositions requises pour les témoins K et L qui, selon l’Accusation, redoutent de graves répercussions pour eux-mêmes et leurs familles s’ils sont tenus de venir témoigner au siège du Tribunal international. Ils ont indiqué que, vu leur situation personnelle, ils ne pourraient témoigner que par liaison vidéo.

2. Selon l’Accusation, les deux conditions sous lesquelles l’autorisation de témoigner par voie de vidéoconférence, définies dans l’affaire Tadic (IT-94-1-T)(cf. Décision relative aux requêtes de la Défense aux fins de citer à comparaître et de protéger les témoins à décharge et de présenter des témoignages par vidéoconférence, 25 juin 1996, RG D9148-D9162), ("Décision Tadic") peut être accordée, sont réunies en la présente espèce. La première de ces conditions est que les dépositions des témoins en cause soient suffisamment importantes pour que l’Accusation ne puisse se priver d’elles sans préjudice. La deuxième condition est que les témoins ne sont pas en mesure ou ne souhaitent pas se rendre au siège du Tribunal international. L’Accusation affirme en l’espèce que les dépositions des témoins K et L sont essentielles à sa cause et qu’ils ne peuvent ni ne souhaitent venir à La Haye pour des raisons médicales. Au cours de son exposé oral, l’Accusation a fait valoir leur état de santé préoccupant et le fait qu’un traitement, même prolongé, ne permettrait pas d’obtenir d’amélioration notable. De ce fait, l’impossibilité de comparaître demeurerait entière même si ces témoins n’étaient cités qu’à la fin de la présentation des moyens de preuves par le procureur.

2. Arguments de la Défense

3. Dans sa Réponse, le Conseil de l’accusé Hazim Delic ne s’oppose pas à cette Requête, sous réserve que les conditions énoncées dans la Décision Tadic soient respectées. La Défense a réitéré sa position au cours des exposés du 22 avril 1997.

Les Conseils des autres accusés, pour leur part, ont en cette occasion objecté oralement à cette Requête. le Conseil représentant Esad Landzo a avancé que l’article 21 4) e) du Statut du Tribunal international (le "Statut") et l’article 89 de son Règlement de procédure et de preuve (le "Règlement") garantissent à l’accusé le droit d’exiger la présence des témoins pour déposer au prétoire. le Conseil allègue que le droit de l’accusé de confronter ses accusateurs en personne serait bafoué s’il est fait droit à cette Requête. le Conseil affirme au demeurant que l’Accusation n’a pas suffisamment justifié des raisons médicales empêchant ces personnes de venir témoigner de vive voix au prétoire. Le Conseil de Zdravko Mucic a abondé dans ce sens, à l’instar de celui de Zejnil Delalic, ce dernier admettant toutefois que, dans certaines circonstances, des exceptions à la règle générale peuvent être admises, pourvu que des motifs détaillés soient fournis et que des conditions strictes soient définies, comme dans la Décision Tadic.

III. CONCLUSIONS

4. Les arguments de la Défense sur lesquels la Chambre de première instance doit se prononcer sont les suivants : le point de vue défendu par le Conseil d’Esad Landzo, auquel souscrit le Conseil de Zdravko Mucic, est que les articles 21 4) e) du Statut du Tribunal international et 89 du Règlement exigent la présence physique du témoin au prétoire durant son audition, afin de protéger les droits de l’accusé. Selon la Défense, si la Chambre de première instance accéde à la Requête aux fins de permettre aux témoins de déposer par vidéoconférence, le droit reconnu à l’accusé en vertu l’article 21 4) e) de confronter ses accusateurs en personne serait bafoué. De plus, l’Accusation n’aurait pas présenté de preuves suffisantes des raisons médicales justifiant que les témoins soient dispensés de comparaître en personne devant la Chambre de première instance.

5. Tout en exprimant son accord avec ses confrères, le Conseil de Zejnil Delalic a admis l’existence de circonstances exceptionnelles de nature à infléchir la règle générale requérant la présence physique des témoins devant la Chambre de première instance lors de leur audition. Le Conseil a fait savoir qu’il n’entendait pas s’opposer à cette Requête, pourvu que les conditions définies dans la Décision Tadic soient observées.

6. Les dispositions relatives à l’administration de la preuve figurent au Chapitre six, Section 3 du Règlement de procédure et de preuve (articles 89 à 98). Les articles 4, 54, 89 A), 89 B) et 90 A) sont particulièrement pertinents pour trancher la question dont est saisie la Chambre de première instance. Ces articles sont subordonnés aux dispositions statutaires définies à l’article 21 4) e) du Statut.

Article 21

Droits de l’Accusé

...

4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent Statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

...

e) À interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.

