Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Mercredi 28 mai 1997

5 Audience publique

6 L'audience est ouverte à 10 heures 15.

7

8 M. le Président (interprétation). - Mesdames, messieurs

9 bonjour.

10 Je suis content que nous nous retrouvions aujourd'hui. Je crois

11 que nous avons de très bonnes nouvelles qui nous attendent.

12 Nous avions décidé de suspendre nos travaux jusqu'à la journée

13 d'aujourd'hui de façon à être en mesure de vous faire un rapport suite aux

14 résultats obtenus dans l'enquête que nous avons demandée à notre Président

15 du Tribunal, face à la plainte déposée par le Procureur du fait d'une

16 fuite de la liste des témoins à charge, y compris des témoins protégés,

17 ayant été divulguée.

18 M. Ostberg (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je

19 préciser que nous sommes désormais en audience publique. J'espère que vous

20 ne l'oubliez pas.

21 M. le Président (interprétation). - Je ne l'avais pas oublié. A

22 la suite de la décision rendue par la Chambre de première instance, nous

23 avons renvoyé la plainte au Président du Tribunal, afin qu'il mène une

24 enquête.

25 Ce faisant, nous avons demandé que l'enquête porte sur les

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1 circonstances qui ont entouré la fuite de cette information, plus

2 exactement de cette liste de témoins.

3 Il était aussi demandé que soit tranchée la question de la

4 responsabilité et, le cas échéant, de tout conseil comparaissant dans le

5 procès Celebici et aussi de toute personne ayant des liens quelconques

6 avec l'affaire.

7 Autre demande formulée, c'est qu'une décision soit prise quant à

8 l'effet qu'a cette fuite sur la procédure en cours.

9 Un rapport a été diffusé à tous les conseils, ainsi qu'au bureau

10 du Procureur. Je suppose que vous avez tous désormais un exemplaire de ce

11 rapport.

12 Je ne veux pas vous imposer la lecture du rapport tout entier.

13 Il y a quelques parties saillantes, notamment le paragraphe 7 qui conclut

14 ceci. Ce sont bien sûr les conclusions tirées par le Président évoquées au

15 paragraphe 7 avec deux alinéas, A et B.

16 Le premier alinéa dit sans aucune ambiguïté que rien ne vient

17 prouver que les conseils de la défense, Residovic et O'Sullivan, se soient

18 méconduits. Il n'y a donc aucune preuve apportée d'une quelconque

19 méconduite.

20 Alinéa B, s'agissant de l'accusé Zejnil Delalic, il semblerait

21 probable que l'accusé Delalic a accordé une interview par téléphone au

22 magazine "Slobona Hercegovina". Cet interview a été publié dans le

23 magazine paru le 15 avril 1997.

24 Il semblerait qu'au cours de cette interview, l'accusé Delalic

25 ait mentionné le nom d'au moins un témoin, nom qui figure dans la liste

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1 des témoins à charge et qui faisait l'objet d'une ordonnance de non

2 divulgation. Il semblerait donc que l'accusé Delalic a peut-être agi en

3 commettant outrage pour non-exécution de l'ordonnance de non divulgation.

4 A cet égard, le Procureur a peut-être souhaité qu'il y ait une

5 examen de la question pour voir s'il était approprié de lancer une

6 procédure contre M. Delalic pour outrage au Tribunal, conformément à

7 l'article 77C du Règlement de procédure et de preuve.

8 Aliéna C, s'agissant de l'auteur des articles en question,

9 M. Tahir Pervan et du rédacteur en chef du magazine en question, il est à

10 regretter que mes enquêtes n'aient pas vraiment abouti.

11 Ce sont donc là les conclusions tirées par le Président du

12 Tribunal.

13 Pour ce qui est de la Chambre de première instance, tous ceux

14 qui participent à la procédure semblent avoir été blanchis de tous doutes

15 et je pense que nous pourrons poursuivre nos travaux dans la sérénité qui

16 a toujours été la nôtre. Je l'ai dit d'entrée de jeu et je crois que ceci

17 a été corroboré par l'enquête.

18 Nous avons toujours eu la plus grande estime pour l'intégrité,

19 la compétence professionnelle et le dévouement, l'engagement des conseils

20 à cette affaire.

21 Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour que justice soit

22 rendue en cette Chambre de première instance. Je crois qu'ici, notre

23 intime conviction a été une fois de plus renforcée. Je pense que c'est

24 tout ce que nous aurons à dire à la suite de l'enquête menée.

25 M. Morrison (interprétation). - Monsieur le président, aurais-

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1 je la possibilité de vous adresser la parole ? J'ai été désigné par

2 M. Delalic pour évoquer précisément cette question d'éventuel outrage au

3 Tribunal. J'ai été prié d'intervenir parce qu'il semblait y avoir un

4 conflit d'intérêt entre M. Delalic et ses défendeurs.

5 Vous l'avez dit, dans vos remarques liminaires, l'idée était de

6 régler la question, que cette dernière soit tranchée. Je me ferai l'écho

7 de vos observations s'agissant de l'application éventuelle des conseils de

8 la défense de M. Delalic. C'est peut-être là une décision et il ne

9 m'appartient pas de le dire, mais je pense que malheureusement il reste un

10 problème, à savoir que la question n'a pas été réglée en ce qui concerne

11 M. Delalic. Quand on dit "régler une question", il s'agit bien de

12 trancher.

13 (Le micro de M. Morrison est débranché, puis rétabli.)

14 Merci de m'avoir prêté secours.

15 Parce qu'une décision présuppose qu'une question a été réglée.

16 Mais en l'occurrence, la question principale était de savoir s'il y avait

17 eu effectivement outrage à ce Tribunal, s'agissant de la publication

18 d'informations ou de noms qui n'auraient pas dû être publiés en vertu du

19 règlement.

20 Où en sommes-nous à cet égard ? Monsieur Delalic se trouve dans

21 la même position que celle où il se trouvait quand la question a été

22 soulevée pour la première fois, il y a une semaine. Nous ne savons

23 toujours pas s'il est éventuellement passible de poursuites pour outrage

24 ou si cette question peut trouver une solution.

25 A cet égard, la seule solution ne peut provenir que de

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1 l'accumulation d'éléments preuve qui soient présentés en respectant le

2 règlement du Tribunal, c'est-à-dire qu'il faudrait entendre des témoins,

3 les interviewer de façon verbale et que ceci soit repris et enregistré,

4 puis que cela soit présenté à la défense. Elle pourrait alors mener son

5 enquête, tout comme se font toutes les enquêtes devant ce Tribunal.

6 Pourtant, cela n'a toujours pas été obtenu.

7 En revanche, le Président a invité le Procureur à se demander

8 s'il avait vraiment l'intention de poursuivre sur sa lancée.

9 Permettez-moi de citer le 7B. Ce que le Tribunal a fait, c'est

10 inférer, des informations figurant dans cet article, des conclusions qu'on

11 aurait pu tirer il y a une semaine. C'était la seule option ouverte au

12 Président puisque de fait, il n'y a aucun élément de preuve qui aille plus

13 loin que le seul article.

14 Ceci est démontré insuffisant par les termes qu'il a employé au

15 7B. S'agissant de l'accusé Zejnil Delalic "il semblerait probable qu'il a

16 accordé une interview téléphonique" et les premiers termes de la première

17 phrase au début de la page 4 sont : "il semblerait qu'au cours de

18 l'interview...", puis quatre lignes plus loin "il semblerait...", de

19 nouveau et toujours à la même ligne "aurait peut-être agi de façon à ou de

20 telle sorte qu'il a commis outrage." Je poursuis : "le procureur

21 pourrait..."

22 Voilà autant de conditionnels : il se pourrait, il apparaîtrait,

23 il semblerait dire qu'il n'y a eu aucune décision sous quelque forme que

24 ce soit, la question reste entièrement ouverte.

25 A mon humble avis, voici en quoi tient le problème. Si on essaie

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1 de poursuivre le procès sans avoir pris de décision relative à cette

2 question de l'outrage -et c'était bien l'objet de l'exercice il y a une

3 semaine- tout élément de preuve apporté désormais par le Procureur va être

4 entaché d'un soupçon, le soupçon demeurant que M. Delalic a quelque chose

5 à voir avec un outrage essentiel qui va au coeur même des moyens de

6 preuve.

7 Ce n'est pas quelque chose de périphérique, de marginal.

8 Parfois s'il y a un excès de la part du témoin ou si quelqu'un

9 se lève dans la galerie du public, il s'agit d'outrage public.

10 Là, il s'agit d'allégations fondamentales, d'outrages qui vont

11 au cœur même de l'espèce et qui mettent en doute la probité de tout

12 élément de preuve apporté. Ceci pour ce qui est des éléments à charge.

13 C'est encore plus grave s'agissant des éléments des témoins à

14 décharge que mon client ou d'autres clients peuvent peut-être demander à

15 citer.

16 En effet, l'ensemble de ces moyens de preuve vont eux aussi être

17 entachés de soupçons tant que l'on n'aura pas décidé, d'une façon ou d'une

18 autre, de dire que ces éléments de preuve sont nuancés ou, en fait,

19 entachés, eux aussi, d'une nuance, d'un soupçon d'outrage au Tribunal.

20 Nous estimons qu'il ne serait pas possible pour ce Tribunal,

21 tout comme pour toute autre juridiction, qu'effectivement les éléments de

22 preuve ne seraient pas recevables parce qu'il y aurait toujours cette

23 absence de justice.

24 Il ne suffit pas que la justice soit rendue. Il faut aussi que

25 l'on ait l'impression qu’elle le soit.

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1 Permettez-moi de faire une analogie. S'il s'agissait d'un procès

2 avec jury où, en fait, les juges s'intéressent uniquement au droit alors

3 que le jury s'intéresse aux faits, la question de l'outrage éventuel ne

4 serait pas laissée aux soins du jury, mais bien au juge.

5 Pourquoi ? Pour les raisons que je viens d'évoquer, parce que

6 les faits seraient dévastateurs de telles questions sur la façon qu'aura

7 le jury de voir les éléments de preuve.

8 Dans ce Tribunal, en matière de faits et de procédure, c'est le

9 Tribunal qui est compétent. Mais, si tel est le cas, il faut faire tout ce

10 qui est possible pour assurer la meilleure équité en procédure pour les

11 accusés et les co-accusés, de telle façon que tous soupçons que pourrait

12 avoir le Tribunal soit écarté au moment où il examine les questions

13 principales visées à l'acte d'accusation, pour que toutes ces questions

14 périphériques soient laissées de côté.

15 Il est possible de le faire en l'espèce. Comment ? Voici ce que

16 je vous propose.

17 Le Président du Tribunal a invité le Procureur à examiner ce

18 qu'il avait à dire pour voir si le Procureur veut poursuivre cette

19 procédure d'outrage au Tribunal. Le Procureur peut le faire en rassemblant

20 des éléments de preuve qui relèveraient du Règlement de preuve de ce

21 Tribunal.

22 Effectivement, on peut interroger des personnes en enregistrant

23 leurs propos et voir quel est le poids des éléments de preuve. Pour le

24 moment, nous n'avons que des supputations. Il faut que le Procureur

25 rassemble des éléments de preuve pour pouvoir se dire, de même qu'au reste

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1 du Tribunal, que le Procureur détiendrait des éléments de preuve vraiment

2 très probants et qu'il est donc adéquat de poursuivre cette personne.

3 Ici, je ne peux vous parler que de mon expérience. Je ne peux

4 vous parler que de mon expérience, mais en Angleterre, le Ministère Public

5 ne poursuit une affaire que s'il y a au moins 50 % de chance d'avoir une

6 condamnation. Ceci est tout à fait normal. Mais il n'est possible de le

7 faire que si l’on a vraiment des éléments de preuve à l'appui.

8 Le Procureur est désormais en mesure d’avoir une procédure avec

9 un enquêteur indépendant qui détient tous les pouvoirs relevant du

10 règlement permettant d'accumuler ces éléments de preuve et qu’il faudrait,

11 à ce moment-là, présenter au Tribunal.

12 Je le dis avec le plus profond respect. Il est peut-être utile

13 qu'en fait, le Président n'ait pas réussi à accumuler les éléments qui

14 puissent être considérés comme des éléments de preuve.

