Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Mardi 18 mars 1997

2 L'audience est ouverte à 10 heures 11.

3 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

4 Messieurs. Hier, avant de lever l'audience, l'accusation a demandé que

5 certaines mesures soient prises pour l'interrogatoire du témoin à charge.

6 Personne ne s'est opposé aux mesures demandées par l'accusation, à savoir

7 que certains éléments de la déposition ne devraient pas être divulgués au

8 public.

9 Puisque nous sommes d'accord sur ce point, nous pouvons

10 maintenant commencer, ou poursuivre, l'interrogatoire du témoin.

11 L'accusation peut donc faire entrer son témoin, sous réserve de

12 l'application de l'article 79.

13 (M. Tapuskovic se lève).

14 Je n'ai pas l'habitude que les conseils se lèvent lorsque le

15 juge parle. Je ne vous ai pas demandé de vous lever. Vous n'avez pas

16 demandé à parler. Ce n'est pas une façon d'agir. Je parlais lorsque vous

17 vous êtes levé. Je parlais de la demande présentée par l'accusation.

18 L'accusation a la parole.

19 Mme McHenry (interprétation). - Nous sommes prêts à poursuivre,

20 Monsieur le Président, et nous voudrions que la partie initiale de la

21 déposition de Mme Cecez, qui ne prendra pas plus de 10 minutes, je pense,

22 se fasse à huis clos, de sorte qu'il ne soit pas possible pour le public

23 d'entendre ce qui va se dire. En effet, des noms seront prononcés, ainsi

24 que d'autres éléments faisant l'objet de mesures de protection.

25 M. le Président (interprétation). - Est-ce que des dispositions

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1 peuvent être prises en ce sens ?

2 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président,

3 excusez-moi. J'ai demandé la parole en levant la main. Je voudrais

4 simplement vous dire bonjour au nom de mon nouveau confrère qui, à partir

5 d'aujourd'hui, m'assistera. Il s'agit de M. Greaves, qui vient de Grande-

6 Bretagne. C'est tout ce que je voulais vous dire. Je n'avais absolument

7 pas l'intention de troubler la procédure. Je vous remercie de me donner la

8 possibilité de présenter M. Greaves.

9 Mira Tapuskovic aura le statut de conseiller juridique à mes

10 côtés.

11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je voulais

12 simplement éclaircir le malentendu, puisque les conseils n'ont pas à

13 constamment se lever lorsque le juge parle.

14 M. Greaves (interprétation). - C'est un grand plaisir d'être ici

15 présent au Tribunal.

16 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire entrer le

17 témoin ?

18 (Le témoin, Mme Cecez, est introduit dans la salle d'audience).

19 (Audience à huis clos partiel)

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8 Audience publique.

9 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, il y a quelques

10 minutes, et hier, vous avez témoigné, parlé d'Hazim Delic. Vous avez dit

11 qu'il vous avait violée. Ai-je raison de dire que la première fois que

12 vous avez vu Delic et qu'il vous a violée, vous ne saviez pas qui

13 c'était ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Je ne savais pas qui c'était,

15 mais je l'ai appris peu de temps après.

16 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire comment

17 vous avez su l'identité de la personne qui vous avait violée ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Les femmes de Bradina étaient

19 déjà arrivées et quelqu'un à l'entrée cherchait Hazim Delic et il est

20 apparu. C'est comme cela que j'ai su que c'était l'homme qui boitait, qui

21 portait une béquille.

22 Mme McHenry (interprétation). - Le jour après le viol, à quelle

23 occasion avez-vous revu M. Hazim Delic ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Je l'ai revu très fréquemment car

25 il allait et venait fréquemment quand j'allais aux toilettes, je regardais

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1 par la fenêtre. Il était toujours aux alentours. Il ne quittait pas le

2 camp. Il se trouvait essentiellement dans le camp.

3 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous entendu son nom à

4 d'autres occasions également ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, souvent. On appelait

6 Hazim, on disait qu'il était agressif. On avait peur de lui. Je sais

7 comment il traitait les femmes en tout cas et donc on se le signalait

8 quand il arrivait.

9 Mme McHenry (interprétation). - A-t-il continué à utiliser une

10 béquille pendant tout le temps où vous l'avez vu, où vous étiez à

11 Celebici ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Non. Je ne sais pas pendant

13 combien de temps il a utilisé une béquille, mais il boitait un petit peu.

14 Mme McHenry (interprétation). - Qu'avez-vous su de la position

15 qu'occupait M. Delic dans le camp ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Nous avons entendu dire que Pavo

17 était l'homme le plus important, Pavo Mucic, et que Delic était son

18 adjoint.

19 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais vu comment les

20 autres gardes se comportaient vis-à-vis de M. Delic ou de Mucic ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Je ne pouvais pas voir. J'ai

22 simplement remarqué qu'ils avaient tous peur de lui. Une fois, j'étais en

23 train de regarder par la fenêtre dans la pièce qui se trouve en face de la

24 nôtre, et un jeune de Bijela, qui jouait de l'accordéon, qui s'appelait

25 Kornic, était en train de réparer un fusil. Comme mon fils jouait aussi de

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1 l'accordéon, nous nous connaissions bien. Il a demandé comment j'allais,

2 ce que je faisais et où se trouvait mon fils. Donc on a eu une

3 conversation privée, mais Pavo est passé par là, dans une voiture, et il

4 m'a insultée et ce garde en disant que personne ne pouvait me parler. J'ai

5 donc pu voir que les gardes aussi avaient peur de lui.

6 Mme McHenry (interprétation). - Pour revenir à M. Delic un

7 instant, est-ce que M. Delic a pris le café avec vous ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Non, non. Je n'ai pas eu de café

9 pendant tout mon séjour, à l'exception de trois matins où un jeune garde,

10 Baralija, a fait du café, et un autre dont je ne me souviens plus du nom.

11 Quoi qu'il en soit, il surveillait pour le cas où quelqu'un viendrait et

12 j'ai donc eu du café trois matin très tôt, vers 4 heures du matin. Il me

13 réveillait et me donnait du café. C'est la seule fois où j'ai eu du café

14 en trois mois et demi.

15 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, au moment où vous

16 avez été interrogée par les représentants du bureau du procureur, en

17 décembre 1995, est-ce que vous avez donné une description de M. Hazim

18 Delic ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.

20 Mme McHenry (interprétation). - Vous avez été interrogée par le

21 bureau du procureur, en décembre 1995, madame Cecez ? Par des enquêteurs ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, je pense bien. Oui.

23 Mme McHenry (interprétation). - Et à ce moment-là, avez-vous

24 fait une déposition écrite ?

25 Mme Cecez (interprétation). - J'ai parlé comme je parle

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1 maintenant et ils ont pris des notes. Cela s'est passé à Boridza* je

2 pense. Je ne me souviens pas de la date exacte. Il y avait des gens qui

3 étaient venus de Belgrade pour prendre nos dépositions.

4 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que vous

5 vous souvenez si en décembre 1995 vous avez été interrogée par Mme Sabine

6 Manke représentant le bureau du procureur du Tribunal ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, je suis venue à

8 La Haye.

9 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous fait une déposition à

10 ce moment-là ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

12 Mme McHenry (interprétation). - Vous souvenez-vous si vous avez

13 donné une description de M. Hazim Delic à ce moment-là ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Je pense que je l'ai fait dans la

15 mesure où je pouvais décrire M. Delic. Je ne suis pas un expert. Je l'ai

16 décrit comme je m'en souvenais.

17 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous le décrire tel que

18 vous vous souvenez de lui ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Il était assez grand, un homme

20 plutôt belle allure, il perdait un peu ses cheveux sur le front. La peau

21 claire. Voilà.

22 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., depuis que vous

23 êtes à La Haye, la semaine dernière, est-ce qu'on vous a montré un album

24 contenant six photos d'hommes différents ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Vous a-t-on demandé si vous

2 reconnaissiez quelqu'un qui ait participé aux événements dont vous aviez

3 parlé ? Vous avez répondu : "non, je ne pense pas, non".

4 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas sûre. Toutes ces

5 photos étaient celles d'hommes plutôt chauves et je n'ai pas pu dire si je

6 reconnaissais quelqu'un. En cinq ans, cette personne a peut-être changé.

7 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, vous avez dit déjà

8 que vous aviez vu Musinovic et Delic la première nuit où vous étiez au

9 camp et que vous aviez parlé à M. Musinovic concernant ce qui vous est

10 arrivé. Est-ce bien juste ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, quand j'ai été libérée nous

12 avons parlé. Il venait et nous en parlions en privé. Il disait qu'il ne

13 savait rien de ce qui se passait.

14 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, pour ce qui

15 concerne Rale Musinovic, en dehors des occasions dont vous avez parlé

16 hier, est-ce qu'il y a eu d'autres moments où vous avez vu M. Rale

17 Musinovic, où vous lui avez parlé au moment où vous vous trouviez à

18 Celebici ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne l'ai jamais revu. Il

20 est parti. Peut-être faisait-il des allées et venues, mais Pavo était là

21 tout le temps et surtout Delic. Il y avait beaucoup de gardiens qui se

22 renouvelaient.

23 Mme McHenry (interprétation). - Pour ce qui concerne M. Rale

24 Musinovic, pouvez-vous estimer le moment à partir duquel vous ne l'avez

25 plus jamais revu au camp ?

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1 Mme Cecez (interprétation). - Je l'ai vu juste cette première

2 nuit, quand on m'a amenée au camp, le 27. Je ne l'ai pas vraiment revu.

3 Peut-être est-il passé, mais je n'étais pas dehors, donc je ne sais pas

4 s'il était là ou pas. En tout cas il n'est pas venu me voir.

5 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., je voudrais vous

6 poser des questions quant aux conditions de détention générales au camp.

7 Et si le Tribunal me le permet, je voudrais utiliser pour ce faire

8 certaines des pièces à conviction. J'ai reçu des instructions depuis hier

9 pour l'utilisation de ces pièces à conviction.

10 Est-ce que l'huissier pourrait m'aider ? Madame Cecez, lorsque

11 vous avez été interrogée par le bureau du procureur, en décembre 1995,

12 avez-vous dessiné un plan du bâtiment où vous avez été accueillie au

13 camp ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

15 Mme McHenry (interprétation). - Bâtiment d'accueil. Peut-on

16 marquer la pièce comme pièce à conviction 5 aux fins d'identification ?

17 Les conseils de la défense ont déjà reçu copie de ce document. Peut-on

18 mettre le document sur le rétroprojecteur ?

19 Madame Cecez, est-ce que vous reconnaissez ce diagramme comme

20 étant celui que vous avez dessiné en décembre 1995 avec quelques ajouts en

21 rouge, qui sont les traductions de vos indications en serbo-croate ?

22 Pouvez-vous dire "oui" simplement, s'il s'agit bien du diagramme que vous

23 avez dessiné en 1995 ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, c'est bien lui. Je ne

25 suis pas expert, mais je l'ai dessiné comme je m'en souvenais.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, je veux d'abord

2 vous demander d'expliquer où se trouvait le bâtiment d'accueil, ce que

3 vous y avez fait, d'abord avec l'aide du diagramme que vous avez dessiné

4 et ensuite avec l'aide de la maquette. D'abord pouvez-vous nous montrer où

5 se trouvait l'entrée du bâtiment d'accueil ?

6 Mme Cecez (interprétation). - C'était ici, l'entrée. Par là il

7 y avait les toilettes.

8 Mme McHenry (interprétation). - Peut-on traduire ce que vient de

9 dire Mme Cecez ?

10 Pouvez-vous nous montrer où se trouvait d'abord l'entrée du

11 camp ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Ici. Juste là.

13 Mme McHenry (interprétation). - Vous nous avez montré l'entrée

14 du camp et quelle est la première pièce dans laquelle on entre lorsqu'on

15 pénètre dans le bâtiment d'accueil ?

16 Mme Cecez (interprétation). - C'est ici, la première pièce.

17 Mme McHenry (interprétation). - Restons-en à la première pièce

18 pour l'instant. Pouvez-vous décrire ce qui se trouve dans cette pièce ?

19 Vous avez marqué là certaines choses.

20 Mme Cecez (interprétation). - Ici, j'ai écrit la fenêtre, par

21 ici c'est la direction de Celebici, et ceci, c'est vers le village. Ici,

22 c'est la fenêtre par laquelle je voyais le bâtiment n° 9. Et c'est là que

23 les gens de Bradina surtout étaient détenus.

24 Mme McHenry (interprétation). - Le bâtiment n° 9 est l'endroit

25 où se trouvaient surtout les gens de Bradina, n'est-ce pas ?

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1 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, surtout de Bradina.

2 Mme McHenry (interprétation). - Et par la fenêtre que vous venez

3 d'indiquer, vous pouviez voir vers le tunnel. Est-ce bien cela ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je voyais l'entrée du tunnel.

5 Et quand j'osais regarder, je voyais des gens aller et venir.

6 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer

7 toujours dans cette pièce s'il y avait des portes ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Oui, il y avait cette porte que

9 nous utilisions, et là il y avait une autre porte, mais on ne pouvait pas

10 l'ouvrir, parce que le long du mur il y avait un lit et une espèce de

11 fourneau qui bloquaient la porte. Donc on ne pouvait pas l'utiliser, on

12 rentrait par ici. On utilisait ensuite cette porte, et là, il y avait une

13 fenêtre avec des barreaux.

14 Et là, cet objet, dont je ne connais pas le nom, qui permet de

15 ranger des fusils.

16 Mme McHenry (interprétation). - Et lorsque vous aviez besoin

17 d'aller aux toilettes, madame Cecez, est-ce que vous pouvez nous montrer

18 comment vous y alliez ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Tout simplement, on passait par

20 cette porte et puis par ici, et j'utilisais les toilettes ici. C'est comme

21 ça que quelquefois, à la sortie des toilettes, je pouvais regarder par la

22 fenêtre à gauche et voir ce qui se passait à l'extérieur.

23 Mme McHenry (interprétation). - Et la pièce dans laquelle vous

24 dormiez, est-ce que c'est bien la pièce dans laquelle à un certain moment

25 vous étiez sept femmes ensemble ? Où se trouve la pièce où vous dormiez,

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1 madame Cecez ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Ici. C'est dans cette pièce-là que

3 nous dormions.

4 Mme McHenry (interprétation). - Toutes les femmes ont été

5 détenues dans cette pièce ensemble. C'est bien cela ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

7 Mme McHenry (interprétation). - Où est-ce que vous mangiez

8 madame Cecez ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Ils nous apportaient de la

10 nourriture par cette fenêtre. Ils nous appelaient, on sortait, on passait

11 dans cette pièce, on ramassait la nourriture, et puis on rentrait de

12 nouveau et on mangeait.

13 Mme McHenry (interprétation). - Où est-ce que vous vous laviez,

14 madame Cecez ?

15 Mme Cecez (interprétation). - On n'avait pas de quoi se laver,

16 puisqu'il n'y avait pas d'eau chaude. Il n'y avait pas d'électricité dans

17 notre bâtiment, donc on ne pouvait pas se laver. On avait un bocal en

18 plastique -je ne me souviens pas très bien de son apparence, mais je crois

19 qu'il était bleu- et donc c'est là que nous lavions notre linge.

20 Le soir, nous n'osions pas sortir de notre pièce, donc nous

21 satisfaisions nos besoins personnels dans ce bocal et comme ça. Pendant

22 mon séjour, nous avons été cinq dans la pièce pendant une nuit, et une

23 autre nuit même sept. Moi, j'ai passé trois mois et demi dans cet endroit.

24 On a reçu simplement deux savons et une tasse et demi de lessive. Rien

25 d'autre.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Je vais vous demander

2 maintenant, madame Cecez, de vous servir de la maquette du bâtiment qui se

3 trouve à votre gauche, la pièce enregistrée comme pièce à conviction 2A,

4 et je vous demanderai d'utiliser un pointeur pour répondre à mes questions

5 en vous servant de cette maquette.

6 Madame Cecez, je vais vous demander de vous servir de cette

7 maquette de taille plus importante. Est-ce que l'huissier peut vous

8 montrer la pièce à conviction 2A ? Est-ce que vous pouvez nous montrer où

9 se trouve l'entrée du bâtiment dans lequel vous dormiez ?

10 Je vous prierai, madame Cecez, de vous servir de la maquette du

11 bâtiment d'accueil, de nous dire où étaient l'entrée, les fenêtres, les

12 portes.

13 Peut-être peut-elle utiliser les écouteurs de la table.

14 Est-ce que vous m'entendez madame Cecez ? Je crois qu'elle

15 devrait pouvoir utiliser le micro fixe, ce n'est pas si loin.

16 Est-ce que vous pouvez vous servir de cette maquette, je vous

17 prie, madame Cecez, pour nous montrer où se trouvait l'entrée du

18 bâtiment ?

19 Mme Cecez (interprétation). - L'entrée était là. Il y avait des

20 marches, si je me souviens bien. On entrait par là, il y avait cette pièce

21 avec des fenêtres qui n'avaient pas de barreaux. Donc on pouvait les

22 ouvrir. Nous nous servions de cette porte pour passer dans l'autre pièce

23 et ici se trouvait le lit. C'est là que je dormais. Là, il y avait des

24 matelas.

25 Cette porte était fermée, parce qu'à ce moment-là il y avait le

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1 lit et le fourneau qui bloquaient cette porte qu'on ne pouvait pas ouvrir.

2 Et la porte ici s'ouvrait vers l'extérieur.

3 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

4 montrer les toilettes et le lavabo ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Ici se trouvaient le lavabo

6 et puis ce petit chauffe-eau. Plus tard, ils ont branché l'électricité,

7 donc on a eu de l'eau chaude. Là se trouvaient les toilettes, mais ce

8 n'étaient pas des toilettes modernes, c'était des toilettes à la turque.

9 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

10 Madame Cecez, est-ce que vous pouvez nous parler de la

11 nourriture que vous receviez ? Quel genre de nourriture ? Combien de

12 nourriture avez-vous reçu pendant votre séjour au camp ?

13 Mme Cecez (interprétation). - La nourriture était vraiment de

14 très mauvaise qualité. Ce n'était pas normal. C'est ce qui nous manquait

15 le plus. Pendant 42 jours, nous n'avons pratiquement rien reçu. Je m'en

16 souviens bien.

17 Mais nous, au moins, nous recevions de l'eau, alors que les

18 hommes n'en recevaient pas. Et Milojka, cette femme qui était avec moi, a

19 fini par ne plus tenir debout. Le quatrième jour, elle a dit : "Je vais me

20 mettre à genoux devant Delic pour qu'il me donne simplement la croûte du

21 pain. Seulement la croûte du pain !". Elle parlait très faiblement. Moi,

22 j'étais plus forte, j'étais encore debout, et plus tard je lui ai donné ma

23 nourriture.

24 Mais ce qu'on nous donnait à manger, ce n'était qu'une espèce de

25 petite soupe claire, avec un peu de haricots secs. Vraiment, la nourriture

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1 était de très mauvaise qualité.

2 Plus tard, ils ont donné l'autorisation que de la nourriture

3 nous soit apportée plus souvent. Hazim Delic, quand il voyait que la

4 nourriture m'était destinée, me la jetait par la fenêtre. Moi, vraiment

5 j'avais maigri, j'avais perdu plusieurs kilos, je me sentais terriblement

6 mal.

7 Mme McHenry (interprétation). - Que voulez-vous dire, madame

8 Cecez, lorsque vous dites qu'il vous jetait la nourriture ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, ma soeur -j'avais une

10 soeur qui était à Bodzani*, je ne sais pas quelle est la distance, je

11 crois que Bodzani se trouve sans doute à 10 kilomètres ou même un peu plus

12 que cela de Celebici- elle m'a apporté de la nourriture et a demandé qu'on

13 donne cette nourriture à Grozda. La réponse a été : "A quoi ça peut lui

14 servir puisqu'on va la fusiller ?" et il a jeté la nourriture de l'autre

15 côté de la route. Elle, elle n'a pas osé résister, elle a eu peur, elle

16 s'est sauvée.

17 Et Hazim Delic se tenait près d'une voiture. Il y avait une

18 femme qui se trouvait là, qui était très faible, mais qui, dès qu'Hazim

19 Delic s'éloignait de la voiture, prenait un peu de courage et courait pour

20 ramasser cette nourriture qui était par terre et me la passait par la

21 fenêtre.

22 Mais pendant mon séjour, on n'autorisait personne à rentrer dans

23 le bâtiment. Personne n'avait le droit de me parler. Mais il y en avait

24 qui me parlaient à voix basse. Moi je me suis dit : "si je reste en vie,

25 je n'aurai sans doute plus jamais le courage de parler à haute voix".

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1 J'avais tellement peur. Et j'imagine facilement quelle était la terreur

2 des autres.

3 Donc vraiment les tortures que nous avons subies étaient

4 terribles. Pendant un mois et demi, je ne me suis pas changée, je n'ai pas

5 changé de vêtements. Et je suis une femme.

6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce qu'il est

7 arrivé qu'un gardien vous apporte un peu plus de nourriture, un

8 supplément ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui, Masic -Que Dieu le protège,

10 lui et sa famille- nous a apporté plusieurs fois des macaronis, un peu de

11 pain. Pour moi, c'était beaucoup de chose. Ce Masic, vraiment, pour nous

12 les femmes en tout cas, a été un homme très bon. Pour les autres, je ne

13 sais pas, mais pour moi je penserai toujours à lui. Pendant toute ma vie,

14 je penserai à lui comme à un homme, un véritable être humain.

15 Mme McHenry (interprétation). - Vous nous avez parlé de la pièce

16 où vous dormiez et vous nous avez parlé des quelques fois où vous vous

17 rendiez aux toilettes. A part cela, est-ce que vous circuliez dans le

18 camp ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je me rappelle une nuit, je

20 crois que c'était à la fin du mois de juillet, je crois que c'était à peu

21 près cela, un gardien est venu me chercher et m'a dit : "La police

22 militaire te demande, Hazim Delic te demande". Moi, j'avais mes règles.

23 J'ai dit : "Je ne peux pas, j'ai mal au ventre, je ne peux aller nulle

24 part". Il est sorti du bâtiment et a sans doute dit que je refusais de

25 sortir, que je ne pouvais pas sortir.

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1 A ce moment-là, Hazim Delic s'est précipité à l'intérieur. Il a

2 insulté ma mère. Il m'a dit : "Qu'est-ce que tu attends ?". Il m'a saisi

3 par le bras. J'ai mis ces bottes en caoutchouc que j'ai portées pendant

4 tout l'été. Je n'arrivais pas à les enfiler. J'ai pris les chaussures de

5 Milojka. Je ne savais plus où j'en étais. Et lorsque je suis sortie du

6 bâtiment, j'ai vu une voiture bleue qui était tournée dans le sens du

7 tunnel 9.

8 Sok a donné l'ordre qu'on m'accompagne, qu'on m'emmène. J'ai

9 prié Sok de m'épargner. Je lui ai dit: "Fils, écoute, arrête ce que tu es

10 en train de faire". Je pensais qu'on allait en fait me tuer, parce que

11 j'avais entendu parler d'un endroit où on emmenait les gens de chez nous.

12 Et Sok m'a répondu : "On doit y aller, parce que sinon ils me tueront avec

13 toi".

14 Je suis passée devant le tunnel 9. La voiture s'est arrêtée en

15 haut, à côté d'une baraque. La lumière s'est éteinte et lorsqu'on s'est

16 rapproché du bâtiment, j'ai vu trois ou quatre soldats. Je ne me souviens

17 plus exactement combien ils étaient.

18 La lumière s'est éteinte. Un civil s'est approché de moi. Il m'a

19 prise par la main et m'a emmenée à l'intérieur de ce hangar. Dans le

20 hangar, il y avait beaucoup de planches sur le sol, mais lui me

21 conduisait, il savait sans doute où nous allions.

22 Il n'y avait pas de lumière. Nous sommes arrivés dans le hangar.

23 Il y avait un lit. Là, nous nous sommes assis. Il a tout de suite commencé

24 à me toucher. J'ai commencé à pleurer. Je lui ai dit : " Ne me touche pas,

25 j'ai mes règles, et je ne sais même pas ce qui se passe parmi les membres

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1 de ma famille".

