LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit : M. le Juge Adolphus G. Karibi-Whyte, Président

Mme le Juge Elizabeth Odio Benito

M. le Juge Saad Saood Jan

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Ordonnance rendue le : 25 juin 1998

 

LE PROCUREUR

C/

ZEJNIL DELALIC
ZDRAVKO MUCIC alias "PAVO"
HAZIM DELIC
ESAD LANDZO alias "ZENGA"

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ORDONNANCE ACCORDANT UN SAUF CONDUIT
À CERTAINS TÉMOINS À DÉCHARGE

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Le Bureau du Procureur :

M. Grant Niemann

Mme Teresa McHenry

M. Giuliano Turone

Le Conseil de la Défense :

Mme Edina Residovic, M. Ekrem Galijatovic, M. Eugene O’Sullivan, pour Zejnil Delalic

M. Zeljko Olujic, M. Tomislav Kuzmanovic, pour Zdravko Mucic

M. Salih Karabdic, M. Thomas Moran, pour Hazim Delic

Mme Cynthia McMurrey, Mme Nancy Boler, pour Esad Landzo

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 ("Tribunal international") ;

VU la Requête déposée à titre confidentiel le 12 juin 1998 par l’accusé Esad Landzo aux fins d’obtenir un sauf conduit pour certains témoins à décharge (Répertoire général du greffe ("RG"), cote D6626-D6631, version originale en anglais) ("Requête"), dans laquelle le Conseil de la Défense de M. Landzo demande que huit de ses témoins soient protégés par un sauf conduit ;

VU la Réponse du Procureur à la Requête du défendeur Esad Landzo aux fins d’obtenir un sauf conduit pour certains témoins à décharge, réponse déposée le 22 juin 1998 (RG, cote D6670-D6673, version originale en anglais), dans laquelle le bureau du Procureur ("Accusation") renvoie la question de l’accord d’un sauf conduit aux témoins à la Chambre de première instance et fait remarquer que nombre d’entre eux sont considérés comme suspects par l’accusation, qu’ils ont été interrogés à ce titre et demande que ces témoins soient informés que l’immunité garantie par un sauf conduit ne couvre pas la déposition qu’ils pourraient faire et qui pourra être utilisée à leur encontre ;

VU les exposés portant sur la Requête durant l’audience du 23 juin 1998 ;

ATTENDU que la Requête demande l’octroi d’un sauf conduit de même nature que celui accordé par la Chambre de première instance II le 25 juin 1996 dans sa Décision relative aux requêtes de la défense aux fins de citer à comparaître et de protéger les témoins à décharge et de présenter des témoignages par vidéoconférence, Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire No. IT-94-1-T (RG, cote D9163-9178) ("Décision Tadic") et demande notamment que le sauf conduit soit accordé pour une période de quinze jours avant la déposition des témoins et quinze jours après celle-ci ;

ATTENDU que la Chambre de première instance II a rendu, le 12 juin 1998, une Ordonnance relative à la requête de la Défense aux fins de sauf conduit dans l’affaire Le Procureur c/ Slavko Dokmanovic, affaire No. IT-95-13a-T (RG, cote D3-1/7719bis) qui accordait un sauf conduit à un témoin pour une période de sept jours précédant la déposition du témoin et de sept jours suivant celle-ci ;

ATTENDU que la Décision Tadic établissait qu’il est possible d’ordonner un sauf conduit, bien qu’il ne soit pas prévu par le Statut et le Règlement de procédure et de preuve ("Règlement") en se fondant sur le pouvoir général conféré par l’article 54 du Règlement ;

ATTENDU, EN OUTRE, qu’"une ordonnance de sauf-conduit ne confère qu’une immunité extrêmement limitée à l’encontre des poursuites" et porte seulement "sur les crimes relevant de la compétence du Tribunal international [ commis avant de venir au Tribunal international] et seulement pendant la présence du témoin au siège du Tribunal international pour témoigner" (Décision Tadic, paragraphe 12) ;

ATTENDU qu’il est crucial pour l’administration de la justice que les témoins se présentent en personne devant le Tribunal international,

EN APPLICATION de l’article 54 du Règlement,

FAIT DROIT à la Requête dans les termes ci-dessous et ORDONNE comme suit :

1) l’Accusation ne poursuivra pas, ne détiendra et ne restreindra en aucune façon la liberté personnelle des témoins désignés en annexe à la Requête, tant que lesdits témoins se trouveront aux Pays-Bas, qu’ils s’y rendront ou en reviendront dans le but de témoigner devant le Tribunal international, à raison des actes relevant de la compétence du Tribunal international et présumés commis avant qu’ils ne quittent leur pays d’origine ;

2) la citation à comparaître signifiée aux témoins comprendra une clause précisant que le sauf conduit n’interdit pas les poursuites pour des crimes que les témoins pourraient commettre après avoir quitté leur pays d’origine et durant leur séjour aux Pays-Bas ainsi qu’une autre clause stipulant que l’immunité ne couvre pas leur déposition devant la Chambre de première instance et que toute déclaration sera enregistrée et pourra par la suite être utilisée comme moyen de preuve à leur encontre, sous réserve des dispositions de l’article 90 F) du Règlement ;

3) la validité du sauf-conduit est limitée à sept jours avant et sept jours après l’audition de chaque témoin, pour autant que sa présence n’est plus requise par le Tribunal international. En cas de maladie empêchant les témoins de quitter les Pays-Bas, le sauf-conduit restera valable sept jours à compter du moment où ils seront à nouveau en mesure de voyager de façon à ce qu’ils puissent regagner leur pays d’origine. En cas de détention des témoins pour un crime présumé commis aux Pays-Bas, le sauf-conduit commencera à courir de la date de leur libération de prison, pour une période de sept jours, afin de leur permettre de rejoindre leur pays d’origine ;

4) le témoin ne pourra se déplacer qu’entre le point d’entrée ou de sortie du pays et son lieu d’hébergement, dans un rayon limité autour de son lieu d’hébergement et entre celui-ci et le Tribunal international.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

 

 

Le Président de la Chambre

de première instance

(signé)

Juge Adolphus G. Karibi-Whyte

Fait le 25 juin 1998

La Haye (Pays-Bas)

[ Sceau du Tribunal]