Article 4

Réunions hors le siège du Tribunal

Une Chambre peut, avec l’autorisation du Président, exercer ses fonctions hors le siège du Tribunal si l’intérêt de la justice le commande.

Article 54

Dispositions générales

À la demande d’une des parties ou de sa propre initiative, un juge ou une Chambre de première instance peut délivrer les ordonnances, citations à comparaître, assignations, mandats et ordres de transfert nécessaires aux fins de l’enquête, de la préparation ou de la conduite du procès.

Article 90

Témoignages

A) En principe, les Chambres entendent les témoins en personne, à moins qu’une Chambre n’ordonne qu’un témoin dépose selon les modalités prévues à l’article 71.

...

L’article 89 A) et  B) est libellé comme suit :

Article 89

Dispositions générales

A) En matière de preuve, les règles énoncées dans la présente section s’appliquent à toute procédure devant les Chambres. La Chambre saisie n’est pas liée par les règles de droit interne régissant l’administration de la preuve.

B) Dans les cas où le Règlement est muet, la Chambre applique les règles d’administration de la preuve propres à parvenir, dans l’esprit du Statut et des principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause.

7. Les deux paragraphes de ce dernier article montre clairement que les articles 89 à 98 gouvernant l’administration de la preuve régissent les procédures devant les Chambres mais qu’ils ne sont pas exhaustifs. Les Chambres ne sont pas liées par les règles de droit interne en matière d’administration de la preuve, mais la présente Chambre de première instance est d’avis qu’elles peuvent, au besoin, s’inspirer des règles nationales. Ainsi, les Chambres ont toute latitude pour appliquer les règles de preuve jugées idoines pour statuer sur les questions dont elles sont saisies. En tout état de cause, les lois nationales envisagées devront concorder avec l’esprit du Statut et les principes généraux de droit.

8. L’expression "principes généraux du droit" figurant à l’article 89 B) est semblable à celle utilisée à l’article 38 1) c) du Statut de la Cour internationale de justice, sans les derniers mots "reconnus par les nations civilisées" qui, d’ailleurs, ne modifient pas le fond. L’article 38 1) c) du Statut de la CIJ a été interprété comme englobant les lois reconnues dans le droit interne de tous les États civilisés. (Voir Guggenheim, 94 Hague Recueil [ 1958, II] , 78). D’après Oppenheim, "l’intention est de permettre à la Cour d’appliquer les principes généraux de la jurisprudence interne, en particulier ceux du droit privé, dans la mesure où ils sont applicables aux relations entre États. (Voir Oppenheim - International Law : A treatise, Volume 1, 8th ed. 1955, 29)

9. Les Juges du Tribunal international étaient conscients du caractère limité du Règlement qu’ils rédigeaient et de l’impossibilité patente de prévoir toutes les situations auxquelles un tribunal international comme celui-ci pouvait être confronté. Ils ont donc délibérément laissé la porte ouverte à l’application du droit interne lorsque celui-ci pourrait aider la Chambre de première instance à se prononcer. Cette opinion se fonde sur l’article 89 B) : "Dans le cas où le Règlement est muet..." Or, il est clair que le témoignage par vidéoconférence n’est pas prévu par le Règlement. Il est donc approprié de s’appuyer sur la jurisprudence des principaux systèmes juridiques lorsqu’ils sont applicables.

10. Il apparaît donc indéniable à la Chambre de première instance que l’intention inconditionnelle de l’article 89 B) du Règlement est de permettre aux Chambres d’appliquer les principes généraux de la jurisprudence interne, dans la mesure où ils sont applicables en la matière et où ils sont en accord avec le Statut. Par conséquent, la Chambre de première instance est libre d’appliquer les dispositions régissant l’administration de la preuve dans les principaux systèmes juridiques compatibles avec le Statut.

11. L’article 89 B) du Règlement a été interprété dans l’Opinion séparée de M. le Juge Stephen sur la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de production de dépositions de témoins (le Procureur c/ Duško Tadic (IT-94-1-T), 27 novembre 1996, RG D15331-D15341, page 6) en ces termes :

Quand un nombre appréciable de systèmes juridiques bien établis adoptent une solution particulière à un problème, on est justifié de considérer que cette solution intéresse quelque principe général de droit comme visé à l’article 89 B) du Règlement.

12. L’argument central de la Défense est que le principe de la présence physique du témoin devant la Chambre de première instance est le garant essentiel de la validité du témoignage. Ainsi, la violation de ce principe reviendrait à léser les droits de l’Accusé garantis par l’article 21 4) e). La Défense avance, en outre, que l’accusé est privé de son droit de confronter celui qui l’incrimine lorsque le témoin ne dépose pas en personne devant la Chambre de première instance.