2 Dans la famille Cecez., il y en a au moins cinq qui avaient déjà

3 été tués. Ma serveuse m'avait dit cela, le deuxième ou le troisième jour

4 de mon séjour au camp. Elle m'avait dit : "On a emmené les membres de

5 votre famille".

6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, si vous souhaitez

7 une pause à quelque moment que ce soit, vous pouvez nous le dire et nous

8 ferons une pause.

9 Mme Cecez (interprétation). - Non, non, ce n'est pas un

10 problème. Je peux continuer.

11 Mme McHenry (interprétation). - Qu'est-ce qui s'est passé

12 lorsque vous parliez avec cette personne, au sujet de votre famille,

13 madame Cecez ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Moi je pleurais. Je pensais à

15 Milan Cecez, à Zeljko, à Velo, à Pero, à Mirka, à Vlado, à tous mes Cecez.

16 Je pensais à mon beau-frère, Miso, et je ne savais pas non plus quel était

17 le sort qu'avaient subi mon mari et mon fils.

18 Je pensais à la famille proche, les Nindzic* qui avaient été

19 tués, quatre membres de cette famille avaient été tués. C'était la famille

20 de mon parrain. Il y avait Stevo, le frère... les Kuljanin aussi : Jako,

21 le fils Kuljanin.

22 Je pensais à tous ces gens-là. Je les ai tous mentionnés.

23 Mais lui n'a fait qu'une chose, c'est me répondre :

24 "Ne parlons pas d'eux, parlons de sexe".

25 Il m'a renversée. Il a commencé à me violer. J'avais mes règles.

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1 J'ai donc pris du sang avec ma main et je l'ai mis sur sa chemise. Je l'ai

2 donc marqué sur la chemise blanche avec du sang. En utilisant ma main

3 droite, je l'ai marqué à l'épaule gauche pour qu'il voie que c'était vrai,

4 que j'avais vraiment mes règles.

5 A la fin, il m'a fait sortir. La voiture a fait demi-tour. Je me

6 suis assise dans la voiture et un jeune homme, dont je ne connais pas le

7 nom mais qui était toujours là, m'a conduite. Et en haut de la route, il y

8 avait des gardiens, à côté du bâtiment d'accueil. Je suis rentrée, je suis

9 allée aux toilettes pour me nettoyer un petit peu. Je suis revenue.

10 Milojka tenait une allumette à la main et elle tremblait de tous ses

11 membres. Elle disait : "Mais où étais-tu ? Est-ce que tu es encore en

12 vie ?"

13 C'est le dernier viol que j'ai subi. Je n'ai plus été violée par

14 la suite, mais j'ai entendu des choses vraiment terribles. Une fois, on

15 m'a fait sortir.

16 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., quand vous étiez

17 à l'intérieur du hangar et que vous nous avez dit que l'homme a commencé à

18 vous violer, pouvez-vous nous dire ce qu'il vous a fait ?

19 Mme Cecez (interprétation). - En gros, il a fait tout ce qu'il

20 voulait. Il a mis son pénis dans mon vagin. Il a atteint le plaisir.

21 C'était Norko Tabak, né en 1950. J'ai obtenu ces détails plus tard. Il

22 avait un enfant. Norko Tabak faisait un peu tout, il réparait les fusils.

23 Plus tard, je l'ai vu aussi. Il avait une voiture de marque Renault. Je

24 pense que c'était sa voiture.

25 Peut-être qu'il y a une chose que je n'ai pas encore dite. La

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1 troisième nuit, la première fois que je suis rentrée dans ce bâtiment, le

2 troisième jeune homme qui m'a violée s'appelle Ismet. Sa mère est de

3 Celebici, mais il est d'origine albanaise. Donc je peux d'écrire ceux qui

4 m'ont violée tant qu'il y avait de la lumière, mais je ne peux plus rien

5 dire au sujet de ceux qui m'ont violée quand la lumière s'est éteinte.

6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., est-ce que je

7 peux vous poser une autre question ? Est-ce que on vous a fait sortir du

8 bâtiment à quelque moment que ce soit pour vous doucher ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

10 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce qui

11 s'est passé en cette occasion ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Maintenant je vais vous

13 raconter cela.

14 Une fois, alors que les femmes de Bradina étaient encore avec

15 moi, on nous a fait sortir, on nous a dit que des représentants de quelque

16 chose allaient venir, qu'il fallait que nous nous présentions. Pavo Mucic

17 m'a parlé à moi en tout cas, il a également dit sans doute la même chose

18 aux autres femmes. Il a dit : "Il faut que tu ailles te laver". J'ai dit :

19 "Comment est-ce que je peux me laver, je n'ai qu'une robe, je n'ai rien

20 d'autre, je ne peux pas me changer ?" Il a répondu qu'il allait nous

21 emmener le lendemain prendre un bain. Et le lendemain, c'est ce qui s'est

22 passé.

23 Un peu plus tard, ils sont venus me chercher pour prendre un

24 bain. Ils m'ont emmenée dans une baraque. Ils étaient trois ou quatre, je

25 ne sais pas exactement, je ne me souviens pas très bien. Mais enfin, je

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1 suis allée là haut, près de la fenêtre, prendre un bain. Je n'osais pas me

2 déshabiller et Masic, un gardien, est rentré derrière moi. Il est resté

3 tout le temps à côté de la porte. Je me suis lavé les cheveux et j'ai

4 vérifié ce que faisait cet homme qui, pendant la majeure partie du temps,

5 a fumé. Je me suis lavé les pieds, j'ai lavé un petit peu mon maillot de

6 corps et Delic est rentré à ce moment-là et m'a dit : "Regarde un peu ce

7 qui se passe. Qui est commandant ici ? C'est toi ou c'est moi ?" Il a

8 donné l'ordre au gardien de faire quelque chose, qu'il a fait me semble-t-

9 il.

10 Mme McHenry (interprétation). - qui parlait M. Delic ? A vous ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Il parlait au gardien, à Masic.

12 Moi, j'étais encore dans la cabine de bain. Et je suis sortie. Delic m'a

13 dit à ce moment-là : "Tu as vraiment l'air affreux, essuie-toi un peu les

14 cheveux" et je me suis rendue compte à ce moment-là qu'il avait sans doute

15 l'intention que Masic me viole. Mais Masic était un homme bon qui ne l'a

16 pas fait.

17 A ce moment-là, je suis rentrée dans la chambre où nous étions

18 toutes. Milojka est sortie, on l'a fait sortir. Elle est rentrée un peu

19 plus tard après avoir pris un bain et m'a dit que Hazim Delic l'avait

20 violée. Après quoi elle est rentrée dans la chambre.

21 Donc il emmenait Milojka quand il en ressentait le besoin. Peut-

22 être que ceux qui venaient me voir moi avaient aussi envie de s'occuper de

23 Milojka parce qu'il avait été question de Milojka parmi les gardiens, mais

24 elle était vierge et à ce moment-là plus personne n'a eu le droit de la

25 toucher.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez., j'aimerais

2 orienter votre attention sur une autre question qui est la suivante. Est-

3 ce qu'on vous a jamais demandé d'accomplir des tâches particulières

4 pendant votre séjour au camp ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Non, simplement de faire le

6 ménage, de nettoyer la chambre dans laquelle nous nous trouvions.

7 D'ailleurs c'est nous qui avions demandé cela parce que la pièce était

8 très sale à notre arrivée. Nous avions une bouteille de Coca-Cola d'un

9 litre et demi que nous avons utilisée pour nettoyer un petit peu, faire le

10 ménage.

11 Devant le bâtiment, il y avait une poubelle et je me rappelle

12 très bien une occasion. J'ai emporté des objets dans la poubelle et, très

13 peu de temps après, on m'a dit : "Sors d'ici et recommence". J'ai dit :

14 "Mais je n'ai plus rien à y mettre". Et ils m'ont tout de même fait

15 sortir. Ils m'ont emmenée jusqu'à l'entrée du camp, et là il y avait une

16 mitrailleuse qui était cachée derrière des éléments en béton. Donc je suis

17 passé devant le bâtiment où nous étions nous. Des tirs ont commencé. Pavo

18 Mucic était à la mitrailleuse. J'ai eu l'impression, enfin je crois, que

19 les balles me passaient très près du visage sur la gauche. Je me suis

20 dit : quand même, je suis une femme, pourquoi ils m'ont fait ça ? Je suis

21 quand même une femme. Et à ce moment-là, on m'a donné l'ordre de retourner

22 dans le bâtiment. Je suis rentrée dans le bâtiment, mais j'avais tellement

23 peur que je suis tombée par terre, je ne tenais plus sur mes jambes. J'ai

24 vraiment eu une terreur, une peur bleue ce jour-là.

25 Je ne sais pas pourquoi ils m'ont fait cela. Quelle était la

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1 nécessité de faire tellement peur ? Après, j'ai vu pas mal des gens de

2 chez nous qui se faisaient torturer dans ce numéro 9 là-bas.

3 M. le Président (interprétation). - Madame Cecez., est-ce que

4 vous pensez qu'il conviendrait que nous ayons une pause de vingt minutes ?

5 Mme McHenry (interprétation). - Effectivement, Monsieur le

6 Président, je crois que ce serait une bonne idée.

7 L'audience, suspendue à 11 heures 06, est reprise à 11 heures 36.

8 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous, s'il vous

9 plaît, faire entrer le témoin.

10 (Le témoin, Mme Cecez, est introduit dans la salle d'audience.)

11 M. Jan (interprétation). - Pour notre information, de combien

12 de temps avez-vous encore besoin ?

13 Mme McHenry (interprétation). - Il me semble que j'aurais besoin

14 d'une autre heure ou d'une heure et demi à peu près.

15 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin

16 qu'il est sous serment.

17 M. le Greffier. - Je vous rappelle que vous témoignez sous

18 serment.

19 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que je peux continuer,

20 Monsieur le Président ?

21 M. le Président (interprétation). - Oui.

22 Mme McHenry (interprétation). - Merci. Madame Cecez, je voudrais

23 éclaircir ce dont nous parlions avant la pause, s'il vous plaît.

24 Premièrement au moment où on vous a demandé de sortir pour aller balayer

25 le sol, est-ce que vous pouvez nous donner une idée du moment où cela

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1 s'est produit ? Quel était le mois pendant lequel cela s'est produit, la

2 date approximative à laquelle cela s'est produit ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

5 dire, quand vous y êtes allée, où se trouvait cette mitrailleuse ?

6 Mme Cecez (interprétation). - C'est juste à l'entrée principale

7 du camp, de l'autre côté de la rue. Quand vous entriez par la porte, cela

8 se trouvait sur le côté droit.

9 Mme McHenry (interprétation). - Et qui se trouvait là, en train

10 de tirer ? Dans quelle direction tirait-on ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Les coups de feu étaient tirés

12 dans la direction du village de Bijelovcina et cela avait l'air d'être des

13 coups tirés en l'air, mais j'étais très près donc je sentais les balles

14 qui passaient à côté de ma tête.

15 Mme McHenry (interprétation). - Et qui tirait ces coups de feu ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Pavo Mucic.

17 Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous étiez au camp,

18 est-ce que M. Mucic est jamais venu et vous a demandé de quelle manière

19 vous étiez traitée ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Non. Il est seulement venu une

21 fois avec une jeune fille et ils sont restés très peu de temps. Il ne nous

22 a rien demandé, comment nous allions ni d'autres questions. Après avoir

23 été libérée, je lui ai demandé. Il ne m'a pas aidée.

24 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, je vais vous poser

25 des questions à ce sujet, mais je voudrais poursuivre si vous le voulez

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1 bien.

2 Pendant que vous étiez au camp, est-ce que vous avez demandé

3 d'avoir la possibilité de parler avec M. Mucic ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Oui, assez souvent. Et ou bien

5 les gardes ne lui transmettaient pas le message ou bien il ne venait pas.

6 Quoiqu'il en soit, il n'est jamais venu.

7 Mme McHenry (interprétation). - Pendant que vous étiez au camp,

8 est-ce qu'on vous a jamais dit pourquoi vous y étiez détenue ?

9 Mme Cecez (interprétation). - La plupart du temps, non. Une

10 fois, un garde a dit : "vous serez ici jusqu'à ce que nous trouvions

11 Lazar". Donc j'avais l'impression d'être détenue en otage tout le temps où

12 je suis restée là.

13 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'on vous a jamais

14 interrogée de manière officielle ? Vous a-t-on jamais posé des questions ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Une fois, ils m'ont emmenée au

16 bâtiment de commandement et ils m'ont demandé : "Où est Lazar ? Où est ton

17 fils ?" Je ne savais ce qu'ils voulaient et je ne savais pas ce qu'ils

18 pensaient. Je ne savais pas s'ils étaient à la maison ? Mon mari dormait

19 et mon fils était dans le café.

20 Mme McHenry (interprétation). - Et vous souvenez-vous qui vous a

21 posé ces questions ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Il y avait un

23 jeune homme, je ne me souviens pas.

24 Mme McHenry (interprétation). - Quand cela s'est-il produit

25 pendant votre séjour au camp ? Au début ? Au milieu ? A la fin ? Est-ce

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1 que vous pouvez nous le dire ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Vers le début plutôt, pendant que

3 les femmes de Bradina étaient encore là ?

4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce qu'ils vous ont demandé

5 de signer une déclaration ? Est-ce qu'ils ont recueilli une déclaration

6 que vous avez signée ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas si j'ai signé quoi

8 que ce soit. C'étaient des questions un peu spontanées.

9 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous jamais eu l'occasion

10 de demander à quelques responsables du camp pourquoi vous étiez détenue et

11 quand vous seriez libérée ? Avez-vous pu le demander à quelques personnes

12 responsables à Konjic ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Hadzihuseinovic est venu me voir.

14 Il était dehors et il m'a parlé par la fenêtre. Il m'a demandé comment

15 j'allais d'une voix assez calme. J'ai haussé les épaules. Il a dit : "Ton

16 Lazar n'est pas coupable de quoi que ce soit, je ne l'ai pas trouvé dans

17 quelque livre que ce soit". Et je lui ai demandé alors pourquoi j'étais là

18 et je lui ai demandé de me laisser aller. Il a haussé les épaules et il

19 n'a pas répondu à ma question.

20 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une idée

21 du moment où cela s'est produit ? Au début, au milieu ou vers la fin de

22 votre séjour ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que c'était au début du

24 mois d'août, parce que peu de temps après, la Croix-Rouge est venue pour

25 nous inscrire. Même s'ils nous cachaient pour que la Croix-Rouge ne nous

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1 trouve pas, ils nous disaient vous ne pouvez pas trouver. J'étais

2 impatiente et une fois, j'ai regardé par là fenêtre. J'ai vu la Croix-

3 Rouge qui s'approchait, mais j'ai réussi à faire un signe de la main par

4 la fenêtre. Il y avait un jeune homme blond qui était le chauffeur et

5 pendant que la grille s'ouvrait, ils ont regardé dans ma direction.

6 C'était le 12 août et ils nous ont inscrits à ce moment-là. Donc nous lui

7 avons raconté ce qui se passait.

8 Mme McHenry (interprétation). - J'aimerais revenir un instant

9 sur une chose. Quand vous avez dit que vous aviez eu une conversation avec

10 M. RusmirVanovic, est-ce que vous le connaissiez déjà avant ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je le connaissais assez bien

12 parce que quand j'ai ouvert mon café, il passait toute la soirée là avec

13 sa femme. C'était des amis de mon mari d'auparavant. Son frère avait

14 construit une maison dans le village. C'est comme cela qu'il me

15 connaissait et que les gens me connaissaient à Konjic, parce que j'avais

16 un commerce. Pavo Mucic me disait qu'il me connaissait à cause de mon

17 commerce. C'est aussi parce qu'il s'intéressait à mon travail.

18 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous savez quelle

19 position, le cas échéant, occupait M. Rusmir à Konjic?

20 Mme Cecez (interprétation). - D'après ce que j'ai entendu dire,

21 il était président de la présidence de guerre à cet endroit ?

22 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que c'est la seule fois

23 où vous avez vu M. Rusmir à Celebici ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je ne l'ai pas revu après.

25 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, vous nous avez

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1 déjà parlé des fois où vous avez été violée. Est-ce que vous pourriez nous

2 dire ce que vous avez observé concernant la manière dont a été traité

3 Milojka Antic ?

4 Mme Cecez (interprétation). - J'ai simplement vu quand Hazim

5 Delic est arrivé à midi. Il me faisait aller dans la pièce en avant. Il la

6 violait et ensuite, après la visite de la Croix-Rouge, il est revenu la

7 violer. Donc la deuxième fois, elle le leur a dit et ils ne pouvaient pas

8 le croire. Et puis il est revenu et l'a emmenée dans une autre pièce

9 encore.

10 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

11 donner une idée de combien de fois M. Delic est venu durant votre séjour

12 au camp pour prendre Milojka Antic et l'emmener dans une autre pièce ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas combien de

14 fois. Je crois que Milojka le sait mieux que moi. Il l'a certainement

15 emmenée une fois lorsqu'un jeune homme est venu vers elle, un soir, et il

16 m'a dit qu'Hazim Delic la cherchait. On lui a dit que la police la

17 recherchait. Et Emo Delisovic* est venu vers Milojka et j'ai regardé

18 Hazim n'était pas là. Il n'y avait pas de police militaire, mais il y

19 avait un fusil sous la fenêtre. Je suis restée là debout. Bibia* est passé

20 et d'après ce que j'ai compris, c'était le commandant des gardes. Je lui

21 ai dit : "c'est vraiment affreux ce qui se passe ici." Kemo a entendu que

22 je lui parlais, donc il est sorti très vite et je ne sais pas s'il fait

23 quoi que ce soit. Je ne sais pas si Milojka voulait me dire ce qui s'était

24 passé ou pas.

25 Et puis Kemo est sorti et je ne sais pas s'il a été critiqué par

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1 la suite, mais environ une demi-heure plus tard, il est revenu et il a

2 dit : "n'ait pas peur, dormez en paix", parce que je crois qu'il y avait

3 quelqu'un qui voulait rentrer. Mais il y avait toujours des problèmes, on

4 ne pouvait jamais dormir tranquillement. Nous avions toujours peur de ce

5 qui pourrait se produire.

6 Une fois, nous avons pensé nous suicider. Nous avions une

7 épingle de métal. Je suis allée là où se trouvait la salle de bain et j'ai

8 dit à Milojka : "je vais le faire la première et tu viendras après moi."

9 Et puis, elle m'a prise par l'épaule et elle ma sortie de là parce que

10 j'avais pensé enfoncer cette épingle à cheveux dans la douille.

11 Donc nous sommes restées. Il y a beaucoup de choses qui se sont

12 passées.

13 Mme McHenry (interprétation). - L'incident dont vous nous avez

14 parlé avant la pause, quand vous avez été emmenée pour prendre une douche

15 et quand Mme Antic a été emmenée aussi pour prendre une douche, est-ce que

16 cela s'est passé la même journée pour vous deux ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Oui. J'y suis allée la première,

18 puis on m'a ramenée et ensuite Milojka y a été emmenée.

19 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une idée

20 du moment où cela s'est produit ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que c'était au début de

22 juin. Je ne me souviens pas. Je crois que cela devait être en juin parce

23 que je me souviens que quand je suis revenue, Milan Kuljanin a été passé à

24 tabac devant le bâtiment 22. Je ne pourrais pas confirmer que j'ai vu quoi

25 que ce soit. Donc je crois que c'était au mois de juin.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Je vais revenir en arrière

2 quelques minutes pour éclaircir certains points.

3 Est-ce que vous vous souvenez si oui ou non M. Mucic jouait avec

4 la mitrailleuse en tirant en l'air ? Est-ce que vous vous souvenez si les

5 femmes de Bradina étaient encore à Celebici à ce moment-là ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Non. Il n'y avait que moi et

7 Milojka.

8 Mme McHenry (interprétation). - Maintenant, madame Cecez, je

9 vais vous demander si oui ou non s'il y a eu d'autres moments où des

10 femmes ont été amenées, notamment de Zukici et je vous demande avec

11 insistance de ne pas mentionner du tout leur nom. Est-ce que vous pouvez

12 nous raconter ce qui s'est passé ?

13 Est-ce que vous m'accordez une seconde, monsieur le Président,

14 s'il vous plaît ?

15 (Les procureurs, assis, se concertent.)

16 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que vous

17 pouvez nous dire si des gens ont été amenés de Zukici et, s'il vous plaît,

18 veuillez ne mentionner aucun nom. Si c'est trop difficile pour vous de

19 nous raconter ce qui s'est passé sans prononcer de noms, nous allons

20 revenir à une séance à huis-clos partielle.

21 Mme Cecez (interprétation). - Je peux mentionner "ces femmes".

22 Mme McHenry (interprétation). - Non, ne mentionnez pas leur nom

23 parce que nous ne sommes pas à huis-clos. Pouvez-vous nous dire à quel

24 moment à peu près ces gens ont été amenés depuis Zukici ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Ils ont été amenés le 12 juillet

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1 1992. Elles avaient été sévèrement passées à tabac. Ils ont commencé à

2 crier : "s'il vous plaît, nous amenons les Chetnicks, veuillez ouvrir les

3 grilles." On entendait des cris de femmes. Milojka et moi nous demandions

4 de qui il s'agissait. Ils ont amené des femmes qui étaient plus jeunes,

5 plus âgées. Il y en avait peut-être une qui avait 65 ans, qui était assez

6 âgée et elle avait été vraiment passée à tabac. Elles avaient toutes été

7 battues.

8 Il y avait leur fils et leur mari qui étaient amenés avec elles.

9 Il y avait peut-être cinq hommes. Ils ont passé la nuit là.

10 Mme McHenry (interprétation). - Combien d'hommes et combien de

11 femmes ont été amenés environ ? Est-ce que vous le savez ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait cinq femmes et peut-

13 être cinq hommes pour ce que j'en sais.

14 Mme McHenry (interprétation). - Et quel âge avait la plus jeune

15 femme qui a été amenée là ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait une jeune fille qui

17 devait avoir à peu près 13 ans et elle a aussi été battue. Elle se

18 plaignait à sa mère d'avoir mal au bras. C'était une très belle petit

19 fille. Donc il y a trois femmes qui ont été amenées. Elles se sont

20 allongées et elles ne disaient pas qu'il y en avait d'autres avec elles.

21 La mère de cette jeune fille est venue à la porte. Elle a ouvert

22 la porte. Il n'y avait aucun endroit où elle pouvait s'allonger. Les

23 autres femmes étaient assez solidement bâties. Je lui ai dit de s'avancer

24 vers Milojka et moi, et elle ne savait toujours pas ce qu'il advenait de

25 sa fille.

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1 Hazim Delic a amené cette petite fille et il a demandé qu'on

2 fasse une place pour elle, pour qu'elle puisse s'allonger. Il a apporté un

3 petit matelas pour elle. Milojka s'est levée et la jeune fille s'est

4 penchée, et ensuite un homme du camp du village de Foca lui a dit de

5 s'allonger.

6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce qu'il est

7 vrai que les femmes, y compris la petite fille, ont été amenées plus tard,

8 est-ce que c'est exact ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui, plus tard. Et quand sa mère

10 s'est allongée à côté de moi, elle m'a dit : "Est-ce qu'ils ont fait

11 quelque chose ?" et je lui ai demandé de garder le silence. Ensuite, Delic

12 a amené cette jeune fille et nous lui avons fait de la place. Il a dit

13 qu'il ne faudrait pas qu'il manque un cheveu à cette petite beauté. Et cet

14 homme de Foca est venu et il a dit : "Pourquoi les avez-vous laissées

15 s'allonger sur ces matelas ?" Ils sont partis et quand il est parti, je

16 leur ai dit de s'allonger de nouveau.

17 Le lendemain matin, Sok est venu. Il a mis un béret sur sa tête.

18 Il avait un couteau et il a commencé à crier : "Mais qui a apporté de la

19 nourriture aux Chetniks ?" et la jeune fille a dit : "Qui va apporter de

20 la nourriture ?" d'une voix assez forte et assez aiguë parce que nous

21 n'avions rien à manger.

22 Mme McHenry (interprétation). - Et que s'est-il passé après ?

23 Mme Cecez (interprétation). - On a emmené dans la pièce voisine

24 de la nôtre cette jeune fille de 13 ans. Et ensuite, deux ou trois autres.

