Page 488
1 Mardi 18 mars 1997
2 L'audience est ouverte à 10 heures 11.
3 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et
4 Messieurs. Hier, avant de lever l'audience, l'accusation a demandé que
5 certaines mesures soient prises pour l'interrogatoire du témoin à charge.
6 Personne ne s'est opposé aux mesures demandées par l'accusation, à savoir
7 que certains éléments de la déposition ne devraient pas être divulgués au
8 public.
9 Puisque nous sommes d'accord sur ce point, nous pouvons
10 maintenant commencer, ou poursuivre, l'interrogatoire du témoin.
11 L'accusation peut donc faire entrer son témoin, sous réserve de
12 l'application de l'article 79.
13 (M. Tapuskovic se lève).
14 Je n'ai pas l'habitude que les conseils se lèvent lorsque le
15 juge parle. Je ne vous ai pas demandé de vous lever. Vous n'avez pas
16 demandé à parler. Ce n'est pas une façon d'agir. Je parlais lorsque vous
17 vous êtes levé. Je parlais de la demande présentée par l'accusation.
18 L'accusation a la parole.
19 Mme McHenry (interprétation). - Nous sommes prêts à poursuivre,
20 Monsieur le Président, et nous voudrions que la partie initiale de la
21 déposition de Mme Cecez, qui ne prendra pas plus de 10 minutes, je pense,
22 se fasse à huis clos, de sorte qu'il ne soit pas possible pour le public
23 d'entendre ce qui va se dire. En effet, des noms seront prononcés, ainsi
24 que d'autres éléments faisant l'objet de mesures de protection.
25 M. le Président (interprétation). - Est-ce que des dispositions
Page 489
1 peuvent être prises en ce sens ?
2 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président,
3 excusez-moi. J'ai demandé la parole en levant la main. Je voudrais
4 simplement vous dire bonjour au nom de mon nouveau confrère qui, à partir
5 d'aujourd'hui, m'assistera. Il s'agit de M. Greaves, qui vient de Grande-
6 Bretagne. C'est tout ce que je voulais vous dire. Je n'avais absolument
7 pas l'intention de troubler la procédure. Je vous remercie de me donner la
8 possibilité de présenter M. Greaves.
9 Mira Tapuskovic aura le statut de conseiller juridique à mes
10 côtés.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je voulais
12 simplement éclaircir le malentendu, puisque les conseils n'ont pas à
13 constamment se lever lorsque le juge parle.
14 M. Greaves (interprétation). - C'est un grand plaisir d'être ici
15 présent au Tribunal.
16 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire entrer le
17 témoin ?
18 (Le témoin, Mme Cecez, est introduit dans la salle d'audience).
19 (Audience à huis clos partiel)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 490
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 491
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 492
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 493
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 494
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 Audience publique.
9 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, il y a quelques
10 minutes, et hier, vous avez témoigné, parlé d'Hazim Delic. Vous avez dit
11 qu'il vous avait violée. Ai-je raison de dire que la première fois que
12 vous avez vu Delic et qu'il vous a violée, vous ne saviez pas qui
13 c'était ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Je ne savais pas qui c'était,
15 mais je l'ai appris peu de temps après.
16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire comment
17 vous avez su l'identité de la personne qui vous avait violée ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Les femmes de Bradina étaient
19 déjà arrivées et quelqu'un à l'entrée cherchait Hazim Delic et il est
20 apparu. C'est comme cela que j'ai su que c'était l'homme qui boitait, qui
21 portait une béquille.
22 Mme McHenry (interprétation). - Le jour après le viol, à quelle
23 occasion avez-vous revu M. Hazim Delic ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Je l'ai revu très fréquemment car
25 il allait et venait fréquemment quand j'allais aux toilettes, je regardais
Page 495
1 par la fenêtre. Il était toujours aux alentours. Il ne quittait pas le
2 camp. Il se trouvait essentiellement dans le camp.
3 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous entendu son nom à
4 d'autres occasions également ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, souvent. On appelait
6 Hazim, on disait qu'il était agressif. On avait peur de lui. Je sais
7 comment il traitait les femmes en tout cas et donc on se le signalait
8 quand il arrivait.
9 Mme McHenry (interprétation). - A-t-il continué à utiliser une
10 béquille pendant tout le temps où vous l'avez vu, où vous étiez à
11 Celebici ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Non. Je ne sais pas pendant
13 combien de temps il a utilisé une béquille, mais il boitait un petit peu.
14 Mme McHenry (interprétation). - Qu'avez-vous su de la position
15 qu'occupait M. Delic dans le camp ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Nous avons entendu dire que Pavo
17 était l'homme le plus important, Pavo Mucic, et que Delic était son
18 adjoint.
19 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais vu comment les
20 autres gardes se comportaient vis-à-vis de M. Delic ou de Mucic ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Je ne pouvais pas voir. J'ai
22 simplement remarqué qu'ils avaient tous peur de lui. Une fois, j'étais en
23 train de regarder par la fenêtre dans la pièce qui se trouve en face de la
24 nôtre, et un jeune de Bijela, qui jouait de l'accordéon, qui s'appelait
25 Kornic, était en train de réparer un fusil. Comme mon fils jouait aussi de
Page 496
1 l'accordéon, nous nous connaissions bien. Il a demandé comment j'allais,
2 ce que je faisais et où se trouvait mon fils. Donc on a eu une
3 conversation privée, mais Pavo est passé par là, dans une voiture, et il
4 m'a insultée et ce garde en disant que personne ne pouvait me parler. J'ai
5 donc pu voir que les gardes aussi avaient peur de lui.
6 Mme McHenry (interprétation). - Pour revenir à M. Delic un
7 instant, est-ce que M. Delic a pris le café avec vous ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Non, non. Je n'ai pas eu de café
9 pendant tout mon séjour, à l'exception de trois matins où un jeune garde,
10 Baralija, a fait du café, et un autre dont je ne me souviens plus du nom.
11 Quoi qu'il en soit, il surveillait pour le cas où quelqu'un viendrait et
12 j'ai donc eu du café trois matin très tôt, vers 4 heures du matin. Il me
13 réveillait et me donnait du café. C'est la seule fois où j'ai eu du café
14 en trois mois et demi.
15 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, au moment où vous
16 avez été interrogée par les représentants du bureau du procureur, en
17 décembre 1995, est-ce que vous avez donné une description de M. Hazim
18 Delic ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.
20 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez été interrogée par le
21 bureau du procureur, en décembre 1995, madame Cecez ? Par des enquêteurs ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, je pense bien. Oui.
23 Mme McHenry (interprétation). - Et à ce moment-là, avez-vous
24 fait une déposition écrite ?
25 Mme Cecez (interprétation). - J'ai parlé comme je parle
Page 497
1 maintenant et ils ont pris des notes. Cela s'est passé à Boridza* je
2 pense. Je ne me souviens pas de la date exacte. Il y avait des gens qui
3 étaient venus de Belgrade pour prendre nos dépositions.
4 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que vous
5 vous souvenez si en décembre 1995 vous avez été interrogée par Mme Sabine
6 Manke représentant le bureau du procureur du Tribunal ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, je suis venue à
8 La Haye.
9 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous fait une déposition à
10 ce moment-là ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
12 Mme McHenry (interprétation). - Vous souvenez-vous si vous avez
13 donné une description de M. Hazim Delic à ce moment-là ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Je pense que je l'ai fait dans la
15 mesure où je pouvais décrire M. Delic. Je ne suis pas un expert. Je l'ai
16 décrit comme je m'en souvenais.
17 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous le décrire tel que
18 vous vous souvenez de lui ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Il était assez grand, un homme
20 plutôt belle allure, il perdait un peu ses cheveux sur le front. La peau
21 claire. Voilà.
22 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., depuis que vous
23 êtes à La Haye, la semaine dernière, est-ce qu'on vous a montré un album
24 contenant six photos d'hommes différents ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
Page 498
1 Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on demandé si vous
2 reconnaissiez quelqu'un qui ait participé aux événements dont vous aviez
3 parlé ? Vous avez répondu : "non, je ne pense pas, non".
4 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas sûre. Toutes ces
5 photos étaient celles d'hommes plutôt chauves et je n'ai pas pu dire si je
6 reconnaissais quelqu'un. En cinq ans, cette personne a peut-être changé.
7 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, vous avez dit déjà
8 que vous aviez vu Musinovic et Delic la première nuit où vous étiez au
9 camp et que vous aviez parlé à M. Musinovic concernant ce qui vous est
10 arrivé. Est-ce bien juste ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, quand j'ai été libérée nous
12 avons parlé. Il venait et nous en parlions en privé. Il disait qu'il ne
13 savait rien de ce qui se passait.
14 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, pour ce qui
15 concerne Rale Musinovic, en dehors des occasions dont vous avez parlé
16 hier, est-ce qu'il y a eu d'autres moments où vous avez vu M. Rale
17 Musinovic, où vous lui avez parlé au moment où vous vous trouviez à
18 Celebici ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne l'ai jamais revu. Il
20 est parti. Peut-être faisait-il des allées et venues, mais Pavo était là
21 tout le temps et surtout Delic. Il y avait beaucoup de gardiens qui se
22 renouvelaient.
23 Mme McHenry (interprétation). - Pour ce qui concerne M. Rale
24 Musinovic, pouvez-vous estimer le moment à partir duquel vous ne l'avez
25 plus jamais revu au camp ?
Page 499
1 Mme Cecez (interprétation). - Je l'ai vu juste cette première
2 nuit, quand on m'a amenée au camp, le 27. Je ne l'ai pas vraiment revu.
3 Peut-être est-il passé, mais je n'étais pas dehors, donc je ne sais pas
4 s'il était là ou pas. En tout cas il n'est pas venu me voir.
5 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., je voudrais vous
6 poser des questions quant aux conditions de détention générales au camp.
7 Et si le Tribunal me le permet, je voudrais utiliser pour ce faire
8 certaines des pièces à conviction. J'ai reçu des instructions depuis hier
9 pour l'utilisation de ces pièces à conviction.
10 Est-ce que l'huissier pourrait m'aider ? Madame Cecez, lorsque
11 vous avez été interrogée par le bureau du procureur, en décembre 1995,
12 avez-vous dessiné un plan du bâtiment où vous avez été accueillie au
13 camp ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
15 Mme McHenry (interprétation). - Bâtiment d'accueil. Peut-on
16 marquer la pièce comme pièce à conviction 5 aux fins d'identification ?
17 Les conseils de la défense ont déjà reçu copie de ce document. Peut-on
18 mettre le document sur le rétroprojecteur ?
19 Madame Cecez, est-ce que vous reconnaissez ce diagramme comme
20 étant celui que vous avez dessiné en décembre 1995 avec quelques ajouts en
21 rouge, qui sont les traductions de vos indications en serbo-croate ?
22 Pouvez-vous dire "oui" simplement, s'il s'agit bien du diagramme que vous
23 avez dessiné en 1995 ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, c'est bien lui. Je ne
25 suis pas expert, mais je l'ai dessiné comme je m'en souvenais.
Page 500
1 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, je veux d'abord
2 vous demander d'expliquer où se trouvait le bâtiment d'accueil, ce que
3 vous y avez fait, d'abord avec l'aide du diagramme que vous avez dessiné
4 et ensuite avec l'aide de la maquette. D'abord pouvez-vous nous montrer où
5 se trouvait l'entrée du bâtiment d'accueil ?
6 Mme Cecez (interprétation). - C'était ici, l'entrée. Par là il
7 y avait les toilettes.
8 Mme McHenry (interprétation). - Peut-on traduire ce que vient de
9 dire Mme Cecez ?
10 Pouvez-vous nous montrer où se trouvait d'abord l'entrée du
11 camp ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Ici. Juste là.
13 Mme McHenry (interprétation). - Vous nous avez montré l'entrée
14 du camp et quelle est la première pièce dans laquelle on entre lorsqu'on
15 pénètre dans le bâtiment d'accueil ?
16 Mme Cecez (interprétation). - C'est ici, la première pièce.
17 Mme McHenry (interprétation). - Restons-en à la première pièce
18 pour l'instant. Pouvez-vous décrire ce qui se trouve dans cette pièce ?
19 Vous avez marqué là certaines choses.
20 Mme Cecez (interprétation). - Ici, j'ai écrit la fenêtre, par
21 ici c'est la direction de Celebici, et ceci, c'est vers le village. Ici,
22 c'est la fenêtre par laquelle je voyais le bâtiment n° 9. Et c'est là que
23 les gens de Bradina surtout étaient détenus.
24 Mme McHenry (interprétation). - Le bâtiment n° 9 est l'endroit
25 où se trouvaient surtout les gens de Bradina, n'est-ce pas ?
Page 501
1 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, surtout de Bradina.
2 Mme McHenry (interprétation). - Et par la fenêtre que vous venez
3 d'indiquer, vous pouviez voir vers le tunnel. Est-ce bien cela ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je voyais l'entrée du tunnel.
5 Et quand j'osais regarder, je voyais des gens aller et venir.
6 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer
7 toujours dans cette pièce s'il y avait des portes ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Oui, il y avait cette porte que
9 nous utilisions, et là il y avait une autre porte, mais on ne pouvait pas
10 l'ouvrir, parce que le long du mur il y avait un lit et une espèce de
11 fourneau qui bloquaient la porte. Donc on ne pouvait pas l'utiliser, on
12 rentrait par ici. On utilisait ensuite cette porte, et là, il y avait une
13 fenêtre avec des barreaux.
14 Et là, cet objet, dont je ne connais pas le nom, qui permet de
15 ranger des fusils.
16 Mme McHenry (interprétation). - Et lorsque vous aviez besoin
17 d'aller aux toilettes, madame Cecez, est-ce que vous pouvez nous montrer
18 comment vous y alliez ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Tout simplement, on passait par
20 cette porte et puis par ici, et j'utilisais les toilettes ici. C'est comme
21 ça que quelquefois, à la sortie des toilettes, je pouvais regarder par la
22 fenêtre à gauche et voir ce qui se passait à l'extérieur.
23 Mme McHenry (interprétation). - Et la pièce dans laquelle vous
24 dormiez, est-ce que c'est bien la pièce dans laquelle à un certain moment
25 vous étiez sept femmes ensemble ? Où se trouve la pièce où vous dormiez,
Page 502
1 madame Cecez ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Ici. C'est dans cette pièce-là que
3 nous dormions.
4 Mme McHenry (interprétation). - Toutes les femmes ont été
5 détenues dans cette pièce ensemble. C'est bien cela ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
7 Mme McHenry (interprétation). - Où est-ce que vous mangiez
8 madame Cecez ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Ils nous apportaient de la
10 nourriture par cette fenêtre. Ils nous appelaient, on sortait, on passait
11 dans cette pièce, on ramassait la nourriture, et puis on rentrait de
12 nouveau et on mangeait.
13 Mme McHenry (interprétation). - Où est-ce que vous vous laviez,
14 madame Cecez ?
15 Mme Cecez (interprétation). - On n'avait pas de quoi se laver,
16 puisqu'il n'y avait pas d'eau chaude. Il n'y avait pas d'électricité dans
17 notre bâtiment, donc on ne pouvait pas se laver. On avait un bocal en
18 plastique -je ne me souviens pas très bien de son apparence, mais je crois
19 qu'il était bleu- et donc c'est là que nous lavions notre linge.
20 Le soir, nous n'osions pas sortir de notre pièce, donc nous
21 satisfaisions nos besoins personnels dans ce bocal et comme ça. Pendant
22 mon séjour, nous avons été cinq dans la pièce pendant une nuit, et une
23 autre nuit même sept. Moi, j'ai passé trois mois et demi dans cet endroit.
24 On a reçu simplement deux savons et une tasse et demi de lessive. Rien
25 d'autre.
Page 503
1 Mme McHenry (interprétation). - Je vais vous demander
2 maintenant, madame Cecez, de vous servir de la maquette du bâtiment qui se
3 trouve à votre gauche, la pièce enregistrée comme pièce à conviction 2A,
4 et je vous demanderai d'utiliser un pointeur pour répondre à mes questions
5 en vous servant de cette maquette.
6 Madame Cecez, je vais vous demander de vous servir de cette
7 maquette de taille plus importante. Est-ce que l'huissier peut vous
8 montrer la pièce à conviction 2A ? Est-ce que vous pouvez nous montrer où
9 se trouve l'entrée du bâtiment dans lequel vous dormiez ?
10 Je vous prierai, madame Cecez, de vous servir de la maquette du
11 bâtiment d'accueil, de nous dire où étaient l'entrée, les fenêtres, les
12 portes.
13 Peut-être peut-elle utiliser les écouteurs de la table.
14 Est-ce que vous m'entendez madame Cecez ? Je crois qu'elle
15 devrait pouvoir utiliser le micro fixe, ce n'est pas si loin.
16 Est-ce que vous pouvez vous servir de cette maquette, je vous
17 prie, madame Cecez, pour nous montrer où se trouvait l'entrée du
18 bâtiment ?
19 Mme Cecez (interprétation). - L'entrée était là. Il y avait des
20 marches, si je me souviens bien. On entrait par là, il y avait cette pièce
21 avec des fenêtres qui n'avaient pas de barreaux. Donc on pouvait les
22 ouvrir. Nous nous servions de cette porte pour passer dans l'autre pièce
23 et ici se trouvait le lit. C'est là que je dormais. Là, il y avait des
24 matelas.
25 Cette porte était fermée, parce qu'à ce moment-là il y avait le
Page 504
1 lit et le fourneau qui bloquaient cette porte qu'on ne pouvait pas ouvrir.
2 Et la porte ici s'ouvrait vers l'extérieur.
3 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous
4 montrer les toilettes et le lavabo ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Ici se trouvaient le lavabo
6 et puis ce petit chauffe-eau. Plus tard, ils ont branché l'électricité,
7 donc on a eu de l'eau chaude. Là se trouvaient les toilettes, mais ce
8 n'étaient pas des toilettes modernes, c'était des toilettes à la turque.
9 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.
10 Madame Cecez, est-ce que vous pouvez nous parler de la
11 nourriture que vous receviez ? Quel genre de nourriture ? Combien de
12 nourriture avez-vous reçu pendant votre séjour au camp ?
13 Mme Cecez (interprétation). - La nourriture était vraiment de
14 très mauvaise qualité. Ce n'était pas normal. C'est ce qui nous manquait
15 le plus. Pendant 42 jours, nous n'avons pratiquement rien reçu. Je m'en
16 souviens bien.
17 Mais nous, au moins, nous recevions de l'eau, alors que les
18 hommes n'en recevaient pas. Et Milojka, cette femme qui était avec moi, a
19 fini par ne plus tenir debout. Le quatrième jour, elle a dit : "Je vais me
20 mettre à genoux devant Delic pour qu'il me donne simplement la croûte du
21 pain. Seulement la croûte du pain !". Elle parlait très faiblement. Moi,
22 j'étais plus forte, j'étais encore debout, et plus tard je lui ai donné ma
23 nourriture.
24 Mais ce qu'on nous donnait à manger, ce n'était qu'une espèce de
25 petite soupe claire, avec un peu de haricots secs. Vraiment, la nourriture
Page 505
1 était de très mauvaise qualité.
2 Plus tard, ils ont donné l'autorisation que de la nourriture
3 nous soit apportée plus souvent. Hazim Delic, quand il voyait que la
4 nourriture m'était destinée, me la jetait par la fenêtre. Moi, vraiment
5 j'avais maigri, j'avais perdu plusieurs kilos, je me sentais terriblement
6 mal.
7 Mme McHenry (interprétation). - Que voulez-vous dire, madame
8 Cecez, lorsque vous dites qu'il vous jetait la nourriture ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, ma soeur -j'avais une
10 soeur qui était à Bodzani*, je ne sais pas quelle est la distance, je
11 crois que Bodzani se trouve sans doute à 10 kilomètres ou même un peu plus
12 que cela de Celebici- elle m'a apporté de la nourriture et a demandé qu'on
13 donne cette nourriture à Grozda. La réponse a été : "A quoi ça peut lui
14 servir puisqu'on va la fusiller ?" et il a jeté la nourriture de l'autre
15 côté de la route. Elle, elle n'a pas osé résister, elle a eu peur, elle
16 s'est sauvée.
17 Et Hazim Delic se tenait près d'une voiture. Il y avait une
18 femme qui se trouvait là, qui était très faible, mais qui, dès qu'Hazim
19 Delic s'éloignait de la voiture, prenait un peu de courage et courait pour
20 ramasser cette nourriture qui était par terre et me la passait par la
21 fenêtre.
22 Mais pendant mon séjour, on n'autorisait personne à rentrer dans
23 le bâtiment. Personne n'avait le droit de me parler. Mais il y en avait
24 qui me parlaient à voix basse. Moi je me suis dit : "si je reste en vie,
25 je n'aurai sans doute plus jamais le courage de parler à haute voix".
Page 506
1 J'avais tellement peur. Et j'imagine facilement quelle était la terreur
2 des autres.
3 Donc vraiment les tortures que nous avons subies étaient
4 terribles. Pendant un mois et demi, je ne me suis pas changée, je n'ai pas
5 changé de vêtements. Et je suis une femme.
6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce qu'il est
7 arrivé qu'un gardien vous apporte un peu plus de nourriture, un
8 supplément ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui, Masic -Que Dieu le protège,
10 lui et sa famille- nous a apporté plusieurs fois des macaronis, un peu de
11 pain. Pour moi, c'était beaucoup de chose. Ce Masic, vraiment, pour nous
12 les femmes en tout cas, a été un homme très bon. Pour les autres, je ne
13 sais pas, mais pour moi je penserai toujours à lui. Pendant toute ma vie,
14 je penserai à lui comme à un homme, un véritable être humain.
15 Mme McHenry (interprétation). - Vous nous avez parlé de la pièce
16 où vous dormiez et vous nous avez parlé des quelques fois où vous vous
17 rendiez aux toilettes. A part cela, est-ce que vous circuliez dans le
18 camp ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je me rappelle une nuit, je
20 crois que c'était à la fin du mois de juillet, je crois que c'était à peu
21 près cela, un gardien est venu me chercher et m'a dit : "La police
22 militaire te demande, Hazim Delic te demande". Moi, j'avais mes règles.
23 J'ai dit : "Je ne peux pas, j'ai mal au ventre, je ne peux aller nulle
24 part". Il est sorti du bâtiment et a sans doute dit que je refusais de
25 sortir, que je ne pouvais pas sortir.
Page 507
1 A ce moment-là, Hazim Delic s'est précipité à l'intérieur. Il a
2 insulté ma mère. Il m'a dit : "Qu'est-ce que tu attends ?". Il m'a saisi
3 par le bras. J'ai mis ces bottes en caoutchouc que j'ai portées pendant
4 tout l'été. Je n'arrivais pas à les enfiler. J'ai pris les chaussures de
5 Milojka. Je ne savais plus où j'en étais. Et lorsque je suis sortie du
6 bâtiment, j'ai vu une voiture bleue qui était tournée dans le sens du
7 tunnel 9.
8 Sok a donné l'ordre qu'on m'accompagne, qu'on m'emmène. J'ai
9 prié Sok de m'épargner. Je lui ai dit: "Fils, écoute, arrête ce que tu es
10 en train de faire". Je pensais qu'on allait en fait me tuer, parce que
11 j'avais entendu parler d'un endroit où on emmenait les gens de chez nous.
12 Et Sok m'a répondu : "On doit y aller, parce que sinon ils me tueront avec
13 toi".
14 Je suis passée devant le tunnel 9. La voiture s'est arrêtée en
15 haut, à côté d'une baraque. La lumière s'est éteinte et lorsqu'on s'est
16 rapproché du bâtiment, j'ai vu trois ou quatre soldats. Je ne me souviens
17 plus exactement combien ils étaient.
18 La lumière s'est éteinte. Un civil s'est approché de moi. Il m'a
19 prise par la main et m'a emmenée à l'intérieur de ce hangar. Dans le
20 hangar, il y avait beaucoup de planches sur le sol, mais lui me
21 conduisait, il savait sans doute où nous allions.
22 Il n'y avait pas de lumière. Nous sommes arrivés dans le hangar.
23 Il y avait un lit. Là, nous nous sommes assis. Il a tout de suite commencé
24 à me toucher. J'ai commencé à pleurer. Je lui ai dit : " Ne me touche pas,
25 j'ai mes règles, et je ne sais même pas ce qui se passe parmi les membres
Page 508
1 de ma famille".