15 Si cela avait été le cas, il aurait été dans une position peu

16 enviable. Il aurait peut-être dû être cité, à ce moment-là comme témoin

17 devant ce Tribunal, ce qui aurait rendu la situation assez difficile. Il

18 est quand même de loin préférable d'avoir un enquêteur indépendant qui

19 pourrait à ce moment-là devenir, ce qu'il sera sans doute, témoin

20 lorsqu’il faudra étudier la question à l'audience sans qu'il y ait

21 vraiment cette difficulté très embarrassante, à savoir que le Président

22 lui-même du Tribunal soit cité comme témoin.

23 Dans ma plaidoirie finale, je dis qu’en l'espèce M. Delalic,

24 l'accusé, ne peut pas voir poursuivre le procès contre lui, tout en

25 sentant que le Tribunal n'est pas en mesure de faire la distinction ou

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1 soit vraiment assuré que le procès peut se poursuivre de façon

2 indépendante de l'enquête.

3 Je crois que ces questions, faisant l'objet de l'acte

4 d'accusation, doivent être étudiées de façon isolée pour avoir toute la

5 sérénité nécessaire pour bien apprécier les éléments de preuve. Tout ceci

6 bien sûr dans l'intérêt du Procureur, parce que ceci, le temps s'écoulant,

7 pourrait représenter une procédure des plus onéreuses et des plus longues.

8 Nous ne voulons pas créer de problèmes, nous voulons les éviter.

9 Je vous remercie Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup,

11 Maître Morrison.

12 Je vous sais gré d'avoir fait part de cette position, de votre

13 façon de voir le cours ultérieur des choses.

14 Je suppose, à cet égard, qu'en fait les atouts sont entre les

15 mains de l'accusation parce qu'elle a simplement demandé de voir s'il y

16 avait suffisamment d'éléments de preuve pour lancer une enquête visant

17 éventuellement à établir outrage au Tribunal.

18 En effet, il faut d'abord se faire une intime conviction de la

19 nécessité de l'opportunité de demander une telle chose et c'est seulement

20 dans ce sens que l'accusation aurait relevé l'invitation lancée par le

21 Président à son égard.

22 Nous allons peut-être entendre ce que l'accusation a à nous

23 dire. Elle nous fera peut-être part de ses intentions.

24 M. Morrison (interprétation). - Merci de cette réponse Monsieur

25 le Président.

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1 Je crois que notre position et claire. L'accusation a été

2 invitée, dès maintenant, à prendre une décision. Elle doit le faire.

3 Ce n'est pas le Tribunal qui doit la prendre, maintenant, mais

4 bien l'accusation. Le problème fondamental subsiste.

5 Je demande à l'accusation d'agir dans les meilleurs délais et je

6 comprends parfaitement.

7 Vous savez au barreau anglais, nous accusons autant que nous

8 défendons et j'accuse plus que je ne défends. Je suis conscient des

9 difficultés que connaît l'accusation, mais voilà à quoi revient la

10 position.

11 Une décision ne pourra être prise qu'au vu d'éléments de preuve

12 et au vu du rapport de M. le Président. Il semble, en fait, que la réalité

13 soit très nettement circonscrite.

14 Le Président a mentionné quelqu'un au paragraphe 6, le nom du

15 journaliste est cité ainsi que celui du rédacteur en chef.

16 J'ai le sentiment, qu'en agissant avec suffisamment de diligence

17 et d'enthousiasme, on pourrait, en l'espace d'une journée ou deux,

18 enquêter sur cette question puisque M. le Président a réussi à retrouver

19 cette personne.

20 Si cette personne avait vraiment voulu déposer, le Président

21 aurait pu l'entendre. Mais peut-être l'accusation se trouve-t-elle dans

22 une situation meilleure que le M. le Président. L’accusation peut, elle,

23 désigner un enquêteur et ceci peut se faire très rapidement. On pourrait

24 trouver une solution à la question en très peu de jours.

25 Pour autant que la conclusion soit que l'accusation ne va pas

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1 poursuivre ses allégations d'outrage au Tribunal, cela voudrait dire que

2 le Tribunal pourrait revenir à sa tâche essentielle à savoir l'examen de

3 l'acte d'accusation.

4 Si toutefois, l'accusation estime, au vu de tous les éléments,

5 qu'il faut poursuivre, là, à l’évidence, la question se pose de savoir

6 s'il faut régler cette question, comme je l’ai suggéré, avant que le

7 procès ne recommence.

8 M le Président (interprétation). - Je vous remercie.

9 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs de la

10 Cour, j'aimerais évoquer deux questions liées au rapport que vient de

11 soumettre le Président du Tribunal.

12 Tout d'abord, je tiens à remercier tant la Chambre que le

13 Président d'avoir vraiment tenté de trouver une solution très rapide à un

14 problème très complexe, une question dont a été saisie de façon inattendue

15 la Chambre.

16 J'ai pu examiner le rapport du Tribunal et le paragraphe 7 en

17 particulier. Permettez-moi dès lors de dire deux choses.

18 Au paragraphe 7, le Président a fait part de ses conclusions

19 personnelles liées, bien sûr, au fait qu'il est en mesure d'établir au

20 cours de l'enquête qu'il a menée.

21 Je suis satisfaite et reconnaissante à cette Chambre d'avoir

22 pris la position qu'elle a prise s'agissant de M. Delalic et, plus

23 exactement, de ses conseils.

24 Nous vous savons gré de vouloir bien reconnaître la volonté

25 qu'ont ces conseils de continuer à défendre équitablement leurs clients.

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1 Mais malheureusement, nous n'avons pas beaucoup progressé par rapport à la

2 dernière audience de la Chambre de première instance.

3 Les conclusions personnelles du Tribunal reprises dans le

4 rapport du Président relatives à l’enquête menée, pour autant que je

5 connaisse un peu le règlement du Tribunal, ne constituent pas une base

6 sérieuse permettant d'exclure la possibilité de poursuite pour les

7 conseils de la défense, puisque ce pouvoir reste du privilège de

8 l'accusation.

9 J'aimerais vous rappeler les questions qui ont été évoquées par

10 le Procureur.

11 Ici, je fais référence au compte rendu d'audience français,

12 page 1731, ligne 31, où il a été dit devant cette Chambre que, "en toute

13 probabilité", puisque c'était la façon dont on voyait les choses à

14 l'époque, "le conseil ou un des conseils de la défense était impliqué dans

15 cette affaire". C'est ce qui était dit au compte rendu d'audience.

16 Quel est le traitement à accorder aux conseils de la défense ?

17 C’était bien une question posée, mais qui n'a pas trouvé de solution.

18 C'est normal, dans le rapport du Président, puisqu'il incombe à

19 l'accusation de préciser tout ceci.

20 S'agissant de faits futurs ou existant, qui apparaîtront peut-

21 être au cours de l’enquête menée par l'accusation, l’accusation ne nous a

22 rien dit à ce propos.

23 Nous estimons, dès lors, que la position affectant les conseils

24 de la défense, a fortiori celle de l’accusé, n'a pas bougé ou n’a pas

25 évolué. Dès lors, je pense que le paragraphe 7 n'est pas tout à fait sans

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1 équivoque.

2 Pour pouvoir poursuivre la procédure ou pour éviter d'éventuels

3 conflits d'intérêt, notre avis ne change pas par rapport à ce que nous

4 avons déjà dit à la dernière audience.

5 Il y a aussi une autre question et ceci concerne notre client.

6 Madame et Messieurs les juges, Me O'Sullivan et moi-même sommes

7 ici aux seules fins de défendre les intérêts de notre client. Loin de nous

8 l'idée de le mettre, lui, dans une position qui pourrait compromettre ses

9 intérêts en cette procédure ou dans d'autres procédures.

10 Par conséquent, si on réglait, une fois pour toutes la question

11 des conseils à sa défense, nous pourrions en toute honorabilité nous poser

12 la question, comme l'évoquait notre confrère Me Morrison, de savoir si la

13 poursuite de la procédure va peut-être léser l'intérêt de M. Delalic dans

14 d'autres procédures.

15 J'aimerais donc demander à la Chambre de première instance de

16 demander à l’accusation de régler l'intégralité de ce problème, car il

17 n’est pas possible d’avoir, sinon, un procès équitable pour notre client.

18 M. le Président - Merci, Madame Residovic.

19 M. Moran (interprétation). - Pour commencer, je voudrais dire

20 clairement que je n'ai rien à reprocher à M. Delalic.

21 Je voudrais simplement présenter une décision signée par le

22 greffe, datée du 23, qui m'a été remise aujourd'hui.

23 Je m'inquiète surtout du préjudice que pourrait encourir mon

24 client et je voudrais présenter cette décision aux fins de la présente

25 affaire.

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1 J'ai reçu cette décision, il y a tout juste une heure, mais je

2 crains que les conséquences de cette affaire ne retombent notamment sur

3 mon client.

4 Le greffe constate qu'il y a des raisons de croire que mon

5 client, M. Landzo et M. Mucic, risquent d'intimider les témoins ou de

6 perturber de toute autre manière le bon fonctionnement du Centre de

7 détention, et je pense que cela découle des mêmes allégations.

8 Or, je n'ai entendu personne dire que mon client participe à

9 cela et je suis très intrigué par ces conclusions du greffe.

10 Je ne suis pas préoccupé par le fait que les appels

11 téléphoniques de mon client soient écoutés, cela ne m'inquiète pas. Mais,

12 je m'inquiète de voir dressé un tableau aussi global, alors qu'il n'y a

13 pas de raison de croire que mon client ait fait quoi que ce soit.

14 Je voudrais que cette question soit réglée de sorte que Hazim

15 Delic ne subisse pas de préjudices du fait des conséquences de toute cette

16 affaire.

17 Merci.

18 M. le Président (interprétation). - Il s'agit d'une décision

19 administrative.

20 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement.

21 M. le Président - Je crois qu'il faut alors passer par le

22 Président et non pas aborder cette question directement devant la Chambre

23 de première instance.

24 M. Moran (interprétation). - Je ne demande pas à la Chambre de

25 première instance de faire quoi que ce soit. Je souligne simplement que le

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1 greffier, que j'admire énormément, a sans doute de bonne foi tiré des

2 conclusions dont les conséquences risquent de nuire à mon client. Cela

3 m'embarrasse énormément. Je voudrais que l'on règle la question et que le

4 greffier nous dise. Hazim Delic a peut-être déjà fait beaucoup de choses

5 dans sa vie, mais pas cela.

6 M. le Président - Merci. L'accusation veut-elle intervenir ?

7 M. Ostberg (interprétation). - Oui, pour répondre à Me Moran.

8 Il s'agit d'une décision administrative dont nous avons traité

9 dans le cadre de l'audience article 64 de ce matin. Je ne crois pas que la

10 Chambre de première instance doive s'inquiéter de cette décision.

11 Pour ce qui est de la question principale qui a été abordée,

12 comme tout le monde j'ai reçu le rapport du Président, notamment le

13 paragraphe 7A qui traite de Mme Residovic et de Me O'Sullivan et qui les

14 exonère de toute responsabilité. Je n'ai rien à y ajouter.

15 Je dirai simplement que, pour notre part, nous sommes prêts à

16 poursuivre le procès.

17 Dans le système d'où je viens, la question de l'outrage au

18 Tribunal serait traitée de façon tout à fait distincte. Elle ne serait pas

19 examinée de la façon dont elle l’est maintenant par la Chambre de première

20 instance. De notre point de vue, on pourrait ici aussi traiter la question

21 isolément.

22 Je suis entièrement convaincu que la Chambre peut examiner ces

23 deux questions de façon distincte et que cela n'entachera pas les

24 procédures.

25 Ayant lu ceci, je ne peux pas vous dire exactement ce que

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1 l’accusation va faire. Le Président nous invite à faire certaines choses.

2 Il m’est impossible de dire aujourd’hui ce que nous allons faire

3 ou ne pas faire, ou quand. Je l'ignore, mais ma position est qu'il s'agit

4 d'une question distincte qui ne doit pas retarder davantage le déroulement

5 du procès.

6 Je voudrais aussi donner la parole à Mme McHenry, si vous me le

7 permettez, qui nous en dira plus dans la perspective de la Common Law.

8 Mme McMurrey (interprétation). - Très brièvement, monsieur le

9 Président, la question a été renvoyée au Président qui nous a communiqué

10 un rapport dans lequel il indique qu'il n'y a pas d'éléments de preuve

11 permettant de croire que les conseils de la défense sont en cause.

12 L'accusation n'a jamais affirmé que les conseils de la défense

13 étaient impliqués. Peut-être y a-t-il eu un problème de traduction, mais

14 en tout cas, dans le compte rendu anglais, il ressort clairement que

15 l'accusation n'a pas mis en cause les conseils de la défense. Nous ne

16 l'avons pas dit et nous ne le disons pas plus maintenant.