13. Il est incontestable qu’en vertu des principes énoncés à l’article 21 4) e) du Statut, la présence physique de tous les témoins déposant devant la Chambre de première instance est requise durant leur témoignage. Il convient donc de rappeler ici les dispositions de l’article 90 A) du Règlement :

A) En principe, les Chambres entendent les témoins en personne à moins qu’une Chambre n’ordonne qu’un témoin dépose selon les modalités prévues à l’article 71.[ Non souligné dans le texte] .

14. Si l’article 90 A) du Règlement requiert explicitement la présence physique du témoin devant la Chambre de première instance lorsqu’il témoigne, il n’en autorise pas moins, dans certains cas, qu’il soit entendu selon les modalités prévues à l’article 71 du Règlement. Il ne s’agit pas là de la seule exception. Au terme de l’article 75 B) iii) du Règlement, la Chambre de première instance prévoit des mesures visant à faciliter la déposition de victimes et témoins vulnérables, telle la mise en oeuvre d’un circuit de télévision fermé unidirectionnel. Ainsi, il existe des exceptions à la règle générale ne portant pas atteinte aux droits de l’accusé visés à l’article 21 4) e).

15. Nous devons souligner ici de nouveau l’importance de la règle générale exigeant la présence du témoin au prétoire, destinée à garantir la confrontation entre témoin et accusé, et à permettre aux Juges d’observer l’attitude du témoin durant son audition. Cependant, chacun sait que les vidéoconférences ne permettent pas seulement aux Chambres d’entendre les personnes se trouvant dans l’impossibilité de venir témoigner devant la Chambre de première instance à La Haye ou ne le souhaitant pas; ce moyen permet aussi aux juges d’observer l’attitude du témoin à la barre. De plus, point important, il convient de souligner que le Conseil de la Défense peut ainsi mener son contre-interrogatoire du témoin et que les Juges ont tout loisir de poser des questions pour clarifier les faits sur lesquels porte le témoignage. En fait, une vidéoconférence n’est que l’extension de la Chambre de première instance au lieu où se trouve le témoin. Donc, ce moyen ne prive pas l’accusé du droit de confronter le témoin, et il ne perd rien de substantiel du fait de l’absence physique de celui-ci. En fin de compte, on ne saurait soutenir que les dépositions par vidéoconférence lèsent le droit de l’accusé de confronter le témoin. L’article 21 4) e) n’est enfreint d’aucune manière.

16. Les décisions antérieures d’une Chambre de première instance rendues dans une autre affaire, ne sont pas opposables à priori en l’espèce. le Tribunal international s’attache à remplir sa mission dans un esprit novateur, sans oublier que chaque affaire, chaque cas dont il a à connaître présente des circonstances propres requérant des solutions spécifiques. Néanmoins, il est vrai que lorsque la Chambre de première instance est appelée à examiner une requête semblable à une autre ayant déjà fait l’objet d’une décision, elle peut s’y référer pour se former une opinion. Si certains motifs justifient de s’écarter, en tout ou en partie, de la décision antérieure, la Chambre de première instance est libre de le faire. Si, par contre, ces motifs n’existent pas, elle peut juger bon de conserver la même approche que celle définie par la décision précédente. En l’espèce, la Chambre de première instance juge opportun de s’en tenir aux conditions et à la ligne directrice définies dans la Décision Tadic.

17. Le recueil d’un témoignage par vidéoconférence constitue une exception à la règle générale. La Chambre de première instance aura donc soin d’éviter tout recours abusif à cet expédient. La Chambre de première instance (composée de son Président, Mme le Juge McDonald, et des Juges Stephen et Vohrah) a déclaré, dans la Décision Tadic, que le témoignage par liaison vidéo ne sera autorisé que si a) ladite déposition est suffisamment importante pour que son absence entache les poursuites d’iniquité, et b) le témoin n’est pas en mesure ou refuse, pour de bonnes raisons, de venir au Tribunal international à La Haye (paragraphe 19). La présente Chambre retient les conclusions de cette Décision et rappelle que, étant donné les circonstances particulières entourant ce Tribunal international, "il est dans l’intérêt de la justice que la Chambre de première instance fasse preuve de souplesse et s’efforce de fournir aux parties la possibilité de présenter des témoignages par liaison vidéo" (Décision Tadic, paragraphe 18). La Chambre de première instance estime opportun d’ajouter une troisième condition, à savoir : c) le droit de l’accusé de confronter le témoin ne sera pas lésé de ce fait.