2 Dans la famille Cecez., il y en a au moins cinq qui avaient déjà
3 été tués. Ma serveuse m'avait dit cela, le deuxième ou le troisième jour
4 de mon séjour au camp. Elle m'avait dit : "On a emmené les membres de
5 votre famille".
6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, si vous souhaitez
7 une pause à quelque moment que ce soit, vous pouvez nous le dire et nous
8 ferons une pause.
9 Mme Cecez (interprétation). - Non, non, ce n'est pas un
10 problème. Je peux continuer.
11 Mme McHenry (interprétation). - Qu'est-ce qui s'est passé
12 lorsque vous parliez avec cette personne, au sujet de votre famille,
13 madame Cecez ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Moi je pleurais. Je pensais à
15 Milan Cecez, à Zeljko, à Velo, à Pero, à Mirka, à Vlado, à tous mes Cecez.
16 Je pensais à mon beau-frère, Miso, et je ne savais pas non plus quel était
17 le sort qu'avaient subi mon mari et mon fils.
18 Je pensais à la famille proche, les Nindzic* qui avaient été
19 tués, quatre membres de cette famille avaient été tués. C'était la famille
20 de mon parrain. Il y avait Stevo, le frère... les Kuljanin aussi : Jako,
21 le fils Kuljanin.
22 Je pensais à tous ces gens-là. Je les ai tous mentionnés.
23 Mais lui n'a fait qu'une chose, c'est me répondre :
24 "Ne parlons pas d'eux, parlons de sexe".
25 Il m'a renversée. Il a commencé à me violer. J'avais mes règles.
Page 509
1 J'ai donc pris du sang avec ma main et je l'ai mis sur sa chemise. Je l'ai
2 donc marqué sur la chemise blanche avec du sang. En utilisant ma main
3 droite, je l'ai marqué à l'épaule gauche pour qu'il voie que c'était vrai,
4 que j'avais vraiment mes règles.
5 A la fin, il m'a fait sortir. La voiture a fait demi-tour. Je me
6 suis assise dans la voiture et un jeune homme, dont je ne connais pas le
7 nom mais qui était toujours là, m'a conduite. Et en haut de la route, il y
8 avait des gardiens, à côté du bâtiment d'accueil. Je suis rentrée, je suis
9 allée aux toilettes pour me nettoyer un petit peu. Je suis revenue.
10 Milojka tenait une allumette à la main et elle tremblait de tous ses
11 membres. Elle disait : "Mais où étais-tu ? Est-ce que tu es encore en
12 vie ?"
13 C'est le dernier viol que j'ai subi. Je n'ai plus été violée par
14 la suite, mais j'ai entendu des choses vraiment terribles. Une fois, on
15 m'a fait sortir.
16 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., quand vous étiez
17 à l'intérieur du hangar et que vous nous avez dit que l'homme a commencé à
18 vous violer, pouvez-vous nous dire ce qu'il vous a fait ?
19 Mme Cecez (interprétation). - En gros, il a fait tout ce qu'il
20 voulait. Il a mis son pénis dans mon vagin. Il a atteint le plaisir.
21 C'était Norko Tabak, né en 1950. J'ai obtenu ces détails plus tard. Il
22 avait un enfant. Norko Tabak faisait un peu tout, il réparait les fusils.
23 Plus tard, je l'ai vu aussi. Il avait une voiture de marque Renault. Je
24 pense que c'était sa voiture.
25 Peut-être qu'il y a une chose que je n'ai pas encore dite. La
Page 510
1 troisième nuit, la première fois que je suis rentrée dans ce bâtiment, le
2 troisième jeune homme qui m'a violée s'appelle Ismet. Sa mère est de
3 Celebici, mais il est d'origine albanaise. Donc je peux d'écrire ceux qui
4 m'ont violée tant qu'il y avait de la lumière, mais je ne peux plus rien
5 dire au sujet de ceux qui m'ont violée quand la lumière s'est éteinte.
6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., est-ce que je
7 peux vous poser une autre question ? Est-ce que on vous a fait sortir du
8 bâtiment à quelque moment que ce soit pour vous doucher ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
10 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce qui
11 s'est passé en cette occasion ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Maintenant je vais vous
13 raconter cela.
14 Une fois, alors que les femmes de Bradina étaient encore avec
15 moi, on nous a fait sortir, on nous a dit que des représentants de quelque
16 chose allaient venir, qu'il fallait que nous nous présentions. Pavo Mucic
17 m'a parlé à moi en tout cas, il a également dit sans doute la même chose
18 aux autres femmes. Il a dit : "Il faut que tu ailles te laver". J'ai dit :
19 "Comment est-ce que je peux me laver, je n'ai qu'une robe, je n'ai rien
20 d'autre, je ne peux pas me changer ?" Il a répondu qu'il allait nous
21 emmener le lendemain prendre un bain. Et le lendemain, c'est ce qui s'est
22 passé.
23 Un peu plus tard, ils sont venus me chercher pour prendre un
24 bain. Ils m'ont emmenée dans une baraque. Ils étaient trois ou quatre, je
25 ne sais pas exactement, je ne me souviens pas très bien. Mais enfin, je
Page 511
1 suis allée là haut, près de la fenêtre, prendre un bain. Je n'osais pas me
2 déshabiller et Masic, un gardien, est rentré derrière moi. Il est resté
3 tout le temps à côté de la porte. Je me suis lavé les cheveux et j'ai
4 vérifié ce que faisait cet homme qui, pendant la majeure partie du temps,
5 a fumé. Je me suis lavé les pieds, j'ai lavé un petit peu mon maillot de
6 corps et Delic est rentré à ce moment-là et m'a dit : "Regarde un peu ce
7 qui se passe. Qui est commandant ici ? C'est toi ou c'est moi ?" Il a
8 donné l'ordre au gardien de faire quelque chose, qu'il a fait me semble-t-
9 il.
10 Mme McHenry (interprétation). - qui parlait M. Delic ? A vous ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Il parlait au gardien, à Masic.
12 Moi, j'étais encore dans la cabine de bain. Et je suis sortie. Delic m'a
13 dit à ce moment-là : "Tu as vraiment l'air affreux, essuie-toi un peu les
14 cheveux" et je me suis rendue compte à ce moment-là qu'il avait sans doute
15 l'intention que Masic me viole. Mais Masic était un homme bon qui ne l'a
16 pas fait.
17 A ce moment-là, je suis rentrée dans la chambre où nous étions
18 toutes. Milojka est sortie, on l'a fait sortir. Elle est rentrée un peu
19 plus tard après avoir pris un bain et m'a dit que Hazim Delic l'avait
20 violée. Après quoi elle est rentrée dans la chambre.
21 Donc il emmenait Milojka quand il en ressentait le besoin. Peut-
22 être que ceux qui venaient me voir moi avaient aussi envie de s'occuper de
23 Milojka parce qu'il avait été question de Milojka parmi les gardiens, mais
24 elle était vierge et à ce moment-là plus personne n'a eu le droit de la
25 toucher.
Page 512
1 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., j'aimerais
2 orienter votre attention sur une autre question qui est la suivante. Est-
3 ce qu'on vous a jamais demandé d'accomplir des tâches particulières
4 pendant votre séjour au camp ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Non, simplement de faire le
6 ménage, de nettoyer la chambre dans laquelle nous nous trouvions.
7 D'ailleurs c'est nous qui avions demandé cela parce que la pièce était
8 très sale à notre arrivée. Nous avions une bouteille de Coca-Cola d'un
9 litre et demi que nous avons utilisée pour nettoyer un petit peu, faire le
10 ménage.
11 Devant le bâtiment, il y avait une poubelle et je me rappelle
12 très bien une occasion. J'ai emporté des objets dans la poubelle et, très
13 peu de temps après, on m'a dit : "Sors d'ici et recommence". J'ai dit :
14 "Mais je n'ai plus rien à y mettre". Et ils m'ont tout de même fait
15 sortir. Ils m'ont emmenée jusqu'à l'entrée du camp, et là il y avait une
16 mitrailleuse qui était cachée derrière des éléments en béton. Donc je suis
17 passé devant le bâtiment où nous étions nous. Des tirs ont commencé. Pavo
18 Mucic était à la mitrailleuse. J'ai eu l'impression, enfin je crois, que
19 les balles me passaient très près du visage sur la gauche. Je me suis
20 dit : quand même, je suis une femme, pourquoi ils m'ont fait ça ? Je suis
21 quand même une femme. Et à ce moment-là, on m'a donné l'ordre de retourner
22 dans le bâtiment. Je suis rentrée dans le bâtiment, mais j'avais tellement
23 peur que je suis tombée par terre, je ne tenais plus sur mes jambes. J'ai
24 vraiment eu une terreur, une peur bleue ce jour-là.
25 Je ne sais pas pourquoi ils m'ont fait cela. Quelle était la
Page 513
1 nécessité de faire tellement peur ? Après, j'ai vu pas mal des gens de
2 chez nous qui se faisaient torturer dans ce numéro 9 là-bas.
3 M. le Président (interprétation). - Madame Cecez., est-ce que
4 vous pensez qu'il conviendrait que nous ayons une pause de vingt minutes ?
5 Mme McHenry (interprétation). - Effectivement, Monsieur le
6 Président, je crois que ce serait une bonne idée.
7 L'audience, suspendue à 11 heures 06, est reprise à 11 heures 36.
8 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous, s'il vous
9 plaît, faire entrer le témoin.
10 (Le témoin, Mme Cecez, est introduit dans la salle d'audience.)
11 M. Jan (interprétation). - Pour notre information, de combien
12 de temps avez-vous encore besoin ?
13 Mme McHenry (interprétation). - Il me semble que j'aurais besoin
14 d'une autre heure ou d'une heure et demi à peu près.
15 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin
16 qu'il est sous serment.
17 M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez sous
18 serment.
19 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que je peux continuer,
20 Monsieur le Président ?
21 M. le Président (interprétation). - Oui.
22 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Madame Cecez, je voudrais
23 éclaircir ce dont nous parlions avant la pause, s'il vous plaît.
24 Premièrement au moment où on vous a demandé de sortir pour aller balayer
25 le sol, est-ce que vous pouvez nous donner une idée du moment où cela
Page 514
1 s'est produit ? Quel était le mois pendant lequel cela s'est produit, la
2 date approximative à laquelle cela s'est produit ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous
5 dire, quand vous y êtes allée, où se trouvait cette mitrailleuse ?
6 Mme Cecez (interprétation). - C'est juste à l'entrée principale
7 du camp, de l'autre côté de la rue. Quand vous entriez par la porte, cela
8 se trouvait sur le côté droit.
9 Mme McHenry (interprétation). - Et qui se trouvait là, en train
10 de tirer ? Dans quelle direction tirait-on ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Les coups de feu étaient tirés
12 dans la direction du village de Bijelovcina et cela avait l'air d'être des
13 coups tirés en l'air, mais j'étais très près donc je sentais les balles
14 qui passaient à côté de ma tête.
15 Mme McHenry (interprétation). - Et qui tirait ces coups de feu ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Pavo Mucic.
17 Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous étiez au camp,
18 est-ce que M. Mucic est jamais venu et vous a demandé de quelle manière
19 vous étiez traitée ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Non. Il est seulement venu une
21 fois avec une jeune fille et ils sont restés très peu de temps. Il ne nous
22 a rien demandé, comment nous allions ni d'autres questions. Après avoir
23 été libérée, je lui ai demandé. Il ne m'a pas aidée.
24 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, je vais vous poser
25 des questions à ce sujet, mais je voudrais poursuivre si vous le voulez
Page 515
1 bien.
2 Pendant que vous étiez au camp, est-ce que vous avez demandé
3 d'avoir la possibilité de parler avec M. Mucic ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Oui, assez souvent. Et ou bien
5 les gardes ne lui transmettaient pas le message ou bien il ne venait pas.
6 Quoiqu'il en soit, il n'est jamais venu.
7 Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous étiez au camp,
8 est-ce qu'on vous a jamais dit pourquoi vous y étiez détenue ?
9 Mme Cecez (interprétation). - La plupart du temps, non. Une
10 fois, un garde a dit : "vous serez ici jusqu'à ce que nous trouvions
11 Lazar". Donc j'avais l'impression d'être détenue en otage tout le temps où
12 je suis restée là.
13 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'on vous a jamais
14 interrogée de manière officielle ? Vous a-t-on jamais posé des questions ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Une fois, ils m'ont emmenée au
16 bâtiment de commandement et ils m'ont demandé : "Où est Lazar ? Où est ton
17 fils ?" Je ne savais ce qu'ils voulaient et je ne savais pas ce qu'ils
18 pensaient. Je ne savais pas s'ils étaient à la maison ? Mon mari dormait
19 et mon fils était dans le café.
20 Mme McHenry (interprétation). - Et vous souvenez-vous qui vous a
21 posé ces questions ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Il y avait un
23 jeune homme, je ne me souviens pas.
24 Mme McHenry (interprétation). - Quand cela s'est-il produit
25 pendant votre séjour au camp ? Au début ? Au milieu ? A la fin ? Est-ce
Page 516
1 que vous pouvez nous le dire ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Vers le début plutôt, pendant que
3 les femmes de Bradina étaient encore là ?
4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'ils vous ont demandé
5 de signer une déclaration ? Est-ce qu'ils ont recueilli une déclaration
6 que vous avez signée ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas si j'ai signé quoi
8 que ce soit. C'étaient des questions un peu spontanées.
9 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais eu l'occasion
10 de demander à quelques responsables du camp pourquoi vous étiez détenue et
11 quand vous seriez libérée ? Avez-vous pu le demander à quelques personnes
12 responsables à Konjic ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Hadzihuseinovic est venu me voir.
14 Il était dehors et il m'a parlé par la fenêtre. Il m'a demandé comment
15 j'allais d'une voix assez calme. J'ai haussé les épaules. Il a dit : "Ton
16 Lazar n'est pas coupable de quoi que ce soit, je ne l'ai pas trouvé dans
17 quelque livre que ce soit". Et je lui ai demandé alors pourquoi j'étais là
18 et je lui ai demandé de me laisser aller. Il a haussé les épaules et il
19 n'a pas répondu à ma question.
20 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une idée
21 du moment où cela s'est produit ? Au début, au milieu ou vers la fin de
22 votre séjour ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que c'était au début du
24 mois d'août, parce que peu de temps après, la Croix-Rouge est venue pour
25 nous inscrire. Même s'ils nous cachaient pour que la Croix-Rouge ne nous
Page 517
1 trouve pas, ils nous disaient vous ne pouvez pas trouver. J'étais
2 impatiente et une fois, j'ai regardé par là fenêtre. J'ai vu la Croix-
3 Rouge qui s'approchait, mais j'ai réussi à faire un signe de la main par
4 la fenêtre. Il y avait un jeune homme blond qui était le chauffeur et
5 pendant que la grille s'ouvrait, ils ont regardé dans ma direction.
6 C'était le 12 août et ils nous ont inscrits à ce moment-là. Donc nous lui
7 avons raconté ce qui se passait.
8 Mme McHenry (interprétation). - J'aimerais revenir un instant
9 sur une chose. Quand vous avez dit que vous aviez eu une conversation avec
10 M. RusmirVanovic, est-ce que vous le connaissiez déjà avant ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je le connaissais assez bien
12 parce que quand j'ai ouvert mon café, il passait toute la soirée là avec
13 sa femme. C'était des amis de mon mari d'auparavant. Son frère avait
14 construit une maison dans le village. C'est comme cela qu'il me
15 connaissait et que les gens me connaissaient à Konjic, parce que j'avais
16 un commerce. Pavo Mucic me disait qu'il me connaissait à cause de mon
17 commerce. C'est aussi parce qu'il s'intéressait à mon travail.
18 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous savez quelle
19 position, le cas échéant, occupait M. Rusmir à Konjic?
20 Mme Cecez (interprétation). - D'après ce que j'ai entendu dire,
21 il était président de la présidence de guerre à cet endroit ?
22 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que c'est la seule fois
23 où vous avez vu M. Rusmir à Celebici ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je ne l'ai pas revu après.
25 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, vous nous avez
Page 518
1 déjà parlé des fois où vous avez été violée. Est-ce que vous pourriez nous
2 dire ce que vous avez observé concernant la manière dont a été traité
3 Milojka Antic ?
4 Mme Cecez (interprétation). - J'ai simplement vu quand Hazim
5 Delic est arrivé à midi. Il me faisait aller dans la pièce en avant. Il la
6 violait et ensuite, après la visite de la Croix-Rouge, il est revenu la
7 violer. Donc la deuxième fois, elle le leur a dit et ils ne pouvaient pas
8 le croire. Et puis il est revenu et l'a emmenée dans une autre pièce
9 encore.
10 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous
11 donner une idée de combien de fois M. Delic est venu durant votre séjour
12 au camp pour prendre Milojka Antic et l'emmener dans une autre pièce ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas combien de
14 fois. Je crois que Milojka le sait mieux que moi. Il l'a certainement
15 emmenée une fois lorsqu'un jeune homme est venu vers elle, un soir, et il
16 m'a dit qu'Hazim Delic la cherchait. On lui a dit que la police la
17 recherchait. Et Emo Delisovic* est venu vers Milojka et j'ai regardé
18 Hazim n'était pas là. Il n'y avait pas de police militaire, mais il y
19 avait un fusil sous la fenêtre. Je suis restée là debout. Bibia* est passé
20 et d'après ce que j'ai compris, c'était le commandant des gardes. Je lui
21 ai dit : "c'est vraiment affreux ce qui se passe ici." Kemo a entendu que
22 je lui parlais, donc il est sorti très vite et je ne sais pas s'il fait
23 quoi que ce soit. Je ne sais pas si Milojka voulait me dire ce qui s'était
24 passé ou pas.
25 Et puis Kemo est sorti et je ne sais pas s'il a été critiqué par
Page 519
1 la suite, mais environ une demi-heure plus tard, il est revenu et il a
2 dit : "n'ait pas peur, dormez en paix", parce que je crois qu'il y avait
3 quelqu'un qui voulait rentrer. Mais il y avait toujours des problèmes, on
4 ne pouvait jamais dormir tranquillement. Nous avions toujours peur de ce
5 qui pourrait se produire.
6 Une fois, nous avons pensé nous suicider. Nous avions une
7 épingle de métal. Je suis allée là où se trouvait la salle de bain et j'ai
8 dit à Milojka : "je vais le faire la première et tu viendras après moi."
9 Et puis, elle m'a prise par l'épaule et elle ma sortie de là parce que
10 j'avais pensé enfoncer cette épingle à cheveux dans la douille.
11 Donc nous sommes restées. Il y a beaucoup de choses qui se sont
12 passées.
13 Mme McHenry (interprétation). - L'incident dont vous nous avez
14 parlé avant la pause, quand vous avez été emmenée pour prendre une douche
15 et quand Mme Antic a été emmenée aussi pour prendre une douche, est-ce que
16 cela s'est passé la même journée pour vous deux ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Oui. J'y suis allée la première,
18 puis on m'a ramenée et ensuite Milojka y a été emmenée.
19 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une idée
20 du moment où cela s'est produit ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que c'était au début de
22 juin. Je ne me souviens pas. Je crois que cela devait être en juin parce
23 que je me souviens que quand je suis revenue, Milan Kuljanin a été passé à
24 tabac devant le bâtiment 22. Je ne pourrais pas confirmer que j'ai vu quoi
25 que ce soit. Donc je crois que c'était au mois de juin.
Page 520
1 Mme McHenry (interprétation). - Je vais revenir en arrière
2 quelques minutes pour éclaircir certains points.
3 Est-ce que vous vous souvenez si oui ou non M. Mucic jouait avec
4 la mitrailleuse en tirant en l'air ? Est-ce que vous vous souvenez si les
5 femmes de Bradina étaient encore à Celebici à ce moment-là ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Non. Il n'y avait que moi et
7 Milojka.
8 Mme McHenry (interprétation). - Maintenant, madame Cecez, je
9 vais vous demander si oui ou non s'il y a eu d'autres moments où des
10 femmes ont été amenées, notamment de Zukici et je vous demande avec
11 insistance de ne pas mentionner du tout leur nom. Est-ce que vous pouvez
12 nous raconter ce qui s'est passé ?
13 Est-ce que vous m'accordez une seconde, monsieur le Président,
14 s'il vous plaît ?
15 (Les procureurs, assis, se concertent.)
16 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que vous
17 pouvez nous dire si des gens ont été amenés de Zukici et, s'il vous plaît,
18 veuillez ne mentionner aucun nom. Si c'est trop difficile pour vous de
19 nous raconter ce qui s'est passé sans prononcer de noms, nous allons
20 revenir à une séance à huis-clos partielle.
21 Mme Cecez (interprétation). - Je peux mentionner "ces femmes".
22 Mme McHenry (interprétation). - Non, ne mentionnez pas leur nom
23 parce que nous ne sommes pas à huis-clos. Pouvez-vous nous dire à quel
24 moment à peu près ces gens ont été amenés depuis Zukici ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Ils ont été amenés le 12 juillet
Page 521
1 1992. Elles avaient été sévèrement passées à tabac. Ils ont commencé à
2 crier : "s'il vous plaît, nous amenons les Chetnicks, veuillez ouvrir les
3 grilles." On entendait des cris de femmes. Milojka et moi nous demandions
4 de qui il s'agissait. Ils ont amené des femmes qui étaient plus jeunes,
5 plus âgées. Il y en avait peut-être une qui avait 65 ans, qui était assez
6 âgée et elle avait été vraiment passée à tabac. Elles avaient toutes été
7 battues.
8 Il y avait leur fils et leur mari qui étaient amenés avec elles.
9 Il y avait peut-être cinq hommes. Ils ont passé la nuit là.
10 Mme McHenry (interprétation). - Combien d'hommes et combien de
11 femmes ont été amenés environ ? Est-ce que vous le savez ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait cinq femmes et peut-
13 être cinq hommes pour ce que j'en sais.
14 Mme McHenry (interprétation). - Et quel âge avait la plus jeune
15 femme qui a été amenée là ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait une jeune fille qui
17 devait avoir à peu près 13 ans et elle a aussi été battue. Elle se
18 plaignait à sa mère d'avoir mal au bras. C'était une très belle petit
19 fille. Donc il y a trois femmes qui ont été amenées. Elles se sont
20 allongées et elles ne disaient pas qu'il y en avait d'autres avec elles.
21 La mère de cette jeune fille est venue à la porte. Elle a ouvert
22 la porte. Il n'y avait aucun endroit où elle pouvait s'allonger. Les
23 autres femmes étaient assez solidement bâties. Je lui ai dit de s'avancer
24 vers Milojka et moi, et elle ne savait toujours pas ce qu'il advenait de
25 sa fille.
Page 522
1 Hazim Delic a amené cette petite fille et il a demandé qu'on
2 fasse une place pour elle, pour qu'elle puisse s'allonger. Il a apporté un
3 petit matelas pour elle. Milojka s'est levée et la jeune fille s'est
4 penchée, et ensuite un homme du camp du village de Foca lui a dit de
5 s'allonger.
6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce qu'il est
7 vrai que les femmes, y compris la petite fille, ont été amenées plus tard,
8 est-ce que c'est exact ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui, plus tard. Et quand sa mère
10 s'est allongée à côté de moi, elle m'a dit : "Est-ce qu'ils ont fait
11 quelque chose ?" et je lui ai demandé de garder le silence. Ensuite, Delic
12 a amené cette jeune fille et nous lui avons fait de la place. Il a dit
13 qu'il ne faudrait pas qu'il manque un cheveu à cette petite beauté. Et cet
14 homme de Foca est venu et il a dit : "Pourquoi les avez-vous laissées
15 s'allonger sur ces matelas ?" Ils sont partis et quand il est parti, je
16 leur ai dit de s'allonger de nouveau.
17 Le lendemain matin, Sok est venu. Il a mis un béret sur sa tête.
18 Il avait un couteau et il a commencé à crier : "Mais qui a apporté de la
19 nourriture aux Chetniks ?" et la jeune fille a dit : "Qui va apporter de
20 la nourriture ?" d'une voix assez forte et assez aiguë parce que nous
21 n'avions rien à manger.