17 Nous pensons qu'à la suite des conclusions du Président et étant

18 donné l'état actuel de la procédure, nous pouvons poursuivre. Nous pensons

19 qu'il n'y a pas conflit d'intérêt. La question a été renvoyée à

20 l'accusation pour examen. Comme l'a dit M. Ostberg, l'accusation verra ce

21 qu'elle souhaite faire, mais cela n'a pas d'incidence sur la capacité du

22 procès de se poursuivre.

23 Il y a une question qui concerne surtout Mme Residovic et

24 M. Delalic. Il a été dit que les propos tenus risquent d'influencer la

25 Chambre de première instance. Or, l'accusation ne doute pas que la Cour

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1 pourra poursuivre la procédure en cours qui a trait à l'accusation portée

2 contre M. Delalic et ses co-accusés sur la base des éléments de preuve

3 fournis et sans se laisser influencer en aucune manière par des éléments

4 extérieurs ou par des suppositions qui sont étrangères aux éléments de

5 preuve communiqués.

6 La situation n'est pas différente que s'il y avait une autre

7 accusation portée contre M. Delalic, indépendamment de l'affaire en cours.

8 En l'occurrence, rien n'est reproché à M. Delalic. Il n'y a

9 aucune raison pour laquelle le procès contre M. Delalic et ses co-accusés

10 ne puisse se poursuivre.

11 Pour ce qui est de l'outrage au Tribunal, nous ne pensons pas

12 que cette question a une incidence pour l'instant sur le déroulement du

13 procès.

14 M. Morrison (interprétation). - Je voudrais répondre brièvement,

15 car il s'agit d'une remarque qui a trait à ce que j'ai dit.

16 La question de savoir si M. Delalic est confronté à un autre

17 acte d'accusation ou non peut recevoir une réponse rapide. S'il y a un

18 autre acte d'accusation, il doit y avoir aussi d'autres éléments de

19 preuve.

20 Le problème dans cette affaire est que l'outrage au Tribunal

21 porte sur les éléments de preuve soumis au Tribunal pour le présent acte

22 d'accusation. Voilà la différence fondamentale.

23 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi. Il me semble qu'il y

24 a un problème dans la cabine d'interprétation, un problème de volume. Le

25 volume ne suffit pas pour que les interprètes puissent travailler.

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1 M. Morrison (interprétation). - Je ne vais pas crier, mais je

2 ferai de mon mieux.

3 La question est fondamentalement différente sur le fond et la

4 forme. Il s'agit d'une question qui a trait aux éléments de preuve, et

5 dire maintenant qu'il y a analogie entre une affaire avec un autre acte

6 d'accusation est, avec tout le respect voulu, non fondé.

7 Les remarques que j'ai faites ne peuvent être considérées que

8 dans le cadre de la présente affaire et de la décision qui sera prise ou

9 non de poursuivre M. Delalic pour outrage au Tribunal. Il semble que non,

10 mais s'il était décidé de poursuivre M. Delalic pour outrage au Tribunal,

11 il faudrait déterminer à ce stade, tout d'abord, si l'accusation dans

12 cette affaire va poursuivre M. Delalic pour outrage au Tribunal ou non, et

13 ensuite -remarque mineure-, la question du conflit d'intérêt entre un

14 client et son conseil est une question qui relève exclusivement de la

15 compétence du client et de son avocat et non de l'accusation.

16 M. Moran (interprétation). - Je voudrais ajouter une chose

17 rapidement.

18 Maître Ostberg dit que la question a déjà été abordée dans le

19 cadre de l'article 64 ce matin. Cela dit, j'ai pas été invité à participer

20 à cette audience qui s'est tenue à huis clos, et si on a parlé de mon

21 client dans une audience à laquelle nous n'avons pas été invités, je m'en

22 verrais très surpris.

23 M. le Président (interprétation). - Pouvons-nous savoir si le

24 Président a examiné la question de l'outrage au Tribunal ? Vous basez-

25 vous sur les conclusions du Président ou sur des éléments extérieurs aux

Page 2871

1 conclusions du Président ?

2 M. Ostberg (interprétation). - Je ne peux pas exclure que des

3 éléments extérieurs au rapport du Président seront pris en considération.

4 M. Greaves (interprétation). - Si vous le permettez, je voudrais

5 intervenir pour expliquer la difficulté que je rencontre dans cette

6 affaire.

7 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

8 M. Greaves (interprétation). - Supposons, pour un instant, que

9 le procès continue sur la base de l'acte d'accusation et que l'accusation

10 mène une enquête parallèle et accuse M. Delalic d'outrage au Tribunal et

11 que cette question reste non réglée. Durant le procès, un témoin de

12 l'accusation peut apparaître hostile au témoin et, pour quelque raison que

13 ce soit, on peut se demander alors pourquoi le témoin est à ce point

14 hostile au témoin.

15 De cette manière, je pense avoir donné la preuve qu'il y a un

16 lien possible entre l'enquête parallèle entre une question non réglée

17 d'outrage au Tribunal et la question de savoir pourquoi les témoins se

18 montrent hostiles.

19 Il faudra alors déterminer pour chaque témoin s'il s'agit de

20 témoins qui sont honnêtes et qui respectent la vérité. C'est pourquoi il

21 faudrait d'abord trancher la question de savoir si M. Delalic est coupable

22 d'outrage au Tribunal ou non. Cela a donc un lien manifeste sur cette

23 éventuelle enquête sur un outrage au Tribunal et le principal procès.

24 Il y aurait délit de justice si, en fin de compte, M. Delalic

25 était exonéré de l'accusation d'outrage au Tribunal alors que les témoins

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1 auraient déposé dans ce contexte de soupçon pesant sur l'accusé.

2 Voilà pourquoi nous devrions préciser tout d'abord la situation

3 de M. Delalic et voir comment il risque d'y avoir des interférences sur le

4 procès principal.

5 En attendant cette conclusion -quelle qu'elle soit, je ne veux

6 pas anticiper sur la décision de l'accusation- tant que la question n'est

7 pas réglée, je ne crois pas que le monde extérieur puisse croire que la

8 justice est effectivement administrée car s'il y a soupçon pesant sur l'un

9 des accusés, l'on peut craindre que les intérêts du défendeur subissent un

10 tort d'une manière ou d'une autre.

11 Voilà la préoccupation que je vois et qui établit un lien avec

12 l'enquête sur l'outrage au Tribunal. Je crois que c'est en lien

13 fondamental.

14 M. Jan (interprétation). - Je vous renvoie à l'article 77c.

15 M. Greaves (interprétation). - Il faut que l'on me donne le

16 document, nous sommes nombreux et je ne l'ai pas sous les yeux.

17 M. Jan (interprétation). - Oui, il me semble que c'est l'article

18 77c qui nous intéresse ici.

19 Ne doit-il pas y avoir ici une enquête séparée ? L'article 77c :

20 "Toute personne cherchant à intervenir auprès d'un témoin ou à l'intimider

21 peut être déclarée coupable d'outrage et condamnée à l'application du

22 paragraphe a"

23 Pourquoi supposez-vous que si un témoin se montre hostile à

24 l'accusé, cela signifie que l'on est intervenu auprès de lui ?

25 M. Greaves (interprétation). - Non, il faut revenir aux

Page 2873

1 questions de base. Ce n'est pas ce que je veux dire. Si, par exemple, des

2 mesures de protection sont prises pour un témoin, c'est précisément pour

3 empêcher que le témoin ne soit l'objet de mesures d'intimidation.

4 Si un témoin se montre hostile, si c'en est un dont le nom se

5 trouve sur la liste publiée, on peut imaginer...

6 M. Jan (interprétation). - ... Vous tirez des conclusions

7 hâtives.

8 M. Greaves (interprétation). - Non, je ne pense pas.

9 M. Jan (interprétation). - Intervenir ou intimider est une

10 démarche active.

11 M. Greaves (interprétation). - Oui, certes, mais supposons pour

12 l'instant que le défendeur a commis cet acte.

13 M. Jan (interprétation). - C'est une conclusion hâtive.

14 M. Greaves (interprétation). - Oui, mais quel serait l'objectif

15 de cet acte ?

16 M. Jan (interprétation). - Pour l'instant, il n'y a aucune

17 preuve qu'il l'ait fait.

18 (Hors micro)...

19 Peut-être l'accusation ne poursuivra-t-elle pas davantage ?

20 Pourquoi retarder le procès ?

21 M. Greaves (interprétation). - Effectivement, j'essaie de

22 montrer qu'il y a risque potentiel.

23 Nous ne savons pas, d'ici une semaine, si quelqu'un comparait

24 devant le Tribunal pour déposer, immédiatement donc, si l'on est intervenu

25 auprès de lui ou non.

Page 2874

1 M. Jan (interprétation). - Vous parlez d'une enquête séparée qui

2 n'aurait rien à voir avec celle-ci ?

3 M. Greaves (interprétation). - Oui, le défendeur, peut penser :

4 "Il croit que je l'ai fait".

5 M. Jan (interprétation). - C'est pourquoi il a un conseil, pour

6 le défendre.

7 M. Greaves (interprétation). - Effectivement. J'essaie de

8 prouver qu'il y a un lien possible entre l'enquête en cours et ce qui

9 pourrait se passer ici, dans le procès principal. Je ne crois pas que ce

10 soit le fruit de mon imagination ; c'est un risque réaliste potentiel. Il

11 y a un lien possible et nous en sommes préoccupés.

12 Il se peut que je me trompe entièrement, mais je crois que cela

13 pourrait se passer.

14 M. Jan (interprétation). - N'importe quoi peut se passer. On ne

15 peut interrompre un procès parce que quelque chose pourrait se passer.

16 M. Greaves (interprétation). - J'essaie simplement de prouver le

17 lien potentiel qui existe entre l'enquête en cours et le procès. On ne

18 peut considérer les deux choses comme étant complètement isolées. Il y a

19 un lien, le défendeur est accusé dans ce présent procès, il y a une

20 enquête et il pourrait être accusé dans une autre affaire.

21 Il y a donc un lien entre les deux choses. Ce ne sont pas des

22 choses que l'on peut considérer comme étant complètement séparées qui

23 n'ont pas d'effet l'une sur l'autre.

24 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, maître

25 Greaves.

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1 Je voudrais m'adresser à l'accusation.

2 Combien de temps pensez-vous que cela prendra pour vous décider.

3 Il y a un lien fondamental, effectivement, entre la présente affaire et

4 l'autre. Il y a des conséquences qui affectent M. Delalic puisque toute

5 l'affaire est issue du même incident.

6 Si vous voulez poursuivre le procès, vous devez rassurer

7 l'accusé et lui dire si vous avez l'intention de le poursuivre ou non.

8 M. Jan (interprétation). - Avant que vous ne répondiez, je pense

9 que M. Delalic, dans sa déclaration faite au Président, a désavoué

10 l'interview. Il dit ne pas avoir donné d'interview du tout.

11 M. Ostberg (interprétation). - Oui, c'est vrai. Nous pourrons

12 nous décider très rapidement, je pense. Il faut que je consulte le

13 Procureur, Mme Arbour. Je pense que quelque chose doit être fait.

14 L'accusation doit répondre à l'invitation du Président avec sérieux et se

15 décider, savoir si elle compte poursuivre ou non.

16 Je crois que cette question sera réglée rapidement, peut-être

17 même aujourd'hui.

18 M. le Président (interprétation). - C'est exactement ce que je

19 veux entendre. Nous voudrions connaître vos intentions, étant donné les

20 éléments de preuve dont vous disposez.

21 M. Jan (interprétation). - J'ai l'impression que le journaliste

22 qui a écrit l'article n'est pas prêt à déposer. C'est l'impression que

23 j'ai.

24 M. Ostberg (interprétation). - Je dois encore vous dire que je

25 pourrai bientôt vous donner une réponse à la question de savoir si nous

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1 allons poursuivre ou non.

2 M. Jan (interprétation). - En général, les journalistes ne

3 donnent jamais les sources de leurs informations.

4 M. Ostberg (interprétation). - Oui, j'en suis très conscient.

5 M. le Président (interprétation). - Pourrions-nous avoir une

6 réponse pour 16 h 30 ?

7 M. Ostberg (interprétation). - Excusez-moi, je ne vous ai pas

8 compris.

9 M. le Président (interprétation). - Est-il possible de nous

10 retrouver cet après-midi pour que vous nous fassiez part de votre décision

11 car je pense que nous devons recevoir Mme Albright, vers 14 heures ou

12 15 heures.