25 Je ne me souviens pas des noms. Mais je sais que Salko faisait partie de

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1 ce groupe. Ensuite, il y en a d'autres qui sont venus et qui ont dit :

2 "Ramenez-les" et la mère a dit : "Ne vous en faites pas, ne marchez pas

3 dans le sang". La mère a dit : "Ne vous en faites pas, ils ne feront

4 rien". Et sa mère était malade et je suis allée pour ramener la petite

5 fille. Ils ne lui ont rien fait.

6 Je me suis approchée des femmes. Je me suis assise à côté de la

7 mère et, peu de temps après, Pavo Mucic est arrivé. Il a ouvert la porte,

8 il a vu les femmes et il a dit : "Qui vous a amenées ici, d'où venez-vous.

9 Pourquoi on vous a amenées ici ?" Et puis il a haussé les épaules. "On

10 vous a battues ?" Une femme a dit "oui".

11 Ensuite il a demandé à la jeune fille, je me souviens très bien

12 des paroles qu'il a dites, il a dit : "Mon enfant, tu as peur ?" Elle a

13 répondu : "Oui, bien sûr. Bien sûr. Comment j'aurais pas peur ?" Elle

14 était en pleurs. Et il lui a dit de se préparer et qu'il la ramènerait à

15 la maison. Et ils ont commencé à se préparer, mais la femme plus âgée ne

16 pouvait pas se lever et n'osait pas sortir. Les femmes ont alors été

17 obligées de monter à l'arrière d'un camion et Pavo Mucic les a emmenées

18 vers Zukici.

19 Plus tard, la mère de la jeune fille m'a dit qu'elles avaient

20 été ramenées à Konjic pour y chercher de la farine auprès du frère qui

21 habitait là.

22 Plus tard, j'ai appris cela de la soeur de Milojka, à un certain

23 moment, la soeur de Milojka est venue...

24 Mme McHenry (interprétation). - Je vous interromps, je voudrais

25 que vous parliez d'autre chose. Pouvez-vous nous dire quels étaient les

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1 contacts, si vous en avez eu, avec les hommes qui étaient prisonniers au

2 camp ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Non. Ce n'est que quand ils

4 passaient tout près ou quand ils faisaient quelque chose devant nos

5 fenêtres que, parfois, je pouvais dire bonjour à Tuco* et à Zelenovic. Eux

6 se trouvaient dans une pièce en face de nous. Ils dessinaient quelque

7 chose. L'un d'entre eux dessinait notamment un Musulman sur un cheval.

8 C'était un bon dessinateur. Parfois, je pouvais lui parler. Mais pas avec

9 les autres, uniquement quand il passait tout près, parfois.

10 Mme McHenry (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion

11 d'assister à des mauvais traitements infligés aux prisonniers hommes

12 détenus au camp ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je n'osais pas aller dehors

14 très souvent, mais parfois je risquais. Le matin, par exemple, quand on

15 ouvrait les toilettes pour les hommes, au bâtiment n° 9, un groupe de huit

16 à dix personnes sortaient, la tête baissée en regardant le sol. Ils

17 allaient vers le trou. Certain n'y arrivaient même pas, ils devaient

18 revenir, et je regardais s'ils allaient nettoyer.

19 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que ces hommes

20 n'arrivaient pas toujours à cet endroit. Est-ce que vous pouvez

21 m'expliquer cela ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je regardais Slavko Susic.

23 Slavko Susic n'y est pas parvenu. Il est parvenu à mi-chemin et ensuite,

24 il est retourné. Mais je reparlerai de cela plus tard.

25 Je voyais aussi comment ces hommes se nettoyaient. Il y avait un

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1 robinet prêt du bâtiment n° 9. Mais ils retournaient au bâtiment. Le

2 dernier groupe amenait les seaux dans lesquels ces hommes avaient fait

3 leurs besoins pendant la nuit, ensuite ils ramenaient les seaux au tunnel.

4 Ensuite, je voyais qu'on les obligeait pendant des heures à rester debout,

5 contre un mur. Certains s'évanouissaient. Il pleuvait très fort parfois

6 et, encore une fois, ces hommes étaient alignés le long du mur, avec la

7 tête baissée. La pluie les trempait. On les ramenait après au

8 bâtiment n° 9 sans avoir la possibilité de se changer.

9 Mme McHenry (interprétation). - Ou étiez-vous quand vous voyiez

10 toutes ces choses ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Dans cette pièce qui avait trois

12 fenêtres. Quand le garde n'était pas là, je pouvais regarder. Mais en

13 cachette, bien sûr, pour qu'on ne me voie pas. Donc il y avait

14 certainement beaucoup plus à voir que je n'ai pas vu. Ce que j'ai vu, je

15 peux en témoigner car je l'ai vu de mes propres yeux.

16 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, pourriez-vous

17 utiliser la maquette ? L'huissier va vous donner le pointeur. Pourriez-

18 vous montrer au Tribunal où vous vous trouviez et l'endroit à partir

19 duquel vous pouviez voir l'autre endroit où l'on obligeait ces hommes à

20 rester debout, alignés le long d'un mur ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Ici, c'est le bâtiment n° 9, et je

22 regardais d'ici. Voilà la fenêtre d'où je pouvais voir.

23 Mme McHenry (interprétation). - Vous dites que les hommes

24 étaient alignés le long d'un mur. De quel mur parlez-vous ?.

25 Mme Cecez (interprétation). - Ce mur-ci, ici. Ils étaient

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1 debout. Ensuite, ils pouvaient s'asseoir, puis ils devaient courir en

2 cercle, en imitant une voiture. Hazim Delic était assis ici et il les

3 faisait courir : première, deuxième vitesse. Ils imitaient les vitesses de

4 voiture. Marche arrière. Et je me souviens que Mrkajic était l'homme le

5 mieux bâti. Il avait des bottines aux pieds et j'éprouvais beaucoup de

6 peine pour eux. Ensuite, on les a obligés à chanter.

7 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, qui courait

8 derrière eux ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Ils devaient tous courir, mais ce

10 Desimir, c'était aussi un prisonnier. Je le connaissais et j'avais

11 beaucoup de peine pour lui. Il était grand et fort. Cet homme avait des

12 biens, était assez nanti. Et on l'a obligé aussi à faire ça.

13 Mme McHenry (interprétation). - Vous pouvez vous asseoir,

14 Madame Cecez.

15 Pour être sûre que je vous ai bien comprise, c'est M. Mrkajic

16 qui était obligé aussi de le faire, ou obligeait-il les autres à le

17 faire ? Qui obligeait les prisonniers à faire toutes ces choses, à imiter

18 les voitures ?

19 Mme Cecez (interprétation). - C'était Delic.

20 Mme McHenry (interprétation). - Et M. Desimir Mrkajic était donc

21 un des prisonniers qui ont été contraints de courir en imitant les

22 voitures ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Non. Desimir Mrkajic était le

24 premier. Il y en avait beaucoup, je ne sais plus combien, mais Desimir

25 était le premier. Il était toujours le dernier dans la queue et

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1 j'éprouvais surtout de la peine pour lui, car sa mère était unijambiste et

2 j'avais beaucoup de peine pour lui.

3 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, je voudrais que

4 vous regardiez votre écran vidéo et je voudrais que l'on montre un extrait

5 de la pièce à conviction n° 3 qui a été admise comme pièce à conviction.

6 Je vous demanderai de dire, Madame Cecez, si vous reconnaissez ce qui

7 apparaît à l'écran.

8 Section 9.34 de la pièce à conviction n° 3, s'il vous plaît. Il

9 s'agit d'un extrait qui dure une minute, Monsieur le Président.

10 (Diffusion de l'extrait sur vidéo.)

11 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, cela

12 suffira.

13 Madame Cecez, avez-vous pu reconnaître ce qui était montré à

14 l'écran ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que ça doit être le

16 bâtiment n° 9.

17 Mme McHenry (interprétation). - Du tunnel n° 9, pouviez-vous

18 voir le bâtiment d'accueil où vous avez été détenue ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, lorsqu'ils sortaient,

20 ils pouvaient toujours voir le bâtiment où j'étais.

21 Mme McHenry (interprétation). - Et vous pouviez les voir du

22 bâtiment ou vous étiez aussi, n'est-ce pas ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Quand j'étais dans la pièce

24 de devant avec les trois fenêtres.

25 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, pouvez-vous nous

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1 dire si vous avez vu quelque chose arriver à M. Susic, Slavko Susic ?

2 Veuillez parler lentement et prendre votre temps.

3 Mme Cecez (interprétation). - Slavko Susic, je le voyais passer.

4 Ses parents étaient au village sans doute, et il passait presque tous les

5 jours.

6 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que

7 M. Slavko Susic était détenu à ce moment-là au camp, ou vivait-il au

8 village ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Il vivait au village et je me

10 souviens qu'un matin, Baralija -c'était un garde- m'a dit ceci : "Grozda,

11 on a amené quelqu'un de Celebici. Ce qu'on lui fait, apparemment il avait

12 une station-radio et c'est pour ça qu'on l'a capturé".

13 J'ai pensé que ça pouvait être Slavko et, effectivement, j'ai vu

14 qu'il n'était pas passé devant la clôture comme d'habitude. J'ai appris

15 qu'il avait été fait prisonnier et le matin, alors qu'ils allaient aux

16 toilettes, j'ai pu voir qu'il ne sortait pas. Il rampait. Il rampait. Il

17 avait des jeans, des bottes en caoutchouc. Et une fois, j'étais en train

18 de balayer devant, il était là debout avec Delic, juste devant le bâtiment

19 où j'étais détenue. Ils étaient en train de parler. Je ne pouvais pas

20 entendre. Je ne pouvais pas suivre ce qu'il disait. Il avait été battu, il

21 était sale, il était couvert de bleus, il était déjà à moitié mort. Je ne

22 sais pas comment vous le décrire.

23 Il disait quelque chose, et puis il s'est assis dans une

24 camionnette Iveco avec Delic, et j'ai demandé à un des gardes où Slavko

25 était parti. On m'a répondu : "Ils sont allés chercher l'émetteur radio".

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1 Il m'a dit : "Je crois qu'il est devenu fou. Parfois il dit qu'il en a un,

2 parfois il dit qu'il n'en a pas et s'ils ne trouvent pas l'émetteur radio,

3 Delic a dit qu'on lui mettrait une balle dans la tête".

4 Donc j'étais très inquiète. J'attendais que la camionnette Iveco

5 revienne. Elle est revenue je ne sais pas au bout de combien de temps. Je

6 n'ai pas osé sortir parce que je connaissais Slavko d'avant. C'était le

7 fils du frère de ma tante et il nous rendait visite alors que j'étais

8 encore célibataire. C'était un enseignant par son métier.

9 Ensuite, je suis sortie comme si j'allais chercher de l'eau.

10 J'ai vu que le garde n'était pas là. J'ai regardé encore une fois par la

11 fenêtre vers le bâtiment n° 9. Il était là de nouveau, debout le long du

12 mur en face. Delic avait obligé Slavko à se mettre face contre le mur, les

13 mains en l'air. Il avait un bâton, je pense, un long bâton, un gros bâton.

14 Et ils ont commencé à le battre. Moi, je regardais depuis derrière la

15 fenêtre, de façon à ne pas être vue. On l'a battu. Le bâton s'est cassé.

16 Je crois que c'était un morceau de cette taille-ci à peu près qui s'est

17 cassé. Hazim...

18 Mme McHenry (interprétation). - Qui frappait Slavko ?

19 Mme Cecez (interprétation). - C'est Hazim Delic qui frappait

20 Slavko et c'était terrible. Quand Slavko est tombé, il a continué à le

21 frapper encore.

22 Et j'ai raconté après à Milojka ce qui se passé. Il y avait un

23 autre soldat. Je ne me souviens pas bien, mais je pense qu'il s'agissait

24 de Makaronj*, mais je ne suis pas sûre, je dois reconnaître, j'ai oublié.

25 Donc je n'ai pas osé sortir encore une fois.

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1 Après 15 ou 20 minutes, j'ai regardé de nouveau dehors, mais il

2 n'était plus là. Le matin, en face du n° 9, un corbillard est apparu et

3 j'ai compris qu'il s'était passé quelque chose. J'ai demandé au garde ce

4 qui s'était passé au n° 9, qui était mort, et il m'a été répondu que

5 c'était Slavko Susic. On mentait constamment à propos de ce qui arrivait

6 aux gens.

7 Mme McHenry (interprétation). - On vous a dit que Slavko Susic

8 était mort ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. On m'a dit qu'il était mort,

10 que Zara Mrkajic l'avait étranglé, mais j'ai des doutes, car pour chaque

11 corps qui était emmené, on trouvait une raison. Par exemple, pour Zeljko

12 Cecez, qui est cousin de mon mari Lazar, on a dit qu'il était mort de

13 faim, qu'il était mort à la suite des coups. Pero Mrkajic, apparemment,

14 est mort des coups qu'il a subis, mais on a avancé une autre excuse, un

15 prétexte.

16 Mme McHenry (interprétation). - Cet incident que vous venez de

17 décrire où M. Delic bat M. Susic, pouvez-vous nous dire quand cela s'est

18 passé, à peu près ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Je pense que cela s'est passé au

20 début du mois de juillet. Je ne me souviens pas exactement, mais c'est à

21 peu près à ce moment-là.

22 Il trouvait toujours une raison pour expliquer pourquoi tel ou

23 tel était mort. Donc je n'ai pas cru ce qu'on m'a dit à propos de Slavko.

24 Quoi qu'il en soit, les gens quittaient le camp morts.

25 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, en dehors de ce

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1 que vous venez de dire concernant le corbillard qui aurait emmené M.

2 Susic, avez-vous revu ce corbillard en d'autres occasions ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

4 Mme McHenry (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à peu près

5 combien de fois vous avez vu le corbillard à Celebici pendant que vous y

6 étiez ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Personnellement, je l'ai vu au

8 moins dix fois. Personnellement. Mais pendant le temps que j'ai passé au

9 camp, j'ai entendu dire que 17 personnes avaient été tuées. Je ne connais

10 pas tous leurs noms. Sans doute d'autres gens vous le diront. J'ai vu en

11 tout cas Slavko Susic en train d'être battu.

12 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, y avait-il des

13 soins organisés à Celebici dont vous auriez eu connaissance ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Voyons... Il y avait deux détenus

15 qui étaient médecins et qui avaient été battus terriblement. Deux hommes

16 ont été battus terriblement et ils ont été emmenés chez ces médecins, mais

17 les médecins n'avaient rien pour les soigner.

18 J'ai vu un homme de Zukici dont l'oreille gauche avait été

19 tranchée. Je l'ai vu marcher comme un robot, et le fils de Bogdan

20 Kuljanin, le fils de Meroslav, avait la jambe bandée avec un morceau de

21 ficelle. Il avait des côtes brisées. Je me souviens de Branko Gotovac qui

22 tenait son estomac à deux mains. C'était terrible à regarder. Mais les

23 médecins sont aussi venus me voir. Quand Delic partait, ils venaient. Ils

24 n'osaient pas quand Delic était là.

25 J'avais mal aux amygdales et ces médecins m'ont fait des

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1 piqûres. Je me souviens que j'avais des choses dans mon sac. J'étais aussi

2 épuisée. Quand j'étais épuisée, ils m'ont donné des tranquillisants. Boric

3 m'a donné un tranquillisant car j'avais perdu beaucoup de poids. J'avais

4 énormément souffert et j'étais au bout du rouleau. Pendant 32 jours, je ne

5 suis pas allée aux toilettes. Psychologiquement et physiquement, j'étais

6 complètement épuisée. On m'a tuée psychologiquement.

7 Mme McHenry (interprétation). - Vous mentionnez deux médecins

8 détenus. Connaissez-vous leurs noms ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je connais leurs noms. Il

10 s'agit de Petko Grubac (c'est un psychiatre) et de Relja... je pense qu'il

11 s'appelle Gligorovic. Ils étaient détenus comme nous autres.

12 Mme McHenry (interprétation). - Et ce sont ces deux personnes à

13 qui vous avez demandé des pilules contraceptives supplémentaires, comme

14 vous l'avez raconté plus tôt ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Oui, c'est à Gligorovic que je

16 l'ai demandé. Je pense que c'était lui. Je pense que c'était Gligorovic.

17 Moi, je l'appelai Relja. J'ai dit : "Est-ce que vous pouvez me trouver ces

18 pilules quelque part ?" Il a dit qu'il essaierait mais qu'il ne pourrait

19 peut-être pas. J'ai dit : "ça va durer encore combien de temps ?" Il m'a

20 pris par la main et il m'a dit calmement : "Endure tout ça, Grozda. Ce

21 sont des moments très difficiles". Je me souviens de ce moment où il était

22 avec moi. Macic était venu avec lui. Macic lui a demandé : "Relja, tu as

23 besoin de pain ?" et il répondait calmement : "Oui, oui". On l'entendait à

24 peine. Nous étions tous épuisés.

25 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous savez où les

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1 médecins donnaient des soins au détenus ?

2 Mme Cecez (interprétation). - C'était au bâtiment 22. C'est là

3 qu'ils étaient détenus, dans un tout petit bâtiment. J'imagine que c'est

4 là où se trouvaient les équipements d'incendie.

5 Mme McHenry (interprétation). - C'est le bâtiment qui se trouve

6 de l'autre côté par rapport au bâtiment de l'administration ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

8 Mme McHenry (interprétation). - Je vous demande une seconde,

9 Monsieur le Président, si vous me le permettez.

10 (Concertation entre les procureurs).

11 Madame Cecez, avant que je n'en arrive à votre libération du

12 camp, je voudrais être tout à fait sûre que votre témoignage est tout à

13 fait clair. Ai-je raison de dire que vous avez été violée par M. Hazim

14 Delic une fois, personnellement violée par lui ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Oui, une fois seulement par lui

16 personnellement.

17 Mme McHenry (interprétation). - Savez-vous combien de fois vous

18 avez été violée par d'autres personnes ?

19 Mme Cecez (interprétation). - En général une fois à chaque fois.

20 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, voulez-vous nous

21 dire où et quand vous avez été libérée ?

22 Mme Cecez (interprétation). - La Croix-Rouge est venue et nous a

23 recensés, et quand elle est venue la deuxième fois (cet enregistrement a

24 eu lieu le 22 août), le 31 août, j'ai été relâchée. Je ne sais pas

25 pourquoi, mais Milojka et moi avons été relâchées. Mais juste avant cela,

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1 je voudrais ajouter quelque chose. Nous avions très peur. Il y avait

2 beaucoup de voitures et de chauffeurs. Il y avait tout un lot d'armes qui

3 était arrivé. Il y avait 38 camions avec des remorques et avec des plaques

4 de Mostar, Sarajevo, Jajce, Zenic et Konjic. Il y avait un premier groupe

5 de 13 camions et un autre groupe qui est arrivé juste après. La deuxième

6 fois, il y avait 52 voitures, de sorte que nous étions terrifiés. Nous

7 avions très peur que ces chauffeurs ne viennent. Mais ils ne sont pas

8 venus. Il étaient là, dans le camp, et ils ont passé la nuit.

9 Je me souviens d'un jeune garde qui s'appelait Habu et qui m'a

10 dit : "Je n'ai pas dormi du tout". J'ai dit : "Pourquoi ?". Il a dit :

11 "Parce que si une seule balle avait été tirée, non seulement tout Celebici

12 mais tout Konjic auraient explosé".

13 Je ne sais pas s'ils avaient déchargé quoi que ce soit, mais

14 rapidement, on a commencé à distribuer des fusils. Je me souviens que

15 Zelenovic a dû peindre quelque chose pour eux. Ils étaient tous affairés.

16 J'ai même vu des enfants de cinquième, ou peut-être de huitième, qui ont

17 dû aller sur la ligne de front pour aider les soldats. J'ai donc entendu

18 et vu toutes sortes de choses, même si j'ai oublié beaucoup de choses.

19 Toujours est-il que le 31 août, j'ai été libérée et que pendant

20 tout ce temps-là, je ne savais pas ce qui s'était passé avec mon fils ou

21 mon mari. Personne n'était venu me voir. Milojka était partie un peu plus

22 tôt. Elle a traversé le pont sur le chemin-de-fer, vers l'endroit où sa

23 mère avait été emmenée. Elle avait une soeur qui habitait là, et Pavo

24 Mucic m'a dit qu'il irait avec moi à Donje Selo.

25 Effectivement, il m'a fait embarquer dans une Toyota, si je m'en

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1 souviens bien, et je suis allée avec lui et Jasna Dzumhur. En approchant

2 de ma maison brûlée, j'ai dit : "Regarde, après 22 ans de mariage, tout ce

3 que j'ai se trouve dans mon sac à main, parce que tout a brûlé". Une femme

4 de Celebici ma donné des sous-vêtements. C'est tout ce que j'avais.

5 C'était la femme d'Arnautovic. Ensuite, il a dit : "A qui la faute ? Ton

6 Lazar aurait pu être chef du village s'il avait voulu".

7 Je suis alors allée devant ma maison. Les autres ont continué

8 vers le village pour voir Zoran Cecez. Je ne sais pas ce qu'ils avaient

9 affaire avec Zoran Cecez. Je suis entrée dans ce qui restait de ma maison.

10 Au rez-de-chaussée, là où se trouvait le magasin, il n'y avait plus rien.

11 Ensuite, Trile, mon beau-frère, est arrivé (celui qui a survécu)

12 et il m'a dit : "Ne t'inquiète pas, ils sont vivants. Ils sont en bonne

13 santé". Mon fils Dusan, semble-t-il, était parti juste la nuit d'avant

14 pour se rendre en territoire contrôlé par les Serbes, et pour ce qui est

15 de Lazar, il était parti la semaine précédente. J'ai demandé où était

16 Rajko et Ristan, les fils de mon beau-frère, et il m'a dit qu'ils se

17 cachaient toujours à l'arrière de la maison, dans la grotte. J'ai été très

18 surprise. Etait-il possible que tous ces gens soient encore vivants,

19 puisque je pensais que tout le monde avait été tué ? J'avais presque pensé

20 qu'ils étaient morts.

21 J'ai ensuite retrouvé ma belle-mère, Rajko était toujours vivant

22 et ma belle-mère était là. Sa maison avait aussi été incendiée, de sorte

23 que ma belle-mère et la fille de mon beau-frère se trouvaient dans la

24 maison de Rajko. Je les ai rejointes, mais Rajko était parti le 2

25 septembre vers Borci.

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1 Le 5 septembre, Jasna Dzumhur est venue me chercher, avec trois

2 ou quatre soldats avec elle dans une camionnette. Ils ont dit qu'ils

3 avaient trouvé un corps et qu'il fallait que je l'identifie, pour voir

4 s'il s'agissait de Lazar. Je ne pouvais pas le croire. J'ai dit : "Si

5 c'est mon Lazar, Jasna, tu le connais. Est-ce qu'il faut vraiment que

6 j'aille le voir ? Je veux me souvenir de lui comme il était".

7 Quelqu'un qui s'appelait Esad Padalovic a chargé son fusil, m'a

8 insultée en me traitant du nom de ma mère et m'a dit que je devais y

9 aller. Jasna a demandé à ma belle-mère qui était Lazar et ce qu'il

10 représentait pour elle. Elle a dit : "C'est mon fils. Réjouis-toi s'il est

11 mort", lui a-t-elle dit. La soeur de Rajko a alors commencé à pleurer et

12 j'ai dit : "Ne pleure pas déjà". J'ai demandé si Jovanka pouvait venir

13 avec moi et on m'a dit oui. Nous y sommes donc allées et Esad Padalovic

14 nous insultait constamment en nous criant dessus, mais Jasna essayait de

15 l'apaiser.

16 Nous sommes parvenus à la morgue et Jasna m'a demandé si Lazar

17 avait des marques caractéristiques. J'ai dit ce que je savais. Elle m'a

18 demandé si je pourrais le reconnaître. J'ai dit : "Oui, bien sûr. J'ai

19 passé 22 ans de ma vie avec lui".

20 Quand je suis entrée dans la première pièce, j'ai vu le fils de

21 mon beau-frère, Rajko, sur le ventre, le visage tourné vers le sol, comme

22 si quelqu'un avait planté un bâton dans son coude. Ensuite, on m'a emmenée

23 dans un petit couloir. Esad Padalovic a vidé un chargeur à mes pieds et

24 Niksic a demandé : "Pourquoi tu fais ça ?" Il a dit : "Je ne voulais pas

25 le faire. Je ne l'ai pas fait exprès".