22 Mme McHenry (interprétation). - Et que s'est-il passé après ?
23 Mme Cecez (interprétation). - On a emmené dans la pièce voisine
24 de la nôtre cette jeune fille de 13 ans. Et ensuite, deux ou trois autres.
25 Je ne me souviens pas des noms. Mais je sais que Salko faisait partie de
Page 523
1 ce groupe. Ensuite, il y en a d'autres qui sont venus et qui ont dit :
2 "Ramenez-les" et la mère a dit : "Ne vous en faites pas, ne marchez pas
3 dans le sang". La mère a dit : "Ne vous en faites pas, ils ne feront
4 rien". Et sa mère était malade et je suis allée pour ramener la petite
5 fille. Ils ne lui ont rien fait.
6 Je me suis approchée des femmes. Je me suis assise à côté de la
7 mère et, peu de temps après, Pavo Mucic est arrivé. Il a ouvert la porte,
8 il a vu les femmes et il a dit : "Qui vous a amenées ici, d'où venez-vous.
9 Pourquoi on vous a amenées ici ?" Et puis il a haussé les épaules. "On
10 vous a battues ?" Une femme a dit "oui".
11 Ensuite il a demandé à la jeune fille, je me souviens très bien
12 des paroles qu'il a dites, il a dit : "Mon enfant, tu as peur ?" Elle a
13 répondu : "Oui, bien sûr. Bien sûr. Comment j'aurais pas peur ?" Elle
14 était en pleurs. Et il lui a dit de se préparer et qu'il la ramènerait à
15 la maison. Et ils ont commencé à se préparer, mais la femme plus âgée ne
16 pouvait pas se lever et n'osait pas sortir. Les femmes ont alors été
17 obligées de monter à l'arrière d'un camion et Pavo Mucic les a emmenées
18 vers Zukici.
19 Plus tard, la mère de la jeune fille m'a dit qu'elles avaient
20 été ramenées à Konjic pour y chercher de la farine auprès du frère qui
21 habitait là.
22 Plus tard, j'ai appris cela de la soeur de Milojka, à un certain
23 moment, la soeur de Milojka est venue...
24 Mme McHenry (interprétation). - Je vous interromps, je voudrais
25 que vous parliez d'autre chose. Pouvez-vous nous dire quels étaient les
Page 524
1 contacts, si vous en avez eu, avec les hommes qui étaient prisonniers au
2 camp ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Non. Ce n'est que quand ils
4 passaient tout près ou quand ils faisaient quelque chose devant nos
5 fenêtres que, parfois, je pouvais dire bonjour à Tuco* et à Zelenovic. Eux
6 se trouvaient dans une pièce en face de nous. Ils dessinaient quelque
7 chose. L'un d'entre eux dessinait notamment un Musulman sur un cheval.
8 C'était un bon dessinateur. Parfois, je pouvais lui parler. Mais pas avec
9 les autres, uniquement quand il passait tout près, parfois.
10 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion
11 d'assister à des mauvais traitements infligés aux prisonniers hommes
12 détenus au camp ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je n'osais pas aller dehors
14 très souvent, mais parfois je risquais. Le matin, par exemple, quand on
15 ouvrait les toilettes pour les hommes, au bâtiment n° 9, un groupe de huit
16 à dix personnes sortaient, la tête baissée en regardant le sol. Ils
17 allaient vers le trou. Certain n'y arrivaient même pas, ils devaient
18 revenir, et je regardais s'ils allaient nettoyer.
19 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que ces hommes
20 n'arrivaient pas toujours à cet endroit. Est-ce que vous pouvez
21 m'expliquer cela ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je regardais Slavko Susic.
23 Slavko Susic n'y est pas parvenu. Il est parvenu à mi-chemin et ensuite,
24 il est retourné. Mais je reparlerai de cela plus tard.
25 Je voyais aussi comment ces hommes se nettoyaient. Il y avait un
Page 525
1 robinet prêt du bâtiment n° 9. Mais ils retournaient au bâtiment. Le
2 dernier groupe amenait les seaux dans lesquels ces hommes avaient fait
3 leurs besoins pendant la nuit, ensuite ils ramenaient les seaux au tunnel.
4 Ensuite, je voyais qu'on les obligeait pendant des heures à rester debout,
5 contre un mur. Certains s'évanouissaient. Il pleuvait très fort parfois
6 et, encore une fois, ces hommes étaient alignés le long du mur, avec la
7 tête baissée. La pluie les trempait. On les ramenait après au
8 bâtiment n° 9 sans avoir la possibilité de se changer.
9 Mme McHenry (interprétation). - Ou étiez-vous quand vous voyiez
10 toutes ces choses ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Dans cette pièce qui avait trois
12 fenêtres. Quand le garde n'était pas là, je pouvais regarder. Mais en
13 cachette, bien sûr, pour qu'on ne me voie pas. Donc il y avait
14 certainement beaucoup plus à voir que je n'ai pas vu. Ce que j'ai vu, je
15 peux en témoigner car je l'ai vu de mes propres yeux.
16 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, pourriez-vous
17 utiliser la maquette ? L'huissier va vous donner le pointeur. Pourriez-
18 vous montrer au Tribunal où vous vous trouviez et l'endroit à partir
19 duquel vous pouviez voir l'autre endroit où l'on obligeait ces hommes à
20 rester debout, alignés le long d'un mur ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Ici, c'est le bâtiment n° 9, et je
22 regardais d'ici. Voilà la fenêtre d'où je pouvais voir.
23 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que les hommes
24 étaient alignés le long d'un mur. De quel mur parlez-vous ?.
25 Mme Cecez (interprétation). - Ce mur-ci, ici. Ils étaient
Page 526
1 debout. Ensuite, ils pouvaient s'asseoir, puis ils devaient courir en
2 cercle, en imitant une voiture. Hazim Delic était assis ici et il les
3 faisait courir : première, deuxième vitesse. Ils imitaient les vitesses de
4 voiture. Marche arrière. Et je me souviens que Mrkajic était l'homme le
5 mieux bâti. Il avait des bottines aux pieds et j'éprouvais beaucoup de
6 peine pour eux. Ensuite, on les a obligés à chanter.
7 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, qui courait
8 derrière eux ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Ils devaient tous courir, mais ce
10 Desimir, c'était aussi un prisonnier. Je le connaissais et j'avais
11 beaucoup de peine pour lui. Il était grand et fort. Cet homme avait des
12 biens, était assez nanti. Et on l'a obligé aussi à faire ça.
13 Mme McHenry (interprétation). - Vous pouvez vous asseoir,
14 Madame Cecez.
15 Pour être sûre que je vous ai bien comprise, c'est M. Mrkajic
16 qui était obligé aussi de le faire, ou obligeait-il les autres à le
17 faire ? Qui obligeait les prisonniers à faire toutes ces choses, à imiter
18 les voitures ?
19 Mme Cecez (interprétation). - C'était Delic.
20 Mme McHenry (interprétation). - Et M. Desimir Mrkajic était donc
21 un des prisonniers qui ont été contraints de courir en imitant les
22 voitures ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Non. Desimir Mrkajic était le
24 premier. Il y en avait beaucoup, je ne sais plus combien, mais Desimir
25 était le premier. Il était toujours le dernier dans la queue et
Page 527
1 j'éprouvais surtout de la peine pour lui, car sa mère était unijambiste et
2 j'avais beaucoup de peine pour lui.
3 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, je voudrais que
4 vous regardiez votre écran vidéo et je voudrais que l'on montre un extrait
5 de la pièce à conviction n° 3 qui a été admise comme pièce à conviction.
6 Je vous demanderai de dire, Madame Cecez, si vous reconnaissez ce qui
7 apparaît à l'écran.
8 Section 9.34 de la pièce à conviction n° 3, s'il vous plaît. Il
9 s'agit d'un extrait qui dure une minute, Monsieur le Président.
10 (Diffusion de l'extrait sur vidéo.)
11 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, cela
12 suffira.
13 Madame Cecez, avez-vous pu reconnaître ce qui était montré à
14 l'écran ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que ça doit être le
16 bâtiment n° 9.
17 Mme McHenry (interprétation). - Du tunnel n° 9, pouviez-vous
18 voir le bâtiment d'accueil où vous avez été détenue ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, lorsqu'ils sortaient,
20 ils pouvaient toujours voir le bâtiment où j'étais.
21 Mme McHenry (interprétation). - Et vous pouviez les voir du
22 bâtiment ou vous étiez aussi, n'est-ce pas ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Quand j'étais dans la pièce
24 de devant avec les trois fenêtres.
25 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, pouvez-vous nous
Page 528
1 dire si vous avez vu quelque chose arriver à M. Susic, Slavko Susic ?
2 Veuillez parler lentement et prendre votre temps.
3 Mme Cecez (interprétation). - Slavko Susic, je le voyais passer.
4 Ses parents étaient au village sans doute, et il passait presque tous les
5 jours.
6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que
7 M. Slavko Susic était détenu à ce moment-là au camp, ou vivait-il au
8 village ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Il vivait au village et je me
10 souviens qu'un matin, Baralija -c'était un garde- m'a dit ceci : "Grozda,
11 on a amené quelqu'un de Celebici. Ce qu'on lui fait, apparemment il avait
12 une station-radio et c'est pour ça qu'on l'a capturé".
13 J'ai pensé que ça pouvait être Slavko et, effectivement, j'ai vu
14 qu'il n'était pas passé devant la clôture comme d'habitude. J'ai appris
15 qu'il avait été fait prisonnier et le matin, alors qu'ils allaient aux
16 toilettes, j'ai pu voir qu'il ne sortait pas. Il rampait. Il rampait. Il
17 avait des jeans, des bottes en caoutchouc. Et une fois, j'étais en train
18 de balayer devant, il était là debout avec Delic, juste devant le bâtiment
19 où j'étais détenue. Ils étaient en train de parler. Je ne pouvais pas
20 entendre. Je ne pouvais pas suivre ce qu'il disait. Il avait été battu, il
21 était sale, il était couvert de bleus, il était déjà à moitié mort. Je ne
22 sais pas comment vous le décrire.
23 Il disait quelque chose, et puis il s'est assis dans une
24 camionnette Iveco avec Delic, et j'ai demandé à un des gardes où Slavko
25 était parti. On m'a répondu : "Ils sont allés chercher l'émetteur radio".
Page 529
1 Il m'a dit : "Je crois qu'il est devenu fou. Parfois il dit qu'il en a un,
2 parfois il dit qu'il n'en a pas et s'ils ne trouvent pas l'émetteur radio,
3 Delic a dit qu'on lui mettrait une balle dans la tête".
4 Donc j'étais très inquiète. J'attendais que la camionnette Iveco
5 revienne. Elle est revenue je ne sais pas au bout de combien de temps. Je
6 n'ai pas osé sortir parce que je connaissais Slavko d'avant. C'était le
7 fils du frère de ma tante et il nous rendait visite alors que j'étais
8 encore célibataire. C'était un enseignant par son métier.
9 Ensuite, je suis sortie comme si j'allais chercher de l'eau.
10 J'ai vu que le garde n'était pas là. J'ai regardé encore une fois par la
11 fenêtre vers le bâtiment n° 9. Il était là de nouveau, debout le long du
12 mur en face. Delic avait obligé Slavko à se mettre face contre le mur, les
13 mains en l'air. Il avait un bâton, je pense, un long bâton, un gros bâton.
14 Et ils ont commencé à le battre. Moi, je regardais depuis derrière la
15 fenêtre, de façon à ne pas être vue. On l'a battu. Le bâton s'est cassé.
16 Je crois que c'était un morceau de cette taille-ci à peu près qui s'est
17 cassé. Hazim...
18 Mme McHenry (interprétation). - Qui frappait Slavko ?
19 Mme Cecez (interprétation). - C'est Hazim Delic qui frappait
20 Slavko et c'était terrible. Quand Slavko est tombé, il a continué à le
21 frapper encore.
22 Et j'ai raconté après à Milojka ce qui se passé. Il y avait un
23 autre soldat. Je ne me souviens pas bien, mais je pense qu'il s'agissait
24 de Makaronj*, mais je ne suis pas sûre, je dois reconnaître, j'ai oublié.
25 Donc je n'ai pas osé sortir encore une fois.
Page 530
1 Après 15 ou 20 minutes, j'ai regardé de nouveau dehors, mais il
2 n'était plus là. Le matin, en face du n° 9, un corbillard est apparu et
3 j'ai compris qu'il s'était passé quelque chose. J'ai demandé au garde ce
4 qui s'était passé au n° 9, qui était mort, et il m'a été répondu que
5 c'était Slavko Susic. On mentait constamment à propos de ce qui arrivait
6 aux gens.
7 Mme McHenry (interprétation). - On vous a dit que Slavko Susic
8 était mort ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. On m'a dit qu'il était mort,
10 que Zara Mrkajic l'avait étranglé, mais j'ai des doutes, car pour chaque
11 corps qui était emmené, on trouvait une raison. Par exemple, pour Zeljko
12 Cecez, qui est cousin de mon mari Lazar, on a dit qu'il était mort de
13 faim, qu'il était mort à la suite des coups. Pero Mrkajic, apparemment,
14 est mort des coups qu'il a subis, mais on a avancé une autre excuse, un
15 prétexte.
16 Mme McHenry (interprétation). - Cet incident que vous venez de
17 décrire où M. Delic bat M. Susic, pouvez-vous nous dire quand cela s'est
18 passé, à peu près ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Je pense que cela s'est passé au
20 début du mois de juillet. Je ne me souviens pas exactement, mais c'est à
21 peu près à ce moment-là.
22 Il trouvait toujours une raison pour expliquer pourquoi tel ou
23 tel était mort. Donc je n'ai pas cru ce qu'on m'a dit à propos de Slavko.
24 Quoi qu'il en soit, les gens quittaient le camp morts.
25 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, en dehors de ce
Page 531
1 que vous venez de dire concernant le corbillard qui aurait emmené M.
2 Susic, avez-vous revu ce corbillard en d'autres occasions ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
4 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à peu près
5 combien de fois vous avez vu le corbillard à Celebici pendant que vous y
6 étiez ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Personnellement, je l'ai vu au
8 moins dix fois. Personnellement. Mais pendant le temps que j'ai passé au
9 camp, j'ai entendu dire que 17 personnes avaient été tuées. Je ne connais
10 pas tous leurs noms. Sans doute d'autres gens vous le diront. J'ai vu en
11 tout cas Slavko Susic en train d'être battu.
12 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, y avait-il des
13 soins organisés à Celebici dont vous auriez eu connaissance ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Voyons... Il y avait deux détenus
15 qui étaient médecins et qui avaient été battus terriblement. Deux hommes
16 ont été battus terriblement et ils ont été emmenés chez ces médecins, mais
17 les médecins n'avaient rien pour les soigner.
18 J'ai vu un homme de Zukici dont l'oreille gauche avait été
19 tranchée. Je l'ai vu marcher comme un robot, et le fils de Bogdan
20 Kuljanin, le fils de Meroslav, avait la jambe bandée avec un morceau de
21 ficelle. Il avait des côtes brisées. Je me souviens de Branko Gotovac qui
22 tenait son estomac à deux mains. C'était terrible à regarder. Mais les
23 médecins sont aussi venus me voir. Quand Delic partait, ils venaient. Ils
24 n'osaient pas quand Delic était là.
25 J'avais mal aux amygdales et ces médecins m'ont fait des
Page 532
1 piqûres. Je me souviens que j'avais des choses dans mon sac. J'étais aussi
2 épuisée. Quand j'étais épuisée, ils m'ont donné des tranquillisants. Boric
3 m'a donné un tranquillisant car j'avais perdu beaucoup de poids. J'avais
4 énormément souffert et j'étais au bout du rouleau. Pendant 32 jours, je ne
5 suis pas allée aux toilettes. Psychologiquement et physiquement, j'étais
6 complètement épuisée. On m'a tuée psychologiquement.
7 Mme McHenry (interprétation). - Vous mentionnez deux médecins
8 détenus. Connaissez-vous leurs noms ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je connais leurs noms. Il
10 s'agit de Petko Grubac (c'est un psychiatre) et de Relja... je pense qu'il
11 s'appelle Gligorovic. Ils étaient détenus comme nous autres.
12 Mme McHenry (interprétation). - Et ce sont ces deux personnes à
13 qui vous avez demandé des pilules contraceptives supplémentaires, comme
14 vous l'avez raconté plus tôt ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Oui, c'est à Gligorovic que je
16 l'ai demandé. Je pense que c'était lui. Je pense que c'était Gligorovic.
17 Moi, je l'appelai Relja. J'ai dit : "Est-ce que vous pouvez me trouver ces
18 pilules quelque part ?" Il a dit qu'il essaierait mais qu'il ne pourrait
19 peut-être pas. J'ai dit : "ça va durer encore combien de temps ?" Il m'a
20 pris par la main et il m'a dit calmement : "Endure tout ça, Grozda. Ce
21 sont des moments très difficiles". Je me souviens de ce moment où il était
22 avec moi. Macic était venu avec lui. Macic lui a demandé : "Relja, tu as
23 besoin de pain ?" et il répondait calmement : "Oui, oui". On l'entendait à
24 peine. Nous étions tous épuisés.
25 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous savez où les
Page 533
1 médecins donnaient des soins au détenus ?
2 Mme Cecez (interprétation). - C'était au bâtiment 22. C'est là
3 qu'ils étaient détenus, dans un tout petit bâtiment. J'imagine que c'est
4 là où se trouvaient les équipements d'incendie.
5 Mme McHenry (interprétation). - C'est le bâtiment qui se trouve
6 de l'autre côté par rapport au bâtiment de l'administration ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
8 Mme McHenry (interprétation). - Je vous demande une seconde,
9 Monsieur le Président, si vous me le permettez.
10 (Concertation entre les procureurs).
11 Madame Cecez, avant que je n'en arrive à votre libération du
12 camp, je voudrais être tout à fait sûre que votre témoignage est tout à
13 fait clair. Ai-je raison de dire que vous avez été violée par M. Hazim
14 Delic une fois, personnellement violée par lui ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Oui, une fois seulement par lui
16 personnellement.
17 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous combien de fois vous
18 avez été violée par d'autres personnes ?
19 Mme Cecez (interprétation). - En général une fois à chaque fois.
20 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, voulez-vous nous
21 dire où et quand vous avez été libérée ?
22 Mme Cecez (interprétation). - La Croix-Rouge est venue et nous a
23 recensés, et quand elle est venue la deuxième fois (cet enregistrement a
24 eu lieu le 22 août), le 31 août, j'ai été relâchée. Je ne sais pas
25 pourquoi, mais Milojka et moi avons été relâchées. Mais juste avant cela,
Page 534
1 je voudrais ajouter quelque chose. Nous avions très peur. Il y avait
2 beaucoup de voitures et de chauffeurs. Il y avait tout un lot d'armes qui
3 était arrivé. Il y avait 38 camions avec des remorques et avec des plaques
4 de Mostar, Sarajevo, Jajce, Zenic et Konjic. Il y avait un premier groupe
5 de 13 camions et un autre groupe qui est arrivé juste après. La deuxième
6 fois, il y avait 52 voitures, de sorte que nous étions terrifiés. Nous
7 avions très peur que ces chauffeurs ne viennent. Mais ils ne sont pas
8 venus. Il étaient là, dans le camp, et ils ont passé la nuit.
9 Je me souviens d'un jeune garde qui s'appelait Habu et qui m'a
10 dit : "Je n'ai pas dormi du tout". J'ai dit : "Pourquoi ?". Il a dit :
11 "Parce que si une seule balle avait été tirée, non seulement tout Celebici
12 mais tout Konjic auraient explosé".
13 Je ne sais pas s'ils avaient déchargé quoi que ce soit, mais
14 rapidement, on a commencé à distribuer des fusils. Je me souviens que
15 Zelenovic a dû peindre quelque chose pour eux. Ils étaient tous affairés.
16 J'ai même vu des enfants de cinquième, ou peut-être de huitième, qui ont
17 dû aller sur la ligne de front pour aider les soldats. J'ai donc entendu
18 et vu toutes sortes de choses, même si j'ai oublié beaucoup de choses.
19 Toujours est-il que le 31 août, j'ai été libérée et que pendant
20 tout ce temps-là, je ne savais pas ce qui s'était passé avec mon fils ou
21 mon mari. Personne n'était venu me voir. Milojka était partie un peu plus
22 tôt. Elle a traversé le pont sur le chemin-de-fer, vers l'endroit où sa
23 mère avait été emmenée. Elle avait une soeur qui habitait là, et Pavo
24 Mucic m'a dit qu'il irait avec moi à Donje Selo.
25 Effectivement, il m'a fait embarquer dans une Toyota, si je m'en
Page 535
1 souviens bien, et je suis allée avec lui et Jasna Dzumhur. En approchant
2 de ma maison brûlée, j'ai dit : "Regarde, après 22 ans de mariage, tout ce
3 que j'ai se trouve dans mon sac à main, parce que tout a brûlé". Une femme
4 de Celebici ma donné des sous-vêtements. C'est tout ce que j'avais.
5 C'était la femme d'Arnautovic. Ensuite, il a dit : "A qui la faute ? Ton
6 Lazar aurait pu être chef du village s'il avait voulu".
7 Je suis alors allée devant ma maison. Les autres ont continué
8 vers le village pour voir Zoran Cecez. Je ne sais pas ce qu'ils avaient
9 affaire avec Zoran Cecez. Je suis entrée dans ce qui restait de ma maison.
10 Au rez-de-chaussée, là où se trouvait le magasin, il n'y avait plus rien.
11 Ensuite, Trile, mon beau-frère, est arrivé (celui qui a survécu)
12 et il m'a dit : "Ne t'inquiète pas, ils sont vivants. Ils sont en bonne
13 santé". Mon fils Dusan, semble-t-il, était parti juste la nuit d'avant
14 pour se rendre en territoire contrôlé par les Serbes, et pour ce qui est
15 de Lazar, il était parti la semaine précédente. J'ai demandé où était
16 Rajko et Ristan, les fils de mon beau-frère, et il m'a dit qu'ils se
17 cachaient toujours à l'arrière de la maison, dans la grotte. J'ai été très
18 surprise. Etait-il possible que tous ces gens soient encore vivants,
19 puisque je pensais que tout le monde avait été tué ? J'avais presque pensé
20 qu'ils étaient morts.
21 J'ai ensuite retrouvé ma belle-mère, Rajko était toujours vivant
22 et ma belle-mère était là. Sa maison avait aussi été incendiée, de sorte
23 que ma belle-mère et la fille de mon beau-frère se trouvaient dans la
24 maison de Rajko. Je les ai rejointes, mais Rajko était parti le 2
25 septembre vers Borci.
Page 536
1 Le 5 septembre, Jasna Dzumhur est venue me chercher, avec trois
2 ou quatre soldats avec elle dans une camionnette. Ils ont dit qu'ils
3 avaient trouvé un corps et qu'il fallait que je l'identifie, pour voir
4 s'il s'agissait de Lazar. Je ne pouvais pas le croire. J'ai dit : "Si
5 c'est mon Lazar, Jasna, tu le connais. Est-ce qu'il faut vraiment que
6 j'aille le voir ? Je veux me souvenir de lui comme il était".
7 Quelqu'un qui s'appelait Esad Padalovic a chargé son fusil, m'a
8 insultée en me traitant du nom de ma mère et m'a dit que je devais y
9 aller. Jasna a demandé à ma belle-mère qui était Lazar et ce qu'il
10 représentait pour elle. Elle a dit : "C'est mon fils. Réjouis-toi s'il est
11 mort", lui a-t-elle dit. La soeur de Rajko a alors commencé à pleurer et
12 j'ai dit : "Ne pleure pas déjà". J'ai demandé si Jovanka pouvait venir
13 avec moi et on m'a dit oui. Nous y sommes donc allées et Esad Padalovic
14 nous insultait constamment en nous criant dessus, mais Jasna essayait de
15 l'apaiser.
16 Nous sommes parvenus à la morgue et Jasna m'a demandé si Lazar
17 avait des marques caractéristiques. J'ai dit ce que je savais. Elle m'a
18 demandé si je pourrais le reconnaître. J'ai dit : "Oui, bien sûr. J'ai
19 passé 22 ans de ma vie avec lui".