18. La Chambre de première instance remarque par ailleurs qu’aux termes de la Décision Tadic, la valeur probante du témoignage recueilli par vidéoconférence est moindre que celle du témoignage au prétoire (voir paragraphe 21). La distance séparant le témoin de l’atmosphère solennelle de l’audience et le fait qu’il ne puisse voir que les personnes sur lesquelles la caméra est pointée, et non l’ensemble des présents, peuvent diminuer la confiance inspirée par son témoignage. La Chambre de première instance approuve ce principe général, tout en considérant qu’il revient à la Chambre d’en estimer la portée, lorsqu’elle doit se prononcer sur la crédibilité de l’ensemble du témoignage.

19. Il convient de souligner, pour mieux comprendre le contexte, que les dispositions de l’article 21 4) e) du Statut, dérivées de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ne prévoient pas la possibilité de témoigner par vidéoconférence. L’article 89 B) du Règlement a cependant été rédigé avec sufisamment de sagacité pour prévoir l’extension des règles gouvernant l’administration de la preuve à des situations nouvelles n’ayant pas été envisagées.

20. La Chambre de première instance est convaincue que les dépositions des témoins K et L sont suffisamment importantes pour l’Accusation et qu’il serait injuste de les omettre pour la seule raison qu’il est difficile de faire venir ces personnes à La Haye pour y témoigner. Les témoins K et L seraient d’anciens détenus du camp de ^elebici. Ils doivent apporter une preuve directe de nombreux actes allégués sous divers chefs de l’Acte d’accusation. La Chambre de première instance accepte les conclusions de l’Accusation, à savoir que l’état de santé censé rendre le déplacement impossible concerne bien l’un des témoins et son fils. Leur état critique et les circonstances font qu’ils ne souhaitent pas se rendre au siège du Tribunal international.

21. La Décision Tadic définit des directives pour garantir que la vidéoconférence est un moyen sûr et pratique de recueillir les témoignages. Le paragraphe pertinent de cette Décision est le suivant :

22. La Chambre de première instance prend acte de la nécessité de fournir des directives en vue d’assurer le déroulement harmonieux de l’instance quand un témoignage est présenté par liaison vidéo. Premièrement, la partie requérant le témoignage par voie de vidéoconférence doit prendre les dispositions en vue de trouver un endroit approprié au déroulement de la procédure. le lieu doit être propice à la présentation d’un témoignage véridique et libre. De surcroît, la sécurité et la solennité de la procédure en ce lieu doivent être garanties. La partie non requérante et le Greffe doivent être informés à chaque stade des mesures prises par la partie requérante et doivent accepter le lieu proposé. S’il s’avère impossible de convenir d’un endroit approprié, la Chambre de première instance entendra les parties et le Greffe, et rendra une décision finale. Les lieux ci-après devraient être utilisés de préférence : 1) une ambassade ou un consulat, 2) les bureaux du Tribunal international à Zagreb ou Sarajevo, ou 3) les locaux d’une juridiction. Deuxièmement, la Chambre de première instance mandatera un officier instrumentaire en vue de garantir que le témoignage est donné librement par le témoin de son plein gré. L’officier instrumentaire identifiera les témoins et expliquera la nature de la procédure et l’obligation de dire la vérité. Il avertira les témoins qu’ils sont passibles de poursuites pour faux témoignage, administrera la prestation de serment et tiendra la Chambre de première instance constamment informée des conditions de l’endroit. Troisièmement, à moins que la Chambre de première instance n’en décide autrement, le témoignage sera présenté en la présence physique du seul officier instrumentaire et, le cas échéant, d’un membre du personnel technique du Greffe. Quatrièmement, les témoins doivent par voie d’un écran, être en mesure de voir, à divers moments, les Juges, l’accusé et la personne procédant à l’interrogatoire; de même, les Juges, l’accusé et la personne procédant à l’interrogatoire doivent chacun être à même d’observer le témoin sur leur écran. Cinquièmement, une déposition faite sous déclaration solennelle par un témoin sera réputée effectuée dans le prétoire et le témoin sera passible de poursuites pour faux témoignage exactement au même titre que s’il avait témoigné au siège du Tribunal international.

La Chambre de première instance s’assurera que ces directives sont suivies scrupuleusement en l’espèce.

IV. DISPOSITIF

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE,

PAR CES MOTIFS,

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 54 DU RÈGLEMENT,

ACCÈDE à la Requête de l’Accusation en ce qui concerne les témoins K et L, sous réserve que le matériel nécessaire puisse être mis à la disposition du Tribunal international.

ENJOINT au Greffier de prendre toutes les mesures raisonnables en fonction des circonstances en l’espèce pour garantir que les directives définies dans la Décision Tadic, visée ci-dessus, sont respectées.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre

______________________

Adolphus G. Karibi-Whyte

Le 28 mai 1997

La Haye

(Pays-Bas)

[ Sceau du Tribunal]