13 Après cela, à 16 heures, nous devrions pouvoir connaître votre

14 décision.

15 M. Ostberg (interprétation). - Oui, j'aurai une réponse,

16 partielle au moins, dont je pourrai vous faire part.

17 M. le Président (interprétation). - Je voudrais savoir

18 exactement ce qui nous attend.

19 M. Ostberg (interprétation). - Certes. Nous avons le même

20 intérêt et nous pensons que nous pourrons vous donner une réponse claire.

21 M. le Président (interprétation). - Pour moi, personnellement,

22 il est un peu difficile de laisser cette affaire en suspens au-dessus de

23 la tête de M. Delalic, en quelque sorte.

24 M. Ostberg (interprétation). - Je comprends bien.

25 M. le Président (interprétation). - Nous allons donc lever

Page 2877

1 l'audience et nous nous retrouverons vers 16 heures.

2 L'audience, suspendue à 11 heures 10, est reprise à 16 heures 05.

3 M. le Président (interprétation). - Mesdames, Messieurs, bonne

4 après-midi.

5 Nous aimerions avoir maintenant le rapport de l'accusation.

6 M. Ostberg (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

7 Nous nous sommes efforcés de fournir un exemplaire d'un rapport

8 écrit, tant aux juges de la Cour qu'aux conseils de la défense. Permettez-

9 moi de relever de ce rapport les points saillants.

10 Quels sont-ils ? Que l'accusation examine le procès en cours,

11 ainsi que la question de l'outrage, mais y voit deux questions distinctes.

12 De l'avis de l'accusation, et dans son mémoire, rien ne

13 motiverait un retard, un report de la procédure. Pour nous, il n'y a aucun

14 conflit d'intérêt entre les conseils de l'accusation et l'accusé.

15 Toutefois, il y a obligation de poursuivre la question de l'outrage.

16 L'accusation ne peut prévoir ni l'issue ni la durée d'une telle

17 enquête.

18 Enfin, il n'est pas possible à l'accusation de faire des

19 promesses, promesses de ne pas porter des accusations ou de prévoir

20 l'immunité à l'égard de toute possibilité d'outrage pour qui que ce soit.

21 Merci, monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation). - Avant de reprendre place,

23 j'aimerais vous demander un éclaircissement. Je suis convaincu que vous

24 vous êtes fondés sur le rapport du Président du Tribunal.

25 M. Ostberg (interprétation). - Bien évidemment, monsieur le

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1 Président.

2 M. le Président (interprétation). - Et cela veut-il dire qu'il

3 n'y a pas et qu'il n'y aura pas d'enquête à l'avenir, une enquête

4 parallèle. Parce que vous avez déposé une plainte auprès de la Chambre, il

5 y a eu enquête menée à la suite de cette plainte, ce qui a donné lieu à un

6 rapport à l'attention de l'accusation s'agissant d'éventuelles poursuites.

7 Vous avez exercé votre pouvoir d'appréciation cela signifie-t-il que vous

8 avez estimé qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve

9 s'agissant de l'outrage ?

10 M. Ostberg (interprétation). - C'est vrai, monsieur le

11 Président, pour ce qui est des conseils de la défense. Mais en revanche,

12 il est important de savoir s'il faut essayer d'aider le Procureur pour

13 poursuivre cette enquête et tirer cette histoire au clair. C'est ce que le

14 Procureur a décidé de faire.

15 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas ce que je mets

16 en doute, mais, jusqu'à présent, toutes vos actions sont fondées sur les

17 rapports issus de l'enquête.

18 M. Ostberg (interprétation). - Effectivement, l'enquête menée à

19 ce jour.

20 M. le Président (interprétation). - C'est tout ce que je

21 voulais savoir.

22 M. Morrison (interprétation). - Permettez-moi de réagir.

23 L'accusation a fait état d'un grief et a produit devant la

24 Chambre, en guise d'éléments de preuve, deux articles ainsi que la liste

25 des témoins.

Page 2879

1 Ici, ce ne sont pas des hypothèses qui sont lancées. Ces deux

2 documents existent, ainsi que ces articles, cette liste de témoins.

3 La procédure adoptée à ce jour par le Président a été de tenter

4 de mener l'enquête à la suite de la source du grief venant de

5 l'accusation, mais ceci tombe dans un registre assez étroit.

6 A mon avis, la personne qui pourrait le mieux aider le Tribunal

7 pour déterminer la question centrale, laquelle n'est en fait qu'une

8 allégation à l'encontre de M. Delalic, accusation d'outrage, c'est

9 M. Tahir Pervan, journaliste, et le rédacteur en chef dont le nom ne nous

10 est pas connu.

11 Avec tout le respect que je dois à cette Cour, le seul élément

12 de preuve qui pourrait venir étayer une accusation d'outrage ne pourrait

13 venir que du rédacteur en chef de ce magazine et de M. Pervan. Ces

14 personnes ont été les destinataires de l'information et ce sont eux les

15 responsables de la publication de l'information. Cela signifie que nous

16 n'avons pas affaire à des hypothèses sur le long terme ou très

17 hypothétiques.

18 Non, nous avons des informations bien concrètes (deux articles)

19 et nous avons deux noms. Ces deux personnes étant sans doute les

20 meilleures sources d'information que voudrait avoir le Tribunal.

21 Si effectivement, comme le dit l'accusation, elle n'a pas

22 l'intention de mener une enquête tant que cette procédure ne serait pas

23 terminée, ce serait une chose et il faudrait étudier la question au fond.

24 Mais l'accusation dit, au deuxième paragraphe de sa réponse, qu'elle ne

25 détient pas des éléments de preuve suffisants et qu'elle n'a donc pas

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1 l'intention actuellement d'accuser qui que ce soit d'outrage. Mais

2 l'accusation dit aussi qu'elle n'a pas l'intention de mener cette enquête

3 tant que le procès ne sera pas terminé.

4 En effet, à la première phrase du troisième paragraphe dit

5 l'inverse. Le Procureur a l'intention de mener une enquête vigoureuse pour

6 savoir comment ces noms ont été divulgués et comment certaines injonctions

7 de la Cour ont été violées.

8 Le Président du Tribunal, dans le dernier paragraphe de son

9 rapport, se demande s'il est utile d'engager des poursuites. La seule

10 façon de le faire, pour l'accusation, serait d'obtenir ces éléments de

11 preuve.

12 Ceci, à mon avis, tombe dans un registre vraiment très étroit.

13 Ce qui ne va pas aider le Tribunal -et je passe ici à la dernière partie

14 du troisième paragraphe de la réponse de l'accusation-, c'est si par

15 exemple on nous remet cette question sur le tapis dans deux jours, dans

16 deux semaines, dans deux mois ou dans deux ans parce qu'on a, tout à coup,

17 découvert quelque chose qu'on aurait pu découvrir dès maintenant par le

18 biais d'une enquête toute simple.

19 Quelle est la position véritable ? Si M. Pervan et le rédacteur

20 en chef devaient refuser de témoigner, il est impossible de voir, dans la

21 mesure où on peut prévoir l'avenir, comment on pourrait trouver des

22 éléments de preuve à l'appui d'une accusation d'outrage, parce que cette

23 question peut être aisément réglée. Ce ne sera pas amélioré si on laisse

24 ceci en béance pendant deux mois, deux années, voire plus.

25 Je l'ai déjà dit ce matin, et je le répète, cette question va au

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1 coeur même de l'affaire en cours.

2 Il y a un instant, une suggestion a été faite selon laquelle

3 l'outrage et les éléments de preuve constituent des éléments distincts.

4 Mais à mon avis, ce n'est pas exact. S'il s'agissait effectivement de deux

5 questions distinctes, je doute que l'accusation ait fait les objections

6 qu'elle a faites au moment où elle les a faites ; ou qu'elle ait pu faire

7 des suggestions quant à la responsabilité. C'est précisément parce que

8 ceci va au coeur même du procès, que l'accusation a relevé ceci.

9 Ces deux notions sont tout à fait liées, elles ne peuvent pas

10 être séparées, sauf dans la mesure où les sources disponibles pour obtenir

11 les éléments de preuve ne suffisent pas.

12 La visite de Mme Albright, à mon avis, montre bien comment le

13 monde voit ce Tribunal. Il y a certains juges soigneusement sélectionnés,

14 éminents, qui constituent ce Tribunal et on s'intéresse vivement au droit

15 de ceux qui sont accusés devant ce Tribunal. Par ailleurs, des normes

16 rigoureuses sont attendues des deux parties, de la part de l'accusation et

17 de la défense, en tant que professionnels qui les constituent.

18 En l'espèce, les conseils de M. Delalic, Me Residovic et

19 Me O'Sullivan, ont clairement indiqué qu'ils ne peuvent continuer à faire

20 le travail tant qu'on n'a pas réglé la question de l'outrage. J'insiste

21 sur les tous premiers termes utilisés ce matin. Cette semaine d'enquête

22 visait à régler la question. Le danger existe qu'il n'y ait pas de progrès

23 supplémentaire possible. Ce n'est pas une simple allégation d'outrage

24 mineur, ceci va au coeur même du fait de rassembler les éléments de preuve

25 et pour voir aussi les applications pour la probité et le poids de cette

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1 évidence.

2 On pourrait dire que ce n'est pas simplement un outrage, mais

3 sans doute une tentative visant à détourner le cours de la justice, soit

4 un des griefs le plus sérieux devant une Cour pénale.

5 L'argument selon lequel ces éléments de preuve ne peuvent pas

6 être bien reçus et étudiés, avec tout le soin judiciaire voulu, sans qu'il

7 y ait d'abord un règlement de la question importante, si ce n'était pas le

8 cas, ce serait dur pour la défense et pour l'accusation, puisqu'ils

9 seraient entachés de vice. Cela serait négatif aussi si l'on n'avait pas

10 tenté une question que l'on pouvait éviter.

11 On peut proposer des choses simples. Les bases pour rassembler

12 les éléments de preuve sont simples. J'ai cité les individus concernés.

13 Avec un peu d'empressement, ceci peut être recueilli en l'espace de

14 quelques jours. Le poids de l'évidence peut être apprécié en l'espace de

15 quelques heures. Il suffit d'avoir un Procureur chevronné pour s'en

16 acquitter.

17 On peut alors voir s'il est utile de poursuivre et, cela se fait

18 au moment même où l'on apprécie le poids, l'importance des moyens de

19 preuve, en fonction de la qualité de ceux-ci.

20 Si on décide de ne pas poursuivre au vu de cet examen, fort

21 bien. Nous pouvons sans plus tarder prolonger. En revanche, si

22 l'accusation estime, au vu des deux éléments de preuve venant de ces

23 individus -et ce qui est communicable au titre du Règlement- il faudra que

24 la défense prenne les mesures nécessaires pour apporter tous les

25 éclaircissements voulus. Ceci peut se faire aussi en l'espace de quelques

Page 2883

1 jours.

2 Si je participais, je ne verrais aucune difficulté à régler ceci

3 en un jour ou deux.

4 Cette Chambre devrait se saisir de la question de l'outrage très

5 rapidement. Elle pourra le faire aussi en un jour ou deux. Avec de la

6 diligence, tout peut se faire en un calendrier qui ne dépasserait pas deux

7 semaines. C'est rapide, simple et, s'agissant de cette question, cela

8 présente l'avantage énorme d'être définitif puisqu'il y aurait décision

9 rendue par le Tribunal au vu et à l'égard des éléments de preuve.

10 A mon avis, c'est la meilleure façon de procéder au plan

11 judiciaire et jurisprudentiel. Ce n'est pas simplement un second choix. Au

12 contraire, cela pourrait vraiment régler la question au fond.

13 Etant donné la qualité de ce Tribunal, je suis sûr qu'il ne

14 pourra pas se contenter du tout-venant, mais du meilleur.

15 M. le Président (interprétation). - Maître Moran, avez-vous

16 quelque chose à ajouter.

17 M. Moran (interprétation). - Oui, monsieur le Président. Il se

18 peut que vous n'ayez pas vu l'ensemble des paragraphes. Dans le mémoire du

19 Procureur, l'avant-dernier paragraphe dit qu'à ce jour il n'y a aucun

20 élément de preuve semblant suggérer que l'accusé soit coupable d'outrage.

21 Je vous demande de comparer ceci avec le 7B du rapport du Président

22 Cassese présenté ce matin.

23 J'ai plus confiance en la capacité du Président Cassese, en tant

24 que personne statuant sur les faits, qu'en quelqu'autre personne. Mais

25 l'accusation ne pense pas que l'enquête judiciaire soit la procédure

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1 actuelle.