20 Quand je suis entrée dans la première pièce, j'ai vu le fils de
21 mon beau-frère, Rajko, sur le ventre, le visage tourné vers le sol, comme
22 si quelqu'un avait planté un bâton dans son coude. Ensuite, on m'a emmenée
23 dans un petit couloir. Esad Padalovic a vidé un chargeur à mes pieds et
24 Niksic a demandé : "Pourquoi tu fais ça ?" Il a dit : "Je ne voulais pas
25 le faire. Je ne l'ai pas fait exprès".
Page 537
1 Je suis entrée dans cette pièce où Lazar gisait. Zeljko a dit :
2 "Arrange ces corps". Lazar était un homme de grande taille. Il mettait
3 toujours sa main sur sa hanche et c'est la position qu'il lui avait donnée
4 dans la mort aussi. Ristan était sur le dos, Rajko était sur le ventre.
5 C'était la position dans laquelle ils dormaient normalement. J'ai compris
6 qu'ils nous avaient suivis et qu'ils savaient comment nous vivions et
7 comment nous nous comportions.
8 Quand j'ai vu Lazar, il avait des baskets de marque "Puma" à ses
9 pieds et il avait une chemise. J'ai déboutonné sa chemise et sur sa jambe
10 gauche, j'ai vu qu'il ne restait plus que l'os. L'os était à nu. La chair
11 était partie. Quand je suis arrivée à sa tête, j'ai vu ce qu'on lui avait
12 fait. On lui avait arraché les yeux, le nez, les oreilles, et je l'ai
13 reconnu grâce au crâne et grâce à ses dents. J'ai regardé ses dents. C'est
14 là seule façon dont j'ai pu le reconnaître.
15 J'ai posé la question : "Mais où est mon Doujko, puisque les
16 trois sont morts et que je n'ai pas non plus mon fils ?" Zeljko a souri et
17 il a dit : "On le trouvera, on le trouvera". C'était celui qui était le
18 commandant de mon mari. C'est vraiment une honte. Nous n'avons quand même
19 pas mérité ça. Le mal nous est tombé dessus comme ça. Qu'est-ce qu'on peut
20 faire ? Je suis vraiment la moins coupable, sûrement pas coupable de tout
21 cela. En plus, à la fin, ils ne vous permettent même pas de les enterrer !
22 Ristan et Rajko, nous avons essayé de les enterrer. Nous avions
23 décidé de les enterrer le vendredi dans la maison de leur père. Ma belle-
24 mère a crié : "Qu'ils soient enterrés là-bas, dans la maison. Qu'ils ne
25 soient pas tout seuls dans la maison". C'est là qu'on les a enterrés. Le
Page 538
1 18 septembre seulement, ils ont autorisé la levée du corps.
2 Un certain Zdravko Kasagavic (c'est ce que j'ai entendu) est
3 arrivé là-haut et il a demandé qu'on libère le corps. Je ne sais même pas
4 si c'est vrai, mais c'est ce qu'on m'a dit, si bien que, finalement, les
5 nôtres sont enterrés là-bas, près de la forêt. Mais ceux qui étaient
6 détenus dans la salle de sport n'ont pas pu être enterrés dans le
7 cimetière. Ils n'ont pas reçu l'autorisation.
8 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, j'ai encore
9 seulement deux questions à vous poser ? Est-ce que vous avez besoin d'une
10 pause maintenant ou est-ce que vous pouvez continuer ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Continuez, continuez.
12 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, après avoir été
13 relâchée, est-ce que vous avez eu d'autres contacts avec quelque
14 prisonnier que ce soit, et notamment avec M. Mucic ? Avec quiconque du
15 camp ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Non. Les Croates, en particulier,
17 s'étaient déjà en majorité séparés des Musulmans, si bien que Pavo est
18 venu plusieurs fois. Il s'est assis à côté de moi et il a passé quelque
19 temps avec moi. Je lui ai posé pas mal de questions. Il a dit qu'il avait
20 été bon pour les Serbes. Je lui ai dit : "Qu'est-ce que tu racontes ?" Je
21 lui ai posé des questions au sujet de ce qui s'était passé au moment où ma
22 maison avait été incendiée et il m'a dit qu'il ne savait pas ce qui
23 s'était passé.
24 Je lui ai dit : "Mais qu'est-ce que tu racontes ? Pendant trois
25 mois et demi, tu n'as rien fait pour moi. Tu n'as même pas posé la
Page 539
1 question de savoir comment j'allais et si j'avais besoin de quelque
2 chose". Il m'a répondu : "Je n'en avais pas besoin".
3 J'ai dit : "Comment est-ce que vous n'en aviez pas besoin ?" Il
4 a dit alors : "Je lisais tous les matins le rapport qui vous concernait.
5 Un rapport était écrit à ton sujet tous les matins".
6 J'ai dit : "Qui écrivait ce rapport ?".
7 Il a dit : "Hazim Delic".
8 Mme McHenry (interprétation). - Voulez-vous ralentir ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Je lui ai demandé si Hazim Delic
10 avait écrit noir sur blanc qu'il était venu dans notre pièce et qu'il nous
11 avait violées. Il a dit que ce n'était pas possible, comme s'il ne savait
12 rien de tout cela. J'ai vraiment des doutes quant au fait qu'il pouvait
13 l'ignorer.
14 Et c'est alors que j'ai commencé à lui raconter ce qui nous
15 était arrivé, même si ça m'était particulièrement désagréable.
16 J'ai passé encore deux mois et demi dans mon village, et ensuite
17 je suis partie pour le territoire serbe. J'ai vu des gens, là, qui
18 regardaient la télévision, qui se parlaient normalement. Et moi je
19 n'arrivais même plus à saisir. Pour moi, il était bizarre de voir des gens
20 parler normalement, tellement j'avais peur.
21 Mme McHenry (interprétation). - Au moment où vous avez eu cette
22 conversation avec M. Mucic, est-ce que le sujet de la petite fille de
23 13 ans a été évoqué ?
24 Mme Cecez (interprétation). - On en a parlé un peu. Pour
25 l'essentiel, il m'a dit qu'Hazim Delic voulait violer cette petite fille,
Page 540
1 qu'il avait demandé aux gardiens de la préserver, de ne pas autoriser les
2 gardiens à la violer avant qu'il arrive. "Si moi je ne peux pas l'avoir,
3 que personne d'autre ne l'ait". On m'a dit aussi qu'on lui avait mis un
4 fusil dans la bouche, mais je ne sais pas si c'est vrai.
5 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais eu
6 une conversation avec M. Mucic sur le fait que certaines personnes de
7 Konjic étaient furieuses lorsqu'elles ont appris que vous aviez été
8 détenue à Celebici, et que ces personnes sont intervenues pour vous faire
9 libérer ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Non, non, de cela nous n'avons pas
11 parlé. Nous avons parlé de ce qui était arrivé à ces jeunes gens, les
12 nôtres, qui avaient été tués dans la salle de sport. Et il m'a dit : "Oh
13 ma Grozda ! ma Grozda ! Ce sont les musulmans qui les ont tués ". Je ne
14 sais pas s'il l'a dit par esprit de vengeance ou si tout cela était de
15 l'affabulation, mais il existe des rapports quant aux responsabilité des
16 uns et des autres.
17 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que
18 M. Mucic a participé aux dispositions qui ont été prises pour vous
19 permettre de quitter Konjic ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Oui, effectivement. Il a dit que
21 nous courions un danger, que nous étions menacés, qu'il fallait partir. Il
22 a trouvé une camionnette. Le 11 novembre, cette camionnette est arrivée et
23 nous avons été sept à partir vers le territoire serbe.
24 Lui est resté. Nous avons posé des questions, nous avons dit :
25 "Nous n'avons pas d'argent, nous n'avons pas de deutsche mark". A
Page 541
1 l'époque, on prenait 300 DM par personne pour ce voyage. Les chauffeurs
2 nous ont répondu que tout avait été payé. Donc je pense que quelqu'un a
3 payé, et à ce moment-là j'ai pensé que c'était Pavo qui avait payé. Je
4 n'en suis pas sûre, mais lui le sait sans doute. Et c'est comme ça que
5 nous sommes partis.
6 Je me souviens que quand j'ai demandé ce qui était arrivé à nos
7 jeunes gens dans la salle de sport, il m'a répondu : "Moi, si j'ouvre la
8 bouche, en tout cas Zejnil Delalic, lui, devrait l'ouvrir aussi, parce
9 qu'il sait exactement ce qui s'est passé. Les preuves existent". C'est ce
10 qu'il a dit.
11 Il y avait un autre homme que je connaissais un peu, un
12 voisin - nous avions été à l'école ensemble pendant deux ans. C'était ce
13 Zejnil. Il venait d'une famille très bien. Ses parents étaient vraiment
14 des gens très bien. Il n'a peut-être pas eu le courage de venir me voir,
15 parce qu'avant c'était un ami de mon mari. Nous étions voisins. En tout
16 cas, moi, là-bas, au camp, je ne l'ai pas vu. Je voyais son frère cadet
17 Sevik*. Un jour il est venu, justement quand Pavo nous a dit que nous
18 devions aller prendre une douche, mais après je ne l'ai plus revu.
19 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que vous
20 avez également eu, après votre libération de la prison, une conversation
21 avec l'un de vos anciens gardiens, Masic ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Il est venu un jour à Donje
23 Selo. On m'avait donné un petit appartement. C'est dans ce petit
24 appartement que j'habitais. Il est venu avec la femme de Trile. Il y avait
25 aussi une petite fille. Il m'a dit : "Je me demandais où tu étais, où
Page 542
1 était ta soeur". Ce sont ses propres mots. Nous nous sommes assis. Nous
2 appelions ma belle-soeur Bradinka parce qu'elle était de Bradinka.
3 Il m'a dit : "Delic m'a plusieurs fois donné l'ordre de la
4 violer, mais moi j'allais auprès du gardien. Je m'asseyais à côté du
5 gardien, j'allumais une cigarette et je rentrais un peu plus tard, si bien
6 que Delic pouvait penser que le viol avait eu lieu, mais rien n'a jamais
7 été fait".
8 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, c'est la
9 fin des mes questions. Je voudrais simplement demander que soit versé au
10 dossier le dessin réalisé par Mme Cecez. Je voudrais que ce soit la pièce
11 à conviction de l'accusation n° 5.
12 Mme McMurrey (interprétation). - Esad Landzo n'a pas
13 d'objection, Monsieur le Président. Pas d'objection.
14 M. le Président (interprétation). - Le document est donc accepté
15 en tant que pièce à conviction n° 5.
16 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président. C'est la
17 fin de nos questions, la fin de l'interrogatoire principal.
18 M. le Président (interprétation). - La Chambre devrait suspendre
19 son audience dans 15 minutes normalement, mais nous en sommes arrivés au
20 contre- interrogatoire. Etes-vous prêts à commencer ce contre-
21 interrogatoire immédiatement ? Je leur laisse le choix.
22 Mme Residovic (interprétation). - Si c'est possible, Monsieur le
23 Président, nous préférerions commencer après la pause de déjeuner.
24 M. le Président (interprétation). - C'est la possibilité que je
25 pensais vous proposer. Donc nous pouvons suspendre l'audience maintenant
Page 543
1 et nous reprendrons à 14 heures 30.
2 L'audience est levée à 12 heures 44.
3 L'audience est ouverte à 14 heures 30.
4 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous faire rentrer le
5 témoin, s'il vous plaît ?
6 (Le témoin, Mme Cecez, est introduit dans la salle).
7 Le témoin est toujours sous serment. Le témoin est maintenant à
8 la disposition de la défense pour le contre-interrogatoire.
9 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, selon
10 votre décision, je tiens à vous informer que le contre-interrogatoire du
11 témoin, Mme Grozda Cecez, aura lieu de la manière suivante :
12 M. Thomas Moran, de l'équipe de la défense de M. Delic, Mme McMurrey, de
13 l'équipe de la défense de M. Esad Landzo, Mme Residovic, de l'équipe de la
14 défense de M. Zejnil Delalic, et M. Tapuskovic, de l'équipe de la défense
15 de M. Zdvrasko Mucic.
16 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
17 M. Moran (interprétation). - Bonjour. Je suis l'un des avocats
18 de la défense et je vais vous poser quelques questions. Quelquefois, je
19 parle un peu trop vite et si vous ne comprenez pas quelque chose que je
20 dis, vous voudrez bien m'arrêter. Si vous ne comprenez pas les questions,
21 n'hésitez pas à me demander de les reformuler ou de les répéter. Est-ce
22 que vous pouvez faire cela pour moi, Madame, s'il vous plaît ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
24 M. Moran (interprétation). - Si je vous pose une question,
25 j'aimerais que vous répondiez simplement à la question que je pose. Est-ce
Page 544
1 que vous pourriez faire cela pour moi, s'il vous plaît ? Merci beaucoup,
2 Madame.
3 Madame, vous avez dit que le jour où les gens sont venus dans
4 votre maison, ils appelaient votre mari et lui demandaient de se rendre en
5 parlant dans un haut-parleur. Est-ce que c'est exact ? J'aimerais que vous
6 parliez un peu plus fort, s'il vous plaît, parce qu'on ne peut pas noter
7 ce que vous dites.
8 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Ils l'ont appelé dans un
9 haut-parleur, mais il ne l'a pas entendu.
10 M. Moran (interprétation). - Ils recherchaient votre mari tout
11 particulièrement, n'est-ce pas ?
12 Mme Cecez (interprétation). - J'étais simplement dans la
13 première maison dans laquelle ils sont allés.
14 M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'ils ont appelé les gens
15 par leur nom ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'entendais
17 pas, parce que j'étais en direction de chez ma belle-mère.
18 M. Moran (interprétation). - Mais ils recherchaient votre mari
19 parce que c'était lui qui dirigeait les gens qui avaient établi des
20 barricades en travers des routes dans votre secteur.
21 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.
22 M. Moran (interprétation). - Très bien, Madame.
23 Je me souviens que vous avez dit à Mme McMurrey que vous avez
24 regardé des photos. Est-ce que vous pourriez les regarder pour nous, s'il
25 vous plaît ?
Page 545
1 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
2 M. Moran (interprétation). - Donc si je vous les montrais, est-
3 ce que vous croyez que vous pourriez les reconnaître ? Est-ce que vous
4 pourriez identifier la série de photos que je pourrais vous montrer ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai reconnu personne à ce
6 moment-là.
7 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez qu'il
8 y avait six photos que l'accusation vous a montrées ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Je peux essayer, si vous voulez.
10 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce
11 qu'il serait possible de préciser que les photos que M. Moran vient de
12 montrer sont les mêmes que celles que l'accusation a montrées tout à
13 l'heure ?
14 M. Moran (interprétation). - C'est la pièce à conviction n° 1 de
15 la série de photos concernant la défense de M. Delic, et je demande
16 qu'elle soit versée au dossier.
17 M. le Président (interprétation). - Pas d'objection. La Chambre
18 verse ces photos comme pièce à conviction au dossier.
19 M. Moran (interprétation). - Maintenant, j'aimerais continuer
20 dans un domaine différent, si je peux me permettre. Quand vous avez été
21 amenée à la salle d'accueil, le troisième jour, quand vous veniez de
22 Konjic, dans quelle salle avez-vous été détenue ? J'aimerais que vous
23 puissiez le montrer à la Cour, s'il vous plaît.
24 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait une fenêtre avec un fil
25 de fer barbelé.
Page 546
1 M. Moran (interprétation). - Est-ce que la dimension de cette
2 salle était de 2 mètres sur 3 ? Est-ce que vous pourriez le repréciser ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas certaine, mais
4 c'était d'environ 3,20 m par 2,20 m. Je ne me souviens pas exactement.
5 Vous savez, cela fait cinq ans.
6 M. Moran (interprétation). - Vous l'avez mesurée, n'est-ce pas ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Oui, avec une règle.
8 M. Moran (interprétation). - Vous souvenez-vous, en juin 1994,
9 de vous être trouvée devant une équipe d'enquêteurs ? Je suppose que
10 c'était en Yougoslavie ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je crois.
12 M. Moran (interprétation). - Le 24 juin ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas du mois.
14 M. Moran (interprétation). - Mais c'était peut-être un juge
15 d'instruction. Est-ce qu'il s'agissait de M. Zubac ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas.
17 M. Moran (interprétation). - Mais vous vous souvenez que vous
18 avez comparu et que vous avez déposé une déclaration ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Ce n'était pas un tribunal. Ils
20 m'ont simplement convoquée dans une pièce, à Borci.
21 M. Moran (interprétation). - Ils vous ont dit que vous étiez
22 tenue de dire la vérité ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je crois. Je ne me souviens
24 pas précisément.
25 M. Moran (interprétation). - En fait, vous avez vu cette
Page 547
1 déclaration récemment, n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit, en tout
2 cas. Est-ce que vous y avez apporté des corrections récemment, par exemple
3 hier soir ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas quand c'était.
5 M. Moran (interprétation). - Depuis que vous êtes arrivée à
6 La Haye ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne pourrais pas
8 vous dire exactement.
9 M. Moran (interprétation). - Madame, quand vous y avez apporté
10 des corrections, est-ce que c'était il y a longtemps ou récemment ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Je n'en ai aucune idée. Je ne me
12 souviens de rien.
13 M. Moran (interprétation). - Mais vous y avez apporté des
14 corrections ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que oui.
16 M. Moran (interprétation). - Est-ce que c'est parce qu'il y
17 avait des choses dans votre première déclaration qui n'étaient pas
18 vraies ? Peut-être des fautes de la part de la personne qui a rédigé le
19 texte ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. Je ne sais pas. Je ne
21 sais pas.
22 M. Moran (interprétation). - Madame, si vous avez dit dans cette
23 déclaration que la salle mesurait 3,20 m sur 2,20 m en 1994, est-ce que
24 c'est exact ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas de ce que
Page 548
1 j'ai dit. Cela fait très longtemps.
2 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'elle a dit
3 exactement la même chose déjà.
4 M. Moran (interprétation). - Et il y avait deux portes dans
5 cette salle, n'est-ce pas ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
7 M. Moran (interprétation). - Et les portes étaient toujours
8 condamnées ? Vous ne pouviez pas les utiliser ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
10 M. Moran (interprétation). - L'autre porte, est-ce que c'était
11 celle par laquelle vous passiez ? De quelle porte s'agissait il ? Est-ce
12 que c'était une porte dure, solide, pleine, comme celles que nous avons
13 pour le prétoire ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Une porte en bois, une porte
15 normale. Comment pourrais-je le savoir ?
16 M. Moran (interprétation). - Je veux dire : est-ce que c'était
17 une porte à travers laquelle vous pouviez voir quand elle était
18 fermée ?...
19 M. le Président (interprétation). - On vient de me dire que les
20 interprètes ont des difficultés avec le micro...
21 M. Moran (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je
22 vais changer de place. J'espère que cela va aller mieux comme cela.
23 Madame, quand vous avez été détenue dans cette pièce, est-ce que
24 la porte était généralement ouverte ou fermée ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Fermée. Je pouvais simplement voir
Page 549
1 la grille par la fenêtre quand la porte était fermée et quand je sortais,
2 je voyais davantage.
3 M. Moran (interprétation). - La porte était donc généralement
4 fermée, n'est-ce pas ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je la fermais toujours
6 derrière moi.
7 M. Moran (interprétation). - Et les gardes la tenaient fermée
8 aussi parce que vous étiez prisonnière ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Quand les gardes entraient,
10 quand ils me violaient, ils fermaient la porte. Ils utilisaient aussi les
11 toilettes.
12 M. Moran (interprétation). - Les toilettes que les gardes
13 utilisaient, est-ce que c'était un autre endroit que la pièce dans
14 laquelle vous étiez détenue, un autre endroit du bâtiment ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Le soir, ils se servaient des
16 toilettes, ils gardaient les clefs et ils nous enfermaient de l'extérieur.
17 M. Moran (interprétation). - Donc ils vous enfermaient de
18 l'extérieur aussi dans cette pièce ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Oui. L'entrée principale était
20 toujours fermée à clef, mais quand nous devions aller faire le ménage
21 dehors, ils ouvraient la serrure et ils ouvraient la porte.
22 M. Moran (interprétation). - Quand vous faisiez du balayage
23 dehors, en général, combien de temps restiez-vous dehors ? Est-ce que
24 c'était une demi-heure, une heure, deux heures ?... Longtemps ou pas
25 longtemps ?
Page 550
1 Mme Cecez (interprétation). - Cela dépendait. Quelquefois, nous
2 allions balayer le chemin. Il y avait les feuilles des arbres qui
3 tombaient. Quelquefois, cela durait plus longtemps et quelquefois, moins
4 longtemps.
5 M. Moran (interprétation). - Nous parlons de quoi comme durée ?
6 En général une demi-heure, une heure ?...
7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai pas
8 regardé l'heure.
9 M. Moran (interprétation). - Vous n'aviez pas de montre, n'est-
10 ce pas ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Non.
12 M. Moran (interprétation). - Vous aviez été arrêtée. Donc tous
13 vos effets personnels vous avaient été enlevés, n'est-ce pas ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Ils avaient mis le feu à ma
15 maison. Donc qu'est-ce qui restait ? Ils ne pouvaient pas brûler la terre.
16 Ils l'auraient fait s'ils l'avaient pu, probablement.
17 M. Moran (interprétation). - Peut-être votre alliance ou
18 d'autres bijoux... Quand vous avez été arrêtée et détenue, les gens qui
19 vous ont arrêtée et emmenée dans le camp ont-ils pris tous vos effets
20 personnels ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Non. Ibrahim Duro a pris mon
22 argent parce qu'il m'a dit : "Si tu ne me le donnes pas, ils vont le
23 prendre de toute manière". Je le lui ai donné. J'ai enlevé ma bague et je
24 l'ai laissée à mes beaux-frères, dans la maison de mes beaux-frères. Le
25 reste, je l'avais dans mon sac à main avec ma carte d'identité et avec
Page 551
1 certains médicaments que je portais sur moi.
2 M. Moran (interprétation). - Et les gardes vous ont laissé
3 garder ces objets ou est-ce qu'il vous les ont pris ?
4 Mme Cecez (interprétation). - J'ai gardé ces objets. Ils ne me
5 les ont pas enlevés. Ils nous fouillaient. Ils m'ont fouillée près de ma
6 maison et ils ont vu qu'il n'y avait rien à l'intérieur.
7 M. Moran (interprétation). - Madame, vous avez dit dans les
8 corrections que vous avez apportées à votre déclaration et que vous avez
9 données au Tribunal de l'ex-Yougoslavie, les corrections qui ont été
10 fournies par l'accusation aujourd'hui, vous avez dit que vous aviez des
11 contraceptifs quand vous êtes allée à Celebici. C'est exact ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
13 M. Moran (interprétation). - Dans la manière dont le juge
14 d'instruction a d'abord rédigé son rapport, il a dit qu'assez longtemps
15 avant l'attaque vous aviez eu ces cinq pilules avec vous. Est-ce avant
16 l'attaque de l'armée Croate et musulmane ? Est-ce exact ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Je les ai achetées le 1er avril
18 1992 parce que les médicaments manquaient déjà. J'ai trouvé ces comprimés
19 et j'ai acheté cette quantité et je les ai utilisées. Je m'en servais
20 quand je vivais avec mon mari.
21 M. Moran (interprétation). - Est-ce que votre médecin vous les
22 avez prescrites ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Oui, cela faisait plusieurs
24 années que je les utilisais à Konjic.
25 M. Moran (interprétation). - (Pas d'interprétation)
Page 552
1 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas.
2 M. Moran (interprétation). - C'était une femme médecin, quoi
3 qu'il en soit. Je vais épeler son nom, le nom de votre médecin : D S U F D
4 I C I C.
5 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
6 M. Moran (interprétation). - En fait, madame, vous preniez ces
7 pilules depuis janvier 1996, n'est-ce pas ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens vraiment pas de
9 la date, mais c'est vrai que je les prenais depuis longtemps.
10 M. Moran (interprétation). - Et en avril 1991, vous aviez
11 encore une ordonnance et vous consommiez encore ces médicaments ?
12 Mme Cecez (interprétation). - J'ai eu ces médicaments sans
13 ordonnance. On pouvait les acheter sans la moindre ordonnance dans des
14 pharmacies privées. C'était une pharmacie près du pont, à côté de la
15 banque, sur la droite, quand on marchait depuis chez moi. Je me suis
16 arrêtée à la pharmacie et j'ai acheté ces médicaments.
17 M. Moran (interprétation). - Fin mars 1992, vous étiez
18 enceinte, n'est-ce pas ?
