LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
M. le Juge Fouad Riad
M. le Juge Wang Tieya
M. le Juge Rafael Nieto-Navia
M. le Juge Mohamed Bennouna

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Ordonnance du :
24 juin 1999

LE PROCUREUR

C/

Zejnil DELALIC, Zdravko MUCIC alias "PAVO", Hazim DELIC
et Esad LANDZO alias "ZENGA"

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ORDONNANCE RELATIVE A LA REQUÊTE AUX FINS DE RÉVOCATION DE CONSEIL MOTIVÉE PAR UN CONFLIT D’INTÉRÊT

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Le Bureau du Procureur :

M. Yapa Upawansa
M. Christopher Staker
M. Rodney Dixon

Le Conseil de la Défense :

M. John Ackerman pour Zejnil Delalic
Mme Nihada Buturovic et M. Howard Morrison pour Zdravko Mucic
M. Salih Karabdic et M. Thomas Moran, pour Hazim Delic
Mme Cynthia Sinatra et M. Peter Murphy pour Esad Landzo

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal International ») ;

VU la « Requête de révocation en tant que Conseil motivée par un conflit d’intérêt » (la « Requête ») déposée le 17 juin 1999 par M. Tom Moran, co-conseil de Hazim Delic, sollicitant d’être immédiatement révoqué en tant que co-conseil de l’accusé pour la raison qu’il ne pourrait apporter une aide efficace à Hazim Delic sans risquer son emploi :

VU la « Réponse de l’Accusation à la Requête aux fins de la révocation de conseil motivée par un conflit d’intérêt et la Nouvelle demande d’extension du délai de dépôt du mémoire d’appel » déposée le 22 juin 1999 ;

VU l’Ordonnance du 12 février 1999 prévoyant que les appelants, notamment Hazim Delic, pourront déposer leurs mémoires d’appel jusqu’au 2 juillet 1999 ;

VU le Code de déontologie pour les avocats comparaissant devant le Tribunal International, qui impose au Conseil de :

  1. représenter son client tant que ce dernier ne met pas dûment fin à son mandat ou que le Conseil n'est pas autrement dessaisi de sa fonction avec le consentement du Tribunal (article 4(1)),
  2. ne pas compromettre son indépendance, son intégrité et ses standards sous l'effet de pressions extérieures (article 5(e)),
  3. à moins qu'il ne soit mis fin à la mission de représentation, conduire à leur terme toutes les démarches entreprises pour le client dans le cadre de son mandat (article 6) ;

VU qu’en application de l’article 20 de la Directive relative à la commission d’office de Conseil de la défense, le Greffier est habilité en premier ressort à révoquer la commission d’office d’un co-conseil dans des circonstances exceptionnelles et que si cette demande est refusée la personne l’ayant présentée peut formuler un recours auprès du Président ;

VU qu’en application de l’article 21(A) de la Directive relative à la commission d’office de Conseil de la défense, le Conseil commis ne peut, nonobstant la révocation de sa commission par le Greffier ou l’interruption de ses services, cesser d’agir pour le client sans que le Tribunal n’ait procédé à son remplacement ou bien que le client ait déclaré par écrit son intention d’assurer lui-même sa défense ;

VU le pouvoir inhérent du Tribunal découlant de sa fonction judiciaire et des dispositions des articles 20 et 21 de son Statut, de faire en sorte que ses instances se déroulent de manière que justice soit faite et, en particulier au plan procédural, que le procès soit équitable et rapide ;

ATTENDU que cette faculté, eu égard à la révocation d’un Conseil, a été exercée par la Chambre d’Appel dans son « Arrêt relatif à la requête d’Esad Landzo aux fins de la révocation de M. John Ackerman, Conseil en Appel de Zejnil Delalic », en date du 6 mai 1999 ;

ATTENDU qu’il ne convient généralement pas qu’une chambre examine une Requête aux fins de révocation de conseil commis d’office tant que cette requête n’a pas été présentée au Greffier et rejetée par lui, et que cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours auprès du Président, qui l’aura confirmée ;

ATTENDU toutefois que dans les circonstances spécifiques en l’espèce, avec la brièveté du délai entre le dépôt de la demande et la date limite de dépôt du mémoire de l’appelant Hazim Delic, il convient d’étudier la Requête au fond sans attendre le déroulement de la procédure susmentionnée ;

ATTENDU que les allégations sur lesquelles s’appuie la Requête ne sont pas prouvées ;

ATTENDU que, même si elles l’étaient, elles ne constitueraient pas un fondement acceptable à la révocation de la commission de M. Morgan quelques jours seulement avant la date limite de dépôt du mémoire de l’appelant Hazim Delic, et qu’aller en ce sens au motif des intérêts personnels de M. Morgan serait contraire aux obligations du conseil aux termes du Code de déontologie pour les avocats comparaissant devant le Tribunal International, ainsi qu’aux intérêts de son client et de la justice ;

REJETTE LA DEMANDE

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

(Signé)
David Hunt
Juge

Le vingt-quatre juin 1999
La Haye, Pays-Bas

(Sceau du Tribunal)