2 Manifestement je crois que le 7b nous fournit quelques éléments

3 de preuve.

4 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr que

5 l'interprétation du Procureur soit la même que la vôtre.

6 Elle ne semble pas aboutir aux mêmes conclusions.

7 M. Moran (interprétation). - Il se peut qu'ils aient une vue

8 plus étroite des choses que ce ne fut le cas auprès du Président Cassese.

9 J'ai une vue plus large, une conception plus large des

10 conclusions du Président Cassese

11 M. le Président (interprétation). - Nous nous intéressons

12 maintenant au fond du rapport. Une recommandation a été faite par le biais

13 du rapport au Procureur. Le Procureur a décidé autrement.

14 Le Président a indiqué, dans son propre exposé, qu'il ne voulait

15 pas poursuivre l'accusation d'outrage, mais il a décidé de faire d'autres

16 choses en lieu et place, ce qui est différent.

17 Maître Residovic.

18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, à ce

19 que mes éminents confrères ont déjà dit, j'aimerais ajouter quelques

20 observations, à savoir qu'il est exact qu'au paragraphe 2 de ce rapport,

21 le Procureur nous a dit qu'à l'heure actuelle il n'avait aucune intention

22 de poursuivre, mais il dit également au troisième paragraphe qu'il a

23 l'intention d'emprunter une autre voie, voie à laquelle vous venez de

24 faire allusion, Monsieur. le Président.

25 Nous nous trouvons donc dans une situation qui n'est pas

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1 vraiment différente de la précédente.

2 En effet, dernière phrase du troisième paragraphe, il est dit

3 clairement que le Procureur va poursuivre l'enquête pendant deux jours,

4 voire deux ans. Il ajoute aussi que personne ne peut, à l'avance, être

5 exonéré de quelque responsabilité que ce soit.

6 J'entrevois une certaine contradiction entre la position adoptée

7 par le Procureur dans le mémoire de réponse -ou dans la réponse plus

8 exactement- et celle adoptée quand il dit que, pour l'heure, les éléments

9 de preuve ne suffisent pas pour vraiment poursuivre une accusation

10 d'outrage.

11 Il a également dit que rien ne prouvait une quelconque

12 intervention des conseils de la défense dans cette affaire.

13 Il est dit que ni l'accusé ni qui que ce soit ne peut être

14 exonéré de l'enquête. Cela veut dire que ceci nous remet dans la position

15 dans laquelle nous nous trouvions au début des débats concernant cet

16 incident.

17 Pour le Procureur, il n'y a aucun conflit d'intérêts. J'aimerais

18 attirer votre attention sur le paragraphe de l'écrit du Procureur.

19 Il y avait un certain malentendu face à la position adoptée par

20 les conseils de M. Delalic. Je m'explique : si, dans la position de ces

21 conseils de la défense, s'il n'y avait pas le moindre soupçon si,

22 aujourd'hui ou à l'avenir, aucune preuve ne pouvait être apportée contre

23 eux, la question de l'attitude éthique et professionnelle reste ouverte

24 et, d'après l'accusation, ses avocats ne peuvent pas être partie au procès

25 ou à la procédure s'il y a un lien entre la procédure et l'enquête que le

Page 2886

1 Procureur à l'intention de mener.

2 Au cours de cette enquête, il se pourrait que certains éléments

3 de preuve soient apportés qui pourraient être préjudiciables à l'accusé.

4 Notre éminent confrère, Maître Greaves, a essayé d'illustrer

5 ceci par un exemple.

6 Le Procureur envisage des possibilités qui sont conformes au

7 Règlement du Tribunal. Il est exact que Me O'Sullivan et moi-même avons

8 été commis par ce Tribunal au titre de conseil de la défense.

9 Ce Tribunal à la possibilité de désigner d'autres conseils de la

10 défense qui pourraient au mieux défendre ses intérêts et assurer un procès

11 équitable.

12 Il m'est impossible de me prononcer au nom de conseils éventuels

13 à l'avenir, mais en tant qu'avocate, si je devais me trouver dans une

14 situation où je participerais à un procès -étant donnée la menée d'une

15 enquête qui pourrait durer deux jours ou deux ans- et si ceci devait être

16 préjudiciable à mon client, je refuserais de participer au procès.

17 Je ne peux parler qu'en mon nom propre et je tenais simplement à

18 attirer votre attention, Madame et Messieurs les juges, sur ce fait.

19 Je vous remercie.

20 M. Jan (interprétation). - Pourquoi ne pas prendre le paragraphe

21 2 tel qu'il est et poursuivre l'étude de la question. Au cas où

22 l'accusation aurait des informations, elle pourrait nous les notifier et

23 nous verrions ce qu'il y a à faire.

24 A ce stade, rien ne nous laisse présumer que l'on aille

25 découvrir quelque chose.

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1 Pourquoi ne pas prendre le paragraphe 2 tel qu'il est : rien, il

2 n'y a aucune preuve chargeant qui que ce soit ?

3 M. Morrison (interprétation). - Je crois qu'il m'incombe

4 d'essayer de répondre à cette question que vous posez, Monsieur le juge.

5 Nous travaillons, en fait, avec peu de marge. On ne suggère pas

6 qu'il y ait beaucoup de personnes qui puissent être impliquées dans cette

7 affaire d'outrage.

8 On suggère que c'est M. Delalic qui est responsable de l'outrage

9 et qu'il a travaillé de concert avec 2 individus, ce qui est dit dans un

10 paragraphe. du texte.

11 Si ces deux personnes sont interrogées par un enquêteur

12 indépendant et si ces deux personnes disent sans équivoque qu'elles n'ont

13 pas l'intention de témoigner, de dire quoi que ce soit au Tribunal, je

14 trouve inconcevable que l'on puisse mener plus loin la question de

15 l'outrage.

16 Je crois que tout ceci peut se régler en très peu de temps.

17 M. Jan (interprétation). - L'accusation reconnaît qu'à ce stade,

18 elle n'a pas de preuve. Il se peut que, par la suite, elle ait d'autres

19 preuves, même après la fin du procès, et que l'on soit, d'un coup, au

20 courant de la personne responsable de la fuite.

21 Si l'accusation prend un engagement maintenant, ne se lie-t-elle

22 pas ?

23 M. Morrison (interprétation). - Si l'accusation s'engageait à

24 ne pas poursuivre la question de l'outrage, tant que l'examen de l'acte

25 d'accusation n'est pas terminé, effectivement il faudrait que l'accusé

Page 2888

1 examine la question vraiment au fond. Je ne peux pas me prononcer sans le

2 consulter et je ne peux pas me parler au nom des autres conseils. Mais ce

3 n'est pas ce qui est dit.

4 Il est dit qu'il n'y a pas, pour l'instant, d'intention

5 d'accuser d'outrage, mais ce n'est pas une offre intéressante puisque

6 manifestement l'accusation n'est pas en mesure d'accuser qui que ce soit.

7 C'est un peu comme si je disais ne pas avoir l'intention de courir le

8 prochain 100 mètres aux Jeux olympiques. De toute façon, je ne suis pas

9 capable de le faire. L’accusation se trouve pratiquement dans la même

10 situation.

11 Si je m'engage à ne pas m'entraîner pour pouvoir courir ce

12 100 mètres et si l'accusation s'engage à ne pas s’entraîner pour ne pas

13 poursuivre cette question, c'est différent.

14 Mais, la marge de manoeuvre est très étroite et le problème peut

15 se résoudre à l'intérieur de cette marge.

16 Il est possible de régler la question rapidement en utilisant

17 bien les procédures disponibles. Mais, j'entrevois de grosses difficultés

18 si ceci est laissé pratiquement en béance et qu'on dit deux ans, deux mois

19 ou deux jours.

20 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je

21 voudrais répondre rapidement.

22 L'accusation a essayé d'être très claire et franche vis-à-vis de

23 chacun concernant la situation actuelle, à savoir qui n'y a pas, pour

24 l'instant, d'éléments de preuve contre qui que ce soit.

25 L'accusation n'a pas l'intention d'accuser qui que ce soit pour

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1 l'instant. Certes, il incombe à l'accusation de poursuivre l'enquête et

2 c’est ce qu’elle fera.

3 Même si l'accusation, avec tout le respect dû à la défense, doit

4 prendre en compte les conseils de la défense, c'est une affaire qui relève

5 néanmoins de l'accusation.

6 La question qui se pose à la Chambre de première instance est

7 celle de savoir ce qui pourrait se passer à l'avenir et comment une

8 enquête pourrait avoir une incidence, à l’avenir, sur le procès pour

9 l'instant interrompu.

10 Or, dans l'état actuel des choses, nous ne voyons aucun problème

11 au bon déroulement du procès.

12 Vous allez prendre une décision sur la base des éléments de

13 preuves qui vous sont communiquées, sur la base des dépositions des

14 témoins, des documents reçus comme éléments de preuve. Il n'y a rien qui

15 puisse laisser croire que vous baserez votre décision sur autre chose.

16 Voilà la question à trancher maintenant : le procès des quatre

17 accusés peut-il se poursuivre ? Il n'y a rien qui laisse entendre que la

18 procédure pour outrage au Tribunal, qui pourrait avoir lieu à l'avenir,

19 ait une incidence sur le procès.

20 Monsieur Morrison laisse entendre que l'accusation devrait

21 s'engager à ne pas enquêter.

22 Pour notre part, il n'y a pas de raison que cette enquête

23 interfère sur le procès en cours.

24 La question qui se pose est de savoir si le procès peut

25 continuer. Je pense que c'est une question qui se pose pour Mme Residovic,

Page 2890

1 M. O'Sullivan et M. Delalic.

2 On ne peut donner l'immunité à personne. Ce que l'accusation

3 peut dire maintenant c’est que nous ne faisons rien pour l'instant. Mais,

4 il est impossible de dire : «nous vous promettons l'immunité». Nous ne

5 pouvons pas le faire pour nous-mêmes, nous ne pouvons le faire pour qui

6 que ce soit.

7 La seule question qui se pose est celle du conflit d'intérêt.

8 L'accusation ne pense pas, en l’occurrence, qu'il y ait conflit

9 d'intérêt, car nous ne voyons pas d'éléments de preuve, ni même de raison

10 pouvant faire croire que les conseils de la défense soient impliqués.

11 Comme l’a dit le conseil de la défense, il n'appartient pas à

12 l'accusation de trancher la question du conflit d'intérêt, mais nous ne

13 voyons pas de raison de croire qu'il y en ait un.

14 Je ne pense pas que ce soit une question qui se pose pour

15 M. Morrison, mais si Mme Residovic pense qu'il y a conflit d'intérêt, si

16 M. O’Sullivan pense la même chose, la seule suggestion que nous puissions

17 faire, c’est inviter la Chambre à poursuivre le procès de façon diligente

18 et donc le Tribunal à désigner de nouveaux conseils.

19 On pourrait imaginer qu'un nouveau conseil n'aurait rien à voir

20 avec l'éventuel outrage au Tribunal et le procès pourrait donc se

21 poursuivre.

22 Mais j'insiste, à nos yeux il n'y a pas de conflit d'intérêt et

23 aucun élément n'incite qui que ce soit, sur les bancs de l'accusation, à

24 croire que Mme Residovic ou M. O'Sullivan doivent se désister.

25 Cela étant, nous ne pouvons accorder l'immunité à qui que ce

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1 soit, d'autant que ce que doit décider la Chambre de première instance

2 maintenant, c’est s’il faut poursuivre ou non le procès des quatre

3 coaccusés

4 Il n'y a pas de procédure pour outrage au Tribunal pour

5 l’instant. Tout ce qui est engagé, c'est le procès des quatre coaccusés.

6 Madame et Messieurs de la Cour, vous aurez à décider si ce procès se

7 poursuit ou non. Pour notre part, nous pensons qu'il peut se poursuivre

8 s'en tarder.

9 M. le Président (interprétation) - Ce dont nous discutons

10 maintenant, c’est du rapport émanant du Président à la suite de la plainte

11 qui lui a été renvoyée.

12 Nous avons les résultats de l'enquête. Cette enquête exonère les

13 deux conseils de la défense et suggère qu'il pourrait y avoir procédure

14 pour outrage au Tribunal, à charge du client de ces deux conseils.

15 Pour votre part, vous avez constaté qu'il n'y avait pas

16 suffisamment d'éléments de preuve pour que l'accusation entame une

17 procédure pour outrage au Tribunal. N’est-ce pas exact ?