19 Mme McHenry (interprétation). - Objection, monsieur le
20 Président, cette question n'est pas pertinente.
21 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
22 pouvoir continuer, s'il vous plaît.
23 M. le Président (interprétation). - J'ai accepté l'objection.
24 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous seriez étonnée si
25 l'on vous disait que le docteur Sajaf*, je ne peux pas prononcer son nom
Page 553
1 de famille, excusez-moi, a dit à notre enquêteur qu'il vous avait vue pour
2 la dernière fois le 1er avril 1992 et qu'il ne vous a pas prescrit de
3 pilules contraceptive, à cette date ?
4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que je peux soulever une
5 objection et expliquer pourquoi je soulève cette objection ?
6 M. le Président (interprétation). - Oui.
7 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, il y a
8 deux points à mon objection.
9 Premièrement, je crois que le témoin a déjà dit qu'elle n'avait
10 pas eu cette ordonnance et je crois que cela n'est pas pertinent. Mais
11 cela porte maintenant sur un point plus général et j'aimerais simplement
12 expliquer à la Cour pourquoi je fais objection.
13 Je crois qu'il ne convient pas que la défense demande aux
14 témoins si oui ou non ils sont étonnés par ce que d'autres témoins ont pu
15 dire ou ne pas dire. Je crois que la défense peut récuser un témoin à
16 propos de ce qu'un témoin peut avoir dit ou pas dit, mais ils peuvent
17 justifier leur récusation en parlant de certains faits et ensuite
18 présenter des témoins ou des documents pour contredire les faits.
19 Par exemple, si la défense a des informations indiquant que
20 selon les rapports d'un autre témoin, que ce témoin vendait des armes à
21 d'autres, ils ont certainement le droit de poser la question. Par exemple
22 si on dit : "est-ce que vous vendiez des armes en 1992", ils peuvent
23 certainement le faire. Si le témoin le nie, ils peuvent certainement
24 présenter ce que le docteur ou ce que le document indique et cela
25 convient, ou si ce témoin peut authentifier le dossier ou s'il s'agit de
Page 554
1 la déclaration du témoin lui-même, d'accord.
2 Mais quand il s'agit de savoir si un témoin pense qu'une
3 personne aurait pu dire ceci ou ne pas le dire, cette personne n'a aucune
4 moyen de savoir ce que d'autres personnes auraient pu dire. Le fait de
5 savoir si c'est une surprise ou pas ne convient pas du tout et est tout à
6 fait contraire à la vérité et au processus du procès.
7 Je crois qu'il y a peut-être des situations où il y a d'autres
8 éléments de preuve qui ne sont pas fiables. Il se pourrait qu'une autre
9 personne ait été forcée ou contrainte de faire cette déposition, qu'une
10 personne se trompe. Il pourrait aussi qu'une personne ne dise tout
11 simplement pas la vérité. Mais il est tout à fait injuste pour le témoin
12 de lui demander ce qu'il pense de ce que d'autres personnes auraient pu
13 dire.
14 Donc si la défense veut récuser ce témoin par rapport à ses
15 déclarations précédentes, nous ne soulevons aucune objection. Si la
16 défense veut présenter des éléments de preuve pour faire-valoir sa cause,
17 nous ne faisons pas objection. Si la défense dans sa plaidoirie veut
18 soulever des contradictions, nous ne faisons pas objection. Mais nous
19 soulevons une objection quand il s'agit de demander aux témoins s'ils sont
20 surpris de savoir ce qu'une personne aurait pu dire ou ne pas dire.
21 Nous croyons que c'est une manière un peu sournoise d'interroger
22 un témoin et que cette manière n'est pas fiable.
23 A propos de ce qui s'est passé hier...
24 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr que nous
25 parlons de la même chose ici.
Page 555
1 Mme McHenry (interprétation). - Mais, monsieur le Président,
2 M. Moran...
3 M. le Président (interprétation). - Mais quelle est la question
4 qu'il pose ? Est-ce que vous connaissez la question qu'il a posée ?
5 Pouvez-vous répéter la question ?
6 Mme McHenry (interprétation). - "Seriez-vous surprise si votre
7 docteur avait dit que". Monsieur le Président, je crois que l'opinion du
8 témoin quant à savoir s'il serait surpris ou pas surpris n'a pas sa place
9 ici.
10 Par exemple, si l'on demandait au témoin : "en avril 1992, vous
11 n'aviez pas d'ordonnance", je n'ai pas d'objection à ceci.
12 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
13 M. Moran (interprétation). - Madame, voulez-vous que je répète
14 ma question ? Voulez-vous que je répète ?
15 Madame, seriez-vous surprise si votre médecin disait que vous
16 êtes venue le voir au début du mois d'avril ou fin mars 1992 pour et qu'à
17 ce moment-là il ne vous a pas prescrit de pilules contraceptives. Il vous
18 a dit qu'étant donné votre âge, il recommandait d'autres moyens de
19 contraception ?
20 Mme Cecez (interprétation). - J'étais enceinte cette année-là.
21 Je n'avais pas assez de pilules, donc j'avais arrêté de les utiliser
22 pendant un certain temps et c'est comme ça que je suis tombée enceinte. Je
23 suis allée chez le médecin pour un contrôle. (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 556
1 (expurgée). Je suis allée voir Sejo qui a dit qu'il allait m'envoyer à
2 Sarajevo, mais la situation était déjà tendue à Sarajevo à ce moment-là.
3 Il m'a dit de venir et je pense, (expurgée)
4 (expurgée)
5 Ensuite je suis rentrée et j'ai trouvé ces pilules. J'ai acheté
6 cinq petites boîtes dans cette pharmacie et j'ai continué à les utiliser.
7 Voilà la vérité.(expurgée).
8 M. Moran (interprétation). - (expurgée)
9 (expurgée). Ma question était : est-ce que vous seriez
10 surprise ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, j'ai bien compris la
12 question.
13 M. Moran (interprétation). - Et votre docteur vous a dit qu'il
14 était préférable que vous utilisiez un autre moyen de contraception, étant
15 donné votre âge, n'est-ce pas ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Il n'a rien dit à ce moment-là.
17 (expurgée). Je suis rentrée à la maison. Je me
18 suis reposée pendant une journée ou deux et puis j'ai continué à
19 travailler.
20 Peut-être a-t-il quelque chose, mais vraiment je ne me souviens
21 pas. C'est un fait que j'utilisais ces pilules contraceptives déjà avant
22 et qu'on pouvait les acheter sans ordonnance.
23 M. Moran (interprétation). - Vous avez donné certaines de ces
24 pilules à Milojka Antic, n'est-ce pas ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Elle ne les a pas utilisées. Ce
Page 557
1 sont les femmes de Bradina qui ont utilisé ces pilules contraceptives.
2 M. Moran (interprétation). - Donc elle n'a reçu aucune de ces
3 pilules ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Non, pas de ma part.
5 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, une seconde
6 si vous me le permettez.
7 Madame, êtes-vous apparue à la télévision en Serbie peut-être
8 pour parler de ce qui vous est arrivé ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Je n'avais pas de télévision, et
10 je n'ai toujours pas de télévision maintenant. Je n'en sais rien.
11 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais
12 rencontré quelqu'un équipé de caméra télé qui vous ait interrogée ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Je n'en sais rien. Peut-être. Je
14 ne sais pas.
15 M. Moran (interprétation). - Vous ne vous souvenez
16 pas simplement ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne me souviens pas.
18 M. Moran (interprétation). - Madame, dans les dépositions que
19 vous avez faites avant aujourd'hui, avez-vous jamais mentionné l'incident
20 avec les fusils-mitrailleurs ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être que je ne m'en
22 souvenais pas ? Je m'en suis souvenue cette fois-ci, là maintenant, je ne
23 sais pas.
24 M. Moran (interprétation). - Madame, la question était : est-ce
25 qu'avant votre déposition d'aujourd'hui, dans d'autres dépositions
Page 558
1 antérieures, avez-vous jamais mentionné ces fusils-mitrailleurs.
2 Mme McHenry (interprétation). - Objection, monsieur le
3 Président. Le témoin a déjà dit qu'elle ne se souvient pas en avoir parlé.
4 M. le Président (interprétation). - Le témoin vous a répondu.
5 M. Moran (interprétation). - C'était un incident terrifiant,
6 n'est-ce pas ?
7 Mme Cecez (interprétation). - De quoi parlez-vous ? De quel
8 incident parlez-vous ?
9 M. Moran (interprétation). - L'incident où l'on a agité des
10 fusils-mitrailleurs, où l'on tirait au fusil-mitrailleur au-dessus de
11 votre tête.
12 Mme Cecez (interprétation). - Oui, effectivement, j'étais
13 terrifiée.
14 M. Moran (interprétation). - En fait c'est le genre de chose
15 dont on se souvient, n'est-ce pas, qu'on n'oublie pas ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Oui, mais j'avais beaucoup de
17 problèmes à part ça et je croyais que je me souviendrais d'autres choses
18 que j'ai oublié de dire. Par exemple cette fois-ci, je n'ai pas parlé de
19 la façon dont on a amené des filles handicapées mentales au camp et tout
20 ce qu'on leur a fait, à ces filles. Il y avait un Croate et une femme
21 parmi ces gens. De cela, je n'en ai pas parlé.
22 M. Moran (interprétation). - Oui, madame. Mais quand vous avez
23 fait votre déposition, en juin 1994 auprès de l'enquêteur en ex-
24 Yougoslavie, il vous a posé des questions pour déterminer ce qui s'était
25 passé, n'est-ce pas ?
Page 559
1 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. Je ne me souviens de
2 rien. Je n'en sais rien.
3 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous avez déposé auprès de
4 l'enquêteur dépêché par le Tribunal, des questions vous ont été posées
5 pour vous aider à vous souvenir de certaines choses, n'est-ce pas ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être l'ont-ils fait. Je ne
7 sais pas trop, je ne connais pas trop les tribunaux, les dépositions. J'ai
8 dit à l'époque ce dont je me souvenais.
9 M. Moran (interprétation). - Mais ils vous posaient des
10 questions pour vous aider à vous souvenir, n'est-ce pas ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Ils ne peuvent pas m'aider à me
12 souvenir, c'est moi qui sais par quoi je suis passée et j'ai simplement
13 raconté ce dont je me souvenais.
14 M. Moran (interprétation). - Oui, mais vous venez de dire que
15 vous ne vous souveniez pas de cet incident au fusil-mitrailleur jusqu'au
16 jour d'aujourd'hui.
17 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. Probablement. Je ne
18 sais pas. Ou peut-être ai-je dis que... Mais c'est ce qui est arrivé,
19 c'est cela la vérité.
20 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous avez eu
21 connaissance de documents pour préparer votre témoignage aujourd'hui ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Non.
23 M. Moran (interprétation). - Avez-vous parlez à qui que ce
24 soit ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Non.
Page 560
1 M. Moran (interprétation). - Avez-vous parlé à Mme McHenry, par
2 exemple ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Qui est-ce ? Je n'en sais rien.
4 M. Moran (interprétation). - La dame assise de l'autre côté qui
5 vous posait des questions ce matin.
6 Mme Cecez (interprétation). - Non, pas aujourd'hui. Je ne sais
7 pas.
8 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous lui avez parlé
9 pour préparer votre témoignage ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas. Je ne sais
11 pas. Elle ne parle pas ma langue et je ne parle pas sa langue. Peut-être
12 l'ai-je fait, mais je ne me souviens pas.
13 M. Moran (interprétation). - Pouvez-vous regardez les quatre
14 personnes qui sont assises sur le banc de l'accusation. Avez-vous parlé à
15 l'une quelconque de ces personnes pour préparer votre déposition ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas de l'avoir
17 fait.
18 M. Moran (interprétation). - Avez-vous parlé à des
19 représentants du bureau du procureur pour préparer votre témoignage
20 aujourd'hui ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Je suis arrivée toute seule. Je
22 ne sais pas.
23 M. Moran (interprétation). - Donc essentiellement vous êtes
24 venue de là où vous résidez actuellement à La Haye et lorsque vous êtes
25 arrivée au Tribunal, c'est au banc des témoins que vous avez parlé pour la
Page 561
1 première fois de ce qui vous est arrivé ? Est-ce bien juste ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.
3 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous êtes venue ici
4 témoigner, vous ne résidez plus là où vous résidiez avant, n'est-ce pas ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Non.
6 M. Moran (interprétation). - Donc vous êtes venue de là où vous
7 résidez actuellement à La Haye. Je ne vous demande pas où vous résidez.
8 Vous êtes venue de là-bas en Hollande. Vous êtes arrivée la semaine
9 dernière, j'imagine ? Est-ce juste ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
11 M. Moran (interprétation). - Et vous n'avez parlé à personne de
12 votre déposition après être arrivée à La Haye. Est-ce juste ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas avec qui, qui
14 était là avec nous.
15 M. Moran (interprétation). - Quelles étaient les femmes qui
16 étaient avec vous ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Je ne connais pas ces gens. Il y
18 avait des interprètes.
19 M. Moran (interprétation). - Et vous leur avez parlé de la
20 façon dont vous alliez déposer ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Non, non. Nous avons simplement
22 parlé de ce à quoi ressemble la Hollande, si elle nous plaît, de la
23 nourriture et de la façon dont nous étions logées, j'ai tricoté, et des
24 choses comme cela.
25 M. Moran (interprétation). - Une dernière chose, madame, et
Page 562
1 ensuite je crois que j'en aurai terminé avec mes questions. Vous avez dit
2 que vous aviez vu un seau qui était sorti du tunnel n° 9 tous les matins,
3 n'est-ce pas ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Oui, on sortait le seau et
5 c'était le pot de chambre dans lequel les prisonniers faisaient leurs
6 besoins. Il était vidé tous les matins.
7 M. Moran (interprétation). - Vous l'avez vu tous les matins ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne l'ai pas vu tous les
9 matins, mais seulement quand je regardais. Je ne regardais pas
10 constamment. Je n'osais pas. C'était toujours les derniers de la queue qui
11 portaient ce seau.
12 M. Moran (interprétation). - Vous dites : quand vous regardiez
13 dehors. D'où regardiez-vous dehors ?
14 Mme Cecez (interprétation). - J'observais depuis la pièce qui a
15 trois fenêtres, trois fenêtres donnant sur le tunnel n° 9.
16 M. Moran (interprétation). - C'est la salle où se trouvaient
17 les gardes, n'est-ce pas ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Ils étaient le plus souvent
19 dehors, à moins qu'il ne pleuve. Ils n'étaient donc pas là et parfois, je
20 pouvais regarder à l'extérieur. En général, je prenais la carafe ou le
21 cruchon avec moi pour faire semblant de prendre de l'eau.
22 M. Moran (interprétation). - Donc vous pouviez sortir de la
23 salle où vous étiez à peu près n'importe quand, quand vous le vouliez ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Parfois, quand nous osions.
25 Parfois, ils disaient qu'il ne fallait pas sortir ou regarder. Et on ne le
Page 563
1 faisait pas alors.
2 M. Moran (interprétation). - Mais vous pouviez en gros entrer
3 et sortir de cette pièce chaque fois que vous le vouliez ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Je pouvais, mais très souvent je
5 n'osais pas le faire. Parfois, quand j'allais aux toilettes, je regardais
6 mais on ne pouvait pas.
7 M. Moran (interprétation). - La porte qui donnait dans la pièce
8 où vous étiez n'était donc pas fermée à clef ?
9 Mme Cecez (interprétation). - La porte n'était pas verrouillée.
10 Seule la porte extérieure était verrouillée.
11 M. Moran (interprétation). - Donc vous pouviez entrer et sortir
12 de la salle dans laquelle vous étiez détenue à peu près comme vous le
13 vouliez ?
14 Mme McHenry (interprétation). - Objection ! Je crois que cela a
15 déjà été demandé et que la réponse a déjà été donnée.
16 M. le Président (interprétation). - Vous semblez vous intéresser
17 à la façon dont le témoin se déplace dans le bâtiment. Je crois que cela a
18 déjà été expliqué.
19 M. Moran (interprétation). - Madame, vous dites que vous ne
20 receviez de nourriture qu'en très petites quantités ?
21 Mme Cecez (interprétation). - La nourriture était mauvaise, et
22 on n'en avait que très peu.
23 M. Moran (interprétation. - Savez-vous ce que les gardes
24 mangeaient ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne sais pas.
Page 564
1 M. Moran (interprétation). - Savez-vous si la nourriture était
2 préparée à Celebici au camp, ou si elle était amenée d'un autre endroit
3 pour nourrir les détenus et les gardiens ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Vraiment, je ne
5 sais pas d'où venait la nourriture.
6 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, quelques
7 secondes si vous me le permettez. Madame, est-ce que vous aviez
8 l'autorisation de recevoir des visites dans le bâtiment d'accueil près de
9 la porte d'entrée ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Non, personne n'est venu me rendre
11 visite. Ce n'était pas autorisé.
12 M. Moran (interprétation). - Personne du tout ?
13 Mme Cecez (interprétation). - Non, ma soeur est venue plusieurs
14 fois, et son fils, mais on ne les a pas laissés entrer.
15 Hazim Delic d'ailleurs se vantait qu'il y aurait 60 petits
16 Delic, filles et garçons, qui naîtraient bientôt, étant donné le nombre de
17 femmes qu'il avait violées. C'était le genre d'histoires qui couraient
18 dans le camp, mais je n'ai jamais reçu de visites, et je ne savais pas ce
19 qui était arrivé à ma famille.
20 M. Moran (interprétation). - Madame, encore quelques questions.
21 Comment votre mari est-il mort ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas encore très sûre.
23 Ce n'est toujours pas clair pour moi. D'abord, je croyais qu'il avait
24 sauté sur une mine, je ne savais pas où étaient les champs de mines et je
25 ne sais toujours pas comment il est mort.
Page 565
1 M. Moran (interprétation). - Mais votre mari n'a jamais été
2 détenu où que ce soit, n'est-ce pas, à votre connaissance ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Il est parti le
4 22 août de Donje Selo -c'est ce que mon beau-frère m'a dit- et il s'est
5 caché près du village.
6 M. Moran (interprétation). - Entre mai et le 22 août, votre mari
7 était donc en liberté, n'est-ce pas ?
8 Mme Cecez (interprétation). - La liberté... si on peut l'appeler
9 ainsi. Quand on est dans la cave de Trile pendant des dizaines de jours,
10 une cave qui faisait 80 centimètres de haut - c'est là qu'il se cachait,
11 qu'il passait tout son temps- ce n'est pas la liberté.
12 M. Moran (interprétation). - Il n'a jamais été détenu par
13 l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Non, parce qu'il se cachait.
15 M. Moran (interprétation). - Et vos deux autres parents, qui ont
16 été tués à peu près au même moment ? Encore une fois ils ont peut-être
17 marché sur une mine, ils sont peut-être morts au combat, ou quelque chose
18 comme cela ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Ils ont essayé de fuir et dès
20 qu'ils sont partis, ils ont été tués. Je ne sais pas si quelqu'un les a
21 tués, mais ils étaient morts; Je suis allée à la morgue et je les ai vus.
22 En tout cas, ils n'ont ni attaqué, ni tué quiconque eux-mêmes.
23 M. Moran (interprétation). - Et ils n'ont pas été détenus au
24 camp de Celebici, n'est-ce pas ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Non, ils se cachaient avec mon
Page 566
1 mari, et ils sont restés avec lui.
2 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai
3 terminé pour ma part.
4 M. le Président (interprétation). - Voilà pour le contre-
5 interrogatoire par la défense de Delic.
6 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne veux pas vous troubler,
7 mais nous n'avons pas de question à poser au témoin à ce stade.
8 M. le Président (interprétation). - Vous ne me troublez pas du
9 tout.
10 D'autres conseils souhaitent-ils procéder au contre-
11 interrogatoire ?
12 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, je m'appelle
13 Edina Residovic et je suis conseil de la défense pour Delalic. Tout
14 d'abord, permettez-moi de dire que je comprends qu'il n'est pas facile
15 pour vous de répondre à toutes les questions qui vous sont posées. Cela
16 fait deux jours que vous êtes à la barre des témoins. Mais vous devez
17 aussi comprendre qu'il est de mon devoir de vous poser des questions
18 concernant les événements que vous avez décrits.
19 Je vais aussi essayer de poser mes questions de façon aussi
20 claire et simple que possible, et je vous demanderai d'y répondre de la
21 même manière.
22 Si vous ne comprenez pas la question ou l'interprétation,
23 veuillez le dire et je répéterai la question de sorte que nous nous
24 comprenions. Etes-vous d'accord avec ceci, madame Cecez ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
Page 567
1 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Vous avez dit que vous
2 avez fait votre première déposition en juin aux enquêteurs de Borci ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas quel mois c'était.
4 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas de
5 l'année, mais vous vous souvenez que cela s'est passé à Borci ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Oui, quelqu'un est venu à Borci et
7 on m'a posé des questions.
8 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, vous ne
9 vous êtes pas déplacée pour faire cette déposition ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Non.
11 Mme Residovic (interprétation). - Si, dans une déposition,
12 quelqu'un dit que vous avez déposé à Nevesinje. Cela ne serait pas vrai,
13 n'est-ce pas ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Non.
15 Mme Residovic (interprétation). - Avant que les enquêteurs du
16 tribunal ne vous interrogent, vous avez déjà fait deux dépositions, n'est-
17 ce pas ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas. Je suis
19 allée une fois en décembre 1995 et le 14 novembre 1996. Je ne suis venue
20 ici qu'une fois.
21 Mme Residovic (interprétation). - Donc s'il y a deux
22 dépositions, il y en a une qui n'est pas de vous ?
23 Mme Cecez (interprétation). - Tout ce que je sais, c'est que je
24 suis venue à La Haye une fois. Cela faisait trop de déplacements pour moi.
25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous avez fait
Page 568
1 cette déposition en décembre 1995 à un autre endroit ?
2 Mme Cecez (interprétation). - En décembre 1995, je pense que
3 c'était ici.
4 Mme Residovic (interprétation). - Et celle du 14 novembre 1996 ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Ce n'était pas ici.
6 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais poser une question.
7 Il faudrait qu'il y ait une pause entre la question du conseil
8 et la réponse du témoin pour que ceux qui écoutent puissent faire la
9 distinction entre la question et la réponse, car pour l'instant cela va un
10 peu vite et nous voudrions avoir la possibilité d'intervenir.
11 Autre chose : puis-je suggérer à l'avocat de la défense qu'il
12 montre au témoin la déposition du 2 novembre 1996 car cela pourrait
13 rafraîchir la mémoire du témoin, et c'est pertinent pour ce qui est de la
14 définition de l'acception d'une déposition.
15 M. Jan. - (pas d'interprétation).
16 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je montrer les deux
17 dépositions au témoin ?
18 M. le Président (interprétation). - Oui, si vous le souhaitez,
19 cela n'est pas un problème. C'est même plus facile pour vous.
20 (L'huissier remet la déposition à Mme Cecez).
21 M. le Président (interprétation). - Dans quelle langue cette
22 déposition a-t-elle été faite ?
23 Mme Residovic (interprétation). - J'ai le texte dans la langue
24 du témoin. Pour autant que je sache, les enquêteurs prennent toujours les
25 déclarations en anglais.
Page 569
1 Avez-vous vu la déclaration, madame Cecez ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Ce deuxième texte n'est pas clair
3 pour moi.
4 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous expliquer laquelle
5 n'est pas claire pour vous ?
6 Mm Cecez (interprétation). - Celle-ci, la deuxième.
7 Mme Residovic (interprétation). - datée de novembre 1996 et
8 celle là ...
9 Mme Cecez (interprétation). - Où se trouve la date... 1996 ?
10 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous n'êtes pas sûre que
11 vous avez fait cette déclaration ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'elle dit.
13 Mme Residovic (interprétation). - Cela n'a pas d'importance, ce
14 qu'elle contient. Répondez-moi simplement si vous vous souvenez, en
15 novembre 1996, avoir parlé aux enquêteurs du bureau du procureur pour
16 faire une nouvelle déclaration.
17 Mme Cecez (interprétation). - Vraiment, je ne sais pas quand
18 c'était. Peut-être l'ai-je fait, peut-être ne l'ai-je pas fait... Je ne
19 m'en souviens pas.