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1 Je suis entrée dans cette pièce où Lazar gisait. Zeljko a dit :

2 "Arrange ces corps". Lazar était un homme de grande taille. Il mettait

3 toujours sa main sur sa hanche et c'est la position qu'il lui avait donnée

4 dans la mort aussi. Ristan était sur le dos, Rajko était sur le ventre.

5 C'était la position dans laquelle ils dormaient normalement. J'ai compris

6 qu'ils nous avaient suivis et qu'ils savaient comment nous vivions et

7 comment nous nous comportions.

8 Quand j'ai vu Lazar, il avait des baskets de marque "Puma" à ses

9 pieds et il avait une chemise. J'ai déboutonné sa chemise et sur sa jambe

10 gauche, j'ai vu qu'il ne restait plus que l'os. L'os était à nu. La chair

11 était partie. Quand je suis arrivée à sa tête, j'ai vu ce qu'on lui avait

12 fait. On lui avait arraché les yeux, le nez, les oreilles, et je l'ai

13 reconnu grâce au crâne et grâce à ses dents. J'ai regardé ses dents. C'est

14 là seule façon dont j'ai pu le reconnaître.

15 J'ai posé la question : "Mais où est mon Doujko, puisque les

16 trois sont morts et que je n'ai pas non plus mon fils ?" Zeljko a souri et

17 il a dit : "On le trouvera, on le trouvera". C'était celui qui était le

18 commandant de mon mari. C'est vraiment une honte. Nous n'avons quand même

19 pas mérité ça. Le mal nous est tombé dessus comme ça. Qu'est-ce qu'on peut

20 faire ? Je suis vraiment la moins coupable, sûrement pas coupable de tout

21 cela. En plus, à la fin, ils ne vous permettent même pas de les enterrer !

22 Ristan et Rajko, nous avons essayé de les enterrer. Nous avions

23 décidé de les enterrer le vendredi dans la maison de leur père. Ma belle-

24 mère a crié : "Qu'ils soient enterrés là-bas, dans la maison. Qu'ils ne

25 soient pas tout seuls dans la maison". C'est là qu'on les a enterrés. Le

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1 18 septembre seulement, ils ont autorisé la levée du corps.

2 Un certain Zdravko Kasagavic (c'est ce que j'ai entendu) est

3 arrivé là-haut et il a demandé qu'on libère le corps. Je ne sais même pas

4 si c'est vrai, mais c'est ce qu'on m'a dit, si bien que, finalement, les

5 nôtres sont enterrés là-bas, près de la forêt. Mais ceux qui étaient

6 détenus dans la salle de sport n'ont pas pu être enterrés dans le

7 cimetière. Ils n'ont pas reçu l'autorisation.

8 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, j'ai encore

9 seulement deux questions à vous poser ? Est-ce que vous avez besoin d'une

10 pause maintenant ou est-ce que vous pouvez continuer ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Continuez, continuez.

12 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, après avoir été

13 relâchée, est-ce que vous avez eu d'autres contacts avec quelque

14 prisonnier que ce soit, et notamment avec M. Mucic ? Avec quiconque du

15 camp ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Non. Les Croates, en particulier,

17 s'étaient déjà en majorité séparés des Musulmans, si bien que Pavo est

18 venu plusieurs fois. Il s'est assis à côté de moi et il a passé quelque

19 temps avec moi. Je lui ai posé pas mal de questions. Il a dit qu'il avait

20 été bon pour les Serbes. Je lui ai dit : "Qu'est-ce que tu racontes ?" Je

21 lui ai posé des questions au sujet de ce qui s'était passé au moment où ma

22 maison avait été incendiée et il m'a dit qu'il ne savait pas ce qui

23 s'était passé.

24 Je lui ai dit : "Mais qu'est-ce que tu racontes ? Pendant trois

25 mois et demi, tu n'as rien fait pour moi. Tu n'as même pas posé la

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1 question de savoir comment j'allais et si j'avais besoin de quelque

2 chose". Il m'a répondu : "Je n'en avais pas besoin".

3 J'ai dit : "Comment est-ce que vous n'en aviez pas besoin ?" Il

4 a dit alors : "Je lisais tous les matins le rapport qui vous concernait.

5 Un rapport était écrit à ton sujet tous les matins".

6 J'ai dit : "Qui écrivait ce rapport ?".

7 Il a dit : "Hazim Delic".

8 Mme McHenry (interprétation). - Voulez-vous ralentir ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Je lui ai demandé si Hazim Delic

10 avait écrit noir sur blanc qu'il était venu dans notre pièce et qu'il nous

11 avait violées. Il a dit que ce n'était pas possible, comme s'il ne savait

12 rien de tout cela. J'ai vraiment des doutes quant au fait qu'il pouvait

13 l'ignorer.

14 Et c'est alors que j'ai commencé à lui raconter ce qui nous

15 était arrivé, même si ça m'était particulièrement désagréable.

16 J'ai passé encore deux mois et demi dans mon village, et ensuite

17 je suis partie pour le territoire serbe. J'ai vu des gens, là, qui

18 regardaient la télévision, qui se parlaient normalement. Et moi je

19 n'arrivais même plus à saisir. Pour moi, il était bizarre de voir des gens

20 parler normalement, tellement j'avais peur.

21 Mme McHenry (interprétation). - Au moment où vous avez eu cette

22 conversation avec M. Mucic, est-ce que le sujet de la petite fille de

23 13 ans a été évoqué ?

24 Mme Cecez (interprétation). - On en a parlé un peu. Pour

25 l'essentiel, il m'a dit qu'Hazim Delic voulait violer cette petite fille,

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1 qu'il avait demandé aux gardiens de la préserver, de ne pas autoriser les

2 gardiens à la violer avant qu'il arrive. "Si moi je ne peux pas l'avoir,

3 que personne d'autre ne l'ait". On m'a dit aussi qu'on lui avait mis un

4 fusil dans la bouche, mais je ne sais pas si c'est vrai.

5 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais eu

6 une conversation avec M. Mucic sur le fait que certaines personnes de

7 Konjic étaient furieuses lorsqu'elles ont appris que vous aviez été

8 détenue à Celebici, et que ces personnes sont intervenues pour vous faire

9 libérer ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Non, non, de cela nous n'avons pas

11 parlé. Nous avons parlé de ce qui était arrivé à ces jeunes gens, les

12 nôtres, qui avaient été tués dans la salle de sport. Et il m'a dit : "Oh

13 ma Grozda ! ma Grozda ! Ce sont les musulmans qui les ont tués ". Je ne

14 sais pas s'il l'a dit par esprit de vengeance ou si tout cela était de

15 l'affabulation, mais il existe des rapports quant aux responsabilité des

16 uns et des autres.

17 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que

18 M. Mucic a participé aux dispositions qui ont été prises pour vous

19 permettre de quitter Konjic ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Oui, effectivement. Il a dit que

21 nous courions un danger, que nous étions menacés, qu'il fallait partir. Il

22 a trouvé une camionnette. Le 11 novembre, cette camionnette est arrivée et

23 nous avons été sept à partir vers le territoire serbe.

24 Lui est resté. Nous avons posé des questions, nous avons dit :

25 "Nous n'avons pas d'argent, nous n'avons pas de deutsche mark". A

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1 l'époque, on prenait 300 DM par personne pour ce voyage. Les chauffeurs

2 nous ont répondu que tout avait été payé. Donc je pense que quelqu'un a

3 payé, et à ce moment-là j'ai pensé que c'était Pavo qui avait payé. Je

4 n'en suis pas sûre, mais lui le sait sans doute. Et c'est comme ça que

5 nous sommes partis.

6 Je me souviens que quand j'ai demandé ce qui était arrivé à nos

7 jeunes gens dans la salle de sport, il m'a répondu : "Moi, si j'ouvre la

8 bouche, en tout cas Zejnil Delalic, lui, devrait l'ouvrir aussi, parce

9 qu'il sait exactement ce qui s'est passé. Les preuves existent". C'est ce

10 qu'il a dit.

11 Il y avait un autre homme que je connaissais un peu, un

12 voisin - nous avions été à l'école ensemble pendant deux ans. C'était ce

13 Zejnil. Il venait d'une famille très bien. Ses parents étaient vraiment

14 des gens très bien. Il n'a peut-être pas eu le courage de venir me voir,

15 parce qu'avant c'était un ami de mon mari. Nous étions voisins. En tout

16 cas, moi, là-bas, au camp, je ne l'ai pas vu. Je voyais son frère cadet

17 Sevik*. Un jour il est venu, justement quand Pavo nous a dit que nous

18 devions aller prendre une douche, mais après je ne l'ai plus revu.

19 Mme McHenry (interprétation). - Madame Cecez, est-ce que vous

20 avez également eu, après votre libération de la prison, une conversation

21 avec l'un de vos anciens gardiens, Masic ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Il est venu un jour à Donje

23 Selo. On m'avait donné un petit appartement. C'est dans ce petit

24 appartement que j'habitais. Il est venu avec la femme de Trile. Il y avait

25 aussi une petite fille. Il m'a dit : "Je me demandais où tu étais, où

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1 était ta soeur". Ce sont ses propres mots. Nous nous sommes assis. Nous

2 appelions ma belle-soeur Bradinka parce qu'elle était de Bradinka.

3 Il m'a dit : "Delic m'a plusieurs fois donné l'ordre de la

4 violer, mais moi j'allais auprès du gardien. Je m'asseyais à côté du

5 gardien, j'allumais une cigarette et je rentrais un peu plus tard, si bien

6 que Delic pouvait penser que le viol avait eu lieu, mais rien n'a jamais

7 été fait".

8 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, c'est la

9 fin des mes questions. Je voudrais simplement demander que soit versé au

10 dossier le dessin réalisé par Mme Cecez. Je voudrais que ce soit la pièce

11 à conviction de l'accusation n° 5.

12 Mme McMurrey (interprétation). - Esad Landzo n'a pas

13 d'objection, Monsieur le Président. Pas d'objection.

14 M. le Président (interprétation). - Le document est donc accepté

15 en tant que pièce à conviction n° 5.

16 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président. C'est la

17 fin de nos questions, la fin de l'interrogatoire principal.

18 M. le Président (interprétation). - La Chambre devrait suspendre

19 son audience dans 15 minutes normalement, mais nous en sommes arrivés au

20 contre- interrogatoire. Etes-vous prêts à commencer ce contre-

21 interrogatoire immédiatement ? Je leur laisse le choix.

22 Mme Residovic (interprétation). - Si c'est possible, Monsieur le

23 Président, nous préférerions commencer après la pause de déjeuner.

24 M. le Président (interprétation). - C'est la possibilité que je

25 pensais vous proposer. Donc nous pouvons suspendre l'audience maintenant

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1 et nous reprendrons à 14 heures 30.

2 L'audience est levée à 12 heures 44.

3 L'audience est ouverte à 14 heures 30.

4 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous faire rentrer le

5 témoin, s'il vous plaît ?

6 (Le témoin, Mme Cecez, est introduit dans la salle).

7 Le témoin est toujours sous serment. Le témoin est maintenant à

8 la disposition de la défense pour le contre-interrogatoire.

9 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, selon

10 votre décision, je tiens à vous informer que le contre-interrogatoire du

11 témoin, Mme Grozda Cecez, aura lieu de la manière suivante :

12 M. Thomas Moran, de l'équipe de la défense de M. Delic, Mme McMurrey, de

13 l'équipe de la défense de M. Esad Landzo, Mme Residovic, de l'équipe de la

14 défense de M. Zejnil Delalic, et M. Tapuskovic, de l'équipe de la défense

15 de M. Zdvrasko Mucic.

16 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

17 M. Moran (interprétation). - Bonjour. Je suis l'un des avocats

18 de la défense et je vais vous poser quelques questions. Quelquefois, je

19 parle un peu trop vite et si vous ne comprenez pas quelque chose que je

20 dis, vous voudrez bien m'arrêter. Si vous ne comprenez pas les questions,

21 n'hésitez pas à me demander de les reformuler ou de les répéter. Est-ce

22 que vous pouvez faire cela pour moi, Madame, s'il vous plaît ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

24 M. Moran (interprétation). - Si je vous pose une question,

25 j'aimerais que vous répondiez simplement à la question que je pose. Est-ce

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1 que vous pourriez faire cela pour moi, s'il vous plaît ? Merci beaucoup,

2 Madame.

3 Madame, vous avez dit que le jour où les gens sont venus dans

4 votre maison, ils appelaient votre mari et lui demandaient de se rendre en

5 parlant dans un haut-parleur. Est-ce que c'est exact ? J'aimerais que vous

6 parliez un peu plus fort, s'il vous plaît, parce qu'on ne peut pas noter

7 ce que vous dites.

8 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Ils l'ont appelé dans un

9 haut-parleur, mais il ne l'a pas entendu.

10 M. Moran (interprétation). - Ils recherchaient votre mari tout

11 particulièrement, n'est-ce pas ?

12 Mme Cecez (interprétation). - J'étais simplement dans la

13 première maison dans laquelle ils sont allés.

14 M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'ils ont appelé les gens

15 par leur nom ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'entendais

17 pas, parce que j'étais en direction de chez ma belle-mère.

18 M. Moran (interprétation). - Mais ils recherchaient votre mari

19 parce que c'était lui qui dirigeait les gens qui avaient établi des

20 barricades en travers des routes dans votre secteur.

21 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.

22 M. Moran (interprétation). - Très bien, Madame.

23 Je me souviens que vous avez dit à Mme McMurrey que vous avez

24 regardé des photos. Est-ce que vous pourriez les regarder pour nous, s'il

25 vous plaît ?

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1 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

2 M. Moran (interprétation). - Donc si je vous les montrais, est-

3 ce que vous croyez que vous pourriez les reconnaître ? Est-ce que vous

4 pourriez identifier la série de photos que je pourrais vous montrer ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai reconnu personne à ce

6 moment-là.

7 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez qu'il

8 y avait six photos que l'accusation vous a montrées ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Je peux essayer, si vous voulez.

10 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce

11 qu'il serait possible de préciser que les photos que M. Moran vient de

12 montrer sont les mêmes que celles que l'accusation a montrées tout à

13 l'heure ?

14 M. Moran (interprétation). - C'est la pièce à conviction n° 1 de

15 la série de photos concernant la défense de M. Delic, et je demande

16 qu'elle soit versée au dossier.

17 M. le Président (interprétation). - Pas d'objection. La Chambre

18 verse ces photos comme pièce à conviction au dossier.

19 M. Moran (interprétation). - Maintenant, j'aimerais continuer

20 dans un domaine différent, si je peux me permettre. Quand vous avez été

21 amenée à la salle d'accueil, le troisième jour, quand vous veniez de

22 Konjic, dans quelle salle avez-vous été détenue ? J'aimerais que vous

23 puissiez le montrer à la Cour, s'il vous plaît.

24 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait une fenêtre avec un fil

25 de fer barbelé.

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1 M. Moran (interprétation). - Est-ce que la dimension de cette

2 salle était de 2 mètres sur 3 ? Est-ce que vous pourriez le repréciser ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas certaine, mais

4 c'était d'environ 3,20 m par 2,20 m. Je ne me souviens pas exactement.

5 Vous savez, cela fait cinq ans.

6 M. Moran (interprétation). - Vous l'avez mesurée, n'est-ce pas ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Oui, avec une règle.

8 M. Moran (interprétation). - Vous souvenez-vous, en juin 1994,

9 de vous être trouvée devant une équipe d'enquêteurs ? Je suppose que

10 c'était en Yougoslavie ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je crois.

12 M. Moran (interprétation). - Le 24 juin ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas du mois.

14 M. Moran (interprétation). - Mais c'était peut-être un juge

15 d'instruction. Est-ce qu'il s'agissait de M. Zubac ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas.

17 M. Moran (interprétation). - Mais vous vous souvenez que vous

18 avez comparu et que vous avez déposé une déclaration ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Ce n'était pas un tribunal. Ils

20 m'ont simplement convoquée dans une pièce, à Borci.

21 M. Moran (interprétation). - Ils vous ont dit que vous étiez

22 tenue de dire la vérité ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je crois. Je ne me souviens

24 pas précisément.

25 M. Moran (interprétation). - En fait, vous avez vu cette

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1 déclaration récemment, n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit, en tout

2 cas. Est-ce que vous y avez apporté des corrections récemment, par exemple

3 hier soir ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas quand c'était.

5 M. Moran (interprétation). - Depuis que vous êtes arrivée à

6 La Haye ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne pourrais pas

8 vous dire exactement.

9 M. Moran (interprétation). - Madame, quand vous y avez apporté

10 des corrections, est-ce que c'était il y a longtemps ou récemment ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Je n'en ai aucune idée. Je ne me

12 souviens de rien.

13 M. Moran (interprétation). - Mais vous y avez apporté des

14 corrections ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que oui.

16 M. Moran (interprétation). - Est-ce que c'est parce qu'il y

17 avait des choses dans votre première déclaration qui n'étaient pas

18 vraies ? Peut-être des fautes de la part de la personne qui a rédigé le

19 texte ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. Je ne sais pas. Je ne

21 sais pas.

22 M. Moran (interprétation). - Madame, si vous avez dit dans cette

23 déclaration que la salle mesurait 3,20 m sur 2,20 m en 1994, est-ce que

24 c'est exact ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas de ce que

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1 j'ai dit. Cela fait très longtemps.

2 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'elle a dit

3 exactement la même chose déjà.

4 M. Moran (interprétation). - Et il y avait deux portes dans

5 cette salle, n'est-ce pas ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

7 M. Moran (interprétation). - Et les portes étaient toujours

8 condamnées ? Vous ne pouviez pas les utiliser ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

10 M. Moran (interprétation). - L'autre porte, est-ce que c'était

11 celle par laquelle vous passiez ? De quelle porte s'agissait il ? Est-ce

12 que c'était une porte dure, solide, pleine, comme celles que nous avons

13 pour le prétoire ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Une porte en bois, une porte

15 normale. Comment pourrais-je le savoir ?

16 M. Moran (interprétation). - Je veux dire : est-ce que c'était

17 une porte à travers laquelle vous pouviez voir quand elle était

18 fermée ?...

19 M. le Président (interprétation). - On vient de me dire que les

20 interprètes ont des difficultés avec le micro...

21 M. Moran (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

22 vais changer de place. J'espère que cela va aller mieux comme cela.

23 Madame, quand vous avez été détenue dans cette pièce, est-ce que

24 la porte était généralement ouverte ou fermée ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Fermée. Je pouvais simplement voir

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1 la grille par la fenêtre quand la porte était fermée et quand je sortais,

2 je voyais davantage.

3 M. Moran (interprétation). - La porte était donc généralement

4 fermée, n'est-ce pas ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je la fermais toujours

6 derrière moi.

7 M. Moran (interprétation). - Et les gardes la tenaient fermée

8 aussi parce que vous étiez prisonnière ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Quand les gardes entraient,

10 quand ils me violaient, ils fermaient la porte. Ils utilisaient aussi les

11 toilettes.

12 M. Moran (interprétation). - Les toilettes que les gardes

13 utilisaient, est-ce que c'était un autre endroit que la pièce dans

14 laquelle vous étiez détenue, un autre endroit du bâtiment ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Le soir, ils se servaient des

16 toilettes, ils gardaient les clefs et ils nous enfermaient de l'extérieur.

17 M. Moran (interprétation). - Donc ils vous enfermaient de

18 l'extérieur aussi dans cette pièce ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Oui. L'entrée principale était

20 toujours fermée à clef, mais quand nous devions aller faire le ménage

21 dehors, ils ouvraient la serrure et ils ouvraient la porte.

22 M. Moran (interprétation). - Quand vous faisiez du balayage

23 dehors, en général, combien de temps restiez-vous dehors ? Est-ce que

24 c'était une demi-heure, une heure, deux heures ?... Longtemps ou pas

25 longtemps ?

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1 Mme Cecez (interprétation). - Cela dépendait. Quelquefois, nous

2 allions balayer le chemin. Il y avait les feuilles des arbres qui

3 tombaient. Quelquefois, cela durait plus longtemps et quelquefois, moins

4 longtemps.

5 M. Moran (interprétation). - Nous parlons de quoi comme durée ?

6 En général une demi-heure, une heure ?...

7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai pas

8 regardé l'heure.

9 M. Moran (interprétation). - Vous n'aviez pas de montre, n'est-

10 ce pas ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Non.

12 M. Moran (interprétation). - Vous aviez été arrêtée. Donc tous

13 vos effets personnels vous avaient été enlevés, n'est-ce pas ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Ils avaient mis le feu à ma

15 maison. Donc qu'est-ce qui restait ? Ils ne pouvaient pas brûler la terre.

16 Ils l'auraient fait s'ils l'avaient pu, probablement.

17 M. Moran (interprétation). - Peut-être votre alliance ou

18 d'autres bijoux... Quand vous avez été arrêtée et détenue, les gens qui

19 vous ont arrêtée et emmenée dans le camp ont-ils pris tous vos effets

20 personnels ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Non. Ibrahim Duro a pris mon

22 argent parce qu'il m'a dit : "Si tu ne me le donnes pas, ils vont le

23 prendre de toute manière". Je le lui ai donné. J'ai enlevé ma bague et je

24 l'ai laissée à mes beaux-frères, dans la maison de mes beaux-frères. Le

25 reste, je l'avais dans mon sac à main avec ma carte d'identité et avec

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1 certains médicaments que je portais sur moi.

2 M. Moran (interprétation). - Et les gardes vous ont laissé

3 garder ces objets ou est-ce qu'il vous les ont pris ?

4 Mme Cecez (interprétation). - J'ai gardé ces objets. Ils ne me

5 les ont pas enlevés. Ils nous fouillaient. Ils m'ont fouillée près de ma

6 maison et ils ont vu qu'il n'y avait rien à l'intérieur.

7 M. Moran (interprétation). - Madame, vous avez dit dans les

8 corrections que vous avez apportées à votre déclaration et que vous avez

9 données au Tribunal de l'ex-Yougoslavie, les corrections qui ont été

10 fournies par l'accusation aujourd'hui, vous avez dit que vous aviez des

11 contraceptifs quand vous êtes allée à Celebici. C'est exact ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

13 M. Moran (interprétation). - Dans la manière dont le juge

14 d'instruction a d'abord rédigé son rapport, il a dit qu'assez longtemps

15 avant l'attaque vous aviez eu ces cinq pilules avec vous. Est-ce avant

16 l'attaque de l'armée Croate et musulmane ? Est-ce exact ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Je les ai achetées le 1er avril

18 1992 parce que les médicaments manquaient déjà. J'ai trouvé ces comprimés

19 et j'ai acheté cette quantité et je les ai utilisées. Je m'en servais

20 quand je vivais avec mon mari.

21 M. Moran (interprétation). - Est-ce que votre médecin vous les

22 avez prescrites ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Oui, cela faisait plusieurs

24 années que je les utilisais à Konjic.

25 M. Moran (interprétation). - (Pas d'interprétation)

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1 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas.

2 M. Moran (interprétation). - C'était une femme médecin, quoi

3 qu'il en soit. Je vais épeler son nom, le nom de votre médecin : D S U F D

4 I C I C.

5 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

6 M. Moran (interprétation). - En fait, madame, vous preniez ces

7 pilules depuis janvier 1996, n'est-ce pas ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens vraiment pas de

9 la date, mais c'est vrai que je les prenais depuis longtemps.

10 M. Moran (interprétation). - Et en avril 1991, vous aviez

11 encore une ordonnance et vous consommiez encore ces médicaments ?

12 Mme Cecez (interprétation). - J'ai eu ces médicaments sans

13 ordonnance. On pouvait les acheter sans la moindre ordonnance dans des

14 pharmacies privées. C'était une pharmacie près du pont, à côté de la

15 banque, sur la droite, quand on marchait depuis chez moi. Je me suis

16 arrêtée à la pharmacie et j'ai acheté ces médicaments.

17 M. Moran (interprétation). - Fin mars 1992, vous étiez

18 enceinte, n'est-ce pas ?

19 Mme McHenry (interprétation). - Objection, monsieur le

20 Président, cette question n'est pas pertinente.

21 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

22 pouvoir continuer, s'il vous plaît.