18 Mme McHenry (interprétation). - Oui, pour l'instant. C’est là

19 que nous en sommes.

20 M. le Président (interprétation). - Sur la base de l'enquête ?

21 Mme McHenry (interprétation). - Sur la base de l’enquête menée

22 par le Président et sur la base du rapport venant du Président.

23 Sur cette base, l’accusation ne pense pas que, pour l’instant,

24 il y ait suffisamment d'éléments de preuve pour entamer une procédure pour

25 outrage au Tribunal.

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1 M. Jan (interprétation). - Vous parlez de preuves suffisantes ou

2 pas de preuve du tout ?

3 M. le Président (interprétation). - Pas de preuve du tout. Pas

4 de preuve du tout, c’est ce que vous indiquez ?

5 M. Jan (interprétation). - ... (hors micro)

6 M. le Président (interprétation). - Vous n'avez pas trouvé

7 d'éléments de preuve à charge de l'accusé non plus ?

8 Mme McHenry (interprétation). - Oui, effectivement.

9 M. le Président (interprétation). - Alors comment peut-on parler

10 de procédure qui serait entamée d'ici deux semaines ou deux ans, en

11 particulier à la lumière de l'enquête qui a été menée ? Je ne parle pas

12 d’autres personnes qui pourraient être impliquées, mais je pense aux

13 personnes qui sont déjà nommées dans le rapport.

14 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président,

15 l'accusation estime que le Président invite l'accusation à voir s'il

16 convient d'ouvrir une procédure contre M. Delalic pour outrage au

17 Tribunal.

18 L'accusation va examiner cela.

19 M. le Président (interprétation). - Non ce qui est dit, c’est

20 qu'il n'y a pas d'éléments de preuve.

21 Mme McHenry (interprétation). - Oui, effectivement. Sur la base

22 du rapport, l'accusation ne dispose pas de preuves.

23 M. le Président (interprétation) - Donc, en tout état de cause,

24 si vous enquêtez maintenant sur cette affaire, vous ne pouvez que

25 travailler sur d’autres sources et non pas sur les personnes qui ont déjà

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1 été exonérées.

2 Mme McHenry (interprétation). - Ce n’est pas ainsi que nous

3 comprenons le rapport du Président.

4 Nous ne pensons pas que le Président ait exonéré qui que ce

5 soit. Nous ne pensons pas que cela signifie par ailleurs que l'accusation

6 ne puisse pas entreprendre sa propre enquête de son propre chef.

7 M. le Président (interprétation). - L'accusation doit mener une

8 enquête. Mais une fois qu'une enquête est ouverte, une enquête qui, dans

9 le cas présent, n'a pas abouti à des résultats concluants, je ne pense pas

10 qu'il faille poursuivre.

11 Mme McHenry (interprétation). - Je comprends votre remarque,

12 mais je ne pense pas qu'il faille interpréter le rapport du Président

13 comme signifiant que l'accusation ne doit pas poursuivre l'enquête

14 concernant, par exemple, M. Delalic.

15 M. Jan (interprétation). - Si un élément de preuve parvient à

16 votre connaissance faisant état que quelqu'un est impliqué, en

17 informeriez-vous immédiatement la Chambre ?

18 M. Ostberg (interprétation). - Oui, absolument, Monsieur le

19 Juge. Comment pourrait-on faire autrement. Nous avons pour obligation

20 d'essayer.

21 M. Jan (interprétation). - A ce stade, il n'y a pas d'éléments

22 de preuve, mais si vous en obtenez, vous les ferez immédiatement connaître

23 au Tribunal ?

24 M. Ostberg (interprétation). - Bien sûr.

25 M. Morrison (interprétation). - Monsieur le Président, la

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1 difficulté...

2 M. Jan (interprétation). - S'il n'y a pas d'éléments de preuve

3 ou si des éléments de preuve se présentent, l'accusation le fera savoir et

4 nous verrons alors comment il faut procéder. Pour l'instant, il n'y a rien

5 à faire.

6 M. Morrison (interprétation). - Voilà une remarque avec laquelle

7 je suis entièrement d'accord. C'est une observation qui aurait pu être

8 faite précédemment. L'accusation a choisi de lever un lièvre qui court

9 maintenant.

10 M. Jan (interprétation). - (hors micro). Il y a ce deuxième

11 article qui fait que la liste des témoins est disponible, accessible à

12 tout le monde. Or, on avait insisté pour que cette liste ne soit pas

13 rendue publique. C'est un de nos devoirs comme Tribunal, et la défense est

14 donc aussi contre la publication de cette liste.

15 Comment se fait-il que cette liste soit parvenue au journal ?

16 Pour l'instant, il n'y a d'éléments de preuve contre personne, pas même

17 contre M. Delalic.

18 M. Morrison (interprétation). - Avec tout le respect voulu, oui,

19 exactement. Si telle a été la situation au départ la semaine dernière, le

20 Tribunal aurait pu poursuivre le procès comme si rien ne s'était passé,

21 car en fait, rien ne s'est passé jusqu'au moment où l'accusation ait fait

22 en sorte que les choses se passent. L'accusation n'a pas avancé d'éléments

23 de preuve. Elle n'a fait qu'émettre des suppositions.

24 Avec tout le respect voulu, ce qui aurait dû se passer, c'est

25 que l'accusation aurait dû mener une enquête d'abord pour voir s'il y

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1 avait des éléments de preuve, et ces éléments de preuve auraient dû être

2 fournis au Tribunal.

3 M. Jan (interprétation). - Mais il y aurait eu alors une autre

4 plainte de l'accusé ou de la défense disant : "On mène une enquête sur

5 nous."

6 M. Morrison (interprétation). - Oui, mais sur le plan

7 judiciaire, je crois que cela aurait été la façon correcte de faire. Le

8 Tribunal aurait été saisi d'éléments de preuve et non de conjectures.

9 Le résultat maintenant est un retard prolongé et de grandes

10 dépenses toujours sur la base de conjectures qui ne nous font guère

11 avancer. Le seul résultat est cette difficulté que les défenseurs et le

12 conseil de M. Delalic rencontrent maintenant. Il a été suggéré que M.

13 Delalic était impliqué. Cela n'est pas honnête.

14 M. Jan (interprétation). - Au paragraphe 2, cela est dit très

15 clairement par l'accusation : "Nous n'avons pas d'éléments de preuve, pas

16 même certains éléments de preuve qui seraient insuffisants." Voilà ce que

17 dit l'accusation. L'affaire devrait donc ainsi être close, et s'il y a des

18 éléments de preuve supplémentaires, l'accusation s'engage à en informer le

19 Tribunal.

20 M. Morrison (interprétation). - Si l'accusation souhaite

21 continuer à courir après le lièvre et arrive à l'attraper, j'en serais

22 plus enchanté que quiconque d'autre.

23 M. Jan (interprétation). - ... (hors micro).

24 M. le Président (interprétation). - Ce qui me préoccupe, c'est

25 le caractère indéterminé du délai d'enquête que se donne l'accusation.

Page 2896

1 M. Ostberg (interprétation). - Ceci s'explique par

2 l'impossibilité de prédire ce que sera le résultat de l'enquête. Je ne

3 peux imaginer que le Procureur, ici ou dans un autre Tribunal, soit

4 capable de se trouver face à un cas possible d'outrage au Tribunal et ne

5 fasse rien.

6 Il y a eu une fuite. Nous essayons d'en déterminer l'origine.

7 Jusqu'ici, il n'y a pas eu de conclusion à l'enquête et nous continuons

8 donc à enquêter sur cette affaire extrêmement grave. Il est impossible au

9 Procureur de dire si cela se fera en trois ou quatre semaines. Nous ne

10 pouvons pas vous le dire. Nous pensons que le Procureur a pour devoir ici

11 de déterminer l'effet pour y mettre un terme, et cela me semble

12 particulièrement important à la lumière des responsabilités que nous avons

13 à l'égard des témoins.

14 Maître Morrison dit que nous aurions dû rester cois et

15 poursuivre le procès. Cela ne me semble pas possible. Nous avons en effet

16 soumis un fait, à savoir que nos témoins protégés et d'autres témoins

17 avaient vu leur nom publié dans un journal de l'ex-Yougoslave.

18 J'aurais bien voulu pouvoir dire : "Nous pouvons régler le

19 problème en une semaine" et trancher la question de façon finale, mais ce

20 serait aller contre l'évidence. Cela ne peut pas être prédit. Le Procureur

21 devra un jour clore l'affaire et verser le dossier aux archives, certes,

22 mais pour l'instant, nous ne sommes pas là. Il incombe au Procureur de

23 continuer à enquêter sur l'affaire et nous ne pouvons pas dire quand cette

24 enquête sera terminée.

25 M. le Président (interprétation). - Dans cette affaire, n'est-

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1 il pas vrai que c'est la participation éventuelle de M. Delalic qui est

2 préoccupante ?

3 M. Ostberg (interprétation). - Oui, c'est aussi quelque chose de

4 préoccupant.

5 M. le Président (interprétation). - C'est la seule chose que

6 vous examinez pour l'instant ?

7 M. Ostberg (interprétation). - Non, le champ d'enquête de

8 l'accusation est plus large.

9 M. le Président (interprétation). - Si vous avez l'intention de

10 poursuivre l'affaire, l'enquête, vous pouvez le faire jusqu'à la

11 conclusion de l'affaire, jusqu'à ce qu'on détermine qui a participé à

12 toute cette affaire.

13 M. Ostberg (interprétation). - Pour autant que je puisse voir

14 pour l'instant, M. Delalic est au nombre des suspects.

15 M. Jan (interprétation). - L'article de journal ne dit pas que

16 la liste vient de M. Delalic.

17 M. Ostberg (interprétation). - Encore une fois, je ne peux pas

18 dire, pour être honnête, qu'il sera facile de déterminer la source de la

19 liste, mais cela relève des choses que l'accusation doit faire.

20 M. le Président (interprétation). - Ne pensez-vous pas que vous

21 pouvez essayer de vérifier les quelques sources possibles ? Il doit y

22 avoir une personne quelque part. Il s'agit d'un document à diffusion

23 restreinte.

24 M. Ostberg (interprétation). - Bien sûr, mais cela ne me semble

25 pas possible à faire en quelques jours. Il faut d'abord que nous

Page 2898

1 explorions toutes les voies possibles.

2 M. Jan (interprétation). - Dans le passé, on a déjà connu

3 beaucoup d'interviews fausses. Pourquoi ne pas accepter la déclaration de

4 M. Delalic ? A moins que vous n'ayez des preuves dans le sens contraire.

5 Dans ce cas, vous devez nous les soumettre dès que vous les avez.

6 M. Ostberg (interprétation). - Nous ne pouvons pas dire dans

7 quel délai nous pourrions le faire.

8 M. Jan (interprétation). - C'est ce que je disais à Me

9 Morrison. Pensez-vous que cela puisse arriver trois ou quatre ans plus

10 tard ?

11 M. Ostberg (interprétation). - Il y a un délai à tout.

12 M. le Président (interprétation). - Quelqu'un a-t-il contredit

13 le fait que M. Delalic ait nié avoir donné l'interview ?

14 M. Ostberg (interprétation). - Pas jusqu'ici. L'enquête n'a pas

15 encore commencé. Il appartiendra au bureau du Procureur de voir ce qu'il

16 en est.

17 M. le Président (interprétation). - Il serait plus sage que

18 vous annonciez le délai dans lequel vous allez poursuivre l'enquête de

19 sorte que tous les participants au procès sachent où ils se situent.

20 M. Ostberg (interprétation). - Je n'ai pas de mandat pour vous

21 donner un délai aujourd'hui.

22 M. Morrison (interprétation). - Je ne voudrais pas me répéter

23 mais le fait est que le Président a trouvé le nom du journaliste et du

24 rédacteur en chef du journal. Avec tout le respect que je dois à

25 l'accusation, il me semble inconcevable que s'il n'y a pas d'éléments de

Page 2899

1 preuve sur la base de ces deux noms qui ont été avancés, l'on trouve

2 d'autres éléments de preuve permettant de déterminer la source de la fuite

3 à ce stade.

4 M. Jan (interprétation). - A ce stade ? Peut-être plus tard,

5 peut-être dans un mois, l'accusation obtiendra d'autres sources

6 d'informations. Comment peut-elle se lier à ce stade ?