20 Mme Residovic (interprétation). - En réponse à une question
21 posée précédemment, vous avez dit que vous n'aviez pas parlé encore à Mme
22 Teresa McHenry, et dans ce document il est dit que Mme McHenry était
23 présente.
24 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être était-elle présente,
25 mais je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas très bien des gens.
Page 570
1 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, dans les deux
2 cas, quand les enquêteurs du Tribunal vous interrogeaient, en une
3 occasion, comme vous vous en souvenez, vous avez dit que vous étiez prête
4 à témoigner devant le tribunal.
5 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que j'ai dit la vérité,
6 il n'y a pas de problème.
7 Mme Residovic (interprétation). - En ces deux occasions, en tout
8 cas celles dont vous vous souvenez, l'enquêteur était une femme.
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui j'imagine.
10 Mme Residovic (interprétation). - Il y avait une femme grande et
11 blonde : Mme Sabine Manke ? C'est elle ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
13 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce une seule fois que vous
14 avez été interrogée par cette dame ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis venue à La Haye qu'une
16 seule fois. Je ne me souviens de rien.
17 Mme Residovic (interprétation). - Dans cette déposition que vous
18 avez faite à Borci, et dans celle que vous avez faite devant Mme Manke,
19 vous n'aviez pas de raison de mentionner Hazim Delic ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu là, donc je
21 ne pouvais rien dire sur lui, sur quelque chose que je n'avais pas vu.
22 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez., il est
23 difficile pour moi de vous poser une question, car dans la déclaration que
24 vous ne vous souvenez pas avoir fait, de toute évidence, en réponse aux
25 questions de quelqu'un, vous mentionnez le nom de Hazim Delic. et
Page 571
1 Zejnil Delalic.
2 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je connaissais mes voisins.
3 Mme Residovic (interprétation). - Vous l'avez déjà dit ce matin
4 dans votre témoignage. Ma question est la suivante : si quelqu'un n'avait
5 pas mentionné ce nom, vous ne l'auriez pas mentionné vous-même ? ce nom de
6 Zejnil Delalic ? Est-ce juste ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne peux pas jeter des soupçons
8 sur quelqu'un qui ne m'a rien fait.
9 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Vous avez donc répondu
10 à ma question. Permettez-moi de vous en poser d'autres. Vous avez dit être
11 née à Ostrozac.
12 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
13 Mme Residovic (interprétation). - C'est là que résidait votre
14 famille ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
16 Mme Residovic (interprétation). - Votre père a donc habité à
17 Ostrozac jusqu'à la fin de 1994 ?
18 M. Jan (interprétation). - J'aimerais prier le conseil de
19 ralentir un peu le débit. Vous comprenez, on écoute l'interprète et on
20 n'arrive pas à faire la différence entre la question, la fin de la
21 question et le début de la réponse. Donc nous aimerions que le débit soit
22 un peu ralenti pour que nous puissions distinguer ce que dit le témoin et
23 ce que vous dites vous-même. Nous, nous entendons la même voix, la voix de
24 l'interprète qui nous dit des choses en succession rapide et donc il nous
25 est très difficile de faire la différence entre le contenu de la question
Page 572
1 et le contenu de la réponse.
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci, monsieur le Président
3 et monsieur et madame les juges. Il est évident que j'oublie de temps en
4 temps ce genre de chose car je parle la même langue que le témoin. Je vais
5 tenter de faire de mon mieux pour ralentir un peu mon débit.
6 Est-ce vous êtes au courant du fait que les Serbes qui
7 résidaient à Ostrozac n'ont cessé d'avoir de bons rapports avec leurs
8 voisins ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Ecoutez, je ne sais pas. Je ne
10 pouvais pas évaluer cela. Je suis allée une fois chez mon frère, après ma
11 sortie du camp. Je ne sais pas, mais je suppose que si les rapports
12 étaient si bons, ils ne se seraient peut-être pas lancés dans tous ces
13 événements.
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que vos
15 voisins ont restitué volontairement leurs armes sur la demande des
16 autorités ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Comment est-ce que je pourrais le
18 savoir ? Je ne sais pas.
19 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Hier, vous avez dit
20 qu'à la mi-mai 1992...
21 M. le Président (interprétation). - Je vous prierais de nous
22 laisser réentendre la réponse à la dernière question, la question
23 concernant la restitution des armes de façon volontaire et pacifique.
24 Quelle est la réponse ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai aucune
Page 573
1 information à ce sujet. Je n'ai pas la moindre idée.
2 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous, madame Cecez., si
3 l'un d'entre eux se trouvait à Celebici ?
4 Mme Cecez (interprétation). - L'un d'entre eux ? De qui ?
5 Mme Residovic (interprétation). - De vos voisins d'Ostrozac.
6 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais bas. Je ne sais pas du
7 tout.
8 Mme Residovic (interprétation). - Bien, merci.
9 Hier, vous avez dit que vous vous êtes trouvée à Konjic pour la
10 dernière fois aux alentours de la mi-mai. Vous avez même cité une date
11 exacte dont je ne me souviens pas.
12 Mme Cecez (interprétation). - Le 19 mai.
13 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez donc dit vous y être
14 trouvée le 19 mai.
15 Mme Cecez (interprétation). - Effectivement.
16 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire
17 si vous savez si la ville a été bombardée d'ici là ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. J'ai demandé à
19 une petite musulmane de m'accompagner. Il y avait pas mal de difficultés.
20 Je ne pouvais pas continuer à ne pas prendre mes biens personnels. Je les
21 ai donc emportés le 19. J'ai vu qu'il y avait pas mal de gens habillés de
22 façon un peu bigarrée dans la rue. Cela m'a surprise.
23 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des
24 maisons détruites, des commerces détruits ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Non, non.
Page 574
1 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne les avez pas vus. Est-
2 ce que vous savez que jusqu'à cette date du 19, Konjic avait subi des
3 pilonnages très graves, très sérieux ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas, je ne
5 sais pas.
6 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas ou
7 vous ne savez pas ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Vraiment je ne
9 sais pas.
10 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous ne savez pas non
11 plus qui a pilonné Konjic ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne sais absolument rien.
13 Mme Residovic (interprétation). - A ce moment-là, madame Cecez,
14 étant née en Herzégovine, vous étiez citoyenne de la Bosnie-Herzégovine ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Oui je suis née là, donc...
16 Mme Residovic (interprétation). - Vous étiez donc citoyenne de
17 la Bosnie-Herzégovine.
18 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je l'étais.
19 Mme Residovic (interprétation). - Mon confrère vous a demandé
20 tout à l'heure s'il était exact que certaines personnes recherchaient
21 spécifiquement votre mari en raison de son nom.
22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Ils sont arrivés à la
23 maison. Ils ont dit : "Oui, Lazar, rendez-vous, nous vous ne ferons pas de
24 mal." Moi je ne sais pas, ma maison se trouvait au centre de la ville.
25 Tout se trouvait à proximité, les taxis, les autobus. Il y avait pas mal
Page 575
1 de gens qui nous rendaient visite en allant au travail. Donc je ne sais
2 pas.
3 Mme Residovic (interprétation). - Madame, veuillez je vous prie
4 me confirmer que j'ai bien entendu ce que vous avez dit lorsque vous avez
5 parlé de l'arrivée de deux véhicules de la police ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Oui, il y avait deux véhicules de
7 la police. L'un qui allait devant et l'autre derrière.
8 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déposition fournie
9 au bureau du procureur, vous avez déclaré que votre mari a immédiatement
10 sauté à bas du véhicule et s'est enfui.
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
12 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit également qu'il
13 avait travaillé au poste de sécurité publique de Jablanica, au MUP,
14 ministère de l'Intérieur ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
16 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire si vous
17 savez qu'à Donje Selo, avant ce jour-là, un certain nombre de personnes
18 avaient été emmenées, arrêtées ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.
20 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Non je ne me rappelle pas. Je ne
22 sais pas, vraiment.
23 Mme Residovic (interprétation). - Les membres du poste de
24 sécurité publique étaient des gens qui travaillaient avec votre mari ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je suppose que c'étaient des
Page 576
1 gens qui connaissaient mon mari, mais moi je ne les connaissais pas avant
2 cette date. Je ne sais pas.
3 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez., est-ce que chez
4 nous les gens ont l'habitude de fuir à l'arrivée de leurs collègues de
5 travail ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai pas la moindre idée, je
7 ne sais pas pourquoi cela s'est passé ça. Nous vivions déjà dans la
8 terreur.
9 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez
10 m'expliquer si votre mari avait des raisons de fuir lorsqu'il a
11 entendu...?
12 Mme Cecez (interprétation). - Ecoutez, il arrivait souvent que
13 du côté droit de la Neretva, on tire en direction de ma maison. Nous
14 n'osions même plus nous asseoir ou sortir de ce côté-là de notre maison.
15 La situation était déjà très tendue.
16 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, vous étiez une
17 famille relativement aisée à Donje Selo ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
19 Mme Residovic (interprétation). - Cerici et Bijelovci sont les
20 villages voisins du vôtre ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
22 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que le nom de Milijana
23 Cecez vous est connu ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que sur
Page 577
1 le territoire de Donje Selo des barricades, des barrages routiers avaient
2 été installés qui empêchaient la liberté de circulation ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais pas.
4 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous ne savez pas ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle rien.
6 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous ne savez ou
7 vous ne vous rappelez pas ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle rien.
9 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas.
10 Est-ce que vous savez si votre mari avait participé à la création de ces
11 barricades et de ces barrages routiers ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle absolument
13 rien. Moi je faisais mon travail à la maison de sorte que je ne me
14 rappelle rien de tout cela. Mon mari était un homme qui était souvent
15 dehors et, comme ça.
16 Mme Residovic (interprétation). - Feu votre mari connaissait
17 également Milijana Cecez ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
19 Mme Residovic (interprétation). - Milijan Cecez a quitté la
20 région un peu plus tôt, n'est-ce pas ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
22 Mme Residovic (interprétation). - Etes-vous au courant du fait
23 qu'après cela, votre mari s'est chargé de l'organisation de l'armement de
24 la population à Cerici, Donje Selo et l'autre village voisin ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Comment est-ce
Page 578
1 qu'on pouvait armer les gens ?
2 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, j'émets
3 une objection quant à la pertinence des questions portant sur ce que son
4 mari a pu faire ou ne pas faire dans cette déposition.
5 M. Jan (interprétation). - Il s'agit d'un contre-
6 interrogatoire. Le témoin a fourni une déposition et le conseil essaie de
7 déterminer les raisons pour lesquelles le témoin a dit un certain nombre
8 de choses dans sa déposition écrite.
9 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre.
10 Mme Residovic (interprétation). - Merci, monsieur le Président.
11 Donc est-ce que vous avez répondu à ma question ? Etes-vous au courant ou
12 savez-vous si après le départ de Milijan Cecez, votre mari a repris la
13 responsabilité de l'armement des populations serbes dans ces trois
14 villages ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis au courant de rien.
16 Mme Residovic (interprétation). - Au cas où d'autres documents,
17 au cas où des tiers diraient le contraire, vous continuez à affirmer que
18 ces tiers et ces documents ne diraient pas la vérité ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Je tiens à n'affirmer rien du
20 tout, mais ce dont je me souviens, je m'en souviens, et nous parlons
21 aujourd'hui d'un homme qui est mort, qui ne peut pas s'exprimer.
22 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, à la question du
23 procureur, vous avez répondu que vous connaissiez le Dr Hadzihuseinovic.
24 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous
Page 579
1 redire la même chose ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Bien sûr, je le connais. Il était
3 président de l'Assemblée municipale pendant un certain temps. Je ne sais
4 pas exactement jusqu'à quel date, mais il venait au camp et je le
5 connaissais en tant qu'être humain. Je le connaissais d'avant.
6 Mme Residovic (interprétation). - Dites-moi si vous savez si le
7 Dr Rusmir, avant les événements dont vous venez de parler, et avec
8 d'autres représentants du gouvernement local, êtes-vous au courant qu'il a
9 tenté à plusieurs reprises de négocier la restitution des armes ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Non, je n'ai vraiment pas la
11 moindre idée. Vraiment, je ne sais pas.
12 Mme Residovic (interprétation). - Si un tiers affirme ce que je
13 viens de dire, vous ne pourriez pas le contredire car ces éléments n'ont
14 pas été portés à votre connaissance.
15 Mme McHenry (interprétation). - J'élève une objection.
16 Monsieur le président, j'objecte au fait qu'une question lui est
17 reposée alors qu'elle a déjà dit ne pas être au courant. Il est impossible
18 pour elle de dire si elle sait ce qu'une autre personne a pu dire ou ne
19 pas dire.
20 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi
21 cela vous inquiète tellement. Si elle n'accepte pas, si elle n'est pas
22 d'accord avec ce qu'on lui dit, elle le déclarera.
23 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, feu votre mari
24 était-il membre du SDS ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.
Page 580
1 Mme Residovic (interprétation). - Et Jovanka Cecez, était-elle
2 membre ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.
4 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous êtes au
5 courant du rôle joué par le parti serbe dans la constitution d'une
6 municipalité serbe ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais vraiment pas. Je ne
8 suis pas au courant de toutes ces choses.
9 Mme Residovic (interprétation). - J'ai encore deux questions
10 seulement à vous poser et j'en aurai terminé. Je vous prie de m'excuser
11 d'avoir été un peu longue.
12 Pouvez-vous me dire si vous êtes au courant du fait qu'au cours
13 des combats pour la prise de Donje Selo, un certain nombre de membres du
14 MUP, du ministère de l'Intérieur, ont été tués ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Vous voulez dire quand Donje Selo
16 a été attaquée ?
17 Mme Residovic (interprétation). - Oui, au moment où cet endroit
18 faisait partie des lieux de combat.
19 Mme Cecez (interprétation). - Un jour, j'ai entendu dire qu'un
20 certain Velija avait été tué. Pavo Mucic m'a dit ensuite qu'un certain
21 Narcis l'avait tué dans le dos.
22 Mme Residovic (interprétation). - S'il vous plaît, je vous
23 demande ce que vous savez vous-même, pas ce que d'autres vous ont dit.
24 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je ne sais rien au sujet
25 de qui que ce soit. Je sais seulement que Velija est mort, a été tué, et
Page 581
1 que c'est Narcis qui l'a tué. C'est ce que Pavo m'a dit.
2 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, vous avez
3 reconnu votre mari ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Oui mais seulement par ses dents.
5 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes certaine que votre
6 mari n'était pas à Celebici et qu'il n'a subi aucune torture dans le
7 camp ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas s'il était à
9 Celebici. Est-ce qu'ils l'ont attrapé vivant et qu'ils ont fait des choses
10 sur lui ? Je ne sais pas. Moi, tout ce que je savais, c'est qu'il n'était
11 plus là, que je ne le voyais plus.
12 Mme Residovic (interprétation). - Je vous en prie, votre mari
13 était comme vous, citoyen de la Bosnie-Herzégovine ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Oui, normalement, bien sûr. Nous
15 étions nés dans la région.
16 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déposition écrite,
17 ainsi que dans la déposition faite devant cette Chambre, vous avez évoqué
18 un certain nombre d'autres personnes que vous avez rencontrées à Celebici.
19 Ivica Buric, est-ce que c'est un Bosniaque, un Musulman ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Il est peut-être Croate. On
21 l'appelait Ivica Buric. Je crois qu'il est probablement Croate.
22 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit également qu'un
23 certain Zvonimir est également devenu membre du MUP à Donje Selo ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce un Bosniaque, un
Page 582
1 Musulman ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Quand on m'a emmenée en prison,
3 il est venu. Il est Croate et vit avec une Serbe.
4 Mme Residovic (interprétation). - Pendant votre séjour à
5 Celebici, est-ce que vous avez vu des membres de la police militaire du
6 HVO à Celebici ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Ecoutez, je ne sais pas. Je ne
8 comprends pas bien ces choses. Il y avait très peu de Croates dans le
9 camp. On nous disait pour l'essentiel que c'étaient des gens terribles,
10 qu'il ne fallait pas entrer en contact avec eux, si bien que dès qu'on
11 voyait l'insigne HVO sur la manche, on reculait de la fenêtre.
12 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je
13 croyais être arrivée à la conclusion de mon interrogatoire, mais j'ai
14 encore une question à poser. Je vous prie donc de m'autoriser à la poser à
15 Mme Cecez.
16 Etes-vous au courant du fait qu'à Celebici existait une
17 commission qui interrogeait les détenus ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Moi, ils m'ont
19 simplement posé une fois quelques questions informelles. Je ne sais pas.
20 Mme Residovic (interprétation). - Vous n'avez pas eu l'occasion
21 de voir où se déroulaient ces interrogatoires ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle rien. Non, non.
23 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déposition, la
24 déposition que vous avez fournie en 1994, vous avez déclaré que votre
25 médecin vous avait ordonné les pilules au sujet desquelles mon confrère
Page 583
1 vous a interrogée. Est-ce que vous disiez la vérité à ce moment-là ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Oui, car cela faisait déjà pas
3 mal de temps que mon médecin me les avait ordonnées. J'utilisais ces
4 pilules depuis cinq ou six ans, je ne sais pas exactement depuis combien
5 de temps. Mais concrètement, s'agissant des pilules dont il a été question
6 ici, est-ce que c'est le médecin qui vous les avait ordonnées ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Oui j'avais toujours -comment ça
8 s'appelle déjà-, j'avais toujours ça sur moi. J'entrais dans la pharmacie,
9 je le montrais et j'obtenais les pilules. Ce sont les mêmes pilules qu'il
10 m'avait ordonnées la première fois.
11 M. le Président (interprétation). - Mais je crois qu'elle a
12 déjà dit cela à plusieurs reprises. Je ne vois pas la nécessité de la
13 faire répéter cette déclaration indiquant qu'elle a commencé à les
14 consommer en 1986.
15 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je
16 voulais simplement que cela soit constaté. Je vous remercie.
17 Aujourd'hui, le témoin a dit les avoir achetée sans ordonnance.
18 Donc nous voulions un éclaircissement sur ce point.
19 Mme Cecez (interprétation). - Oui, il est possible de se les
20 procurer sans ordonnance dans des pharmacies privées.
21 Mme Residovic (interprétation). - Merci madame le témoin, madame
22 Cecez. Merci, monsieur le Président. Je n'ai plus de questions.
23 M. le Président (interprétation). - Maître Tapuskovic, avez-
24 vous des questions ?
25 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président, au nom
Page 584
1 de l'équipe qui défend M. Mucic, maître Mike Greaves va procéder au
2 contre-interrogatoire. Je voudrais simplement revenir sur l'observation
3 qui m'a été faite ce matin. J'ai mérité cette observation. Mais je vous
4 prie de bien vouloir comprendre également quelle est notre situation, à
5 nous les avocats qui venons de l'ex-Yougoslavie. Depuis trente ans, je
6 suis habitué à me lever et à attendre que le juge me donne l'autorisation
7 de prendre la parole. Vous comprenez. C'est une habitude de trente ans,
8 donc je vous prie de comprendre que c'est une très longue habitude et que
9 je n'avais aucunement l'intention d'insulter le Président de cette
10 Chambre.
11 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, mais je ne
12 vois aucune raison justifiant que vous vous inquiétiez de façon exagérée.
13 J'ai simplement objecté à ce que deux personnes prennent la parole en même
14 temps.
15 Mme McHenry (interprétation). - Je crois que c'était 1/50ième,
16 monsieur le Président.
17 M. le Président (interprétation). - Maître Greaves, je voudrais
18 vous dire un mot de mise en garde. Il est possible que nous levions la
19 séance à 16 heures pour nous retrouver à 16 heures 20, 16 heures 25, donc
20 votre contre-interrogatoire risque d'être interrompu. Peut-être préférez-
21 vous que le contre-interrogatoire soit fait d'un jet et que nous levions
22 donc la séance maintenant ?
23 M. Greaves (interprétation). - Moi, je préférerais.
24 M. le Président (interprétation). - Bien, donc nous pourrions
25 avoir la pause maintenant et nous retrouver dans le prétoire à
Page 585
1 16 heures 15.
2 M. Greaves (interprétation). - Merci, cela m'aide beaucoup.
3 L'audience, suspendue à 16 heures 47,
4 est reprise à 16 heures 17.
5 M. le Président (interprétation). - Je vous prie de bien vouloir
6 appeler le témoin.
7 (Mme Cecez est introduite dans la salle d'audience.)
8 M. le Président (interprétation). - - Le témoin est toujours
9 sous serment.
10 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, j'aimerais
11 commencer par vous poser une ou deux question au sujet de votre fuite -si
12 je puis l'appeler ainsi- vers le territoire serbe en novembre 1992, c'est-
13 à-dire environ deux mois après votre libération du camp de Celebici. C'est
14 bien exact ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Est-ce que je dois répondre
16 quelque chose ?
17 M. Greaves (interprétation). - Je crois que j'ai posé une
18 question. Oui.
19 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai pas bien compris la
20 question.
21 M. Greaves (interprétation). - Je vous prie de m'excuser.
22 Veuillez me dire, je vous en prie, lorsque vous ne comprenez pas la
23 question. Votre fuite de Donje Selo vers le territoire serbe a bien eu
24 lieu en novembre1992, n'est-ce pas ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Oui, le 11. Le 11 novembre 1992.
Page 586
1 M. Greaves (interprétation). - Et la distance que vous avez eue
2 à couvrir ce jour-là était-elle bien de 5 kilomètres ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je pense que c'était
4 beaucoup plus parce que je suis partie de Donje Selo et je suis arrivée
5 jusqu'à Cerici. C'est là que j'ai trouvé les nôtres.
6 M. Greaves (interprétation). - Et quelle est la distance que
7 vous avez parcourue ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas. Vraiment,
9 je ne sais pas.
10 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous avez
11 continuellement marché sur une route ?
12 Mme Cecez (interprétation). - Oui, une route couverte de macadam
13 d'abord, puis d'asphalte.
14 M. Greaves (interprétation). - Si vous ne pouvez pas nous donner
15 la distance, peut-être pouvez-vous nous dire combien de temps ce voyage
16 vous a pris ?
17 M. le Président (interprétation). - Donc vous parlez de temps,
18 n'est-ce pas ?
19 M. Greaves (interprétation). - Oui, de temps.
20 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas, vraiment. Je n'ai
21 pas regardé l'heure, je n'ai pas fait attention. Je ne sais pas.
22 M. Greaves (interprétation). - Peut-être pourriez-vous nous dire
23 à quel moment de la journée vous êtes partie. Est-ce que vous êtes partie
24 le matin ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Le matin tôt nous sommes partis,
Page 587
1 mais je ne me rappelle pas l'heure.
2 M. Greaves (interprétation). - Faisait-il encore nuit lorsque
3 vous êtes partie ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Non, le jour s'était déjà levé.
5 M. Greaves (interprétation). - Et à quel moment de la journée
6 avez-vous fini par arriver en territoire sous contrôle serbe ?
7 Mme Cecez (interprétation). - Je dirais que nous sommes arrivés
8 aux alentours de 4 heures, 4 heures et demie. Je ne me rappelle pas, mais
9 la nuit approchait déjà. Nous étions avec un homme, je ne me rappelle pas
10 comment il s'appelait, et c'est lui qui a terminé le transfert. Les gens
11 qui nous avaient accompagnées au début nous ont laissées à ce moment-là.
12 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que cet homme était
13 serbe ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me le rappelle pas. Je ne
15 sais pas.
16 M. Greaves (interprétation). - Très bien. Vous étiez la seule
17 personne à s'être enfuie ce jour-là ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Non. Nous étions sept dans la
19 voiture.
20 M. Greaves (interprétation). - Y avait-il uniquement des femmes
21 ou y avait-il des hommes et des femmes ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Six femmes et un jeune homme.
23 M. Greaves (interprétation). - Pouvez-vous vous rappeler qui
24 était avec vous exactement, quel était le nom de ces personnes ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux pas me
Page 588
1 rappeler. Je sais seulement qu'il s'agissait de Croates qui étaient sans
2 doute membres de la police militaire.
3 M. Greaves (interprétation). - Et il n'y avait personne d'autre
4 de votre village qui s'est enfui ce jour-là ?
5 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être que oui,
6 mais je ne sais pas.
7 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, est-il exact que la
8 personne qui a payé votre voyage était Pavo Mucic ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas sûre. C'est ce que
10 j'ai imaginé. J'ai pensé que c'était lui qui avait payé.