23 M. le Président (interprétation). - J'ai accepté l'objection.

24 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous seriez étonnée si

25 l'on vous disait que le docteur Sajaf*, je ne peux pas prononcer son nom

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1 de famille, excusez-moi, a dit à notre enquêteur qu'il vous avait vue pour

2 la dernière fois le 1er avril 1992 et qu'il ne vous a pas prescrit de

3 pilules contraceptive, à cette date ?

4 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que je peux soulever une

5 objection et expliquer pourquoi je soulève cette objection ?

6 M. le Président (interprétation). - Oui.

7 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, il y a

8 deux points à mon objection.

9 Premièrement, je crois que le témoin a déjà dit qu'elle n'avait

10 pas eu cette ordonnance et je crois que cela n'est pas pertinent. Mais

11 cela porte maintenant sur un point plus général et j'aimerais simplement

12 expliquer à la Cour pourquoi je fais objection.

13 Je crois qu'il ne convient pas que la défense demande aux

14 témoins si oui ou non ils sont étonnés par ce que d'autres témoins ont pu

15 dire ou ne pas dire. Je crois que la défense peut récuser un témoin à

16 propos de ce qu'un témoin peut avoir dit ou pas dit, mais ils peuvent

17 justifier leur récusation en parlant de certains faits et ensuite

18 présenter des témoins ou des documents pour contredire les faits.

19 Par exemple, si la défense a des informations indiquant que

20 selon les rapports d'un autre témoin, que ce témoin vendait des armes à

21 d'autres, ils ont certainement le droit de poser la question. Par exemple

22 si on dit : "est-ce que vous vendiez des armes en 1992", ils peuvent

23 certainement le faire. Si le témoin le nie, ils peuvent certainement

24 présenter ce que le docteur ou ce que le document indique et cela

25 convient, ou si ce témoin peut authentifier le dossier ou s'il s'agit de

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1 la déclaration du témoin lui-même, d'accord.

2 Mais quand il s'agit de savoir si un témoin pense qu'une

3 personne aurait pu dire ceci ou ne pas le dire, cette personne n'a aucune

4 moyen de savoir ce que d'autres personnes auraient pu dire. Le fait de

5 savoir si c'est une surprise ou pas ne convient pas du tout et est tout à

6 fait contraire à la vérité et au processus du procès.

7 Je crois qu'il y a peut-être des situations où il y a d'autres

8 éléments de preuve qui ne sont pas fiables. Il se pourrait qu'une autre

9 personne ait été forcée ou contrainte de faire cette déposition, qu'une

10 personne se trompe. Il pourrait aussi qu'une personne ne dise tout

11 simplement pas la vérité. Mais il est tout à fait injuste pour le témoin

12 de lui demander ce qu'il pense de ce que d'autres personnes auraient pu

13 dire.

14 Donc si la défense veut récuser ce témoin par rapport à ses

15 déclarations précédentes, nous ne soulevons aucune objection. Si la

16 défense veut présenter des éléments de preuve pour faire-valoir sa cause,

17 nous ne faisons pas objection. Si la défense dans sa plaidoirie veut

18 soulever des contradictions, nous ne faisons pas objection. Mais nous

19 soulevons une objection quand il s'agit de demander aux témoins s'ils sont

20 surpris de savoir ce qu'une personne aurait pu dire ou ne pas dire.

21 Nous croyons que c'est une manière un peu sournoise d'interroger

22 un témoin et que cette manière n'est pas fiable.

23 A propos de ce qui s'est passé hier...

24 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr que nous

25 parlons de la même chose ici.

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1 Mme McHenry (interprétation). - Mais, monsieur le Président,

2 M. Moran...

3 M. le Président (interprétation). - Mais quelle est la question

4 qu'il pose ? Est-ce que vous connaissez la question qu'il a posée ?

5 Pouvez-vous répéter la question ?

6 Mme McHenry (interprétation). - "Seriez-vous surprise si votre

7 docteur avait dit que". Monsieur le Président, je crois que l'opinion du

8 témoin quant à savoir s'il serait surpris ou pas surpris n'a pas sa place

9 ici.

10 Par exemple, si l'on demandait au témoin : "en avril 1992, vous

11 n'aviez pas d'ordonnance", je n'ai pas d'objection à ceci.

12 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

13 M. Moran (interprétation). - Madame, voulez-vous que je répète

14 ma question ? Voulez-vous que je répète ?

15 Madame, seriez-vous surprise si votre médecin disait que vous

16 êtes venue le voir au début du mois d'avril ou fin mars 1992 pour et qu'à

17 ce moment-là il ne vous a pas prescrit de pilules contraceptives. Il vous

18 a dit qu'étant donné votre âge, il recommandait d'autres moyens de

19 contraception ?

20 Mme Cecez (interprétation). - J'étais enceinte cette année-là.

21 Je n'avais pas assez de pilules, donc j'avais arrêté de les utiliser

22 pendant un certain temps et c'est comme ça que je suis tombée enceinte. Je

23 suis allée chez le médecin pour un contrôle. (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

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1 (expurgée). Je suis allée voir Sejo qui a dit qu'il allait m'envoyer à

2 Sarajevo, mais la situation était déjà tendue à Sarajevo à ce moment-là.

3 Il m'a dit de venir et je pense, (expurgée)

4 (expurgée)

5 Ensuite je suis rentrée et j'ai trouvé ces pilules. J'ai acheté

6 cinq petites boîtes dans cette pharmacie et j'ai continué à les utiliser.

7 Voilà la vérité.(expurgée).

8 M. Moran (interprétation). - (expurgée)

9 (expurgée). Ma question était : est-ce que vous seriez

10 surprise ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui, j'ai bien compris la

12 question.

13 M. Moran (interprétation). - Et votre docteur vous a dit qu'il

14 était préférable que vous utilisiez un autre moyen de contraception, étant

15 donné votre âge, n'est-ce pas ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Il n'a rien dit à ce moment-là.

17 (expurgée). Je suis rentrée à la maison. Je me

18 suis reposée pendant une journée ou deux et puis j'ai continué à

19 travailler.

20 Peut-être a-t-il quelque chose, mais vraiment je ne me souviens

21 pas. C'est un fait que j'utilisais ces pilules contraceptives déjà avant

22 et qu'on pouvait les acheter sans ordonnance.

23 M. Moran (interprétation). - Vous avez donné certaines de ces

24 pilules à Milojka Antic, n'est-ce pas ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Elle ne les a pas utilisées. Ce

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1 sont les femmes de Bradina qui ont utilisé ces pilules contraceptives.

2 M. Moran (interprétation). - Donc elle n'a reçu aucune de ces

3 pilules ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Non, pas de ma part.

5 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, une seconde

6 si vous me le permettez.

7 Madame, êtes-vous apparue à la télévision en Serbie peut-être

8 pour parler de ce qui vous est arrivé ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Je n'avais pas de télévision, et

10 je n'ai toujours pas de télévision maintenant. Je n'en sais rien.

11 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais

12 rencontré quelqu'un équipé de caméra télé qui vous ait interrogée ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Je n'en sais rien. Peut-être. Je

14 ne sais pas.

15 M. Moran (interprétation). - Vous ne vous souvenez

16 pas simplement ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne me souviens pas.

18 M. Moran (interprétation). - Madame, dans les dépositions que

19 vous avez faites avant aujourd'hui, avez-vous jamais mentionné l'incident

20 avec les fusils-mitrailleurs ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être que je ne m'en

22 souvenais pas ? Je m'en suis souvenue cette fois-ci, là maintenant, je ne

23 sais pas.

24 M. Moran (interprétation). - Madame, la question était : est-ce

25 qu'avant votre déposition d'aujourd'hui, dans d'autres dépositions

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1 antérieures, avez-vous jamais mentionné ces fusils-mitrailleurs.

2 Mme McHenry (interprétation). - Objection, monsieur le

3 Président. Le témoin a déjà dit qu'elle ne se souvient pas en avoir parlé.

4 M. le Président (interprétation). - Le témoin vous a répondu.

5 M. Moran (interprétation). - C'était un incident terrifiant,

6 n'est-ce pas ?

7 Mme Cecez (interprétation). - De quoi parlez-vous ? De quel

8 incident parlez-vous ?

9 M. Moran (interprétation). - L'incident où l'on a agité des

10 fusils-mitrailleurs, où l'on tirait au fusil-mitrailleur au-dessus de

11 votre tête.

12 Mme Cecez (interprétation). - Oui, effectivement, j'étais

13 terrifiée.

14 M. Moran (interprétation). - En fait c'est le genre de chose

15 dont on se souvient, n'est-ce pas, qu'on n'oublie pas ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Oui, mais j'avais beaucoup de

17 problèmes à part ça et je croyais que je me souviendrais d'autres choses

18 que j'ai oublié de dire. Par exemple cette fois-ci, je n'ai pas parlé de

19 la façon dont on a amené des filles handicapées mentales au camp et tout

20 ce qu'on leur a fait, à ces filles. Il y avait un Croate et une femme

21 parmi ces gens. De cela, je n'en ai pas parlé.

22 M. Moran (interprétation). - Oui, madame. Mais quand vous avez

23 fait votre déposition, en juin 1994 auprès de l'enquêteur en ex-

24 Yougoslavie, il vous a posé des questions pour déterminer ce qui s'était

25 passé, n'est-ce pas ?

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1 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. Je ne me souviens de

2 rien. Je n'en sais rien.

3 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous avez déposé auprès de

4 l'enquêteur dépêché par le Tribunal, des questions vous ont été posées

5 pour vous aider à vous souvenir de certaines choses, n'est-ce pas ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être l'ont-ils fait. Je ne

7 sais pas trop, je ne connais pas trop les tribunaux, les dépositions. J'ai

8 dit à l'époque ce dont je me souvenais.

9 M. Moran (interprétation). - Mais ils vous posaient des

10 questions pour vous aider à vous souvenir, n'est-ce pas ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Ils ne peuvent pas m'aider à me

12 souvenir, c'est moi qui sais par quoi je suis passée et j'ai simplement

13 raconté ce dont je me souvenais.

14 M. Moran (interprétation). - Oui, mais vous venez de dire que

15 vous ne vous souveniez pas de cet incident au fusil-mitrailleur jusqu'au

16 jour d'aujourd'hui.

17 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. Probablement. Je ne

18 sais pas. Ou peut-être ai-je dis que... Mais c'est ce qui est arrivé,

19 c'est cela la vérité.

20 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous avez eu

21 connaissance de documents pour préparer votre témoignage aujourd'hui ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Non.

23 M. Moran (interprétation). - Avez-vous parlez à qui que ce

24 soit ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Non.

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1 M. Moran (interprétation). - Avez-vous parlé à Mme McHenry, par

2 exemple ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Qui est-ce ? Je n'en sais rien.

4 M. Moran (interprétation). - La dame assise de l'autre côté qui

5 vous posait des questions ce matin.

6 Mme Cecez (interprétation). - Non, pas aujourd'hui. Je ne sais

7 pas.

8 M. Moran (interprétation). - Est-ce que vous lui avez parlé

9 pour préparer votre témoignage ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas. Je ne sais

11 pas. Elle ne parle pas ma langue et je ne parle pas sa langue. Peut-être

12 l'ai-je fait, mais je ne me souviens pas.

13 M. Moran (interprétation). - Pouvez-vous regardez les quatre

14 personnes qui sont assises sur le banc de l'accusation. Avez-vous parlé à

15 l'une quelconque de ces personnes pour préparer votre déposition ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas de l'avoir

17 fait.

18 M. Moran (interprétation). - Avez-vous parlé à des

19 représentants du bureau du procureur pour préparer votre témoignage

20 aujourd'hui ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Je suis arrivée toute seule. Je

22 ne sais pas.

23 M. Moran (interprétation). - Donc essentiellement vous êtes

24 venue de là où vous résidez actuellement à La Haye et lorsque vous êtes

25 arrivée au Tribunal, c'est au banc des témoins que vous avez parlé pour la

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1 première fois de ce qui vous est arrivé ? Est-ce bien juste ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.

3 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous êtes venue ici

4 témoigner, vous ne résidez plus là où vous résidiez avant, n'est-ce pas ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Non.

6 M. Moran (interprétation). - Donc vous êtes venue de là où vous

7 résidez actuellement à La Haye. Je ne vous demande pas où vous résidez.

8 Vous êtes venue de là-bas en Hollande. Vous êtes arrivée la semaine

9 dernière, j'imagine ? Est-ce juste ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Et vous n'avez parlé à personne de

12 votre déposition après être arrivée à La Haye. Est-ce juste ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas avec qui, qui

14 était là avec nous.

15 M. Moran (interprétation). - Quelles étaient les femmes qui

16 étaient avec vous ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Je ne connais pas ces gens. Il y

18 avait des interprètes.

19 M. Moran (interprétation). - Et vous leur avez parlé de la

20 façon dont vous alliez déposer ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Non, non. Nous avons simplement

22 parlé de ce à quoi ressemble la Hollande, si elle nous plaît, de la

23 nourriture et de la façon dont nous étions logées, j'ai tricoté, et des

24 choses comme cela.

25 M. Moran (interprétation). - Une dernière chose, madame, et

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1 ensuite je crois que j'en aurai terminé avec mes questions. Vous avez dit

2 que vous aviez vu un seau qui était sorti du tunnel n° 9 tous les matins,

3 n'est-ce pas ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Oui, on sortait le seau et

5 c'était le pot de chambre dans lequel les prisonniers faisaient leurs

6 besoins. Il était vidé tous les matins.

7 M. Moran (interprétation). - Vous l'avez vu tous les matins ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne l'ai pas vu tous les

9 matins, mais seulement quand je regardais. Je ne regardais pas

10 constamment. Je n'osais pas. C'était toujours les derniers de la queue qui

11 portaient ce seau.

12 M. Moran (interprétation). - Vous dites : quand vous regardiez

13 dehors. D'où regardiez-vous dehors ?

14 Mme Cecez (interprétation). - J'observais depuis la pièce qui a

15 trois fenêtres, trois fenêtres donnant sur le tunnel n° 9.

16 M. Moran (interprétation). - C'est la salle où se trouvaient

17 les gardes, n'est-ce pas ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Ils étaient le plus souvent

19 dehors, à moins qu'il ne pleuve. Ils n'étaient donc pas là et parfois, je

20 pouvais regarder à l'extérieur. En général, je prenais la carafe ou le

21 cruchon avec moi pour faire semblant de prendre de l'eau.

22 M. Moran (interprétation). - Donc vous pouviez sortir de la

23 salle où vous étiez à peu près n'importe quand, quand vous le vouliez ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Parfois, quand nous osions.

25 Parfois, ils disaient qu'il ne fallait pas sortir ou regarder. Et on ne le

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1 faisait pas alors.

2 M. Moran (interprétation). - Mais vous pouviez en gros entrer

3 et sortir de cette pièce chaque fois que vous le vouliez ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Je pouvais, mais très souvent je

5 n'osais pas le faire. Parfois, quand j'allais aux toilettes, je regardais

6 mais on ne pouvait pas.

7 M. Moran (interprétation). - La porte qui donnait dans la pièce

8 où vous étiez n'était donc pas fermée à clef ?

9 Mme Cecez (interprétation). - La porte n'était pas verrouillée.

10 Seule la porte extérieure était verrouillée.

11 M. Moran (interprétation). - Donc vous pouviez entrer et sortir

12 de la salle dans laquelle vous étiez détenue à peu près comme vous le

13 vouliez ?

14 Mme McHenry (interprétation). - Objection ! Je crois que cela a

15 déjà été demandé et que la réponse a déjà été donnée.

16 M. le Président (interprétation). - Vous semblez vous intéresser

17 à la façon dont le témoin se déplace dans le bâtiment. Je crois que cela a

18 déjà été expliqué.

19 M. Moran (interprétation). - Madame, vous dites que vous ne

20 receviez de nourriture qu'en très petites quantités ?

21 Mme Cecez (interprétation). - La nourriture était mauvaise, et

22 on n'en avait que très peu.

23 M. Moran (interprétation. - Savez-vous ce que les gardes

24 mangeaient ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne sais pas.

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1 M. Moran (interprétation). - Savez-vous si la nourriture était

2 préparée à Celebici au camp, ou si elle était amenée d'un autre endroit

3 pour nourrir les détenus et les gardiens ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Vraiment, je ne

5 sais pas d'où venait la nourriture.

6 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, quelques

7 secondes si vous me le permettez. Madame, est-ce que vous aviez

8 l'autorisation de recevoir des visites dans le bâtiment d'accueil près de

9 la porte d'entrée ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Non, personne n'est venu me rendre

11 visite. Ce n'était pas autorisé.

12 M. Moran (interprétation). - Personne du tout ?

13 Mme Cecez (interprétation). - Non, ma soeur est venue plusieurs

14 fois, et son fils, mais on ne les a pas laissés entrer.

15 Hazim Delic d'ailleurs se vantait qu'il y aurait 60 petits

16 Delic, filles et garçons, qui naîtraient bientôt, étant donné le nombre de

17 femmes qu'il avait violées. C'était le genre d'histoires qui couraient

18 dans le camp, mais je n'ai jamais reçu de visites, et je ne savais pas ce

19 qui était arrivé à ma famille.

20 M. Moran (interprétation). - Madame, encore quelques questions.

21 Comment votre mari est-il mort ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas encore très sûre.

23 Ce n'est toujours pas clair pour moi. D'abord, je croyais qu'il avait

24 sauté sur une mine, je ne savais pas où étaient les champs de mines et je

25 ne sais toujours pas comment il est mort.

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1 M. Moran (interprétation). - Mais votre mari n'a jamais été

2 détenu où que ce soit, n'est-ce pas, à votre connaissance ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Il est parti le

4 22 août de Donje Selo -c'est ce que mon beau-frère m'a dit- et il s'est

5 caché près du village.

6 M. Moran (interprétation). - Entre mai et le 22 août, votre mari

7 était donc en liberté, n'est-ce pas ?

8 Mme Cecez (interprétation). - La liberté... si on peut l'appeler

9 ainsi. Quand on est dans la cave de Trile pendant des dizaines de jours,

10 une cave qui faisait 80 centimètres de haut - c'est là qu'il se cachait,

11 qu'il passait tout son temps- ce n'est pas la liberté.

12 M. Moran (interprétation). - Il n'a jamais été détenu par

13 l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Non, parce qu'il se cachait.

15 M. Moran (interprétation). - Et vos deux autres parents, qui ont

16 été tués à peu près au même moment ? Encore une fois ils ont peut-être

17 marché sur une mine, ils sont peut-être morts au combat, ou quelque chose

18 comme cela ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Ils ont essayé de fuir et dès

20 qu'ils sont partis, ils ont été tués. Je ne sais pas si quelqu'un les a

21 tués, mais ils étaient morts; Je suis allée à la morgue et je les ai vus.

22 En tout cas, ils n'ont ni attaqué, ni tué quiconque eux-mêmes.

23 M. Moran (interprétation). - Et ils n'ont pas été détenus au

24 camp de Celebici, n'est-ce pas ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Non, ils se cachaient avec mon

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1 mari, et ils sont restés avec lui.

2 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai

3 terminé pour ma part.

4 M. le Président (interprétation). - Voilà pour le contre-

5 interrogatoire par la défense de Delic.

6 Mme McMurrey (interprétation). - Je ne veux pas vous troubler,

7 mais nous n'avons pas de question à poser au témoin à ce stade.

8 M. le Président (interprétation). - Vous ne me troublez pas du

9 tout.

10 D'autres conseils souhaitent-ils procéder au contre-

11 interrogatoire ?

12 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, je m'appelle

13 Edina Residovic et je suis conseil de la défense pour Delalic. Tout

14 d'abord, permettez-moi de dire que je comprends qu'il n'est pas facile

15 pour vous de répondre à toutes les questions qui vous sont posées. Cela

16 fait deux jours que vous êtes à la barre des témoins. Mais vous devez

17 aussi comprendre qu'il est de mon devoir de vous poser des questions

18 concernant les événements que vous avez décrits.

19 Je vais aussi essayer de poser mes questions de façon aussi

20 claire et simple que possible, et je vous demanderai d'y répondre de la

21 même manière.

22 Si vous ne comprenez pas la question ou l'interprétation,

23 veuillez le dire et je répéterai la question de sorte que nous nous

24 comprenions. Etes-vous d'accord avec ceci, madame Cecez ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Vous avez dit que vous

2 avez fait votre première déposition en juin aux enquêteurs de Borci ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas quel mois c'était.

4 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas de

5 l'année, mais vous vous souvenez que cela s'est passé à Borci ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Oui, quelqu'un est venu à Borci et

7 on m'a posé des questions.

8 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, vous ne

9 vous êtes pas déplacée pour faire cette déposition ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Non.

11 Mme Residovic (interprétation). - Si, dans une déposition,

12 quelqu'un dit que vous avez déposé à Nevesinje. Cela ne serait pas vrai,

13 n'est-ce pas ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Non.

15 Mme Residovic (interprétation). - Avant que les enquêteurs du

16 tribunal ne vous interrogent, vous avez déjà fait deux dépositions, n'est-

17 ce pas ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas. Je suis

19 allée une fois en décembre 1995 et le 14 novembre 1996. Je ne suis venue

20 ici qu'une fois.

21 Mme Residovic (interprétation). - Donc s'il y a deux

22 dépositions, il y en a une qui n'est pas de vous ?

23 Mme Cecez (interprétation). - Tout ce que je sais, c'est que je

24 suis venue à La Haye une fois. Cela faisait trop de déplacements pour moi.

25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous avez fait

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1 cette déposition en décembre 1995 à un autre endroit ?

2 Mme Cecez (interprétation). - En décembre 1995, je pense que

3 c'était ici.

4 Mme Residovic (interprétation). - Et celle du 14 novembre 1996 ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Ce n'était pas ici.

6 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais poser une question.

7 Il faudrait qu'il y ait une pause entre la question du conseil

8 et la réponse du témoin pour que ceux qui écoutent puissent faire la

9 distinction entre la question et la réponse, car pour l'instant cela va un

10 peu vite et nous voudrions avoir la possibilité d'intervenir.

11 Autre chose : puis-je suggérer à l'avocat de la défense qu'il

12 montre au témoin la déposition du 2 novembre 1996 car cela pourrait

13 rafraîchir la mémoire du témoin, et c'est pertinent pour ce qui est de la

14 définition de l'acception d'une déposition.

15 M. Jan. - (pas d'interprétation).

16 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je montrer les deux

17 dépositions au témoin ?

18 M. le Président (interprétation). - Oui, si vous le souhaitez,

19 cela n'est pas un problème. C'est même plus facile pour vous.

20 (L'huissier remet la déposition à Mme Cecez).

21 M. le Président (interprétation). - Dans quelle langue cette

22 déposition a-t-elle été faite ?

23 Mme Residovic (interprétation). - J'ai le texte dans la langue

24 du témoin. Pour autant que je sache, les enquêteurs prennent toujours les

25 déclarations en anglais.

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1 Avez-vous vu la déclaration, madame Cecez ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Ce deuxième texte n'est pas clair

3 pour moi.

4 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous expliquer laquelle

5 n'est pas claire pour vous ?

6 Mm Cecez (interprétation). - Celle-ci, la deuxième.

7 Mme Residovic (interprétation). - datée de novembre 1996 et

8 celle là ...

9 Mme Cecez (interprétation). - Où se trouve la date... 1996 ?

10 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous n'êtes pas sûre que

11 vous avez fait cette déclaration ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'elle dit.

13 Mme Residovic (interprétation). - Cela n'a pas d'importance, ce

14 qu'elle contient. Répondez-moi simplement si vous vous souvenez, en

15 novembre 1996, avoir parlé aux enquêteurs du bureau du procureur pour

16 faire une nouvelle déclaration.

17 Mme Cecez (interprétation). - Vraiment, je ne sais pas quand

18 c'était. Peut-être l'ai-je fait, peut-être ne l'ai-je pas fait... Je ne

19 m'en souviens pas.

20 Mme Residovic (interprétation). - En réponse à une question

21 posée précédemment, vous avez dit que vous n'aviez pas parlé encore à Mme

22 Teresa McHenry, et dans ce document il est dit que Mme McHenry était

23 présente.