7 M. Morrison (interprétation). - J'ai peut-être été mal compris.

8 Je ne demande pas l'immunité, ni que l'accusation se lie par quoi que ce

9 soit. En revanche, je demande que l'enquête soit menée diligemment, dans

10 le cadre des paramètres connus. Je crois que dans la réalité, cela peut se

11 faire rapidement. Il y a deux individus dont on a avancé les noms et avec

12 tous les facilités dont disposent l'accusation, il est inconcevable, à mon

13 sens, que ces deux personnes ne puissent pas être entendues et que la

14 question ne puisse pas être tranchée.

15 Si ces deux personnes ont quelque chose à dire qui apparaisse

16 comme une preuve, ou que ces deux personnes restent silencieuses, gardent

17 le silence, voilà autant d'éléments qui peuvent être analysés par des

18 enquêteurs. Je crois qu'il suffira d'une heure ou deux d'analyse attentive

19 pour déterminer le résultat de cette enquête.

20 Si, comme je le prévois, l'une de ces personnes insiste sur son

21 droit à se taire ou refuse de donner quelqu'indication que ce soit, alors

22 qu'il s'agit là des sources principales et sans doute des seules sources

23 possible pour l'accusation, on peut clore l'affaire et tirer un trait

24 final. Avec tout le respect que je dois à mes confrères, je ne vois pas

25 pourquoi cela devrait prendre plus de quelques jours si l'on procède avec

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1 la diligence voulue.

2 M. Jan (interprétation). - Mais vous entendu la réponse du

3 conseil qui a parlé au Président. La personne intéressée a refusé de

4 parler. Dans mon pays, les journalistes préfèrent aller en prison pour

5 outrage au Tribunal plutôt que de divulguer leur source d'information.

6 C'est sans doute le cas ici aussi.

7 M. Morrison (interprétation). - Si l'accusation procède à

8 l'interrogatoire de cette personne, avec toutes les précautions voulues,

9 je pense que l'on pourra tirer un trait final très rapidement à toute

10 l'affaire.

11 M. Jan (interprétation). - Oui, mais s'il y a d'autres sources

12 que trouve l'accusation, est-ce qu'elle ne se lierait pas les mains

13 maintenant en acceptant votre proposition.

14 M. Morrison (interprétation). - Si l'accusation constate à

15 l'avenir qu'il y a d'autres sources de preuve indiquant que M. Delalic ou

16 quelqu'un d'autre est coupable d'outrage au Tribunal, l'accusation aura

17 tout le loisir de considérer cette information et, si elle est fiable, de

18 la soumettre au Tribunal. Mais il s'agit là de conjectures ayant trait à

19 l'avenir. Or pour l'instant, il y a deux noms connus, il y a un article

20 qui a été rédigé, publié. Ces paramètres sont donc connus.

21 Dans ce cadre, il n'y a pas à spéculer, on peut procéder à

22 l'enquête de façon très rapide. Si cela n'est pas fait, je pense que le

23 Tribunal encourra des dépenses et des retards inutiles.

24 Pour ma part, je proposerai qu'on se mette au travail et que

25 l'on règle la question.

Page 2901

1 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais répondre rapidement.

2 Avec tout le respect que je dois à mes confrères, il n'appartient pas aux

3 conseils de la défense de dire à l'accusation comment elle doit mener

4 l'enquête ou combien de temps cela devrait prendre. L'accusation prendra

5 des mesures nécessaires pour mener cette enquête et, comme la présidence

6 nous l'a demandé, nous notifierons le Tribunal de tout nouvel éléments de

7 preuve dont nous aurions connaissance.

8 Pour l'instant, il n'y a pas de procédure entamée pour outrage

9 au Tribunal. Si à l'avenir, il y avait procédure pour outrage au Tribunal,

10 ces procédures n'ont pas à avoir d'incidence sur le procès en cours qui,

11 d'après nous, peut se poursuivre sans tarder.

12 M. Ackerman (interprétation). -Madame et Messieurs les juges, je

13 me suis efforcé de garder le silence, ce qui est pratiquement impossible.

14 Je prends donc la parole, si vous le permettez, plutôt en guise d'amicus

15 curiae.

16 J'ai le sentiment qu'on a fait un peu une tempête dans un verre

17 d'eau à l'égard de cet incident. L'accusation a découvert ceci il y a

18 13 jours. Lors du premier jour de la découverte, on connaissait déjà, du

19 côté de l'accusation, le nom de l'auteur de cet article. J'ignore combien

20 le Bureau du Procureur emploie d'enquêteurs, mais ils sont nombreux.

21 J'ai donc l'impression qu'il est simple de mettre quelqu'un dans

22 un avion, d'envoyer un enquêteur pour voir si ce journaliste est prêt à

23 parler ou pas. Ceci permettrait de régler rondement l'affaire.

24 Je commence à être très frustré du fait des retards accusés dans

25 cette affaire ; du fait d'une affaire qui aurait pu rapidement trouver une

Page 2902

1 solution. Cela est toujours vrai d'ailleurs : une solution peut être

2 rapidement trouvée, aujourd'hui encore.

3 Ce Tribunal, au vu de ses responsabilité à l'égard de la justice

4 et des accusés, à l'inverse de ce que semblait suggérer l'accusation,

5 dispose de certains pouvoirs de tutelle de surveillance s'agissant de la

6 conduite des deux parties au procès. Aussi, je crois qu'il aurait été tout

7 à fait approprié que cette Chambre ordonne à l'accusation de mener une

8 enquête, en tout cas qu'un enquêteur prenne des contacts avec les deux

9 témoins identifiés par M. le Président Cassese et de faire un rapport en

10 l'espace de trois jours pour voir ce qu'il y a à faire dans cette affaire.

11 S'il n'y a rien, l'affaire est close. S'il y a quelque chose,

12 une information sera ouverte et on pourra alors déléguer certaines tâches

13 à certains et on pourra reprendre le procès.

14 Si je devais prendre la parole devant ce Tribunal, à la fin des

15 présentations des témoins à décharge, et que je devais dire alors qu'au

16 cours de l'entente des témoins à charge, j'ai appris des choses qui

17 pourraient susciter une enquête, j'ignore comment cette enquête va durer,

18 mais je vous le ferai savoir quand nous serons prêts à présenter, nous,

19 nos accusés. Vous seriez indignés et ne motoriseriez pas à faire cela,

20 alors que c'est l'accusation qui dit : nous sommes l'accusation, nous

21 prendrons tout le temps qu'il nous faut, nous allons causer toutes les

22 difficultés que nous voulons dans le cadre de ce procès.

23 La Chambre a, je crois, le droit de dire non et de dire à

24 l'accusation qu'elle doit mener les enquêtes voulues et qu'il faut un

25 délai et que d'ici lundi, il faudra que l'accusation fasse un rapport.

Page 2903

1 Auquel cas, s'il n'y a plus rien à faire, nous reprendrons le procès

2 l'après-midi même. Mais il faut avancer à tout prix.

3 M. le Président (interprétation). - Merci, maître Ackerman.

4 Veuillez examinez le paragraphe 6 du rapport du Président.

5 Monsieur Tahir Pervan ne semblait pas disposé à accorder d'interview, tant

6 sur place, là-bas, ou au Tribunal par téléphone. Tout est assez clair, il

7 n'a pas l'intention de le faire.

8 De surcroît, quand le Président s'est tourné vers ses

9 conseillers...(l'interprète se reprend)..., l'avocat de M. Pervan dit

10 clairement aux deux individus qu'ils ne devaient pas dire quoique ce soit.

11 Maintenant, j'ignore ce que l'on peut faire à l'encontre de

12 telles personnes. Peut-être que si un enquêteur était présent, les choses

13 se dérouleraient différemment. Mais il semble assez clair qu'il y a refus

14 de coopération de leur part. Si telle est la seule source d'où puiser des

15 éléments de preuve contre un suspect, il est difficile de songer qu'on

16 puisse obtenir quoique ce soit. Je ne vois pas ce que l'on pourrait

17 obtenir en guise de preuve. Mais il semblerait que l'accusation prenne un

18 cap différent.

19 L'accusation va peut-être enquêter, mais dans un autre sens, non

20 pas en fonction du mandat qui avait été donné, qui parlait de la fuite de

21 l'information divulguée à la presse. L'accusation va peut-être enquêter

22 sur le fait de savoir si c'est M. Delalic qui a divulgué certains noms aux

23 journalistes.

24 A mon avis, ceci n'est pas tout à fait dans le cadre du mandat

25 conféré et les termes de ce mandat étaient précis.

Page 2904

1 Effectivement, il y a outrage si ces faits peuvent être imputés

2 à l'accusé, mais quant à savoir si ceux-ci relèvent de l'ensemble de la

3 procédure, c'est une autre paire de manches.

4 Je pense que l'accusation a le droit de mener une enquête pour

5 ce qui semblerait être une violation des règles à respecter à l'encontre

6 du Tribunal, mais quant à savoir si ceci tombe sous le coup des paramètres

7 définis pour l'enquête, je suis perplexe.

8 Dès lors que l'accusation insiste et tient à mener l'enquête, je

9 suppose qu'elle devra faire état du résultat de cette enquête à cette

10 Chambre.

11 Prenons le deuxième paragraphe. Si l'accusation n'a pas pour le

12 moment d'éléments de preuve, cela veut dire que l'enquête va précisément

13 se mettre à la recherche des éléments de preuve afin d'étayer la charge

14 d'outrage. C'est du moins l'impression que je retire de tout ceci.

15 (Le président et les juges, assis, se concertent.)

16 M. le Président (interprétation). - Nous rencontrons quelques

17 difficultés.

18 En dépit du caractère relativement simple de l'affaire,

19 certaines difficultés surgissent. Quelles sont-elles ? Les conseils de

20 M. Delalic sont-ils prêts à poursuivre alors qu'il y aurait enquête ?

21 Madame Residovic, ne pourriez-vous pas poursuivre en attendant

22 la résolution de cette affaire, car rien n'a été dit à votre encontre ni à

23 l'encontre de Me O'Sullivan ? Le seul objet d'enquête et d'éventuelles

24 poursuites, aux dires de l'accusation, c'est uniquement M. Delalic.

25 Comment ceci pourrait-il avoir une incidence trop lourde sur

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1 votre client et sur vous ? En effet, si vous voulez abandonner votre

2 fonction, quelle sera la position de M. Delalic, il s'y opposera peut-

3 être.

4 Quelle serait désormais votre position, maître Residovic.

5 Mme Residovic (interprétation). - Permettez-moi un instant de

6 réflexion avec mon confrère.

7 M. Morrison (interprétation). - Pendant cet aparté, je me

8 permettrais d'indiquer au paragraphe 6 du rapport du Président ou là,

9 s'agissant de M. Tahir Pervan rien ne montre ou ne dit qu'on ait demandé

10 l'avis du rédacteur en chef et qu'on l'ait obtenu cet avis.

11 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les juges,

12 après avoir discuté avec mon confrère, Me O'Sullivan, notre position, en

13 tant que professionnels du droit et s'agissant de notre éthique, n'a pas

14 changé. Mais nous n'avons pas consulté notre client.

15 Notre position étant ce qu'elle est, une telle consultation avec

16 notre client nous permettrait peut-être de confirmer notre position ou

17 d'apporter un complément d'information. Mais notre position initiale n'a

18 pas changé. Malheureusement, M. Delalic n'est pas ici, il n'est donc pas

19 en mesure de conférer avec nous.

20 M. le Président (interprétation). - Si on accusait votre client

21 d'outrage, rencontreriez-vous des difficultés à le défendre ?

22 Mme Residovic (interprétation). - Cette question-là n'a pas

23 vraiment été évoqué. Nous nous sommes penchés sur la situation dans

24 laquelle nous nous trouverions, si nous devions poursuivre la défense de

25 notre client alors qu'une enquête est menée en parallèle. Cela pourrait

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1 indiquer un conflit d'intérêt ou déboucher sur une situation encore plus

2 difficile pour notre client. Nous sommes partie prenante en tant que

3 défenseurs de notre client.

4 Par conséquent, la question n'est pas tant le droit de

5 l'accusation à mener une enquête, ou s'il dispose de moyens de preuve pour

6 indiquer les personnes responsables.

7 M. le Président (interprétation). - Mais en l'espèce, la

8 possibilité qu'il y ait enquête sur votre client, dans l'éventualité d'une

9 accusation d'outrage au Tribunal, c'est bien la question qui se pose

10 aujourd'hui. Pour l'heure, l'accusation dit que l'enquête menée par le

11 Président du Tribunal n'a rien donné, mais qu'ils veulent se réserver le

12 droit de poursuivre l'enquête au cas où des moyens peuvent être

13 rassemblés. Vous, vous semblez dire que si une telle situation se

14 présentait, il y aurait pour vous conflit.