11 M. Greaves (interprétation). - La somme payée était de
12 300 deutsche marks ?
13 Mme Cecez (interprétation). - A ce moment-là, ils exigeaient
14 300 deutsche marks des nôtres quand ils voulaient s'enfuir, donc j'ai
15 pensé que c'était la somme qui avait été payée.
16 M. Greaves (interprétation). - Ce n'est pas vous qui avez payé
17 cette somme mais quelqu'un d'autre ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Non, ce n'est pas moi.
19 M. Greaves (interprétation). - Et les arrangements ont été faits
20 par M. Mucic ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Sans doute.
22 M. Greaves (interprétation). - A part M. Mucic, le chauffeur,
23 celui qui conduisait le véhicule était croate aussi. Est-ce exact ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait deux Croates qui sont
25 partis avec nous et qui conduisaient. Pavo est resté.
Page 589
1 M. Greaves (interprétation). - Les dispositions qui ont été
2 prises ont mis M. Mucic en danger. Est-ce que vous êtes d'accord avec
3 cela ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas. Je ne
5 sais pas.
6 M. Greaves (interprétation). - Il était dangereux d'aider des
7 personnes à s'échapper de la sorte, n'est-ce pas ?
8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.
9 M. Greaves (interprétation). - En route, est-ce que vous avez dû
10 passer un certain nombre de barrages routiers militaires ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, au-dessus de Butrovic Polje.
12 Je ne sais pas exactement comment s'appelaient l'endroit, mais nous avons
13 été arrêtés à cet endroit.
14 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que de nombreuses
15 questions ont été posées à ce barrage routier ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Non. Le chauffeur est sorti de
17 voiture, on lui a dit quelque chose, il a répondu. Nous ne sommes mêmes
18 pas sortis de voiture et nous avons pu continuer le voyage.
19 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais maintenant vous
20 interroger au sujet de la période qui sépare votre libération de Celebici
21 et votre fuite. Avez-vous passé toute cette période à Donje Selo ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
23 M. Greaves (interprétation). - Et vous aviez toute liberté de
24 circulation dans le village ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, non. Chaque fois que
Page 590
1 j'allais rendre visite à ma maison, j'emmenai un enfant avec moi pour
2 éviter qu'on ne me tire dessus.
3 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous possédez
4 également une feuille de papier, un certificat qui vous a été remis ?
5 M. Greaves (interprétation). - Oui, je l'ai reçu à ma sortie du
6 camp.
7 M. Greaves (interprétation). - C'est un permis de libre
8 circulation ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Pavo Mucic m'a écrit ce
10 papier. Donje Selo est inscrit sur ce papier et j'ai demandé qu'il
11 inscrive également l'autorisation que j'aille à Konjic le cas échéant pour
12 voir le médecin si j'étais malade et comme j'ai un père qui a 80 ans et
13 qui vit Ostrozac, je lui ai demandé d'inscrire ce nom. Mais le nom
14 d'Ostrozac n'a pas été inscrit sur le papier. Cela dit, j'ai pu m'y
15 rendre.
16 M. Greaves (interprétation). - Donc il vous a accordé
17 l'autorisation de vous rendre dans ces endroits ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Il a écrit ces noms et je suis
19 allée jusqu'à la maison de mon frère simplement, avec un homme qui
20 m'accompagnait. Je l'ai fait en cachette. Je n'ai pas osé aller jusqu'à la
21 maison de mon père.
22 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, vous n'êtes pas la
23 seule femme libérée de Celebici à être allée à Donje Selo ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Milijan a été libérée avec moi.
25 Elle est partie. Je ne sais exactement ce qui lui est arrivé ensuite.
Page 591
1 M. Greaves (interprétation). - A-t-elle été libérée le même jour
2 que vous ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui.
4 M. Greaves (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres femmes de
5 Donje Selo qui ont été relâchées du même camp à d'autres moments ?
6 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas quelle était
7 l'identité de toutes les détenues car je n'ai trouvé dans le camp aucune
8 de nos femmes de Donje Selo.
9 M. Greaves (interprétation). - Mais y en a-t-il eu qui sont
10 revenues à Donje Selo à peu près au même moment que vous ?
11 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. J'étais la seule à
12 avoir passé un temps aussi long dans le camp. De toutes les femmes, je
13 suis celle qui y est restée le plus longtemps.
14 M. Greaves (interprétation). - Pavo Mucic est venu vous rendre
15 visite après votre libération. Il est venu vous rendre visite au village;
16 n'est-ce pas ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
18 M. Greaves (interprétation). - Et il vous a rendu visite
19 plusieurs fois, n'est-ce pas ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
21 M. Greaves (interprétation). - Et lorsqu'il vous a rendu visite
22 ces fois-là, il vous a donné à manger et vous a donné d'autres choses
23 aussi ?
24 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Une fois, il m'a donné à
25 manger. Si on n'avait pas incendié ma maison, je crois que j'aurais eu
Page 592
1 assez de nourriture.
2 M. Greaves (interprétation). - Et vous aviez besoin de beaucoup
3 de nourriture et c'est ce qu'il vous a donné ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, il m'a apporté de la
5 nourriture une fois.
6 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais vous suggérer que cela
7 est arrivé plus d'une fois. Peut-être que votre mémoire vous fait défaut
8 au bout de cinq ans.
9 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que cela ne s'est produit
10 qu'une fois, mais il se peut qu'il ait livré de la nourriture à d'autres
11 personnes plusieurs fois.
12 M. Greaves (interprétation). - Vous avez entendu dire que
13 c'était ce qu'il avait fait ?
14 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je crois que les gens en
15 parlaient. Mon beau-frère en a parlé.
16 M. Greaves (interprétation). - Et certainement, lors d'une de
17 ses visites chez vous, vous avez eu une conversation avec lui à propos de
18 ce qui s'était passé dans le camp ?
19 Mme Cecez (interprétation). - Oui, c'est vrai.
20 M. Greaves (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec ce qui
21 suit : il a été surpris de ce que vous lui avez dit.
22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Il avait l'air surpris, comme
23 s'il ne savait rien. Mais je ne suis pas sûre du tout qu'il ne savait
24 rien.
25 M. Greaves (interprétation). - Donc je vais vous poser la
Page 593
1 question suivante. Lorsque vous le lui avez dit, il n'était pas surpris,
2 mais il était désespéré ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Il a dit : "Pourquoi tu n'as
4 pas demandé à me voir ?". J'ai dit que soit les gardes ne le lui avaient
5 pas dit, soit qu'il ne voulait pas venir. Je ne connais pas la réponse à
6 cette question.
7 M. Greaves (interprétation). - D'après ce que vous avez vu, sa
8 réaction était une réaction de surprise ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui. Il a dit ceci.
10 M. Greaves (interprétation). - Et c'est seulement vous qui avez
11 cru que peut-être il n'était pas surpris ?
12 Mme Cecez (interprétation). - C'est ce que je crois, mais peut-
13 être que l'homme ne savait rien. Je ne sais pas, mais il aurait dû le
14 savoir. Il aurait dû nous rendre visite pendant que nous étions dans le
15 camp.
16 M. Greaves (interprétation). - Il vous a aussi parlé de la fille
17 de 13 ans ?
18 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
19 M. Greaves (interprétation). - Et il vous a dit qu'il avait
20 essayé de faire cesser tout ce qui lui arrivait ?
21 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
22 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais maintenant vous
23 interroger sur votre libération le 31 août 1992. Est-ce que vous vous
24 souvenez de ce jour-là ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je m'en souviens. C'était un
Page 594
1 lundi.
2 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, je vais demander à
3 la Cour de vous montrer un court extrait de vidéo qui vient de la pièce à
4 conviction n° 1 de l'accusation.
5 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, cette
6 pièce n'a pas encore été montrée, donc elle n'a pas encore été versée au
7 dossier. Si la défense veut proposer cette pièce pour qu'elle soit versée
8 au dossier, nous n'avons pas d'objection.
9 M. Greaves (interprétation). - Je vous en suis très
10 reconnaissant.
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, vous pouvez aller de
12 l'avant. Vous pouvez la présenter maintenant comme pièce à conviction.
13 M. le Président (interprétation). - Comme pièce à conviction de
14 la défense alors ?
15 Mme McHenry (interprétation). - Oui, très bien.
16 (Diffusion de la vidéo.)
17 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais clarifier pour le
18 compte rendu. Il s'agit de la pièce à conviction M1.
19 M. Greaves (interprétation). - Oui, c'est M1. Je crois qu'il y a
20 quatre pièces à conviction : A, B, C et D. Mais nous ne savons pas
21 exactement s'il s'agit de A, de B, de C ou de D. Nous ne savons pas
22 l'identifier d'après la note.
23 M. le Président (interprétation). - Passons maintenant à l'image
24 que vous voulez voir.
25 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous
Page 595
1 accorder quelques instants ?
2 M. le Président (interprétation). - - Vous voyez l'image
3 maintenant ?
4 M. Greaves (interprétation). - Je vois simplement un homme.
5 L'image que vous voyez, c'est l'homme qui apparaît sur la photo. Je
6 voudrais que vous nous disiez qui cela pourrait bien être.
7 Mme Cecez (interprétation). - Je vois cet homme, mais ne me
8 souviens pas qui il était.
9 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais simplement regarder le
10 film et, à la fin du film, s'il y a des gens que vous reconnaissez dans le
11 film, j'aimerais que vous nous le disiez à ce moment-là, s'il vous plaît.
12 (Diffusion de la vidéo, pièce M1.)
13 Mme Cecez (interprétation). - C'est le père de ma belle-soeur,
14 Milan. Milan Djoric*, de Bradina.
15 M. Greaves (interprétation). - L'homme à droite avec la
16 casquette bleue ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Non. Celui-là, c'est Milan.
18 L'homme en jaune. D'après ce que je vois, il s'agit de Milan Djoric*, de
19 Bradina. Je crois que c'est lui.
20 M. Greaves (interprétation). - Et l'homme à l'arrière-plan, qui
21 est-ce ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne vois pas de qui il s'agit.
23 Je ne sais pas. Peut-être que je ne les connais pas. Mais celui-là, je le
24 connais. C'est un ami, je le connais.
25 M. Greaves (interprétation). - Est-ce qu'il y a quelqu'un
Page 596
1 d'autre que vous avez reconnu sur cette courte séquence ?
2 Mme Cecez (interprétation). - Non.
3 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup.
4 Maintenant, je voudrais passer à certains des récits que vous
5 avez faits en regard de cette procédure, Madame Cecez.
6 Est-ce que vous vous souvenez des fois où, en juin 1994, vous
7 avez été convoquée à un tribunal et où on vous a interrogée sur ces
8 questions ?
9 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
10 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que je pourrais vous
11 demander de regarder un document et d'identifier votre signature, s'il
12 vous plaît ?
13 (M. Greaves fait porter un document au témoin.)
14 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, prenez votre temps,
15 mais examinez ce document et regardez si vous voyez votre signature au bas
16 de chaque page.
17 Mme Cecez (interprétation). - C'est ma signature.
18 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Est-ce que vous
19 pourriez simplement lire la partie supérieure de la première page ?
20 M. le Président (interprétation). - Ce document n'est pas encore
21 versé au dossier.
22 M. Greaves (interprétation). - Je lui pose simplement cette
23 question pour lui rafraîchir la mémoire. Je n'en demande pas le versement
24 au dossier pour le moment.
25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
Page 597
1 M. Greaves (interprétation). - Je le présente au témoin
2 simplement pour lui rafraîchir la mémoire au sujet de sa signature et de
3 l'endroit où a été recueillie cette déclaration.
4 Mme Cecez (interprétation). - Ce document est signé, mais je ne
5 vois pas pourquoi il a été écrit que la déclaration a été recueillie à
6 Nevesinje, à moins qu'ils aient confondu avec Borci, mais je ne vois pas
7 pourquoi figure le nom de Nevesinje.
8 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais simplement établir
9 qu'il s'agit bien de sa signature, Monsieur le Président. Merci beaucoup,
10 Madame Cecez.
11 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas où vous
12 voulez en venir.
13 M. Greaves (interprétation). - Vous le saurez dans quelques
14 instants, Monsieur le Président. Merci beaucoup.
15 Madame Cecez, vous croyez que c'était ailleurs que vous vous
16 trouviez ce jour-là, n'est-ce pas ?
17 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas du jour,
18 mais je n'ai pas fait de déclaration et je n'ai jamais signé, à
19 l'exception de Borci. A Borci mais pas à Nevesinje.
20 M. Greaves (interprétation). - L'endroit où cela s'est passé n'a
21 peut-être pas d'importance. Mais quoi qu'il en soit, vous vous souvenez
22 avoir répondu à des questions il y a environ deux ans et demi ?
23 Mme Cecez (interprétation). - S'ils m'ont posé des questions,
24 j'ai probablement répondu, pour autant que je m'en souvienne.
25 M. Greaves (interprétation). - Et avant qu'on vous pose des
Page 598
1 questions, est-ce que vous vous souvenez de ceci ? L'on vous a averti que
2 vous aviez l'obligation de dire la vérité ?
3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
4 M. Greaves (interprétation). - On vous a signalé l'obligation
5 dans laquelle vous vous trouviez de ne pas omettre de faits.
6 Mme Cecez (interprétation). - Je ne dissimule pas de faits. Je
7 dis la vérité, toujours, pour autant que je m'en souvienne.
8 M. Greaves (interprétation). - Et on vous a rappelé, à cette
9 occasion, qu'il était de votre devoir d'agir ainsi.
10 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je
11 soulève une objection. La question a été posée et une réponse a été
12 fournie.
13 M. Greaves (interprétation). - Je ne crois pas qu'elle a répondu
14 à la question.
15 Mme McHenry (interprétation). - Elle a dit non. La défense
16 demande si elle se souvenait de cette obligation. C'est une question
17 différente et une réponse différente que de dire "je dis toujours la
18 vérité.
19 M Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Je vais reposer la
20 question.
21 M. le Président (interprétation). - En fait, ici, l'objection
22 est différente. Elle ne se souvient pas avoir fait une déclaration à cet
23 endroit.
24 M. Greaves (interprétation). - Vous avez raison, Monsieur le
25 Président. En fait, elle a répondu à cette question et peut-être que
Page 599
1 j'exagère en demandant trop de détails. Je vous demande de m'en excuser.
2 Mais c'est vous qui avez signé au bas de ces pages,
3 madame Cecez ?
4 Mme Cecez (interprétation). - Oui.
5 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous accepteriez de
6 dire que dans ce récit que vous avez fait, vous avez dit à ce Tribunal que
7 pendant que vous étiez dans le camp "Pavo Mucic ne nous a pas rendus
8 visite et je ne l'ai vu que quelquefois".
9 Mme Cecez (interprétation). - Il n'est pas entré dans notre
10 salle. Seulement une fois, avec une petite fille, il est entré et il est
11 parti.
12 M. Greaves (interprétation). - Je suggère que vous ne l'avez vu
13 que quelquefois, parce qu'il n'est arrivé au camp qu'au début du mois
14 d'août 1992.
15 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que c'est une question ?
16 Mme Cecez (interprétation). - Il était là le premier soir.
17 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, la question que je
18 vous posais est la suivante : il n'était pas là le premier soir, n'est-ce
19 pas ?
20 Mme Cecez (interprétation). - Dès que je suis arrivée, il est
21 venu ce même soir, le 27 mai.
22 M. Greaves (interprétation). - Dans le récit que vous avez fait,
23 en 1994, vous n'avez pas mentionné que Pavo Mucic était là le soir où vous
24 êtes arrivée au camp de Celebici, n'est-ce pas ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Il était là. Je suis certaine de
Page 600
1 cela. Il était là. Peut-être ai-je omis de le dire. Je ne sais pas
2 exactement ce que j'ai dit, mais je suis certaine qu'il était là.
3 M. Greaves (interprétation). - Et ce n'est qu'à partir de 1994
4 que vous avez dit qu'il était là ce premier soir ?
5 Mme Cecez (interprétation). - J'ai toujours dit qu'il était là,
6 et il était là. J'en suis absolument certaine.
7 M. Greaves (interprétation). - A aucun moment, il n'a été fait
8 mention de l'incident ayant trait à la mitrailleuse.
9 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que c'est une question
10 Monsieur le Président ? Je soulève une objection quant à sa formulation.
11 M. le Président (interprétation). - Je crois que c'est une
12 question.
13 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Avez-vous parlé à
14 quiconque de l'incident concernant la mitrailleuse ?
15 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. A ce moment-là je ne
16 m'en suis pas souvenue, mais quand j'ai rencontré des gens, mes enfants,
17 j'en parlais. Et peut-être qu'à cette occasion particulière, j'ai oublié
18 d'en parler. Je crois que c'est ce qui s'est passé. Il était là, il a
19 tiré.
20 M. Greaves (interprétation). - Vous suggérez que cet incident ne
21 s'est jamais produit ?
22 Mme Cecez (interprétation). - Cet incident s'est jamais produit.
23 M. Greaves (interprétation). - Et Pavo Mucic n'a certainement
24 jamais participé à ce type d'incident ?
25 Mme Cecez (interprétation). - Si, je l'ai vu de mes propres yeux
Page 601
1 et personne ne pourra me persuader du contraire.
2 M. Greaves (interprétation). - Ce que je vous suggère, c'est que
3 vous l'avez vu plus souvent après votre libération que pendant votre
4 séjour au camp.
5 Mme Cecez (interprétation). - Non, je l'ai vu au camp plus
6 souvent qu'après ma libération.
7 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous aider
8 sur ce plan-là ? Est-ce que vous connaissez un homme qui s'appelle
9 Tarzan ?
10 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne le connais pas.
11 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup.
12 M. le Président (interprétation). - Est-ce la fin du contre
13 interrogatoire ?
14 M. Greaves (interprétation). - Oui, merci beaucoup.
15 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous avez des
16 questions supplémentaires ?
17 Mme McHenry (interprétation). - Non, Monsieur le Président
18 M. le Président (interprétation). - Le témoin peut maintenant se
19 retirer, à moins que vous n'ayez d'autres questions à poser.
20 Mme Cecez (interprétation). - Merci beaucoup de m'avoir écoutée
21 avec attention. Je vous en suis très reconnaissante. Merci beaucoup et au
22 revoir.
23 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres témoins ?
24 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, notre
25 prochain témoin est le témoin-expert de l'accusation, qui devait arriver à
Page 602
1 5 heures. Nous suggérons qu'elle commence à 9 heures demain matin. Je vous
2 propose cette solution, mais en principe, nous sommes prêts.
3 M. le Président (interprétation). - Est-ce que le témoin est
4 arrivé ?
5 M. Ostberg (interprétation). - Oui, le témoin est là.
6 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'elle peut
7 commencer aujourd'hui, idéalement. Nous avons 40 minutes devant nous.
8 J'aimerais qu'on fasse entrer le Docteur Calic.
9 M. Ostberg (interprétation). - Dans l'intervalle, Monsieur le
10 Président, je souhaite vous dire quelque chose à propos de M. Dickson*. En
11 effet, c'est lui qui va nous aider avec les documents qui appuieront
12 l'exposé du témoin-expert.
13 M. le Président (interprétation). - Veuillez faire prêter
14 serment au témoin.
15 Mme Calic (interprétation). - Je déclare solennellement que je
16 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 M. le Président (interprétation). - Veuillez prendre place.
18 M. Ostberg (interprétation). - Puis-je procéder, Monsieur
19 le Président ?
20 M. le Président (interprétation). - Oui. Vous avez 35 minutes
21 devant vous.
22 M. Ostberg (interprétation). - Veuillez indiquer au Tribunal
23 votre nom complet ?
24 Mme Calic (interprétation). - Je m'appelle Marie-Janine Calic.
25 M. Ostberg (interprétation). - L'un des membres de la défense a
Page 603
1 mis en cause votre objectivité à cause de votre nom. A-t-il une
2 connotation slave ou serbe ?
3 Mme Calic (interprétation). - C'est le nom de mon père. Mon père
4 est née en Istrie qui fait partie aujourd'hui de la Croatie. Il a quitté
5 le pays avant la seconde guerre mondiale. Ma mère est allemande. Je suis
6 née en Allemagne. C'est là que j'ai été élevée. Je suis citoyenne
7 allemande.
8 M. Ostberg (interprétation). - Avez-vous des liens avec l'une
9 des parties du conflit yougoslave ?
10 Mme Calic (interprétation). - Non, je n'ai aucun lien que ce
11 soit. J'ai des contacts professionnels avec plusieurs républiques de l'ex-
12 Yougoslavie.
13 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce que vous appartenez à une
14 confession de l'une des parties ?
15 Mme Calic (interprétation). - Je n'appartiens à aucune
16 confession.
17 M. Ostberg (interprétation). - Aucune ?
18 Mme Calic (interprétation). - Non, aucune.
19 M. Ostberg (interprétation). - Vous considérez-vous comme un
20 expert impartial et objectif dans votre domaine de spécialité ?
21 Mme Calic (interprétation). - Oui, en effet.
22 M. Ostberg (interprétation). - Voulez-vous dire quel est votre
23 métier actuellement ?
24 Mme Calic (interprétation). - Je travaille dans un institut de
25 rechercher sur les affaires internationales. C'est une espèce de centre de
Page 604
1 réflexion en Allemagne. C'est une fondation privée financée par le budget
2 de la République fédérale d'Allemagne, et nous faisons des études pour le
3 parlement et le gouvernement de l'Allemagne.
4 Je suis un expert qui se concentre sur les affaires d'Europe de
5 l'Est et je travaille là depuis 1992. Je m'attache surtout à tout ce qui
6 touche à l'ex-Yougoslavie.
7 M. Ostberg (interprétation). - Combien d'experts travaillent
8 dans cet institut ?
9 Mme Calic (interprétation). - Une cinquantaine.
10 M. Ostberg (interprétation). - Cinquante ?
11 Mme Calic (interprétation). - Oui.
12 M. Ostberg (interprétation). - J'ai ici un classeur qui a déjà
13 été montré à la défense et je voudrais aussi le montrer au Tribunal. Ce
14 classeur comprend 58 documents que je voudrais faire verser au dossier
15 comme pièces à conviction, une fois que j'aurai terminé l'interrogatoire
16 de Mme Calic.
17 Mme Calic va se fonder sur bon nombre de ces documents pour son
18 exposé. Pour autant que je sache, ces documents ne sont pas encore marqués
19 pour identification, et je crois que cela peut attendre jusqu'à ce qu'ils
20 soient versés au dossier.
21 Nous avons 3 classeurs pour les membres du Tribunal.
22 M. Jan (interprétation). - (Le juge a parlé sans micro).
23 (Les documents sont distribués).
24 M. Ostberg (interprétation). - Le premier document, Madame
25 Calic, qui se trouve dans ce classeur, est votre CV. Je ne vais pas le
Page 605
1 passer en revue avec vous. Je voudrais simplement vous poser quelques
2 questions sur votre curriculum-vitae. Quel est le titre de votre thèse de
3 doctorat ?
4 Mme Calic (interprétation). - L'histoire sociale de la Serbie au
5 XIXème siècle et dans la première partie du XXème siècle.
6 M. Ostberg (interprétation). - Combien avez-vous de publications
7 à votre actif (livres, articles) dans ce domaine de spécialité ?
8 Mme Calic (interprétation). - Une cinquantaine.
9 M. Ostberg (interprétation). - A quand remonte la première
10 publication et de quand date la dernière ?
11 Mme Calic (interprétation). - La première remonte à 1985 et la
12 dernière est toute récente, il y a quelques semaines.
13 M. Ostberg (interprétation). - Vous avez donc travaillé dans ce
14 domaine pendant une douzaine d'années ?
15 Mme Calic (interprétation). - Oui.
16 M. Ostberg (interprétation). - Quand avez-vous obtenu votre
17 doctorat ?
18 Mme Calic (interprétation). - En 1992.
19 M. Ostberg (interprétation). - Est-il vrai que vous avez été
20 invitée par le bureau du procureur à comparaître devant le Tribunal en
21 tant que témoin expert ?
22 Mme Calic (interprétation). - Oui, c'est vrai.
23 M. Ostberg (interprétation). - Comment avez-vous préparé votre
24 témoignage devant le Tribunal ?