24 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être était-elle présente,

25 mais je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas très bien des gens.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, dans les deux

2 cas, quand les enquêteurs du Tribunal vous interrogeaient, en une

3 occasion, comme vous vous en souvenez, vous avez dit que vous étiez prête

4 à témoigner devant le tribunal.

5 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que j'ai dit la vérité,

6 il n'y a pas de problème.

7 Mme Residovic (interprétation). - En ces deux occasions, en tout

8 cas celles dont vous vous souvenez, l'enquêteur était une femme.

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui j'imagine.

10 Mme Residovic (interprétation). - Il y avait une femme grande et

11 blonde : Mme Sabine Manke ? C'est elle ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

13 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce une seule fois que vous

14 avez été interrogée par cette dame ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis venue à La Haye qu'une

16 seule fois. Je ne me souviens de rien.

17 Mme Residovic (interprétation). - Dans cette déposition que vous

18 avez faite à Borci, et dans celle que vous avez faite devant Mme Manke,

19 vous n'aviez pas de raison de mentionner Hazim Delic ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu là, donc je

21 ne pouvais rien dire sur lui, sur quelque chose que je n'avais pas vu.

22 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez., il est

23 difficile pour moi de vous poser une question, car dans la déclaration que

24 vous ne vous souvenez pas avoir fait, de toute évidence, en réponse aux

25 questions de quelqu'un, vous mentionnez le nom de Hazim Delic. et

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1 Zejnil Delalic.

2 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je connaissais mes voisins.

3 Mme Residovic (interprétation). - Vous l'avez déjà dit ce matin

4 dans votre témoignage. Ma question est la suivante : si quelqu'un n'avait

5 pas mentionné ce nom, vous ne l'auriez pas mentionné vous-même ? ce nom de

6 Zejnil Delalic ? Est-ce juste ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne peux pas jeter des soupçons

8 sur quelqu'un qui ne m'a rien fait.

9 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Vous avez donc répondu

10 à ma question. Permettez-moi de vous en poser d'autres. Vous avez dit être

11 née à Ostrozac.

12 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

13 Mme Residovic (interprétation). - C'est là que résidait votre

14 famille ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

16 Mme Residovic (interprétation). - Votre père a donc habité à

17 Ostrozac jusqu'à la fin de 1994 ?

18 M. Jan (interprétation). - J'aimerais prier le conseil de

19 ralentir un peu le débit. Vous comprenez, on écoute l'interprète et on

20 n'arrive pas à faire la différence entre la question, la fin de la

21 question et le début de la réponse. Donc nous aimerions que le débit soit

22 un peu ralenti pour que nous puissions distinguer ce que dit le témoin et

23 ce que vous dites vous-même. Nous, nous entendons la même voix, la voix de

24 l'interprète qui nous dit des choses en succession rapide et donc il nous

25 est très difficile de faire la différence entre le contenu de la question

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1 et le contenu de la réponse.

2 Mme Residovic (interprétation). - Merci, monsieur le Président

3 et monsieur et madame les juges. Il est évident que j'oublie de temps en

4 temps ce genre de chose car je parle la même langue que le témoin. Je vais

5 tenter de faire de mon mieux pour ralentir un peu mon débit.

6 Est-ce vous êtes au courant du fait que les Serbes qui

7 résidaient à Ostrozac n'ont cessé d'avoir de bons rapports avec leurs

8 voisins ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Ecoutez, je ne sais pas. Je ne

10 pouvais pas évaluer cela. Je suis allée une fois chez mon frère, après ma

11 sortie du camp. Je ne sais pas, mais je suppose que si les rapports

12 étaient si bons, ils ne se seraient peut-être pas lancés dans tous ces

13 événements.

14 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que vos

15 voisins ont restitué volontairement leurs armes sur la demande des

16 autorités ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Comment est-ce que je pourrais le

18 savoir ? Je ne sais pas.

19 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Hier, vous avez dit

20 qu'à la mi-mai 1992...

21 M. le Président (interprétation). - Je vous prierais de nous

22 laisser réentendre la réponse à la dernière question, la question

23 concernant la restitution des armes de façon volontaire et pacifique.

24 Quelle est la réponse ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai aucune

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1 information à ce sujet. Je n'ai pas la moindre idée.

2 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous, madame Cecez., si

3 l'un d'entre eux se trouvait à Celebici ?

4 Mme Cecez (interprétation). - L'un d'entre eux ? De qui ?

5 Mme Residovic (interprétation). - De vos voisins d'Ostrozac.

6 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais bas. Je ne sais pas du

7 tout.

8 Mme Residovic (interprétation). - Bien, merci.

9 Hier, vous avez dit que vous vous êtes trouvée à Konjic pour la

10 dernière fois aux alentours de la mi-mai. Vous avez même cité une date

11 exacte dont je ne me souviens pas.

12 Mme Cecez (interprétation). - Le 19 mai.

13 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez donc dit vous y être

14 trouvée le 19 mai.

15 Mme Cecez (interprétation). - Effectivement.

16 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire

17 si vous savez si la ville a été bombardée d'ici là ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. J'ai demandé à

19 une petite musulmane de m'accompagner. Il y avait pas mal de difficultés.

20 Je ne pouvais pas continuer à ne pas prendre mes biens personnels. Je les

21 ai donc emportés le 19. J'ai vu qu'il y avait pas mal de gens habillés de

22 façon un peu bigarrée dans la rue. Cela m'a surprise.

23 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des

24 maisons détruites, des commerces détruits ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Non, non.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne les avez pas vus. Est-

2 ce que vous savez que jusqu'à cette date du 19, Konjic avait subi des

3 pilonnages très graves, très sérieux ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas, je ne

5 sais pas.

6 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas ou

7 vous ne savez pas ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Vraiment je ne

9 sais pas.

10 Mme Residovic (interprétation). - Donc vous ne savez pas non

11 plus qui a pilonné Konjic ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne sais absolument rien.

13 Mme Residovic (interprétation). - A ce moment-là, madame Cecez,

14 étant née en Herzégovine, vous étiez citoyenne de la Bosnie-Herzégovine ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Oui je suis née là, donc...

16 Mme Residovic (interprétation). - Vous étiez donc citoyenne de

17 la Bosnie-Herzégovine.

18 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je l'étais.

19 Mme Residovic (interprétation). - Mon confrère vous a demandé

20 tout à l'heure s'il était exact que certaines personnes recherchaient

21 spécifiquement votre mari en raison de son nom.

22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Ils sont arrivés à la

23 maison. Ils ont dit : "Oui, Lazar, rendez-vous, nous vous ne ferons pas de

24 mal." Moi je ne sais pas, ma maison se trouvait au centre de la ville.

25 Tout se trouvait à proximité, les taxis, les autobus. Il y avait pas mal

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1 de gens qui nous rendaient visite en allant au travail. Donc je ne sais

2 pas.

3 Mme Residovic (interprétation). - Madame, veuillez je vous prie

4 me confirmer que j'ai bien entendu ce que vous avez dit lorsque vous avez

5 parlé de l'arrivée de deux véhicules de la police ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Oui, il y avait deux véhicules de

7 la police. L'un qui allait devant et l'autre derrière.

8 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déposition fournie

9 au bureau du procureur, vous avez déclaré que votre mari a immédiatement

10 sauté à bas du véhicule et s'est enfui.

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

12 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit également qu'il

13 avait travaillé au poste de sécurité publique de Jablanica, au MUP,

14 ministère de l'Intérieur ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

16 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire si vous

17 savez qu'à Donje Selo, avant ce jour-là, un certain nombre de personnes

18 avaient été emmenées, arrêtées ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.

20 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Non je ne me rappelle pas. Je ne

22 sais pas, vraiment.

23 Mme Residovic (interprétation). - Les membres du poste de

24 sécurité publique étaient des gens qui travaillaient avec votre mari ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je suppose que c'étaient des

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1 gens qui connaissaient mon mari, mais moi je ne les connaissais pas avant

2 cette date. Je ne sais pas.

3 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez., est-ce que chez

4 nous les gens ont l'habitude de fuir à l'arrivée de leurs collègues de

5 travail ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai pas la moindre idée, je

7 ne sais pas pourquoi cela s'est passé ça. Nous vivions déjà dans la

8 terreur.

9 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez

10 m'expliquer si votre mari avait des raisons de fuir lorsqu'il a

11 entendu...?

12 Mme Cecez (interprétation). - Ecoutez, il arrivait souvent que

13 du côté droit de la Neretva, on tire en direction de ma maison. Nous

14 n'osions même plus nous asseoir ou sortir de ce côté-là de notre maison.

15 La situation était déjà très tendue.

16 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, vous étiez une

17 famille relativement aisée à Donje Selo ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

19 Mme Residovic (interprétation). - Cerici et Bijelovci sont les

20 villages voisins du vôtre ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

22 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que le nom de Milijana

23 Cecez vous est connu ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que sur

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1 le territoire de Donje Selo des barricades, des barrages routiers avaient

2 été installés qui empêchaient la liberté de circulation ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais pas.

4 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous ne savez pas ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle rien.

6 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous ne savez ou

7 vous ne vous rappelez pas ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle rien.

9 Mme Residovic (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas.

10 Est-ce que vous savez si votre mari avait participé à la création de ces

11 barricades et de ces barrages routiers ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle absolument

13 rien. Moi je faisais mon travail à la maison de sorte que je ne me

14 rappelle rien de tout cela. Mon mari était un homme qui était souvent

15 dehors et, comme ça.

16 Mme Residovic (interprétation). - Feu votre mari connaissait

17 également Milijana Cecez ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

19 Mme Residovic (interprétation). - Milijan Cecez a quitté la

20 région un peu plus tôt, n'est-ce pas ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

22 Mme Residovic (interprétation). - Etes-vous au courant du fait

23 qu'après cela, votre mari s'est chargé de l'organisation de l'armement de

24 la population à Cerici, Donje Selo et l'autre village voisin ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Comment est-ce

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1 qu'on pouvait armer les gens ?

2 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, j'émets

3 une objection quant à la pertinence des questions portant sur ce que son

4 mari a pu faire ou ne pas faire dans cette déposition.

5 M. Jan (interprétation). - Il s'agit d'un contre-

6 interrogatoire. Le témoin a fourni une déposition et le conseil essaie de

7 déterminer les raisons pour lesquelles le témoin a dit un certain nombre

8 de choses dans sa déposition écrite.

9 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre.

10 Mme Residovic (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

11 Donc est-ce que vous avez répondu à ma question ? Etes-vous au courant ou

12 savez-vous si après le départ de Milijan Cecez, votre mari a repris la

13 responsabilité de l'armement des populations serbes dans ces trois

14 villages ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis au courant de rien.

16 Mme Residovic (interprétation). - Au cas où d'autres documents,

17 au cas où des tiers diraient le contraire, vous continuez à affirmer que

18 ces tiers et ces documents ne diraient pas la vérité ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Je tiens à n'affirmer rien du

20 tout, mais ce dont je me souviens, je m'en souviens, et nous parlons

21 aujourd'hui d'un homme qui est mort, qui ne peut pas s'exprimer.

22 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, à la question du

23 procureur, vous avez répondu que vous connaissiez le Dr Hadzihuseinovic.

24 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

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1 redire la même chose ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Bien sûr, je le connais. Il était

3 président de l'Assemblée municipale pendant un certain temps. Je ne sais

4 pas exactement jusqu'à quel date, mais il venait au camp et je le

5 connaissais en tant qu'être humain. Je le connaissais d'avant.

6 Mme Residovic (interprétation). - Dites-moi si vous savez si le

7 Dr Rusmir, avant les événements dont vous venez de parler, et avec

8 d'autres représentants du gouvernement local, êtes-vous au courant qu'il a

9 tenté à plusieurs reprises de négocier la restitution des armes ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Non, je n'ai vraiment pas la

11 moindre idée. Vraiment, je ne sais pas.

12 Mme Residovic (interprétation). - Si un tiers affirme ce que je

13 viens de dire, vous ne pourriez pas le contredire car ces éléments n'ont

14 pas été portés à votre connaissance.

15 Mme McHenry (interprétation). - J'élève une objection.

16 Monsieur le président, j'objecte au fait qu'une question lui est

17 reposée alors qu'elle a déjà dit ne pas être au courant. Il est impossible

18 pour elle de dire si elle sait ce qu'une autre personne a pu dire ou ne

19 pas dire.

20 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi

21 cela vous inquiète tellement. Si elle n'accepte pas, si elle n'est pas

22 d'accord avec ce qu'on lui dit, elle le déclarera.

23 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, feu votre mari

24 était-il membre du SDS ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Et Jovanka Cecez, était-elle

2 membre ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.

4 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous êtes au

5 courant du rôle joué par le parti serbe dans la constitution d'une

6 municipalité serbe ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais vraiment pas. Je ne

8 suis pas au courant de toutes ces choses.

9 Mme Residovic (interprétation). - J'ai encore deux questions

10 seulement à vous poser et j'en aurai terminé. Je vous prie de m'excuser

11 d'avoir été un peu longue.

12 Pouvez-vous me dire si vous êtes au courant du fait qu'au cours

13 des combats pour la prise de Donje Selo, un certain nombre de membres du

14 MUP, du ministère de l'Intérieur, ont été tués ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Vous voulez dire quand Donje Selo

16 a été attaquée ?

17 Mme Residovic (interprétation). - Oui, au moment où cet endroit

18 faisait partie des lieux de combat.

19 Mme Cecez (interprétation). - Un jour, j'ai entendu dire qu'un

20 certain Velija avait été tué. Pavo Mucic m'a dit ensuite qu'un certain

21 Narcis l'avait tué dans le dos.

22 Mme Residovic (interprétation). - S'il vous plaît, je vous

23 demande ce que vous savez vous-même, pas ce que d'autres vous ont dit.

24 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je ne sais rien au sujet

25 de qui que ce soit. Je sais seulement que Velija est mort, a été tué, et

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1 que c'est Narcis qui l'a tué. C'est ce que Pavo m'a dit.

2 Mme Residovic (interprétation). - Madame Cecez, vous avez

3 reconnu votre mari ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Oui mais seulement par ses dents.

5 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes certaine que votre

6 mari n'était pas à Celebici et qu'il n'a subi aucune torture dans le

7 camp ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas s'il était à

9 Celebici. Est-ce qu'ils l'ont attrapé vivant et qu'ils ont fait des choses

10 sur lui ? Je ne sais pas. Moi, tout ce que je savais, c'est qu'il n'était

11 plus là, que je ne le voyais plus.

12 Mme Residovic (interprétation). - Je vous en prie, votre mari

13 était comme vous, citoyen de la Bosnie-Herzégovine ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Oui, normalement, bien sûr. Nous

15 étions nés dans la région.

16 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déposition écrite,

17 ainsi que dans la déposition faite devant cette Chambre, vous avez évoqué

18 un certain nombre d'autres personnes que vous avez rencontrées à Celebici.

19 Ivica Buric, est-ce que c'est un Bosniaque, un Musulman ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Il est peut-être Croate. On

21 l'appelait Ivica Buric. Je crois qu'il est probablement Croate.

22 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit également qu'un

23 certain Zvonimir est également devenu membre du MUP à Donje Selo ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

25 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce un Bosniaque, un

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1 Musulman ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Quand on m'a emmenée en prison,

3 il est venu. Il est Croate et vit avec une Serbe.

4 Mme Residovic (interprétation). - Pendant votre séjour à

5 Celebici, est-ce que vous avez vu des membres de la police militaire du

6 HVO à Celebici ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Ecoutez, je ne sais pas. Je ne

8 comprends pas bien ces choses. Il y avait très peu de Croates dans le

9 camp. On nous disait pour l'essentiel que c'étaient des gens terribles,

10 qu'il ne fallait pas entrer en contact avec eux, si bien que dès qu'on

11 voyait l'insigne HVO sur la manche, on reculait de la fenêtre.

12 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

13 croyais être arrivée à la conclusion de mon interrogatoire, mais j'ai

14 encore une question à poser. Je vous prie donc de m'autoriser à la poser à

15 Mme Cecez.

16 Etes-vous au courant du fait qu'à Celebici existait une

17 commission qui interrogeait les détenus ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Moi, ils m'ont

19 simplement posé une fois quelques questions informelles. Je ne sais pas.

20 Mme Residovic (interprétation). - Vous n'avez pas eu l'occasion

21 de voir où se déroulaient ces interrogatoires ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me rappelle rien. Non, non.

23 Mme Residovic (interprétation). - Dans votre déposition, la

24 déposition que vous avez fournie en 1994, vous avez déclaré que votre

25 médecin vous avait ordonné les pilules au sujet desquelles mon confrère

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1 vous a interrogée. Est-ce que vous disiez la vérité à ce moment-là ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Oui, car cela faisait déjà pas

3 mal de temps que mon médecin me les avait ordonnées. J'utilisais ces

4 pilules depuis cinq ou six ans, je ne sais pas exactement depuis combien

5 de temps. Mais concrètement, s'agissant des pilules dont il a été question

6 ici, est-ce que c'est le médecin qui vous les avait ordonnées ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Oui j'avais toujours -comment ça

8 s'appelle déjà-, j'avais toujours ça sur moi. J'entrais dans la pharmacie,

9 je le montrais et j'obtenais les pilules. Ce sont les mêmes pilules qu'il

10 m'avait ordonnées la première fois.

11 M. le Président (interprétation). - Mais je crois qu'elle a

12 déjà dit cela à plusieurs reprises. Je ne vois pas la nécessité de la

13 faire répéter cette déclaration indiquant qu'elle a commencé à les

14 consommer en 1986.

15 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

16 voulais simplement que cela soit constaté. Je vous remercie.

17 Aujourd'hui, le témoin a dit les avoir achetée sans ordonnance.

18 Donc nous voulions un éclaircissement sur ce point.

19 Mme Cecez (interprétation). - Oui, il est possible de se les

20 procurer sans ordonnance dans des pharmacies privées.

21 Mme Residovic (interprétation). - Merci madame le témoin, madame

22 Cecez. Merci, monsieur le Président. Je n'ai plus de questions.

23 M. le Président (interprétation). - Maître Tapuskovic, avez-

24 vous des questions ?

25 M. Tapuskovic (interprétation). - Monsieur le Président, au nom

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1 de l'équipe qui défend M. Mucic, maître Mike Greaves va procéder au

2 contre-interrogatoire. Je voudrais simplement revenir sur l'observation

3 qui m'a été faite ce matin. J'ai mérité cette observation. Mais je vous

4 prie de bien vouloir comprendre également quelle est notre situation, à

5 nous les avocats qui venons de l'ex-Yougoslavie. Depuis trente ans, je

6 suis habitué à me lever et à attendre que le juge me donne l'autorisation

7 de prendre la parole. Vous comprenez. C'est une habitude de trente ans,

8 donc je vous prie de comprendre que c'est une très longue habitude et que

9 je n'avais aucunement l'intention d'insulter le Président de cette

10 Chambre.

11 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, mais je ne

12 vois aucune raison justifiant que vous vous inquiétiez de façon exagérée.

13 J'ai simplement objecté à ce que deux personnes prennent la parole en même

14 temps.

15 Mme McHenry (interprétation). - Je crois que c'était 1/50ième,

16 monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation). - Maître Greaves, je voudrais

18 vous dire un mot de mise en garde. Il est possible que nous levions la

19 séance à 16 heures pour nous retrouver à 16 heures 20, 16 heures 25, donc

20 votre contre-interrogatoire risque d'être interrompu. Peut-être préférez-

21 vous que le contre-interrogatoire soit fait d'un jet et que nous levions

22 donc la séance maintenant ?

23 M. Greaves (interprétation). - Moi, je préférerais.

24 M. le Président (interprétation). - Bien, donc nous pourrions

25 avoir la pause maintenant et nous retrouver dans le prétoire à

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1 16 heures 15.

2 M. Greaves (interprétation). - Merci, cela m'aide beaucoup.

3 L'audience, suspendue à 16 heures 47,

4 est reprise à 16 heures 17.

5 M. le Président (interprétation). - Je vous prie de bien vouloir

6 appeler le témoin.

7 (Mme Cecez est introduite dans la salle d'audience.)

8 M. le Président (interprétation). - - Le témoin est toujours

9 sous serment.

10 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, j'aimerais

11 commencer par vous poser une ou deux question au sujet de votre fuite -si

12 je puis l'appeler ainsi- vers le territoire serbe en novembre 1992, c'est-

13 à-dire environ deux mois après votre libération du camp de Celebici. C'est

14 bien exact ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Est-ce que je dois répondre

16 quelque chose ?

17 M. Greaves (interprétation). - Je crois que j'ai posé une

18 question. Oui.

19 Mme Cecez (interprétation). - Je n'ai pas bien compris la

20 question.

21 M. Greaves (interprétation). - Je vous prie de m'excuser.

22 Veuillez me dire, je vous en prie, lorsque vous ne comprenez pas la

23 question. Votre fuite de Donje Selo vers le territoire serbe a bien eu

24 lieu en novembre1992, n'est-ce pas ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Oui, le 11. Le 11 novembre 1992.

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1 M. Greaves (interprétation). - Et la distance que vous avez eue

2 à couvrir ce jour-là était-elle bien de 5 kilomètres ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je pense que c'était

4 beaucoup plus parce que je suis partie de Donje Selo et je suis arrivée

5 jusqu'à Cerici. C'est là que j'ai trouvé les nôtres.

6 M. Greaves (interprétation). - Et quelle est la distance que

7 vous avez parcourue ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas. Vraiment,

9 je ne sais pas.

10 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous avez

11 continuellement marché sur une route ?

12 Mme Cecez (interprétation). - Oui, une route couverte de macadam

13 d'abord, puis d'asphalte.

14 M. Greaves (interprétation). - Si vous ne pouvez pas nous donner

15 la distance, peut-être pouvez-vous nous dire combien de temps ce voyage

16 vous a pris ?

17 M. le Président (interprétation). - Donc vous parlez de temps,

18 n'est-ce pas ?

19 M. Greaves (interprétation). - Oui, de temps.

20 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas, vraiment. Je n'ai

21 pas regardé l'heure, je n'ai pas fait attention. Je ne sais pas.

22 M. Greaves (interprétation). - Peut-être pourriez-vous nous dire

23 à quel moment de la journée vous êtes partie. Est-ce que vous êtes partie

24 le matin ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Le matin tôt nous sommes partis,

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1 mais je ne me rappelle pas l'heure.

2 M. Greaves (interprétation). - Faisait-il encore nuit lorsque

3 vous êtes partie ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Non, le jour s'était déjà levé.

5 M. Greaves (interprétation). - Et à quel moment de la journée

6 avez-vous fini par arriver en territoire sous contrôle serbe ?

7 Mme Cecez (interprétation). - Je dirais que nous sommes arrivés

8 aux alentours de 4 heures, 4 heures et demie. Je ne me rappelle pas, mais

9 la nuit approchait déjà. Nous étions avec un homme, je ne me rappelle pas

10 comment il s'appelait, et c'est lui qui a terminé le transfert. Les gens

11 qui nous avaient accompagnées au début nous ont laissées à ce moment-là.

12 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que cet homme était

13 serbe ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me le rappelle pas. Je ne

15 sais pas.

16 M. Greaves (interprétation). - Très bien. Vous étiez la seule

17 personne à s'être enfuie ce jour-là ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Non. Nous étions sept dans la

19 voiture.

20 M. Greaves (interprétation). - Y avait-il uniquement des femmes

21 ou y avait-il des hommes et des femmes ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Six femmes et un jeune homme.

23 M. Greaves (interprétation). - Pouvez-vous vous rappeler qui

24 était avec vous exactement, quel était le nom de ces personnes ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux pas me

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1 rappeler. Je sais seulement qu'il s'agissait de Croates qui étaient sans

2 doute membres de la police militaire.

3 M. Greaves (interprétation). - Et il n'y avait personne d'autre

4 de votre village qui s'est enfui ce jour-là ?

5 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être que oui,

6 mais je ne sais pas.

7 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, est-il exact que la

8 personne qui a payé votre voyage était Pavo Mucic ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Je ne suis pas sûre. C'est ce que

10 j'ai imaginé. J'ai pensé que c'était lui qui avait payé.

11 M. Greaves (interprétation). - La somme payée était de

12 300 deutsche marks ?