15 M. Jan (interprétation). - En tout état de cause, l'accusation,

16 dès qu'elle découvre quoique ce soit à l'encontre de votre accusé, va nous

17 en notifier. Par conséquent, pourquoi n'attendez-vous pas ? Si nous sommes

18 informés d'un élément de preuve, nous allons tout de suite en discuter

19 avec vous. Aussi, n'est-il pas prématuré d'abandonner maintenant puisque

20 rien n'a été prouvé jusqu'à présent. Pour autant qu'il y en ait, vous en

21 seriez aussi informé. Vous pourriez alors décider, au vu des choses.

22 M. le Président (interprétation). - De plus, votre devoir

23 demeure de le défendre, quelles que soient les accusations portées contre

24 lui. Il n'y a donc aucun conflit avec votre position de conseil de la

25 défense.

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1 Mme Odio-Benito (interprétation). - La Chambre de première

2 instance trouve clair, s'agissant de Me Residovic et de Me O'Sullivan,

3 qu'il n'y a aucune preuve d'une quelconque méconduite de leur part, ceci

4 selon les propres termes du Président Cassese dans son rapport.

5 L'accusation elle-même a dit qu'elle ne disposait d'aucun moyen

6 de preuve qui tendrait à montrer qu'il y ait quelconque participation des

7 conseils de la défense à un quelconque outrage. On ne suggère pas qu'il y

8 ait eu implication d'un conseil de la défense.

9 Pour la Chambre de première instance, tout est clair en ce qui

10 vous concerne, vous deux. Il n'y a aucun problème, rien ne s'oppose à ce

11 que vous poursuiviez votre tâche. La seule difficulté consiste à voir

12 quelle est la situation dans laquelle se trouve M. Delalic ; ceci bien sûr

13 toujours selon les termes du rapport du Président. Mais vous et M. le

14 professeur O'Sullivan n'avez aucun problème.

15 Mme Residovic (interprétation). - Nous revenons donc à la

16 question précédente qui était de savoir si, en tant que conseils, nous

17 devions veiller à éviter tout conflit d'intérêt afin qu'avec courage et

18 vigueur nous puissions défendre notre client dans le cadre d'un procès

19 juste et équitable. C'était notre position initiale que celle-là.

20 Il est possible que le problème ait pu être résolu par certains

21 des passages que vous venez de citer du rapport du Président et de la

22 réponse du Procureur. Mais si l'enquête se poursuit, il est difficile de

23 dire dès maintenant s'il n'y aura pas conflit d'intérêt et dans quelle

24 mesure à l'avenir.

25 Nous pensions dès lors, Madame et Messieurs les juges, au début

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1 de cette audience d'aujourd'hui, qu'il était clair que l'accusation devait

2 respecter un certain délai dans sa réponse qui nous permettrait de savoir

3 si certains soupçons pesaient sur l'un d'entre nous. Nous avions espéré

4 pouvoir poursuivre le procès sans plus tarder. Mais si l'enquête se

5 poursuit, il n'est jamais à exclure que l'on revienne à la situation

6 initiale.

7 Je ne sais pas si j'ai été suffisamment claire, mais je crois

8 que si une enquête se poursuit contre notre client, avec le risque qu'il

9 se trouve dans une situation, cela demeure un problème pour nous.

10 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas comment ceci

11 va pouvoir léser votre client et comment vous pourriez abandonner votre

12 client simplement parce qu'une enquête est menée contre lui ou qu'il y ait

13 éventuellement, à l'avenir, une procédure ou des moyens de preuve contre

14 lui, parce qu'il n'y a pas de procédure ouverte contre lui aujourd'hui.

15 L'accusation s'est contentée de dire qu'elle menait une enquête pour voir

16 s'il y avait des éléments de preuve à glaner. Aussi, je ne vois pas en

17 quoi réside votre conflit ni quelle est sa nature.

18 Vous êtes tenue, par votre devoir, de défendre votre client

19 puisque vous êtes son conseil.

20 Mme Residovic (interprétation). - Jamais nous n'avons dit devant

21 cette Cour que nous allions abandonner la défense de notre client. Ceci

22 est plutôt venu de la partie adverse. Nous continuons à le défendre

23 aujourd'hui et continueront demain sans aucune réserve, pour autant qu'il

24 n'y ait pas conflit d'intérêt. Nous poursuivons sa défense. Cette question

25 n'en a jamais été une entre nous.

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1 M. le Président (interprétation). - Donc vous n'abandonnez pas

2 votre client.

3 Mme McHenry (interprétation). - Permettez-moi d'apporter un

4 éclaircissement. Il n'y a pas de soupçons qui pèsent sur les conseils de

5 la défense. Pour que le compte rendu d'audience soit clair, Mme Residovic

6 a indiqué que son client n'est pas présent. Nous constatons -et nous

7 voulons le dire pour le compte rendu- que les trois autres accusées ont

8 renoncé à leur droit de comparaître.

9 M. Moran (interprétation). - Oui. Pour que tout soit clair

10 aussi, je voulais dire que mon client m'a autorisé à expliquer son absence

11 à l'audience aujourd'hui.

12 M. Greaves (interprétation). - J'ai essayé de me tenir coi tout

13 l'après-midi parce qu'un petit silence de M. Greaves de temps en temps, ce

14 n'est pas mauvais, mais j'abandonne. Je souscris à ce que disait mon

15 confrère Me Ackerman. Ceux d'entre nous qui quelque fois sont du côté de

16 l'accusation, dans leur pays respectifs, doivent quelquefois informer les

17 services des renseignements à trouver. J'espère que vous admettrez que

18 nous-mêmes sommes parfois procureurs et avons une certaine expérience

19 quant aux consignes à donner afin qu'une enquête soit menée avec diligence

20 et aboutisse rapidement.

21 Durant tout l'après-midi, j'ai essayé de voir qui, dans les

22 prochaines années, pourrait sortir du bois et donner quelque assistance

23 que ce soit au Procureur dans cette matière. Rares sont les endroits, si

24 je devais donner un conseil en matière d'enquête, où je pourrais vraiment

25 envoyer un enquêteur pour poser des questions.

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1 Bien sûr, on pourrait interviewer les conseils de la défense. Il

2 est probable que se faisant fort de leur droit au silence, ils ne diront

3 rien. On pourrait interroger l'accusé. Là aussi, il est probable qu'il

4 fera usage de son droit au silence ou qu'il dira fort peu de choses, voire

5 rien.

6 Il y a deux autres témoins potentiels. L'un d'entre eux a déjà

7 été entendu, il a affirmé ne pas pouvoir venir à La Haye parce qu'il a

8 perdu son passeport. C'est là un obstacle qu'il est possible de

9 contourner. On peut lui envoyer des papiers pour qu'il vienne à La Haye

10 relater les faits à sa façon.

11 L'autre personne qui éventuellement aurait des informations,

12 c'est le rédacteur en chef qui n'a pas encore été entendu. Rien

13 n'empêcherait que ce week-end, les enquêteurs du Bureau du Procureur

14 mettent la main sur cet homme et parlent avec lui.

15 Hormis ces personnes, je tente en vain de voir qui pourrait

16 fournir des éléments de preuve en la matière. J'ai peut-être oublié

17 quelqu'un, mais je suis sûr que l'accusation pourra citer le nom que j'ai

18 oublié. Comme le disait Me Ackerman, si vous êtes prêts à faire ceci,

19 Madame et Messieurs les juges, vous avez le droit de donner des consignes,

20 des instructions pour une enquête limitée et la limitant à l'intention de

21 l'accusation pour dire que si à telle date rien n'est prouvé, ce sera

22 fini. C'est la solution à tous les problèmes.

23 M. le Président (interprétation). - Maître Ostberg, quelles

24 sont vos réactions, pour mettre fin à ce dialogue ?

25 M. Ostberg (interprétation). - Des suggestions nous ont été

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1 faites pour que l'accusation boucle rapidement son enquête et pour que

2 nous parvenions à une décision définitive. J'ai essayé de faire part de

3 notre avis. Je dis que ce n'est pas possible.

4 Nombreuses sont les voies que l'on peut explorer et je ne suis

5 pas ici mandaté pour dire à la Chambre ou à la défense quelles sont les

6 questions cruciales à poser.

7 Bien sûr, la Chambre peut donner un délai, mais il m'est

8 impossible de faire quelque promesse que ce soit.

9 Je ne peux pas vous promettre de faire que ce que vous nous

10 dites de faire, car il y a d'autres choses à faire.

11 Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président, pour dire que

12 rien n'empêche la poursuite du procès. Nous campons sur notre position

13 initiale : ces deux questions sont bien distinctes.

14 Mme Residovic ne voit pas de conflit d'intérêt, du moins je

15 l'espère, et j'espère que nous pourrons mener dûment notre procès. C'est

16 bien le voeu que nourrit l'accusation.

17 M. le Président (interprétation). - Votre position est donc que

18 l'enquête sur la complicité de M. Delalic va plus loin que les seules

19 personnes connues à ce jour.

20 M. Ostberg (interprétation). - Effectivement.

21 Monsieur Delalic faisait partie des différentes personnes, il

22 n'est pas exclu que d'autres personnes soient concernées, mais il est

23 impossible de le prédire.

24 M. le Président (interprétation). - Vous voulez donc vous

25 réserver le droit de mener cette enquête sur deux semaines, deux mois,

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1 voire deux ans.

2 M. Ostberg (interprétation). - Eventuellement. C'est ce que j'ai

3 essayé de dire fort de mon expérience en tant que Procureur. Il n'est pas

4 possible de dire, aujourd'hui, que l'enquête est terminée.

5 M. le Président (interprétation). - Vous dites donc que

6 l'enquête porte toujours sur cette question.

7 M. Ostberg (interprétation). - Effectivement.

8 M. le Président (interprétation). - Je suis reconnaissant à

9 toutes les parties des différents avis exprimés pour aider la Chambre

10 d'instance à régler cette question.

11 J'ai commencé avec optimisme et je ne m'attendais pas à ce que

12 l'exposé des arguments, prenne autant de temps.

13 L'accusation nous dit que l'affaire n'est pas close et qu'il

14 reste encore une enquête à mener. Je suppose qu'elle a effectivement le

15 droit de mener cette enquête.

16 Je pense que la question n'est pas aussi simple qu'elle ne le

17 paraissait, il y a des incidences, des retards possibles et des

18 difficultés pourraient aussi surgir si les choses vont dans un sens qui

19 n'a pas été prévu.

20 Je pense que l'accusation fera en sorte que l'enquête, ceci dit,

21 soit menée le plus rapidement possible.

22 Je ne pense pas qu'il y aura un quelconque conflit d'intérêt

23 pour les conseils de M. Delalic puisqu'ils ont été disculpés et ce qu'il

24 convient de faire, pour les conseils de M. Delalic, c'est de défendre leur

25 client avec toute la vigueur possible.

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1 Je pense aussi qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'accusation de

2 retarder l'enquête sur les deux noms que l'on connaît et de disculper ces

3 personnes.

4 C'est une question qui découle du même incident et s'il y avait

5 des éléments incriminants contre M. Delalic, il faudrait que l'affaire

6 soit tranchée le plus rapidement possible pour que cette question ne reste

7 pas suspendue au-dessus de la tête de l'intéressé.

8 Pour ce qui est des avocats de la défense qui ont fait des

9 suggestions quant à la façon de procéder, c'est très utile et l'accusation

10 n'a pas à le prendre mal.

11 Il est tout à fait opportun que les conseils de la défense

12 fassent des suggestions quant à la marche à suivre, car parmi ces

13 conseils, peuvent se trouver des gens qui ont une grande expérience de ce

14 genre d'affaires et des solutions qu'il est possible d'y apporter.

15 A cet égard, je suis d'accord avec les conseils de la défense et

16 pour dire que plus tôt cette affaire sera réglée, mieux ce sera pour tout

17 le monde car l'image de l'accusation n'en sort pas grandie.

18 L'accusation a eu la possibilité de remettre tout élément de

19 preuve au Président quand celui-ci a mené son enquête ; vous avez aussi pu

20 formuler des suggestions et nous dire ce qu'il convenait de faire alors

21 que l'enquête était en cours. Pour l'instant, la Chambre de première

22 instance va lever l'audience jusqu'à demain 10 heures.

23 Je vous remercie.

24 L'audience est levée à 17 heures 33.

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