25 Mme Calic (interprétation). - Je me suis fondée essentiellement
Page 606
1 sur des documents et des recherches que j'avais faites auparavant au cours
2 de ma carrière dans ce domaine, et j'ai aussi reçu des documents du bureau
3 du procureur qui comprenaient des documents venant eux-mêmes de la
4 défense.
5 M. Ostberg (interprétation). - Et quand avez-vous commencé à
6 préparer ce témoignage que vous allez faire ?
7 Mme Calic (interprétation). - A la fin de l'année dernière, en
8 décembre.
9 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, Mesdames
10 et Messieurs de la Cour, je vois que vous avez commencé à prendre
11 connaissance de ce classeur et des documents qui s'y trouvent. Je suis
12 convenu avec Mme Calic de passer en revue le rapport écrit et de faire en
13 sorte que Mme Calic présente les documents qui ont fondé sa recherche.
14 Madame Calic, pouvez-vous commencer votre témoignage en nous
15 exposant l'historique du conflit, en commençant par nous dire quelque
16 chose sur l'évolution politique et militaire et les structures politiques
17 et militaires en Bosnie-Herzégovine après 1990 ?
18 Mme Calic (interprétation). - Puis je commencer maintenant ?
19 M. Ostberg (interprétation). - Oui.
20 Mme Calic (interprétation). - Tout d'abord, je voudrais dire que
21 ce rapport que j'ai établi se fonde essentiellement sur mes recherches
22 personnelles. Mais je me suis aussi fondée sur les travaux d'autres
23 experts dans ce domaine, et j'ai utilisé des documents qui venaient de
24 l'ex-Yougoslavie. J'ai utilisé des rapports d'organisations
25 internationales et, comme je le disais auparavant, j'ai aussi utilisé des
Page 607
1 documents qui ont été mis à ma disposition par le Bureau du Procureur.
2 Je me suis surtout attachée dans ce rapport à certaines
3 questions, et je voudrais donc souligner qu'il ne s'agit pas d'un rapport
4 exhaustif sur tout ce qui se passait dans l'ex-Yougoslavie. J'ai
5 sélectionné certains domaines qui sont l'évolution politique et militaire
6 en Bosnie-Herzégovine après 1990 ainsi que les structures en place dans
7 les pays. Pour la deuxième partie...
8 M. Ostberg (interprétation). - Madame Calic, peut-être ne
9 devriez-vous pas parler aussi rapidement, car nous avons des interprètes.
10 C'est une matière très sérieuse que vous allez aborder. Donc je vous
11 demanderai de parler lentement.
12 Mme Calic (interprétation). - J'essaierai.
13 Je voudrais donc parler des principales forces militaires en
14 présence dans la République de Bosnie-Herzégovine en 1992. Je parlerai
15 ensuite des principales fonctions politiques, militaires et juridiques des
16 municipalités de l'ex-Yougoslavie, je parlerai des principales
17 caractéristiques de la municipalité de Konjic et j'essaierai aussi
18 d'expliquer l'évolution politique et militaire et les structures en place
19 dans la municipalité de Konjic en 1992.
20 Avant de ce faire et de parler du premier point, je voudrais
21 présenter une carte.
22 M. Ostberg (interprétation). - Je vous en prie.
23 Mme Calic (interprétation). - C'est le document n° 2 dans le
24 classeur, qui consiste en une carte de la Yougoslavie avant la guerre.
25 Dois-je la placer sur le rétroprojecteur ?
Page 608
1 M. Ostberg (interprétation). - Oui. Nous n'avons rien dans le
2 système informatique, et je crois qu'il faut donc placer ce document sur
3 le rétroprojecteur. Peut-on aider Mme Calic ?
4 (Intervention de l'huissier).
5 Mme Calic (interprétation). - Puis-je poursuivre ? La République
6 Socialiste Fédérative de Yougoslavie était composée de six Républiques :
7 la Slovénie, la Croatie, la Serbie, le Monténégro, la Macédoine...
8 M. Ostberg (interprétation). - Madame Calic, nous ne voyons pas
9 la carte. Vous la voyez mais nous ne la voyons pas. Vous voyez la maquette
10 sur votre écran. Est-ce qu'on peut faire en sorte qu'on voie la carte à
11 l'écran ? Je ne sais pas comment cela fonctionne.
12 (Intervention du technicien).
13 M. le Président (interprétation). - Est-ce que cette carte est à
14 la disposition de la défense ?
15 M. Ostberg (interprétation). - Oui. La défense dispose du même
16 classeur.
17 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président,
18 l'accusation nous a tous donné le classeur que vous avez sur votre bureau,
19 mais comme il n'y a pas eu de pause entre les témoins, ces classeurs se
20 trouvent dans la salle de la défense et nous aimerions les avoir sous les
21 yeux maintenant pour pouvoir suivre l'exposé. Mais comme je le dis, ces
22 classeurs se trouvent dans la salle de la défense.
23 M. Ostberg (interprétation). - Pour l'instant, nous n'avons que
24 la carte à l'écran. Je pense qu'il est possible de continuer, si vous le
25 permettez, Monsieur le Président.
Page 609
1 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous
2 n'avons qu'une partie de la carte de la Yougoslavie. On ne voit pas la
3 Macédoine ni la Slovénie. Est-ce que nous pourrions avoir une carte de
4 l'ensemble de l'ex-Yougoslavie ?
5 M. Ostberg (interprétation). - C'est un pays qui a un nom
6 différent, maintenant.
7 Mme Calic (interprétation). - Si je pousse la carte, vous pouvez
8 voir la Macédoine d'un côté et la Slovénie de l'autre. C'est simplement un
9 petit problème technique. Ce n'est pas la carte en tant que telle qui pose
10 un problème.
11 Mme Residovic (interprétation). - Oui. C'est un problème
12 technique, mais c'est important.
13 M. Ostberg (interprétation). - Maintenant, vous la voyez
14 entière.
15 Mme Calic (interprétation). - Puis je poursuive ? Très bien. Six
16 Républiques, donc, avec la République de Bosnie-Herzégovine qui se trouve
17 au centre. La Fédération comprenait un ensemble complexe de groupes
18 ethniques sans qu'aucun groupe ne corresponde exactement à une République,
19 quelle qu'elle soit.
20 Beaucoup de gens croyaient que la Bosnie était le coeur de la
21 Yougoslavie, non seulement du fait de sa position géographique, mais aussi
22 parce qu'elle avait un peu la forme d'un coeur ainsi que du fait de sa
23 composition ethnique.
24 Je voudrais rapidement vous montrer le document n° 3. C'est une
25 carte qui montre la composition ethnique de la Yougoslavie en 1991.
Page 610
1 J'espère que nous n'aurons pas les mêmes problèmes avec l'écran.
2 M. Ostberg (interprétation). - Nous la voyons tout entière.
3 Merci.
4 Mme Calic (interprétation). - Il y avait environ 20 nations et
5 nationalités qui vivaient en Yougoslavie et en Bosnie. On retrouvait 20
6 nations et nationalités en Bosnie aussi.
7 Pour des raisons sociales, économiques, politiques et
8 constitutionnelles, la Yougoslavie a commencé à se dissoudre à la fin des
9 années 1980. Le 25 juin 1991, la Slovénie et la Croatie ont déclaré leur
10 indépendance. La Serbie et le Montenegro, par ailleurs, ainsi que de
11 nombreux Serbes qui vivaient en Croatie et en Bosnie ont dit qu'ils
12 voulaient préserver la Yougoslavie.
13 Tout de suite après les déclarations d'indépendance, le premier
14 conflit armé a éclaté entre les forces armées nouvellement créées de la
15 Slovénie et de la Croatie, d'une part, et l'armée fédérale ainsi que les
16 forces armées serbes, d'autre part. A la lumière de ces événements, la
17 situation générale en Bosnie a commencé à se détériorer très rapidement.
18 D'après le recensement de 1991, la population de la Bosnie-
19 Herzégovine s'élevait à 4 355 000 personnes et comptait 43,7 % de
20 Musulmans, 31,3 % de Serbes et 17 % de Croates. Beaucoup de parties de la
21 République étaient composites, ethniquement parlant.
22 Pour illustrer cela, voici un quatrième document, le document
23 n° 4.
24 La Bosnie, du fait de son caractère, était appelée "la petite
25 Yougoslavie". La Bosnie disait souvent qu'en fait, la Yougoslavie était
Page 611
1 une grande Bosnie.
2 Lors des première élections multipartites de novembre 1990
3 tenues en Bosnie-Herzégovine, les trois grands partis nationaux, le SDA,
4 le Parti d'Action Démocratique, dominé par les Musulmans, le SDS, le Parti
5 Démocratique Serbe, dominé par les Serbes, et le HDZ, parti dominé par les
6 Croates, ont remporté la majorité des sièges dans l'Assemblée nationale.
7 Il y avait en tout 41 partis...
8 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le
9 Président. Je pense qu'elle fait référence au document n° 4, qui
10 n'apparaît pas à l'écran. Y a-t-il un document n° 4 que nous soyons censés
11 voir maintenant ?
12 Mme Calic (interprétation). - Il s'agit d'un diagramme montrant
13 le recensement démographique de 1991.
14 M. Ostberg (interprétation). - Il devrait apparaître à l'écran
15 si on le montre sur le rétroprojecteur. Il est très difficile de le lire à
16 l'écran. Est-il possible de l'agrandir ?
17 (Intervention technique).
18 Il est peut-être un peu trop agrandi maintenant...
19 Mme Calic (interprétation). - Vous voulez voir les résultats du
20 recensement ?
21 Mme McMurrey (interprétation). - Nous voulons simplement savoir
22 quel est le document sur lequel vous vous fondez, car il n'apparaissait
23 pas.
24 M. le Président (interprétation). - Vous n'avez pas vraiment
25 besoin de ce document.
Page 612
1 M. Ostberg (interprétation). - Pouvons-nous résumer ce document,
2 afin qu'il nous soit intelligible ?
3 Mme Calic (interprétation). - Oui. Il s'agit des chiffres du
4 recensement pour la Bosnie-Herzégovine, qui a été fait en 1991. Ces
5 chiffres viennent du recensement officiel de la Bosnie-Herzégovine. Ce que
6 je veux dire, c'est que la population s'élevait à 4 355 000 habitants,
7 dont 43,7 % de Musulmans, 31,3 % de Serbes et 17 % de Croates. Il y avait,
8 bien sûr, beaucoup d'autres nations et nationalités représentées, ce qui
9 ressorte du même document.
10 C'est tout ce que je voulais dire sur la base de ce document.
11 M. Ostberg (interprétation). - Sous la rubrique "total" ? Est-il
12 possible de déplacer le document pour qu'on voie les chiffres ?
13 Mme Calic (interprétation). - Quels chiffres ?
14 M. Ostberg (interprétation). - La composition de la population,
15 pour aider la défense.
16 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas pourquoi nous
17 perdons du temps sur ces questions qui sont tout à fait établies et de
18 notoriété publique.
19 M. Jan (interprétation). - On voit des mots et une cote
20 "HHR VAT 1", puis le mot "Musulman". Qu'est-ce que cela signifie ?
21 Mme Calic (interprétation). - C'est le mot "hrvati" que vous
22 voyez et qui veut dire "Croate".
23 M. Jan (interprétation). - Très bien. Je vais l'écrire pour ma
24 propre gouverne.
25 Mme Calic (interprétation). - J'ai déjà mentionné la première
Page 613
1 rédaction de l'élection de novembre 1990. Il y avait donc 41 partis, mais
2 seulement cinq d'entre eux étaient des partis plus importants, dont les
3 trois partis dominés par un groupe ethnique, à savoir le SDA, le HDZ et le
4 SDS. Ce sont ces trois partis qui ont obtenu la majorité des voix.
5 M. Ostberg (interprétation). - Voudriez-vous préciser une
6 chose ? Je crois que nous comprenons tous ce que représente ces trois
7 couleurs (vert, rouge et bleu), mais si nous en arrivons à "SKSDP", "SRSJ"
8 et "autres", c'est moins clair. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il
9 s'agit ?
10 Mme Calic (interprétation). - Oui, bien sûr. Le SKSDP est la
11 Ligue Communiste, l'ancien Parti Communiste, et le SRSJ est l'Alliance des
12 Forces pour la Réforme. Ces deux partis étaient des partis yougoslaves à
13 composition ethnique mixte, explicitement mixte. Mais ils ont perdu les
14 élections et, comme je le disais, la majorité des voix est allée aux trois
15 partis à orientation nationale.
16 M. Jan (interprétation). - Et en termes de sièges ?
17 Mme Calic (interprétation). - Il y avait 240 sièges.
18 M. Ostberg (interprétation). - Et en noir ?
19 Mme Calic (interprétation). - Il y avait 35 autres partis, mais
20 ils ont obtenu un nombre de voix si minime que cela ne valait même pas la
21 peine d'être mentionné. C'étaient des partis régionaux. Il y avait donc 35
22 partis.
23 Ce qui est important, c'est que les résultats des élections ont
24 plus ou moins reflété la composition ethnique de la population de la
25 Bosnie et que les trois grands partis se sont mis d'accord pour former un
Page 614
1 gouvernement de coalition. Chacun d'entre eux était représenté à la
2 présidence de l'Etat bosniaque, qui comprenait sept membres.
3 Le dirigeant musulman Alija Izetbejovic est devenu Président de
4 la République. Le Serbe Krajisnik a été désigné Président de l'Assemblée
5 nationale et le Croate Pelivan a été désigné Premier Ministre.
6 Les trois partis nationaux, cela étant, se sont retrouvés très
7 rapidement dans une impasse quant à deux questions très importantes. La
8 première de ces questions concernait le statut politique de la Bosnie :
9 est-ce que la Yougoslavie devait être dissoute et la Bosnie devait-elle
10 devenir un Etat indépendant ou fallait-il que d'autres Républiques fassent
11 sécession pour que la Yougoslavie se désintègre, se dissolve ?
12 L'autre question importante était la suivante : comment la
13 République de Bosnie, multi-ethnique, devait-elle être structurée sur le
14 plan constitutionnel ? Fallait-il constituer un Etat centralisé ou un Etat
15 fédéral ?
16 Ces deux questions, statut politique et structure
17 constitutionnelle future, étaient débattues entre les trois partisans pour
18 qu'une solution soit trouvée par les trois partis.
19 Pour ce qui est de la première question, celle de la
20 constitution, les Serbes et, ensuite, les dirigeants croates également
21 souhaitaient l'unification de leurs ressortissants avec les pays mères et
22 ont proposé la cantonisation de la République de Bosnie-Herzégovine,
23 c'est-à-dire le partage de la République en trois - voire davantage -
24 régions définies ethniquement, un peu sur le modèle suisse. C'est pourquoi
25 on a employé à l'époque le mot "cantonisation", qui est à l'ordre du jour.
Page 615
1 Les dirigeants musulmans, par ailleurs, ont voulu préserver la
2 Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat unifié multi-ethnique et unitaire, et
3 ce, bien sûr, pour plusieurs raisons, l'une étant la façon dont les
4 peuples de Yougoslavie s'étaient établis. La population musulmane était
5 concentrée dans les villes et pour eux, il leur était beaucoup plus
6 difficile de dessiner des cantons homogènes sur le plan ethnique, beaucoup
7 plus difficile pour les Croates qui étaient installés dans des zones plus
8 compactes le long de la frontière avec la Croatie. Mais les Serbes et les
9 Croates, par ailleurs, étaient aussi éparpillés dans toute la Bosnie. Il y
10 avait aussi beaucoup de mariages mixtes et de couples mixtes. C'était là
11 un autre problème. Sans compter le danger que l'Etat de Bosnie éclate
12 rapidement si la Constitution était basée sur des critères ethniques.
13 Le débat quant à la meilleure façon de reconstruire la
14 République de Bosnie à débouché sur un vide constitutionnel, un vide
15 juridique également en 1991. Et avec la guerre qui faisait rage en
16 Croatie, ce phénomène a accéléré la division de la société bosniaque selon
17 des lignes ethniques. Les trois partis mettant davantage l'accent sur les
18 critères ethniques dans la vie publique, ce qui a donné lieu, pas à pas, à
19 une polarisation ethnique qui s'est développée pratiquement dans
20 l'ensemble de la société, à savoir dans les médias, dans le système
21 éducatif et également au niveau des forces de sécurité. Mais je reviendrai
22 sur ce dernier critère ultérieurement.
23 Dans ce contexte, la question de savoir si la Bosnie devait ou
24 non devenir indépendante a été posée. La Croatie et la Slovénie avait
25 proposé à la fin de l'année 1990 de transformer la Yougoslavie en une
Page 616
1 Confédération d'Etats quasi indépendants, et donc de ne conserver que des
2 institutions confédérales très faibles. La Serbie s'est opposée à ce
3 projet alors que la Bosnie et la Macédoine ont présenté un autre plan, un
4 plan de compromis qui a été présenté en juin 1991 et qui a été rejeté par
5 les autres partis.
6 Suite à l'éclatement de la guerre en Croatie au cours de l'été
7 1991, le SDA, ainsi que le HDS, ont commencé à se dire favorables à
8 l'indépendance.
9 La direction des Serbes de Bosnie, par ailleurs, étaient opposés
10 à l'indépendance et avaient déjà pris des mesures pour constituer des
11 zones autonomes possédant des Etats quasiment indépendants. En septembre
12 1991, certaines de ces zones furent déclarées régions autonomes serbes.
13 La crise a atteint son point culminant en octobre 1991, date à
14 laquelle les députés croates et musulmans ont déclaré la souveraineté
15 bosniaque. Cela s'est passé le 14 octobre 1991, date à laquelle les
16 Serbes, eux, ont déclaré leur opposition à l'indépendance.
17 Afin d'illustrer ce débat sur l'avenir de la Bosnie, j'ai fait
18 figurer dans le classeur le document n° 6 qui provient de la Commission
19 européenne. Il s'agit de l'avis n° 1 de la Commission d'arbitrage mise en
20 place par la Communauté européenne.
21 Peut-on le voir à l'écran ?
22 M. Ostberg (interprétation). - C'est le document qui a pour
23 titre le n° 137 ?
24 Mme Calic (interprétation). - Oui, il s'agit de l'avis n° 1 de
25 la Commission d'arbitrage mise en place par la Conférence pour la paix en
Page 617
1 Yougoslavie. Cette Conférence pour la paix a été créée en septembre 1991
2 et la Commission d'arbitrage, dénommée habituellement Commission Badinter,
3 a été créée à la même date. Il s'agit donc de l'avis n° 1 de la Commission
4 Badinter. Je ne sais pas si vous pouvez lire le contenu de ce document à
5 l'écran ?
6 M. Ostberg (interprétation). - Oui, je crois que c'est lisible.
7 Mme Calic (interprétation). - Pour moi, il est lisible. Et pour
8 vous ?
9 M. Ostberg (interprétation). - Oui, oui. Le document est lisible
10 sur l'écran pour ceux qui n'en possède pas une version entre les mains. Le
11 document se trouve dans le classeur, mais pour les personnes qui n'ont pas
12 ce classeur entre les mains, car celui-ci se trouve à un autre endroit
13 dans le bâtiment, je crois que ces personnes peuvent suivre sur l'écran.
14 Mme Calic (interprétation). - Donc la Communauté européenne, à
15 l'époque, admettait que le débat portant sur un certain nombre de
16 questions juridiques de grande importance était fondamental. L'arbitrage,
17 en général, est une tentative de régler un problème.
18 M. Ostberg (interprétation). - Qui a créé cette Commission
19 d'arbitrage ?
20 Mme Calic (interprétation). - Les Communautés européennes ont
21 mis en place une Conférence pour la paix en septembre 1991 dont l'objectif
22 consistait à servir de médiateur entre les parties belligérantes, c'est-à-
23 dire entre les dirigeants des anciennes républiques.
24 De nombreuses activités ont eu lieu dans le cadre de cette
25 conférence et l'une d'entre elles a consisté à créer la Commission
Page 618
1 d'arbitrage dont je viens de parler, Commission d'arbitrage qui a émis un
2 certain nombre d'avis. Vous voyez le premier avis de cette Commission
3 d'arbitrage ici, mais je vous en montrerai d'autres ultérieurement qui
4 serviront d'illustrations d'un certain nombre d'événements dont j'entends
5 parler.
6 Mais cet avis n° 1 permet de prouver à quel point la Communauté
7 européenne était sérieuse et préoccupée également au sujet des événements
8 qui avaient cours sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
9 Cet avis stipule que la Serbie considère que les Républiques qui
10 avaient l'intention de se déclarer indépendantes, souveraines, ou qui
11 l'avaient déjà fait allaient faire sécession de la RSFY qui, dans le cas
12 contraire, aurait pu continuer d'exister.
13 D'autres Républiques du pays considèrent qu'il n'est pas
14 question là d'un problème de sécession, mais d'un problème de
15 désintégration, d'un problème d'éclatement de la RSFY sous l'effet de la
16 volonté conjointe d'un certain nombre de Républiques.
17 M. Ostberg (interprétation). - Puis-je me permettre de vous
18 interrompre ? La question a été posée par le juge Vorod* de savoir qui
19 avait mis en place cette commission d'arbitrage. Est-ce que la Commission
20 d'arbitrage a été créée par la conférence mise en place pour statuer sur
21 la Yougoslavie qui siégeait ici à La Haye, si je ne m'abuse ?
22 Mme Calic (interprétation). - Oui, effectivement.
23 M. Ostberg (interprétation). - Et l'avis a été rendu en novembre
24 1991 ?
25 Mme Calic (interprétation). - Oui.
Page 619
1 M. Ostberg (interprétation). - Donc la conférence en question a
2 pris la décision de créer la Commission d'arbitrage ? Quelle était la
3 dimension de cette Commission d'arbitrage ?
4 Mme Calic (interprétation). - Elle comportait cinq membres.
5 M. Ostberg (interprétation). - Cinq membres ? Et elle portait le
6 nom de "Badinter" ?
7 Mme Calic (interprétation). - Le nom officiel était "Commission
8 d'arbitrage de la Conférence pour la paix dans l'ex-Yougoslavie", mais
9 cette commission était connue sous le nom de Commission Badinter. Donc si
10 vous faites référence à la Commission Badinter, vous vous faites
11 comprendre par un nombre de gens plus important que si vous parlez de la
12 Commission d'arbitrage.
13 Voilà quel était l'essence même de l'origine du conflit, conflit
14 qui portait sur des divergences d'opinions importantes quant à la façon
15 dont les diverses Républiques de l'ex-Yougoslavie devraient aborder
16 l'avenir de ce pays.
17 Les Serbes ont continué à contester la légitimité de la
18 déclaration de souveraineté émanant des députés croates et musulmans du
19 Parlement. Ils ont quitté le Parlement de Bosnie en novembre 1991, mais
20 également un certain nombre d'institutions étatiques et ont créé leur
21 propre Parlement : l'Assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.
22 Le 24 octobre 1991, les Serbes ont pris une décision au nom du
23 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, décision consistant à demeurer au sein
24 de l'Etat commun de Yougoslavie. Cela est illustré par mon document n° 7.
25 M. Jan (interprétation). - Il n'y a pas de traduction de ce
Page 620
1 document ?
2 M. Ostberg (interprétation). - Si. Il en existe une traduction.
3 Mme Calic (interprétation). - Le document n° 8.
4 M. Ostberg (interprétation). - Le document n° 7, dernière page.
5 Mme Calic (interprétation). - Donc le document n° 7 vous fourni
6 la décision consistant à demeurer au sein d'un Etat conjoint de
7 Yougoslavie. Le même jour, les Serbes ont également pris la décision de
8 créer une sorte de représentation officielle, une espèce de gouvernement.
9 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous pourrions
10 suspendre l'audience à ce stade et nous reprendrons demain matin, à
11 10 heures 30.
12 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, j'ai une
13 question d'ordre à poser à la Chambre. La Chambre pourrait-elle donner son
14 accord à ce que les documents du classeur soient enregistrés pour
15 identification en tant que pièces à conviction nos 6 à 63 ? Je parle
16 uniquement de l'enregistrement de ces documents afin que nous en ayons une
17 trace. Donc de 6 à 63. Merci.
18 M. le Président (interprétation). - La Chambre d'instance
19 suspend ses travaux et les reprendra demain à 10 heures 30.
20 L'audience est levée à 17 heures 25.
21
22
23
24
25