13 Mme Cecez (interprétation). - A ce moment-là, ils exigeaient

14 300 deutsche marks des nôtres quand ils voulaient s'enfuir, donc j'ai

15 pensé que c'était la somme qui avait été payée.

16 M. Greaves (interprétation). - Ce n'est pas vous qui avez payé

17 cette somme mais quelqu'un d'autre ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Non, ce n'est pas moi.

19 M. Greaves (interprétation). - Et les arrangements ont été faits

20 par M. Mucic ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Sans doute.

22 M. Greaves (interprétation). - A part M. Mucic, le chauffeur,

23 celui qui conduisait le véhicule était croate aussi. Est-ce exact ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Il y avait deux Croates qui sont

25 partis avec nous et qui conduisaient. Pavo est resté.

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1 M. Greaves (interprétation). - Les dispositions qui ont été

2 prises ont mis M. Mucic en danger. Est-ce que vous êtes d'accord avec

3 cela ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas. Je ne

5 sais pas.

6 M. Greaves (interprétation). - Il était dangereux d'aider des

7 personnes à s'échapper de la sorte, n'est-ce pas ?

8 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas.

9 M. Greaves (interprétation). - En route, est-ce que vous avez dû

10 passer un certain nombre de barrages routiers militaires ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Oui, au-dessus de Butrovic Polje.

12 Je ne sais pas exactement comment s'appelaient l'endroit, mais nous avons

13 été arrêtés à cet endroit.

14 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que de nombreuses

15 questions ont été posées à ce barrage routier ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Non. Le chauffeur est sorti de

17 voiture, on lui a dit quelque chose, il a répondu. Nous ne sommes mêmes

18 pas sortis de voiture et nous avons pu continuer le voyage.

19 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais maintenant vous

20 interroger au sujet de la période qui sépare votre libération de Celebici

21 et votre fuite. Avez-vous passé toute cette période à Donje Selo ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

23 M. Greaves (interprétation). - Et vous aviez toute liberté de

24 circulation dans le village ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Eh bien, non. Chaque fois que

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1 j'allais rendre visite à ma maison, j'emmenai un enfant avec moi pour

2 éviter qu'on ne me tire dessus.

3 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous possédez

4 également une feuille de papier, un certificat qui vous a été remis ?

5 M. Greaves (interprétation). - Oui, je l'ai reçu à ma sortie du

6 camp.

7 M. Greaves (interprétation). - C'est un permis de libre

8 circulation ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Pavo Mucic m'a écrit ce

10 papier. Donje Selo est inscrit sur ce papier et j'ai demandé qu'il

11 inscrive également l'autorisation que j'aille à Konjic le cas échéant pour

12 voir le médecin si j'étais malade et comme j'ai un père qui a 80 ans et

13 qui vit Ostrozac, je lui ai demandé d'inscrire ce nom. Mais le nom

14 d'Ostrozac n'a pas été inscrit sur le papier. Cela dit, j'ai pu m'y

15 rendre.

16 M. Greaves (interprétation). - Donc il vous a accordé

17 l'autorisation de vous rendre dans ces endroits ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Il a écrit ces noms et je suis

19 allée jusqu'à la maison de mon frère simplement, avec un homme qui

20 m'accompagnait. Je l'ai fait en cachette. Je n'ai pas osé aller jusqu'à la

21 maison de mon père.

22 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, vous n'êtes pas la

23 seule femme libérée de Celebici à être allée à Donje Selo ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Milijan a été libérée avec moi.

25 Elle est partie. Je ne sais exactement ce qui lui est arrivé ensuite.

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1 M. Greaves (interprétation). - A-t-elle été libérée le même jour

2 que vous ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Oui, oui.

4 M. Greaves (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres femmes de

5 Donje Selo qui ont été relâchées du même camp à d'autres moments ?

6 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas quelle était

7 l'identité de toutes les détenues car je n'ai trouvé dans le camp aucune

8 de nos femmes de Donje Selo.

9 M. Greaves (interprétation). - Mais y en a-t-il eu qui sont

10 revenues à Donje Selo à peu près au même moment que vous ?

11 Mme Cecez (interprétation). - Je ne sais pas. J'étais la seule à

12 avoir passé un temps aussi long dans le camp. De toutes les femmes, je

13 suis celle qui y est restée le plus longtemps.

14 M. Greaves (interprétation). - Pavo Mucic est venu vous rendre

15 visite après votre libération. Il est venu vous rendre visite au village;

16 n'est-ce pas ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

18 M. Greaves (interprétation). - Et il vous a rendu visite

19 plusieurs fois, n'est-ce pas ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

21 M. Greaves (interprétation). - Et lorsqu'il vous a rendu visite

22 ces fois-là, il vous a donné à manger et vous a donné d'autres choses

23 aussi ?

24 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Une fois, il m'a donné à

25 manger. Si on n'avait pas incendié ma maison, je crois que j'aurais eu

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1 assez de nourriture.

2 M. Greaves (interprétation). - Et vous aviez besoin de beaucoup

3 de nourriture et c'est ce qu'il vous a donné ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui, il m'a apporté de la

5 nourriture une fois.

6 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais vous suggérer que cela

7 est arrivé plus d'une fois. Peut-être que votre mémoire vous fait défaut

8 au bout de cinq ans.

9 Mme Cecez (interprétation). - Je crois que cela ne s'est produit

10 qu'une fois, mais il se peut qu'il ait livré de la nourriture à d'autres

11 personnes plusieurs fois.

12 M. Greaves (interprétation). - Vous avez entendu dire que

13 c'était ce qu'il avait fait ?

14 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Je crois que les gens en

15 parlaient. Mon beau-frère en a parlé.

16 M. Greaves (interprétation). - Et certainement, lors d'une de

17 ses visites chez vous, vous avez eu une conversation avec lui à propos de

18 ce qui s'était passé dans le camp ?

19 Mme Cecez (interprétation). - Oui, c'est vrai.

20 M. Greaves (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec ce qui

21 suit : il a été surpris de ce que vous lui avez dit.

22 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Il avait l'air surpris, comme

23 s'il ne savait rien. Mais je ne suis pas sûre du tout qu'il ne savait

24 rien.

25 M. Greaves (interprétation). - Donc je vais vous poser la

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1 question suivante. Lorsque vous le lui avez dit, il n'était pas surpris,

2 mais il était désespéré ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Il a dit : "Pourquoi tu n'as

4 pas demandé à me voir ?". J'ai dit que soit les gardes ne le lui avaient

5 pas dit, soit qu'il ne voulait pas venir. Je ne connais pas la réponse à

6 cette question.

7 M. Greaves (interprétation). - D'après ce que vous avez vu, sa

8 réaction était une réaction de surprise ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Oui. Oui. Il a dit ceci.

10 M. Greaves (interprétation). - Et c'est seulement vous qui avez

11 cru que peut-être il n'était pas surpris ?

12 Mme Cecez (interprétation). - C'est ce que je crois, mais peut-

13 être que l'homme ne savait rien. Je ne sais pas, mais il aurait dû le

14 savoir. Il aurait dû nous rendre visite pendant que nous étions dans le

15 camp.

16 M. Greaves (interprétation). - Il vous a aussi parlé de la fille

17 de 13 ans ?

18 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

19 M. Greaves (interprétation). - Et il vous a dit qu'il avait

20 essayé de faire cesser tout ce qui lui arrivait ?

21 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

22 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais maintenant vous

23 interroger sur votre libération le 31 août 1992. Est-ce que vous vous

24 souvenez de ce jour-là ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Oui, je m'en souviens. C'était un

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1 lundi.

2 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, je vais demander à

3 la Cour de vous montrer un court extrait de vidéo qui vient de la pièce à

4 conviction n° 1 de l'accusation.

5 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, cette

6 pièce n'a pas encore été montrée, donc elle n'a pas encore été versée au

7 dossier. Si la défense veut proposer cette pièce pour qu'elle soit versée

8 au dossier, nous n'avons pas d'objection.

9 M. Greaves (interprétation). - Je vous en suis très

10 reconnaissant.

11 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, vous pouvez aller de

12 l'avant. Vous pouvez la présenter maintenant comme pièce à conviction.

13 M. le Président (interprétation). - Comme pièce à conviction de

14 la défense alors ?

15 Mme McHenry (interprétation). - Oui, très bien.

16 (Diffusion de la vidéo.)

17 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais clarifier pour le

18 compte rendu. Il s'agit de la pièce à conviction M1.

19 M. Greaves (interprétation). - Oui, c'est M1. Je crois qu'il y a

20 quatre pièces à conviction : A, B, C et D. Mais nous ne savons pas

21 exactement s'il s'agit de A, de B, de C ou de D. Nous ne savons pas

22 l'identifier d'après la note.

23 M. le Président (interprétation). - Passons maintenant à l'image

24 que vous voulez voir.

25 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

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1 accorder quelques instants ?

2 M. le Président (interprétation). - - Vous voyez l'image

3 maintenant ?

4 M. Greaves (interprétation). - Je vois simplement un homme.

5 L'image que vous voyez, c'est l'homme qui apparaît sur la photo. Je

6 voudrais que vous nous disiez qui cela pourrait bien être.

7 Mme Cecez (interprétation). - Je vois cet homme, mais ne me

8 souviens pas qui il était.

9 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais simplement regarder le

10 film et, à la fin du film, s'il y a des gens que vous reconnaissez dans le

11 film, j'aimerais que vous nous le disiez à ce moment-là, s'il vous plaît.

12 (Diffusion de la vidéo, pièce M1.)

13 Mme Cecez (interprétation). - C'est le père de ma belle-soeur,

14 Milan. Milan Djoric*, de Bradina.

15 M. Greaves (interprétation). - L'homme à droite avec la

16 casquette bleue ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Non. Celui-là, c'est Milan.

18 L'homme en jaune. D'après ce que je vois, il s'agit de Milan Djoric*, de

19 Bradina. Je crois que c'est lui.

20 M. Greaves (interprétation). - Et l'homme à l'arrière-plan, qui

21 est-ce ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Je ne vois pas de qui il s'agit.

23 Je ne sais pas. Peut-être que je ne les connais pas. Mais celui-là, je le

24 connais. C'est un ami, je le connais.

25 M. Greaves (interprétation). - Est-ce qu'il y a quelqu'un

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1 d'autre que vous avez reconnu sur cette courte séquence ?

2 Mme Cecez (interprétation). - Non.

3 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup.

4 Maintenant, je voudrais passer à certains des récits que vous

5 avez faits en regard de cette procédure, Madame Cecez.

6 Est-ce que vous vous souvenez des fois où, en juin 1994, vous

7 avez été convoquée à un tribunal et où on vous a interrogée sur ces

8 questions ?

9 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

10 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que je pourrais vous

11 demander de regarder un document et d'identifier votre signature, s'il

12 vous plaît ?

13 (M. Greaves fait porter un document au témoin.)

14 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, prenez votre temps,

15 mais examinez ce document et regardez si vous voyez votre signature au bas

16 de chaque page.

17 Mme Cecez (interprétation). - C'est ma signature.

18 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Est-ce que vous

19 pourriez simplement lire la partie supérieure de la première page ?

20 M. le Président (interprétation). - Ce document n'est pas encore

21 versé au dossier.

22 M. Greaves (interprétation). - Je lui pose simplement cette

23 question pour lui rafraîchir la mémoire. Je n'en demande pas le versement

24 au dossier pour le moment.

25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

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1 M. Greaves (interprétation). - Je le présente au témoin

2 simplement pour lui rafraîchir la mémoire au sujet de sa signature et de

3 l'endroit où a été recueillie cette déclaration.

4 Mme Cecez (interprétation). - Ce document est signé, mais je ne

5 vois pas pourquoi il a été écrit que la déclaration a été recueillie à

6 Nevesinje, à moins qu'ils aient confondu avec Borci, mais je ne vois pas

7 pourquoi figure le nom de Nevesinje.

8 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais simplement établir

9 qu'il s'agit bien de sa signature, Monsieur le Président. Merci beaucoup,

10 Madame Cecez.

11 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas où vous

12 voulez en venir.

13 M. Greaves (interprétation). - Vous le saurez dans quelques

14 instants, Monsieur le Président. Merci beaucoup.

15 Madame Cecez, vous croyez que c'était ailleurs que vous vous

16 trouviez ce jour-là, n'est-ce pas ?

17 Mme Cecez (interprétation). - Je ne me souviens pas du jour,

18 mais je n'ai pas fait de déclaration et je n'ai jamais signé, à

19 l'exception de Borci. A Borci mais pas à Nevesinje.

20 M. Greaves (interprétation). - L'endroit où cela s'est passé n'a

21 peut-être pas d'importance. Mais quoi qu'il en soit, vous vous souvenez

22 avoir répondu à des questions il y a environ deux ans et demi ?

23 Mme Cecez (interprétation). - S'ils m'ont posé des questions,

24 j'ai probablement répondu, pour autant que je m'en souvienne.

25 M. Greaves (interprétation). - Et avant qu'on vous pose des

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1 questions, est-ce que vous vous souvenez de ceci ? L'on vous a averti que

2 vous aviez l'obligation de dire la vérité ?

3 Mme Cecez (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

4 M. Greaves (interprétation). - On vous a signalé l'obligation

5 dans laquelle vous vous trouviez de ne pas omettre de faits.

6 Mme Cecez (interprétation). - Je ne dissimule pas de faits. Je

7 dis la vérité, toujours, pour autant que je m'en souvienne.

8 M. Greaves (interprétation). - Et on vous a rappelé, à cette

9 occasion, qu'il était de votre devoir d'agir ainsi.

10 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je

11 soulève une objection. La question a été posée et une réponse a été

12 fournie.

13 M. Greaves (interprétation). - Je ne crois pas qu'elle a répondu

14 à la question.

15 Mme McHenry (interprétation). - Elle a dit non. La défense

16 demande si elle se souvenait de cette obligation. C'est une question

17 différente et une réponse différente que de dire "je dis toujours la

18 vérité.

19 M Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Je vais reposer la

20 question.

21 M. le Président (interprétation). - En fait, ici, l'objection

22 est différente. Elle ne se souvient pas avoir fait une déclaration à cet

23 endroit.

24 M. Greaves (interprétation). - Vous avez raison, Monsieur le

25 Président. En fait, elle a répondu à cette question et peut-être que

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1 j'exagère en demandant trop de détails. Je vous demande de m'en excuser.

2 Mais c'est vous qui avez signé au bas de ces pages,

3 madame Cecez ?

4 Mme Cecez (interprétation). - Oui.

5 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous accepteriez de

6 dire que dans ce récit que vous avez fait, vous avez dit à ce Tribunal que

7 pendant que vous étiez dans le camp "Pavo Mucic ne nous a pas rendus

8 visite et je ne l'ai vu que quelquefois".

9 Mme Cecez (interprétation). - Il n'est pas entré dans notre

10 salle. Seulement une fois, avec une petite fille, il est entré et il est

11 parti.

12 M. Greaves (interprétation). - Je suggère que vous ne l'avez vu

13 que quelquefois, parce qu'il n'est arrivé au camp qu'au début du mois

14 d'août 1992.

15 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que c'est une question ?

16 Mme Cecez (interprétation). - Il était là le premier soir.

17 M. Greaves (interprétation). - Madame Cecez, la question que je

18 vous posais est la suivante : il n'était pas là le premier soir, n'est-ce

19 pas ?

20 Mme Cecez (interprétation). - Dès que je suis arrivée, il est

21 venu ce même soir, le 27 mai.

22 M. Greaves (interprétation). - Dans le récit que vous avez fait,

23 en 1994, vous n'avez pas mentionné que Pavo Mucic était là le soir où vous

24 êtes arrivée au camp de Celebici, n'est-ce pas ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Il était là. Je suis certaine de

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1 cela. Il était là. Peut-être ai-je omis de le dire. Je ne sais pas

2 exactement ce que j'ai dit, mais je suis certaine qu'il était là.

3 M. Greaves (interprétation). - Et ce n'est qu'à partir de 1994

4 que vous avez dit qu'il était là ce premier soir ?

5 Mme Cecez (interprétation). - J'ai toujours dit qu'il était là,

6 et il était là. J'en suis absolument certaine.

7 M. Greaves (interprétation). - A aucun moment, il n'a été fait

8 mention de l'incident ayant trait à la mitrailleuse.

9 Mme McHenry (interprétation). - Est-ce que c'est une question

10 Monsieur le Président ? Je soulève une objection quant à sa formulation.

11 M. le Président (interprétation). - Je crois que c'est une

12 question.

13 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Avez-vous parlé à

14 quiconque de l'incident concernant la mitrailleuse ?

15 Mme Cecez (interprétation). - Peut-être. A ce moment-là je ne

16 m'en suis pas souvenue, mais quand j'ai rencontré des gens, mes enfants,

17 j'en parlais. Et peut-être qu'à cette occasion particulière, j'ai oublié

18 d'en parler. Je crois que c'est ce qui s'est passé. Il était là, il a

19 tiré.

20 M. Greaves (interprétation). - Vous suggérez que cet incident ne

21 s'est jamais produit ?

22 Mme Cecez (interprétation). - Cet incident s'est jamais produit.

23 M. Greaves (interprétation). - Et Pavo Mucic n'a certainement

24 jamais participé à ce type d'incident ?

25 Mme Cecez (interprétation). - Si, je l'ai vu de mes propres yeux

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1 et personne ne pourra me persuader du contraire.

2 M. Greaves (interprétation). - Ce que je vous suggère, c'est que

3 vous l'avez vu plus souvent après votre libération que pendant votre

4 séjour au camp.

5 Mme Cecez (interprétation). - Non, je l'ai vu au camp plus

6 souvent qu'après ma libération.

7 M. Greaves (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous aider

8 sur ce plan-là ? Est-ce que vous connaissez un homme qui s'appelle

9 Tarzan ?

10 Mme Cecez (interprétation). - Non, je ne le connais pas.

11 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup.

12 M. le Président (interprétation). - Est-ce la fin du contre

13 interrogatoire ?

14 M. Greaves (interprétation). - Oui, merci beaucoup.

15 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous avez des

16 questions supplémentaires ?

17 Mme McHenry (interprétation). - Non, Monsieur le Président

18 M. le Président (interprétation). - Le témoin peut maintenant se

19 retirer, à moins que vous n'ayez d'autres questions à poser.

20 Mme Cecez (interprétation). - Merci beaucoup de m'avoir écoutée

21 avec attention. Je vous en suis très reconnaissante. Merci beaucoup et au

22 revoir.

23 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres témoins ?

24 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, notre

25 prochain témoin est le témoin-expert de l'accusation, qui devait arriver à

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1 5 heures. Nous suggérons qu'elle commence à 9 heures demain matin. Je vous

2 propose cette solution, mais en principe, nous sommes prêts.

3 M. le Président (interprétation). - Est-ce que le témoin est

4 arrivé ?

5 M. Ostberg (interprétation). - Oui, le témoin est là.

6 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'elle peut

7 commencer aujourd'hui, idéalement. Nous avons 40 minutes devant nous.

8 J'aimerais qu'on fasse entrer le Docteur Calic.

9 M. Ostberg (interprétation). - Dans l'intervalle, Monsieur le

10 Président, je souhaite vous dire quelque chose à propos de M. Dickson*. En

11 effet, c'est lui qui va nous aider avec les documents qui appuieront

12 l'exposé du témoin-expert.

13 M. le Président (interprétation). - Veuillez faire prêter

14 serment au témoin.

15 Mme Calic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

16 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 M. le Président (interprétation). - Veuillez prendre place.

18 M. Ostberg (interprétation). - Puis-je procéder, Monsieur

19 le Président ?

20 M. le Président (interprétation). - Oui. Vous avez 35 minutes

21 devant vous.

22 M. Ostberg (interprétation). - Veuillez indiquer au Tribunal

23 votre nom complet ?

24 Mme Calic (interprétation). - Je m'appelle Marie-Janine Calic.

25 M. Ostberg (interprétation). - L'un des membres de la défense a

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1 mis en cause votre objectivité à cause de votre nom. A-t-il une

2 connotation slave ou serbe ?

3 Mme Calic (interprétation). - C'est le nom de mon père. Mon père

4 est née en Istrie qui fait partie aujourd'hui de la Croatie. Il a quitté

5 le pays avant la seconde guerre mondiale. Ma mère est allemande. Je suis

6 née en Allemagne. C'est là que j'ai été élevée. Je suis citoyenne

7 allemande.

8 M. Ostberg (interprétation). - Avez-vous des liens avec l'une

9 des parties du conflit yougoslave ?

10 Mme Calic (interprétation). - Non, je n'ai aucun lien que ce

11 soit. J'ai des contacts professionnels avec plusieurs républiques de l'ex-

12 Yougoslavie.

13 M. Ostberg (interprétation). - Est-ce que vous appartenez à une

14 confession de l'une des parties ?

15 Mme Calic (interprétation). - Je n'appartiens à aucune

16 confession.

17 M. Ostberg (interprétation). - Aucune ?

18 Mme Calic (interprétation). - Non, aucune.

19 M. Ostberg (interprétation). - Vous considérez-vous comme un

20 expert impartial et objectif dans votre domaine de spécialité ?

21 Mme Calic (interprétation). - Oui, en effet.

22 M. Ostberg (interprétation). - Voulez-vous dire quel est votre

23 métier actuellement ?

24 Mme Calic (interprétation). - Je travaille dans un institut de

25 rechercher sur les affaires internationales. C'est une espèce de centre de

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1 réflexion en Allemagne. C'est une fondation privée financée par le budget

2 de la République fédérale d'Allemagne, et nous faisons des études pour le

3 parlement et le gouvernement de l'Allemagne.

4 Je suis un expert qui se concentre sur les affaires d'Europe de

5 l'Est et je travaille là depuis 1992. Je m'attache surtout à tout ce qui

6 touche à l'ex-Yougoslavie.

7 M. Ostberg (interprétation). - Combien d'experts travaillent

8 dans cet institut ?

9 Mme Calic (interprétation). - Une cinquantaine.

10 M. Ostberg (interprétation). - Cinquante ?

11 Mme Calic (interprétation). - Oui.

12 M. Ostberg (interprétation). - J'ai ici un classeur qui a déjà

13 été montré à la défense et je voudrais aussi le montrer au Tribunal. Ce

14 classeur comprend 58 documents que je voudrais faire verser au dossier

15 comme pièces à conviction, une fois que j'aurai terminé l'interrogatoire

16 de Mme Calic.

17 Mme Calic va se fonder sur bon nombre de ces documents pour son

18 exposé. Pour autant que je sache, ces documents ne sont pas encore marqués

19 pour identification, et je crois que cela peut attendre jusqu'à ce qu'ils

20 soient versés au dossier.

21 Nous avons 3 classeurs pour les membres du Tribunal.

22 M. Jan (interprétation). - (Le juge a parlé sans micro).

23 (Les documents sont distribués).

24 M. Ostberg (interprétation). - Le premier document, Madame

25 Calic, qui se trouve dans ce classeur, est votre CV. Je ne vais pas le

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1 passer en revue avec vous. Je voudrais simplement vous poser quelques

2 questions sur votre curriculum-vitae. Quel est le titre de votre thèse de

3 doctorat ?

4 Mme Calic (interprétation). - L'histoire sociale de la Serbie au

5 XIXème siècle et dans la première partie du XXème siècle.

6 M. Ostberg (interprétation). - Combien avez-vous de publications

7 à votre actif (livres, articles) dans ce domaine de spécialité ?

8 Mme Calic (interprétation). - Une cinquantaine.

9 M. Ostberg (interprétation). - A quand remonte la première

10 publication et de quand date la dernière ?

11 Mme Calic (interprétation). - La première remonte à 1985 et la

12 dernière est toute récente, il y a quelques semaines.

13 M. Ostberg (interprétation). - Vous avez donc travaillé dans ce

14 domaine pendant une douzaine d'années ?

15 Mme Calic (interprétation). - Oui.

16 M. Ostberg (interprétation). - Quand avez-vous obtenu votre

17 doctorat ?

18 Mme Calic (interprétation). - En 1992.

19 M. Ostberg (interprétation). - Est-il vrai que vous avez été

20 invitée par le bureau du procureur à comparaître devant le Tribunal en

21 tant que témoin expert ?

22 Mme Calic (interprétation). - Oui, c'est vrai.

23 M. Ostberg (interprétation). - Comment avez-vous préparé votre

24 témoignage devant le Tribunal ?

25 Mme Calic (interprétation). - Je me suis fondée essentiellement

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1 sur des documents et des recherches que j'avais faites auparavant au cours

2 de ma carrière dans ce domaine, et j'ai aussi reçu des documents du bureau

3 du procureur qui comprenaient des documents venant eux-mêmes de la

4 défense.

5 M. Ostberg (interprétation). - Et quand avez-vous commencé à

6 préparer ce témoignage que vous allez faire ?

7 Mme Calic (interprétation). - A la fin de l'année dernière, en

8 décembre.

9 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, Mesdames

10 et Messieurs de la Cour, je vois que vous avez commencé à prendre

11 connaissance de ce classeur et des documents qui s'y trouvent. Je suis

12 convenu avec Mme Calic de passer en revue le rapport écrit et de faire en

13 sorte que Mme Calic présente les documents qui ont fondé sa recherche.

14 Madame Calic, pouvez-vous commencer votre témoignage en nous

15 exposant l'historique du conflit, en commençant par nous dire quelque

16 chose sur l'évolution politique et militaire et les structures politiques

17 et militaires en Bosnie-Herzégovine après 1990 ?

18 Mme Calic (interprétation). - Puis je commencer maintenant ?

19 M. Ostberg (interprétation). - Oui.

20 Mme Calic (interprétation). - Tout d'abord, je voudrais dire que

21 ce rapport que j'ai établi se fonde essentiellement sur mes recherches

22 personnelles. Mais je me suis aussi fondée sur les travaux d'autres

23 experts dans ce domaine, et j'ai utilisé des documents qui venaient de

24 l'ex-Yougoslavie. J'ai utilisé des rapports d'organisations

25 internationales et, comme je le disais auparavant, j'ai aussi utilisé des

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1 documents qui ont été mis à ma disposition par le Bureau du Procureur.

2 Je me suis surtout attachée dans ce rapport à certaines

3 questions, et je voudrais donc souligner qu'il ne s'agit pas d'un rapport

4 exhaustif sur tout ce qui se passait dans l'ex-Yougoslavie. J'ai

5 sélectionné certains domaines qui sont l'évolution politique et militaire

6 en Bosnie-Herzégovine après 1990 ainsi que les structures en place dans

7 les pays. Pour la deuxième partie...

8 M. Ostberg (interprétation). - Madame Calic, peut-être ne

9 devriez-vous pas parler aussi rapidement, car nous avons des interprètes.

10 C'est une matière très sérieuse que vous allez aborder. Donc je vous

11 demanderai de parler lentement.

12 Mme Calic (interprétation). - J'essaierai.

13 Je voudrais donc parler des principales forces militaires en

14 présence dans la République de Bosnie-Herzégovine en 1992. Je parlerai

15 ensuite des principales fonctions politiques, militaires et juridiques des

16 municipalités de l'ex-Yougoslavie, je parlerai des principales

17 caractéristiques de la municipalité de Konjic et j'essaierai aussi

18 d'expliquer l'évolution politique et militaire et les structures en place

19 dans la municipalité de Konjic en 1992.

20 Avant de ce faire et de parler du premier point, je voudrais

21 présenter une carte.

22 M. Ostberg (interprétation). - Je vous en prie.

23 Mme Calic (interprétation). - C'est le document n° 2 dans le

24 classeur, qui consiste en une carte de la Yougoslavie avant la guerre.

25 Dois-je la placer sur le rétroprojecteur ?

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1 M. Ostberg (interprétation). - Oui. Nous n'avons rien dans le

2 système informatique, et je crois qu'il faut donc placer ce document sur

3 le rétroprojecteur. Peut-on aider Mme Calic ?

4 (Intervention de l'huissier).

5 Mme Calic (interprétation). - Puis-je poursuivre ? La République

6 Socialiste Fédérative de Yougoslavie était composée de six Républiques :

7 la Slovénie, la Croatie, la Serbie, le Monténégro, la Macédoine...

8 M. Ostberg (interprétation). - Madame Calic, nous ne voyons pas

9 la carte. Vous la voyez mais nous ne la voyons pas. Vous voyez la maquette

10 sur votre écran. Est-ce qu'on peut faire en sorte qu'on voie la carte à

11 l'écran ? Je ne sais pas comment cela fonctionne.

12 (Intervention du technicien).

13 M. le Président (interprétation). - Est-ce que cette carte est à

14 la disposition de la défense ?

15 M. Ostberg (interprétation). - Oui. La défense dispose du même

16 classeur.

17 Mme McMurrey (interprétation). - Monsieur le Président,

18 l'accusation nous a tous donné le classeur que vous avez sur votre bureau,

19 mais comme il n'y a pas eu de pause entre les témoins, ces classeurs se

20 trouvent dans la salle de la défense et nous aimerions les avoir sous les

21 yeux maintenant pour pouvoir suivre l'exposé. Mais comme je le dis, ces

22 classeurs se trouvent dans la salle de la défense.

23 M. Ostberg (interprétation). - Pour l'instant, nous n'avons que

24 la carte à l'écran. Je pense qu'il est possible de continuer, si vous le

25 permettez, Monsieur le Président.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous

2 n'avons qu'une partie de la carte de la Yougoslavie. On ne voit pas la

3 Macédoine ni la Slovénie. Est-ce que nous pourrions avoir une carte de

4 l'ensemble de l'ex-Yougoslavie ?

5 M. Ostberg (interprétation). - C'est un pays qui a un nom

6 différent, maintenant.

7 Mme Calic (interprétation). - Si je pousse la carte, vous pouvez

8 voir la Macédoine d'un côté et la Slovénie de l'autre. C'est simplement un

9 petit problème technique. Ce n'est pas la carte en tant que telle qui pose

10 un problème.

11 Mme Residovic (interprétation). - Oui. C'est un problème

12 technique, mais c'est important.

13 M. Ostberg (interprétation). - Maintenant, vous la voyez

14 entière.

15 Mme Calic (interprétation). - Puis je poursuive ? Très bien. Six

16 Républiques, donc, avec la République de Bosnie-Herzégovine qui se trouve

17 au centre. La Fédération comprenait un ensemble complexe de groupes

18 ethniques sans qu'aucun groupe ne corresponde exactement à une République,

19 quelle qu'elle soit.

20 Beaucoup de gens croyaient que la Bosnie était le coeur de la

21 Yougoslavie, non seulement du fait de sa position géographique, mais aussi

22 parce qu'elle avait un peu la forme d'un coeur ainsi que du fait de sa

23 composition ethnique.

24 Je voudrais rapidement vous montrer le document n° 3. C'est une

25 carte qui montre la composition ethnique de la Yougoslavie en 1991.

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1 J'espère que nous n'aurons pas les mêmes problèmes avec l'écran.

2 M. Ostberg (interprétation). - Nous la voyons tout entière.

3 Merci.

4 Mme Calic (interprétation). - Il y avait environ 20 nations et

5 nationalités qui vivaient en Yougoslavie et en Bosnie. On retrouvait 20

6 nations et nationalités en Bosnie aussi.

7 Pour des raisons sociales, économiques, politiques et

8 constitutionnelles, la Yougoslavie a commencé à se dissoudre à la fin des

9 années 1980. Le 25 juin 1991, la Slovénie et la Croatie ont déclaré leur

10 indépendance. La Serbie et le Montenegro, par ailleurs, ainsi que de

11 nombreux Serbes qui vivaient en Croatie et en Bosnie ont dit qu'ils

12 voulaient préserver la Yougoslavie.

13 Tout de suite après les déclarations d'indépendance, le premier

14 conflit armé a éclaté entre les forces armées nouvellement créées de la

15 Slovénie et de la Croatie, d'une part, et l'armée fédérale ainsi que les

16 forces armées serbes, d'autre part. A la lumière de ces événements, la

17 situation générale en Bosnie a commencé à se détériorer très rapidement.

18 D'après le recensement de 1991, la population de la Bosnie-

19 Herzégovine s'élevait à 4 355 000 personnes et comptait 43,7 % de

20 Musulmans, 31,3 % de Serbes et 17 % de Croates. Beaucoup de parties de la

21 République étaient composites, ethniquement parlant.

22 Pour illustrer cela, voici un quatrième document, le document

23 n° 4.

24 La Bosnie, du fait de son caractère, était appelée "la petite

25 Yougoslavie". La Bosnie disait souvent qu'en fait, la Yougoslavie était

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1 une grande Bosnie.

2 Lors des première élections multipartites de novembre 1990

3 tenues en Bosnie-Herzégovine, les trois grands partis nationaux, le SDA,

4 le Parti d'Action Démocratique, dominé par les Musulmans, le SDS, le Parti

5 Démocratique Serbe, dominé par les Serbes, et le HDZ, parti dominé par les

6 Croates, ont remporté la majorité des sièges dans l'Assemblée nationale.

7 Il y avait en tout 41 partis...

8 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

9 Président. Je pense qu'elle fait référence au document n° 4, qui

10 n'apparaît pas à l'écran. Y a-t-il un document n° 4 que nous soyons censés

11 voir maintenant ?

12 Mme Calic (interprétation). - Il s'agit d'un diagramme montrant

13 le recensement démographique de 1991.

14 M. Ostberg (interprétation). - Il devrait apparaître à l'écran

15 si on le montre sur le rétroprojecteur. Il est très difficile de le lire à

16 l'écran. Est-il possible de l'agrandir ?

17 (Intervention technique).

18 Il est peut-être un peu trop agrandi maintenant...

19 Mme Calic (interprétation). - Vous voulez voir les résultats du

20 recensement ?

21 Mme McMurrey (interprétation). - Nous voulons simplement savoir

22 quel est le document sur lequel vous vous fondez, car il n'apparaissait

23 pas.

24 M. le Président (interprétation). - Vous n'avez pas vraiment

25 besoin de ce document.

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1 M. Ostberg (interprétation). - Pouvons-nous résumer ce document,

2 afin qu'il nous soit intelligible ?

3 Mme Calic (interprétation). - Oui. Il s'agit des chiffres du

4 recensement pour la Bosnie-Herzégovine, qui a été fait en 1991. Ces

5 chiffres viennent du recensement officiel de la Bosnie-Herzégovine. Ce que

6 je veux dire, c'est que la population s'élevait à 4 355 000 habitants,

7 dont 43,7 % de Musulmans, 31,3 % de Serbes et 17 % de Croates. Il y avait,

8 bien sûr, beaucoup d'autres nations et nationalités représentées, ce qui

9 ressorte du même document.

10 C'est tout ce que je voulais dire sur la base de ce document.

11 M. Ostberg (interprétation). - Sous la rubrique "total" ? Est-il

12 possible de déplacer le document pour qu'on voie les chiffres ?

13 Mme Calic (interprétation). - Quels chiffres ?

14 M. Ostberg (interprétation). - La composition de la population,

15 pour aider la défense.

16 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas pourquoi nous

17 perdons du temps sur ces questions qui sont tout à fait établies et de

18 notoriété publique.

19 M. Jan (interprétation). - On voit des mots et une cote

20 "HHR VAT 1", puis le mot "Musulman". Qu'est-ce que cela signifie ?

21 Mme Calic (interprétation). - C'est le mot "hrvati" que vous

22 voyez et qui veut dire "Croate".

23 M. Jan (interprétation). - Très bien. Je vais l'écrire pour ma

24 propre gouverne.

25 Mme Calic (interprétation). - J'ai déjà mentionné la première

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1 rédaction de l'élection de novembre 1990. Il y avait donc 41 partis, mais

2 seulement cinq d'entre eux étaient des partis plus importants, dont les

3 trois partis dominés par un groupe ethnique, à savoir le SDA, le HDZ et le

4 SDS. Ce sont ces trois partis qui ont obtenu la majorité des voix.

5 M. Ostberg (interprétation). - Voudriez-vous préciser une

6 chose ? Je crois que nous comprenons tous ce que représente ces trois

7 couleurs (vert, rouge et bleu), mais si nous en arrivons à "SKSDP", "SRSJ"

8 et "autres", c'est moins clair. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il

9 s'agit ?

10 Mme Calic (interprétation). - Oui, bien sûr. Le SKSDP est la

11 Ligue Communiste, l'ancien Parti Communiste, et le SRSJ est l'Alliance des

12 Forces pour la Réforme. Ces deux partis étaient des partis yougoslaves à

13 composition ethnique mixte, explicitement mixte. Mais ils ont perdu les

14 élections et, comme je le disais, la majorité des voix est allée aux trois

15 partis à orientation nationale.

16 M. Jan (interprétation). - Et en termes de sièges ?

17 Mme Calic (interprétation). - Il y avait 240 sièges.

18 M. Ostberg (interprétation). - Et en noir ?

19 Mme Calic (interprétation). - Il y avait 35 autres partis, mais

20 ils ont obtenu un nombre de voix si minime que cela ne valait même pas la

21 peine d'être mentionné. C'étaient des partis régionaux. Il y avait donc 35

22 partis.

23 Ce qui est important, c'est que les résultats des élections ont

24 plus ou moins reflété la composition ethnique de la population de la

25 Bosnie et que les trois grands partis se sont mis d'accord pour former un

Page 614

1 gouvernement de coalition. Chacun d'entre eux était représenté à la

2 présidence de l'Etat bosniaque, qui comprenait sept membres.

3 Le dirigeant musulman Alija Izetbejovic est devenu Président de

4 la République. Le Serbe Krajisnik a été désigné Président de l'Assemblée

5 nationale et le Croate Pelivan a été désigné Premier Ministre.

6 Les trois partis nationaux, cela étant, se sont retrouvés très

7 rapidement dans une impasse quant à deux questions très importantes. La

8 première de ces questions concernait le statut politique de la Bosnie :

9 est-ce que la Yougoslavie devait être dissoute et la Bosnie devait-elle

10 devenir un Etat indépendant ou fallait-il que d'autres Républiques fassent

11 sécession pour que la Yougoslavie se désintègre, se dissolve ?

12 L'autre question importante était la suivante : comment la

13 République de Bosnie, multi-ethnique, devait-elle être structurée sur le

14 plan constitutionnel ? Fallait-il constituer un Etat centralisé ou un Etat

15 fédéral ?

16 Ces deux questions, statut politique et structure

17 constitutionnelle future, étaient débattues entre les trois partisans pour

18 qu'une solution soit trouvée par les trois partis.

19 Pour ce qui est de la première question, celle de la

20 constitution, les Serbes et, ensuite, les dirigeants croates également

21 souhaitaient l'unification de leurs ressortissants avec les pays mères et

22 ont proposé la cantonisation de la République de Bosnie-Herzégovine,

23 c'est-à-dire le partage de la République en trois - voire davantage -

24 régions définies ethniquement, un peu sur le modèle suisse. C'est pourquoi

25 on a employé à l'époque le mot "cantonisation", qui est à l'ordre du jour.

Page 615

1 Les dirigeants musulmans, par ailleurs, ont voulu préserver la

2 Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat unifié multi-ethnique et unitaire, et

3 ce, bien sûr, pour plusieurs raisons, l'une étant la façon dont les

4 peuples de Yougoslavie s'étaient établis. La population musulmane était

5 concentrée dans les villes et pour eux, il leur était beaucoup plus

6 difficile de dessiner des cantons homogènes sur le plan ethnique, beaucoup

7 plus difficile pour les Croates qui étaient installés dans des zones plus

8 compactes le long de la frontière avec la Croatie. Mais les Serbes et les

9 Croates, par ailleurs, étaient aussi éparpillés dans toute la Bosnie. Il y

10 avait aussi beaucoup de mariages mixtes et de couples mixtes. C'était là

11 un autre problème. Sans compter le danger que l'Etat de Bosnie éclate

12 rapidement si la Constitution était basée sur des critères ethniques.

13 Le débat quant à la meilleure façon de reconstruire la

14 République de Bosnie à débouché sur un vide constitutionnel, un vide

15 juridique également en 1991. Et avec la guerre qui faisait rage en

16 Croatie, ce phénomène a accéléré la division de la société bosniaque selon

17 des lignes ethniques. Les trois partis mettant davantage l'accent sur les

18 critères ethniques dans la vie publique, ce qui a donné lieu, pas à pas, à

19 une polarisation ethnique qui s'est développée pratiquement dans

20 l'ensemble de la société, à savoir dans les médias, dans le système

21 éducatif et également au niveau des forces de sécurité. Mais je reviendrai

22 sur ce dernier critère ultérieurement.

23 Dans ce contexte, la question de savoir si la Bosnie devait ou

24 non devenir indépendante a été posée. La Croatie et la Slovénie avait

25 proposé à la fin de l'année 1990 de transformer la Yougoslavie en une

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1 Confédération d'Etats quasi indépendants, et donc de ne conserver que des

2 institutions confédérales très faibles. La Serbie s'est opposée à ce

3 projet alors que la Bosnie et la Macédoine ont présenté un autre plan, un

4 plan de compromis qui a été présenté en juin 1991 et qui a été rejeté par

5 les autres partis.

6 Suite à l'éclatement de la guerre en Croatie au cours de l'été

7 1991, le SDA, ainsi que le HDS, ont commencé à se dire favorables à

8 l'indépendance.

9 La direction des Serbes de Bosnie, par ailleurs, étaient opposés

10 à l'indépendance et avaient déjà pris des mesures pour constituer des

11 zones autonomes possédant des Etats quasiment indépendants. En septembre

12 1991, certaines de ces zones furent déclarées régions autonomes serbes.

13 La crise a atteint son point culminant en octobre 1991, date à

14 laquelle les députés croates et musulmans ont déclaré la souveraineté

15 bosniaque. Cela s'est passé le 14 octobre 1991, date à laquelle les

16 Serbes, eux, ont déclaré leur opposition à l'indépendance.

17 Afin d'illustrer ce débat sur l'avenir de la Bosnie, j'ai fait

18 figurer dans le classeur le document n° 6 qui provient de la Commission

19 européenne. Il s'agit de l'avis n° 1 de la Commission d'arbitrage mise en

20 place par la Communauté européenne.

21 Peut-on le voir à l'écran ?

22 M. Ostberg (interprétation). - C'est le document qui a pour

23 titre le n° 137 ?

24 Mme Calic (interprétation). - Oui, il s'agit de l'avis n° 1 de

25 la Commission d'arbitrage mise en place par la Conférence pour la paix en

Page 617

1 Yougoslavie. Cette Conférence pour la paix a été créée en septembre 1991

2 et la Commission d'arbitrage, dénommée habituellement Commission Badinter,

3 a été créée à la même date. Il s'agit donc de l'avis n° 1 de la Commission

4 Badinter. Je ne sais pas si vous pouvez lire le contenu de ce document à

5 l'écran ?

6 M. Ostberg (interprétation). - Oui, je crois que c'est lisible.

7 Mme Calic (interprétation). - Pour moi, il est lisible. Et pour

8 vous ?

9 M. Ostberg (interprétation). - Oui, oui. Le document est lisible

10 sur l'écran pour ceux qui n'en possède pas une version entre les mains. Le

11 document se trouve dans le classeur, mais pour les personnes qui n'ont pas

12 ce classeur entre les mains, car celui-ci se trouve à un autre endroit

13 dans le bâtiment, je crois que ces personnes peuvent suivre sur l'écran.

14 Mme Calic (interprétation). - Donc la Communauté européenne, à

15 l'époque, admettait que le débat portant sur un certain nombre de

16 questions juridiques de grande importance était fondamental. L'arbitrage,

17 en général, est une tentative de régler un problème.

18 M. Ostberg (interprétation). - Qui a créé cette Commission

19 d'arbitrage ?

20 Mme Calic (interprétation). - Les Communautés européennes ont

21 mis en place une Conférence pour la paix en septembre 1991 dont l'objectif

22 consistait à servir de médiateur entre les parties belligérantes, c'est-à-

23 dire entre les dirigeants des anciennes républiques.

24 De nombreuses activités ont eu lieu dans le cadre de cette

25 conférence et l'une d'entre elles a consisté à créer la Commission

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1 d'arbitrage dont je viens de parler, Commission d'arbitrage qui a émis un

2 certain nombre d'avis. Vous voyez le premier avis de cette Commission

3 d'arbitrage ici, mais je vous en montrerai d'autres ultérieurement qui

4 serviront d'illustrations d'un certain nombre d'événements dont j'entends

5 parler.

6 Mais cet avis n° 1 permet de prouver à quel point la Communauté

7 européenne était sérieuse et préoccupée également au sujet des événements

8 qui avaient cours sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

9 Cet avis stipule que la Serbie considère que les Républiques qui

10 avaient l'intention de se déclarer indépendantes, souveraines, ou qui

11 l'avaient déjà fait allaient faire sécession de la RSFY qui, dans le cas

12 contraire, aurait pu continuer d'exister.

13 D'autres Républiques du pays considèrent qu'il n'est pas

14 question là d'un problème de sécession, mais d'un problème de

15 désintégration, d'un problème d'éclatement de la RSFY sous l'effet de la

16 volonté conjointe d'un certain nombre de Républiques.

17 M. Ostberg (interprétation). - Puis-je me permettre de vous

18 interrompre ? La question a été posée par le juge Vorod* de savoir qui

19 avait mis en place cette commission d'arbitrage. Est-ce que la Commission

20 d'arbitrage a été créée par la conférence mise en place pour statuer sur

21 la Yougoslavie qui siégeait ici à La Haye, si je ne m'abuse ?

22 Mme Calic (interprétation). - Oui, effectivement.

23 M. Ostberg (interprétation). - Et l'avis a été rendu en novembre

24 1991 ?

25 Mme Calic (interprétation). - Oui.

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1 M. Ostberg (interprétation). - Donc la conférence en question a

2 pris la décision de créer la Commission d'arbitrage ? Quelle était la

3 dimension de cette Commission d'arbitrage ?

4 Mme Calic (interprétation). - Elle comportait cinq membres.

5 M. Ostberg (interprétation). - Cinq membres ? Et elle portait le

6 nom de "Badinter" ?

7 Mme Calic (interprétation). - Le nom officiel était "Commission

8 d'arbitrage de la Conférence pour la paix dans l'ex-Yougoslavie", mais

9 cette commission était connue sous le nom de Commission Badinter. Donc si

10 vous faites référence à la Commission Badinter, vous vous faites

11 comprendre par un nombre de gens plus important que si vous parlez de la

12 Commission d'arbitrage.

13 Voilà quel était l'essence même de l'origine du conflit, conflit

14 qui portait sur des divergences d'opinions importantes quant à la façon

15 dont les diverses Républiques de l'ex-Yougoslavie devraient aborder

16 l'avenir de ce pays.

17 Les Serbes ont continué à contester la légitimité de la

18 déclaration de souveraineté émanant des députés croates et musulmans du

19 Parlement. Ils ont quitté le Parlement de Bosnie en novembre 1991, mais

20 également un certain nombre d'institutions étatiques et ont créé leur

21 propre Parlement : l'Assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.

22 Le 24 octobre 1991, les Serbes ont pris une décision au nom du

23 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, décision consistant à demeurer au sein

24 de l'Etat commun de Yougoslavie. Cela est illustré par mon document n° 7.

25 M. Jan (interprétation). - Il n'y a pas de traduction de ce

Page 620

1 document ?

2 M. Ostberg (interprétation). - Si. Il en existe une traduction.

3 Mme Calic (interprétation). - Le document n° 8.

4 M. Ostberg (interprétation). - Le document n° 7, dernière page.

5 Mme Calic (interprétation). - Donc le document n° 7 vous fourni

6 la décision consistant à demeurer au sein d'un Etat conjoint de

7 Yougoslavie. Le même jour, les Serbes ont également pris la décision de

8 créer une sorte de représentation officielle, une espèce de gouvernement.

9 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous pourrions

10 suspendre l'audience à ce stade et nous reprendrons demain matin, à

11 10 heures 30.

12 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le président, j'ai une

13 question d'ordre à poser à la Chambre. La Chambre pourrait-elle donner son

14 accord à ce que les documents du classeur soient enregistrés pour

15 identification en tant que pièces à conviction nos 6 à 63 ? Je parle

16 uniquement de l'enregistrement de ces documents afin que nous en ayons une

17 trace. Donc de 6 à 63. Merci.

18 M. le Président (interprétation). - La Chambre d'instance

19 suspend ses travaux et les reprendra demain à 10 heures 30.

20 L'audience est levée à 17 heures 25.

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